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Essai in situ sur blocs de terre comprimée

Interprétation en compression ou traction de l’essai


de f lexion en trois points

Jean-Claude Morel — Abalo P’kla— Hervé Di Benedetto

ENTPE/DGCB-CNRS URA 1652


rue M. Audin, F-69518 Vaulx-en-Velin cedex
{morel, pkla, dibenedetto}@entpe.fr

RÉSUMÉ. Nous fabriquons un treillis composé de deux bielles et un tirant, qui a un comportement
à la rupture analogue à celui d’un bloc de terre comprimée (BTC) lors d’un essai de f lexion
en trois points. On exprime simplement que la rupture peut se produire en compression dans
les bielles ou en traction dans le tirant. La modélisation habituelle considère que le BTC est
un solide poutre élastique linéaire sollicité en f lexion simple. Les données expérimentales de
différents auteurs montrent que la modélisation simplifiée par bielles en compression et par
tirant en traction, que nous proposons, est adaptée au cas des BTC.
ABSTRACT. A lattice made of two struts and a tie is studied, having a behavior at failure close
to that of a compressed earth block (CEB) during a 3 points bending test. Usually this test
is modelled by considering that the CEB is an elastic linear beam under bending, at failure a
tensile stress is then calculated. In this paper, by considering the failure occurring in the strut
in compression or by traction in the tie, the failure stress is expressed simply as a compression
strength or a tensile strength.
MOTS-CLÉS : bloc de terre comprimée, compression, maçonnerie, f lexion, essai in situ.
KEYWORDS: Compressed Earth Block, compression test, masonry, bending test, field test.

Revue française de génie civil. Volume 7 - n◦ 2/2003, pages 221 à 237


222 Revue française de génie civil. Volume 7 - n◦ 2/2003

1. Introduction

L’utilisation raisonnée des matériaux locaux dans la construction d’habitation est


une des voies qui devrait permettre un développement durable sur toute la planète
[MOR 01]. Les maçonneries à base de blocs de terre comprimée (BTC) permettent
d’utiliser la terre du site (ou proche du site) d’une façon artisanale (presses manuelles)
ou industrielle (presses hydrauliques). Dans l’état actuel des connaissances, la résis-
tance à la compression des BTC est le paramètre mécanique le plus important, il va
déterminer l’architecture et le dimensionnement des constructions. Un essai de com-
pression simple sur deux demi-blocs maçonnés, éprouvette d’un élancement supérieur
à 1, permet d’obtenir en laboratoire cette résistance [Oli 94].
Pour le contrôle de qualité in situ des BTC, on utilise un essai plus simple qui
est l’essai de «f lexion en trois points ». L’importance de cet essai in situ n’est pas
à démontrer, quand on sait que souvent il n’y a que ce contrôle de fait. Cet article
propose une interprétation de l’essai de «f lexion en trois points » sur BTC qui donne
leur résistance à la compression ou à la traction.

2. L’essai de «f lexion en 3 points » ou « casse bloc »

Le principe de cet essai est décrit par la figure 1a. On mesure la force P qu’il faut
pour obtenir la rupture du bloc.

2.1. Interprétation par la théorie de la résistance des matériaux

On appelle cet essai «f lexion en trois points » car on le modélise par le schéma
présenté figure 1b. Il s’agit cependant d’un abus de langage car les trois principales
hypothèses de la théorie de la Résistance des matériaux (RDM) ne sont pas respectées
ici :
– L’élancement entre 2 et 3 environ, ce qui ne correspond pas à un solide poutre si
on ne considère pas le cisaillement,
– principe de Barré de Saint-Venant,
– élasticité linéaire (loi de Hooke), le matériau terre crue compactée séchée ayant
un comportement non linéaire complexe, [Oli 94], [OLI 95].
On ne peut donc pas utiliser l’équation [1] (appliquée en M) pour obtenir des
valeurs de résistance à la traction par f lexion car elle est directement issue de la
théorie de la RDM.

