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L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE
DÉMONSTRATION
DOMAINE DU POSSIBLE
ACTES SUD
A mon père, dont l’humilité, la profonde intégrité morale et l’acuité des
analyses m’inspirent chaque jour.
Dans ses responsabilités syndicales comme dans nos discussions
quotidiennes, il aborda l’agriculture biologique avec un stimulant équilibre
de doutes et de convictions.
Je me plais à penser qu’il aurait aimé ce livre.
PRÉFACE
“M onsieur Aubert, pouvez-vous me dire qui décidera, avec ce que vous
proposez, quel est le tiers de la population française qui devra
mourir de faim ?” Tel est le type de question que l’on me posait parfois, au
début des années 1970, lorsque je faisais des conférences sur l’agriculture
biologique dans les écoles supérieures d’agronomie. Les temps ont changé.
Rares sont ceux qui doutent aujourd’hui que, même généralisée,
l’agriculture biologique serait capable de nourrir toute la population
française. Certes, la production baisserait – bien moins que beaucoup le
pensent, comme l’explique Jacques Caplat dans ce livre – et avec elle nos
exportations, au moins en quantité, mais il y aurait largement assez à
manger pour tout le monde. Cependant, au niveau mondial, le débat est loin
d’être clos et le problème de nourrir sept milliards de Terriens, et les neuf
milliards annoncés pour 2050, reste l’argument principal, avec celui du prix
des produits, avancé par ceux qui estiment impossible la généralisation de
l’agriculture biologique. Jacques Caplat explique très clairement pourquoi
ces derniers se trompent, notamment parce que, dans les pays tropicaux, les
rendements en bio, avec des systèmes diversifiés, sont souvent plus élevés
qu’en conventionnel. A propos de rendements, je citerai un témoignage
personnel. Dans les années 1980, à l’occasion d’une mission en Inde j’ai
rencontré, à la faculté d’agronomie de New Delhi, un chercheur qui avait
travaillé pendant dix ans sur la culture associée du maïs et de diverses
légumineuses alimentaires. Il avait montré qu’en optimisant cette
association, il augmentait de 50 % la production sur une surface donnée
sans rien changer d’autre aux techniques agricoles. Ayant ensuite rendu
visite à quelques agriculteurs de la région, j’ai constaté que tous utilisaient
de l’azote chimique – en petites quantités faute d’argent pour en mettre
davantage – mais qu’aucun n’avait entendu parler des résultats du
chercheur de New Delhi.
Pour la plupart des “biosceptiques”, l’agriculture conventionnelle, à base
de variétés à haut rendement, d’engrais, de pesticides, voire d’OGM, serait,
elle, en mesure de nourrir neuf milliards d’humains. En fait rien ne le
prouve et on a même de bonnes raisons de penser qu’à long terme, il n’en
est rien. Une généralisation de l’agriculture conventionnelle intensive
suppose, entre autres, une augmentation massive de la production d’engrais
azotés de synthèse, laquelle est très consommatrice d’énergie et fortement
émettrice de gaz à effet de serre. La production et l’apport d’une tonne
d’azote sous forme d’engrais de synthèse provoque l’émission
d’environ 15 tonnes d’équivalent CO2. Sachant que, selon les estimations du
GIEC, nous devons diviser par quatre d’ici 2050 les émissions de gaz à effet
de serre si l’on veut limiter à 2 oC l’élévation de la température moyenne de
la planète, et que l’agriculture est responsable de près de 30 % de la totalité
des émissions, on peut se demander comment une agriculture si fortement
émettrice pourrait être généralisée. Sans parler des énormes coûts sanitaires
et environnementaux induits par l’utilisation systématique des pesticides et
par les excès d’azote, inévitables dans une agriculture à hauts rendements à
base d’azote de synthèse. Une récente étude (The European Nitrogen
Assessment, Cambridge University, juin 2011) a estimé que les coûts, pour
la seule Europe, des excès d’azote générés par les modes de production
actuels étaient compris entre 70 et 320 milliards d’euros par an. Sans
oublier qu’à la fin du XXIe siècle il faudra réserver le peu de pétrole restant à
d’autres usages que la fabrication de grandes quantités d’intrants pour
l’agriculture, et que son prix sera très élevé. Il restera sans doute du gaz,
mais lui aussi sera en voie de raréfaction et d’un prix élevé. Jacques Caplat
évoque également, à juste titre, la supériorité de l’agriculture biologique sur
la conventionnelle en matière de sols, qu’il s’agisse de leur fertilité ou de
leur capacité à stocker du carbone, et bien entendu en matière de réduction
de la pollution. On peut en conclure que l’agriculture de luxe ce n’est pas la
biologique, comme on l’entend dire trop souvent, mais la conventionnelle,
bien trop coûteuse en intrants et en impacts sanitaires et environnementaux
pour pouvoir être généralisée.
Ajoutons, pour terminer sur ce sujet, que, quelles que soient les
techniques agricoles utilisées, répondre aux besoins alimentaires de tous les
futurs habitants de la planète exigera une remise en cause des habitudes
alimentaires des pays industrialisés, progressivement adoptées par les pays
émergeants, qui font une part beaucoup trop importante aux produits
animaux et en particulier à la viande. Il faut en effet dix fois plus de surface
pour produire 1 kilo de protéines sous forme de viande de bœuf que sous
forme de haricots, de lentilles ou de soja.
Cet ouvrage a été conçu de façon à être accessible aussi bien au citoyen
sans connaissance agricole qu’à l’agriculteur désireux de s’informer sur ce
mode de production. C’est pourquoi les termes techniques sont expliqués à
la fois dans des notes incluses dans le texte, et dans un glossaire situé à la
fin du livre et permettant d’approfondir le sujet. J’invite le lecteur réticent
aux explications agronomiques à passer tout simplement au paragraphe
suivant lorsqu’il rencontre une explication jugée trop technique : il ne
devrait pas perdre le fil de sa lecture, chaque chapitre pouvant être consulté
indépendamment des autres. Cette remarque est particulièrement vraie pour
les chapitres composant les deux premières parties.
Le lecteur aura parfois l’impression de quelques redites, mais elles sont
nécessaires à la fois pour la cohérence de chacun des sujets abordés, et pour
acquérir peu à peu une appréhension systémique ou holistique1 de
l’agriculture biologique : dans ce livre comme dans une ferme, les différents
éléments sont en interaction les uns avec les autres et peuvent être
approchés sous plusieurs angles successifs et complémentaires. En étant
éclairé et examiné sur plusieurs faces, un sujet révèle peu à peu sa richesse
et sa complexité, en rendant cette dernière beaucoup plus accessible et
ludique. Toutefois, les principales notions sont abordées de façon
progressive sans toujours revenir à une définition complète, et je
recommande donc, autant que possible, de prendre connaissance des
différents sujets dans l’ordre où ils sont proposés.
A chacun d’aborder ce livre en fonction de son humeur ou de sa
connaissance préalable de l’agriculture : comme un essai accessible à tout
lecteur curieux, comme une présentation pédagogique de l’agriculture
biologique et de ses capacités à nourrir l’humanité, voire comme une
introduction agronomique et scientifique pour ceux et celles qui chercheront
à suivre l’ensemble des notes et références citées.
QU’EST-CE QUE
L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE ?
1. La bio ou le bio
De l’agriculture au produit
L’agriculture biologique
Or, l’agriculture biologique a bel et bien été inventée et définie en tant que
forme d’agriculture, et non pas en tant que produit alimentaire. Oui, le
produit bio existe, mais il n’est que le résultat d’un ensemble de pratiques
agricoles, puis éventuellement de transformations agroalimentaires1. Et
c’est cet ensemble de pratiques agricoles initiales qui est défini à l’échelle
internationale (par le Codex Alimentarius) et dans l’Union européenne (par
le règlement CE 834/2007) par la notion d’agriculture biologique (organic
farming en anglais).
En d’autres termes, je pourrais dire que “le” bio reflète un souci
individuel de consommateur soucieux de manger un aliment sans résidus de
produits chimiques (ce qui est tout à fait respectable), tandis que “la” bio
reflète un souci collectif d’inventer des méthodes agricoles qui préservent
l’environnement et les équilibres planétaires et humains. Les deux
démarches sont défendables et complémentaires, mais historiquement c’est
bien “la” bio qui fut inventée la première, et c’est bien la préoccupation
environnementale qui a primé sur la préoccupation sanitaire. Il est utile de
le rappeler, car bien des citoyens sont convaincus à tort du contraire.
Par conséquent, ne soyez pas surpris de lire au long de cet ouvrage la bio
au féminin : je m’efforcerai de présenter cette agriculture telle qu’elle est
portée par ses fondateurs et ses acteurs – même s’il va de soi que les
produits “issus de l’agriculture biologique” ne seront pas absents de la
discussion !
Et l’agriculture conventionnelle ?
Une autre précision de vocabulaire est nécessaire. L’usage au sein du
monde agricole veut que l’agriculture non biologique soit désignée sous le
terme d’agriculture “conventionnelle”. Ce terme présente l’avantage de
reconnaître à la fois que cette agriculture correspond à une norme admise
majoritairement, et que cette norme est arbitraire : cette double dimension
est fondamentale dans la notion de convention. Vous rencontrerez donc
souvent cette désignation, qui recouvre tout simplement l’agriculture
contemporaine qui n’est pas biologique.
Certains proposent de parler d’agriculture chimique ou, pour être plus
précis, d’agriculture industrielle et chimique2. J’emploierai parfois ces
termes lorsqu’il apparaîtra particulièrement utile de la caractériser
explicitement, mais m’en tiendrai le plus souvent à parler d’agriculture
conventionnelle, celle qui correspond aux conventions arbitraires mais
commodes de l’économie agricole contemporaine.
1 Cette transformation éventuelle (fabrication de pain, de fromage, etc.), ainsi que la conservation des
aliments, sont réalisées à l’aide d’additifs limités et naturels.
2 Le premier qualificatif faisant référence à son mode d’organisation économique et sociale, et le
second à son orientation technique.
3 En particulier Pascale Solana, La Bio – De la terre à l’assiette, Sang de la Terre, 1999 ; Catherine
de Silguy, L’Agriculture biologique, “Que sais-je ?”, PUF, 1991.
4 L’anthroposophie est une pensée philosophique qui considère l’homme dans sa double dimension
matérielle et spirituelle. Elle prône un élargissement des connaissances en observant autant le monde
objectif extérieur que la dimension humaine intérieure.
5 Ses travaux donneront naissance à la permaculture, qui repose sur l’absence totale de travail du sol
et la constitution d’un agrosystème complet se rapprochant d’un écosystème naturel.
6 Le terrain étant pris ici autant dans son sens social que technique.
7 Les principales mentions bio présentes en France dans les années 1970-1980 étaient : Nature &
Progrès, Demeter, SIMPLES (spécialisée dans les plantes médicinales), Biofranc, FESA-Terre & Vie,
“France-Nature” (ANAAB), UNIA… Seules les trois premières ont encore une réelle activité
aujourd’hui.
8 Le terme de producteurs est également souvent employé pour désigner les agriculteurs, mais il
renvoie à la seule fonction de production, qui est réductrice. L’agriculteur est en principe celui qui se
spécialise dans les grandes cultures par opposition à l’éleveur. Si l’anglais farmer est adéquat dans
cette langue, sa traduction en fermier est impossible puisque ce dernier terme désigne en français un
statut juridique (celui qui loue des terres avec loyer fixe). Un autre terme est également souvent
utilisé, celui de paysan, qui présente l’avantage de sous-entendre des fonctions multiples et un lien
avec le territoire. Par convention et facilité, j’emploierai la plupart du temps ces termes au masculin –
mais il ne faut pas oublier que de nombreux paysans sont des paysannes, notamment dans les pays
tropicaux, et de plus en plus souvent en agriculture biologique européenne.
2. Une agriculture “traditionnelle” ?
De vieilles techniques ?
Loin de conserver les anciennes techniques traditionnelles, l’agriculture
biologique s’est adaptée pour permettre d’obtenir des rendements
importants (fertilité du sol, limitation des mauvaises herbes) et pour limiter
les attaques parasitaires (maladies et insectes). Elle a ainsi découvert et
généralisé la pratique du compostage, retrouvée et popularisée dans les
années 1930 par l’Anglais sir Albert Howard, qui est le père de l’agriculture
biologique anglaise. Ce sont également les agriculteurs biologiques qui ont
les premiers pratiqué le désherbage mécanique des cultures à grande
échelle, au moyen de la herse étrille. Ce sont encore les agriculteurs
biologiques qui ont eu l’idée d’utiliser des insectes prédateurs d’autres
insectes pour protéger leurs cultures (comme l’élevage de coccinelles pour
éliminer les pucerons), ce qui est appelé la lutte biologique. Compost, herse
étrille, lutte biologique sont aujourd’hui des techniques modernes et en
développement dans l’ensemble de l’agriculture européenne… or elles
proviennent de l’agriculture biologique.
Bien loin d’employer de vieilles techniques, les agriculteurs biologiques,
qu’ils soient en Europe, en Amérique, en Afrique ou en Asie, sont
généralement à la pointe de l’innovation technique.
Un rêve de néoruraux ?
Ceux qui confondent l’agriculture biologique avec une agriculture
traditionnelle ou traditionaliste croient souvent également qu’elle est mise
en œuvre par des néoruraux, autrement dit par des personnes qui ne
s’inscrivent pas dans une continuité agricole familiale et locale. Cette
impression est largement fausse, même si elle recèle des éléments de vérité.
Comme je l’ai précisé plus haut, un paysan qui fait le choix de l’agriculture
biologique s’engage dans un profond changement technique : non pas un
retour vers un passé fantasmé, mais un saut en avant vers des techniques
innovantes et une approche scientifique résolument moderne. Ce
changement est bien entendu plus facile à mettre en œuvre pour un paysan
nouvellement installé que pour un paysan déjà prisonnier d’une routine
ancienne. Il est également moins déstabilisant pour une personne ayant
pratiqué un autre métier avant de s’installer comme agriculteur.
Il n’est donc pas faux de constater que, dans les années 1980-1990, une
proportion significative des paysans engagés en agriculture biologique
avaient connu “autre chose” que leur ferme. Il pouvait s’agir de fils
d’agriculteurs ayant travaillé dix ans dans un domaine agricole situé à
l’autre bout de la France, ayant ainsi découvert d’autres pratiques et
d’autres habitudes que celles de leur région d’origine, et apportant cette
ouverture d’esprit sur la ferme de leur père lorsqu’ils y revenaient pour lui
succéder. Il pouvait également s’agir de fils ou neveux d’agriculteurs ayant
pratiqué pendant cinq ou dix ans un métier “à la ville” et revenant s’installer
dans leur famille agricole par choix. Il pouvait enfin s’agir de personnes
sans attache agricole décidant de devenir paysans… mais cette dernière
catégorie était loin d’être la plus fréquente.
Cette réalité n’est pourtant que très partielle : la grande majorité des
paysans biologiques sont tout simplement des paysans anciennement
“conventionnels” ayant décidé de modifier leurs pratiques. En outre, la
plupart des agriculteurs biologiques considérés comme des pionniers ou des
“références” dans leur région sont des fils et petits-fils d’agriculteurs,
ancrés dans leur territoire, qui se sont convertis à la bio après plusieurs
années, voire décennies, d’activité.
C’est ainsi que l’agriculture biologique s’est enrichie de trajectoires
humaines diverses. Sur un tronc paysan profondément enraciné, dont
Bernard Ronot8 est un parfait représentant, se sont greffées des histoires et
des expériences venues du monde entier, comme celle de Georges Toutain9.
Les uns et les autres sont indissociables.
1 En revanche, l’agriculture biologique pratiquée en Asie du Sud-Est peut avoir des points communs
avec l’agriculture traditionnelle de cette région : en effet, la riziculture traditionnelle chinoise,
indochinoise, coréenne et japonaise était parvenue il y a déjà 2 000 ans à un niveau technique et à des
rendements forts avancés, sans dégrader le potentiel de production du sol.
2 L’approche systémique consiste à étudier autant les relations entre les éléments d’un ensemble que
les éléments eux-mêmes. Elle a été présentée notamment par le physicien Joël de Rosnay dans son
livre Le Macroscope (Seuil, 1975). Etrangère à la culture scientifique européenne jusqu’au début du
XX siècle, elle était en revanche largement sous-jacente aux philosophies et aux démarches
e
Haies et limaces
En “grandes cultures” (cultures de céréales et d’oléoprotéagineux), les
limaces, oiseaux et petits mammifères granivores représentent aujourd’hui
une cause essentielle de la perte de semences dans les champs (et par
conséquent de la perte d’une partie de la récolte à venir) – c’est la raison
pour laquelle les semences conventionnelles sont traitées par des produits
controversés9. Avant de se convertir en agriculture biologique, Raoul et
Marianne Leturcq, agriculteurs en Picardie, utilisaient ces semences traitées
pour protéger leurs cultures, implantées dans de grands champs avec peu de
haies. La ferme de Raoul et Marianne comptait 95 hectares, regroupés à
l’origine en huit parcelles. A la fin des années 1990, ils ont constaté que les
produits de traitement des semences de pois étaient meurtriers pour les
perdrix grises et les pigeons ramiers, puis Raoul lui-même a été intoxiqué
par un produit d’enrobage des semences, lui provoquant des paralysies
faciales. Déjà engagés dans une démarche de réduction des pesticides, ils
ont alors décidé de convertir progressivement leur exploitation en bio.
Depuis qu’ils pratiquent l’agriculture biologique, Raoul et Marianne ont
totalement modifié leur approche. Ils basent désormais la protection de
leurs semis sur la présence des haies et de bandes enherbées. Ils ont ainsi
replanté 5 kilomètres de haies depuis leur conversion bio10, en particulier
avec du sureau qui sert d’abri aux coccinelles en hiver, et
installé 6 kilomètres et demi de bandes enherbées au travers de leurs
champs. Leur objectif est qu’aucune portion de leurs cultures ne soit
éloignée de plus de 150 mètres d’une bande enherbées ou d’une haie ; la
taille moyenne de leurs parcelles a été divisée par deux en dix ans (quinze
parcelles actuellement). Ils évitent ainsi tout traitement de leurs semences
mais également tout traitement de leurs cultures, et n’ont plus jamais de
problèmes avec les limaces.
D’une manière générale, les haies arbustives et arborées regorgent en
effet de prédateurs naturels de la limace, des insectes et des petits
mammifères, tout comme les bandes enherbées (qui abritent par exemple
des carabes, prédateurs des limaces et des larves de limaces). Leur présence
permet de garantir un équilibre biologique global dans lequel aucune espèce
ne s’impose au détriment des autres – limaces, mammifères et oiseaux
granivores y compris.
