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Océan de Grâce

Dialogues avec Mooji

Version française d’une sélection de textes issus du livre « Before I am »


ainsi que de transcriptions de satsangs avec Mooji

Traduction : Shambho

Om Arunachaleswaraya Namaha
L’idée de traduire les mots de Mooji en français est venue spontanément lorsque
je pensais aux gens qui ne sont pas complètement à l’aise avec la langue anglaise
et qui, par conséquent, auraient de la difficulté à saisir la grande sagesse
universelle qui émane de cet être nommé Mooji. Je trouvais dommage que la
langue crée un obstacle à cette sagesse si simple, si directe et c’est pourquoi j’ai
commencé à traduire des passages issus du livre « Before I am » qui contient des
dialogues entre Mooji et des gens en quête de vérité lors de rassemblements
nommés «satsangs ». Je me suis également permis d’inclure des passages
d’enregistrement vidéo (disponibles sur internet) ainsi que des citations d’autres
sages tels que Sri Ramana Maharshi, Papaji (le maître spirituel de Mooji) et Sri
Nisargadatta Maharaj. Cet ouvrage est un recueil de textes. Ils ne sont pas
arrangés dans un ordre précis et il n’est pas nécessaire de lire ce livre en ordre
chronologique. L’invitation à découvrir le Soi est présente à chaque page. Au
niveau de la traduction, tous les efforts ont été mis afin de rendre le mieux
possible les mots de Mooji dans la langue française et de préserver le message
original tout en l’adaptant légèrement pour qu’il soit lisible. Ce travail de
traduction est une offrande au lecteur. C’est un travail qui s’est accompli
spontanément dans la grâce et l’amour. Il est essentiel de saisir l’opportunité qui
nous est présentée dans ce livre afin de découvrir qui nous sommes réellement et
afin de nous libérer de tout ce que nous ne sommes pas. Il ne suffit pas de donner
les mots de ce livre à notre esprit, nous devons prendre le temps de les laisser
fleurir en nous et de confirmer leur vérité dans notre cœur ainsi que de suivre le
chemin qui nous est présenté, le chemin direct vers la Source, vers le Soi véritable.
Les mots de Mooji sont comme un miroir, une invitation à regarder en soi et à
découvrir ce que nous sommes vraiment, ce que nous avons toujours été.

Cher lecteur, c’est donc avec beaucoup d’amour que je remets ce recueil entre tes
mains. Aie confiance en la grâce qui t’a emmenée jusqu’ici et laisse-la te guider
vers ta véritable nature : la paix suprême.

~Shambho

N.B. : La forme masculine est utilisée tout au long du recueil afin d’alléger le texte.

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« Ceci n’est pas un livre pour plaire à l’esprit.
C’est un livre pour détrôner l’esprit
Et libérer le Cœur. »

Le Satsang est une invitation à entrer dans le feu de la découverte de soi-même.


Ce feu ne nous brûlera pas, il brûlera seulement ce que nous ne sommes pas.

En Inde, il y a un proverbe qui dit : « Si une épine entre dans ton pied, tu peux
utiliser une deuxième épine pour enlever la première et ensuite jeter les deux.»
Ce livre est comme cette deuxième épine, son utilité est d’enlever les épines du
conditionnement et des habitudes qui se sont accumulés au cours de notre
existence et qui semblent bloquer la vie ou la rendre difficile alors qu’elle peut
être une danse pleine de joie. Il a pour but de pointer vers cette vérité essentielle
de notre être : l’immuable, immaculée Conscience dans laquelle toutes les
manifestations du monde apparaissent et disparaissent. Les mots de Mooji
peuvent donc être considérés comme l’épine qui enlève toutes les autres, en
pointant vers cette vérité qui est l’essence de notre être. Ses mots nous amènent à
reconnaître que nous n’avons pas besoin de chercher la vérité à l’extérieur de
nous-mêmes, car elle est en fait notre réalité la plus profonde, notre nature
véritable. Lorsque ce qui est reflété dans ce livre est réalisé dans le coeur, la
recherche est terminée. Nous sommes alors où nous avons toujours été.

« La libération pourrait-elle être aussi simple qu’un changement de point de


vue…? »

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Q : Mooji, pourrais-tu expliquer qu’est-ce que la recherche de soi, par où
commencer ?

M : Commence avec : « Je suis » — voilà la réalisation la plus simple et la plus


naturelle. Le sens d’existence est spontanément ressenti en toi en tant que « je
suis ». Tu existes. Personne ne t’a enseigné cela. Prends conscience de cette
simple intuition sans l’associer à aucune autre pensée. Prends le temps de sentir
ce que c’est d’être simplement présent, en ce moment, sans t’accrocher à quoi que
ce soit. Ne touche pas à quelconque pensée qui suggère de faire quelque chose de
spécial. Demeure silencieux intérieurement. Si, soudainement, une vague de
pensées se manifeste, ne panique pas. Il n’est pas nécessaire de les contrôler ni de
les écraser. Laisse-les simplement apparaître et disparaître sans y participer.
Observe avec détachement. Demeure sans intention, silencieux.

Tu peux t’imaginer que tu es sur le quai d’embarquement dans une gare. Un


après l’autre, les trains viennent : ils arrêtent, les portes ouvrent, ferment, et ils
repartent. Tu n’as pas à embarquer. De cette façon, observe les pensées qui
apparaissent sur l’écran de la conscience sans connecter avec elles. Les pensées et
les sensations seront vues comme venant et partant d’elles-mêmes, sans être
forcées. Demeure neutre. Sois avec cette conscience en tant que la conscience
elle-même. Observe la respiration qui va et vient naturellement, sans effort, sans
volonté. Observe le fonctionnement des sens, le sens d’intérieur et d’extérieur,
tous les mouvements qui sont là par eux-mêmes naturellement. Tout ce qui surgit
en tant que pensée, émotion, mouvement ou sensation est silencieusement
observé, mais contrairement à auparavant, il y a moins d’intérêt, moins
d’attraction. Tout va et vient, mais ce que tu es (le Soi) est immobile. Tout cela est
doucement observé. Même le sens de soi — le sens « je suis » — est dans cette
conscience. Ne fais pas plus d’effort qu’il n’en faut. Tu es ici. Ce qui ne fait pas
partie de ces mouvements, qui ne dirige pas et qui n’est pas affecté par
quelconque activité, ce qui est là naturellement, conscient de tout cela mais
indifférent, ouvert, détaché : Voilà ce que tu es vraiment. Ni derrière, ni devant,
ni au-dessus, ni au-dessous – ce n’est pas un autre phénomène. C’est ce qui est
sans forme, sans début ni fin : c’est le Soi infini.

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Maintenant, observe celui qui observe : « Qui suis-je? », examine intérieurement,
tout en demeurant tranquille et alerte. N’amasse pas de réponses ou d’indices ;
une réponse serait seulement une opinion, une idée, un autre concept. Ne
t’attache pas à aucun concept. Détourne ton attention des objets de la perception
et dirige-la vers la source, sur ce qui voit. Demeure silencieux et neutre. Il devrait
maintenant y avoir une force accrue de concentration lors de l’observation.

Observe le sens « je suis ». Qu’est-ce que « je » ? D’où vient-il ? Regarde. Que


trouves-tu ?

Q : Il ne peut pas être trouvé, il n’existe pas.

M : Il ne peut pas être trouvé objectivement. Pourtant, l’intuition, le sens « je »


continue d’être présent. Ce simple sens d’existence ne possède aucune forme, il
est comme une intuition qui émerge du vide, en tant que vide. Sans la recherche
de soi, le « je » semble être une entité englobant le corps et l’esprit conditionné.
Lorsque nous examinons ce « je », nous découvrons qu’il s’agit en fait d’une
simple pensée. Le sens d’existence primordial, quant à lui, émerge du vide en tant
que présence intuitive. Maintenant que le sens d’existence a été découvert comme
étant cette présence sans forme, qu’est ce qui réalise cela ?...

M : Très souvent, certaines pensées se manifestent, mais ne nous emportent pas


pour autant avec elles. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas particulièrement
d’intérêt envers elles. Nous luttons seulement avec les pensées et les émotions qui
ont un sens pour nous. C’est seulement après avoir créé une relation personnelle
avec celles-ci qu’elles peuvent ordonner et retenir notre attention. Cela mène à un
état subtil d’hypnose durant lequel notre attention est accrochée à un courant de
pensées et d’émotions qui peut rapidement s’intensifier en un état de confusion et
d’instabilité. Nous sentons que nous souffrons, que nous sommes distraits de ce
que nous sommes vraiment, mais ne pouvons-nous pas percevoir cette force qui
attire notre attention ? À ce stade, nous ne sommes pas encore dans l’esprit

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illusoire, nous en sommes le témoin. Si nous ne « connectons » pas avec ce
courant en nous y identifiant, l’élancement des pensées va rapidement s’apaiser
ou disparaître. Nous n’avons pas besoin de paniquer ni d’être effrayés des
pensées, car la pensée est la manifestation naturelle de la force vitale qui
s’exprime dans cette forme humaine. C’est notre identification, à tort, avec la
« pensée racine », la pensée du « je », qui donne résidence à toutes les autres
pensées dans notre être. Celui qui est à la recherche du Soi développe l’habitude
d’observer l’esprit sans entrer dans ce phénomène, sans s’y impliquer. Il utilise
les pensées elles-mêmes (qui étaient auparavant la cause du malheur) pour
exposer leur présumé sujet : l’égo. Lorsque, éventuellement, cette pensée qu’est
l’égo est abandonnée, la conscience pure demeure. Le Soi est la seule réalité.

Q : Comment pouvons-nous atteindre cet état ? Les pensées semblent tellement


persistantes.

M : Demeure en tant que cette conscience primordiale qui voit sans intérêt
personnel, sans engagement. Étant informe, cette conscience ne peut pas
s’associer à quoi que ce soit. Reconnais sa présence, elle est déjà là. Fait un avec
elle.

Q : L’attention s’égare facilement.

M : À chaque fois que l’attention s’en va ailleurs, ramène-la en toi, à l’intérieur,


où elle fusionne avec la conscience. Au début, il y aura peut-être de la résistance
et de l’inconfort, mais cela va rapidement se stabiliser lorsque le silence viendra
au premier plan. C’est le fruit de l’observation détachée ou « passive ». Cela
devient graduellement naturel et mûri en un état ininterrompu d’espace, de paix
et de joie. Le détachement expose l’identité personnelle comme étant un mythe. Il
laisse l’être dans un état de perception panoramique et impersonnelle qui est
libre du fardeau causé par la perception personnelle limitée. Graduellement,
l’immense structure du conditionnement et des concepts qui semblait camoufler
l’être commence à se déconstruire jusqu’à ce que son pouvoir dissimulateur soit
neutralisé.

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Ne te limite pas à aucun état, si plaisant soit-il. Ne vise pas le bronze. Par
« bronze », je veux dire la connaissance spirituelle, les états passagers de
béatitude et les expériences paranormales. Découvre la couche sous-jacente de
tous ces états – la conscience pure immobile, entière, ne pouvant être affectée
par aucune manifestation dans l’espace-temps. Vise l’or ! Ici, l’or signifie la vision
pure, impersonnelle de l’être. Il signifie la pureté au-delà du concept de pureté.

Cela n’est pas un but ambitieux et inatteignable ou une récompense pour des
pratiques ardues. C’est ce que tu ne peux pas t’empêcher d’être : ce que tu es déjà!

« Tu es Celui qui est témoin des objets et des pensées.