Mf 3P L
σxx = y= 2 [1]
Iz 2e l
Etude en compression de l’essai de f lexion 223

Figure 1. (a) Principe de l’essai de f lexion 3 points ; (b) modélisation habituelle ;


(c) modélisation proposée ici par bielles et tirant

2.2. Revue bibliographique sur l’utilisation de cet essai

En général, les résultats de cet essai ne sont utilisés qu’avec le même dispositif sur
des blocs de même géométrie (sur chantier ou en laboratoire) dans le but de comparer
la force P de rupture des blocs entre eux, dans une démarche de contrôle de qualité,
purement empirique sans utiliser l’équation [1].
Cependant, certains auteurs, [WAL 00], [WAL 95], [VEN 92] ont déjà utilisé l’équa-
tion [1], pour corréler σxx avec la résistance à la compression simple (σc ) : σxx est
considérée comme une résistance à la traction (σt ) ; ils font l’hypothèse qu’il existe
une relation linéaire, du type [2], entre la résistance à la traction et celle à la compres-
sion.
La figure 2 montre que cette relation dépend sûrement du matériau, et en tout
cas ne nous semble pas linéaire (coefficient de corrélation de 0,59) pour appuyer une
théorie.
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Figure 2. Relation expérimentale selon différentes sources entre résistance en trac-


tion et compression des BTC, les terres, Tassin, Tamée, Luberon sont décrites dans le
tableau 1

σc
= −k [2]
σt
En résumé, jusqu’à maintenant, on part d’une formule empirique [1], qui ne cor-
respond naturellement pas du tout aux valeurs expérimentales de la résistance à la
traction (170 % d’erreur, voir figure 3 par exemple). On y applique ensuite une re-
lation empirique [2] plutôt imprécise. C’est une première constatation qui n’apparaît
pas à notre connaissance dans la littérature, où on trouve très peu d’essais de traction.
Cependant, si on n’utilise pas la formule [1], mais seulement P , pour une même
géométrie de BTC, les données de [VEN 92] par exemple montrent une relation li-
néaire remarquable entre P et la résistance à la compression σc , avec un coefficient de
corrélation de 0,975 pour 51 essais pour 14 matériaux différents.

2.3. Comparaison avec la solution élastique obtenue des calculs aux éléments finis

Nous avons utilisé la Méthode des éléments finis (MEF) dans le but de comparer
une modélisation en élasticité linéaire avec le modèle RDM et les données expérimen-
tales. Pour que cette comparaison soit possible, nous avons exprimé dans la figure 3
les contraintes principales normalisées σN m = σm P
el
et σN M = σMP el , avec σm la
contrainte principale mineure et σM , la contrainte principale majeure. Les résultats de
Etude en compression de l’essai de f lexion 225

la MEF sont bien sûr dépendants des conditions aux limites et des paramètres rhéolo-
giques du matériaux que nous ne connaissons pas précisémment. C’est pourquoi cette
méthode n’est que qualitative dans l’état actuel des connaissances. Nous présentons
sur la figure 3 les deux conditions d’appui, simple et rotule.

Figure 3. Distribution des contraintes principales normalisées le long des segments


AB (bielle), et BM, calculée par la MEF en élasticité linéaire, P = 9, 5 kN, compa-
raison avec l’expérience et la RDM

