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groupe 307
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Introduction :
« Tu passes trop de temps sur tes jeux vidéo, tu es complétement accro ! » Je débute
ce travail par une remarque que m’a faite par ma mère la semaine dernière. Les jeux vidéo
ont un attrait considérable auprès de leurs utilisateurs quel que soit leur âge. Beaucoup de
ces joueurs sont considérés comme « dépendants » de cette nouvelle forme de
divertissement.
Je propose d’étudier ce qu’il en est, est-ce que le temps passé à jouer à des jeux
vidéo peut effectivement être considéré comme une addiction ? Si oui, selon quels critères
objectifs peut-on confirmer qu’une personne serait « accro » aux jeux vidéo ? S’il s’avère que
cette même personne est, en effet, concernée par ces caractéristiques de l’addictologie,
alors qu’elles pourraient être les répercussions relatives à cette dépendance aux jeux vidéo ?
Ces répercussions ne seraient-elles donc que négatives ou se pourrait-il également qu’il y ait
des aspects positifs à l’usage des jeux vidéo ? Lesquels seraient-ils ? L’usage mais surtout
l’abus des jeux vidéo serait-il sans solutions ? N’existerait-il pas des pistes d’action qui
permettraient de prévenir ces abus et éventuellement de « guérir » les personnes atteintes
par cette nouvelle pathologie ?
Pour produire ce travail, je me suis basée sur la lecture attentive de trois ouvrages de
chercheurs en addictologie. Ils sont soit psychiatre addictologue (docteur Karila), soit
psychologues (docteurs Leroux et Minotte). Me servant de cette base scientifique, je pourrai
comparer ce qui ressort de ces recherches menées, aux divers discours et lieux communs.
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Développement :
1) Qu’est-ce que l’addiction ?
a) En général :
Selon cette définition, la personne souffrant d’une addiction serait donc « esclave »
de l’objet dont elle dépend. Elle ne serait pas ou plus apte à contrôler ses actes et en subirait
les conséquences sans pouvoir s’en protéger. De plus, la personne victime de cette addiction
supporterait les effets de cette dépendance sans être capable d’arrêter l’usage de ce qui la
fait souffrir. L’individu se rend parfois compte de ce qui lui nuit mais n’a pas la capacité de
s’en défendre. L’addiction serait donc, par définition, subie et nullement choisie. Ceux qui en
souffrent ont donc besoin d’une aide externe pour s’en sortir.
Pour ce faire, des centres d’addictologie ont ouvert leurs portes au fil du temps.
Généralement, ils sont spécialistes de certaines addictions spécifiques. En effet, il existe
différentes dépendances. Il existe principalement deux sortes d’addictions. Celle relative à
des substances comme l’alcool, la drogue, le tabac ou les médicaments. Mais, il existe aussi
de nouvelles dépendances qui sont en relation à des comportements. Ainsi, certaines
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personnes souffrent d’addiction aux jeux d’argent (casino, loterie, tiercé, paris de toutes
sortes), à Internet, aux jeux vidéo, au travail, au sport, aux achats compulsifs, à leur
téléphone, etc… Certaines de ces addictions sont apparues dans les dernières décennies
(comme celle à Internet ou aux jeux vidéo), au fil des inventions des nouvelles technologies.
D’autres addictions datent de la nuit des temps (comme l’alcoolisme).
