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RÉSUMÉ. Nous fabriquons un treillis composé de deux bielles et un tirant, qui a un comportement
à la rupture analogue à celui d’un bloc de terre comprimée (BTC) lors d’un essai de f lexion
en trois points. On exprime simplement que la rupture peut se produire en compression dans
les bielles ou en traction dans le tirant. La modélisation habituelle considère que le BTC est
un solide poutre élastique linéaire sollicité en f lexion simple. Les données expérimentales de
différents auteurs montrent que la modélisation simplifiée par bielles en compression et par
tirant en traction, que nous proposons, est adaptée au cas des BTC.
ABSTRACT. A lattice made of two struts and a tie is studied, having a behavior at failure close
to that of a compressed earth block (CEB) during a 3 points bending test. Usually this test
is modelled by considering that the CEB is an elastic linear beam under bending, at failure a
tensile stress is then calculated. In this paper, by considering the failure occurring in the strut
in compression or by traction in the tie, the failure stress is expressed simply as a compression
strength or a tensile strength.
MOTS-CLÉS : bloc de terre comprimée, compression, maçonnerie, f lexion, essai in situ.
KEYWORDS: Compressed Earth Block, compression test, masonry, bending test, field test.
1. Introduction
Le principe de cet essai est décrit par la figure 1a. On mesure la force P qu’il faut
pour obtenir la rupture du bloc.
On appelle cet essai «f lexion en trois points » car on le modélise par le schéma
présenté figure 1b. Il s’agit cependant d’un abus de langage car les trois principales
hypothèses de la théorie de la Résistance des matériaux (RDM) ne sont pas respectées
ici :
– L’élancement entre 2 et 3 environ, ce qui ne correspond pas à un solide poutre si
on ne considère pas le cisaillement,
– principe de Barré de Saint-Venant,
– élasticité linéaire (loi de Hooke), le matériau terre crue compactée séchée ayant
un comportement non linéaire complexe, [Oli 94], [OLI 95].
On ne peut donc pas utiliser l’équation [1] (appliquée en M) pour obtenir des
valeurs de résistance à la traction par f lexion car elle est directement issue de la
théorie de la RDM.
Mf 3P L
σxx = y= 2 [1]
Iz 2e l
Etude en compression de l’essai de f lexion 223
En général, les résultats de cet essai ne sont utilisés qu’avec le même dispositif sur
des blocs de même géométrie (sur chantier ou en laboratoire) dans le but de comparer
la force P de rupture des blocs entre eux, dans une démarche de contrôle de qualité,
purement empirique sans utiliser l’équation [1].
Cependant, certains auteurs, [WAL 00], [WAL 95], [VEN 92] ont déjà utilisé l’équa-
tion [1], pour corréler σxx avec la résistance à la compression simple (σc ) : σxx est
considérée comme une résistance à la traction (σt ) ; ils font l’hypothèse qu’il existe
une relation linéaire, du type [2], entre la résistance à la traction et celle à la compres-
sion.
La figure 2 montre que cette relation dépend sûrement du matériau, et en tout
cas ne nous semble pas linéaire (coefficient de corrélation de 0,59) pour appuyer une
théorie.
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σc
= −k [2]
σt
En résumé, jusqu’à maintenant, on part d’une formule empirique [1], qui ne cor-
respond naturellement pas du tout aux valeurs expérimentales de la résistance à la
traction (170 % d’erreur, voir figure 3 par exemple). On y applique ensuite une re-
lation empirique [2] plutôt imprécise. C’est une première constatation qui n’apparaît
pas à notre connaissance dans la littérature, où on trouve très peu d’essais de traction.
Cependant, si on n’utilise pas la formule [1], mais seulement P , pour une même
géométrie de BTC, les données de [VEN 92] par exemple montrent une relation li-
néaire remarquable entre P et la résistance à la compression σc , avec un coefficient de
corrélation de 0,975 pour 51 essais pour 14 matériaux différents.
2.3. Comparaison avec la solution élastique obtenue des calculs aux éléments finis
Nous avons utilisé la Méthode des éléments finis (MEF) dans le but de comparer
une modélisation en élasticité linéaire avec le modèle RDM et les données expérimen-
tales. Pour que cette comparaison soit possible, nous avons exprimé dans la figure 3
les contraintes principales normalisées σN m = σm P
el
et σN M = σMP el , avec σm la
contrainte principale mineure et σM , la contrainte principale majeure. Les résultats de
Etude en compression de l’essai de f lexion 225
la MEF sont bien sûr dépendants des conditions aux limites et des paramètres rhéolo-
giques du matériaux que nous ne connaissons pas précisémment. C’est pourquoi cette
méthode n’est que qualitative dans l’état actuel des connaissances. Nous présentons
sur la figure 3 les deux conditions d’appui, simple et rotule.
