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n° 362

REVUE INTERNATIONALE DE L’ÉCONOMIE SOCIALE

Actualité ▷Les faillites des institutions


mutualistes ou coopératives d’épargne
▷Temps forts et de crédit au Niger
▷En bref Ahamadou Maichanou et Youssoufou Hamadou
Daouda
▷Agenda de la recherche
en économie sociale ▷Les fruits tiennent-il les promesses
des fleurs ? Une analyse des pratiques
Dossier Afrique de l’Ouest de microcrédit de l’UM-Pamecas au
subsaharienne Sénégal
Ndèye Faty Sarr et Marie Fall
▷ L’économie sociale et solidaire en Afrique
de l’Ouest subsaharienne : expériences, Périmètres et mesures
dynamiques, questionnements
de l’économie sociale
Patricia Toucas-Truyen et François Doligez
▷Les passeurs de l’économie sociale ▷Susciter la mise en débat démocratique
et solidaire au Burkina Faso : acteurs, et citoyenne des données chiffrées
voies et modalités sur l’Economie sociale et solidaire
Hamza Kouanda Éric Bidet et Nadine Richez-Battesti

▷Ressorts et dynamiques de l’économie ▷Vers des comptes-satellites nationaux


populaire : une lecture à partir « tiers-secteur et économie sociale »
du Sénégal construits selon le handbook 2018
Sambou Ndiaye de l’ONU ?
Édith Archambault et Ana Cristina Ramos
▷Biographies relationnelles
d’entrepreneures sociales au Sénégal
Sadio Ba Gning
Notes de lecture
▷L’entrepreneuriat coopératif, levier
du développement territorial dans les
régions septentrionales du Cameroun
Armel Gilles Mewouth Thang

revue des études coopératives, mutualistes et associatives


▷ Trimestriel | octobre 2021 | n° 362 | 100e année | 30 € ◁
REVUE INTERNATIONALE DE L’ÉCONOMIE SOCIALE

n° 362

Publiée par l’association Recma, la Recma est aujourd’hui


l’une des plus anciennes revues scientifiques à comité de
lecture publiant des travaux consacrés à la coopération
et à l’économie sociale. Fondée en 1921 par Charles Gide
et Bernard Lavergne, la Revue des études coopératives a
connu un second souffle, grâce à André Chomel et avec
le soutien de Jacques Moreau, à partir de 1984. S’assurant
la collaboration d’Henri Desroche et de Claude Vienney,
elle fut rebaptisée Revue des études coopératives, mutua-
listes et associatives en 1986. Alors qu’elle s’appuie depuis
les années 90 sur un réseau de chercheurs correspondants
dans vingt pays, la Recma, aujourd’hui nommée Revue
internationale de l’économie sociale, est un lieu unique de
débat entre chercheurs et praticiens de l’économie sociale.

Published by the association Recma, Recma is today one


of the oldest peer-reviewed journals dedicated to works
on cooperation and the social economy. Founded in 1921
by Charles Gide and Bernard Lavergne, the Revue des
études coopératives experienced a second wind thanks to
André Chomel with the help of Jacques Moreau starting in
1984. Enlisting the participation of Henri Desroche and
Claude Vienney, the journal was renamed the Revue des
études coopératives, mutualistes et associatives in 1986.
Since the 1990s, Recma has been supported by a network
of researcher correspondents from twenty countries. Now
called the Revue internationale de l’économie sociale, it
provides a unique forum for social-economy researchers
and practitioners.

Imprimée par la Ciem • ISSN 1626-1682


La Recma est une revue trimestrielle à comité de lecture. Elle est référencée par le Haut conseil de l’évaluation
de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) en économie-gestion, et classée par divers centres
de recherche de grandes écoles, comme celui de l’Essec Business School. L’intégralité de sa publication depuis
1921 a par ailleurs fait l’objet d’une numérisation intégrale par la Bibliothèque nationale de France, consul-
table sur www.gallica.bnf.fr.

Listes des référés 2019-2020


(hors comité de rédaction et correspondants internationaux)

Abecassis Philippe Dubeux Ana Huet Jean Pénin Marc


Ahmed-Zaïd Malika Dubruc Nadine Itcaina Xabier Pesche Denis
Besse Laurent Dufeu Ivan Jani-Catrice Florence Petrella Francesca
Bioteau Emmanuel Dussuet Annie Jourdren Claude Pezzini Enzo
Boidin Bruno Duverger Timothée Latouche Karine Poujol Virginie
Boned Olivier Ellahab Fathi Laurent Rémi Prades Jacques
Boughzala Yasmine Elloumi Mohamed Lavigne-Delville Philippe Prévost Benoît
Bourjij Saïd Espagne François Léger Jean-Michel Prouteau Lionel
Bouve Catherine Esteves Egeu Lethielleux Laëtitia Quarouch Hassan
Bucolo Elisabetta Eynaud Philippe Maffet Gloria Quijoux Maxime
Chaïbi Olivier Fargeon Nathalie Maillefert Muriel Rousselière Damien
Capron Michel Faure Guy Marchetti Peter Saïsset Louis-Antoine
Cariou Yves Fouillet Cyril Margado Alix Sarrade-Cobos Diana
Celles Sylvain Fraisse Laurent Marti Juan Pablo Servet Jean-Michel
Chaput Pascale França Filho Genauto Mélo Alain Simon Serge
Chaves-Avila Rafaël Fretel Anne Michaud Valérie Sinda Annie
Chevalier Marius Gadreau Maryse Mignemi Nicolo Slitine Romain
Combes Monique Gibaud Bernard Miralles Buil Diego Soulage François
Cordellier Serge Glémain Pascal Moisseron Jean-Yves Stoessel-Ritz Josiane
Coron Gaël Goïta Mamadou Moulevrier Pascale Swaron Sophie
Couture Jean-Louis Gros Laurent Mugnier Olivier Tchernonog Viviane
Daoudi Ali Guérin Isabelle Noel Julien Thomas Franck
Declerck Françis Hagen Henrÿ Nouaouri Issam Touzard Jean-Marc
Defalvard Hervé Hély Matthieu Nyssens Marthe Trépos Jean-Yves
Do Benoit Hien Henry Philippe Ory Jean-Michel Vaillancourt Yves
Domin Jean-Paul Hernandez Emile-Michel Ouédraogo Alpha Valeau Patrick
Dorival Pascal Hillenkamp Isabelle Ounaina Hamdi Veyer Stéphane
Douard Olivier Hofmann Elisabeth Pecqueur Bernard Vuotto Mirta