1
http://www.drogues.gouv.fr/comprendre/l-essentiel-sur-les-addictions/qu-est-ce-qu-une-addiction
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Addiction
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b) Dans les jeux vidéo :
Maintenant que nous avons donné une définition générale des addictions et de
l’addictologie (étude des addictions), je parlerai, dans ce paragraphe, plus particulièrement
la dépendance aux jeux vidéo que nous pouvons définir ainsi : « Le jeu est source de plaisir
et de récompense. Les premiers plaisirs sont d’ordre archaïque, dans le sens où ils
concernent des sensations simples comme l’attente, l’inquiétude et la déception induite par
le jeu. A ceux-là s’ajoutent d’autres euphories comme la joie de vaincre un adversaire, de
gagner une récompense, l’échange d’émotions, la construction d’une alliance ou d’une
stratégie avec autrui. Les adolescents jouent pour le délice de perdre la notion du temps, se
relaxer, échapper aux contraintes du quotidien. Le circuit cérébral du plaisir et de la
récompense est activé par une explosion de dopamine, l’hormone chef d’orchestre
neurobiologique. Or, l’addiction s’installe à cause d’un dérèglement du système de plaisir et
de récompense. Le cerveau demande un surplus de dopamine, censée réguler le contrôle de
la raison, du plaisir, de la motivation et des émotions, et qui n’est plus distribuée à bon
escient. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 77).
A l’aide des diverses sources, nous pouvons affirmer que ce sont principalement les jeux
de rôle en ligne (MMORPG : massively multiplayer online role-playing game) qui causent
l’addiction des joueurs abusifs. Il faut savoir que ces jeux en ligne se poursuivent lors de la
déconnexion des joueurs. Pendant leur absence le jeu évolue. C’est une forme de jeu où se
créent des rapports sociaux forts. Des alliances stratégiques sont formées. Les joueurs
développent un esprit d’équipe qui nécessite une présence accrue pour le bien de l’équipe.
Partant du fait que c’est l’usage qui est à modifier, je mettrai à jour les répercussions
multiples de cet abus pour le joueur et pour son entourage. Je vais d’abord m’interroger sur
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leur importance au niveau familial mais aussi savoir quel impact subit la vie sociale d’un
joueur abusif ?
Souvent les parents réalisent l’ampleur de l’abus quand ils constatent que « Le sujet
ne fait plus d’efforts pour voir ses anciens amis ou sa famille. » (Karila & Benhaiem, 2013, p.
80). Alors, la personne est généralement déjà installée dans sa dépendance. Fréquemment,
elle vit en reclus, au sein de sa chambre et coupée du reste de son entourage. Elle semble
détachée de sa famille et de ce qui était son quotidien d’avant sa dépendance.
« Ses parents répondent par une anxiété de plus en plus vive. » (Karila & Benhaiem,
2013, p. 63), à cet état d’anxiété peut résulter un « jeu » de surveillance de la part des
parents. Ils cherchent à savoir ce que fait leur enfant, s’il joue abusivement ou s’il arrive à
équilibrer ses occupations.
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dans un déni, mais aussi dans des mensonges et des détournements pour pouvoir assouvir
son besoin. Il contourne l’impossibilité de jouer avec l’accord parental.
b) Le travail ou l’école :
Mais le travail scolaire (ou l’activité professionnelle) subit également des
répercussions de cet usage abusif. Effectivement, il est fréquent que la situation de
dépendance virtuelle débouche sur des difficultés scolaires. Très souvent l’élève « accro »
décroche. C’est d’ailleurs ce qui a été relevé par Karila : « Le piège se referme doucement sur
David qui se désintéresse petit à petit de l’école, travaille moins, voit ses résultats scolaires
décliner… Il est pris de passion pour le phénomène MMORPG. Depuis, il veille tard le soir.
Etourdi de fatigue par ses nuits passées devant l’écran, il ne parvient plus à se lever le matin
pour aller en classe. Il est en retard une fois sur deux, sèche les cours, utilise des copies
scannées des signatures des parents pour justifier les heures non honorées. » (Karila &
Benhaiem, 2013, p. 65). Nous constatons que c’est « petit à petit » que David sombre dans la
dépendance. Cet extrait démontre que ce processus n’est pas une chute subite mais un long
processus d’échecs, de retards, d’absences.
