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DIAPORAMA

Une longère ornaise rénovée avec des


matériaux locaux
Amélie Luquain | le 17/03/2022 | Orne, Rénovation, Matériaux biosourcés, Réemploi des matériaux, Artisans

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Afin de réhabiliter une ancienne bâtisse de 90 m², la coopérative Anatomies
d'architecture a choisi huit matériaux présents dans un rayon de 150 km.

Une dimension écologique très poussée caractérise les travaux en cours en ce moment
au domaine du château du Costil, à Sap-en-Auge (Normandie). Dans ce paysage préservé,
nivelé de coteaux, une longère traditionnelle de 90 m² reprend vie grâce à des matériaux
et des savoir-faire locaux « Nous avons incité les nouveaux propriétaires à s'atteler d'abord à
cette bâtisse pour pouvoir y vivre. Situé à quelques pas, le château connaîtra une réhabilitation
d'ampleur dans un second temps afin d'accueillir du public », explique Mathis Rager,
architecte. Avec son confrère Raphaël Walther, il vient de fonder pour l’occasion la
coopérative Anatomies d’architectures, qui réunit également un anthropologue et une
spécialiste de la terre crue.

Un bâtiment en deux parties


Ils ont d’abord commencé par s’imprégner de l’existant. « Dissimulé sous le lierre, nous
avons découvert un bâtiment structuré en deux parties », commence Mathis Rager. L’une,
qui constitue la partie ouest de la longère, était constituée d’un appareillage de briques de
terre cuite de bonne qualité qui a pu être conservé et renforcé. L’autre, la partie est de
l'ouvrage, avait subi des dommages irréparables. Sa façade sud et sa toiture ont dû être
intégralement déposées.

De ce constat, s’articule une architecture, elle aussi, en deux parties. La première dans le
respect du patrimoine abritera séjour, salle à manger et cuisine. Dans la seconde partie,
dédiée aux espaces de nuit, une boîte en bois autoportante remplacera la structure
existante. « Avec ce système constructif, le projet s’inscrit dans l’enveloppe existante sans
occuper d'espace supplémentaire », insiste Raphaël Walther.

Un gisement de matériaux à moins de 150 km


Cette écriture est aussi le fruit de deux années de recherche sur le terrain pour identifier les
gisements de matériaux et les savoir-faire disponibles à 150 km à la ronde. « Nous avons
ainsi identifié huit matériaux qui allaient composer 99 % du bâtiment », précise Emmanuel
Stern. Pieux d’acacia, briques de terre cuite réemployées, ossature bois, isolation
thermique terre chanvre, quenouilles, liège de réemploi, pavés de chêne, bardage en
ganivelle de châtaigner, composeront le bâtiment, qui sera livré un an après les premiers
coups de pelle, en mai 2022.

Autant de filières et de savoir fragilisés qui seront restaurés dans une exposition in situ en
juillet de la même année. Date à laquelle on connaitra le coût de la rénovation. D’ici là, il est
possible de visiter le chantier jusqu’au 2 avril, dans le cadre de la quatrième édition de
Chantiers communs, un évènement qui regroupe une soixantaine de rendez-vous dans la
région mettant à l'honneur la construction écologique et la valorisation des circuits courts.

Maîtrise d’ouvrage : SCI le Costil


Maîtrise d’oeuvre : Anatomies d’Architecture
Entreprises principales : Scheck & Déco (maçonnerie), Depuis 1920 (charpente bois),
Entreprise Grolleau (couverture), Eco-Pertica (isolation), Thomas Vaydie (pépinieriste)
et Jean-Luc Brouard
Coût : NC
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La longère rénovée du Costil

La longère de 90 m² se compose à l'ouest d'une structure en brique de terre cuite rénovée et


renforcée, et à l'est d'une boite en bois autoportante en remplacement de la structure existante
jugée irréparable.

2/10
Coupe du bâtiment
1.Briques de terre cuite
2.Pieux d'Acacia
3.Ossature en pin douglas
4.Isolation terre chanvre (murs) / Laine de chanvre (toiture)
5.Isolation liège (pied de mur)
6.Terre crue (quenouilles)
7.Ganivelles de châtaigner
8.Pavés de bois (sol partie rénovation)

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Rénovation en brique de terre cuite [0km & 50km]

La première phase du chantier de rénovation de la longère, débuté en mai 2021, a consisté à


déposer les briques de terre cuite côté est. Elles ont ensuite été réemployées et re-maçonnées sur
la partie ouest, afin de consolider les chaînages existants. « C’était d’autant plus important pour
nous de réemployer la brique que le coût carbone de sa fabrication est élevée », insiste Mathis
Rager. D’autres briques ont été fournies par la briqueterie locale des Chauffetières.

