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Le « 

Bio » et ses limites

11 janvier 2011

18 commentaires

11 minute(s) de lecture

Qu’est-ce que l’alimentation biologique ?

L’agriculture biologique est un système de production agricole qui respecte l’environnement dans
un sens général et se base sur trois principes fondamentaux :

• Cette méthode de culture respecte la santé des consommateurs en leur offrant des aliments sains
et contrôlés.

• Elle respecte la nature par un choix des variétés adaptées au climat local, par la rotation des
cultures (terres en jachère) et interdit l’utilisation de produits chimiques de synthèse.

• Elle respecte également les animaux en leur offrant une nourriture dite « bio », privilégie les races
du terroir et interdit l’utilisation de certains médicaments (antibiotiques pour les cochons par
exemple).

Ainsi par définition, aucun produit chimique de synthèse (pesticide, hormone de croissance,
fertilisant et herbicide artificiel) ni aucun additif de synthèse (colorant, exhausteur de goût,
édulcorant de synthèse) ne doit être utilisé dans la production, la transformation et la conservation 
d’un aliment biologique. Il ne doit pas contenir d’OGM (organisme génétiquement modifié). Un
produit transformé bio doit avoir au moins 95% de ses ingrédients issus de l’agriculture biologique.
Pour les 5% restants le producteur doit avoir une dérogation pour prouver qu’ils ne sont pas
disponibles en « bio » (sel marin par exemple).

Plus qu’une tendance, le bio est une sorte de prise de conscience des dangers qu’apporte
l’agriculture industrielle pour l’homme et la nature. Il s’agit de penser aux génération futures à qui on
lèguera notre patrimoine en gérant les ressources de manière responsable et durable.

Les labels bio

Certains organismes et labels ont vu le jour pour certifier qu’un produit est bien issu de l’agriculture
biologique. Voyons les labels les plus représentatifs :
Le label AB (Agriculture Biologique) qui atteste que les conditions évoquées ci-dessus
sont respectées. Il a été créé en 1985 par le Ministère de l’Agriculture.

Le label Nature et Progrès est un label privé créé en 1964 qui réunit les producteurs et
les consommateurs. Ce label ressemble au label AB mais est beaucoup plus strict et couvre
également des produits non alimentaires.

Le label Agriculture Biologique (label européen) s’appuie sur les mêmes


règlementations que le label AB tout en étant un peu moins strict. En effet la présence d’OGM à
hauteur de 0,9% et des pesticides (quand il n’y a pas d’équivalent) sont autorisés. Ce label ne se
limite pas qu’aux aliments. Il a été créé en 2000 par la Commission Européenne.

Le 100% biologique est utopique

La première limite est qu’il est tout simplement utopique de vouloir supprimer à 100% les résidus
chimiques des aliments bio. L’environnement peut facilement être un contaminant (une route même
éloignée, la pollution de l’air et de la pluie, les intoxications de sols voisins sont quelques exemples).
Les 5% d’ingrédients non « bio » qui constituent les aliments transformés biologiques peuvent
également être contaminés. Prenons par exemple le sel marin qui, même s’il n’a pas été traité, a
toujours pu être pollué dans la mer par des plastiques, huiles ou autres déchets en tous genres.

Les produits bio ne sont pas plus nutritifs

Il est indéniable que les produits biologiques sont bénéfiques pour la santé car sont dépourvus, en
principe (comme nous allons le voir), d’additifs nocifs pour la santé. Le goût est également, selon
beaucoup de personnes, meilleur. Ceci est dû à l’utilisation de variétés différentes qui sont moins
productives (car ce n’est pas la motivation principale) mais plus goûteuses. D’un point de vue
purement nutritif, Denis Lairon, directeur de recherche de l’INSERM (Institut National de la Santé et
de la Recherche Médicale) affirme que les teneurs en minéraux et oligo-éléments dans les fruits et
légumes sont « globalement comparables » selon le mode de production (conventionnel ou
biologique). En 2009, la FSA (Food Standards Agency) au Royaume-Uni, confirme cette idée en
affirmant que les produits biologiques n’offrent pas d’avantages nutritionnels pour le calcium, le fer
et la vitamine C, en se basant sur 162 études scientifiques menées pendant ces 50 dernières années.
L’AFSSA (L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments qui est devenu l’ANSES) arrive
également à ces conclusions dans un rapport de 2003.

