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HUITIEME DIMANCHE du temps ordinaire 27 février 2000

Homélie pour le 8ème dimanche du temps ordinaire

Commentaires bibliques des Lectures du 27 février Marie-Noëlle


Thabut ------------------------------------------ HUITIEME DIMANCHE DU TEMPS
ORDINAIRE – B PREMIERE LECTURE - Osée 2, 16... 22
------------------------------------------------------------ Parole du Seigneur.

16 Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l'entraîner jusqu'au désert, et


je lui parlerai cœur à cœur.
17 Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est
sortie du pays d'Egypte.
21 Tu seras ma fiancée, et ce sera pour toujours.
Tu seras ma fiancée, et je t'apporterai la justice et le droit, l'amour et la
tendresse ; 22 Tu seras ma fiancée, et je t'apporterai la fidélité, et tu connaîtras le
Seigneur.
------------------------------------------------------------ Le prophète Osée a prêché dans
le royaume du Nord, vers 750 - 720 av.J.C. (Il est donc presque contemporain du
premier Isaïe qui vit, lui, à Jérusalem). Fait inhabituel chez les prophètes, sa vie
privée tient une grande place dans ses prédications ; car au fil des pages on
devine bien qu'Osée a été très malheureux en ménage ; mais il a su trouver dans
cette expérience douloureuse des mots pour parler de Dieu...
Mais commençons par l'histoire du prophète. Il a épousé une certaine Gomer,
une prostituée dans un temple de Baal le culte de Baal, dieu de la fécondité, était
encore très vivace à l'époque et l'un des rites était l'union sexuelle avec une femme
attachée au temple. C'est ce qu'on appelait la "prostitution sacrée" l'homme jouant
alors le rôle de la divinité fécondant la terre.
Gomer lui a donné trois enfants mais elle n'a pas pour autant abandonné ses
pratiques, ce qui veut dire qu'Osée a toujours su être un mari trompé. Il a connu le
chagrin et la colère, il lui est même arrivé de la menacer de l'abandonner mais il
était très amoureux et a toujours voulu croire que sa femme lui reviendrait.
Jusqu'ici, nous sommes au niveau de l'expérience concrète de l'homme-Osée.
Mais la grande découverte du prophète-Osée, à travers toutes les péripéties de
son mariage, c'est que son existence tout entière est prophétique son malheur
conjugal lui est apparu comme la transposition des relations entre Dieu et son
peuple.
L'Alliance conclue au Sinaï était un engagement réciproque "Si vous entendez
ma voix et gardez mon Alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les
peuples." avait dit Dieu (Ex 19, 5). A la protection indéfectible de Dieu devait
répondre la fidélité du peuple aux commandements "Tout ce que Dieu a dit, nous
le ferons." a-t-on promis au pied du Sinaï (Ex 24). Or le premier des
commandements était "Tu n'auras pas d'autres dieux que moi" (Ex 20, 3).
Mais la tentation de l'idolâtrie était sans cesse renaissante dès la période du
désert, on l'a bien vu avec l'épisode du veau d'or (Ex 32). Les quarante années de
l'Exode dans le désert n'ont pas été de trop pour habituer le peuple à tout attendre
de son Dieu et de personne d'autre "Tu reconnais à la réflexion que le Seigneur
ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils." (Dt 8, 5).