Tu es Celui qui est encore plus primordial que la conscience.
Tu es la Vie qui précède le concept de la vie.
Ta véritable nature est le Silence et n’est pas atteignable…
Car elle est toujours. »
~Papaji

M : Il y a quelque temps, un homme est venu au satsang et a demandé, « Est-ce


que je pourrais te voir en privé ? » Je lui ai dit d’accord, viens. Quand il est venu,
je lui ai demandé, « Pourquoi as-tu demandé de me voir seul à seul ? » Il a dit :
« C’est une affaire assez urgente… Les docteurs m’ont dit que j’ai une maladie
terminale, ils ont dit que je suis en train de mourir. Je suis venu te voir parce que
je veux mourir avant de mourir. » Qui d’autre arrive avec cette urgence, cet appel :
« Je veux mourir avant de mourir » ?

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[Long silence]

Q : Mooji, je ne suis pas vraiment sûr de ce qu’il voulait dire…

M : Il voulait dire : je veux cesser d’être agressé par l’égo. Je ne veux pas que
celui-ci détermine la qualité de mon existence, avant qu’il disparaisse
naturellement par lui-même (au moment de la mort). Je veux être libre de
l’influence de l’égo. Je veux que cet état d’hypnose qui me fait croire que je suis
cette personne qui va mourir cesse. Quelque part au plus profond de mon être il y
a cette intuition que tout ce en quoi je croyais jusqu’à maintenant n’est pas la
vérité. La conception de moi-même comme étant seulement le fonctionnement de
mon corps et de mon esprit est ressenti comme profondément inadéquate. Il y a
une certaine claustrophobie quelque part en moi et mon être a un grand désir de
respirer sans être harcelé par ces pensées. Voilà ce que j’ai senti qu’il voulait dire.

Q :…Comment a-t-il pu accomplir tout cela ?

M : En découvrant ce qu’est le Soi (sa véritable nature). Il faut être clair par
rapport à notre réelle position. Lorsqu’il est irréfutablement clair que je suis cela
dans lequel le monde est vu, que je ne suis pas ce qui est perçu, mais bien cette
conscience pure qui est le témoin de tout ce qui va et vient, que je suis au-delà de
toutes formes ou toutes manifestations, l’effet de cette réalisation suivra
spontanément, peut-être même inconsciemment. L’être se manifeste en tant
qu’esprit pour se faire rappeler, pour redécouvrir qu’il est la conscience pure –
qu’il n’est aucune « chose », toutes choses, et au-delà à la fois. Sri Nisargadatta
Maharaj exprimait cela merveilleusement : « Lorsque je vois que je ne suis rien,
c’est la Sagesse. Lorsque je vois que je suis tout – c’est l’Amour. Et entre les deux,
ma vie coule. » Parfois tu verras, comme ici et maintenant avec moi, que tu n’es
rien de tangible, d’objectif et de connaissable. Tu découvriras aussi qu’il n’y a
personne qui cherche ou qui découvre. Cette quête est comme une impulsion qui
vient du Soi pour qu’il se redécouvre lui-même. Tout cela s’accompli dans une
grande vague d’amour. Sois audacieux et renvoie tes gardes du corps, (défenses
intérieures, résistances), ils t’empêchent d’être réellement libre tout en ayant
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l’apparence de te protéger. Détruis les murs qui sont en toi. Permets-toi d’être
complètement déshabillé par la grâce pour que tu puisses commencer à voir avec
les yeux de l’absolu. Tu es l’être éternel, au-delà de toute progression. Tu es la
conscience qui témoigne de tout ce qui apparaît et disparaît. Laisse tout venir et
partir. Un jour ce corps partira, et tu seras là pour témoigner de cela aussi.

[Long silence]

Mais tu es cela qui demeure inchangé par tout ce qui va et vient.

Q : Mooji, je sens cette vérité lorsque je t’entends parler, mais lorsque je


quitterai cet endroit, lorsque je serai de retour dans le monde, il semble que je ne
sois pas capable de me souvenir de cela.

M : Si je te dis une centaine de fois que tu es toujours cette vérité, que tu es cent
pour cent libre, que tu es le principe éternel, que ta véritable nature est la joie, la
liberté suprême et la paix, tu seras enchanté de l’entendre une centaine de fois et
tu l’oublieras une centaine de fois. Pourquoi ? Parce que des milliers de fois tu as
accepté cette idée que tu n’es pas libre, pas encore, que tu n’es pas prêt, que tu ne
mérites pas cette liberté, qu’il reste quelque chose à faire avant d’être en paix. Tu
as mis tellement d’effort à transformer cette ombre en un objet qui est en fait
simplement une réflexion de ce que tu es vraiment.

[Silence]

Ton corps est né, mais tu n’es jamais né. Ce que tu es ne peut jamais mourir.
Découvre cela maintenant, pendant que tu as ce corps ! Un jour, le corps
disparaitra. Trouve en toi ce qui ne peut pas disparaitre, ce qui est toujours là,
derrière toutes les manifestations de l’esprit. Cette opportunité est disponible ici
et maintenant- prends la. Découvre : qu'est-ce qui dit «je» dans ce corps ? Est-ce
que cela a un âge, une dimension, une forme ? Découvre cela avec tout ton cœur

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et toute ton attention. N’attends pas quoi que ce soit, maintenant est le bon
moment.

« Ce à quoi ton attention s’agrippe devient ton expérience.


Tu es le témoin de cette expérience.
Qu’est-ce qui est témoin de l’expérience et de celui qui la vit ?
Trouve cela. Sois cela. »

Q : Qu’en est-il de la douleur physique, qu’en est-il de la souffrance?

M : Remets ton existence à l’existence et reste tranquille. Tout est Grâce. Si tu


avais réellement le pouvoir et la possibilité de façonner ton destin, de créer la vie
idéale, tu enlèverais probablement tout ce qui n’est pas confortable, tout ce qui
défie ton égo, tout ce qui expose des sentiments de culpabilité, de honte ou
encore tout ce qui menace tes attachements. Tu exclurais tout cela et les
remplacerais par des moments au chocolat. Mais même en faisant les plus grands
efforts pour construire une vie qui satisferait tes projections, tu ne pourrais
jamais réussir à équivaloir, en qualité et en grandeur, la vie qui fleurit sans
intention humaine, la vie qui se déploie d’elle-même. Une fois, un homme a dit à
Sri Nisargadatta Maharaj : « Maharaj, tes mots résonnent profondément dans
mon cœur, je sens leur pouvoir et reconnais la vérité en eux, mais pour être
honnête, il faut que j’admette que tout au long de ma vie, je vis continuellement
de la souffrance ! » Maharaj répondit : « Ce n’est pas tout à fait vrai. Ce n’est pas
que tu vis de la souffrance, mais plutôt que tu souffres ta vie »

Q : Peux-tu en dire plus à propos de ces mots ?

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M : Je vais vous raconter une histoire. Pris d’une grande douleur, un homme s’en
va voir le docteur. « Comment puis-je vous aider ? » lui demanda le docteur.
« J’ai mal partout » dit l’homme. « Lorsque je touche ici, ça fait mal ! » expliqua-
t-il en touchant un endroit près de son cœur avec son doigt, « et si je touche ici, »
ajouta-t-il en touchant son nez, « ouch – ça fait mal aussi ! » Le docteur l’observa,
perplexe, pendant que l’homme continuait. « Lorsque je touche ici » dit-il en
touchant son estomac, « ça me fait un mal terrible ! ». Il se pencha ensuite vers le
docteur en touchant sa paupière avec son doigt. « Ouuuch! » cria-t-il encore. Le
docteur fit donc un examen physique complet de l’homme. Finalement, il lui dit
« Monsieur, il n’y a absolument rien d’anormal à propos des endroits que vous
m’avez montrés. Le problème, c’est que vous avez le doigt cassé ! »

Le « Je » est ce doigt. Partout où le « Je » va, il y a toujours des ennuis. Ce « Je »


est l’égo. « J’aime, je n’aime pas. » Peu importe ce qu’il touche, il cause de la
douleur à lui-même et aux autres. Pourtant, il s’imagine que la douleur est causée
par autre chose que lui-même. Lorsque, par la force de la grâce, nous réalisons
que l’égo est la cause de la souffrance, et que l’égo est imaginé en nous, qu’il n’est
pas ce que nous sommes vraiment, mais qu’il est comme un rêve dans notre être,
la souffrance intérieure cesse. L’identification avec ce « Je » est la racine de la
souffrance. Lorsque tu choisis ce que tu dois vivre, tu souffres. Lorsque tu choisis
de qui tu dois apprendre, tu souffres. Lorsque tu interprètes constamment
comment les choses sont et comment elles devraient être, ce que tu mérites et ce
que tu ne mérites pas, tu souffres. Partout où il y a de la fierté, de l’attachement,
du jugement, des désirs, il y a de la souffrance. Lorsque nous nous éveillons de
cette ignorance et que nous découvrons notre véritable nature, la souffrance
disparaît.

Q : Mais Mooji, comment est-ce possible de ne pas sentir, par exemple, une
douleur physique intense ?

M : La douleur et le plaisir appartiennent au corps. C’est comme un forfait qui


comprend les deux. Lorsque tu as un corps, tu vivras tous les opposés
interdépendants et les contrastes de la danse que nous appelons la vie. Mais ça ne
veut pas dire que tu souffres automatiquement parce que le corps est là.

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L’identification avec ce corps et ce qu’il ressent amplifie la souffrance. Lors de
l’observation impartiale et impersonnelle du corps et de l’esprit, la douleur est
perçue comme étant un phénomène naturel. L’observation impersonnelle est la
clé de la liberté. Pourtant, pour certaines personnes, la souffrance semble être un
aspect inévitable de l’expérience humaine. Dans le domaine de l’expérience douée
de sensations, la souffrance est inévitable. Lorsqu’il y a une forte identification
psychologique et physique, il y a une souffrance proportionnelle à cette
identification. C’est la taxe pour avoir une vie et pour la vivre ! Tu dis : « J’ai
souffert », je ne m’obstinerais pas à propos de cela, mais il y a aussi des gens qui
souffrent avec un profond sens de gratitude ou même de joie derrière leur
souffrance apparente. Je n’appellerais pas cela de la souffrance, car il n’y a
aucune résistance. Ils ont accepté et compris que la grâce se manifeste parfois
comme un brûlement intérieur intense qui purge l’être des toxines conceptuelles
et émotionnelles, et sachant cela, ils demeurent en paix. Il est possible qu’il y ait
de la douleur physique sans souffrance psychologique supplémentaire. La
douleur et la paix peuvent faire un.

Q : Je ne sais pas si je me sentirais reconnaissant lorsque la douleur, physique


ou émotionnelle est vraiment forte !

M : Il n’est pas nécessaire de forcer cette gratitude. Dû à une sorte de réflexe


habituel, l’attention se précipite vers le sens du « je » et la souffrance apparaît. Tu
n’es pas cela : tu es témoin de cela. Sois clair à propos de cela, sans paniquer. Si
tu concentres ton attention sur l’intuition « je suis », sur le simple sens d’exister
qui est avant toute pensée et que tu ne le laisses pas connecter avec aucun autre
concept, si tu le laisses simplement baigner en lui-même – immédiatement,
l’espace et la joie prédominent. Spontanément, tu réaliseras de façon intuitive
que tu es libre et intemporel. Ceci n’est pas un enseignement – c’est une
expérience intérieure inexplicable. Heureusement, tu n’as pas à écrire une thèse à
ce sujet. Quelque chose est réalisé et c’est suffisant. Tu ne peux pas et n’a pas
besoin de le prouver. Tu n’as pas besoin d’en parler, ou même de le partager.
Reste en silence intérieurement. Demeure dans cette solitude intérieure douce et
naturelle.

