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MASTER EPABEP

« Éducation et pédagogie adaptées aux besoins éducatifs particuliers »


Mémoire de 2ème année
Année universitaire 2020 - 2021

LE TEXTE LIBRE EN ULIS ÉCOLE


EXPÉRIMENTATION ET ANALYSE

Nathanaël DURIX

Directrice du mémoire : Sylvie PEREZ


Assesseure : Laure ROS

Soutenu le 27 août 2021


LE TEXTE LIBRE EN ULIS ÉCOLE
EXPÉRIMENTATION ET ANALYSE

SOMMAIRE

Introduction …................................................................................................................................ 1

1 Présentation de l'étude ................................................................................................................ 3


1.1 Mon contexte d'exercice professionnel ................................................................................ 3
1.1.1 Le cadre juridique de l'inclusion scolaire ................................................................. 3
1.1.2 L'Ulis de Ganges ...................................................................................................... 4
1.1.3 Ma pratique du français ............................................................................................ 6
1.2 L'objet d'étude et l'objectif du mémoire ................................................................................ 7
1.3 Des questionnements professionnels et scientifiques ......................................................... 8

2 Concepts scientifiques, pédagogiques et philosophiques ............................................. 10


2.1 A l'origine du texte libre ....................................................................................................... 10
2.1.1 Célestin Freinet et la méthode naturelle ................................................................. 10
2.1.2 Définition d'une pratique ........................................................................................ 11
2.1.3 Le texte libre aujourd'hui ........................................................................................ 17
2.2 Les processus cognitifs dans la production d'écrits .......................................................... 19
2.2.1 Les caractéristiques de l'activité rédactionnelle ......................................................19
2.2.2 Planifier son écriture ............................................................................................... 24
2.2.3 Mettre en texte ........................................................................................................ 27
2.2.4 Réviser sa production ............................................................................................. 29
2.3 Les ressorts de l'apprentissage motivé ................................................................................ 33
2.3.1 La motivation …..................................................................................................... 33
2.3.2 Les représentations et l'estime de soi ..................................................................... 36

3 Cadre théorique et méthodologique ................................................................................... 38


3.1 Le cadre théorique du mémoire ........................................................................................... 38
3.1.1 Le cours d'action et l'action située .......................................................................... 38
3.1.2 La recherche-action ................................................................................................ 39
3.1.3 L'auto-explicitation ................................................................................................. 39
3.2 La méthodologie mise en œuvre .......................................................................................... 40
3.2.1 Les participants à l'étude ........................................................................................ 40
3.2.2 La séquence du texte libre ...................................................................................... 42
3.3 Le recueil de données et les traces d'activité ..................................................................... 47
3.3.1 Les données statistiques ......................................................................................... 48
3.3.2 Les monographies et cahiers d'écrivain .................................................................. 49
3.3.3 Les partages et échanges extérieurs ........................................................................ 50

4 Résultats et discussion ............................................................................................................... 52


4.1 Mes postures et ajustements de pédagogue ........................................................................ 52
4.1.1 Accompagner l'écriture ........................................................................................... 53
4.1.2 Conduire les présentations et le vote ...................................................................... 57
4.1.3 Gérer la mise au point de texte ............................................................................... 61
4.1.4 Provoquer l'ouverture ............................................................................................. 65
4.2 L'apport des concepts à mon étude ...................................................................................... 67
4.2.1 Du texte libre selon Freinet ..................................................................................... 67
4.2.2 De l'activité rédactionnelle ..................................................................................... 69
4.2.3 De la motivation ......................................................................................................72

5 Perspectives d'évolution ............................................................................................................ 75

Conclusion ......................................................................................................................................... 79

Bibliographie .................................................................................................................................... 81

Annexes .............................................................................................................................................. 86
Introduction

Bien au delà du simple objectif d'enseigner des savoirs, l'école a pour mission d'accompagner les
élèves vers leur devenir d'adulte citoyen, responsable, autonome et capable. Cela est un défi d'autant
plus grand et plus important pour les personnes en situation de handicap qui sont souvent en marge
de la société. En effet, notre société peine à les reconnaître comme des citoyens à part entière et ce
« déni de reconnaissance, [cette] indifférence et [ce] mépris sont un chevalet de torture. Les
personnes en situation de handicap connaissent ce poison contre lequel nul n'est jamais immunisé. »
(Gardou Ch., 2012, p.75)

Heureusement, le paradigme change et les mentalités évoluent, notamment par les effets de
l'inclusion scolaire à l'œuvre depuis plus de quinze ans. L'élève en situation de handicap accède
progressivement à une scolarité possible pour lui. En effet, comme l'exprime bien la locution « en
situation de handicap », ce n'est pas la personne, ni l'enfant, ni l'élève qui « porte un handicap » dont
il aurait la charge comme un fardeau, une malédiction tirée à la loterie génétique mais c'est bien la
société, l'environnement, la situation qui eux-mêmes handicapent la personne par leur incapacité à
reconnaître les besoins spécifiques et à s'y adapter.

Ainsi dans l'Ulis-école (Unité localisée pour l'inclusion scolaire, ci-après dénommé Ulis) que je
coordonne, je développe une approche par l'individu et ses besoins et non par le trouble, la
pathologie et ses caractéristiques. Il s'agit pour moi et mes collègues d'accueillir l'enfant, l'élève, tel
qu'il est et de mettre en œuvre toutes les adaptations et compensations possibles pour qu'in fine,
l'école inclusive ne mette plus un élève à besoin éducatif particulier en situation de handicap. Ainsi,
l'élève apprend dans un environnement adapté gommant en partie les limitations de ses capacités à
progresser.

L'apprentissage du lire-écrire fait partie des fondamentaux qui aidera grandement l'élève à acquérir
l'autonomie suffisante à une inclusion réussie dans la société. C'est pourquoi, j'ai choisi de travailler
particulièrement cet aspect auprès des élèves fréquentant l'Ulis. J'y ajoute une ambition
pédagogique et éducative qui porte le processus bien plus loin que la dimension techniciste,
néanmoins essentielle, du savoir lire et écrire. Avec la pratique du texte libre, mon souhait est que
ces élèves se propulsent au statut d'auteurs en étant reconnus comme tels et renforcent ainsi leur
estime de soi telle une armure solide pour évoluer dans un monde qui n'est pas toujours bienveillant
à leur égard. Avoir sa place dans la société comme tout un chacun, comme l'exprime Charles
Gardou : « Être reconnu, c'est se voir attribuer une place, une valeur, en tant que contributeur à la
vie collective. Le désir d'estime sociale, qui fonde l'estime de soi, définit l'homme. » (p. 74)

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C'est donc par ce double prisme pédagogique et éducatif que je me suis lancé, en tant que
professeur des écoles spécialisé, dans l'expérimentation de la production d'écrits par le texte libre à
l'Ulis pendant ces trois dernières années.

En vue d'analyser cette expérimentation pédagogique au travers de ce mémoire, je vais tout d'abord
établir un panel des connaissances et des concepts-clé en relation avec les questionnements suscités
par cette pratique. Celui-ci se fera à la lumière d'une revue de littérature spécifique, en prenant en
compte dans un premier temps les bases philosophiques et pédagogiques autour de la pédagogie
Freinet qui a initiée la méthode du texte libre, puis en portant un regard sur les recherches
scientifiques au sujet des processus cognitifs à l'œuvre dans la production d'écrits ainsi que sur les
théories de l'apprentissage et de la motivation. Ensuite, je présenterai le cadre théorique de cette
étude ainsi que la méthodologie mise en place pour la réaliser avec ses différents recueils de
données. J'aborderai après les résultats de cette expérimentation en terme d'ajustements de postures
professionnelles face aux différentes situations s’étant présentées. Puis je mènerai une approche
dialectique entre le cadre conceptuel et le vécu de terrain qui me permettra d'une part de mieux
comprendre cette expérimentation et d'autre part d'en retirer des éléments saillants. Enfin, ce travail
d'analyse fine et de dialogue fécond offrira des perspectives d'évolution de ma pratique
professionnelle.

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1 Présentation de l'étude

L'étude relatée dans ce mémoire prend corps dans un cadre professionnel que je précise ici avant de
définir les contours de l'objet d'étude lui-même avec les questionnements professionnels et
scientifiques qu'il soulève.

1.1 Mon contexte d'exercice professionnel

1.1.1 Le cadre juridique de l'inclusion scolaire

Concernant les élèves scolarisés en Ulis, deux lois fixent un cadre fondamental à leur parcours
scolaire. La première, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées du 12 février 2005, reconnait à chaque enfant relevant du handicap le
droit d’être inscrit en milieu scolaire ordinaire :

« Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école
ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son
établissement de référence.»

et la seconde, la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005,


détermine ce que les élèves doivent avoir acquis à l'issue de la scolarité obligatoire avec le Socle
commun de connaissances, de compétences et de culture (complétée par le décret du 31 mars 2015).

L'Ulis en particulier est définie par la circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015. Cette circulaire enterre
les anciennes Clis (Classe pour l'inclusion scolaire) créées initialement en 1991 sous la
dénomination classe pour l'intégration scolaire. Le virage pour une inclusion dans des classes de
référence, soit les classes ordinaires (appelées classes d'inclusion dans ce mémoire), est total avec
l'arrivée de l'Ulis. En effet, il ne s'agit plus d'une classe en tant que telle mais d'un dispositif animant
cette inclusion des élèves en situation de handicap. Comme le précise, la circulaire ce n'est plus un
professeur qui a en charge l'Ulis mais un coordonnateur : « L'enseignant affecté sur le dispositif est
nommé coordonnateur de l'Ulis. Cette fonction est assurée par un enseignant spécialisé […] » Ses
missions sont tripartites : enseigner, coordonner, conseiller :

« - l'enseignement aux élèves lors des temps de regroupement au sein de l'Ulis ;

- la coordination de l'Ulis et les relations avec les partenaires extérieurs ;

- le conseil à la communauté éducative en qualité de personne ressource. »

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Une dimension classe est donc toujours présente puisque les élèves sont, en fonction de leur projet
pédagogique individualisé (PPI), plus ou moins en classe d'inclusion et plus ou moins en
regroupement à l'Ulis. C'est au coordonnateur de définir ce PPI en lien avec l'équipe de l'école et en
théorie selon les préconisations données par la commission pluridisciplinaire de la maison
départementale de l'autonomie (MDA, ex MDPH, maison départementale des personnes
handicapées) et écrites dans un document prévu par la loi mais qui, dans l'Hérault, n'existe pas : le
projet personnalisé de scolarisation (PPS).

1.1.2 L'Ulis de Ganges

Elle se situe au sein de l'école primaire publique La Marianne à Ganges dans le nord de l’Hérault.
Cette école compte 16 classes, de la TPS au CM2, ainsi qu'un RASED complet (réseau d’aides
spécialisées aux élèves en difficulté) comprenant deux enseignants spécialisés et une psychologue
de l'Éducation Nationale.

Des élèves à besoins éducatifs particuliers

Les élèves intégrant une Ulis font partie de la grande nébuleuse des élèves dits à besoins éducatifs
particuliers dans laquelle on regroupe également les élèves à troubles des apprentissages dits
« dys », les allophones, les primo-arrivants, les élèves en grande difficulté scolaire, les élèves dits à
haut potentiel, …

En ce qui concerne l'Ulis, les élèves sont au nombre maximum de 12 et sont pour la plupart
répertoriés dans les Troubles des Fonctions Cognitives. Le dispositif accueille aussi des élèves
catégorisés dans les Troubles des Fonctions Motrices, les Troubles Spécifiques du Langage, ou
encore les Troubles du Spectre Autistique. À part des généralités sur ces troubles, je n'ai pas
d'informations particulières, hormis celles que me transmettent parfois les parents, du fait de
l'absence de PPS.

J'apprends donc à connaitre mes élèves progressivement et à mettre en place des adaptations
pédagogiques mais aussi éducatives et physiologiques appropriées au fur et à mesure. Toujours est-
il que des constantes se dégagent. Le temps d'attention et la capacité de concentration sont bien
souvent très faibles, au côté d'une grande fatigabilité. Les fonctions exécutives, qui sont des
processus cognitifs de haut-niveau tels que la flexibilité, l’inhibition, la mémoire de travail sont bien

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souvent déficitaires. Ces dysfonctionnements se cumulent parfois à des difficultés motrices, à de
l'hyperactivité et à de l’hypersensibilité. Plus d'un tiers de mes élèves prennent des médicaments,
contenant la molécule de méthylphénidate visant à traiter les troubles du déficit de l'attention avec
ou sans hyperactivité (TDAH).

Je dois donc travailler au plus près des besoins et des capacités de ces élèves. Le niveau scolaire des
douze élèves de l'Ulis est extrêmement hétérogène, il s'étend de la Moyenne Section au CM2. Le
travail se passe en général en relation duelle ou en tout petit groupe. Des tâches sont effectuées en
grand groupe mais nécessitent quand même un accompagnement individuel car ils sont peu
autonomes et ne réagissent pas beaucoup aux consignes collectives. J’utilise beaucoup la
manipulation, le travail concret et l'appui sur des exemples tant la conceptualisation et l'abstraction
sont des domaines compliqués pour eux. Ces élèves ont parfois des blocages cognitifs et/ou
émotionnels les empêchant temporairement de travailler. Les relations sociales sont en général
bonnes entre élèves mais avec des interactions parfois inappropriées sur lesquelles il faut
retravailler. Pour finir, les élèves arrivent dans le dispositif Ulis avec un assez grand manque de
confiance en eux et une estime d'eux-mêmes souvent dégradée.

Une équipe d'adultes accompagnateurs

L'enseignant-coordonnateur de l'Ulis ne travaille pas seul. Légalement l'Ulis dispose d'une AESH-
co (Accompagnante des Élèves en Situation de Handicap – collective) à plein temps (24h
hebdomadaire). Parfois, et j’ai cette chance, les mairies ou communautés de communes mettent à
disposition une ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles). L'ATSEM de l'Ulis
de Ganges est à temps partiel sur la classe (tous les matins + une après-midi et tous les repas de
midi). Nous sommes donc 3 adultes à intervenir et à accompagner les élèves. En tant qu'enseignant-
coordonnateur, j'ai la charge de définir le fonctionnement du dispositif, l'emploi du temps des élèves
et le contenu des apprentissages. Il m'incombe également de préciser les tâches de mes deux
collègues. Être trois n'est pas un luxe mais une nécessité pour répondre correctement aux forts
besoins d'accompagnement de ces élèves. Mes deux collègues ne sont pas formées ou très peu. Elles
apprennent essentiellement les rudiments de l'accompagnement pédagogique sur le tas et avec les
informations que je peux leur transmettre de temps à autres ; elles se bâtissent progressivement de
réelles compétences en pédagogie. Elles interviennent sur toutes les séances du texte libre,
notamment sur la séance de production d’écrits où les élèves sont systématiquement supervisés par
un adulte. L’accompagnement de mes deux collègues est alors forcément différent du mien même si

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je les guide dans la manière dont je souhaite que cette tâche soit réalisée.

1.1.3 Ma pratique du français

Un choix pédagogique

Ma pratique du texte libre part tout d'abord d'une insatisfaction pédagogique. En effet, j'étais assez
mécontent de l'approche très parcellaire, individualiste et dénuée de sens de mon enseignement du
lire-écrire lors de ma première expérience à l'Ulis de Clermont l'Hérault. Autant il me semblait
facile de réunir au moins en groupe les élèves autour de jeux mathématiques sur lequel j’appliquais
une forte différenciation, autant pour le français cela ne paraissait pas évident vu le grand écart
entre un élève apprenti lecteur de début CP et un bon lecteur-scripteur de fin CE2.

Avant de commencer l'année scolaire dans une nouvelle Ulis, celle de Ganges, il s'agissait pour moi
de trouver un dispositif du lire-écrire qui offre la possibilité d'une différenciation poussée, qui
instaure une unité cohérente et rassurante, qui valorise le travail fourni et fasse sens. Je l'ai trouvé
après plusieurs observations de classe dans l'Ulis de Bertrand Cabioch, enseignant spécialisé à
l'école César Vinas de Lodève, au travers de la pratique du texte libre. J'ai donc choisi
d’expérimenter la production d'écrits comme colonne vertébrale de l'apprentissage du lire-écrire en
mettant en œuvre cette pratique du texte libre.

Les instructions officielles

Bien que travaillant dans un contexte particulier, je suis soumis aux mêmes instructions officielles
que tout professeur quant aux contenus à enseigner aux élèves. En effet, en préambule du décret de
2015 actualisant le socle suite à la loi de refondation de 2013, il est exprimé le fait que les
acquisitions de fin de scolarité concerne tous les élèves :

« Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture présente ce que tout élève doit savoir et
maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Il rassemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes
nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d'individu et de futur citoyen. »

Cette contrainte est d’autant plus forte que le « tout élève » de cet objectif politique national inclut
de facto les élèves relevant du handicap.

Le choix pédagogique que j'ai fait avec la production de textes libres rentre bien dans les directives

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officielles. Parmi les 5 domaines visés par le Socle commun, la nécessaire capacité à produire des
textes apparait clairement au début du Domaine 1 : Les langages pour penser et communiquer.

« Comprendre, s'exprimer en utilisant la langue française à l'oral et à l'écrit […] L'élève s'exprime à l'écrit pour
raconter, décrire, expliquer ou argumenter de façon claire et organisée. Lorsque c'est nécessaire, il reprend ses
écrits pour rechercher la formulation qui convient le mieux et préciser ses intentions et sa pensée. Il utilise à bon
escient les principales règles grammaticales et orthographiques. Il emploie à l'écrit comme à l'oral un vocabulaire
juste et précis. »

Bien que le spectre des compétences et capacités des élèves accueillis dans le dispositif Ulis de
Ganges couvre quasiment tous les niveaux scolaires de l'école primaire, la plupart des compétences
travaillées correspondent à celles du cycle 2. Les dernières instructions données par le Ministère
pour ce cycle au sein du programme scolaire du 30 juillet 2020, réitèrent l'objectif de faire produire
des textes aux élèves, jusqu'à une demi-page, comme le précise les attendus de fin de cycle :

« Rédiger un texte d’environ une demi-page, cohérent, organisé, ponctué, pertinent par rapport à la visée et au
destinataire. Améliorer un texte, notamment son orthographe, en tenant compte d’indications. »

Ces programmes scolaires du cycle 2 donne des exemples de situations, d’activités et d’outils pour
l’élève. On y trouve notamment l'évocation d'écrits courts qui correspondent bien à ce qui est
pratiqué avec la production de textes libres :

« Des écrits courts. Un écrit court est un texte individuel d’élève, d’une à cinq ligne(s), rédigé dans le cadre
d’une situation motivante. C'est un écrit porteur de sens, qui se suffit à lui-même. »

Enfin, il y est également précisé qu'il « n’est pas nécessaire d’être lecteur pour commencer à écrire
[…] »

Le contexte ainsi posé laisse maintenant l'ouverture à la définition du travail de recherche proposé
par le présent mémoire.

1.2 L'objet d'étude et l'objectif du mémoire

Mon objet d'étude est donc l’expérimentation d'un dispositif pédagogique de production d'écrits en
cours de fonctionnement depuis trois ans, le texte libre, au sein de l'Ulis que je coordonne.

L'objectif de ce mémoire est de relater et d'analyser cette expérimentation pédagogique du point de


vue des participants (élèves et enseignant) afin de mieux comprendre et identifier les gestes et

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postures professionnels réalisés. Enfin, en prenant appui sur ces observations et sur les éclairages
apportés par les concepts scientifiques et didactiques, ce travail de recherche m'amènera à définir
des perspectives d’évolution concrète de ma pratique professionnelle.

Pour cela, il m'est nécessaire de m'accorder un temps de pause introspectif dans l'agir professionnel
me permettant d'observer ce qui se passe en classe et ce que j'y fais en tant que pédagogue. Réaliser
cette étude m'offre ce moment suspendu si précieux pour le développement de mes compétences de
professeur.

1.3 Des questionnements professionnels et scientifiques

Afin de traiter mon objet d'étude, des questions sont soulevées dans divers registres. Certaines
appartiennent au domaine professionnel car elles concernent la pratique du métier d'enseignant dans
ses gestes, postures et savoirs. Les autres questionnements relèvent des sciences de la didactique, de
l'apprentissage et du comportement ainsi que des neurosciences.

Les questionnements professionnels

Mon collègue Bertrand Cabioch, qui a inspiré ma pratique, a lui-même tirée la sienne des préceptes
de la pédagogie définie par Célestin Freinet et des pédagogues du mouvement de l'Ecole Moderne
qui m'étaient pour la plupart inconnus. Ainsi, mon premier questionnement s'articule autour de ce
besoin d'information :

→ Quels sont les objectifs pédagogiques et les modalités pratiques de mise en œuvre du texte libre
selon la pédagogie Freinet ?

Depuis trois ans, en fonction des arrivées et départs du dispositif Ulis et du régime d'inclusion, les
élèves pratiquent ou ont pratiqué le texte libre pendant une durée plus ou moins longue. Les
observations sur les attitudes et les évolutions individuelles de ces élèves vivant cette méthode
constituent un riche matériau potentiel à analyser, ce qui amène ma seconde interrogation :

→ Comment les élèves de l'Ulis ont-ils vécu ce dispositif pédagogique durant ces trois années ?

Entre mes intentions pédagogiques initiales, leur mise en œuvre effective dans le temps, les
spécificités individuelles des élèves et leurs réactions ainsi que mon propre cheminement
professionnel, j'ai procédé à des adaptations de la séquence ainsi qu'à des changements de posture

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professionnelle de manière explicite ou non. Cela fait l'objet d'une autre problématique à explorer
qui est analysée en tant que résultats de l'expérimentation pédagogique :

→ Quelles ont été mes changements de postures et les adaptations professionnelles mis en œuvre ?

Les questionnements scientifiques

L'histoire contée à l'adulte-scribe ou celle couchée sur papier par l'élève lui-même ne sont que les
parties émergées de l'iceberg de la création littéraire. Un ensemble de tâches et de procédure
invisibles sont réquisitionnées lorsqu'un écrit est produit. C'est un domaine qui n'est pas pleinement
maitrisé par le professeur des écoles et qui pourtant revêt une importance non négligeable pour sa
pédagogie. Cette terra incognita pour moi est un sujet qui se doit d'être examinée pour mieux
comprendre et analyser ce que vivent mes élèves :

→ Quels sont les processus cognitifs à l'œuvre lorsqu'un élève se lance dans une production
d'écrits ?

L'une des intentions de la mise en œuvre de la séquence du texte libre est d'offrir aux élèves une
démarche qui donne du sens à écrire et qui ainsi les motive à réaliser les apprentissages du français
à l'école. Il m'est donc nécessaire de m'interroger sur les ressorts de cette possible émulation :

→ Quels sont les moteurs de la motivation à se lancer dans une tâche d'apprentissage ?

Ces trois interrogations professionnelles et ces deux questions scientifiques mènent à un ultime
questionnement global sur la visée du processus mis en oeuvre : En quoi la séquence du texte libre
expérimentée à l'Ulis est-elle pertinente et efficace pour amener les élèves à produire de l'écrit ?

Des réponses seront apportées à ces questionnements dans les différentes parties de ce mémoire :
dans la revue de littérature scientifique et pédagogique, au sein du recueil de données, à travers
l'analyse des résultats et parmi les éléments soulevés lors de la discussion avec les concepts.

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2 Concepts scientifiques, pédagogiques et philosophiques

La revue de littérature qui suit apporte un socle solide à la fois historique, philosophique et
pédagogique et surtout scientifique à l'étude menée dans ce mémoire. Les contenus issus des trois
parties de cette revue apportent des réponses à plusieurs des questionnements soulevés et servent de
terreau à la réflexion et à l'analyse de l'agir professionnel.

2.1 A l'origine du texte libre

Dans le but de mieux comprendre et analyser ma propre pratique de classe du texte libre, il parait
nécessaire d'étudier au préalable les fondements de cette technique.

Dans un premier temps, je retracerai le contexte qui a amené Célestin Freinet à expérimenter cette
approche pédagogique. Ensuite je ferai état des différentes dimensions qui définissent le texte libre
et enfin, mon regard se portera vers les praticiens plus contemporains qui continuent à s'interroger
et à expérimenter.

2.1.1 Célestin Freinet et la méthode naturelle

Célestin Freinet, né le 15 octobre 1896 et mort à l'âge de 69 ans, militant politique et syndical, a été
instituteur et créateur de la pédagogie portant son nom. Il est à l’origine de l'Institut coopératif de
l'école moderne (ICEM), créé en 1947, qui réunit les enseignants œuvrant dans le champ de la
pédagogie Freinet.

Son approche pédagogique est basée sur un tâtonnement expérimental qu'il baptisera « La méthode
naturelle » (Freinet C., 1968). Cette méthode d'apprentissage est pour Célestin Freinet la synthèse
de ses intuitions, expérimentations et convictions de tous ordres. Selon le philosophe Nicolas Go :

Elle organise la rencontre des processus individuels dans le contexte social et politique de la coopération, elle
concrétise les principes philosophiques d’une éducation à la sagesse, que Freinet a présentée dans son œuvre
majeure, L’Éducation du travail. (2009, p. 1)

Les fondements essentiels de la « méthode naturelle » sont au nombre de quatre (Go N., 2009, p. 7).

1- l'être humain, et donc l'enfant, est mu par un élan naturel de vie qui le pousse à créer, se
questionner, s’intéresser …

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2- ce « principe de vie » s'épanouit dans le rapport et l'échange à l'autre. ce sont les dimensions
sociale et communicationnelle.

3- l’expérimentation et le tâtonnement sont les guides de cet élan de vie qui s'appuie sur les
réussites.

4- c'est par le contact avec un « milieu vivant et coopératif » que ce processus prend de l'ampleur et
de la consistance.

Cette « méthode naturelle » est donc le fer de lance du « renouveau pédagogique » initié par Freinet
(1970, p. 27). Il est issu d'un faisceau de causes diverses qui l'amèneront à expérimenter puis à
théoriser sa pratique. Blessé grièvement au poumon durant la première guerre mondiale, Freinet en
gardera toute sa vie un handicap sévère. Pierre Clanché, enseignant-chercheur à l'Université de
Bordeaux II, relèvera que l'incapacité vocale partielle de Freinet fut un des moteurs que le mènera à
inventer une autre forme de travail en classe :

Freinet étouffe physiquement dans sa classe. Il est incapable de hausser suffisamment la voix pour obtenir le
silence et il se plaira tout au long de sa vie à répondre, quand on lui demandera comment il a amorcé sa
« révolution pédagogique », que c'est parce qu'il n'avait pas les moyens physiques de faire sa classe comme les
autres qu'il l'a faite différemment. (1976, p. 24)

2.1.2 Définition d'une pratique

La philosophie sous-jacente

Considérée comme la pierre d'angle de la pédagogie Freinet, la pratique du texte libre s'insère selon
son créateur dans un ensemble de techniques indissociables d'expression libre (dessin, musique, arts
dramatiques, ...), d'organisation et de vie coopérative (conseils, débats, ...), d'analyse du milieu
(classe promenade, enquêtes, …) et enfin de communication (journal, imprimerie, correspondance
scolaire, …)

Pourtant, Célestin Freinet n'a pas inventé le texte libre de manière monolithique au début de sa
carrière d'enseignant dans les années 20. Il a avancé par tâtonnement pédagogique et par
observation. Ses premiers écrits formalisant sa pratique du texte libre ne paraitront qu'assez
tardivement en 1947 dans la Brochure d'Éducation Nouvelle Populaire n°25.

Avec ses premiers essais de rédaction de texte libre par ses élèves, Freinet réalise qu'il tient là une
méthode qui s'avère féconde :

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Ma trouvaille […] si naturelle et de bon sens - a été de me persuader que […] l'enfant était capable de produire
ainsi des textes valables, dignes d'influencer notre scolastique. (1970, p. 21)

Progressivement il dresse les contours de cette pratique. Par le texte libre, l’enfant se raconte et
raconte sa vie. Dans la logique de sa « méthode naturelle », le texte libre est un lien, une porte
ouverte entre le vécu de l’enfant et l'école. Un certain cloisonnement entre ces deux espaces
s'atténue et une circulation d’informations se met en place. Freinet estime ainsi rétablir « l’unité de
vie de l'enfant » (1960, p. 7) et éviter qu'il ne délaisse une partie de lui-même à l'entrée de l'école. Il
y voit même un sens profond pour l'école nouvelle à laquelle il aspire :

La tendance naturelle des enfants et des maîtres qui se lancent dans le texte libre, c'est de raconter les
événements de leur vie, ceux du village ou du quartier, les aventures des vacances ou les sorties du dimanche.
Nous retrouvons ainsi l'enfant dans son milieu, nous pénétrons, par la vie, les cheminements profonds de ses
intérêts, la réalité du monde qui vibre autour de lui. Nous n'avons plus recours, pour notre enseignement, à des
éléments extérieurs sans résonance, plaqués sur nos vies, avec leurs données étrangères à nos soucis, mal
connues et faussement interprétées. Nous donnons à l'école une filiation ; nous lui créons une atmosphère. Nous
la raccrochons à la vie. (1960, p. 19)

La motivation par le partage et l'échange

Ces écrits de vécus d'enfants reviennent alors vers l'extérieur de l'école :

Le texte libre devenait page de vie qui était communiquée aux parents et transmise aux correspondants. nous
avions là une puissante motivation qui allait aiguillonner l'expression libre chez nos élèves. (Freinet C., 1970, P.
34)

Le sujet de la motivation évoquée dans cet extrait est un des piliers de la pratique du texte libre
selon Freinet. Le moteur de l'écriture provient de cet horizon de communication et de partages
extérieurs que sont le journal scolaire et la correspondance interclasse :

Sans ces appuis naturels, l'enfant a l'impression de faire un travail gratuit qui lui rappelle les rédactions scolaires.
Le charme n'y est plus. L'enfant n'éprouve pas le besoin d'écrire. (Freinet C., 1970, p. 34)

C'est pourquoi Freinet introduira très tôt dans sa classe le matériel de reproduction de l'imprimerie
afin de pouvoir rendre effectif cette dimension socialisante et communicationnelle inhérente au
texte libre. Il conseillera aux enseignants débutant le texte libre de s'équiper sans tarder d'un
limographe ou d'une imprimerie.

Intégrer les textes produits par les élèves dans une structure de diffusion (présentation, journal,
correspondance, …) « apporte un ancrage social à l'acte d'écrire » . (Roycourt, D. et Crouzet, R.,

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1988, p. 28). Cette communication vers l'extérieur porte ainsi encore plus loin la dimension d'auteur
à laquelle accèdent les élèves avec la publication de leurs textes libres. « Si les enfants sont fiers de
leur œuvre c'est qu'ils ont conscience d'en être vraiment les auteurs [...] » (Freinet C., 1960, p. 17).

Le philosophe et professeur Alain Vergnioux ajoute au sujet de la motivation à écrire que cette
dernière s'exprime pour l'enfant « de façon interne (l'expression de soi) ou de façon externe (il est
adressé à un correspondant) » (2001, p. 157). Pierre Clanché, quant à lui, pousse plus loin le rapport
dialectique en empruntant le langage et les réflexions du philosophe Roland Barthes. Ce dernier
distingue ainsi deux postures face à l'écriture : « l'écrivain » et « l'écrivant ». « Pour l'écrivain, écrire
est un verbe intransitif. Les écrivants sont des hommes transitifs ; ils posent une fin (témoigner,
expliquer, enseigner) dont la parole n'est qu'un moyen » (Barthes R., 1964, p. 152). Clanché
s'interroge alors sur le positionnement du producteur de texte libre face à ces deux intentions
d'écriture. Il signale que de prime abord, l'enfant se situe plutôt en tant qu'écrivant car « il écrit-
pour-raconter » (1976, p. 93), pour être lu. « Pour l'écrivant, l'activité d'écriture est immédiate […],
elle vise à exprimer sans retard ce qu'il pense, elle est un outil » (Vergnioux A., 2001, p. 158). Mais
cela n'est pas si simple, comme l'exprime Clanché. En effet, subtilement l'enfant bascule aussi vers
le simple fait de raconter des histoires pour le plaisir et « pénètre subrepticement dans le cercle de
l'écriture intransitive » (1976, p. 93). Il conclut que l'enfant, producteur de texte libre, appartient
donc un peu aux deux mondes : « C'est en incitant l'enfant à l'écrivance, que le texte libre permet
l'accès à l'écriture » (1988, p. 35)

Liberté et accompagnement

Un des préalables à cette production d'écrits est que « le texte libre doit être vraiment libre »
(Freinet C., 1960, p. 5). Au delà du choix libre du sujet, ce qui, pour Freinet est déjà le cas dans la
pratique de l'époque avec la rédaction à sujet libre, le temps, le moment d'écrire doit être pleinement
libre lui-aussi. En effet, Freinet insiste pour que l'enfant puisse coucher sur papier ce qu'il souhaite
au moment où cela lui vient spontanément. Le principe est de laisser jaillir ce qui bouillonne en lui
sans contrainte d'espace ni d'horaire.

