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AVANT-PROPOS

La Médecine Moléculaire est à la Biologie Médicale, ce qu'est la Médecine Interne pour les grandes spécialités
cliniques. Elle est une composante essentielle du diagnostic, du traitement et du suivi des pathologies
associant le diagnostic biochimique et la biologie moléculaire du génome de manière totalement intégrée.
Elle s'appuie sur les examens de biochimie de première ligne, la biochimie spécialisée, la biologie moléculaire
du génome, ainsi que sur les biomarqueurs innovants et les technologies de pointe d'étude du génome, de
l' épigénome, du transcriptome, du protéome et du métabolome. La Médecine Moléculaire est donc un
maillon central de la pratique médicale d'aujourd' hui et de la Médecine de précision de demain. Elle apporte
les éléments essentiels pour disséquer les mécanismes, diagnostiquer les pathologies et définir la prise en
charge thérapeutique adaptée et personnalisée à chaque patient.
Je tiens à saluer l'importance du travail collectif réalisé par le Collège National de Biochimie et Biologie
Moléculaire Médicale pour produire cet ouvrage collectif destiné aux futurs médecins. Il apportera aux
étudiants du deuxième cycle des études médicales, le corpus de connaissances requises pour l'utilisation
des examens de Biochimie et Biologie Moléculaire dans la pratique de leur future spécialité médicale,
chirurgicale ou biologique, à l'orée de leur entrée dans le troisième cycle des études médicales. Il leur
permettra, lorsqu'ils seront devenus des praticiens, de mieux utiliser la biologie médicale dans leur démarche
diagnostique et thérapeutique. Il représente également un Vade-Mecum indispensable pour celles et ceux
qui orienteront leur cursus de troisième cycle vers la préparation de l'option de spécialité de Médecine
Moléculaire du DES de Biologie Médicale

Pr Jean-Louis GUEANT
Université de Nancy, président de la section 44 Biochimie-Biologie Moléculaire, Physiologie,
Biologie Cellulaire et Nutrition du CNU-Santé
Président de la Commission Nationale de Biologie Médicale
PRÉFACE DES AUTEURS

La Biochimie et la Biologie Moléculaire sont deux composantes essentielles de la Médecine Moléculaire,


souvent considérées à tort comme des matières fondamentales éloignées de la pratique médicale. Cependant,
les examens de Biochimie de première ligne, de Biochimie spécialisée et de Biologie Moléculaire sont
des éléments incontournables pour le diagnostic positif et différentiel, les décisions thérapeutiques et le
suivi des patients. Dans cet ouvrage, nous avons voulu présenter l'utilisation en pratique médicale de la
Biochimie et de la Biologie Moléculaire nécessaire à la préparation du troisième cycle des études médicales,
en reprenant les grands items de l'examen classant national (ECN). Dans cet objectif, nous avons suivi les
recommandations de la réforme récente du DES (R3C) et du deuxième cycle (R2C). Le contenu a été décliné
en 12 chapitres allant de la biologie sanguine usuelle et d'urgence, jusqu'à la biologie moléculaire spécialisée
utile au diagnostic et à la prise en charge de nombreuses pathologies fréquentes, tumorales, ou non.
Dans chaque chapitre, le contenu a été organisé de sorte qu'il soit:
■ intégré : les informations essentielles sont rappelées pour chaque type de pathologie abordée incluant
l'apport de la Biochimie pour l'ECN et la pratique clinique;
■ compréhensible : dans chaque item, un rappel concis et essentiel des bases physiopathologiques est
présenté, accompagné d'une fiche flash à la fin du texte;
■ complet: tous les sujets mis au programme de l'ECN et intégrant une place significative à l'apport
soit de la Biochimie (39 items), soit de la Biologie Moléculaire (4 items) seront traités;
■ transversal : dans chaque item, la place de l'aide de la Biochimie et de la Médecine moléculaire au
diagnostic et/ou à la prise en charge est mise en exergue dans la panoplie des autres examens utiles
au diagnostic pour faciliter dans leur ensemble la mémorisation du contenu et aider l'étudiant dans
son apprentissage.
Nous espérons que le lecteur découvrira dans cet ouvrage, les éléments utiles et indispensables à la réussite
de leur entrée dans le troisième cycle des études médicales, l'examen classant national et à la pratique
clinique ultérieure.

Anne BARLIER, PU-PH, APHM et Université Aix-Marseille


Bernard SABLONNIERE, PU-PH, CHU et Université de Lille
Franck STURTZ, PU-PH, CHU et Université de Limoges, président du CNBBMM
LISTE DES, AUTEURS
' ,
AYANT
PARTICIPE A LA REDACTION
DE L'OUVRAGE (CLASSÉS PAR VILLE)

■ Laurence DUVILLARD, PU-PH, CHU et Université de Dijon


■ Pascal PIGNY, PU-PH; Bodolé DJOBO, PH, Amjad GHULAM, PH; Benoit SOUDAN, PH; CHU et
Université de Lille
■ Franck STURTZ, PU-PH, CHU et Université de Limoges
11 Jonathan LOPEZ, MCU-PH; Claire RODRIGUEZ-LAFRASSE, PU-PH; Ingrid PLOTTON, MCU-PH;
Delphine MALLET, chargée d'études; Virginie VLAEMINCK-GUILLEM, MCU-PH; Anne-Sophie
WOZNY, AHU, Damien VASSEUR, interne; CHU de Lyon et Université de Lyon.
■ Alexandru SAVEANU, MCU-PH; Thomas CUNY, MCU-PH; CHU et Université d'Aix-Marseille
■ Jean-Paul CRISTOL, PU-PH; Sylvain LEHMANN, PU-PH, CHU et Université de Montpellier
■ Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ, PU-PH; Abderrahim OUSSALAH, MCU-PH; CHRU de Nancy
et Université de Lorraine
■ Nicolas PALLET, PU-PH, Marie-Anne LORIOT, PU-PH, APHP, Hôpital Européen George Pompidou
et Université de Paris
■ Manuel SANCHEZ, CCA; Mathieu LILAMAND, MCU-PH, APHP, Hôpital Bichat et Université
Paris 7; Cédric VILLAIN, CCA, APHP, Hôpital Pitié-Salpétrière et Université de Paris; Eric PAUTAS,
PU-PH, CHU Pitié-Salpétrière-Charles Foix et Université de Paris
■ Nicolas DE ROUX, PU-PH, Leila DREIRA, PH, Clémence DELCOUR, CCA, Sophie DREUX, PH,
APHP, Hôpital Robert-Debré et Université de Paris
Il Hervé PUY, PU-PH, CHU Paris-Nord Val de Seine et Université Paris 7
■ Jean-Claude LECRON, PU-PH, CHU et Université de Poitiers
■ Jean-Baptiste OUDART, MCU-PH, CHU et Université de Reims
11 Françoise MAUPAS-SCHWALM, MCU-PH, CHU de Toulouse-Rangueil et Université de Toulouse
SOMMAIRE
Le texte de cet ouvrage est hiérarchisé en vue de la validation des connaissances par l'étudiant se préparant
à l'ECN et pour l'interne en DES:
priorité A: texte en gras (ce que doit savoir l'étudiant pour l'ECN et tout interne qui démarre);
■ priorité B : texte en police simple (ce que doit savoir tout interne en Biologie);
Il priorité C : texte en italique (connaissances complémentaires qui seront acquises au cours de la
formation).

Chapitre 1. Métabolisme ionique ........................................................................................................................... 9


ITEM 265 A
Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques ......... 9
ITEM 265 B
Eau et sel .............. . .....23
ITEM 265 C
Les dyskaliémies .. 41
ITEM 265 D
Les hypocalcémies .... 56

Chapitre 2. Métabolisme et alimentation ............................................................................................................. 65


ITEM 220
Diagnostic des dyslipidémies .. ..... 65
ITEM 238
Hypoglycemie chez l'adulte et chez l'enfant.. .. ... 74
ITEM 245
Diabète sucré de type 1 et de type 2 chez l'adulte et chez l'enfant. Complications ... 77
ITEM 248
Dénutrition chez l'adulte et l'enfant . ..85
ITEM 249
Amaigrissement à tous les âges .. . ..... 96
ITEM 69
Troubles des conduites alimentaires: connaître les principales anomalies métaboliques associées . .. .. 101
ITEM 250
Troubles nutritionnels chez le sujet âgé .. 113
ITEM 252
Nutrition et grossesse. Prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse ..... 122

Chapitre 3. Biologie cardio•vasculaire ............................................................................................................... 133


ITEM 221
Hypertension artérielle .. .. 133
ITEM 232
Insuffisance cardiaque .. . ...... 140
ITEM 334
Syndrome coronarien aigu .. 149

Chapitre 4. Biologie digestive............................................................................................................................ 159


ITEM 273
Hépatomégalie et masse abdominale ..... . 159
ITEM 275
Ictère .... ....... 169
ITEM 276
Cirrhose et complications . 179
ITEM 277
Ascite... . ......... 187

Chapitre 5. Biologie endocrine........................................................................................................................... 195


ITEM 240
Diagnostic d'une hyperthyroïdie ................... . .. 195
ITEM 241
Diagnostic d'une hypothyroïdie . .201
ITEM 242
Diagnostic biologique des adénomes hypophysaires .. ..204
ITEM 243
Diagnostic d'une insuffisance surrénale aiguë et d'une insuffisance surrénale chronique ..... 213
ITEM 266
Hypercalcémie : diagnostic et examens complémentaires ..........................................................................223

Chapitre 6. Biologie neurologique...................................................................................................................... 229


ITEM95
Diagnostic d'une polyradiculonevrite aigue inflammatoire .. .....229
ITEM 106
Diagnostic d'une maladie d'Alzheimer ........... ........237

Citapitre 7. Biologie rénale ............................................................................................................................. 243


ITEM255
Élévation de la créatininémie .................................................... ..243
ITEM 256
Protéinurie et syndrome néphrotique de l'adulte et de l'enfant ...253
ITEM 262
Lithiase urinaire .. ...264
ITEM 257
Hématurie ........... .......... 276

Chapitre 8. Biologie· féminine, biologie du couple et de la grossesse .................................................................. 283


ITEM22
Grossesse normale : diagnostic et suivi biologique.................................. ........283
ITEM24
Diagnostic d'une grossesse extra-utérine .. .......292
ITEM 37
Stérilité du couple ..... .............................................................................................................................. ..... 297
ITEM 40
AMÉNORRHÉE ....... .............................................................. ................................................................ ......306

Chapitre 9. Biologie du vieillissement................................................................................................................ 313


ITEM 115
Vieillissement normal : aspects biologiques...... ......... 313
ITEM 123
Hypertrophie bénigne de la prostate ................. ...320

Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer ..................................................................................... 325


Introduction Générale ..................................................................................... ...................................... .......325
ITEM 181
Réaction inflammatoire : aspects biologiques et cliniques. Conduite à tenir .327
ITEM215
Pathologie du fer: diagnostic d'une carence ou d'une surcharge en fer ......................... 336

Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers ....................................................................................................... 349


ITEM288
Cancérogenese, oncogénétique ....... 349
ITEM 289
Diagnostic des cancers : signes d'appel et investigations paracliniques, caractérisation du stade,
pronostic ................................................ ....................... . .. .................. .........362
ITEM 290
Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d'anatomie
et cytologie pathologiques....... ................. ................................ .............................................. ... 374
ITEM 317
Myelome multiple ........... .384

Chapitre 12. Pharmacogénétique....................................................................................................................... 393


ITEM 319
La décision thérapeutique personnalisée : bon usage de la pharmacogénétique dans des situations
à risque........................ .......................... . .......... .................................................... .393
CHAPITRE 1. MËTABOLISME IONIQUE

ITEM 265 A
TROUBLES DE L'ÉQUILIBRE
ACIDO-BASIQUE ET DÉSORDRES
HYDROÉLECTROLYTIQUES
Jean-Paul CRISTOL et Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin
en fonction d'une situation clinique donnée.
• Savoir diagnostiquer et traiter : une acidose métabolique, une acidose ventilatoire,
une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypernatrémie, une
hypocalcémie.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE
• Savoir définir une acidose, identifier le trouble initial (métabolique ou respiratoire),
son caractère isolé ou mixte, aiguë ou chronique.
• Savoir définir une alcalose, identifier le trouble initial (métabolique ou respiratoire),
son caractère isolé ou mixte, aiguë ou chronique.
• Savoir conduire une démarche diagnostique étiologique.
• Savoir conduire le traitement des acidoses et des alcaloses.

1. INTRODUCTION
Le pH est le logarithme inverse de la concentration en ions H• (pH= - loglO [H•]). Le pH normal chez
le sujet sain est de 7,40 ± 0,02.
La stabilité du pH dépend de 3 principaux mécanismes :
les systèmes tampons de l'organisme :
► systèmes tampons intra-cellulaires. Ce sont surtout les protéines et les ions phosphates;
► (principalement osseux) et l'hémoglobine;
► systèmes tampons extracellulaires : le principal système tampon est représenté par le couple
bicarbonates-CO2 extracellulaire.

Il La ventilation alvéolaire, déterminant de la PaCO2 • En effet, par le biais de l'anhydrase carbo­


nique, le système tampon bicarbonate est étroitement lié à la PaCO2 •
10 Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques

Il Le rôle central du rein par:


► l'excrétion rénale de H+ qui peut se faire sous trois formes:
• la forme libre dont la concentration détermine le pH urinaire;
• la forme liée à l'ammoniac (NH ). Il s'agit du principal système de
3
l'élimination rénale d'ions H+ et l'élimination de ces derniers se fait
par transformation de l'ammoniac (NH3 ) en ammonium (NH4+);
• l'acidité titrable: il s'agit de la part d'ions H+ fixés à des tampons
urinaires principalement le phosphate disodique (Na/HPO/-) qui
peut fixer un ion H• en échange d'un Na• qui est réabsorbé. Le phos­
phate monosodique (Na•HPO 4-) étant excrété;

► la réabsorption des bicarbonates au niveau du tube contourné proximal via


l'anhydrase carbonique, un H• étant excrété et le CO 3 H-étant réabsorbé.

Le système bicarbonate est le principal système tampon de l'organisme; pH, CO2 et


bicarbonates sont liés par l' équation d'Henderson-Hasselbach:

pH = 6,1 + log ([CO3 H-]l(0,03 x PaCO2))


avec CQ3H- en mmol/I et PaCO2 en mm Hg

Afin de caractériser une anomalie de l'équilibre acido-basique, il est nécessaire de:


■ disposer des trois variables de l'équation d'Henderson-Hasselbach {pH, PaCO 2 ,
bicarbonates);
■ parler d'acidémie (ou acidose décompensée) si pH < 7,38;
■ parler d'alcalémie (ou alcalose décompensée) si pH > 7,42;
■ se souvenir que l'organisme ne surcompense jamais: l'anomalie initiale va
toujours dans le sens de la variation de pH:
► en cas d'acidose métabolique:

• anomalie primitive: baisse des CO 3 H- et réponse compensatrice:


hyperventillation pour baisser la PaCO 2 ;

► en cas d'acidose respiratoire:


• anomalie primitive: augmentation de la PaCO 2 et réponse compen­
satrice: production de CO3H-par le rein;

► en cas d'alcalose métabolique:


• anomalie primitive: augmentation des CO3H- et réponse compen­
satrice: hypoventilation pour augmenter la PaCO 2 ;

► en cas d'alcalose respiratoire nomalie primitive: diminution de la PaCO 2 et


réponse compensatrice: excrétion de CO 3 H-par le rein;
► la compensation respiratoire est rapide (minutes) mais la compensation
métabolique est généralement retardée (heures à jours).
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 A 11

pH C03 H- PaC0 2
Acidose
Métabolique Diminué < 22 mmol/1 <36 mmHg
Respiratoire Diminué >26 mmol/1 >44 mmHg
Alcalose
Métabolique Augmenté >26 mmol/1 >44 mmHg
Respiratoire Augmenté < 22 mmol/1 <36 mmHg

Il. ACIDOSES

A. Réponse à l'ITEM
Devant une acidose il faut :
■ savoir identifier le trouble initial et la réponse compensatrice;
■ savoir classer les acidoses métaboliques en fonction du trou anionique;
■ savoir conduire le traitement des acidoses métaboliques et respiratoires.

Ill. ACIDOSES METABOLIQUES


Les acidoses métaboliques se définissent par une baisse du pH artériel(< 7,38)(acidémie)
avec une baisse des bicarbonates(< 22 mmol/1).

A. Séméiologie
La polypnée traduit la réponse adaptative (dyspnée de Kussmaul), qui permet de réduire la
concentration de CO2 dans le sang. Elle est ample, profonde, et survient malgré l'absence
de pathologie pulmonaire associée (dyspnée sine materia).
Éléments de gravité :
la polypnée peut en soi provoquer une détresse respiratoire par épuisement respira­
toire chez des sujets à risque;
Il l'acidose peut induire une hyperkaliémie, parfois menaçante, par transfert du potas­
sium du secteur intracellulaire au secteur extracellulaire;
■ l'existence d'une acidémie profonde (pH < 7,25) impose l'hospitalisation en secteur
de soins continus.

B. Apprécier la compensation
En cas d'acidose métabolique simple, la baisse des CO 3 H- entraîne une baisse prévisible
de la PaCO2 selon une des deux formules suivantes :

PaC02 (mmHg) = 1,5 x [C03H-J + 8 ± 2 (Formule de Winter)


Ou b.. PaC02 = 1,2 x b.. [C03H-]

Si la PaCO 2 est plus importante que l'attendu (ou le /J,. PaCO2 plus faible), il faut suspecter
un trouble mixte associant un trouble ventilatoire limitant la compensation.
12 Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques

C. Démarche étiologique en fonction du trou anionique


1. Notion de trou anionique
Au nom du principe de l' électroneutralité, les charges anioniques doivent être neutralisées
par des charges cationiques.
Le Na+ est le cation majoritaire (140 mmol/1). Les protéines, à pH physiologique sont
chargées négativement et sont donc des anions. Les charges anioniques liées aux protéines
compensent l'ensemble des charges cationiques de potassium, calcium et magnésium. Il reste
donc en regard du Na+, le Cl- (105 mmol/1 ou mEq/1) et les CO3H-, 25 (mmol/1 ou mEq/1),
soit 130 mEq. Il y a donc environ 10 mEq d'anions indosés, qui ne font pas partie du bilan
classique. Le calcul du trou anionique n'est valable qu'en cas de protidémie normale.

Trou anionique (mmol/1) = Na+ - (CO 3 H- + Cl-) il est voisin de 12+4 mmol/1
J - --
(ou 16 mmol/1 si le K+ est pris en compte)

2. Classification des acidoses métaboliques


Les acidoses métaboliques sont classées en fonction du trou anionique (et/ou du chlore) :
■ Un trou anionique < 16 est considéré comme normal. Ce sont des acidoses à trou
anionique normal.
► On peut considérer que la baisse des bicarbonates est liée à une fuite de ces
derniers, soit digestive soit rénale. Afin de conserver l'électroneutralité, le rein
doit réabsorber du Chlore. Les acidoses à trou anionique normal sont donc des
acidoses hyperchlorémiques.

■ Un trou anionique > 16 est élevé. On peut considérer que la baisse des bicarbonates
est liée à une consommation par un excès d'acide organique. L'acide organique est
un donneur d'H+ et l'anion résultant est responsable de l'augmentation du trou
anionique. L' électroneutralité est alors respectée sans modification du Chlore. Les
acidoses à trou anionique élevé sont donc des acidoses normochlorémiques.
160 .............................................................................................................................

Figure 1 : trou anionique et acidose

3. Acidose à trou anionique augmenté


Il s'agit des acidoses métaboliques avec accumulation d'un acide circulant. Schématiquement
3 grandes causes peuvent être retenues : production accrue d'acides endogènes, apport
excessif (intoxications), défaut d'élimination.
Chapitre 1. Métabolisme ionique- ITEM 265 A 13

■ Production endogène d'acides organiques:


► les acidocétoses: les anions indosés sont le f3-hydroxybutyrate et l'acéto-acé­
tate. Trois grandes causes de cétoses sont reconnues: le diabète avec insu­
linopénie (diabète de type 1 ou décompensation acidocétosique), le jeûne
et l'intoxication alcoolique aiguë. Lors d'une acidocétose diabétique, le
ratio entre le �-hydroxybutyrate et l'acéto-acétate est de l'ordre de 3/1. Lors
d'une intoxication alcoolique, l'excès de pouvoir réducteur provenant de la
transformation de l'éthanol en acétaldehyde favorise la réduction de l'acétoa­
cétate en f3-hydroxybutyrate. Il existe alors une accumulation majeure de
f3-hydroxybutyrate avec un ratio f3-hydroxybutyrate/acéto-acétate pouvant
monter à 10/1. L'augmentation du rapport f3-hydroxybutyrate/acéto-acétate
est à l'origine de la faible positivité voire même de la négativité du test de
dépistage des corps cétoniques, qui est basé sur la réaction du nitroprussiate
de sodium, qui ne détecte que l'acide acéto-acétique et l'acétone, mais pas
l'acide f3-hydroxy-butyrique, qui est le corps cétonique prédominant dans
l'acidocétose alcoolique;
► Les acidoses lactiques: Elles témoignent principalement d'une hypoxie tissulaire
observée lors des états de choc ou des ischémies aiguës. L'anion « indosé » est le
lactate. Les acidoses lactiques peuvent aussi se rencontrer en cas d'intoxications
par les biguanides ou lors des insuffisances hépatocellulaires.

■ Défaut d'élimination d'acides: c'est le cas des insuffisances rénales aiguës ou chro­
niques. Dans ce cas, les anions indosés sont les phosphates, sulfates ou les acides
organiques.
■ Apport exogène: intoxications: l'intoxication à l'aspirine (acide acétylsalicylique),
les alcools toxiques: méthanol, éthylène glycol, propylène glycol, l'acide nalidixique.

4. Acidose à trou anionique normal


Les acidoses métaboliques avec trou anionique normal sont des acidoses
hyperchlorémiques. La démarche diagnostique repose sur l'évaluation du trou anionique
urinaire. Le trou anionique urinaire (TAu), est le reflet inverse de l'ammoniurie,
principale source d'élimination des protons par le rein.

---
En condition physiologique: le TAu est légèrement positif. Il est le reflet de la
concentration de NH4+ urinaire.
En situation d'acidose:
Si le TAu est négatif, l'élimination de NH4 • est importante, la réponse rénale est adaptée
(le rein réagit en augmentant l'excrétion urinaire de ff+ sous la forme de NH4 •). En
effet l'équilibre ionique est neutre et le NH4 • n'est pas pris en compte dans le calcul
du TAu. Ainsi le TAu devient négatif (CI- > Na• + K•). Le pouvoir d'acidification du
rein est intact, la cause de l'acidose est extrarénale. Le TAu est légèrement positif. Il
est le reflet de la concentration de NH4 • urinaire.
En effet l'équilibre ionique est neutre et le NH4+ n'est pas pris en compte dans le calcul
du TAu. Ainsi le TAu devient négatif (Cl- > Na+ + K•). Le pouvoir d'acidification du
rein est intact, la cause de l'acidose est extrarénale.
Si le TAu est positif, l'élimination de NH4 • est faible, la réponse rénale est inadaptée,
il s'agit alors d'une cause rénale.
Causes extrarénales d'acidose métabolique à trou anionique plasmatique normal:
► il s'agit essentiellement de diarrhées qui induisent une perte digestive de
bicarbonates. Les autres causes sont essentiellement les anastomoses urété­
ro-intestinales dans le cadre des néo-vessie (mais l'interprétation du bilan
14 Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques

urinaire est difficile car il intègre aussi les sécrétions de la muqueuse digestive),
les apports d'acide chlorés (chlorhydrate d'arginine, chlorure d'ammonium
...) ou les acidoses de dilution.

■ Causes rénales d'acidose métabolique à trou anionique plasmatique normal: Il


s'agit alors d'acidoses tubulaires. On distingue trois types d'acidoses tubulaires.
► Les acidoses tubulaires de type I (distales) sont liées à un défaut de sécrétion
de H+. Le pH urinaire est en conséquence inapproprié (2: 6), malgré l'acidémie
plasmatique. L'excrétion urinaire de NH4+ est altérée: Le TAu est donc positif.
Elles sont généralement associées à une hypokaliémie.
► Les acidoses tubulaires de type IV (hyperkaliémique), sont également associées
à un défaut excrétion des ions H+ au niveau distal. Le TAu est donc également
positif. Elles peuvent être liées à un hyporéninisme-hypoaldostéronisme ou
à une uropathie obstructive.
► Les acidoses tubulaires de type II (proximales) sont liées à un défaut de réab­
sorption des bicarbonates, c'est-à-dire une fuite urinaire de bicarbonates au
niveau du tube proximal. Le pH urinaire est habituellement < 5,5. Dans ce
cas, le TAu est proche de zéro ou discrètement positif car la fonction tubulaire
distale est respectée. Elles sont généralement hypokaliémiques. Dans sa forme
complète (syndrome de Fanconi), elle est associée à une amino-acidurie, une
phosphaturie avec hypophosphatémie et une glycosurie normoglycémique.

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Figure 2 : Orientation diagnostique devant une acidose métabolique

O. Conduite du traitement
La prise en charge des acidoses métaboliques ne s'envisage que par le traitement étiologique
lorsqu'il est possible.
Acidose métabolique aiguë :
► un pH < 7,10 est une urgence vitale;
► assurer la clairance du CO2 au besoin par la ventilation mécanique (en cas d'épui­
sement respiratoire) ;
► assurer l'alcalinisation en cas d'acidose métabolique aiguë associée à une hyperk­
aliémie ou au cours d'une intoxication par des produits à effet stabilisant de
membrane. Le soluté le plus utilisé reste le bicarbonate de sodium isotonique
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 A 15

(14 %0). L'alcalinisation est discutée dans les acidocétoses diabétiques pour
lesquelles l'insuline et la réhydratation suffi.sent ou dans les acidoses lactiques;
► l'épuration extra rénale est indiquée en cas de surcharge volémique.

■ Acidose métabolique chronique d'origine rénale :


► au cours des acidoses tubulaires, l'alcalinisation par voie orale (eau de Vichy,
citrate, gélules de bicarbonate) peut être suffisante.

IV. ACIDOSE RESPIRATOIRE

A. Définition
L'acidose respiratoire est définie par une acidose (pH < 7,38) avec une augmentation
de la PaC02 • L'hypercapnie est toujours secondaire à une hypoventilation alvéolaire
et l'hypoxémie est donc systématique.
En situation chronique, il existe une compensation rénale visant à élever les bicarbonates
et corriger le rapport [C03 H-]/PaC02 • Le pH dépend de l'importance de l'hypercapnie
et de la compensation métabolique. Cette dernière est en général retardée de 24 à
48 heures, ce qui permet de distinguer les hypoventilations alvéolaires aiguës (sans
compensation) des acidoses chroniques (avec compensation).

B. Sémiologie
Les signes cliniques sont liés à l'hypercapnie (agitation, troubles de vigilance, hypertension,
sueurs, vasodilatation avec érythème) et à l'hypoxémie (polypnée, cyanose, détresse
respiratoire).
On peut retrouver des signes de la maladie initiale : cardiaque, pulmonaire ou neurologique.
Éléments de gravité :
la sévérité est liée à l'importance de l'hypoventilation alvéolaire et à la pathologie
sous-jacente plus qu'à l'acidose elle-même;
■ une hypoventilation alvéolaire avec acidémie (pH < 7,35) doit inciter à une prise en
charge spécifique dans un secteur de soins intensifs ou de réanimation.

C. Démarche Étiologique
Il convient de distinguer les acidoses respiratoires d'origine neuromusculaire des acidoses
respiratoires d'origine thoracopulmonaire.
Causes neuromusculaires
► Les atteintes du système nerveux central peuvent être envisagées : vasculaire,
infectieuse ou traumatique. Les médicaments dépresseurs de la commande respi­
ratoire (morphiniques ou autre hypnotiques) sont une cause classique. Enfin, il
existe des causes acquises (syndrome de Pickwick) ou congénitales (syndrome
d'Ondine) d'hypoventilation alvéolaire centrale.

Il Causes thoracopulmonaires
► Elles sont liées aux affections aiguës ou chroniques thoracopulmonaires. Les causes
chroniques sont représentées par les insuffisances respiratoires chroniques liées à
un mécanisme obstructif ou restrictif. L'ensemble des causes d'insuffisance respi­
ratoire aiguë ou de décompensations aiguës d'une pneumopathie chronique, peut
conduire à une acidose respiratoire qui témoigne d'un épuisement respiratoire.
16 Troubles de l'équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques

D. Prise en charge
Le principe de traitement repose sur le traitement de l'hypoventilation alvéolaire et la prise
en charge étiologique. Une assistance ventilatoire invasive ou non invasive doit être discutée.

V. ALCALOSES

A. Réponse à l'ITEM
Devant une alcalose il faut :
■ savoir identifier le trouble initial et la réponse compensatrice;
■ savoir classer les alcaloses métaboliques et comprendre l'approche par analyse du
volume extracellulaire;
■ savoir conduire le traitement des alcaloses métaboliques et respiratoires.

VI. ALCALOSE METABOLIQUE

A. Définition
L'alcalose métabolique est dé.finie par une alcalose (pH > 7,42) liée à une augmentation des
bicarbonates plasmatiques. Elle est en général associée à une hypoventilation alvéolaire
compensatrice.
La situation d'une alcalose métabolique dépend d'un des trois mécanismes suivants:
1) perte d'acides d'origine urinaire ou digestive;
2) apport de bicarbonates ou d'un autre alcalin au milieu extracellulaire;
3) perte defluides riches en Chlore/pauvre en bicarbonate (vomissements).
Son maintien est favorisé par une déshydratation extracellulaire du fait des mécanismes
impliqués. Cette déshydratation est responsable d'une activation du système rénine­
angiotensine-aldostérone qui majore l'alcalose ou l'entretient. Elle est aussifavorisée par
une déplétion en chlore. En.fin l'hypokaliémie et l'alcalose métabolique sont souvent associées
et tendent à se majorer l'une l'autre.

B. Séméiologie
Les signes cliniques liés à l'alcalose sont non spécifiques et rares :
signes neurologiques avec troubles de la vigilance;
■ signes musculaires (faiblesse musculaire, tétanie ou myoclonies) liées à la baisse du
calcium ionisé;
■ signes cardiovasculaires en partie liés à l'hypokaliémie de transfert qui accompagne
l'alcalose (troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire);
■ signes respiratoires (hypoventilation alvéolaire) secondaire à la réponse ventilatoire.

C. Apprécier la compensation
La réponse compensatrice peut être prédite afin de détecter d'éventuelles formes mixtes

Si la PCO2 est moins élevé que ne le prédit la formule, il faut suspecter un trouble mixte
avec alcalose respiratoire associée.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 A 17

D. Démarche diagnostique
1. Alcalose de contraction du volume extracellulaire
La perte de Volume extracellulaire (perte de NaCl) est avant tout rénale :
► excès de diurétiques;
► tubulopathie congénitale (Bartter ou Gitelman, équivalent à la présence d'un
« diurétique endogène»);
► hypercalcémie ou hypomagnésémie.

■ Perte de NaCl d'origine mixte, liée à des pertes de digestives hautes (vomissements,
aspirations gastriques) :
► perte de Cl digestive et perte de Na rénale.

■ Perte extrarénale
► Adénome villeux.

2. Alcalose métabolique avec expansion volémique


Elle s'accompagne d'une hypertension volo-dépendante.
■ Hyperminéralocorticisme primaire :
► avec une aldostérone basse (réglisse, syndrome de Liddle, déficits en 11�-hy­
droxylase);
► avec une aldostérone haute (hyperplasie ou adénome).

■ Hyperaldostéronisme secondaire (sténose de l'artère rénale, HTA maligne, tumeurs


à rénine).
3. Alcalose post hypercapnique
Lors d'une acidose respiratoire chronique, la compensation consiste à accumuler des
bicarbonates. Lors de la ventilation assistée, la PCO2 se corrige rapidement, mais le rein
tarde à éliminer les CO 3 H, entraînant une alcalose.
4. Excès d'apport en alcalins
Il s'agit d'une alcalose liée à l'apport de bicarbonates (ou citrates) par voie intraveineuse
ou orale : « syndrome du lait et des alcalins» : antiacides, soda, lait. Rare, elle survient
préférentiellement chez les patients insuffisants rénaux chez qui la capacité d'excrétion
des bicarbonates est diminuée. Elle est en générale réversible à l'arrêt de l'apport.

E. Principe de traitement
Le traitement est avant tout étiologique :
correction des anomalies hydroélectrolytiques associées : correction de la déshydra­
tation extracellulaire, d'une hypokaliémie, d'une hypercalcémie;
■ arrêt des diurétiques de l'anse, des alcalins...;
traitement d'un hyperminéralocorticisme.
Les alcaloses métaboliques sévères (pH > 7,60) engagent le pronostic vital et nécessitent
une prise en charge en milieu spécialisé.
18 Troubles de l'équilibre acide-basique et désordres hydroélectrolytiques

VII. ALCALOSE RESPIRATOIRE

A. Définition
L'alcalose respiratoire est définie par une alcalose (pH > 7,42) liée à une hyperventilation.
La compensation métabolique est en général retardée.

B. Séméiologie
Comme pour l'alcalose métabolique, on peut noter:
■ signes neurologiques avec troubles de la vigilance. L'alcalose peut aggraver une ischéme
cérébrale;
■ signes musculaires (faiblesse musculaire, tétanie ou myoclonies) liées à la baisse du
calcium ionisé;
■ signes cardiovasculaires en partie liés à l'hypokaliémie de transfert qui accompagne
l'alcalose (troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire);
■ éléments de gravité:
► la sévérité est liée à l'importance de l'alcalose, aux conséquences vasculaires qui
en découlent, et aux troubles métaboliques associés. Enfin, au cours des alcaloses
respiratoires avec pathologie pulmonaire, la sévérité de cette dernière est en général
au premier plan.