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« Regarde au-delà des pensées,
et goûte au nectar pur de ce moment. »

~Rumi

‎ L’état naturel de l’esprit est d’être silencieux, vide, ouvert… Si tu crois que tu
dois pratiquer le silence, trouver le silence, garder le silence, alors tu as mal
compris. Tout ce qui est, l’existence, l’univers, est dans le Silence ! Le but n’est
pas de courir pour trouver le silence, c’est de reconnaître le silence qui est déjà là,
toujours là, qui ne peut pas être dérangé peu importe l’endroit où tu te trouves,
peu importent les circonstances, peu importe le bruit intérieur ou extérieur. Ce
que tu es et ce silence ne font qu’un.

Il n’est pas utile de contrôler ni de refouler l’esprit afin d’essayer de le


transcender. La plus grande chose qui arrive est lorsque la voix de l’esprit devient
insignifiante pour l’être. Lorsque tu es conscient que l’esprit est simplement un
amalgame de concepts (pensée, mémoire, imagination) et qu’il ne peut pas
exister indépendamment de toi qui le perçois, lorsque tu commences à
reconnaître cette conscience-témoin qui est indépendante de l’activité mentale et
que tu portes ton attention sur elle, l’activité mentale diminuera.

Lorsque tu es conscient du pouvoir de la conscience pure naturelle, lorsque


l’influence des concepts n’est plus aussi forte, l’esprit sera naturellement apaisé.
Tout cela est entièrement possible et naturel, en fait. C’est en pensant que l’esprit
est un réel problème, qu’il en devient un et que sa voix devient si importante.

La seule chose que l’esprit peut réellement attaquer est l’image de soi, si nous
sommes attachés à celle-ci, à ce « je » qui est en fait l’égo, l’esprit nous donnera
l’impression d’obstruer la paix. Si nous gardons plutôt notre attention sur la
conscience qui est témoin de l’esprit et du sens « je », qui est avant tout

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phénomène, la voix de l’esprit perdra toute son importance et la lumière
omniprésente du Soi pourra alors briller librement.

« Peu importe le concept ou le phénomène qui apparaît en toi,


Sache que ce que tu es, le témoin invisible, est au-delà d’eux.
Comment pourrais-tu être ces phénomènes ? Tout cela va et vient, si tu étais
réellement eux, tu irais et viendrais avec eux, et pourtant, au-delà de ce qui va et
vient, il y a une éternelle présence témoin de toutes ces vagues.
Tu es l’innommable, la conscience pure. Tu es Cela. »

Oublie toute question, exceptée celle-ci : « Qui suis-je ? », après tout, le seul fait
irréfutable à propos de toi-même est que tu existes, que tu es. Le « je suis » est
certain, le « je suis ceci, cela » ne l’est pas. Découvre ce que tu es réellement. Pour
savoir ce que tu es, tu dois d’abord examiner et savoir ce que tu n’es pas.
Découvre tout ce que tu n’es pas réellement – le corps, les émotions, les pensées,
le temps, l’espace, ceci ou cela – rien, concret ou abstrait, de ce que tu perçois ne
peut vraiment être qui tu es. Le fait même de percevoir démontre que tu ne peux
pas être ce que tu perçois. Lorsque tu comprends clairement que le contenu de
l’esprit ne peut pas être ce que tu es car tu en es le témoin, tu arriveras
rapidement à la fin de ta recherche et tu réaliseras que tu es l’être illimité, éternel.

~Sri Nisargadatta Maharaj

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Si nous ne questionnons pas notre identité, nous demeurerons sous son hypnose.
Examine les suppositions que tu as à propos de toi-même et de l’existence,
jusqu’à ce qu’elles soient exposées et reconnues comme étant toutes des pensées,
incluant « celui » qui semble être affecté par elles. Oui ! Ce « je » émotionnel et
psychologique est aussi une simple pensée. Au cours de notre vie, quelque chose
a dit « je » des millions de fois. Pourtant, lorsque la question « Qui ou qu’est-ce-
que ce « je »? » est posée, nul ne peut dire.

La réelle découverte de soi est la réalisation de ce que ce « je » est réellement. La


réalisation profonde, avec tout notre cœur, que « je » est en fait le Soi suprême et
non une « personne », est ce qu’on appelle la libération. La distraction, le flou à
propos de ce « je » est le meilleur tour que l’esprit a pour nous garder sous
l’hypnose de l’identité. Il faut être clair à propos de ce que nous sommes.

Le « je » de l’égo est comme un voleur habillé en policier, cherchant à attraper le


voleur, qui est en fait lui-même ! Ce policier-voleur va courir un peu partout et
prétendra qu’il est sérieusement à la recherche du voleur, mais il ne se mettra
jamais lui-même en prison. L’égo ne peut pas tuer l’égo. Ce « je » est une simple
pensée – la pensée la plus intime et primordiale qui existe.

Toutes les images ou les idées que tu as à propos de toi-même, même si tu les
considère profondes et justes ne peuvent pas être vraies – ne peuvent pas
contenir, transmettre ou représenter ce que tu es réellement. Les idées, les
émotions et les opinions sont variables, elles ne peuvent pas être plus stables que
ce qui les observe. Détourne ton attention des objets de la perception et laisse-la
reposer uniquement sur la conscience-témoin. Qui es-tu ici et maintenant ?

Q : Je ne suis rien.

M : Oui, tu n’es aucune « chose ». Tu n’es « personne ». Quand l’attention est


tournée vers sa propre source, cette découverte est claire et tranquille. Si tu disais
« tu n’es personne » à la majorité des gens, ils se sentiraient blessés ou insultés.
« Pourquoi dis-tu ça ? À qui est-ce que tu penses que tu parles ? » Ils pleureraient.
Mais si tu dis à un sage « Tu n’es personne, tu n’es rien », il peut répondre :
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« Merci de me le rappeler », bien qu’en réalité, il n’ait pas à se le faire rappeler.
Mon maître disait souvent : « Il ne faut rien pour être heureux – il faut quelque
chose pour être triste. » Tant et aussi longtemps que nous sommes consacrés à ce
monde de « choses », d’un autre « trip », d’un autre livre, d’un autre point de vue
sur la vie, notre vision est formée et influencée par l’esprit conditionné. Donc, il
semble qu’il nous reste une, deux, trois étapes à franchir avant d’être ce que nous
sommes vraiment. C’est une illusion, mais il semble être ainsi car nous pensons
que ce que nous sommes est atteint à la suite d’un effort. L’esprit nous trompe
facilement avec quelconque promesse car nous sommes pressés de coopérer avec
ses suggestions. La véritable réalisation émerge du vide et non de l’esprit. En ce
moment, à quoi t’accroches-tu ?

Q : Cette idée qu’il reste quelque chose à faire pour être Cela.

M : « Il y a quelque chose à faire » est une pensée très familière et crédible. Nous
remettons rarement en question ce genre de pensées car notre culture nous
prépare à s’efforcer et à nous battre pour ce qui est en fait complètement naturel,
pour ce qui est déjà là. Elle nous donne une image de la découverte de soi comme
étant une fantaisie ou un long parcours ardu. Donc, le besoin d’ « agir » de
« faire », de « lutter » vers un but lointain semble naturel et même noble. Une
voix en nous que nous connaissons bien dit : « Tout ça semble vrai. Je vais faire
de la recherche, apprendre plus à propos de cette philosophie. Elle comporte
beaucoup de bons enseignements, les meilleurs que j’ai entendus. Ça va surement
être bien utile tout au long de mon chemin. » Et nous croyons en cette voix
instantanément, sans la questionner. Donc, inévitablement, à cet instant même,
le sens de séparation est bien présent.

Tu es comme le vide, l’espace dans lequel le vent souffle. C’est dans la nature du
vent d’être en mouvement, de se promener ça et là, mais l’espace est infini et
immobile. Il ne peut pas y avoir de vent sans espace, mais il peut y avoir de
l’espace sans vent. L’espace n’est pas troublé par l’activité du vent ; ni la douce
brise, ni l’ouragan ne l’affecte. De la même façon, tu (le Soi) es libre et immobile
comme l’espace, mais tu t’identifies avec les mouvements de l’esprit (le vent) qui
dansent en toi et tu oublies ta véritable nature.

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Q : Parfois, l’esprit souffle comme une tornade. Comment puis-je le calmer? Ça
semble impossible, même la méditation n’aide pas.

M : Même si le vent devient une tornade, comment pourrait-il affecter ou


troubler l’espace ? Contemple cela. Tu médites et fais toutes sortes de choses pour
calmer ton esprit. Laisses-moi te demander : Est-ce que l’espace est plus
« espace » lorsqu’il n’y a aucun vent qui souffle ?

Savoir cela c’est se libérer des efforts illusoires qui visent à contrôler l’esprit (le
vent). Sois l’espace et laisse l’esprit errer où il voudra. Voilà le secret que mon
maître m’a révélé. Demeure en tant que cette conscience omniprésente. Savoir ce
qu’est l’esprit, c’est le transcender. L’esprit est comme le vent et la vague ; le Soi
est comme l’espace ou l’océan dans lequel il danse. Identifie « je » comme étant
l’espace, l’océan, au lieu du nuage ou de la vague (pensées/émotions) et
instantanément, tu es libéré du piège de l’égo. Ou encore mieux, ne t’identifie à
rien et demeure en tant que ce que tu es déjà. Personne ne peut enlever
complètement le « je », alors, accepte ce « je » comme faisant partie de l’absolu.
Tout y est inclus. Aucune peur ne peut demeurer dans cette unité. Vois le « je »
comme étant le Soi impersonnel, le témoin, et non pas comme étant l’égo
personnel. Que reste-t-il maintenant?

Q : Rien….seulement…quelques sensations qui émergent…

M : Oui, maintenant tes mots viennent du Cœur. Demeure en tant que ce vide.
Laisse les pensées émerger, mais ne les berce pas, ne les nourris pas, car si tu te
dis « Maintenant il faut que je laisse les sensations émerger », l’esprit peut
rapidement transformer cela en une autre tâche à accomplir.

Q : En fait, mon cœur est en paix.

M : L’attention a fusionné avec la source, le Soi. Il n’y a ni intérêt, ni désintérêt. Il


y a cet état de détachement qui est sans effort. Donc, tu es heureux. Lorsque tu

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portes ton attention sur quoi que ce soit, tu lui donnes vie. Ça ne veut pas dire
qu’il ne faut pas profiter des belles fleurs, du soleil, de la bonne nourriture, ni que
le choix entre faire une sieste ou aller nager ne devrait pas être fait. Sois clair à
propos de cela. La danse du choix est une expression naturelle du Soi. Sois
naturel, sois toi-même dans toutes les situations, sois à l’aise avec tout ! Il faut
simplement reconnaître que tout ce qui se manifeste dans la conscience est une
expression superficielle et non pas une définition de ce que nous sommes
vraiment. L’effet du conditionnement peut-être ressenti, mais tu es plus profond
que cela et au-delà de toute définition. Reste Ici.

Q : Je sais que je ne suis pas ce qui apparaît dans la conscience, que je suis le
témoin, ce qui est sans forme. Pourtant, la force de l’esprit persiste et ne semble
pas se calmer.

M : Cette connaissance est comme de la nourriture qui n’a pas encore été avalée.
Elle est mentale et ne représente pas la pleine expérience de la vérité. Si, comme
tu dis, tu es le témoin impersonnel et sans forme, qui sera là pour être affecté ou
dérangé par le contenu ou la force de l’esprit ?