Le calcul MEF est fait pour un BTC sur chant e = 140 mm et L = 250 mm,
pour une valeur arbitraire de P = 9, 5 kN. Sur la figure 3, les points expérimentaux
négatifs correspondent à la rupture obtenue par des essais de compression simple de
coordonnées ( σPc el , 0), avec σc la résistance à la compression simple. Les points expé-
rimentaux positifs traduisent la rupture en traction calculée à partir d’essais brésiliens,
de coordonnées (0, σPt el ) avec σt la résistance à la traction obtenue par essai brésilien
sur le BTC.
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La figure 3 montre que la MEF donne aussi une rupture en compression sur le
segment AB, au point R, puisqu’elle dépasse certaines résistances à la compression
simple normalisée obtenues expérimentalement. Dans le cas particulier de cette géo-
métrie, la simultanéité de la rupture en traction et compression semble vérifiée par la
MEF pour quelques BTC, bien que cela paraissait statistiquement improbable. Nous
n’allons cependant pas utiliser cette propriété car elle n’est pas démontrée, la MEF
étant basée sur des hypothèses imprécises dans le cas des BTC (élasticité et condi-
tions aux limites). Notons aussi que la majeure partie des points expérimentaux sont
au-delà de la contrainte de compression prédite par la MEF, et que pour un BTC posé
à plat ce doit être de même, l’élancement augmentant.
Les conditions aux limites correspondant le mieux aux valeurs expérimentales sont
celles en rotule (les points M et R sont les plus proches des points expérimentaux). Par
contre la courbe relative aux appuis simples est très éloignée des points expérimen-
taux. La MEF avec rotule surestime en moyenne la résistance à la traction d’environ
100 % et sous-estime la résistance à la compression d’environ 15 % en moyenne.
celles sollicitées en compression lors d’un essai de compression simple (de normale
Y). Les presses de fabrication de BTC les plus récentes délivrent un double compac-
tage, ce qui permet d’obtenir des blocs plus homogènes, avec une densité sèche très
uniforme. Nous ferons l’hypothèse que les BTC sont homogènes et en plus isotropes
lorsqu’ils sont compactés par deux pistons mobiles [Oli 94] [Pkl 02].
Les trois « terres » qui ont servi à la fabrication des BTC de cette étude sont
présentées dans le tableau 1.
Les BTC « Tamée » bien que moins homogènes peuvent cependant être utilisés,
à plat seulement. Dans ce cas, [Pkl 02] montre que l’on peut prendre en compte le
gradient de la densité sèche en choisissant de poser la zone la plus dense du BTC en
bas.
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Tableau 1. Caractéristiques géotechniques des terres utilisées dans nos essais, Acb =
100 VC2%
BS
Nous proposons donc de modéliser la transmission des efforts par deux bielles AB
et BC et un tirant AC, figure 1c.
Etude en compression de l’essai de f lexion 229
En écrivant l’équilibre des forces sur Y du nœud B, on obtient NAB , effort normal
dans la bielle :
P
NAB sinθ − =0 [3]
2
1
La géométrie du BTC donne sinθ = p L2
; on obtient alors :
1+
4e2
r
P L2
NAB = 1+ [4]
2 4e2
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En écrivant l’équilibre des forces du nœud A sur X, on obtient NAC , effort normal
dans le tirant :
−P −P L
NAC = cosθ = [6]
2sinθ 4e
r
−NAB max −NAB −P L2
σcif = = = 1+ [7]
SAB SAB 2hl 4e2
3.2.1. Détermination de h
Nous avons défini h comme étant la hauteur des bielles, figure 1c. Cette hauteur
varie en fonction de la géométrie du bloc. Dans une première approximation, nous
considérons que h varie proportionnellement à l’élancement Le par simple considé-
ration géométrique. On pose h = ho Le où ho est la hauteur de la bielle lorsqu’on a
un BTC carré, hauteur de référence, propre au matériau terre compacté statiquement
(BTC). Dans la suite, nous limitons l’appellation « terre » comme étant un sol argileux
(de 5 à 20 % d’argile) compacté puis séché, éventuellement stabilisé au ciment dans
une proportion ne dépassant pas 8 % en poids sec, tableau 1. Nous montrons dans la
suite que ho semble indépendant de la « terre » considérée et de la géométrie du BTC
dans les limites habituelles (0, 31 ≤ Le ≤ 0, 56 avec 45mm ≤ e ≤ 140mm).
L’équation [7] devient :
r
−P L L2
σcif = 1+ [8]
2ho el 4e2
avec ht , la hauteur du tirant, figure 1c. Cette hauteur varie également en fonction de
la géométrie du bloc.
3.3.1. Détermination de ht
σ
Pour un même P, le rapport σcif
tif
ne doit pas dépendre de la géométrie mais uni-
quement de la terre considérée. Cette dépendance est donnée par k, équation [2].