L'enfant écrira son texte spontané sur un coin de la table le soir ; sur ses genoux, en écoutant parler la grand-
mère qui ressuscite pour lui les histoires étonnantes du temps passé ; sur le cartable, avant d'entrer en classe et
aussi, naturellement, pendant les heures de travail libre que nous réservons dans notre emploi du temps. (Freinet
C., 1960, p. 5)

Cette irruption spontanée d'écrit n'est pas forcément et directement accessible à tous les enfants.

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L'angoisse de la page blanche ou le fait de ne pas savoir, ne pas oser, ne pas s'autoriser à écrire est
une réalité que Freinet n'omet pas : « Il appartient à l’instituteur d'encourager et d'aider les hésitants,
ceux qui ont comme une sorte de vie et de pensée secrète qui refusent de se livrer » (1960, p.10).
Cet accompagnement de l’enseignant peut prendre une part importante pour des élèves débutants :

Au début, il ne faut pas craindre avec les débutants, avec ceux qui, pour diverses raisons, s'expriment
difficilement, d'apporter une large part du maître, parfois même 80%. L'essentiel est que l'enfant ait le sentiment
que ce sont ses pensées et ses idées à lui, que ce qui est écrit, c'est lui qui l'a dit. (Freinet C., 1960, p. 9)

Denis Roycourt et Roger Crouzet, dans leur dossier Pourquoi? Comment ? Le texte libre (1988)
évoque l'utilisation d' « outils incitateurs » (p.23) afin d'aider à l'écriture des élèves rétifs à se
lancer :

Il est souhaitable que des enfants qui commencent à éprouver l'envie d'écrire mais sont encore victimes de leurs
blocages puissent avoir recours à des documents incitateurs à l'écriture : documents porteurs de stimulations
visuelles et/ou auditives et/ou littéraires... Dans ce cas, il ne s'agit pas encore de textes libres mais la pratique
libre de ces productions écrites socialisées va habituer l'enfant à rédiger ses idées et à présenter son travail aux
autres.

Pour la pratique de langue

En fonction de l'âge et de la capacité des élèves, Freinet évoque le texte libre oral ou le texte libre
écrit. Quoiqu'il arrive, il insiste sur le fait que le texte libre est le départ et le centre du travail
scolaire sur la langue française. C'est à dire que le reste de l'apprentissage du français se doit d'être
en lien direct avec la production d’écrits issue du texte libre. « Les textes composés par les enfants
seront aussi les premiers supports pédagogiques de tous les apprentissages : les manuels sont
congédiés » (Vergnioux A., 2001, p.154)

Tout en se méfiant de « la tendance à scolastiser le texte libre, c'est-à-dire à en asservir l'inspiration


et la fantaisie au rythme de la classe » (Freinet C., 1960, p. 9), Freinet stipule bien que même si
l'expression est libre, elle « doit être déjà travaillée le plus possible. »

Ainsi, après les phases d'écriture libre, de présentation et d'élection d'un ou de textes(s), un travail
plus ou moins approfondi de mise au point du texte s'en suit. Le texte libre est alors support
d'apprentissages en conjugaison, grammaire, vocabulaire, copie …

Le travail de polissage du texte libre, qui se déroule dans un débat coopératif, répond au besoin de
communication via la parution du journal scolaire. Le texte doit être lisible par tous.

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Il s'agit certes de réaliser une conjonction délicate de la technique adulte et de la libre expression enfantine ;
autrement dit, il faut faire du texte libre choisi une belle page française, sans rien lui faire perdre de sa fraîcheur
et de sa subtile expression. (Freinet C., 1960, P.12)

Selon les compétences des élèves, la « part du maitre » à ce travail de (ré-)écriture est plus ou moins
grande, mais « sous le contrôle actifs des acteurs » (Freinet C., 1960, P. 12)

Ce travail de mise au point se justifie par la finalité de communication inhérente à la publication du


texte libre, comme le précise Alain Vergnioux :

[…] c'est parce qu'il doit être imprimé et communiqué que le texte doit être corrigé - la mise au point est
collective, […], l'exigence de correction est alors sociale. Mais la pratique du texte libre s'inscrit aussi dans une
dynamique qui doit faire progresser l'enfant dans ses capacités d'écrivain à produire des textes littéralement
réussis. (2001, p. 262)

Les invariants

Pierre Clanché énonce les conditions d'existence du texte libre. Ce dernier « doit être libre
topiquement, temporellement, quant à support, graphiquement, orthographiquement, ... » (1976,
p.40). Ainsi, il ajoute à la liberté d'espace et de temps pour écrire, celle du support et il indique qu'il
n'y a pas de cahier prédestiné à l'écriture car cela « contribue à déscolariser la pratique de l'écriture,
en elle-même suffisamment rituelle » (1976, p.40).

Une dizaine d'année plus tard, Pierre Clanché définira des principes incontournables du texte libre
qu'il nommera « les invariants » (1988, p.20 à 23). Il en dénombre cinq :

– Premier invariant : le texte libre fait partie d'un ensemble de pratique d'expression libre dont
on ne peut l'isoler. Ces différentes pratiques (texte libre, danse, théâtre, dessin, …) se
motivant alors entre elles.

– Second invariant : l'imprimerie, des présentations publiques, la correspondance, le journal


sont les véritables outils du texte libre qui lui assure son avenir en terme de communication.

– Troisième invariant : le texte libre est avant tout une pratique de communication et non pas
de prime abord un outil d’apprentissage de la langue. Freinet défend ici sa vision naturelle
de l'apprentissage contre une « scolastique » qui voudrait apprendre les bonnes règles de
syntaxe et de grammaire avant de permettre à l'enfant de s'exprimer à l'écrit. C'est dans cet
invariant que se retrouvent les principes de liberté thématique, topique, temporelle,
matérielle, graphique, orthographique du texte libre.

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– Quatrième invariant : le texte libre n'est pas noté.

– Cinquième invariant : le texte libre n'est pas la seule pratique d'écriture dans la pédagogie
Freinet. Par contre, au côté de productions écrites à caractère plus fonctionnel (comptes
rendus d'enquêtes, synthèses de travail d'atelier, interviews, …), le texte libre est la
technique qui s'apparente à une pratique littéraire.

Un travail coopératif

Enfin, bien que la production d'un texte libre soit initialement une pratique individuelle, la
dimension coopérative est d'une importance incontournable dans la pédagogie Freinet (même si le
terme de coopération n'apparait étonnamment aucune fois dans le premier ouvrage qu'il consacre au
texte libre en 1947). A plusieurs moments de la vie du texte libre, l'élève fait entrer ses écrits en
relation et en rencontre constructive avec les autres. Cela peut se concrétiser dès l'écriture du texte
lui-même :

Dans nos classes coopératives, les enfants ne sont pas isolés. La paralysie devant la page blanche, si elle existe,
est tempérée par la présence et le concours des autres : c'est ainsi que celui qui tombe en panne s'adresse à un
voisin qui lui donnera le coup de pouce nécessaire à la poursuite de son récit. (Roycourt, D. et Crouzet, R., 1988,
p. 22)

Des idées d'écriture peuvent même être discutées et faire l'objet de « recherche coopérative »
(Roycourt, D. et Crouzet, R., 1988, p. 23).

La coopération va aussi naître des échanges et questionnements qui surviennent à la présentation


des textes de son texte personnel. Chaque élève repart ainsi nourrit des propos, remarques et idées
des autres. Également, l'objectif de partage et de socialisation qui prend corps avec la publication
d'un journal ou d'un recueil de textes fait bien souvent appel à la coopération entre pairs pour leur
fabrication. Et bien évidemment, la phase de mise au point du texte peut devenir un instant de
travail éminemment coopératif lorsqu'il s'agit de chercher collectivement à rendre un écrit meilleur.

L’enfant écrit pour être entendu, lu, reconnu, pour exister. Les autres, récepteurs actifs, sont là pour échanger,
enrichir, pour l'aider à s'exprimer, à se structurer. Ils « s’apprennent » coopérativement. (Lémery, 1994)

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2.1.3 Le texte libre aujourd'hui

Une technique en questionnement

Au fil du temps, la pratique du texte libre s'est étendue à de nombreuses classes et a acquis une
certaine reconnaissance institutionnelle. Les praticiens du texte libre, pour beaucoup réunis au sein
de l'ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne) échangent et analysent les tenants et les
aboutissants du texte libre comme le montrent les nombreuses publications à ce sujet depuis celles
de Célestin Freinet lui-même. Ceci fait du texte libre une pratique vivante et en mouvement même
si les bases posées par Freinet apparaissent comme une référence immuable. Alain Vergnioux les
résume en ces termes :

[…] l'expression de soi, la communication sociale, la pédagogie du travail en groupe, le recours aux techniques
(l'imprimerie, le journal, […] l'ordinateur et l'internet), l’attachement à la forme littéraire et la primauté accordée
à la spontanéité naturelle (2001, p. 168)

Les différentes phases du texte libre (écriture, présentation, choix de textes, mise au point,
publication, communication) ont fait l'objet de nombreuses descriptions dans divers écrits et sont
parfois remises en cause et bien souvent débattues.

En effet, La diversité des pratiques personnelles des enseignants entrainent une multitude de mises
en œuvre différentes des techniques Freinet du texte libre.

Ces dernières décennies, lLa communauté pédagogique praticienne du texte libre continue de
s'interroge,r notamment par le truchement des publications du mouvement de l'ICEM :
L’enseignement du français à l’école élémentaire (L’Éducateur n°20 - juillet 1973), Liberté et
textualité du texte libre dans la méthode naturelle (L’Educateur n°4 – décembre 1985), Pourquoi ?
Comment ? Le texte libre (supplément à L'Éducateur n°2 – octobre 1988), Réhabiliter le texte libre
(dossier du Nouvel Éducteur n°61 – septembre 1994), etc.

De nombreux questionnements surviennent, qui ne demandent pas nécessairement de réponses


formelles : Faut-il proposer la lecture de tous les textes libres écrits par les enfants, une sélection
doit-elle s'opérer ? Faut-il retoucher, toiletter l'écrit un peu, beaucoup, pas du tout ? Doit-il y avoir
élection d'un texte ou de plusieurs, et si oui sous quelles modalités ? Peut-on faire paraitre tout type
d'écrits ? Dans quelle mesure utilise-t-on le texte libre comme support de l'apprentissage du
français ? Jusqu'à quel point peut-on remanier un texte personnel sans le dénaturer ? Que faut-il
faire des textes non élus ? etc.

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La part du maitre

Les fondements même du texte libre sont parfois remis en cause par une pratique qui s'est
vulgarisée, menant les pédagogues du mouvement Freinet à en repréciser les contours. Paul Le
Bohec, qui expérimenta et pratiqua durant toute sa carrière la « méthode naturelle » de Freinet, le fit
avec la parution de son ouvrage Le texte libre … libre (1996). Il s’interrogeait déjà 1962 sur le
degré de liberté du texte libre après avoir introduit le texte libre dans ses pratiques pédagogiques au
début de sa carrière en 1942 :

Moi aussi, je croyais avoir introduit le texte libre dans ma classe. Et, il m'a fallu longtemps avant de comprendre
qu'en réalité c'était du texte asservi.
— Asservi ?
— Oui, asservi à l'atmosphère pauvre de la classe, aux conceptions étriquées du maître, à ses limitations, à son
manque de générosité, à son intervention diminuante.
J'ai cru longtemps que le texte libre, c'était :
— Ecrivez ce que vous voulez !
Mais, sans m'en rendre compte, c’était :
— Ecrivez un texte de telle façon que le maître soit content. (1962, p. 5)

Il décrit la part du maitre consciente ou inconsciente qui influence voire oriente le travail d'écriture
des élèves et qu'ainsi le professeur se doit d'être très vigilant afin de minimiser cet effet. Malgré
tout, Paul Le Bohec précisera dans son article de septembre 1972, intitulé La non non-directivité,
qu'une intervention mesurée du maitre est aussi garante d'une vraie liberté :

« L'expression libre, c'est facile : on laisse les enfants libres ». Eh ! bien, non. A mon avis, si on laisse les
enfants, on les abandonne, on ne les laisse pas libres. Car, au départ, les enfants ne sont pas libres, ils sont
conditionnés. Si on les laisse aller, on les abandonne dans le courant de leurs conditionnements. Si on veut les
en sortir, il faut agir, il faut prendre résolument la décision d'interrompre le cours des choses. (1972, p. 3)

Pour Le Bohec, le pédagogue doit faire le choix d'une intervention qui ne laisse par l’enfant « dans
l'ignorance du monde et de leurs libertés » (1972, p. 4). Il s'agit selon lui de s'autoriser à faire
découvrir du nouveau, « de les mettre en situation de vraiment goûter à la chose » puis de les laisser
libres d'y adhérer, de continuer, ou de l'ignorer, d'aller voir ailleurs. Il spécifie que cette juste part
aidante du maitre se situe au niveau de l'élève lui-même et se doit d'être adaptée à chaque parcours
individuel, « alors que chaque enfant est le résultat spécifique des avatars de son enfance. » (1972,
p. 4)

Denis Roycourt et Roger Crouzet apporte alors la précision suivante : « et aussi longtemps qu'il le
faudra, l'enseignant demeure non seulement “l'écrivain public“, c'est-à-dire le technicien de

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l'écriture graphique, mais “l'accoucheur de pensées“ des enfants. » (1988, p. 31)

Par rapport à cette question de la liberté en éducation, Célestin Freinet aura mis en avant la primauté
de l'importance du cadre de travail et de la motivation, dans son ouvrage L'éducation au travail :

Je crois qu'il faut détruire ce mythe de la liberté. C'est un mot que nous ne devrions jamais employer en
pédagogie. C'est l'organisation du travail qu'il faut prévoir. Les enfants n'ont pas soif de liberté, ils ont soif de
travail vivant. (1947)

Pour aller dans le sens de Freinet et Le Bohec, Pierre Clanché après avoir analysé plusieurs milliers
de textes libres écrits produits par 200 enfants de 6 à 10 ans, précise que les progrès ou les pertes
créatives potentielles dans l’écriture des textes libres sont « le fait exclusif de la richesse ou de la
pauvreté du milieu pédagogique. » (1998, p. 7), c'est à dire du terreau éducatif installé par le
pédagogue dans l'environnement scolaire.

2.2 Les processus cognitifs dans la production d'écrits

Afin de mettre en lumière les processus cognitifs en jeu quand un élève se lance à produire un écrit,
il est nécessaire d'interroger les chercheurs en didactique et psycholinguistique. Ces derniers nous
permettront d'explorer les différentes facettes de cette tâche.

Tout d'abord, on peut se demander à quel moment de la scolarité des élèves ce travail peut
intervenir. Ensuite, je ferai état des caractéristiques de la production d'écrits notamment au regard
de sa spécificité par rapport à la production langagière orale. Je présenterai les différentes
modélisations de ce processus qui ont été élaborées ainsi que le concept de mémoire de travail et sa
place dans cette activité. Enfin, j'examinerai plus en profondeur les trois phases les plus
fréquemment décrites par la littérature scientifique que sont la planification, la mise en texte et la
réécriture.

2.2.1 Les caractéristiques de l'activité rédactionnelle

Quand écrire ?

A quel moment de la scolarité parait-il pertinent de faire produire des textes aux élèves ? Y a t-il des
préalables en terme d'apprentissages à enseigner en amont ? Claudine Garcia-Debanc, professeure
des universités et didacticienne du langage, énonce que l'activité de production de textes doit

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s'effectuer dès l'école maternelle :

Faut-il pour autant attendre que l'enfant maîtrise les niveaux élémentaires, sache écrire les mots ou faire des
phrases, avant de l'engager dans un travail de production de textes ? Nous montrons au contraire qu'il est
nécessaire qu'il affronte le plus tôt possible (dès l'École Maternelle) des situations de production de textes
complexes […] (1988, p.11)

Elle ajoute également qu'il semble « indispensable de ménager des temps d'écriture fréquents dans
le temps de la classe et d'écriture de véritables textes » car il s'avère que le temps passé à écrire
dans une classe est plus souvent consacré à recopier ou compléter des phrases plutôt « qu'à
produire des textes, avec tous les problèmes complexes que cette tâche réclame ».(1988, p.14)

Dans la large étude « Lire-écrire » dirigée par Roland Goigoux en 2016, il apparait que le fait de
confronter les élèves dès le CP aux tâches liées à la production d'écrits a des conséquences
bénéfiques sur plusieurs plans :

[…] on constate que passer du temps à produire en combinant des unités linguistiques déjà imprimées a un effet
global négatif sur les performances finales en écriture de tous les élèves […]. Cette tâche s’avère
contreproductive, quel que soit le niveau initial des élèves en écriture. En revanche, passer du temps à planifier la
tâche d’écriture et à revenir sur l’écrit produit a un effet positif significatif sur les scores de compréhension en fin
de CP. Cela a aussi un effet sur le score d’écriture, surtout pour les élèves les plus faibles. (2016, p. 53)

De l'oral vers l'écrit

Raconter, décrire, expliquer … est une capacité que les enfants acquièrent très tôt par l'expression
orale. L'activité langagière écrite est de prime abord directement issue de celle orale dont il garde
l'empreinte d'énonciation :

Les enfants se lancent directement dans l'écriture, sans envisager l'organisation d'ensemble de leur texte ou en
expliciter les enjeux. Ils rédigent en ajoutant chaque phrase à la phrase immédiatement précédente, dans une
avancée pas à pas. (Garcia-Debanc C. 1988, p.12)

Au début de l'apprentissage, l'écrit tient beaucoup des caractéristiques de l'oral, en effet « les élèves
sont évidemment influencés par le modèle du dialogue oral, marqué par des sous-entendus, des
implicites, toute la complicité d'un vécu partagé. » (Darras F. et Marcoin F. 1988, p.41)

Ce vase communiquant entre les deux postures langagières est ainsi un levier pour les
apprentissages car renforcer l'oral renforce l'écrit :

[…] plus la compétence en langage oral sera développée, plus la compréhension écrite sera bonne.

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Certaines difficultés de lecture sont dues à des difficultés du traitement du langage oral, qui peuvent
être d’origine sociale (bas niveau socio-économique, autre langue maternelle) ou pathologique
(dysphasie). (Dehaene S.,Bianco M., Fayol M. et al. 2019, p. 10)

L'oral et l'écrit partagent notamment une même vocation communicationnelle mais de nombreuses
spécificités caractérisent la production langagière écrite.

Comme le précise Michel Fayol (1996, p.4), dans la production de langage, « deux entités sont
concernées : l'auteur et le destinataire ». Dans l'échange oral, les deux personnes en interaction sont
tour à tour, auteur et destinataire du message. Or, dans l'écrit, ça n'est plus une situation dialogique,
l'auteur et le destinataire sont distincts. Entre ces deux protagonistes, « interviennent deux
médiations de nature sensiblement différentes […] : le contenu et le langage. » (Fayol M., 1996,
p.4). La relation avec le contenu est alors tripartite : l'auteur, sa connaissance du contenu et son
estimation de la connaissance du destinataire par rapport à ce domaine. Idem pour le niveau
linguistique, l'auteur doit adapter son message à la connaissance linguistique estimée du
destinataire.

L'auteur et le destinataire n’étant plus côte à côte, Bernard Schneuwly, psychologue du langage,
précise qu'écrire entraine une nécessaire vision anticipatrice de la tâche :

La production d'un texte écrit n'est pas contrôlé par la situation de production immédiate, mais par la
représentation abstraite d'une situation avec un but général et un destinataire fictif ou du moins partiellement
simulé, construit. Cette différence de contrôle implique une vision globale et anticipatrice du texte dans son
ensemble. (1985, p.180)

Effectivement, comme le montre Michel Fayol, la situation dialogique offre un « feedback


permanent qui permet d'ajuster le message (contenu et langage) de manière optimale ». Or pour
l'écrit, c'est différent. « La situation énonciative est la solitude […] Le cadre communicatif est
différé ». L'élève doit apprendre à gérer seul les paramètres de l’évaluation du contenu à adresser au
destinataire et du niveau de langage à utiliser. De l'oral à l'écrit, on passe d'un implicite à une
nécessaire conscientisation. Le traitement de l'information est différent. « On ne peut donc pas
passer de la production orale à la production écrite de manière simple. » (1996, p.7)

Écrire un texte est donc une activité complexe qui nécessite un apprentissage spécifique :

L'activité d'écriture est une activité complexe mettant en jeu simultanément plusieurs niveaux d'opérations. Elle
ne peut garder son sens que si elle reste complexe. [...] on n'apprend pas à produire des textes en apprenant à
copier des mots et à construire des phrases. (Garcia-Debanc C., 1988, p.11)

E n effet, le rédacteur doit être attentif à la fois à « l'organisation générale de son propos […], à

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l'agencement des phrases […], à l'orthographe et à la syntaxe caractéristiques de la norme de la
langue écrite. » Ces contraintes doivent être gérées simultanément, « au risque de provoquer une
surcharge empêchant de considérer l'une de ces dimensions ». (Garcia-Debanc C., 1988, p.24)

Parmi les contraintes, il y a la dimension graphique de l'écriture qui est très mobilisante :

[...] la réalisation graphique elle-même mobilise de l'attention. Le coût de ce contrôle s'ajoute au coût des autres
activités requises par la composition elle-même (élaboration des idées, récupération des mots, etc). (Fayol M.,
1997, p.8)

Enfin, le rythme d'énonciation de l'écrit étant plus lent, il existe un plus grand risque d'oublis à
l'écrit qu'à l'oral :

En revanche, la conjonction d'un rythme de production plus lent à l'écrit qu'à l'oral et d'un empan de planification
sensiblement équivalent entraîne que […] Les propositions (ou phrases) déjà planifiées doivent être maintenues
plus longtemps en mémoire à court terme à l'écrit qu'à l'oral. De là, des risques de distorsions ou d'oublis liés au
déclin de la trace mémorielle en fonction du temps. (Fayol M., 1997, p.26)

Des modèles du processus d'écriture

Le modèle fondateur est celui d'Hayes et Flowers élaboré en 1980. Ces chercheurs ont formalisé
l’activité rédactionnelle sur un socle tripartite constitué de « la mémoire à long terme du scripteur »
(stockage des connaissances), du « contexte de la tâche » (aspect extérieur pouvant modifier le
déroulement de l’activité) et du « processus général de production ». Selon Hayes et Flowers, la
production écrite est divisée en trois processus « la planification, la formulation (ou mise en texte)
et la révision » (Chanquoy L. et Alamargot D. 2002 p.7). Hayes et Flowers ont bien précisé que ce
modèle n'est pas linéaire mais récursif. Ces différentes opérations peuvent se répéter autant de fois
que nécessaire pour le rédacteur, des aller-retours s'effectuant en permanence. L'architecture de ce
modèle est présentée en annexe 1.

Ce modèle initial a été critiqué mais il est encore aujourd'hui largement utilisé. il a été actualisé et
complexifié par Hayes en 1996. Il y a notamment inséré « la mémoire de travail, qui joue un rôle
fondamental d’interface dans l’activité de rédaction de texte » (Chanquoy L. et Alamargot D.,
2002, p.9)

D'autres modèles ont été élaborés par la suite … Le modèle Kellog (1996) qui « identifie trois
composantes rédactionnelles : la formulation, l’exécution et le contrôle » (Chanquoy L. et
Alamargot D., 2002, p.10) assez proches de celles définies par Hayes et Flowers.

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Le modèle Garett / Levelt (1989) :

Contrairement au modèle de Hayes & Flower, celui de Levelt s'inscrit dans une perspective strictement
psycholinguistique. Il s'intéresse donc surtout à la production des mots et des phrases ainsi qu'aux rapports
compréhension / production. (Garcia-Debanc C. et Fayol M., 2002, p. 297)

Et enfin, le modèle Van Galen (1991) qui « est le moins connu et le moins influent, sans doute du
fait qu'il s'attache essentiellement aux dernières étapes de la production écrite : la réalisation
graphique du message. » (Garcia-Debanc C. et Fayol M., 2002, p. 299)

Ce modèle a l’avantage de montrer que la composition graphique du message écrit qui peut
apparaitre comme un élément basique est en fait complexe et met en jeu plusieurs processus en
même temps : « la détermination de l'orthographe correcte des mots, la sélection des alllographes, le
contrôle de la taille des lettres, l’ajustement musculaire, ... » Garcia-Debanc C. et Fayol M. (2002,
p. 300). En plus, cela se déroule à différents niveaux du texte : la réalisation graphique s'effectue au
niveau de la lettre alors que l'unité de sens du message se situe plutôt au niveau de la phrase.

Garcia-Debanc C. et Fayol M. (2002, p. 301) signalent par ailleurs que ces modèles devraient
répondre avant tout à une « finalité heuristique » et qu'il ne s'agit pas pour les enseignants de
chercher à les appliquer à la lettre mais comme source d'informations et d'inspiration à construire
leur propre didactique.

Ces modèles servent surtout selon ces auteurs à « questionner la complexité de l'activité de l'élève »
(2002, p. 303) et ainsi à mieux comprendre le processus rédactionnel à l'œuvre, à interroger ses
pratiques d'enseignant et concevoir des aides pour l'écriture et la réécriture.

La mémoire de travail

L’essor des sciences cognitives a mis en lumière l'existence de la mémoire de travail qui intervient
notamment dans le processus de la tâche rédactionnelle.

Selon Béatrice Bourdin, Maître de Conférences en Psychologie du Développement, la mémoire de


travail est définie comme un « système de maintien temporaire et de manipulation de l'information
nécessaire à la réalisation de tâches cognitives complexes, comme le langage ». Cette mémoire
assurerait plusieurs « fonctions de contrôle (encore appelées fonctions exécutives) dans la prise en
charge de situations nouvelles » (Piolat A., 2004, p.56) et notamment « nécessaire à la réalisation de
tâches cognitives complexes, comme le langage. » (Bourdin B., 2018, p. 125). Piolat ajoute que les

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traitements de l’information sont « supposés nécessiter des ressources mentales » et qu'ainsi donc la
mémoire de travail est souvent comparée à « un système de gestion » de ces ressources. (2004, p.
56).

La mémoire de travail peut effectuer plusieurs tâches a priori avec une grande flexibilité telles que
de la planification, de l'inhibition d'informations ou encore de la mémorisation temporaire … à
l’aide d'un « administrateur central » et de plusieurs sous-programmes dénommés « systèmes
esclaves. » (Piolat A., 2004, p. 57)

Les ressources attentionnelles (ou mentales) sont en capacité limitée différente pour chaque
individu. Pour éviter une « surcharge »,

[…] les individus ne peuvent conduire en parallèle qu’un nombre limité d’opérations car le coût de ces
traitements ne peut dépasser les ressources attentionnelles disponibles. (Piolat A., 2004, p. 58)

Piolat précise alors que l’automatisation de certains traitements permet d'alléger la mémoire de
travail et d'allouer la ressource attentionnelle à d'autres tâches.

La notion de mémoire n'a pas été intégrée à tous les modèles de production d'écrits. Quand c'est le
cas, « le rôle de la mémoire à court terme avait été essentiellement abordé en termes de limitations
des ressources cognitives et des capacités de stockage ». (Chanquoy L. et Alamargot D., 2002, p.8)

Lucile Chanquoy et Denis Alamargot précisent que de nombreux processus et sous-processus sont à
l'œuvre et que les chercheurs ne sont pas tous d'accord sur les modèles et les différentes fonctions
que l'on peut désigner et attribuer à la mémoire de travail (cf l'étude de Chanquoy L. et Alamargot
D. 2002). Ils spécifient enfin que plusieurs types de mémoires sont aujourd'hui déterminés (avec des
fonctions différentes) : la mémoire de travail à court terme, la mémoire de travail à long terme et la
mémoire à long terme.

2.2.2 Planifier son écriture

La planification est la première étape du processus d'écriture selon le modèle d'Hayes et Flowers.
Reconnue par d'autres modèles et parfois nommée différemment, elle est le préalable avant
l'écriture elle-même.

L'action de planifier recouvrent plusieurs opérations de « mobilisation, activation, sélection,


recherche et composition de connaissances » qui va aboutir à un plan qui guidera la mise en œuvre
du processus rédactionnel dans son ensemble. (Garcia-Debanc C., 1986, p. 27)

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Intention, but et destinataire

À qui écris-je ? Pour lui dire quoi ? … Et de quoi a besoin mon futur lecteur ? Que connait-il déjà
que je n'aie pas besoin de lui expliquer ? Se lancer dans un écrit implique d'en clarifier la
destination et le destinataire.

Il s'agit d'une composante fondamentale du processus rédactionnel : l'opération de planification suppose en effet
la prise en compte de la situation de communication dans ses dimensions matérielles et sociales (Qui écrit ? à
qui, en direction de qui ? dans quel(s) but(s) ? et du réfèrent (pour parler de quoi ?). (Lartigue R., 1988, p.24)

« De la même façon qu'une phrase n'est pas un tas de mots, un texte n'est pas un tas de phrases », il
s'agit de définir une « idée directrice », une intention qui mène à « une conclusion, une morale à la
différence d'une liste d'action sans but. » (Darras F. et Marcoin F., 1988, p.42)

Ces auteurs énoncent alors qu'« un des premiers objectifs du maître dans l'accès à l'écrit pourrait
donc consister à favoriser cet effort de cohérence autour d'une idée directrice. » (1988, p.43)

Cette visée pédagogique parait assez fondamentale, comme le montre l'étude sur l'activité des
élèves en situation d'écriture menée par Jacques Crinon et Brigitte Marin :

Apprendre à écrire passe notamment par apprendre à gérer le point de vue énonciatif ; objectif important parce
que plusieurs des obstacles majeurs rencontrés par les apprentis scripteurs concernent cette question : ils peinent
à concevoir l’écriture comme orientée par une intention, à adapter l’instance énonciative à cette intention, à
rendre sensible au sein même du texte ce qui en fait l’intérêt et la valeur […] (2014, p. 48)

Cela est corroboré par la différence en terme de capacité de planification établie en les rédacteurs
experts et les débutants. En effet :

les experts seraient capables de tenir compte du lecteur potentiel de leur texte alors que les novices se
focaliseraient davantage sur les aspects de bas niveau de la production, comme l'orthographe, la ponctuation, la
grammaire. (Chanquoy, Bonnotte, Negro, 2018, p. 110)

La récupération et l'organisation des idées

À côté de la définition d'un but et de la conscientisation du destinataire, la planification est


caractérisée par deux grandes étapes qui se chevauchent dans le temps : « la récupération des idées
depuis la mémoire à long terme où l’environnement et leur organisation conduisant à l’élaboration
d’un plan de texte. » (Chanquoy L. et Alamargot D., 2002 p.7)

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La récupération de l'information dépend de la base de connaissances et de l'organisation des concepts chez
chacun. La capacité à écrire sur un thème donné dépend plus de la connaissance de ce domaine précis plutôt que
sa seule capacité à écrire. (Fayol M., 1996, p.17)

Ce travail de recherche d'idées et d'organisation de ces idées est donc bien une réflexion qui se
mène avant la rédaction proprement dite. Michel Fayol expose alors qu' « un texte sera d'une qualité
d'autant meilleure que les idées y seront mieux maitrisées et mieux organisées dans la base de
connaissances de celui qui produit. » (1996, p. 19)

Les élèves n'effectuent pas spontanément ce travail réflexif ou tout au moins, ils le réalisent dans
une forme simplifiée dénommée « la planification pas à pas » (Schneuwly B., 1984, p. 163), dont
voici l'explication du procédé :

Généralement, les élèves se jettent directement dans l'écriture. Ils ajoutent laborieusement une phrase après
l'autre, en perdant de vue les intentions et le but poursuivi dans le texte produit. Ce procédé explique par exemple
l'inflation des connecteurs comme alors, et puis, mais... […] La définition préalable du projet de texte et la
recherche de matériaux permettent d'éviter cette erreur dans la mesure où elles focalisent l'attention sur la mise
en texte elle-même. (Garcia-Debanc C., 1986, p. 40)

Les écrits fictionnels

Les écrits fictionnels sous forme de narration qu'écrivent spontanément les élèves utilisent la
planification pas à pas.