Rapport de gestion éditoriale de la Revue internationale de l’économie sociale


2020 2019 2018 2017 2016
Textes soumis 79 76 74 71 73
Publiés 26 27 28 27 25
Refusés 39 38 29 28 26

Rédaction : Recma, 12, boulevard Pesaro, 92000 Nanterre. Mél. : recma@recma.org. Site web : www.recma.
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REVUE INTERNATIONALE DE L’ÉCONOMIE SOCIALE

Fondée en 1921 par Charles Gide et Bernard Lavergne

Revue des études coopératives, mutualistes et associatives

Directeur de la publication : Jean-Claude Detilleux

Rédacteur en chef : Jean-François Draperi

Secrétaire générale de rédaction : Lisa Telfizian

Equipe rédactionnelle : Jean-François Draperi, Lisa Telfizian, Patricia Toucas-Truyen

Comité de rédaction : Michel Abhervé, Nicole Alix, Edith Archambault, Eric Bidet, Jérôme
Blanc, Gilles Caire, Chantal Chomel, Danièle Demoustier, François
Doligez, Jean-Paul Domin, Michel Dreyfus, Marilyne Filippi, David
Hiez, Arnaud Lacan, Françoise Ledos, Jordane Legleye, René
Mauget, Henry Noguès, Maurice Parodi, Nadine Richez-Battesti.

Correspondants José Martín Bageneta (Argentine), Amina Becheur (Tunisie), Nazik


universitaires étrangers : Beishenaly (Kirghizistan et Asie centrale), Asmae Diani (Maroc),
Bernard Enjolras (Norvège), Ingrid Hanon (Amérique latine), Hagen
Henrÿ (Finlande), Bernard Hounmenou (Bénin), Simeon Karafolas
(Grèce), Akira Kurimoto (Japon), Boris Marañon (Mexique), Juan
Pablo Marti (Colombie), Martin Petitclerc (Canada), Roger Spear
(Grande-Bretagne), Mirta Vuotto (Argentine), Mohammed Zorelli
(Algérie).

Traducteurs : Patricia Toucas-Truyen, Cadenza Academic Translations

Correction : Marie-Édith Alouf

La Revue internationale de l’économie sociale est publiée par l’association Recma,


avec le soutien de : Fonds de dotation AACUC, Fondation du Crédit coopératif (membre fon-
dateur), Fondation du Crédit mutuel (membre fondateur), Fédération nationale des Caisses
d'épargne (FNCE), Coop FR, Fédération nationale des coopératives de consommateurs (FNCC),
Macif, Groupe Up, CGScop, ESS France et Cides.
Ressorts et dynamiques
de l’économie populaire :
une lecture à partir du Sénégal
Par Sambou Ndiaye*

Né en Occident, le vocable « économie sociale et solidaire » est de plus en plus utilisé dans le contexte
africain sans que ne soient interrogés ses soubassements épistémologiques et historiques. Face à
ce constat, l’auteur choisit de positionner dans le champ de l’économie populaire les initiatives
d’autopromotion socio-économique portées par une diversité d’acteurs populaires, souvent en
situation de vulnérabilité, qui s’investissent dans le système de production/distribution à travers
une logique écosociale. Cet article, fondé sur une approche combinant épistémologie et sociologie
économique, s’appuie sur des études de cas relevant de l’entrepreneuriat communautaire. Il révèle
les ressorts spécifiques et la performance plurielle de l’économie populaire, toutefois fragilisée
par sa gouvernance organisationnelle et un cadre institutionnel et stratégique qui n’incite pas à
la reconnaissance de son caractère différentiel.

Sources and dynamics of the popular economy: A reading from Senegal


Born in the West, the term «social and solidarity economy» is increasingly used in the African
context without any questioning of its epistemological and historical underpinnings. Faced with
this observation, the author chooses to position in the field of popular economy the initiatives of
socioeconomic self-advancement pursued by a diversity of working-class actors, often in a situation
of vulnerability, who invest in the production/distribution system through an ecosocial logic. This
article, which takes an approach combining epistemology and economic sociology, is based on case
studies of community entrepreneurship. It reveals the specific sources and the plural performance
of the popular economy, which is nevertheless weakened by its organizational governance and an
institutional and strategic framework that does not encourage the recognition of its differential
character.

Resortes y dinámicas de la economía popular: una lectura desde Senegal


El término “economía social y solidaria”, nacido en Occidente, se utiliza cada vez más en el
contexto africano, sin que sus basamentos epistemológicos e históricos sean cuestionados. Frente
a esa constatación, el autor elige ubicar en el campo de la economía popular las iniciativas de
autopromoción socioeconómico protagonizadas por varios agentes populares, a menudo en
situación precaria, que se comprometen en el sistema de producción/distribución a través de una
lógica eco-social. Con un enfoque combinando epistemología y sociología económica, este artículo
se basa en estudios de casos que están en el ámbito del empresariado comunitario. El autor revela
los resortes específicos y el rendimiento plural de la economía popular, sin embargo perjudicado
por su gobernanza institucional, así como por un marco institucional y estratégico que no incita
al reconocimiento de su carácter diferencial.

* Enseignant-chercheur en sociologie à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal)

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Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

L a posture épistémologique qui consiste à caractériser les initia-


tives populaires en Afrique comme relevant de l’économie popu-
laire tend à remettre en cause leur classification dans le secteur
informel ou dans celui de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Réduit à un secteur marginal de l’économie moderne, le secteur
informel n’a pu échapper ni à la vision dualiste des théories néoli-
bérales ni aux stratégies de survie émanant de l’approche structu-
raliste, qui l’appréhendent comme une composante déformante de
l’économie formelle, dans laquelle il devrait s’intégrer ou se fondre
(De Soto et al, 1994 ; Lautier, 1994). Quant à l’analyse sous l’angle de
l’ESS, elle tend à positionner celle-ci comme une norme universelle
à partir de laquelle est étudiée toute pratique relevant de l’« autre
économie », négligeant ainsi de questionner ses soubassements
épistémologiques et historiques. En outre, cette approche risque de
tomber dans le piège récurrent de formalisation exogène de dyna-
miques socioéconomiques endogènes.
C’est pourquoi l’objet de cette réflexion est de caractériser les
ressorts historiques et paradigmatiques de l’économie populaire
africaine, afin d’en révéler la portée et les questionnements qu’elle
suscite. Valorisant un ancrage dans la sociologie économique, notre
travail s’appuie sur une revue documentaire, mais également sur
une démarche empirique fondée sur des études de cas d’entrepre-
neuriat communautaire et plusieurs années d’expérience commu-
nautaire et professionnelle. Les entretiens semi-directifs ont permis
d’interroger les leaders, les membres ainsi que diverses parties
prenantes (pouvoirs publics, ONG, groupements) des initiatives
étudiées. Structuré en trois parties, cet article analyse d’abord les
ressorts historiques et épistémologiques de l’économie populaire,
puis se livre à trois études de cas, avant de mettre en perspective
la portée et les limites de cette économie.