Le calcul MEF est fait pour un BTC sur chant e = 140 mm et L = 250 mm,
pour une valeur arbitraire de P = 9, 5 kN. Sur la figure 3, les points expérimentaux
négatifs correspondent à la rupture obtenue par des essais de compression simple de
coordonnées ( σPc el , 0), avec σc la résistance à la compression simple. Les points expé-
rimentaux positifs traduisent la rupture en traction calculée à partir d’essais brésiliens,
de coordonnées (0, σPt el ) avec σt la résistance à la traction obtenue par essai brésilien
sur le BTC.
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La figure 3 montre que la MEF donne aussi une rupture en compression sur le
segment AB, au point R, puisqu’elle dépasse certaines résistances à la compression
simple normalisée obtenues expérimentalement. Dans le cas particulier de cette géo-
métrie, la simultanéité de la rupture en traction et compression semble vérifiée par la
MEF pour quelques BTC, bien que cela paraissait statistiquement improbable. Nous
n’allons cependant pas utiliser cette propriété car elle n’est pas démontrée, la MEF
étant basée sur des hypothèses imprécises dans le cas des BTC (élasticité et condi-
tions aux limites). Notons aussi que la majeure partie des points expérimentaux sont
au-delà de la contrainte de compression prédite par la MEF, et que pour un BTC posé
à plat ce doit être de même, l’élancement augmentant.
Les conditions aux limites correspondant le mieux aux valeurs expérimentales sont
celles en rotule (les points M et R sont les plus proches des points expérimentaux). Par
contre la courbe relative aux appuis simples est très éloignée des points expérimen-
taux. La MEF avec rotule surestime en moyenne la résistance à la traction d’environ
100 % et sous-estime la résistance à la compression d’environ 15 % en moyenne.

2.3.1. Visualisation de la bielle


La figure 4 présente le champ des contraintes principales. La façon simplifiée avec
laquelle nous proposons que la force P soit transmise aux appuis est représentée figure
1c. Cette simplification est bien connue dans la construction en béton armé [THO 95],
ou dans le calcul des murs de maçonnerie sous sollicitations horizontales, [CRU 01].
On introduit alors les termes de bielles et tirants. On vérifie que la structure résiste à
la compression dans la zone de passage de la bielle et de même pour la résistance à
la traction au niveau du tirant. Il faut souvent ajouter des armatures (acier en général,
bambou par exemple dans le cadre d’une démarche d’utilisation des matériaux locaux)
qui vont « matérialiser » le tirant.

2.4. Quelques commentaires sur la rhéologie du matériau terre compactée séchée

L’observation expérimentale de la rupture des BTC dans l’essai de f lexion en


trois points semble montrer que la rupture intervient systématiquement en traction au
point M. La figure 5 montre la chute brutale de la force (P ) appliquée en B, pour
les BTC « Tamée » (décrits dans le tableau 1). Cette chute est typique d’une rupture
en traction pour ce type de matériau. La rupture en compression a pu cependant déjà
avoir eu lieu localement, par exemple dans la figure 3 au niveau de R, sans que cela
soit visible par notre dispositif de mesure. Nous envisageons donc aussi la rupture en
compression dans les bielles.
Les BTC suivent un processus de fabrication, décrit en détail par [Oli 94], qui va
déterminer leurs qualités, notamment l’homogénéité de la densité sèche. Dans la mo-
délisation de la figure 1c, un éventuel gradient vertical de la densité sèche (cas d’un
compactage avec un seul piston mobile) va intervenir puisque les normales (selon x)
des sections hl de la figure 1c sollicitées en compression ne sont pas les mêmes que
Etude en compression de l’essai de f lexion 227

Figure 4. Distribution des axes principaux et contraintes principales calculée par la


MEF en élasticité linéaire, P = 9, 5 kN, visualisation de la bielle AB et du tirant NM

celles sollicitées en compression lors d’un essai de compression simple (de normale
Y). Les presses de fabrication de BTC les plus récentes délivrent un double compac-
tage, ce qui permet d’obtenir des blocs plus homogènes, avec une densité sèche très
uniforme. Nous ferons l’hypothèse que les BTC sont homogènes et en plus isotropes
lorsqu’ils sont compactés par deux pistons mobiles [Oli 94] [Pkl 02].
Les trois « terres » qui ont servi à la fabrication des BTC de cette étude sont
présentées dans le tableau 1.
Les BTC « Tamée » bien que moins homogènes peuvent cependant être utilisés,
à plat seulement. Dans ce cas, [Pkl 02] montre que l’on peut prendre en compte le
gradient de la densité sèche en choisissant de poser la zone la plus dense du BTC en
bas.
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Terre Tassin Tamée Luberon