On obtient alors ht grâce aux équations [9], [2], [8] :
kho
ht = q [10]
L2
2 1 + 4e 2
Nous avons mesuré P par l’essai de « f lexion trois points » pour chacun des
28 BTC testés, présentés dans les cinq premières lignes du tableau 2, correspon-
dant à quatre formulations de « terres » naturelles, avec deux géométries (BTC à plat
e e
L = 0, 36 et sur chant L = 0, 56). Nous obtenons ainsi deux demi-blocs. On suppose
qu’ils ne sont endommagés que dans une zone très limitée par rapport au volume total
de l’éprouvette, entre les points AB dans la bielle par exemple. On mesure ensuite
σc par un essai de compression simple sur les demi-blocs. En imposant σc = σcif
et avec l’équation [11], on a en moyenne ho = 22, 2 mm avec un écart type de
5,6 mm pour 28 mesures.
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4.1.1. Détermination de ho
Nous avons procédé à une campagne d’essais de traction par fendage aussi appelés
essais brésiliens, qui donnent une mesure de la résistance à la traction des BTC utilisés
ici. Bien que l’essai brésilien soit aussi un essai indirect, il est le plus approprié, à notre
connaissance [OLI 97], pour mesurer cette résistance. Il permet d’obtenir la résistance
à la traction σtieb par :
Etude en compression de l’essai de f lexion 233
2F
σtieb = 0, 9 [12]
elπ
P σtif σtieb k
Ciment
kN MPa MPa (écart
% du Densité Nombre e
Terre L (écart (écart (écart type
poids sèche d’essais
type type type %)
sec
%) %) %)
3,8 0,27 0,35 7,7
Tassin 4 1,86 4 0,56
(10) (11) (10) (20)
1,04 1,05 6,7
Luberon 6 2,14 5 0,36 9 (9)
(20) (20) (5)
3,86 0,52 0,41 4,9
Tamée 8 1,86 2 0,36
(5) (10) (10) (6)
Luberon 6 2,15 1 0,56 12,8 0,84 0,87 8,1
Tassin 0 1,86 1 0,56 3,14 0,15 0,17 10,9
Tableau 3. Résistance en traction des BTC utilisés dans nos essais, L = 250 mm,
ho = 23 mm
Fc
σc = f +c [13]
S
où Fc est la force de rupture en compression simple obtenue avec frettage et S la
section de l’éprouvette, f et c les paramètres de la loi de frettage.
On obtient alors la figure 7 qui donne cette relation d’égalité avec les paramètres
de Coulomb du frettage : f = 0, 33 et c = 0, 18 MPa, valeurs obtenues pour 48 essais
sur 14 compositions de BTC différentes.
Le coefficient de corrélation de 0,975 montre l’indépendance de ho par rapport aux
14 matériaux différents testés.
On remarque par ailleurs que les résistances à la compression des BTC (compac-
tés manuellement) ne dépassent pas 2, 5 MPa, ce qui correspond à des éprouvettes
saturées d’eau. Des BTC secs de même composition auraient donc une résistance plus
grande dépendant principalement de la teneur en ciment qui n’est pas donnée par les
auteurs.
Figure 7. Utilisation du modèle simplifié par bielle de compression avec les données
expérimentales de [VEN 92], chaque point est la moyenne de trois essais, σc fretté
et corrigé par une loi de Coulomb, toutes les éprouvettes ont la même géométrie,
ho = 23 mm
cement plus petit (respectivement 0,7 et 1,3 dans l’essai de compression simple) que
les autres BTC d’élancement supérieur ou égal à 1,5. L’utilisation d’un système d’an-
tifrettage aurait sans doute translaté horizontalement vers la gauche ces deux points.
Le coefficient de corrélation aurait alors été plus proche de 1.
5. Conclusion et perspectives
Une campagne expérimentale du type de celle présentée ici, mais plus importante
ou plus ciblée, pourrait apporter les informations nécessaires à l’utilisation optimum
de nos résultats, notamment par une détermination plus précise du champ d’applica-
tion de notre formule de bielle en fonction du type de BTC. La précision de notre
modèle simplifié, serait augmentée ainsi par un simple ajustement de ho par classe de
BTC.
Nous ne savons pas expliquer pourquoi les calculs en compression dans la bielle
donnent une meilleure précision, alors que visuellement la rupture a lieu en traction
dans le tirant. Ce pourra être l’objet de recherches futures sur le mode de rupture des
BTC qui apparaît plutôt correspondre à un critère en déformation, en l’occurrence
extension, qu’à un critère en contrainte.
Remerciements
A H. Houben et V. Rigassi de CRATerre-EAG pour les commentaires concernant
l’anisotropie des BTC et pour leur fabrication. Les discussions avec V. Rigassi nous
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ont par ailleurs permis d’avoir une approche pratique et pragmatique, nécessaire plus
particulièrement dans le cadre du matériau terre crue, où les données scientifiques sont
encore lacunaires et pourtant si nécessaires. A P. Walker de l’Université de Bath (GB)
pour les informations données au sujet de ses essais. A F. Sallet, A. Mesbah, F. Atassi
du DGCB-CNRS pour leurs aide et commentaires sur les essais de f lexion. A J.M.
Reynouard (INSA de Lyon) pour ses conseils et à D. Turquin de la société Altech
(France) pour la fourniture de certains BTC et de la presse de fabrication.
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