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0,6% seulement des surfaces cultivées

L'avenir sera-t-il bio?


Longtemps à la traîne, la France aujourd'hui se lance. Mais malgré des contrôles draconiens,
tous les produits ne sont pas forcément bio et bons à la fois

Bien que la demande ne représente que 0,4% du budget total consacré par les Français à leur
alimentation, la filière bio totalise un chiffre d'affaires de 4 milliards de francs par an. En
croissance de 25% chaque année depuis 1994. A l'horizon 2005, le potentiel de
consommation de produits issus de l'agriculture biologique pourrait atteindre 5% du budget
agroalimentaire national. Même si l'Hexagone, première puissance agricole en Europe, mais
avec 0,6% de la surface agricole totale cultivée en bio, reste loin derrière l'Autriche (8,3%),
la Suède (8%) ou l'Italie (3,3%).

Depuis 1980, la législation française est stricte. Un produit issu de l'agriculture biologique
(AB) est une denrée contenant au moins 95% d'ingrédients d'origine biologique. C'est-à-dire
résultant d'un mode de production exempt de produits chimiques de synthèse, recyclant des
matières organiques naturelles. Et privilégiant la rotation des cultures. Trois organismes
privés sont agréés par le ministère de l'Agriculture pour contrôler les produits et délivrer la
certification AB et le petit logo blanc et vert (Ecocert, Qualité France, So.Co.Tec). Les
anciens organismes comme ABF ou Nature et Progrès ne sont plus reconnus officiellement.
La fraude existe.

En 1996, la cour d'appel de Poitiers a confirmé la peine de quatre mois de prison ferme pour
les auteurs d'un trafic de 4 000 tonnes de céréales prétendues bio dans les Deux-Sèvres. En
1997 et 1998, 9 500 tonnes de faux blé bio français ont été saisies. Il s'agissait de céréales
roumaines dotées de faux certificats allemands et hollandais...

Pour tout compliquer, la réglementation adoptée en 1991 par l'Union européenne porte sur
les seuls produits végétaux non transformés (céréales, fruits et légumes). Tandis que les
produits animaux font toujours l'objet d'âpres débats. Alors que les cahiers des charges
français se distinguent par leur sévérité, gage d'un contrôle très strict, pour l'élevage, le
Danemark autorise parfois les hormones et l'Allemagne une alimentation bio à 80%
seulement.

Reste que tous les produits ne sont pas forcément bio et bons à la fois. AB ne rime pas
toujours avec qualité. Le Conseil de la CEE a prévenu : l'agriculture biologique ne peut
garantir une qualité organoleptique, nutritionnelle ou sanitaire supérieure. Les tests de
l'Institut national de la Consommation le confirment (1). Bio ou pas, on trouve, à très faibles
doses, des résidus de pesticides dans les céréales, de dioxines dans les laits et de nitrates dans
les salades. Car le respect des normes AB ne peut rien contre le vent, la pluie, la pollution de
la nappe phréatique. Alors à quoi bon payer entre 20% et 200% plus cher ? L'envie légitime
de soutenir une agriculture respectueuse de l'environnement ne doit pas faire oublier le souci
du meilleur goût au juste prix. Gagas du bio, prenez garde à ne pas devenir des gogos !

(1) « 60 Millions de consommateurs », n° 327, avril 1999


Les mystères de l'étiquette
Le décret du 7 décembre 1984, pris en application de la loi du 1er août 1905, encadre
l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires. C'est-à-dire tout produit ou boisson
destinés à l'alimentation de l'homme. Le but poursuivi est louable : prévenir les risques de
confusion dans l'esprit de l'acheteur sur la nature, les qualités, la composition, la durabilité ou
l'origine du produit. Des mentions obligatoires doivent indiquer la dénomination de vente, la
liste des ingrédients, la quantité nette, la date de péremption, le nom du fabricant, le mode
d'emploi, etc. Il faut savoir que les ingrédients sont énumérés dans l'ordre décroissant de leur
importance pondérale. Et que leur quantité est exprimée en pourcentage chaque fois que le
nom du produit fait référence à la présence d'un ingrédient particulier. Par exemple, yaourt
aux fruits... Mais tout se complique avec l'apparition des « labels », qui sont de nature à créer
une confusion sur la « qualité » des produits.

En France, deux logiques s'affrontent. La norme de production et l'indication géographique.


Le ministère de l'Agriculture règne sur cet empire des « signes de la qualité », selon le jargon
administratif en cours. Il y a l'AOC (Appellation d'Origine contrôlée), gérée dans un cadre
mutualiste par l'Inao. Le Label rouge, décerné par un autre organisme public avec la même
exigence de qualité (mode d'élevage ou de culture, origine des matières premières, mode de
fabrication, etc). Et la participation d'experts, professionnels bénévoles et consommateurs qui
contrôlent des cahiers des charges très sévères garantissant une qualité le plus souvent
confirmée par « Que Choisir » dans ses tests (1). D'où une différence de prix d'au moins 15%
avec les produits non-labellisés. Mais il y a aussi les « certifications » décernées par des
organismes privés financés par les producteurs.

Comme l'AOC (Appellation d'Origine contrôlée) et l'IGP (Indication géographique


protégée), imposées par Bruxelles, qui ne garantissent pas la qualité, mais l'origine. Car la
mode est au terroir, qui véhicule une image culturelle et non plus un système de production.

Les deux logiques se recoupent. Un foie gras peut être Label rouge et d'origine certifiée du
Sud-Ouest. Mais la confusion règne malgré tout. Le Conseil d'Etat a jugé que la saucisse de
Morteau et les rillettes du Mans caractérisaient un savoir-faire. Pas une origine
géographique. On peut dès lors en produire dans toute la France. Comme le camembert.
Même si le Camembert de Normandie est une AOC. Mieux vaut donc se fier à son palais...
V. T.
(1) « Que Choisir », n¡ 366, décembre 1999.

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