C2 % < 2µm (teneur en argile %) 17,5 6 10
Limite de liquidité (%) 30 60 non mesuré
Index de plasticité (%) 9 31 non mesuré
VBS valeur de bleu totale 1,4 2,2 non mesuré
Acb , activité de l’argile 8 37 non mesuré
Double, Mono,
Compactage délivré par la presse à BTC Hydraulique
manuel manuel

Tableau 1. Caractéristiques géotechniques des terres utilisées dans nos essais, Acb =
100 VC2%
BS

Ciment P σcif σc σtieb


en % Nombre kN MPa MPa MPa
Densité e (écart
Terre du d’es- L
(écart (écart (écart
sèche type
poids sais type type type
sec %) %) %) %)
14,4 8,2 8,1
Luberon 6 2,15 6 0,56
(14) (14) (13)
3 1,64 1,83
Tassin 0 1,87 6 0,56
(10) (10) (11)
3,9 2,6 2,3
Tamée 8 1,90 6 0,36
(9) (11) (18)
3,8 2,1 2,7 0,35
Tassin 4 1,86 4 0,56
(10) (10) (13) (10)
6,6 6,7 1,05
Luberon 6 2,14 5 0,36 9 (9)
(8) (10) (20)
3,86 2,49 2,02 0,41
Tamée 8 1,86 2 0,36
(5) (5) (16) (10)
Luberon 6 2,15 1 0,56 12,8 6,9 7,03 0,87
Tassin 0 1,86 1 0,56 3,14 1,71 1,84 0,17

Tableau 2. Caractéristiques mécaniques des BTC utilisés dans nos essais,


L = 250 mm

3. Modélisation en compression/traction par bielles/tirant

Nous proposons donc de modéliser la transmission des efforts par deux bielles AB
et BC et un tirant AC, figure 1c.
Etude en compression de l’essai de f lexion 229

Figure 5. Essai de f lexion trois points, variation de la force P en fonction du dé-


placement vertical du point B (déplacement du piston de la presse) pour les BTC
« Tamée » à plat, tableau 1 et 2

3.1. Calcul des efforts normaux dans les bielles et le tirant

En écrivant l’équilibre des forces sur Y du nœud B, on obtient NAB , effort normal
dans la bielle :

P
NAB sinθ − =0 [3]
2

1
La géométrie du BTC donne sinθ = p L2
; on obtient alors :
1+
4e2

r
P L2
NAB = 1+ [4]
2 4e2
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En écrivant l’équilibre des forces du nœud A sur X, on obtient NAC , effort normal
dans le tirant :

−NAC − cosθNAB = 0 [5]

−P −P L
NAC = cosθ = [6]
2sinθ 4e

3.2. Calcul de la résistance à la compression

On appelle σcif la contrainte de rupture en compression indirecte, obtenue dans


les bielles par l’essai de f lexion, qui est donnée simplement par la formule suivante :

r
−NAB max −NAB −P L2
σcif = = = 1+ [7]
SAB SAB 2hl 4e2

3.2.1. Détermination de h
Nous avons défini h comme étant la hauteur des bielles, figure 1c. Cette hauteur
varie en fonction de la géométrie du bloc. Dans une première approximation, nous
considérons que h varie proportionnellement à l’élancement Le par simple considé-
ration géométrique. On pose h = ho Le où ho est la hauteur de la bielle lorsqu’on a
un BTC carré, hauteur de référence, propre au matériau terre compacté statiquement
(BTC). Dans la suite, nous limitons l’appellation « terre » comme étant un sol argileux
(de 5 à 20 % d’argile) compacté puis séché, éventuellement stabilisé au ciment dans
une proportion ne dépassant pas 8 % en poids sec, tableau 1. Nous montrons dans la
suite que ho semble indépendant de la « terre » considérée et de la géométrie du BTC
dans les limites habituelles (0, 31 ≤ Le ≤ 0, 56 avec 45mm ≤ e ≤ 140mm).
L’équation [7] devient :

r
−P L L2
σcif = 1+ [8]
2ho el 4e2

3.3. Calcul de la résistance à la traction

On suit la même démarche en traction, puisque la rupture en traction apparaît


visuellement dans le tirant. On obtient alors la résistance à la traction indirecte par
f lexion σtif .