C. Démarche diagnostique
Les alcaloses respiratoires sont principalement liées aux pathologies pulmonaires ou à
une atteinte centrale.
1. Insuffisance respiratoire aiguë avec hyperventilation
Elle concerne potentiellement l'ensemble des pathologies pulmonaires (pneumopathies
bactériennes, œdème aigu du poumon, syndrome de détresse respiratoire aigu, pneumopathies
infiltratives diffuses) et vasculaires (embolie pulmonaire). L'hypoxémie est en général le
principal mécanisme de l'hyperventilation.
2. Pathologies centrales
Il peut s'agir en général d'atteintes centrales (encéphalites infectieuses ou méningoencéphalites,
tumeurs, traumatismes), d'encéphalopathies hépatiques, d'intoxications aux salicylés ou
d'hyperventilations psychogènes (anxiété, douleur).

D. Principe de traitement
Il s'agit avant tout de corriger l'hyperventilation. Ainsi, la correction de l'hypoxémie suffit
le plus souvent à corriger l'alcalose.
19

FICHE FLASH
d Le pH normal varie de 7,38 à 7,42. Il est déterminé par la concentration relative d'acide (CO2 ) et
de base (bicarbonates).
0 La prise en charge repose principalement sur la recherche étiologique.
GJ Les acidoses métaboliques se définissent par une baisse du pH artériel(< 7,38)(acidémie) avec une
baisse des bicarbonates(< 22 mmol/1).
La classification des acidoses métaboliques repose sur le calcul du trou anionique. Les acidoses à trou
anionique augmenté ou acidose normochlorémique sont secondaires à:
1, l'augmentation de la production endogène (acidose lactique, acidocétose);
't un excès d'apport d'acide par intoxication;
3 un défaut d'élimination d'acide par insuffisance rénale. Les acidoses métaboliques à trou anionique
normal sont des acidoses hyperchlorémiques. Elles sont essentiellement dépendantes, soit de pertes
digestives basses de bicarbonates, soit d'une acidose tubulaire. L'approche thérapeutique est avant tout
étiologique et les indications à l'alcalinisation sont rares au cours des acidoses métaboliques.
Id Les acidoses respiratoires reflètent une hypoventilation alvéolaire d'origine neuromusculaire ou
thoracique et sont des urgences thérapeutiques.
d Les alcaloses métaboliques dépendent de mécanismes d'entretien - alcalinisation poursuivie, toxique,
déshydratation extracellulaire, hypokaliémie ou hypercalcémie, dont la prise en charge permet le plus
souvent de contrôler le trouble acido-basique.
20

POUR EN SAVOIR PLUS

Tableau 1 : Orientations et étiologies des acidoses tubulaires

Type IV
Type 1 (Distale) Type Il (Proximale)
Hyperkaliémique
Défaut de reabsorption Défaut de production de NH/
Mécanisme Défaut d'excrétion des H•
des C0 3H- par hypoaldostéronisme
pH urinaire > 5,5 Variable <5,5
TA urinaire »O Discrètement> 0 >»Ü
Kaliémie Basse Basse Élevée
Néphrocalcinose Syndrome de
Signes
Ostéomalacie Fanconi
associés
Lithiase Ostéomalacie
Uropathies obstructives
Sjéigren Hyporéninisme et hypoal­
Lupus Myélome dostéronisme
Drépanocytose Cystinose IEC/ARA2/AINS
Étiologie Certaines hypercal- - Ténofovir Spironolactone, amiloride
ciurie lsofosfamide Insuffisance surrénale
Amphotéricine B Acétozolamide Anticalcineurine
Formes héréditaires Triméthoprine
Pentamidine

+ Compensation et désordres complexes


La compensation peut être prédite. Cette notion est surtout contributive pour la
compensation pulmonaire quasiment instantanée.
Dans le cadre des acidoses métaboliques la compensation pulmonaire peut-être
prédite par les équations suivantes
,....
PaC02 (mmHg) = 1,5 x [C0 3H-J + 8 + 2 (Formule de Winter)

- Ou t:i PaC02 = 1,2 x t:i [C03H-J

Si la PaCO 2 est plus basse ou plus élevée que la valeur prédite, il faut alors suspecter
un trouble respiratoire associé, une alcalose ou une acidose associée. La seule esti­
mation d'une PaCO 2 "abaissée", compensatrice ne suffit donc pas et une PaCO 2
plus haute que la valeur prédite témoigne d'une acidose mixte à prendre en compte
dans la prise en charge thérapeutique.
Dans le cadre des alcaloses métaboliques, la compensation pulmonaire peut-être
prédite par l'équation suivante

-
Si la PaCO 2 est moins élevée que ne le prédit la formule, il faut suspecter un trouble
complexe avec alcalose respiratoire surajoutée.
21

+ Devant une alcalose métabolique, l'interprétation des électrolytes urinaires est


contributive :
L'.analyse de la chlorurie est particulièrement importante. Chez les patients en réduction
du VEC l'excrétion urinaire de Na et de Chlore est diminuée, mais la bicarbonaturie
et l'excrétion d'anions indosés peut augmenter la natriurèse. La Clu est alors plus
spécifique.

Tableau 2: Orientation diagnostique d'une alcalose métabolique en fonction de la chlorurie:

Clu < 15 mmol/I Clu > 15 mmol/I


Vomissements
Hyperminéralocorticisme
Aspiration gastrique
Diurétiques
Alcalose post hypercapnie
Un syndrome de Bartter ou de Gitelman
Diarrhée Chlorée
Hypokaliémie sévère
Charge en alcalins

+ L'alcalose métabolique : facteur de gravité.


La survenue d'une alcalose métabolique est un facteur important de comorbidité
• déprime la respiration;
diminue l'oxygénation tissulaire par effet Bohr;
• constitue un vasoconstricteur puissant;
• représente un facteur d'arythmie cardiaque.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - QCM

QCM

► 1. Devant une acidose métabolique, l'augmentation du trou anionique plasmatique :


A est synonyme d'une rétention d'acides
B, est synonyme d'une perte de bicarbonates
C, peut être liée à une acidose lactique
0, peut être liée à une acidose tubulaire proximale
E peut être liée à une diarrhée
Réponses: A, C

► 2. Les acidoses d'origine respiratoire


A Sont définies par une baisse de la pCO2
B, Sont définies par une baisse des bicarbonates
C, Une absence d'élévation des bicarbonates plasmatiques signe une atteinte aiguë
0, Sont parfois liées à une hypoventilation d'origine centrale comme un coma
E, Sont le plus souvent liées à une insuffisance respiratoire
Réponses : C, D, E

► 3. Concernant les acidoses métaboliques :


A Un pH normal exclut un trouble acido-basique
B, Devant une baisse des [HCO3]- la compensation pulmonaire peut-être calculée par la
formule:

,
C, Le trou anionique urinaire est utile dans les acidoses hyperchlorémiques
0, Les vomissements peuvent être responsables d'une acidose à trou anionique normal
E Les acidoses tubulaires sont responsables d'une acidose hyperchlorémique
Réponse: C

► 4. Un jeune homme a présenté des vomissements importants, Parmi les désordres


biologiques suivants, lesquels vous paraissent compatibles avec ce tableau
A, Une acidose métabolique avec un trou anionique plasmatique élevé
B. Une alcalose métabolique
C, Aucun trouble
D, Une acidémie
E Une acidose métabolique avec un trou anionique plasmatique normal
Réponse: B

► 5. Une femme de 28 ans présente après un accouchement normal, une douleur basitho­
racique droite avec une polypnée au lever du lit
Des gaz du sang réalisés en urgence donnent :
• pH: 7,49 • Bicarbonates : 25 meq/1
• PCO2 : 25 • SaO2 : 85 %
• PO2 : 75
Cocher les propositions justes
A Les GDS montrent une alcalémie d'origine respiratoire
B. La PO2 est normale
C, Il existe une hyperventilation secondaire à l'hypoxémie
0 La PCO2 est normale
E Il existe une hypoxie hypocapnie évocatrice d'embolie pulmonaire
Réponses : A, B, E
ITEM 265 B
EAU ET SEL
Jean-Paul CRISTOL et Nicolas PALLET

• Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin


en fonction d'une situation clinique donnée.
• Savoir diagnostiquer et traiter : une acidose métabolique, une acidose ventilatoire,
une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypernatrémie, une
hypocalcémie.
OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN
• Prescrire et interpréter un ionogramme sanguin en fonction d'une situation clinique
donnée.
• Savoir diagnostiquer et traiter une hyponatrémie et une hypernatrémie.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE : TROUBLES HYDROSODÉS
• Connaître la balance sodée et la balance hydrique.
• Connaître les principes de régulation de la balance hydro-sodée.
• Savoir reconnaître et traiter un trouble de l'hydratation extracellulaire.
• Savoir reconnaître et traiter un trouble de l'hydratation intracellulaire.
• Savoir reconnaître et traiter une hyponatrémie.
• Savoir reconnaître et traiter une hypernatrémie.

1. INTRODUCTION
Balance hydrosodée et principe de régulation.
Dans l'organisme, l'eau représente 50 à 70 % du poids du corps (soit 42 litres pour un homme de 70 kg).
Il existe des variations physiologiques, la proportion d'eau étant plus faible en fonction de l'âge, de
la masse grasse et du sexe féminin.
Elle se répartit entre le secteur intracellulaire (40 % soit 28 litres) et le secteur extracellulaire (20 % soit
14 litres) lui-même subdivisé en secteur interstitiel (15 % soit 11 litres) et circulant (5 % soit 3 litres).
Il existe aussi un secteur trans-cellulaire, ensemble de petits volumes, virtuels en physiologie, comme
l'eau des séreuses (péritoine, plèvre, péricarde). Toutefois, en condition pathologique, ce secteur virtuel
peut devenir très important (ascite) et peut participer au « troisième secteur».
Le principal cation du secteur extracellulaire est le Sodium (Na+ ). Le maintien du volume extracellulaire
est assuré par le capital sodé, c'est-à-dire la quantité de Na+ dans l'organisme. Les troubles du volume
extracellulaire vont être dépendants d'une dysrégulation de la balance sodée. En condition normale, la
balance sodée est régulée par un système de détecteurs, les volorécepteurs situés sur le système sanguin
de haute pression (crosse aortique, glomus carotidien, macula densa...) ou de basse pression (veine cave,
oreillette droite). Le volume interstitiel ne possède pas de volorécepteur. Les modifications de ce secteur
n'entraîneront aucune réponse du système informatif et aucune réponse rénale. Ainsi, un patient cirrhotique
24 Eau et sel

peut développer une ascite et stocker plusieurs litres d'eau et de sel dans son péritoine sans
que le rein soit «informé» de cette augmentation de volume extracellulaire. La stimulation
des volorécepteurs entraîne une réponse informative en particulier du système Rénine
Angiotensine Aldostérone (SRA). L'aldostérone est l'hormone de la rétention sodée.
Enfin le rein est le principal organe effecteur. En conditions physiologiques, les apports
alimentaires sont compris entre 85 et 170 mmol/24 heures (soit 5 et 10 g/24 heures), les
sorties sont presque exclusivement rénales. Si la balance sodée est déséquilibrée, toute
variation du capital sodé de 140 mmol entraîne une variation du VEC de 1 litre et une
variation de poids d'un kg. L'eau et le sel se répartissent entre le secteur interstitiel et le
secteur circulant en fonction de l'équilibre des pressions hydrostatiques et oncotiques,
liées à la concentration de protéines.
Le maintien du volume intracellulaire est assuré par l'osmolalité. L'osmolalité est la
concentration en osmoles par kg de solvant soit par kg d'eau plasmatique. L'osmolarité est
la concentration en osmoles par litre de solution soit par litre de plasma. En conditions
pathologiques, en cas d'hyperlipémie ou d'hyperprotidémie, l'eau plasmatique peut diminuer
et la différence entre osmolarité et osmolalité devenir plus importante.
L'osmolalité peut se mesurer par abaissement cryoscopique. La membrane cellulaire est
librement perméable à l'eau qui se déplace toujours du milieu où l'osmolalité est la plus basse
vers le milieu où l'osmolalité est la plus haute. Certaines molécules traversent librement
la membrane cellulaire comme l'urée et l'alcool et leur variation n'entraîne donc pas de
transfert d'eau, ce sont des osmoles inefficaces. Pour d'autres, comme le Na+, le glucose ou
le mannitol, la membrane est totalement imperméable et leurs variations sont responsables
de transfert d'eau: ce sont des osmoles efficaces.
À l'équilibre, l'osmolalité efficace, due aux seules osmoles efficaces est égale dans les
compartiments circulants, interstitiels et intracellulaires et est de 285±5 mosmol/kg.
L'osmolalité efficace peut-être approchée par la formule: Natrémie x 2+ glucose en mmol/1.
L'osmolalité totale peut-être estimée par la formule: Natrémie X2+ glucose+ urée en mmol/1.
Les désordres de l'hydratation intracellulaire sont liés à des troubles de l'osmolalité et sont
secondaires à des perturbations de la balance hydrique. À l'équilibre, les apports hydriques
sont représentés par l'eau ingérée (1400 ml), l'eau des aliments (850 ml), l'eau endogène
(350 ml). Les sorties sont représentées par les urines (1500 ml), les selles (200 ml) et les
pertes insensibles cutanées (500 ml) et pulmonaires (400 ml). La régulation de la balance
hydrique est dépendante d'osmorécepteurs (sensibles à l'osmolalité) et non de chémorécepteurs
(sensibles à une osmole particulière par exemple le Na + ) situés dans !'hypothalamus. La
régulation osmotique de l'hormone antidiurétique (ADH) est instantanée et à bas bruit.
Toute augmentation de l'osmolalité (de l'ordre de 1 %) entraîne une sécrétion immédiate et
modérée de l'ADH. Il existe une deuxième régulation de l'ADH par un stimulus volémique,
mais elle est tardive, explosive et inadap tée à l'osmolalité plasmatique: une baisse
importante de la volémie (de l'ordre de 10 à 15 %) entraîne une sécrétion massive d'ADH.
L'ADH entraîne une réabsorption d'eau, via l'expression des aquaporines et le récepteur V2
de l'ADH. Les aquaporines rendent le tube collecteur perméable à l'eau, la réabsorption
est sous la dépendance du gradient cortico-médullaire. Le rein est l'effecteur essentiel, la
diurèse peut varier de 0,5 litre jusqu'à plus de 10 litres par jour, l'osmolalité urinaire de
60 à 1 200 mosmlkg.
Comme le montre les figures lA et B, toute modification de l'osmolalité plasmatique va
entraîner un transfert d'eau entre les compartiments pour rétablir l'équilibre. La nouvelle
osmolalité mesurée dans le plasma reflétera donc l'état d'hydratation intracellulaire. Toute
hyposmolalité efficace plasmatique signifie une hyperhydratation intracellulaire. Toute
hyperosmolalité plasmatique signifie une déshydratation intracellulaire.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 B 25

Désordre lntltal ⇒ Na ou Glu


⇒ Osmolalité /
Transfert Déshydratation Equilibration de
d'eau lntracellualire (DIC) l'osmolalité avec le VIC

Osrnofafité > 300 Osmolalité > 300


Nouvel équilibre Témoin de la DIC

Figure 1A

Désordre lntltal ⇒ Na
⇒ Osmolalité \
Transfert Hyperhydratation Equilibration de
d'eau lntracellualire (HIC) l'osmolalité avec le VIC

Nouvel équlfîbre Osmolâlîté < 285 Osmolalité < 285


Témoin de l'HIC

Figure 1B

Il. DÉSHYDRATATION EXTRACELLULAIRE (DEC)

A. RÉPONSE À L'ITEM
■ Savoir reconnaître une DEC.
■ Savoir mener la démarche étiologique.
■ Connaître les principes de traitement.

B. Signification
Une DEC est liée à une baisse du capital sodé. Si le désordre est pur (perte isotonique de
sel et d'eau), la natrémie est normale.

C. Séméiologie
Clinique: Le diagnostic repose sur des signes cliniques qui permettent d'explorer le
compartiment circulant et le compartiment interstitiel.
Signe global : perte de poids.
Signe du compartiment circulant : hypotension orthostatique, tachycardie compensatrice,
jugulaires plates, baisse de la pression veineuse centrale.
26 Eau et sel

Signe du compartiment interstitiel : pli de la peau, sécheresse de la peau et des muqueuses,


hypotonie des globes oculaires.
Les signes biologiques sont indirects, traduisent l'atteinte du compartiment circulant
et nécessitent de connaître le «référentiel», c'est-à-dire des valeurs antérieures à
l'apparition du trouble : hémoconcentration avec augmentation de l'hématocrite et
de la protidémie, dissociation urée/créatinine avec augmentation plus importante de
l'urée (rapport urée/créat > 10 en mmol/µmol), alcalose de contraction.

D. Étiologies
La démarche étiologique repose essentiellement sur la réponse rénale et la natriurèse
(figure 2).
Les pertes extrarénales se caractérisent par une natriurèse basse(< 20 mmol/1, rapport
Na/K urinaire > 1) et une oligurie. Il s'agit de pertes digestives(diarrhées ou vomissements,
aspirations digestives, fistules) ou cutanées(hypersudation, brûlures, anomalies qualitatives
de la sueur ou mucoviscidose).
Les pertes rénales se caractérisent par une natriurèse élevée(>20 mmol/1, rapport Na/K
urinaire > 1), diurèse normale. Il s'agit avant tout d'anomalies fonctionnelles(excès de
diurétiques, polyurie osmotique avec la glycosurie du diabète, les perfusions de mannitol,
le syndrome de levée d'obstacle, les hypercalcémies et l'insuffisance surrénale aiguë) ou
d'une maladie rénale intrinsèque(néphrites avec perte de sel).

'
Dahydtahdlon .........,,.
VECAINll9H

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----�- '.....----
p.,_ de c.pffal �

p.,..n1,.,.,..
Et/"1ogl# (NaU < 10 mmolll)
p.,_,.,.,_
(NaU ,. 20 mmof,1)
ExcélJ de diurétiques
Vomi#emenl6 Dluréses Cll110llques
Dfarrhé# I, Sur, Algues
Cutannén: Hypercalœmle
Srulurn Isueur Tubu e
F'Tfnclpn titi
trtllltlmtmt

Figure 2

E. Principes de Traitement
Le traitement symptomatique repose sur l'administration de sel, soit per os soit iv sous
forme de soluté salé isotonique. Il doit être guidé par les critères de gravité et adapté
à la fonction myocardique. Le déficit en volume extracellulaire peut être estimé par
la formule suivante :

Déficit en VEC (en 1) = 20 % x poids (ht/0,45 - 1)


--

Ill. HYPERHYDRATATION EXTRACELLULAIRE (HEC)

A. RÉPONSE À L'ITEM
Savoir reconnaître une HEC.
■ Savoir mener la démarche étiologique.
■ Connaître les principes de traitement.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 B 27

B. Signification
Une HEC est liée à une augmentation du capital sodé. Si le désordre est pur (gain isotonique
de sel et d'eau) la natrémie est normale.

C. Séméiologie
Clinique : Le diagnostic est essentiellement clinique.

Signe global : prise de poids - pour toute augmentation du capital Na+ de 140 mmol,
- prise de 1 kg.

Signe du compartiment interstitiel : apparition progressive d'œdèmes mous, indolores,


incolores, dans les parties déclives, godet positif - épanchement des séreuses (péritoine,
plèvre, péricarde) - réalisant alors le tableau d'anasarque.

Signe du compartiment circulant : Hypertension - œdème aigu du poumon.


-
Les signes biologiques sont indirects, traduisant l'atteinte du compartiment circulant
et nécessitent de connaître le «référentiel», c'est-à-dire des valeurs antérieures au
trouble : hémodilution avec baisse de l'hématocrite et de la protidémie.

D. Étiologies
La démarche étiologique repose essentiellement sur la clinique. D'un point de vue biologique
la réponse rénale et la natriurèse peuvent constituer des éléments d'orientation (figure 3).
Les causes principales sont liées à un trouble extrarénal avec une diminution relative
du secteur circulant. C'est notamment le cas des cirrhoses compliquées d'ascite, des
syndromes néphrotiques et des entéropathies exsudatives. Dans ce cas, la baisse relative
du compartiment circulant stimule le SRA-aldostérone (« rein désinformé ») aggravant
la rétention sodée et entraînant un natriurèse basse. C'est aussi le cas en présence d'une
insuffisance cardiaque congestive où la baisse de la fraction d' éjection systolique entraîne
une hypovolémie efficace.
Dans d'autres cas, le trouble est lié à des maladies rénales primitives, glomérulonéphrites
aiguës, IRC et IRA si l'apport Na dépasse les capacités d'excrétion. Dans ce cas, la natriurèse
est normale.

Hype,hydratatlon extra cetlulalre :


Vl!C Au9,,,.,,.;

Gain de capltal .act• :
Trouble 1mlnatlo le de Na
:., '

l!XCH de V, lntterfftlef l!KU. de Vl!C


l!tlo/ogl•• av.a Hypovot.mle (CC et V. lnterttfflel)
dlcaa: ,.,..,,, malade"
(NaU < 10 mmof/1) (NaU > 20 mmoVI)
S, Néphr11tlq11e IRA
/, HIJpafo cellulalre IRC
t, Cardtaaue alobate
Rjgln» ana ..,
.t DlurMtqu..

Figure 3

E. Principes de Traitement
Le traitement symptomatique repose sur le régime hyposodé (apports inférieurs à
100 mmol/j) et/ou les diurétiques.
28 Eau et sel

IV. HYPONATREMIE ET HYPERHYDRATATION EXTRACELLULAIRE (HEC)

A. RÉPONSE À L'ITEM
Devant une hyponatrémie il faut:
savoir apprécier l'osmolalité et le volume du secteur intracellulaire;
■ savoir identifier si le désordre du capital hydrique est isolé ou s'il s'associe à un
désordre du capital sodé (trouble du volume extracellulaire);
■ savoir reconnaître et traiter le désordre initial.

B. Signification
Une hyponatrémie se définit comme une natrémie < 135 mmol/1. Elle doit être associée à une
hypoosmolalité plasmatique(< 280 mosmol/kg) et doit témoigner d'une hyperhydratation
intracellulaire. Elle traduit toujours un excès de capital hydrique par rapport au capital sodé.
Devant une hyponatrémie mesurée il faut d'abord vérifier l'équation:

Hyponatrémie = hypoosmolalité = hyperhydratation intracellulaire

Toute hypoosmolalité efficace entraîne une hyperhydratation intracellulaire. Par contre


certaines hyponatrémies ne s'accompagnent pas d'hypoosmolalité et n'ont pas de traduction
clinique par une hyperhydratation intracellulaire.
Mesurer l'osmolalité plasmatique : éliminer les fausses hyponatrémies.
L'osmolalité plasmatique mesurée prend en compte toutes les osmoles circulantes
(efficaces ou non efficaces comme l'urée), elle est donc toujours légèrement supérieure
à l'osmolalité efficace calculée. Cette différence entre l'osmolalité plasmatique mesurée
et osmolalité plasmatique calculée est le trou osmotique (valeur normale < 10 müsm/1).
Il peut être élevé en cas d'augmentation de l'urée ou quand des osmoles non dosées
par l'ionogramme sanguin sont anormalement présentes dans le plasma.
À partir de la mesure de l'osmolalité plasmatique on peut distinguer:
■ 1) les hyponatrémies isotoniques ou hyponatrémies factices:
► ce sont des hyponatrémies avec osmolalité plasmatique normale (> 280 mosmol/kg).
Elles ne s'accompagnent pas d'hyperhydratation intracellulaire;
► on les rencontre:
• a) en cas de substances osmotiquement actives qui prennent la place du
sodium. Il peut s'agir de substances endogènes, comme le glucose (dans
ce cas, le trou osmotique est normal) ou de substances exogènes comme
le mannitol(dans ce cas le trou osmotique est augmenté);
• b) en cas de diminution de l'eau plasmatique (théoriquement = 93 % du
volume plasmatique soit 1 litre de plasma contient 930 ml d'eau) par excès
de substances hydrophobes dans le plasma. Dans ce cas, la concentration
de Na+ est abaissée par litre de plasma(solution),(molarité), mais normale
par kilo/litre (de solvant), (molalité). Par exemple 150 mmol/1 d'eau plas­
matique correspond à 150 x 0,93 = 140 mmol/1 de« plasma normal» mais
en cas de diminution de l'eau plasmatique à 80 % on observe 150 x 0,80
= 120 mmol/1 de plasma. La natrémie est abaissée, exprimée par litre de
solution, mais l'osmolalité, exprimée par kg d'eau plasmatique est normale.
Ces situations se rencontrent en cas d'hyperlipidémie élevée (principale­
ment hypertriglycéridémie) et d'hyperprotidémie élevée (paraprotéines);

Il 2) les hyponatrémies avec hypoosmolalité(< 280 mosmol/kg): elles s'accompagnent


d'une hyperhydratation intracellulaire;
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 B 29

E 3) les hyponatrémies hypertoniques (osmolalité > 300 mosmol/kg). Elles s'accom­


pagnent d'une déshydratation intracellulaire. Elles correspondent principalement à
des décompensations diabétiques sous forme hyperosmolaire.

C. Séméiologie
La symptomatologie de l'hyponatrémie avec hyperhydratation cellulaire est non spécifique
et varie selon la rapidité d'installation et la sévérité de l' hypoosmolalité.
En cas d' hyponatrémie modérée et d'installation lente, le tableau est longtemps
asymptomatique.
On peut noter :
► une altération de l'état général;
► des troubles progressifs du comportement;
► des nausées;
► des céphalées.

■ En cas d' hyponatrémie profonde, on peut observer :


► dégoût de l'eau;
► nausées et vomissements;
► céphalées;
► obnubilation, syndrome confusionnel ou délirant, coma, crises convulsives.

O. Démarche étiologique
1. Évaluation de la réponse rénale selon l'osmolalité urinaire
Soit osmolalité urinaire "adaptée"(< 100 mosmol/kg) qui va traduire un désé­
quilibre majeur entre les apports en eau et en osmoles. En effet, l'eau pure ne
peut être éliminée seule sans un apport d'osmole. L'osmolalité urinaire minimale
est de 60 mosmole/1 et pour éliminer 10 litres d'eau, il faut un minimum de
600 mosmoles. Dans certains cas, les apports en eau sont supérieurs aux capacités
de dilution et on boit plus qu'on ne peut uriner. C'est le cas de la potomanie, du
syndrome « tea and toast», du syndrome des buveurs de bière. Cette démarche
est surtout utile dans le cas d'une hyponatrémie à VEC normal.
■ Soit osmolalité "inadaptée"(> 100 mosmol/kg); il s'agit alors d'un trouble du méta-
bolisme de l'eau.
2. Classification en fonction du VEC donc du capital sodé
L'hyponatrémie est toujours un excès d'eau par rapport à un capital sodé qui peut
être diminué, normal ou augmenté. Dans chaque cas, on doit définir, les désordres
du capital hydrique et du capital sodé, la signification en termes de volume extra et
intracellulaire, les étiologies et les principes de traitement.
Hyponatrémie à VEC abaissée :
► il s'agit d'un excès de capital hydrique par rapport à un capital sodé diminué. Sa
traduction clinique est une hyperhydratation intracellulaire et une déshydratation
extracellulaire;
► d'un point de vue physiopathologique, il s'agit d'une perte de capital sodé, qui peut
dépasser 10 à 15 % et peut donc entraîner une sécrétion d'ADH volodépendante.
Les étiologies sont donc semblables à celles de la déshydratation extracellulaire
isolée et l' hyponatrémie est un facteur de gravité. On retrouve donc les pertes
extrarénales avec une natriurèse basse(< 20 mmol/1) dues à des pertes digestives
ou cutanées et des pertes rénales avec une natriurèse élevée(>20 mmol/1) notam­
ment par excès de diurétiques, lors d'une insuffisance surrénale et lors du CSW
(Cerebral Salt Wasting, liée à une mort cérébrale).
30 Eau et sel

■ Hyponatrémie à VEC normal :


> il s'agit d'un excès de capital hydrique isolé. La traduction clinique est donc une
hyperhydratation intracellulaire isolée;
> c'est dans ce cas où la mesure de l'omolalité urinaire est la plus contributive;
> soit l'osmolalité urinaire est adaptée(< 100 mosmol/kg) et l'on doit évoquer une
polydipsie ou une potomanie, un syndrome des buveurs de bière ou un syndrome
« tea and toast» ;
> soit l'osmolalité urinaire est inadaptée(>100 mosmol/1), il s'agit d'un Syndrome
de sécrétion inappropriée de l'ADH(SIADH). Plusieurs causes de SIADH peuvent
être reconnues. Selon une sécrétion hypothalamique ou ectopique.

3, étiologie des 51 ADH


1) Sécrétion hypothalamique inappropriée d'ADH:
> affections du système nerveux central:
• infectieuses: méningite, méningoencéphalite, abcès;
• accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques;
• sclérose en plaques, polyradiculonévrite, porphyrie aiguë;
• traumatisme crânien;

> affections pulmonaires:


• pneumopathies bactériennes et virales;
• insuffisance respiratoire aiguë;
• tuberculose, cancers, asthme...;
• ventilation assistée avec positive end expiratory pressure(PEEP);

> période postopératoire;


> syndromes nauséeux importants;
> médicaments(fréquence ++):
• carbamazépine;
• psychotropes: halopéridol, phénothiazines, antidépresseurs type inhibiteurs
de la sérotonine(fluoxétine ++), antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs
de monoamine oxydase (IMAO), drogues(amphétamines ou ectasy);
• médicaments émétisants: cyclophosphamide, vincristine, vinblastine...

■ 2) Sécrétion tumorale ectopique d'ADH(ou substance ADH-like):


> carcinomes bronchiques;
> cancers prostatiques, digestifs, lymphomes...

■ 3) Endocrinopathies:
> hypothyroïdie, insuffisance corticosurrénalienne;
> adénome à prolactine.

■ 4) Potentialisation de l'effet de l'ADH par certains médicaments:


► sulfamides hypoglycémiants(chlorpropamide);
> théophylline;
> clofibrate.
Chapitre 1. Métabolisme ionique- ITEM 265 B 31

■ 5) Apport exogène d'ADH ou d'analogues de l'ADH (DDAVP, ocytocine).


Enfin, le syndrome de « reset osmotat », caractérisé par un seuil de déclenchement de
l'ADH bas, inférieur à 280 mosmol/kg, peut être considéré comme une variante du SIADH.
Hyponatrémie à VEC augmenté :
Il s'agit d'un excès de capital hydrique par rapport à un capital sodé lui-même augmenté. La
traduction clinique est une hyperhydratation intracellulaire associée à une hyperhydratation
extracellulaire.
Il s'agit essentiellement d'une insuffisance cardiaque, d'une cirrhose ou d'un syndrome
néphrotique dont l'hypovolémie efficace entraîne une stimulation de l'ADH. Enfin, un
trouble intrinsèque de l'élimination de l'eau comme dans l'IRC peut se rencontrer.

Hypo Natrémie

� ..,
VECNle
�.--------,
VEC Augmenté

Désordre Exœsd'eau Exœsd'eau


Exœsde capital sodé

Hyperhydratatlon IC
Signif'u:ation Hyperbydratatlon IC Hyperhydratatlon EC

SIADH tompartlment circulant


OMOlolitl lUÜltdn IRCoulRA
inlldaptte (>100 tnOIIIIOIII) Compartiment lntentltlel
"Potomanle" Nau< 10 mmol/1)
OMOWIII ruûulln Syndromt1 Nlphrotique
""""'' (<100 -lllol/1) Cirrhose
/.Cardiaque

Principes de Restriction hydrique Restriction hydrique


traitement Restriction Sodée
+ Dluritlques

Figure 4 : Arbre diagnostique des hyponatrémies avec hypoosmolalité

E. Principes thérapeutiques
Dans tous les cas une restriction hydrique de 500 à 700 ml par jour est recommandée.
L'excès d'eau peut se calculer selon la formule suivante :

Excès d'eau (litres) = 60 % x poids (kg) x (Natrémie/140 - 1) (Objectif B)

1. Les modalités du traitement symptomatique diffèrent selon le VEC


■ VEC diminué : apports en NaCl 0,9 % pour normaliser le secteur extracellulaire. La
correction du VEC supprimera la stimulation volodépendante de l'ADH.
■ VEC augmenté : une restriction hydrosodée associée à un diurétique de l'anse pour
normaliser le secteur extracellulaire.
■ VEC normal : une restriction hydrique seule peut-être suffisante. En cas d'échec,
dans les SIADH, on peut proposer un apport osmotique sous forme d'urée per os,
l'association de diurétique et de sel per os ou enfin des antagonistes spécifiques
des récepteurs V2 de l'ADH (Vaptan). Dans le syndrome« tea and toast» l'apport
d'osmoles sera aussi proposé.

2. Rythme de correction
La vitesse de correction ne doit jamais dépasser 10 mmol/1/j dans les premières
24 heures puis 8 mmol/1/j au-delà. La correction trop rapide de l'hyponatrémie ne laisse
pas le temps aux neurones du système nerveux central de s'adapter au changement
32 Eau et sel

osmolaire. Durant la phase d'hypoosmolalité, les neurones libèrent des osmoles. Si


la correction est trop rapide, les neurones ne peuvent regagner les solutés perdus et
il en résulte une déshydratation cellulaire responsable de myélinolyse centropontine
aux conséquences souvent irréversibles. Les patients alcooliques et dénutris sont
particulièrement à risque.

V. HYPERNATRÉMIE ET DÉSHYDRATATION EXTRACELLULAIRE (DEC)

A. RÉPONSE À L'ITEM
Devant une hypernatrémie il faut :
savoir apprécier l'osmolalité et le volume du secteur intracellulaire;
■ savoir identifier si le désordre du capital hydrique est isolé ou s'il s'associe à un
désordre du capital sodé (trouble du volume extracellulaire);
■ savoir reconnaître et traiter le désordre initial.

