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«Discussions interminables sur l’écriture inclusive, les toilettes non genrées à l’université, l’usage de pronoms
neutres pour ne pas heurter: plus un jour ne passe sans que de tels faits fassent la une des journaux»,
explique Maroun Eddé. Fabien Clairefond
L’infiniment grand et l’infiniment petit: telles sont les deux plus grandes
découvertes de la science physique du XX siècle. Tels sont aussi les deux
pôles sur lesquels se focalisent les nouveaux militants du XXI siècle, pétris
de l’influence du wokisme américain. Le risque est grand, ainsi, d’amener le
débat public sur des terres stériles et d’occulter les véritables problèmes qui
devraient, à six mois de la présidentielle, être au centre de l’attention en
France.
À découvrir
Michel Houellebecq: «Une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit
au respect»
«An elephant in the room.» C’est ainsi que les Anglais désignent un sujet
majeur dont tout le monde peut constater l’existence, mais dont personne ne
parle ouvertement. Des éléphants, nous en avons une panoplie en France.
À VOIR AUSSI - Millenials vs Boomers: les woke sont-ils les héritiers des
boomers?
Milieux favorisés
Rares sont pourtant ceux qui osent aborder frontalement ces problèmes.
Occupant l’espace laissé vide par un manque de courage politique, les
nouveaux militants le remplissent avec de vaines discussions et un activisme
dogmatique sans horizon d’action: pas étonnant, dans ces conditions, de voir
l’abstention progresser. Le Parti socialiste, qui a voulu se faire le champion
de ces nouvelles luttes à partir de 2012, a vu sa popularité fondre comme
neige au soleil à mesure qu’il se «wokisait», surtout auprès des classes
populaires.
Car les discussions woke intéressent avant tout des jeunes de milieux
favorisés. Les personnes victimes de violences dans leur quartier, de
racisme, les femmes violées, battues ou prostituées de force, n’ont pas les
moyens de passer sur les plateaux télévisés ou d’écrire des livres et des
tribunes pour dénoncer ce qu’elles vivent. Les grands gagnants de cette
supercherie sont ceux qui ont les moyens de se mettre sur le devant de la
scène en prétendant incarner des combats universels. Le danger des
militants woke vient du monopole politique et universitaire qu’ils parviennent
à construire autour de faux problèmes pour se donner bonne conscience,
évinçant par là même les véritables débats.
«C’est bien plus beau lorsque c’est inutile», déclame Cyrano avant de
mourir. C’est sans doute vrai pour l’art. C’est assurément faux en politique. Il
est grand temps de rétablir le sens des priorités pour redonner au débat et à
l’engagement politiques en France leurs lettres de noblesse.