Une fois le peuple installé en Canaan, la tentation a resurgi au contact des
Cananéens qui adoraient les Baals, révérés comme les maîtres de la vie, de
l'amour, de la nature, de la fertilité fêtes joyeuses, ivresse, prostitution sacrée
allaient bon train. La fidélité au Dieu unique paraissait alors bien austère ; et puis,
lorsqu'il s'agit d'obtenir la pluie pour la terre, ou la fécondité des troupeaux, la
tentation est de penser qu'après tout, deux sûretés valent mieux qu'une ; quel mal
fait-on à prier d'un côté le Dieu de l'Alliance, et de l'autre les Baals ? Si cela ne fait
pas de bien, cela ne fait pas de mal. à de multiples reprises, les fils d'Israël sont
retombés dans l'idolâtrie individuellement ou collectivement. La trouvaille d'Osée,
car c'est véritablement une nouveauté, c'est d'avoir comparé l'Alliance à un
mariage, et mieux encore à son propre mariage. Un pas est donc franchi pour la
première fois avec Osée dans la conception de l'Alliance celle-ci n'est plus
seulement un contrat, fait d'engagement et de fidélité mutuelle, comme tout
contrat ; elle devient un véritable lien d'amour ; mais un lien d'amour
continuellement blessé par l'épouse infidèle, à savoir Israël. Car, dans le cadre de
cette Alliance vécue comme une véritable union matrimoniale, cette idolâtrie prend
les proportions d'un adultère.
Osée n'a donc qu'à puiser dans sa propre expérience pour trouver les mots qui
mettent Israël en face de ses responsabilités, et il emploie pour parler du peuple
les mots mêmes qui s'appliquent à sa propre femme. Par exemple "le pays ne fait
que se prostituer en se détournant du Seigneur." (1, 2).
Mais comme Osée ne s'est pas lassé de Gomer, Dieu ne se lasse pas de son
peuple. Il menace parfois "Je ne continuerai pas à manifester de l'amour à la
maison d'Israël, je le lui retirerai tout entier." Mais c'est dans l'espoir de la faire
réfléchir "Elle n'a pas compris que c'est moi (Dieu) qui lui donnais blé, vin
nouveau, huile fraîche ; je lui prodiguais l'argent et l'or, mais ils l'ont employé pour
Baal." (2, 10).
L'un des plus beaux passages du livre est celui que nous lisons aujourd'hui
pour inviter l'infidèle à la conversion, au refus des idoles, le prophète (au nom de
Dieu, bien sûr), parle de retrouvailles, de retour à l'élan du début, celui des
fiançailles. "Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l'entraîner jusqu'au
désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Là, elle me répondra comme au temps de sa
jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d'Egypte." Puis vient la promesse
répétée trois fois (pas étonnant si c'est Dieu qui parle !) "Tu seras ma fiancée".
Pour une demande en mariage, c'est une demande en mariage ! Et, comme dans
le droit de l'époque, le fiancé promettait une dot, il en promet une formidable " je
t'apporterai la justice et le droit, l'amour et la tendresse... je t'apporterai la fidélité",
toutes choses qui ne peuvent être que données par Dieu, étant donné l'incapacité
notoire de la fiancée en question. Le texte dit mieux encore l'initiative de Dieu, car
en hébreu, la formule littérale, ce n'est pas "Tu seras ma fiancée", mais "Je te
fiancerai à moi" "Je te fiancerai à moi, et ce sera pour toujours. Je te fiancerai à
moi et je t'apporterai la justice et le droit, l'amour et la tendresse ; Je te fiancerai à
moi et je t'apporterai la fidélité." "Et tu connaîtras le Seigneur." le mot "connaître" ici
a deux sens celui de l'union conjugale et celui de la reconnaissance. L'humanité a
encore bien du chemin à faire sur ces deux plans et reconnaître son Dieu et,
mieux encore, oser croire qu'il l'aime d'amour.
------------------------------------------------------------ Compléments Pourquoi la
prostitution sacrée est-elle si violemment réprouvée ? Il y a au moins deux raisons
d'une part, en Israël, l'acte sexuel n'est concevable que dans le cadre du mariage ;
d'autre part, l'homme s'arroge un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu en prétendant
imiter l'œuvre créatrice de Dieu.
"Je conclurai pour eux en ce jour-là une alliance avec les bêtes des champs,
les oiseaux du ciel, les reptiles du sol ; l'arc, l'épée et la guerre, je les briserai, il n'y
en aura plus dans le pays, et je permettrai aux habitants de dormir en sécurité."