C'est la forme textuelle privilégiée à l'école car elle pose moins de problèmes aux enfants (la récupération
d'évènements reliés de manière chronologico-causale est plus facile). (Fayol M. 1996, p.16)

Le récit se prête bien à cette stratégie de production au rythme de l'émergence des idées en mémoire
qui peut tout à fait engendrer des écrits cohérents et pertinents :

La stratégie d'énonciation des connaissances qui consiste à formuler les informations au fur et à mesure de leur
récupération en mémoire. Cette stratégie peut aboutir à des produits bien organisés, cohérents, et dont les
informations s'enchaînent, à condition que la structure des séquences de concepts et la structure des suites de
propositions soient congruentes. Cette congruence est (partiellement) satisfaite dans le cas du récit car, dans ce
type textuel, la séquence énonciative simule la succession des faits. (Fayol M. 1997 p.85)

On obtient plus facilement des textes acceptables lorsqu'ils sont « inventés » : la nécessité de présenter lieux et
personnages, d'expliciter les ressorts de l'action, se fait davantage sentir parce que les élèves ne peuvent pas se
reposer sur l'implicite. (Darras F. et Marcoin F., 1988, p.42)

Malgré tout, cette forme textuelle ne permet pas de travailler facilement les différents aspects de la

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planification. Il est notamment plus difficile de bien identifier les destinataires et le but de l'écrit
dans la pratique du récit :

[…] l'écriture d'écrits fictionnels se prête moins facilement que celle de lettres ou de textes prescriptifs (fiches
techniques, règles du jeu) à la prise de conscience des enjeux de la communication : les paramètres de la
situation sont ici beaucoup plus difficiles à cerner (qu'en est-il du destinataire ? des buts ?... comment obtenir un
« retour » évaluatif qui permette la réécriture ?). (Lartigue R., 1988, p.32)

2.2.3 Mettre en texte

Plusieurs processus à l'œuvre

Une fois que les idées ont été récupérées et organisées lors de l’étape de la planification, la mise en
texte intervient dans ce qui est appelé « le processus de formulation » (Chanquoy L. et Alamargot
D. 2002 p.7). Celui-ci peut être conçu comme composé de deux sous-processus :

la lexicalisation, qui consiste en la sélection, dans le lexique mental, d’items correspondants aux concepts à coder et la
linéarisation, qui permet l’insertion de ces items dans des phrases grammaticalement et syntaxiquement correctes.
(Fayol M. et Schneuwly B., 1988, p. 225)

Michel Fayol précisera plus tard que, pour les élèves, les difficultés se posent alors à trois niveaux
lors de ce travail d'écriture : le lexique (et l'orthographe), la syntaxe, et les aspects textuels comme
la ponctuation et les formes verbales. (1996, p.24)

Dans l'étude Lire - Écrire menée par Roland Goigoux, il est montré que ce processus d'écriture est
facilité s'il s'effectue à partir d'unités linguistiques (phonèmes, syllabes, mots, phrases …) choisies
par les élèves. Des effets positifs mesurables sont notés quant aux tâches d'écriture et de
compréhension :

[...] Les tâches de production d’écrit qui consistent à encoder des unités linguistiques choisies par l’élève ont un
effet bénéfique pour l’ensemble des élèves […] sur les scores de compréhension […] et les scores d'écriture.
(2016, p. 53)

Un encodage et un graphisme coûteux

Partant du concept de « charge mentale » développé par le chercheur André Tricot qui
correspondant « à l’intensité du traitement cognitif mis en œuvre par un individu lorsqu’il réalise
une tâche donnée dans un contexte particulier » (Tricot A. et Chanquoy L., 1996, p. 315), on

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comprend que chaque personne présente ses limites propres à traiter un certaine quantité
d'informations en même temps.

Ainsi déposer la trace écrite de ses pensées n'est pas sans conséquence en terme de coût cognitif.
En évoquant le coût de gestion de la dimension graphique de l'écriture, Michel Fayol précise :

Si on postule que, d'une part, les êtres humains ont une capacité limitée de traitement et, que, d'autre part, toutes
les activités puisent pour leur réalisation dans cette même capacité, on conçoit que l'accroissement du coût de
gestion d'une ou plusieurs de ces activités se fait aux dépens des capacités mobilisables pour les autres activités.
(1997, p.8)

De plus, il montre que le cerveau va stocker une unité linguistique plutôt sous forme phonologique
et que sa transformation sous forme graphémique est également coûteuse en terme de charge
mentale pour l'élève :

L'accès aux mots et aux énoncés semble s'effectuer de manière dominante via la forme phonologique des
énoncés […] le maintien en mémoire à court terme s'effectue, lui, sous forme phonologique […] La dimension
phonologique semble souvent diriger la réalisation graphémique et constitue ainsi une source potentielle
d'erreurs. […] le passage du phonologique au graphémique impose une importante charge cognitive,
particulièrement pour les langues dont l'orthographe est dite irrégulière. (1997, p.26)

La mémoire et l'automatisation

La lenteur de production écrite constitue un handicap chez les enfants. La situation d'écriture
provoque des contraintes fortes qui pénalisent la production du récit. « La récupération des idées se
fait au même rythme à l'écrit qu'à l'oral » (Fayol, M. 1996 p. 11). La lenteur de l'écrit nécessite une
mise en mémoire de ces idées avant d'être réalisées graphiquement. La mémoire de travail s'en
trouve alors impactée.

L'apprenti écrivain doit gérer plusieurs niveaux fonctionnels qui s'enchainent et mettent en jeu sa
mémoire de travail : il doit fixer le sens de ce qu'il veut communiquer (« niveau sémantique »), puis
« ce message doit faire l'objet de traitements afin d'être mis en langue (niveau linguistique) » et
enfin il s'agit d'écrire , d'encoder ce message (« niveau grapho-moteur »). (Fayol, M. 1996 p. 17)

Comme nous l'avons vu précédemment, les enfants ponctuent énonciation par énonciation, par une
juxtaposition d'évènements chronologiques. La mémoire de travail peut alors rapidement se
retrouver en surcharge. Cela a pour conséquence que « le scripteur ne peut pas gérer toutes les
dimensions, et donc commet des erreurs » (Fayol, M. 1996 p. 19).

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Béatrice Bourdin insiste sur le fait que « la coordination du fonctionnement de ces composants en
temps réel est dépendante de notre système à capacité limitée. » (2018, p. 123). Elle présente « le
paradigme de la double tâche » lorsqu'une tâche dite secondaire parasite et empêche le bon
déroulement de la tâche primaire (l’objectif principal). Dans le cas de la production d'écrit, un
encodage graphophonémique (tâche secondaire) mal maitrisé entraine une baisse significative des
performances de la tâche principale : raconter une histoire, puisque que ces deux tâches puisent
« dans la même réserve de ressources cognitives » (Bourdin, 2018, p. 123). Les études et modèles
montrent que le processus de formulation en production de langage écrit « qui comprend à la fois la
planification des idées et leur traduction en phrases, serait le plus coûteux en ressources cognitives
[…] » (Bourdin, 2018, p. 125)

Ainsi pour une meilleure production d'écrits, le « jeune rédacteur, par l’entraînement, doit
automatiser en priorité certains traitements comme l’exécution de lettres […] » (Piolat, 2004, p. 59),
car « les processus impliqués en production sont d'autant plus coûteux sur le plan cognitif qu'ils ne
sont pas automatisés. » (Bourdin, 2018, p. 123). Ces derniers mobilisent alors d'importantes
ressources attentionnelles […] au détriment des autres » composants de la production écrite
(p. 126). Ainsi, chez les jeunes enfants le maintien des informations en mémoire de travail peut être
largement diminué par le « coût cognitif de la production écrite » (p.128)

Pour Michel Fayol, cette nécessaire automatisation de certaines tâches doit s'accompagner d'une
découpe de l'activité en proposant à l'élève « des étapes de construction du texte ». (1996 p. 19)

2.2.4 Réviser sa production

Dernière étape de la production d'écrit, la révision, qui est nommée également réécriture, retour sur
le texte ou encore mise au point, semble être la phase la plus difficile à mettre en œuvre pour les
élèves.

Qu'est ce que réécrire ?

Pour Claudine Garcia-Debanc, la réécriture est partie prenante de l'écriture : « apprendre à écrire,
c'est apprendre à réécrire », et précisant ainsi son propos :

La réécriture ne désigne donc pas une correction ponctuelle d'erreurs de syntaxe ou de vocabulaire, mais bien
une nouvelle mouture du texte, qui peut s'éloigner assez nettement du texte de départ. (1988, p. 17)

Pourquoi réécrire un texte ? quelles raisons l'élève peut-il avoir à vouloir reprendre son écrit ? « la

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révision n'a, au départ, aucun sens pour un enfant. » (Chanquoy, Bonnotte, Negro, 2018, p. 118). La
réponse est donnée par la clarification du but de l'écrit et par l’identification du destinataire. Le
texte doit être revu car il va être transmis à une tierce personne :

La révision est orientée par le sens de l'écrit : s'adresser à un ou à des lecteurs pour leur transmettre quelque
chose. La diffusion du texte à autrui, et pas simplement la réécriture pour l'enseignant, permet à l'enfant de
comprendre la nécessité de réécrire. » (ibid.)

Laurent Heurley, Maitre de conférence, montre combien la notion de révision de textes est sujette à
différentes définitions et interprétations par les chercheurs en didactique. Il signale malgré tout que
cette activité « est donc conçue, avant tout, comme un sous-processus du processus de rédaction »
(2006, p. 13) et que comme les derniers modèles le montrent, la tâche de révision intervient autant
en cours d’écriture que sur le texte finalement produit soit une composante de processus de contrôle
terminal.

Nonobstant, ce qui caractérise le retour sur le texte, « c'est d'abord sa rareté puis son inefficacité »
(Fayol M., 1996, p34). En effet, la révision ne provoque en général que très peu d'amélioration
même chez ceux qui relisent leur texte y compris chez les experts.

Et quand des retouches sont effectuées, il s’agit bien souvent d'un « toilettage superficiel » :

Globalement, les retours sur le texte sont rares chez les rédacteurs débutants qui effectuent une relecture rapide
de leur texte et s'en tiennent souvent à un «toilettage» superficiel ou à des changements cosmétiques de surface
(orthographe, ponctuation). En conséquence, il leur est souvent impossible de détecter des erreurs liées au sens
ou à l'organisation des idées. (Chanquoy, Bonnotte, Negro, 2018, p. 115)

Selon les modèles de la production d'écrits, la révision, ou activité de retour sur un texte déjà écrit
ou en cours d’élaboration, se décompose en trois sous-processus:

– la détection d’une erreur qui « nécessite de percevoir une inadéquation entre la


représentation correspondant aux intentions initiales, provisoirement stockées en mémoire,
et le texte rédigé » ;

– le diagnostic qui « renvoie à la détermination de l’erreur et à sa classification » ;

– la modification qui « aboutit à un changement dans la surface du texte, après avoir trouvé les
moyens de correction nécessaires. » (Chanquoy L. et Alamargot D. 2002 p.7)

La première étape, soit la détection d'une erreur « serait cognitivement très coûteuse : il est ici en
effet nécessaire de lire le texte et d'être apte à détecter une erreur. » (Chanquoy, Bonnotte, Negro,
2018, p. 115)

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Un travail collectif

Réviser son texte sous-entend de détecter ce qui ne va pas, et cela est très difficile quand on relit son
propre texte : « nous n'arrivons pas à voir nos propres erreurs, si ce n'est des erreurs de surface. «
(Fayol M., 1996, p. 33)

D'où la nécessité d'utiliser des partenaires pour le faire (et qui si possible ont un niveau d'expertise
élevé). En effet, il est plus facile de repérer les erreurs des autres que les siennes :

Bartlett (1982) a montré que la plupart des auteurs réussissent mieux à repérer les problèmes dans les
productions d'autrui que dans les leurs. Ce résultat s'interprète facilement dans le cadre des modèles d'activation.
La (re)lecture du texte déjà produit ré-active par l'intermédiaire des mots (indices) les connaissances mobilisées
lors de la rédaction. Toutes les informations associées au modèle initial de la situation se trouvent activées,
même lorsque les indices de surface sont partiels voire absents. L'auteur peut difficilement détecter lui-même ses
propres erreurs. (Fayol M., 1997, p.133)

Le regard de l'autre, et donc du groupe, est utile dans le travail de révision afin de générer un conflit
cognitif qui permettra de développer une vision du retour sur le texte sous forme de problème.
(Garcia-Debanc C., 1988, p.15)

l'enfant doit vivre un conflit cognitif qui l'oblige à mobiliser ses compétences, ses connaissances antérieures, à
les réorganiser pour surmonter la difficulté et/ou à en acquérir d'autres. Le groupe joue ici un rôle essentiel […]
(ibid.)

Des outils et des méthodes

Détecter les erreurs ne suffit pas, il faut disposer de moyens techniques et d'outils pour intervenir
sur son texte :

[…] l'amélioration des compositions ne dépend pas de la seule prise de conscience des problèmes et des
possibilités. Elle nécessite l'accroissement des bases de connaissances linguistiques. (Fayol M., 1997, p.136)

Claudine Fabre, dans son ouvrage de 1990 reprenant sa thèse « Les brouillons d'écolier ou l'entrée
dans l'écriture », a décrit les interventions ou modifications effectuées par les élèves sur leurs textes
au brouillon en quatre catégories (ou « typologie des ratures ») : « remplacement, ajout,
suppression, déplacement. » Elle montre que « le remplacement » domine, que « le déplacement »
est très peu usité par les élèves et qu'enfin, en seconde positon des interventions effectuées, « l'ajout »
est plus majoritaire en CP alors que c'est « la suppression » qui a le dessus en CM.

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Des aides à la réécriture sont alors nécessaires, « […] c'est notamment pour favoriser la réécriture
que, le plus souvent, sont élaborées des grilles de critères. » (Garcia-Debanc C. et Fayol M., 2002,
p. 307)

On peut citer celles élaborées suite à des recherches didactiques conduites dans le cadre de l'institut
national de la recherche pédagogique (INRP) comme les programmes de recherche « Évaluer les
écrits à l'école primaire » (dit EVA) qui reste la référence pour la révision de texte (un tableau
synthétique est présenté en annexe 2) ou « De l'évaluation à la réécriture » (dit REV). Les travaux
du groupe EVA ont montré « le rôle central joué par les critères d'évaluation » et la recherche REV
a davantage « pour objet de proposer aux maitres des situations d’enseignement qui permettent à
l'élève de prendre les décisions pertinentes » parmi les différentes actions possibles de révision de
texte (Mas, Plane et Turco, 1994, p. 73). Selon les travaux de l'équipe REV, les principaux
obstacles à la révision sont, pour les élèves, de l'ordre d'une « représentation » négative de la tâche,
et d'une difficulté « à mobiliser les ressources linguistiques adéquates » (Mas, Plane et Turco,
1994, p. 73).

Au côté des grilles de critères d’évaluation des textes produits, Rosine Lartigue pousse à
réinterroger l'intention initiale émise lors de la planification au regard de la pertinence de
l'information produite :

Chaque fois que l'on se demande ce qu'il faut dire compte-tenu du destinataire et du but de l'écrit, ce qui est en
jeu c'est la pertinence de l'information (que le texte soit informatif, explicatif, prescriptif ou de fiction). (1988, p.
32)

Un autre levier notable est la possibilité de différer le travail de relecture et de mise au point.

Ainsi, il est d'autant plus difficile à un individu de détecter la présence d'ambiguïtés ou d'erreurs qu'il travaille
sur sa propre production et que cette dernière a été récemment élaborée. Plus le délai entre rédaction et relecture
s'accroît, plus la probabilité de repérage des problèmes augmente. (Fayol M., 1997, p.133)

Enfin, comme il a été montré que le collectif est une aide potentielle pour l'activité de réécriture, des
temps de travail en petit groupe seront bénéfiques :

[...] mettre en place des procédures de travail qui favorisent les conflits socio-cognitifs : élaboration de textes en
groupes restreints de 2 ou 3 enfants, socialisation et confrontation des productions, analyse critique des
procédures de travail utilisées ... (Garcia-Debanc C., 1988, p.17)

Pour terminer, il me parait important de faire état d'une publication qui expose l'importance de la
prédictibilité dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Une étude américaine de Bridge et
Winograd de l'Université du Kentucky de Lexington intitulée On apprend mieux à lire sur des

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textes « prédictibles » fait mention des textes libres : « Les textes libres sont très prédictibles parce
qu'écrits dans le langage des enfants et que le contenu de l'histoire leur est familier puisqu'il s'agit
de leur vécu. » (1983, p. 23). Bridge et Winograd montre ainsi que « l'emploi de livres à schémas
linguistiques répétitifs, et de textes libres sur le vécu des enfants facilitent l'acquisition du
vocabulaire visuel dès les débuts de l'apprentissage de la lecture. » (p. 25) et enfin que « l'écrit
prédictible est une excellent méthode pour apprendre à écrire » (p. 26) car il aide les enfants à
repérer des schémas qui structurent les textes qu'ils pourront réutiliser pour de nouvelles
productions.

2.3 Les ressorts de l'apprentissage motivé

Une des deux visées pédago-éducatives de la séquence du texte libre est de participer à générer plus
de motivation, un engouement plus solide ou encore un enrôlement plus fort à entrer dans
l'apprentissage du lire-écrire. Ainsi, il est donc nécessaire d'interroger les spécialistes ayant abordés
la question de la motivation afin de mieux en comprendre les ressorts.

2.3.1 La motivation

La motivation a été au début de sa conceptualisation perçue essentiellement sous le prisme du


besoin à satisfaire et d’impulsions primaires ou de tensions à réduire (chez les behavioristes ou chez
Freud) pour obtenir un équilibre organique ou psychologique (Ruel P.-H., 1987, p.241 et 242). Mais
les études en psychologie montreront que l'être humain n'est pas dirigé par le seul intérêt de son
besoin immédiat à combler mais qu'il est bien « pro-actif ». C'est à dire que l'être humain est motivé
par une projection de lui-même dans le futur, par une conception de sa propre réalisation :

[…] il est un être fonctionnel tourné vers la réalisation, vers demain. Sa raison d'être, de vivre, est plus orientée
vers le futur qu'elle n'est réaction au passé. En ce sens, il est pro-actif. Ses motifs d'agir peuvent prendre et, de
fait, prennent racine dans des perspectives d'avenir, dans des élans de réalisation de soi. (p. 243)

Toujours selon le professeur d'université Pierre-Henri Ruel, cette « motivation pro-active » conduit
à la « notion d’intentionnalité de l'agir » (p. 244). Afin de cheminer vers son désir de devenir, la
personne va mobiliser ses capacités et ressources personnelles en fonction de son environnement
d'action. Une interaction entre l’environnement et la personne s’établit alors. Pour le psychanalyste
et professeur d'université, Joseph Nuttin, la motivation est « l'aspect dynamique et directionnel du
comportement qui établit, avec le monde, les relations requises » (1980, p.29). Il y a donc une

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intention, un but et une dynamique de la « relation qui unit l'individu à son environnement : une
motivation intrinsèque » (Ruel P.-H., 1987, p. 251).

Au contraire dans les années cinquante, c'est le concept de motivation extrinsèque qui était mis en
avant avec un retour espéré positif de l’environnement de la personne :

[…] sous l'influence du béhaviorisme […] prédominait, en milieu éducatif (scolaire ou familial), le concept de
motivation extrinsèque, motivation provoquée par le renforcement du comportement (récompense, succès,
approbation sociale...). Un tel concept n'était guère propice à inspirer à l'éducateur des moyens dynamiques et
efficaces de stimulation intrinsèque d'un agir authentique et continu. (Ruel P.-H., 1987, p. 241).

Plusieurs études citées par Benoît Galand (2006, p. 5) énoncent qu'on ne peut simplement
considérer que « la motivation relève exclusivement de facteurs internes à l'apprenant ou au
contraire uniquement de facteurs externes à l'apprenant. » Il s'agit d'une dynamique plus complexe
avec de nombreux « facteurs qui interviennent avec plus ou moins de poids au fil du temps. » (p. 8)
Ce qui permet donc d'avoir une multiplicité de voies d'entrée pour agir sur cette dynamique. Tout
en gardant à l'esprit qu'il faut agir sur plusieurs leviers à la fois pour espérer une quelconque
efficacité d'une intervention pédagogique et éducative visant à renforcer la motivation des élèves :

Espérer intervenir sur la motivation des élèves en n'agissant que sur une seule de ses composantes s'avère dès
lors bien souvent contreproductif, car l'effet attendu se voit contrecarré par la réaction contraire d'une autre
composante de la motivation. (Gurtner J.-L. et al. 2006, p. 22)

Malgré tout, le « sentiment de compétence (Gurtner J.-L. et al. 2006, p. 27), le plaisir éprouvé à
l'école et le sentiment d'utilité de la formation reçue » seraient des élément clés de la motivation des
élèves (Galand B., 2006, p. 6).

A la dimension de réalisation de soi et de réussite à réaliser un objectif, il faut ajouter à la


motivation une dimension sociale à la motivation des élèves, comme établir des relations, faire
partie d'un groupe, coopérer, etc :

Autrement dit, à l'école les élèves ne poursuivent pas seulement des buts d'accomplissement, mais aussi des buts
sociaux tel qu'être accepté en classe, se faire des amis, se montrer coopératif avec les enseignants ou respecter les
règles de classe. (p. 7)

Galand spécifie également que les pratiques de classe qui tendent à comparer les élèves entre eux et
instaurer une compétition ont au final un effet négatif global sur la motivation (p. 7) :

[…] de nombreux travaux ont montré qu'il est possible de rehausser (la motivation) en classe par la mise en
œuvre de situations pédagogiques appropriées, insistant sur la coopération plutôt que sur la compétition et évitant
les comparaisons entre élèves […] (Gurtner J.-L. et al. 2006, p. 29)

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A contrario, d'autres éléments participent à une meilleure motivation comme l'espace d’« auto-
détermination » offert à l'élève :

La motivation intrinsèque pour une activité ou un domaine sera liée non seulement au sentiment de compétence
vis-à-vis de celle-ci mais aussi à l'impression d'avoir pu choisir soi-même de faire cette activité et comment on
souhaitait la faire. (Gurtner J.-L. et al. 2006, p. 26).

Ou encore « un climat de classe favorable et une bonne atmosphère d'école » (p. 29)

La littérature scientifique présente différentes approches de la motivation et la définir n'est pas aisé.
L'universitaire québécois Rolland Viau qui a consacré de nombreuses recherches dans le milieu
scolaire en précise les contours :

La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu'un élève a de
lui-même et de son environnement et qui l'incite à choisir une activité, à s'y engager et à persévérer dans son
accomplissement afin d'atteindre un but. (1994, p. 7)

Cette définition reprend le concept du but et de son accomplissement et introduit l’importance de la


représentation de soi dans la dynamique motivationnelle.

Plus récemment, Daniel Favre (2010 et 2015), Professeur de sciences de l'éducation et de neuro-
physiologie synthétise divers travaux (dont la théorie de la motivation selon la hiérarchie des
besoins humains d'Abraham Maslow, 1943) en caractérisant trois systèmes de motivation. Les deux
premiers sont liés à un fonctionnement normal du développement psychologique de l'être humain et
ont tendance à se succéder dans le temps, même s'ils coexistent toute la vie. Il y a tout d'abord « le
système de motivation de sécurisation » (qui permet de satisfaire les besoins biologiques et
psychologiques fondamentaux). Cet élément de sécurisation est alors externe au sujet.

Sylvie Canat, Maitre de conférences en Sciences de l'Education, énonce ce besoin de sécurisation


en milieu scolaire comme un préalable avant tout apprentissage :

Pour pouvoir apprendre et être scolarisé il faut entretenir un rapport de confiance au langage, à l'autre, à son
propre corps, à l'espace, au temps, aux représentants du cadre, à la demande scolaire, à la loi … Si un de ces
rapports insécurise l'enfant, toute son attention se focalisera sur cette insécurité ou ce chaos interne et du coup,
elle ne pourra être mobilisée pour les apprentissages scolaires. (2007, p. 27)

Ensuite, Daniel Favre présente le « système de motivation d’innovation » (qui permet l’accès
progressif à l’autonomie et la responsabilité). La référence qui fonde la sécurité du sujet est ici
interne. Cette motivation procure un plaisir qui ne s'épuise pas, au contraire du premier système qui
ne vise qu'à apaiser une tension, puisqu'il résulte « d'un mouvement de réalisation de soi » (p. 47).
Ce système de motivation peut générer de la frustration lorsque l'élève rentre dans une routine, « un

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enfermement dans le connu ou le prévisible » (p. 48). Enfin, Favre définit une troisième dynamique
qui peut être à l'œuvre : le « système de motivation parasitée ». Une personne se retrouve ainsi
enfermée et dépendante de « programmes étrangers » en intériorisant et répétant des injonctions
peu constructives (“je suis ceci ou cela“, “moins que ...“) qui limitent le développement de
l'autonomie de l'individu (p. 50).

Par ailleurs, la motivation scolaire des élèves a tendance à diminuer au fur et à mesure que la
scolarité avance et ce de manière générale pour tous les élèves (Galand B., 2006, p. 6 / Gurtner J.-L.
et al. 2006, p. 23). Cette baisse globale de motivation est souvent attribuée à « une objectivisation
progressive de la perception que l'enfant peut avoir de lui-même et de ses compétences qu'il
surestimait généralement en début de scolarité » (Gurtner J.-L. et al. 2006, p. 23).

Concernant spécifiquement la production d'écrits, les didacticiens cités dans la partie précédente
concernant les processus cognitifs de cette tâche, évoquent également la motivation. Ainsi donner
du sens et un but aux textes produits favorisera une plus grande motivation des élèves à s'engager
dans une activité de production d'écrits :

Le rôle de l'enseignant est alors de favoriser l'installation de situations de production de textes ayant du sens pour
les enfants, et de faire émerger, sous la forme d'un projet d'écriture, les exigences liées à cette tâche spécifique,
[…] (Garcia-Debanc C., 1988, p.17)

Or, la motivation à écrire réside dans la transmission d'informations en fonction d'un but et d'un lecteur précis :
écrire à son correspondant à l'étranger, produire un livre pour de plus jeunes enfants, inventer une poésie pour un
affichage et une récompense ... Ce travail d'écriture se construit à la fois dans un échange collaboratif avec ses
pairs et un étayage de l'adulte. (Chanquoy, Bonnotte, Negro, 2018, p. 117)

Et enfin, à ce sujet, on peut rappeler les propos de Pierre Clanché qui empreinte la dichotomie
proposée par Roland Barthes en terme de posture d'écriture : l'écrivain et l'écrivant … qui
correspondent toutes deux à des motivations différentes, intrinsèque pour l'une et extrinsèque pour
l'autre.

2.3.2 Les représentations et l'estime de soi

La représentation de soi, l'estime de soi ou encore le sentiment de compétence sont énoncés par les
auteurs précédemment cités comme des éléments cruciaux dans la dynamique motivationnelle. Ces
trois dénominations sont en fait des quasi synonymes d'une même notion.

Le sentiment de compétence ou « la valeur de soi » se définit comme la distance entre la conception

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de ses propres capacités et le jugement que l'extérieur nous renvoie sur elles :

[…] la valeur de soi de l’enfant se construit à l’intersection entre la perception de l’écart qui existe entre la
compétence du sujet et ses idéaux et la perception que le sujet a du regard que les autres portent sur ses propres
compétences. (Speranza M. et Valeri G., 2010, p. 9)

Pierre-Henri Ruel évoque également cette dimension du jugement des autres dans la construction de
la représentation de soi, il y ajoute la perception personnelle que chacun a de ce jugement extérieur :

Interviennent aussi, dans cette formation du concept de soi, les jugements explicites que les autres portent sur
soi, et la perception qu'a l'individu des jugements des autres sur lui-même. Se représenter à soi-même devient,
ainsi, une sorte de jugement, plus subjectif qu'objectif, que l'on porte sur soi ; c'est une image mentale concrète
que l'on a de soi, et qui qualifie l'estime envers soi. (1987, p. 245)

Par contre, il précise que ces représentations de soi sont multiples et situationnelles. L'individu « ne
porte sur lui qu'un seul jugement global. Au contraire, il pose sur lui divers regards selon les
situations qu'il vit […] » (p. 247). Ainsi, l'ensemble de ces jugements portés sur soi-même définit au
final une appréciation générale qu'est l'estime de soi.

Meram Dalith, Médecin spécialisée en Santé Publique, signale que « l'estime de soi est une
composante essentielle de la santé mentale», et que c'est par « une estime de soi solide » que
l'enfant pourra s'accepter et gérer des réussites ou des échecs liés à son interaction avec l'extérieur.
« C'est par les signaux émis par les autres que l'enfant va apprendre qu'il est digne d'estime ou
non ». (2017, p.48)

La motivation à agir et à mettre en œuvre ses capacités fonctionnelles en relation avec un objectif
déterminé dépend de la qualité de sa propre représentation de soi : « En définitive, la représentation
mentale favorable que le sujet a de lui-même est à l'origine de l'engagement de l'agir motivationnel,
c'est à dire de l'entrée en relation de l'individu avec l'environnement. » (Ruel, 1987, p. 253). Daniel
Favre présente « l’estime de soi et la confiance dans le monde environnant » comme une des
références de sécurité pour le système de motivation de l'innovation (2015, p. 47).

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3 Le cadre théorique et méthodologique

Le cadre conceptuel est désormais dressé avec les notions clés définissant les processus cognitifs à
l'œuvre, les ressorts de la motivation. C'est aussi le cas du cadre historico-pédagogique de la
pratique du texte libre selon la méthode développée par Célestin Freinet. Je vais maintenant poser le
cadre théorique, expliciter la méthodologie de cette étude et faire état des données recueillies afin
d'apporter des réponses aux questionnements professionnels soulevés.

3.1 Le cadre théorique du mémoire

Mon étude s'appuie sur trois cadres théoriques différents mais proches : le cours d'action de
Theureau, la recherche-action de l'INRP et l'auto-explicitation de Vermersch.

3.1.1 Le cours d'action et l'action située

Ce travail de recherche s'inscrit dans le cadre théorique du cours d'action. C'est une approche de
l'analyse de l'activité professionnelle développée par Jacques Theureau. Son travail est issu de la
recherche en anthropologie et sur l'ergonomie du travail ici transposée à l’éducation.

Le postulat de cette analyse de pratique est d'adopter le point de vue des acteurs, dans le cas du
présent mémoire : les élèves de l'Ulis et moi-même, l’enseignant, et non pas un point de vue
extérieur institutionnel, sociologique ou autre. Il s'agit d'un regard analytique intérieur aux
frontières de la pratique elle-même.

Ce regard va alors se porter sur de multiples dimensions reliées entre elles comme les protagonistes
avec leur corps, leurs émotions, leur culture personnelle et familiale, leurs connaissances et
capacités cognitives, leur disponibilité à agir en interaction avec le travail demandé, la relation avec
les autres, les exigences explicites ou implicites et le cadre institutionnel de l'école.

Il s'agit de décrire et d'expliquer de l’intérieur un système dynamique et interactif afin de mieux


comprendre et donner du sens à ce qui se passe réellement dans le cadre de la pratique du texte libre
dans ma classe.

L'action située de Theureau nous invite donc à adopter un regard presque anthropologique et
ethnologique sur l'activité de l'élève et de l'enseignant en s’appuyant sur des données empiriques
recueillies au cours du temps et sur des données structurantes (institutionnelles et issues de la
recherche).

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Il s'agira pour moi également d'une sorte d’auto-confrontation. C'est à dire de me mettre dans une
situation faisant appel à la conscience préréflexive dans l'analyse de mes postures, choix et attitudes
d'enseignant, afin d’analyser mon agir professionnel.

3.1.2 La recherche-action

L'intérêt de ce mémoire est de confronter une pratique expérimentale de terrain à l'œuvre avec des
concepts et des théories basés sur la recherche en didactique, en cognition et en psychologie de
l'apprentissage.

Mon travail se rapproche donc de la recherche-action au sens définit en 1986, lors d'un colloque à
l'INRP, où les chercheurs sont partis de la définition suivante : il « s'agit de recherches dans
lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double
objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations ».

Un des objectifs de mon travail de recherche par la description et la compréhension qu'ils vont
apporter est de générer des transformations de pratiques concrètes à mettre en œuvre en classe.

3.1.3 L'auto-explicitation

Le cadre théorique de mon mémoire relève aussi en quelque sorte de l'entretien d’explicitation.
Celui-ci mené de manière individuelle et solitaire peut être qualifié d'auto-explicitation.

L’entretien d'explicitation est basé sur le principe qu'il est possible d'accéder à l’expérience
subjective vécu par une personne et de la décrire. Cette technique a été développée par Pierre
Vermersch, qui fut psychologue, psychothérapeute et chercheur au centre national de la recherche
scientifique (CNRS). Il s'était appuyé sur les théories de la conscience et de l'attention.

L'idée fondamentale est que tout ce qu'on vit et fait laisse des traces émotionnelles dans notre
mémoire, consciemment ou non. Ces traces mémorielles peuvent ressurgir de manière involontaire
ou grâce à des techniques (par exemple avec un entretien d’explicitation ou par une auto-
explicitation).

L’entretien d'explicitation nécessite une formation spécifique pour être mené à bien. Cette méthode
est utilisée dans de nombreux secteurs professionnels comme celui de l'analyse de pratique, de la
formation, de la validation d'acquis, de l'entrainement sportif de haut-niveau, du consulting, etc.

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Ainsi, le travail introspectif que j'effectue sur ma pratique professionnelle du texte libre tient de
l'auto-explicitation par le fait que je parte d'une situation de référence vécue réellement, relaté
ensuite de manière précise, que ce travail lent et progressif de remémoration permette l’activation
d'une mémoire plus sensorielle et que j'accueille et me questionne sur les résurgences qui
deviennent alors conscientes.