B. Signification
Une hypernatrémie se définit pour une natrémie > 145 mmol/1. Elle doit être associée à
une hyperosmolalité plasmatique (>300 mosmol/kg) et témoigne d'une déshydratation
intracellulaire. Elle traduit toujours un défaut de capital hydrique par rapport au capital sodé.
Devant une hypernatrémie il faut d'abord vérifier l'équation:

Hypernatrémie = hyperosmolalité = déshydratation intracellulaire

Toute hypernatrémie entraîne de fait une hyperosmolalité efficace et une déshydratation


intracellulaire. Par contre certaines hyperosmolalités efficaces ne sont pas liées à une
hypernatrémie mais à un excès de substances osmotiquement actives. Ces osmoles peuvent
être exogènes dans le cadre des intoxications (éthylène glycol), dans ce cas le trou osmotique
est élevé. Elles peuvent être endogènes, en premier lieu par excès de glucose, dans les cas
de comas hyperosmolaire. Dans ce dernier cas on peut utiliser une natrémie corrigée
calculée selon la formule :

Natrémie corrigée = Natrémie mesurée (mmol/1) + Glycémie (mmol/1)/3

Dans certains cas, on peut observer une osmolalité totale mesurée et augmentée
mais liée à des osmoles inefficaces, comme l'élévation de l'urée dans l'IRC. Cette
hyperosmolalité totale ne s'accompagne pas d'une hyperosmolalité efficace et ne se
traduit pas par une déshydratation intracellulaire.
L'hypernatrémie est une pathologie relativement rare car l'organisme est bien protégé contre
,,
l'hyperosmolalité. En effet en cas de bilan hydrique négatif, l' hyperosmolalité stimule à la
fois le centre de la soif et l'ADH et l'apport hydrique corrige le trouble. La déshydratation
extracellulaire survient sur des terrains particuliers soit par trouble du centre de la soif
(personnes âgées, hypo- ou adipsie) soit par non-accès à l'eau (nourrisson, trouble de la
conscience, grabataire, réanimation, coma, conditions climatiques extrêmes).

C. Séméiologie
■ Soif intense.
■ Perte de poids.
■ Troubles neurologiques peu spécifiques:
► somnolence;
► fièvre;
Chapitre 1. Métabolisme ionique- ITEM 265 B 33

► trouble du comportement avec irritabilité;


► convulsions;
► comas;
► hémorragies cérébroméningées ou hématomes sous-duraux.

■ Sécheresse des muqueuses (langue, face interne des joues).


■ Syndrome polyuro-polydypsique en cas d'origine rénale.

D. Démarche étiologique
Classification en fonction du VEC donc du capital sodé.
L'hypernatrémie est toujours un défaut d'eau par rapport à un capital sodé qui peut
être diminué, normal ou augmenté. Dans chaque cas, on doit définir, les désordres
du capital hydrique et du capital sodé, la signification en terme de volume extra et
intracellulaire, les étiologies et les principes de traitement.
■ Hypernatrémie à VEC abaissé :
► Il s'agit d'un défaut de capital hydrique par rapport à un capital sodé diminué. La
traduction clinique est donc une déshydratation intra et extracellulaire.
► D'un point de vue physiopathologique, il s'agit d'une perte d'eau avec des électro­
lytes, la perte d'eau étant supérieure à la perte de Na+.
• 1-1) Il peut s'agir de pertes d'origine extrarénale, dans ce cas, la natriurèse
est basse (< 20 mol/!) et l'osmolalité urinaire élevée (U/P > 3).

Perte digestive (vomissements ou aspirations gastriques impor­


tantes, ou diarrhée) est la plus fréquente.
Perte cutanée, par sudation importante, coup de chaleur, exercice
physique avec température élevée.

• 1-2) Il peut s'agir de pertes rénales. Ce mécanisme doit être évoqué devant
une polyurie osmotique. La charge osmotique intratubulaire favorise la
diurèse. L'osmolarité urinaire est inférieure à 350 müsm/1 et la natriurèse
est supérieure à 20 mmol/1. Cette polyurie osmotique peut être due à :

des solutés diffusibles, tels que l'urée, ou non diffusibles, tels que
le glucose ou le mannitol;
la surcharge osmotique des néphrons restants chez l'insuffisant
rénal chronique;
une levée d'obstacle sur les voies urinaires mal compensée.

■ Hypernatrémie à VEC normal :


► Il s'agit d'une perte d'eau pure.

• 2-1) Dans le diabète insipide, la perte d'eau est d'origine rénale.

La présentation clinique est celle d'une polyurie supérieure à 3 litres


par jour et une polydipsie. Seule l'absence de compensation de la
polyurie entraîne une déshydratation intracellulaire.
Sur le plan biologique, la natriurèse est inférieure à 20 mmol/1 et
l'osmolarité urinaire est inférieure à 150 müsm/1 et donc inférieure
à celle du plasma.
Distinction entre diabète insipide central ou néphrogénique :

Le dosage de l'ADH plasmatique permet de faire la distinction


entre un diabète insipide d'origine centrale et d'origine néphro-
34 Eau et sel

génique. Toutefois son dosage est difficile et les conditions


préanalytiques le rendent peu accessibles. Le dosage de l'ADH
peut être remplacé par la détermination de la copeptine, le
fragment carboxy-terminal du précurseur de l'ADH.
• 2-1-1) Dans le diabète insipide central, le taux plasmatique d'ADH ou de
copeptine est effondré. Le test de restriction hydrique sur 12 à 18 heures
n'entraîne pas d'élévation de l'osmolalité urinaire. Après injection de Minirin
(ADH exogène), l'osmolalité urinaire devient supérieure à celle du plasma.

Les étiologies sont une destruction de la posthypophyse traumatique


ou postopératoire, une néoplasie (craniopharyngiome, pinéalome,
métastase), une encéphalite infectieuse, une pathologie granu­
lomateuse et rarement une origine congénitale ou idiopathique
(mutation du récepteur V2 à l'ADH).
• 2-1-2) Dans le diabète insipide néphrogénique, le taux plasmatique d'ADH
ou de copeptine est élevé, mais les récepteurs d'ADH au niveau du rein
ne sont pas fonctionnels. Ni le test de restriction hydrique, ni l'injection
de Minirin, ne corrigent l'osmolalité urinaire. Les étiologies sont une
néphropathie tubulo-interstitielle (éventuellement causée par des médi­
caments comme le lithium ou l'amphotéricine B), une hypercalcémie ou
une hypokaliémie chroniques.
• 2-2) La perte d'eau pure peut être d'origine extrarénale.

Dans ce cas, les apports d'eau sont insuffisants pour compenser


les pertes insensibles.
Il peut s'agir de patients avec une hypodipsie (sujets âgés) avec des
pertes insensibles augmentées par une fièvre (350 ml/j/degré de
température au-dessus de 37 °C). Il peut aussi s'agir de patients
qui ne peuvent réguler eux-mêmes leurs apports en eau (personnes
impotentes, enfants), plus rarement, certains patients avec une
dysfonction hypothalamique, avec un trouble primitif de la régu­
lation de la soif (adipsie).

■ Hypernatrémie à VEC augmenté :


► il s'agit d'un défaut de capital hydrique par rapport à un capital sodé augmenté.
La traduction clinique est donc une déshydratation intracellulaire associée à une
hyperhydratation extracellulaire;
► il s'agit essentiellement d'apport massif en Na+ lors d'erreurs thérapeutiques,
sous forme de perfusions importantes de bicarbonate de sodium en solution
semi-molaire ou de dialyses hypertoniques.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 B 35

VECAulJllenU
Dl1ordre Diminution d'eau Diminution d'eau
Exm de capital�

Slgnlfkation Dâbydratatfon IC
Hyperbydratatlon EC

Edologle1 Hypmddostironlllne Jaire


Erreun de ria
Dia/y.,.. hyperwnlqur
Blr.:arHyper

Prlnclpnde Eau
traitement ± Dluritlquet

Figure 5 : Arbre diagnostique des hypernatrémies

E. Principes thérapeutiques
Ilfaut apporter un traitement symptomatique, étiologique (arrêt d'un médicament, traitement
d'un diabète, administration de Minirin) et préventif (veillez à l'hydratation des personnes
sensibles, en particulier des sujets âgés).
Le traitement symptomatique repose sur des règles simples.
Il convient d'abord d'évaluer le déficit en eau :

Déficit en eau= 60 % x poids x (Natrémie/140- 1).

Dans les cas de comas hyperosmolaire il faut utiliser la natrémie corrigée.


Les apports en eau peuvent sefaire par voie orale (chez les patients conscients) ou par voie
parentérale. La voie sous-cutanée est une alternative possible à la voie intraveineuse, surtout
en gériatrie, seulement si la quantité quotidienne à perfuser est � 2 l.
Les apports hydrosodés dépendront de l'analyse du ou des désordres.
En cas d'hypernatrémie associée à un déficit en VEC, les apports consistent en du
sérum salé iso ou hypotonique.
BI En cas de désordre hydrique pur, eau pure per os ou sérum glucosé à 5 % iv.
BI En cas d'hypernatrémie associé à un excès de VEC, un diurétique avec de l'eau pure
per os ou un soluté hypotonique iv.
36

FICHE FLASH
û Les compartiments liquidiens de l'organisme suivent la règle des 20/40/60:
► compartiment extracellulaire 20 %;
► compartiment Intracellulaire 40 %;
► eau totale 60 %.
U Le volume extracellulaire:
► dépend du capital sodé;
► estimation par la clinique +++ :
• volume circulant;
• volume interstitiel;
► estimation biologique ±:
• volume circulant: protidémie, Ht.
U Le volume intracellulaire:
► dépend de l'osmolalité, et donc de la natrémie;
► estimation par la biologie +++;
► estimation par la clinique ±.
U L'osmolalité efficace plasmatique est de 285mosmol/kg. Elle se calcule par la formule:
► Osmolalité efficace = Natrémie x2 + Glycémie.
I.J Les troubles hydrosodés:
► trouble hydrique pur: natrémie - osmolalité - hydratation intracellulaire;
► trouble sodé pur: capital sodé -hydratation extracellulaire;
► trouble mixte.
;J Les troubles de la natrémie correspondent à des troubles du capital hydrique et sont indépendants du
capital sodé.
U L'approche thérapeutique est guidée par l'analyse du capital hydrique et du capital sodé et par l'estimation
quantitative du trouble:
► déficit extracellulaire:
,,. déficit en eau (1) = 60 % x poids (kg) x (natrémie/140 - 1);
,.. excès d'eau (1) = 60 % x poids (kg) x (natrémie/140 - 1).
37

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Mesure du Na
La méthode de référence est la spectrométrie d'absorption de flamme. Elle n'est
plus utilisée dans les automates de biochimie de pratique courante. Elle rend les
résultats en molarité (mmol/1)
Le Na+ se mesure actuellement par potentiométrie au moyen d'électrode spécifique
(!SE, Ion Selective Électrode).
Deux grands groupes de méthodes existent :
La potentiométrie indirecte, la plus fréquente sur les automates de biochimie,
qui nécessite une dilution préalable. La mesure se fait donc sur une solution.
Le résultat est rendu directement en molarité (mmol/I de solution).
La potentiométrie directe, la plus souvent utilisée sur les automates de gazomé­
trie, qui travaillent sans dilution préalable. On mesure une activité ionique par
eau plasmatique et le résultat est donné en molalité. Pour plus de cohérence,
un algorithme est intégré dans l'automate qui transforme la mofalité en molarité
par litre de plasma théorique, pour une concentration en lipides et en protéines
physiologique. En utilisant ce type de méthode de potentiométrie directe, il n'y
a pas d'hyponatrémie factice liée à l'excès de substances hydrophobes.

+ Molarité/molalité : application pour le sérum salé isotonique.


Solution isotonique = Solution de même osmolalité que le plasma
Le sérum salé isotonique 9 git
Poids Moléculaire: 58,5 g!mol (23+35,5)
soit 154 mmo//I et non 140-145 mmol/I
• Différence due à l'osmolalité et non l'osmolarité:
1 litre de plasma: 930 ml d'eau
Natrémie: molarité
140 mmol/I de plasma, de solution
► mais 140 mmol dans 930 ml d'eau
donc 150 mmol de sodium/kg d'eau

+ Notion de coefficient osmolaire :


L'osmolalité d'une solution dépend :
De la concentration en soluté
Des interactions existant entre le soluté et le solvant
Une solution de Na Cl à 0,9 % (PM= 58,5 g)
Concentration de 154 mmol/I d'eau ou 154 mmol/kg d'eau
Osmolalité théorique de 308 mosmol/kg
Mesure par abaissement cryoscopique :
► 282 mosmollkg
Coefficient osmotique =

Osmolalité mesurée/ mosmoles théoriques


Pour le Na Cl:
282/308 = 0,91

+ Application au calcul de l'osmolalité efficace :


Osmolalité efficace = Natrémie x 2 + glucose en mmol/1
Pour une natrémie à 140 mmol/1 de plasma
Natrémie x 2 = 280
38

Réalité qui résulte de 2 erreurs de sens opposé :


Osmolalité :
se calcule sur l'eau plasmatique et doit tenir compte des 930 ml d'eau par litre
de plasma:
(natrémie x 2)/0,93
doit tenir compte du coefficient osmotique
- [(natrémie x 2)/0,93] x 0,91
- = natrémie x 2
Cette formule n'est donc valable qu'en cas de plasma comprenant 930 ml d'eau...
et ne peut s'appliquer dans /es fausses hyponatrémies liées aux hyperlipémies ou
hyperprotidémies.
Chapitre 1. Métabolisme ionique- QCM

QCM

► 1. Concernant le volume intracellulaire


A. Le capital sodé est le principal déterminant du volume intracellulaire
B. Seuls les volorécepteurs régulent l'ADH
C. Seuls les chémorécepteurs, régulent l'ADH
D. Les troubles du volume intracellulaire correspondent à un trouble de la natrémie
E. Les troubles du volume intracellulaire correspondent à un trouble de l'osmolalité
Réponses: D,E

► 2. Concernant le volume extracellulaire


A. La natrémie est le principal déterminant du volume extracellulaire
B. Les volorécepteurs sont situés dans le compartiment circulant et dans le compartiment
interstitiel
C. Le capital sodé est le principal déterminant du volume extracellulaire
D. t.:osmolalité est le principal déterminant du volume extracellulaire
E. t.:hypoprotéinémie peut entraîner une diminution du volume extracellulaire
Réponse:C

► 3. Devant une déshydratation extracellulaire :


A. Une natriurèse < 10 mmol/24 heures signe une perte extrarénale
B. Une natrémie abaissée témoigne d'une perte du volume circulant
C. Le système rénine angiotensine aldostérone est stimulé
D. Une osmolalité efficace augmentée témoigne d'une déshydratation intracellulaire asso­
ciée
E. Elle peut s'accompagner d'une natrémie normale
Réponses:A,C, D,E

► 4. Un patient perd l'équivalent de 2 litres de sérum salé isotonique par diarrhée :


A. Il présente une déshydratation extracellulaire
B. Sa natrémie est abaissée
C. Son système rénine angiotensine aldostérone est stimulé
D. Sa natriurèse est abaissée
E. Il présente une déshydratation intracellulaire
Réponses:A,C, D

► 5. Vous recevez un patient diabétique connu. Il vous signale une perte de poids de 3 kg
sur les derniers jours. Il présente un pli de peau et une TA à 130/70 couché, 100/70
débout, ses jugulaires sont plates. l..'.analyse biochimique donne les résultats suivants:
• glycémie: 25 mmol/1
• urée: 25 mmol/1
• créatinine: 190 µmol/1
• protéines: 70 g/1
• Na: 130 mmol/1
• Cl: 90 mmol/1
• CO3 H-: 25 mmol/1
• K: 4 mmol/1
Chapitre 1. Métabolisme ionique - QCM

Quelles réponses apportez-vous à cette situation?


A. Il présente une déshydratation extracellulaire
B. Il présente une hyperhydratation intracellulaire
C. L'osmolalité totale calculée est de 310 mosmol/kg
O. La natrémie témoigne d'une déshydratation extracellulaire
E. Son hydratation intracellulaire est normale
Réponses : A, C, E
ITEM 265 C

LES DYSKALIEMIES
Jean-Paul CRISTOL et Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Prescrire et interpréter un ionogramme sanguin en fonction d'une situation clinique
donnée.
• Savoir diagnostiquer et traiter une hypokaliémie et une hyperkaliémie.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE
• Connaître la balance interne et externe du K+.
• Connaître la régulation du K+.
• Savoir reconnaître une hypo et une hyperkaliémie.
• Savoir mener la démarche étiologique.
• Savoir traiter une hypo et une hyperkaliémie.

1. INTRODUCTION
Le potassium (K•) est le principal cation intracellulaire (120 à 150 mmol/1). Le pool potassique
est d'environ 50 mmol/kg (soit 45 mmol/kg pour une femme et 60 mmol/kg pour un homme). Le
pool potassique est situé à 98 % dans le compartiment cellulaire (principalement dans les cellules
musculaires) et 2 % dans le compartiment extracellulaire. Dans le milieu extracellulaire, la kaliémie
est maintenue basse, entre 3,5 et 5 mmol/1. Ce gradient induit une polarisation membranaire et est
indispensable à l'activité électrique des cellules neuromusculaires. Il est maintenu par la Na•-K•­
ATPase qui exporte 3 Na• pour 2 K• importés. Cette répartition et son rôle dans la dépolarisation
membranaire explique la majorité des signes cliniques (neuromusculaires et/ou cardiaques). D'autre
part, dans l'interprétation des désordres potassiques, il faudra toujours analyser la balance interne,
c'est-à-dire les échanges entre pool potassique intracellulaire et milieu extracellulaire et d'autre part,
la balance externe du K•, c'est-à-dire la balance entrée/sortie. Le pool potassique et la kaliémie sont
donc des notions différentes et il faut se souvenir que la kaliémie peut varier par transfert du ou vers
le compartiment intracellulaire sans affecter le pool potassique global.
La régulation fine de la kaliémie est basée sur le contrôle de la balance interne et externe.
La balance interne correspond aux transferts de K et sont dépendants de l'activité de la Na•-K•-ATPase.
Les catécholamines stimulent l'entrée cellulaire du I(+ via un effet 13-adrénergique. À l'inverse la
stimulation des récepteurs a-adrénergiques inhibe, plus modérément, l'activité Na•-K-•ATPase.
Les 13-bloquants non sélectifs diminueront l'entrée de K• dans les cellules.
■ L'insuline stimule l'entrée cellulaire du K•. Cet effet est indépendant de son action sur le trans­
port de glucose.
■ L'état acido-basique (Figure 1) : l'acidose ou l'acidémie, d'origine métabolique plus que respiratoire,
bloque l'entrée cellulaire du K• (inhibition de la Na•-K•-ATPase) et augmente la fuite passive de
42 Les dyskaliémies

potassium vers le secteur extracellulaire pour contrebalancer l'apport intracel­


lulaire de H+. À l'inverse l'alcalose et l'alcalémie favorise l'entrée de K+ dans les
cellules. Toute variation de 0,1 unité de pH, fait varier la kaliémie de 0,5 mmol/1.

8
7
6

SS
E 4
.§.

� 3

1.5 ---------......-----1
· 20 -10 0 10 20
Pourcentage de déplétlon ou d'excès pota11lque (o/o)

Figure 1. Relation entre kaliémie et pool potassique en fonction du pH. La relation


entre la variation du pool potassique (en abscisse) et la kaliémie (en ordonnée) est
toujours linéaire mais dépend du pH, donc de la concentration en [H+]
La balance externe du K+ est équilibrée entre des apports alimentaires représentés
normalement par 50 à 90 mmol/24 heures (2 à 4 g/j) et les sorties rénales représentant
90 % de l'excrétion soit 60 mmol/24 heures. Les pertes digestives basses représentent 10 %
mais peuvent augmenter en cas de troubles chroniques de l'excrétion rénale {jusqu'à 35 %
si le DFG < 5 ml/min/1,73 m2).
Le K+ est librement filtré par le glomérule et est quasiment totalement réabsorbé par le
tube proximal et par l'anse de Henlé. L'excrétion du K+ est donc réalisée par une sécrétion
au niveau du tube contourné distal.
L'excrétion de K+ est principalement régulée par l'aldostérone. L'aldostérone agit
principalement en ouvrant un canal Na+ au pôle luminal de la cellule. L'augmentation du
Na+ intracellulaire stimule la pompe Na+ -K+ -ATPase au pôle tubulaire (basocellulaire)
et stimule l'échange de Na+ et de K+ avec le milieu extracellulaire. Le K+ est ensuite
éliminé au niveau luminal par un canal potassique (ROMK, renal outer medullary
potassium channel). L'aldostérone peut aussi augmenter l'expression de ce canal.
Les autres facteurs régulant la balance externe de K sont
■ le K+ alimentaire qui fonctionnerait par un « réflexe kaliurétique ». Des capteurs mal
connus, situés dans l'intestin, le tronc porte ou le foie, détectent l'apport en K+ et
transmettent l'information à la glande pituitaire qui sécréterait un facteur kaliurétique;
■ le flux distal qui arrive au tube contourné distal;
■ l'apport en Na+ et le taux de réabsorption du Na+ au niveau distal (via le canal ENaC)
qui crée un gradient électrique favorable à l'efflux du K+;
■ l'alcalose qui favorise la fuite de K+.

Il. RÉPONSE À L'ITEM


Devant une hyperkaliémie il faut :
■ savoir définir l'hyperkaliémie et mesurer sa gravité;
■ savoir mener une démarche diagnostique;
■ savoir traiter une hyperkaliémie menaçante.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 C 43

Devant une hypokaliémie il faut :


savoir définir l'hypokaliémie et mesurer sa gravité;
■ savoir mener une démarche diagnostique;
■ savoir traiter une hypokaliémie.

Ill. HYPERKALIÉMIE

A. Signification

1. Définition
K• > 5 mmol/1. Une hyperkaliémie d'installation brutale ou au-dessus de 7 mmol constitue
un danger vital.

B. Éliminer une fausse hyperkaliémie


Hémolyse : mauvais prélèvement.
■ Délai de stabilité préanalytique dépassé (attention, le K• commence à baisser
dans un prélèvement de sang total par stimulation de la pompe Na-K-ATPase
dans les premières heures).
■ Thrombocytose (> 1 000000/mm3) ou leucocytose (100000/mm3).
■ Erreur de tube (prélèvement sur tube EDTA).
■ Devant les dangers potentiels d'une hyperkaliémie, il est recommandé de réaliser un
ECG à la recherche de signes spécifiques d'hyperkaliémie sans attendre les résultats
du prélèvement de contrôle.

C. Symptomatologie
Du fait de la répartition intracellulaire du K• les signes cliniques résultent d'une
altération des potentiels de membrane et ils sont donc essentiellement neuromusculaires
et cardiaques.

1. Signes neuro-musculaires
Ils sont non spécifiques à type de paresthésies des extrémités et de la région péribuccale.
Une faiblesse musculaire, voire une paralysie débutant aux membres inférieurs et
d'évolution ascendante est un signe de gravité. Elle est toujours accompagnée de
signes cardiaques. ---------
2. Signes cardiaques
Signes ECG de gravité croissante :
onde T ample, pointue et symétrique touchant tous les territoires;
■ anomalies de la conduction auriculaire (diminution puis disparition de l'onde P),
auriculoventriculaire (blocs sino-auriculaires et auriculoventriculaires);
■ anomalies de la conduction intraventriculaire avec élargissement des complexes QRS;
■ fibrillation ventriculaire, souvent favorisé par une hypocalcémie, une ischémie
myocardique, une intoxication digitalique.
44 Les dyskaliémies

Hyperkaliémie Hyperkaliémie
modérée avec troubles de
Ondes T pointus la conduction
et symétriques Paralysie
sinusale
--··'\,1---�· ...
_'l.._t'\._1./\. ��· JI\. .
--Y.. ....

.t lL 1L

Figure 2 : Signes ECG de l'hyperkaliémie (d'après www.e-cardiogram.com)

O. Étiologies et démarche diagnostique


1. Rechercher une hyperkaliémie de transfert
Dans ces cas, le pool potassique reste normal, l'hyperkaliémie est due à un transfert
de la cellule vers le compartiment extra-cellulaire.
L'acidose:
► toute baisse de 0,1 unité de pH, entraîne une augmentation de la kaliémie
de 0,5 mmol/1;
► il s'agit surtout des acidoses métaboliques à trou anionique normal.

Il Lyse cellulaire:
► toute lyse cellulaire majeure entraîne une hyperkaliémie (rhabdomyolyse,
lyse tumorale, ischémie tissulaire, hypothermie...)

■ Causes médicamenteuses et toxiques:


► les bêtabloquants non sélectifs, les agonistes alpha-adrénergiques, l'intoxi­
cation digitalique, (par inhibition de la pompe Na-K-ATPase)

■ Maladie de Gamstorp ou paralysie périodique hyperkaliémique:


► les attaques de faiblesse musculaire associées à une hyperkaliémie surviennent
souvent au repos après un exercice intense, une exposition au froid ou un jeûne.
La maladie est liée à une anomalie génétique.

2. Diminution de l'excrétion urinaire de potassium


Insuffisance rénale:
► insuffisance rénale aiguë oligoanurique surtout en cas d'étiologie associée à
un hypercatabolisme;
► insuffisance rénale chronique: seulement au stade de la prise en charge ou
s'il existe un facteur favorisant associé (IEC, ARA2 ...).

■ Déficit en minéralocorticoïdes:
► insuffisance surrénalienne aiguë (évoquée devant la triade hyponatrémie,
déshydratation extracellulaire, hyperkaliémie);
► insuffisance surrénale chronique (maladie d'Addisson): syndrome d'hyporé­
ninisme-hypoaldostéronisme avec acidose métabolique hyperchlorémique;
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 C 45

► causes médicamenteuses: essentiellement inhibiteurs du système rénine-an­


giotensine-aldostérone: IEC ou ARA II, plus rarement AINS, cyclosporine
ou Tacrolimus.

■ Résistance à l'action de l'aldostérone:


► diurétiques épargneurs du K• (Spironolactone, éplérénone)

3. Excès d'apport
Les hyperkaliémies par excès d'apport sont rares en dehors d'un contexte d'insuffisance
rénale. En dehors de aliments riches en K•:légumineuses et légumes (lentilles, haricots,
choux, épinards), fruits et surtout fruits secs (bananes, cerises, abricots, noix, amandes,
pistaches) et chocolat), il faut rechercher les sels de régime. Des apports excessifs per
os ou en perfusion peuvent aussi entraîner une hyperkaliemie.

E. Principes de traitement
Ils dépendent de la gravité de l'hyperkaliémie et reposent sur 3 principes: la
correction des troubles de la conduction myocardique, le transfert de K• vers le milieu
intracellulaire, la diminution du pool potassique.
Toute hyperkaliémie > 7 mmol/1 ou s'accompagnant de troubles de la conduction
auriculo-ventriculaire et/ou intraventriculaire est une urgence absolue.
1. Correction des troubles de la conduction
Les troubles de la conduction associés à l'hyperkaliémie sont une urgence.
Les sels de calcium antagonisent les effets électriques cardiaques de l'hyperkaliémie en
restaurant le potentiel de repos membranaire et en diminuant l'excitabilité. Le gluconate
ou le chlorure de calcium peuvent être utilisés à la posologie de 1 à 4 g par voie IV lente.
En cas de traitement digitalique, les sels de calcium sont contre-indiqués. Il faut alors utiliser
le sulfate ou le chlorure de magnésium pour antagoniser les effets de l'hyperkaliémie à l'ECG.
2. Transfert du K• vers le compartiment intracellulaire
Ces manœuvres thérapeutiques doivent être réalisées en cas d'hyperkaliémie sévère
(> 6,) sans troubles de conduction ou après injection de sels de calcium ou magnésium.
L'association glucose-insuline: perfusion de 10 unités d'insuline associé à du
glucose (3 à 5 g) en soluté 10 à 30 % selon l'état d'hydratation du patient.
■ L'alcalinisation, impératif s'il existe une acidose métabolique associée par apport
de bicarbonate de Na.
Les agonistes �2-adrénergiques (salbutamol, albutérol) : en aérosol.
3. Diminuer le pool potassique
Les résines échangeuses d'ions: elles permettent la chélation du K• au niveau du
colon (ex: Kayexalate"). Elles peuvent être administrées per os ou en lavement
(1 g peut échanger 1 mEq de K• contre 1 mEq d'ions). Elles sont indiquées dans
les hyperkalémies chroniques (comme dans l'IRC au stade de la prise en charge)
et modérées:
► son site d'action est essentiellement le côlon;
► son action est lente, mais plus rapide par lavement; elle est par ailleurs prolongée;
► 20 à 30 g per os toutes les 6 heures, précédés de 60 g en lavement, en contrôlant
la kaliémie toutes les 3 à 6 heures.

■ Les diurétiques de l'anse (ex. : furosémide), à forte dose (80 à 120 mg en IV),
augmentent l'excrétion urinaire de potassium. Ils sont prescrits en tenant
46 Les dyskaliémies

compte des éventuels désordres hydrosodés associés et avec une surveillance


hydroélectrolytique:
► l'épuration extra-rénale, permettent une diminution rapide du pool potassique
surtout chez les patients en IRC;
► dans tous les cas, il faut arrêter tout traitement hyperkaliémiant (apports
alimentaires, diurétiques épargneurs du K+, IEC ou ARA2 ...).

IV. HYPOKALIÉMIE

A. Signification
Définition: K < 3,5 mmol/1. la découverte d'une hypokaliémie impose d'apprécier le
retentissement cardiaque.

B. Symptomatologie
Du fait de la répartition intracellulaire du K+ les signes cliniques sont essentiellement
neuromusculaires et cardiaques.

1. Signes cardiaques
Les signes ECG sont surtout des anomalies de la repolarisation. On peut observer selon
la gravité de l' hypokaliémie
• un sous décalage du segment ST et un aplatissement de l'onde T;
■ l'apparition d'une onde U;
■ troubles du rythme supraventriculaire (FA, tachycardie sinusale) ou ventriculaire
(ESV, torsade de pointe...).

ECG
d'hypokaliémie
avecondeU

___,,
1 '
______.,_.
tl1

tl ut
---'1.....-,,,...___

---,,
tu�

.....
---,,
'
�,>__
OndeU>T
1- �

Figure 3 : exemple d'ECG d'hypokaliémie avec onde U


(d'après www.e-cardiogram.com)

2. Signes musculaires
■ Une fatigabilité musculaire voire des accès de paralysie ascendante.
■ Des myalgies et des crampes.
Une rhabdomyolyse peut survenir en cas de déplétion potassique sévère.

3. Signes digestifs
■ Constipation voire iléus paralytique.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 C 47

4. Signes rénaux
L'hypokaliémie entraîne une polyurie-polydipsie liée à une résistance tubulaire à l'ADH.
■ À long terme une néphropathie interstitielle chronique peut survenir.

C. Étiologies et démarche diagnostique


L'hypokaliémie peut être due à des transferts transcellulaires, à une carence d'apport ou
à des pertes de K+ , principalement par le rein ou par le tractus digestif.
L'approche diagnostique nécessite d'abord de rechercher une hypokaliémie de transfert.
En cas de déficit du pool potassique, la démarche diagnostique repose sur la kaliurése pour
évaluer les pertes rénales ou extrarénales, la présence ou non d'une hypertension et l'état
de l'équilibre acido-basique.

1. Les hypokaliémies de transfert


L'Aicalose métabolique ou, à un degré moindre, respiratoire, entraîne une entrée
de K+ dans les cellules. Toute augmentation du pH de 0,1 unité de pH entraîne
une baisse du K+ de 0,5 mmol/1.
1!11 L'excès d'insuline (administration ou hyperinsulinisme réactionnel).
■ Excès de 62 stimulant soit endogène (infarctus du myocarde, traumatisme
crânien, phéochromocytome, delirium tremens ...) ou exogène (Salbutamol).
■ Un état de prolifération cellulaire (leucémie, correction d'anémie mégaloblas­
tique, traitement par G-CSF).
■ La paralysie familiale avec hypokaliémie (maladie de Westphal) caractérisée par une
paralysie des membres inférieurs après un repas riche en sucres ou un exercice et
liée en partie à une réponse insulinique.
Une intoxication par du Baryum (pesticides, dépilatoires).

2. Les carences d'apport


Dans ce cas le pool potassique est abaissé et la kaliurèse est basse (< 20 mmol/1).
■ Les carences d'apport sont rares car le K+ est abondant dans de nombreux aliments.
■ Les carences d'apport peuvent se voir dans des contextes d'anorexie mentale ou
en cas de nutrition parentérale exclusive.

3. Pertes de potassium
Elles peuvent être rénales ou extrarénales. L'analyse de la kaliurèse permettra de
distinguer les deux situations.

4. Pertes extrarénales - digestive


La kaliurèse est inférieure à 20 mmol/1 témoignant d'une réponse rénale appropriée.
Les étiologies sont des pertes digestives basses, diarrhées aiguës et chroniques (toxi­
infectieuse, tumeur pancréatique, tumeur villeuse, maladie des laxatifs), les fistules
digestives. Dans ces cas, l'hypokaliémie est associée à une acidose métabolique à trou
anionique normal.
48 Les dyskaliémies

1
Hypokallémle
El/miner un Transfert ce/lu/sire
Pool Potassique

1
Ku
...----- -----------. Ku> 20 mmol/24h
Ku < 20 mmol/24h Pertes rénales
P e�rar
/ �

Pertes Digestives : Apports Insuffisants : HTA?


Diarrhée, fistules Anorexie, age
Tumeur villeuse Biscotte / thé
Abus de Laxatifs Nutrition parentérale
Acidose Métabolique Excès de Kayexalate
Sueurs

Figure 4 : Arbre diagnostique de l'Hypokaliémie par carence d'apport


ou perte extrarénale :

5. Pertes rénales
La kaliurèse est supérieure à 20 mmol/1 témoignant d'une réponse rénale inappropriée.
La démarche diagnostique dépend de l'existence ou non d'une hypertension.

a. Pertes rénales avec hypertension


Il s'agit alors d'un excès de minéralocorticoïdes :
■ Soit l'aldostérone est basse :
► hyperminéralocorticismes sans hyperaldostéronémie :
• syndrome de Cushing (paranéoplasique ou thérapeutique);
• blocs surrénaliens (désoxycorticostérone), déficit génétique en llj3-hy­
droxy-déshydrogénase;
• excès d'acide glycyrrhizique présent dans la réglisse (Zan, antésite) et
inhibiteur de la llj3-hydroxy-déshydrogénase;

► syndrome de Liddle ou pseudo-hyperaldostéronisme, mutation activatrice résul­


tant en une hyperactivité de l'aldostérone.