Le bio est trop cher !


Selon une étude réalisée il y a un an, dans 1624 magasins, l’UFC Que Choisir déplore le surcoût des
produits bio. L’institut affirme que « outre le faible nombre de produits proposés, c’est surtout le
prix qui rend ces produits inaccessibles » et rajoute que « le panier de produits bio de marques de
distributeurs (Auchan, Leclerc, Carrefour, etc.) est 22 % plus cher que le panier de marques
nationales conventionnelles. Pire, il est 57 % plus cher que le panier des marques distributeurs non
bio». Pour UFC Que Choisir, le bio doit être accessible au plus grand nombre et arrêter d’être un
marché de niche. Il faudrait que les grandes surfaces appliquent les mêmes marges qu’aux produits
conventionnels et que les aides soient mieux réparties.

Précisons que le bio est également plus cher pour d’autres raisons. La réduction des traitements
implique une augmentation du nombre de personnes travaillant dans les cultures et par conséquent
un coût de fabrication plus élevé. La conservation des produits biologiques est moins bonne car il n’y
a pas de traitement spécifique (absence de conservateurs artificiels, antifongiques, etc.). Les
magasins s’approvisionnent ainsi par de plus petites quantités augmentant encore une fois le coût.

Poireaux (bio) du jardin

Les aliments « bio » plus sujets aux contaminations

Les aliments biologiques subissent moins de traitements, comme l’ajout de conservateurs de


synthèse, d’antifongiques, et sont par conséquent meilleurs pour la santé. Le revers de la médaille
est qu’ils sont plus exposés aux contaminations de microbes ou champignons que les aliments
conventionnels. En consommant « bio » il est préférable d’acheter en petites quantités et de manger
frais. De toute façon qu’elle que soit la technique de culture (biologique ou conventionnelle) du fruit
ou du légume, les vitamines disparaissent avec le temps.

L’agriculture bio favorise l’effet de serre

Le titre est, nous l’accordons, un brin provocateur. Lorsqu’un agriculteur se converti au bio le


rendement céréalier « chute de 30% à 40% » selon Courrier International. Pour pouvoir maintenir le
même rendement il faut donc augmenter la surface cultivée. Si la production bio s’étend au monde
entier, cela se ferait au détriment des forêts équatoriales. Claus Felby, professeur en technologie du
bois et de la biomasse de l’université de Copenhague affirme que l’impact de l’agriculture biologique
sur le climat est « une question très épineuse, qu’il est politiquement incorrect d’évoquer haut et
fort. Mais c’est un fait : la production chutera si le Danemark et le reste de l’Europe accroissent la
superficie des cultures biologiques. Si nous n’étions que 4 milliards d’habitants sur la Terre, cela ne
poserait pas de problème […] Il est donc impératif d’envisager, sans idées préconçues, la meilleure
façon d’exploiter les terres agricoles de la planète ». Rajoutons que la méthode des États-Unis est de
passer par les organismes génétiquement modifiés.

Certaines personnes pensent au contraire que d’autres pistes sont à explorer et que des alternatives
existent. Le directeur du développement de la Fédération nationale des agriculteurs biologiques,
Michael Tersbøl,  affirme que « l’essentiel de la production céréalière mondiale est aujourd’hui
utilisée pour l’alimentation du bétail. Si l’on réduit la consommation de viande, on diminue le besoin
de fourrages. La production céréalière pourra ainsi être freinée sans provoquer de déforestation ».

Le gros problème des produits importés

La France importe près de 40% de ses produits bio (en 2009) ce qui est une aberration quand on voit
la superficie agricole de notre pays. L’importation augmente bien évidemment les émissions de gaz à
effet serre, avec les transports, alors que le concept du bio est de faire dans le local pour justement
limiter l’impact environnemental. La France va importer des aliments de l’étrangers alors que les
producteurs locaux produisent parfois les mêmes produits et ne sont pas certains de vendre toute
leur production. « C’est aberrant! » s’exclame Herni de Pazzis, président du premier grossiste bio
français, BioNatura. Certains pays vont complètement à l’encontre de cette philosophie du bio
comme l’Espagne, par exemple, qui a littéralement industrialisé le bio et la Hollande qui chauffe des
serres en hiver pour cultiver ses tomates bio.