Q : Personne. Mais…

M : Arrête là ! Ce « mais » a-t-il réellement lieu d’être ? Qui dit « mais… » ? Et


même, qui dit « Personne » ? Y a-t-il quelconque réponse qui soit adéquate ? Il
n’y a pas de réponse à la question « Qui suis-je ? ». Pourquoi ? Parce que la
question est subjective, c’est une recherche du sujet, et elle ne peut pas être
satisfaite par une réponse objective. Le sujet, ce que nous sommes vraiment, ne
peut pas être représenté par une réponse car elle est seulement un autre concept.
Celui qui se pose la question, ainsi que celui qui trouve la réponse, doit être
découvert comme étant l’esprit, la pensée, et par conséquent être rejeté comme
étant illusoire, car il s’agit simplement d’un autre objet perçu en toi…

Tu es la présence qui est avant l’esprit, plus subtile que la pensée et entièrement
informe. Donc, lorsque tu dis « personne », tu dois t’arrêter là ; plonge dans cette

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réalisation et fais un avec elle. Reposes-toi dans cette découverte qui révèle : « Je
ne suis personne ».

Seul le vide Est. Telle est la découverte. Après cette réalisation intuitive, tout
s’apaise et retombe dans le vide. Seul le vide demeure. Saches que tu es cela.

« Demeure dans le Cœur.


Lorsque l’attention s’égare,
Ramène là à la conscience-témoin, au Soi.
Graduellement, elle va y demeurer sans effort.
Voilà la seule réelle pratique. »

« Tu es comme la lumière, et non les objets éclairés par celle-ci.


Tu es comme le ciel, et non les nuages qui apparaissent et disparaissent en lui.
Tu es comme l’océan, et non les vagues qui dansent à sa surface.»

Q : Qui suis-je vraiment ?

M : Ne touche pas au « je » et tu vas savoir. Et maintenant ?

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Q : Il y a de l’agitation et une tentative d’aller au-delà.

M : Qu’est ce qui essaie d’aller au-delà ? Laisse tomber cette idée d’aller au-delà.
Reste où tu es. Une certaine agitation est ressentie, qu’est ce qui est agité, troublé ?

Q : Mon esprit.

M : Qu’est ce qui est témoin de l’esprit agité ? Est-ce que cela est agité ?

Q : Non…

M : Ce en quoi l’esprit et son contenu sont vus peut-il être décrit, touché ou
attrapé ?

Q : Non, il n’a pas de forme quelconque.

M : Et toi qui découvre cela : où es-tu dans cela ?

Q : Je n’en suis pas séparé. Je ne peux pas décrire ce que je trouve. Lorsque
j’essaie d’en parler, les mots m’emportent dans l’esprit.

M : En fait, ce n’est pas vrai. C’est un mythe très populaire qui crée beaucoup de
problèmes lorsqu’on y croit. En réalité, rien ne t’empêche d’être ce que tu es
vraiment. C’est ton attention qui s’égare. Tu es là pour observer le mouvement de
l’attention qui va et vient, donc, tu demeures en arrière-plan de celle-ci. Examine
cela profondément et cette idée d’être séparé de ce que tu es vraiment va
disparaître. Qu’est ce qui est témoin de l’attention qui va et vient ?

Q : Cela ne peut pas être connu, ça n’a pas de qualité, de forme.

M : Tu as raison de dire que cela ne peut pas être connu. Tu peux seulement être
cela. Il n’y a alors plus de séparation entre le savoir et l’être. Dois-tu faire quelque
chose pour être ici ? Y a-t-il réellement un « toi » en tant qu’entité tangible
capable de venir et de partir ?

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Derrière le flot constant des sensations, incluant l’esprit et le sens « je », il y a
seulement cela. Les sages l’appelle l’unique réalité : « ce qui est »

[Silence]

Maintenant, est-il nécessaire d’entreprendre quelconque recherche ? La


recherche est uniquement nécessaire lorsque le sens « je » émerge et gonfle
d’identification au point où l’observation silencieuse et détachée semble
impossible ou écrasée par une intense identification avec l’illusoire (les
phénomènes impermanents). Lorsque cela se produit, examine immédiatement
qui est affecté ou impliqué dans ça. Qui souffre ? Reste silencieux, plonge à
l’intérieur et essaie de localiser « celui qui souffre ». Est-il réel ? Tangible ? Peut-
il être examiné ? Observe, lorsque ces questions sont posées, la tendance de
l’attention qui s’égare vers autre chose sans importance. Ces réactions sont
fréquentes lorsque ce genre de questions sont posées. C’est une forme d’évasion
venant de l’égo. C’est comme s’il lançait une roche dans un buisson pour attirer
ton attention ailleurs et t’empêcher de le détecter. Malgré cela, continue et
n’abandonnes pas la recherche ! Mets ton énergie et ton attention à essayer de
localiser celui qui souffre. De cette façon, tu découvriras qu’il n’y a pas
« quelqu’un » qui est là et qui souffre. C’est seulement l’idée de que nous avons
de nous-même qui semble souffrir.

Il n’est pas suffisant de croire en ces mots – tu dois découvrir cette vérité par toi-
même, par l’expérience directe. C’est ce qui fera desserrer l’emprise de l’égo et qui
brisera le sort d’illusion. Le Soi brille dans le corps en tant que « je suis. » Dans
chaque corps, il est reflété comme une facette d’un diamant infini. Chaque facette
à derrière elle le diamant entier. Cette réalisation se révèle naturellement en celui
qui a découvert – par la recherche de soi ou par l’abandon de soi– l’irréalité de
l’égo-esprit.

20
Qui suis-je ? Y a-t-il deux entités agissant comme un seul et unique « je » ? Si oui,
quelle est la vraie ? Est-il possible de percevoir ce que je suis ?

L’esprit ne peut pas répondre à ces questions de manière satisfaisante. Posées


dans le cadre de la recherche de soi, ces questions amènent à l’introspection et
sont profondément pénétrantes. Lorsqu’elles sont posées avec attention et avec
urgence, elles vont immanquablement provoquer, tôt ou tard, une réaction
profonde en notre être. Je nomme la question « Qui suis-je ? », la question
piranha – elle dévore celui qui se la pose ! Quelque chose se déclenche à
l’intérieur et devient hors de ton contrôle, ce n’est plus à toi de t’en occuper ! Tout
comme la nourriture que tu manges : c’est à toi de de la mâcher, de l’apprécier,
mais une fois avalée, elle disparaît, hors d’atteinte. Quelque chose d’autre prend
le contrôle. J’appelle cela la Grâce.

La grâce est essentielle pour la libération. Elle est synonyme de liberté. La grâce
est l’activité du Sat Guru – notre réalité intérieure la plus profonde. La grâce est
la bienveillance divine.

Q : Mooji, qu’entends-tu par « libération »?

M : La libération est le résultat naturel d’une recherche constante et sincère de la


nature de soi. Tout ce qui émerge, tout ce qui se manifeste, incluant la
personnalité, est une danse de la conscience dans la plénitude de l’Absolu. Lors
de la réalisation de ce fait intemporel, une joie ininterrompue et une paix brillent
dans le cœur, le corps et l’esprit. Voilà le réel pouvoir de la recherche de soi : de
révéler la conscience pure comme étant la source de toutes les manifestations et
comme étant ce que nous sommes vraiment.

Q : Mais qui entreprend cette recherche?

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M : Oublie la réponse et plonge profondément dans cette question. Toute réponse
vient de l’esprit. « Je » dois être là pour pouvoir dire « je suis satisfait ou
insatisfait de cette réponse. » Qu’est-ce que « je » ? Découvre ce qu’est « je » et tu
découvriras qui entreprend cette recherche.

Q : Il n’y a pas de « je ».

M : Qu'est-ce qui dit cela ?

Q : Cela émerge spontanément dans la conscience.

M : Et toi, où es-tu? Qu'est-ce qui est témoin de cela ou de quoi que ce soit
d’autre ? Si tu regardes vraiment et si tu portes attention à tes propres
découvertes, je vais arrêter de poser ces questions. Tu dois résoudre ce dilemme
par toi-même.

Q : Je suis cette chose…quoi qu’elle soit.

M : Qu’y a-t-il avant que cette pensée, cette phrase « je suis cette chose » émerge ?

[Silence]

Q : … Chaque fois que j’entreprends cette recherche, j’arrive à un point où il n’y


a aucune réponse qui vient.

M : Qu’est ce qui observe cela ?

Q : La conscience... Le vide ?... Quelque chose…

M : Arrête de me lancer des cailloux. Ces mots sont vides, ce sont les mots,
l’expérience de quelqu’un d’autre et non les tiens. Ne sens-tu pas qu’ils manquent
de pouvoir et de conviction ? Parle uniquement à partir de ton expérience directe.
22
Regarde à l’intérieur de toi. Il n’est pas nécessaire de penser, d’imaginer, ni de
visualiser, seule l’observation attentive est requise. Ce pouvoir est déjà en toi.
Tout ce qui se manifeste est observable et doit donc être vu à partir d’un endroit
au-delà. Qu’est ce qui demeure à l’écart et qui est témoin de tout ça ? Est-ce une
« chose » ?

Q : Non ce n’est pas une chose…

M : Qu’est ce qui sait cela ? En ce moment même, d’où observes-tu, que ce passe-
t-il ?

Q : Humm… il y a… quelque chose qui est vu par rien… et ce que je suis est avant
cela.

M : SOIS cela!

[Silence]

M : Peux-tu être séparé de cela ?

Q : Non… je ne peux pas... ce que je suis vraiment est toujours là.

[Silence]

M : Je suis venu ici pour partager cette bonne nouvelle : tu es entier. Tu es la


perfection, au-delà du concept de la perfection. Tu es le principe éternel – tu es là,
inébranlable avant même que le concept « je suis » émerge. Du plus haut point de
vue, tu es le témoin de tous les phénomènes, perçus comme faisant partie de ta
danse. Tu es tout ce qui est.

23
Découvre et confirme cela dans ton cœur. Il faut que cela devienne ton expérience
directe. Ne cite pas ce que tu as lu ou entendu. Lis à partir de ton propre livre, le
livre du Soi, de la vérité.

« Apprécie les plaisirs de la vie, mais n’oublie pas qui tu es réellement,


De cette façon, rien ne peut te lier ou t’asservir.
Lorsque la vie pique, accepte cela aussi comme un ami, comme un cadeau.
Cette piqure te dit : Ne t’attache pas à moi. Je suis là aussi pour te rappeler que
tout cela est irréel… »

Q : Je réalise maintenant que je ne suis pas l’esprit et que ma personnalité n’est


qu’une idée, mais il y a cette pensée que tout cela pourrait être plus clair, qu’il
reste quelque chose de plus à faire.

M : Examinons attentivement ce « je » que tu sembles être, celui qui pense qu’il


pourrait faire plus ou qui se sent de plus en plus près du but. Aujourd’hui, en cet
instant, je veux que tu réalises que tu n’es pas différent de l’être éveillé (Bouddha),
que tu es le Bouddha lui-même. Tu n’es pas entièrement conscient de cela parce
que tu t’es identifié au corps et à l’esprit non seulement comme étant ton
expression mais comme étant ton être véritable, alors tu sembles être aussi
changeant que le corps et l’esprit. Tant et aussi longtemps que tu t’accroches à
cette idée d’être une personne, tu vas t’imaginer qu’il y a une tâche, un effort à
faire pour « demeurer » dans le Soi – ce qui est impossible, personne ne peut
faire cela. Tu deviendras très frustré d’être limité de cette façon. Même la
« réalisation » sera ressentie comme étant une expérience passagère car ton
« je » est enraciné dans la séparation.
24
Il y a le « je » qui émerge avec la force psychologique et la force du passé
(conditionnement). Il est associé avec toutes sortes de tendances, d’images et de
formes. Il vient de l’esprit, et il est en fait l’esprit lui-même. Il y a aussi le « je »
qui émerge de l’espace infini et qui est sans forme, sans association. À toi de
discerner lequel est réel.