Fort de ce cadre théorique permettant d'analyser le vécu de terrain professionnel, une méthodologie
de recherche peut se mettre en œuvre.

3.2 La méthodologie mise en œuvre

La méthodologie de recherche de ce mémoire est basée sur des données recueillies tout au long des
trois années de réalisation de la séquence du texte libre dans ma classe. Dans un premier temps, elle
nécessite de déterminer les participants à l'étude : mes élèves et moi-même mais pas uniquement. Il
faut également bien préciser le déroulement du processus pédagogique de la séquence du texte libre
en insistant sur les trois premières séances. Enfin, la nature des données récoltées et des traces
attestant de l'activité des élèves et de l'enseignant doivent être mis en lumière.

3.2.1 Les participants à l'étude

Les participants à l'étude que je mène dans ce mémoire appartiennent à deux catégories : les élèves
que je classe en trois cercles d’influence décroissante au regard de la pratique du texte libre et les
adultes qui, eux, n’appartiennent pas tous au corps enseignant.

Les élèves de l'Ulis et d'autres classes

Depuis ces trois années durant lesquels j'ai mis en place la pratique du texte libre, 23 élèves ont
fréquenté le dispositif Ulis pour une durée de quelques mois à trois années complètes. Ce sont les
élèves « cœur de cible » car ils ont pratiqué le texte libre de manière assidue et régulière.

A ceux-ci s'ajoute un second cercle d'élèves dits « invités » dans la classe et qui ont participé
ponctuellement à l'élaboration de textes ou à la réalisation d'illustrations. Ce sont des élèves qui ont

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été accueillis à l'Ulis en raison de l'absence temporaire non remplacée de leur enseignant attitré.
Douze de ces élèves ont eu une production (texte ou illustration) élue et parue dans un des recueils
de textes.

Enfin, un dernier cercle plus distant comprenant beaucoup plus d'élèves est constitué des classes
auxquelles les recueils ont été présentés, à savoir environ 6 classes par an soit environ 150 élèves. A
ces élèves de l'école de Ganges, il faut ajouter un autre groupe d’enfants lecteurs de nos recueils de
texte : la vingtaine d'élèves de la classe Ulis de Lodève de Bertrand Cabioch avec qui nous
entretenons une correspondance. En prenant en compte les élèves ayant changé de niveaux, j'évalue
le nombre d'élèves du troisième cercle à près de 300. Ils sont d'une influence relative car ils n'ont
pas directement participé à la séquence du texte libre mais ils revêtent cependant une importance
non négligeable dans l'objectif communicationnel du texte libre et dans les retours émotionnels et
cognitifs qu'ils ont pu offrir aux élèves de l'Ulis.

Les adultes de la communauté éducative

L''enseignant-coordonnateur de l'Ulis, moi-même, est l'adulte principal sujet de l'étude. S'y ajoutent
immédiatement les adultes m’accompagnant au quotidien dans le bon déroulement du dispositif
Ulis. Sans être directement en responsabilité pédagogique de la séquence du texte libre, ils œuvrent
à sa réalisation chaque semaine et influencent ma pratique professionnelle. Il s'agit, en trois ans,
d'une ATSEM et de cinq AESH-co ou AESH-i (individuelles). A ces professionnelles, s'ajoute la
professeure remplaçante ayant assuré mon remplacement pendant les 12 semaines de ma formation
d'enseignant spécialisé et qui a continué à mettre en œuvre le texte libre dans la classe.

Ensuite, plusieurs personnes adultes gravitent autour de la dynamique du texte libre et participent à
leur façon à la soutenir et à la renforcer. Ce sont les « abonnés » réguliers, les professeurs des
classes chez qui mes élèves assurent des présentations de textes et les parents des familles des
élèves écrivains dont j'estime le nombre à une petite centaine. Comme les élèves du troisième
cercle, leur position se situe en fin du processus du texte libre, mais leur importance est notable car
ils en portent aussi la visée de transmission et de communication.

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3.2.2 La séquence du texte libre

Ma pratique du texte libre vise :

– d'une part à amener les élèves à produire des textes,

– d'autre part à développer l'apprentissage général du lire-écrire

– et enfin à donner du sens à l'acte d'écrire ainsi qu'à générer de la motivation à effectuer cet
apprentissage.

Elle s'incarne en une séquence qui a peu évolué dans sa structure. Le contenu des séances et la
manière de les mener ont, quant à eux, sensiblement changé au fil du temps. Je présente ici
brièvement la logique de cette séquence, son architecture ainsi qu'un court descriptif de chaque
séance. Le détail de la séquence telle qu'elle a été formalisée pour la dernière fois fin 2019 (pour sa
cinquième version) est présentée en annexe 3.

Une organisation hebdomadaire des séances

La séquence du texte libre est composée habituellement de 6 séances plus une séance d'arts
plastiques. Elle est organisée de manière rituelle sur la semaine et se déroule sur deux semaines. De
manière générale, la séquence commence un jeudi après-midi (séance 1) et se termine le vendredi
de la semaine suivante (séance 6). Deux séquences de travail se superposent ainsi : lors d'une même
semaine, on travaille en apprentissages de la langue le texte produit la semaine précédente et en
même temps on produit un nouveau texte qui sera présenté et exploité la semaine suivante.

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Voici la présentation en tableau de l'organisation hebdomadaire de la séquence du texte libre :

LUNDI MARDI JEUDI VENDREDI


Séance 4 Séance 5 Séance 6
Découverte Manipulation phrase-clé Ateliers différenciés de
du texte Ateliers différenciés de pratique de la langue
MATIN + phrase-clé pratique de la langue

Arts plastiques Séance 1 Séance 3


illustration du texte / vote Écriture texte libre Mise au point /
APRÈS- enrichissement
MIDI
Séance 2
Présentation textes / vote

Deux temps distincts se dégagent de cette séquence : Les trois premières séances sont directement
consacrées à la production d'un texte et les trois suivantes à sa découverte et son exploitation
pédagogique. Dans le cadre de ce mémoire, je m’intéresse plus particulièrement aux séances 1 à 3.

Les trois séances de la production du texte

La première et la seconde séance s'enchainent de manière générale. Les élèves produisent un écrit,
le présentent à la classe et élisent un texte. Ensuite un travail de reprise de texte s'effectue lors de la
troisième séance.

Séance 1 : Ecriture du texte libre. Durée : environ 40 minutes – travail individuel

Il s'agit de la phase d'expression libre, sur un petit cahier d'écrivain, en travail silencieux, les élèves
écrivent ou dessinent ce qu'ils veulent dans l'objectif de produire un texte. La création est libre dans
sa forme et son contenu (histoire vraie ou imaginaire). C'est une phase volontairement non
interventionniste de la part des adultes. L'enseignant ou l'aide humaine restent à disposition des
élèves. Il arrive que les adultes engagent une courte discussion avec un élève qui dit ne pas avoir
d'idée, être bloqué ou ne pas avoir envie d'écrire. La production est encouragée, stimulée mais pas
obligée.

Les élèves ont à disposition des outils d'aide à l'écriture, introduits progressivement en classe, qu'ils
peuvent utilisés : leur anciens textes libres, les recueils déjà parus, la bibliothèque de classe, des

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dictionnaires, des répertoires de vocabulaire PEMF, leur répertoire de vocabulaire personnel qui se
remplit texte après texte, leur cahier de phonologie, des fiches de graphisme et d'alphabet, etc.

Un regard est systématiquement porté par l'adulte. Pour cela, deux colonnes sont tracées au tableau
sur lesquels les élèves vont au moment opportun écrire leurs initiales. La première colonne est
intitulée « Je suis prêt-e ». Quand l'élève y appose ses initiales, cela veut dire qu'il a terminé son
écriture ou son dessin et qu'il doit voir l'un des adultes de la classe. Selon les profils des élèves il y a
plusieurs cas de figures :

– pour les élèves non scripteurs : une dictée à l'adulte est effectuée. Tout d'abord, l'élève
raconte son histoire, puis l'adulte la note face à son illustration. Progressivement, l'élève est
invité à écrire (en copie) ou à encoder des syllabes ou des mots de son propre texte selon ses
capacités.

– pour les élèves scripteurs : l'élève lit l'histoire qu'il a écrite (une ligne à une page entière) à
l'adulte. En fonction des productions et des compétences de l'élève, l'adulte (souvent le
professeur) lui propose des corrections (préalablement choisies) à effectuer au niveau
orthographique ou syntaxique. Une partie des corrections sont effectuées mais pas
systématiquement par l'adulte directement. L'élève complète alors son répertoire de
vocabulaire avec quelques mots de son propre texte qu'il a initialement mal orthographié. De
plus, une phase d'écriture au propre du texte corrigé est quelquefois demandé à l'élève.

Une fois que l'élève a été vu par un adulte et qu'il a terminé le travail demandé (corrections, copie,
dessin d'illustration), il appose ses initiales dans la seconde colonne intitulée « j'ai fini ». Il peut
alors s'affairer à des occupations solitaires et calmes (dessin libre, lecture, puzzle, fiche de travail à
terminer, ...)

Séance 2 : Présentation des textes / vote. durée : environ 30 minutes – classe entière / individuel

Sur la base du volontariat, chaque élève peut présenter son texte à la classe et, également, s'il le
souhaite, le soumettre au vote pour éventuellement le voir élu par la classe. L'élève lit son texte
devant la classe. Les non-lecteurs répètent leur texte à voix haute sous la diction chuchotée à
l'oreille par un lecteur expert (souvent l'enseignant). Si nécessaire, le lecteur expert relit le texte haut
et fort afin que tous le perçoivent correctement. Une question rituelle est posée à l’auteur-e dont la
réponse est soumise à l'approbation du groupe : « Histoire imaginaire ou réelle ? ». Des questions
ou remarques de la part des autres élèves sont ensuite possibles à chaque présentation. Enfin,

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l'auteur-e est félicité-e pour son travail et on passe au / à la suivant-e.

En même temps, l'élève en charge du métier de secrétaire-dessinateur, symbolise le texte lu par un


dessin au tableau. Chaque dessin est numéroté. une fois que tous les élèves présentant un texte à
l'élection sont passés, le secrétaire-dessinateur effectue un rappel oral, sur la base de ses dessins au
tableau, du contenu de chaque texte. Il doit, à ce stade, détacher sa présentation de l'auteur. Il ne
s'agit plus, temporairement, d’identifier qui a écrit le texte mais plutôt de focaliser l'attention et
l'intérêt que le contenu de l'histoire propose : « Cette histoire raconte une visite au musée... », « Il y
a une voiture de police qui ... », « C'est l'histoire d'une petit fille qui va à l'école ... », etc
L'intention affichée est que les élèves votent pour une histoire qu'il leur plait et non pour une
personne.

Une élection à bulletin secret est alors effectuée. À ce stade, il est demandé aux élèves de faire le
silence. Un bureau de vote est improvisé en fond de classe avec des bulletins numérotés plastifiés et
une boite à fente faisant office d'urne. Cet espace est géré par un adulte qui appelle un à un les
élèves pour le vote (qui n'est pas obligatoire). Chaque élève voulant voter doit mémoriser deux
numéros d'histoire différents pour effectuer deux votes simultanés. Les élèves ont la plupart du
temps envie de voter pour leur histoire. Introduire un second vote leur permet d'ouvrir leur intérêt
vers une autre histoire. Les adultes de la classe votent aussi.

Une phase de dépouillement s'ensuit qui fait appel à deux métiers de classe : celui ou celle qui retire
les bulletins de l'urne et annonce à voix haute les numéros et celui ou celle qui fait une coche au
tableau chaque vote en haut du dessin concerné. A l'issue du dépouillement le décompte des voix
est vérifié entre les coches au tableau et les bulletins mis à jour. Un texte est normalement ainsi élu.
En cas d'ex-aequo, un second vote entre les finalistes a lieu. Par contre les votants n'effectuent plus
qu'un seul vote.

Le texte élu va faire l'objet d'une séance collective dite de « mise au point / enrichissement ».

Séance 3 : Mise au point / enrichissement. durée : environ 30 minutes – classe entière

Le principe est tout d'abord d'aider l'auteur-e à finaliser son texte. Le texte subit un examen collectif
qui le fait devenir un objet commun à la classe. Étant toujours une production d'un élève, il
appartient un petit peu à tous après cette phase de travail commun.

Comme l'intitulé l'exprime, l'objectif de la séance est double : mettre au point et enrichir. Il s'agit

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d'aider l'auteur-e à ce que son texte soit « mieux dit / mieux écrit » dans l'objectif de sa future
communication vers l'extérieur. En effet, il faut bien écrire pour être bien compris par un autre qui
lira ce texte dans un futur recueil à paraître. Mais aussi, un apport d’informations peut s’effectuer.
Les élèves demandent des précisions à l'auteur-e sur son histoire vraie ou imaginaire et / ou
proposent des idées à ajouter au texte.

Il s'agit donc de la phase formelle de révision de texte. L'auteur-e s'assied alors devant la classe et
accueille les propositions des autres en les acceptant ou en les rejetant. Ce travail est parfois
précédée d'une séance décrochée autour du vocabulaire ou d'une recherche documentaire.

Ce texte élu, puis mis au point et enrichi par les élèves, fait l'objet d'une écriture finale durant le
week-end par moi-même. Il devient le support à la pratique du français durant la semaine suivante.

L'apprentissage de la langue

Les trois premières séances de la séquence du texte libre consacrée à la production de texte font
travailler de nombreux pans de l'apprentissage de la langue tant sur le plan oral qu'écrit.

Les trois séances suivantes visent à accentuer et à cibler le travail d'apprentissage du lire/écrire de
manière différenciée selon les besoins de chaque élève. Chaque séance dure une quarantaine de
minutes et inclut toujours un temps collectif avant la mise en œuvre d'espaces de travail
individualisés et par groupe de compétences. Ces séances ne sont pas détaillées dans ce mémoire
car elles ne font à proprement parler pas partie de la production de textes libres mais plutôt de leur
exploitation. L'annexe présentant la totalité de la séquence du texte libre détaille ces séances qui ont
beaucoup évoluées durant ces trois années d'expérimentation.

Ainsi, des domaines telles que la phonologie, le décodage, la combinatoire, la syntaxe, la


grammaire, la conjugaison, l'orthographe, le vocabulaire … sont abordés progressivement en
fonction des besoins et capacités des élèves.

Malgré tout l'approche du français dans ma pratique de classe ne réside pas que dans cette séquence
du texte libre. En dehors du fait que le français se pratique dans toutes les disciplines, d'autres
séances sont programmées dans la semaine pour travailler des compétences spécifiques à la pratique
de la langue : des rituels autour du lexique, des séances liées au travail du langage oral (quoi de
neuf, jeux de langue, conseil,...), des écrits spécifiques en relation avec des projets (exposés,
affiches, courriers, recettes …), des lectures et de l'acculturation littéraire (en lien avec la

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médiathèque) ou encore du traitement de texte sur ordinateur.

3.3 Le recueil de données et les traces d'activité

Comme y invitent les cadres théoriques choisis, le regard sur mon expérience pédagogique est
intrinsèque et part des données recueillies par le truchement de l'exercice de la pratique elle-même
en classe. Les données ainsi recueillies sont de natures différentes :

Les données explicites :

– Les statistiques : ce sont des informations chiffrées concernant le nombre d'élèves, le


nombre de textes écrits, le nombre de recueils parus, …

– Les textes élus, mis au point, enrichis et publiés dans les recueils de textes.

– Les cahiers d'écrivain qui gardent la trace des textes libres (sous forme d'écrits et de dessins)
produits par les élèves et de l’accompagnement et des corrections apportées par les adultes.
L'annexe 5 présente des extraits choisis de cahiers d'écrivain.

– Les différentes versions de la séquence du texte libre et les évolutions des séances notées
dans mon cahier journal.

– Les neuf recueils de textes libres publiés à ce jour. Le recueil n°9 est présenté en annexe 6.

Les données empiriques :

– Les relevés de remarques et attitudes des élèves prises par moi-même. L'annexe 5 présente
quatorze monographies d'élèves.

– Mes notes concernant les ajustements, adaptations et évolutions de ma posture et de mes


interventions professionnelles.

Ce recueil de données s'est effectué tout au long de ces trois dernières années. L'intention est de
mettre en exergue le point de vue des acteurs, essentiellement ceux du premier cercle : les élèves de
l'Ulis et moi, enseignant. Cette approche par l'activité est effectuée par un bilan statistique du texte
libre, par le récit monographique du vécu des élèves impliqués ainsi que par un regard sur leurs
cahiers d'écrivain. Ensuite, j'exposerai les activités connexes à la production d'écrit à proprement
dite de partage et d'échange.

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3.3.1 Les données statistiques

Les données statistiques du texte libre sont basées sur les parutions des recueils qui comptabilisent
les textes (et illustrations) élus ainsi que leurs auteurs. Le détail de ces données est exposé en
annexe.

En trois années de fonctionnement, dont une partielle du fait de la fermeture des écoles durant le
premier confinement et une reprise lente de la scolarisation (pour un impact de 8 à 10 semaines sans
texte libre), 83 textes libres ont été publiés (et donc sélectionnés par le vote des élèves). Ces textes
sont parus dans 9 recueils composés de 8 textes chacun en moyenne. Il y a ainsi 3 recueils produits
par an. Chaque recueil a été tiré à 30 exemplaires quasiment tous diffusés (très peu de stock
restant).

La production de textes libres par les élèves ne s'arrête évidemment pas à ceux qui sont élus et
publiés. En effet, les élèves présents écrivent tous un texte lors de la séance 1 de la séquence. Il n'est
pas possible de chiffrer précisément le nombre de textes produits car je n'ai pas en ma possession
les cahiers d'écrivain de chaque élève. Certains sont partis avec en fin d'année scolaire ou l'ont
perdu. Malgré tout, il est possible d'estimer le nombre de textes produits à 800 de 2018 à 2021 en
prenant en compte des absences ponctuelles, des présences en classe d'inclusion lors de la séance
d'écriture et des refus d'écrire. Sur les 83 textes et illustrations parus, chaque élève aura eu en
moyenne 3,4 textes élus, mis au point et publié, durant sa scolarité à l'Ulis. L'écart varie d'aucun
texte publié (cas d'une élève ayant été rapidement incluse dans une autre classe sur les temps
d'écriture à 7 textes publiés pour deux élèves ayant écrit pendant deux à trois ans à l'Ulis.

Chaque élève a eu son travail (texte ou illustration confondus) publié en moyenne plus de 6 fois
dans sa scolarité à l'Ulis. Par contre, l'écart est grand car un élève n'a été publié qu'une seule fois
(présence une demi-année sur les temps d'écriture) et trois élèves ont été publié de 12 à 14 fois. En
effet, le nombre de productions parus des 23 élèves se situe sur une courbe croissante quasi linéaire
de 1 à 14 parutions. La disparité est donc grande. Les facteurs qui l'expliquent sont multiples. Est-ce
une inégalité ou une source de frustration ? Le constat de cette disparité nourrira l'une des
perspectives d'évolution de ma pratique.

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3.3.2 Les monographies et les cahiers d'écrivain

L'intention ici est de relater de la manière la plus neutre possible des parcours d'élèves dans leur
pratique du texte libre durant leur passage à l'Ulis. Cela me permet tout d'abord de porter un regard
sur leur vécu afin de mettre en lumière et de mieux comprendre la diversité des approches et
pratiques d'écriture des élèves. Et ensuite, je peux extraire de ces monographies des éléments
saillants permettant d'analyser ma pratique de classe et de la confronter à la littérature scientifique.

J'ai tenté dans ces monographies de conserver un point de vue descriptif en évitant toute
interprétation. J'ai fait le choix d'éviter dans la mesure du possible la redondance en ne relatant
qu'une fois des faits ou des postures d'élève communs à plusieurs. Pour chaque élève, j'ai essayé de
passer en revue son vécu sous le prisme de différents items communs à tous dans les différentes
phases du texte libre (écriture, présentation, vote, enrichissement, réception, diffusion, ...) :

– Évolution de l'élève dans la pratique du texte libre dans le temps

– Adaptations spécifiques mises en place

– Niveau des apprentissages : difficultés, facilités, blocages …

– Motivation, émulation, enrôlement, implication …

– Capacité à produire un écrit (un peu, beaucoup, pas du tout / passage facile / blocage, ...)

– Capacité à relater une histoire inventée (imagination), vraie (mémoire), entre-deux


(distordre, enchanter la réalité), sujets récurrents / évolution ..

– Rapport dessin / écriture

– Autres spécificités relevées pour chaque élève

Les cahiers d'écrivain constituent la trace d'activité principale du processus d'écrire des élèves. Ils
sont pour mon étude une source précieuse d'informations notamment sur l'évolution du travail de
production d'écrit de mes élèves. Leur relecture a également nourri l’écriture des monographies
d'élèves. Ces cahiers d'écrivain gardent aussi la mémoire de mes propres interventions et tentatives
d'accompagnement du processus d'écriture au fil du temps et selon les profils de chacun. Des scans
en noir et blanc de pages choisies des cahiers d'écrivain accompagnent les quatorze monographies
présentées en annexe 5 dans lesquelles les prénoms des élevés ont été modifiés : Valérian, Antoine,
Ilias, Noé, Joachim, Frédéric, Leïla, Mario, Maëva, Lou, Karim, Firmin, Renaud, et Laurie.

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3.3.3 Les partages et échanges extérieurs

La dimension de communication extérieure du texte libre est un objectif affiché et recherché dès le
début de l’expérimentation de la séquence. C'est un des leviers potentiels pour accentuer
l’enrôlement et la motivation à écrire comme Célestin Freinet a pu l'exprimer et sur lequel je
reviens dans la partie 4. Ces temps de partage et d'échanges se matérialisent soit par une
communication à distance, soit par une rencontre physique avec un lieu et des personnes.

La communication à distance s'est effectuée par deux médiums : le courrier électronique et la lettre.
Mes élèves et moi-même entretenons une correspondance depuis deux ans avec l'Ulis de Lodève.
Le contenu de nos échanges ne porte pas uniquement sur le texte libre mais par ces lettres, neuf
courriers envoyés et dix courriers reçus, les recueils de texte de chaque classe sont
systématiquement échangés. D'autres relations épistolaires moins régulières et différentes en
fonction des années se réalisent à chaque parution de notre nouveau recueil. Nous l'envoyons avec
un petit mot à des anciens élèves, notre ancienne AESH-co ou encore, pour les nouveaux arrivants à
l'Ulis, à leur maitresse de l'année passée.

De plus, au début de la troisième année, j'ai initié les élèves à la messagerie électronique afin
d'informer plus largement de la parution d'un nouveau recueil de textes et de proposer aux intéressés
de s'abonner (gratuitement) pour recevoir chaque nouveau recueil. Avec mon aide, les élèves ont
rédigé un courrier électronique d'information adressé à une quarantaine de personnes (les collègues
enseignants et divers partenaires institutionnels locaux et départementaux). Quatre personnes ont
répondu positivement et font l'objet désormais d'un envoi systématique à chaque nouvelle parution
(le président de la Communauté de Communes, le directeur de l'école, la responsable scolaire de la
médiathèque de Ganges et un collègue enseignant spécialisé). La confection et l'envoi de ces
courrier sont en partie faits par les élèves pour un apprentissage pratique de la correspondance
(enveloppe, lettre, adresse de l'expéditeur, adresse du destinataire, affranchissement, dépôt).

La médiathèque de Ganges et la bibliothèque de l'école accueillent de manière pérenne les recueils


de textes libres. Ils sont référencés et empruntables comme tout livre de ces espaces de culture.
Selon l’organisation de la médiathèque de Ganges, les recueils de texte sont quelquefois mis en
avant sur des présentoirs offrant une plus grande visibilité au travail des élèves.

Néanmoins, le premier lieu de communication des textes libres est le domicile de chaque élève. En
effet, les élèves et les adultes de l'Ulis reçoivent tous un exemplaire de chaque nouveau recueil,
ainsi que les élèves invités qui y paraissent en qualité d'auteur. Les enfants accueillent en général

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avec bonheur, envie et gourmandise le recueil tout frais paru et le ramènent donc chez eux avec
pour consigne de le montrer, le lire et le faire lire et de le garder chez soi dans sa propre
bibliothèque. Je n'ai que peu de retour de la part de mes élèves de ce qui se passe dans leurs familles
et je n'en ai pas non plus spécialement sollicités. Je constate simplement que certains n’ont plus le
recueil dans leur sac dès le lendemain alors que d'autres peuvent le garder longtemps.

Des présentations physiques ont aussi lieu au sein de l'école. Les élèves de l'Ulis présentent le
nouveau recueil paru et lisent deux à trois textes à d'autres classes de l’établissement. Un temps de
questions et de remarques souvent riches fait suite à chaque lecture. Comme je l'analyse dans la
partie suivante, la méthode de présentation a évolué au cours du temps. Toujours est-il que c'est un
moment fort en émotion pour les élèves de l'Ulis et de reconnaissance d'un travail effectué. Les
retours de mes élèves ainsi que des autres élèves et de leur professeur ont été très enthousiastes. Ces
présentations font l'objet de répétitions et d'entrainements préalables à la pratique de l'oral. Cette
dernière année, huit présentations ont été menées autour des parutions des recueils n°8 et n°9. Le
niveau des classes s'étendait de la Petite Section au CM2.

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4 Résultats et discussion

Le recueil de données et les traces d'activités exposent la grande diversité d'accueil et de


comportements de mes élèves face à la séquence du texte libre. De cette grande diversité découle de
nombreuses situations particulières qu'il a fallu prendre en compte et gérer au fur et à mesure. De
ces situations inattendues résultent de nouveaux positionnements et adaptations professionnels
indispensables qui sont décrits ci-après dans un premier temps.

Puis, dans un second temps, une discussion est engagée entre le cadre conceptuel et le vécu de
terrain qui permet de confronter ma pratique aux aspects historiques, philosophiques et
pédagogiques du texte libre et surtout aux dimensions théoriques et scientifiques de la cognition et
de la motivation.

Cette partie achèvera d'apporter des réponses aux questionnements soulevés lors de la définition de
l'objet d'étude de ce mémoire.

4.1 Mes postures et ajustements de pédagogue

Comme les monographies présentées en annexe en témoignent, la diversité des profils d'élèves, de
leurs besoins et de leur vécu du texte libre est grande. Le maitre mot pour moi en tant qu'enseignant
en Ulis est adaptation : à la réalité du terrain de l'inclusion scolaire, aux situations de l'instant, aux
capacités cognitives des élèves ainsi qu'à leur disponibilité émotionnelle.

La structure de la séquence n'a pas changé en trois ans. Par contre, ce n'est pas le cas du contenu des
séances. Les séances 4, 5 et 6 principalement tournées vers l'apprentissage des différentes
composantes du français évoluent en permanence car elles s'adaptent à la progression des élèves et à
leurs besoins spécifiques. Ces séances ne font pas l'objet du présent mémoire qui s'intéresse plus
aux trois premières liées à la production de l'écrit. Néanmoins, l’utilisation systématique du texte de
la semaine comme support des apprentissages du français a été l'un de mes credos pédagogiques au
sujet duquel j'ai pris un peu de distance aujourd'hui.

Les jours de séance peuvent changer. En effet, il s'agit pour moi de m'adapter à la présence des
élèves qui, entre rendez-vous extérieurs, temps d'inclusion en classe ordinaire, divers événements et
absences, ne sont, au final, jamais tous là ensemble. L'emploi du temps général et individuel à l'Ulis
se caractérise par une grande plasticité. Ainsi, du fait que le texte libre est un ses éléments
structurants forts, je déplace parfois les séances 1 à 3 afin de faire participer le plus d'élèves

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possible au moins une fois de temps à autre à l'écriture d'un texte.

Enfin, j'ai remarqué que la question du nombre d'élèves présents est un facteur important pour le
bon fonctionnement des séances d'écriture. Il m'arrive parfois de n'avoir que 3, 4 ou 5 élèves en
classe du fait des emplois du temps inclusifs de chacun. Selon la disponibilité des élèves au moment
des séances, de leur fatigue cognitive et de leur réserve d'attention disponible, les trois séances de
production d'écrit manque de dynamisme et me demandent une certaine énergie à mobiliser les
élèves présents. J'ai constaté que l'arrivée d'un nouvel élève dans l'Ulis ou encore l'accueil d'élèves
« invités » d'autres classes donnent un nouveau souffle et apportent un vent de fraicheur qui
redynamise les élèves habitués au processus. Il semble y avoir une masse critique au bon
fonctionnement aux séances d’écriture, de présentation-vote et de mise au point du texte pour que le
groupe ne tourne pas sur lui-même, s'épuise et se démobilise. Avec le profil, forcément très
hétérogène de l'Ulis, je situe ce nombre à un minimum de 6-7 personnes. De ce fait, il m'est arrivé
plusieurs fois de décaler dans le temps une séance vers un créneau assurant une présence plus
nombreuse d'élèves.

Partants des situations vécues et présentées dans les monographies, j'explicite ci-après les multiples
ajustements liés aux séances 1, 2 et 3 ainsi que pendant les temps de partage et d'échange.

4.1.1 Accompagner l'écriture

La séance 1 est celle dédiée à l'écriture du texte libre. La diversité des situations vécues avec mes
élèves m'oblige à me questionner et à m'adapter tout en gardant le cap de ma visée initiale qui est de
laisser les élèves libres d'expression, leur permettre de devenir auteur-e et d'éprouver de la
satisfaction à créer une histoire.

L'enrôlement dans la tâche

Globalement mes élèves accueillent bien la séance d'écriture du texte libre, même si certains
soupirent parfois ou simplement refusent d'écrire. C'est une activité récurrente et ritualisée. Les
élèves ont donc leurs repères. Malgré tout, je tente de mobiliser à chaque nouvelle séance leur
intérêt à se lancer dans l'écriture. Avant d'écrire, je leur lis des histoires sur les canapés du coin
regroupement. Il s'agit en général d'anciens textes libres de la classe (ou de nos correspondants) : on
se remémore (ou on découvre) des histoires qui vont nous donner envie d'en créer de nouvelles.

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Ensuite, je rappelle l'intérêt et le plaisir de raconter des vécus importants de sa propre vie et
d'imaginer de fabuleuses histoires. Auparavant, j'insistais sur le fait d'être potentiellement élu et
publié. J'ai cessé car j'ai le sentiment que cela mettait trop l'accent sur le résultat plutôt que sur le
processus et accentuait un aspect compétitif où la motivation devient finalement émulation.

Panne d'inspiration (cf en annexe : monographie de Valérian)

« Je n'ai pas d'idées », « je ne sais pas quoi écrire » peut dire de temps à autre Valérian. Quand cela
arrive je laisse à l'élève l'espace de tâtonnement et de recherche face à cette incertitude. Il ne s'agit
pas pour moi de mettre une pression de production obligatoire. Il faut rentrer dans l'activité, essayer
… Je tente d'aider l'élève à trouver des sujets qui pourraient l’intéresser en le questionnant. J'utilise
également mes notes issues des présentations des élèves durant les « Quoi de neuf ? » (temps libre
de présentation orale de son vécu extérieur à la classe). Cela peut parfois permettre à l'élève de se
remémorer un sujet personnel précédemment évoqué qui peut servir de terreau à une histoire. Je
l'invite également s'il/elle souhaite à imaginer un personnage, un lieu, une situation qui pourraient
l'aider à démarrer un récit. Il y a de l'induction de ma part mais pas de forçage à la production. Cette
technique a quelques fois débloqué des élèves qui avait besoin d'un peu de stimulation de leur
imaginaire. Dans le cas de Valérian, cette panne d'inspiration et cette baisse d'intérêt a duré environ
4 semaines. Comme il l'avait demandé un jour, je lui ai ramené ses anciens cahiers d'écrivain que je
détenais chez moi pour les étudier pour le présent mémoire. Il les a consultés avec enthousiasme et
cela a relancé son imagination (et son intérêt ?). Il a de nouveau produit des textes.

Refus d'écrire (cf en annexe : monographies de Frédéric ou de Renaud)

Parfois des élèves refusent d'écrire. Malgré mes invitations et propositions d'aide le refus persiste.
Dans le cadre du texte libre, ne pas écrire est un droit et une possibilité. Je les invite donc à patienter
par une activité calme (dessin, ne rien faire, …) Il s'agit pour moi de comprendre ce qui se passe.
Bien souvent, un blocage émotionnel est à l'oeuvre. L'élève ne va pas forcément l'exprimer ou ne
veut pas le faire. Mais comme ce blocage est souvent lié à une situation ponctuelle (frustration de
n'avoir pu faire tel ou tel métier, altercation avec un camarade, recadrage de la part de
l'enseignant, …) Cela n'impacte pas la séance de la semaine suivante. Pour Renaud, son refus
d'écrire a duré plusieurs semaines, sans que je parvienne à en identifier la cause. Puis il s'est remis à
produire des textes.