■ Soit l'aldostérone est élevée : il s'agit alors d'un hyperaldostéronisme dont l'exploration
nécessite le dosage de la rénine :
► hyperaldostéronisme à rénine haute :
• HTA maligne, sténose unilatérale de l'artère rénale, tumeur à rénine,
infarctus rénal;

► hyeraldostéronisme à rénine basse :


• hyperaldostéronisme primitif, adénome ou hyperplasie.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 C 49

Hypokallémle
l
Ku > 20 mmol/24h Pertes rénales

� � OHTA
HTA
l
l Acldo-Baslque ?
Hypermlnéralocortlclsme
Rénine/ Ald
a_________
Aldo Elevé:
Aldo Bas:
Excés de DOCA Rénine Haute :
(Oesoxycortlcostèrone) Rénine Basse
HTAreno-Vx Hyperaldo Ili!
Réglisse (O-glycyrrtllzlque)
HTAmaligne Hyperplasie
Cushing et
Tumeur à Renine Adenome
Sécrétion ectopique d'ACTH
Hyperaldo Il
Syndrome de Uddle

Figure 5 : Hypokaliémie avec perte rénale et HTA :

b. Pertes rénales sans hypertension


■ En présence d'une acidose métabolique à trou anionique normal:
► on doit évoquer une acidose tubulaire rénale, un traitement par diamox, une
implantation digestive des uretères;
► une acido-cétose diabétique.

■ En présence d'une alcalose métabolique il faut analyser le chlore urinaire:


► chlore urinaire Bas(< 10 mmol/1):
• vomissements ou aspiration gastrique. L'alcalose métabolique et
la bicarbonaturie associée sont responsables de la perte urinaire
potassique;
• diarrhée congénitale avec perte de chlore et mucoviscidose;

► chlore urinaire élevé:


• diurétiques(récents) de l'anse et thiazidiques;
• néphropathies avec perte de sel, syndrome de Bartter ou de Gitelman
(pour lesquels tout se passe comme si on avait un diurétique endogène);
• tubulopathies toxiques(amphotericine B, Aminosides, cisplatine...),
Hypomagnésémie...
50 Les dyskaliémies

Hypokallémle

Ku> 20 mmolri4h Pertes rénales

OHTA
� � Alcalose · .
Acidose Métabolique
Acidose tubulaire rénale
distale / Proximale �CIU :'
Acidocétose diabétique
Diamox CIU<:20 mmolll CIU>20mmolll
Anastomose digestive urétérale Vomissements Bartter, Gitelman
Aspiration gastrique Diurétiques
Diarrhée (récents)
congénitale avec Dépletion K
perte de Cl sévère
Diurétique tardif Hypomagnésémie
Tubulopathies
toxiques

Figure 6 : Arbre diagnostique devant une hypokaliémie à perte rénale,


sans hypertension

D. Principes du traitement
Devant une hypokaliémie modérée sans signes électriques, une supplémentation orale
suffit normalement, soit par des aliments riches en K• soit par une supplémentation
médicamenteuse (Kaleorid ou diffu-K).
En cas d'hypokaliémie sévère ou avec des troubles électriques, une supplémentation iv
peut-être recommandée pour rétablir une kaliémie à 3 mmol/1. Mais le débit ne doit jamais
dépasser 1,5 g/h et le potassium doit toujours être dilué.
Dans tous les cas, la surveillance doit être régulière pour éviter de basculer d'une hypo
vers une hyperkaliémie.
51

FICHE FLASH
o Le K+ est un ion intracellulaire :
► Pour explorer le métabolisme potassique il faut:
.. considérer la balance externe:
- apports alimentaires;
- sorties quasi exclusivement rénales en physiologie;
-. considérer la balance interne:
- les principaux déterminants sont l'équilibre acido-basique et l'insuline;
'- les troubles de la kaliémie peuvent se faire par transfert sans variation du pool potassique
- les signes cliniques sont essentiellement des signes neuromusculaires et cardiaques;
- les signes ECG doivent être systématiquement recherchés et constituent une urgence vitale.
o Hyperkaliémie :
► K+ > S mmol/1.
► Urgence vitale si K+ > 7 mmol/1 si trouble de la conduction auriculo-ventriculaire ou ventriculaire.
► La démarche diagnostique nécessite de:
• rechercher une hyperkaliémie de transfert (acidose, catabolisme cellulaire, causes médicamenteuses
(bêtabloquants);
• rechercher une réduction de l'excrétion rénale de K+ (IRA ou IRC);
• rechercher une résistance à l'action de l'aldostérone (déficit en minéralocorticoïdes, IEC, ARA2,
antialdostérone).
► Le traitement repose sur:
• l'arrêt des traitements hyperkaliémiants;
• la correction des troubles de la conduction par sels de calcium ou de magnésium;
.. le transfert de K+ vers le compartiment intracellulaire par glucose-insuline, alcalinisation ou
médicaments �-adrénergiques;
• l'élimination de la surcharge potassique par résine échangeuse d'ions, par diurétiques de l'anse
ou par hémodialyse.
o Hypokaliémie :
► K+ < 3.S mmol/1.
► Signes cliniques neuromusculaires à type de faiblesse musculaire et de crampes, signes ECG avec des
troubles de la repolarisation, signes digestifs (constipation) et signes rénaux avec polyuro-polydipsie.
► La démarche diagnostique doit rechercher un transfert vers le milieu intracellulaire par alcalose,
insuline, médicaments �-adrénergiques, stimulation de l'hématopoïèse ou paralysie périodique.
► En cas de déficit du pool potassique, la recherche étiologique est basée sur la kaliurèse.
► En cas de kaliurèse basse ( < 20 mmol/1), il s'agit soit d'une carence d'apport soit d'une fuite digestive
basse.
► En cas de kaliurèse augmentée (>20 mmol/1) il s'agit de pertes rénales.
.. En cas d'HTA, c'est un tableau d'hyperminéralocorticisme
- Soit sans aldostérone élevée (Cushing, syndromes adrénogénitaux, réglisse, déficits en
11 �-hydroxydeshydrogénases) syndrome de Liddle
- Soit hyperaldostéronisme secondaire (HTA maligne, Sténose artère rénale, tueur à rénine) ou
primaire (adénome ou hyperplasie).
52

- En l'absence d'HTA:
- avec acidose métabolique (cétoacidose diabétique, acidose tubulaire);
- avec alcalose métabolique:
► à chlorurie basse: vomissements et aspirations digestives, diarrhée congénitale avec perte
de Chlore;
► à chlorurie élevée: Diurétiques, syndrome de Bartter ou de Gitelman, tubulopathies toxiques.
□ Principe de traitement:
► supplémentation per os ou iv en cas de troubles électriques avec un débit de perfusion qui ne doit
pas dépasser 1 g/h.
53

POUR EN SAVOIR PLUS

Syndrome de Bartter et syndrome de Gite/man : un diurétique endogène?

+ Syndrome de Bartter :
La réabsorption de Na et de K dans la partie large ascendante de l'anse de Henlé
est sous la dépendance d'un co-transporteur Na-K-CI (NKCC2). L'activité de ce
co-transporteur est couplée à d'autres canaux ioniques (ROMK, ou canal Chlore
(CICK) du côté capillaire péritubulaire. Les diurétiques de l'anse, bumétabide ou
furosémide inhibent ce canal.
Une mutation inhibitrice de ce canal est responsable du syndrome de Bartter.
Le syndrome de Bartter se comporte donc séméiologiquement comme un diurétique
de l'anse endogène.

+ Syndrome de Gitelman :
Dans le tube contourné distal, le Na est réabsorbé par un co-transporteur NaC/
(NCCT) lui aussi couplé à d'autres canaux ioniques. Les diurétiques thiazidiques
inhibent ce transporteur.
Une mutation inhibitrice de ce canal est responsable du syndrome de Gite/man.
Le syndrome de Gite/man se comporte donc séméiologiquement comme un diuré­
tique thiazidique endogène.

+ Réabsorption de Na dans le canal collecteur et syndrome de Liddle :


Dans le canal collecteur, la réabsorption de sodium est assurée par un canal sodique
apical stimulé par l'aldostérone et inhibé par l'ami/aride. Une sécrétion de K est
couplée à ce canal via le canal ROMK.
Une mutation activatrice de ce canal est responsable du syndrome de Liddle qui
se traduit par un tableau d'hyperaldostéronisme avec rétention sodée responsable
d'une hypertension artérielle volodépendante, une hypokaliémie et une aldostérone
basse. Ce syndrome est très sensible à l'ami/aride.
Chapitre l Métabolisme ionique - QCM

QCM

► 1. Concernant le métabolisme du potassium, quelles sont les propositions exactes?


A. La kaliémie normale est de 6 ±0,5 mmol/I
B. La concentration du potassium intracellulaire est de 100 à 150 mmol/1
C. La majorité du potassium de l'organisme est stockée dans le muscle cardiaque
O. La kaliurèse des 24 heures chez un individu normal est toujours supérieure à 50 mmoles
E. La majorité du potassium ingéré est éliminée par voie rénale
Réponses:B, D,E
► 2. M. D. âgé de 60 ans soufre d'un diabète modéré bien équilibré grâce à un régime
alimentaire. Il a une insuffisance cardiaque et une insuffisance rénale modérée. Un
traitement par Aldactone* {diurétique épargneur de potassium) est récemment prescrit
au patient.
Quelques jours plus tard, le patient est hospitalisé pour paresthésies des 2 membres
inférieurs et altération de l'état général.
Un prélèvement de sang veineux donne les résultats suivants :
• Na+ : 137 mmol/1
• K+: 7,6 mmol/1
• Cl· : 108 mmol/1
• CO2 total : 16 mmol/1
• Urée : 10 mmol/1
• Créatinine : 180 µmol/1
Cocher les propositions exactes
A. Il existe une hyperkaliémie
B. Les paresthésies peuvent être liées au trouble potassique
C. Le trouble potassique est lié, pour une part, à la prise médicamenteuse
O. La kaliémie est normale
E. Un électrocardiogramme doit être réalisé
Réponses:A,B,C,E
► 3. Une jeune femme de 30 ans, pesant 35 kg pour 1,68 m; consulte pour une grande
fatigue musculaire et une polyuro-polydipsie.
Son bilan biologique est le suivant :
Plasma:
• Na+ : 136 mmol/1
• K+ : 2,2 mmol/1
• Cl· : 95 mmol/1
• Urée : 3 mmol/1
• Créatinine : 50 µmol/1
Urines:
• Na+ : 10 mmol/1
• K+ : 10 mmol/1
ECG : ondes T négatives, présence d'onde U.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - QCM

Quelles sont les propositions exactes?


A. L.:hypokaliémie est liée à une perte urinaire
B. Les signes électrocardiographiques sont liés au trouble potassique
C. Les pertes potassiques sont d'origine extra-rénale
D. Le risque immédiat d'une hypokaliémie est une torsade de pointe
E. La fatigue musculaire peut être expliquée par le trouble potassique
Réponses:B,C,D,E

► 4. Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s). Une hyper­
kaliémie s'observe au cours
A. Des vomissements chroniques
B. D'un syndrome de Conn
C. D'une insuffisance rénale chronique terminale
D. Des Diarrhées chroniques
E. Des acidoses métaboliques aiguës
Réponses:C,E

► 5. Quel est (sont) le(s) diurétique(s) qui provoque(nt) une baisse du potassium sanguin?
A. lndapamide
B. Hydrochlorothiazide
C. Furosémide
D. Spironolactone
E. Amiloride
Réponses:A, B,C
ITEM 265 D
LES HYPOCALCEMIES
Jean-Paul CRISTOL ET Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin
en fonction d'une situation clinique donnée.
• Savoir diagnostiquer et traiter : une acidose métabolique, une acidose ventilatoire,
une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypernatrémie, une
hypocalcémie.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE : HYPOCALCÉMIE.
• Reconnaître une hypocalcémie.
• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
• Connaître la prise en charge des hypocalcémies.

N.B. : les hypercalcémies sont traitées dans le chapitre "Biologie Endocrine».

1. INTRODUCTION
Le calcium est avant tout un ion intracellulaire et presque exclusivement osseux:
■ calcium intracellulaire : 99 % du calcium est osseux (soit 1,2 kg), sous forme de cristaux d'hy­
droxyapatite avec un rapport Ca/P variant entre 1,3 et 2,0. Environ 0,9 % est tissulaire localisé
en dehors du tissu osseux;
calcium extracellulaire: Il représente seulement 0,1 % (ou 30 mmol) (essentiellement plasmatique).
Le calcium plasmatique existe sous la forme de trois fractions :
■ le calcium lié aux protéines, non diffusible (45 %). Il est essentiellement lié à l'albumine (30 %) mais
aussi aux globulines;
■ le calcium ultrafiltrable (55 %), qui se répartit lui-même en deux catégories :
► forme libre ou ionisé : 50 %;
► forme complexée : 5 %.

(Bicarbonate, acétate, phosphate, citrate ...)

Le calcium plasmatique, dosé classiquement dans les laboratoires de biochimie est le calcium total, somme
des trois fractions, sa valeur est de 2,4 ± 0,2 mmol/1.
En cas d'hypoprotidémie et surtout d'hypoalbuminémie, on observe une baisse du calcium lié aux protéines
et donc du calcium total, mais la concentration de calcium ionisé, biologiquement actif, reste constant. Le
dosage de la calcémie totale sous-estime alors la concentration de calcium ionisé actif. L'hyperalbuminémie
a l'effet inverse. Dans ces cas, il faut estimer la calcémie corrigée selon la formule suivante :
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 D 57

Ca++ corrigée [mmol/1) = Ca++ mesurée [mmol/1) + 0,02 x (40 - albuminémie [g/11)

La liaison aux protéines est sensible au pH. Toute variation de 0,1 U de pH, entraîne une
variation en sens inverse du calcium ionisé de 0,035 mmol/1. Ainsi, l'acidose augmente la
proportion de calcium ionisé et l'alcalose la diminue.
Dans les cas difficiles, entraînant des modifications de la liaison aux protéines (troubles
protéiniques sévères, hyperphosphorémie, troubles acide-basiques), il faut réaliser le
dosage du calcium ionisé sur un automate de gaz du sang, en respectant des conditions
préanalytiques strictes.
Le métabolisme du calcium est sous la dépendance de 3 principaux organes avec 3
fonctions principales : l'intestin qui absorbe le calcium, le squelette qui stocke/relargue le
calcium et le rein qui peut réguler l'élimination du calcium. Ilfaut toutefois noter qu'il existe
des pertes digestives obligatoires de calcium (par sécrétion et lyse cellulaire). Cette perte
digestive explique pourquoi, pour maintenir un bilan calcique équilibré, ilfaut consommer
une quantité minimale de calcium, (environ 10 mglj). Au niveau rénal, 70 % du calcium
est réabsorbé au niveau du tube contourné proximal, 20 % est réabsorbé au niveau de la
partie ascendante de l'anse de Henlé, et 10 % est réabsorbé, de façon active, au niveau du
tube contourné distal et de la partie proximale du tube collecteur. Cette réabsorption est
régulée positivement par la PTH. À ce niveau, la PTHfavorise la réabsorption du calcium et
est donc hypocalciurique, mais elle diminue la réabsorption des phosphates, elle augmente
ainsi la phosphaturie et diminue la phosphatémie.
La régulation du métabolisme du calcium est régulée par 3 hormones principales :
■ la parathormone (PTH) qui est hypercalcémiante et hypophosphatémiante;
■ la vitamine D active (1,25 di-OH vitamine D) qui est hypercalcémiante et hyper­
phosphatémiante;
Il la calcitonine qui est hypocalcémiante et hypophosphatémiante;
Il la parathormone (PTH) :
► c'est une hormone polypeptidique de 84 acides aminés, sécrétée par les glandes
parathyroïdes;
► elle réagit rapidement aux variations calciques et est rapidement dégradée dans
le sang (Pour en savoir plus, figure 4);
► elle est régulée par la concentration en calcium ionisé. Il existe sur les cellules
parathyroïdiennes des récepteurs au calcium ionisé, couplés à une petite protéine
G. Lors de la liaison du calcium ionisé avec son récepteur, la synthèse de la PTH
est réprimée. Ce récepteur peut être stimulé par des drogues de synthèse, les calci­
métiques (Cinacalcet et Etelcalcetide) qui répriment la PTH et sont donc hypocal­
cémiants. En dehors du calcium ionisé, la 1,25 di-OH Vitamine D, le magnésium
et le FGF-23 répriment la sécrétion de PTH;
► la PTH est hypercalcémiante et hypophosphatémiante :
• en favorisant la résorption osseuse (elle libère du calcium et du phosphate);
• en augmentant la réabsorption du calcium et l'excrétion de phosphore au
niveau rénal;
• en convertissant, au niveau rénal, la 25 OH Vitamine D en 1,25 di-OH
Vitamine D, forme active, qui favorise l'absorption intestinale du calcium;

■ la vitamine D existe sous 2 formes : vitamine D2 et D3 :


► la vitamine D3 (cholécalciférol) est formée à partir du 7 déhydro-cholestérol
(provitamine D3). Sa synthèse dans la peau est dépendante de l'exposition au soleil
(UVB). À côté de la synthèse endogène, un apport alimentaire en vitamine D3
vient principalement des poissons gras ou huiles de poisson. Une source végétale
en vitamine D2 (ergocalciférol) existe aussi mais elle est négligeable dans les pays
58 Les hypocalcémies

occidentaux (elle est présente surtout dans certains champignons). Noter que la
vitamine D2 est produite par l'action des UVB sur l'ergostérol (provitamine D2)
végétal. La vitamine D2 a une demi-vie plus courte que la vitamine D3. Compte
tenu du rôle mineur de la vitamine D2 en physiologie, la vitamine D est assimilée
à la vitamine D3;
► la vitamine D (D2 ou D3) pour aboutir à la forme active sous la forme de calcitriol
(1,25-dihydroxyvitamine D), doit subir une double hydroxylation : une 25-hydroxy­
lation hépatique et une 1-alpha hydroxylation par une 1-alpha hydroxylase rénale.
C'est le calcitriol qui est responsable des effets biologiques de la vitamine D, via
la liaison à un récepteur intracellulaire, le VDR;
► un métabolite inactifde la vitamine D: le 24,25 di-OH vitamine D peut être aussi
formé par le rein sous la dépendance d'une 24-hydroxylase;
► elle augmente la calcémie et la phosphatémie en augmentant l'absorption digestive
(et rénale) du calcium et du phosphate;
► pour apprécier le taux physiologique de vitamine D, seul le dosage de la 25 OH
vitamine D3 est recommandé.

La calcitonine, sécrétée par les cellules parafoliculaires de la thyroïde, diminue la calcémie


en favorisant la fixation du calcium sur l'os, en modulant l'équilibre formation/résorption
ou ostéoblastose/ostéoclastose. Elle peut aussi diminuer l'absorption intestinale du calcium
et diminuer la réabsorption rénale du calcium.
Contrôle concertée de la calcémie :
En cas d' hypocalcémie (figure 1), la PTH est libérée. L'augmentation de la PTH augmente
la résorption osseuse, stimule la 1-alpha hydroxylase rénale et augmente la production
de calcitriol, favorisant la réabsorption rénale de calcium. Ces actions visent à corriger
l' hypocalcémie. En retour, l'augmentation de la vitamine D pourra exercer un rétrocontrôle
sur la PTH.

1·25(0H),1'rt03 ------------ !
lt ------- PTH
1) j

/i/f
Réabsorption digestive de Ca

\ Réabsorption tubulaire de ca /

f, ,œ
/_
1
\
Normocalcémie

Figure 1 : réponse à l'hypocalcémie


En cas d' hypercalcémie (figure 2), la PTH est inhibée. La résorption osseuse est diminuée,
l'effet de la vitamine D reste inactif en l'absence de 1-alpha hydroxylase et la réabsorption
tubulaire de calcium est inactivée. Ces actions visent à corriger l' hypercalcémie.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 D 59

1-25(�H)2VitD3 -i----___
1 PTH
Réabsorption digestive de Ca

w
/i/
� \Tr �:Jœ,

Normocalcémie

Hypercalcémie

Figure 2 : réponse à l'hypercalcémie

Il. LES HYPOCALCÉMIES

A. Définition
Les hypocalcémies se définissent par une calcémie totale inférieure à 2,2 mmol/l.
Il convient d'éliminer les fausses hypocalcémies en lien avec une hypoprotidémie et à
une hypoalbuminémie en calculant la calcémie corrigée. Si un dosage de la calcémie
ionisée est effectué, l'hypocalcémie est définie par une concentration inférieure à
1,15 mmol/l.

B. Séméiologie
■ Manifestations neuromusculaires :
► paresthésies distales, crampes, crise de tétanie;
► deux signes «classiques» peuvent être recherchés :
• signe de Chvostek, contraction faciale déclenchée par la percussion de la
joue en dessous du zygomatique;
• signe de Trousseau ou main en accoucheur après pose d'un brassard
tensionnel.

■ Signes électrocardiographiques :
► allongement de QT puis bloc auriculo-ventriculaire.

Démarche étiologique :
La démarche étiologique d'une hypocalcémie chronique repose sur le dosage de la PTH
et de la 25 hydroxy-vitamine D (figure 3).
1. Hypocalcémie à PTH inadaptée (normale ou basse)
Devant une hypocalcémie, la réponse attendue est une augmentation de la PTH. Des
taux bas ou normaux, signent donc l'origine parathyroïdienne de l'hypocalcémie.
L'hypoparathyroïdie se traduit par une hypocalcémie et une hyperphosphatémie.
Les principales causes d'hypoparathyroïdie sont chirurgicales (chirurgie des parathyroïdes, de
la thyroïde, intervention pour des cancers ORL). Les autres causes sont rares (hypomagnésémie
profonde, amylose de la parathyroïde, causes génétiques par mutation du gène de la PTH).
Une mutation activatrice du récepteur sensible au calcium peut être responsable d'une
hypocalcémie hypercalciurique familiale.
60 Les hypocalcémies

2. Hypocalcémie à PTH adaptée (PTH augmentée)


La réponse parathyroïdienne est adaptée, l'origine de l'hypocalcémie est extra­
parathyroïdienne.

a. Carence en vitamine D
Elle s'accompagne d'une hypocalcémie avec hypophosphatémie. La PTH étant élevée, la
calciurie est abaissée.
Les principales causes sont liées à des carences alimentaires, une malabsorption digestive
entraînant une carence en vitamines liposolubles (vitamines ADEK) (insuffisance
pancréatique, cholestase...), une exposition solaire insuffisante. Enfin, certains médicaments
peuvent interagir avec le métabolisme de la vitamine D (augmentation de la 24 hydroxylation
par les corticoïdes, diminution de la 25 hydroxylation par des antiprotéases).

b. Insuffisance rénale
Les perturbations du métabolisme phosphocalcique sont complexes en cas d'insuffisance
rénale chronique. Elles se manifestent par une hypocalcémie, une hyperphosphatémie, une
hyperparathyroïdie secondaire (avec augmentation des phosphatases alcalines osseuses
témoignant du remodelage osseux élevé). Le métabolisme de la vitamine D est altéré avec
une diminution de la forme active (1,25 di-OH-vitamine D). Les troubles phosphocalciques
sont tardifs car longtemps compensés par l'hyperparathyroïdie secondaire.
Les origines des désordres phosphocalciques sont multiples : dérégulation précoce du
système FGF-23/Klotho (figure 5), déficit en 1-alpha hydroxylase, défaut d'excrétion des
phosphates.

c. Pseudohypoparathyroïdie
Cause rare, génétique d'hypocalcémie. Il s'agit d'une hypocalcémie de l'enfance avec
hyperphosphatémie mais une PTH très élevée, liée à une résistance périphérique et rénale
de la PTH. On peut observer une baisse de la 1,25 di-OH-vitamine D, puisque la PTH
doit stimuler la 1-alpha hydroxylase.
La pseudohypoparathyroidie est associée à l'ostéodystrophie héréditaire d'Albright.

3. Hypocalcémie aiguë
Il s'agit d'hypocalcémie par transfert ou précipitation qui surviennent dans un contexte
évocateur:
précipitation intravasculaire: lors d'une chélation par du phosphate au cours d'une
lyse cellulaire aiguë (lyse tumorale, chimiothérapies), apport massif de citrate (trans­
fusion importante, circuit de dialyse avec anticoagulation régionale);
■ précipitation tissulaire : sur une masse de tissus nécrosés (rhabdomyolyse, pancréa­
tite aiguë);
Il « hungry-hone » syndrome : transfert massif du calcium vers l'os après traitement
chirurgical (ou médicamenteux par calcimimétique) d'une hyperparathyroïdie, plus
rarement après une immobilisation prolongée.
Chapitre 1. Métabolisme ionique - ITEM 265 D 61

l
Hypocalc6mle < 2,20 mmoVL
Donr 1'1/bumln•
---+ c,toul ti. I• o,/o.ml• oo"l'4•
Ellmln,r un• p11eudo hypoo1lo.ml•

Doser la PTH
..-------- �
PTH baaae (Inadaptée) PTH haute (adaptée)
Cau111 parathyroYdlennea Cau111 extra parathyroYdlennea

Chroniques Hypoe,c,tbrœYdft C,c,nn ,a v/Ymta,D


(Phooph,r.o élevée (Phoophlr.o b••
C.lolurl• bHH) Ill OH vit D blno)
Hypoa1m1, r«mlllaff /BQ
(C.lotu,,. élevée) (Pho1ph1r.. h1uta
Ill OH v/lD Nlo)
PffUdohY99PIClthYtoJdlt
(Phoophlr.o h1uta
Ill OH v/1D nie)

Algues HYP9PIClthvroTdlt Pt;ofa'r«tloo taklruout,tc,


Poot ohlrurglo,,. ou (lyH tumor,le, o/rr,r. ...)
lnlt/1tlon d'un Pcieioffltloa ffHullic,
tr,ltement p11r {Rh1bdomyo/yn, P1nomtlt•J
011olmlm4tlqu•

Figure 3 : Orientation diagnostique devant une hypocalcémie :

C. Conduite du traitement
Le traitement symptomatique consiste en l'apport de calcium per os (carbonate de calcium)
ou plus rarement intraveineux (gluconate ou chlorure de calciu_m).
Il faut veiller à corriger un éventuel déficit en vitamine D, essentiellement sous forme de
vitamine D3.
62

Fiche Flash
O Le calcium est un ion intracellulaire essentiellement osseux.
O La calcémie est réglée par 3 hormones principales:
► la parathormone (PTH) est hypercalcémiante et hypophosphatémiante;
► la vitamine D active (1,25 di-OH vitamine D) est hypercalcémiante et hyperphosphatémiante;
► la calcitonine est hypocalcémiante et hypophosphatémiante.
O Devant une hypocalcémie il faut tout d'abord:
► éliminer les fausses hypocalcémies liées à une hypoalbuminémie en calculant la calcémie corrigée:

Ca•• corrigée [mmol/1] = Ca++ mesurée [mmol/1] + 0,02 x (40 - albuminémie [g/1])

► prendre en compte la baisse de la fraction ionisée liée à une éventuelle alcalose.


0 La démarche diagnostique repose sur le dosage de la PTH et de la 25-0H VitD
► les hypocalcémies à PTH basse sont essentiellement liées à une hypoparathyroïdie;
► les hypocalcémies à PTH élevée sont secondaires à:
... une carence en Vit D;
... une IRC;
... très rarement une pseudohyperparathyroïdie;
- des causes aiguës par précipitation vasculaire ou tissulaire.
63

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Le dosage de la PTH :
La PTH est une hormone polypeptidique de 84 acides aminés, d'une demi-vie brève.
Dans le sang, plusieurs formes circulantes existent, tronquées du côté N-terminal.
Selon les sites antigéniques de la PTH reconnus par des anticorps, les kits de dosage
peuvent identifier soit la PTH totale, soit la PTH totale et certains de ses fragments
(PTH 7-84). Les kits de PTH dits de 3" génération, sont basés sur des anticorps
reconnaissant d'une part les séquences d'acides aminés 1 à 7 et d'autre part 39-84.
Elles ne reconnaissent que la PTH totale.

PTH 1-84 AmlnoPTH PTH 7-84 C-Term

- Zone 39- 84 : site des AC depuis RIA 1 • génération (C/Mlld PTH RIA)
<:aP Zone 12- 24: site des 2 ° AC des PTH seconde génération (Allegro)

- Zone 1 - 7 : site des 2° AC des PTH Troisième génération

Figure 4 : formes circulantes de la PTH et techniques de dosage

.,
' '\
'\
24 Hydroxylase
Vit D inactive
1,25 diOH vitD

.. .. ... ...
' , ,,., ,
Vit D active

Figure 5 : Le système FGF-23/Klotho : chef d'orchestre du bilan phosphocalcique.


Le FGF-23 est une phosphatonine (qui augmente la phosphaturie). Il est sécrété
principalement par les ostéocytes en réponse à une augmentation de la phospha­
témie. Sa sécrétion est augmentée par la vitamine D active et la PTH. Le FGF-23 va
agir sur le rein et la parathyroide en se fixant sur son récepteur (FGF-23 récepteur)
et son co-récepteur Klotho.
Au niveau rénal, le FGF-23 va augmenter la phosphaturie (en diminuant la réab­
sorption par les transporteurs NaPi-2a et 2c). Le FGF-23 diminue aussi la synthèse
de la forme active de la vitamine 03, d'une part en inhibant la 1-alpha hydroxylase,
d'autre part en activant la 24 hydroxylase (produisant la 24,25 di-hydroxy vitamine
64

03 inactive). Ces actions s'opposent au niveau rénal à l'action de la PTH qui active
la 1-alpha hydroxylase.
Au niveau des cellules parathyroidiennes, le FGF-23, inhibe la sécrétion de PTH. Ces
boucles de rétrocontrôle assurent l'équilibre phosphocalcique.
Il a été décrit des actions pléiotropes (indépendantes du phosphate) pour le FGF-23,
certaines de ces actions ne nécessitent pas l'intervention du corécepteur Klotho.
CHAPITRE 2. MÉTABOLISME ET ALIMENTATION

ITEM 220
DIAGNOSTIC DES DYSLIPIDÉMIES
Laurence DUVILLARD

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer les principales dyslipidémies primitives et secondaires.
• Connaître les recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies
(voir item 326).
OBJECTIFS P ÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE
• Connaître :
Le bilan à prescrire pour rechercher une dyslipidémie, et dans quelles conditions.
- Les valeurs normales de la triglycéridémie, de la cholestérolémie LOL et de la
cholestérolémie HOL.
- Les valeurs cibles du cholestérol LOL en fonction du risque cardiovasculaire
(lorsqu'elles seront publiées par l'HAS).
- La classification des dyslipidémies.

1. INTRODUCTION
Les dyslipidémies constituent l'un des principaux facteurs associés au développement de la maladie
athéromateuse, et leur mise en évidence reste fondamentale pour le diagnostic étiologique des
maladies cardiovasculaires et la mise en place de mesures préventives. Parmi les dyslipidémies,
c'est l'hypercholestérolémie LOL qui constitue le facteur de risque cardiovasculaire le plus élevé.
L'hypertriglycéridémie doit également être considérée comme facteur de risque cardiovasculaire.

A. Rappel sur le métabolisme des lipoprotéines


On distingue 5 classes de lipoprotéines qui se différencient par leurs caractéristiques physicochimiques
(densité, charge, proportion des différents constituants, nature des apolipoprotéines) (tableau 1).

Tableau 1 : Différentes classes de lipoprotéines

Ratio triglycérides/cholestérol Principales apolipoprotéines


Chylomicrons 18 B48, E, CIi, A
VLDL 3 B100, E, CIi, A
IDL 0,6 B100, E
LDL 0,12 B100
HDL 0,2 Al
66 Diagnostic des dyslipidémies

VLDL: «Very Low Density lipoprotein», IDL: «Intermediate Density Lipoprotein», LDL:
«Low Density Lipoprotein», HDL: « High Density Lipoprotein»"
Chez le sujet normolipidémique à jeun, plus de la moitié des triglycérides sont dans
les VLDL et le cholestérol se répartit comme suit entre les lipoprotéines:
► VLDL:6àl0%
► LDL:60à65%
► HDL: 25à 30%

Intestin

Jl
...-..B48
Foie

J
chylomlcron

r
CIi AV LDL·R

,,........
8100
LH

LPL

CIi
AV
,,,,.........
B100 r """"'
LPL B100

LOL ..,,,,
� LDL•R

Tissus
p(lrlphérlques
CIi AV

VLDL IDL HDL ABCAl


naissantes ABCGl

Al J
/
J
lDl•�JF* (',�TPG) HDL3
LRP·R
I':-�
SR•BI
\ HDL2 Al
LCAT
Al
R. HDL

LCAT

Figure 1. Métabolisme des lipoprotéines - CETP: «Cholesteryl Ester Transfer


Protein»; EC: «Esters de Cholestérol»; LPL: lipoprotéine lipase; LH:lipase
hépatique; LCAT: lécithine cholestérol acyltransférase; SR-BI: «Scavenger
Receptor BI»; TG : «Triglycérides»
■ Le métabolisme des lipoprotéines est représenté dans la figure 1 :
► les chylomicrons sont assemblés dans l'entérocyte et permettent le transport
des lipides alimentaires. Dans le compartiment vasculaire la lipoprotéine-lipase
(LPL), dont les cofacteurs sont les apo CII et AV, hydrolysent la majorité des
triglycérides des chylomicrons. Les remnants de chylomicrons sont captés par le
foie principalement grâce à 2 récepteurs qui lient l'apoE: le récepteur des LDL
(LDL-R) et le récepteur LRP («LDL receptor Related Protein»);
► les VLDL sont sécrétées par le foie. Dans le compartiment vasculaire, les VLDL
s'appauvrissent en triglycérides sous l'action de la LPL puis de la lipase hépatique
(LH), et se transforment en IDL puis LDL. Dans le même temps, elles s'enrichissent
en esters de cholestérol transférés depuis les HDL par la protéine de transfert des
esters de cholestérol (CETP). Une partie des remnants de VLDL et des IDL ne
subissent pas la totalité de ces transformations et sont captés par les récepteurs
cellulaires avant le stade de LDL. La totalité des LDL sont éliminées du comparti­
ment vasculaire par endocytose après liaison de l'apoB-100 au récepteur des LDL;
► les HDL assurent le transport du cholestérol excédentaire des tissus périphériques
vers le foie ou les tissus stéroïdogènes. Le cholestérol libre est transféré des tissus
périphériques vers les HDL grâce aux protéines ABCAl et ABCGl. Il est ensuite
estérifié par la LCAT et gagne le cœur des HDL En parallèle, des phospholipides
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 220 67

sont aussi transférés vers les HDL ainsi que des apolipoprotéines échangeables
depuis les lipoprotéines à apoB. Ainsi, les HDL se transforment en HDL3 puis
HDL2. Elles sont catabolisées grâce au récepteur des HDL et au récepteur SR-BI
exprimé à la surface des hépatocytes et des tissus stéroïdogènes.