L’agrandissement permanent des parcelles céréalières en Europe depuis
un demi-siècle a conduit à la suppression de nombreuses haies et, lorsqu’il
en existe encore, à leur grand éloignement du centre des parcelles : elles ne
peuvent plus “réguler” qu’une minuscule proportion du champ. En
agriculture biologique, la replantation de haies et le soin apporté à
conserver des parcelles de taille raisonnable permettent de réduire la
distance de tout point du champ par rapport à une haie, ce qui suffit
généralement à limiter les dégâts des granivores à leur strict minimum. Ici,
l’effet bordure11, considéré comme négatif par beaucoup d’agriculteurs
conventionnels, se révèle au contraire extrêmement positif à long terme, et
garant de rendements corrects sans nécessiter le recours au moindre produit
de traitement chimique (à l’inverse, les traitements chimiques
déséquilibreraient l’écosystème). La solution à un problème technique peut
ainsi provenir d’une action environnementale : il ne s’agit pas de substituer
un produit chimique par un produit naturel, mais de rééquilibrer le système
écoagronomique.
Par la plantation ou le maintien des haies, des agriculteurs biologiques
comme Raoul et Marianne Leturcq concourent non seulement à maintenir
une forte biodiversité (notamment en oiseaux et insectes) et à réduire
l’érosion des sols, mais également à protéger leurs cultures et garantir de
bons rendements – sans oublier que les arbres peuvent puiser des éléments
fertilisants naturels dans les couches profondes du sol, et nourrir ainsi les
cultures à long terme, comme nous le verrons aux chapitres I-4 et I-6.
1 Sont appelés “biocides” les produits qui ont un effet destructeur sur des formes de vie – il s’agit ici
de produits détruisant une partie de la vie du sol : bactéries, microchampignons, vers de terre,
insectes… qui sont pourtant indispensables à l’évolution des matières organiques et minérales, et
donc à la fertilité d’un sol.
2 Une parcelle est une portion de terrain ; il peut s’agir d’un champ de céréales, d’une prairie, d’une
vigne, etc. Pour tous les termes agronomiques et les sigles, se reporter au glossaire.
3 Nous pourrions parler également “d’efficience économique”. En effet, la notion de rentabilité
devrait dépasser la seule approche économique, pour être abordée sous un angle global : rentabilité
économique, sociale, environnementale. Contrairement à l’efficacité, l’efficience tient compte des
moyens employés pour atteindre l’objectif poursuivi, cette notion intègre donc une dimension
philosophique et éthique.
4 Je remercie en particulier Hubert Hiron, qui m’a aidé à préciser les raisons de la fragilité
pulmonaire des jeunes bovins.
5 Le rumen est le premier des quatre estomacs des ruminants, riche en microorganismes capables de
dégrader la cellulose et d’intégrer l’azote non protéique. C’est une poche spécifique qui n’existe pas
chez les autres mammifères.
6 La caillette est le dernier des quatre estomacs des ruminants, qui fonctionne de façon comparable à
l’estomac simple des humains ou des porcs.
7 Mais la plupart des éleveurs bio vont plus loin et restent fidèles à l’ancien règlement européen (en
vigueur jusqu’en 2008), qui imposait 70 % d’herbe et de foin (ni ensilé ni enrubanné).
8 Par une croissance lente, on obtient une viande où le gras est réparti dans le muscle au lieu d’en
être complètement séparé : on parle alors d’une viande persillée, recherchée par tous les cuisiniers en
raison de sa qualité gustative.
9 Ces traitements permettent également de lutter contre les maladies et les parasites.
10 Ils ont eux-mêmes planté 2,5 kilomètres de haies avec l’aide d’un lycée agricole ; 1,5 kilomètre a
été installé par les services de l’équipement, à leur demande, en bordure de leurs parcelles ;
et 1 kilomètre a été planté par la société de chasse.
11 Voir le glossaire en fin d’ouvrage.
12 Ils ne sont pas les seuls, bien heureusement, à revenir à une alimentation cohérente d’un point de
vue environnemental et sanitaire. Les éleveurs du réseau agriculture durable (RAD), dans l’Ouest de
la France, utilisent également une alimentation à base d’herbe, dans des fermes à taille humaine.
Même si ces éleveurs dits “durables” utilisent hélas encore des produits chimiques de synthèse pour
désherber leurs champs, ils sont en partie dans la même démarche d’autonomie et d’équilibre
alimentaire que les éleveurs biologiques.
13 Déjections animales sous forme de lisier, fumier ou fientes (cf. glossaire).
4. Le sol, les plantes, les animaux :
L’humus et le compost
Un sol est un milieu vivant : lorsqu’il ne contient plus de microorganismes
et qu’il est “mort”, il ne s’agit plus d’un sol mais d’une roche1. Par ailleurs,
sa fertilité à moyen et long terme dépend bien plus de sa structure
(organisation physicochimique et biologique des molécules) que de sa
texture (proportion et taille des éléments minéraux qui le constituent). En
particulier, la clef de la stabilité et de la richesse d’un sol sont son humus et
son “complexe argilo-humique”. Il s’agit là de molécules gigantesques (à
l’échelle du sol… car elles restent microscopiques) associant des chaînes
organiques (issues d’êtres vivants décomposés : l’humus), de la matière
inorganique (argiles) et des ions minéraux divers.
Le complexe argilo-humique est à la fois la conséquence et la source de
la vie du sol.
Il en est la conséquence car les chaînes moléculaires organiques et
argileuses ne peuvent pas se lier naturellement, étant toutes deux
électronégatives. C’est uniquement grâce à l’intervention des
microorganismes du sol que des ponts ioniques sont établis entre ces deux
types de molécules, ce qui permet de les unir tout en piégeant des ions.
Dans les terres compactées où l’air ne peut plus circuler, les
microorganismes aérobies meurent et le sol se stérilise peu à peu.
Il en est la source de vie, car plus le complexe argilo-humique du sol sera
important (on dira alors que le sol est “riche en humus”), plus les végétaux
qui poussent à sa surface disposeront d’éléments minéraux et carbonés
utilisables. Sans humus, les ions minéraux sont solubles dans l’eau et
“fuient” le sol au moindre ruissellement, à la moindre pluie d’orage. Sans
humus, les molécules carbonées sont “cassées” et leurs constituants fuient à
leur tour. Le complexe argilo-humique fonctionne à la fois comme un
stabilisateur du sol et comme une éponge qui restitue ce dont les plantes ont
besoin. Il sert d’ailleurs également d’éponge au sens strict, car il piège l’eau
et permet de mieux lutter contre la sécheresse.
Ainsi, l’addition de microorganismes, de molécules carbonées, d’argile,
d’ions minéraux et d’eau donne naissance à des macromolécules
spécifiques, fondamentales à la vie. Le rythme de constitution et
d’utilisation du complexe argilo-humique dépend de l’activité microbienne :
un sol pauvre en microorganismes peine aussi bien à constituer son humus
qu’à l’utiliser.
Or, le pionnier de l’agriculture biologique, sir Albert Howard, a montré
que la meilleure source agricole d’humus est le compost, qui surpasse
nettement le fumier (déjections animales mêlées à de la paille)… qui vaut
lui-même mieux que le lisier (déjections liquides) ou les engrais chimiques.
Lisier ou engrais chimiques apportent des ions minéraux non liés aux
molécules carbonées (qui fuient donc sous l’effet de la pluie, par
lixiviation2), et par leur acidité ils perturbent gravement l’activité des
microorganismes qui pourraient effectuer ce lien dans le sol lui-même : ils
sont donc interdits en agriculture biologique3. Le fumier apporte des
éléments minéraux et carbonés sans perturber la vie du sol : il est donc
autorisé. Le compost fait mieux, car il apporte directement au sol des
macromolécules humiques stables, c’est-à-dire des segments de complexe
argilo-humique déjà constitués.
La grande qualité agronomique du compost provient de l’évolution de
matières vivantes (déchets végétaux, déjections animales) pendant plusieurs
mois sous l’effet de microorganismes aérobies : c’est la raison pour laquelle
il faut “retourner” un compost, pour l’aérer. Le compostage est typiquement
une technique humaine, contrôlée, innovante. Il n’était pas pratiqué par nos
ancêtres en Europe, qui n’utilisaient que du fumier, parfois vieilli et mûr
mais qui n’était pas issu d’une fermentation aérobie.
Il faut noter que d’autres sources d’humus sont parfois préférées au
compost. Il est en effet possible d’enrichir un sol en éléments minéraux à
partir de la roche-mère, grâce aux racines profondes des arbres. Son
enrichissement par l’apport de matières organiques en surface peut être
considéré comme une solution par défaut dans nos pays où l’agriculture se
pratique sur des surfaces sans arbres. Lorsque les arbres sont imbriqués
dans l’activité agricole (agroforesterie, cultures associées tropicales), ils
assurent directement la reconstitution de l’humus et peuvent éviter de
recourir à l’apport de fumier ou de compost. Une solution intermédiaire est
d’apporter en surface des matières végétales fragmentées (essentiellement
des rameaux forestiers broyés), dont l’apport se rapproche des phénomènes
biologiques et biochimiques observés dans les sols forestiers. Je reviendrai
sur ces différents choix dans le chapitre I-6, et à plusieurs reprises sur le
rôle agronomique des arbres.
J’ai parlé jusqu’à présent des végétaux, qui sont à la base de l’agriculture et
en particulier de l’agriculture biologique. Mais il existe également des
élevages bio, d’autant plus que, comme je l’ai noté précédemment, une
rotation culturale biologique inclut généralement des prairies (qu’il est utile
de valoriser en nourrissant des animaux) et la fertilisation bio s’appuie sur
le compost ou le fumier, qui impliquent l’existence de déjections animales
(même s’il est possible de réaliser un compost sans produits animaux, cela
est rare et difficile à grande échelle).
La grande question qui se pose naturellement lorsque l’on s’intéresse à
l’élevage biologique est celle des soins vétérinaires : comment faire sans
antibiotiques ? Je m’appuierai ici sur l’exemple de Gilles Lemée, éleveur de
vaches et de brebis dans le Morvan, en Bourgogne, qui est représentatif des
différentes démarches complémentaires mises en œuvre chez les éleveurs
biologiques. Même s’il ne faut jamais oublier qu’en matière d’agriculture
tout exemple est unique et ne peut jamais être transposé tel quel dans une
autre ferme, la manière dont cet éleveur soigne ses animaux illustre les trois
grandes étapes des soins biologiques : prévention, soins naturels, soins
allopathiques de façon exceptionnelle.
1 Une roche est un matériau minéral inerte constituant de l’écorce terrestre : cette notion inclut non
seulement les ensembles solides (rochers), mais également des matières friables comme la craie,
plastiques comme l’argile, ou meubles comme le sable.
2 Généralement appelée improprement “lessivage”. Strictement, le lessivage est un mécanisme
physique (la pluie sape le sol en tombant et emporte des éléments en ruisselant, ou traverse le sol en
emportant des microparticules en suspension vers les nappes phréatiques) alors que la lixiviation est
un mécanisme chimique (les ions minéraux sont dissous dans l’eau du sol – et non pas “en
suspension” physique – et emportés lorsque l’eau percole vers les nappes phréatiques). Dans les deux
cas les matières emportées peuvent rejoindre les nappes phréatiques.
3 Le règlement européen sur l’agriculture biologique en vigueur depuis 2009 n’interdit plus
strictement l’usage du lisier, mais il doit alors être “fermenté ou dilué”.
4 Elle est bien sûr légèrement supérieure lorsque les microorganismes restants y ajoutent des
minéraux détachés du complexe argilo-humique, mais cet ajout reste marginal puisque les calculs de
fertilité sont basés avant tout sur les apports des engrais.
5 Des expériences ont d’ailleurs montré que “la croissance [de la plante] répond positivement à
l’apport de fertilisants nitriques même si la concentration de nitrates dans la rhizosphère [le sol et les
racines] est déjà élevée” (Jean-François Morot-Gaudry, Assimilation de l’azote chez les plantes, INRA,
1997).
6 Cette absorption excédentaire reste heureusement marginale par rapport à l’absorption régulée :
pour l’essentiel, la plante réduit son absorption lorsque ses besoins sont plus faibles. Mais ces
quelques pourcents d’excès suffisent à rendre la plante beaucoup plus sensible aux maladies.
7 La suppression totale de tout travail du sol, préconisée par certains agronomes (“semis sans labour”
et “techniques culturales simplifiées”), n’est pas adaptée à tous les types de sols et tous les types de
cultures. Elle est une piste de recherche, mais ne doit pas être considérée comme une règle absolue.
En outre, elle s’appuie pour l’instant le plus souvent sur un désherbage chimique, contradictoire avec
les objectifs de l’agriculture biologique.
8 Cette notion de “pauvreté” est bien entendu subjective : elle est liée aux rendements attendus ou
espérés. Or, même un agriculteur biologique va essayer d’améliorer ses rendements lorsqu’ils sont
faibles, puisque l’alimentation de ses congénères en dépend – ainsi que, très pragmatiquement, ses
revenus.
9 Bois raméaux fragmentés.
10 Leur identification est d’ailleurs une technique très efficace pour connaître le potentiel
agronomique précis d’une parcelle. Cf. Gérard Ducerf, L’Encyclopédie des plantes bio-indicatrices
alimentaires et médicinales : guide de diagnostic des sols, 2 volumes, Promonature, 2005.
11 Voir chapitre I-3, “Haies et limaces”.
12 Les prairies sont un cas particulier puisqu’il ne s’agit pas d’une culture mais d’un ensemble
d’espèces assurant déjà un équilibre entre elles.
13 Les prairies paratourbeuses sont le résultat d’une fauche ancienne de tourbières par des humains,
qui a conduit à la constitution d’écosystèmes originaux. Sur des sols pauvres et très humides,
régulièrement alimentés en eau acide, se développe une flore spécifique (Cirse des Anglais,
Scorsonère humble, Carum, Menthe des champs, Jonc, Drosera, Molinie bleue…) qui abrite à son
tour une faune rare (libellule Agrion de Mercure, papillon Damier de la Succise…). L’abandon ou
l’exploitation (drainage et chaulage) conduiraient tous deux à la disparition de cet écosystème, dont
la pérennisation nécessite un pâturage léger sans intervention chimique.
14 Dactyle, fétuque élevée, fétuque des prés, ray-grass, brome, trèfle blanc, lotier, un peu de trèfle
violet, un peu de luzerne… La composition précise évolue avec le temps, et diffère selon les prairies.
15 Une alimentation à base d’herbe et de fourrages grossiers ne permet pas une croissance aussi
rapide que le recours à des aliments concentrés.
16 Outre les nombreux témoignages d’éleveurs ayant constaté une amélioration parfois spectaculaire
de l’état sanitaire de leur troupeau après une conversion à l’agriculture biologique (cf. par exemple
Jacques Caplat, “La ferme de l’abbaye de la Pierre qui Vire : 30 ans d’agriculture biologique dans le
Morvan”, in Alter Agri, no 38, décembre 1999), ce constat est corroboré par des vétérinaires comme
ceux du GIE Zone Verte.
17 Comme la réglementation sur les produits vétérinaires et pharmaceutiques est très défavorable aux
produits naturels, ces derniers doivent être vendus en tant que “compléments alimentaires” et ne
doivent pas alléguer leur bénéfice sanitaire. Seul le conseil oral permet d’informer les éleveurs sur
leur rôle préventif et antiparasitaire.
5. L’autonomie n’est pas l’autarcie
Un système ouvert
biodynamique,
agroécologie
Agriculture biodynamique
Un courant historique
Historiquement, l’agriculture biodynamique est la première forme
d’agriculture biologique, puisqu’elle a été ébauchée dès 1924 par Rudolf
Steiner, puis formulée et codifiée dans les années 1930 par Erhenfried
Pfeiffer. Elle constitue aujourd’hui un courant spécifique au sein de
l’agriculture biologique, mais sans en être extérieure. Ses partisans
respectent les règles officielles de la bio (et adhèrent aux organisations bio
nationales et internationales) mais y ajoutent des exigences, des
préoccupations et des techniques supplémentaires. Elle est particulièrement
présente dans l’Europe germanique (Allemagne, Autriche, Suisse).
L’agriculture biodynamique (également appelée “biodynamie”) considère
un domaine agricole comme un organisme vivant, traversé par des flux de
matière mais aussi des flux énergétiques : cet organisme se transforme en
permanence, il est soumis à divers processus. Elle se préoccupe de replacer
l’aliment dans une continuité globale : un aliment ne pourra être sain que
s’il est produit dans un milieu sain et équilibré.
Des techniques surprenantes… pour des résultats qui ne le sont pas moins
Les techniques employées par les biodynamistes surprennent parfois les
agriculteurs (ou les citoyens) qui les découvrent. Comme elles se réfèrent à
une vision philosophique particulière (l’anthroposophie) et à des repères
inhabituels (lune, planètes, respect de certaines dates), elles ont pu être
taxées de mysticisme, voire abusivement de sectarisme1.
Il faut bien comprendre que, en agriculture comme ailleurs, toute
technique s’appuie sur des repères et sur une schématisation du monde. Que
l’on adhère ou pas aux symboles et explications biodynamiques, ils ont
l’avantage de structurer des gestes cohérents et complémentaires, au moyen
de repères mémorisables car porteurs de signification : ce sont exactement
les caractéristiques qui permettent de définir une technique transmissible et
opérationnelle. Les rites républicains (lors d’un mariage civil, par exemple)
ou les traditions paysannes (respect toujours vivace de certains dictons liés
au calendrier) témoignent des mêmes mécanismes que ceux de la
biodynamie. Evacuer cette dimension n’est pas faire preuve d’objectivité
mais simplement se placer dans le déni de nos propres rituels.
Quoi qu’il en soit, de nombreux agriculteurs et agronomes ont intégré des
techniques biodynamiques dans leurs pratiques ou leurs enseignements…
en raison de leur efficacité constatée. En particulier, les préparations
biodynamiques sont si efficaces pour protéger et soigner les vignes que de
nombreux domaines viticoles alsaciens ou bourguignons réputés pour leur
“management” et leur modernité les ont adoptées – souvent sans même le
mentionner sur la bouteille. L’absence de toute mention “agriculture
biologique” ou “agriculture biodynamique” sur les étiquettes de ces grands
crus prouve qu’il ne s’agit pas pour ces domaines d’utiliser un label pour
communiquer auprès de leurs acheteurs potentiels, mais uniquement
d’utiliser une technique agronomique performante dans leurs vignes. Elle
est l’un des meilleurs témoignages de la pertinence des techniques bio et
biodynamiques.