Ce qui est témoin du « je-moi » personnel et de ses restrictions peut aussi être
ressenti comme « je », mais il s’agit de quelque chose de plus subtil, sans forme.
C’est le Soi qui brille en tant qu’espace, silence, connaissance intuitive, joie et
plénitude.

[Silence]

Q : … Tant que mon attention sera sur ce qui émerge, tant qu’il y aura un objet
perçu par un sujet, il y aura toujours une dualité. Donc, à un certain point je
dois laisser tomber même la recherche, n’est-ce pas ?

M : En réalité, tu ne laisses rien tomber. Ce qui arrive plutôt est que, lors d’un
moment propice, c’est la recherche qui te laisse tomber! Sri Ramana disait :
« Continue de chercher jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne qui cherche. » Cet
abandon vers le Soi est comme une météorite, une étoile filante qui se désintègre
lorsqu’elle entre dans l’atmosphère. En continuant la recherche, celui qui
recherche disparaît. Tout retourne au silence, et il n’y a plus personne qui est là
pour maintenir ou évaluer ce silence. Il est là tout simplement. Ce silence n’est
pas troublé par la pensée ou par la parole. L’espace n’est pas affecté par quoi que
ce soit qui apparaisse en lui. Tu es Cela. Demeure dans ce silence.

25
« Trouve en toi cet espace qui est naturellement au repos en lui-même. Qui est
sans effort et toujours présent. Demeure à cet endroit, sois cela. »

« Sous les pensées et les émotions, positives ou négatives, il y a un vaste océan


de paix qui est encore plus réel que n’importe quelle activité de l’esprit. »

« Le bonheur est permanent. Il est toujours là.


Le malheur est dans ce qui va et vient.
Si tu t’identifies à ce qui va et vient
(les pensées, les émotions, la personnalité, etc.),
tu seras malheureux.

Si tu t’identifies à ce qui est permanant et qui est toujours là


(la conscience-témoin, le Soi)
Tu seras le bonheur lui-même. »

~ Papaji

Q : […], mais Mooji, qu’en est-il lorsqu’il y a des choses à faire, des choses à
considérer, des actions à poser?

M : Laisse les actions se produire sans t’identifier à elles. De cette façon, les
actions seront pures dans leur expression. Est-ce si difficile ? L’activité mentale,
les pensées et l’action ne sont pas contraire à la vérité et n’impose pas
26
d’identification. Je dis souvent cela car certain gens ont peur de tomber dans un
état végétatif spirituel s’ils font cela, peur de stagner et de passer le reste de leur
vie en méditation. Ils voient l’action personnelle et la lutte comme une vertu et ils
imaginent ce genre d’instruction comme étant quelque chose de malsain, lâche et
restrictif.

« Fais ce que tu as à faire, mais ne t’identifie pas comme étant celui qui pose les
actions. De cette façon tout se produit naturellement par soi-même, tout est
accompli spontanément en ta présence. Le Soi est le témoin et tu es Cela. »

Q : Mais si nous suivons cette instruction et que nous regardons simplement le


monde aller, comment allons-nous accomplir quoi que ce soit?

M : L’activité mentale, physique et émotionnelle se manifeste continuellement, la


force vitale en est la source. Étant le témoin de ces expressions, tu n’es pas affecté
par celles-ci. Réalise cela. La perception de l’activité cosmique libre de tout
jugement et d’intérêt personnel mène à la libération. Il y a une immense liberté et
une immense clarté dans cette réalisation. Le problème n’a jamais été qu’il y avait
trop d’activité ou qu’une certaine activité soit mauvaise. L’erreur est que nous
nous identifions avec ce qui n’est pas réellement nous. Nous nous identifions avec
ce qui est un simple nuage qui apparaît et disparaît dans le ciel de notre être
infini. C’est là que le sens de séparation, de peur, de désir, de malheur,
d’arrogance et d’agitation se faufile.

Porte ton attention sur cette simple sensation d’existence en toi sans l’associer à
aucun autre concept ou sensation. Ne cherche pas à avoir une expérience spéciale
ou à obtenir un résultat. Ne soit pas dans l’attente. Reconnais cet unique sens de
simplement être sans être associé à quoi que ce soit. Aucune autre pratique n’est
nécessaire si tu continues à faire cela avec détermination et dévouement.
Demeure en tant que cette présence impersonnelle : en tant que la Conscience
elle-même.

27
« Notre véritable nature est la liberté. Nous imaginons que nous sommes
prisonniers et nous faisons toutes sortes d’efforts pour devenir libres, alors que
pendant tout ce temps, nous sommes déjà libres. »

~Sri Ramana Maharshi

Oublie cette idée que tu es une personne qui vit la vie. Laisse la vie simplement
être. Le « moi » est trompeur. Il créé beaucoup de problèmes jusqu’à ce que nous
réalisons qu’il n’est qu’une illusion. Laisse le être sans t’y identifier, ce n’est pas
ce que tu es réellement.

Ne t’enracine pas dans l’égo. Libère toi de ce sens de « moi », de « je » en


reconnaissant constamment qu’il ne s’agit que d’un phénomène qui apparaît dans
l’espace que tu es, dans le Soi, dans cette réalité immuable. Ne donne pas
d’énergie au « je » de l’égo. Examine d’où il vient, porte ton attention vers sa
source. Essaie de le trouver en toi, est-il tangible, est-il possible de l’identifier
clairement ? En le cherchant attentivement, il perdra tout son pouvoir car il sera
découvert comme étant irréel, illusoire. Tu demeureras alors en tant que pure
conscience.

La recherche de soi est si puissante qu’elle expose immédiatement le sens de l’égo


comme étant une apparition, une illusion ! La recherche de soi n’est pas un
enseignement, c’est plutôt comme de regarder dans un miroir. Le miroir ne
t’enseignera pas quoi que ce soit. Il ne juge pas, ne se plaint pas. Il ne fait que
refléter le sujet et te rappeler instantanément ce que tu es ainsi que ce que tu n’es
pas.

28
Au début, il peut y avoir de la résistance parce que la question « Qui suis-je? » est
très rarement posée. Il n’y a pratiquement personne qui se pose cette question.
L’être est ici pour se faire rappeler qu’il n’est pas un objet. Qu’il n’est pas à la
merci du temps, de l’espace et des phénomènes. Il est le témoin indifférent et
impersonnel de tout cela, la liberté elle-même.

L’être peut apprécier de jouer ce rôle de personne sans rien perdre ni rien
changer de son essence. Il manifeste des préférences superficielles, mais étant
illusoires, ces préférences n’ont aucune conséquence et ne laisse aucune
empreinte sur la conscience. Lorsque cela est réalisé, la vie devient comme une
« écriture sur l’eau » qui ne peut pas être lue une minute plus tard- elle est
disparue ! Tout est libre de venir et de partir sans laisser de trace.

L’être n’a pas besoin de s’accrocher à quoi que ce soit. L’esprit est comme le vent,
l’être est comme l’espace. C’est dans la nature du vent d’être en mouvement, de se
promener çà et là. Mais l’espace, étant infini, est immobile. Sache que tu es
comme l’espace, sans forme, complètement libre.

Beaucoup de compassion et d’amour se manifeste à partir de cette conscience


immobile et naturellement paisible. Elle n’a que de l’amour pour elle-même dans
tous les êtres.

[Silence]

Il peut y avoir de la peur, de la résistance au moment où le soi mental se laisse


absorber dans l’inconnu, dans le réel Soi. L’idée que nous avons à propos de
nous-même (l’égo) est sujette à plusieurs sentiments de vulnérabilité,
d’imperfection, de gêne. Pour qu’elle survive, il faut la réassurer, l’alimenter sans
cesse ; elle a peur de s’abandonner à l’inconnu, elle voit cela comme étant une
perte de pouvoir injuste, sans garantie. L’égo ressent un profond malaise, une
méfiance : « Si j’abandonne tout mon contrôle, il n’y aura plus de « moi » pour
gérer ma vie ! Je vais peut-être finir dans la rue, non, non, je ne veux pas ça ! »
Un emploi ennuyeux dans un bureau peut soudainement sembler très
intéressant !
29
Q : Parfois je sens que la peur empoisonne ma vie, même en ce moment, assis ici
avec toi, je suis surpris de voir à quel point la peur se manifeste.

M : Pourquoi ne pas être surpris de voir à quel point la peur disparaît ?


Lorsqu’elle est vue, elle disparaît. Nous retrouvons notre réelle position. Dans ce
genre de situation, il nous semble souvent que nous sommes au bord d’un
précipice, que nous allons être dévorés par un monstre. Mais prenons le temps de
vraiment observer, de voir et de se demander : Quel est ce monstre ? Qui va être
dévoré ? Qu’est ce qui va mourir ? Seul l’irréel peut mourir, ce que tu es vraiment
est inaltérable. Sois audacieux, dis « Dévore moi, je suis prêt ! », mais ne te cache
pas les yeux, demeure complètement présent et sois prêt à ne rien manquer de
tout cela. Observe pleinement le moment de ta propre « destruction », s’il y a lieu.
Es-tu prêt à faire cela?

N’est-il pas merveilleux de voir à quel point cette peur disparaît rapidement ?
N’est-il pas extraordinaire de voir qu’en fait rien ne peut te troubler lors que tu
demeures en tant que cet espace, en tant que cette conscience pure ? N’est-ce pas
incroyable de découvrir que l’existence n’est en fait qu’une danse divine, une
illusion - et qu’elle peut tout de même être appréciée en tant qu’illusion ? Ce
« je » qui se déplace dans le monde est aussi une illusion ! Profite du voyage mais
sache que tu es au-delà de tous ces phénomènes qui apparaissent et disparaissent.

[Silence]

Q : Mais Mooji… tout ce que j’ai fait dans ma vie a été dirigé par la peur. Il est
très difficile de « profiter du voyage » lorsque la peur me saute dessus… Il n’y a
alors aucune paix… seulement le sentiment d’être perdu…

M : Oui, il peut y avoir un élancement intense qui se manifeste parfois avec tant
de force qu’il est possible que tu te sentes complètement impuissant. Il peut y
avoir ce sentiment d’être pris au piège par les vieilles peurs, par les vieux
« patterns » qui semblent être tellement bruyants que tu ne peux pas les observer
tranquillement et te questionner sur leur véritable nature. Dans cette situation, il
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est mieux de ne pas essayer de chercher, de se questionner ; laisse toi simplement
aller dans ce « feu », dans cette énergie, laisse la être. Il est très important de ne
pas se battre avec elle. Permets à ce moment d’être tel qu’il est, et dans cette
acceptation, il y aura alors un moment de liberté, un espace qui s’ouvrira.
Développe cette habileté à laisser aller, à simplement observer ce qui va et vient
en toi. Cette observation te rendra sage. Demeure en tant que cette conscience
silencieuse et cette habileté sera comme une force bienveillante qui viendra
balayer ton cœur. C’est la grâce en service à elle-même.

Q : Je vais continuer de me battre !

M : Ah non ! Cesse de lutter. Assez de combat ! Regarde comment tu es devenu


fatigué à force de te battre. Qui est l’ennemi et où est-il ?

Q : On dirait qu’il est partout!

