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Casa Editrice Leo S. Olschki s.r.l. is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend
access to Francofonia
Alessandro Corio
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Africains, Asiatiques etc.») de telle façon que toutes ces cultures qui
ne sont pas créoles apparaissent comme des blocs culturels statiques
et uniformes, exclus de tout processus dynamique de transformation
historique et détachés du continuum socio-culturel.
Cette vision essentialiste et discontinuiste du concept de «cultu-
re» a été radicalement déconstruite par une bonne partie de la pen-
sée critique de la deuxième moitié du XXe siècle, du post-structu-
ralisme aux théories postcoloniales, jusqu'à l'anthropologie critique.
Ces courants de la pensée contemporaine ont montré le caractère
inventif, processuel, performatif, nomade et politiquement straté-
gique des constructions identitaires, niant tout rapport essentiel et
fondateur entre culture, langue et territoire et adoptant une appro-
che constructiviste par rapport à celle que Jean-Loup Amselle ap-
pelle la «raison ethnologique».7
Beaucoup d'écrivains des Caraïbes, aussi, ont été très critiques à
l'égard du manifeste: Édouard Glissant,8 Maryse Condé9 et le prix
Nobel Derek Walcott, qui, dans un essai où il exprime un jugement
très positif sur le roman de Patrick Chamoiseau Texaco , souligne de
façon âpre et directe les limites rhétoriques du manifeste, en le défi-
nissant comme la manifestation d'une «francophonie caricaturale»:
ce libelle relevait de la tradition même qu'il entendait rejeter: celle de la
publication de manifestes. [...] Le manifeste semble s'être pris à son pro-
pre piège, entre le marteau de la foi et l'enclume de la syntaxe. [...] L'es-
thétique de la polémique, dont se nourrit le manifeste, n'est pas chose
inaccessible au créole, mais il n'en reste pas moins qu'elle est d'essence
académique, voire classique, à l'opposé des gestes - invisibles mais ima-
ginés - de Yoralité sinueuse, incantatoire, qui est le propre du créole. Le
manifeste prêche l'oralité, mais avec les accents solennels de la tribune, et
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non ceux du marché aux légumes, qu'il voudrait justement nous transmet-
tre. Rien n'est plus français que cette rhétorique si sûre d'elle, qui anime
tout le manifeste.10
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Et cela, non pas tant à la fin d'être la voix de ceux qui n'ont pas de voix,
que de parachever la voix collective qui tonne sans écoute dans notre être,
d'en participer lucidement et de l'écouter jusqu'à l'inévitable cristallisa-
tion d'une conscience commune. [...] Nous faisons corps avec notre mon-
de. Nous voulons, en vraie créolité, y nommer chaque chose et dire qu'elle
est belle. Voir la grandeur humaine des djobeurs. Saisir l'épaisseur de la vie
du Morne Pichevin. Comprendre le marché aux légumes. Élucider le fonc-
tionnement des conteurs. Réadmettre sans jugement nos «dor lis», nos «zom-
bis», nos «chouval-tw a-pat», « soukliyan ». Prendre langue avec nos bourgs,
nos villes. Explorer nos origines amérindiennes, indiennes, chinoises et le-
vantines, trouver leurs palpitations dans les battements de nos cœurs. En-
trer dans nos pitts, dans nos jeux de «grendé», dans toutes ces affaires de
vieux nègres à priori vulgaires. C'est par ce systématisme que se renforce-
ra la liberté de notre regard (EC, p. 40).
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emparer. Publiés au moment opportun comme celui des voyageurs, ils fon-
dent une histoire officielle: ici, le lent déclin du roman français épuisé par
les idéologues des années 70 et le sursaut magnifique de quelques dissi-
dents rejoints par les cultures du monde.18
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