Agriculture biologique
La permaculture
A partir des travaux de Masanobu Fukuoka, les Australiens Bill Mollison et
David Holmgren posèrent dans les années 1970 les bases explicites de la
permaculture, qui vise à assurer la reproduction d’écosystèmes agricoles
s’approchant le plus possible d’écosystèmes naturels stables comme la forêt
et valorisant l’énergie du soleil12. Il s’agit là d’une forme très élaborée
d’agriculture sans labour, souvent appuyée en outre sur de l’agroforesterie.
Bien que parfois présentée comme une discipline autonome, la
permaculture provient des travaux des pionniers de l’agriculture biologique
et ne peut pas se concevoir en dehors du champ de la bio : au même titre
que la biodynamie il s’agit d’un courant de l’agriculture biologique, qui la
prolonge en adoptant des techniques supplémentaires mais concordantes.
Elle est particulièrement développée en Australie, où elle constitue une
proportion importante des surfaces conduites en agriculture biologique
(certifiées “bio” par ailleurs). Elle est en revanche encore embryonnaire en
Europe, car les sols, les climats, les attentes en termes de rendements, et les
structures agricoles héritées de plusieurs décennies d’intensification
chimique et de surmécanisation y rendent son adaptation plus difficile et
lente.
1 L’auteur d’un rapport qui avait temporairement cité le mouvement anthroposophique dans une liste
de mouvements sectaires s’est lui-même publiquement excusé de ce classement abusif et sans
fondement : si l’anthroposophie et la biodynamie portent indiscutablement une spiritualité spécifique,
ils n’ont ni organisation pyramidale, ni embrigadement psychologique, ni embrigadement financier…
et tout un chacun reste toujours libre de changer d’avis. Il s’agit bien d’une philosophie et de réseaux
associatifs ouverts, qui enseignent davantage à réfléchir par soi-même qu’à suivre un enseignement
normatif.
2 En particulier l’agronome français Marc Dufumier (cf. bibliographie), l’association Agrisud ou
l’entomologiste américain Miguel Altieri. Ce dernier est parfois cité par les institutions
internationales comme s’il avait inventé une nouvelle démarche, alors que sa définition
“l’agroécologie est l’application de la science écologique à l’étude, à la conception et à la gestion
d’agroécosystèmes durables” n’est pas autre chose qu’une reformulation des principes de la bio tels
qu’ils ont été exprimés cinquante ans plus tôt par Pfeiffer ou Howard.
3 ONU : Organisation des Nations unies ; FAO : Food and Agriculture Organisation (Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).
4 C’est ainsi que certains agronomes acceptant les OGM et un recours limité aux pesticides présentent
leur démarche comme de l’agroécologie ; c’est ainsi également que la chaîne de restauration rapide
McDonald’s utilise ce terme pour définir certains de ses approvisionnements agricoles (cf. Jacques
Caplat, “Agroécologie, la nouvelle agriculture miracle ?”, in L’An 02, no 1, p. 18, hiver 2011-2012).
5 Le terme d’agriculture organique fait évidemment l’objet de la même protection, qui figure
explicitement exposée dans les règlements européens successifs depuis 1991. C’est toutefois aux
Etats-membres de la faire respecter et d’engager éventuellement des poursuites à l’encontre
d’utilisations abusives de l’une de ces formes pour désigner une agriculture non biologique – ce qui
n’est pas toujours fait.
6 Dans le cas de Manfred Wenz, le fait de pratiquer l’agriculture biodynamique contribue à la réussite
de son système sans labour, grâce aux techniques spécifiques de la biodynamie.
7 Le compost classique, évoluant à partir de fumier animal (parfois augmenté d’apports purement
végétaux), est souvent trop riche en azote.
8 Les BRF permettent de reconstruire un sol à long terme, et peuvent être utilisés de façon transitoire
et non systématique.
9 Organismes prédateurs ou antagonistes des maladies et parasites des cultures : il s’agit donc d’êtres
vivants qui protègent naturellement les cultures, et qui vivent généralement dans les haies, mares et
talus (voir glossaire).
10 Une symbiose est une association entre deux organismes appartenant à des espèces différentes,
dans laquelle ils sont tous deux gagnants. Cette notion s’oppose à celle de “parasitisme”, où un seul
des deux organismes est gagnant au détriment de l’autre.
11 Ainsi, Raoul et Marianne Leturcq, que j’ai présentés au chapitre I-3, vont implanter des arbres
dans 20 hectares de cultures, dans le but d’apporter des bénéfices écologiques et agronomiques à
leurs cultures tout en assurant une production de bois d’œuvre.
12 Le terme de permaculture avait été utilisé dès 1910 par l’agronome américain Cyril G. Hopkins,
mais son sens actuel provient bien des travaux cumulés de Fukuoka et de Mollison.
7. Des réglementations précises,
un contrôle rigoureux
J’ai présenté dans les chapitres I-3 à I-5 ci-dessus les objectifs et les
principes essentiels de l’agriculture biologique. Il reste à les traduire en
pratiques communes et coordonnées : c’est le rôle des “cahiers des charges”
et des règlements.
Un règlement européen
Je ne vais pas présenter ici toute l’histoire, complexe, des différentes
marques associatives biologiques en France et en Europe, ni celle des
règlements européens successifs. Il me paraît simplement utile de préciser
quelques étapes.
En 1991, l’Union européenne adoptait un règlement européen sur les
productions végétales biologiques, en vigueur dans tous les pays de l’UE à
partir de 1992 sans aucune possibilité d’adaptation. Depuis 1992, tous les
agriculteurs européens suivent précisément le même règlement de base en
matière de production végétale biologique. Seule l’adhésion à une marque
associative privée permet de s’engager à mettre en œuvre des pratiques
encore plus contraignantes – mais aucune pratique moins contraignante
n’est possible.
En 1999, l’UE adoptait un règlement européen sur les productions
animales biologiques, en vigueur à partir de 2000. Ce règlement animal
laissait aux Etats-membres la possibilité d’être plus stricts – mais aucune
possibilité de l’être moins. Et les marques privées pouvaient toujours, bien
évidemment, se permettre d’être plus strictes également, ce qui fut le cas
des marques allemandes, autrichiennes, anglaises…
En 2007, l’UE a adopté un nouveau règlement global sur l’agriculture
biologique4, qui annule et remplace les deux précédents, et qui est en
vigueur depuis le 1er janvier 2009. Il ne laisse plus aucune subsidiarité aux
Etats-membres (sauf sur des productions non couvertes par le règlement
européen : lapins, escargots…), mais il laisse toujours aux marques
associatives privées la possibilité d’édicter des règles plus strictes ou plus
contraignantes. Des compléments lui sont régulièrement ajoutés, comme
en 2010 avec un règlement sur l’aquaculture biologique.
Les principales organisations de l’agriculture biologique européennes (la
Soil Association en Grande-Bretagne, la FNAB en France, Bioland en
Allemagne…) sont assez critiques sur l’actuel règlement européen pour
plusieurs raisons.
Alors que les rédacteurs des règlements européens de 1991 avaient
reconnu la place prépondérante des organisations (associatives ou
syndicales) qui avaient inventé et construit la bio en Europe et les avaient
largement associées à l’écriture et aux arbitrages, le nouveau règlement a
été avant tout élaboré par l’administration européenne et les Etats-membres.
D’une démarche initiale ascendante, l’élaboration du règlement biologique
est passée à une démarche descendante.
Par ailleurs, les conditions d’élevage étant fort différentes en Scandinavie
et en Europe du Sud, l’adoption d’un règlement animal unique sans
subsidiarité revient à choisir le “plus petit dénominateur commun”… alors
que la prise en compte des conditions locales permettrait d’être beaucoup
plus performants sur le plan du bien-être animal ou de la protection de
l’environnement. De fait, les pratiques réelles d’une partie importante des
éleveurs d’Europe du Sud sont plus avancées que certaines exigences du
nouveau règlement bio en matière de taille des élevages et de durée
d’engraissement, tandis que les pratiques réelles d’une partie importante des
éleveurs d’Europe du Nord sont plus avancées en matière de bien-être
animal.
Enfin, la raison officielle de cette unification européenne est
“d’harmoniser le marché de la bio”. Il s’agit donc d’un renversement de
logique, où la pratique se met au service d’un marché normé… alors que
l’agriculture biologique s’est d’abord définie comme une pratique agricole
respectueuse de l’environnement. Pour les fondateurs de la bio, les
pratiques devraient être conditionnées aux exigences environnementales et
sociales, et non pas à la structure d’un marché commercial (qui devrait se
construire en fonction des pratiques possibles et non pas a priori).
1 Même s’il va de soi que des curseurs placés excessivement bas peuvent finir par rendre illusoire le
respect des principes initiaux. C’est la question essentielle que soulève le règlement européen en
vigueur depuis 2009 (par exemple avec l’acceptation des contaminations OGM dès lors qu’elles sont
inférieures à 0,9 %, ce qui est fortement contesté par les agriculteurs biologiques et les
consommateurs).
2 C’est d’ailleurs pour cette raison que la nouvelle marque Bio Cohérence s’est largement appuyée
sur la charte de 1992, en y ajoutant quelques préoccupations plus récentes (OGM, dérèglement
climatique…).
3 Commissions mixtes d’agrément et de contrôle.
4 Règlement européen no 834/2007 du Conseil.
5 Le règlement européen impose aux agriculteurs un contrôle obligatoire par an et des contrôles
inopinés non chiffrés ; les modalités françaises chiffrent ces contrôles inopinés à 50 % des fermes.
6 Dans certains pays, le contrôle des fermes biologiques est public ou semi-public, mais répond aux
mêmes exigences.
7 Comité français d’accréditation.
8 Ce terme est une traduction de l’anglais “Participatory Guarantee Systems”, et se rencontre parfois
en français sous la forme “systèmes de garantie participatifs”… avec par conséquent le sigle SGP.
9 Le cas de l’Italie était comparable à la France : absence de marque associative forte, mais
règlement national très proche du règlement français.
10 La marque Nature & Progrès propose également des cahiers des charges spécifiques dans deux
domaines qui ne sont pas encore couverts par le règlement européen : la vinification et les
cosmétiques.
11 Je pourrais ajouter à cette liste des marques désormais très peu répandues comme Biofranc, ou les
marques allemandes, anglaises, suisses, etc.
8. Des produits plus sains ?
Les antioxydants
Les concentrations en antioxydants – en particulier en polyphénols, mais
aussi en flavonoïdes, tanins et acides phénoliques – sont clairement
supérieures dans les aliments biologiques. Ce constat est cohérent avec les
techniques utilisées. En effet, les antioxydants sont pour l’essentiel des
matériaux de l’immunité végétale. Une céréale, un arbre fruitier, une vigne
ou un légume cultivés en agriculture biologique développent des résistances
aux maladies et parasites : c’est l’une des bases des techniques biologiques,
qui s’appuient à la fois sur le choix de variétés naturellement résistantes et
sur des apports de fertilisants organiques ou de préparations naturelles
favorables à ces résistances. Ces dernières signifient naturellement des taux
d’antioxydants supérieurs dans ces plantes, à la fois du fait de leur bagage
génétique et de leur mode de culture. Le consommateur a ensuite tout à y
gagner pour sa propre santé.
1 En particulier, nous ne dirions pas d’un enfant sain qu’il est “bon pour la santé” : il est lui-même en
bonne santé. De la même manière, certains biologistes et les biodynamistes considèrent que la qualité
sanitaire d’un produit agricole peut être étudiée “pour elle-même” : un produit agricole sain sera alors
un produit dont la croissance a été harmonieuse, qui n’a pas subi de dommages parasitaires et qui
s’est développé en cohérence avec son écosystème.
2 SETRABIO / DGAL, Etude des teneurs en résidus de pesticides dans les produits biologiques bruts et
transformés, 2000.
3 Syndicat européen des transformateurs biologiques – fusionné depuis au sein du SYNABIO.
4 Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
5 Chensheng Lu, Kathryn Toepel, Rene Irish, Richard A. Fenske, Dana B. Barr et Roberto Bravo,
“Organic Diets Significantly Lower Children Dietary Exposure to Organophosphorus Pesticides”, in
Environmental Health Perspectives, février 2006, 114 (2) p. 260-263.
6 Gouget Corinne, Additifs alimentaires – Le guide indispensable pour ne plus vous empoisonner,
Chariot d’Or, 2006.
7 Birzele B. et al., “Epidemiology of Fusarium Infection and Deoxynivalenol Content in Winter
Wheat in the Rhineland, Germany”, in European Journal of Plant Pathology, no 108, p. 667-673,
2002 ; Pedersen H.L. et M. Bertelsen, “Alleyway Groundcover Management and Scab Resistant
Apple Varieties”, in ECO-FRU-VIT, 10th International Conference on Cultivation Technique and
Phytopathological Problems in Organic Fruit-Growing and Viticulture, p. 19-21, 2002.
8 Cette différence est due à la fois à l’utilisation de variétés anciennes et adaptées au milieu (qui sont
peu intéressantes en agriculture chimique) et à la technique du levain naturel. Certes, les artisans-
boulangers conventionnels peuvent également utiliser du levain, mais tous les boulangers bio le
doivent.
9 Benbrook C., “Breaking the Mold – Impacts of Organic and Conventional Farming Systems on
Mycotoxins in Food and Livestock Feed”, in State of Science Review The Organic Center, Etats-
Unis, 2005.
10 Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Evaluation nutritionnelle et sanitaire des
aliments issus de l’agriculture biologique, 2003.
11 Il va de soi qu’il s’agit là d’études de laboratoire : l’eau d’un aliment est indispensable à sa
stabilité physique et à la vie biologique des cellules ; son élimination détruit l’aliment en tant que tel.
12 Soil Association, The Nutritional Benefits of Organic Milk – A review of the evidence, Bristol,
2007.
13 En particulier, une comparaison entre des tomates hybrides F1 et des tomates biologiques de
variétés anciennes adaptées aux terres de Pascal Poot, dans l’Hérault (voir chapitre IV-5), établit des
taux de vitamines et d’antioxydants jusqu’à 12 fois supérieurs dans les tomates adaptées au milieu
(par exemple, 300 à 580 milligrammes de vitamine C par kilo, contre
seulement 30 à 38 milligrammes dans les tomates hybrides F1).
14 Aubry-Damon et al., Résistance élevée aux antibiotiques des bactéries commensales isolées chez
les éleveurs de porcs, Inserm-MSA, 2001.
15 Gilchrist Mary J., Christina Greko, David B. Wallinga, George W. Beran, David G. Riley et Peter
S. Thorne, “The Potential Role of CAFOs in Infectious Disease Epidemics and Antibiotic Resistance”,
in Journal of Environmental Health Perspectives, 14 novembre 2006.
9. Les agriculteurs bio
1 Voir glossaire.
2 Le terme planète est ici entre guillemets puisqu’il se réfère aux codes antiques, où la Lune et le
soleil étaient comptabilisés dans cette catégorie. Il serait plus exact de parler de “corps célestes
proches de la Terre”.
3 L’un des intérêts de l’homéopathie vétérinaire est de permettre de traiter, dans certains cas, un
troupeau homogène à la manière d’un individu : des symptômes différents apparaissant sur des
animaux différents peuvent être rapprochés pour choisir un remède adapté au troupeau en tant
qu’entité globale. Je précise qu’il s’agit là de résultats d’observations, de faits attestés par les
praticiens – et non pas d’une théorie a priori.
4 D’autres homéopathes emploient des complexes, qui regroupent dans le même médicament les
remèdes les plus fréquemment efficaces (sur des individus différents) pour une même maladie.
Lorsqu’il s’agit de remèdes non contradictoires entre eux et dont les effets sont modérés en cas de
mauvais choix, leur addition permet de couvrir un large spectre de malades. Ces complexes
homéopathiques permettent de se rapprocher du mode d’intervention des médicaments allopathiques,
mais restent discutés.
5 Mais cela n’est pas grave sur le fond. Peu importe le nom du virus en cause, le connaître n’y
changerait rien, et l’observation du symptôme suffit. Il est simplement intéressant de constater
l’importance superstitieuse accordée par le couple médecin-patient au fait de nommer le mal.
6 L’argument qui consiste à mettre en doute la parole de milliers d’éleveurs, et à oublier qu’ils sont
les premiers experts de l’élevage et les meilleurs connaisseurs de ce qui se passe sur leur ferme, est
profondément insultant à l’égard des paysans. Il est également particulièrement présomptueux de la
part de chercheurs qui seraient incapables par ailleurs d’assurer un vêlage ou de repérer un animal
malade par son comportement – choses familières à tout éleveur.
7 L’existence d’un effet avéré du psychisme (qui est en cause dans la plupart des cas de placebo) ne
suffit bien évidemment pas à démontrer l’efficacité de l’homéopathie ou de l’acupuncture – mais elle
suffit à démontrer que l’action chimique n’est pas la seule à pouvoir guérir, et que le rejet de
l’homéopathie s’appuie donc sur un dogme infondé et même mille fois invalidé. La porte de la
connaissance reste ouverte.
8 Rémanence : propriété d’un produit antiparasitaire dont l’action se fait encore sentir dans le temps
bien après son application. Les pesticides très rémanents peuvent être actifs plusieurs mois voire
plusieurs années après leur épandage.
9 Agir pour l’Environnement, Actes du colloque du 9 décembre 2010 “Une autre agriculture pour la
biodiversité”, mars 2011.
10. Les acteurs de la bio en France
Comme la bio est avant tout un mode de production agricole, ses principaux
acteurs sont des organisations d’agriculteurs et d’agricultrices.
Les associations
Plusieurs associations spécialisées en agriculture biologique ont joué ou
jouent encore un rôle important dans le développement et l’animation de ce
mode de production en France.
C’est notamment le cas de Nature & Progrès, qui s’attache à promouvoir
les principes éthiques de l’agriculture biologique et à la replacer dans une
approche mondiale et solidaire. Il s’agit de l’une des plus anciennes
associations biologiques, créée en 1964 et ayant écrit le premier cahier des
charges de la bio. Cette association regroupe des paysans, quelques
transformateurs artisanaux et des consommateurs. Alors que les trois
collèges (agriculteurs, transformateurs, consommateurs) étaient de taille
équivalente jusqu’aux années 1990, c’est aujourd’hui le collège
“consommateurs” qui est le plus nombreux à Nature & Progrès. C’est la
raison pour laquelle j’ai choisi de classer cet acteur parmi les associations
plutôt que parmi les organisations agricoles – même si des agriculteurs y
sont encore très présents et sont directement concernés par son activité.