Le cycle du sommeil est totalement perturbé afin que le joueur puisse rester en
phase, connecté avec les autres joueurs en ligne, qui se trouvent parfois à l’autre bout du
monde. S’installe alors un cercle vicieux de fatigue causée par un manque de sommeil qui
débouche sur une incapacité à aller en cours le matin venu. L’élève ne vient plus en classe et
cumule les erreurs en falsifiant la signature de ses parents. Il s’enfonce dans son mensonge
en camouflant à ses parents ses nombreuses absences répétées : « Le cyberdépendant
recourt souvent au mensonge afin de cacher aux yeux des autres l’ampleur de sa
consommation. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 79). Ces absences seront forcément
dévoilées, ses mensonges forcément découverts mais la dépendance est telle que la
personne n’arrive pas modifier son comportement.
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Il arrive aussi à certains adultes (plus ou moins jeunes) de jouer aux jeux vidéo au
travail. Ils délaissent alors les tâches qui leur sont données et jouent sans avoir conscience
du temps passé. Ils risquent de perdre leur poste de travail mais, ils semblent l’avoir
oublié. Conscientes de ce phénomène, certaines directions d’entreprises surveillent
(électroniquement) les activités des employés, voir sur quel site internet ils naviguent, à quoi
ils occupent leur temps de travail.
c) L’équilibre personnel :
En fait, la personne subit des répercussions sur tous les aspects de sa vie. Son intimité
est également touchée. Karila, concernant David, affirme que ce dernier « commence à
négliger son hygiène corporelle, mange ce qu’il trouve dans les placards ou dans le frigo […]
Il boit uniquement du soda rouge et blanc non, light, pour « tenir le coup ». Il s’enferme des
week-ends entiers dans sa chambre. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 62). Le temps nécessaire
à sa toilette est donné aux jeux vidéo. La personne ne se lave presque plus ou très rarement,
lorsque cela est absolument indispensable (odeurs ou rencontres sociales). Le joueur abusif
ne mange presque plus à table et n’accorde pas le temps au repas familial comme
auparavant. Il se nourrit de restes, les mange précipitamment, sans réel appétit, uniquement
par besoin nutritif. Pour « tenir le coup », il ne boit plus que des boissons sucrées qui lui
permettront de rester éveillé.
C’est aussi ce qu’affirme l’étude de Karila : « Aion devient son monde. Il ne mange
plus à sa faim, ne se lave plus, ne vit plus que pour ce jeu où il faut être connecté vingt-
quatre heures sur vingt-quatre pour faire partie des meilleurs. » (Karila & Benhaiem, 2013, p.
65). Les joueurs de MMORPG n’arrivent pas à de déconnecter. S’ils le font le jeu continue
d’évoluer sans eux, ils « ratent » partiellement le défilé du jeu. Leur guilde pâtit de leur
absence. Ils sont moins performants que leurs adversaires. Le maximum de leur temps est
consacré aux jeux et tout ce qui n’en fait pas partie est considéré comme secondaire
(comme manger, dormir, se laver, etc…).
L’un des critères d’addiction retenu est que la dépendance est confirmée lorsque le
sujet, au-delà des heures passées à jouer, reste connecté par la pensée à son activité
virtuelle, qu’il ne peut pas s’empêcher de revivre virtuellement d’anciennes parties ou de
mettre en place de stratégies futures afin d’augmenter ses capacités. Ainsi, David : « Il
regarde de longues heures les chaînes spécialisées sur le câble pour se tenir informé des
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dernières nouveautés […] pour trouver les trucs et astuces qui lui permettront d’avancer plus
vite. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 64). En restant informé l’usager espère pouvoir prendre
un avantage sur ses concurrents. Il recherche la nouveauté qui lui offrira la performance.
