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Oscillateurs quasi-sinusoidaux.

Conditions de démarrage des


oscillations, stabilisation de l’amplitude et distorsion.

J ULIEN F LAMANT – julien.flamant@ens-cachan.fr

Motivation
L’étude présentée dans cette leçon est motivée par l’omniprésence des oscillateurs dans le monde
physique et technologique. En électronique par exemple, les oscillateurs quasi-sinusoidaux sont à la
base de nombreux composants : horloges internes de processeurs, oscillateurs contrôlés en tension
dans la boucle à verrouillage de phase, ... S’agissant d’une première leçon sur les oscillateurs, il est
important de bien détailler pas à pas là démarche d’étude. Une manière possible est d’effectuer en
permanence des aller-retours sur la manipulation, en montrant à chaque fois expérimentalement le
phénomène présenté : démarrage des oscillations, stabilisation de l’amplitude, mesure du THD à l’ana-
lyseur de spectre. On peut aussi montrer la stabilité en fréquence à l’aide du fréquencemètre.

1 Généralités
1.1 Définition d’un oscillateur
Un oscillateur est un dispositif générant un signal s(t), de forme connue, en l’absence de toute excitation
extérieure. On distingue notamment les oscillateurs quasi-sinusoïdaux, qui délivrent une tension de
sortie sous la forme s(t) = Sm cos(2πf t), où Sm est appelée l’amplitude de l’oscillation et f la fréquence.

Dans ce cours, on s’intéressera principalement à la réalisation d’oscillateurs électroniques : la grandeur


de sortie s(t) sera alors bien souvent une tension. Il faut toutefois garder à l’esprit que la réalisation
d’oscillateurs ne se limite pas à ce simple domaine : le LASER par exemple est un oscillateur optique
quasi-sinusoidal, la grandeur de sortie étant alors un champ électromagnétique.

Il convient de plus d’insister sur la nature instable des oscillateurs, et sur le fait qu’aucun signal (a priori)
ne vient exciter le système : l’obtention d’oscillations est du à l’instabilité intrinsèque du système, et la
seule source d’énergie dont il dispose consiste en l’alimentation du dispositif.

1.2 Caractéristiques et performances


En théorie, si l’oscillateur est parfait, le signal de sortie de l’oscillateur s(t) s’écrit tout simplement :

s(t) = Sm cos(2πf t) (1)


où Sm et f sont des constantes. On constate en pratique qu’il est impossible d’obtenir un tel signal,
et que plusieurs défauts peuvent apparaître. Il convient donc de décrire ces phénomènes, et de les
quantifier précisément si possible. On distinguera donc :
(a) La distorsion : ce phénomène est caractérisé par la présence d’autres fréquences multiples de la
fréquence f d’oscillation, que l’on nommera harmoniques. Il est alors possible d’écrire la sortie
s(t) sous la forme X
s(t) = Sm cos(2πf t) + Si cos(2πif t + φ) (2)
i>2

qui est finalement la décomposition en série de Fourier du signal s(t). Un indicateur de la pureté
spectrale du signal est alors le Taux Harmonique de Distorsion (THD), que l’on définit par :
!
2
P
i>2 Si
THDdB = 10 log 2
(3)
Sm

On mesure généralement cet indicateur à l’aide d’un analyseur de spectre.

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Oscillateurs quasi-sinusoïdaux

(b) La stabilité en fréquence : on constate bien souvent que la fréquence f du fondamental du signal
évolue au cours du temps. De plus, une analyse plus fine nous montre que cette fréquence varie
autour d’une fréquence centrale f0 , et ce dans un intervalle de largeur δf : on définit alors la
stabilité en fréquence σ par :
f0
σ= (4)
δf
Il convient toutefois de différencier la stabilité à long terme (à l’échelle d’une année par exemple)
de la stabilité à court terme. En pratique, les valeurs de σ sont exprimées en parties par million
(p.p.m), ce qui correspond à σ = 10−6 . Une remarque s’impose néanmoins : la mesure de la
stabilité d’un oscillateur nécessitant un oscillateur de référence, comment peut-on s’assurer de
la stabilité de ce même oscillateur de référence ? Un problème qui s’apparente à celui de l’oeuf
et de la poule... Il faut toutefois noter qu’on obtient une bonne stabilité fréquentielle avec des
oscillateurs à quartz thermostatés (10−3 p.p.m) voire avec des horloges atomiques si le besoin
s’en ressent.