Je dois également citer le MABD (Mouvement d’agriculture bio-
dynamique) qui regroupe les biodynamistes français, qu’ils soient ou non
adhérents à la marque Demeter. Le syndicat SIMPLES (syndicat inter-massifs
pour la production et l’économie des simples) s’occupe de plantes
aromatiques et médicinales : sans obliger ses membres à adhérer à
l’agriculture biologique, il suit un cahier des charges qui n’en est pas
éloigné et il fait explicitement de la promotion de la bio l’un de ses objectifs
statutaires. L’association Terre & Humanisme, créée par Pierre Rabhi,
s’attache également à développer les techniques et principes éthiques de la
bio (sous le terme d’agroécologie).
Il existe par ailleurs dans quelques régions françaises des associations
régionales à vocation interprofessionnelle (les IBR : interprofessions bio
régionales), qui regroupent l’ensemble des acteurs locaux de l’agriculture
biologique. Ces associations à vocation interprofessionnelle sont fédérées
au sein de BRIO (bio des régions interprofessionnellement organisées).
De plus en plus d’associations de consommateurs spécifiques à
l’agriculture biologique voient le jour, qu’il s’agisse d’associations
nationales comme Bio Consom’acteurs ou d’associations locales
(généralement en relation avec un magasin ou un groupement
d’agriculteurs).
Enfin, de nombreuses associations peuvent être indirectement ou
ponctuellement concernées par l’agriculture biologique : elles peuvent
relever de la dimension environnementale (Agir Pour l’Environnement,
Ligue pour la protection des oiseaux, Amis de la Terre, France Nature
Environnement, Greenpeace, Générations futures…), consumériste
(confédération Consommation-Logement-Cadre de vie, Union nationale des
associations familiales, UFC-Que Choisir, Action Consommation…), rurale
(Chrétiens dans le Monde rural, Mouvement rural des jeunesses
chrétiennes) ou de la solidarité internationale (Comité français pour la
solidarité internationale…).
1 A l’inverse, il convient de ne pas confondre avec le “GRAB d’Avignon” (groupe de recherche en
agriculture biologique), qui n’est pas un groupement d’agriculteurs et n’est pas adhérent à la FNAB,
mais à l’ITAB.
2 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
3 Confédération nationale des syndicats d’exploitants familiaux.
11. L’agriculture biologique dans le monde
Aperçu général
La situation en Europe
L’avance germanique
Autriche, Allemagne et Suisse sont les pays des fondateurs de l’agriculture
biologique dans les années 1920-1930 (Rudolf Steiner, Erhenfried Pfeiffer,
Hans Müller). Le développement de l’agriculture biologique n’y est pas
pour autant mécanique, mais ce rappel historique témoigne d’un substrat
culturel favorable à la prise en compte de l’environnement en agriculture
dans ces trois pays. De fait, le marché des produits biologiques est
particulièrement structuré en Allemagne (premier consommateur européen
de produits bio), et l’Autriche comme la Suisse ont mis en place des
politiques de soutien aux modes de production agricole respectueux de
l’environnement.
L’Autriche occupe la position de pointe en Europe4, avec 19,4 % de ses
surfaces consacrées à l’agriculture biologique fin 2010. Cette situation est la
conséquence d’une politique volontariste de développement : dès 1991 le
pays avait mis en place une aide agroenvironnementale pour encourager la
conversion à l’agriculture biologique, complétée en 1995 par une
rémunération environnementale spécifique pour les agriculteurs certifiés
bio. Les régions de montagne et d’élevage se sont le plus massivement
converties en bio (jusqu’à 30 % de fermes bio dans le Tyrol autrichien).
Un objectif environnemental
Dans la plupart des pays européens où l’agriculture biologique occupe une
forte proportion des surfaces, son développement est la conséquence de
politiques environnementales explicites et parfois ambitieuses.
La Suisse, où 11 % des surfaces étaient cultivées en bio en 2009, a ainsi
mis en place dès 1998 un dispositif innovant d’aides à l’agriculture : les
“prestations écologiques requises” (PER). Définies dans des comités
regroupant essentiellement des spécialistes de l’environnement (et non pas
majoritairement les représentants des agriculteurs), les PER prennent en
compte à la fois les rotations, la fumure des sols, les infrastructures
naturelles (haies, prairies permanentes, fossés, bosquets…), la limitation
des traitements pesticides, la lutte contre l’érosion5… Leur mise en œuvre
donne lieu à des concertations locales associant les agriculteurs et les
usagers de l’espace rural.
Dans ce dispositif, les agriculteurs bénéficient d’aides d’autant plus
importantes que leurs pratiques sont vertueuses du point de vue de
l’environnement – contrairement aux aides PAC de l’Union européenne qui
sont attribuées à tous les agriculteurs quelles que soient leurs pratiques, puis
complétées ou corrigées par des aides environnementales aux montants
limités.
L’agriculture biologique dans l’Union européenne en 2009-2010.
(Source : Agence Bio d’après divers organismes européens.)
L’Allemagne s’est fixé depuis le début des années 2000 des objectifs
ambitieux, qui sont progressivement réalisés. En atteignant en 2010 la barre
du million d’hectares en bio, elle talonne l’Italie en valeur absolue, et
confirme sa volonté de parvenir à moyen terme à 20 % de ses surfaces en
bio (même si le pourcentage n’est pour l’instant que de 6 %). Contrairement
à l’Espagne qui a connu une croissance brutale, l’Allemagne a vu ses
surfaces bio augmenter de façon continue et régulière depuis les
années 1990.
La République tchèque s’est fixé un objectif de 15 % de surfaces
biologiques en 2015, et connaît de fait une croissance rapide qui laisse
espérer le respect de cet engagement (augmentation de 30 %
entre 2008 et 2010, lui ayant permis de passer le seuil des 10 % de sa SAU).
Par ailleurs, ce pays prévoit une augmentation de sa consommation de
produits bio de 20 % par an.
1 Dernières données globales disponibles à la date d’édition de cet ouvrage. L’Agence Bio diffuse
chaque année une mise à jour (cf. annexe 3 : adresses utiles).
2 Sauf mention contraire, les sources de ce chapitre sont L’Agriculture biologique – Chiffres-clés,
éditions 2010 et 2011, Agence Bio. Pour certaines statistiques, les derniers chiffres précis remontent
à 2008 ou 2009, tandis que d’autres, en revanche, prennent en compte des données 2010. Les cartes
ont été gracieusement fournies par l’Agence Bio ; leurs sources détaillées sont indiquées sur le site de
l’agence (www.agencebio.org).
3 50 % du café biologique est certifié comme issu du commerce équitable (source : Agence Bio).
4 Si nous ne prenons pas en compte le cas particulier de la Suède, dont 12,5 % des surfaces étaient
formellement certifiées bio en 2009 mais dont plus de 20 % des surfaces sont conduites selon les
règles biologiques, cf. plus loin.
5 Source : Office fédéral de l’agriculture de la Confédération helvétique.
6 Surface agricole utile.
7 A cette date, seuls les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne, la Roumanie, l’Irlande, la Bulgarie,
Chypre et Malte parvenaient à faire moins bien.
II
L’ENVIRONNEMENT,
Mon propos n’est pas ici d’insister sur les dégâts environnementaux de
l’agriculture conventionnelle. Il faut pourtant bien en dire un mot, puisque
c’est la première raison pour laquelle le développement de l’agriculture
biologique s’impose à moyen terme.
L’irrigation
Le choix de cultures spécialisées très intensives, comme le maïs, a conduit
de nombreux agriculteurs à être totalement dépendants de la ressource en
eau. Dans la plupart des régions françaises productrices de maïs, l’irrigation
semble une nécessité aujourd’hui. Ce n’est pourtant pas une fatalité : la
pratique de rotations culturales, l’implantation d’arbres (agroforesterie, en
évitant les essences susceptibles d’entrer en concurrence saisonnière avec
les cultures) et surtout le choix de variétés adaptées au milieu (lignées pures
voire “maïs de population”) permettraient de réduire très sensiblement le
recours à l’irrigation. Cette question devient aujourd’hui cruciale dans
plusieurs régions, où le manque d’eau chronique fait peser des risques sur
tout l’écosystème et sur l’ensemble des activités humaines. Il n’est plus
possible de l’ignorer.
La perte de biodiversité
Un patrimoine exceptionnel
Par la présence de quatre des cinq zones biogéographiques européennes
(atlantique, continentale, alpine et méditerranéenne), la France
métropolitaine est un véritable réceptacle de biodiversité. Elle abrite plus de
quatre mille neuf cents espèces de plantes supérieures indigènes (sans
compter plus d’un millier introduites volontairement ou non), plusieurs
dizaines de milliers d’espèces d’invertébrés et un millier d’espèces de
vertébrés. En particulier, 55 % des espèces européennes d’amphibiens
vivent en France, et 58 % des espèces d’oiseaux qui nidifient en Europe se
reproduisent en France9.
Ce patrimoine est essentiel non seulement parce qu’il est le garant
d’activités économiques (agriculture, pêche, conchyliculture, forêt,
tourisme…) ou parce qu’il constitue un réservoir de substances
pharmacologiques, mais aussi tout simplement parce qu’il est à la base
même du fonctionnement des écosystèmes et donc de la pérennité de la vie
sur notre territoire.
La responsabilité de l’agriculture
L’agriculture chimique et industrielle n’est que l’une des causes de la chute
de biodiversité (aux côtés de l’urbanisation excessive, de l’introduction
d’espèces envahissantes qui bouleversent certains écosystèmes, du
changement climatique et de la surexploitation des océans et des forêts
tropicales). Mais elle est d’autant plus importante qu’elle concerne des
surfaces considérables (54 % de la surface de la France est occupée par
l’agriculture), qu’elle constitue directement un milieu de vie pour une
grande partie des espèces sauvages (insectes, petits mammifères, oiseaux,
batraciens…), et que les pesticides agricoles sont extrêmement volatils et
contaminent de fait l’ensemble des milieux sauvages via le vent, les
brouillards et la pluie.
Comme toutes les activités humaines massives, l’agriculture est une forte
consommatrice d’énergie. Mais dans ce cas précis, il s’agit d’une aberration
historique.
En effet, le rôle premier de l’agriculture a toujours été de transformer une
énergie renouvelable (l’énergie solaire qui permet la photosynthèse et la
croissance des plantes) en énergie utilisable par les humains : d’abord sous
forme d’aliments, puisque les végétaux et animaux dont nous nous
nourrissons sont avant tout des sources d’énergie assimilables par
l’homme ; ensuite pour entretenir les animaux de trait et leur permettre de
labourer, porter, presser… ; enfin directement sous forme de bouses brûlées
dans les pays tropicaux, de graisse pour bougies en Europe, etc.
Bien entendu, l’agriculture fournit également des fibres (vêtements,
constructions…) mais elle est avant tout un gigantesque outil de recyclage
énergétique, depuis une énergie non utilisable par l’homme vers une énergie
assimilable.
Dès lors que l’activité agricole nécessite une dépense d’énergie fossile
supérieure à l’énergie libérée par les aliments consommés, elle devient un
non-sens, une totale régression historique. C’est pourtant de plus en plus le
cas du fait de plusieurs facteurs combinés :
– l’utilisation d’engrais, qui sont extrêmement gourmands en énergie
fossile (1 kilo d’azote chimique nécessite 1,2 à 1,5 litre de fioul) ;
– le transport à grande distance des intrants agricoles (aliments pour
animaux, engrais, pesticides, matériels divers) et surtout des aliments eux-
mêmes ;
– le matériel agricole, dont la construction est gourmande en énergie et
dont le fonctionnement s’appuie sur la consommation de pétrole.
En particulier, la spécialisation régionale, qui a séparé les productions
animales et végétales au mépris de l’évidence agronomique, conduit à
d’importants échanges de matière sur de grandes distances (aliments pour
bétail, engrais pour les cultures). La transformation et la distribution des
produits agricoles dans des circuits ultraspécialisés basés sur les économies
d’échelle verticales ont amené à négliger la cohérence énergétique
territoriale (qui aurait pourtant permis des économies d’échelle
horizontales – cf. chapitre II-6).
Il est inutile de s’étendre sur l’impact extrêmement négatif de ces
dépenses énergétiques sur l’effet de serre et le changement climatique,
mécanisme bien connu désormais.
Pesticides et cancers
Le lien entre pesticides agricoles et cancers est moins flagrant que celui que
nous pouvons établir avec les affections précédentes.
En effet, des synthèses d’études réalisées dans les années 1980 et 1990
aux Etats-Unis auprès de populations d’agriculteurs tendent à suggérer une
plus faible présence de la plupart des cancers du sein de cette population (à
l’exception du cancer de la prostate). Toutefois, ces travaux n’ont pas pu
faire la part des différentes causes en jeu, en particulier celle de l’équilibre
de l’alimentation (consommation plus fréquente de fruits et légumes) et de
l’activité physique : des facteurs contradictoires étaient en jeu.
A l’inverse, les études les plus récentes tendent à impliquer les pesticides
dans l’augmentation de plusieurs cancers. Ainsi, les dérivés de l’acide
chlorophénoxyacétique ont été associés avec un risque accru de Lymphome
non Hodgkinien parmi des résidents de zones de culture du riz en Italie du
Nord31. De la même manière, une étude conduite aux Etats-Unis dans une
région fortement contaminée par des herbicides organochlorés et triazines
montre une augmentation significative du risque de cancer du sein32. Un
surcroît de cancers de la thyroïde a été observé dans une population exposée
à des mélanges de pesticides organochlorés contenant de forts taux
d’hexachlorobenzène33.
1 Sur l’histoire des pesticides en agriculture et leurs conséquences, voir notamment les travaux de
l’association Générations futures (voir annexe 3 : adresses utiles), ainsi que Jacques Caplat, Cultivons
les alternatives aux pesticides, Le passager clandestin / Cédis, 2011.
2 Selon l’Institut national de veille sanitaire, l’agriculture est la profession connaissant le plus fort
taux de suicide en France. Leur cause est bien sûr avant tout économique (agriculteurs ruinés), mais il
serait irresponsable de négliger le rôle de la fatigue nerveuse et psychologique et du sentiment
d’enfermement dans une impasse. Beaucoup d’agriculteurs ne savent pas comment faire face à la
pression psychologique et morale puissante que leur met la société civile, alors même qu’ils ne voient
sincèrement pas de portes de sortie.
3 J’en parlerai plus précisément au chapitre IV-1.
4 Institut français de l’environnement – qui fut ensuite supprimé, ce qui a empêché la publication de
tout nouveau rapport synthétique sur le sujet depuis cette date, même si les services du ministère en
charge de l’Environnement continuent à collecter les données brutes.
5 Par exemple, dans le bassin Artois-Picardie, 40 % des points de captage utilisés en 2002 sont
désormais abandonnés ou en projet d’abandon. Dans le même ordre d’idées, 40 % des habitants de
l’Eure-et-Loir n’auraient plus d’eau potable sans la réalisation d’interconnexions à longue distance
avec d’autres captages restés relativement sains.
6 Plusieurs morts humaines et animales sont désormais clairement reliées à ce phénomène ; cf.
Ouest-France, 5 septembre 2009, “Algues vertes, un décès suspect dans les Côtes-d’Armor”, au sujet
de la mort le 22 juillet 2009 d’un ouvrier chargé du ramassage des algues vertes ; Libération,
30 juillet 2009, “Un cheval meurt asphyxié par les algues vertes”.
7 Il existe une agence de l’eau pour chacun des six bassins hydrographiques métropolitains (Loire-
Bretagne, Seine-Normandie, Adour-Garonne, Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-
Corse).
8 FNAB et al., L’Agriculture biologique : un outil efficace et économe pour protéger les ressources en
eau, dossier pédagogique, FNAB / ITAB / GABNOR / FRAB-CA / ministère de l’Agriculture et de la Pêche,
2008
9 Et que dire si l’on y ajoute l’outre-mer, avec ses trois océans, ses récifs coralliens, ses atolls, sa
forêt tropicale guyanaise ?
10 Ce terme, techniquement précis, était utilisé par Rachel Carson dans son ouvrage précurseur de la
prise de conscience écologiste, Printemps silencieux (Wildproject, 2009 – première édition
américaine 1962). Il est toutefois désormais employé réglementairement en France pour désigner les
produits chimiques domestiques plutôt que les pesticides agricoles, ce qui peut induire en erreur.
11 Etude de l’INRA de Rennes en 1996, mesures régulières d’Airparif.
12 Gunier R.B., Ward M.H., Airola M., Bell E.M., Colt J., Nishioka M., et al., “Determinants of
Agricultural Pesticide Concentrations in Carpet Dust”, in Environmental Health Perspectives, 2011.
13 Il semble toutefois que l’agriculteur n’ait pas respecté les recommandations de disposer au
préalable des drains permettant une rétention du produit : ses drains étaient situés dans le sens de la
pente et ont facilité son évacuation au lieu de la limiter. Mais cet exemple est fort illustratif d’une
réalité technique incontournable : les consignes de sécurité pour l’utilisation des pesticides sont très
souvent inapplicables… et inappliquées.
14 L’adjectif “systémique” signifie ici qu’ils sont présents dans l’ensemble des parties des plantes
ainsi traitées, et qu’ils s’y maintiennent durant une longue période.
15 Les plantes adventices sont les plantes autres que celles faisant l’objet de la culture agricole
volontaire. Elles sont généralement nommées mauvaises herbes par les agriculteurs, mais sont loin
d’être toujours néfastes à la culture qui les abrite (elles n’ont parfois qu’un effet très secondaire sur
les rendements – mais certaines sont réellement problématiques pour la culture).
16 Les lecteurs souhaitant approfondir cette question sont invités à visiter le site de l’association
Générations futures et à lire les ouvrages de François Veillerette (cf. bibliographie et annexe 3 :
adresses utiles).
17 Source : Ligue contre le cancer.
18 Nicolino Fabrice et François Veillerette, Pesticides – Révélations sur un scandale français,
Fayard, 2007.
19 Alternative Santé – L’Impatient, avril 2001.
20 Lewin R., “Parkinson’s Disease : An environmental cause ?”, in Science, 229, p. 257-258, 1985.
21 Ouest-France, 14 novembre 2009.
22 CEMAGREF : Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement (anciennement
Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts).
23 Agence française de sécurité sanitaire et de l’environnement.
24 Le cas de Yannick Chénet, dont la leucémie a été officiellement reconnue par la MSA comme
“maladie professionnelle” (et qui est décédé en janvier 2011) pourrait faire école et libérer la parole.
25 Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
26 Pines et al., “Some Organochlorine Insecticides and Polychlorinated Biphenyl Blood Residues in
Infertile Males in the General Israeli Population of the Middle 1980’s”, in Archives of Environmental
Contamination Toxicology, 16, p. 587-597, 1987.