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Quant à Frédéric, élève avec un trouble autistique important, ses refus d'écrire ont été fréquents
quand il était présent aux séances de production d'écrits. J'ai continué à lui proposer d'écrire en
essayant de le raccrocher à des éléments de sa vie personnelle ou en lui remémorant ses écrits
passés. Cela n'a pas été efficace. La situation a évolué favorablement lorsqu'il a intégré à 100% une
classe d'inclusion de sa classe d'âge et de son niveau scolaire. Il ne se sentait pas à sa place à l'Ulis
et souffrait de cette situation. De plus, il semblerait que cette activité d'écriture libre elle-même le
mettait en difficulté alors qu'il était très performant sur d'autres domaines du français avec des
consignes très cadrées.

Exubérance sans fin de la narration (cf en annexe : monographie et pages du cahier d'écrivain de Noé)

Certains élèves, comme Noé, éprouvent de la difficulté à canaliser leur créativité et se perdent dans
leurs propres histoires. Comme le montre sa monographie, cela est alors très difficile de noter son
récit par la dictée à l'adulte. J'ai donc modifier mon approche avec lui : je lui demande d'abord de
raconter une première fois son histoire et j'en note les étapes clé sur une ardoise. Si des passages
paraissent peu compréhensibles sur un plan de cohérence textuelle ou sémantique, je lui demande
de clarifier et d'expliquer. Une fois, ce travail effectué, l'histoire peut être à nouveau racontée
formellement et écrite par la dictée à l'adulte avec des arrêts ponctuels pour encoder des syllabes ou
des mots (niveau début CP). Si Noé commence à faire des digressions, je le recadre en lui signalant
que ça n'est pas dans l'histoire qu'il m'a raconté et que ces nouvelles informations permettront de la
compléter si son texte est élu ou appartiennent à une autre histoire qu'il pourra raconter une autre
fois.

Récit minimaliste (cf en annexe : monographies et cahier d'écrivain de Maëva et de Firmin)

Maëva ne dit que quelques mots lorsqu'il s'agit de raconter son dessin à l'adulte en vue de l'écrire.
L'interrogation de l'adulte permet d'obtenir quelques informations supplémentaires mais elle s'en
tient à une description sommaire de son dessin (lui-même d'ailleurs très peu élaboré) mais ne pousse
pas plus loin le récit. Son dessin n'est pas utilisé à ce jour comme déclencheur d'une narration qui va
au-delà de cette image figée. Les tentatives pour l'aider à construire un récit plus construit avec des
étapes, des évènements chronologiques et des enchaînements logiques ne produisent que peu de
résultats pour le moment. J'obtiens également un relatif échec par mes essais à utiliser des objets
pour animer son histoire comme un jeu (voiture, animaux). Malgré tout des textes d'une ou deux

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phrases peuvent être produits.

Dans un autre registre de textes minimalistes, il y a Firmin. Sa posture semble être de juste répondre
à la commande (écrire une phrase = remplir le contrat didactique) et de ne pas faire plus. Comme
s'il éprouvait de la difficulté à être dans une dynamique d'effort (et cela se constate dans d'autres
domaines scolaires). Quand je le sollicite, il dit ne pas avoir d'autres idées ou que son texte est fini.
Lorsque j'insiste, il peut ajouter une phrase mais guère plus. Je n'ai pas insisté beaucoup. Ses textes
sont présentés, il est parfois élu. Je constate que plus récemment, ses textes s'étoffent (3 à 4
phrases).

Accepter d'emprunter le chemin choisi par l'élève (cf en annexe : monographies et cahier d'écrivain de
Renaud et d'Antoine)

Dans le cas de Renaud, il a fallu du temps avant qu'il ne produise des énoncés oraux structurés sous
forme de récit. Ses premiers travaux sur le cahier d'écrivain consistent en une accumulation de
petits dessins. Sa dictée à l'adulte crée des listes d'éléments en guise d'histoire. Puis certainement
sous la consigne ou l'envie d'écrire, il se saisit d'un dictionnaire et recopie des listes de mots.
Renaud ne sait pas encore les lire (il décode quelques syllabes). Je les lui lis et lui propose qu'il me
raconte une histoire en utilisant ces mots. En se basant de ce corpus aléatoire, certaines histoires
imaginaires ont pu être bâties. Puis, il en vient à proposer de lui-même des récits plus cohérents
sous forme de description d'objet ou d'activité.

Antoine, quant à lui, emprunte un autre chemin … Comme décrit dans la monographie qui lui est
consacré, il n'accepte pas le format proposé pour l'écriture d'un texte libre : une page où écrire et
une page où faire une illustration. J'ai donc accepter qu'il aborde cette activité narrative par ce qui le
passionne, dessiner des BD (il passerait sa journée à dessiner, s'il en avait le loisir). Je lui ai
imprimé des planches avec des vignettes vierges afin qu'il ne perde du temps à les tracer. Et mon
pari a été de dire que la BD requiert aussi de l'écrit (scénario, story-board, bulles, cartouches,
onomatopées sont les dimensions textuelles de cet art graphique) et qu'ainsi Antoine pourra s'y
mettre via cette entrée. Cela n'est pas aussi simple et demande de l'énergie pour lui faire écrire un
bout de scénario ou des bulles, mais progressivement il accepte. Il lui faudrait plus de temps qu'une
séance car la dimension graphique l'occupe énormément et il reprend un nouveau projet chaque
semaine sans continuer une BD entamée. Malgré tout, récemment, j'ai constaté qu'en séance
d'écriture du texte libre, il a écrit seul des cartouches descriptifs de sa BD. La démarche semble
porter ses fruits à petits pas.

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Grande difficulté à écrire (cf en annexe : monographies et cahier d'écrivain de Frédéric et de Laurie)

Produire des textes libres ne nécessite pas nécessairement de savoir écrire. Cela parait évident pour
les élèves en apprentissage de cette compétence et qui passe par la dictée à l'adulte. Pour Laurie, le
cas est différent. Laurie a de grandes difficultés praxiques qui provoquent une extrême lenteur à
former les lettres avec un stylo. J'ai donc décidé qu'elle passe par la dictée à l'adulte du fait qu'elle
ne pouvait pas finir un seul texte en une séance, l'écriture pouvant être travaillée à d'autres
moments. En discussion avec la famille et les professionnels de santé, l'objectif général de
persévérer en écriture est progressivement mis de côté au profit d'un apprentissage de la saisie sur
ordinateur.

Concernant Frédéric, cette difficulté gestuelle de l'écriture est encore plus prononcée. Mais un
étayage informatique fonctionnel a été mis en place (avant mon arrivée). Frédéric ne parlant pas du
tout, j'ai profité du fait que le logiciel de la tablette peut lire à haute voix son texte écrit pour qu'il
puisse participer aussi pleinement à la séance de présentation des textes.

Neutralité de l'adulte (cf en annexe : pages des cahiers d'écrivain de Noé, Maëva, Renaud, ...)

La question de l'influence est centrale dans l’écriture du texte libre. En effet, plusieurs de mes
élèves n'ont pas encore d'autonomie narrative et composent des textes parfois pauvres, maladroits,
ou incohérents. Grande est la tentation d'y mettre un peu d'ordre ou mon grain de sel. Je me suis
rendu compte qu'à plusieurs reprises, lors de la dictée à l'adulte ou dans la phase de relecture –
accompagnement d'un premier écrit balbutiant, je pouvais facilement orienter le texte d'un élève
pour en faire quelquechose qui me paraissait valable ou interessant selon mon propre filtre. Et cette
problématique ne m'appartient pas seulement puisque mes collègues AESH et ATSEM
interviennent aussi lors de cette séance. Je n'ai pas le temps matériel de passer en revue chacun des
élèves à chaque séance donc mes collègues de classe effectuent aussi le travail de scribe. Ainsi, je
demande à tous de veiller à rester le plus neutre possible dans la prise de note et de rester au plus
proche des dires de l'enfant. Les maladresses et autres incohérences textuelles seront alors un
matériau fertile pour un travail de mise au point du texte.

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Que corriger dans les textes ? (Cf en annexe : pages des cahiers d'écrivain de Lou, Karim, Firmin)

Les productions de mes élèves offrent une très grande diversité : d'un ou deux mots parlés à un texte
cohérent avec quelques erreurs orthographiques. J'ai pris le parti de jeter un œil à chaque production
durant la séance (moi ou l'un des adultes accompagnants). Dans le cadre d'un élève non scripteur,
notre accompagnement peut se limiter au travail de scribe, par contre, pour les élèves scripteurs, le
champ d'intervention est très vaste tant la production d'écrits se compose de multiples niveaux. Mes
interventions ne sont pas unilatérales. Parfois, j'accompagne à l'élève à segmenter son texte en
phrases en repérant les idées et en rajustant la ponctuation ou encore à l'aider à vérifier la
segmentation défaillante de certains mots. À d'autres moments, j'en invite certains à regarder les
accords en nombre, à vérifier l'encodage défaillants de certains sons, à corriger l’orthographe de
quelques mots connus ou encore à s'intéresser à l'enchainement logique peu cohérent de leurs idées.
Je m'adapte à l'élève et à ce que je connais de ses capacités et de ses besoins. Malgré tout, je n’ai
pas défini une ligne directrice et une méthodologie claire pour ce travail d'accompagnement. Et
parfois, n'ayant que peu de temps à consacrer à chaque élève, mon intervention se borne à recopier
en français correct le texte écrit par l'élève.

4.1.2 Conduire les présentations et le vote

La séance 2 est vouée à la présentation des textes fraîchement écrits et au choix d'un texte par une
élection.

Histoire vraie ou histoire imaginaire ? (cf en annexe : monographies de Valérian, de Mario et de Joachim)

C'est la question rituelle qui est posée à chaque élève après qu'il ou elle ait présenté son texte. Au
fur et à mesure des vécus de cette séance, j'ai pris conscience que cette approche dichotomique est
réductrice. L'imaginaire et le réel possèdent parfois des frontières parfois floues. Il s'avère qu'une
histoire peut-être imaginaire mais ancrée dans la réalité à tel point qu'elle ressemble à une histoire
vraie. Et parfois une histoire parait vraie, mais en fouillant, on peut se rendre compte qu'une part en
est inventée. J'ai décidé de conserver cette question simple en guise d'introduction et d'amener, par
le questionnement et l'échange, mes élèves à faire preuve de nuances dans leur réponse.

Savoir ce qui est vrai ou imaginaire n'est pas toujours évident et relève parfois de croyance ou de
mythe. Valérian est passionné par les extra-terrestres. Ce sujet et ses textes sur la zone 51 m'ont

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permis de soulever des débats sur la véracité des informations que Valérian glane copieusement sur
Youtube et d'autres sites internet. La question des sources sur internet et de la fiabilité de
l'information fournie est alors abordée. Ce sont des notions pas très évidentes et un peu abstraites
pour une partie des élèves de l'Ulis. Sur certains sujets, comme les extra-terrestres, j'ai tranché en
expliquant qu'aujourd'hui la science n'avait pas de preuve formelle de leur existence, mais que par
ailleurs de nombreuses personnes y croyaient et que c’était leur droit.

Mario, quant à lui, embellit sa réalité. Dans ses histoires vraies, j'ai régulièrement des doutes sur la
véracité totale du vécu présenté. Et je subodore qu'il ajoute des éléments pour rendre son histoire le
mettant en scène plus formidable et plus attrayante. Je le questionne parfois à ce sujet. Des élèves
aussi l'interrogent sur ces éléments qui paraissent étonnants ou un peu de trop extraordinaires…
« Tu as encore gagné une médaille au rugby cette semaine ? » ... Mario se braque et campe sur son
opinion. Je n'attache pas une trop grande importance à cela et accepte que son histoire soit qualifiée
de « vraie » comme il l'affirme et précise que plusieurs élèves émettent des doutes sur la sincérité de
certaines parties du récit. Ce qui me semble interessant, au delà des échanges qui ont eu lieu entre
élèves, c'est de commencer doucement à s'interroger sur ce qui amène Mario a vouloir embellir son
vécu si souvent ...

Pour Joachim, élève trisomique, la notion du réel opposée à l'imaginaire ne semble pas avoir
vraisemblablement de sens. Ses histoires foisonnantes mélangent allègrement les deux univers et
sont considérées par lui comme des histoires vraies. Lorsque j'essaye de lui faire comprendre la
différence et que tel ou tel texte est soit imaginaire soit réel, il va acquiescer mais cela ne s’ancre
pas comme une réelle capacité de discernement : en effet, cette confusion revient à chaque nouveau
texte. « Le maitre déguisé en Peter Pan qui vole et sauve des enfants et combat le pirate » est une
histoire vraie puisque le maitre est réel et que Peter Pan l'est aussi étant donné qu'il l'a vu à la
télévision. Joachim est parti en institut médico-éducatif (IME) avant que je puisse aller plus loin
avec lui à ce sujet.

Tout est présentable ? (cf en annexe : monographies de Leïla et de Frédéric)

Partant du principe qu'avec l’écriture du texte libre, l'expression est bien évidemment libre, la
censure d'écrits d'élèves n'est donc pas souhaitable. Plusieurs situations inattendues m'ont amené à
réfléchir, bien souvent sur l’instant, à la manière d'accueillir des textes qui ne rentrent pas dans le
cadre habituel scolaire. Mon parti pris a été d'accepter que tout peut être écrit dans le cahier
d'écrivain mais que certains propos ne peuvent pas être présentés et/ou publiés, et que d'autres écrits

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problématiques appellent à une prise en compte particulière à caractère éducatif.

Leïla retire son texte du vote. Lors d'une séance d'écriture du texte libre, Leïla témoigne de son
émoi pour un garçon de sa classe d'inclusion. Après lui avoir rappelé la possibilité d'être publiée et
lue par d'autres, elle choisit de lire son texte à l'Ulis mais de ne pas le présenter au vote. En effet,
elle souhaite que ni le garçon en question ni sa classe d'inclusion ne prennent connaissance de ce
texte qui dévoile ses sentiments particuliers.

Frédéric écrit parfois des textes problématiques. Il évoque ses pulsions sexuelles, son attirance pour
son AESH, écrit des textes avec plusieurs grossièretés ou des insultes. Après lui avoir signifié qu'il
avait le droit d'écrire ce qu'il souhaitait sa tablette informatique, j'ai refusé que certains de ses textes
soient présentés à la classe du fait de leur caractère vulgaire et/ou non approprié au niveau de
maturité du reste de la classe. Quant à la manière d'exprimer sa colère ou son désir, c'est une autre
discussion et un autre travail qui ont été entrepris avec le concours de ses parents, de la psychologue
scolaire, et des professionnels de santé qui l'accompagnent.

Les enjeux du vote (cf en annexe : monographies de Mario et de Noé)

Actuellement un texte par semaine est choisi par vote à bulletin secret. Parmi toutes les productions,
un seul texte fera l'object d'attentions plus particulières en étant élu, mis au point, enrichi, travaillé
en classe et publié. Le vote est ainsi une instance qui recèle un certain enjeu.

Noé est déçu s'il n'est pas élu. Je prends son exemple, mais c'est aussi le cas d'autres élèves, plus ou
moins, selon les années. C'est une des conséquences intrinsèques du vote : il y a un élu et des non-
élus. Quand un élève manifeste sa déception, mon premier positionnement est d'accueillir ce
désappointement en le verbalisant et en le validant. Au fil du temps, tout le monde a été élu au
moins une fois voire plusieurs (textes et illustrations) et publié. Je m'appuie donc sur ce constat pour
rappeler qu'il ou elle a déjà été élu-e et que ce sera certainement le cas une prochaine fois. Cet
argument est plus ténu pour des nouveaux élèves arrivant dans le dispositif. En effet, il est plus
difficile de gérer la frustration de ne pas être élu quand on ne l'a jamais été …

Mon autre approche est d'aider les élèves à différencier le texte produit de leur propre personne. Je
répète (et martèle à chaque séance de vote) que les élèves doivent voter pour une histoire (qui leur
plait, qu'ils trouvent intéressante) et non pour une personne. C'est pourquoi au stade du vote les
histoires sont anonymisées. En même temps, j'invite à récompenser l'effort car certains élèves
fournissent parfois un travail plus remarquable en fonction de leur capacité. C'est en fait une

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël page 60/86


injonction un peu paradoxale puisque ça amène à plus focaliser sur la personne.

La pression de l'élection amène certains élèves à vouloir tricher ou influencer le vote. Ce fut le cas
un peu la première année du dispositif du texte libre avec quelques élèves dont Mario. Il y a eu des
tentatives de faire voter d'autres élèves pour soi en usant de son influence (séduction ou
intimidation). D'autres tentatives de modifications du scrutin ont été essayées en faisant du bourrage
d'urne (en mettant plus de bulletin pour soi qu'autorisé). Ces manœuvres ont été très vite repérées et
sanctionnées. Afin de marquer le coup, dans ce cas-là, je retire le texte de la personne prise en faute
arguant du fait que ne respectant pas le processus démocratique, elle ne peut pas y participer. C'est
arrivé deux fois. Enfin, j'ai renforcé et plus sécurisé le processus de vote en créant des bulletins
imprimés et plastifiés, en demandant solennellement un temps de silence pendant le scrutin, en
matérialisant l'isoloir en fond de classe avec surveillance d'un adulte.

4.1.3 Gérer la mise au point du texte

Dans la troisième et dernière séance de la séquence consacrée à la confection d'un nouveau texte,
j'invite les élèves à réfléchir comment « mieux dire » certaines parties du texte, parfois à interroger
l'auteur-e pour en savoir plus ou encore à lui faire des propositions pour enrichir sa création.

Instant plaisir (cf en annexe : monographies d'Antoine et de Noé)

Pour tous les élèves cette phase de mise au point du texte est un moment qu'ils apprécient
particulièrement car ils sont au centre de l'attention de tout le groupe. L'élève auteur-e est en
possession de son œuvre et accède au pouvoir d'accepter ou de refuser les propositions des autres
(enseignant compris). Pour marquer symboliquement cette posture, je m'assois parmi les élèves et
l'auteur-e du texte trône sur une chaise devant le tableau, face au groupe. J'assure malgré tout
l'animation de la séance mais en arrière plan. Cette séance est très attendue par certains comme Noé
qui la réclame tout au long de la semaine quand son texte est élu. Ou, a contrario, elle est redoutée
par Antoine qui souvent ne veut pas se positionner au centre car il n'aime pas attirer les regards des
autres. Je lui propose donc de rester à sa place pour répondre aux questions et propositions. Il
accepte mais demande que ce soit moi qui lise son texte.

Mise au point … sans l'auteur (cf en annexe : monographie d'Antoine)

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël page 61/86


A l'Ulis, les élèves vont et viennent au gré de leur emploi du temps personnalisé. Tous les élèves ne
sont donc pas forcément tous présents systématiquement à toutes les séances du texte libre. Cette
semaine, le texte d'Antoine est élu. Lorsqu'arrive la séance de mise au point – enrichissement, je
réalise qu'il n'est pas avec nous à cet horaire. Je décide de mener la séance malgré tout. Comme le
relate la monographie d'Antoine, cela est mal vécu par lui. Il a le sentiment d'être dépossédé de son
texte lorsqu'il en découvre la mouture finale le lundi suivant. En effet, il estime que nous avons
dénaturé son histoire imaginaire sans son accord en incluant des idées supplémentaires. Je m'excuse
donc auprès de lui en lui signifiant que je n'aurai pas dû effectuer la mise au point sans sa présence.
C'est une belle leçon pour moi. Je garde dorénavant une vigilance à ce sujet. Tant que faire se peut,
je m'organise pour que l'élève concerné soit bien présent pour ce travail. Je décale par exemple la
séance ou bien je vais chercher l'élève en inclusion pour la réaliser. Il arrive de rares fois où cela
n'est pas possible. Je procède alors à la mise au point sans l’auteur-e mais avec son accord
préalable. Ou encore, dans le cas d'un élève malade, j'effectue la séance et j'informe les élèves que
nous essayons de penser comme l'auteur-e que nous connaissons bien. Si nous nous mettons à sa
place, accepterait-il/elle une telle idée ?

Tout accepter sans discernement (cf en annexe : monographie d'Ilias, de Noé et de Maëva)

Plusieurs élèves comme Ilias, Noé ou encore Maëva ont tendance à accepter toutes les propositions
des autres élèves avec peu de perspicacité. Par conséquent, je pratique un étayage particulier par la
reformulation et le questionnement pour les aider à mieux se positionner sur les propositions
d'ajouts d'idées et de changements de leur histoire. Je redis l'histoire telle qu'écrite initialement en
intégrant la ou les propositions validées à la va-vite et je vérifie auprès de l'élève si cela lui convient
réellement et si cela est congruent par rapport à son intention initiale. Il s'agit bien là d'un
apprentissage de la compréhension fine et de l'esprit critique. Je constate que les progrès des élèves
à ce sujet sont bien réels.

Une mise au point orientée (cf en annexe : recueil de textes n°9)

La première année de pratique de la séquence, je laisse le processus de mise au point –


enrichissement se faire de manière très libre et je conduis peu la séance. Les textes sont parfois
assez courts car personne n'a d'informations à ajouter ou de remarques à faire. Au fur et à mesure Je
constate que je guide de plus en plus cette phase. En effet, pour l'objectif du « mieux dire / mieux

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écrire », je dois souvent attirer l'attention sur des dysfonctionnement syntaxiques, grammaticaux,
lexicaux ou textuels que les élèves repèrent rarement. Les élèves s’impliquent beaucoup plus
facilement et spontanément sur les propositions d'ajouts à l'histoire.

Actuellement, les textes finalisés sont beaucoup plus longs et denses. Cela provient d'un choix
pédagogique où je décide de me saisir de cette séance pour mener à bien des apprentissages en
terme de construction textuelle en fonction du potentiel que je pressens dans le texte à mettre au
point.

Quand le texte s'y prête, je procède à un travail de recherche documentaire préalable en visionnant
des vidéos, en étudiant des images, en lisant des textes ou visitant des sites internet que j'ai choisis.
J'oriente ainsi la mise au point du texte pour que la matière ainsi récoltée soit utilisée pour le texte.
Dans le recueil n°9 (en annexe 6), c'est le cas le texte « La panthère noire » qui est purement
documentaire ou encore pour la description des avions dans le texte « La guerre mondiale ».

Dans le cas d'une histoire initialement vraie. Je vérifie en premier lieu avec l'auteur-e s'il/elle
souhaite rester sur un récit véridique ou s'il-elle ouvre la porte vers l'imaginaire. Si la première
option est choisie, j'en informe le groupe et demande à tous de ne formuler que des questions de
compréhension, d’éclaircissement et de précision de certaines informations. Il n'y alors pas de
possibilités d'ajouts d'idées. Ce qui n'est pas facile de prime abord pour certains élèves qui ont
systématiquement envie d'intégrer leur univers imaginaire au texte de l'autre. C'est par exemple le
cas du texte « La construction de légos » ou « Ma recherche sur internet » du recueil n°9.

Cinq à dix fois par an, je mène une séance décrochée de vocabulaire autour du texte libre élu avant
sa mise au point. Je choisis une image assez riche en relation avec le thème sur laquelle un travail
lexicale est effectué. Il s'agit de rechercher des mots issus de la description de l'image ou ce à quoi
elle fait penser. Cette recherche est conduite par nature de mots : noms, verbes, adjectifs. Puis, à la
séance de mise au point, j'invite les élèves à puiser dans les mots ainsi récoltés (et affichés dans la
classe). Parfois, je guide une simple recherche de synonymes en direct pendant la mise au point. Ce
travail a été mené pour le texte « Les voleurs de banque » avec les champs lexicaux ou synonymes
voleurs / braqueurs / criminels, policiers / gendarmes / forces de l'ordre / enquêteurs, ou encore
billets / pièces / bijoux / lingots d'or / argent / butin.

Enfin, le dialogue peut être abordé si le texte s'y prête et donc la manière de le mener et de la
présenter. Le texte « La bouteille invisible » fait montre de ce travail autour de la transcription
d'échanges oraux.

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L'autocensure (cf monographies d'Ilias)

Dans l'exemple suivant, l'intime de l'histoire vraie peut entrer en conflit avec la perspective de
publication. L'histoire vraie d'Ilias est élue cette semaine. Nous procédons à la séance de mise au
point / enrichissement du texte en demandant à Ilias de préciser son histoire qui parle de sa
préparation le matin et du départ vers l'école en voiture. Il informe alors la classe qu'il dort tout
habillé pour être prêt le lendemain matin. Cela surprend quelques élèves qui demandent alors
confirmation. Ilias confirme et ajoute qu'en plus il joue à la Playstation une fois que sa maman s'est
couchée. Comprenant qu'il y a là certainement une transgression d'une règle familiale, je lui
demande s'il veut qu'on mette cette dernière information dans le texte libre. Il acquiesce. Je lui
rappelle alors (et au reste de la classe) la future dimension publique de l'écrit une fois qu'il sera paru
et diffusé par l'intermédiaire du recueil de textes libres. Et qu'en l'occurence, sa maman sera
certainement amenée à prendre connaissance de cette information contenue dans son texte. Ilias
prend alors conscience de la possible révélation publique de cette information à dimension privée
lorsqu'elle sortira du cadre de la classe. Il demande alors à ce que ce passage ne figure pas dans le
texte final.

Mise au propre finale

La dernière étape, la mise au propre finale du texte par ordinateur, est réalisée par moi le week-end.
Le texte allant être publié, communiqué et présenté doit répondre à des exigences de la langue
française que mes élèves ne peuvent pas encore atteindre. En ma qualité d'adulte instruit, j'ai la
compétence de scripteur expert. Je réécris donc la mouture finale en restant au plus près de ce qui a
été décidé en séance de mise au point.

Cela n'a pas été toujours le cas. Au début de la pratique du texte libre, je m'efforçais de retoucher et
tordre le texte pour qu'il soit utile pour un apprentissage que je souhaitais mener. Par exemple, un
groupe d'élèves travaillait sur le son [ou], d'autres sur la conjugaison du présent de l'indicatif de
l'auxiliaire avoir et encore d'autres sur les types de phrase. Je tentais alors, tout en respectant le
texte, d'insérer le plus de mots en [ou], et un maximum de pronom personnel avec avoir, ou d'y
mettre plusieurs phrases exclamatives et interrogatives. Au final, cela créait des contraintes
artificielles dont le bénéfice espéré n'était pas forcément évident et de plus, cela me demandait un
surcroit de travail préparatoire conséquent. Aujourd'hui, je me suis libéré du carcan que je m'étais

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imposé de mettre un lien systématique entre un apprentissage donné et le texte de la semaine.
Maintenant, je me sens libre d'utiliser au côté du texte libre une méthode syllabique d'apprentissage
de la lecture ou encore, si le besoin pédagogique s'en fait sentir, de mener, avec un ou plusieurs
élèves, un atelier de travail autour d'une compétence précise sans lien direct avec le texte de la
semaine. Mais j'utilise le support du texte élu pour une notion d'étude de la langue si ce dernier est
adapté à mon objectif.

4.1.4 Provoquer l'ouverture

L'ouverture c'est sortir le texte libre du cocon sécurisant de la classe. Comme je l'ai présenté, cela
s'effectue de multiples manières : dans la famille, pas la correspondance suivie ou ponctuelle, en
dépôt dans des lieux de consultation et par la présentation dans d'autres classes.

L'édition du recueil

Le préalable à cette communication extérieure est la création physique du recueil de texte. Il n'a pas
de parution régulière. Quand j'ai suffisamment de textes (9 en moyenne), je réalise la mise en page
informatique. C'est un travail minutieux que je préfère réaliser seul. L'apprentissage de la saisie à
l'ordinateur est effectué au travers d'autres écrits, par exemple un compte-rendu de visite ou un
courrier électronique.

Par contre, les élèves sont mis à contribution pour la confection du recueil. Je me charge d'imprimer
les feuilles et de les couper au massicot. Avec la supervision des adultes, ils assemblent les pages
entre elles, vérifient qu'il n'en manque pas et les attachent ensemble avec la relieuse. Ce processus
est important car il est coopératif, apprend l'effort de travail à fournir pour produire un livre et
donne un sens, in fine, à ce que veut dire choisir un texte et le mettre au point en vue de la publier.
C'est ainsi au travers de la réalisation de cet objet physique que certains élèves ont compris
l'aboutissement de la séquence et peuvent donner plus aisément du sens au travail demandé en ayant
vu le rendu final. Avoir son nom en bas d'un des textes ou d'une des illustrations dans cette
publication fait accéder l'élève au statut d'auteur-e comme ceux ou celles dont nous lisons les
albums en classe.

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La présentation aux classes

Sur ce point, ma pratique a évolué durant trois ans. La première année, je propose aux enseignants
accueillant l'un de mes élèves en inclusion que nous venions présenter dans sa classe afin que
l'élève dont c'est la classe d'inclusion présente avec l'aide de ses camarades de l'Ulis, le nouveau
recueil paru. Mes collègues ont toujours accepter de prendre un petit quart d'heure pour nous
accueillir, deux ou trois textes sont lus, un court échange s'ensuit et un recueil de textes est donné à
la classe. Au delà de la valorisation du travail de mes élèves, de l'excitation mêlée de peur et de joie
de faire cette présentation et du bon accueil des classes, cette pratique me laisse un goût amer dont
je n’arrive pas à me détacher. En effet, je conserve le sentiment que ce processus ressemble un peu
à celui de la démonstration du « singe savant » où on vient montrer aux classes « ordinaires » que
des élèves « handicapés » sont capables d'écrire des textes et d'agir comme tout autre élève.

La seconde année, je décide d'informer les collègues qu'un nouveau recueil est paru et que nous en
donnons un exemplaire par l'intermédiaire de l'élève allant dans leur classe en inclusion. Libres à
mes collègues d'en faire une présentation ou non. Je ne fais pas de suivi pour savoir si cela se fait et
mes collègues ne m'en informent pas.

La troisième année, je modifie encore ma pratique. En effet, ces temps de présentation sont très
formateurs pour mes élèves et je trouve dommage qu'il n’existent plus. De plus, je souhaite qu'ils
soient accueillis de manière vraiment volontaire et motivé de la part de mes collègues. Ainsi avec
mes élèves nous rédigeons un courrier électronique d'information et d'invitation à présenter notre
nouveau recueil. Cela est fait pour les deux derniers recueils de cette année. Nous proposons de
nous déplacer dans leur classe ou d'accueillir leur classe à l'Ulis. Nous obtenons quatre réponses
positives pour chacun des deux recueils, moitié de classes élémentaires, moitié de classes
maternelles (ce qui est nouveau cette année). Globalement les classes élémentaires se déplacent à
l'Ulis ce qui est une tout autre démarche d'aller à la rencontre de l'autre et crée un lien plus fort
comme ce sont mes élèves qui les accueillent. Pour les maternelles, nous nous déplaçons, ce qui
enchante mes élèves. Il visite, pour la plupart, la partie maternelle auquel ils n'ont pas accès, ils
mesurent combien ils sont grands et à quel point leurs textes peuvent émerveiller des petits. Nous
opérons au préalable un choix de textes adaptés à cette classe d'âge.

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4.2 L'apport des concepts à mon étude

Les trois parties de la revue de littérature dégagent un cadre conceptuel que je peux confronter, ou
encore faire dialoguer avec les résultats de mon étude. Cela me permet de mettre en exergue des
éléments saillants de ma pratique qui paraissent pertinents et efficaces au vu de l'objectif
pédagogique énoncé, ou au contraire qui semblent le desservir ou encore manquer.

4.2.1 Du texte libre selon Freinet.

Des convergences

Ma pratique du texte rejoint directement ce qui a été expérimenté et mis en place par Célestin
Freinet puis de nombreux pédagogues du mouvement de l'École Moderne. Cela n'est pas étonnant
du fait que, pour bâtir ma propre pratique, j'ai puisé dans celle d'un collègue qui met en œuvre les
techniques Freinet et la pédagogie institutionnelle dans sa classe.

Ainsi mon approche du texte libre résonne parfaitement avec ce que Freinet présente comme
fondamentale et faisant partie intégrante du texte libre : la visée de communication et de partage. En
cela je mets bien en place une pratique sociale de l'écrit, comme l'ont précisé Roycourt et Crouzet,
permettant de porter les élèves à une dimension d'auteur-e.

Des divergences

Par contre, mon approche actuelle diffère des canons du texte libre selon la pédagogie Freinet. En
effet, sur les cinq invariants édictés par Pierre Clanché, je m'en écarte de deux. Le premier invariant
stipule que le texte libre fait partie d'un ensemble de pratique d'expression libre dont on ne peut
l'isoler. Pour ma part, il y a des temps de parole plutôt libres (Quoi de neuf, Conseil), mais même si
je pratique différentes formes d'arts, je ne fais pas de danse libre, ni de théâtre libre, ni de dessin
libre, … De plus, j'impose à mes élèves des contraintes d'horaires et de lieux pour écrire un texte
libre. Ce qui vient en quelque sorte en porte-à-faux avec l'un des fondamentaux de Freinet (et qui
est le troisième invariant) de n'avoir ni contrainte de temps, ni d'espace pour le texte libre.

