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OURQUOI certains pays sont-ils riches, tandis que d’oeuvre qualifiée de leur pays d’origine ou leur nombre est-il
d’autres sont pauvres? Selon la théorie économique, trop faible pour que l’on s’en préoccupe? Hélas, la recherche
les différences de niveau d’études de la population d’une réponse à ces questions capitales se heurte vite à un obs-
constituent un élément de réponse important, et tacle de taille : il n’existe aucun système uniforme de statis-
l’amélioration des possibilités d’études devrait accroître les tiques sur le nombre et les caractéristiques des migrants inter-
revenus dans le monde en développement. Toutefois, dans nationaux. Par ailleurs, les pays d’origine ne recensent souvent
beaucoup de ces pays, si la rareté des travailleurs très instruits pas les caractéristiques des émigrants et, bien que certains pays
n’est guère contestable, il n’en est pas moins vrai que de nom- d’accueil le fassent, leurs définitions de l’immigration varient.
breux chercheurs, ingénieurs, médecins et autres cadres des Il est donc difficile de mesurer précisément le flux et le niveau
pays en développement travaillent au Canada, aux États-Unis d’études des immigrants. En outre, on ne dispose que depuis
et en Europe de l’Ouest. Souvent qualifié d’«exode des cer- peu des moyens de chiffrer le stock de diplômés dans chacun
veaux» lorsqu’il concerne des diplômés de l’enseignement su- des pays pourvoyeurs de matière grise.
périeur, ce phénomène remonte aux années 60 et représente
depuis lors une question épineuse dans le débat Nord–Sud. Estimation de l’exode des cerveaux
L’un des gros problèmes est que les investissements dans l’édu- En dépit du manque de données systématiques sur les migra-
cation effectués par un pays en développement n’accéléreront tions internationales, on peut évaluer le stock de migrants par
pas nécessairement la croissance économique si un grand niveau d’études dans les pays membres de l’OCDE à partir de
nombre de ses citoyens les plus instruits partent à l’étranger. En diverses sources de données. Quoique imparfaites à bien des
outre, les efforts pour pallier certaines pénuries de qualifica- égards, les estimations qui en découlent sont fort éclairantes
tions grâce à une amélioration des cursus risquent d’être vains sur l’ampleur de l’exode des cerveaux. L’étude dont s’inspire le
s’ils ne s’accompagnent pas de mesures encourageant les diplô- présent article (Carrington et Detragiache, 1998) porte sur
més de l’enseignement supérieur à rester dans le pays. l’émigration de 61 pays en développement qui représentent en-
Mais quelle est l’ampleur exacte de l’exode des cerveaux? viron 70 % de la population totale du monde en dévelop-
Quels sont les pays et les régions particulièrement atteints? Les pement. Faute de données, nous n’avons pas tenté d’évaluer
diplômés issus des pays en développement et vivant à l’étran- l’exode des cerveaux de l’ex-URSS et de l’Europe de l’Est, qui
ger représentent-ils une part importante du bassin de main- serait substantiel d’après des données empiriques, ni les migra-
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Source : Carrington et Detragiache (1998) Études primaires Études secondaires Études supérieures
tions entre pays en développement. Nous avons suivi une On soustrait en outre du groupe des diplômés de l’enseigne-
démarche en deux temps : tout d’abord, des estimations de ment supérieur nés à l’étranger tous les étudiants de deuxième
l’exode des cerveaux vers les États-Unis ont été réalisées à partir et troisième cycle des universités américaines, en utilisant les
des données du recensement américain de 1990 et d’autres données de l’Institute of International Education. Pour chaque
sources. Ensuite, nous nous sommes servis de ces estimations pays en développement de l’échantillon, on obtient le nombre
ainsi que des données sur les migrations vers les pays membres d’immigrants aux États-Unis relevant de chacune des trois ca-
de l’OCDE autres que les États-Unis, tirées du système de no- tégories. Afin d’évaluer l’ampleur de l’exode des cerveaux de
tification continue des migrations de l’OCDE, pour chiffrer chacun des pays considérés, il faut comparer ces estimations
l’exode des cerveaux vers tous les pays membres de cette orga- avec le nombre de personnes dans chacun de ces groupes qui
nisation. Si les estimations devraient être assez précises pour les restent dans leur pays d’origine. Pour ce faire, on ventile par
migrations vers les États-Unis (qui représentent 54,3 % du total niveau d’instruction la population de chaque pays en dévelop-
des migrations des pays en développement retenus dans notre pement de l’échantillon. Puisque aucune compilation statis-
échantillon vers les pays de l’OCDE), elles sont beaucoup plus tique systématique ne se prête aux comparaisons internatio-
approximatives lorsqu’il s’agit de l’exode des cerveaux vers tous nales, on recourt aux données récemment établies par Robert
les pays de l’OCDE. Barro et Jong-Wha Lee (Barro et Lee, 1993), qui fournissent les
Dans le recensement des États-Unis, on indique si les sondés meilleures estimations disponibles à ce jour sur le niveau d’ins-
sont d’origine étrangère et, le cas échéant, leur pays de nais- truction de la population âgée de plus de 25 ans, dans un vaste
sance; le nombre d’années d’études est aussi précisé pour cha- échantillon de pays.
cun d’entre eux. Si l’on fait abstraction de la population âgée de
moins de 25 ans par souci de compatibilité entre les données L’exode des cerveaux vers les États-Unis
sur le niveau d’instruction exposées ci-dessous, tous les indi- Dans les données sur les migrations vers les États-Unis, on re-
vidus recensés nés à l’étranger sont classés en trois grandes marque d’emblée que les flux d’immigrants n’ayant pas dépassé
catégories : études primaires (0 à 8 années de scolarité), secon- le primaire sont assez faibles, à la fois en chiffres absolus et rela-
daires (9 à 12 années) et supérieures (plus de douze années). tivement aux autres catégories d’études (environ 500.000 per-