27 Multigner Luc et Alejandro Oliva, “In Human Reproduction”, in Publication de la Société
européenne de reproduction humaine et d’embryologie, vol. 16, p. 1768, 2001 ; Greenlee Ane R., Tye
E. Arbuckle et Chyou Po-Huang, “Risk Factors for Female Infertility in an Agricultural Region”, in
Epidemiology, 14, p. 429-436, 2003.
28 Pew Environmental Health Commission, “Healthy from the Start – Why America needs a better
system to track and understand birth defects and the environment”, in John Hopkins School of Public
Health, Baltimore, 1999.
29 Van Maele-Fabry G. et J. Willems, “Prostate Cancer Among Pesticide Applicators : A meta-
analysis”, in Int Archives Occupation Environmental Health, 77, p. 559-570, 2004.
30 Guillette Elizabeth A., María Mercedes Meza, Maria Guadalupe Aquilar, Alma Delia Soto, Idalia
Enedina Garcia, “An Anthropological Approach to the Evaluation of Preschool Children Exposed to
Pesticides in Mexico”, in Environmental Health Perspectives, 106, p. 347-353, 1998.
31 Fontana A. et al., “Incidence Rates of Lymphomas and Environmental Measurements of Phenoxy
Herbicides : Ecological analysis and case-control study”, in Archives of Environmental Health, 53-
56, p. 384-387, 1998.
32 Keetles M.A. et al., 1997, “Triazine Herbicide Exposure and Breast Cancer Incidence. An
ecologic study of Kentucky counties”, in Environmental Health Perspectives, 105-11, p. 1222-1227.
33 Grimalt J.O. et al., “Risk Excess of Soft Tissue Sarcoma and Thyroïd Cancer in a Community
Exposed to Airborne Organochlorinated Compound Mixtures with a High Hexachlorobenzene
Content”, in International Journal of Cancer, 56-2, p. 200-203, 1994.
34 Arnold et al, “Synergistic Activation of Estrogen Receptor with Combinations of Environmental
Chemicals”, in Science, 272, p. 1489-1492.
35 Ainsi cinq fruits et légumes frais par jour ont été inclus dans la journée, de même qu’au moins
trois produits laitiers et un litre et demi d’eau.
2. La bio, une excellence environnementale
Consommations énergétiques
Plusieurs agronomes ont attiré l’attention sur le fait que le passage en bio ne
conduit pas nécessairement à une baisse de la consommation d’énergie sur
la ferme, car il peut imposer une augmentation du nombre de passages du
tracteur (préparation du sol et désherbage mécanique). Cette remarque est
judicieuse en théorie, et parfois avérée pour des fermes spécialisées en
grandes cultures et récemment converties en bio. Toutefois, outre la baisse
très nette et incontestable des consommations énergétiques dues aux engrais
(cf. plus haut), les études sur de grands nombres de fermes témoignent en
moyenne d’une baisse d’un quart des autres consommations énergétiques.
En particulier, il est possible d’identifier une baisse sensible des
consommations énergétiques indirectes dues aux achats d’aliments (du fait
de la nécessité d’autonomie en protéines pour les élevages), ainsi qu’une
baisse légère de la consommation moyenne de fioul, malgré quelques cas de
hausse (par augmentation du nombre de passages du tracteur).
Il apparaît que même dans les fermes de grandes cultures, les passages de
tracteur nécessités par la préparation du sol et le désherbage mécanique
diminuent rapidement lorsque l’agriculteur acquiert une meilleure maîtrise
des techniques biologiques alternatives (travail du sol plus superficiel,
désherbages mécaniques ne nécessitant pas plus de passages que ceux de
leurs collègues utilisant les traitements chimiques). Des bilans précis ont été
réalisés par différentes études systématiques7, qui montrent clairement
l’avantage énergétique des pratiques biologiques – j’y reviendrai dans le
chapitre III-1.
Consommation d’eau
Les fermes biologiques utilisent moins d’eau pour l’irrigation que les
fermes conventionnelles, mais la différence n’est pas vraiment indiscutable
pour l’instant.
D’après les études disponibles, il semble que les fermes qui pratiquaient
une irrigation notable avant leur conversion continuent à irriguer une fois en
bio, mais en réalisant un suivi très précautionneux des volumes consommés.
En revanche, pour les fermes où l’irrigation était secondaire ou difficile, la
conversion en bio conduit souvent à réduire le recours à l’irrigation en
modifiant les rotations ou les variétés utilisées.
Surtout, si la conversion à l’agriculture biologique se développait à
grande échelle, elle conduirait logiquement à une baisse importante de
l’irrigation puisque la bio interdit les systèmes agronomiques aberrants
comme ceux que pratiquent les maïsiculteurs spécialisés. Ces derniers
cultivent du maïs plusieurs années de suite sur la même parcelle, ce qui est
impossible en bio : un développement massif de l’agriculture biologique
imposerait de modifier les systèmes agronomiques et réduirait par
conséquent fortement le besoin d’irrigation.
La gestion de l’azote
L’utilisation des légumineuses (qui synthétisent de l’azote organique à partir
de l’azote atmosphérique) et du compost permet aux agriculteurs
biologiques de se passer sans grandes difficultés de tout engrais azoté
chimique. Toutefois, ces techniques ne garantissent pas à elles seules
l’absence d’impact négatif sur l’environnement. L’addition de
l’implantation de légumineuses et de l’apport de compost sur la même
parcelle peut en théorie, dans certains cas, conduire à une surfertilisation
azotée et à des fuites d’azote dans l’eau. Il peut en être de même avec
l’apport massif de compost sur de petites surfaces (par exemple en
maraîchage). En outre, des prairies labourées en automne, qu’elles soient
bio ou conventionnelles, conduisent à des fuites d’azote en hiver si elles ne
sont pas immédiatement occupées par des cultures dites “pièges à nitrates”.
Ces risques, qui ne sont pas propres à la bio, restent toutefois très
rarement avérés dans les fermes biologiques. En particulier, la
surfertilisation par du compost est directement surveillée et interdite par le
règlement bio, qui limite l’apport d’azote à cent soixante-dix unités par
hectare et par an. Quant à un excès ponctuel dû à une éventuelle sous-
estimation des légumineuses, il resterait de toute façon très restreint – et
considérablement inférieur à l’excès d’azote rencontré dans la plupart des
fermes conventionnelles. Enfin, les agriculteurs biologiques sont
généralement soucieux d’éviter de laisser une parcelle “nue” en hiver, et ne
sont pas coutumiers d’un labour de prairies à l’automne sans implantation
de “pièges à nitrates”… bien que cette pratique ne soit pas formellement
prohibée actuellement et qu’il ne puisse pas être exclu que quelques cas
isolés se produisent. Quoi qu’il en soit, ces quelques écarts ne concernent le
cas échéant qu’une infime proportion des fermes biologiques, et leur effet
est dérisoire comparé aux dégâts de l’épandage systématique d’azote de
synthèse et de lisiers.
Les études menées sur le rôle de l’agriculture dans l’effet de serre sont
encore trop récentes pour dégager des certitudes. Pour autant, les travaux en
cours suggèrent que l’agriculture biologique est bénéfique pour plusieurs
raisons.
Des incertitudes
De nombreux facteurs d’émissions sont en discussion. C’est le cas de celui
du N2O des sols lié à l’utilisation des engrais azotés car il est très sensible
aux conditions climatiques, pédologiques, etc. Il serait compris entre moins
de 1 % et 5 % de l’azote épandu, fourchette très importante compte tenu des
tonnages d’engrais azotés utilisés dans le monde et du très fort potentiel de
réchauffement du N2O (deux cent quatre-vingt-dix-huit fois plus que le CO2).
Il en est de même pour les facteurs d’émissions de CH4 entérique des bovins
(dépendants de la race et de l’alimentation) et des facteurs d’émissions
associés au changement d’affectation des sols (liés au taux de carbone des
sols).
La structure des sols et leur taux de matière organique ont des effets à la
fois sur la séquestration de carbone et sur la résilience – c’est-à-dire la
capacité à faire face à des incidents climatiques.
Séquestration de carbone
Le sol est le plus important réservoir de carbone de la planète, puisqu’il en
stocke 615 milliards de tonnes dans les vingt premiers centimètres et
2 344 milliards de tonnes jusqu’à une profondeur de trois mètres. Or les
labours profonds, le remplacement de prairies par des cultures annuelles, et
l’utilisation des engrais chimiques ont conduit à réduire considérablement
ce stock de carbone dans les sols des exploitations intensives occidentales.
En France, dans les sols limoneux en grande culture du Bassin parisien ne
recevant pas de fumure organique, la teneur en carbone du sol a diminué de
60 % en cinquante ans, passant de 1,7 % à 0,7 % de carbone. C’est dire le
volume de CO2 qu’il est possible de restocker par des pratiques plus
adéquates !
L’agriculture biologique permet justement d’augmenter la séquestration
du carbone dans les sols, pour de nombreuses raisons cumulatives :
fertilisation organique (compost ou fumier) ; part importante des prairies
(40 % de la surface bio française sont composés de prairies permanentes) ;
rotations diversifiées avec des cultures dérobées ; enherbement des
interrangs en cultures pérennes ; labour moins profond.
Une synthèse réalisée par la Soil Association de diverses études à travers
le monde montre que la conversion en agriculture biologique permet de
stocker en moyenne 400 kilos de carbone par hectare et par an, soit
l’équivalent de près de 1 500 kilos de CO2. A titre d’exemple, l’agronome
Claude Aubert a calculé que simplement grâce à la séquestration de carbone
dans le sol, la conversion de la totalité de l’agriculture française à la bio
permettrait de diminuer les émissions totales de CO2 d’environ 30 millions
de tonnes par an pendant au moins vingt ans, soit 6 % du total des
émissions françaises3. A l’échelle planétaire, il faut ajouter des vertus
supplémentaires : la pratique des cultures associées (fréquente en
agriculture biologique tropicale), qui améliorent encore la capacité de
stockage de carbone lorsqu’elles combinent culture pérenne et culture
annuelle, ainsi que la régénération des prairies tropicales dégradées qui
permet de stocker des volumes encore plus importants.
Résilience
Enfin, l’agriculture biologique apparaît particulièrement apte à s’adapter
aux changements climatiques (notion de “résilience”). Ainsi, le Rodale
Institute, qui compare depuis 1981 trois types de parcelles (rotation
biologique courte, rotation biologique longue, rotation conventionnelle), a
montré en 2004 que, lors des cinq années de sécheresse rencontrées depuis
le lancement de l’étude, les systèmes biologiques ont obtenu dans la grande
majorité des cas des rendements supérieurs à ceux des systèmes
conventionnels. Par ailleurs, l’année 1999 a été marquée en Pennsylvanie
par la succession d’une sécheresse estivale et de pluies torrentielles en
septembre. Les résultats sont sans appel, avec des rendements supérieurs
dans toutes les parcelles biologiques (à l’exception d’une seule). Cette
situation de stress extrême a été particulièrement suivie par l’institut
(mesure régulière de la biomasse, de la couverture du sol, de la dynamique
de l’eau en surface et en profondeur…).
Ce résultat est dû à une meilleure rétention d’eau dans le sol (les rotations
complexes, les prairies et la fertilisation organique améliorent
considérablement la structure du sol et son taux de matière organique), une
plus grande biodiversité dans les sols, et une plasticité technique (utilisation
de techniques et de variétés adaptées aux différents milieux, valorisation
des savoirs paysans).
Cette caractéristique est particulièrement précieuse à une époque où les
incidents climatiques risquent de se multiplier : contrairement aux idées
reçues, l’agriculture biologique pourrait obtenir à long terme de meilleurs
rendements que l’agriculture conventionnelle même en milieux tempérés
nord-américains et européens. C’est l’une des raisons pour lesquelles le
rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation a mis en
avant l’agriculture biologique (sous le terme tropical d’agroécologie)
comme la mieux à même de nourrir l’humanité à moyen terme, en
s’appuyant notamment sur sa résilience4 – mais j’y reviendrai précisément
dans la troisième partie.
Les risques biologiques des OGM découlent des limites techniques décrites
ci-dessus. En “oubliant” les précisions qui précèdent, les promoteurs des
plantes génétiquement modifiées évitent d’évoquer les risques qu’ils
prennent.
1 Parmi les agriculteurs biologiques témoignant en faveur des “faucheurs d’OGM” dans les
années 2003-2010, figure un ancien généticien de Monsanto, dont il est difficile de prétendre qu’il ne
connaît pas le sujet.
2 Cf. Richard C. Lewontin, La Triple Hélice : les gènes, l’organisme, l’environnement, Seuil, 2003.
Pour une mise au point synthétique, voir également : Hervé Le Guyader, “Qu’est-ce qu’un gène ?”, in
Le Courrier de l’environnement de l’INRA, no 44, octobre 2001.
3 Des chercheurs ont déjà décrit des transferts de gènes de résistance à la streptomycine (l’un des
antibiotiques les plus courants) entre un végétal génétiquement modifié, le tabac, et la bactérie
acinobacter (Elisabeth Kay et al., revue Applied and Environmental Microbiology, juillet 2002).
4 D’autres facteurs cellulaires entrent en jeu dans la constitution de la forme spatiale des protéines,
mais il suffit de citer ici le rôle de l’attraction électrique, qui illustre (sans l’épuiser) le rôle
incontournable du contexte cytoplasmique.
5 Ewen S.W.B. et A. Pustzaï, “Effects of Diets Containing Genetically Modified Potatoes Expressing
Galanthus Nivalis Lectin on Rat Small Intestine”, in The Lancet, 354, p. 1353-1354, 1999.
6 Séralini G.E. et al., “New Analysis of a Rat Feeding Study with a Genetically Modified Maize
Reveals Signs of Hepatorenal Toxicity”, in Archives Environmental Contamination Toxicology, 52,
p. 596-602, 2007.
7 Vecchio L. et al., “Transcription and Metabolism in Testis of Mice Fed on GM Soybean”, in 46e
symposium d’histochimie, Prague, septembre 2004 ; Malatesta M. et al., “Reversibility of Hepatocyte
Nuclear Modifications in Mice Fed on Genetically Modified Soybean”, in European Journal of
Histochemistry, 49-3, p. 237-242, juillet-septembre 2005.
8 Netherwood T. et al., “Assessing the Survival of Transgenic Plant DNA in the Human
Gastrointestinal Tract”, in Nature Biotechnology, 22-2, p. 204-209, février 2004.
9 Morin Hervé, “Aux Etats-Unis, du colza transgénique prend la clef des champs”, in Le Monde,
9 août 2010.
10 Dupont Gaëlle, “La mauvaise graine de Monsanto”, in Le Monde, 18 octobre 2010.
11 Endogène : élaboré de l’intérieur ; exogène : apporté ou imposé de l’extérieur.
12 Pradervand Pierre, Une Afrique en marche – La révolution silencieuse des paysans africains,
Plon, 1989 ; François de Ravignan et al. (Institut panafricain pour le développement), Comprendre
une économie rurale, L’Harmattan, 1981 (rééd. 1992) ; A. Guichaoua et Y. Goussault, Sciences
sociales et développement, Armand Colin, 1993.
13 Exogènes à triple titre : politiquement (car imposés ou fortement suggérés par des acteurs
extérieurs aux sociétés paysannes considérées) ; économiquement (car la diffusion des OGM est sous
le contrôle des multinationales et de leurs objectifs économiques) ; et techniquement (puisque la
création et la reproduction des OGM dépendent d’une technique que les paysans ne peuvent pas
maîtriser à l’échelle d’un village ou d’une région).
14 Pieri Christian et al., Savanes d’Afrique, terres fertiles ?, ministère de la Coopération et du
Développement / CIRAD, Paris, 1991 ; Pierre Pradervand, op. cit. ; Marc Dufumier, Agricultures et
paysanneries des tiers mondes, Karthala, 2004.
15 Cf. Ceballos Lilian, PGM insecticides : évaluation de l’impact sur les insectes auxiliaires, Rés’OGM
Info, 2008.
5. Semences standard, semences paysannes,
semences biologiques
De quoi parle-t-on ?
Hybride… ou hybride F1 ?
Les semenciers jouent souvent sur la confusion entre le principe de base de
l’hybridation (bénéfique lorsqu’il est pratiqué sans manipulation des lignées
parentales) et la réalité des semences hybrides. En effet, ce que les
semenciers appellent “hybrides” ne sont pas de simples croisements,
comme ils essaient de le faire croire aux consommateurs. Il s’agit en réalité
de ce qu’en génétique l’on nomme des hybrides F1, c’est-à-dire des variétés
totalement instables et éphémères. Les F1 résultent du croisement non
stabilisé de lignées pures de parents génétiquement très différents.
Le principe est le suivant. En premier lieu, les sélectionneurs choisissent
deux variétés génétiquement éloignées l’une de l’autre. Chacune d’entre
elle est alors reproduite isolément pendant plusieurs générations de façon
totalement consanguine : le but est d’obtenir une dépression de
consanguinité. Chacune des deux lignées parentales subit ainsi une
dégénérescence contrôlée, conséquence de la consanguinité et de la
stabilisation extrême de quelques caractères.
Dans un deuxième temps, ces deux lignées pures dégénératives sont
croisées. Il se produit alors ce que les généticiens appellent un effet
d’hétérosis : profitant d’une occasion de sortir enfin de leur consanguinité,
les deux lignées dégénératives donnent naissance à des individus
particulièrement vigoureux et productifs. Il s’agit d’un mécanisme naturel
de survie. Cet effet d’hétérosis est d’autant plus fort que les deux parents
sont génétiquement éloignés l’un de l’autre et surtout, chacun de leur côté,
consanguins et dégénérés.
Toutefois, comme il s’agit d’un croisement de première génération entre
des lignées pures, les individus vigoureux obtenus après le croisement ne
sont pas stables génétiquement. Si l’agriculteur essayait de les reproduire à
leur tour, il obtiendrait une moitié de plants productifs, mais un quart de
plants identiques au père dégénératif et un quart identiques à la mère
dégénérative. Autrement dit, lorsqu’un agriculteur ressème la récolte d’un
hybride F1, il obtient pour moitié des plantes dégénérescentes et
improductives ; le résultat technique est alors catastrophique et aberrant.
La fabrication d’hybrides F1 est donc une méthode d’industrialisation du
croisement. Elle permet d’obtenir des variétés très homogènes, uniquement
suite à la première multiplication de la semence commerciale – mais dont
les graines ne peuvent pas être resemées en raison de leur instabilité
génétique.
En pratique, lorsqu’il est question d’hybrides en agriculture, il s’agit
précisément d’hybrides F1.