Il. RÉPONSE A L'ITEM

A. Chez quels patients rechercher une dyslipidémie?


■ Une exploration d'une anomalie lipidique est recommandée:
► dans le cadre d'une évaluation du risque cardiovasculaire (RCV) global chez
les hommes âgés de plus de 40 ans et les femmes à partir de 50 ans ou méno­
pausées. Au-delà de 80 ans, la réalisation d'un bilan lipidique de dépistage
n'est pas justifiée;
► lors de la prescription d'une contraception hormonale œstroprogestative
(pilule, patch, anneau). Une glycémie à jeun doit y être associée.

Indépendamment de l'âge, les éléments suivants incitent à réaliser une évaluation du RCV
global comprenant une exploration d'une anomalie lipidique:
► maladie cardio-vasculaire documentée (prévention secondaire);
► hypertension artérielle;
► diabète;
► tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans;
► IMC � 30 kg/m2 ou tour de taille > 94 cm chez l'homme (> 90 pour les Asia­
tiques), > 80 cm chez la femme;
► insuffisance rénale chronique modérée à sévère;
► antécédent familial de maladie cardio-vasculaire précoce :

• infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou chez


un parent du 1er degré de sexe masculin;
• infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou chez
un parent du 1 er degré de sexe féminin;

► antécédent familial de dyslipidémie;


► maladie auto-immune ou maladie inflammatoire chronique.

■ Si le bilan est normal, la répétition d'un bilan lipidique plus d'une fois tous les cinq ans
n'est pas justifiée en l'absence de modifications du mode de vie ou bien d'instauration
de traitement susceptible de modifier le bilan lipidique.

Ill. EXPLORATION D'UNE ANOMALIE LIPIDIQUE (EAL)

A. Description de l'EAL
■ La recherche d'une dyslipidémie utilise un bilan dénommé « exploration d'une
anomalie lipidique» (EAL) réalisé sur un tube sec.
► L'EAL comporte :

• l'aspect du sérum;
• la cholestérolémie totale;
68 Diagnostic des dyslipidémies

• la cholestérolémie LDL;
• la cholestérolémie HDL;
• la triglycéridémie.

Il La triglycéridémie, la cholestérolémie totale et HDL sont quantifiées directement.


La cholestérolémie LDL est généralement calculée par la formule de Friedewald
qui peut être utilisée seulement si triglycéridémie < 3,4 g/1 (3,9 mmol/1) et si le
sujet est à jeun :
► en g/1: C-LDL = CT - (C-HDL + TG/5);
► en mmol/1: C-LDL = CT - (C-HDL + TG/2,2).

Le ratio TG/5 (ou 2,2) est une estimation du cholestérol des VLDL. Si TG > 3,4 g/1 ce
dernier est surestimé et le C-LDL est sous-estimé.
Lorsque la formule de Friedewald n'est pas valide, on peut utiliser une technique
de dosage directe du C-LDL, en sachant que l'hypertriglycéridémie interfère sur
ces techniques qui ne peuvent plus être utilisées à partir d'un certain seuil qui est à
définir pour chaque trousse de dosage.
L'aspect du sérum précise s'il est limpide, opalescent ou lactescent. Il recherche par
ailleurs la présence de chylomicrons qui apparaissent sous la forme d'une couche de
crème en surface après décantation de l'échantillon pendant une nuit à 4 °C (ou par
une ultracentrifugation de courte durée).
En cas d'hypertriglycéridémie, le sérum devient opalescent voire lactescent. Cependant,
il n'y a pas de corrélation stricte entre la triglycéridémie et l'aspect du sérum car cela
dépend de la taille des lipoprotéines, avec une opalescence plus importante pour des
lipoprotéines de grande taille.
Une hypertriglycéridémie associée à un sérum limpide doit faire penser à une fausse
hypertriglycéridémie liée à la présence de glycérol libre dans le sérum. En effet, pour
quantifier les triglycérides, on dose le glycérol libéré par l'hydrolyse de ces derniers
et le glycérol libre initialement présent dans l'échantillon vient s'y ajouter.

B. EAL à jeun ou pas à jeun?


Il était initialement recommandé de réaliser l'EAL après 12 heures de jeûne. Néanmoins,
plusieurs études ont montré que si la triglycéridémie ne dépassait pas 5 mmol/l, les
variations des résultats étaient minimes et cliniquement non significatives (la variation
la plus importante concerne la triglycéridémie augmentée en moyenne de 0,3 mmol/l).
Ainsi, de nombreux bilans lipidiques sont réalisés aujourd'hui chez un patient non à jeun.

C. Normes, valeurs cibles


TG < 1,5 g/l (1,7 mmol/l).
■ C-HDL: > 0,4 g/l (1,03 mmol/l).
■ C-LDL < 1,60 g/l (4,10 mmol/l).
Pour le C-LDL plus qu'une norme à 1,60 g/l, c'est la valeur cible qui est importante. Elle est
d'autant plus faible que le risque cardiovasculaire est élevé. Au moment où cet ouvrage est
rédigé les valeurs cibles sont en cours de révision par l'HAS et ne peuvent être précisées.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 220 69

IV. DOSAGES D'APOLIPOPROTÉINES B ET A1


Ils ne sont pas réalisés en première intention.
L'apoAI est indiquée:
pour vérifier un cholestérol HDL bas (< 0,30 gll) afin dëliminer une interférence
(décidé par le biologiste);
dans les maladies génétiques rares.
L'apoB est indiquée lorsque le C-LDL ne peut être calculé ou n'est pas quantifiable. L'apoB
n'est pas spécifique des LDL, elle est aussi retrouvée sur les VLDL et les !DL (et sur les
chylomicrons s'il y en a); elle reflète cependant le nombre de particules pro-athérogènes.
Aucune valeur cible n'a été définie pour l'apoB.

V. CLASSIFICATION DES DYSLIPIDÉMIES


Le bilan lipidique permet de différencier les hypertriglycéridémies, les hypercholestérolémies
et les dyslipidémies mixtes.
Les valeurs de la triglycéridémie ou de la cholestérolémie peuvent orienter vers la cause
de la dyslipidémie mais ne sont souvent pas suffisantes prises isolément.
Pour rechercher une éventuelle cause d'une dyslipidémie, on peut prescrire le bilan biologique
suivant : glycémie, créatininémie avec débit de filtration glomérulaire, bilan thyroïdien,
bilan hépatique, (ASAT, ALAT, phosphatases alcalines, bilirubine, gamma-GT ), protéinurie.

A. Les hypercholestérolémies
1. Hypercholestérolémies polygéniques
Il Fréquentes.
■ Pas d'hérédité familiale mendélienne.
■ Apparition au cours de la vie.
■ Facteurs favorisants: mauvaise hygiène de vie, variants et/ou polymorphismes géné­
tiques restant à préciser.
■ C-LDL souvent< 2,20 g/1 (à titre indicatif, pas une règle absolue).
Signes cliniques rares.
2. Hypercholestérolémie familiale
Autosomique dominante.
Forme hétérozygote :
► prévalence : 1/250 à 1/500;
► C-LDL> 1,90 g/1, souvent> 2,20 g/1, jusqu'à 4 g/1;
► signes cliniques fréquents (30 % des cas), complications cardiovasculaires à partir
de 40 ans.

■ Forme homozygote
► prévalence: 1/250 000 à 1/million;
► C-LDL: 4 à 10 g/1;
► signes cliniques dès l'enfance;
► complications cardiovasculaires dès la première décennie.
70 Diagnostic des dyslipidémies

L'analyse génétique permet de confirmer le caractère familial dans 70 à 85 % des cas


(mutations du gène du récepteur des LDL, l'apoB ou PCSK9): elle est importante en cas de
suspicion du caractère familial de l' hypercholestérolémie car la valeur cible de C-LDL est
alors plus basse en raison du risque cardiovasculaire élevé puisque l' hypercholestérolémie
est présente dès l'enfance.

3. Hypercholestérolémies secondaires
Hypothyroïdie, cholestase, syndrome néphrotique, anorexie, déficit en hormone de
croissance.
■ Corticoïdes, immunosuppreseurs, antirétroviraux.

B. Les hypertriglycéridémies

1. Chylomicronémie familiale
Exceptionnelles.
■ Transmission autosomique récessive.
Il Mutations du gène de la lipoprotéine lipase+++ ou d'autres protéines impliquées
dans sa synthèse ou son activité.
■ Hypertriglycéridémie souvent majeure > 10 g/1 observée à plusieurs reprises.
■ Après décantation du sérum: chylomicrons en surface avec un sérum opalescent si
élévation des VLDL ou clair en l'absence d'élévation des VLDL.
Apparition généralement dans l'enfance.

2. Chylomicronémie multifactorielle
Rare.
■ Début plus tardif.
Il Facteurs génétiques avec une déficience partielle de l'activité de la LPL ou d'autres
protéines impliquées dans son activité (hétérozygotie, polymorphisme) associée à des
facteurs favorisants (syndrome métabolique, alcool, œstrogènes, grossesse).
■ Triglycéridémie variable au cours du temps.
Fréquemment, les VLDL sont associées aux chylomicrons.

3. Hypertriglycéridémies par augmentation des VLDL


Hypertriglycéridémie plus modérée: 2 à 10 g/1.
■ Fréquentes.
■ Contexte familial et/ou environnemental.
Il Souvent secondaires:
► grossesse, syndrome métabolique, insuffisance rénale chronique, SIDA, alcool,
alimentation riche en sucres, acromégalie;
► médicaments: œstrogènes, corticoïdes, rétinoïdes, antirétroviraux, diurétiques
thiazidiques, bêtabloquants.

C. Les dyslipidémies mixtes

1. Hyperlipidémie combinée familiale


■ Prévalence: 1 à 2 %.
IJ Révélation à l'âge adulte.
Il Héritabilité non mendélienne (plusieurs gènes impliqués), influencée par les facteurs
favorisants.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 220 71

■ Expression variable chez les membres d'une même famille et chez un patient donné
au cours du temps (hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, dyslipidémie mixte).
Triglycéridémie: 1,5 à 5 g/1, cholestérol total: 2,5 à 3,5 g/1. ApoB élevée.
2. Dysbêtalipoprotéinémie
Plus rare, prévalence: 1/5000 à 1/10000.
■ Phénotype E2/E2 de l'apoE, en sachant qu'un faible pourcentage de ces patients
développent une dyslipidémie (nécessité de la présence de facteurs favorisants une
hypertriglycéridémie).
■ Diminution majeure de l'affinité de l'apoE pour le récepteur des LDL: diminution
du catabolisme par la voie des récepteurs des remnants des chylomicrons et des
VLDL (IDL).
■ Ces remnants peuvent être mis en évidence par électrophorèse des lipoprotéines sur
gel d'agarose objectivant la présence d'une bande large en bêta.
■ Hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie avec une concentration sérique d'ApoB
normale ou légèrement augmentée (diagnostic différentiel avec l' hyperlipémie
combinée familiale).
3. Dyslipidémies mixtes secondaires
■ Grossesse, insuffisance rénale chronique, syndrome néphrotique, VIH.
■ Corticoïdes, anti-rétroviraux, immunosuppresseurs, diurétiques thiazidiques.
72

FICHE FLASH
D « L'exploration d'une anomalie lipidique » comporte 5 paramètres sériques: aspect du sérum, cholestérol
total, cholestérol LDL, cholestérol HDL, triglycérides.
D En l'absence d'hypertriglycéridémie supérieure à 5 mmol/1 il n'est pas obligatoire que le patient soit à
jeun pour la réalisation d'une EAL.
D Les dosages d'apolipoprotéines A1 et B sont rarement nécessaires et souvent ajoutés à l'initiative du
biologiste.
D Valeurs normales: triglycérides < 1,5 g/1 (1,7 mmol/1), cholestérol LDL < 1,6 g/1 (4,1 mmol/1), cholestérol
HDL > 0,40 g/1 (1,03 mmol/1).
D L'hypercholestérolémie familiale monogénique est associée à un risque cardiovasculaire élevé et doit être
différenciée des autres causes d'hypercholestérolémie.
D En cas de suspicion d'hypercholestérolémie familiale, elle peut, dans la majorité des cas être confirmée
par la mise en évidence d'anomalies génétiques.
D Ne pas confondre valeurs cibles et valeurs normales: les valeurs cibles sont définies en fonction du risque
cardiovasculaire et peuvent être beaucoup plus sévères que les valeurs normales.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - QCM

QCM

► 1. Concernant l'hypercholestérolémie familiale hétérozygote :


A Elle est généralement associée à des concentrations de cholestérol LOL comprises
entre 4 et 10 g/1
B. Elle apparaît à l'âge adulte
C. L.:analyse génétique est recommandée
D. Elle peut être consécutive à une mutation du récepteur des LOL
E. Elle est associée à des concentrations de cholestérol LOL généralement plus élevées
que dans l'hypercholestérolémie polygénique
Réponses: C, D, E

► 2. !..'.hyperlipidémie combinée familiale :


A. Est associée au phénotype E2/E2 de l'apolipoprotéine E
B. Est polygénique
C. Se révèle généralement à l'âge adulte
D. Est fréquente
E. Est associée à un tableau lipidique variable d'un sujet à l'autre
Réponse: B, C, D, E

► 3. Quels sont le (ou les) paramètre(s) inclus dans l'exploration d'une Anomalie Lipidique
ou EAL?
A. Triglycérides
B. Cholestérol total
C Cholestérol HOL
D. Cholestérol LOL
E. Apolipoprotéine B
Réponse: A, B, C, D
ITEM 238
HYPOGLYCEMIE CHEZ L'ADULTE
ET CHEZ L'ENFANT
Laurence DUVILLARD

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une hypoglycémie.
• Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE
• Établir le diagnostic biologique d'une hypoglycémie.
• Connaître les examens biologiques permettant d'orienter vers l'étiologie d'une
hypoglycémie.
1

1. INTRODUCTION
En dehors des patients diabétiques traités (insuline, antidiabétiques oraux ) pour lesquels le diagnostic est
aisé et ne demande pas d'investigations supplémentaires, la démarche diagnostique comportera deux étapes:
affirmer l'hypoglycémie;
en rechercher l'étiologie;
L'insuline est synthétisée par les cellules 13 pancréatiques sous forme de pré-proinsuline transformée en
pro-insuline dans l'appareil de Golgi. La pro-insuline est ensuite clivée pour libérer de manière équimolaire
le peptide C et l'insuline. Néanmoins, en raison de demi-vies différentes (4 min pour l'insuline et 30 min
pour le peptide C), les concentrations plasmatiques de ces 2 molécules ne sont pas équivalentes. Une partie
de la pro-insuline est sécrétée dans le plasma, où elle exerce une faible activité insulinique et possède une
demi-vie de 30 min.
En présence d'une insulinémie élevée, les dosages de peptide Cou de la pro-insuline permettent d'affirmer
l'origine endogène ou non de l'hyperinsulinisme.

li. RÉPONSE � L'ITEM

A. Diagnostic biologique d'une hypoglycémie


Chez un patient non diabétique l'hypoglycémie se définit par une glycémie veineuse inférieure à
2,75 mmol/1 (0,50 g/1), à condition qu'elle soit associée à des signes de neuroglucopénie qui disparaissent
rapidement par le resucrage.
Attention : la mesure de la glycémie capillaire manque de précision pour les valeurs basses.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 238 75

B. Bilan étiologique d'une hypoglycémie : examens biologiques


1. Examens réalisés au cours d'un malaise pouvant orienter
En l'absence d'une cause évidente, on pourra mesurer les concentrations sériques d'insuline,
de peptide Cet de pro-insuline au cours d'un malaise. L'interprétation est la même que
lors de l'épreuve du jeûne.

2. L'épreuve du jeûne
Elle permet de reproduire l'hypoglycémie et constitue l'examen de référence. Elle peut
être prolongée jusqu'à 72 heures.
La mesure des concentrations sériques d'insuline, de peptide Cet de pro-insuline lorsque la
glycémie est inférieure à 0,6 g/l permettent de distinguer plusieurs cas de figure répertoriés
dans le tableau 1.

Tableau 1 : Orientation diagnostique d'une hypoglycémie en fonction du tableau biologique

Hypoglycémie Hypoglycémie
Hypoglycémie
avec sans
avec hyperinsulinisme
hyperinsulinisme hyperinsulinisme
endogène
exogène endogène

Tableau Insu- Insuline


biologique line> 3 mUl/1 < 3 mUl/1
Insuline> 3 mUl/1
au moment de Peptide Peptide
Peptide C> 0,6 ng/ml
l'hypoglycémie C < 0,6 ng/1 C < 0,6 ng/1
(concentrations Pro-insuline> 5 pmol/1
Pro-insu- Pro-insu-
sériques)
line < 5 pmol/1 line < 5 pmol/1
lnsulinome,
Prise de sulfonylurés
Tumeur extra-
Nésidioblastose Injections
Étiologies pancréatique
Hyperplasie diffuse d'insuline
(GH, IGFI, IGFII)
des îlots des cellules �
pancréatiques
76

FICHE FLASH
0 Chez un patient non diabétique, l'hypoglycémie se définit par une glycémie veineuse inférieure à
2,75 mmol/1 (0,50 g/1), à condition qu'elle soit associée à des signes de neuroglucopénie rapidement
corrigés par le resucrage.
o En dehors des causes évidentes, le diagnostic étiologique peut être orienté par le dosage sérique d'insuline,
de peptide Cet de la pro-insuline réalisés au cours d'un malaise ou lors d'une épreuve de jeûne.
o L'élévation simultanée de ces trois paramètres évoque une sécrétion endogène d'insuline (prise de
sulfonylurée, insulinome, nésidioblastome, hyperplasie des cellules f3 pancréatiques).
o L'association d'une insulinémie élevée et de concentrations de peptide Cet de pro-insuline basses évoque
une origine exogène de l'insuline.
CJ Des concentrations basses de ces trois paramètres sont en faveur de la sécrétion d'autres hormones
hypoglycémiantes.
ITEM 245

DIABÈTE SUCRÉ DE TYPE 1


ET DE TYPE 2 CHEZ L'ADULTE
ET CHEZ L'ENFANT. COMPLICATIONS
Laurence DUVILLARD

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer un diabète chez l'enfant et l'adulte.
• Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

OBJECTIFS P ÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE


Connaître:
• Les examens biologiques pour le diagnostic du diabète, y compris pour le
cas particulier du diabète gestationnel
• Les examens biologiques nécessaires à la surveillance du diabète: équilibre
glycémique et complications rénales
• Le tableau biologique des complications aiguës du diabète : coma
hyperosmolaire et acidocétose

1. INTRODUCTION
Le diabète est défini par la présence d'une hyperglycémie. La dérégulation du contrôle de la glycémie
peut être la conséquence de différents mécanismes physiopathologiques. On distinguera notamment
Le diabète de type 1 lié à la destruction des cellules bêta des îlots de Langerhans par un processus
auto-immun conduisant à une carence majeure en insuline. Ce diabète est souvent révélé par une
acidocétose
■ Le diabète de type 2 lié à une résistance des tissus périphériques à l'action de l'insuline ainsi qu'à un
dysfonctionnement des cellules bêta pancréatiques induisant une insulinopénie relative
■ Le diabète gestationnel transitoire au moment de la grossesse
■ Les diabètes MODY (Maturity-Onset Diabetes of the Young) liés à un défaut primaire du fonctionne­
ment des cellules bêta. Ces diabètes sont non cétosiques et non insulinodépendants (bien que certaines
formes puissent nécessiter une insulinothérapie au cours de leur évolution)
L'hyperglycémie chronique est susceptible d'entraîner à long terme des complications dégénératives
microvasculaires. La biologie permet le diagnostic des complications rénales.
78 Diabète sucré de type 1 et de type 2 chez l'adulte et chez l'enfant. Complications

Il. RÉPONSE À L'ITEM

A. Diagnostic du diabète
1. En dehors de la femme enceinte
Le diagnostic de diabète sucré est posé si
la glycémie à jeun est > 1,26 g/1 (7 mmol/1) à 2 reprises;
ou
■ la glycémie est supérieure à 2 g/1 (11,1 mmol/1) à n'importe quel moment de la journée,
accompagnée de signes cliniques d' hyperglycémie.
2. Diabète gestationnel

a. Facteurs de risque du diabète gestationnel à prendre en compte chez la


femme enceinte
■ Âge supérieur à 35 ans.
■ IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2 (surpoids).
■ Antécédents de diabète chez les membres de la famille de premier degré (père, mère,
frères, sœurs).
■ Antécédents personnels de diabète gestationnel.
■ Antécédents personnels d'accouchement d'un enfant macrosome (plus de 4 kg à terme).
Le dépistage du diabète gestationnel est réalisé chez toute femme présentant au moins un
de ces facteurs de risque.

b. Le dépistage du diabète gestationnel comporte


■ Une glycémie à jeun au 1er trimestre avec un seuil fixé à 0,92 g/1.
■ Une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) avec 75 g de glucose entre 24
et 28 semaines d'aménorrhée avec 3 glycémies dont une seule au-dessus des seuils
suivants permet de retenir le diagnostic de diabète gestationnel :
► T O : 0,92 g/1;
► T 1 h : 1,80 g/1;
► T 2 h : 1,53 g/1.

3. Diagnostic du caractère auto-immun du diabète de type 1


Il est basé sur la recherche d'anticorps anti-GAD (Glutamic Acid Decarboxylase), anti-IA2
(Islet Antigen number 2) ou anti-insuline.

B. Suivi quotidien de l'équilibre du diabète


■ Chez le patient diabétique de type 1, il est assuré grâce aux glycémies capillaires
pluriquotidiennes, avec comme objectif, une glycémie entre 0,8 et 1,2 g/1 avant les
repas et entre 1,2 et 1,8 g/1 2 h après les repas.
Au cours de la grossesse, l'objectif est < 0,9 g/1 à jeun et < 1,2 g/1 en période postprandiale.

C. Suivi de l'équilibre du diabète sur le moyen terme


1. Hémoglobine glyquée A1c (HbA1c)

a. Caractéristiques biochimiques et principes de dosage


■ L'HbAlc est le paramètre biologique de choix pour le suivi de l'équilibre glycé­
mique des patients diabétiques.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 245 79

■ Au moment où cet ouvrage est rédigé, l'HbAlc n'est pas utilisée en France pour poser
un diagnostic de diabète.
■ D'un point de vue biochimique, l'HbAlc est une molécule d'HbAO dont une chaîne
Ba fixée une molécule de glucose sur sa valine N-terminale (site le plus réactif
de l'HbAO). Il s'agit d'une glycation non enzymatique, processus physiologique
qui est amplifié en cas d'hyperglycémie.
■ Ne pas confondre l'HbAlc avec d'autres HbAl glyquées qui ont fixé d'autres oses
et qui ne sont pas utilisées en clinique.
■ L'HbAlc reflète la glycémie moyenne des 2 à 3 derniers mois, en sachant que les
valeurs de glycémie ont d'autant plus d'impact sur le résultat de l'HbAlc qu'elles
sont proches du jour de son dosage.
■ La suppression de la fonction amine N-terminale implique une modification de charge
dans certaines conditions de pH. Cette propriété est utilisée pour séparer l'HbAlc
et la quantifier par chromatographie d'échange ionique ou électrophorèse capillaire.
Il Les dosages d'HbAlc sont standardisés et présentent d'excellentes performances
analytiques.
■ Les techniques de référence les plus anciennes (méthode du « National Glycohemo­
globin Standardization Program (NGSP)) quanti.fient la chaîne B entière de l'Hb. Les
résultats sont exprimés en pourcentage de l'Hb totale. On a reproché à ces techniques
un manque de spécificité puisqu'elles intègrent d'autres Hb modifiées que la chaîne
B glyquée. Une autre technique de référence a été développée (méthode de l'Interna­
tional Federation of Clinicat Chemistry and laboratory medicine » (IFCC)), mesurant
uniquement l'hexapeptide N-terminal de la chaîne B de l'Hb, donnant des valeurs
inférieures à celles obtenues par les premières techniques de référence. Les résultats
sont exprimés en mmol/mol.
il À l'heure actuelle, les résultats et les recommandations françaises restent exprimés
en % de l'Hb totale, avec une conversion possible en unités IFCC: HbAlc (NGSP)
= 0,0915 HbAlc (IFCC) + 2,15.
Ili! Il est par ailleurs possible de quantifier l'HbAlc par méthode immunologique.
■ À la différence des méthodes immunologiques, les techniques chromatographiques
et électrophorétiques permettent de mettre en évidence les éventuels variants (HbC,
HbE, HbS...) de l' hémoglobine. Ainsi, il est recommandé de réaliser le 1er dosage d'un
patient par l'une de ces techniques.

b. Limites d'interprétation des résultats d'HbA1c


■ Dans toutes les situations où la demi-vie des hématies est accélérée (hémolyse intra­
vasculaire, hémorragies), le dosage d'HbAlc est sous-estimé.
■ Transfusions.
■ En présence de variants de l'Hb (HbC, HbE, HbS), le résultat est difficile à inter­
préter pour plusieurs raisons : hémolyse, cinétique de glycation de l'Hb différente,
difficultés analytiques avec une mauvaise séparation des différentes Hb. Il est dans
cette situation difficile de comparer le résultat aux normes habituelles (4 % à 6 %),
mais en l'absence de crises hémolytiques, la comparaison de l' évolution des résultats
chez un même patient est possible. Cependant on ne connaît pas l'objectif à atteindre
pour la valeur d'HbAlc dans ces cas-là.
■ la carence en fer, même avant le stade <l'anémie, augmente les valeurs d'HbAlc avec
une augmentation pouvant atteindre 0,7 % (corrélation négative entre la teneur
corpusculaire moyenne en Hb et l'HbAlc).

c. Valeurs cibles
■ Diabète de type 1 : < 7 %
■ Diabète de type 2 : l'objectif est très variable en fonction du profil du patient.
80 Diabète sucré de type 1 et de type 2 chez l'adulte et chez l'enfant. Complications

Les recommandations HAS 2013 sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Profil du patient HbA1c cible


Cas général La plupart des patients avec DT2 ,::,7%
DT2 nouvellement diagnostiqué, dont l'espérance de vie
,;,6,5%
est > 15 ans et sans antécédent cardio-vasculaire
DT2:
• avec comorbidité grave avérée et/ou une espérance de vie
limitée(<5 ans)
• ou avec des complications macrovasculaires évoluées
,;,8%
• ou ayant une longue durée d'évolution du diabète(> 10 ans)
et pour lesquels la cible de 7% s'avère difficile à atteindre
car l'intensification médicamenteuse provoque des
Personnes âgées hypoglycémies sévères
Dites"vigoureuses,, dont l'espérance de vie est jugée
,;,7%
satisfaisante
Dites"fragiles», à l'état de santé intermédiaire et à risque de
,;,8%
basculer dans la catégorie des malades
<9%
Dites"malades,, , dépendantes, en mauvais état de santé en et/ou glycémies
raison d'une polypathologie chronique évoluée génératrice capillaires
de handicaps et d'un isolement social préprandiales entre 1
et 2 g/I
Patients avec ATCD de complication macrovasculaire
,;,7%
considérée comme non évoluée
Patients avec ATCD de complications macrovasculaires
considérées comme évoluées:
Patients avec • infarctus du myocarde(IDM) avec insuffisance cardiaque
antécédents • atteinte coronarienne sévère(tronc commun ou atteinte
(ATCD)
tritronculaire ou atteinte de l'interventriculaire antérieur
cardio-vasculaires ,;,8%
• atteinte polyartérielle(au moins deux territoires artériels
symptomatiques)
• artériopathie oblitérante des membres inférieurs
symptomatique
• accident vasculaire cérébral récent(<6 mois)
Patients avec IRC modérée(stades 3A2 et 3B) ,;,7%
insuffisance rénale
chronique (IRC) IRC sévère ou terminale(stades 4 et 5) ,;,8%

Avant d'envisager la grossesse <6,5%


<6,5%
Patientes
enceintes et
ou envisageant de glycémies <0,95 g/I
Durant la grossesse
l'être à jeun et < 1,20 g/I en
post-prandial à
2 heures
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 245 81

2. Fructosamine
La fructosamine correspond à l'ensemble des protéines sériques glyquées.
Elle reflète l'équilibre glycémique sur les 2 à 3 dernières semaines seulement (l'albumine,
protéine majoritaire a en effet une ½ vie de 21 jours).
Les performances analytiques des techniques de dosage sont moins satisfaisantes que
pour l'HbAlc.
Il n'y a pas de valeurs cibles définies pour ce paramètre.
Son utilisation est réservée aux situations où l'HbAlc n'est pas valide, et si l'on souhaite
objectiver un changement rapide de l'équilibre glycémique.
Toute modification de la vitesse de renouvellement des protéines sériques impacte le résultat.

D. Complications rénales : recherche d'une atteinte glomérulaire


Une atteinte glomérulaire débutante est recherchée par le dosage de microalbuminurie.
Recommandations HAS 2011 :
■ la détermination de l'excrétion urinaire d'albumine doit être réalisée à partir d'un
échantillon urinaire pouvant être prélevé à tout moment de la journée (très bonnes
performances diagnostiques permettant de remplacer la mesure des urines des
24 heures par un prélèvement urinaire);
■ le recueil des urines des 24 heures n'est pas nécessaire;
le résultat doit être exprimé sous la forme d'un ratio Albuminurie/Créatininurie (A/C)
Les seuils diagnostiques figurent dans le tableau ci-dessous.

Albuminurie
Microalbuminurie Macroalbuminurie
normale
Albuminurie/créatininurie < 2,5 (homme) 2,5 à 30 (homme)
>30
(mg/mmol) < 3,5 (femme) 2,5 à 30 (femme)

E. Complications aiguës du diabète


1. Acidocétose
L'acidocétose est une complication aiguë grave du diabète, consécutive à une carence
absolue en insuline. Elle est fréquemment le mode de révélation du diabète de type 1
ou peut survenir au cours de la maladie en cas d'interruption de l'insulinothérapie.
Le diagnostic biologique positif est posé devant l'association des anomalies suivantes :
glycémie > 2,5 g/1;
■ pH artériel< 7,30 et concentration de bicarbonates plasmatiques< 15 mmol/1;
cétonurie > ++ sur la bandelette.
Par ailleurs :
le trou anionique peut être augmenté;
Il La natrémie est normale ou basse selon l'importance des pertes hydriques et sodées
■ Attention: si la natrémie est mesurée par potentiométrie indirecte, elle estfaussement
abaissée en raison de l'hyperglycémie; Il est nécessaire de calculer la natrémie corrigée:

natrémie corrigée= natrémie mesurée (mmol/1) + (glycémie (git) -1)

► la kaliémie est basse, normale ou élevée : il existe une déplétion potassique au sein
de l'organisme en raison de l'hyperaldostéronisme secondaire à la déshydratation
extracellulaire, mais l'acidose a un effet hyperkaliémiant. La mise en route de
l'insulinothérapie peut entraîner une baisse importante de la kaliémie.
82 Diabète sucré de type 1 et de type 2 chez l'adulte et chez l'enfant. Complications

2. Coma hyperosmolaire
Il s'agit d'une forme grave de décompensation du diabète sucré, avec une déshydratation
intense.
Le diagnostic biologique associe :
une glycémie > 6 g/l;
■ une osmolalité plasmatique > 350 mOsm/kg;
■ l'absence d'acidose;
■ une cétonémie/urie absente ou faible.
La natrémie peut être initialement normale mais s'élève au fur et à mesure que la
déshydratation s'installe pour dépasser 150 mmol/l
Attention : si la natrémie est mesurée par potentiométrie indirecte, calculer la natrémie
corrigée (cf. ci-dessus)
83

FICHE FLASH
O Le diagnostic s'établit par mesure de la glycémie à jeun ou d'une glycémie à n'importe quel moment de
la journée.
D Le diagnostic de diabète gestationnel s'établit par une mesure de la glycémie à jeun au 1°' trimestre ou
d'une hyperglycémie provoquée par voie orale entre la 24° et la 28 ° semaine d'aménorrhée.
D La surveillance de l'équilibre glycémique à moyen terme fait appel essentiellement à l'HbA1c qui
correspond à l'HbAO ayant fixé une molécule de glucose sur son extrémité N-terminale. Elle reflète
l'équilibre glycémique des 2 à 3 derniers mois.
O L'HAS a défini une valeur cible d'HbA1c pour différents profils de patients.
O Dans certaines situations particulières, on peut quantifier la fructosamine qui reflète l'équilibre glycémique
sur les 2 à 3 dernières semaines seulement. li n'y a pas de valeurs cibles pour le dosage de la fructosamine.
D Les 2 complications aiguës du diabète sont l'acidocétose et le coma hyperosmolaire.
CJ L'acidocétose associe une hyperglycémie (>2,5 g/1), une acidose métabolique et une cétonurie franche.
□ Le coma hyperosmolaire associe une hyperglycémie majeure(> 6 g/1) et une hyperosmolalité plasmatique.
La cétonurie est basse et il n'y a pas d'acidose.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - QCM

OCM
--------------------------------------------------------------------------
► 1. En dehors de la grossesse, le diagnostic de diabète est posé si:
A. La glycémie à jeun est> 1,26 g/I (7 mmol/I) à une reprise
B. La glycémie à jeun est> 1,1 g/I (6,1 mmol/I) à 2 reprises
C. La glycémie 2 h après un repas est> 1,4 g/I (7,8 mmol/I) à une reprise
D. La glycémie est> 2 g/I quel que soit le moment de la journée à une reprise
E. LHbA1c est> 6 %
Réponse: D

► 2. l.'.HbA1c:
A. Permet d'estimer l'équilibre glycémique moyen des 2 à 3 derniers mois
B. Est sous-estimée en cas d'hémolyse intravasculaire
C. Est sous-estimée en cas de carence martiale
D. Doit être < 7 % chez un patient diabétique de type 1
E. Doit être < 6 % chez un patient diabétique de type 1 avec une hémoglobine S à l'état
hétérozygote
Réponses : A, B, D
ITEM 248

DENUTRITION CHEZ L'ADULTE


ET L'ENFANT
Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une dénutrition dans les différentes populations de patients
• Identifier les sujets à risque de dénutrition
• Prescrire un soutien nutritionnel de premier recours

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE


• Connaître les marqueurs biologiques de la dénutrition

1. INTRODUCTION
La dénutrition est définie comme un déséquilibre entre les apports et la dépense énergétique de
l'organisme. Ce déséquilibre conduit à des pertes tissulaires (amaigrissement non volontaire) ayant
des conséquences fonctionnelles délétères. Lorsque les apports alimentaires ne sont pas équilibrés,
on parle de malnutrition.
La dénutrition est un problème de santé publique qui touche tous les pays, même les pays développés.
En Europe la prévalence de la dénutrition varie entre 5 et 10 %, plus fréquente chez la personne âgée,
avec une prévalence estimée d'une personne sur cinq en 2050 selon l'INSEE. Par ailleurs, la dénutrition
est plus fréquente chez les personnes hospitalisées quelle que soit la tranche d'âge. En effet, l'IMC
diminue d'un point et demi après une semaine d'hospitalisation.
Les conséquences de la dénutrition sont multiples et dépendent de l'évolution de la maladie, de la rapidité
de la cicatrisation, de l'état immunitaire du patient, et enfin de complications infectieuses. Chez l'enfant,
la dénutrition entraîne une cassure de la courbe de croissance.
L'origine peut provenir d'un apport énergétique insuffisant, ou d'origine endogène (maladies chroniques
inflammatoires, cancer ou stress métabolique), ou de situations d'agression, d'origine exogène (infections),
conduisant à une perte tissulaire par hyper-catabolisme.
La dénutrition peut être d'installation aiguë ou chronique selon les circonstances d'apparition et les
pathologies sous-jacentes. Le plus souvent, son apparition est lente et parfois masquée par la prépondérance
du tissu adipeux ou la présence d'œdèmes.
La dénutrition aiguë sera toujours la conséquence d'une pathologie associée, médicale, chirurgicale ou
traumatique. Sa gravité dépend de celle de la maladie sous-jacente et de la prise en charge.
La dénutrition chronique peut s'installer de manière indépendante ou associée à des pathologies chroniques.
Les facteurs déclenchants peuvent être d'origine socio-économique, liés au vieillissement, ou à un état
dépressif.
86 Dénutrition chez l'adulte et l'enfant

Le dépistage précoce de la dénutrition est du ressort du médecin traitant principalement,


dont le rôle est d'estimer brièvement l'appétit, les apports alimentaires et la dépense
énergétique du patient, permettant d'adapter les apports nutritionnels aux besoins et
prévenir les complications.