M : Voilà le drame et le ridicule de l’esprit immergé dans l’illusion. Essaie une


autre approche : remets ton existence dans les mains de l’existence elle-même.
Laisse la vie prendre soin de ton existence. Cesse de nager. Abandonne cette
envie de te sauver. Fais-le maintenant. Je suis là avec toi. N’entretiens pas cette
pensée qui dit « Non ! Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas rejeter l’effort ! »
C’est cette pensée qui rend l’expérience douloureuse, cette obsession à toujours
lutter contre quelque chose. Dans le laisser-aller, dans le laisser être, il y a un
immense espace. Il y a la paix, le silence et la clarté qui émergent de l’abandon
total. Laisse la vie être. [Mooji inspire et expire profondément]… ahhh… oui.

Q : Qui « laisse aller »?

M : Ce n’est pas l’individu, ce n’est pas la personne. Cette idée que la personne
doit faire une action pour obtenir la liberté mène à la confusion, la frustration et à
un combat interminable avec soi-même. C’est plutôt l’Être lui-même qui
abandonne le sens d’être une personne et qui retourne à son état naturel. On peut
également le décrire d’une autre façon : un sens de relâchement, de laisser aller

31
survient dans le Soi selon sa volonté d’être libéré de la souffrance psychologique
due à une identification au corps et à l’esprit. Lorsque nous nous libérons de
l’emprise de l’égo, l’espace, la légèreté et la joie prédominent.

Le laisser aller est comme une ouverture intérieure qui laisse couler librement le
flot de la grâce. Cette grâce sortant de nulle part apaise l’esprit et le cœur.

« Demeure dans ce silence intérieur.


Tu n’as rien à faire, rien à comprendre.
Laisse aller cette pensée qui dit qu’il te manque quelque chose,
qu’il y a quelque chose que tu ne comprends pas.
Ne touche à aucune pensée, d’accord ? Je vais prendre soin de toi.
Tu n’as plus à t’occuper de toi-même.
Je vais m’occuper de toi... »

« La Grâce est toujours présente. Il faut seulement s’abandonner à elle. »

~Sri Ramana Maharshi

Sois vide, voilà le secret. Observe, et graduellement tu verras que toute l’existence
apparaît dans cette conscience pure, dans ce vide. De cette façon, tu réaliseras
que la perception, l’activité, les rêves, etc. sont en fait une expression naturelle de
l’Être. La vie devient plus claire, plus harmonieuse et plus spontanée lorsqu’elle
n’est pas gérée par le « je » de l’égo. Quelle belle découverte.

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Qui es-tu ? Le vide qui se manifeste en tant qu’être humain. Oublie ce que tu crois
être et découvre le Soi. Confirme avec tout ton être ce que tu sais mentalement.
Voilà pourquoi tu es venu aux satsangs : pour découvrir ce que tu imagines avoir
perdu.

Apprends à observer l’égo afin de différencier ce qui est vrai de ce qui est faux.
L’irréel est changeant. Il se manifeste en tant qu’esprit, humeur, temps et
relations. Le réel est l’invisible au sein du visible. C’est le témoin qui ne peut pas
être vu lui-même. On peut le connaître seulement en niant tout ce qui est
quantifiable, mesurable, relatif et variable. Lorsque nous reconnaissons et que
nous nous identifions à cette conscience-témoin impersonnelle, le flot de pensées
et d’événements est observé comme étant tout simplement passager et ne laisse
aucune trace dans la conscience.

Au fur et à mesure que la compréhension ultime mûrit, l’idée d’un « moi »


personnel se dissout. Tout arrive par soi-même, et non à un « moi ». Par
conséquent, une réelle harmonie est ressentie, ainsi qu’une joie et une quiétude
sans borne. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous percevons, émerge du vide.
Ce vide n’est pas stagnant ou stérile. Il n’a aucune qualité, il est comme l’espace
dans lequel tout se manifeste. Tout cet univers merveilleux danse dans ce vide. Il
est la source de tout ce qui est.

Q : C’est une si belle façon de le décrire…

M : Personne ne peut l’exprimer seulement avec des mots. Je ne crois pas que
même le Bouddha, Papaji ou Ramana Maharshi pouvaient le faire. Cependant,
ayant fusionné avec la source, la paix et la lumière pure du Soi émanaient de leur
présence.

Q : J’aime beaucoup t’entendre parler, mais je trouve cela un peu difficile à


saisir. Est-ce dû au fait que je ne connais aucune pratique spirituelle ?

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M : Tu possèdes déjà en abondance ce qui est nécessaire à ta propre réalisation.
Sois certain de cela. Il y a des gens qui viennent aux satsangs et qui ne parlent
même pas anglais [langue parlée par Mooji], pourtant, quelque chose résonne
profondément en eux et ils réalisent le Soi naturellement, sans effort, en silence.
Cette vérité est au-delà du langage et de l’intellect. Il y a même des animaux qui
sont venus. Effectivement, le satsang n’est pas uniquement pour les êtres
humains mais pour tous les êtres. Le mot satsang signifie : « association avec la
vérité ». Tous les êtres qui ont le désir de simplement être réagissent à cette
vérité.

La majorité du temps, c’est la question qui attire notre attention, celui qui pose
la question est rarement examiné. La majorité des questions, étant objectives,
peuvent être résolues par une réponse objective. Cependant, lorsqu’on se
demande « mais qui est celui qui pose la question ? », un tremblement de terre
survient dans l’esprit et la fausse identité commence à se déconstruire, pour
éventuellement laisser place à la lumière pure de l’être.

Place ta main sur ton cœur et dis quelque chose à partir de là.

Q : Je ressens un profond désir de m’abandonner à cela. Je réalise que la


recherche de plaisirs passagers et de sécurité ne me rend pas service. Je crois
que je suis à un point critique. Je vois en toi quelque chose qui m’inspire et qui
me donne une grande confiance en moi mais je sens que j’ai encore beaucoup de
chemin à faire.

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M : Combien de mètres ou de kilomètres ? Étant assis ici, en ce moment, où as-tu
besoin d’aller pour être plus présent que tu ne l’es déjà ? Abandonne ce genre
d’idées et tous ces efforts pour être ailleurs. En faisant cela, observe si quoi que ce
soit de valeur est perdu.

Q : J’ai passé la plupart de ma vie sur un chemin, en essayant de me rendre


quelque part, de trouver quelque chose !

M : Ce n’est pas une mauvaise chose, cela t’a permis de constamment chercher la
vérité et cela t’a mené ici. Au départ, on ne peut pas échapper à cette recherche, à
cette agitation. En ayant confiance et en disant toujours oui à la vérité, des
découvertes de plus en plus profondes vont se déployer et apporter de la joie.
Cette joie peut être passagère, mais la joie qui émane de la connaissance du Soi
est toujours fraîche, impersonnelle, libre, intemporelle. Lorsque le Soi est réalisé,
il y a un merveilleux relâchement et la rigidité mentale disparaît. Tout est vu et
vécu comme étant la danse de la conscience.

Q : J’ai encore une question. Comment survient cette réalisation? Comment se


produit ce changement de perspective?

M : N’embourbe pas ton esprit d’instructions, de choses à faire. Elles étouffent ta


spontanéité !

Q : Que devrais-je faire ? J’ai foi en tout ce que tu as dit aujourd’hui, j’ai
pleinement confiance en tes mots, mais je ne sais pas quoi faire maintenant…

M : Qu’as-tu besoin de faire ? Que peux-tu faire ? Reste tranquille et plonge à


l’intérieur dans cette direction vers laquelle je pointe constamment. De croire est
une bonne chose, de faire confiance est encore mieux ; mais l’expérience directe
de cette connaissance est suprême. Suite à cette découverte, seule la Réalité
demeure.

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Il n’y a pas de façon d’être particulière à adopter. Relaxe, sois toi-même et
demeure ouvert et tranquille face à tout ce que la vie amène. Souviens-toi
simplement de cela : tu es ce qui est vu, ce qui voit et aussi au-delà des deux, en
tant que conscience pure. On pourrait aussi dire : tu es la personne, le témoin de
la personne et l’espace dans lequel les deux apparaissent.

Q : Alors que faut-il faire ? Simplement demeurer dans cette conscience, dans ce
vide ?

M : Oui, quoi d’autre ? Encore mieux que de demeurer dans cette conscience, sois
cette conscience, sois ce vide. En fait, cette «pratique », si tu veux l’appeler
comme ça, se fera de plus en plus spontanément, sans qu’il y ait le sens d’une
personne qui soit là pour l’appliquer. Elle viendra par elle-même et prendra soin
de toutes tes affaires.

Q : Je vois maintenant quelle était mon erreur, d’une certaine façon, j’essayais
d’avoir une expérience du Soi, mais ce n’est pas possible !

M : Exactement ! Le Soi fait tellement un avec lui-même qu’il ne peut pas se voir
lui-même. Il est la source à partir de laquelle tout se manifeste. Tu peux
seulement être cela. Comme par exemple : un couteau peut couper plusieurs
objets mais ne peux pas se couper lui-même, étant une unité inséparable. Ou
encore comme une balance qui peut peser plusieurs objets mais qui ne peut pas
se peser elle-même, faisant déjà un avec elle-même.

Q : La liberté dont tu parles est donc la liberté d’être une « personne » ?

M : Oui et ultimement, c’est la liberté au-delà du concept de liberté. C’est la fin du


combat. Nous mettons toute notre attention, tous nos efforts et notre énergie, à

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essayer de devenir la meilleure personne qui soit. Cela est naturel, c’est l’histoire
de l’humanité, mais ce n’est pas la liberté.

Évidemment, il est bien de vouloir vivre la meilleure expression de soi possible et


de changer les choses qui ne rendent pas service à ton être. Suis ton cœur, mais
ne considère pas cette expression comme étant une définition de ce que tu es
vraiment. Apprécie la vie et profites-en avec gratitude, comme étant l’expression
de l’absolu, comme étant la danse du cosmos, tout en demeurant le témoin de
tout ce qui se présente. Le sage regarde dans le miroir et voit les images qui
semblent être lui, mais il n’est pas confus.

Il demeure dans le sanctuaire du Soi en tant qu’Être immuable.

Q : Je réalise maintenant que je ne suis pas les pensées, les sensations et les
phénomènes, mais pourtant, une question demeure: « Est-ce assez ? »

M : Cette question semble noble mais elle suscitera le doute si tu l’acceptes.


Encore plus fort que le doute, il y a cette confirmation, cette découverte de ce que
tu es vraiment. Demeure simplement en tant que ce que tu es déjà.

La question « Est-ce assez ? » n’est pas aussi importante et puissante que le fait
de simplement demeurer en tant que ce que tu es. Il n’est pas nécessaire de
pouvoir se dire « voilà ce que je suis ». Tout comme tu ne te dis pas tout le temps
« je suis Mirabai, je suis Mirabai (le nom de la personne à qui Mooji parle). Tu
n’as pas besoin de te le rappeler car il n’y a pas de doute que tu es Mirabai, il n’y a
pas cette question « Suis-je Mirabai ? ». Tu es simplement Mirabai, n’est-ce pas?