Ressorts historiques et épistémologiques


de l’économie populaire

Le contexte de l’économie sociale et solidaire


Trois mouvements peuvent être repérés dans l’histoire de l’écono-
mie sociale et solidaire en Occident. Les conséquences néfastes de
la révolution industrielle, au XIXe siècle, ont fait émerger des formes
anciennes d’association inspirées du solidarisme, du mouvement
ouvrier ou de références religieuses. C’est pourquoi, pendant long-
temps, l’économie sociale a regroupé les coopératives, les mutuelles
et les associations autour d’activités d’éducation populaire, d’agri-
culture ou de protection sociale (Defourny et al, 2005). Au cours des
années 1970-1980, dans un contexte de montée du chômage et d’ex-
clusion sociale, émerge l’économie solidaire, qui remet en cause le
modèle d’économie et de développement de la société fordiste-pro-
videntialiste. La situation de crise amène des chercheurs à mettre au
jour la nécessité de dépasser le couple État-marché au profit d’une

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Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

reconfiguration des rapports entre État, marché et société civile. Ce


point d’inflexion, dopé par le mouvement anti et altermondialiste,
ne tarde pas à faire émerger des initiatives revendiquant non seule-
ment un autre mode de production, mais également un ancrage
sociopolitique autour d’une économie plurielle. Les formes organi-
sationnelles tournent autour des services sociaux de proximité, du
commerce équitable, des systèmes d’échanges locaux, des mouve-
ments de femmes, de la monnaie sociale… Enfin, la troisième phase
d’évolution correspond aux années 2000-2010, avec le mouvement
de l’entrepreneuriat social, qui n’engage pas forcément une base
communautaire mais partage avec les autres systèmes les principes
de finalité sociale, de lucrativité limitée, de réponses innovantes
aux problèmes d’exclusion et de chômage. Signalons également
l’utilisation croissante des concepts apparentés à l’ESS en milieu
anglo-saxon, avec des vocables tels que « non-profit sector » ou
« non-profit organisation » (NPO), qui insistent sur la contrainte de
non-distribution des profits, ainsi que sur la spécificité des struc-
tures à but non lucratif par rapport aux institutions publiques et
aux autres types d’organisations.
Toutefois, l’ESS se voit remise en cause, dans la mesure où elle
semble condenser toutes les illusions idéologiques du siècle (Boivin
et Fortier, 1998). Elle parvient de plus en plus difficilement à assu-
mer son rôle d’alternative à l’économie capitaliste, ou même à résis-
ter à cette dernière, au risque de jouer un rôle de supplétif caritatif
(Latouche, 2003). Comparativement à l’ESS, l’économie populaire
ne revendique ni le même contexte d’émergence et d’évolution, ni
les mêmes facteurs déterminant sa trajectoire historique, ni les
mêmes dynamiques socio-économiques, bien que ces deux modèles
aient pour socle commun une situation de crise.

Les ressorts socio-historiques de l’économie


populaire
L’hypothèse fondatrice de cet article s’appuie sur deux postulats :
d’une part, l’économie populaire constitue un mode de production
économique spécifique, à la différence du secteur informel ; d’autre
part, elle traduit une appropriation endogène de l’économie qui
s’inscrit dans le tissu productif de la société traditionnelle (donc
préexistant à l’esclavage et à la colonisation) et qui a été redécou-
verte à la faveur de phénomènes liés au mal-développement. En
effet, l’économie traditionnelle, en Afrique, oscillait entre autosub-
sistance et échanges réciprocitaires autour d’activités de chasse, de
cueillette, de pastoralisme, d’agriculture, de pêche et d’artisanat
qui cimentaient le lien social (Dutfield, 2005). Dans ce système, les
relations sociales constituaient une ressource, tout autant que le
travail, la terre et le cheptel. Les activités de production à l’échelle
familiale ou communautaire se confondaient avec les espaces d’en-
traide, de sociabilité et de régulation sociale (Sugimura, 2007). C’est
cette forme d’organisation spécifique intégrant l’économie comme

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Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

une partie du fait social total que l’économie de traite a déstabili-


sée durant la période coloniale. Réorientées autour des intérêts du
colonisateur, les dynamiques économiques ont été déconnectées
du système socioculturel qui leur donnait sens et cohérence. Par
exemple, les coopératives agricoles, promues par le colonisateur
en vue de moderniser le milieu rural et de favoriser l’éducation
des populations aux normes et aux valeurs « modernes », n’étaient
ni endogènes ni volontaires, et ne relevaient pas d’une autonomie
organisationnelle (Develtere, 1998).
Transformant l’économie de traite en une économie de rente, l’État
postcolonial ne remettra pas en cause le traitement colonial des
coopératives. Au Sénégal, sous la présidence de Léopold Sédar
Senghor (1960-1979), l’État transforme les coopératives agricoles en
une entreprise publique sous contrôle gouvernemental, dont le socle
est l’Office national de coopération et d’assistance au développe-
ment. Pourtant, sous la présidence du Conseil, Mamadou Dia (1960-
1962), les coopératives constituaient bien le levier de structuration
des communautés de base et d’autonomisation socioéconomique
des paysans autour d’un développement endogène (Colin, 2007).
Cette approche communautaire des coopératives, soutenue par
l’animation rurale, ne survivra pas à l’éviction de Mamadou Dia à
(1) Il s’agit d’une crise politique la suite des événements de 19621.
au sommet de l’État dans laquelle Au cours des années 1980-1990, le contexte de crise multiforme, les
Mamadou Dia, accusé de fomenter
effets néfastes des programmes d’ajustement structurel ainsi que
un coup d’État, sera arrêté et empri-
sonné, mettant ainsi fin aux deux
l’atonie du secteur marchand vont contribuer à redynamiser l’ethos
années de bicaméralisme et lais- entrepreneurial des populations, qui, ne pouvant plus compter
sant la place à un régime présidentiel. sur l’État-providence, développent des initiatives d’autopromotion
souvent en marge du système officiel. C’est l’explosion du secteur
informel en réponse à la crise et au chômage chronique des jeunes
et des femmes.
Jusqu’à ce jour, les pouvoirs publics et les institutions interna-
tionales semblent considérer que l’économie populaire remplit la
même fonction marginale que le secteur informel. C’est le cas du
document de référence stratégique dit « Plan Sénégal émergent »,
qui insiste sur la nécessité d’accélérer la modernisation de l’écono-
mie sociale afin d’opérer une transition vers l’économie formelle.
C’est aussi le cas avec la création d’un ministère de la Microfinance
et de l’Économie sociale et solidaire, qui vient de finaliser une
lettre politique sectorielle (2020-2024) ainsi qu’une loi-cadre de
l’ESS. Un tel positionnement traduit l’incapacité persistante des
pouvoirs publics, depuis l’Indépendance, à appréhender l’économie
populaire – une incapacité d’ailleurs partagée avec la plupart des
partenaires de développement autour du projet de formalisation
des initiatives économiques populaires.
L’absence de cadrage épistémologique et paradigmatique interpelle
enfin les acteurs mêmes de l’économie populaire, qui ne semblent
pas saisir suffisamment leurs spécificités propres. En témoigne
l’étude sur les entreprises sociales au Sénégal (Legs Africa et Lartes,