Il. DIAGNOSTIC D'UNE DÉNUTRITION DANS LES DIFFÉRENTES


POPULATIONS DE PATIENTS

A. Mécanismes de la dénutrition
1. Carences d'apport
Les causes d'une carence d'apport peuvent être multiples, en dehors de toute pathologie
sous-jacente: le manque de ressources économiques, l'isolement, l'état dépressif, un
déséquilibre alimentaire par une typologie du type végétalisme ou végétarisme. Elles peuvent
être secondaires à d'autres pathologies: troubles du comportement alimentaire (anorexie
mentale, boulimie), mauvais état bucco-dentaire, prescription médicale d'un régime trop
restrictif (hypolipidique, hypoprotéique, hyposodé, hypocalorique, hypoglucidique), de
séquelles neurologiques, alcoolisme chronique, de séquelles chirurgicales, secondaires à
la prise de médicaments qui modifient le goût ou provoquent de la diarrhée.

2. Augmentation des besoins


En dehors d'une augmentation des besoins par excès d'activité physique, les situations
d'agression exogène (infections) ou endogène (maladies chroniques inflammatoires,
cancer ou stress métabolique) sont responsables d'une augmentation de la dépense
énergétique, du catabolisme protéique et de la synthèse protéique. Dans ces situations,
la prise alimentaire ne suffit pas à combler les besoins. Alors, la mobilisation des
réserves de l'organisme, essentiellement les protéines musculaires, permet de
subvenir aux besoins, et une augmentation des apports protéiques est indispensable.
L'augmentation de l'apport protéique est assurée seulement si une prescription médicale
est délivrée et si le patient arrive à consommer la totalité de ce qui est prescrit. Dans
des situations d'agression majeure, une assistance nutritionnelle, parfois artificielle,
doit être prescrite le plus rapidement possible.

3. Augmentation des pertes


La dénutrition peut être la conséquence d'une malabsorption digestive d'origine chirurgicale
ou médicale (mucoviscidose, pancréatite chronique, radiothérapie étendue). La diarrhée
chronique, quelle que soit sa cause (mécanique, infectieuse ou médicamenteuse) entraîne
une dénutrition. Par ailleurs, les maladies chroniques comme le diabète, la cirrhose,
les néphropathies et le syndrome néphrotique, sont associées à une perte constante en
protéines. Le traitement à long terme par diurétiques provoque des pertes d'électrolytes et
de micronutriments. Une adaptation du régime alimentaire permet de maintenir un bon
état nutritionnel, mais il faut être vigilant, car à terme, une assistance nutritionnelle
peut s'avérer indispensable.

B. Conséquences de la dénutrition
La dénutrition s'accompagne d'une diminution de la masse maigre, notamment de la masse
musculaire et d'une altération des fonctions physiologiques musculaires et immunitaires.
Le décès survient lorsque la perte de la masse protéique atteint environ 50 %.

1. Immunodépression
La dénutrition est la première cause d'immunodépression. Celle-ci se manifeste par des
infections plus fréquentes et plus sévères à tous les niveaux: infections respiratoires,
bactériémies, infections du site opératoire, urinaires, etc. L'incidence des infections est plus
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 248 87

élevée chez les patients dénutris. Puis, les infections elles-mêmes majorent la dénutrition
et créent un cercle vicieux, entraînant parfois le décès du patient.
2. Diminution de la masse maigre
La dénutrition entraîne une perte musculaire provoquant parfois une véritable myopathie
carencielle. La myopathie diaphragmatique, est un facteur du retard de sevrage de la
ventilation artificielle. Le muscle cardiaque, en général est préservé, mais finit à long terme
par être défaillant. Par conséquent, on peut observer une insuffisance cardiaque congestive,
aggravée par des carences en micronutriments (vitamine Bl et sélénium).
3. Atteintes neurologiques périphériques
L'atteinte neurologique périphérique est une neuropathie diffuse, caractérisée par une
atrophie musculaire distale accompagnée d'une faiblesse musculaire et d'un déficit sensitif
(« en chaussettes» ou « en gants», une hypoesthésie du tronc « en plastron» et du crâne
« en calotte»). Parfois on observe une polyradiculonévrite, c'est-à-dire une atteinte
sensitivomotrice ascendante, diffuse, atteignant les racines des nerfs crâniens (troubles
de la déglutition) et des nerfs spinaux.

4. Atteintes neurologiques centrales et des fonctions intellectuelles


Caractérisées par une irritabilité et une tendance à la dépression.
5. Atteintes endocriniennes
La dénutrition est la première cause d'hypogonadisme central entraînant une
aménorrhée par diminution de la fonction hypophysaire. Le panhypopituitarisme est
rarement observé. On peut observer également une diminution de la fertilité. Même
si l'on observe une diminution de la T3, la fonction thyroïdienne est habituellement
préservée. Par contre, une diminution de la T4 est un signe de mauvais pronostic. En
cas de dénutrition sévère, on peut observer une hypothermie.

6. Atteintes hématologiques
L'anémie, la leucopénie, et la thrombocytopénie peuvent être observées de manière isolée
ou globale (pancytopénie). Elles sont la conséquence de carences en micronutriments (fer,
B12, folates et cuivre).
7. Autres conséquences
Modification de la pharmacocinétique des médicaments : par modification du volume
de distribution, de la liaison aux protéines, du métabolisme hépatique et de l'élimi­
nation rénale. Ces modifications, parfois cytotoxiques, obligent parfois à arrêter le
traitement médicamenteux, entraînant un cercle vicieux aggravant la dénutrition.
■ Augmentation du coût de prise en charge des pathologies et augmentation des
hospitalisations.

C. Diagnostic de dénutrition chez l'adulte


Tout d'abord, il est indispensable d'identifier les situations à risque et de la rechercher
de manière systématique à la consultation ou pendant l'hospitalisation.

1. Facteurs de risque
• Niveau socio-économique défavorable.
■ Personne âgée.
■ Troubles du comportement alimentaire.
■ Maladies psychiatriques.
R Maladies neurologiques.
88 Dénutrition chez l'adulte et l'enfant

2. Diagnostic clinique
L'anamnèse détaillée de l'histoire de la perte de poids permet d'identifier les patients
à haut risque. Une perte de poids 5 % en 3 mois est équivalent à 10 % en 6 mois. De
la même façon, une perte supérieure à 10 % en 1 mois ou à 15 % en 6 mois.
■ Le diagnostic de dénutrition est posé quand la perte de poids atteint 10 % du poids
habituel.
■ Index de masse corporel (IMC) : l'IMC correspond au rapport du poids (kg) sur le carré
de la taille (exprimée en mètres-carrés). Chez le patient grabataire, la taille peut
être estimée à partir de la formule de Chumlea qui tient compte de la distance
talon-genou. Une personne est dénutrie si l'IMC est inférieur à 18,5, sauf pour
la personne âgée (Item N ° 250) en raison de la prise du poids physiologique liée
à l'âge, la dénutrition est présente quand l'IMC est < 21.

3. Diagnostic biologique
Plusieurs marqueurs biologiques de dénutrition ont été proposés, mais aucun ne
possède une sensibilité et une spécificité suffisante pour être utilisé de manière isolée,
alors ils doivent être couplés soit à l'IMC, soit à d'autres marqueurs biologiques pour
poser le diagnostic de la dénutrition. Les marqueurs biologiques les plus utilisés
sont l'albumine et la transthyrétine, qui reflètent la disponibilité des acides aminés
(Tableau 1).
■ Albumine : synthétisée par le foie, constitue la protéine sérique la plus abondante
(valeurs normales 35-50 g/1), d'une demi-vie d'environ 21 jours, elle module la pres­
sion oncotique et agit comme transporteur de multiples protéines et médicaments.
Sa diminution est observée dans la dénutrition, mais également dans de multiples
circonstances : insuffisance hépatique, pathologies rénales, entéropathies à perte
de protéines, etc. Toutefois, une concentration inférieure à 30 g/1 est un signe de
mauvais pronostic.
■ La tranthyrétine (préalbumine, TTR), est principalement synthétisée et catabolisée
par le foie et excrétée par les reins et le tractus gastro-intestinal, et forme un complexe
avec la renitol binding protein (RBP). Ce complexe permet le transport du rétinol et
des hormones thyroïdiennes. Les valeurs normales sont de 0,20-0,40 g/1, mais elles
varient en fonction de l' âge et du sexe. Son intérêt dans la dénutrition est le dépistage
d'une dénutrition récente encore inaperçue sur le plan clinique, et l'appréciation de
l'efficacité des mesures thérapeutiques nutritionnelles. Elle permet de classer les
patients en 3 catégories :
► 0,11-0,20 g/1 dénutrition modérée;
► 0,05-0,11 g/1 dénutrition sévère;
► < 0,05 g/1 pronostic vital engagé.

Tableau 1 : Outils proposés par le PNNS pour le dépistage de la dénutrition

1. Anthropométrie :
Perte de poids avant l'admission : 2 kg ou 5 % en 1 mois ou 4 kg ou 10 % en 6 mois
IMC < 18,5 kg/m2
2. Biologie :
Albumine : < 30 g/I
Transthyrétine (préalbumine, TTR en g/I)
> 0,14 : pas de risque nutritionnel
0,10 - 0,14 risque nutritionnel moyen
< 0,05 risque nutritionnel majeur

IMC : index de masse corporel; PNNS : Programme National Nutrition Santé


Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 248 89

4. Marqueurs du risque nutritionnel


En absence d'un seul marqueur clinique ou biologique valable, des marqueurs
combinant les données cliniques et biologiques ont été créés, parmi eux, l'index de
Buzby (Nutritionnal Risk Index, NRI) est le plus répandu, il utilise la formule suivante :

NRI = 1,519 x albumine (g/1) + 0,417 x (poids actuel/poids usuel) X 100

Cet index permet de classer les patients en trois catégories à risque


NRI > 97,5 pas de risque;
• NRI 83,5 - 97,5 risque modéré;
• NRI < 83,5 risque élevé.
5. Procédures de dépistage
Le programme national nutrition santé (PNNS) propose une procédure de dépistage
spécifique selon le site de prise en charge, avec 3 niveaux. Le premier niveau doit être
mis en œuvre dans les premières 24 heures. En fonction du résultat obtenu, la prise
en charge nutritionnelle peut s'arrêter, tout en restant vigilant ou bien elle évoluera
aux deux niveaux suivants.

D. Diagnostic de la dénutrition chez l'enfant


Dans les pays industrialisés, la dénutrition chez l'enfant est dans la plupart des cas la
conséquence des complications d'une pathologie, aiguë ou chronique qui peut réduire les
apports (intolérance alimentaire, troubles du comportement alimentaire) ou augmenter les
besoins (inflammation, hypercatabolisme). La prévalence de la dénutrition chez l'enfant reste
constante depuis plusieurs années malgré les progrès de la médecine, et d'environ 15-20 %.
1. Clinique
La dénutrition chez l'enfant entraîne une cassure de la courbe de croissance. En
effet, la croissance suppose l'accroissement permanent des tissus, ainsi qu'un gain
pondéral et statural. Chez l'enfant, la croissance à un coût énergétique élevé en termes
de consommation protéique, en particulier chez le nourrisson et l'adolescent. Toute
élévation pathologique de la dépense énergétique doit être suivie d'une augmentation
des apports. Tout déséquilibre entre les apports et la demande nutritionnelle entraîne
un ralentissement de la croissance. Il faut noter, que la présence d'œdèmes peut masquer
une perte de poids, mais fort heureusement, un ralentissement du gain statural chez
l'enfant est un marqueur de perte de la masse maigre.
Les courbes de croissance en France (courbes de Sempé et Pédron) permettent, pour
chaque sexe, de rapporter le poids, la taille et l'index de masse corporel à la valeur médiane
d'une population de référence. Par ailleurs, à partir de données anthropométriques,
des scores de malnutrition ont été créés, parmi eux le score de Waterlow (Tableau 2).
Cependant, les courbes de croissance restent la référence pour le dépistage de la
dénutrition. Ainsi, une perte de poids récente, avec une évolution de la taille normale,
évoque une dénutrition aiguë. Par contre, un ralentissement de la croissance statural
associé à une diminution pondérale plus ancienne évoque une dénutrition chronique.
La mesure du pli cutané permet de calculer la masse grasse, et, par soustraction, la masse
maigre. En outre, le rapport périmètre brachial/périmètre crânien (N = 0,3 ± 0,02) est
corrélé aux rapports poids/âge et poids/taille chez l'enfant âgé entre 3 mois et 4 ans. Ces
mesures doivent être réalisées chez tout enfant lors du suivi de la renutrition.
2. Biologie
Comme chez l'adulte la dénutrition peut s'accompagner d'anomalies biologiques
(hypoprotidémie, troubles électrolytiques, carences en micronutriments, etc.).
Néanmoins, à la différence de l'adulte, les anomalies biologiques ne sont pas utilisées
90 Dénutrition chez l'adulte et l'enfant

dans un objectif diagnostique de dénutrition. Par contre, la biologie oriente le diagnostic


étiologique, l'efficacité et le suivi de la renutrition.

3. Prévention de la dénutrition
La prévention implique un dépistage précoce lors de la consultation systématique chez le
pédiatre, ou dès l'admission et à tout moment de l'hospitalisation. Il existe un score basé
sur des paramètres cliniques (Tableau 2).

Tableau 2 : Score de risque nutritionnel pédiatrique

Risque Niveau
Risque
supplémentaire de risque Risque
liéà la Schéma de prise en charge
lié aux facteurs du nutritionnel
pathologie
associés patient
Absence de facteur
0 FAIBLE Aucune prise en charge spécifique
associé
Pathologie Un seul facteur Surveillance du poids
0
mineure associé
Surveillance simple de l'alimentation sur un
Deux facteurs support écrit pendant les trois premiers jours
2 d'hospitalisation
associés
MOYEN
Absence de facteur Prescription diététique médicale
associé Consultation diététique
Pathologie Un seul facteur Mise en place d'une prise en charge diététique
2 orale
moyenne associé
Deux facteurs
3 Évaluation de l'état nutritionnel
associés
Absence de facteurs Mesure précise des ingesta. Enquête alimentaire
3
associés Mise en place d'une prise en charge diététique
ÉLEVÉ orale, voire entérale
Pathologie Un seul facteur
3 4 Discuter rapidement de l'opportunité d'une
sévère associé
alimentation parentérale, si la voie digestive
Deux facteurs est impossible au-delà de 5 jours
5
associés

Ill. IDENTIFICATION DES SUJETS À RISQUE DE DÉNUTRITION


Les sujets les plus concernés sont les personnes âgées (item n° 250).
Le cancer et les pathologies chroniques comme, les bronchopeumopathies, l'insuffisance
rénale, les hépatopathies, l'insuffisance chronique et même l'obésité, augmentent le
risque de développer un état de dénutrition.

a. Cancer
Les organes affectés par le cancer, ainsi que le traitement anticancéreux, vont avoir des
conséquences métaboliques et modifier la composition corporelle. Les mécanismes en lien
avec la dénutrition sont en premier lieu la perte de la masse musculaire, l'état inflammatoire
chronique, le métabolisme tumoral, les obstacles de la masse tumorale (tumeurs digestives),
les effets secondaires du traitement (diarrhées, vomissements) et enfin l'état dépressif
souvent observé dans le cancer.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 248 91


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b. Pathologies chroniques d'organes


Presque la moitié des patients porteurs de pathologies chroniques : cardiaque, pulmonaire,
rénale et hépatique, ont un état de dénutrition. La présence d'une dénutrition a un impact
sur leur survie. En effet, la dénutrition est corrélée à la survenue de complications, la
dépendance de patients, la nécessité de soins, la fréquence d'hospitalisations, ainsi qu'à
la mortalité.
Les mécanismes impliqués dans le développement d'une dénutrition sont multiples, facteurs
environnementaux (solitude, problèmes socio-économiques), facteurs endogènes : état
inflammatoire, insulino-résistance. Ces facteurs peuvent être spécifiques de la maladie
sous-jacente (comme illustré dans le tableau).

Mécanisme Cardiopathie Pneumopathie Néphropathie Hépatopathie


-sociaux et
comportementaux
Oui Oui Oui Oui
Sédentarité, solitude,
dépression, pauvreté.

Anorexie multifactorielle:
Anorexie,
insuffisance de dialyse,
Apports alimentaires déséquilibre
Anorexie, anémie, troubles
Réduction des apports inadéquats par alimentaire, la
sensation de fonctionnelles digestifs,
alimentaires rapport à la dépense consommation de
satiété précoce dysgueusie, défaut de
énergétique calories d'origine
dépuration des molécules,
alcoolique
anorexigènes
Augmentation de la
Non Oui Oui Oui
dépense énergétique
Accélération
Non documenté Oui Oui Oui
renouvellement protéique
Inflammation Oui Oui Oui Oui
lnsulino-résistance Oui Oui Oui Oui
Anémie, parésie digestive,
acidose métabolique,
hypoandrogénie, Alcoolisme,
résistance à l'hormone malabsorption
de croissance, défaut intestinale,
Ma/absorption
Autres facteurs de Hypoxie cellulaire d'action de l'IGF-1, insuffisance
intestinale,
dénutrition documentés hypoandrogénie hyperparathyroïdie, pancréatique,
hypoxie cellulaire
déperditions défaut de synthèse
péridialytiques de de l'IGF-1,
nutriments, catabolisme hypoandrogénie
protéique induit par la
dialyse.
92 Dénutrition chez l'adulte et l'enfant

Devant une pathologie chronique ou un cancer, il est impératif, à chaque visite médicale
au cabinet ou en institution, de poser 4 questions :
quelle est la situation actuelle? IMC;
■ la situation est-elle stable? Évolution du poids dans le temps. Attention aux amai­
grissements rapides (>5% en un mois);
■ la situation peut-elle s'aggraver? Estimation des apports par rapport aux besoins
énergétiques;
■ la pathologie du patient peut-elle aggraver la dénutrition? Existe-t-il un contexte
inflammatoire surajouté : infection, chirurgie.

Apports nutritionnels au cours de pathologies chroniques

Cardiopathie Pneumopathie Néphropathie Hépatopathie


Les protéines seront En présence d'une cirrhose et une
Augmentation de ajustées selon le degré de dénutrition associée les apports
Re s t r i c t i o n l'apport énergétique : l'insuffisance rénale chez le en protéines doivent augmenter
hydrique : 1,5 I/j x1,3 de la dépense patient non dialysé, allant de à1,5g/j.
et sodée : 2 g/j. énergétique de 0,6 g à0,8 g/j chez le patient Si la cirrhose s'accompagne d'une
La restriction totale repos, privilégiant non dialysé.
les glucides jusqu'à encéphalopathie, les apports en
en sel augmente la
60 % de l'apport L:apport sera beaucoup plus protéines doivent être diminués
mortalité
énergétique. important chez le patient avec un supplément d'acides
dialysé 1,2-1,3 g/j aminés ramifiés

IV. PRESCRIRE UN SOUTIEN NUTRITIONNEL DE PREMIER RECOURS

A. Chez l'adulte
■ Recommandations diététiques.
■ Mesures correctives permettant d'augmenter les apports oraux :
► alimentation fractionnée;
► alimentation enrichie : augmentation de l'apport protéique et/ou calorique des
plats sans augmenter la quantité;
► alimentation à texture modifiée : si troubles de la mastication, déglutition;
► compléments nutritionnels oraux : préparation nutritives ± complètes.

La prise en charge diététique avec des compléments nutritionnels oraux (CNO) est indiquée
lorsque la prise alimentaire orale est possible mais spontanément insuffisante pour couvrir
les besoins nutritionnels. Leur composition doit être adaptée aux besoins nutritionnels
particuliers du patient.
■ Règles de prescription des CNO :
► prescription précoce avant l'apparition d'une dénutrition sévère;
► apport d'un minimum de 30 g de protéines ou 400 kcal/j et au maximum 80 g de
protéines ou 1000 kcal/j;
► poursuite jusqu'à ce que les apports spontanés soient suffisants.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 248 93

B. Chez l'enfant
La prise en charge nutritionnelle chez l'enfant doit être encadrée par des professionnels de
santé. La dénutrition sévère est prise en charge à l'hôpital. Le choix de la voie (orale, entérale
ou parentérale) dépend de la gravité de la dénutrition et de la présence de troubles digestifs.
Orale : préférences alimentaires de l'enfant, mais enrichies en calories.
■ Entérale : en cas d'alimentation par voie orale impossible ou insuffisante, et si le tube
digestif est inutilisable.
► Sonde nasogastrique : attention aux risques : déplacement de la sonde, fausse­
route, vomissements, accident d'inhalation.
► Gastrostomie : plus simple d'utilisation, mais réservée si l'assistance nutritionnelle
dépasse 2-3 mois.

■ Nutrition parentérale : réservée aux enfants atteints de pathologie digestive entraî­


nant une malabsorption.
94

FICHE FLASH
W Mécanismes de la dénutrition:
► 1. carences d'apport (pauvreté, dépression, végétalisme, végétarisme, troubles du comportement
alimentaire);
► 2. augmentation des besoins (situations d'agression exogène ou endogène);
► 3. augmentation des pertes (malabsorption, pathologies chroniques).
□ Conséquences de la dénutrition: Immunodépression; sarcopénie; perturbations neurologiques centrales
et périphériques, endocriniennes et hématologiques.
U Facteurs de risque: Niveau socio-économique défavorable, personne âgée, nourrisson, troubles du
comportement alimentaire, maladies psychiatriques et maladies neurologiques.
□ Diagnostic de la dénutrition: Clinique, IMC < 18,5 kg/m2 ou perte de poids avant l'admission: 2 kg ou 5 %
en 1 mois, soit 4 kg ou 10 % en 6 mois. Biologique: albumine < 30 g/1, pré-albumine inférieure à 50 mg/1.
0 Toute consultation de pédiatrie, doit comporter la détermination de l'IMC. Toute pathologie peut être
cause de dénutrition chez l'enfant. Elle doit être systématiquement recherchée chez l'enfant malade.
95

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Dénutrition : une pathologie méconnue en société d'abondance. Ministère de la santé


et des sports. Société francophone nutrition clinique et métabolisme
https://solidarites-sante.gouv.fr/lMG/pdf/brochure_denutrition.pdf

+ Avis de l'ANSES relatif a l'évaluation des justificatifs d'emploi d'aliments diététiques


destinés a des fins médicales spéciales pour les besoins nutritionnels de patients de
plus de trois ans en cas de dénutrition ou de risque de dénutrition
https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2014SA0162.pdf

+ Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergérique chez la


personne âgée
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_denu­
trition_personnes_agees.pdf
ITEM 249
AMAIGRISSEMENT À TOUS LES ÂGES
Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
• Prise en charge médicamenteuse de la maladie de Huntington (2015).
• Lymphome de Hodgkin classique de l'adulte - Parcours de soins (2013).
• Dépistage et prévention du cancer colorectal (2013).
• ALD n° 30 - Lymphomes non hodgkiniens de l'adulte (2012).
• ALD n° 30 - Cancer de l'estomac (2011).
• ALD n° 30 - Cancer de l'œsophage (2011).
• ALD n° 24 - Rectocolite hémorragique (2008).

1. INTRODUCTION
La perte de poids est une cause fréquente de consultation. Elle peut s'observer dans un contexte
de maladies évolutives entraînant une altération de l'état général ou témoigner d'un trouble du
comportement alimentaire d'origine psychique.
L'amaigrissement est une perte de poids de novo, quel que soit le poids initial, la perte de poids est
évolutive (à la différence de la maigreur constitutionnelle), le plus souvent récente ou semi-récente :
2 % du poids en une semaine, 5 % en un mois, ou 10 % en six mois. Une perte involontaire de 5 kg est
toujours significative.
Diagnostic différentiel : la maigreur constitutionnelle, dont le poids est stable mais inférieur à des
normes (IMC entre 16 et 18 kg/m2), variant avec l'environnement socioculturel, les époques, la mode.
Il existe un caractère familial fréquent.
Une grande variété de pathologies sont impliquées : métaboliques, nutritionnelles, inflammatoires,
tumorales et psychiatriques.
L'amaigrissement nécessite une démarche diagnostique rigoureuse, en insistant sur l'anamnèse et
l'examen clinique. Mais 10 % des cas restent sans diagnostic.

Il. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

A. Anamnèse
L'interrogatoire reconstitue l'histoire pondérale et ses circonstances. Mesure de la perte de poids, de sa
cinétique et de sa durée (IMC minimal, IMC maximal et poids de stabilisation). Rechercher une maigreur
ancienne ou séquellaire à une pathologie.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 249 97

Le contexte clinique est utile: âge, sexe, modifications du contexte familial, social ou
professionnel, antécédents (maigreur familiale ou séquellaire d'une affection antérieure),
conditions de vie, présence de signes généraux: anorexie, fièvre, asthénie; et fonctionnels
associés: diarrhées, nausées, sueurs, troubles du cycle menstruel, tremblements. On évalue
les habitudes alimentaires et l'état de l'appétit, quantification des apports alimentaires,
troubles du goût et de l'odorat. On recherche une consommation d'alcool, de tabac et de
drogues, ou des changements de l'activité physique. Enfin, il faut rechercher les antécédents
médico-chirurgicaux et les traitements prescrits ou ceux pris en automédication.

B. Enquête alimentaire
Elle peut révéler une relation de la perte de poids avec une diminution des apports
nutritionnels. Elle permet également de préciser la notion d'anorexie(+++) ou d'hyperphagie.
En effet, un appétit conservé voire une hyperphagie pourrait orienter vers une hyperthyroïdie.

C. Examen clinique complet


Détermination de l'index de masse corporel: poids (kg)/taille2 (m).
Aspect de la peau, présence de signes de carences en vitamines, pâleur cutanéo-muqueuse.
Palpation de la thyroïde, goitre homogène ou nodulaire.
Anomalies cardio-respiratoires, à la recherche de signes d'insuffisance cardiaque et/ou
de troubles du rythme, tachycardie, souffles, râles. Examen cardio-vasculaire complet.
Palpation abdominale: hépatosplénomégalie, masse colorectale, aires ganglionnaires.
Touchers pelviens (prostate, vaginal).
Examen neurologique : test de fonctions supérieures, signes de dépression.
Les examens complémentaires, biologiques et paracliniques sont demandés en fonction
des signes d'orientation à l'interrogatoire ou à l'examen clinique. Par contre, lorsque
l'amaigrissement paraît isolé, certains examens sont utiles pour l'enquête étiologique.

D. Examens complémentaires
Les examens suivants sont utiles pour orienter le diagnostic étiologique:
■ NFS, VS, plaquettes, CRP;
■ Na, K, Cl, bicarbonates, calcium, phosphore, urée, créatininémie;
■ glycémie à jeun;
■ transaminases, phosphatases alcalines, taux de prothrombine;
■ TSH, T4 libre;
■ sérologie VIH;
■ ECBU;
■ électrophorèse des protides évaluant albumine et pré-albumine;
■ radiographie du thorax F + P;
■ échographie abdominale;
■ fibroscopie digestive haute (après 50 ans ou en cas de symptomatologie suggestive);
■ dépistage d'une malabsorption: albuminémie, vitamine B12, folates, graisses fécales,
test au D-xylose.
98 Amaigrissement à tous les âges

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Causes d'amaigrissement
L'ensemble de données clinico-biologiques pourront orienter le diagnostic, voici quelques
exemples d'orientation clinico-biologique.

Clinique (en plus Examen


Diagnostic
d'amaigrissement) complémentaire
Palpitations, tremblements, diarrhées,
TSH effondrée, T4 élevée Hyperthyroïdie
insomnies
Polyurie, polydipsie Hyperglycémie, glycosurie Diabète
Asthénie, somnolence, anorexie Hypercalcémie, PTH variable Hypercalcémie
Amyotrophie, mélanodermie (IS
Insuffisance
périphérique), asthénie, hypotension, Hypernatrémie, cortisol bas
surrénale
troubles digestifs
Cortisol bas Pan-hypopituitarisme
Céphalées, palpitations, sueurs Catécholamines élevées Phéochromocytome
Asthénie, somnolence, anorexie Hypercalcémie Hyper-parathyroïde
Altération progressive de l'état général, Syndrome inflammatoire,
Tuberculose
adénopathies intradermo-réaction positive
Amaigrissement possible en dehors de
HIV+ SIDA
toute infection opportuniste
Asthénie, céphalée, arthralgie, éruption Anticorps positifs : anti­ Lupus érythémateux
cutanée nucléaires, ADN natif. systémique
Graisses fécales, test au
Selles abondantes, pâteuses ou
D-xylose, albumine, vitamine Malabsorption
diarrhéiques. Signes parfois absents
812
Transaminases, échographie
Anorexie, douleurs, dépression abdominale, radiographie de Néoplasie
thorax, fibroscopie digestive
Perte de poids parfois masquée par les
Insuffisance
œdèmes, amaigrissement de mauvais BNP
cardiaque
pronostic
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 249 99

E. Signes de gravité
La recherche des signes de gravité suivants est indispensable pour orienter le plus rapidement
possible le patient vers une nutrition artificielle :
IMC < 15;
• perte de poids > 30 %;
• hypotension artérielle;
• bradycardie;
• hypothermie;
• ralentissement psychomoteur;


hypoglycémie;
troubles ioniques (Na, K);
Il hypophosphorémie;
• hypoalbuminemie < 30 g/1;
• élévation des transaminases .

F. Moyens thérapeutiques
Chez le sujet présentant une maigreur constitutionnelle : encourager la consommation
d'une alimentation plus énergétique et la prise de collations.
En cas d'amaigrissement anormal lié à une pathologie chronique ou chez le sujet
âgé : conseiller une augmentation des apports caloriques en prenant des mesures
d'accompagnement social.
■ Critères de choix des modalités de prise en charge (HAS) :
► le statut nutritionnel de la personne âgée;
► le niveau des apports alimentaires énergétiques et protéiques spontanés;
► la sévérité de la (des) pathologie(s) sous-jacente(s);
► les handicaps associés ainsi que leur évolution prévisible;
► l'avis du malade et/ou de son entourage ainsi que les considérations éthiques.

Il Indications de la prise en charge (HAS)


► l'alimentation par voie orale est recommandée en première intention sauf en cas
de contre-indication;
► la nutrition entérale (NE) est envisagée en cas d'impossibilité ou d'insuffisance
de la nutrition orale;
► la nutrition parentérale est réservée aux trois situations suivantes et mise en œuvre
dans des services spécialisés, dans le cadre d'un projet thérapeutique cohérent :
• les malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles;
• les occlusions intestinales aiguës ou chroniques;
• l'échec d'une nutrition entérale bien conduite (mauvaise tolérance).
100 Amaigrissement à tous les âges

Ill. EN RÉSUMÉ

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ITEM 69
TROUBLES DES CONDUITES
ALIMENTAIRES : CONNAÎTRE
LES PRINCIPALES ANOMALIES
MÉTABOLIQUES ASSOCIÉES
Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer les troubles des conduites alimentaires chez l'adolescent et l'adulte.
• Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi des troubles des conduites
alimentaires.
• Connaître les principales anomalies métaboliques associées à ces troubles et
leur prise en charge en situation aiguë.