La possibilité d'écrire librement à la maison ou ailleurs est malgré tout laissée à mes élèves. En
classe, cela s'est produit avec un élève qui a souhaité en début d'année consacré son temps libre de

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fin de journée à écrire une histoire sur ordinateur. Je l’ai laissé faire et il y a consacré plusieurs
instants. Par contre, j'ai eu l'agréable surprise cette année, d’avoir deux élèves qui ont ramenés des
textes libres de chez eux. L'un avait écrit un texte sur papier. L'autre avait produit à deux moments
différents quatre textes sur clé USB. Deux ont d'ailleurs été élus (cf « la construction de légos » du
recueil n°9 en annexe). Et enfin, Maëva présente souvent au « Quoi de neuf » un cahier qu'elle
ramène de chez elle où elle écrit de manière libre des lettres et des formes qui ressemblent à de
l'écriture. Ces textes venus de l'extérieur de la classe restent aujourd'hui anecdotiques. L'écriture se
fait en classe durant la séance décidée par l’enseignant.

De la liberté et du cadre

Je pressens que l'approche pédagogique qui me convient pour mes élèves offre une marge de liberté
mais avec un cadre clair et ritualisé. Je rejoins ainsi les propos de Paul Le Bohec qui argumente que
laisser les enfants libres sans accompagnement c'est les abandonner à ce qu'ils connaissent déjà et
ne leur ouvre pas les portes du nouveau qui leur permet d'être créatif et de grandir. C'est pour cela
que je me permets d'être parfois interventionniste et de guider, par exemple, la mise au point de
texte. J'ajoute à cela que je travaille avec un public enfant en situation de handicap qui est plutôt
réceptif et rassuré par des activités cadrées et ritualisées.

Je prends également un peu de distance avec l'intention affichée par Freinet, du fait de sa vive
réaction à ce qu'il appelait la « scolastique », de faire du texte libre le premier support pédagogique
de l'apprentissage du français. Comme je l'ai déjà mentionné, je pratique cela tant que faire ce peu
mais je n'en fais pas ou plutôt je n'en fais plus un passage obligé.

Il y a comme un dogmatisme de la liberté qui m'apparait de manière un peu inquiétante en lisant


certains écrits autour du texte libre. A côté de cela, j'ai trouvé rassurant de constater que la
controverse pédagogique est bien à l'œuvre parmi les praticiens du texte libre au vu du nombre
d'écrits que je n'ai fait qu'évoquer dans cette étude. Parmi les pratiques parfois décriées, il y a celle
de l'élection d'un texte par le vote. Certains le remettent en question. Cette méthode m'interroge moi
aussi. Car je constate qu'au final, sur le long terme, l'élection par vote fait apparaître une inégalité
au vu du nombre de fois où chacun a été élu et publié comme le montrent les statistiques.

Tout le monde ne fait pas du texte libre comme son prochain, beaucoup se questionnent et font leurs
propres choix. Pour moi, le vrai guide n'est pas le livre de pédagogie mais ce qui manifestement fait
grandir l'enfant sur un plan éducatif et progresser l'élève au niveau des apprentissages.

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4.2.2 De l'activité rédactionnelle

De l'écrit tôt

Un bon tiers des élèves que j'accueille à l'Ulis sont non lecteurs ou tout juste apprentis lecteurs. Les
attendus de fin de cycle 2 (CE2) visés par les programmes scolaires signalent que les élèves doivent
maitriser l’écriture d'une demi-page. Par contre le « guide orange » d’enseignement de la lecture
édité par le ministère de l'éducation en mai 2018 proclame qu'il faut travailler la phonologie et le
code avant de se lancer des productions d'écrits. Sur ce point précis ma pratique du texte libre
s'oppose à celle du principe d'apprentissage par étapes édicté par les instructions officielles puisque
je mène sur un même front l’apprentissage de la lecture et la production d'écrits. Mais les
didacticiens du langage comme Garcia-Debanc ou encore l'étude dirigée par Goigoux montre qu'il
est préférable et bénéfique de commencer au plus tôt l'écriture de texte sans attendre de maitriser
l'écriture. Cela correspond pleinement à ma pratique et j'utilise largement la production de texte
libre pour réinvestir les acquis d'encodage / décodage des élèves apprentis et motiver les
apprentissages futurs même si ces premiers écrits se font souvent pas la dictée à l'adulte.

De l'oral vers l'écrit

Les recherches menées par Fayol, Schneuwly, Garcia-Debanc, ou encore Darras et Marcoin sur la
production de l'oral et de l'écrit m'éclairent beaucoup sur ce passage délicat de l'un à l'autre que
constitue la dictée à l'adulte. Je comprends mieux ce qui est en jeu avec les élèves non scripteurs
(comme Noé) qui racontent leur histoire à l'oral et construisent leur histoire au fil du discours
comme un monologue qui s'invente au fur et à mesure. C'est donc que ces élèves sont encore dans la
configuration de production du langage oral, d'un rapport dialogique de transmission. Ils n'ont pas
intégrer la structure de la production langagière écrite. Donc, la dictée à l'adulte doit participer à
apprendre à l'élève cette structure. La technique que j'emploie maintenant parait adaptée mais à
perfectionner.

En revanche, dans le cas de Maëva, la structure même de la narration orale ne semble pas acquise. il
parait donc difficile de partir sur un processus immédiatement qui s’apparente à la production
écrite. De ce fait, une certaine maïeutique de l'apprentissage de la narration est à mener. Un échange
dialogique enfant-adulte est encore nécessaire pour l'aider à générer une histoire.

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De la mémoire de travail

Cette technique de dictée à l'adulte préalable est bien en accord avec le concept de mémoire de
travail et de charge mentale tels que décrit par Piolat, Chanquoy et Alamargot. Elle permet d'alléger
le coût cognitif que représente la mise en texte des idées dans le processus global d'écriture en
dissociant les étapes : d'une part on fait état des idées, et ensuite on tente de les mettre en phrase
avec la structure du langage écrit.

Pour les élèves scripteurs débutants, le dessin peut donc servir d'espace de fixation des idées afin de
soulager la mémoire de travail lorsque l'élève passe à l'écrit. Comme l'expriment les chercheurs, tant
que automatisation de l'encodage n'est pas suffisant, la capacité attentionnelle est impactée. En plus
des erreurs orthographiques naturelles, mes élèves procèdent à des oublis de mots, des répétitions
ou des incohérences (c'est le cas d'Ilias par exemple). Donc, toujours dans le même ordre d'idée de
soulager la mémoire de travail. Il est possible de revenir à une narration orale et vérifiée par l'adulte
avant de passer à une phase de correction du texte produit.

J'estime enfin que la ritualisation de la séquence du texte libre soulage la charge cognitive par
rapport à des fonctionnements nouveaux qui demandent une attention soutenue. Mes élèves ont
besoin de nager dans des eaux connues et non pas à intégrer de nouvelles consignes ni de nouveaux
outils. Les étapes sont claires et balisées. La surprise et la fantaisie ne proviennent pas du cadre
mais des productions qui sont faites dans ce cadre.

De la planification

Le cadre de la séquence suit par ailleurs assez bien la logique du modèle phare de la production
d'écrits de Hayes et Flowers. La planification est la première étape du modèle. C'est au vu de ce qui
est présenté par les chercheurs tels que Darras et Marcois, Crinon et Marin, l'étape que je travaille le
moins à l'Ulis. En effet, les questions du pour qui écrit-on ? dans quel but ? n'ont pas forcément
beaucoup de sens au départ pour les élèves et au final ne varient peu. Au fur et à mesure des
lectures aux camarades de classe, de l'édition des recueils, des envois aux correspondants et autres,
des présentations aux classes, un certain nombre de feed-back sont émis par les destinataires des
textes libres. La question pour qui écrit-on ? prend corps et sens. Le but reste assez obscur car il n'y
a pas d'attentes particulières des destinataires donc pas d'adaptions à mener, ni d'effets à rechercher.
Cela m'incite à réfléchir à mieux concevoir la planification dans les perspectives d'évolution de ma
pratique.

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Malgré tout, Schneuwly et Fayol montrent que l'écriture du récit par les enfants ne nécessite pas une
grande préparation initiale car elle se prête si bien à la planification pas à pas (qui n'est pas sans
rappeler la dynamique de la production langagière orale d'ailleurs). L'enjeu de l'élection d'un des
textes peut pousser des élèves à écrire des textes dont l'objectif est soulever l'intérêt de ses
camarades dans l'espoir d'être élu. Je constate par exemple que Noé cherche consciemment à faire
des histoires qui font rire les autres et apprécient quand l'effet fonctionne. Mais je ne suis pas sûr
qu'il y ait un calcul électoraliste derrière ! En tout cas c'est déjà un travail de planification.

De la mise en texte

Cete étape est très complexe et très couteuse cognitivement parlant comme nous l'a déjà évoqué
(avec Bourdin, Fayol, Tricot et Chanquoy). Avec des élèves en difficulté sur plusieurs plans comme
ceux qui sont à l'Ulis, il faut garder le cap de l'objectif initial en mémoire : produire une histoire
venant de soi et non pas écrire une histoire graphiquement, grammaticalement, syntaxiquement,
orthographiquement, textuellement, sémantiquement correcte. Là encore, l'absence d'automatisation
de l'écriture et la question de la ressource cognitive limitée interviennent dans le processus. Ainsi il
faut que je garde la mesure de mes exigences et que je procède à des interventions limitées. Le fait
de travailler sur des écrits ayant du sens pour les élèves et utilisant leurs mots est a priori une bonne
piste pour progresser comme le montre l'étude menée par Goigoux. Je constate que certains de mes
élèves (comme Antoine, Valérian ou Ilias) ont de meilleures réussites à l'encodage de mots car ils
s'appuient sur des thématiques récurrentes avec un champ lexical commun ou des formules
similaires répétées à plusieurs reprises. Ces syntagmes finissent par se mémoriser ou les élèves
utilisent à bon escient leur carnet personnel de vocabulaire pour les retrouver.

J'ai tout intérêt à m'inspirer de Fayol qui invite à juste titre à proposer à l'élève des étapes de
construction du texte comme étayage à une automatisation encore en construction.

De la révision

Chanquoy attire l'attention sur l'absence de sens de cette activité pour les élèves. À l'Ulis, je peux
m'appuyer sur nos recueils de textes et sur leur communication pour argumenter sur la nécessaire
retouche de textes : bien écrire pour bien se faire comprendre.

La révision / réécriture s'effectue à la fois pendant le processus d'écriture et après. La révision en

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cours d'écriture est, de fait, rare (Fayol) mais je ne l'ai pas encouragée car je n'ai pas proposé de
méthodologie pour le faire. J'ai commencé à introduire des outils : carnet personnel de vocabulaire,
répertoire de mots et dictionnaire. Par contre, les outils et méthodes créés par les chercheurs en
didactique (comme le groupe EVA) sont inutilisables par des élèves et même d'une assez grande
complexité pour l'enseignant qui doit s'en servir de base à la construction de son propre outil.

Deux autres données issues de la recherche sont précieuses pour ma pratique et qui la corroborent
en partie. Il s'agit de la nécessité d'effectuer la révision en travail collectif et de la décaler dans le
temps par rapport à l’écriture elle-même : cela est déjà un peu le cas avec la séance de mise au point
/ enrichissement. Il est vraiment possible, par ailleurs, d’imaginer des améliorations allant encore
plus dans ce sens.

4.2.3 De la motivation

De l'intrinsèque ou de l'extrinsèque

Les auteurs cités, comme Clanché, Galand, Nuttin, Ruel, exposent bien l'aspect dichotomique de la
motivation entre une partie qui vient de soi et l'autre de l'extérieur. Dans la pratique du texte libre à
l'Ulis, il y a pour la plupart des élèves une motivation intrinsèque immédiate qui est reliée au plaisir
de raconter des histoires. C'est l'aspect de la dimension de l'écrivain tel que Barthes l'entend. Mais
cette joie est pour certains contrebalancée par la contrainte : écrire, il s'agit à nouveau de travailler,
et travailler est souvent synonyme de déplaisir, car relié à un sentiment d'échec déjà vécu. Ce qui
résonne avec l'une des motivations intrinsèques signalée par Gurtner : le sentiment de compétence.
Elle n'est pas forcément évidente de prime abord pour mes élèves qui, dans leur processus de vie,
ont croisé et croisent beaucoup de situations pointant leur manque de compétence. Pour quelques-
uns, il y a même un principe de dévalorisation systématique à l'œuvre. Certains de mes élèves ont
passé une partie de leur première année à débuter l'écriture de textes libres par des « d'façon, ça, j'y
arrive pas », « moi j'suis nul, j'sais pas écrire » … quand ça n'est pas un refus pur et simple sans
expression. Je retrouve ici le système de motivation parasitée de Favre que je vais participer à
déconstruire en proposant des situations qui visent à rebâtir une estime de soi plus solide.

L'aspect de la motivation intrinsèque concernant la réalisation de soi orienté vers l'avenir (Ruel)
parait moins flagrant dans la pratique du texte libre. Peut-être la dimension de devenir auteur-e peut
projeter l'enfant dans un soi futur qui devient source de motivation ?

La motivation extrinsèque est clairement identifiable et évidente par la dimension de

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communication du texte libre : j'écris pour être lu par d’autres et ainsi partager les récits de mon
vécu et mes histoires inventées. C'est la posture d'écrivant de Barthes. Cette valorisation de sa
production se réalise à différentes échelles dans le processus du texte libre, partant du cercle
intimiste de la relation avec les membres de la classe jusqu'à l'extérieur de l'école. Elle se
matérialise et se cristallise dans la parution et la diffusion des recueils de textes libres. Les moments
de valorisation de leurs productions (lectures, envois, présentations) sont des instants
incontournables pour motiver les élèves.

Au regard du vécu de mes élèves (cf monographies en annexe), j'ai vraiment le sentiment que ces
deux motivations co-existent et selon les moments sont plus ou mois prépondérantes. En effet, je
constate la vraie jubilation qu'ont certains élèves à simplement produire leurs histoires mais aussi la
fierté de se retrouver dans le nouveau recueil tout juste imprimé et relié. Il est remarquable de noter
également combien le retour positif de ses pairs est nourricier pour l'élève.

De l'estime de soi

Il en va de même pour l'estime de soi, telle que définie par Speranza et Valeri ou encore Ruel, qui
nous indiquent l’importance du retour (feed-back) que produit l'environnement à son propre sujet.
Comme la représentation de soi est une sorte de jugement final (heureusement lié à la situation et
non figé) qui serait émis par l'individu sur la base de la somme de ces retours de l'environnement, le
nombre des contacts avec l'environnement et la qualité de ces relations sont alors fondamentaux.
Dans le cadre du texte libre, mon travail d'enseignant doit alors permettre de multiplier ces
interactions avec l'environnement de l'élève et de développer une vigilance à ce qu'elles se déroulent
dans un climat bienveillant, dans le sens où quand l'élève fait un pas en avant en osant présenter sa
création littéraire, se tenir face au groupe, lire à voix haute … cela doit avoir lieu dans un cadre
relativement contrôlé et sécurisé. Surtout les premières fois où ces pas sont faits, mon rôle
d'enseignant, et plus largement celui des adultes accompagnateurs, est de veiller à ce que les retours
soient encourageants (valoriser ce qui est réussi) et constructifs (montrer ce qui peut être amélioré).
Je peux espérer ainsi une boucle rétro-active qui va accroitre la motivation à produire des textes.

De la routine

La séquence du texte libre par son caractère très structuré et répétitif est éminemment ritualisée.
Cette pratique présente donc une évidente routine semaines après semaines, années après années.

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Cette routine m'interroge. D'un côté elle conforte le besoin de sécurisation de mes élèves (que
j'estime particulièrement fort à l'Ulis) comme l'expriment Maslow ou Canat. Mais peut-on assister
dans ce contexte à une frustration de l'innovation qui entrainerait une baisse de la motivation
comme l'exprime Favre ? ou au contraire cela offre t-il aux élèves un cadre clair dans lequel il
peuvent évoluer et développer leur créativité en toute sécurité ? Aujourd'hui, je n'ai pas d'avis
tranché. Je constate parfois des expressions de lassitude de la part de certains élèves mais je ne suis
pas sûr qu'elle soit inhérente au processus du texte libre, car elle peut s'exprimer aussi avec les
ateliers de mathématiques ou toute autre activité demandant un effort. J'ai malgré tout le sentiment
que le plateau de la balance penche plus vers la dimension plaisir que celle de la contrainte.

De la compétition

L'un des rituels établi est l’élection par vote à bulletin secret du texte de la semaine. Il s'agit d'un
moment important qui peut générer un stress autant qu'un engouement. Dans quelle mesure des
élèves puisent-ils leur motivation à écrire dans l'envie d'être élu ? Certains élèves attachent de
l'importance au vote qui participe à faire évoluer leur auto-estime et expriment leur déception quand
ils ont « perdus », qu'il n'ont pas été élus. La perspective de la parution dans le recueil de textes
libres est ainsi un moteur puissant mais qui peut avoir un effet démotivant si la pression de
l'élection est trop intense à vivre. Cela rejoint Galand qui indique que la compétition est au final
délétère pour la motivation. Même si j'insiste en disant et redisant qu'on vote pour un texte et non
pas une personne, il n'est pas toujours évident pour certains d'intégrer cette nuance … car au final,
un seul texte est élu et une dizaine d'autres ne le sont pas.

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5 Perspectives d'évolution

Les résultats de mon étude révèlent que de nombreuses adaptations ont été nécessaires lors de ces
trois années d'expérimentation au vu de la diversité des attitudes et des capacités de mes élèves. De
plus, le cadre conceptuel permet la mise en lumière de la pertinence de certains usages, du peu
d'efficacité de certaines conduites ou du manque de certaines approches. Ainsi, je peux désormais
regarder vers l'avenir du texte libre à l'Ulis en m'interrogant sur les perspectives d'évolution de ma
pratique.

Diversifier les espaces et les temps

Il me semble intéressant de progressivement multiplier les espaces et les temps d'écriture. Il n'est
pas question d'éclater la structure actuelle de la séquence. Conserver une séance dédiée à l'écriture
du texte me parait fondamentale. Mais en parallèle, je peux diversifier les lieux d'écriture et ouvrir
de nouveaux espaces. J'ai expérimenté une fois le fait de faire la séance d'écriture dans la nature. Je
projette l'année scolaire prochaine de multiplier ces séances en extérieur. La pratique de la
production du texte libre se détachera donc de temps à autres du bureau d'écolier pour investir
d'autres lieux qui peuvent être sources d'inspirations : le bord de la rivière proche de l'école, sous un
pont, au marché du village, à l'issue d'une randonnée. Je l'espère ce mouvement initiera celui de la
possibilité d'écrire partout dans un schéma scolaire ou non.

Ces séances extérieures se réalisent malgré tout dans un contexte imposé et choisi par l'enseignant,
même s'il est imaginable que le conseil de la classe puisse décider collectivement de lieux
d'écriture. Je souhaite également encourager l'écriture de textes en dehors de ce contexte de séance.
Quelques élèves l'ont fait chez eux. Leur expérience est à valoriser. J'imagine créer un autre cahier
d'écrivain qui pourrait être celui de l'écrivain voyageur. Ce cahier resterait dans le cartable de l'élève
et pourrait servir librement à la maison, en récréation, dans des sorties ...

Une autre dimension qui peut être à faire évoluer est la taille du groupe. J'avais évoqué que parfois
le nombre d'écrivains est si faible que je note une baisse du dynamisme collectif. À cette
problématique, il y a la variable du temps, c'est à dire le moment de la semaine où je propose les
séances d'écriture, de présentation et de mise au point, sur laquelle j'agis déjà. Mais il existe aussi la
possibilité d'ouvrir à d'autres classes et à d'autres élèves le processus d'écriture que je propose en
Ulis. Cela pourrait se concrétiser par un décloisonnement : avec un ou une collègue, nous nous
séparons l’ensemble de nos élèves réunis pour effectuer des séances de production de textes libres.

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Je pourrais aussi régulièrement inviter une partie de la classe d'un ou d'une collègue à l'Ulis durant
mes séances.

Enseigner la planification

Comme cela a été évoqué précédemment, la planification est à expliciter dans ma pratique. C'est
une donc une bonne piste de développement. Il est possible de faire un travail de clarification de ce
qu'est la planification de texte et comment y penser. Est-ce que je souhaite écrire une histoire
complètement imaginaire, ou inspirée de faits réels, ou que j'ai vécu, ou un autre type d'écrit
(documentaire, recette de cuisine, mode d'emploi, ...) ? Quel style ou effet je recherche : je veux
faire rire, faire frissonner avec des éléments qui font peur, étonner, captiver par des aventures,
intéresser avec des informations précises ? Quels sont mes idées et comment s'agencent-elles dans
mon histoire ? Quelle sera la fin de mon histoire ?

Des affiches avec des mots-clés et des pictogrammes peuvent être créées et ressorties au moment de
la séance d'écriture avec un rappel de ma part. Afin de mieux comprendre ces différents aspects de
l'écrit et de donner plus de sens à ce travail de planification, je peux mettre en œuvre des séances de
lectures offertes qui iront au delà du plaisir et de l'acculturation littéraire. L'objectif pédagogique
serait plus de décrypter ensemble comment les histoires sont construites, quelles sont les styles et
les effets.

Enfin, ce travail de planification doit s'adapter aux spécificités de chaque élève. Il peut donc prendre
des formes particulières. Je pense à Antoine qui passe par le média de la BD. Un projet plus
structuré de construction de BD sur plusieurs séances peut être à construire pour arriver à faire
produire un écrit abouti. Je pense aussi à Maëva qui manifestement a besoin d'apprendre le
processus narratif étape par étape avant de pouvoir se lancer dans la page blanche du texte libre. il
est concevable dans un premier temps d'utiliser des objets (comme des personnages ou des animaux
à animer) ou images séquentielles de son choix pour l'aider dans la construction du récit.

Abolir le vote

J'aimerais débarrasser le processus du texte libre de la pression qu'exerce le fait d'avoir son texte élu
ou pas, de la déception ou de l'excitation qui peut s'en suivre (un « yoyo émotionnel » pas toujours
facile à vivre pour mes élèves) et de ce fait offrir à tous la possibilité d'être publié sans que cela soit

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un enjeu majeur, mais une conséquence normale des efforts d'écriture fournis. Ainsi je me projète à
ne plus faire élire un ou une auteur-e au détriment des autres.

Je souhaite malgré tout conserver le principe que nous travaillions plus particulièrement sur un texte
chaque semaine avec une mise au point – enrichissement, avec une découverte en lecture-
compréhension d'un texte plus élaboré et le travail d'étude de langue qui peut en découler. J'imagine
procéder ainsi : les trois premières semaines de rentrée les élèves écrivent des textes qui sont
présentés et commentés par la classe. Il n'y pas d'élection de texte et je ne mets pas encore en œuvre
toute ma séquence. Au bout de ces trois semaines (phase d'amorçage terminée), chaque élève
dispose de trois textes personnels, avec l'aide des autres élèves, il/elle en choisit un qui sera son
texte élu, dans le sens de choisi avec la raison et le cœur. Ce texte paraitra alors forcément dans un
recueil. Ensuite, la séquence du texte libre peut démarrer ; chaque semaine, on choisit par tirage au
sort l'un des textes élu qui sera travaillé plus particulièrement. Et ainsi chaque élève a un texte qui
passe par ce processus. Et enfin, une fois que chaque élève est passé une fois (au bout de 10 à 12
semaines en fonction du nombre d'élèves participants réellement à l'écriture de textes libres), on
réitère la sélection personnelle d'un de ses textes. Le fonctionnement est à affiner et à tester mais le
principe est là.

Cela me permettra notamment d'instituer un vrai moment de partage des écrits sans pression
potentielle du vote. L'enjeu n'est plus l'élection mais le partage d'un travail personnel avec les
autres.

J'imagine malgré tout conserver le vote à bulletin secret qui est un outil intéressant et formateur
pour la sélection de l'illustration du texte. L'enjeu de ce vote est moins grand. Il y a donc moins de
pression émotionnelle pas toujours simple à gérer.

Repenser la révision de texte

La révision de texte ne bénéfice pas aujourd'hui d'une vraie méthodologie claire. Il me faut
hiérarchiser les degrés d'intervention sur le texte en fonction des niveaux de production des élèves
et établir des stratégies de réécriture avec des outils (fiches de contrôle …) dont les plus grands
pourront se saisir.

La révision de texte s'effectue déjà à plusieurs niveaux : seule par certains élèves pendant l'écriture,
puis avec l'adulte qui jette un premier regard à la production, au moment de la présentation avec le
retour de ses pairs et enfin lors de la séance de mise au point – enrichissement du texte choisi.

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J'aimerais, peut-être seulement pour les plus avancés, instaurer une séance supplémentaire et
individuelle dédiée à la réécriture. Il s’agirait de revenir sur son premier jet avec une aide
individuelle pour améliorer son écrit. A ce stade, l'élève apprendrait à utiliser des outils à
disposition dont certains seraient à créer, tels une fiche de contrôle ou un pense-bête individuel
adaptés à ses compétences en étude de la langue au fur et à mesure de ses apprentissages.

Faire vivre le texte libre

Plus le texte libre est partagé, communiqué, utilisé voire détourné, plus la motivation et le plaisir à
en produire augmente. J'ai déjà testé quelques mises en théâtre ou en mime du tout ou partie de
textes libres, nous produisons également des illustrations de texte systématiquement ou
ponctuellement des projets artistiques tel qu'une fresque préhistorique ou un kamishibaï.

J'aimerai multiplier les occasions de se servir du terreau du texte libre pour faire fleurir de nouvelles
pratiques artistiques comme la danse, le chant, le land-art. et intensifier celles déjà expérimentées.
Le texte libre peut servir aussi de support à un travail audio en enregistrant les élèves voire audio-
visuel en les filmant.

La dimension de communication est également à renforcer au côté de ce que nous pratiquons déjà.
J'imagine un affichage extérieur de certains textes agrandis à destination des parents qui patiente
devant l'école son ouverture. Renouveler la tentative d'affichage des pages d'un nouveau recueil
dans la cour au profit des élèves en cherchant à améliorer la technique (notre premier essai n'avait
pas tenu très longtemps ...)

Enfin, je souhaiterais mieux accompagner l'arrivée du recueil de textes dans les familles : expliquer
en début d'année ce qu'on fait et pourquoi, comment l'utiliser et valoriser le travail de leur enfant, et
demander des retours aux élèves de ce qui s'est passé dans la famille.

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Conclusion

J'ai débuté le travail sur ce mémoire il y a trois ans en parallèle à la formation continue préparant
aux épreuves du CAPPEI pour devenir enseignant spécialisé. Je m'étais engagé dans les unités
d'enseignement du Master 2 EPABEP avec l’intention de mener ma recherche sur mon
expérimentation du texte libre en menant, en même temps, mon dossier professionnel de CAPPEI
sur le même thème. Ce dernier a abouti dans l'année avec notamment l'obtention du certificat, quant
à la rédaction du mémoire, cela a pris plus de temps. Je ne me suis remis formellement à son
écriture qu'au début de l'année 2021. La recherche et la réflexion ont, quant à elles, été permanentes.
En effet, avec le dossier professionnel du CAPPEI, j'ai initié mes premières lectures scientifiques
sur la production d'écrits et pédagogiques sur la pratique du texte libre. Cela a cheminé avec moi
durant tout ce temps et a nourri à la fois mes perceptions et ma pratique de classe.

Ainsi, mon travail de recherche a permis de répondre aux questions professionnelles et scientifiques
qui sont survenues au cours de cette expérimentation. J'ai pu ainsi mettre en lumière la manière dont
mes élèves ont appréhendé et vécu la séquence du texte libre mais aussi clarifier les ajustements et
adaptations pédagogiques que j'ai réalisés au fur et à mesure. Ces deux aspects ont pu être mis en
discussion et analysés au regard des dimensions conceptuelles de la production d'écrit et de la
motivation ainsi que de l'aspect historique et pédagogique du texte libre selon Freinet. L'ensemble
me permet de mieux comprendre l’expérimentation menée ainsi que mon agir professionnel.

De ce fait, je constate que ce travail d'étude m'apporte beaucoup. Il est effectivement rare dans sa
carrière d'enseignant de s'autoriser et d'avoir l'opportunité de porter un regard avec une telle acuité
sur sa propre pratique professionnelle. Cela est précieux et fécond. Tout au long de l’écriture du
mémoire, mon action et mes interventions auprès de mes élèves étaient progressivement portées par
une intention plus claire et un geste professionnel plus mature au vu des connaissances et
compréhensions que m'ont apportées mes investigations et auto-analyses. Les perspectives
d'évolution énoncées en fin de ce mémoire me projettent dans un renforcement et dans une
amélioration de ma pratique professionnelle mais également, je l'espère, dans un habitus à adopter
un regard analytique sur mes postures professionnelles dans le but de mieux les comprendre et de
les transformer.

La recherche que j'ai menée peut être complétée sur plusieurs plans. Dans le cadre de l'étude des
processus cognitifs à l'œuvre dans la productions d'écrits, différentes fonctions liées au cerveau ont
été décrites. Les élèves de l'ULIS ont des troubles de la cognition. Une étude plus approfondie sur
les spécificités de leurs troubles particuliers et leurs impacts dans le processus de production d'écrits

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serait utile pour affiner les adaptations que je mets en place. Dans le même ordre d'idée, les
neurosciences et la neuropédagogie étant en plein essor, une veille informationnelle serait à
pratiquer pour rester au plus près de découvertes qui nous aideront, nous enseignants, à mieux
comprendre le fonctionnement de l'apprentissage des élèves et l'impact de nos enseignements.

De plus, une source supplémentaire de données à analyser pourrait être constituée d'un retour direct
des élèves sur leur vécu du texte libre. Un questionnement pourrait être pensé et bâti pour collecter
des points de vue d'élèves. Je pense que les réponses pourraient être riches d'enseignement et
pourraient guider les ajustements de ma séquence. Également, l'expérience de collègues pratiquant
le texte libre et si possible dans un contexte d'une ULIS-école serait à interroger. Une enquête-
questionnaire pourraient également être élaborée avec des questions à caractère plus
professionnelles sur des éléments me posant questions comme la planification, la révision de texte,
le vote, les valorisations et communications autour des publications de recueils.

Pour finir, au début de ma pratique, j'ai nourri des inquiétudes sur la pertinence et l'efficacité de
cette méthode qui diffère un peu de ce qui se fait habituellement dans les classes. A l'issue de ce
mémoire, je suis en mesure d'être pleinement confiant dans le travail que je mène du fait de sa
validité institutionnelle, scientifique et pédagogique qui ressort clairement de mon étude, tant sur le
plan de la production d'écrit, que sur l'accession au statut d'auteur-e de mes élèves.

Portant ma vision plus loin, je suis désormais persuadé du fait que, modestement, j'ajoute, par ma
pratique, des pierres à l'édifice de la capacité de mes élèves à s'inclure dans la société par une plus
grande compétence à appréhender l'écrit et par une solidité accrue de leur estime d'eux-mêmes.

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La motivation et l'estime de soi

• CANAT, S. (2007). Vers une pédagogie institutionnelle adaptée. Nîmes : Champ social
éditions.
• FAVRE, D. (2015). Cessons de démotiver les élèves. Paris : Dunod, 2ème édition.

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël page 84/86


• GALAND, B. (2006), La motivation en situation d’apprentissage : les apports de la
psychologie de l’éducation, in Revue française de pédagogie [En ligne], 155 | avril-juin
2006, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 6 juin 2021 :
http://journals.openedition.org/rfp/59

• GURTNER, J.-L., GULFI, A., MONNARD, I. et SHCUMACHER, J. (2006). Est-il


possible de prédire l’évolution de la motivation pour le travail scolaire de l’enfance à
l’adolescence ? in Revue française de pédagogie [En ligne], 155 | avril-juin 2006, mis en
ligne le 21 septembre 2010, consulté le 6 juin 2021 :http://journals.openedition.org/rfp/73

• MERAM, D., et al. (2017). Favoriser l'estime de soi à l'école, Lyon : Chroniques Sociales.

• NUTTIN, J. (1980). Théorie de la motivation humaine, Paris : Presses Universitaires de


France.

• RUEL, P.-H. (1987). Motivation et représentation de soi. in Revue des sciences de


l'éducation, 13(2), 239–259. https://doi.org/10.7202/900563ar

• S P E R A N Z A , M . , V A L E R I , G . ( 2 0 1 0 ) . Trajectoire développementales en
psychopathologie : apprentissages et construction de soi chez l'enfant et l'adolescent. in
Développements, De Boeck Supérieur, n°6, pp. 5-15

• VIAU, R. (1994). La motivation en contexte scolaire. Saint-Laurent (Canada) : Édition du


Renouveau Pédagogique.