(Os 2, 20). // Is 11, 6 - 9 = Is 65, 25 ; Mc 1, 13 ; Jb 5, 23 ; Ez 34, 25).
------------------------------------------------------------ HUITIEME DIMANCHE DU
TEMPS ORDINAIRE – B PSAUME 102 ( 103 )
------------------------------------------------------------

1 Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! 2
Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! 3 Car il pardonne
toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; 4 il réclame ta vie à ta tombe et te
couronne d'amour et de tendresse.
8 Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour ; 10 il ne
n'agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
12 Aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés ; 13
comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le
craint !
------------------------------------------------------------
Le prophète Osée avait vécu dans sa chair l'épreuve de l'amour bafoué, nous
l'avons entendu dans la première lecture de ce dimanche ; mais il avait su
dépasser l'amertume pour proposer quand même la reprise de la vie commune à
sa femme infidèle. Et son expérience douloureuse lui était apparue comme une
image de l'Alliance entre Dieu et son peuple Israël un peuple comblé et pourtant
toujours tenté de nouveau par l'idolâtrie ; comme si les statues de bois pouvaient
quelque chose pour lui. Osée parle donc de l'amour du Dieu-Epoux. Un amour qui
va jusqu'au pardon, jusqu'à l'oubli, même, puisque ce mari trompé peut aller
jusqu'à proposer à l'infidèle qui n'a plus rien d'une vierge, de véritables fiançailles.
"Je te fiancerai à moi, et ce sera pour toujours. Je te fiancerai à moi et je
t'apporterai la justice et le droit, l'amour et la tendresse ; Je te fiancerai à moi et je
t'apporterai la fidélité." Aucun psaume ne va jusque-là, mais celui que nous
chantons ce dimanche a pour thème le pardon inlassable de Dieu "il pardonne
toutes tes offenses... Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein
d'amour... il n'agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos
offenses. Aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés." Il
n'est pas question de fiançailles, ici, ni d'amour conjugal, mais d'amour paternel
nous avons entendu la fameuse phrase "Comme la tendresse du père pour ses
fils, (ainsi est) la tendresse du Seigneur pour (celui) qui le craint !" Et l'on sait que
l'amour paternel peut aller très loin parfois ! Et le psalmiste a su trouver des mots
très doux pour dire toute l'indulgence de ce père mieux que tous les autres. Voici
le verset 14 que nous n'avons pas entendu aujourd'hui "Le Seigneur sait de quoi
nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière." Autrement dit, le
Dieu qui nous a façonnés lui-même avec la poussière du sol ne peut évidemment
pas nous en vouloir de la modestie de notre origine ! Et le psalmiste continue sa
méditation sur la petitesse de l'homme "L'homme ! Ses jours sont comme l'herbe ;
comme la fleur des champs, il fleurit ; dès que souffle le vent il n'est plus, même la
place où il était l'ignore." On ne peut pas dire mieux en si peu de mots le drame de
notre fragilité à peine avons-nous fermé les yeux, la place que nous occupions
nous a déjà oubliés. Le livre de Job y revient à plusieurs reprises "Rappelle-toi, tu
m'as façonné comme une argile, et c'est à la poussière que tu me ramènes." (Jb
10, 9) ; "Une nuée se dissipe et s'en va ; voilà celui qui descend au séjour des
morts pour n'en plus remonter ! Il ne fera plus retour en sa maison, elle n'aura plus
à le reconnaître." (Jb 7, 9 - 10).