1. INTRODUCTION
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont définis comme des comportements visant à
contrôler son poids de manière significative en nuisant à la santé physique et à l'adaptation psychosociale,
sans être liés à une affection organique ou à un trouble psychiatrique. Ces troubles ont comme point
commun, l'altération de la perception de la silhouette et du poids corporel. Même si l'origine des TCA
est souvent psychique (adaptation à des situations de stress), ils évoluent vers la mise en place d'une
sous ou surnutrition engendrant des effets négatifs pour la santé. C'est pourquoi, les TCA doivent
être repérés précocement avant d'engager le pronostic vital de l'individu.
Leur origine est multifactorielle avec des facteurs de risque (terrain génétique, anomalies biologiques
préexistantes, facteurs déclenchants comme la puberté) et des facteurs d'entretien (déséquilibres biologiques
induits par les TCA, bénéfices relationnels ou psychologiques).
Les TCA apparaissent en général à l'adolescence, autour de la puberté à cause des transformations corporelles
et psychiques caractéristiques de cette période.
La classification de l'American Psychiatrie Association (DSM-5) retient 3 types de TCA:
l'anorexie mentale (ou anorexia nervosa);
■ la boulimie (ou bulimia nervosa);
l' hyperphagie boulimique ou l'accès hyperphagique (Bing-Eating Disorder).
Il existe, cependant, d'autres formes moins fréquentes comme pica, mérycisme, restriction ou évitement
de l'ingestion d'aliments et les troubles dits non spécifiques.
102 Troubles des conduites alimentaires : connaître les principales anomalies métaboliques associées

Il. ANOREXIE MENTALE


1. Épidémiologie
Sa prévalence varie en population générale de 0,90 % à 1,5 %, chez la femme et de
0,25 à 0,30 % chez l'homme.
■ Le sex-ratio est de 8 femmes/1 homme.
■ L'anorexie mentale commence dans 84-87 % des cas entre 15 et 25 ans.
■ La mortalité est estimée à 1 % par an.
■ L'évolution se fait environ pour 50 % de cas vers la rémission complète, dans 30 %
vers la rémission partielle et entre 20 et 30 % vers une forme chronique ou le décès.
2. Population à risque
Les jeunes filles.
■ Les patients avec un indice de masse corporelle bas ou élevé.
■ Les adolescents consultant pour des préoccupations concernant leur poids, pour des
désordres gastro-intestinaux, des problèmes psychologiques.
■ Les jeunes filles présentant des perturbations des cycles menstruels, et en particulier
une aménorrhée.
Il Les danseuses, les mannequins.
■ Les sportifs (disciplines esthétiques ou à catégorie de poids: sports valorisant ou
nécessitant le contrôle du poids; disciplines à faible poids corporel tels les sports
d'endurance), notamment de niveau de compétition.
■ Les sujets atteints de pathologies impliquant des régimes, telles que le diabète de type 1.
■ L'hypercholestérolémie familiale.
3. Critères diagnostiques selon DSM 5
■ Restriction des apports caloriques résultant en un amaigrissement avec un indice
de masse corporelle abaissé selon l'âge, le sexe et la trajectoire de développement
et la santé physique.
■ Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportements persistants
visant à prévenir la prise de poids, alors que le poids est inférieur à la normale.
■ Perturbation de la perception du poids ou de la forme de son corps, influence
excessive du poids ou de la forme corporelle sur l'estime de soi, ou absence
persistante de reconnaissance de la maigreur actuelle.
■ Spécifier le type
► restrictif: pendant l'épisode actuel d'anorexie mentale, le patient n'a pas, de
manière régulière, présenté de crises de boulimie, ni recouru aux vomissements
provoqués ou à la prise de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements);
► avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs: pendant l'épi­
sode actuel d'anorexie mentale, le patient a présenté régulièrement des crises de
boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués et/ou à la prise de purgatifs.

A. Repérage cible
Le suivi de paramètres anthropométriques permet de repérer une cassure de la courbe de
croissance chez l'enfant et l'adolescent.

IMC = poids (kg)/taille2 (m)

Pour les patients adultes il faut suivre l'IMC.


Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 69 103

1. Signes évocateurs d'une anorexie mentale

Ralentissement de la croissance staturale


Changement de couloir dans la courbe de croissance, vers le bas, lors du suivi de
Chez l'enfant
la courbe de corpulence (IMC)
Nausées ou douleurs abdominales répétées
Adolescent amené par ses parents pour un problème de poids, d'alimentation ou
d'anorexie
Adolescent ayant un retard de puberté
Chez
Adolescente présentant une aménorrhée (primaire ou secondaire) ou des cycles
l'adolescent
irréguliers (spanioménorrhée) plus de 2 ans après ses premières règles
Hyperactivité physique
Hyperinvestissement intellectuel
Perte de poids de> 15 %
IMC < 18,5 kg/m2
Refus de prendre du poids malgré un IMC faible
Femme ayant une aménorrhée secondaire
Chez l'adulte
Homme ayant une baisse marquée de la libido et de l'érection
Hyperactivité physique
Hyperinvestissement intellectuel
Infertilité

2. Diagnostic différentiel
■ L'examen clinique exhaustif et les examens paracliniques peuvent orienter le diagnostic
vers d'autres pathologies :
► scanner et IRM : tumeurs cérébrales : craniopharyngiomes, tumeurs du tronc
cérébral;
► NFS : hémopathies, leucémie;
► NFS, endoscopie : maladie de Crohn;
► TSH, T3, T4 : hyperthyroïdie;
► glycémie, auto-anticorps anti-insuline : diabète;
► dosage des hormones de l'axe corticotrope : panhypopituitarisme;
► troubles obsessionnels compulsifs (attention, il s'agit aussi d'une comorbidité
fréquente);
► troubles psychotiques chroniques et notamment schizophrénie;
► phobies alimentaires, autres TCA ou de l'ingestion d'aliments;
► épisodes dépressifs caractérisés.

B. Prise en charge
1. Évaluation globale
■ La prise en charge dépend du degré de gravité, cependant, il est recommandé qu'en
dehors d'une situation d'urgence vitale ou psychiatrique, toute prise en charge soit
initialement ambulatoire. Elle doit être multidisciplinaire :
► un clinicien (non-psychiatre), qui peut être le médecin de premier recours (médecin
généraliste ou pédiatre) s'il est prêt à en assumer les exigences;
► un psychiatre, pédopsychiatre ou un psychologue, du fait de la souffrance psychique
et des fréquentes comorbidités psychiatriques.
104 Troubles des conduites alimentaires : connaître les principales anomalies métaboliques associées

■ L'évaluation globale du patient est recommandée, associant une évaluation soma­


tique, nutritionnelle et psychique, permettant de déterminer les signes de gravité.
L'évaluation doit se répéter dans le temps.

2. Prise en charge thérapeutique

a. Objectif pondéral
L'objectif pondéral est à discuter avec le patient et sa famille, il doit être progressif. Il est
déterminé en fonction de l'âge, des antécédents pondéraux et du poids permettant de
restaurer les menstruations et l'ovulation pour les femmes. Dans un premier temps, un
arrêt de perte de poids est le premier objectif avant la reprise du poids, un gain de 1 kg
par mois est un objectif acceptable.
En début d'une renutrition, la réalisation d'un bilan hydroélectrolytique avec phosphorémie
est recommandée.

b. Objectifs d'interventions psychologiques


Les objectifs psychologiques sont individuels et familiaux, le choix de la thérapie est
déterminé en fonction du patient, de son âge, de sa motivation, de sa famille et du stade
d'évolution de la maladie.
La psychothérapie peut être individuelle, familiale ou de groupe, les plus usuelles sont les
thérapies de soutien, les psychodynamiques ou d'inspiration analytique, les comportementales
et cognitivo-comportementales. Les thérapies familiales sont recommandées pour les
enfants et les adolescents.
Il est recommandé que la psychothérapie choisie dure au moins 1 an après une amélioration
clinique significative.

C. Critère d'hospitalisation
Comme indiqué précédemment, l'hospitalisation aura lieu lorsque le risque vital est engagé
(somatique ou psychologique) et que les soins consentis sont impossibles. L'indication repose
sur plusieurs critères cliniques et/ou biologiques. Ils sont différents selon la tranche d'âge.

Chez l'enfant et l'adolescent


Perte de poids rapide : plus de 2 kg/semaine
Aphagie totale( refus de manger)
Anamnestiques Refus de boire
Lipothymies ou malaises d'allure orthostatique
Fatigabilité, épuisement
IMC< 12,7 kg/m2 entre 12 et 14 ans, ou un IMC< 13,2 kg/m2 entre 15 et 16 ans
et IMC< 14 kg/m2 au-delà de 17 ans
Ralentissement idéique et verbal, confusion
Syndrome occlusif
Bradycardie extrême(< 40 bpm) quel que soit le moment de la journée
Cliniques
Tachycardie
Hypotension systolique(< 80 mmHg)
Hypotension orthostatique< 80/50 mmHg
Hypothermie< 35,5 °c
Hyperthermie
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 69 105

Chez l'enfant et l'adolescent


Présence de corps cétoniques dans les urines
Hypoglycémie< 0,6 g/I
Troubles hydroélectrolytiques ou métaboliques sévères · hypokaliémie, hypona­
trémie, hypophosphorémie, hypomagnésémie
Biologiques
Élévation de la créatinine(> 100 µmol/I)
Cytolyse hépatique(> 4xN)
Leuconeutropénie(< 1 000/mm)
Thrombopénie(< 60 000/mm)

Chez l'adulte
Perte de poids de 20 % en 3 mois
Malaises et/ou chutes ou pertes de connaissance
Anamnestiques
Vomissements incoercibles
Échec de la renutrition ambulatoire
IMC< 14 kg/m2
Signes cliniques de déshydratation
Amyotrophie importante avec hypotonie axiale
Hypothermie< 35,5 °C
Cliniques
Hypotension artérielle 90/60 mmHg
Fréquence cardiaque
Bradycardie sinusale, FC< 40 bpm
Tachycardie de repos, FC> 60 si IMC< 13 kg/m2
Hypoglycémie symptomatique< 0,6 g/I ou asymptomatique si> 0,3 g/I
Hypokaliémie< 3 mEq/I
Hypophosphorémie< 0,5 mmol/I
Natrémie:
Biologiques < 125 mmol/I( potomanie, risque de convulsions)
et paracliniques < 150 mmol/I( déshydratation)
Insuffisance rénale: clairance de la créatinine< 40 ml/mn
Cytolyse hépatique(> 10xN)
Leuconeutropénie(< 1 000/mm ou neutrophiles< 500/mm)
Anomalies de l'ECG en dehors de la fréquence cardiaque

1. Critères psychiatriques d'hospitalisation

Quel que soit l'âge


Tentative de suicide réalisée ou avortée
Risque
Plan suicidaire précis
suicidaire
Automutilations répétées
Dépression
Abus de substances addictives
Comorbidités Anxiété
Symptômes psychotiques
Troubles obsessionnels compulsifs
106 Troubles des conduites alimentaires : connaître les principales anomalies métaboliques associées

Quel que soit l'âge


Idées obsédantes intrusives et permanentes, et incapacité à contrôler
Pensées obsédantes
Renutrition : nécessité d'une renutrition par sonde naso-gastrique, ou autre modalité
Anorexie nutritionnelle non réalisable en ambulatoire
mentale Activité physique : exercice physique excessif et compulsif (en association avec une
autre indication d'hospitalisation)
Conduites de purge (vomissements, laxatifs, diurétiques) : incapacité à contrôler seul
des conduites de purge intenses
Échec antérieur d'une prise en charge ambulatoire bien conduite
Motivation, Patient peu coopérant ou coopérant uniquement dans un environnement de soins très
coopération structuré
Motivation trop insuffisante, rendant impossible l'adhésion aux soins ambulatoires

2. Critères environnementaux d'hospitalisation

Quel que soit l'âge


Disponibilité Problèmes familiaux ou absence de famille pour accompagner les soins ambulatoires
de l'entourage Épuisement familial
Conflits familiaux sévères
Stress
Critiques parentales élevées
environnemental
Isolement social sévère
Disponibilité Pas de traitement ambulatoire possible par manque de structure (impossibilité du
des soins fait de la distance)
Traitements
Échec des soins ambulatoires (aggravation ou chronicisation)
antérieurs

Ill. BOULIMIE

A. Épidémiologie
La prévalence de la boulimie est de 1 à 3 % chez les femmes et de 0,1 % à 0,5 % chez les
hommes. Contrairement aux TCA qui affectent en très grande majorité des femmes,
40 % des personnes qui souffrent d'hyperphagie boulimique sont des hommes.
L'incidence de la boulimie est la plus forte dans la tranche d'âge 10-19 ans et serait
environ 2,5 fois plus importante en zone urbaine qu'en zone rurale. Les patients
souffrant de boulimie consultent peu (seulement 12 % en parleraient à un médecin
généraliste et la moitié aurait recours à un psychiatre).

B. Clinique
La forme clinique la plus fréquente est la crise normopondérale. Lors de la crise, le patient
consomme une grande quantité d'aliments, en général très caloriques de manière massive
et frénétique. La consommation massive prime et le goût est en général indifférent. La crise
survient à distance des repas, à l'abri des regards. L'accès est suivi par des vomissements
autoprovoqués. Les vomissements s'accompagnent d'un sentiment de honte et de dégoût
de soi. En dehors des vomissements, le patient peut contrôler son poids par un régime
alimentaire, en alternant l'anorexie-boulimie, puis de l'exercice physique intense, ou par
des sauts de repas.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 69 107

C. Comorbidités et complications
Les patients souffrants de boulimie ou d'hyperphagie ont souvent des problèmes dépressifs
associés, ainsi que des addictions. Les adolescents peuvent avoir une obésité dans la vie
adulte. Les complications à long terme incluent des problèmes dentaires, une obésité, un
diabète et des maladies cardiovasculaires.

D. Critères diagnostiques selon DSM 5


■ Survenue récurrente de crises de boulimie avec deux critères : absorption dans une
période de temps limitée(< 2 heures) d'une quantité de nourriture largement supé­
rieure à ce que la plupart des personnes consomment dans une période similaire et
sentiment d'une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise.
■ Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise
de poids, tels que vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques,
lavements ou autre médicaments, jeûne; exercice physique excessif.
■ Les crises et les comportements compensatoires surviennent, en moyenne, au moins
une fois par semaine pendant trois mois.
■ L'estime de soi est influencée par le poids et la forme corporelle.
■ Le trouble ne survient pas exclusivement pendant les épisodes d'anorexie mentale.
■ Spécifier le type :
► avec comportements compensatoires inappropriés : à chaque épisode de boulimie,
le patient a eu recours aux vomissements, à la consommation excessive de laxatifs,
de diurétiques ou de lavements;
► sans vomissement ni prise de purgatif, de laxatif ou de diurétique.

E. Diagnostic différentiel
Une bonne anamnèse et un bon examen clinique permettent d'exclure une cause organique
d'hyperphagie. L'évaluation par un psychiatre permet de rechercher d'autres pathologies.
Il ne faut pas confondre l'accès boulimique avec des fringales, du grignotage, qui se
caractérisent par un choix alimentaire qui répond à une sensation de faim et par un choix
volontaire des aliments consommés :
certaines tumeurs cérébrales et certaines formes d'épilepsie;
■ syndrome de Klein-Levin( hypersomnie et hyperphagie);
■ syndrome de Kliver-Bucy(agnosie visuelle, hyperoralité, hypersexualité et hyperphagie);
■ diabète;
Il épisode dépressif;
■ trouble de la personnalité de type borderline;
■ anorexie mentale de type accès hyperphagiques/purgatifs.

F. Comorbidités
■ Troubles addictifs dans 30-40 % des cas(alcool, tabac, médicaments anxiolytiques).
■ Épisodes dépressifs fréquents.
Il Personnalité borderline.
■ Troubles anxieux et phobie sociale.
108 Troubles des conduites alimentaires: connaître les principales anomalies métaboliques associées

G. Bilan clinique et paraclinique


Quel que soit l'âge
Antécédents médicaux
Fréquence et intensité de fluctuations du poids
Évaluation qualitative et quantitative des crises
Anamnèse
Recherche des comportements compensatoires associés
Recherche de comorbidités
Évaluation de l'environnement social et familial

Poids, taille, IMC, courbe de croissance chez l'enfant ou l'adolescent


Évaluation du stade pubertaire de Tanner chez l'adolescent
Température, fréquence cardiaque, tension artérielle
Clinique Signes de déshydratation
État cutané: cicatrices d'auto-mutilation, œdèmes
Recherche d'une hypertrophie parotidienne, état bucco-dentaire
État thymique, risque suicidaire

NFS, plaquettes, TP, TCA


lonogramme, urée, créatinine, clairance de la créatinine
Calcium, phosphore, vitamine D
Bilan hépatique : AST, ALAT, PAL
Biologie
Protéines totales, albumine, préalbumine
Protéine C-réactive
TSH
Recherche de toxiques au moindre doute
ECG (troubles du rythme, signes d'hypokaliémie sévère: QT long
Paracliniques Ostéodensitométrie osseuse
Imagerie cérébrale en cas de doute

H. Prise en charge
Le dépistage précoce est difficile. En effet ce trouble reste souvent caché. Le patient consulte
souvent pour un désir de perte de poids, alors que le poids reste dans la normale, ou bien
pour des troubles du sommeil.
Comme pour l'anorexie mentale, la prise en charge doit être ambulatoire, et idéalement
par le couple médecin et psychiatre. Si possible elle doit associer la famille.
Un traitement par antidépresseur ISRS (fluoxétine type Prozac") à dose plus élevée que
dans la dépression est efficace.
Il ne faut pas négliger l'aspect nutritionnel en commençant par une phase de renutrition,
et de prendre en charge d' éventuelles complications sur le plan digestif (œsophagite),
dentaire, cardiovasculaire, rénal et endocrinien.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 69 109

1. Critères d'hospitalisation
À différence de l'anorexie mentale, les critères d' hospitalisation ne sont pas clairement
définis:

Quel que soit l'âge


Modification brutale de poids ou cassure de la courbe de croissance
Fréquence élevée des crises(> 8/semaine)
Anamnèse
Échec de la stratégie ambulatoire
Conduite compensatoire mettant en danger la vie du patient
Signes cliniques de dénutrition
Hypertension artérielle ou trouble du rythme cardiaque
Clinique Incapacité à contrôler les crises qui deviennent pluriquotidiennes
Incapacité à contrôler les comportements compensatoires (vomissements, activité
physique)
Anomalies à l'ECG
Cytolyse hépatique sévère(enfant, adolescent> 4xN, adulte> 10xN)
Hypokaliémie < 3 mEq/1
Biologie et Hypophosphorémie < 0,5 mmol/1
paraclinique Natrémie
< 125 mmol/1 (potomanie, risque de convulsions)
< 150 mmol/1 (déshydratation)
Insuffisance rénale ou déshydratation)
Risque Tentative de suicide ou projet suicidaire explicite
suicidaire Automutilations répétées

IV. HYPERPHAGIE BOULIMIQUE (ACCÈS HYPERPHAGIQUE,


SINGE EATING DISORDER)
L'hyperphagie boulimique sans conduite compensatoire est une entité à part entière avec
une physiopathologie propre, avec certaines composantes proches des addictions.

A. Épidémiologie
Sa prévalence est estimée autour de 3-5 %. Le sex-ratio est 1/2 homme/femme. Selon
certains auteurs, près de la moitié des obèses souffriraient d'une hyperphagie boulimique.
Les patients consultent pour la prise en charge des conséquences de l'obésité.

B. Clinique
Elle se caractérise par des épisodes récurrents d' hyperphagie incontrôlée: prise alimentaire
largement supérieure à la moyenne en moins de 2 heures, associée à une impression de
perte de contrôle des quantités ingérées. Les épisodes sont associés au moins à 3 des
éléments suivants:
manger beaucoup plus vite que la normale;
■ manger jusqu'à éprouver une sensation pénible de distension abdominale;
■ manger de grandes quantités de nourriture en l'absence d'une sensation physique
de faim;
■ manger seul parce que l'on est gêné de la quantité de nourriture que l'on absorbe;
se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir mangé.
Et surtout le trouble n'est pas associé à l'utilisation récurrente de comportements
compensatoires inappropriés;
110 Troubles des conduites alimentaires : connaître les principales anomalies métaboliques associées

C. Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel est similaire à la boulimie
tumeurs cérébrales, certaines formes d'épilepsie;
■ syndrome de Klein-Levin;
syndrome de Klüver-Bucy;
■ obésité;
■ épisodes dépressifs;
■ troubles bipolaires;
Il troubles de la personnalité;
■ boulimie.

D. Prise en charge
Le dépistage et la prise en charge précoce sont des éléments de succès. Chez le patient
obèse, le dépistage devrait être systématique.

V. AUTRES TROUBLES DE L'INGESTION D'ALIMENTS

A. PICA
Pica est le nom du trouble alimentaire caractérisé par l'ingestion répétée de substances
non nutritives pendant au moins 1 mois (plâtre, plomb, cheveux, cailloux, papier,
plastique, etc.). Il est souvent dû à une carence martiale ou en zinc, ou à un trouble du
neuro-développement sévère.

B. MÉRYCISME
C'est la régurgitation répétée de nourritures pendant une période d'au moins un mois. Les
aliments peuvent être remastiqués, réavalés ou recrachés. Il touche les enfants de 3 mois
à un an, rarement l'adulte.
111

FICHE FLASH
O Trois troubles du comportement alimentaire (TCA) :
► l'anorexie;
► la boulimie;
► l'hyperphagie boulimie.
O Il est important d'éliminer les causes médicales non-psychiatriques devant tout TCA ainsi que d'évaluer
les nombreuses répercussions de tels troubles.
O Évaluer les répercutions organiques.
O Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes et doivent être recherchées.
O Le risque suicidaire doit être systématiquement évalué.
O Les critères d'hospitalisation, notamment pour l'anorexie, doivent être connus.
O L'hyperphagie boulimie doit être évoquée chez tous les patients présentant une obésité.
112

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Treasure J., Claudino A.-M., Zucker N., Eating Disorders, Lancet. Feb. 2010, 375(97 14),
p. 583-593.
doi: 10.1016/S0140-6736(09)61748-7.
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-03/reco-
2clics_-_anorexie_-mentale.pdf
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge. Argumentaire
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-09/argu_
anorexie_mentale.pdf
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge. Recommandations
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-09/reco_
anorexie_mentale.pdf
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge. Repérage
https ://www.has-sante.fr/portai I/upload/docs/application/pdf/2010-09/fs_
anorexie_1_cdp_300910.pdf
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge. Premiers soins spécialisés et filières de
prise en charge.
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-09/fs_
anorexie_2_cdp_300910.pdf
+ HAS 2010. Anorexie mentale. Prise en charge. Critères d'hospitalisation
https ://www. has-sa nte. fr/portai I/upload/docs/application/pdf/2010-09/fs_
anorexie_3_cdp_300910.pdf
+ HAS 2015. Boulimie et hyperphagie boulimique Repérage et éléments généraux de
prise en charge
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-12/rbp_
cadrage_boulimie_mel.pdf
ITEM 250
TROUBLES NUTRITIONNELS
CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Connaître les spécificités des troubles nutritionnels du sujet âgé.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE
• Citer les facteurs favorisants une dénutrition chez le sujet âgé.
• Connaître les autres marqueurs biologiques de la dénutrition et savoir les
interpréter.
• Connaître les éléments cliniques et paracliniques en faveur d'une dénutrition
chez le sujet âgé.
• Maîtriser la prise en charge nutritionnel du sujet âgé.

1. INTRODUCTION
Grâce aux progrès réalisés dans les domaines de la protection sociale et de la médecine, la population de
personnes âgées (âgées de plus de 65 ans) est en constante augmentation, de 0,6 milliard aujourd'hui, elle est
estimée à 1,5 milliard en 2050. Les personnes âgées constituent un groupe de population particulièrement
fragile avec de nombreuses morbidités. Un bon état nutritionnel constitue une arme contre les maladies
et/ou ses complications. Cependant, le sujet âgé est particulièrement à risque de dénutrition.
Un déséquilibre énergétique peut engendrer une dénutrition à cause de la fragilité, liée d'une part
aux modifications physiologiques liées au vieillissement et d'autre part aux pathologies associées et
leurs problèmes socio-économiques.
Plusieurs définitions de la dénutrition ont été proposées, celle la plus adaptée pour la personne âgée est
celle du groupe francophone de gériatrie : « C'est un état de santé associant une perte de poids supérieur
à 10 % en moins de six mois, une diminution de la masse corporelle totale, en particulier aux dépens de la
masse musculaire (index de masse corporelle inférieur à 21), concourant a un risque accru de chutes et de
maladies infectieuses».
La dénutrition aggrave le pronostic fonctionnel et vital de toute maladie inflammatoire, infectieuse ou
tumorale. Elle doit donc être diagnostiquée précocement et traitée rapidement.

Il. RÉPONSE À L'ITEM


Le sujet âgé est particulièrement labile à développer un état de dénutrition. Les facteurs de risque qui
peuvent aboutir à une dénutrition sont multiples.
114 Troubles nutritionnels chez le sujet âgé

■ Psychosociales :
► isolement;
► maltraitance;
► faible niveau socio-économique;
► hospitalisation, institutionnalisation;
► dépression;
► deuil.

■ Dépendance pour les actes de la vie quotidienne :


► prise alimentaire;
► préparation, achats.

■ Troubles buccodentaires :
► appareillage inadapté;
► sécheresse buccale;
► dysgueusie;
► candidose.

■ Troubles de la déglutition :
► pathologies ORL;
► pathologies neurologiques.

■ Syndromes démentiels :
► maladie d'Alzheimer;
► maladie de Parkinson.

■ Polymédication :
► corticoïdes;
► traitements entraînant dysgueusie (IEC)/sécheresse buccale (anticholinergiques).

■ Anorexie (antibiotiques, IRS) :


► somnolence (psychotropes, morphiniques) ;
► troubles digestifs (antibiotiques, colchicine, morphiniques);
► toute affection aiguë (dont infections) ou décompensations d'une maladie chronique;
► régimes restrictifs : sans sel, diabétique.

La dénutrition se développe en cas de balance énergétique et/ou azotée négative


importante, prolongée ou répétée. La prévalence de la dénutrition protéino-énergétique
est:
■ 2-4 % à domicile;
■ 30-40 % en institution;
■ 40-80 % à l'hôpital.

Ill. CAUSES DE LA DÉNUTRITION DU SUJET ÂGÉ

A. Modifications physiologiques
Les modifications physiologiques liées à l'âge chez le sujet âgé contribuent au
développement de la dénutrition.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 250 115

1. Tube digestif
La perception du goût est modifiée de manière physiologique, et liée à l'effet de nombreux
médicaments qui altèrent l' humidité buccale, et le goût. De plus, le sujet âgé présente souvent
un mauvais état bucco-dentaire. Seule une mastication indolore permet une alimentation
correcte. Dans l'estomac, il existe une hyposécrétion gastrique acide aboutissant parfois
au développement d'une augmentation de la flore microbienne et de troubles digestifs
et à une diminution de l'absorption de certains micronutriments. Cela peut provoquer
des troubles fonctionnels intestinaux : constipation, douleurs, etc. Toutes ces altérations
contribuent à une diminution de la prise alimentaire.

2. Modifications métaboliques
La masse hydrique diminue d'environ 20 % à 60 ans, les mécanismes de régulation de
l'eau sont altérés, le sujet perçoit mal la soif et le pouvoir de concentration des urines
est diminué, ayant comme conséquence des troubles d' hydratation.
Le changement de la composition corporelle avec le vieillissement a un effet profond sur
l'état et les besoins nutritionnels. À partir de 70 ans, la masse maigre et le poids total
diminuent. Cette réduction du poids corporel et la perte de masse maigre entraînent
un risque accru de sarcopénie, d'ostéoporose, de fragilité, une propension aux chutes,
aux fractures, aux infections et un risque général accru de morbidité et de mortalité.
La dénutrition est fréquente chez les personnes âgées.
Au niveau métabolique, la glycorégualtion est altérée avec d'une part, un retard de la
sécrétion du pic insulinique en réponse à l'état nourri et d'autre part, une diminution
de stockage du glucose dans le muscle. En outre, il existe une perte du calcium osseux,
et une diminution de l'absorption du calcium au niveau intestinal.

B. Erreurs diététiques et thérapeutiques


Les sujets âgés font des erreurs diététiques pour plusieurs raisons : la peur de prendre de
poids, l'altération du goût provoque un choix alimentaire différent avec une appétence
pour les aliments sucrés et une diminution de l'apport en protéines indispensables pour
lutter contre la sarcopénie, et l'altération de l'état bucco-dentaire.
En outre, chez le sujet hospitalisé, la maladie et le manque d'une alimentation appétissante
contribuent à la dénutrition. Enfin, de nombreux médicaments ont un effet anorexigène.

C. Hypercatabolisme
Cette situation est observée en milieu hospitalier dans toutes les formes graves de
maladies infectieuses (septicémie, abcès profond, etc.), néoplasiques (cancer terminal)
ou inflammatoires (pancréatite aiguë sévère, maladies inflammatoires systémiques).
Dans ce cas, la dénutrition s'accompagne d'une diminution précoce des marqueurs
de la dénutrition et une augmentation des marqueurs inflammatoires.

IV. DIAGNOSTIC CLINIQUE DE LA DÉNUTRITION CHEZ LE SUJET ÂGÉ


La dénutrition doit être recherchée de manière systématique chez tout sujet présentant
des facteurs de risque qui favorisent une dénutrition. En dehors de ces facteurs, une
asthénie, l'absence d'appétit, la perte de goût, peuvent représenter les premières alertes
d'une dénutrition.

A. Données anthropométriques
La mesure du poids et de la taille doit être systématique à chaque consultation, elle devrait
même être effectuée au domicile et dans les institutions. La perte de poids est un signe
précoce de dénutrition. Au niveau hospitalier les services de gériatrie et de réanimation
doivent être équipés de chaises-balance couplées à une pesée pour les patients grabataires.
116 Troubles nutritionnels chez le sujet âgé

Chez les patients avec une cyphose dorsale, la taille est diminuée parfois de manière très
importante, dans ce cas, on mesure la distance talon-genou en cm, puis, on utilise la
formule de Chumlea pour estimer la taille du patient :

Tableau 2: Formules de Chumlea pour l'estimation de la taille

Femme: Taille (cm)= 84,9 - (0,24 x âge (années))+ (1,83 x distance talon-genou (cm))
Homme : Taille (cm)= 64,2 - ((0,04 x âge (années))+ (2,03 x distance talon-genou (cm))

La taille et le poids permettent de calculer l'index de masse corporelle (IMC).

IMC = poids (kg)/taille2 (m)

B. Questionnaire Mini Nutrional Assessment (MNA)


Le MNA est un questionnaire de dépistage de la dénutrition spécifique pour les personnes
âgées. Il comporte 2 parties, la première est le « score dépistage», qui comporte 6 items,
avec un maximum de 14 points. Si le score est inférieur à 12, le questionnaire doit être
complété en répondant à la partie « évaluation globale» avec un maximum de 30 points.

Mini Nutritional Assessment


Score Dépistage Score Global
Points Interprétation Points Interprétation
12-14 État nutritionnel normal
8-11 Risque de malnutrition 17-23,5 Risque de malnutrition
0-7 Malnutrition Malnutrition sévère

C. Marqueurs biologiques
Ils doivent évaluer la composante protéique viscérale et surveiller l'évolution au cours
de la renutrition. Cependant aucun marqueur n'est spécifique de la dénutrition et ils
doivent donc être utilisés de manière isolée.

1. Albumine
De synthèse hépatique, l'albumine est la protéine sérique la plus abondante, sa demi-vie est
de 21 jours. Elle joue un rôle de transport de nombreuses molécules et assure le maintien
de la pression oncotique. Les concentrations sériques sont de 35 à 50 g/1. Une diminution
de l'albumine peut s'observer dans les états de dénutrition, dans l'insuffisance hépatique,
l'inflammation, lors des fuites protéiques glomérulaires ou digestives. Une augmentation
de l'albumine s'observe par hémoconcentration.
Le dosage de l'albumine permet le diagnostic et l'évolution de la renutrition. Cependant,
une valeur normale d'albumine n'exclue pas une dénutrition, en effet, les valeurs sériques
de l'albumine peuvent être normales dans les états d'hépatopathie chronique.

2. Préalbumine ou transthyretine, TTR


Il s'agit d'une protéine non glycosylée qui forme un complexe avec la retinol bindingprotein
(RBP). Ce complexe permet le transport du rétinol et des hormones thyroïdiennes. La pré­
albumine est principalement synthétisée et catabolisée par le foie et excrétée par les reins
et le tractus gastro-intestinal avec une demi-vie d'environ 2 jours.
La taille réduite du pool de pré-albumine, sa demi-vie courte et sa richesse inhabituelle
en tryptophane, un acide aminé indispensable, font de la pré-albumine un marqueur
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 250 117

nutritionnel potentiellement sensible, très utilisé en réanimation et dans les unités


de nutrition pour évaluer l'état nutritionnel du patient.
Le mécanisme de diminution de la pré-albumine est différent selon le type de dénutrition :
dénutrition exogène (carence d'apport ou malabsorption). La concentration de pré-al­
bumine va rapidement diminuer lors d'une carence en acides aminés;
■ dénutrition endogène (maladie inflammatoire). La synthèse hépatique de nombreuses
protéines de l'inflammation sera favorisée au détriment d'autres protéines non
inflammatoires dont la pré-albumine;
■ dénutrition mixte {inflammation et carence d'apport ou de malabsorption). Il s'agit
d'une dénutrition exogène et endogène qui diminue doublement la pré-albumine.
Il existe d'autres marqueurs comme la transferrine, mais il est très variable selon les
recommandations de l'HAS : « La concentration sérique de la transferrine varie dans de
nombreuses circonstances physio-pathologiques indépendamment de l'état nutritionnel
et serait moins informative que les dosages de l'albuminémie et de la prealbuminemie ».
Le diagnostic de dénutrition chez le sujet âgé repose sur la présence d'un ou de plusieurs
de critères clinico-biologiques :

Diagnostic de la dénutrition chez le sujet âgé


Dénutrition Dénutrition sévère
Perte de poids 5 % en 1 mois, ou 10 % en 6 mois 10 % en 1 mois, ou 15 % en 6 mois
Index de masse corporelle < 21 <18
Albuminémie (g/1) <35 <30
MNA global <17

-
Dépistage d'une dénutrition chez une personne Agée

Recherche des situations à risque



Estimation de l'appétit et des apports alimentaires
...
Calcul de l'IMC, estimation de la variation de poids par rapport aux mesures antérieures,

.
dosage de l'albumine

Dénutrition: Dénutrition sévère:


Perte de poids >5% en 1 mois Perte de poids>10% en 1 mois
ou> 10% en 6 mois ou> 15% en 6 mois
et/ou un IMC <21 et/ou un IMC <18
et/ou albuminémie <35 g/L et/ou albuminémie <30 g/L
MNA<17 MNA<17


1 Prise en charge rapide
l
Correction de risques nutritionnels
1
Prise en charge nutritionnelle 1

V. PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE


L'état nutritionnel doit constituer une préoccupation constante chez la personne âgée,
une prise en charge tardive pouvant avoir des conséquences irréversibles. Il faut assurer
dès le début du diagnostic de dénutrition, le maintien d'apports protéiques et énergétiques
suffisants grâce aux conseils diététiques et aux compléments nutritionnels. L'indication
d'une assistance nutritionnelle est envisageable lorsque les apports spontanés n'atteignent
pas un niveau suffisant pour couvrir les besoins.
118 Troubles nutritionnels chez le sujet âgé

Il Indications de la prise en charge :


► l'alimentation par voie orale est recommandée en première intention sauf en cas
de contre-indication;
► la nutrition entérale (NE) est envisagée en cas d'impossibilité ou d'insuffisance
de la nutrition orale;
► la nutrition parentérale est réservée aux trois situations suivantes et mise en
œuvre dans des services spécialisés :
• les malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles;
• les occlusions intestinales aiguës ou chroniques;
• l'échec d'une nutrition entérale bien conduite.