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Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

2018), qui, au-delà de l’ESS, cible les fondations, alors que celles-ci
ne semblent revendiquer ni un ancrage social marqué ni un partage
des principes de l’économie populaire2. (2) Cette étude n’a pas pu question-

En fin de compte, l’économie populaire ne saurait être réduite ni ner la portée paradigmatique et
socio-historique de l’ESS et des entre-
à une innovation contemporaine, ni à une simple survivance de
prises sociales au Sénégal.
pratiques traditionnelles, ni à un secteur de l’économie ou à une
(3) Le sens substantif de l’économie
forme transitoire conduisant à l’économie formelle comme l’est le
met en relief la dépendance de l’hu-
secteur informel. Elle ne correspond pas davantage à une simple main par rapport à la nature et à ses
réponse à la crise, et encore moins à une étape vers l’économie semblables pour assurer sa survie.
sociale (Ndiaye, 2009 ; Favreau et Fréchette, 2002). Bien que son Il permet à Polanyi, d’une part, de
démontrer que l’économie fait partie
fonctionnement ait été perturbé par le fait colonial et par l’émer-
du système social et, d’autre part, de
gence de nouveaux États indépendants, sa redécouverte/expan-
faire ressortir la pluralité des prin-
sion traduit, concernant l’Afrique, à la fois l’épuisement du mode cipes économiques que les sociétés
de régulation postcoloniale et les affres d’une modernité exogène combinent, à savoir : l’administration
portée par les institutions internationales, le capitalisme mondia- domestique, la réciprocité, la redis-
tribution et le marché.
lisé et la dépendance des États à l’égard de l’agenda international.

Les ressorts paradigmatiques et épistémologiques


de l’économie populaire
S’inscrivant dans le renouvellement théorique et épistémologique
du secteur informel, l’économie populaire regroupe des initiatives
socioéconomiques portées par des acteurs (individus, micro-entre-
prises familiales et entrepreneuriat communautaire) poursuivant
un double objectif d’insertion socioéconomique et de satisfaction
de la demande sociale à travers une logique écosociale à la fois
productive, redistributive et régulatrice (Nyssens, 1994 ; Peemans,
1997 ; Ndiaye et Boutillier, 2011). Se situant dans une perspective de
« totalité sociale » qui réfute la sectorialisation et le cloisonnement
de la vie économique et sociale, l’économie populaire reste caracté-
risée par une logique d’action plurielle et parfois même complexe :
compromis entre profit, solidarité et autosubsistance ; entre souci
de sécurisation et désir d’accumulation intensive ; ou entre logiques
individuelle, familiale et communautaire. À ce propos, la carac-
térisation analysée du point de vue substantif 3 sous l’angle de
l’hybridation des principes économiques (Polanyi, 1983) invite à
distinguer trois catégories d’économie populaire ayant chacune
une dominante : l’économie populaire marchande, valorisant la
productivité et le profit ; l’économie populaire de redistribution,
qui vise à démocratiser l’accès aux services sociaux de base ou aux
services publics ; et enfin l’économie populaire solidaire, qui, tout
en hybridant certains éléments des deux précédentes catégories,
mise surtout sur la promotion d’un mode de production prônant
un encastrement pluriel de l’économie.
Les dynamiques d’économie populaire mettent également en
relief la mobilisation de la force de travail, la capacité adaptative,
voire innovatrice, à travers la valorisation des ressources dispo-
nibles, l’ancrage populaire de ses acteurs (mais avec des niveaux
de productivité différents), la priorité autour de la satisfaction des

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Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

besoins et le souci de reproduction sociale (Sarria Icaza et Tiriba,


2005 ; Lemaître et al., 2016). Quant à l’écosocialité, elle suggère
un mode d’accumulation extensive à caractère diffus où la valeur
du lien social prédomine sur l’échange de biens. Elle mise sur le
réinvestissement social des ressources générées comme source de
garanties futures, ainsi que sur la recherche du bien-être, tout en
remettant en cause les mythes fondateurs de l’économie néoclas-
sique tels que l’acteur individuel rationnel, le culte du quantifiable
et de la compétition, la marchandisation et la sectorialisation de
la vie (Ndione, 1992). À ce propos, l’enchâssement de l’économique
dans le socioculturel, caractéristique de l’écosocialité, ne signifie
nullement un envahissement de l’activité économique par l’espace
social, ni une reproduction mécanique des solidarités, encore moins
une extraversion des ressources générées dans des dépenses impro-
ductives. Il dénote plutôt une incorporation fonctionnelle, c’est-à-
dire sélective, raisonnée et instrumentale des liens sociaux dans
le champ entrepreneurial (Ellis et Fauré, 1995).
L’approche en termes d’économie populaire suggère que, au-delà
des éléments contextuels, des différences réelles devraient inciter à
éviter de forcer la réalité africaine avec des concepts, des approches
et des outils peu adaptés (Baron, 2007 ; Develtere et al., 1999). Il
s’agit de différences dans les représentations de la solidarité ou
de l’exclusion sociale, dans le degré de présence d’un projet poli-
tique, dans le niveau d’institutionnalisation et de formalisation des
initiatives, dans le soutien structurant de dispositifs techniques et
financiers, dans les pratiques professionnelles et dans la configu-
ration spécifique des rapports entre État, marché et société civile
en Occident et dans le monde africain… Il reste que la recherche en
sciences sociales en Afrique peine à saisir l’intelligibilité spécifique
des pratiques d’économie populaire, du fait du décalage entre le
cadre de référence de ces dernières et les bases paradigmatiques
influençant les outils de collecte et d’analyse de données encore
largement inspirées de références positivistes. C’est le cas des diffi-
cultés méthodologiques rencontrées pour appréhender la multi-
fonctionnalité de l’exploitation familiale et, plus généralement,
d’une certaine tendance à vouloir dissocier les frontières entre les
espaces familial, social, symbolique, socio-politique et économique.
Concernant sa performance, l’économie populaire se positionne
comme l’un des amortisseurs de la crise, un creuset de formation
sur le tas, un espace d’activités plurielles : l’accès aux services sociaux
de base (alimentation, éducation, santé, eau potable), la transforma-
tion/valorisation des produits locaux, l’habitat social, l’épargne et le
microcrédit, le petit commerce, l’artisanat, la promotion de l’envi-
ronnement, la gestion des ordures ménagères… Cette performance
plurielle explique le fait que, loin d’occuper une place marginale dans
le système économique sénégalais, l’économie populaire constitue
l’économie réelle qui mobilise, d’une part, la grande majorité des
individus ou des groupes non ou peu insérés et, d’autre part, les sala-