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël page 85/86


ANNEXES

Sommaire

1 Modèle Hayes et Flowers ........................................................................................................ 1

2 Tableau EVA ........................................................................................................................... 2

3 Détail de la séquence du texte libre ......................................................................................... 3

4 Statistiques du texte libre à l'Ulis .......................................................................................... 12

5 Monographies et cahiers d'écrivain

5.1 Valérian ......................................................................................................................13


5.2 Antoine .......................................................................................................................17
5.3 Ilias .............................................................................................................................21
5.4 Noé .............................................................................................................................24
5.5 Joachim ...................................................................................................................... 28
5.6 Frédéric ...................................................................................................................... 31
5.7 Leïla ........................................................................................................................... 32
5.8 Mario ......................................................................................................................... 34
5.9 Maëva ........................................................................................................................ 36
5.10 Lou ............................................................................................................................. 39
5.11 Karim ......................................................................................................................... 41
5.12 Firmin ........................................................................................................................ 43
5.13 Renaud ....................................................................................................................... 45
5.14 Laurie ......................................................................................................................... 47

6 Recueil de textes libres n°9 ................................................................................................... 49

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël page 86/86


ANNEXE 1 : Modèle de la production d’écrits (Hayes et Flowers, 1980)

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 1/59


ANNEXE 2 : Tableau EVA (INRP, 1991)

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 2/59


ANNEXE 3 : la séquence « texte libre »
Version 5 – mai 2019

Dans le cadre du projet de production d'écrits et de réalisation d'un recueil de textes (un par période)
de l'Ulis, les élèves sont invités à écrire des textes à inspiration libre. Ces textes sont retravaillés
collectivement et illustrés.

Le principe est que le travail autour de la langue française parte essentiellement de la production
d'écrits des élèves eux-mêmes : de l'unité de sens textuelle, descendre vers la phrase puis vers le
mot, ensuite vers la syllabe et enfin vers le son (phonème) et la graphie (graphème) pour remonter
vers la combinatoire. Les élèves lecteurs resteront principalement au niveau textuel et phrastique
pour l'étude de la langue.

Objectifs généraux de la séquence


- Faire pratiquer la langue française : apprentissage du lire/écrire
- Accroître la motivation et l'estime de soi des élèves.

Domaines du socle concerné :


Domaine 1 : les langages pour penser et communiquer
Comprendre, s'exprimer en utilisant la langue française à l'oral et à l'écrit

Domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre


Organisation du travail personnel
Coopération et réalisation de projets

Domaine 3 : la formation de la personne et du citoyen


Expression de la sensibilité et des opinions, respect des autres
Responsabilité, sens de l'engagement et de l'initiative

Organisation hebdomadaire des séances


La séquence commence un jeudi après-midi et se termine le vendredi de la semaine suivante. Elle se
déroule donc sur 15 jours. Deux temps de travail se superposent ainsi : lors d'une même semaine,
les matins, on exploite en apprentissages de la langue le texte élu la semaine précédente et en même
temps, les après-midis, on produit un nouveau texte qui sera exploité la semaine suivante ...

LUNDI MARDI JEUDI VENDREDI


MATIN Séance 4 Séance 5 Séance 6
Découverte Manipulation phrase-clé Mot-clé
du texte Ateliers différenciés Ateliers différenciés (phonologie /
+ phrase-clé ( phonologie / EDL ...) combinatoire / EDL ...)

APRÈS- Arts plastiques Séance 1 Séance 3


MIDI illustration du Écriture texte libre Mise au point / enrichissement
texte / vote
Séance 2
Présentation textes / vote

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 3/59


Séance 1 : Ecriture du texte libre
Jeudi après-midi / durée : environ 40 minutes

Compétences visées :
• passer de l’oral à l’écrit
• écrire des textes en commençant à s’approprier une démarche
• développer son imagination et exprimer sa sensibilité

Déroulé de séance :

TRAVAIL INDIVIDUEL
• « Imagine une histoire » (histoire inventée) ou « Raconte quelque chose que tu as vécu »
(histoire réelle). Phase d'expression libre
• sur petit cahier d'écrivain, travail silencieux et individuel
• écriture d'un texte + illustration ou réalisation d'un dessin à mettre en mot (dictée à l'adulte)
• un tableau à deux colonnes est tracé au tableau, les élèves viennent y apposer leurs initiales
au fur et à mesure de l'avancée du travail :
◦ colonne « `je suis prêt» : je mets mes initiales car j'ai terminé mon premier jet (texte
et/ou dessin) et j'attends qu'un adulte viennent me voir (pour l'écriture de l'histoire dans
le cas d'un dessin / ou la reprise du texte écrit : segmentation en phrase, principales
règles orthographiques, …)
◦ colonne « j'ai fini » : je mets mes initiales car un adulte a écrit ou retravaillé (un peu)
mon texte et je peux m'occuper avec les outils d'autonomie à disposition.
◦ Colonne « validé par le maitre » : je mets mes initiales car le professeur a validé ma
production, j'ai terminé
• dans les temps d'attente de la venue de l'adulte, l'élève peaufine son dessin ou prend une
fiche d'autonomie (en priorité celles à terminer dans sa pochette bleue)

Séance 2 : Présentation des textes et élection


Jeudi après-midi / durée : environ 30 minutes

Compétences visées :
• écouter pour comprendre des messages oraux ou des textes lus ;
• dire pour être entendu et compris ;
• exprimer son opinion et participer à un acte citoyen (vote)

Déroulé de séance :

CLASSE ENTIÈRE
Présentations :
• Sur la base du volontariat. Recensement des élèves souhaitant présenter leur production
écrite. Un tableau avec une colonne numérotée par texte (pas de prénom d'enfant) est
dessiné au tableau.
• « Nous t'écoutons » : à tour de rôle, les élèves viennent présenter leur texte (dans un ordre
défini par le maitre : selon la capacité d'attente et de concentration de chacun).
• Un/une secrétaire-dessinateur (-trice) effectue une illustration au tableau pour chacun des
textes au fur et à mesure dans chacune des colonnes.
• L'élève lit tout ou partie de son texte. Si non lecteur, le PE lui souffle le texte à l'oreille.
• Accueil / valorisation du travail / remerciement / question rituelle : « histoire vraie ou

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 4/59


imaginaire ? »
• L'élève répond aux questions de compréhension ou remarques de ses camarades concernant
sa production.

Choix d'un texte par élection :


• Remise en mémoire des textes présentés : le/la secrétaire-dessinateur(-trice) redit
succinctement les histoires sur la base de ses illustrations. On ne cite plus les auteurs mais
on s'intéresse au contenu « Le texte n°1 parle de ... ».
• « On vote à la fois pour les histoires qui nous plaisent le plus et pour les élèves qui ont fait
selon vous le plus d'efforts cette fois-ci »
• Un vote à bulletin secret est effectué (vote pour deux textes différents en inscrivant à l'aide
de bulletins papier numérotés). Le responsable du « vote illustration » récupère les bulletins
et assure le dépouillement devant toute la classe. Si égalité un second tour à vote unique est
effectué. Les adultes de la classe votent aussi.
• Félicitations pour le texte élu et son auteur-e
• Rassurer les autres en rappelant qu'un nouveau texte est choisi chaque semaine.

Séance 3 : Mise au point / enrichissement


Vendredi après-midi / durée : environ 30 minutes

Compétences visées :
• réviser et améliorer l’écrit qu’on a produit ;
• dire pour être entendu et compris ;
• s'initier à la pratique du lexique et des structures grammaticales

Déroulé de séance :

CLASSE ENTIÈRE
• On aide l'auteur-e à finaliser le texte. Le texte devient aussi un objet commun à la classe.
• L'auteur-e s'assied devant la classe et accueille les propositions des autres en les acceptant
ou en les rejetant.
• Selon l’aboutissement de l'écrit, il est plus fait un travail de toilettage (mieux dire, répétition,
concordance des temps, mots de liaison …) ou d'enrichissement (nouvelles idées, suite de
l'histoire, dénouement …)
• une recherche globale de cohérence est orchestrée par le PE.

Séance 4 : Découverte du texte et de la phrase-clé


Lundi matin / durée : environ 45 minutes

Compétences visées :
• identifier des mots de manière de plus en plus aisée ;
• comprendre un texte et contrôler sa compréhension ;
• lire à voix haute ;
• se repérer dans la phrase simple

Déroulé de séance :

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 5/59


Découverte du texte
TRAVAIL INDIVIDUEL
• Distribution du texte finalisé par le professeur. Découverte individuelle et silencieuse.
• Chacun lit le texte comme il peut : en intégralité, quelques mots, quelques lettres
• les adultes passent pour aider au décodage. Les mots reconnus sont soulignés. « On
recherche tout ce qu'on sait déjà lire dans le texte »
• Les élèves lecteurs ayant terminés la découverte du texte en commence la copie sur leur
cahier du jour.
CLASSE ENTIÈRE
• Les élèves lecteurs lisent le texte à la classe. Eventuellement un adulte lit à son tour,
rappeler ce que c’est que de bien lire (liaisons, intonation) pour mieux se faire comprendre.
• Le PE questionne sur le contenu pour vérifier l’écoute et la compréhension de tous.
• Si le texte s'y prête, on joue le texte en saynète ou en mime (auquel cas une partie du travail
exigé ensuite est reporté au début d'après-midi).

Découverte de la phrase-clé
CLASSE ENTIÈRE
• Poser une question de sens sur le texte qui permet aux élèves de trouver la phrase-clé.
• Chaque élève la répète à haute voix pour la maitriser syntaxiquement et pour la mémoriser
(des gestes de mimes sont utilisés pour aider à la mémorisation)

EN GROUPES DE COMPÉTENCES
Découpage en mots et syllabes de la phrase-clé et repérage dans le texte
Rose-Blanc (avec aide humaine)
• Compter le nombre de mots et les symboliser par des traits sur l’ardoise (correction au
tableau)
• Situation-problème : écrire la phrase sur son ardoise contenant arcs et traits. Un trait pour
chaque mot et un arc pour chaque syllabe. Selon la difficulté de la phrase, le découpage
syllabique peut ne concerner que quelques mots choisis. Étayage et vérification par l'adulte.
• Distribution de la phrase-clé imprimé sur une bande de papier. Collage du texte et de la
phrase-clé dans le cahier du jour.
• Retrouver la phrase-clé dans le texte (reconnaissance visuelle des mots) : la colorier au
crayon de couleur rose .
• En recherche individuelle, étayée par l'adulte, les élèves doivent identifier et repérer le titre
(souligné en rouge), l'auteur (souligné en vert), le nombre de lignes.
Jaune (avec PE)
• Travail identique de symbolisation des mots et des syllabes de la phrase-clé que pour le
groupe Gris / Rose
• Retrouver la phrase-clé dans le texte. La colorier au crayon de couleur rose et la recopier sur
son cahier du jour avec intitulé « Phrase-clé : ... »
• Distribution de la phrase-clé imprimé sur une bande de papier : refaire le découpage
syllabique sur la phrase écrite.
• En recherche individuelle, étayée par l'adulte, les élèves doivent identifier et repérer le titre,
l'auteur, le nombre de lignes et de phrases selon les consignes suivantes (fiche donnée aux
élèves) :

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 6/59


Je souligne le titre en rouge et le nom de l'auteur en vert.

Je compte le nombre de LIGNES :

J'entoure toutes les MAJUSCULES et les points (.) au crayon de papier.


Je souligne chaque phrase au crayon en alternant la couleur bleue et la couleur jaune.

Je compte le nombre de PHRASES :

• Correction collective au sein du groupe.


• La fiche est complétée et collée dans le cahier du jour sous le texte libre concerné.

Compréhension du texte
Orange / Vert (en autonomie)
• Fiche de compréhension du texte à réaliser en travail collaboratif :
◦ Remettre en ordre de sens logique des phrases résumant le texte
◦ Répondre à quelques questions de compréhension du texte et d'inférences en faisant des
phrases sur son cahier du jour
◦ Recherche autour d'un ou deux mot(s) : définition, ou synonyme / antonyme, ou mots de
la même famille ...

Séance 5 : Manipulation sur la phrase-clé (+ ateliers différenciés)


Mardi matin / durée : environ 45 minutes

Compétences visées :
• identifier les principaux composants d’une phrase simple et les relations entre les mots ;
• identifier des mots de manière de plus en plus aisée ;
• s’initier à l’orthographe grammaticale de base.

Déroulé de séance :

CLASSE ENTIÈRE
Remémoration de la phrase-clé
• se rappeler la phrase-clé découverte la veille issue du texte (avec gestes mimés si adaptée).

CLASSE ENTIÈRE
Manipulation sur la phrase-clé
• Retrouver les mots : sur la base des traits dessinés au tableau qui identifie tous les mots de la
phrase-clé, faire deviner les mots aux élèves par rapport à leur place dans la phrase. « Ici, à
ce trait, je vais trouver quel mot ? ». On se récite la phrase, on identifie la place du mot («
c'est le troisième mot, donc c'est ... »). Mot à mot la phrase est écrite au tableau (les mots ne
sont pas forcément devinés dans l'ordre du premier au dernier).
• Commuter des mots : on s'exerce à changer des mots de la phrase (travail créatif). Chacun a
bien mémorisé la phrase-clé, le PE cache un groupe, « remplacez-le par un autre que vous
inventez et donnez-moi la nouvelle phrase obtenue ». Attention, seul le groupe caché doit

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 7/59


changer. Progressivement, sensibilisation à des notions syntaxiques et grammaticales (nature
des mots : nom/verbe/adjectif, relation sujet-verbe, changement des temps du verbe, rôle du
pronom, phrase minimale, extension des groupes nominaux…).

EN GROUPES DE COMPÉTENCES
Rose-Blanc (avec PE ou aide humaine)
Phonologie : un son (nouveau ou révision) à travailler issu d'un mot de la phrase-clé.
• à l'aide d'une collection d'images sélectionnées :
◦ « Nommez dans votre tête les mots qui désignent les images présentées »
◦ « Maintenant je vais moi-même nommer ces images à haute voix »
◦ « Vous devez trouver le son qui est présent chaque mot, écoutez bien, je vais répéter
chaque mot » (ensuite, vous pourrez aussi répéter chaque mot dans votre tête)
◦ Quand le son est trouvé, on s’entraine à le mimer (gestes Borel-Maisonny), le répéter et
l'adulte présente la carte qui y associe le geste et la graphie.
• Entrainement phonologique.
◦ Classement d'images : « Voici des images. Vous devez les classer et ne conserver que
celle dont le mot contient le son que nous venons de travailler. » Au fil de la recherche
l'adulte interpelle régulièrement les élèves sur le son qu’ils doivent trouver dans les mots
et s’ils sont confus, il le leur rappelle en y associant le mime et en montrant la carte. (+
utilisation des pictogrammes « j'entends / je n'entends pas)
◦ Place du son dans le mot : l'adulte choisit une image contenant le son. « Nous allons
représenter les syllabes du mot sur l’ardoise puis nous chercherons où se trouve le son. »
On utilise le même code que pour encoder mot et phrase-clé : un trait pour le mot, un arc
par syllabe, une croix à la place du son dans le mot.
• Collage de la fiche-son dans le cahier de leçon (si c'est un son nouveau).

Exercices ritualisés autour de la phrase-clé


Jaune (en semi-autonomie : support PE ou aide humaine sollicitable)
• Distribution de la fiche d'exercice autour de la phrase-clé.
• les élèves reconnaissent les consignes (exercices ritualisés) et les réalisent : Remise en ordre
des mots de la phrase-clé ou compléter les mots manquants d'une partie du texte,
reconnaissance de mots, des différentes écritures (script, cursive, capitale), lecture,
composition de mots à base de syllabes données, composition de phrases à base de mots
donnés.
• correction et collage dans le cahier du jour
(Les élèves dont la fiche n'est pas terminée la finiront lors de l'autonomie de début d'après-midi)
Orange / Vert (en semi-autonomie : support PE ou aide humaine sollicitable)
• distribution de la fiche d'exercices autour de la phrase-clé.
• les élèves reconnaissent les consignes (exercices ritualisés) et les réalisent : Reconnaissance
et modification du temps d'une phrase, recherche et modification du sujet, du verbe, du
complément, Identification pronominale, mise en ordre alphabétique, ...
• correction et collage dans le cahier du jour
(Les élèves dont la fiche n'est pas terminée la finiront lors de l'autonomie de début d'après-midi)

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 8/59


Séance 6 : Mot-clé (+ ateliers différenciés)
Vendredi matin / durée : environ 40 minutes

Compétences visées :
• identifier des mots de manière de plus en plus aisée
• passer de l’oral à l’écrit
• s’initier à l’orthographe grammaticale de base.

Déroulé de séance :

CLASSE ENTIÈRE
Remémoration de la phrase-clé
• se rappeler la phrase-clé (avec gestes mimés si adapté).

Mémorisation et codage d'un mot-clé


CLASSE ENTIÈRE
• Choix d'un mot-clé (issu de la phrase-clé). Le faire deviner , « c'est le 3ème mot ... »

EN GROUPES DE COMPÉTENCES
Rose-Blanc (avec aide humaine)
• segmentation du mot : 1 trait + arcs pour chaque syllabe
• reconstitution du mot à l'aide des lettres en récréation au tableau (si c'est un mot à graphies
simples)
Jaune / Orange / Vert (avec PE)
• Reconstitution du mot sur ardoise et redécoupage en syllabes à l'aide des lettres en
récréation écrites au tableau.
• Mémorisation : aller-retour en cachant l'ardoise. Jeu du photographe (canal auditif :
mémoriser les sons des syllabes, visuel : mémoriser les lettres en épelant le mot et
kinesthésique : mémoriser le geste graphique, en écrivant le mot dans l'air).
• Réécrire sans modèle sur le cahier du jour (5 fois).

EN GROUPES DE COMPÉTENCES
Rose-Blanc (avec aide humaine)
Combinatoire
• En partant du son étudié cette semaine, ex : [l]
• Travail oral : « Je vais vous dire une syllabe vous devrez me dire ce que vous entendez, il y
a deux sons, essayez de trouver les deux. «
◦ Ex : « [li], qu’entendez-vous ? » (réponse attendue sons [ l ] et [ i ]).
◦ « Vous pouvez vous aider des cartes lettres. »
◦ On travaillera sur li, la, lo, le, lu. mais aussi al, ul, il …
• Travail écrit : Dictée de syllabes autour du son étudié, sur ardoise
• Elargissement avec les autres consonnes étudiées précédemment (ex : r, p, n, t, et c)
Jeu : Tirage de cartes (graphie / geste). un élève tire une carte consonne et une carte voyelle.
Il interroge un autre élève : « Quelle est la syllabe formée ? »

Exercices ritualisés autour du mot-clé


• distribution de la fiche d'exercice autour du mot-clé.
• les élèves reconnaissent les consignes (exercices ritualisés) et les réalisent avec aide
humaine : reconnaissance visuelle, lecture et écriture de lettres, syllabes et mots.

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 9/59


• correction et collage dans le cahier du jour
(si la fiche n'est pas terminée, elle sera à finir lors de l'autonomie de début d'après-midi)

Jaune / Orange / Vert (avec PE)


Phonologie ou Etude de la langue
• Selon les possibilités offertes par le texte : choix d'un son à travailler (son complexe) ou
notion en étude de la langue (lettres muettes, genre, nombre, temps, nature de mots, styles
textuels …). Les outils vidéo de Canopée (Les Fondamentaux) sont aussi utilisés.
• Les consignes varient en fonction de l'objectif choisi par le PE pour cette séance. Les
invariants sont :
◦ Une situation-problème (issu d'un mot ou d'une phrase)
◦ Une recherche et un relevé de mots dans le texte
◦ Un classement des mots relevés
◦ Une écriture de synthèse dégageant une loi du français
◦ un travail d’écriture (encodage) pour un entrainement orthographique

Séance Arts Plastiques : Illustration du texte élu


Lundi après-midi / durée : environ 45 minutes

Il est demandé aux élèves d'effectuer un dessin illustrant tout ou partie de l'histoire élue. Il ne s'agit
pas à proprement parlé d'un dessin libre. La contrainte étant d'illustrer une histoire précise, cela
impose un cadre graphique. Bien souvent, une technique ou du matériel particuliers sont introduits :
peinture à l'eau, encre de couleur, craie grasses, crayon de couleurs, feutres, crayon de papier puis
feutre noir, fusain, lavis, carte à gratter, peindre avec les doigts, collage de formes, utilisation de
motifs graphiques, estampes …

CLASSE ENTIÈRE
Détermination des possibles graphiques.
Un élève ou le PE relit l'histoire. Les élèves sont invités à proposer ce qu'on pourrait dessiner pour
illustrer cette histoire en fonction des éléments qui y sont mentionnés. Des échanges sont animés
par le PE sur le comment dessiner tel ou tel éléments.
La technique utilisée ce jour est présentée avec ses particularités éventuelles.

TRAVAIL INDIVIDUEL
Réalisation des illustrations
Après s'être équipés d'un tablier et du matériel adéquat proposé pour cette séance, les élèves
s'installent individuellement dans l'espace d'Art Plastiques afin réaliser dans le calme leur
illustration. Le PE et l'aide humaine accompagnent les élèves en fonction des besoins spécifiques :
réalisation de gestes graphiques, utilisation d'une technique particulière, rappel des consignes et des
attendus, rappel des éléments saillants de l'histoire à illustrer, ...

CLASSE ENTIÈRE
Exposition des œuvres et choix par élection
A l'issue de la phase de dessin, une exposition des œuvres est réalisée au tableau. Les élèves ont la
possibilité de « visiter » cette exposition. Un numéro est attribué à chaque illustration. Un vote à
bulletin secret est effectué (vote pour deux dessins différents). Le responsable du « vote illustration »
récupère les bulletins et assure le dépouillement devant toute la classe. En cas d'égalité un second
tour à vote unique est effectué. Le dessin élu est conservé par le PE avec le texte élu de la semaine.
Ils seront utilisés lors de la confection du recueil de textes.

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 10/59


Recueil de textes :
Une fois par période / durée : trois ou quatre séances

Après chaque vacances, les élèves travaillent à éditer et diffuser un recueil de texte regroupant les
textes et dessins élus de la période précédente (entre 6 et 8). Le premier recueil est réalisé par le PE.
Au cours de l'année, les élèves se saisissent progressivement des différentes phases de confection du
recueil : saisie des textes sur traitement de texte, réalisation de la première de couverture,
photocopies, assemblages des pages imprimées, réalisation de la reliure à spirale …

De plus, les élèves sont pleinement associés à la diffusion du recueil confectionné : présentation
préparée dans les classes d'inclusion et correspondance postale avec des classes d'échange (écriture
de courriers, remplissage d'adresse sur enveloppe, ...)

Mémoire Master 2 EPABEP – Durix Nathanaël ANNEXES page 11/59


ANNEXE 4 : les statistiques du texte libre

Bilan de productions de textes libres (et d'illustrations) élus sur 3 années scolaires (2018-2021)

Nombre d'années Nombre de parution en tout Nombre de parutions par an Nombre de


Nom et prénom dans le sur le temps du textes et textes et textes écrits (et
dispositif ULIS texte libre Textes Illustrations illustrations de textes d'illustrations illustrations pas forcément parus)
(avec moi) (estimation) confondus confondus estimation
Élève ULIS 1 3 3 7 6 13 2,3 2,0 4,3 83
Élève ULIS 2 1 1 3 4 7 3,0 4,0 7,0 28
Élève ULIS 3 2 2 7 7 14 3,5 3,5 7,0 55
Élève ULIS 4 3 1,5 4 4 8 2,7 2,7 5,3 42
Élève ULIS 5 3 3 6 6 12 2,0 2,0 4,0 83
Élève ULIS 6 1 1 5 5 10 5,0 5,0 10,0 28
Élève ULIS 7 1 0,5 3 0 3 6,0 0,0 6,0 14
Élève ULIS 8 2 1 5 3 8 5,0 3,0 8,0 28
Élève ULIS 9 2 1 4 4 8 4,0 4,0 8,0 28
Élève ULIS 10 2 2 8 3 11 4,0 1,5 5,5 55
Élève ULIS 11 2 2 4 5 9 2,0 2,5 4,5 55
Élève ULIS 12 1,5 1,5 2 3 5 1,3 2,0 3,3 42
Élève ULIS 13 1 0,5 1 0 1 2,0 0,0 2,0 14
Élève ULIS 14 3 1,5 3 0 3 2,0 0,0 2,0 42
Élève ULIS 15 2 1,5 2 0 2 1,3 0,0 1,3 42
Élève ULIS 16 1 1 2 2 4 2,0 2,0 4,0 28
Élève ULIS 17 1 1 2 2 4 2,0 2,0 4,0 28
Élève ULIS 18 1,5 1,5 2 1 3 1,3 0,7 2,0 42
Élève ULIS 19 1,5 1,5 2 1 3 1,3 0,7 2,0 42
Élève ULIS 20 1 1 2 5 7 2,0 5,0 7,0 28
Élève ULIS 21 1 1 2 4 6 2,0 4,0 6,0 28
Élève ULIS 22 0,5 0,5 2 4 6 4,0 8,0 12,0 14
Élève ULIS 23 1 0,5 0 4 4 0,0 8,0 8,0 14
12 élèves
- - 5 10 15 - - 5
« invités »
Totaux = 83 83 863

23 élèves différents sur 3 ans à l'Ulis.


Moyenne de productions Moyenne de productions
par élève sur sa scolarité par élève / par an
en textes libres = 3,4 en textes libres = 2,6
en illustrations = 3,2 en illustrations = 2,7
les deux = 6,6 les deux = 5,4

Nombre de Nombre
année de
Recueils textes (et de textes
parution
illustrations) par an
n°1 7
n°2 6
2018-2019 33
n°3 7
n°4 10
n°5 8
2019-2020 21
n°6 7
n°7 12
n°8 11
n°9 9 2020-2021 29
n°10, édition
prévue en sept. 6
2022

Moyenne de recueils par an = 3


Moyenne de textes par recueils = 9
Nombre de textes par an de 2018 à 2021 = 28

Recueils tirés à 30 exemplaires

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ANNEXE 5-1 : Monographie et cahier d'écrivain de Valérian

Valérian a huit ans lorsqu'il intègre l'Ulis à la rentrée 2019, après avoir effectué deux Grandes
Sections et deux CP. Il est catégorisé dans les Troubles des Fonctions Cognitives. Élève vif et au
raisonnement souvent pertinent, il est en grande difficulté avec la langue écrite. Il n'a pas très envie
de venir travailler à l'école. Il n'oppose que peu de résistances à se mettre au travail, mais on ressent
aisément que c'est une contrainte lourde pour lui.

Par contre il a un réel engouement pour le racontage d'histoires. Il montre un intérêt certain pour la
phase d'écriture de textes libres. Il réagit positivement quand cela est annoncé dans le programme
de la demi-journée. De manière générale, il ne classe pas cette activité dans ce que lui appelle du
« travail » : soit une activité obligatoire source d'ennui. Il aime donc la phase de production de
textes libres.

Les thèmes récurrents de ses récits imaginaires montrent son intérêt pour les militaires, les extra-
terrestres et la zone 51. Ce sera d'ailleurs par ces sujets qu'il commencera sa première année
d'écrivain à l'Ulis. Puis apparaîtront progressivement des histoires vraies qui deviendront
majoritaires la seconde année. Dans ces dernières, il relate beaucoup ses expériences personnelles :
plusieurs histoires de chutes ou de blessures au skate-park ou au foot, des excursions dans lieux
abandonnés avec ses amis, ... Il tire parfois de sa propre expérience une inspiration afin de fabriquer
une histoire imaginaire mais bien basée sur son vécu. Plusieurs histoires relatent également des
agressions verbales qu'il a subi de la part d'adultes. En autres souvenirs, il nous fait revivre des
instants forts vécus avec sa mère en allant à des concerts du chanteur de rap Soprano. Enfin, Il
évoque une fois le souvenir de son père décédé deux ans plus tôt au travers d'une activité partagée
avec lui.

Valérian se saisit pleinement du texte libre pour relater des évènements marquants qui balisent sa
vie jusqu'ici et qui sont porteurs d'émotions significatives. Il a le même usage du temps de parole du
« Quoi de neuf ? » dans lequel il prend quasi systématiquement la parole.

Au milieu de sa deuxième année d'Ulis, Valérian manifeste à plusieurs reprises un manque


d'inspiration. Cette période de panne d'idées intervient en corrélation avec une période qui parait un
peu morose pour lui : je note une baisse de motivation générale, Valérian parle de fin du monde,
évoque la mort, le manque de finalité de faire des choses, d'apprendre … Le fait de ne pas avoir
d'idée immédiatement à tendance à l'agacer voire le bloquer. Il cherche activement un sujet. Il est
possible de lire clairement sur son visage ses émotions en fonction de s'il a trouvé un bon sujet

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(motivant et intéressant pour lui) ou pas. Récemment, il lui est arrivé de ne pas présenter d'histoire
n'ayant pas trouvé un sujet qui le motivait.

N'étant pas scripteur, le dessin a été jusqu'à récemment le passage obligé comme étape de
construction de son récit. Maintenant, il va plutôt chercher une idée par la pensée et s'inscrire
directement dans la colonne « Je suis prêt(e) » pour qu'un adulte vienne l'aider à écrire son histoire
sur papier. Ce ne sera qu'après le travail d'écriture effectué avec l'aide de l'adulte qu'il se mettra à
illustrer son histoire. Le dessin n'étant plus alors le point de départ du travail mais un complément.

Il commence progressivement à encoder, avec accompagnement, des mots ou syllabes simples de


son propre texte.

Valérian montre une grande capacité à utiliser les ressources disponibles pour arriver à l'écriture de
son texte. En effet, sous la contrainte imposée d'écrire au moins une petite partie de son texte (au
minimum quelques lettres ou syllabes), il puisera spontanément dans les aides possibles afin de
réussir lui-même des encodages de sons ou l'écriture de mots. Il va se souvenir avoir déjà écrit un
mot ou une expression dans un texte libre précédent et va rechercher de lui-même dans les pages de
son cahier d'écrivain l'orthographe correcte. Ou encore, il va se saisir de son cahier-mémoire où
résident les différents sons déjà étudiés afin d'en encoder un. Et idem avec son carnet-répertoire de
mots qui grossit à chaque texte libre ainsi qu'avec les lexiques d'aide à l'écriture ou les dictionnaires
disponibles en classe.

Valérian fait également montre d'attachement à ses productions passées. Il réclame ses cahiers
d'écrivain terminés que je conserve comme traces d’activité à étudier pour la rédaction du présent
mémoire.

Dans la phase d'enrichissement des textes, Valérian se positionne souvent en élève moteur. Il rentre
facilement dans le récit d'un autre et propose des ajouts à l'histoire qui sont souvent pertinents en
terme de cohérence thématique et logique.

Enfin, Valérian a exercé souvent le métier de secrétaire-dessinateur. Il s'est révélé être un


dessinateur médiocre mais a montré une très bonne capacité de synthèse des histoires présentées.
Notamment dans sa compétence à mettre à distance (temporairement) l'auteur-e du récit pour ne
relater que l'essence de chaque histoire proposée (en réponse à la consigne pour l'élection du texte
de la semaine : « on ne vote pas pour une personne mais pour une histoire »). Ainsi, dans le
contexte d'une histoire vraie où un-e élève se raconte lui/elle-même, Valérian ne reprendra
spontanément pas le prénom de l'élève mais anonymisera le récit en disant : « c'est l'histoire d'un

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enfant qui part en vacances avec ses parents ... »

À ce jour, en deux années de présence dans les séances de productions de textes libres, Valérian a
été l'auteur de huit textes élus et publiés dans les recueils de textes ( et également de sept
illustrations).

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ANNEXE 5-2 : Monographie et cahier d'écrivain d'Antoine

Antoine effectue un parcours en maternelle avec un redoublement en GS puis intègre l'Ulis. Il y est
depuis quatre ans dont trois années avec moi. Il a aujourd'hui dix ans. Il est catégorisé dans les
Troubles Spécifique du Langage. Certaines de ses attitudes et comportements (centres d'intérêts
restreints et spécifiques, stéréotypie motrice, hypersensibilité sensorielle) se rapprochent de traits
autistiques. Il a un fort trouble de l'attention.

Durant sa scolarisation à l'Ulis, Antoine a connu une évolution positive dans ses comportements
pro-sociaux (prise en compte de l'autre, échanges interpersonnels, prise de parole en public, ...)

Il a souvent refusé l'activité de production d'écrit au début de la première année avec moi. Dans un
premier temps, il n'a pas montré beaucoup d'intérêt pour le processus du texte libre ni pour les
histoires présentées par les autres. La parution du premier recueil marquera le commencement d'un
changement de regard sur le texte libre.

Antoine est passionné de dessin et de bande dessinée (BD). Il pourrait passer ses journées de classe
à dessiner et lire des BD. Seules certaines activés spécifiques attirent son attention spontanément
(lecture d'histoires, sortie à la médiathèque, les sciences et la découverte du monde, parfois les arts
plastiques). Il a une réelle compétence graphique. Il travaille par petits coups de crayon de papier, il
peut faire une mise au noir (feutre) de son dessin mais ne le colorise jamais.