Mais, ces nouveautés coûtent chères et c’est encore une difficulté supplémentaire pour le
joueur abusif. Il doit avoir un budget pour ces achats superflus. Mon entretien démontre ce
problème d’argent ; certains joueurs s’endettent : « Tout ce qui est « free to play » donne
l’illusion que c’est gratuit au début puis ensuite va nous faire payer pour des choses dont on
n’est pas sûr du résultat. » (entretien avec Mr Weber, 2017). Le dépendant, a peu de temps
pour travailler et sera donc financièrement un poids pour sa famille, pour s’offrir ses
nouveaux produits, dès leur commercialisation, quel que soit leur prix.
S’il ne peut pas jouer suffisamment, il sera « En cas de manque, le joueur est irritable,
agité, soumis à une sensation de tension, à des maux de tête, à de la tristesse et de
l’anxiété. Il est parfois sujet à la frustration ou à la honte. […] il joue tous les jours […] le
joueur délaisse ses activités […] jusqu’à les abandonner […] s’ajoute une baisse des résultats
scolaires, de l’absentéisme, des difficultés à se concentrer, à maintenir son attention, des
troubles du comportement » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 79). De nombreux joueurs sont en
état dépressif mais, ils l’ignorent. Cette dépression est la cause de leur mal-être et de leurs
abus de jeux vidéo ; mais non pas sa conséquence. Certains cas extrêmes d’usage abusif
d’internet mènent à l’épuisement, au suicide ou à la promotion de sites internet dangereux
(par exemple : promotion d’images de jeunes filles anorexiques).
Tous ces comportements à risque, le joueur abusif n’en a pas forcément conscience.
Pourtant, il est prêt à les prendre afin d’assouvir son besoin de jouer, ne pas être exclu de la
guilde et du monde virtuel : « Erigé au rang de passion exclusive, le jeu marginalise le
joueur. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 80). Mais, cependant, il s’exclu volontairement du
monde réel.
3) Points positifs :
L’abus de jeux vidéo est manifestement nocif. Toutefois, l’usage modéré du monde
virtuel peut « permettre d’exprimer des pulsions agressives ou encore de construire une
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meilleure image de soi à travers des performances » (Minotte, 2011, p. 33). Pouvoir
expérimenter virtuellement, sans conséquences sur soi ou autrui des ressentis violents peut
permettre de vivre sans les interdits. En effet, il y a des règles sociales à respecter ; mais
grâce aux jeux vidéo on peut vivre les interdits de la société (vol, braquage, hold-up), sans
aucune conséquence pénale.
« Les jeux vidéo permettent ainsi de remettre en circulation des émotions et des pensées
qui étaient jusqu’alors maintenues à l’écart du fonctionnement général de la psyché. »
(Leroux, 2012, p.71). Des ressentis refoulés et bannis par la société, peuvent être vécus par
les joueurs, en toute légalité. « Les jeux vidéo permettent également de satisfaire des
besoins psychologiques individuels. […] jouer avec les peurs et les angoisses que chaque être
humain peut rencontrer dans son développement […] en toute sécurité […] c’est finalement
explorer son propre monde psychique. » (Leroux, 2012, p. 45). Le joueur peut alors
expérimenter ce qu’ont vécu les générations antérieures (par exemple : combattants de la
dernière guerre mondiale) ou vivre une fiction physiquement inatteignable (comme
découvrir une autre planète). Là encore, pour le joueur, il n’y a pas de risque d’être blessé ou
tué.
Grâce aux jeux vidéo, le joueur peut satisfaire des besoins sociaux nécessaires : « Le
joueur se sent vis-à-vis de lui comme un parent vis-à-vis de son enfant. Il est responsable de
sa sécurité, et lui assure les soins nécessaires. » (Leroux, 2012, p. 45). De plus, le monde
virtuel se poursuit aussi dans la réalité. Il y a des amitiés nées sur des groupes de jeux qui
continuent dans la vraie vie. De même, beaucoup de joueurs jouent avec des personnes
qu’elles connaissaient avant de jouer (à l’école, au travail, etc…). C’est donc un
prolongement de relations sociales qui ne se limitent pas uniquement à l’activité de jeu
électronique.