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Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

riés du secteur public et privé qui l’investissent dans un souci de


diversification de leurs sources de revenus. Les statistiques officielles
font état du poids des unités économiques populaires au Sénégal :
41,6 % du PIB, 48,8 % de la population active occupée et 57,7 % de
la valeur ajoutée non agricole (ANSD, 2013 ; DPEE et DGPEE, 2018).
Toutefois, de nombreux questionnements subsistent. Même si la
dimension relationnelle, réciprocitaire, horizontale et solidaire
persiste, des changements sont survenus au sein des initiatives
économiques populaires. On observe une montée de la logique de
monétarisation des rapports sociaux, de l’individualisme et du
délitement du lien social. Autrement dit, les modalités d’adapta-
tion de l’économie populaire à l’essoufflement des mécanismes
de solidarité et au maillage néolibéral risquent d’accentuer sa
vulnérabilité et de transformer ses caractéristiques intrinsèques
en externalités négatives. Par ailleurs, la diversité d’acteurs, d’ac-
tivités et de situations économiques ne doit pas occulter la faible
productivité globale de l’économie populaire. Celle-ci est liée, entre
autres, à la faiblesse du capital, au déficit en infrastructures et en
équipements, à la difficulté d’accès au financement et aux intrants,
aux faibles capacités de gestion. Plus globalement, la contribu-
tion de l’économie populaire à la croissance globale reste limitée,
du fait qu’elle ne représente que 3 % des recettes fiscales, faisant
ainsi perdre au Trésor public d’importantes rentrées d’argent qui
pourraient permettre au Sénégal de financer le développement
sur ses ressources propres (DPEE et DGPEE, 2018). Sur un autre
plan, même lorsque les initiatives économiques populaires sont
déclarées officiellement, elles n’offrent que rarement des conditions
de travail décentes (OIT, 2020). Le caractère aléatoire et risqué de
la plupart des activités ainsi que la faible prévisibilité des revenus
constituent autant de barrières à l’incorporation des acteurs de
l’économie populaire dans les dispositifs de protection sociale. Des
études de cas permettent d’illustrer ces constats.

Études de cas d’économie populaire

Nos trois études de cas concernent les régions de Saint-Louis et de


Thiès ainsi que des expériences diverses d’entrepreneuriat commu-
nautaire : une ferme agro-pastorale ancrée sur un territoire, des
associations d’usagers d’eau potable et une aire communautaire
protégée initiée par des femmes.

L’Union interprofessionnelle des agropasteurs


de l’arrondissement de Rao (UIAPR)
L’expérience démarre en 1989 à Guélakh, un village situé à une tren-
taine de kilomètres de la ville de Saint-Louis. Peuplé pour l’essentiel
de paysans et d’éleveurs nomades, ce village souffre de l’exode rural
lié à la sécheresse et aux difficultés d’accès aux services sociaux
de base. Au début des années 1990, deux cousins issus de l’ethnie

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Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

Carte 1

Localisation géographique des cas étudiés

Gorom Lampsar
Saint-Louis

Guélakh

Louga
Thiès

Sindia Diourbel Matam


Dakar

Kaffrine
Fatick
Tambacounda
Kaolack

Kolda
Sédhiou Kedougou
Ziguinchor

0 25 50 100 150 200 Kilomètre

(4) Ces cousins, l’un animateur rural peuhle4 fondent une micro-entreprise familiale en établissant une
et l’autre étudiant, ont quitté leurs ferme intégrant agriculture et élevage sédentaire. Vingt-cinq ans
activités en milieu urbain pour reve-
plus tard, cette initiative entrepreneuriale est élargie et débouche
nir sur les terres familiales. Leur ori-
gine ethnique les prédisposait déjà
sur la mise en place de l’UIAPR, couvrant plusieurs territoires (Mpal,
à la pratique de l’élevage extensif. Gandiol et Gandon). Cette évolution de la forme organisationnelle et
du territoire d’intervention s’est accompagnée de l’élargissement du
sociétariat et des domaines d’action. Des expériences d’aviculture,
de pisciculture, d’horticulture et de transformation du lait, des
fruits et des légumes sont menées. Une partie des bénéfices générés
par les activités entrepreneuriales a permis de construire et de faire
fonctionner des infrastructures sociales : une case des tout-petits
(2007), une école primaire (2009), un collège (2016), un atelier de
teinture et un centre d’alphabétisation. Un modèle d’incubation et
d’essaimage territorial de l’UIPAR est expérimenté à travers l’ac-
compagnement technique et financier des membres pour le déve-
loppement de leurs activités entrepreneuriales dans leur terroir.
L’expérience de l’UIAPR témoigne de la pratique innovante de
l’économie populaire. La flexibilité organisationnelle transparaît