Mais ni les psalmistes ni l'auteur du livre de Job ne prennent plaisir à nous
démoraliser par la contemplation de nos limites ! Car c'est cette petite créature de
rien du tout qui est l'objet de l'amour immense du Dieu tout-puissant ; elle est là
notre grandeur l'infiniment grand nous aime infiniment, quelles que soient nos
faiblesses, nos laideurs et nos ingratitudes. En retour, le peuple, conscient de
ses faiblesses toujours renouvelées ne peut que rendre grâce ; et il y a un souffle
formidable dans les deux strophes qui encadrent tout ce psaume ; voici la
première "Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne
toutes tes offenses..." Et la dernière strophe reprend cette bénédiction en
l'élargissant à la terre entière "Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles
porteurs de ses ordres, attentifs au son de sa parole ! Bénissez-le, armées du
Seigneur, serviteurs qui exécutez ses désirs ! Toutes les œuvres du Seigneur,
bénissez-le sur toute l'étendue de son empire ! Bénis le Seigneur, ô mon âme !" Et
quand on est à ce point pénétré de reconnaissance, on ne peut que prendre des
résolutions ; à commencer par celle de se comporter désormais en fils vis-à-vis de
ce père si indulgent "comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du
Seigneur pour qui le craint !" Nous avons déjà vu souvent que la crainte de Dieu
est tout simplement (mais ce n'est pas si simple apparemment) une attitude
vraiment filiale, faite de respect, de confiance, d'obéissance. Si nous en doutions,
les versets 17 et 18 l'expliquent très bien "L'amour du Seigneur, sur ceux qui le
craignent, est de toujours à toujours... pour ceux qui gardent son alliance et se
souviennent d'accomplir ses volontés." Traduisez "craindre" le Seigneur, c'est
veiller à demeurer dans son alliance, et se souvenir d'accomplir ses volontés.
Lesquelles volontés commencent par "Tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton
cœur, de tout ton être, de toute ta force." (Dt 6, 4).
------------------------------------------------------------ HUITIEME DIMANCHE DU
TEMPS ORDINAIRE – B DEUXIEME LECTURE - Deuxième Lettre de Paul aux
Corinthiens 3, 1 - 6 ------------------------------------------------------------

Frères, 1 pour authentifier notre mission, nous n'avons pas besoin, comme
certaines personnes, d'un document écrit, qu'il faudrait vous présenter ou vous
demander.
2 C'est vous-mêmes qui êtes ce document écrit dans nos cœurs, et que tous les
hommes peuvent lire et connaître.
3 De toute évidence, vous êtes ce document venant du Christ, confié à notre
ministère, écrit non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non pas,
comme la Loi, sur des tables de pierre, mais dans des cœurs de chair.
4 Et si nous avons tant d'assurance devant Dieu grâce au Christ, 5 ce n'est pas
à cause d'une capacité personnelle dont nous pourrions nous attribuer le mérite.
6 notre capacité vient de Dieu c'est lui qui nous a rendus capables d'être les
ministres d'une alliance nouvelle, une alliance qui n'est pas celle de la lettre de la
Loi, mais celle de l'Esprit du Dieu vivant ; car la lettre tue, mais l'Esprit donne la vie.
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Nous ne saurons pas exactement qui sont ces "certaines personnes" visées
par Paul, mais on devine l'enjeu de la querelle l'autorité de Paul est contestée et
on lui reproche de ne pas avoir de lettre de recommandation à présenter. C'est là
qu'il répond "Pour authentifier ma mission, je n'ai pas besoin, comme certaines
personnes, d'un document écrit, qu'il faudrait vous présenter ou vous demander."
Soit qu'il doive le présenter aux Corithiens pour avoir le droit de prêcher à
Corinthe ; soit que les Corinthiens, contents de son apostolat, lui en délivrent un à
présenter dans d'autres communautés à l'avenir. Et on remarque la même chose
que d'habitude quand Paul doit se justifier, il ne cherche jamais à mettre en avant
ses propres qualités ; il l'a déjà dit plus haut "Celui qui nous rend solides pour le
Christ, dans nos relations avec vous, celui qui nous a consacrés, c'est Dieu ; il a
mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons l'Esprit
qui habite nos cœurs." C'était le texte de dimanche dernier. Et il continue sur la
même lancée "Nous n'avons pas l'audace de nous égaler ou de nous comparer à
certaines gens qui se recommandent eux-mêmes ; en se prenant eux-mêmes
comme unité de mesure et de comparaison, ils perdent la tête !... Ce n'est pas
celui qui se recommande lui-même qui a fait ses preuves, mais celui que le
Seigneur recommande." (10, 12. 18).