De plus, selon les études, il a été relevé que les jeux vidéo développent les compétences
sensori-motrices, grâce à la répétition des gestes à effectuer pour jouer. Le joueur, pour être
efficace, doit coordonner ses gestes avec rapidité tout en ayant peu de temps de réflexion.
Ainsi, Leroux a observé que « les joueurs de jeux vidéo avaient une meilleure représentation
de l’espace et une meilleure coordination oculomotrice que les non-joueurs » (Leroux, 2012,
p. 14).
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Pour ce qui est de l’activité professionnelle, il peut aussi y avoir des points positifs dans la
pratique des jeux vidéo : « la gamification dans une entreprise peut permettre aux employés
de mieux se connaître et de mieux partager l’information nécessaire à leur travail. » (Leroux,
2012, p. 31). De nombreux professionnels se forment actuellement sur des simulateurs très
proches des jeux vidéo (pilotes de ligne, chirurgiens, etc…). Cet outil permet de s’entraîner
sans risque pour le public. Si un atterrissage d’entrainement est raté ou si le patient virtuel
décède, il suffit de recommencer la séance et de parfaire les gestes professionnels. C’est un
gain de temps pour les formations mais aussi un gain financier pour la communauté.
4) Guérir et prévenir :
C’est d’ailleurs ce qu’ont essayé de faire les parents de David, sujet d’étude de Karila :
«Ses parents lui ont aménagé un endroit dans le salon pour qu’il puisse y travailler sans être
tenté par l’ordinateur. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 65). Ils ont ainsi pu surveiller de plus
près leur fils, mais aussi lui offrir la possibilité de sortir de l’isolement physique de sa
chambre.
Pour guérir les joueurs abusifs, il faut essayer de les rendre conscients de leur
dépendance. C’est la première étape, car beaucoup d’entre eux nient cet état. Afin de les
aider, il existe des tests d’évaluation (ou d’auto-évaluation) qui notifient le niveau de
dépendance. Mais, il faut une aide externe à la cellule familiale, un soutien psychiatrique :
« L’entourage doit le soutenir et non le culpabiliser, ne rien diaboliser, ni banaliser. […] Une
prise en charge personnelle du joueur s’organise et le système scolaire doit y être intégré. »
(Karila & Benhaiem, 2013, p. 89).
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C’est aussi ce que m’a confirmé Monsieur Weber : « La plupart du temps ça n’est pas les
joueurs eux-mêmes qui appellent mais plutôt l’entourage, la famille ou les conjoints. Donc
généralement les joueurs qui viennent ici pensent que pour eux tout va bien. » (entretien
avec Mr Weber, 2017). Le joueur se sent soutenu sans être jugé ou critiqué. Afin
d’augmenter la prise de conscience, il est conseillé aux parents de communiquer avec leur
enfant, « de le sensibiliser aux frontières entre le normal et le pathologique des
comportements de consommation. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 85).
« Les parents se doivent d’accompagner leur enfant. Ils ont une triple mission :
Prévenir, Informer et Protéger. » (Karila & Benhaiem, 2013, p. 85). Afin d’aider les parents à
protéger leur enfant, il existe le système PEGI (Pan European Game Information). Il s’agit
d’une classification qui indique l’âge minimal requis pour utiliser ce jeu mais aussi le niveau
de violence et le thème du jeu vidéo vendu. Ainsi, les parents sont plus informés sur le
contenu du jeu, avant même l’achat.
5) Interview :
Je me suis rendue dans un centre du nom de « Carrefour addictionS » se trouvant à
Malagnou dans le but d’interviewer une personne qui serait apte à répondre à mes
questions sur l’addiction aux jeux vidéo. J’y ai rencontré Niels Weber, chargé de projet, qui
s’occupe de la section spécialisée en jeux vidéo et en jeux d’argent qui a gentiment accepté
un entretien avec moi. Voici notre interview (pour information, j’utiliserai ici la lettre « I »
désignant l’interviewé et « E » me désignant (étudiant) :
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I : Carrefour addictionS c’est un regroupement de plusieurs associations qui ont des mandats
cantonaux pour faire de la prévention. Au sein de Carrefour addictionS il y a : le « CIPRET »
qui s’occupe du tabac, la « FEGPA » qui s’occupe de l’alcool et « RNVP » (rien ne va plus) qui
s’occupe des jeux d’argent et des jeux vidéo.