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Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

dans la transformation de l’entreprise familiale en entrepreneuriat


communautaire. La pluriactivité et le souci de diversification, gages
de sécurité, sont visibles dans la diversité des domaines d’action.
Le réinvestissement social d’une partie des ressources générées a
permis de promouvoir l’entrepreneuriat social au profit de cibles
spécifiques et du territoire. L’échange horizontal permet de valoriser
la main-d’œuvre que constituent les jeunes. En retour, ceux-ci béné-
ficient d’une opportunité d’employabilité en recevant un appren-
tissage pratique gratuit. L’hybridation des ressources garantit la
pérennité de la dynamique, et ce malgré l’absence de soutien des
pouvoirs publics : activités génératrices de revenu, bénévolat, mobi-
lisation de l’appartenance socioculturelle, utilisation de la force de
travail et des relations sociales, main-d’œuvre gratuite, valorisation
des matériaux locaux, appui de partenaires étrangers…
Toutefois, malgré les résultats obtenus, la viabilité de l’expérience
peut être questionnée. Le foisonnement et la dispersion des activi-
tés semblent en décalage avec les capacités humaines et techniques
de l’Union. Par ailleurs, alors que celle-ci élargit ses domaines d’in-
tervention, étoffe son sociétariat et diversifie ses territoires d’action,
on constate des signes d’essoufflement liés aux enjeux de pouvoir,
de gouvernance organisationnelle et de logiques d’acteurs. Autre-
ment dit, les nouveaux membres exigent plus de transparence, de
démocratie interne et d’alternance aux postes de pouvoir, alors que
les pionniers se déclarent garants de la pérennité de l’expérience.
À ces contraintes s’ajoute la menace que constitue l’implantation,
sur le même territoire, de l’agrobusiness, qui dispose d’exploita-
tions à grande échelle et de moyens techniques et financiers plus
importants. La concurrence d’une entreprise capitaliste a révélé
des comportements opportunistes chez certains sociétaires,
plus soucieux d’accéder à un revenu immédiat que de contribuer
à construire une dynamique d’entrepreneuriat communautaire
territorial.

Les associations d’usagers d’eau de Gorom


Lampsar
Combinant les fonctions de représentation des usagers et de produc-
tion/distribution du service public d’eau, les Asurep/Asufor5 ont (5) Asurep : Association des usagers

permis à la région de Saint-Louis d’atteindre un taux de près de du réseau d’eau potable ; Asufor :
Association des usagers de forage.
100 % d’accès à l’eau potable de 2011 à 2015. Au-delà de ce succès,
l’utilité sociale de ces deux associations se vérifie à travers l’achat
de médicaments pour les infrastructures de santé ou la gratuité de
l’accès à l’eau pour les structures communautaires (école, mosquée,
poste de santé). Leur rentabilité élargie démontre que, derrière
la production et la fourniture d’eau potable, se tissent également
les bases d’un service public plus inclusif. En intervenant dans la
production et la distribution de l’eau, l’économie populaire s’investit
dans la gestion des biens communs. Elle cherche à promouvoir une
logique écosociale misant certes sur des objectifs de productivité,

60 | RECMA | Revue internationale de l’économie sociale |


Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

mais également d’équité, tout en positionnant les communautés au


centre de la gestion et de la régulation du service public de l’eau.
La satisfaction de la demande sociale en eau potable offre en même
temps aux habitants une possibilité d’insertion socio-économique
et d’apprentissage d’un métier sur le tas.
Toutefois, l’articulation entre ces différentes préoccupations rend
de plus en plus difficile la mise en œuvre d’actions sociales. Ainsi,
il semble paradoxal de voir qu’alors que le mètre cube d’eau est
vendu à des prix très bas (entre 150F à 250 Fcfa, soit entre 0,23 à
0,38 euro), la plupart des ASUFOR/ ASUREP n’arrivent à assurer
ni l’amortissement des équipements, ni l’efficience des ouvrages.
Mais la grande menace qui pèse sur elles réside surtout dans la
mise en place de la délégation de service public (DSP). Initiée par la
réforme de l’hydraulique rural (2015), la DSP consiste, pour l’État, à
transférer les fonctions de production, de maintenance et de distri-
bution de l’eau à des opérateurs privés en lieu et place des Asurep/
Asufor. La DSP consacre la marginalisation de ces associations dans
le processus d’accomplissement du service public d’eau potable
et celle des usagers dans le contrôle citoyen de ce service. L’État
sénégalais n’a pas aidé les associations d’usagers à se profession-
naliser ni à définir un cadre harmonisé facilitant l’intervention
conjointe du privé et du communautaire. Cette expérience, qui
renseigne sur les risques que constitue l’extension de la régulation
marchande aux biens communs, au service public et à l’économie
populaire, démontre les faibles ambitions de l’État sénégalais par
rapport à l’économie populaire, et ce malgré l’existence d’un cadre
stratégique.

Les aires communautaires protégées (ACP) des


femmes de Sindia (région de Thiès)
Les ACP sont gérées volontairement par les communautés locales
en vue de la conservation et de l’utilisation durable des ressources
naturelles. Les femmes de ces territoires regroupant dix-neuf
villages, confrontés à la pauvreté et au déboisement, se sont mobi-
lisées avec l’appui de l’ONG Acces et des services de l’État pour
s’engager dans l’édification d’ACP.
Après l’affectation par la collectivité locale de 54 hectares de terres
dégradées aux groupements de femmes, des sessions de formation,
réalisées avec l’appui du Service des eaux et forêts et du Centre
national de recherche forestière, ont permis à ces femmes de mieux
maîtriser les techniques de reboisement. Elles ont mis en place
dix-neuf ACP, avec une production estimée à 40 000 plants par
an. L’expérience des femmes de Sindia a favorisé la régénération
d’espèces végétales menacées, l’apparition de nouvelles espèces
fruitières et médicinales, la production et la commercialisation de
dérivés des produits forestiers locaux, la fabrication de savon, d’eau
de javel et de produits cosmétiques. Grâce à ces résultats, les femmes
ont mis en place des caisses de solidarité sous forme de microcrédit

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Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

rotatif, appelées « calebasses de solidarité ». À tour de rôle, chaque


femme met dans la calebasse un apport volontaire, reversé à l’une
d’entre elles pour réaliser des activités génératrices de revenu.
L’expérience des ACP articule ainsi des activités de régénération
de terres, de production et commercialisation de produits locaux,
d’épargne et de microcrédit rotatif. Cette pluriactivité positionne
l’économie populaire dans une pluralité de ressources (travail
des femmes, appui des pouvoirs publics et d’une ONG, réseaux de
sociabilité, etc.) et de logiques économiques (productivité, auto-
subsistance, solidarité, apprentissage de savoir-faire, valorisation
des ressources locales, transformation d’une contrainte en oppor-
tunité, etc.). En fin de compte, c’est bien la logique de « bricolage »
de plusieurs registres, secteurs d’activité et ressources qui semble
caractériser l’économie populaire, et non une démarche déjà exis-
tante ou de sectorialisation.
Toutefois, une telle initiative n’a pu prospérer que grâce à l’appui
technique et financier de l’ONG Acces. À la limite, on peut se deman-
der si l’expérience des ACP relève bien d’une dynamique auto-pro-
motionnelle ou d’un processus d’encadrement porté par l’ONG, ce
qui pose des défis d’appropriation et de viabilité. Par ailleurs, la
faiblesse des revenus tirés des activités génératrices de revenu ne
garantit pas la mobilisation durable des femmes dans les activités
de régénération – souvent longues avant de produire des résultats.
Enfin, la forte pression foncière dans la zone, résultant de la mise en
œuvre de grands projets de l’État (aéroport international Blaise-Dia-
gne, autoroute à péage, etc.) et de l’implantation d’industries et de
logements, risque à terme d’aboutir à une réaffectation d’une partie
des terres pour cause d’utilité publique.