−NAC max −NAC PL


σtif = = = [9]
SAC SAC 4elht
Etude en compression de l’essai de f lexion 231

avec ht , la hauteur du tirant, figure 1c. Cette hauteur varie également en fonction de
la géométrie du bloc.

3.3.1. Détermination de ht
σ
Pour un même P, le rapport σcif
tif
ne doit pas dépendre de la géométrie mais uni-
quement de la terre considérée. Cette dépendance est donnée par k, équation [2].
On obtient alors ht grâce aux équations [9], [2], [8] :

kho
ht = q [10]
L2
2 1 + 4e 2

Ces hypothèses vont être discutées dans la section suivante.

4. Etude expérimentale et validation

Nous allons limiter notre étude à 0, 31 ≤ Le ≤ 0, 56 avec 45 mm ≤ e ≤ 140 mm.


Ces limites englobent très largement les dimensions des BTC que l’on peut trouver
sur le marché.

4.1. Essais permettant de déterminer les hauteurs des bielles et tirant

Comme tout paramètre intrinsèque au matériau, ho et k doivent être déterminés


par des mesures expérimentales.
k est déjà déterminé par la figure 2 pour quelques BTC, il est variable selon les
types de BTC.
Pour déterminer ho , une première méthode consiste à l’exprimer par l’équation
suivante directement obtenue de [8] :
r
−P L L2
ho = 1+ [11]
2elσcif 4e2

Nous avons mesuré P par l’essai de « f lexion trois points » pour chacun des
28 BTC testés, présentés dans les cinq premières lignes du tableau 2, correspon-
dant à quatre formulations de « terres » naturelles, avec deux géométries (BTC à plat
e e
L = 0, 36 et sur chant L = 0, 56). Nous obtenons ainsi deux demi-blocs. On suppose
qu’ils ne sont endommagés que dans une zone très limitée par rapport au volume total
de l’éprouvette, entre les points AB dans la bielle par exemple. On mesure ensuite
σc par un essai de compression simple sur les demi-blocs. En imposant σc = σcif
et avec l’équation [11], on a en moyenne ho = 22, 2 mm avec un écart type de
5,6 mm pour 28 mesures.
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4.1.1. Détermination de ho

Figure 6. Essais de compression simple (directe) corrélés avec compression indirecte


en f lexion ayant permis de mesurer ho = 23mm par l’égalité σc = σcif

Une autre méthode de mesure de ho , plus pertinente, consiste à exprimer, sur un


même graphique, les valeurs de résistance à la compression données par les deux me-
sures, indirecte (σcif f lexion trois points) et directe (σc compression simple), figure
6. En imposant un coefficient directeur de 1 à la droite de régression (σcif = σc ),
on obtient ho = 23 mm, valeur que nous prendrons par la suite comme constante de
référence. Le coefficient de corrélation de R2 = 0, 967 pour notre modèle, est proche
de celui déterminé en f lexion figure 6 avec l’équation [1]. L’avantage de notre mo-
dèle est de fournir directement une valeur de la résistance à la compression simple
longuement utilisée et recherchée en pratique.

4.2. Utilisation de la modélisation en traction dans le tirant

Nous avons procédé à une campagne d’essais de traction par fendage aussi appelés
essais brésiliens, qui donnent une mesure de la résistance à la traction des BTC utilisés
ici. Bien que l’essai brésilien soit aussi un essai indirect, il est le plus approprié, à notre
connaissance [OLI 97], pour mesurer cette résistance. Il permet d’obtenir la résistance
à la traction σtieb par :
Etude en compression de l’essai de f lexion 233

2F
σtieb = 0, 9 [12]
elπ

avec 0, 9 un coefficient de forme permettant d’adapter au prisme (cas du BTC) la


formule classique sur cylindre [OLI 97]. F est la force appliquée à la rupture.