E : Selon vous quels critères font de nous un addict aux jeux vidéo ?
I : C’est une question qui est vaste et compliquée dans le sens où actuellement il n’y a pas
officiellement de diagnostic médical reconnu comme « addiction aux jeux vidéo » donc c’est
difficile de dire si quelqu’un est addict. Par contre nous considérons qu’à partir d’un certain
moment le jeu devient problématique, où on parle de « situations excessives ». On considère
aussi que c’est à partir du moment où la pratique du jeu a des conséquences négatives, ça
peut être simplement des tensions au sein de la famille, un retrait scolaire ou professionnel.
Dès le moment où il y a une souffrance autour du joueur ou chez le joueur lui-même on peut
dire que c’est une situation excessive.
I : Ici on ne fait pas de suivi, on fait de la prévention. On est à disposition pour aider les
personnes qui sont en début d’une prise de conscience pour leur donner quelques pistes,
quelques conseils, ensuite on va les rediriger vers des centres d’addictologie, de thérapie, de
désendettement. Ici les gens viennent anonymement et généralement on ne les voit plus
après la première rencontre. La plupart du temps ça n’est pas les joueurs eux-mêmes qui
appellent mais plutôt l’entourage, la famille ou les conjoints. Donc généralement les joueurs
qui viennent ici pensent que pour eux tout va bien.
E : L’addiction aux jeux vidéo est-elle considérée comme étant moins « grave » que les
autres addictions ?
I : Sur un point de vue physiologique on pourrait dire que c’est moins « grave » qu’une
addiction liée à une substance que ça soit le tabac, l’alcool, les stupéfiants, etc où il y a
vraiment un effet néfaste sur le corps. Dans l’addiction aux jeux vidéo il n’y en a pas ou
indirectement, effectivement si on reste assis trop longtemps et qu’on ne fait pas de sport
on peut prendre du poids et du coup être en mauvaise santé. Donc oui on peut dire que
quelque part c’est moins « grave » mais on nage dans une eau trouble parce que si on
considère qu’il n’y a qu’environ 1% de la population suisse qui peut avoir des problèmes de
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jeux, sur ce pourcent il y a seulement 1% qui vient en consultation donc il y a probablement
un tas de gens qui ont des problèmes de jeux mais qui ne s’en rendent pas compte ou qui
ont pas encore eu accès aux centres de soins ou de suivi.
E : Quelles sont les mesures de prévention contre l’addiction mise en place dans votre
association ?
E : Existe-il des connexions entre les jeux d’argent et les jeux vidéo comme les « pay to
win » ?
I : C’est un sujet qui est naissant dans le sens où jusqu’à maintenant on a toujours considéré
que d’un côté on avait les jeux d’argent et de l’autre les jeux vidéo, que ça n’était pas les
mêmes populations qui y jouaient et que ça n’était pas les mêmes problèmes et qu’on ne les
réglait pas de la même manière. Ce qu’on observe aujourd’hui c’est que d’un côté on a
l’industrie des jeux d’argent qui est en train de « se casser la figure » parce que les gens sont
moins intéressés par la pratique des jeux d’argent. On le constate par exemple dans les
bilans de l’industrie suisse des jeux d’argent. A côté de ça on a l’industrie du jeu vidéo qui
explose complètement. En 2016, elle a rapporté 91 milliards de dollars à travers le monde,
donc c’est juste colossal. On voit que ces deux industries commencent un peu à jouer l’une
avec l’autre dans le sens où l’industrie du jeu d’argent aimerait bien récupérer des joueurs.