Plus alarmant encore sont les produits dits « bio » importés qui ne respectent pas du tout la
règlementation. Au vu du marché, beaucoup de personnes malhonnêtes se sont lancées dans cette
filière lucrative en faisant passer leurs produits conventionnels pour des produits
biologiques ! Ecocert, qui est un organisme contrôlant les produits issus de l’agriculture biologique, a
ainsi, par un contrôle de routine, déclassé 100 tonnes de fruits rouges certifiés bio de Serbie qui
avaient été traités avec des pesticides. Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Selon l’Expansion,
des concombres égyptiens, de l’huile d’olive espagnole, des pommes et du blé argentin ou encore
des abricots secs turcs étaient « eux aussi bourrés de pesticides ». Des baies roses du Madagascar
aspergées de DDT un insecticide toxique interdit en Europe et du riz américain OGM ont même été
importés !

Selon les organismes de contrôle, la plupart des fraudes proviennent de pays situés hors de l’Union
Européenne tels que le Kenya, la Chine, l’Argentine, le Chili, Israël, la Turquie, l’Egypte, le Madagascar
etc.  Les pays européens sont tout de même concernés avec en tête l’Espagne puis l’Italie, la
Roumanie etc. (source : bioaddict.fr).

Les différences qui existent dans la règlementation des pays expliquent en partie ces dérives. Les
textes sont trop vagues et peuvent être interprétés de différentes manières. De plus, le nombre de
contrôles est dans certains pays très insuffisant. Ecocert le confirme :

• En France chaque producteur est inspecté en moyenne 1,6 fois par an (30% des visites à
l’improviste).
• En Espagne la moyenne est d’une fois par an (17% de visites surprise).
• En Roumanie seulement 5% des opérateurs sont contrôlés (5% de visites inopinées).
Un autre facteur à prendre en compte est le morcellement des parcelles qui, surtout en Chine, font
qu’un agriculteur bio cultivant sur son terrain peut avoir toute sa récolte contaminée par les terres
de ses voisins qui font de l’agriculture conventionnelle. La contamination peut se faire par le vent et
la pluie entrainant ainsi pesticides, engrais chimiques etc.

Les supermarchés condamnent les petits producteurs

Même si globalement les produits bio sont relativement plus chers que les produits conventionnels, il
existe un risque quand à une baisse trop forte de ces produits. Nous avons vu que la France importe
énormément de produits bio. Ces produits sont achetés à bas prix et peuvent donc être vendus par la
grande distribution à des prix défiant toute concurrence. Auchan a ainsi proposé sous sa propre
marque 50 produits alimentaires certifiés bio à moins d’un euro. D’après l’AFP, les grandes surfaces
vendent 45% des aliments biologiques ce qui est loin devant les magasins ou marchés spécialisés. Le
risque est réel pour les petits producteurs français qui, face à une concurrence déloyale, ne peuvent
plus vendre leurs propres produits. Le porte parole de la Confédération paysanne et producteur de
céréales bio, Philippe Collin, s’inquiète : « La grande distribution va se servir du bio comme d’un
produit d’appel, pour regonfler ses marges, sans se soucier des dégâts sociaux que ça peut
entrainer » et pense que les producteurs bio vont se faire imposer à leur tour « des prix qui ne leur
permettent pas de vivre ».

Le mot de la fin

Pour finir, il est important de prendre conscience des bienfaits d’une alimentation, au delà du bio,
plus saine et dépourvue de produits chimiques compromettant notre santé. Il faut privilégier les
produits bio, avec les labels cités plus haut, car vous aurez toujours moins de chance, en les
consommant, de tomber sur des aliments bourrés d’additifs toxiques. Il faut également privilégier les
produits de la ferme, revenir à des aliments plus sains et « authentiques ».

L’idéal serait d’acheter certains aliments bio (français) dans des magasins spécialisés, dans les
marchés ou d’adhérer à des associations qui, contre un abonnement, fournissent chaque semaine
des paniers de légumes bio (Jardins de Cocagne par exemple). On peut également acheter des
aliments sains à de petits exploitants de sa région (Producteurs de ma région ou Comptoirs
Fermiers par exemple) par des ventes directes de producteurs à consommateurs. Manger plus
sainement est accessible à tous, il suffit de changer ses habitudes !

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