P σtif σtieb k
Ciment
kN MPa MPa (écart
% du Densité Nombre e
Terre L (écart (écart (écart type
poids sèche d’essais
type type type %)
sec
%) %) %)
3,8 0,27 0,35 7,7
Tassin 4 1,86 4 0,56
(10) (11) (10) (20)
1,04 1,05 6,7
Luberon 6 2,14 5 0,36 9 (9)
(20) (20) (5)
3,86 0,52 0,41 4,9
Tamée 8 1,86 2 0,36
(5) (10) (10) (6)
Luberon 6 2,15 1 0,56 12,8 0,84 0,87 8,1
Tassin 0 1,86 1 0,56 3,14 0,15 0,17 10,9

Tableau 3. Résistance en traction des BTC utilisés dans nos essais, L = 250 mm,
ho = 23 mm

Nous présentons dans le tableau 3 les deux calculs de la résistance à la traction :


par le moyen de l’essai brésilien (σtieb , équation [12]) et par le moyen de l’essai de
f lexion en trois points (σtif , équation [9]). Les valeurs obtenues sont très proches,
mais l’intérêt pratique de l’utilisation de l’essai de f lexion pour obtenir la résistance
à la traction reste très limité, puisqu’il faut connaître pour chaque matériau la valeur
de k. Alors qu’en compression nous allons voir que ho est constant pour une grande
gamme de BTC.

4.3. Utilisation de données expérimentales en compression des Universités


de Bangalore (Inde) et Bath (GB)

Afin de compléter la validation du modèle simplifié par bielle, il convient de l’uti-


liser sur d’autres types de BTC que ceux que nous avons testés. Il n’existe cependant
pas, à notre connaissance, de données directement utilisables dans la littérature sur les
BTC.

4.3.1. Données expérimentales de [VEN 92]


Les auteurs de [VEN 92] donnent des valeurs de f lexion (nous pouvons alors re-
monter à P par la formule de la RDM [1] qu’ils ont effectivement utilisée). Mais les
234 Revue française de génie civil. Volume 7 - n◦ 2/2003

valeurs de « résistance » à la compression directe correspondantes (σc ) sont fausses,


car elles ont été mesurées par des essais fortement frettés et donc non homogènes
(éprouvettes en compression simple d’élancement 0,69). On peut cependant qualitati-
vement trouver une justification du modèle présenté ici en corrigeant le frettage grâce
à l’application de notre modèle.
Tous les BTC testés sont identiques ayant un même élancement, on peut penser que
l’effet du frettage sur σc est défini par une seule loi, propre à cet élancement. Nous
avons calculé σcif à partir des données de P de [VEN 92]. La contrainte de rupture
en compression simple frettée peut être corrigée en posant σc = σcif , équation [8], et
en supposant que l’action du frettage suit une loi de type Coulomb :

Fc
σc = f +c [13]
S
où Fc est la force de rupture en compression simple obtenue avec frettage et S la
section de l’éprouvette, f et c les paramètres de la loi de frettage.
On obtient alors la figure 7 qui donne cette relation d’égalité avec les paramètres
de Coulomb du frettage : f = 0, 33 et c = 0, 18 MPa, valeurs obtenues pour 48 essais
sur 14 compositions de BTC différentes.
Le coefficient de corrélation de 0,975 montre l’indépendance de ho par rapport aux
14 matériaux différents testés.
On remarque par ailleurs que les résistances à la compression des BTC (compac-
tés manuellement) ne dépassent pas 2, 5 MPa, ce qui correspond à des éprouvettes
saturées d’eau. Des BTC secs de même composition auraient donc une résistance plus
grande dépendant principalement de la teneur en ciment qui n’est pas donnée par les
auteurs.