OGM
Je ne reviens pas ici sur l’aberration biologique que constituent les OGM, ni
sur les risques environnementaux et sanitaires qu’ils font peser sur la
planète (voir chapitre précédent).
D’un point de vue économique, les OGM constituent l’aboutissement
extrême de la logique des variétés améliorées ou standard : sélection
échappant totalement aux paysans, interdiction voire impossibilité de
reproduire les semences, dépendance absolue des agriculteurs à l’égard des
firmes semencières. Il en est de même d’un point de vue technique, car les
variétés OGM sont particulièrement standardisées et uniformisées (il faut
vendre un immense volume de semences pour rentabiliser leur obtention),
et elles sont exclusivement conçues pour justifier et pérenniser le “modèle”
agricole industriel et chimique.
Semences fermières
En France, environ 50 % des cultivateurs de céréales à paille ressèment
deux ans sur trois le grain issu de leur récolte. Dans ce cas, l’agriculteur a
acheté au préalable (un an sur trois environ) des semences certifiées, qui
fournissent l’origine de sa récolte initiale. On parle alors de semences
fermières, car s’il y a bien réutilisation de semences à la ferme, il n’y a pas
de travail d’évolution ni de sélection, et l’agriculteur doit régulièrement
racheter ses variétés (elles dégénèrent progressivement après plusieurs
resemis). Bien entendu, cet usage est impossible avec les graines d’hybrides
F1 (qui dégénèrent dès la première reproduction) ; il n’est pratiqué qu’avec
les variétés qui sont des lignées pures standard.
Semences paysannes
Un réseau de paysans français et d’artisans-semenciers s’est de nouveau
engagé dans un véritable travail de sélection à la ferme et de conservation
collective permettant de faire vivre de manière totalement autonome leurs
propres variétés. Il peut s’agir soit de maintenir en vie des variétés
anciennes en les faisant coévoluer lentement avec leur milieu, soit de les
adapter à des choix techniques, commerciaux, environnementaux ou
esthétiques par une authentique sélection : il y a alors création progressive
de nouvelles variétés, chacune étant adaptée à un terroir et/ou à des
techniques. Ce sont les variétés paysannes. Dans certaines régions du
monde, notamment dans les agricultures vivrières non solvables, les
semences paysannes constituent encore une part importante voire
essentielle des semences agricoles, malgré les tentatives des entreprises
semencières internationales pour les en empêcher.
Parce qu’elles sont sélectionnées en ressemant ou en replantant une partie
de la récolte, les variétés paysannes sont toutes reproductibles.
Sélection ou multiplication ?
1 Il en est d’ailleurs de même avec les races animales standard issues de la sélection moderne,
également déconnectées de leur milieu et également fragiles, qu’il est nécessaire de protéger au
moyen de médicaments. Cette médicamentation est devenue tellement habituelle que certains
éleveurs ont oublié qu’un animal adapté à son milieu ne nécessite pratiquement aucun traitement.
2 Pour plus de précisions, et pour connaître les initiatives en faveur de la sélection dans les fermes et
de la remise en culture des variétés anciennes, j’invite les lecteurs à se tourner vers le Réseau
Semences Paysannes (voir annexe 3).
3 Ce schéma est particulièrement vrai pour les semences de grandes cultures (céréales et
oléoprotéagineux). La dépendance aux engrais et à la mécanisation est parfois moins aiguë pour
certaines variétés standard potagères.
4 Les semences conventionnelles subissent un traitement chimique pratiquement systématique, de
façon à les protéger contre les prédateurs… ou de façon à protéger par la suite les plantes qui en
seront issues. Ce sont ces derniers traitements, faits pour s’étendre à toute la durée de vie de la plante
(voire même parfois à ses descendants !), qui sont particulièrement soupçonnés dans la mortalité des
abeilles.
5 Institut technique de l’agriculture biologique, cf. chapitre I-10.
6 La nouvelle variété doit prouver qu’elle permet un rendement supérieur (ou au moins comparable)
à la moyenne de trois “témoins” désignés par le CTPS (comité technique permanent de la sélection),
c’est-à-dire des trois variétés considérées comme les plus performantes pour la sous-espèce
considérée (par exemple, blé tendre d’hiver). Pour certaines espèces, la moyenne est calculée sur
quatre témoins… mais pour d’autres sur seulement deux témoins.
6. Le lien au territoire : un intérêt autant
social
et agronomique qu’énergétique
Y croire ou pas
La formule employée par la grande cuisinière citée ici me semble
symptomatique de l’approche irrationnelle de nombre d’opposants à
l’agriculture biologique. Elle “n’y croit pas”.
La maladresse des premiers promoteurs de l’agriculture biologique a
certainement une part de responsabilité dans cette approche subjective.
Mais il est probable qu’elle soit surtout le témoin résiduel du mépris porté
aux préoccupations écologistes dans les années 1970-1980, dont de
nombreux acteurs économiques ou associatifs ont eu à subir les
conséquences. Il est toutefois étonnant que cette condescendance
irrationnelle envers les constats et démarches écologiques perdure encore de
nos jours.
L’agriculture biologique est une démarche agronomique et sociale, ayant
donné naissance à un ensemble de techniques : il ne peut pas être question
d’y croire ou de ne pas y croire ! Il est parfaitement respectable de ne pas y
adhérer – à chacun ses choix de société, à chacun ses convictions. Mais
comment peut-on “ne pas croire” à une technique ? Elle est. Les
agriculteurs choisissent de la mettre en œuvre ou non, mais comment nier
son existence ? Cette cuisinière ne croit pas au compostage, ne croit pas à la
biologie des plantes, ne croit pas à l’intérêt de l’alternance des cultures pour
limiter les parasites, ne croit pas que l’appareil digestif des ruminants soit
adapté à la digestion des aliments à base de cellulose ? Ce vocabulaire, que
je rencontre régulièrement (il ne s’agit pas de stigmatiser une personne dont
l’expression sert simplement ici d’exemple), montre la faible connaissance
de la bio par ses détracteurs, et les fantasmes personnels qu’ils projettent sur
elle.
Pollution résiduelle et rôle environnemental de la bio
Une fois ces confusions levées, nous pouvons nous interroger sur l’ampleur
des pollutions subies par les agriculteurs biologiques, le risque éventuel
qu’elles représentent, et les moyens de le circonscrire.
UNE AGRICULTURE
PERFORMANTE ET INTENSIVE
L’ agriculture biologique est incontestablement efficace pour protéger
l’eau, la biodiversité, les territoires, la santé. Elle constitue à ce titre
une alternative technique formidable face aux urgences environnementales
contemporaines. Mais une telle qualité se révélerait inutile si elle n’était pas
capable de produire des aliments en quantité et en qualité suffisantes pour
nourrir l’humanité. A quoi bon développer une solution qui ne serait pas
généralisable et ne conduirait qu’à se donner bonne conscience
localement ?
Cette prudence, légitime et nécessaire a priori, s’est transformée en
scepticisme généralisé voire en dénigrement de l’agriculture biologique par
des acteurs agro-industriels que ce mode de production dérange. Pourtant, il
faut faire preuve d’une véritable méconnaissance de l’agronomie tropicale
pour prétendre que l’agriculture biologique serait moins performante que
l’agriculture conventionnelle dans des milieux instables. Plus les études
s’additionnent, plus le constat devient net : l’agriculture biologique est
également une solution extraordinairement encourageante pour assurer la
sécurité alimentaire de l’humanité.
1. De faibles rendements ?
Intensivité et productivité
Il apparaît important ici de rappeler le sens de quelques termes souvent
employés à contresens. La notion de productivité renvoie à la production
par travailleur, tandis que celle d’intensivité renvoie à la production par
hectare.
Il est donc vrai que l’agriculture biologique est moins productive que
l’agriculture conventionnelle, puisqu’elle nécessite plus de main-d’œuvre.
Cette caractéristique n’est certainement pas un défaut, mais bien un atout :
la main-d’œuvre n’est absolument plus un facteur limitant de l’agriculture
dans un contexte européen et mondial de chômage de masse10. Les anciens
paysans sans-terre brésiliens préfèreraient retrouver un emploi agricole
plutôt que mourir de faim, massés dans des favelas insalubres. Une
agriculture riche en emplois est une agriculture bénéfique à la société.
D’un autre côté, l’agriculture biologique n’est pas forcément moins
intensive que l’agriculture conventionnelle. Elle est bien plus efficace pour
intensifier les cultures associées (c’est-à-dire augmenter leurs rendements)
que l’agriculture basée sur l’emploi de produits chimiques – de ce fait, la
bio est bien plus intensive que l’agriculture conventionnelle dans les trois
quarts de la planète. Le fait que la France se situe dans le petit quart où
l’agriculture conventionnelle est (provisoirement et en général) plus
intensive induit bien des agronomes en erreur.
1 Il suffit de se pencher sur les récents travaux des paléoanthropologues, sur les travaux ordinaires
des écologues ou sur un arbre phylogénétique (classification des espèces) pour se familiariser avec
cette notion de buisson évolutif.
2 Cet axe essentiel de l’agriculture occidentale remonte d’ailleurs bien plus loin que la Seconde
Guerre mondiale. Le “mouvement des enclosures” en Angleterre, qui fut à l’origine de l’expansion
économique de l’Empire britannique au XVIIIe siècle et à la base du capitalisme moderne, conduisit déjà
à un transfert de main-d’œuvre des campagnes vers les villes. La réorganisation de l’agriculture
britannique puis européenne planifia ensuite sciemment ce transfert au XIXe siècle.
3 Il est utile de préciser que la notion de productivité renvoie normalement au volume produit par
travailleur : augmenter la productivité signifie augmenter la quantité d’aliments générée par chaque
agriculteur – elle suppose notamment la réduction du nombre d’emplois agricoles. La notion
d’agriculture intensive, quant à elle, renvoie au rendement par unité de surface (rendement par
hectare). En pratique, ces deux termes sont désormais souvent confondus, puisque beaucoup
d’auteurs parlent d’intensivité “des moyens de production” ou de productivité “par travailleur ou par
hectare” (voir plus loin).
4 J’avais explicitement interrogé un représentant de la Commission européenne à ce sujet lors d’une
conférence universitaire dont nous partagions la tribune. Il avait reconnu avec gêne ne proposer
aucune autre perspective.
5 Un quintal est une unité de 100 kilos. Un champ de blé dont le rendement est mesuré à 80 quintaux
par hectare produit donc 8 tonnes de blé par hectare.
6 Il s’agit ici d’une hypothèse d’école, qui demande évidemment à être vérifiée.
7 Ce bénéfice nutritionnel est renforcé avec l’usage de variétés végétales (et de races animales)
anciennes ou adaptées au milieu. Or, ces variétés et races anciennes ou locales sont difficiles à
conduire en agriculture conventionnelle et sont optimisées par les pratiques biologiques. Il existe
donc bien un lien étroit entre l’utilisation de variétés riches sur le plan nutritionnel et les techniques
biologiques.
8 “DIAgnostic Liant Environnement et Contrat Territorial d’Exploitation”, outil conçu par
l’association SOLAGRO et utilisé par la plupart des organisations agricoles de toutes obédiences.
9 “Méthode Pour L’ANalyse EnergéTique de l’Exploitation”, également conçu par SOLAGRO et
reconnu par l’ensemble des organisations agricoles.
10 La question du coût relatif de la main-d’œuvre et de la mécanisation relève des politiques
publiques et non de l’agronomie ou de la fatalité, j’y reviendrai plus loin.
11 Voir l’exemple de Bertrand Lassaigne dans la partie IV. Je peux également citer le cas de Guy
Darrivère, dans les Pyrénées-Atlantiques, qui obtient régulièrement 100 quintaux en maïs biologique
non irrigué.
12 Ce tableau est forcément caricatural, car la place manque pour dresser un inventaire précis des
travaux menés par les différents instituts agronomiques et centres de recherche. Comme nous le
verrons au chapitre IV-5, quelques chercheurs ont réussi à imposer, souvent contre l’avis de leur
hiérarchie, des protocoles expérimentaux rompant avec le dogme de la conduite technique basée sur
les pratiques conventionnelles. Qui plus est, les recherches holistiques essayant de prendre en compte
le milieu et la temporalité commencent à se développer timidement.
13 Comparaison entre trois types d’agriculture (biologique, biodynamique, conventionnelle) sur le
site de Therwil (dans des conditions de sol et de climat identiques) depuis 1978.
14 Comparaison entre divers types d’agriculture conventionnelle et d’agriculture biologique en
Pennsylvanie depuis 1981.
15 Heureusement relayées, appuyées et synthétisées par des instituts spécialisés en agriculture
biologique comme le FiBL en Suisse ou l’ITAB et le GRAB d’Avignon en France, et désormais
également par quelques laboratoires de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique).
16 Jules Pretty et al., “Resource-Conserving Agriculture Increases Yields in Developing Countries”,
in Environmental Science and Technology, vol. 40, no 4, p. 1114-1119, 2006.
17 UNEP, Organic Agriculture and Food Security in Africa, octobre 2008.
18 L. Jishnu, A. Pallavi et S. Bera, “Saving rice”, in Down to Earth – Science and Environment,
31 décembre 2010.
2. Une démarche adaptée aux milieux
tropicaux
Les remarques qui précèdent n’ont rien de théorique. Elles s’appuient non
seulement sur de nombreuses expériences de développement local et
agricole, mais également sur un fait de plus en plus fréquent : la décision de
communautés rurales ou de syndicats paysans des pays tropicaux de
convertir leurs villages ou leurs champs à l’agriculture biologique (ou
organic farming dans les nombreux pays anglophones). Je vais illustrer
cette dynamique à partir d’un exemple principal, auquel j’ajouterai par la
suite quelques expériences complémentaires.
1 Pradervand Pierre, Une Afrique en marche – La révolution silencieuse des paysans africains, Plon,
1989.
2 Maisons de semences.
3 Le statut social des femmes est d’ailleurs renforcé (ou plutôt restauré) par la réhabilitation de la
sélection paysanne.
4 La préparation initiale du terrain peut toutefois utiliser la traction animale, car il n’est pas
négligeable ni secondaire d’éviter la pénibilité du travail.
5 Cf. chapitre III-1. C’est la raison pour laquelle l’agronome Marc Dufumier a constaté au Mali que
les cultures de mil situées sous des acacias (Faidherbia albida ou Acacia albida) obtiennent des
rendements multipliés par 2,5 par rapport aux mêmes cultures situées dans des champs sans arbres.
Ce bénéfice spectaculaire est dû aux minéraux mobilisés par les acacias dans les couches profondes
du sol et restitués en surface par les feuilles, qui tombent justement en saison des pluies… et des
cultures. Comme il s’agit d’une légumineuse, l’acacia enrichit en outre le sol en azote organique. Qui
plus est, ces arbres servent de coupe-vent précieux, et leur feuillage offre en saison sèche un abri au
bétail. Les mêmes bénéfices de cet arbre sont constatés en Zambie sur les cultures de maïs
(rendements de 4,1 tonnes/hectare sous acacia au lieu de 1,3 tonne/hectare).
6 Jishnu L. , A. Pallavi et S. Bera, “Saving Rice”, in Down to Earth – Science and Environment,
31 décembre 2010.
7 Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, qui organisent l’approvisionnement d’un
groupe de consommateurs par des paniers hebdomadaires préachetés chez des agriculteurs locaux.
8 Elles sont simplement les plus adaptées à la surmécanisation et à une vision scientifique
réductionniste qui prévalait dans les années 1950-1960.
9 Même en tenant compte du fait que le blé est une céréale sèche alors que les légumes contiennent
davantage d’eau, le bilan reste très favorable au maraîchage, qui produit à peu près le double de
matière sèche que le blé.
10 Voir glossaire.
3. Quelles sont les causes de la faim dans le
monde ?
La question démographique
Même si cela n’est pas le sujet de cet ouvrage, il me faut évoquer
brièvement une interrogation fréquente : l’une des causes de la malnutrition
n’est-elle pas la croissance excessive de la population mondiale ? Cette
question n’est pas du ressort de l’agronomie, mais d’une part elle construit
le cadre des hypothèses à envisager, et d’autre part elle concerne la relation
entre l’humanité et son environnement.
La croissance démographique est d’abord un constat. La population
humaine compte actuellement sept milliards d’individus, et devrait en
compter au moins neuf milliards en 2050. Certaines projections alarmistes
font état d’une possible poursuite de la croissance jusqu’à douze voire
quatorze milliards d’humains. D’un point de vue du potentiel agronomique,
comme nous le verrons au chapitre III-4, la situation actuelle et les
projections vraisemblables ne sont pas dramatiques. Les techniques
biologiques peuvent assurer une alimentation confortable à neuf milliards
de personnes sans nécessiter de défricher une seule parcelle supplémentaire
de forêt, et une alimentation correcte à douze milliards – la probable
amélioration des techniques bio pouvant même permettre d’envisager un
potentiel encore supérieur.
La véritable question à poser est celle de la qualité de vie et de
l’évolution des milieux. La généralisation du mode de vie occidental à une
humanité de neuf à douze milliards d’individus n’est assurément pas
possible ; les ressources minières et énergétiques n’y suffiraient largement
pas, et l’effet de serre généré conduirait à des bouleversements dramatiques.
La croissance démographique mondiale impose par conséquent l’invention
d’autres modes de vie, d’autres usages des ressources non renouvelables.
Une telle évolution est possible, elle est même nécessaire à la survie de
l’humanité. Elle ne relève pas de la technique mais de la politique et des
choix de civilisation.
Une question reste en suspens : les relations entre l’homme et son
environnement seraient-elles “supportables” sur une planète abritant douze
ou quatorze milliards d’humains ? Peut-on s’épanouir dans un monde
presque entièrement occupé par l’homme ? Indépendamment de
l’agriculture biologique, qui pourrait probablement produire suffisamment
tout en préservant les espaces naturels actuels (forêts primaires, mangroves
et autres zones sauvages), les activités humaines ne risqueraient-elles pas
alors de rompre définitivement un équilibre précaire entre les milieux
anthropiques et les milieux sauvages ? Et où situer cet équilibre ? En
fonction des réponses, les gouvernements peuvent décider de se donner les
moyens d’aider les pays les plus pauvres à assurer l’éducation de leur
population et l’émancipation des femmes, qui se sont révélées depuis
plusieurs siècles comme les meilleurs facteurs de réduction de la croissance
démographique. Mais il s’agit bien là d’une question philosophique, éthique
et politique. La question alimentaire n’est pas le principal facteur limitant.