Mais où est la preuve que le Seigneur le recommande, lui, Paul, et pas les
autres, les fameuses "certaines personnes" en question ? C'est bien simple la
conversion des Corinthiens eux-mêmes prouve que Paul est bien un apôtre de
Jésus-Christ. C'est le sens de la phrase que nous avons entendue tout à l’heure
"C'est vous-mêmes qui êtes ce document". Toujours au chapitre 10 il insiste "Nous
sommes vraiment arrivé le premier jusqu'à vous avec l'Evangile du Christ."
Effectivement, Paul a été le premier évangélisateur de Corinthe ; nous le savons
grâce au Livre des Actes des Apôtres c'était en hiver, en l'an 50 ; Paul arrivait
d'Athènes, où il n'avait pu convertir que quelques personnes. A Corinthe, est-ce
parce qu'il s'y est pris autrement ? ou que le milieu auquel il s'adressait était tout
autre, beaucoup plus modeste ? toujours est-il qu'il a pu fonder là une véritable
communauté chrétienne.
Voici le récit des Actes "En quittant Athènes, Paul se rendit ensuite à Corinthe.
Il rencontra là un Juif nommé Aquilas... qui venait d'arriver d'Italie avec sa femme
Priscille... Paul entra en relation avec eux et, comme il avait le même métier -
c'était des fabricants de tentes - il s'installa chez eux et il y travaillait. Chaque
sabbat, il prenait la parole à la synagogue et tâchait de convaincre Juifs et
Grecs..." (Ac 18, 1... 4).
Bien sûr, là aussi, il a rencontré des oppositions et il lui a fallu bien du temps et
de la persévérance, mais quand il a quitté Corinthe, dix-huit mois plus tard, au
cours de l'été 52, Paul laissait derrière lui une véritable communauté chrétienne qui
lui devait réellement d'avoir pour la première fois entendu l'annonce de l'évangile.
Voilà donc la meilleure lettre de recommandation qu'on puisse trouver ! "C'est
vous-mêmes qui êtes ce document écrit dans nos cœurs, et que tous les hommes
peuvent lire et connaître. De toute évidence, vous êtes ce document venant du
Christ, confié à notre ministère, écrit non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du
Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais dans des cœurs
de chair." Au passage, on reconnaît l'enracinement biblique du rabbin Paul il est
tellement imprégné des Ecritures que les allusions affleurent sous sa plume ; on
reconnaît ici des thèmes chers à Jérémie et Ezéchiel ; par exemple c'est Jérémie
qui avait annoncé une nouvelle Alliance inscrite jusqu'au fond des cœurs "Voici
donc l'Alliance que je conclurai avec la communauté d'Israël, après ces jours-là -
oracle du Seigneur je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, les
inscrivant dans leur cœur." (Jr 31, 33) ; pour Paul, évidemment, nous y sommes
arrivés ; "après ces jours-là", ce sont ceux de la venue du Christ. Quant à la
promesse de l'Esprit de Dieu agissant dans le cœur de l'homme, nous la devons à
Ezéchiel "Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ;
j'enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.
Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes mois,
garder et pratiquer mes coutumes." (Ez 36, 26). Nul doute que les auditeurs juifs
de Paul à Corinthe reconnaissaient immédiatement ces promesses à travers les
termes de la lettre de Paul "vous êtes ce document venant du Christ, confié à
notre ministère, écrit non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant,
non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais dans des cœurs de chair."
Manière pour Paul de dire que le Jour de Dieu tant attendu est arrivé, les temps
sont accomplis l'alliance nouvelle est là, "qui n'est pas celle de la lettre de la Loi,
mais celle de l'Esprit du Dieu vivant." Paul termine par une formule lapidaire "la
lettre tue, mais l'Esprit vivifie." Nous la reprendrons en étudiant l'évangile de ce
dimanche.