4/10
Fondation en pieux d’acacia [15km]
Pour les nouvelles fondations des pieux d'acacia remplacent ici le traditionnel béton. Pour les
mettre en œuvre, les architectes se sont inspirés de la thèse Système de fondation sur pieux bois
: une technique millénaire pour demain de Jérôme Christin, selon qui la quasi-totalité des bâtiments
de l’époque médiévale étaient fondés sur des pieux en bois, a l’instar de la cathédrale Notre-Dame
de Paris ou du Château de Chambord. Ils se sont également appuyés sur les connaissances du
maçon et du charpentier. Une mise en œuvre hors-norme, souligne Mathis Rager : « ce n’est pas
réglementaire, donc on sort du cadre assurantiel ».
Le travail a commencé par la sélection de 12 grumes d’acacia, un bois de classe 4 fourni par les
Forestiers Associés, une petite scierie familiale locale. Ces bois, de 30 cm de diamètre pour 3 m
de long, ont ensuite été écorcés puis carbonisés de façon superficielle selon la technique
ancestrale japonaise du shou sugi ban afin de rendre le matériau imputrescible. Après forage, les
pieux ont été battus sur 2,50 m de profondeur, dans un milieu naturel humide constant. Les équipes
ont ensuite procédé au nivellement du sol puis à la réalisation d’un hérisson ventilé, c'est-à-dire
des galets et des cailloux posés sur un drain d’air afin de préserver la construction des remontées
capillaires. Ils servent également d’assise à la future dalle constituée d'un plancher bois sur
lambourdes.

5/10
Ossature en pin douglas [20km]

Les techniques locales de colombage ont inspiré la réalisation de l’ossature de la partie neuve en
douglas de section 70 x 140 mm et de la charpente.

6/10
Soubassement en liège de réemploi [40km]

Dans le même temps, du liège, mélangé à de la chaux, a été utilisé pour isoler les pieds de murs
sensibles à l'humidité. « L’immense majorité du liège nous provient aujourd’hui du Portugal. Pour
éviter cela, il nous a été fourni par Ecopertica, qui organise la récupération de bouchons de liège
en Normandie et procède à leur broyage avec des travailleurs en insertion », détaille Raphaël
Walther.

7/10
Quenouilles de terre crue [0km]

La terre crue a été utilisée en mélange avec le chanvre pour l’isolation thermique des murs, mais
aussi sous forme de « quenouilles » pour l’isolation acoustique des planchers. « Cette technique
consiste à rouler du foin et de la terre autour de tiges de bois vert écorcées », détaille Emmanuel
Stern. Pour réaliser les 700 quenouilles de 8 cm d’épaisseur, un chantier participatif a été organisé
sur site avec 15 bénévoles en septembre dernier. Les matériaux utilisés proviennent exclusivement
du domaine du Costil, à moins de 500 m de la longère.

8/10
Isolation en chanvre [60km]

L’ensemble des murs de la maison a été isolé avec un mélange terre-chanvre sur 15 cm
d’épaisseur et la toiture en laine de chanvre sur 30 cm d’épaisseur. Le chanvre a été fourni par la
coopérative EcoPertica, qui a mis au point une ligne de défibrage installée sur la chanvrière afin
de séparer la laine de la chènevotte. Cette dernière est liée par de la terre avant d’être projetée.
« Ce mélange offre aux parois une résistance thermique (R) de 4, hygrométrie et déphasage en
prime », détaille Alice Mortamet. Cette solution permet de s'affranchir du plastique du pare-vapeur
et des émissions carbone de la chaux.

9/10
Pavés de bois en chêne de réemploi
Alors que la mise en œuvre des enduits s’achève ce mois de mars, le mois suivant laissera la place
aux finitions intérieures. Le sol du salon sera revêtu de pavés de bois en chêne réalisés par l’Atelier
R-are. Le chêne provient de menuiseries, portes et fenêtres, issues de chantiers de démolition,
puis découpées en tranche en atelier.

10/10
Bardage en ganivelles de châtaignier [100km]

L’ensemble de la partie neuve sera revêtu en mai 2022 d’une seconde peau ajourée, un bardage
en ganivelles de châtaignier. Ce bois provient d’un petit taillis vieux de 400 ans. « Il est exploité à
petite échelle par débardage à cheval par un artisan, avant d’être transformé en atelier à l’aide de
machines manuelles, datant parfois du 19e siècle ». De l’ultra local et de l’ultra low-tech donc, des
fondations aux finitions.

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