Antoine reste assez réfractaire au format imposé du texte libre : un écrit sur papier avec
(éventuellement) un dessin d'illustration. Il ne veut raconter des histoires que par la BD. Sa capacité
à narrer une histoire est réelle et tout à fait fonctionnelle mais sous le format unique de la BD. Lors
de la séance d'écriture du texte libre, il se lance directement et volontairement dans le dessin d'une
BD case par case (il préfère utiliser les trames de cases vierges) sans écriture. Ce travail est long.
Quand il est sollicité pour écrire son histoire ou les cases de la BD il dit souvent ne pas avoir fini. Si
nous le laissons faire, il reste alors peu ou pas de temps pour passer à une phase d'écriture. Il faut
passer parfois par le rappel et la contrainte de l'attendu du travail demandé qui n'est pas de réaliser
une BD graphique mais de produire une petite histoire écrite qu'on peut éventuellement présenter
aux autres.

La mise en mot de sa BD va se faire par la dictée à l'adulte en remplissant les bulles qu'il aura
préalablement dessinées. Les deux premières années, Antoine n'écrit pas encore mais il produit des
premières écritures spontanées sous forme graphique. C'est à dire qu'il va dessiner (et non pas
écrire) des lettres réelles avec un lettrage fantaisiste, type cartoon ou en effet relief / 3D (qu'il

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maitrise). Ces suites de lettres ne produisent pas un codage de sons réels mais sont porteurs de
signifiant pour Antoine car il les place en titre de sa BD ou comme onomatopées.

Avec le déblocage de la lecture et le début timide de l'encodage, Antoine va accepter d'écrire un


peu. Avec l'aide de l'adulte, il commence à encoder lui-même certaines syllabes ou certains mots
des bulles de sa BD. Il va notamment écrire avec un relatif succès des onomatopées. Les tentatives
d'écrire le scénario de la BD avant sa réalisation graphique sont restées actuellement vaines. Ce
travail qui normalement est la première étape de la réalisation d'une BD lui parait trop laborieux et
ne pas répondre à son désir de créer par le dessin qui ne saurait attendre … En effet, il montre
souvent une certaine urgence à dessiner son histoire à l'instar de sa manière de parler très pressée ou
les mots se bousculent dans son discours sans points ni pauses.

Ainsi les adultes du dispositif Ulis éprouvent de façon récurrente de la difficulté à comprendre les
histoires qu'il veut raconter. Elles sont dans sa tête, elles sont parfois assez complexes au niveau
scénaristique et il peine à trouver les mots et la patience pour se faire comprendre clairement de
l'adulte qui fait office de scribe. Antoine s'énerve facilement s'il n'est pas compris rapidement.

Au moment où l'adulte se positionne en scribe, Antoine ne veut pas que les autres enfants entendent
son histoire. Il réclame donc de changer de place pour aller dans un endroit discret de la classe. Il va
chuchoter son histoire et râler si, pour une raison ou une autre, un élève va s'approcher de lui à cet
instant.

Antoine ne va raconter que des histoires imaginaires incluant systématiquement un événement


catastrophique : tornade, volcan, météorite, invasion extra-terrestre, trou noir, bombe atomique,
monstres (Kraken, Godzilla, …), et le naufrage du Titanic et plus récemment des engins de guerre
(tanks, avions, canons, ...). Parfois plusieurs de ces éléments dramatiques se cumulent dans la
même histoire.

Quand il décide que son histoire est suffisamment aboutie pour passer à l'étape de la présentation (et
donc de l'élection), il ne veut pas toujours se positionner face à la classe pour le faire et demande à
rester à sa place.

Si son texte vient à être élu, la phase de mise au point / enrichissement du texte reste particulière
avec lui. Il a de la difficulté à accepter des idées nouvelles à ajouter à son histoire. Il semble avoir
une vision assez précise du déroulement de son histoire. La phase de mise au point / enrichissement
va plus consister à le faire accoucher de l'histoire qu'il a en tête et que nous ne comprenons que
partiellement. Une fois où il est absent, nous procédons alors à cette phase sans lui. Le lundi

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suivant, lors de la découverte du texte finalisé, Antoine est furieux et s'exclame : « Non ! C'est pas
ça ! Je ne reconnais pas les lettres ! ». Il ne reconnaissait alors plus son histoire et le faisait savoir
par son mécontentement. Son expression de « ne pas en reconnaître les lettres » provient du fait qu'à
cette période Antoine ne sait pas encore lire et identifie les lettres au sens de l'histoire elle-même.

Aujourd'hui, il aime entendre les histoires proposées par les autres élèves et découvrir le lundi
suivant celle qui a été élue et retravaillée. Il attache une grande importance aux recueils de textes
imprimés et peut s'en faire le promoteur auprès des autres. Il va montrer avec engouement un
nouveau recueil paru et prendre la parole face à une autre classe pour le présenter. Il est demandeur
de ce moment là.

Paradoxalement, et bien que cela ait beaucoup évolué, attirer l'attention des autres sur lui n'est pas
très supportable pour Antoine. Il a du mal à accepter d'être féliciter pour son effort, son travail …
surtout publiquement. Il va protester ou se boucher les oreilles quand on va relire une de ses
anciennes histoires publiées.

Au bout de trois années de pratique du texte libre, Antoine est à l'origine de huit histoires élues et
publiées dans un des recueils de textes ainsi que six illustrations.

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ANNEXE 5-3 : Monographie et cahier d'écrivain d'Ilias

Ilias, âgé de onze ans, est avec moi à l'Ulis depuis trois ans. Avant, il a effectué un parcours complet
en maternelle avec un doublement de Grande Section, plus une année de CP et une dans une autre
Ulis. Il est catégorisé dans les Troubles des Fonctions Cognitives. Il est d'un naturel jovial et
participatif. Il aime venir à l'école et travailler. Son contexte familial spécifique provoque des
absences régulières qui lui déplaisent. Il a un fort déficit de l'attention. Il se disperse, se distrait très
facilement et s'agite beaucoup sur sa chaise.

Il aime raconter des histoires et accueille avec joie les séances liées au texte libre. Jusqu'à
récemment, il commence toujours par la réalisation d'un dessin très coloré qui lui sert ensuite de
support pour raconter son histoire à l'adulte scribe ou pour rédiger lui-même une ou deux phrases.
Dernièrement il décide de lui-même de débuter par l'écriture de son texte d'une longueur d'un
paragraphe et ensuite d'en réaliser une illustration.

Arrivé non lecteur et non scripteur, Ilias lit de manière assez fluide au bout de sa deuxième année et
l'écriture suit une progression lente mais constante et tout à fait encourageante.

Durant la première année, il écrit systématiquement son prénom, son nom et l'adresse de sa rue en
(très) grosses lettres capitales d'imprimerie sur son dessin de texte libre. Il viendra ensuite de lui-
même assez rapidement à un encodage phonétique assez fonctionnel de phrases entières. La
difficulté aujourd'hui réside à passer à la dimension orthographique et grammaticale de la
production d'écrits. Ilias commet des erreurs récurrentes et progresse lentement dans l'acquisition de
formes lexicales non régulières malgré les corrections et aides prodiguées. Ilias passe naturellement
à l'écriture attachée et la taille de son écriture se réduit. Lorsqu'Ilias est concentré il peut écrire dans
un lignage seyes habituel.

Au niveau thématique, les histoires d'Ilias mettent en scène de manière récurrente des véhicules
(voitures de course, de rallye, bus, taxi, camion, ambulance, police, …) qui roulent vite, dérapent,
font la course, tombent en panne, vont chercher des enfants … Ce sont des histoires tirées de son
imaginaire. Quelques rares histoires vraies issues de son vécu sont relatées.

Lors de la phase de mise au point de texte, Ilias a de la difficulté à comprendre les ressorts logiques
de l'histoire élue et de la concevoir dans sa globalité. Quand il s'agit de son propre récit, il a
tendance à accepter toutes les propositions de ses camarades sans discernement, ni réflexions
critiques quant à leur pertinence.

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Après ces trois années, Ilias a produit six textes élus et publiés ainsi que six illustrations.

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ANNEXE 5-4 : Monographie et cahier d'écrivain de Noé

Noé a effectué une Moyenne Section, deux Grandes Sections et un CP avant d'arriver en Ulis il y a
deux ans maintenant. Il est âgé de neuf ans et catégorisé dans les Troubles des Fonctions
Cognitives.

Élève très agité, une prescription de médicaments en cours d'année lui permet de se poser et d'être
plus disponible au travail scolaire. Il accuse, malgré tout, un fort retard dans les apprentissages
comparé aux enfants neurotypiques de sa classe d'âge. Rentré dans un processus d'apprentissage est
difficile pour lui. En effet, il a du mal à accepter de ne pas savoir, se tromper, essayer, persévérer …
les erreurs qu'il commet sont souvent source de blocages.

Quand il n'est pas dans un blocage émotionnel, Noé entre volontiers dans l'exercice de production
de textes libres. Il le vit comme un moment agréable et positif. Il a de la difficulté à bien saisir
l'ensemble du processus (finalité, différentes séances, publication, …) bien qu'il vive la séquence du
texte libre quasiment chaque semaine depuis deux ans.

Noé est à l'aise en narration autant d'histoires tout à fait imaginaires que réelles. Pour ces dernières,
il va relater autant des souvenirs agréables (sorties en famille, vacances, …) que des évènements
conflictuels vécus avec des élèves dans la cour. Dans les histoires imaginaires, Noé ne structure pas
son récit mais se laisse porter par lui. Il commence par le dessin qui est très complet, voire trop. En
effet, l’illustration comporte beaucoup d'éléments enchevêtrés. Elle est en général confuse et
fouillie. Lorsqu'il s'agit pour l'adulte de noter son récit oral pour le transformer en trace écrite, Noé
raconte son dessin et ne s'arrête plus. Une idée amène une autre, qui en amène une autre … sans fin.
Le lien avec le début de l'histoire se perd et la cohérence globale disparaît. Noé crée ainsi des
histoires à rebondissements inattendues avec apparition et disparition de personnages. L'humour et
l'action y sont souvent mêlés.

Noé a très envie de savoir lire « comme les grands ». Il souffre du fait de ne pas encore savoir lire et
dit qu'on va se moquer de lui s'il ne sait pas. Quand il réussit bien des exercices de décodage ou
d'encodage de syllabes, il décrète savoir lire ou écrire. Pour le texte libre, il peut faire une page de
symbole, de signes, dont certains sont des lettres et déclarer avoir écrit son texte. Il demande alors à
l'adulte de le lire. Mais cela n'a aucune signification réelle, même si on lui demande de « lire », de
raconter son texte. Il n'en est pas capable, son écriture imaginaire est ici vide de sens. Noé tente
d'imiter le geste et la posture d'écriture des scripteurs experts : je prends mon un cahier, je m'installe
à mon bureau avec mon stylo et je trace des signes sur ma feuille = je sais écrire. Noé est

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énormément dans l'imitation de l'autre. Il souhaite être comme les autres et faire comme eux. Cela
se constate dans tous domaines, y compris dans les comportements inadéquats et inadaptés à la vie
de classe. Cela se vérifie aussi dans la lecture comme il décrète savoir le faire. Ainsi lors de la
présentation des textes libres à la classe, en vue du choix hebdomadaire par vote, il va vouloir
présenter lui-même son texte et le lire à la classe. Il prend donc son cahier d'écrivain et va raconter
une histoire sur la base de son dessin initial en faisant semblant de lire son histoire transcrite par
l'adulte.

Noé apprécie la phase de présentation de son texte à la classe et de l'attention que les autres portent
sur lui. Le fait que ses camarades manifestent un intérêt pour son texte parait important pour lui. Il
est attentif à leurs réactions lors de se présentation. Noé va volontiers reformuler son histoire si une
question de compréhension survient.

L’absentéisme de Noé a été important pour une longue période. Sa présence discontinue n'a pas
aidé à poser un socle solide dans ses apprentissages. Depuis plusieurs mois, Noé est beaucoup
moins absent du fait d'une meilleure organisation familiale. De ce fait, les progrès scolaires sont au
rendez-vous tant sur le savoir-être élève que les apprentissages fondamentaux. En terme de lecture
et d'écriture il se situe sur le premier trimestre d'un CP, mais cela lui permet déjà d'encoder quelques
syllabes de son propre texte.

Noé est très heureux quand son texte est élu. Il manifeste une incompréhension lorsque ça n'est pas
le cas, voire une réelle déception. Il dit souvent « pourquoi les enfants n'ont pas voté pour moi ? »
montrant ainsi qu'il a du mal à différencier son texte de sa personne. Il prépare souvent des textes à
visée humoristique afin de « faire rigoler les autres » et « pour qu'ils aiment ». On ressent l'intention
de plaire et d'attirer l’attention. Lorsque son texte est choisi, il a alors hâte de passer à la phase
collective d’enrichissement / mise au point. C'est un des temps qu'il a bien identifié dans la
séquence. Parfois, il se méprend sur sa nature quand il confond l'élection d'un texte et celle d'une
illustration (qui elle ne requiert alors pas d'enrichissement / mise au point comme il peut parfois le
penser). Noé attend donc avec impatience cette séance qui se positionne en fin de semaine et
demande régulièrement « Dis-moi, c'est quand qu'on dit mon texte ? ». Le moment venu, il trône
fièrement devant la classe. Sourire aux lèvres, il distribue la parole et a tendance à accepter toutes
les idées de ses camarades sans trop prêter attention à leur intérêt ou leur cohérence.

Après deux années de productions d'écrits de textes libres, Noé a produit six textes élus et publiés
dans les recueils (et également sept illustrations).

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ANNEXE 5-5 : Monographie et cahier d'écrivain de Joachim

Joachim est un enfant porteur de trisomie 21. Il est à l'Ulis de Ganges depuis 2013. Une place en
institut médico-éducatif s'est libérée pour lui fin 2020. Il aura donc passé une année scolaire entière
et quatre mois avec l'Ulis expérimentant le texte libre.

Joachim est de nature jovial et enjoué. Il peut même se montrer farceur, parfois un peu trop.
Souffrant d'obésité et de problème de sommeil, il s'endort très souvent en classe sur sa table. Il
progresse lentement mais sûrement en lecture. Vers la fin de son séjour à l'Ulis, il commence à
encoder des mots et syllabes. Son élocution est très difficile. Le comprendre demande une attention
soutenue. Les gestes grapho-phonétiques Borel-Maisonny sont d'un grand secours pour identifier
certains sons que sa bouche peine à produire.

Il apprécie le temps d'écriture de textes libres en se saisissant volontiers de la consigne de raconter


une histoire par le dessin. Ses dessins sont un ensemble d'éléments plus ou moins reconnaissables
juxtaposées dans une logique qui n'est pas apparente au premier abord. Ils mettent en scène
systématiquement des personnages. Très vite, Joachim y adjoint une écriture de son histoire en une
série de lettres en majuscules d'imprimerie sans espaces distinguant un mot d'un autre. C'est souvent
peu compréhensible mais lorsqu'on l'écrit son histoire sous sa dictée, ces séries de lettres prennent
sens. En effet, on peut clairement y détecter des tentatives d'encodage de mots qui apparaissent dans
son histoire racontée. Avec l'aide de l'adulte, Joachim en vient à encoder avec succès (pas encore au
niveau orthographique) une partie des mots de son histoire.

Les thèmes des histoires narrées par Joachim sont multiples. Ses récits ont la particularité de bien
souvent mélangés le réel et l'imaginaire. Joachim entremêle volontiers ses dessin animés favoris,
des élèves ou adultes de la classe et ses plats préférés. Il concocte ainsi des récits où la plupart du
temps différents éléments narratifs se juxtaposent sans logique apparente (comme ses dessins). Des
situations s'enchainent ou apparaissent sans lien de cause à effet. Certains dessins animés
imprègnent fortement son imaginaire, notamment Peter Pan. Ils vont teinter nombre de ses récits.
Joachim va, malgré tout, utiliser le texte libre pour décrire des éléments réels de sa vie : son
camarade de table Antoine qui fait des tornades avec ses mains, deux élèves qui se sont pardonnés
suite à une dispute, sa maman qui plante des fleurs jaunes.

Joachim prend plaisir à l'activité d'écriture mais ne semble pas donner de sens à l'ensemble de la
séquence. La finalité de parution dans le recueil de textes libres ne semble pas porteur de
significations réelles pour lui. Il ne se reconnait pas dans le recueil de textes. Quand on l'interroge

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pour savoir qui sont les auteurs des textes du recueil, il dit que ce sont des gens.

La phase de présentation de son texte devient régulièrement une plateforme pour un jeu clownesque
visant à faire rire la classe. Attitude dans laquelle il excelle d'ailleurs. Il se prête ensuite à la séance
de choix de texte par le vote mais semble plus intéressé à voter pour un élève plutôt que pour une
histoire.

Après un peu plus d'un an d'écriture de textes libres, Joachim a produit deux textes élus et publiés
dans les recueils (et aucune illustration).

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ANNEXE 5-6 : Monographie et cahier d'écrivain de Frédéric

Frédéric est un élève qui relève des Troubles Envahissants du Développement ou aussi appelés
Troubles du Spectre Autistique. Il est à l'Ulis depuis trois ans. Un AESH-i l'accompagne sur tous
ses moments de scolarisation (18h). Depuis deux ans, il est en inclusion totale en classe ordinaire.
Au final, il aura participé aux séances de textes libres un peu la première année (son emploi du
temps particulier ne lui laissant pas le loisir d'être forcément là aux séances d'écriture). C'est un
élève qui ne parle pas et n'arrive pas réaliser des gestes graphiques fins. Par contre l'écriture
numérique lui est accessible. Frédéric écrit sur tablette ou sur clavier avec un grand succès.

Dans un premier temps, il pratique l'écriture sur tablette tactile qui lui propose automatiquement
différentes orthographes pour les mots qu'il écrit. Frédéric choisit ainsi les graphies correctes et
compose ainsi un texte sans erreurs. Plus récemment, il est passé à l'écriture au clavier qui est
désormais plus rapide pour lui. Il dispose d'une très bonne intelligence et réussit en CM1 puis en
CM2. Il s'épanouit plus dans une classe ordinaire qu'à l'Ulis où un grand décalage de niveau
subsiste et de nombreux troubles coexistent. Malgré tout, la production d'écrits est une compétence
qu'il maitrise mal. Cela fait principalement l'objet de son travail d’approfondissement lors de son
année de CM2 tant le reste lui est facile.

Frédéric manifeste souvent son refus d'écrire des textes libres. Il peut crier et entrer en crise à ces
instants. Quelques textes ont abouti mais peu. Le texte libre semble être aussi pour lui un exutoire à
des expressions libres très personnelles où il évoque ses fantasmes sexuels ou encore exprime une
colère en écrivant des insultes. Quand il écrit un texte libre présentable, il est en général plutôt dans
un registre réel même si ceux qui ont été élus par la classe sont imaginaires.

Finalement, il aura été l'auteur de trois textes élus et publiés dans les recueils.

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ANNEXE 5-7 : Monographie et cahier d'écrivain de Leïla

Âgée de onze ans, Leïla est présente une année à l'Ulis. Elle ne reste que la moitié de l'année dans le
dispositif tant ce dernier ne lui correspond pas. En effet, il y a un fort décalage de maturité et de
compétence entre elle et le reste des élèves du dispositif. Elle s’intègre alors rapidement à une
classe de CM1 où elle finit par rester à 100% en février.

Durant son séjour dans le dispositif Ulis, elle participe à la production de textes libres. Bien que
dessinatrice assez douée, Leïla se saisit du cahier d'écrivain comme un plein espace d'écriture et se
lance à chaque fois dans la rédaction de textes, parfois longs de plusieurs pages, sans passer par une
phase illustrative.

Ses premières histoires relèvent de l’imaginaire des contes dont elle maitrise les codes. Ses textes
sont relativement corrects du point de vue de la langue et nécessite un petit toilettage
orthographique et syntaxique. Les récits sont cohérents, logiques et structurés. Puis, Leïla se saisit
du texte libre comme un espace d'expression personnelle et de narration de sa vie. Elle y raconte ses
relations avec ses amies, ses doutes quant à sa place et ses premières affaires de cœur de son âge.

Ses textes très personnels n'intéressent pas assez les autres élèves du dispositif pour être élus durant
les quatre mois passés à l'Ulis. Par contre, son talent en dessin lui permet d'être l'auteure de quatre
illustrations élues et publiées dans un recueil.

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ANNEXE 5-8 : Monographie et cahier d'écrivain de Mario

Mario passe deux années à l'Ulis école dont une avec moi avant de partir à l'Ulis collège à l'âge de
douze ans. En fort retard scolaire par rapport à sa classe d'âge, il souffre de cette différence qui est
elle-même en décalage avec sa maturité pré-adolescente. Le regard des autres quant à ses difficultés
d'apprentissage l'inquiète. C'est notamment une source de conflit dans la cour. Il débute en lecture et
en écriture (niveau mi-CP).
Dans l'exercice de la production de textes libres Mario montre une réelle envie mais se heurte vite à
un blocage d'ordre psychologique. Le fait d'avoir envie de raconter des histoires et de constater qu'il
lui manque les outils opérationnels pour le faire génère chez lui une grosse frustration et un fort
sentiment de dévalorisation.

Paradoxalement, il est très bon en copie et sa graphie est excellente, mais il refuse d'encoder car « il
ne sait pas faire ». Au fur et à mesure de l'année, il se met à l'écriture mais encore avec un étayage
important : il ne se lance pas seul dans l'encodage mais va chercher l'aide de l'adulte pour vérifier
l'ensemble des lettres qui formeront correctement le mot énoncé.

L'élection du texte de la semaine est un enjeu assez fort pour Mario. Il peut facilement bouder s'il
n'est pas élu. Il tente même d'influencer certains de ses camarades à voter pour lui ou de faire « du
bourrage d'urne » quand celle-ci n'est pas surveillée par un adulte.

Ses histoires sont presque toutes imaginaires. Il se met en scène lui-même avec quelques amis dans
des récits fantastiques. Ces histoires incluant des camarades participent à attirer leur sympathie.

Les illustrations de Mario peuvent être soignées et bien correspondre à l'histoire. Elles seront ainsi
élues et publiées à cinq reprises ainsi que deux textes libres durant son dernière année à l'Ulis.

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ANNEXE 5-9 : Monographie et cahier d'écrivain de Maëva

Après deux Petites Sections, une Moyenne Section et une Grande Section, Maëva intègre l'Ulis à la
rentrée 2020. Elle a sept ans. Catégorisée dans les Troubles des Fonctions Cognitives, son niveau
scolaire est de l'ordre de la Moyenne Section. Le cadre offert par l'Ulis l'épanouit. Son
comportement assez difficile en maternelle se stabilise. Maëva est très volontaire et aime faire
seule. Le travail d'apprentissage actuel correspond à une fin Grande Section / début Cours
Préparatoire. En début d'année, elle fait montre d'opposition et refuse régulièrement de se mettre au
travail. Cela s'estompe progressivement. Elle entreprend désormais la plupart des activités
proposées sans ou avec peu de résistance.

Maëva parle très peu et ne se fait pas très bien comprendre sauf quand il s'agit de communication
fonctionnelle importante pour elle (le goûter, aller aux toilettes, « l'heure des mamans », …). Bien
qu'elle rentre facilement dans l'activité de dessin lors de la séance d'écriture de textes libres, son
quasi mutisme est une difficulté importante pour recueillir son histoire.

Malgré tout, Maëva peut produire des histoires très courtes (une ou deux phrases) par la dictée à
l'adulte en décrivant son dessin. Le questionnement de l'adulte aide à la verbalisation.

Maëva propose des récits mêlant l'imaginaire et le réel. Elle parle d'elle-même ou de sa maman.
Beaucoup d'histoires mettent en scène des voitures qui roulent vers l'école. Maëva fait un long trajet
en taxi pour se rendre à l'école et en revenir.

Ses textes ont été élus à quatre reprises. Lors de la phase d'enrichissement / mise au point, les
histoires ont été beaucoup complétées par le reste de la classe. En effet, partant d'un début très
court, l'ensemble des possibles narratifs est immense. La régulation de l'adulte est alors nécessaire
pour que l'histoire produite respecte l'univers imaginaire de Maëva qui a tendance à tout accepter
sans discernement.

Par ailleurs, les dessins de Maëva qui restent sommaires mais très colorées ont été également élus
quatre fois pour illustrer des textes libres.

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ANNEXE 5-10 : Monographie et cahier d'écrivain de Lou

Lou arrive en cours de sa dernière d'année d'Ulis dans le dispositif de Ganges. Elle y passe six mois.
Elle est catégorisée dans les Troubles des Fonctions Cognitives et a un fort trouble de l'attention. Il
est très souvent nécessaire de la remobiliser et de la stimuler pour l'aider à se recentrer.
Son imaginaire est foisonnant. Elle prend plaisir à écrire des histoires cohérentes et structurées
d'une page qui relèvent la plupart du temps de l'univers des contes de fées. Ses récits sont souvent
construit avec un début, un développement avec des évènements, puis une fin qui clôt l'histoire.
Sa graphie est correcte. Son écriture est essentiellement phonétique. Elle arrive à encoder la plupart
des sons avec succès bien qu'il y ait des oublis de syllabes par moments. Ses textes sont donc
lisibles. La segmentation en mot est plutôt réussi, il lui manque cependant le découpage phrastique.
L'orthographe lexicale et grammaticale en est à son balbutiement.
Lou se saisit de son cahier d'écrivain comme d'un vrai espace d'écriture. Bien que bonne
dessinatrice, elle préfère se lancer directement dans l'écrit et consacre son talent de dessinatrice lors
des séances d’illustration de textes libres.
Ses dessins d'illustrations seront ainsi élus et publiés à quatre reprises durant sa demi-année de
présence. Elle aura également deux textes qui seront choisis par ses camarades.

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ANNEXE 5-11 : Monographie et cahier d'écrivain de Karim

Après avoir doublé son Cours Préparatoire, Karim passe quatre années à l'Ulis dont deux avec moi.
C'est un élève moteur par son enthousiasme et son comportement responsable, solidaire et pro-actif.

Karim se lance volontiers dans l'écriture d'histoires tant vraies qu'imaginaires. Ces sont des petits
textes cohérents. Karim dispose d'une bonne graphie. Quand il débute dans le texte libre, il encode
encore difficilement les sons. Il a de nombreuses confusions et on peine à comprendre ses textes. La
segmentation des mots n'est pas acquise ni le découpage du texte en phrases distinctes. Ces points
vont progresser durant son séjour à l'Ulis. Ses derniers textes offrent de vraies améliorations et sont
plus lisibles même si l'orthographe est encore en souffrance.

Ses textes ont souvent attiré l'engouement de ses camarades. Karim aura produit huit textes élus et
publiés ainsi que quatre illustrations.

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ANNEXE 5-12 : Monographie et cahier d'écrivain de Firmin

Firmin est à l'Ulis depuis deux après avoir redoublé son Cours Préparatoire. Il est catégorisé dans
les Troubles des Fonctions Cognitives. Du fait de ses inclusions en classe ordinaire, il n'a participé à
l'écriture de textes libres qu'une année. C'est un élève relativement passif qui se laisse porter et se
fait facilement oublier. Il doit être stimulé pour fournir un effort qu'il ne fait pas de lui-même.

Cela se traduit dans les textes libres par la production d'écrits courts et concis d'une ou deux
phrases. Ses histoires se bornent à relater de manière très concise un événement vécu ou imaginaire
sur un mode descriptif. Son écriture est correcte. Il segmente ses mots et découpe son texte en
phrases. Il dispose de premiers acquis en orthographe lexicale et grammaticale qui lui permettent
certaines réussites sur ce plan.

Son besoin se situe plus dans le développement de sa capacité à construire une histoire à plusieurs
étapes qui s'enchainent et qui offrent un déroulement narratif. Il reste assez hermétique quand on lui
propose d'aller plus loin ou d'étoffer son premier écrit. Il semble ne pas avoir envie de faire plus que
ce qu'il estime être le minimum requis pour ce travail.

Firmin est à l'origine de trois textes élus et publiés ainsi que trois illustrations.

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ANNEXE 5-13 : Monographie et cahier d'écrivain de Renaud

Renaud est un élève porteur de trisomie 21. Il est resté un an et deux moi à l'Ulis jusqu'à l'âge de dix
ans. La communication avec lui n'est toujours évidente car son élocution est difficile et son
comportement assez changeant avec des humeurs parfois compliquées.

Dans un premier temps, Renaud va entrer dans le travail de production d'écrits par le dessin sur son
cahier d'écrivain. Il dessine des petits éléments disjoints juxtaposés sans rapports apparents entre
eux. Ses premiers textes dictés à l'adulte consiste en une énumération des éléments qu'il a dessiné. Il
n'y a aucune construction narrative. Avec la pratique de classe, il semble comprendre l'attendu de la
production de textes libres et commence à réaliser des récits oraux qui relatent son vécu
d'évènements. Parfois ce sont des histoires purement imaginaires.

Renaud est au début de l'apprentissage de la lecture. L'écriture est encore balbutiante. Il écrit en
script car c'est ainsi qu'il a débuté son apprentissage dans un lycée français au Laos. Avec le temps,
il refuse plusieurs fois de produire un écrit. Il préfère tracer des dessins à la règle sur son cahier
d'écrivain. Pourtant il écrit malgré tout : il se saisit d'un dictionnaire et recopie des mots sans les
déchiffrer sous forme de liste. Ces mots n'ont pas de liens clairs entre eux. Ils semblent être
sélectionnés au hasard.

Quand il est disposé à produire un écrit avec l'aide de l'adulte, Renaud encode avec succès quelques
syllabes ou mots de son histoire. Deux de ses textes auront été élus et publiés ainsi que trois de ses
illustrations.

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ANNEXE 5-14 : Monographie et cahier d'écrivain de Laurie

Laurie est à l'Ulis depuis cinq ans dont trois avec moi. Elle est catégorisée dans les Troubles des
Fonctions Motrices. Elle dispose d'une AESH-i en permanence. Elle n'a pas pleinement participé
aux séances d'écriture de textes libres durant ces trois années du fait de son emploi du temps allégé
et de ses temps d'inclusion en classe ordinaire. Elle a aujourd'hui 11 ans.

En matière d'écrit, Laurie est très lente d'exécution et ne le fait que très difficilement avec un stylo
et guère mieux avec un clavier d'ordinateur (apprentissage en cours). Du fait de ces problèmes
praxiques, l'objectif de production de textes libres ne passe pas par l'écrit mais par la dictée à
l'adulte. En effet, le temps que lui prend l'écriture la pénalise souvent car elle ne finit pas son
histoire et ne peut pas la présenter. Elle peut malgré tout débuter l'écrit qui est terminé par l'adulte.

Laurie prépare systématiquement son récit par un dessin illustratif support de la future narration.
Elle se lance dans l'activité avec joie et engouement.

Laurie produit des histoires assez bien construites tournant souvent autour de thèmes similaires :
princesse, danseuse, … Le vocabulaire peut être assez riche et bien choisi.

Elle a produit cinq textes élus et publiés ainsi que cinq illustrations.

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ANNEXE 6 : Recueil de textes n°9
Afin de respecter l'anonymisation choisie, les noms de famille des auteurs de texte ont été masqués
en bas des textes et n'ont pas été ajoutés aux illustrations comme sur le recueil en version imprimée.

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Résumé

Le texte libre est une technique d'expression issue de la pédagogie Freinet. Une expérimentation de
cette pratique est menée depuis trois ans dans une Ulis-école. Elle affiche le double objectif de
travailler les différentes dimensions du lire-écrire par un processus porteur de sens et de participer à
restaurer la confiance en soi et à accroître l'auto-estime des élèves. L'auteur, enseignant-
coordonnateur de ce dispositif, relate le vécu du texte libre par ses élèves à besoins éducatifs
particuliers et ses propres ajustements de pédagogue. Il en interroge les fondements pédagogiques
ainsi que les concepts scientifiques liés aux processus cognitifs dans la production d'écrits et à la
motivation scolaire. Par la discussion entre ce vécu et ces concepts, la pratique est ainsi clarifiée et
explicitée ouvrant à de nouvelles perspectives d'évolutions du geste et du savoir professionnels.

Mots-clés : Ulis-école – texte libre – expérimentation pédagogique – production d'écrit – processus cognitifs –
motivation scolaire

Abstract

The free text is a technique of expression resulting from the pedagogy Freinet. An experiment of
this practice has been conducted for three years in an Ulis-school. It has the dual objective of
working on the different dimensions of reading and writing through a meaningful process and
participating in restoring self-confidence and increasing student self-esteem. The author, teacher-
coordinator of this program, relates the experience of the free text by his special needs students and
his own pedagogical adjustments. He questions the pedagogical foundations as well as the scientific
concepts related to cognitive processes in the written production and school motivation. By the
discussion between this experience and these concepts, the practice is thus clarified and explained
opening new perspectives of teaching evolution.

Keywords: Ulis-school – free text – educational experimentation – writing – cognitive processes – school motivation

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