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Du même auteur
Normal People
Traduit de l’anglais (Irlande)
par Stéphane Roques
ÉDITIONS DE L’OLIVIER
L’édition originale de cet ouvrage
a paru en 2018 chez Faber & Faber
sous le titre : Normal People.
isbn 978.2.8236.1527. 2
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« C’est l’un des secrets de ce changement dans
l’équilibre mental, que l’on a appelé très justement
la conversion : pour beaucoup d’entre nous, rien ne
nous est révélé du ciel ou de la terre, tant qu’une
personnalité n’a pas touché la nôtre en exerçant
une influence particulière, pour la soumettre et la
rendre réceptive. »
George Eliot, Daniel Deronda
Janvier 2011
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Cela retient son attention et lui fait lever les yeux. Il conti‑
nue de détourner le regard, vaguement déstabilisé, mais du
coin de l’œil il voit bien qu’elle l’observe. Quand il parle
avec elle, il perçoit un sentiment d’intimité totale entre eux.
Il pourrait lui dire n’importe quoi, même des trucs bizarres,
elle ne le répéterait jamais à personne, il le sait. Quand il est
seul avec elle, il a l’impression d’ouvrir une porte, de quitter la
vie normale et de refermer la porte derrière lui. Elle ne lui fait
pas peur, elle est même plutôt décontractée, mais il redoute
sa compagnie parce qu’il a l’impression de se conduire étran‑
gement, de dire des choses qu’il ne dirait jamais d’ordinaire.
Il y a quelques semaines, alors qu’il attendait Lorraine
dans l’entrée, Marianne est descendue en peignoir. C’était un
simple peignoir blanc, noué à la taille. Elle avait les cheveux
mouillés et la peau luisante, comme si elle venait d’appliquer
une crème pour le visage. En apercevant Connell, elle a eu un
instant d’hésitation dans l’escalier et lui a dit : Pardon, je ne
savais pas que tu étais là. Elle a peut-être eu l’air un peu trou‑
blée, mais rien de bien méchant. Puis elle est remontée dans
sa chambre. Lui a continué d’attendre, debout dans l’entrée.
Il a compris qu’elle était sans doute en train de s’habiller, et
qu’elle allait soigneusement choisir la tenue qu’elle porterait
pour redescendre, sachant qu’il était là. Bref, Lorraine a été
prête avant la réapparition de Marianne, il n’a jamais su ce
qu’elle avait mis. Non qu’il eût vraiment voulu le savoir. Il
n’en a évidemment parlé à personne au lycée, n’a pas dit
qu’il l’avait vue en peignoir, ni que ça l’avait troublée, cela
ne regardait personne.
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qu’il lui plaisait, Connell s’est mis à passer plus souvent chez
elle. Il arrivait en avance pour récupérer sa mère au travail
et traînait au salon sans dire grand-chose, ou restait debout
près de la cheminée, les mains dans les poches. Marianne
ne lui demandait jamais ce qu’il faisait là. Ils parlaient un
peu, ou alors elle parlait et il hochait la tête. Il lui a conseillé
de lire Le Manifeste du parti communiste. Il pensait que ça
lui plairait et a proposé de lui noter le titre quelque part
pour qu’elle ne l’oublie pas. Je connais Le Manifeste du parti
communiste, a-t-elle répondu. D’accord, il a dit en haussant
les épaules. Quelques instants plus tard il a ajouté, avec le
sourire : Tu fais ta supérieure, mais je suis sûr que tu ne l’as
jamais lu. Elle n’a pas pu se retenir de rire, et il a ri lui aussi
en la voyant. Ils n’arrivaient pas à se regarder dans les yeux
quand ils riaient, il fallait qu’ils fixent un coin de la pièce,
ou leurs pieds.
Connell semblait comprendre les sentiments que lui
inspirait l’école ; il aimait bien savoir ce qu’elle pensait,
prétendait-il. Tu l’entends suffisamment en cours, ce que je
pense, a-t-elle dit. L’air de rien, il a répondu : Tu es différente
en cours, tu n’es pas vraiment comme ça. Il semblait croire
que Marianne avait accès à tout un éventail d’identités diffé‑
rentes, dont elle changeait sans effort. Elle s’en est étonnée,
parce qu’elle se sentait généralement confinée dans une seule
personnalité, toujours la même quoi qu’elle fasse ou dise. Elle
avait voulu changer, par le passé, comme pour tenter une
expérience, mais ça n’avait jamais marché. Elle avait beau
se conduire différemment en présence de Connell, elle ne
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