Nous voyons donc que les causes de la faim sont avant tout politiques et
stratégiques. Bien entendu, une sécheresse sévère et répétée reste une cause
naturelle de famine, tout comme une invasion de sauterelles ou une
inondation démesurée. Mais, alors que ces incidents pourraient ne
provoquer qu’une disette provisoire si les paysanneries locales étaient
stables et disposaient de filières organisées, leur ampleur devient
catastrophique dans un contexte où les échanges économiques sont tous
structurés sur des flux internationaux avec des prix à perte et où les paysans
sont déjà fragilisés par l’endettement et le manque de foncier.
1 FAO : Food and Agriculture Organization – Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture ; FMI : fonds monétaire international.
2 Dufumier Marc, “Résoudre la question alimentaire dans le « Sud »”, in EcoRev’, no 35, été 2010.
3 Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
4 Le centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (Crioc) évalue ces
pertes à 15 kilos par habitant et par an, ce qui est du même ordre de grandeur.
5 Dupont Gaëlle, “Nourriture jetée, récoltes perdues... enquête sur le grand gâchis alimentaire”, in Le
Monde, 12 décembre 2009 ; Kevin D. Hall, Juen Guo, Michael Dore et Carson C. Chow, “The
Progressive Increase of Food Waste in America and Its Environmental Impact”, in PLOS One,
25 novembre 2009.
6 Source : Observatoire belge de la consommation durable.
7 Pointereau Philippe et Frédéric Coulon, “Abandon et artificialisation des terres agricoles”, in Le
Courrier de l’environnement de l’INRA, no 57, juillet 2009 ; André Thévenot, “Il faut rendre plus
contraignant le déclassement des terres”, in Pleinchamp.com, 26 janvier 2010.
8 Le cas de la Somalie, où les premières interventions d’urgence ont permis de légitimer les chefs de
guerre qui se chargeaient de la distribution de l’aide alimentaire, est à ce titre édifiant.
9 Michel Merlet, “Les phénomènes d’appropriation à grande échelle des terres agricoles dans les
pays du Sud et de l’Est”, in Etudes foncières, no 142, novembre-décembre 2009.
10 La production de denrées alimentaires de base relève d’un côté de contraintes phénoménologiques
fortes et d’un coût de production inévitable (il est impossible d’exiger d’un champ qu’il
produise 50 tonnes de blé par hectare et par an, il est impossible d’exiger d’un plant de tomate qu’il
pousse par une température de - 10 oC, il est impossible de stocker des aliments frais pendant plus de
quelques mois) et de l’autre d’une demande incompressible (un humain ne peut pas se passer de
manger). Entre ces deux exigences, la place laissée à la spéculation et aux mécanismes économiques
théoriques ne peut être que très faible – sauf, en partie, pour les rares produits stockables (grains
secs). Il en va différemment pour les productions non alimentaires et quelques produits de luxe, qui
peuvent mieux se stocker et dont la consommation peut fluctuer. Mais même dans leur cas, le coût de
production obéit à des règles physiques et biologiques, et ne peut pas s’ajuster indéfiniment aux
exigences abstraites des spéculateurs.
11 Même les immenses élevages extensifs argentins parviennent de moins en moins à s’aligner sur le
cours mondial de la viande et se réorientent progressivement vers les cultures de soja ou
d’agrocarburants.
12 Caplat Jacques, Diagnostic de développement de la région de Perma (Nord-Bénin), ENITAC, 1994.
13 Même s’il est discuté par certains nutritionnistes, cet apport est probablement nécessaire pour une
partie des humains – mais uniquement dans des quantités très modestes. La plus grande part de la
ration carnée ou d’origine animale du régime alimentaire occidental est superflue voire nocive. Il est
donc particulièrement choquant de prétendre généraliser ce régime à des populations où il est
culturellement incohérent et nutritionnellement inutile.
14 S’il est vrai qu’une mécanisation raisonnable a aidé dans un premier temps à améliorer la
production agricole et les conditions de travail (notamment la traction animale et l’amélioration des
outils), la motorisation systématique ne conduit désormais qu’à l’épuisement des sols, à la négation
de l’agronomie fondamentale et à la destruction sociale.
4. L’agriculture biologique peut être
généralisée
A présent que les données principales du problème ont été évoquées (causes
de la faim dans le monde et résultats techniques de l’agriculture biologique
en milieux non tempérés), nous pouvons comprendre la raison pour laquelle
les études prospectives existantes à ce jour concluent toutes à la capacité de
la bio à nourrir l’humanité.
Des études prospectives concluantes : la bio peut nourrir neuf milliards d’humains…
voire davantage
Un plan volontariste
Bien qu’il s’agisse de l’un des plus petits Etat de l’Union indienne (le vingt
et unième en superficie), le Kerala est très densément peuplé, avec une
population totale de plus de trente et un millions d’habitants, ce qui
représente une densité de huit cent dix-neuf habitants au kilomètre carré
(soit huit fois et demie celle de la France). L’enjeu alimentaire y est par
conséquent aigu. Mais il s’agit également de l’Etat le plus alphabétisé de
l’Inde, avec le meilleur indice de développement humain du pays et l’une
des meilleures espérances de vie. Il est considéré comme l’un des Etats
“modèles” du pays sur le plan social et humain, profitant de la constitution
indienne qui autorise les Etats à aller plus loin que les lois fédérales, et sert
de facto de locomotive sociale au pays.
Dès 2007, le ministre de l’Agriculture du Kerala a engagé une large
concertation avec les agriculteurs et les agronomes de l’Etat autour d’un
objectif clair : envisager une conversion totale à l’agriculture biologique. La
démarche était à la fois volontariste (le ministre s’était fixé un objectif
ferme) et profondément participative (les objectifs détaillés, les modalités
de leur réalisation et les étapes successives devaient être discutés avec
l’ensemble des populations concernées). Le calendrier initial était très
ambitieux, puisqu’il prévoyait la conversion de 20 % des surfaces par an
pour parvenir à 100 % de surfaces biologiques en cinq ans. Par ailleurs, la
motivation était clairement environnementale et sanitaire puisqu’il
s’agissait, selon les mots de V.S. Vijayan, directeur du bureau de la
biodiversité du Kerala, de “libérer le Kerala de tous engrais et pesticides
chimiques”, par une interdiction progressive des produits chimiques les plus
dangereux dans un premier temps, puis de la totalité d’entre eux à terme.
La mise en œuvre du plan de conversion est coordonnée par l’Autorité de
l’agriculture biologique du Kerala20, dont les membres du conseil sont élus
par les groupes de paysans à travers le pays et qui associe des représentants
institutionnels, des scientifiques, des syndicalistes agricoles et des
associations de promotion de l’agriculture biologique. Cette composition
illustre à la fois l’obsession du gouvernement kéralais à reconnaître le rôle
majeur des paysans et à leur donner les moyens de gérer leur
développement, et la volonté d’assurer un partenariat large et consensuel.
Disponibilité alimentaire
La “disponibilité alimentaire” renvoie à la capacité pour un pays donné
d’assurer la production et/ou l’importation d’aliments en quantité suffisante
pour apporter au minimum 1 800 kilocalories par jour à ses habitants.
C’est bien entendu le point sur lequel se focalisent les adversaires de
l’agriculture biologique, en extrapolant abusivement aux pays tropicaux les
différences observées en milieu tempéré. J’ai largement montré que cette
extrapolation nie des évidences climatiques et agronomiques, comme
l’instabilité structurelle des climats tropicaux (qui rend l’agriculture
conventionnelle profondément inadaptée à ces pays) et la productivité
considérable des techniques biologiques en milieu tropical (cultures
associées, stabilisation des sols, valorisation des savoirs locaux et de la
main-d’œuvre).
Les exemples de conversion à l’agriculture biologique dans différentes
régions du monde (Pakistan, Inde, Sénégal, Ethiopie, Kenya, Lesotho,
Zimbabwe, Brésil, Bangladesh…) témoignent d’une augmentation parfois
légère et parfois très nette des rendements dans les pays tropicaux2,
atteignant souvent 20 à 30 % d’augmentation par rapport à l’agriculture
conventionnelle, et parfois 50 à 100 % : la bio permet donc d’améliorer la
disponibilité alimentaire. A l’inverse, dans les pays tempérés les rendements
bio sont plus faibles qu’en conventionnel, mais la marge y est telle que cela
ne met aucunement en danger la disponibilité alimentaire de l’Europe ou de
l’Amérique du Nord.
Mieux encore : le passage à l’agriculture biologique permet de relocaliser
la production alimentaire dans les pays consommateurs, et de réduire la
dépendance des pays tropicaux vis-à-vis des exportations de l’Europe, de
l’Amérique du Nord ou de quelques autres pays jouant le marché mondial
(Malaisie, Australie, Nouvelle-Zélande). Comme le Burkina Faso, le
Cambodge ou le Pérou ne disposent pas toujours des capacités financières
pour importer le blé ou le riz produits dans les pays tempérés ou
d’agriculture industrielle, une augmentation des rendements tropicaux
assortie d’une baisse des rendements tempérés contribuerait à améliorer la
disponibilité alimentaire nette des pays les plus pauvres.
Le seul aspect de la gestion alimentaire où l’agriculture biologique peut
ponctuellement être moins performante que l’agriculture conventionnelle
est celui du stockage. Toutefois, nous avons vu que cette faiblesse supposée
est loin d’être attestée d’une façon générale, et relève le cas échéant d’une
mauvaise adaptation des conditions de stockage aux spécificités de
l’agriculture biologique. Lorsque le stockage est adapté, non seulement les
pertes après récolte ne sont pas supérieures en bio, mais elles peuvent
souvent se révéler finalement inférieures aux pertes des récoltes
conventionnelles (cf. chapitre I-8).
Accès à la nourriture
Il est illusoire voire hypocrite de raisonner la disponibilité alimentaire à
l’échelle d’une moyenne nationale ; le Brésil est un exemple parlant, avec
une production alimentaire globale largement excédentaire mais douze
millions d’habitants souffrant de la faim. La FAO reconnaît ce hiatus et
considère donc que le deuxième facteur de la sécurité alimentaire est l’accès
réel des habitants à la nourriture et aux ressources liées (eau notamment).
En d’autres termes, il s’agit de la capacité des populations soit à produire
elles-mêmes leurs aliments, soit à disposer de revenus suffisants pour
acheter de quoi manger correctement. C’est la non-réalisation de cet
objectif-ci qui explique les crises alimentaires consécutives aux récentes
hausses des prix.
De ce point de vue, l’agriculture biologique est incontestablement plus
performante que l’agriculture conventionnelle (la prétendue “révolution
verte”). En effet, l’agriculture biologique permet de :
– réduire considérablement l’endettement des petits paysans, en les
sortant du cercle vicieux de l’achat de semences et d’intrants ;
– maintenir une population agricole en place, alors que la “révolution
verte” chimique et motorisée réduit l’emploi rural et pousse des centaines
de millions de ruraux vers les bidonvilles et la misère ;
– renforcer les liens sociaux (facteurs de stabilité économique et de lutte
contre la pauvreté), par la reconnaissance des savoirs traditionnels et par
l’organisation de circuits de proximité ;
– assurer une production mixte (vivrière et rentière) qui garantit une
disponibilité alimentaire de proximité ;
– maintenir une ressource en eau non polluée (ou de toute façon ne
subissant pas de pollutions agricoles).
Les institutions internationales et les Etats reconnaissent de plus en plus
ouvertement cette qualité essentielle de l’agriculture biologique, qui
explique l’intérêt croissant qui lui est porté dans le cadre des programmes
de lutte contre la pauvreté.
Qualité de l’alimentation
J’ai déjà largement abordé la question de la qualité sanitaire et
nutritionnelle des aliments bio (chapitre I-8). Je me contenterai donc ici de
rappeler que les aliments biologiques comportent indiscutablement moins
de résidus chimiques que les aliments conventionnels, et que les études
disponibles indiquent qu’ils contiennent à l’inverse davantage de nutriments
(vitamines, minéraux…) et de facteurs de régulation immunitaire ou
physiologique (antioxydants, acides gras polyinsaturés).
Par ailleurs, les aliments biologiques ne contiennent pas plus de
pathogènes (bactéries, etc.) ou de mycotoxines que les aliments
conventionnels – puisque les aliments bio subissent les mêmes contrôles
sanitaires et les mêmes impératifs réglementaires que les aliments
conventionnels sur ce plan. Dans les pays tropicaux où les normes sanitaires
sont plus souples ou moins surveillées, la situation est également
comparable ; les études prouvent que les aliments biologiques y sont en
moyenne aussi sûrs que les aliments conventionnels5, et peuvent même
présenter une meilleure diversité bactérienne assurant une meilleure
immunité à long terme6.
Mais l’agriculture biologique apporte un autre bénéfice nutritionnel que
sa plus grande richesse en nutriments, antioxydants et acides gras
polyinsaturés : elle suppose obligatoirement une diversité des cultures. Par
conséquent, le développement de la bio dans les paysanneries tropicales
permet de restaurer une diversité végétale et animale que la “révolution
verte” a généralement réduite. En remplaçant les monocultures par des
mosaïques de cultures associées, en réintégrant des cultures vivrières au
milieu des cultures de rente, l’agriculture biologique assure une variété de
l’alimentation (céréales, légumes, fruits…) permettant une alimentation
plus riche et plus équilibrée. Qui plus est, cette amélioration de la diversité
de l’alimentation est particulièrement flagrante chez les populations les plus
pauvres, c’est-à-dire celles qui souffrent actuellement le plus de la faim.
1 Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture).
2 Pretty J., “Lessons from Certified and non-Certified Organic Projects in Developing Countries”, in
Organic Agriculture, Environment and Food Security, FAO, p. 139-162, 2002.
3 Voir par exemple les études du Rodale Institute aux Etats-Unis.
4 Aubert Claude, “Stocker du carbone dans le sol, un enjeu majeur”, in EcoRev’, no 35, été 2010.
5 Winter C.K. et S.F. Davis, “Organic Foods”, in Journal of Food Science, vol. 71, no 9, R117-R124,
2006.
6 Hovi M., Sundrum A. et S.M. Thamsborg, “Animal Health and Welfare in Organic Livestock
Production in Europe : Current state and future challenges”, in Livestock Production Science, no 80,
p. 41-53, 2003.
IV
ET DEMAIN ?
C efantasme
détour à travers la planète était nécessaire pour répondre à un
qui paralyse de nombreux paysans et citoyens européens, la
peur d’une production alimentaire insuffisante. Nous savons désormais que
l’agriculture biologique est plus adaptée aux milieux tropicaux que
l’agriculture conventionnelle et qu’elle y permet de meilleurs rendements à
moyen et long terme. Il faut remettre l’agronomie et l’économie rurale à
l’endroit : l’agriculture bio est la mieux à même de lutter efficacement
contre la faim dans le monde.
Mais sa mise en œuvre à grande échelle dans les pays dits “du Sud”
implique une modification profonde des équilibres agricoles mondiaux. Il
sera beaucoup plus facile aux paysans africains ou sud-américains de
construire des filières vivrières régionales et nationales si leurs productions
ne sont pas concurrencées de façon déloyale par des produits alimentaires
européens à un prix sans rapport avec leur véritable coût de production.
Indépendamment d’une réforme des institutions économiques
internationales, nous pouvons agir directement sur les mécanismes
spéculateurs en réorientant de l’intérieur notre propre agriculture. Le
développement massif de l’agriculture biologique en France et en Europe
est en effet l’un des outils les plus efficaces pour remplacer un élevage
industriel basé sur des importations de soja OGM cultivé sur d’anciennes
forêts équatoriales par un élevage à l’herbe respectueux des écosystèmes
locaux, pour remplacer des monocultures spéculatives par des cultures
directement consommées par les Européens, pour remettre l’agronomie au
cœur de l’agriculture.
Quoi qu’il en soit, et sans perdre de vue la nécessité d’un essor de
l’agriculture biologique dans l’ensemble des régions du monde, nous avons
la possibilité et la responsabilité d’agir sur son devenir ici et maintenant :
qu’en est-il dans notre pays ?
1. L’agriculture biologique coûte-t-elle
1 Caplat Jacques, Cultivons les alternatives aux pesticides, Le passager clandestin / Cédis, 2011.
2 Les aides aux animaux ont, quant à elles, partiellement maintenu un lien avec le troupeau réel de la
ferme.
3 Même si les aides à l’agriculture biologique (et quelques autres) ont été basculées du deuxième
pilier vers le premier pilier ces dernières années, c’est dans le cadre d’un dispositif très limité sur le
plan budgétaire, et qui reste ouvertement un “correctif” secondaire.
4 Ce que le jargon agricole nomme le chargement par hectare.
5 Qui sont en cours de suppression progressive – et de remplacement par une aide directe.
6 Bommelaer Olivier et Jérémy Devaux, Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau –Etudes
et documents, no 52, Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement
durable (SEEIDD) du Commissariat général au développement durable (CGDD), septembre 2011.
2. Un développement discontinu :
Les produits biologiques font depuis le début des années 2000 l’objet d’un
véritable engouement en France. Non seulement une part croissante des
ménages déclare acheter régulièrement ou de temps en temps des produits
bio1, mais les collectivités décidant de passer leurs cantines en bio ont
parfois de grandes difficultés à se procurer les aliments souhaités. De fait, le
marché des aliments biologiques connaît une croissance moyenne de 10 %
par an depuis la fin des années 1990 et qui tend à accélérer ces dernières
années2 !
Pourtant, les filières biologiques ont connu entre 2002 et 2006 plusieurs
“crises” relatives, notamment dans les secteurs du lait, de la viande et des
grandes cultures – et certains agriculteurs peinent parfois ponctuellement à
écouler leurs produits. Cette apparente contradiction n’a pourtant rien
d’étonnant ni d’inhabituel : elle relève des effets de seuil que connaissent
toutes les filières en phase de croissance, et ne recèle aucun risque
particulier. Elle témoigne simplement de deux évidences : d’une part dans
une économie ouverte l’offre et la demande ne s’ajustent pas en un temps
nul ni en un lieu nul ; d’autre part l’agriculture biologique n’est pas la
filière agricole majoritaire. Voilà qui ne devrait pas être une découverte !
Le paradoxe du sablier
Les mises au point qui précèdent permettent d’expliquer pourquoi, à la
phase initiale de son développement, l’agriculture biologique présente la
situation paradoxale de proposer une offre ne trouvant pas entièrement
acheteurs… alors même que la demande est supérieure à l’offre et ne cesse
de s’accroître.
Nous rencontrons ici une situation fréquente dans les filières dites
“natives”, à savoir l’existence d’un goulet d’étranglement entre l’offre et la
demande, qui ne permet par moment qu’à une partie de l’offre de trouver
acheteurs. Il existe alors trois attitudes possibles pour gérer ou résoudre une
telle situation.