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NB. chez Jr 31, 33 le mot hébreu est bien "cœur" et non pas "être" comme a
traduit la TOB ("je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, les inscrivant
dans leur être."
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HUITIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B EVANGILE - Marc 2, 18 -
22
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18 Comme les disciples de Jean-Baptiste et les pharisiens jeûnaient, on vient


demander à Jésus "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas, comme les disciples
de Jean et ceux des pharisiens ?" 19 Jésus répond "Les invités de la noce
pourraient-ils donc jeûner, pendant que l'Epoux est avec eux ? Tant qu'ils ont l'Epoux
avec eux, ils ne peuvent pas jeûner.
20 Mais un temps viendra où l'Epoux leur sera enlevé ce jour-là ils jeûneront.
21 Personne ne raccommode un vieux vêtement avec une pièce d'étoffe neuve ;
autrement la pièce neuve tire sur le vieux tissu et le déchire davantage.
22 Ou encore, personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ;
autrement la fermentation fait éclater les outres, et l'on perd à la fois le vin et les
outres.
A vin nouveau, outres neuves." ------------------------------------------------------------ Il
semble qu'il y ait deux parties dans ce texte d'abord la controverse sur le jeûne la
question posée à Jésus "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ?" et sa
réponse, sous forme de question également "et pourquoi jeûneraient-ils ?".
Ensuite un petit développement de Jésus sur l'ancien et le nouveau avec les deux
images, du vêtement et du vin. Le lien ne nous paraît pas évident à première vue
entre les deux parties ; mais il figure bel et bien dans les trois évangiles
synoptiques ; la séquence est la même juste avant cet épisode, il y a eu la
guérison du paralytique à CapharnaÜm, la vocation de Lévi-Matthieu, le repas
chez celui-ci, une question des Pharisiens sur la présence de Jésus chez des
publicains et des pécheurs ; puis la question sur le jeûne et les phrases de Jésus
sur le vêtement et les outres. Commençons par la première partie Jean-Baptiste
est déjà en prison, Marc l'a dit un peu plus haut (1, 14) ; ses disciples portent le
deuil et le jeûne en est l'une des manifestations ; quant aux Pharisiens, le jeûne
faisait partie de leurs pratiques habituelles de piété en signe de conversion pour se
préparer à la venue du Jour de Dieu. Mais on peut très bien vider une pratique de
son sens ; c'est cela que Jésus veut faire comprendre aux Pharisiens avec lui, le
jour de Dieu est arrivé, pourquoi faudrait-il encore jeûner ? Il emploie pour se
justifier un terme extrêmement osé par trois fois il parle de lui-même, visiblement,
en disant "L'Epoux" ; or, dans ce contexte, il ne peut s'agir que de Dieu lui-même ;
les Pharisiens connaissaient fort bien les écrits des prophètes et en particulier
Jérémie, le deuxième et le troisième Isaïe, Ezéchiel. Après Osée qui avait parlé de
fiançailles pour qualifier l'amour toujours neuf de Dieu pour son peuple (c'est le
sujet de notre première lecture de ce dimanche), les prophètes ultérieurs avaient
développé abondamment le thème des noces entre Dieu et son peuple, d'abord,
entre Dieu et l'humanité tout entière ensuite. Par exemple "Ainsi parle le
Seigneur Je te rappelle ton attachement, du temps de ta jeunesse, ton amour de
jeune mariée ; tu me suivais au désert...>" (Jr 2, 2). Ou encore "De l'enthousiasme
du jeune marié pour sa promise, ton Dieu sera enthousiasmé pour toi." (Is 62, 5).