Mise en perspective de l’économie populaire

Portée et enjeux de l’économie populaire


Les pratiques d’économie populaire renseignent sur le fait que
le contexte de vulnérabilité n’empêche pas la construction d’in-
novations sociales : au contraire, il alimente une volonté d’au-
to-prise en charge, tout en renforçant la capacité de résilience des
individus et des groupes sociaux les plus affectés par la crise. Le
terrain renseigne sur un refus de la sectorialisation au profit d’une
tendance à la totalisation des activités, consistant à œuvrer dans
tout domaine répondant à une demande sociale et permettant de
fournir un service à un groupe particulier ou à la communauté, de
sorte à renforcer la dynamique d’autonomisation et d’habilitation
socio-économique d’individus et de communautés.
Les ressorts de l’économie populaire demeurent multiples : l’écoso-
cialité, la démarche endogène et autogérée, l’ancrage communau-
taire et territorial, l’implication de leaders disposant d’un ancrage
socioculturel et socialement engagés, l’expérimentation de procé-
dés techniques valorisant le savoir-faire et les matériaux locaux, la

62 | RECMA | Revue internationale de l’économie sociale |


Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

valorisation de la force de travail, du bénévolat et des liens sociaux.


Si certaines initiatives restent figées au stade de l’adaptation aux
contraintes, toutes témoignent d’une démarche de résilience.
En effet, soit elles font face aux difficultés par la prévention et la
gestion, soit elles les transforment en opportunités socio-écono-
miques. En fin de compte, qu’elle soit mise en œuvre par nécessité
ou par stratégie, la logique du « bricolage » semble bien structurer
les pratiques d’économie populaire. Particulièrement adaptée à un
contexte d’incertitude, de précarité, de faiblesse des ressources ou
des appuis, elle se traduit par la débrouillardise, le contournement
des contraintes ou leur transformation en opportunité, la création
de valeur avec ce qui est disponible de manière simple et efficiente,
l’improvisation, etc. – et tout ceci à travers un processus erratique
d’essai/erreur différent d’un cycle prédéterminé, planifié et parfait
(Di Domenico, 2010).

Une économie populaire vulnérable et peu


reconnue dans sa spécificité
Toutefois, la portée des dynamiques d’économie populaire suscite
divers questionnements. L’écosocialité se révèle de plus en plus une
source d’externalité négative dans un contexte d’essoufflement des
mécanismes de redistribution traditionnelle (État et famille) et de
maillage néolibéral. En effet, la prépondérance des facteurs non
marchands et non monétaires fragilise l’économie populaire, du
fait d’un environnement de plus en plus concurrentiel qui engendre
d’ailleurs des tensions récurrentes entre mission écosociale et
exigences d’efficience, ou entre identités sociétaire et communau-
taire. Les cas étudiés montrent que, lorsque le contexte institution-
nel et stratégique n’est pas adapté, l’économie populaire devient
structurellement plus vulnérable. Face aux enjeux d’efficience et de
viabilité, se profile le risque d’un essoufflement précoce, exacerbé
par les menaces récurrentes d’extension de la logique marchande.
S’y ajoutent les contraintes de gouvernance organisationnelle en
termes de défis démocratiques et le déséquilibre entre une mobi-
lisation efficace des ressources et une gestion déficitaire. C’est ce
qui explique que les initiatives d’économie populaire peinent à
atteindre certains niveaux de performance et à s’y maintenir. En
outre, le décalage entre la dépense d’énergie et des résultats qui ne
sont perceptibles qu’à moyen et long terme – alors que les membres
sont impatients d’en recevoir les bénéfices – contribue à accentuer
la logique sociétaire plutôt que communautaire.
Enfin, la difficulté de l’économie populaire à se faire reconnaître
comme acteur, malgré l’existence de réseaux assimilables à des
formes de mobilisation discrète, renseigne sur sa faible capacité
d’institutionnalisation. Malgré l’existence d’un Réseau sénéga-
lais des acteurs et des collectivités territoriales de l’ESS (Ractes)
et de plusieurs cadres unitaires à l’échelle nationale (fédérations
de producteurs, de marchands ambulants, d’opérateurs écono-

| Trimestriel | octobre 2021 | n° 362 | 100e année | 63


Dossier Afrique de l’Ouest subsaharienne

miques, etc.), l’économie populaire ne se reconnaît pas elle-même


et n’est pas encore reconnue comme partie prenante du système de
création de richesses et de reconfiguration du mode de régulation
post coloniale. Apparue comme une force sociopolitique dispersée,
qui semble s’accommoder des interstices du système officiel plutôt
qu’elle ne le transforme, l’économie populaire offre un espace de
lecture du processus de reconstruction d’une modernité africaine
différentielle, porteuse d’un autre développement et d’une autre
économie, mais étouffée par un mode de régulation postcolonial
épuisé.

Un défi pour l’économie populaire : faire


reconnaître sa logique différentielle

Prenant ses distances avec l’économie sociale et solidaire –même


si elle partage avec elle le même ancrage théorique –, l’économie
populaire tente de renouveler l’analyse du secteur informel de façon
spécifique. S’inspirant de la tradition économique africaine, elle a
conservé un mode de production endogène ripostant au colonia-
lisme et au mal-développement, mais cherchant aussi à construire
de nouvelles manières de faire de l’économie. Valorisant une logique
écosociale, elle témoigne de la réactivation de dynamiques d’auto-
promotion socioéconomique déployées par des acteurs populaires
en vue de suppléer aux déficiences de l’État et du marché, mais
également de contribuer à construire une modernité africaine intra-
vertie et décoloniale. Toutefois, le décalage entre la portée de sa
contribution socio-économique et la faiblesse de sa reconnaissance
institutionnelle éclaire sur l’étouffement, par le mode de régulation
postcoloniale, de toutes les initiatives porteuses d’un autre dévelop-
pement et d’une autre économie. C’est ce qui explique le fait que,
malgré ses multiples ressorts et sa performance plurielle révélatrice
d’un potentiel innovateur et d’un ancrage socio-territorial marqué,
l’économie populaire reste fragilisée par un cadre institutionnel
contraignant, un faible poids socio-politique, des externalités
négatives liées au maillage néolibéral et, enfin, une extension de
la logique marchande à la délivrance des biens communs et des
services publics. C’est en cela que l’analyse en termes d’économie
populaire ne devrait pas négliger la prise en compte des dyna-
miques de reconfiguration des modèles de développement et de
gestion publique.