1.3 Structure générale et démarche d’analyse


Pour obtenir la structure générale d’un oscillateur quasi-sinusoidal, on peut raisonner en deux temps.
Tout d’abord, afin d’obtenir un signal sinusoidal avec le moins de distorsion possible, on pressent bien
qu’il va falloir faire « passer » le signal dans une circuit résonnant et très sélectif : cela peut être réalisé
par une cellule L − C par exemple. On sait de plus que tout circuit présentant des pertes, il va falloir
redonner de l’énergie au signal filtré afin de garantir la pérennité des oscillations. On vient donc de
donner la structure de l’oscillateur à réaction, constitué d’un amplificateur dans la chaine directe et d’un
circuit résonant dans la boucle de rétroaction.

Amplificateur

Circuit résonant

On va dans la suite s’intéresser au fonctionnement de l’oscillateur. On fera apparaître deux phases bien
distinctes, qui reposent chacune sur des hypothèses d’études bien différentes :
(a) Tout d’abord il s’agit de s’assurer que dès la mise sous tension de l’oscillateur apparaissent des
oscillations : il s’agit de la phase de démarrage des oscillations. Les signaux étant nécessairement
d’amplitude limitée, on peut linéariser les caractéristiques de tous les composants au voisinage du
point de polarisation. L’étude se résume alors à l’étude d’un système bouclé linéaire, et à vérifier
que celui-ci est bien instable.
(b) A un moment donné peuvent apparaître des non-linéarités dans le système : saturation de l’am-
plificateur par exemple. Cette phase est appelée stabilisation de l’amplitude.Il faut alors revoir les
hypothèses de travail, et une étude non-linéaire s’impose 1 .

2 Etude d’un oscillateur basique : le pont de Wien


2.1 Présentation
On va à présent mettre en évidence les deux régimes de fonctionnement d’un oscillateur simple, le pont
de Wien. Cet exemple présente l’avantage indéniable d’être très simple à mettre en oeuvre, et un choix
pédagogique intéressant. Comme on le verra plus, loin ce montage paye sa simplicité par un nombre de
défauts importants qui empêchent son utilisation dans le monde réel.
1. Propos à modérer tout de fois : si l’on dispose d’un contrôle automatique de gain qui permet de stabiliser l’amplitude de
l’oscillation, on peut alors conserver le formalisme de l’étude linéaire précédemment introduite.

2
Oscillateurs quasi-sinusoïdaux

amplificateur
R2


R1
+

C R C

cellule de réaction

F IGURE 1 – Schéma du pont de Wien à amplificateur opérationnel. On identifie clairement la cellule amplificatrice
(AO non inverseur) et la cellule de réaction R − C série – R − C parallèle. Pour refaire ce montage,
on propose la valeur des composants R =, C =, R1 = 3.3 kΩ et R2 un potentiomètre 10 kΩ.