4.3.2. Données expérimentales de [WAL 00]


Les essais de compression directe de [WAL 00] sont faits sur des éprouvettes
d’élancement deux fois plus grand que [VEN 92], minimisant le frettage. On peut
alors utiliser directement ces données expérimentales quantitativement, avec une pré-
cision relative cependant, puisque là encore il persiste un peu de frettage sur cer-
taines éprouvettes. En utilisant la modélisation en compression avec ho = 23 mm,
trouvé avec nos essais, on obtient la figure 8. Chaque point est la moyenne de cinq
essais correspondant à une formulation particulière de BTC : il y a quatre géométries
(0, 15 ≤ Le ≤ 0, 5 avec 45 mm ≤ e ≤125 mm), trois « terres » différentes (« terres »
reconstituées sable-kaolinite) et trois taux de ciment (de 2,5 ; 5 et 10 %).
Cette fois-ci ho est indépendant de la géométrie, du matériau et des conditions
d’appuis.
La droite de « compression » de la figure 8 est pratiquement confondue avec la
bissectrice, le coefficient de corrélation étant de 0,88. L’effet du frettage des essais de
compression directe (σc ) est visible sur les points A et B, tous les deux ont un élan-
Etude en compression de l’essai de f lexion 235

Figure 7. Utilisation du modèle simplifié par bielle de compression avec les données
expérimentales de [VEN 92], chaque point est la moyenne de trois essais, σc fretté
et corrigé par une loi de Coulomb, toutes les éprouvettes ont la même géométrie,
ho = 23 mm

cement plus petit (respectivement 0,7 et 1,3 dans l’essai de compression simple) que
les autres BTC d’élancement supérieur ou égal à 1,5. L’utilisation d’un système d’an-
tifrettage aurait sans doute translaté horizontalement vers la gauche ces deux points.
Le coefficient de corrélation aurait alors été plus proche de 1.

5. Conclusion et perspectives

La résistance à la compression des BTC est, à l’heure actuelle, le paramètre le


plus important dans leur caractérisation mécanique. L’essai de f lexion trois point sur
BTC apparaît comme pouvant déterminer leur résistance à la compression de manière
indirecte, que ce soit in situ ou en laboratoire si on fait l’hypothèse d’une rupture
locale dans la bielle. Nous proposons alors une formule très simple, basée sur une
approche classique par bielles et tirants du calcul à rupture des structures. L’intérêt de
cette approche est que la « hauteur » de la bielle semble indépendante des BTC dans
une première approximation.
236 Revue française de génie civil. Volume 7 - n◦ 2/2003

Figure 8. Validation du modèle en compression avec les données expérimentales de


[WAL 00], σc fretté pour les points A et B, chaque point est la moyenne de 5 essais,
ho = 23mm

Une campagne expérimentale du type de celle présentée ici, mais plus importante
ou plus ciblée, pourrait apporter les informations nécessaires à l’utilisation optimum
de nos résultats, notamment par une détermination plus précise du champ d’applica-
tion de notre formule de bielle en fonction du type de BTC. La précision de notre
modèle simplifié, serait augmentée ainsi par un simple ajustement de ho par classe de
BTC.
Nous ne savons pas expliquer pourquoi les calculs en compression dans la bielle
donnent une meilleure précision, alors que visuellement la rupture a lieu en traction
dans le tirant. Ce pourra être l’objet de recherches futures sur le mode de rupture des
BTC qui apparaît plutôt correspondre à un critère en déformation, en l’occurrence
extension, qu’à un critère en contrainte.
Remerciements
A H. Houben et V. Rigassi de CRATerre-EAG pour les commentaires concernant
l’anisotropie des BTC et pour leur fabrication. Les discussions avec V. Rigassi nous
Etude en compression de l’essai de f lexion 237

ont par ailleurs permis d’avoir une approche pratique et pragmatique, nécessaire plus
particulièrement dans le cadre du matériau terre crue, où les données scientifiques sont
encore lacunaires et pourtant si nécessaires. A P. Walker de l’Université de Bath (GB)
pour les informations données au sujet de ses essais. A F. Sallet, A. Mesbah, F. Atassi
du DGCB-CNRS pour leurs aide et commentaires sur les essais de f lexion. A J.M.
Reynouard (INSA de Lyon) pour ses conseils et à D. Turquin de la société Altech
(France) pour la fourniture de certains BTC et de la presse de fabrication.

6. Bibliographie

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