64 | RECMA | Revue internationale de l’économie sociale |


Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal

Bibliographie
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| Trimestriel | octobre 2021 | n° 362 | 100e année | 65


Sommaire
ÉDITORIAL
Un numéro singulier à plus d’un titre
Jean-François Draperi ............................................................................................................... 4

ACTUALITÉ
Temps forts
La 6e édition de l’Université coopérative portative travaille sur l’intercoopération
et célèbre la Recma ..................................................................................................................... 9
Comprendre la dynamique territoriale de l’ESS à Grenoble (et ailleurs) :
une conférence de la Recma et du RTES ................................................................................. 11
ICA CCR Europe 2021 : un colloque dense et programmatique pour la coopération ............ 12
L’ESS moteur de la transition écologique et citoyenne : un séminaire de l’Addes ................ 14
Nouveau Conseil supérieur de la coopération : une immersion dans sa séance plénière de rentrée. 16
L’héritage de Lester Salamon ................................................................................................... 18
En bref ...................................................................................................................................... 21
Agenda de la recherche en économie sociale .................................................................... 31

DOSSIER AFRIQUE DE L’OUEST SUBSAHARIENNE


L’économie sociale et solidaire en Afrique de l’Ouest subsaharienne :
expériences, dynamiques, questionnements
Patricia Toucas-Truyen et François Doligez, Iram/UMR-Prodig ............................................. 34
Les passeurs de l’économie sociale et solidaire au Burkina Faso : acteurs,
voies et modalités
Hamza Kouanda ......................................................................................................................... 36
Ressorts et dynamiques de l’économie populaire : une lecture à partir du Sénégal
Sambou Ndiaye ........................................................................................................................... 52
Biographies relationnelles d’entrepreneures sociales au Sénégal
Sadio Ba Gning ......................................................................................................................... 66
L’entrepreneuriat coopératif, levier du développement territorial dans les régions
septentrionales du Cameroun
Armel Gilles Mewouth Thang ................................................................................................... 81
Les faillites des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit au Niger
Ahamadou Maichanou et Youssoufou Hamadou Daouda ......................................................... 98
Les fruits tiennent-il les promesses des fleurs ? Une analyse des pratiques
de microcrédit de l’UM-Pamecas au Sénégal
Ndèye Faty Sarr et Marie Fall .................................................................................................. 117

PÉRIMÈTRES ET MESURES DE L’ÉCONOMIE SOCIALE


Susciter la mise en débat démocratique et citoyenne des données chiffrées
sur l’Economie sociale et solidaire
Éric Bidet et Nadine Richez-Battesti ....................................................................................... 132
Vers des comptes-satellites nationaux « tiers-secteur
et économie sociale » construits selon le handbook 2018 de l’ONU ?
Édith Archambault et Ana Cristina Ramos .............................................................................. 145

NOTES DE LECTURE
L’Économie sociale et solidaire dans les territoires. Les enjeux d’une coopération d’avenir .. 160
Utopies locales. Les solutions écologiques et solidaires de demain .................................... 162
Deux siècles de solidarités en Limousin et au-delà .............................................................. 164
L’ESS entre développement local et développement durable. L’exemple de la métropole
grenobloise ............................................................................................................................. 164

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Contents
EDITORIAL
A unique issue, in more than one aspect
Jean-François Draperi ............................................................................................................... 4

NEWS
Main news
The 6th edition of the Portable Cooperative University works on intercooperation and
celebrates RECMA ..................................................................................................................... 9
Understanding the territorial dynamics of the SSE in Grenoble (and elsewhere):
A conference organized by RECMA and the RTES ................................................................. 11
ICA CCR Europe 2021: A dense and programmatic conference for cooperation ................... 12
The SSE as a driver of the ecological and citizen transition: An ADDES seminar ................ 14
New Conseil supérieur de la coopération: An immersion in its opening plenary session .... 16
The legacy of Lester Salamon ................................................................................................... 18
Other news .............................................................................................................................. 21
Social economy research diary ............................................................................................ 31

SPECIAL FEATURE: SUB-SAHARAN WEST AFRICA


The social and solidarity economy in sub-Saharan West Africa:
Experiences, dynamics, questions
Patricia Toucas-Truyen and François Doligez, Iram/UMR-Prodig .......................................... 34
The driving forces behind the social and solidarity economy in Burkina Faso:
Actors, ways, and means
Hamza Kouanda ......................................................................................................................... 36
Sources and dynamics of the popular economy: A reading from Senegal
Sambou Ndiaye ........................................................................................................................... 52
Relational biographies of female social entrepreneurs in Senegal
Sadio Ba Gning ......................................................................................................................... 66
Cooperative entrepreneurship, a lever for territorial development in the northern
regions of Cameroon
Armel Gilles Mewouth Thang ................................................................................................... 81
Bankruptcies of mutual and cooperative savings and credit institutions in Niger
Ahamadou Maichanou and Youssoufou Hamadou Daouda ...................................................... 98
Do the fruits keep the promise of the flowers? An analysis of UM-Pamecas’s
microcredit practices in Senegal
Ndèye Faty Sarr and Marie Fall ................................................................................................ 117

DEFINING AND MEASURING THE SOCIAL ECONOMY


Encouraging democratic and citizen debate on numerical data on the social
and solidarity economy
Éric Bide and Nadine Richez-Battesti ...................................................................................... 132
Toward «third sector and social economy» national satellite accounts built
according to the 2018 UN handbook?
Édith Archambault and Ana Cristina Ramos ........................................................................... 145

REVIEWS
L’Économie sociale et solidaire dans les territoires. Les enjeux d’une coopération d’avenir .. 160
Utopies locales. Les solutions écologiques et solidaires de demain .................................... 162
Deux siècles de solidarités en Limousin et au-delà .............................................................. 164
L’ESS entre développement local et développement durable. L’exemple de la métropole
grenobloise ............................................................................................................................. 164

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