De la même façon, tu es le Soi, tu es toujours le Soi. Même s’il y a une question ou


un doute, tout cela apparaît dans le Soi. Auparavant, tu étais pris avec cette

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illusion d’être une personne, d’être tes pensées et tes émotions. Dû à la grâce, et à
ta propre recherche, tu vois maintenant plus profondément et tu réalises ce qui
n’est pas réellement toi. Cette découverte de ce qui n’est pas toi se fait à partir de
ce que tu es vraiment. Demeure en tant que cette conscience primordiale et
aucune question, aucun doute ne viendra. Au début elles viendront peut-être
mais si tu ne nourris pas ces pensées, ces émotions et ces sensations qui attirent
ton attention ailleurs, elles vont te quitter doucement et te laisser à toi-même.
Lorsque cette attitude est adoptée, l’esprit perdra de son impertinence et de sa
force. Il va reculer. L’esprit n’approchera pas la conscience non associée. Il ne
l’approchera pas de la même façon. Par contre, il va assurément approcher la
conscience distraite. Lorsque la conscience est identifiée à la forme « je suis une
personne », l’esprit, le passé et l’égo auront le pouvoir de venir et de s’associer à
toi, d’attirer ton attention. Tu t’associeras avec eux car ils vont te suggérer des
choses qui sont attirantes lorsque tu es dans cet état hypnotique d’identification.
Lorsque tu demeures dans l’état naturel de l’être, tous ces phénomènes n’auront
aucun pouvoir. L’esprit s’alimente de l’attention qu’on lui donne et surtout de
l’identification. Si nous demeurons simplement en tant que la conscience, l’esprit
ne viendra pas ou n’aura pas la même force. S’il émerge, il n’aura pas de pouvoir
car, lorsque nous demeurons en tant que conscience, l’esprit n’est plus énergisé
par notre identification.

Parfois, dès que nous avons l’impression d’atteindre le but, lorsque nous n’avons
plus besoin de carte, plus besoin d’enseignement, que nous sommes revenus « à
la source » et que nous relaxons finalement dans cette paix, dans ce silence, il y a
soudainement quelque chose qui cogne à notre porte : “Alllloooo!” L’esprit, ou
quelque chose (sensation, émotion) revient. Mais dois-tu vraiment lui répondre,
dois-tu vraiment retourner dans cette transe ? Au départ, il peut y avoir une
certaine résistance lorsque tu retournes à ta véritable nature, à ton état naturel.
Cela peut être ressenti comme si tu ne pouvais pas endurer ta propre immobilité,
ton propre calme, comme si tu ne pouvais pas endurer ce silence, mais tout cela
est simplement passager. C’est dans ces moments d’apparente vulnérabilité que
l’esprit viendra essayer de te séduire, de regagner ton identification.

Dans ces moments, demeure en tant que conscience-témoin, ne lui donne pas ton
énergie. Tu peux appeler cela un exercice ou une pratique mais tu n’as pas à y
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coller aucune étiquette. Habitue toi à demeurer là, à être cela, jusqu’à ce que le
malaise, le besoin de t’associer à l’égo, à l’esprit et aux sensations s’évapore. Tu
seras alors de retour dans l’état naturel de ton être, dans le Cœur. Demeure en
tant que cela consciemment jusqu’à ce que l’effort de demeurer disparaisse et
qu’il ne reste que Cela.

« Le soleil n’ira jamais emprunter sa lumière à la lune.


De la même façon, le Soi n’ira jamais vers l’esprit pour se reconnaître
Même cette idée de « perdre » ou de « quitter » le Soi, est une idée qui survient
dans le Soi.

Q : J’ai l’impression qu’il me manque quelque chose.

M : L’esprit a toujours faim. Aussitôt qu’il s’associe avec le sens d’autonomie et


d’individualité, le sentiment qu’il manque quelque chose se manifeste presque
automatiquement. La conscience qui s’identifie en tant que personne est toujours
en train de chercher quelque chose – un sens de stabilité, de sécurité, de
plénitude… Cela peut être ressenti de plusieurs façons telles que le besoin de
guérison, de changement, de progrès, etc. Cette tendance semble être
profondément enracinée dans la psyché humaine. « Il manque quelque chose…
S’il ne manquait rien, je ne me sentirais sûrement pas comme ça ! ». Ce n’est
qu’une pensée, une supposition. Qui a dit qu’un être libre n’éprouvait aucune
pensée, aucunes émotion ? Il suffit d’être conscient que ce que nous sommes
réellement est au-delà de l’égo – que nous sommes un être porté par la force de
l’absolu et par la grâce. Toute la vie nous mène vers le Soi lorsque nous ne luttons
pas contre son courant.
39
Pourquoi ton esprit se débat-il autant pour échapper à ce qui est pourtant
évident ? Pourquoi t’évades-tu lorsque tu es dirigé vers cette vérité qui est
l’essence même de ton être ?

Lorsque l’esprit se sent menacé par la recherche de soi, il fait tout pour créer une
distraction ! « Il vaudrait mieux pratiquer encore un peu ! Allons-y étape par
étape, doucement, doucement… » Il y a quelque chose qui ne veut pas être exposé,
examine bien ce que c’est. Sache que cette fuite fait aussi partie de la danse de la
conscience, l’esprit est une expression de celle-ci. Ce n’est pas vraiment toi qui
fuis, tu es le témoin de cette fuite. Il s’agit plutôt de l’égo qui tente d’échapper à sa
propre fin, à sa perte de pouvoir.

Certains êtres réalisent leur véritable nature dans un court laps de temps. Un seul
satsang et leur esprit est complètement réduit au Silence.

Q : J’ai eu cette réalisation il y a quelques jours, mais l’esprit est revenu – avec
encore plus de force qu’avant ! Pourquoi donc ?

M : Prenons cet exemple : si tu tires un dard tranquillisant sur un lapin, il va


tomber instantanément. Chez certains, l’esprit est comme ça. En entendant la
vérité, leur cœur s’ouvre et leur être se dissout entièrement dans le Silence de
façon irréversible. Pour d’autres, c’est plutôt comme de tirer sur un rhinocéros –
et le voilà parti : « Bougoudoup, Bougoudoup, Bougoudoup ! », mais tu n’as pas
à lui courir après. Tu n’as qu’à continuer de marcher tranquillement dans sa
direction, car même s’il se sauve un peu plus loin, il va ralentir au fur et à mesure
que le tranquillisant fera effet. Éventuellement, il va tomber lui aussi. Chez
certains, l’égo est comme ça. Lorsqu’il est entre en contact avec la vérité, il se
rebelle et attire l’attention vers quelconque distraction pour éviter d’être détecté.
Cela ne cause pas vraiment de problème, c’est aussi une expression de la
conscience, que peut-on y faire ? Il suffit de simplement demeurer en tant que
témoin de tous ces mouvements intérieurs.

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Tu as été amené ici, à ce moment, par le courant de la vie. As-tu besoin d’aller
ailleurs ? Vers quoi ? Pourquoi ? De l’ignorance à la sagesse, l’essence de ton être
demeure inchangée. Tu es l’intouchable.

[Silence]

Garde ton esprit dans ton cœur.

Q : Est-ce là une pratique ?

M : Tu peux appeler ça une pratique, pourquoi pas ? Il n’y a rien de mal avec le
mot « pratique ». Sri Nisargadatta Maharaj, qui était un vrai jnani (être ayant
réalisé le Soi), chantait pourtant des bhajans à tous les jours. Est-ce qu’il se disait
« Oh non, je dois arrêter de faire ça, je suis un sage maintenant. Qu’est-ce que les
gens vont penser ? », bien-sûr que non. Son être était en parfaite harmonie avec
tout ce qui l’entourait, il faisait un avec le flot de l’existence. Par conséquent, ses
actions étaient spontanées, sans inhibition. Ne retiens pas ta danse afin de jouer
un rôle. Sois toi-même.

On dit que celui qui cherche la vérité se trouve lui-même et que celui qui se
cherche, trouve la vérité. Peu importe le chemin, que ce soit celui de la dévotion,
de l’abandon de soi ou de la sagesse, le but est le même.

Q : Il y a une certaine finalité dans tes mots, c’est comme si j’attendais de


recevoir le dernier « coup ».

M : Qui va recevoir le coup final ? Qui va dire « J’ai reçu le dernier coup » ? Ne
sois pas là à attendre qu’il se passe quelque chose, qu’un dernier coup soit donné.
La hache est en train de tomber mais la tête parle encore ! La tête est maintenant
coupée mais elle parle encore !

[Silence]

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M : Tu es Cela.

Q : Merci.

Pour un moment, laisse de côté tout ce que tu peux décrire, toutes tes pensées,
tout ce que tu peux imaginer, mémoriser, croire. Laisse tout ça de côté et
demeure en tant que ce qui reste.

La pensée « je » est ce qui génère et supporte toutes les autres pensées. Certaines
d’entre-elles attireront ton attention plus facilement que d’autres et renforceront
considérablement le sens du « je ». Lorsque cela se produit, la clarté du Soi peut
sembler masquée par l’intensité de l’identification avec ce « je » et ses sensations,
mais regarde en toi et essaie de trouver ce « je », de l’attraper. Essaie de voir s’il
est réel ou s’il ne s’agit que d’une autre pensée.

[Silence]

Ce que tu cherches tant est en fait l’endroit à partir duquel tu cherches.

N’accepte pas cette idée qui suggère que quoi que ce soit t’empêche d’être ce que
tu es vraiment. Lorsque qu’elle est examinée, elle est vue comme étant irréelle.
Rien ne t’empêche d’être le Soi, excepté cette idée que quelque chose t’empêche
de l’être. Si tu t’accroches à cette idée, elle va drainer toute ta force et toute ton
énergie.

Q : Il faut vraiment le vouloir…

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M : Il y a trois possibilités : premièrement, de laisser aller cette idée qu’il y a
« quelqu’un » qui veut avoir quelque chose. Deuxièmement, d’ignorer toutes ces
invitations à atteindre quelque chose, à arriver à quelque part. Troisièmement,
d’accepter que ce désir de réaliser qui tu es vraiment est l’activité de la Grâce.

Q : C’est aussi un genre de désir suicidaire…

M : L’égo qui se suicide laisse place au Soi. Ce suicide n’est pas mauvais, c’est un
bon suicide !

Q : Je ne peux plus m’accrocher à grand-chose… toutes les idées qui formaient ce


que je croyais être s’écroulent.

M : Oui, et quelle merveille ! La fausse identité s’écroule. L’esprit peut


fonctionner parfaitement sans s’accrocher à une identité. C’est l’esprit pur.

Q : Cela semble être tout un défi…

M : Pour qui ? Trouve celui qui sent ce défi et qui en a peur.

Q : Il y plein d’idées à propos des attachements et…

M : Ces « attachements » ne sont aussi que des idées. Je n’ai pas d’enseignement
à offrir. Le satsang n’est pas un endroit pour apprendre. C’est un endroit pour
découvrir, pour la déconstruction de toutes stratégies mentales et psychologiques.
C’est un endroit pour complètement lâcher prise sur ce qui n’est pas réellement
nous.

Q : Cela semble assez effrayant…

M : Sois audacieux ! Lors du moment le plus propice, offrant la possibilité de


réellement découvrir et de réaliser qui tu es, une résistance apparaît et attire
43
toute ton attention. Qu’est ce qui essaie de s’échapper comme ça ? Au moment
crucial, sois bien conscient de toutes ces excuses et de ces façons de fuir
l’inévitable.

Une fois, un homme est venu me voir et plus la recherche de soi s’approfondissait,
plus il cherchait une distraction. « Est-ce que je peux aller aux toilettes ? », « Est-
ce que je peux avoir un verre d’eau ? Il fait un peu chaud ici… Est-ce qu’on peut
ouvrir la porte ? » et c’était en plein milieu de l’hiver !

J’ai finalement confronté son désir de fuir : « Vois-tu ce qui est en train de se
passer ? Tu n’es pas prisonnier ici, tu peux partir quand tu veux. Vas-t’en si tu ne
veux pas être ici! » et c’est seulement à ce moment, lorsque ces distractions lui
ont été révélées, qu’il a pu se stabiliser dans la recherche de soi et que son esprit a
pu se dissoudre dans la paix.