Donc elle va essayer de s’inspirer du jeu vidéo pour créer de nouveaux jeux d’argent par
exemple en développant des casinos en ligne qui visuellement se rapprochent de certains
jeux vidéo ou on va retrouver quelques mascottes de jeux qu’on connaît. Puis, parallèlement
il y a l’industrie du jeu vidéo qui s’intéresse au modèle économique du jeu d’argent
notamment avec tout ce qui est « pay to win » où quelques fois on est à la limite du jeu de
hasard. Tout ce qui est « free to play » (synonyme de pay to win) donne l’illusion que c’est
gratuit au début puis ensuite va nous faire payer pour des choses dont on n’est pas sûr du
résultat. Si vous connaissez des jeux comme Earthstone qui sont gratuits mais qui vont vous
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demander de l’argent pour débloquer certaines cartes aléatoirement dans un paquet de
cartes, là on est déjà très proche du fonctionnement d’une machine à sous où on met
l’argent. On tire la manette et on ne sait pas si on va gagner ou pas. Donc, oui il peut y avoir
un lien avec le désendettement aussi parce qu’on observe les mêmes mécanismes entre les
jeux de hasard et certains jeux vidéo. D’ailleurs on peut même pousser la comparaison plus
loin puisque dans les casinos on va parler de « baleines » qui sont les gros joueurs, c’est-à-
dire des personnes qui vont venir régulièrement, jouer des grosses sommes. Ces joueurs là
les casinos ont tout intérêt à les soigner, donc ils les appellent par leurs noms, ils leur
apportent à manger. On va peut-être leur offrir des tickets de concerts parce qu’ils ont
beaucoup joué. On a envie que ces « baleines » restent pour qu’ils dépensent plus d’argent.
Ce qu’on observe avec les « free to play » dans le jeu vidéo, c’est ce même principe de
« baleines » qui vont dépenser énormément d‘argent, suffisamment pour que tous les
autres joueurs n’aient pas besoin de payer. On sait par exemple que de manière générale
dans ce type de jeux c’est seulement 1 à 2% des joueurs qui payent pour jouer, donc ça n’est
vraiment pas beaucoup. Mais par contre, des jeux comme Earthstone rapportent des
millions et des millions parce qu’il y a des gens qui sont prêts à mettre beaucoup d’argent.
Donc on constate, à nouveau des parallèles entre le jeux vidéo et les jeux d’argent.
I : De manière générale, ce qu’on observe aujourd’hui c’est que, dans les familles, c’est assez
rare que l’on parle de jeux vidéo. On va en parler soit quand il y a des problèmes de violence
ou d’absentéisme à l’école ou encore de potentielle addiction. Ce qui fait que souvent les
jeunes joueurs ne peuvent pas en parler avec leurs parents parce que ces derniers ne
comprennent pas ou ne sont pas intéressés. Ce qui fait que les seuls moments où l’on va
évoquer les jeux vidéo sont les moments de disputes, le moment où il faut passer à table ou
de faire ses devoirs ou encore lorsqu’il est l’heure d’aller se coucher. Ce qui crée un tabou
dans le sens où on va en parler uniquement lorsque c’est un problème. Pour prévenir l’usage
abusif on a tout intérêt à ouvrir la discussion là-dessus parce que plus on arrive à habituer
les jeunes à parler de ce qu’ils vivent quand ils jouent et des émotions que ça leur procure,
plus on repousse les risques d’excès de jeu. Car finalement lorsqu’on parle de nos propres
pratiques on est en train de prendre du recul et on est donc plus apte à identifier le moment
où on est dans l’usage abusif. De manière préventive, plus on arrive à aller dans les écoles,
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parler de smartphones, d’écrans, de tout ce qui concerne de près ou de loin les jeux vidéo,
plus on arrivera à repousser ces risques-là.