Les Pharisiens et les scribes présents comprenaient donc certainement fort bien
où Jésus voulait en venir, mais c'était inacceptable si on jeûne dans l'attente de
l'Epoux (traduisez dans l'attente de la venue du Messie et du salut de Dieu), il n'y
a plus aucune raison de jeûner car Dieu est là en personne, l'Epoux est parmi
nous ; voici venu le temps des noces. C'est l'heure du fameux banquet annoncé
par Isaïe "Le Seigneur, le tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin
pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes
grasses succulentes et de vins vieux décantés... Le Seigneur Dieu essuiera les
larmes sur tous les visages... On dira ce jour-là c'est Lui notre Dieu. Nous avons
espéré en lui et il nous délivre. C'est le Seigneur en qui nous avons espéré.
Exultons, jubilons, puisqu'il nous sauve." (Is 25, 6-9). (Dans ce contexte, on
comprend bien que les noces de Cana aient pris une telle importance pour
l'évangéliste Jean.) Mais Jésus ajoute "Un temps viendra où l'Epoux leur sera
enlevé ce jour-là ils jeûneront." Il fait certainement allusion ici à sa Passion ; elle
est d'ailleurs déjà en filigrane derrière cette controverse avec les Pharisiens et les
scribes ; son procès est déjà esquissé dans l'incompréhension totale dont il est
l'objet et que Marc nous fait remarquer dès le début de son évangile.
Jésus en prend acte dans les deux remarques suivantes sur le vêtement et les
outres ; du coup nous comprenons le lien entre les deux parties de notre texte
d'aujourd'hui nous sommes dans un contexte de controverses ; à plusieurs
reprises, déjà, les Pharisiens et les scribes ont été scandalisés par le
comportement de Jésus ; les trois évangiles (Mt, Mc et Lc) rapportent presque
dans les mêmes termes la phrase prononcée par Jésus dans la maison de ce
publicain de Lévi "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin,
mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs." Et
Matthieu a retenu également que Jésus a ajouté "Allez donc apprendre ce que
veut signifie <C'est la miséricorde que je veux et non le sacrifice>".
Querelle bien connue de longue date à quoi sert d'être fidèle à la lettre si l'on
garde un cœur de pierre ? Comme dit Paul dans la deuxième lettre aux Corinthiens
(que nous lisons ce dimanche en deuxième lecture) "La lettre tue, mais l'Esprit
vivifie." Dans l'Ancien Testament, on jeûne pour rencontrer Dieu mais quand celui-
ci est là, ce n'est évidemment plus le moment de jeûner. Or en Jésus Dieu est là ;
mais pour leur malheur ceci échappe aux Pharisiens. Pour leur ouvrir les yeux,
Jésus fait appel à des thèmes qui leur étaient familiers le vêtement et le vin dans
des outres. Parler de vêtement nouveau ou de vin nouveau, c'était évoquer le Jour
de Dieu tant attendu, le vêtement de noce, le vin des noces.
Encore faut-il accepter que la nouveauté fasse craquer les vieux schémas, les
vieilles certitudes le vin nouveau des noces de Dieu avec son peuple va faire
craquer les vieilles outres. ------------------------------------------------------------ "Celui qui
t'a faite, c'est ton époux ; le Seigneur, le tout-puissant, c'est son nom ; le Saint
d'Israël, c'est celui qui te rachète, il s'appelle le Dieu de toute la terre. Car, telle une
femme abandonnée et dont l'esprit est accablé, le Seigneur t'a rappelée <la
femme des jeunes années, vraiment serait-elle rejetée ?> a dit ton Dieu. Un bref
instant, je t'avais abandonnée, mais sans relâche, avec tendresse, je vais te
rassembler." (Is 54, 5 - 7). Il s'agit ici de l'exil à Babylone considéré comme un
temps de mise à l'épreuve pour l'épouse infidèle. "Autrefois tu as fondé la terre, les
cieux sont l'œuvre de tes mains... Ils s'useront tous comme un vêtement, tu les
remplaceras comme un habit, et ils cèderont la place." (Ps 101/102, 26-27).
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