2.2 Etude linéaire : démarrage des oscillations


Dans cette partie, comme on se trouve en régime petits signaux, on peut linéariser le système et dès lors
utiliser le formalisme de fonctions de transfert. On peut alors mettre le système linéarisé sous la forme
d’un schéma bloc, comme suit :

E=0
+ A(p)

B(p)

où A(p) est la fonction de transfert de l’amplificateur linéarisé, et B(p) la fonction de transfert de


la cellule de réaction. On rappelle alors un résultat vu dans le cours d’automatique sur les systèmes
linéaires. Un système bouclé est instable si et seulement si au moins un des pôles de la fonction de
transfert en boucle fermée est à partie réelle positive, ce qui conduit à l’analyse des racines de l’équation

A(p)B(p) = −1 (5)

Plutôt que de résoudre une équation algébrique, on peut aussi utiliser une méthode géométrique, basée
sur le critère de Nyquist. C’est la méthode que l’on appliquera ici. Tout d’abord exprimons A(p) et B(p) :
de manière immédiate, on a A(p) = 1 + R R1 et B(p) s’obtient par un pont diviseur de tension :
2

R 1
ZR//C 1+RCp
B(p) = = 1 R
= 3  (6)
ZR,C + ZR//C R+ Cp + 1+RCp 1+Q p
+ ω0
ω0 p

où l’on a posé Q = 13 et ω0 = RC 1
. On constate que A(p) se résume à un gain pur : c’est sur lui que l’on
va agir pour faire apparaître les oscillations. En effet, si l’on trace le lieu de T (jω) = AB(jω) dans le
plan complexe, on observe un cercle de centre −A/6 et passant par −A/3 en ω = ω0 . En appliquant le
critère de Nyquist, on obtient la condition de démarrage des oscillations : le point critique -1 est entouré
par le lieu de T (jω) si le gain A est supérieur à 3.

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Oscillateurs quasi-sinusoïdaux

Remarque A priori, le système bouclé pourrait rester à ce point d’équilibre d’instable et ne jamais
osciller. En pratique, les imperfections du montage (tension de décalage de l’AO, bruit de fond, ...)
assurent le démarrage des oscillations.

2.3 Le régime établi


A partir du moment où le démarrage des oscillations a eu lieu et que le gain de l’amplificateur reste le
même, les amplitudes des oscillations vont croitre jusqu’à l’apparition d’une non-linéarité, typiquement
une saturation de l’amplificateur. Il faut alors remettre en cause l’hypothèse de linéarité faite jusqu’à
présent, et une étude non-linéaire s’impose. On peut toutefois utiliser une approximation courante dans
l’étude des systèmes non linéaires, l’approximation du premier harmonique. 2

Stabilisation de l’amplitude Dans le cas de la non linéarité, la stabilisation de l’amplitude est de fait
automatique de par la présence de la saturation. Cependant, cette saturation a le mauvais goût de nuire
à la pureté spectrale, en introduisant des harmoniques. Pour palier ce défaut, il est possible d’utiliser
une structure de contrôle automatique de gain, qui va en permanence adapter le gain de l’amplificateur
afin de maintenir l’amplitude désirée en sortie. Ce système permet alors de conserver le formalisme de
l’étude linéaire pour le régime établi.

3 Conclusion
Au travers de l’exemple du pont de Wien, nous avons abordé la démarche d’étude d’un oscillateur. Ce
montage, comme on l’a vu, présente des caractéristiques peu intéressantes en pratique : il y a une forte
distorsion du signal de sortie et la fréquence de sortie est peu stable. Ces deux phénomènes s’expliquent
principalement par le piètre facteur de qualité Q de la cellule de réaction. Ainsi, pour améliorer la
pureté spectrale, il faudra s’orienter vers des cellules composées uniquement de composants réactifs L
et C, qui permettront d’obtenir des valeurs Q plus élevées, voire l’utilisation de quartz pour des valeurs
de Q très grandes Q ∼ 10000

Références
[1] M ORE , C. Transmission de signaux : cours et exercices d’électronique. Technique & Documentation,
1999.

2. L’idée n’est pas ici de dérouler le calcul, mais plutôt d’expliquer avec les mains (et un schéma clair) le principe de la
méthode. On pourra représenter l’évolution des signaux en sortie de l’amplificateur et en sortie de la cellule de réaction.

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