Conclusion :
Pour conclure ce travail, je m’appuie sur la citation de Minotte : « La posture qui
consiste à idéaliser un passé merveilleux et fustiger un futur catastrophique a peu d’intérêt
[…] car finalement ce qui est à craindre, ce n’est pas tant la technophobie que la
« jeunophobie » » (Minotte, 2011, p. 13). En effet, au fil de mes lectures, je me suis aperçue
qu’il est regrettable que les études menées sur le sujet de l’addiction aux jeux vidéo le
soient, généralement, par des personnes qui ne jouent pas aux jeux vidéo ou très peu. Elles
en savent donc très peu sur le sujet dont elles débattent.
J’ai aimé l’approche des chercheurs dont j’ai lu les ouvrages. Ils montrent que
beaucoup d’écrits sont plus proches du conflit de générations que de données scientifiques
vérifiables. Au contraire, les docteurs Karila, Leroux et Minotte soutiennent un tout autre
point de vue auquel j’adhère. Ils sont chercheurs mais aussi joueurs. Ils ont expérimenté
l’objet de leurs études et sont plus capables de donner des conseils, afin de lutter contre ce
fléau de la dépendance aux jeux vidéo. Loin des idées reçues ou des lieux communs, répétés
par des personnes mal informées, ils peuvent nuancer le discours mené à l’encontre du
monde virtuel.
Cependant, il est vrai qu’il ne faut pas atténuer l’importance de cette addiction
nouvelle. Elle perturbe beaucoup de jeunes gens dans leur scolarité et leur vie personnelle.
« L’aspect chronophage de l’activité place le sujet dans l’impossibilité de remplir ses
obligations […] il faut que celui-ci ait des conséquences négatives sur la vie de la personne
concernée. » (Minotte, 2011, p. 26). Effectivement, la personne victime de ce mal est alors
dans l’incapacité de remplir ses obligations au quotidien et devient une charge pour sa
famille et la société.
Mais, pour être plus efficace, il serait bien que les professionnels (psychiatres,
psychologues, psychothérapeutes, etc…) qui suivent les usagers abusifs soient proches de
ces technologies virtuelles, qu’ils les aient expérimentées afin de pouvoir mettre ces
connaissances au service de leurs patients.
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4458 mots (interview non inclue)
Bibliographie :
Karila, L. & Benhaiem, A. (2013). Accro ! Sexe, internet, shopping, réseaux sociaux, travail…
Toutes les clés pour se sortir des nouvelles addictions. Paris : Flammarion.
Leroux, Y. (2012). Les jeux vidéo, ça rend pas idiot ! FYP éditions.
Webographie :
CIM:https://fr.wikipedia.org/wiki/
CIM10_Chapitre_05_:_Troubles_mentaux_et_du_comportement#.28F10F19.29_Troubles_
mentaux_et_du_comportement_li.C3.A9s_.C3.A0_l.27utilisation_de_substances_psycho-
actives , consulté le 15 novembre 2016
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Dépendance : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9pendance_au_jeu_vid%C3%A9o
consulté le 30 novembre 2016
Remerciements :
Je tiens, tout d’abord à remercier mon maître accompagnant, Monsieur Hari, pour ses
conseils et sa bienveillance.
Je remercie aussi les auteurs des livres : le Docteur Karila et la journaliste Benhaiem, le
Docteur Leroux et le Docteur Minotte. Ils ne le savent pas, mais leurs ouvrages ont été pour
moi, mes références de travail et l’apport théorique majeur de mon travail. J’espère que
d’autres élèves profiteront, une prochaine fois, de leurs recherches.
Enfin, je remercie mon entourage : ma sœur et mes amies. Grâce aux diverses conversations
que nous avons eues concernant l’addiction aux jeux vidéo, elles m’ont permis d’avoir de
nouvelles pistes d’analyse et de réflexion relatives à mon sujet d’étude.
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