Q : Il n’y a donc rien à faire ?

M : Laisse la grâce te déballer. Laisse-la te déshabiller. Tout ce que tu as fait t’a


mené jusqu’ici, jusqu’à ce moment. Il n’y a rien à regretter. Maintenant, reste
tranquille. Repose-toi, ici et maintenant, dans la source de ta conscience. Dans sa
plénitude, dans son vide. Maintenant, cette pure présence brille à la place de l’égo
que tu t’imaginais être. Cette présence est omniprésente, intemporelle. Lorsque
l’ultime découverte se produit, une énergie pure vient apaiser tous les aspects de
ton existence. Il n’y a plus rien à comprendre. Il reste simplement à être. Les
projections, les opinions, les interprétations et les idées tombent et tout ce qui est
danse dans la liberté la plus complète.

Papaji disait : « Le Soi se révèle seulement dans un esprit pur ». C’est en


demeurant dans le Cœur que l’esprit s’apaise et que la lumière du Soi brille
naturellement.

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Aie confiance et sache que la grâce opère déjà en toi. Le fait que tu sois ici est dû à
la grâce. Quelque chose résonne en toi et redirige ton attention vers le Soi. Cette
impulsion de vouloir s’engouffrer dans le feu qui brule l’égo est une impulsion qui
émerge de la grâce.

Q : Pourquoi y-a-t-il parfois tant de souffrance, est-ce parce que nous le


méritons ?

M : Non, ce n’est pas ça. La souffrance nous permet de ressentir de la compassion


et de l’empathie pour les autres êtres. Elle approfondit notre être en nous libérant
de ce qui est futile et elle prépare le sol de notre esprit afin qu’une réelle
connaissance de soi puisse y fleurir. Sois reconnaissant envers toutes les
expressions de la vie.

Q : Il est difficile de trouver notre but dans la vie. Il semble impossible de savoir
quel est le bon chemin à prendre, quelle est la bonne action à poser.

M : Pourquoi se tracasser avec tout ça ? Oublie-toi et sois heureux. La vie n’est


pas seulement un voyage personnel. Ce n’est pas seulement l’expérience de
l’existence à travers le voile de l’imagination, des émotions et de l’intellect. La
vraie vie commence seulement lorsque le sens du « je » personnel et limité
fusionne avec l’être universel, avec la conscience pure.

Nous possédons un très grand pouvoir en nous : la présence-témoin, qui nous


permet de reconnaître l’identité / l’égo comme n’étant pas réels et de demeurer
dans le cœur.

Q : Je désir vraiment porter attention à ce que tu dis, mais mon esprit est vide,
mon attention s’égare.

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M : Lors de ce type d’observation intense, il n’est pas rare que l’esprit devienne
vide et que l’attention s’égare. Mais tu n’es pas l’esprit. Tu es ce qui est témoin de
l’esprit et même de l’attention qui s’égare. Tu es témoin de tout cela.

À cet instant précis, l’attention peut facilement se diriger vers une distraction car
l’égo essai de ne pas se faire détecter par la présence témoin.

Demeure en tant que cette présence témoin de tout phénomène et ne sois pas
assez naïf pour accepter les suggestions et les jugements de l’esprit qui ne veut
pas être détrôné.

« L’esprit a peur de la liberté, car lorsque l’être est libre, l’esprit n’a plus le même
rôle, le même pouvoir. Il reste là, mais seulement en tant que serviteur, il ne
dirige plus l’existence. La liberté, c’est d’être libre de toute dépendance, libre de
cette tendance à être hypnotisé par nos propres concepts. »

L’égo est comme notre ombre. Il serait ridicule de vouloir s’en débarrasser.
Il suffit de reconnaître qu’il n’est pas réellement ce que nous sommes,
qu’il n’est qu’une simple projection.
Dirigeons plutôt notre attention vers sa source :
le Soi.

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Bien aimé, reconnais la magnificence de ton existence et demeure en Silence. Je
fais un avec toi en tant que présence-témoin intemporelle et immuable. Réalise ta
véritable nature et sois heureux. Nous ne sommes pas nos pensées, nos émotions,
nos souvenirs ou notre conditionnement. Nous sommes l’être éternel, inaltérable,
l’essence derrière toute manifestation. Stabilise-toi dans cet espace silencieux
derrière les mouvements de l’esprit. Fais un avec cette présence qui perçoit la
danse grandiose de l’existence et l’esprit se calmera.

Sois prêt à laisser aller les projections de l’esprit qui émergent de l’état
hypnotique d’identification. Observe ce Silence ininterrompu à partir duquel tout
se manifeste. Sache que tu es sans attribut, au-delà de tout changement, et sois
heureux.

Sois tranquille et sache que « tu es ». Laisse ton être se reposer dans ce sens
d’existence non associé. Nous sommes la présence ininterrompue et inaltérable
derrière tout phénomène.

Ne te laisse plus prendre au jeu de l’égo qui s’aventure dans toutes sortes de
futilités. Elles peuvent sembler inoffensives, mais à la longue elles abasourdissent
l’esprit et semblent tyranniser l’être et l’empêcher d’être en paix.

Sois vigilant, résiste à cette tendance de suivre le flot de l’esprit. Graduellement,


l’esprit et l’attention deviendront habitués à demeurer dans le Cœur. Voilà la
vraie sadhana (pratique spirituelle). Voilà le vrai sens de l’existence.

Lorsque la conscience s’identifie au corps et à l’esprit, l’égoïsme – cause de toute


souffrance – prévaut. Sois déterminé à vaincre ce dragon. Il est vaincu avec le
lâcher-prise, la dévotion à la vérité et la recherche de soi.

47
Cesse de t’identifier et d’alimenter ce qui t’empêche d’être en paix. Sois prêt à dire
oui à la vérité qui est en toi.

Garde ton attention dans le cœur. Même s’il peut y avoir un malaise ou une
résistance, persévère. De cette façon, l’égo - qui survit uniquement sur l’oxygène
de ton attention et de ton intérêt - perdra de sa force graduellement.

Aie confiance lorsque je te dis que tu es déjà libre. Laisse ta vie être un satsang,
une opportunité pour faire honneur à cette vérité et t’y abandonner. Laisse aller
l’entêtement, l’orgueil, la résistance et le cynisme qui ne font que te ralentir. Tu
n’as pas besoin de savoir qui tu es, il suffit de réaliser ce que tu n’es pas. Sois
humble ; l’humilité est sagesse. Il est sage de chercher de l’aide jusqu’à ce que tu
transcendes le besoin d’être aidé.

La graine de la réalisation profonde qui mène à la paix suprême est déjà en train
de germer dans ton Cœur.

Aie confiance.

La conscience pure que nous sommes n’est pas le résultat d’un processus, elle est
ce en quoi la progression et le changement sont perçus. Ce que tu cherches tant
est en fait l’endroit à partir duquel tu cherches. Tu es la vérité. Tu es ce en quoi
l’univers se manifeste.

La recherche de soi est le miroir qui reflète l’éternel. Tu es Cela !

Nous sommes tous unis en tant que vérité et amour. Nous sommes l’Être unique
qui se manifeste en tant qu’existence.

C’est une joie pour moi de partager avec vous ce doux message du Cœur. Mon
plaisir est de nous voir s’éveiller à l’éternel en nous.

48
Le soleil semble se lever et se coucher mais ne bouge pas réellement, c’est la terre
qui tourne. De la même façon, le Soi, étant infiniment présent, ne bouge jamais,
ne nous quitte jamais. C’est l’esprit qui se dirige ailleurs et semble perdre le Soi
de vue. C’est une simple illusion.

Demeure donc en tant que la conscience pure témoin de tous les mouvements de
l’esprit et de l’attention, mais qui est elle-même immuable. Je n’ai aucune
connaissance à te donner. Il suffit que tu réalises avec clarté et conviction cette
vérité que tu es déjà.

49
50
« D’essayer de demeurer dans le Soi n’est qu’une idée qui émerge du Soi.
Tu es déjà cela. »

51
Ce qui devrait être le plus important dans la vie, est notre recherche de vérité. La
vérité ne peut pas seulement être un concept, une croyance, un conditionnement.
La vérité est ce que nous sommes, elle est notre véritable nature, et elle a toujours
été. La vérité est intemporelle. Lors des satsangs, le voile de l’ignorance et de
l’illusion qui nous distrait du Soi et qui nous tient en otage est levé afin que la
lumière pure de la conscience brille et que l’être réalise ce qu’il est réellement.
Voilà ce que sont l’amour et la réelle liberté. La liberté réelle est disponible pour
tous car nous sommes déjà cela. Il suffit de venir avec l’esprit et le cœur ouvert,
avec ce désir en soi : « Je dois être libre dans cette vie. »

Ayant été identifié pendant des années au corps et à l’esprit, il semblait normal
d’être dans cette transe. Maintenant, le satsang t’invite à diriger ton attention sur
le « je ». En l’examinant minutieusement, il sera reconnu comme n’étant pas réel
et laissera place à la joie, à un grand soulagement ainsi qu’à une grande liberté. Il
y aura ce sentiment d’être libéré de tout fardeau. Tu auras découvert l’ « aimant »
qui attire tant de concepts et qui cause tant de confusion tout au long de notre
existence. Ce « je » n’est pas ce que nous sommes réellement, il n’est qu’une
construction mentale. Réalisant cela, l’esprit sort de la forêt de l’identification et
retourne au silence et à la quiétude –sa véritable nature.

Ne forme aucune conclusion. Laisse les nuages flotter. N’essaie pas de les
contrôler ou de les organiser. Seuls les yeux qui perçoivent l’immensité du ciel
peuvent voir la perfection.
~

Apprends à différencier entre le Soi et l’esprit. Trop souvent, nous écoutons et


donnons notre attention aux phénomènes qui ne sont que des images passagères
sur l’écran de notre conscience et c’est ce qui nous fait passer à côté de la Source.
Lorsque l’énergie de l’esprit est dirigée vers sa source – le cœur – l’espace, l’unité
et l’harmonie prévalent.
52
~

Agis sans attente, sans rechercher quoi que ce soit, sois présent, accueille tout ce
qui vient. Ceux qui suivent le flot de la Vie n’ont pas besoin d’aucune autre force.
La Nature ne se presse pas et pourtant tout est accompli. Sois tranquille, demeure
simplement au centre, en observant, et ensuite oublie que tu es là. Cette quiétude
révèlera l’éternel. ~Lao Tseu

Bien aimé, ne te laisse pas prendre dans l’agitation de l’esprit. Le Silence est déjà
là, dans les profondeurs de ton cœur. Épouse le Soi. Tu es la conscience en
laquelle ce monde apparaît, danse et disparaît. Mais ce que tu es, l’être éternel,
ne peut jamais disparaître, ni même apparaître, car il est infini, intemporel.

Sache que tu es Cela.

C’est une grande opportunité d’avoir une forme humaine, car dans cette forme, tu
viendras à découvrir ce qui est sans forme.

Vas au-delà de la tristesse de ce monde.


Tu es la liberté elle-même et ta véritable nature est éternelle.

Sachant cela, sois heureux.

53
Pour plus d’informations :

www.mooji.org

Site officiel incluant information, vidéos, extraits audio, textes, horaire des
satsangs, etc.

www.youtube.com/user/Moojiji/videos

Page YouTube officielle de l’équipe de Mooji contenant


des centaines d’extraits vidéo de satsangs à travers le monde.

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Autre page YouTube contenant des extraits.

www.youtube.com/playlist?list=PLFB9E5172A832A801

Page YouTube contenant une sélection d’extraits vidéo sous-titrés en français.

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