La première, qui est régulièrement adoptée par les acteurs agricoles
majoritaires et par les acteurs agroalimentaires généralistes lorsqu’il s’agit
de la bio, consiste à ajuster l’offre sur la demande satisfaite. Autrement dit,
il s’agit de réduire l’offre à la capacité provisoire des filières, et de confiner
la bio dans un marché de niche. Une telle attitude ne permet pas de
dynamiser les filières, et oublie que c’est l’excès structurel de l’offre qui
peut seul assurer la création de nouveaux débouchés, comme nous le
verrons ci-dessous. Elle revient à conditionner le développement agricole
aux filières – et, pire, à considérer l’état des filières à un instant donné
comme prescripteur alors même qu’il n’est que conjoncturel.
La deuxième attitude consiste à ne rien faire, et à laisser une petite partie
de l’offre sans acheteurs… et une grande partie de la demande sans
propositions.
La troisième attitude consiste à élargir le goulet d’étranglement, c’est-à-
dire à améliorer la transformation et la distribution des produits, de façon à
permettre l’écoulement de toute l’offre, et ensuite d’augmenter cette
dernière pour répondre à la demande qui lui est supérieure.
1 Selon le Baromètre publié par l’Agence Bio, la quantité de Français consommant un aliment bio au
moins une fois par mois croît de façon régulière (42 % en 2007, 44 % en 2008, 46 % en 2009),
et 25 % des acheteurs bio déclarent souhaiter augmenter leur consommation de produits bio (tandis
que 71 % pensent la maintenir constante).
2 Selon l’Agence Bio, la consommation française de produits bio a augmenté de 19 % en 2009, et
de 10 % en 2010.
3 Or, toute économie possède des ouvertures sur les moyennes voire les longues distances, y compris
celles des sociétés de cueilleurs-chasseurs.
4 Cette subjectivité des acteurs – et ses conséquences sur le développement de la bio – peut être
illustrée par un constat de consommateur. A l’époque où le lait biologique connaissait prétendument
une “surproduction” temporaire en France, un supermarché parisien proposait un rayon de lait bio qui
était pris d’assaut et qui se retrouvait vide tous les jours dès la mi-journée, sans être réapprovisionné
jusqu’au lendemain. Au lieu d’augmenter les quantités de lait commandées et proposées dans le
rayon, le magasin décida alors de… le réduire. Comment s’étonner que la consommation constatée
de lait bio dans ce magasin ait baissé, puisque l’offre avait été sciemment réduite alors même que les
consommateurs auraient souhaité la voir augmenter ? De simples choix de mise en rayon peuvent
profondément fausser la consommation : un citoyen ne peut consommer que ce à quoi il a accès !
5 C’est le cas en Autriche, en Allemagne, au Danemark (source : Commission européenne –
DGAGRI).
6 Pour que cette contractualisation ne mette pas l’agriculteur en situation de dépendance vis-à-vis des
acteurs économiques de la transformation et de la distribution (ce qui serait contradictoire avec les
objectifs et principes de l’agriculture biologique), il est important qu’elle prenne une forme
collective. En outre, cette dimension collective (qui peut également impliquer plusieurs entreprises de
transformation) permet de construire une démarche de coopération, au bénéfice de tous.
3. Filières courtes, commerce équitable,
1 Ce qui ne signifie pas leur suppression : ils restent un maillon indispensable dans la plupart des cas.
2 Incluant et valorisant les bénéfices environnementaux et sociaux de ce mode de production, qui
expliquent une partie des surcoûts.
3 Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne.
4 Le meunier est celui qui transforme la céréale en farine. Un paysan-meunier se charge lui-même de
cette opération sans la confier à une coopérative ou à une entreprise.
5 C’est-à-dire qui interviennent après que le végétal ou l’animal a quitté la ferme.
4. Le passage en bio : des étapes successives,
1 Certains chercheurs préfèrent parler de “transition” vers l’agriculture biologique (cf. bibliographie).
2 Ce constat a été formulé dans une étude menée à la demande du CNASEA sur les supposées
“déconversions” d’agriculteurs biologiques après la fin des contrats territoriaux d’exploitation (CTE).
Il est apparu qu’il s’agit en réalité de “décertifications” puisque la plupart des agriculteurs concernés
conservent les techniques bio. Cf. Jacques Caplat, Déconversions ou décertifications ? – 1re approche
d’un phénomène limité : le désengagement d’exploitations converties à l’agriculture biologique lors
des CTE, FNAB/CNASEA, 2007.
3 Avant de pouvoir vendre ses produits en bio, un agriculteur doit respecter une période de
conversion de deux à trois ans (selon les productions), pendant laquelle il respecte les règles
biologiques, il est contrôlé chaque année, il se notifie à l’administration… mais ne peut pas encore
vendre ses produits sous l’appellation “biologique”.
4 Il est exceptionnel qu’un paysan mette en œuvre toutes ces techniques à la fois, d’autant qu’elles ne
sont pas toutes possibles dans toutes les fermes. Il en expérimente en général quelques-unes.
5 En revanche, Bertrand avait toujours entretenu et développé des haies, et maintenu un
environnement naturel diversifié (favorable aux auxiliaires). Il estime aujourd’hui que cela a été
déterminant dans la réussite de ses choix techniques biologiques.
6 Bertrand est obligé par ailleurs de réaliser tous les ans des tests OGM pour vérifier l’absence de
contamination par le voisinage, même si ses haies limitent le risque.
7 Empresa brasileira de pesquisa agropecuária, équivalent brésilien de l’INRA.
8 Institut national de la recherche agronomique.
9 Via Campesina est une fédération mondiale d’organisations paysannes, dans laquelle le syndicat
français Confédération Paysanne est très actif.
10 Soutenue par le syndicalisme agricole majoritaire et par les agro-industries, l’agriculture dite
raisonnée consiste à réduire légèrement l’utilisation des engrais, de façon à optimiser la rentabilité
économique. Il s’agissait à l’origine d’un “raisonnement” économique, qui s’est habillé
d’environnement par souci de communication. Mais elle permet en effet de sortir de la surenchère
chimique.
11 En langage agricole, “l’ensemble des ateliers de l’exploitation”.
12 Nous retrouvons ici le malentendu courant concernant l’agriculture biologique, qui est confondue
par erreur avec une agriculture “sans produits chimiques de synthèse”. Si tel était le cas, l’agriculture
dite “raisonnée” serait une réelle étape de transition puisqu’elle propose d’utiliser “moins” de
produits chimiques. Mais comme la bio consiste à pratiquer une agriculture différente et non pas une
agriculture sans chimie, ce rapprochement est erroné.
13 Heureusement, de plus en plus de lycées agricoles incluent l’agriculture biologique dans leur
enseignement, et le réseau Formabio recense et anime ces initiatives (cf. annexe 3).
14 Les GAB peuvent également soutenir de tels projets. Par ailleurs, l’association Terre de Liens
réalise un travail important pour faciliter l’accès au foncier, en organisant l’achat collectif de terres et
le financement de projets d’installation, le plus souvent en agriculture biologique (voir ses
coordonnées en annexe 3).
5. Des impasses techniques
1 Même si l’enherbement des vignes peut complexifier leur gestion, en raison de la consommation
d’eau qui en découle et de la nécessité de limiter l’envahissement herbager.
2 Cf. chapitre II-2.
3 Les rendements sont souvent plus faibles à proximité immédiate des arbres, mais cette baisse est
compensée par l’amélioration globale de la fertilité du champ.
4 Un chêne situé en bordure d’un champ conventionnel traité par les fongicides, et donc sans
champignons, développe une capacité d’absorption de 60 bars, tandis qu’un chêne forestier ayant un
réseau de mycorhizes normal développe une capacité d’absorption de 800 bars, soit treize fois plus.
Cela lui permet de pomper de l’eau interstitielle qu’une plante sans mycorhize ne pourrait pas “tirer”
du sol.
5 Outre le FiBL suisse et le Rodale Institute américain, déjà cités précédemment, il faut noter les
moyens substantiels dont dispose le DARCOF au Danemark (danish research center for organic
farming).
6. Des conversions massives parfois plus
faciles
Le coût de la main-d’œuvre
Dans le contexte actuel des charges sociales salariales, les agriculteurs en
conversion biologique n’ont pas les moyens d’embaucher pour faire face à
la réorganisation de leur activité et à la nécessité d’une plus grande présence
humaine sur la ferme. Certaines conversions biologiques entraînent ainsi
une surcharge de travail chez l’agriculteur, qui diminue provisoirement sa
qualité de vie. Ce n’est pas un mince paradoxe de voir ainsi les détracteurs
de la bio lui reprocher l’une de ses plus formidables vertus : la création
d’emplois ! Cette surcharge de travail n’est pourtant aucunement une
faiblesse intrinsèque de l’agriculture biologique, mais uniquement le
résultat d’une législation fiscale qui pénalise la création d’emplois agricoles
et favorise au contraire la mécanisation et l’agrandissement. Il faut
beaucoup de culot pour reprocher à l’agriculture biologique une situation
qui découle d’un système voulu et mis en place par les tenants de
l’agriculture industrielle.
Que l’agriculture biologique crée du travail est une bonne nouvelle pour
les millions de chômeurs. Que ce travail supplémentaire ne puisse hélas pas
être transformé en emplois est le résultat de choix politiques réversibles et
discutables. Rien n’oblige à faire peser l’essentiel de la fiscalité sur le
travail2, rien n’oblige à dépenser des millions d’euros pour aider les
agriculteurs à s’équiper en matériel surdimensionné (et cet argent pourrait
être redéployé vers des aides à l’emploi agricole). Sans augmenter (ni
réduire) d’un centime les prélèvements sociaux et les dépenses publiques
vers l’agriculture, leur seule réorientation suffirait à soutenir l’emploi et non
la mécanisation.
Cet exemple illustre le fait que l’accroissement des surfaces en
agriculture biologique ne proviendra pas “mécaniquement” de l’addition de
démarches individuelles. Une démarche agronomique et économique
nouvelle nécessite des dispositifs nouveaux. Les aides agricoles ont été
conçues dans un but particulier : assurer une augmentation des rendements
et un alignement sur les cours mondiaux. Changer de but impose de changer
de dispositifs publics.
1 Cf. Jacques Caplat, Cultivons les alternatives aux pesticides, Le passager clandestin / Cédis, 2011.
2 Je ne dis certes pas qu’il faille réduire la fiscalité sociale globale : un système de santé accessible et
publique, et des retraites décentes et garanties, sont des dispositifs parfaitement cohérents avec le
souci social et collectif de l’agriculture biologique. Sans réduire le montant global des prélèvements
sociaux, il est possible en revanche de modifier les assiettes sur lesquelles ils sont basés.
CONCLUSION : UNE NOUVELLE RÉVOLUTION AGRICOLE ?
M aldesconnue, l’agriculture biologique suscite à la fois des interrogations,
espoirs et des fantasmes. Des interrogations, car la définition
courante de ce mode de production, présenté comme étant “sans produits
chimiques de synthèses”, semble plus limitative que positive et ne permet
pas de comprendre comment parvenir à un système productif et moderne.
Des espoirs, parce que les bénéfices environnementaux de la bio sont
désormais connus, et les citoyens sont de plus en plus nombreux à prendre
conscience de l’importance de sortir l’agriculture de l’impasse sanitaire
dans laquelle elle s’est engouffrée. Des fantasmes, car la méconnaissance
engendre la méfiance légitime, mais également les sentences de comptoir et
la caricature.
BIOCIDE : produit visant à tuer des organismes vivants. Les pesticides sont
par définition des biocides.
FUITES D’AZOTE : passage d’une quantité variable d’azote minéral des sols
vers les nappes phréatiques (ou éventuellement les eaux de surface) sous
l’effet de la lixiviation, improprement appelée lessivage. Ces “fuites” se
produisent dès lors que la quantité d’azote minéral, soluble dans l’eau, est
supérieure au besoin instantané de la parcelle agricole concernée (et lorsque
le temps est pluvieux). Elles sont la conséquence d’une surfertilisation ou
d’une libération d’azote organique sous l’effet par exemple d’un labour.
LUTTE BIOLOGIQUE : lutte contre les parasites et maladies des cultures par
l’utilisation d’insectes, de bactéries, d’acariens ou de champignons
antagonistes (prédateurs) des premiers. L’utilisation de coccinelles contre
les pucerons, ou de trichogramme contre la pyrale du maïs, sont des
exemples de lutte biologique.
PARCELLE : portion de terrain, séparée des autres par une haie, une clôture,
ou simplement l’existence de cultures différentes ou de propriétaires
distincts. Ce terme recouvre aussi bien un champ de céréales qu’une prairie,
une vigne ou un jardin maraîcher.
TOURTEAUX : résidus solides des graines (ou fruits) des plantes oléagineuses
après extraction de l’huile, qui sont utilisés pour l’alimentation animale en
raison de leur richesse en protéines. Une fois l’huile extraite (par trituration
mécanique surtout, voire après une extraction par un solvant), la matière
résiduelle représente 50 à 75 % de la masse initiale des graines. Elle est
alors soit agglomérée telle quelle, soit pulvérisée puis comprimée pour
former des granulés. Dans les deux cas, il s’agit alors de tourteaux.
TRANSMISSIBILITÉ : souci de garantir la capacité d’une ferme à être rachetée
par un agriculteur. Pour qu’un domaine agricole soit “transmissible”, il faut
que sa valeur reste accessible à un investissement privé (moyennant la
plupart du temps un prêt complémentaire, mais dont le montant soit
remboursable par le repreneur en dix à quinze ans maximum). Il s’agit
d’une condition impérative au maintien d’un tissu agricole diversifié et
cohérent.
I – Objectifs écologiques
D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE
Livres
Brochures
Rapports
Agence Bio, L’Agriculture biologique – Chiffres-clés, éditions 2009,
2010 et 2011.
Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Evaluation
nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique,
2003.
Aubry-Damon et al., Résistance élevée aux antibiotiques des bactéries
commensales isolées chez les éleveurs de porcs, INSERM-MSA, 2001.
Benoit Marc et al., Agriculture biologique et qualité des eaux : depuis des
observations et enquêtes à des tentatives de modélisation en situation de
polyculture-élevage, INRA (Mirecourt), 2003.
Bommelaer Olivier et Jérémy Devaux, Coûts des principales pollutions
agricoles de l’eau – Etudes et documents, no 52, service de l’économie,
de l’évaluation et de l’intégration du développement durable (SEEIDD) du
Commissariat général au développement durable (CGDD),
septembre 2011.
Caplat Jacques, Diagnostic de développement de la région de Perma (Nord-
Bénin), ENITAC, 1994.
– , Les Conversions vers l’agriculture biologique : comprendre les causes
du ralentissement et proposer des dispositifs adaptés, FNAB / ministère de
l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales,
2003.
– , Mise en place et analyse d’une collecte de données
agroenvironnementales sur les pratiques de l’agriculture biologique,
ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement
durables / FNAB, octobre 2006.
– , Déconversions ou décertifications ? – 1re approche d’un phénomène
limité : le désengagement d’exploitations converties à l’agriculture
biologique lors des CTE, FNAB / CNASEA, 2007.
De Schutter Olivier, Agroécologie et droit à l’alimentation, Conseil des
droits de l’homme de l’ONU, 2011.
Fliessbach A., Mäder P., Pfiffner L., Dubois D., et L. Günst, Résultats
de 21 ans d’essai DOC, FiBL, 2001.
FNAB (Fédération nationale d’agriculture biologique) et al., L’Agriculture
biologique : un outil efficace et économe pour protéger les ressources en
eau, dossier pédagogique, FNAB / ITAB / GABNOR / FRAB-CA / ministère de
l’Agriculture et de la Pêche, 2008.
Girardin P. et C. Bockstaller, Les Indicateurs agroécologiques, INRA
(Colmar), 2000.
Halberg Niels et al., Global Development of Organic Agriculture :
Challenges and Prospects, DARCOF, avril 2006.
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Farming Enhances Soil Carbon and its Benefits in Soil Carbon
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SETRABIO / DGAL, Etude des teneurs en résidus de pesticides dans les
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SOLAGRO / ADEME, Synthèse 2006 des bilans PLANETE, 2007.
UNEP (United-Nation Environmental Program – programme des Nations
unies pour l’environnement), Organic Agriculture and Food Security in
Africa, oct. 2008.
Vilain Lionel, De l’exploitation agricole à l’agriculture durable – Aide
méthodologique à la mise en place de systèmes agricoles durables, éd.
Educagri, La Bergerie nationale, 1999.
Articles
Couverture
DOMAINE DU POSSIBLE
PRÉFACE
INTRODUCTION
1. La bio ou le bio
De l’agriculture au produit
L’agriculture biologique
Et l’agriculture conventionnelle ?
Les années 1960 et 1970 : la mise en œuvre concrète d’une autre agriculture
De vieilles techniques ?
Un rêve de néoruraux ?
3. Respect des équilibres et approche globale
Observation et innovation
Haies et limaces
L’humus et le compost
Un système ouvert
Agriculture biodynamique
Un courant historique
Des techniques surprenantes… pour des résultats qui ne le sont pas moins
Agriculture biologique
La permaculture
Un règlement européen
Les antioxydants
Les associations
Aperçu général
La situation en Europe
L’avance germanique
Un objectif environnemental
L’irrigation
La perte de biodiversité
Un patrimoine exceptionnel
La responsabilité de l’agriculture
Pesticides et cancers
Consommations énergétiques
Consommation d’eau
La gestion de l’azote
Une diversité de situations
Des incertitudes
Séquestration de carbone
Résilience
De quoi parle-t-on ?
Hybride… ou hybride F1 ?
OGM
Semences fermières
Semences paysannes
Sélection ou multiplication ?
7. Un agriculteur bio n’est-il pas “pollué” par ses voisins ou par la pluie ?
Y croire ou pas
1. De faibles rendements ?
Intensivité et productivité
Des rendements bio “tropicaux” qui dépassent déjà les rendements conventionnels
Un constat indiscutable
La question démographique
“Révolution verte” ou agriculture biologique ?
Des études prospectives concluantes : la bio peut nourrir neuf milliards d’humains… voire
davantage
Un plan volontariste
Disponibilité alimentaire
Accès à la nourriture
Qualité de l’alimentation
IV - ET DEMAIN ?
Le paradoxe du sablier
3. Filières courtes, commerce équitable, quels circuits pour les produits biologiques ?
6. Des conversions massives parfois plus faciles que des conversions isolées
Le coût de la main-d’œuvre
ANNEXE 1 : GLOSSAIRE
I – Objectifs écologiques
BIBLIOGRAPHIE
Brochures
Rapports
Articles
REMERCIEMENTS
Sommaire
OUVRAGE RÉALISÉ
PAR L’ATELIER GRAPHIQUE ACTES SUD