A. Stratégie de prise en charge proposée par l'HAS


1. Évaluation du statut nutritionnel et des apports alimentaires spontanés

Statut nutritionnel
Normal Dénutrition Dénutrition sévère
Conseils diététiques Alimentation
Conseils diététiques Alimentation
Normaux Surveillance enrichie et CNO Réévaluation* à
enrichie Réévaluation* à 1 mois
15 jours

a: Conseils diététiques Alimentation Conseils diététiques Alimentation


Diminués mais supérieurs Conseils diététiques Alimentation
0 enrichie Réévaluation* à 15 jours enrichie et CNO Réévaluation* à 1
Il. à l'apport habituel enrichie Réévaluation* à 1 mois
Il. et si échec : CNO semaine et si échec : NE
Conseils diététiques Alimentation Conseils diététiques Alimentation Conseils diététiques Alimentation
Très diminués, inférieurs à
enrichie Réévaluation* à 1 enrichie et CNO Réévaluation* à 1 enrichie et NE d'emblée Réévaluation*
la moitié de l'apport habituel
semaine, et si échec CNO semaine et si échec : NE à 1 semaine

CNO : compléments nutritionnels oraux; NE : nutrition entérale


• La réévaluation comporte :
- le poids et le statut nutritionnel;
- la tolérance et l'observance au traitement;
- l'évolution de la (des) pathologies (s) sous-jacente (s);
- l'estimation des apports alimentaires spontanés (ingesta).

2. Modalités de la prise en charge

a. Conseils nutritionnels
Ill Respecter les repères du Programme National Nutrition Santé (PNNS).
■ Augmenter la fréquence des prises alimentaires dans la journée.
■ Éviter une période de jeûne nocturne trop longue (> 12 heures).
Il Privilégier les produits riches en énergie et/ou en protéines et adaptés aux goûts du
patient.
Il Organiser une aide au repas (technique et/ou humaine) et favoriser un environne­
ment agréable.

b. !.:enrichissement de l'alimentation
Il Il consiste à enrichir l'alimentation traditionnelle avec différents produits de base
(poudre de lait, lait concentré entier,fromage râpé, œufs, crèmefraîche, beurrefondu,
huile ou poudres de protéines industrielles, pâtes ou semoule enrichies en protéines...).
■ Il a pour but d'augmenter l'apport énergétique et protéique d'une ration sans en
augmenter le volume.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 250 119

c. Les compléments nutritionnels oraux (CNO)


■ Ce sont des mélanges nutritifs complets administrables par voie orale, hyperénergé­
tiques et/ou hyperprotidiques, de goûts et de textures variés.
■ Les produits hyper-énergétiques (> 1,5 kcallg) et/ou hyperprotidiques (proté­
ines > 7,0 g/100 ml, ou protéines > AET) sont conseillés.
Ill Ils doivent être consommés lors de collations (à distance d'au moins 2 heures d'un
repas) ou pendant les repas (en plus de repas).
■ L'objectifest d'atteindre un apport alimentaire supplémentaire de 400 kcal/j et/ou de
30 glj de protéines (le plus souvent avec 2 unitéslj).
■ Les CNO doivent être adaptés aux goûts du malade, et à ses éventuels handicaps.
■ Il est nécessaire de veiller à respecter les conditions de conservation (une fois ouvert,
2 heures à température ambiante et 24 heures au réfrigérateur).

d. La nutrition entérale (NE)


■ Indications : En cas d'échec de la prise en charge nutritionnelle orale et en première
intention lors de de troubles sévères de la déglutition ou en cas de dénutrition sévère
avec apports alimentaires très faibles.
■ Mise en route : Hospitalisation d'au moins quelques jours (mise en place de la sonde,
évaluation de la tolérance, éducation du patient et/ou de son entourage).
■ Poursuite à domicile : Après contact direct entre le service hospitalier et le médecin
traitant, mise en place et suivi par un prestataire de service spécialisé et éventuellement
avec une infirmière à domicile si le patient ou son entourage ne peuvent prendre en
charge la nutrition entérale.
■ Prescription : Au début pour 14 jours, puis prescription de suivi pour 2 mois,
renouvelable.
■ Surveillance : Par le service prescripteur et le médecin traitant en se basant sur le
poids et l'état nutritionnel, l'évolution de la pathologie, la tolérance, l'observance de
la NE et l'évaluation des apports alimentaires oraux.
120

FICHE FLASH
o Dénutrition protéino-énergétique: déséquilibre entre apports et besoins alimentaires.
o Entraîne ou aggrave un état de fragilité ou de dépendance et favorise les co-morbidités.
O Facteurs de risque d'une dénutrition: psychosociales, dépendance pour les actes de la vie quotidienne
(prise alimentaire, préparation, achats).
O Troubles buccodentaires: appareillage inadapté, sécheresse buccale, dysgueusie, candidose.
o Troubles de la déglutition: pathologies ORL et neurologiques.
O Syndromes démentiels (Alzheimer, maladie de Parkinson).
o Polymédication.
o Corticoïdes.
o Traitements entraînant une dysgueusie (IEC)/sécheresse buccale (anticholinergiques).
□ Anorexie (antibiotiques, IRS).
o Somnolence (psychotropes, morphiniques).
::i Troubles digestifs (antibiotiques, colchicine, morphiniques).
o Toute affection aiguë (dont infections) ou décompensations d'une maladie chronique.
o Régimes restrictifs: sans sel, diabétique.
o Fréquence selon l'habitat du sujet âgé: 4 à 10 % à domicile; 15 à 40 % en institution et 30 à 70 % à l'hôpital.
O Critères diagnostiques:
► dénutrition: perte de poids:� 5 % en 1 mois, ou� 10 % en 6 mois; IMC: < 21 kg/m2 ;
albuminémie: < 35 g/1 (à interpréter selon l'état inflammatoire avec dosage de la CRP) et MNA
global: < 17;
► dénutrition sévère: perte de poids:� 10 % en 1 mois, ou� 15 % en 6 mois; IMC: < 18 kg/m2 et
albuminémie: < 30 g/1 (à interpréter selon l'état inflammatoire avec dosage de la CRP).
121

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition proteino-energetique chez la


personne âgée. Recommandations
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/denutrition_
personne_agee_2007_-_recommandations.pdf
+ Dénutrition une pathologie méconnue en société d'abondance. Ministère de la santé et
des sports. PNNS.
https://solidarites-sante.gouv.fr/lMG/pdf/brochure_denutrition.pdf
ITEM 252
NUTRITION ET GROSSESSE.
PREVENIR DES CARENCES
NUTRITIONNELLES
PENDANT LA GROSSESSE
Rosa-Maria GUEANT-RODRIGUEZ

OBJECTIFS D 'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Connaître les besoins nutritionnels de la femme enceinte.
• Connaître l'impact de la nutrition maternelle sur la santé à long terme de l'enfant.
• Savoir prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse.
• Dépister et prendre en charge le diabète gestationnel.

1. INTRODUCTION
La grossesse est une période critique pendant laquelle la nutrition maternelle et les choix de mode de vie
ont une influence majeure sur la santé de la mère et de l'enfant. Dans les pays industrialisés, les anomalies
congénitales et le faible poids à la naissance se classaient respectivement à la première et à la deuxième
place parmi les 10 principales causes de décès chez les nourrissons.

A. COÛT ÉNERGÉTIQUE
La grossesse à un coût énergétique variable selon le stade, il est quasiment nul au début de la grossesse
(150 kCal/J), puis augmente aux deuxièmes et troisièmes trimestres (350 kcal/J). Le coût énergétique
est lié aux besoins d'un accroissement du tissu adipeux et des protéines. Ceci est accompagné d'une
augmentation du métabolisme de repos après la 24• semaine. Il est estime a environ 80 000 kcal (soit
en moyenne, 285 kcal/jour). Les besoins en énergie augmentent pendant la grossesse d'environ 200,
300 et 400 kcal/jour aux 1••, 2• et 3• trimestres, respectivement, mais ces valeurs varient en fonction
de l'IMC.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 252 123

Coat énergétique de la grossesse

Poids (kg) Coût énergétique (kcal)


Fœtus 3,3 7177
Placenta 0,6 738
Liquide amniotique 0,8 21
Liquide extracellulaire 1,5
Utérus 0,9 1 196
Glandes mammaires 0,4 694
Masse sanguine maternelle 1,4 1 157
Tissu adipeux maternel 2,6 23 400

B. Gain de poids
Le poids avant la grossesse a une influence majeure sur le développement fœtal et pour
la santé de la mère. Un apport énergétique < 1500 kcal/j est associé au risque de fausses
couches, à un retard de croissance intra-utérin et à un faible poids de naissance. Les
enfants nés de femmes dont le gain de poids est insuffisant ont une probabilité de décès
plus élevée jusqu'à un an après la naissance (OR 2,23, IC 95 %) par rapport aux femmes
ayant un gain de poids normal.
Le gain de poids excessif pendant la grossesse a des conséquences sur la santé maternelle
à court et à long terme. En effet, un gain de poids excessif est responsable d'accouchement
par césarienne et d'obésité post-partum. L'association entre un gain de poids excessif,
le diabète gestationnel et la pré-éclampsie ont été rapportées, mais les preuves de ces
associations sont plus limitées. Parmi les autres conséquences métaboliques à long terme,
figurent le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et le syndrome métabolique.
Chez l'enfant, l'obésité maternelle et un gain de poids excessifpendant la grossesse ont des
conséquences dans la période néonatale comme la macrosomie, unfaible score d'Apgar, des
convulsions, une hypoglycémie, une polycythémie et un syndrome d'aspiration du méconium.
À long terme, une prise de poids excessive entraîne un surpoids ou une obésité chez l'enfant.
Plusieurs études suggèrent également que la nutrition in utero pourrait avoir un impact de
« programmationfœtale » sur des maladies chroniques telles que le diabète, l'hypertension
et d'autres maladies métaboliques. L'hypothèse physiopathologique des complications
propose que l'excès de glucose circulant traverse le placenta, et entraîne une augmentation
de la sécrétion d'insulinefœtale. L'hyperinsulinémiefœtale peutfavoriser l'adipogénèse et
l'hypertrophie des cellules adipeuses. En outre, l'excès des acides gras libres et des triglycérides
circulants peuvent entraîner un transfert accru d'acides gras au fœtus, favorisant ainsi le
développement de cellules adipeusesfœtales plus grandes ou plus nombreuses.
Le gain du poids est calculé idéalement comme la différence entre le poids lors de la première
et la dernière visite prénatale juste avant l'accouchement et il est basé sur l'indice de masse
corporelle.

Gain de poids recommandé chez la femme enceinte

IMC de départ (kg/m2) Gain recommandé (kg)


< 18,5 12,5-18
18,5-25 11,5-16
25-30 7-11,5
>30 6-7
124 Nutrition et grossesse. Prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse

En pratique, la prise de poids doit être environ d'l kg/mois durant les 2 premiers trimestres
et 500 g/semaine au 3•trimestre. Soit un apport de+ 150 kcal/jour au 1e, et 2• trimestre et
de+ 300 kcal/jour au 3• trimestre.

Il. MACRONUTRIMENTS
La répartition suivante permet de couvrir les besoins en énergie d'une femme enceinte
pour un apport opportun variant entre 2 000 et 2 200 Kcal/jour.

A. Les glucides
Ils représentent 50 % des apports quotidiens avec le glucose comme source essentielle
d'énergie pour le fœtus. Leurs apports doivent être supérieurs à 250 g/jour en privilégiant
les glucides lents. Le métabolisme glucidique est modifié pendant la grossesse du fait
de l'hyperinsulinisme au cours des deux premiers trimestres et de l'insulinorésistance
au 3° trimestre. Un apport important de glucides est associé au risque de macrosomie.
En pratique, il faut suivre les ANC quantitatifs et qualitatifs de la population générale
(50-55 % des apports caloriques totaux).

B. Les lipides
Ils couvrent 30 % des besoins énergétiques journaliers et permettent le transport
des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Pendant la grossesse, la qualité des lipides est
plus importante que leur quantité, en particulier pour le développement fœtal et la
croissance du nourrisson. Pour cette raison, il est nécessaire d'améliorer la proportion
de graisses poly-insaturées plutôt que d'augmenter l'apport en lipides totaux : un apport
suffisant en acide docosahexaénoïque (DHA, de la série n-3) est essentiel à la croissance et
au développement du cerveau et de la rétine. Les aliments les plus riches en DHA sont les
poissons gras (saumon, maquereau, hareng, anchois). Cependant, ces poissons stockent
des métaux lourds (mercure), alors, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)
indique une consommation de 2 à 4 portions de poisson par semaine pendant la grossesse.

C. Les protéines
Une augmentation d'apport en protéines est indispensable pendant la grossesse, lorsque
la demande augmente afin de maintenir les tissus maternels et la croissance fœtale,
en particulier au cours du 3• trimestre. A contrario, un apport excessif en protéines
est associé à des effets potentiellement négatifs en termes de poids de naissance.
En France, pas de risque de carence en protéines. Néanmoins, on recommande
d'augmenter les protéines à partir du second trimestre, car elles sont fondamentales
pour le développement du fœtus.

Besoins en protéines chez la femme enceinte

Trimestre Quantité
1" 0,8 g/kg/j
2' 0,9 g/kg/j
3' 1,0 g/kg/j

D. Eau
Nécessaire pour lutter contre la constipation, si fréquente en période de grossesse.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 252 125

Ill. MICRONUTRIMENTS
Pendant la grossesse, les besoins en micronutriments augmentent plus que ceux des
macronutriments et des apports inadéquats peuvent avoir des conséquences importantes
pour la mère et le fœtus. En particulier, trois micronutriments sont particulièrement
indispensables.

A. Fer
Impliqué dans de nombreux processus enzymatiques, le fer (constituant de
l'hémoglobine, de la myoglobine et de diverses enzymes), joue un rôle essentiel dans
le transfert d'oxygène vers les tissus. La carence en fer est à l'origine de l'anémie, une
affection très répandue dans le monde, touchant 22 % des femmes en âge de procréer
en Europe et jusqu'à 50 % dans les pays en développement.
Pendant la grossesse, les besoins en fer augmentent progressivement jusqu'au
troisième mois, parallèlement à l'accumulation de fer dans les tissus fœtaux. Le
transfert du compartiment maternel au fœtus est régi par un mécanisme complexe
de transport comprenant: le foie maternel (dans lequel il est stocké sous forme de
ferritine), - la circulation sous forme Fe2 +, la capture par le placenta, le transfert au
fœtus par le Transferrin receptor-1 (TfRl), l'oxydation en Fe3 +, le stockage (sous forme
de ferritine) et le transport dans la circulation fœtale (toujours liée à la transferrine).
Le besoin total en fer d'une femme enceinte de 55 kg est d'environ 1000 mg, répartis
comme suit:

Besoin Fer (mg)


Réserves fœtales (pour 6 mois) 300
Placenta 100
Augmentation de la masse globulaire maternelle 400
Pertes à l'accouchement 200

Les besoins quotidiens en fer sont d'environ 0,8 mg au premier trimestre, entre 4 et 5 mg
au 2° trimestre et de 6 mg au 3° trimestre.
Des apports inadéquats pendant la grossesse sont associés à une augmentation de la
demande en fer, exposant les femmes enceintes à un risque accru de carence en fer,
susceptible d'affecter la croissance et le développement du fœtus, d'augmenter le risque
d'accouchement prématuré, d'un faible poids du bébé à la naissance et d'hémorragies post­
partum. Les apports sont souvent inadéquats si les femmes appartiennent à un groupe de
risque de carence martiale:
femmes ayant des règles abondantes;
■ ATCD de carence martiale;
■ adolescentes;
■ grossesses rapprochées ou multiples;
Ill hémoglobinopathies;
Ill végétariennes/végétaliennes;
bas niveau socio-économique.
Chez ces femmes une supplémentation en fer est indispensable à raison de 50 mg/jour
sous forme de fer ferreux: Tardyferon•, Timoferol", Inofer•. On rappelle, que le fer ferrique
(Fe 3+) peut être réduit en fer ferreux (Fe 2+) en gagnant un électron; et le fer ferreux peut
être oxydé en fer ferrique en perdant un électron.
Au cours de la grossesse, leur utilisation ne doit pas être systématique mais limitée aux
femmes ayant une anémie ferriprive ou étant à risque de carence martiale.
126 Nutrition et grossesse. Prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse

B. Folates
Les folates désignent un groupe de composés présents naturellement dans les aliments
(Vitamine B9). Ils jouent un rôle crucial dans de nombreuses réactions métaboliques
telles que la biosynthèse de l'ADN et de l'ARN, la méthylation de l'homocystéine en
méthionine et le métabolisme des acides aminés. Les formes de folates métaboliquement
actives agissent comme des co-enzymes de transport facilitant le transfert d'unités
carbonées. Les folates se trouvent principalement dans les légumes à feuilles vertes, les
fruits, les céréales et les abats sous forme de polyglutamates. Les réserves hépatiques de
5 à 10 mg couvrent les besoins pour une durée d'environ 4 mois. Leur biodisponibilité
dans les aliments dépend de composés pouvant réduire leur absorption, et est d'environ
50 %. Par contre, la forme synthétique (acide folique) est absorbée à plus de 80 %.
Les folates sont essentiels pour la santé: un apport alimentaire inadéquat périconceptionnel
peut entraîner chez le fœtus des anomalies de fermeture du tube neural allant du spina­
bifida simple jusqu'à l'anencéphalie, et d'autres anomalies comme les cardiopathies
congénitales. En France, l'incidence moyenne des anomalies de fermeture du tube neural
(AFTN) est d'environ une grossesse sur 1 000. On estime que 7 % des femmes en âge de
procréer présentent un risque de déficit en folates (folates plasmatiques inférieure à 3 ng/ml).
La supplémentation maternelle en acide folique est largement recommandée à toutes les
femmes en âge de procréer, en particulier pour réduire le risque d'anomalies du tube neural.
Supplémentation :
■ En prévention primaire
► La posologie est de un comprimé de 0,4 mg/jour. Pour être efficace, la prévention
doit être entreprise 4 semaines avant la conception et se poursuivre 8 semaines
après celle-ci.

En prévention secondaire
► Supplémentation systématique de 4-5 mg/jour, 4 semaines avant la conception
et 8 semaines après la conception.

C. Vitamine D
Synonyme: calciferol
La vitamine D comprend deux métabolites : 1) le cholécalciférol (vitamine D3, dérivé du
cholestérol, produit par la peau sous l'action des rayons ultraviolets); et présent dans les
aliments d'origine animale (poissons gras, aliments lactés enrichis). 2) L'ergocalciférol
(vitamine D2, dérivé de l'ergostérol, présent dans l'alimentation d'origine végétale).
La carence en vitamines D2 et D3 pendant la grossesse est délétère pour l'enfant et
peut aboutir à un rachitisme.
■ Biosynthèse de la vitamine D3.
► La synthèse endogène de la vitamine D nécessite une exposition aux rayons
ultraviolets d'une longueur d'onde comprise entre 290 et 315 nm. Les rayons UVB
réagissent avec le 7-dehydrocholesterol (provitamine D cutanée) pour produire la
pro-vitamine D3, qui est isomérisée en cholécalciférol (ou vitamine D3).
► Son activation est catalysée par des cytochromes localisés dans les cellules
hépatiques et rénales en deux étapes. La première étape est l'hydroxylation en
position 25 qui conduit à la formation de 25-hydroxyvitamine D3 (25-OH-D3),
forme de réserve de la vitamine D3, et dont la demi-vie plasmatique est de deux a
trois semaines. La seconde étape est l'hydroxylation en position 1 par la CYP27B1
mitochondriale qui conduit à la 1,25-dihydroxyvitamine D3 (1,25 diOH-D3), forme
biologiquement active, dont la demi-vie plasmatique est d'environ quatre heures.
► Une fois synthétisée, la vitamine D3 active, diffuse dans l'organisme et agit sur
ses organes cibles: l'intestin, l'os, les reins et les parathyroïdes.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 252 127

► I:hydroxylation en 1,25-dihydroxy-vitamine D3 dans les tubules rénaux proximaux


est étroitement régulée par des mécanismes de rétroaction et dépend principa­
lement des besoins en calcium et en phosphore.

■ Catabolisme de la vitamine D3.


► Son catabolisme s'effectue dans des cellules cibles par l'enzyme CYP24Al, qui
catalyse la conversion de 1,25 diOH-D3 en 1,24,25-triOH-D3, première étape
dans la voie de dégradation de la vitamine D pour aboutir a une forme inactive,
l'acide calcitrioïque.
► Au cours des premiers stades de la grossesse, la vitamine D3 est impliquée dans
la régulation du métabolisme des cytokines et dans la modulation du système
immunitaire, contribuant ainsi à l'implantation de l'embryon et à la régulation
de la sécrétion de plusieurs hormones. Au dernier trimestre les besoins en vita­
mine D sont plus importants pour la croissance de l'enfant.
► Chez la femme enceinte, à la fin du premier trimestre, les concentrations sériques
de 1,25 diOH-D3 sont deux fois supérieures à celles d'une femme non enceinte et
continuent à augmenter à trois fois par rapport au niveau initial de la grossesse,
atteignant plus de 700 pmol/l. Cette concentration serait toxique chez la femme
non enceinte en raison d'une hypercalcémie concomitante.
► Les besoins sont de 10 µg/jour durant la grossesse ou 25 µg/jour au dernier
trimestre, d'ou l'intérêt d'un apport suffisant au 7• mois.
► I:alimentation apporte de 2 à 4 µg/jour, le reste étant comblé par l'ensoleillement
(15 minutes/jour).
► Les aliments riches en Vitamine D sont le saumon, la sardine, le maquereau, l'œuf
et l' huile de foie de morue.
► Une carence en vitamine D pendant la grossesse entraîne :

• pré-éclampsie;
• diabète gestationnel;
• allergies;
• anomalies de l'immunité;
• troubles du spectre autistique (Wagner);
• rachitisme.

■ Supplémentation
► Administration unique de 100 000 UI au 7° mois (10 mg/jour), en optimisant
l'exposition solaire.

D. Calcium
■ Minéral le plus abondant dans le corps.
■ Fonctions :
► formation osseuse;
► contraction musculaire;
► fonctionnement des enzymes et des hormones.

Les besoins de calcium fœtal atteignent un pic à 350 mg/jour au 3° trimestre, et l'absorption
du calcium par la mère devrait augmenter pour répondre à cette demande. Des études
longitudinales sur le métabolisme du calcium pendant la grossesse ont démontré que
l'absorption du calcium maternel augmentait considérablement au cours des deuxièmes
et troisièmes trimestres. Cette augmentation de l'absorption du calcium est directement
liée à l'apport en calcium maternel.
128 Nutrition et grossesse. Prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse

L'absorption du calcium pendant la grossesse est influencée par les hormones calcitropes
maternelles. Au cours du 1er trimestre, la concentration d' hormone parathyroïdienne
(PTH) diminue, puis augmente jusqu'à la limite supérieure de la normale au 3• trimestre,
reflétant l'augmentation du transfert de calcium de la mère vers le fœtus. Bien que les taux
de PTH n'augmentent généralement pas, la concentration de la pro-hormone de la PTH
{protéine-récepteur d' hormone parathyroïdienne ou PTHrP) augmente dans la circulation
maternelle. Les récepteurs PTHrP sont reconnus par la PTHrP et ont donc des effets
analogues à ceux de la PTH. Cette prohormone est produite par les tissus mammaires et
fœtaux pour stimuler le transport du calcium par le placenta vers le fœtus. Le PTHrP peut
également protéger le tissu osseux maternel contre la résorption osseuse, en augmentant
l'absorption de calcium dans l' intestin grêle et la résorption tubulaire dans les reins. Le
PTHrP pourrait également favoriser la minéralisation des os chez le fœtus.
Les autres hormones calcitropes, agissant sur le métabolisme du calcium chez la mère, sont
les formes actives et inactives de la vitamine D. Les concentrations sériques de 25-OH-D3
ne ci}angent pas pendant la grossesse, mais l'augmentation de la 1-a-hydroxylase et la
synthèse supplémentaire dans le placenta permettent une augmentation de la conversion en
l,25-diOH-D3. Il existe une hypercalciurie physiologique pendant la grossesse, en raison
de l'augmentation de l'absorption du calcium. De manière intéressante, le calcium urinaire
est dans les limites normales pendant le jeûne et augmente après les repas, indiquant une
excrétion élevée liée à l'augmentation de l'absorption du calcium. Enfin, l'excrétion urinaire
de calcium augmente jusqu'à 43 % entre le début et le 3• trimestre de la grossesse.
■ Déterminer le statut de calcium maternel.
► Déterminer le taux plasmatique normal de calcium d'une femme pendant
la grossesse est un défi puisque les concentrations sériques de calcium et
d'albumine diminuent en raison de l'augmentation du volume plasmatique,
cependant, le calcium ionisé reste normal. Même en l'absence de grossesse,
le calcium sérique est considéré comme indépendant de l'apport en calcium
alimentaire et ne constitue donc pas une mesure fiable de l'état du calcium.
► L'absorption du calcium augmente pendant la grossesse et aucun apport addi­
tionnel n'est nécessaire. Un excès de calcium peut entraîner une hypercalcémie
et une hypercalciurie aboutissant à une insuffisance rénale (DFG < 60 ml/mn),
à une calcification des tissus vasculaires et des tissus mous, ainsi qu'à une
néphrolithiase.

Un apport alimentaire de 1200 mg/jour de calcium pour les femmes enceintes est
recommandé par l'OMS et par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture {FAO).

E. Vitamine A
Synonyme : rétinol.
Les études épidémiologiques sur l'exposition nutritionnelle à la vitamine A sont rares.
Cependant, une carence importante en vitamine A est mortelle pour l'embryon,
alors que des carences mineures, inférieures à la moitié des apports nutritionnels
conseillés (600 µg pour la femme adulte), induisent principalement des anomalies
oculaires. Des études observationnelles ont montré qu'un apport insuffisant en vitamine
A(< 500 µg) pendant la grossesse a pour conséquence une incidence trois plus élevée des
anomalies cranio-faciales, cardiaques et thymiques. Ainsi, chez la femme enceinte, une
supplémentation en vitamine A est prescrite, ainsi que les aliments riches en celle-ci,
surtout au cours du 1•r trimestre de grossesse.
Chapitre 2. Métabolisme et alimentation - ITEM 252 129

--- - - ---- -
Tableau comparatif de repères nutritionnels chez la femme adulte, enceinte et allaitante

Femme Femme enceinte Femme


Nutriment Commentaire
adulte (Trimestre) allaitante
1" 2• 3e

Protéines En France les apports couvrent


0,8 idem 0,9 1,0 1,1
(g/kg/j) largement les besoins
Lipides(% 35-40 Idem Idem Idem idem Privilégier AGPI
ACT)
Glucides(%
50-55 Idem Idem Idem idem Aucun ajustement
ACT)
25- 25- Supplémentation de 40 a 60 mg/j
Fer(mg/j) 16 25 35 35 idem
chez la femme à risque de carence
Supplémentation systématique
un mois avant la grossesse et
Folates(µg/j) 300 400 Idem Idem idem pendant le 1 '' trimestre:
prévention primaire 0,4 mg/j
prévention secondaire 5 mg/j
Calcium
900 idem idem 1000 1 000 Pas de supplémentation
(mg/j)

Vitamine D Supplémentation
5 10 10 25 10
(µg/j) 100000 UI dose unique, au 7' mois
Vitamine A Ne pas dépasser 3 000 Ul/j par
600 idem 700 700 950
(mgER/j) trimestre

ACT: apports caloriques totaux; AGPI: acides gras poly-insaturés; ER: équivalent rétinol.

IV. INFECTIONS D'ORIGINE ALIMENTAIRE

A. Toxoplasmose
Cette maladie parasitaire est transmise par Toxoplasma gondi et survient après l'ingestion
de viande mal cuite, de crudités mal lavées ou par contact direct avec les chats. Chez la
femme enceinte non immunisée, la toxoplasmose peut entraîner un avortement, la mort
fœtale ou une atteinte neurologique et rétinienne. Le risque de toxoplasmose congénitale
constitue un problème majeur pour la femme non immunisée.
Fréquence et manifestations cliniques de l'infection par toxoplasma gondi chez la femme
enceinte.

Trimestre Incidence Manifestations


1" 17 % Fausse couche, mort à la naissance, prématurité

Risque intermédiaire, fausse couche, mort à la naissance, cécité,


2• 25 %
choriorétinite, altérations neurologiques, décès
3e 65 % Risque élevé d'infection congénitale, peu de manifestations à la naissance

En France, les tests sérologiques a la recherche d'une primo-infection sont obligatoires


lors de la déclaration de la grossesse. En cas de séronégativité, il est demandé de ne pas
consommer de viande crue, de laver à grande eau et d'éplucher légumes et fruits consommés
crus et d'éviter le contact avec les chats.
130 Nutrition et grossesse. Prévenir des carences nutritionnelles pendant la grossesse

B. Listériose
Listeria monocytogenes est une bactérie résistante au froid mais sensible à la chaleur,
transmise par la consommation d'aliments contaminés. La listériose, relativement bénigne
pour la mère, peut passer inaperçue et prendre la forme de contractions, ou plus rarement,
se réduire à un pic fébrile. Par contre, elle peut provoquer des complications graves chez
l'enfant, telles qu'une fausse couche, une prématurité, une septicémie maternelle et néonatale
entraînant la mort du nouveau-né.
En France métropolitaine, en 2015, près de 350 cas de listériose ont été recensés, toute
population confondue. Les mesures préventives consistent à éviter de consommer du lait
cru ou des fromages au lait cru, des charcuteries a la coupe (rillettes, pâtes, produits en
gelée), les produits de saucissonerie, les graines germées réfrigérées. Il faut enlever les
croûtes de fromages, cuire les aliments d'origine animale, réchauffer correctement les
restes des plats cuisinés, bien nettoyer le réfrigérateur et se laver les mains.

V. TOXICITÉ

A. Alcool
L'éthanol peut compromettre la capacité anti-oxydante endogène, en diminuant l'efficacité
de la glutathion peroxydase, ou générer des radicaux libres, tels les produits de son
métabolisme par le cytochrome CYP2El. La présence de CYP2El dans le tissu cérébral
est significative car elle chevauche le début de l'organogenèse (jours 50 à 60). Lorsque le
CYP2El oxyde l'éthanol, il génère un radical hydroxyéthyle ou superoxyde qui cible les
chaînes latérales des acides gras poly-insaturés dans les membranes des cellules du cerveau.
Ces processus de peroxydation lipidique peuvent endommager le cerveau du fœtus pendant
l'organogenèse, se manifestant par un dysfonctionnement du SNC après l'accouchement
connu sous le nom du syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF) caractérisé par des anomalies
physiques, mentales et comportementales. La plupart des enfants atteints du SAF présentent
un faciès particulier, un retard de croissance et parfois des lésions cérébrales irréversibles.

B. Métaux lourds
1. Mercure
L'alimentation est la principale source de contamination par le mercure, très fortement
liée à la consommation de gros poissons prédateurs. Il faut donc éviter de consommer trop
souvent ces poissons (dorade, espadon, marlin, grenadier, bar, requin, thon). Un poisson
contaminé peut contenir 23 mg de mercure/kg de poids humide, soit près de 100 000 fois
la concentration de mercure dans l'eau environnante. En 2003, l'OMS a adopté une dose
hebdomadaire maximale de 1,6 µg/kg. Les moules et les huîtres concentrent également
le mercure.
2. Plomb
Les principales voies d'absorption du plomb sont les ingestions accidentelles, mais également
l'absorption d'eau des canalisations. Le fœtus n'est pas protégé par le placenta et est
extrêmement sensible au plomb, qui provoque chez lui des troubles neurologiques pour
de faibles doses d'exposition. L'intoxication au plomb est souvent asymptomatique mais
conduit à une baisse du quotient intellectuel, de l'anémie, des troubles du comportement,
des problèmes rénaux et des pertes auditives.
131

FICHE FLASH
□ "Ëtat pondéral" (hors prise de poids):
► dénutrition: fausse couche, petit poids de naissance, carences nutritionnelles, anomalies de la
fermeture du tube neural;
► obésité: hypoglycémie, score d'Apgar bas, macrosomie, polycythémie.
□ Femmes à risque de carence:
► femmes ayant des règles abondantes;
► ATCD de carence martiale;
► adolescentes;
► grossesses rapprochées ou multiples;
► hémoglobinopathies;
► végétariennes/végétaliennes;
► bas niveau socio-économique.
□ Besoins nutritionnels:
► arrêt des restrictions (correction des déséquilibres alimentaires);
► minimum: 1 600 kCal/j.
U Macronutriments:
► protéines:� 1 g/kg/j (besoins normalement couverts par une alimentation équilibrée);
► glucides et lipides: suivre les ANR pour la population adulte.
O Micronutriments:
► fer:supplémentation systématique conseillée dès la fin du 1er trimestre, notamment chez les femmes
à risque de carence;
► calcium: > 1 000 mg (allaitement: 1 300 mg/j);
► vitamine D: une supplémentation systématique est conseillée à la fin du 2• trimestre par une dose
unique de 100000 UI per os;
► acide folique (vitamine 89): supplémentation systématique de 0,4 mg/j en prévention primaire et
5 mg/j en prévention secondaire;
► la vitamine A est contre-indiquée pendant la grossesse (ne pas dépasser 3 000 Ul/jour au,., trimestre),
car au-delà existe un risque tératogène.
132

POUR EN SAVOIR PLUS

+ HAS 2005. Comment mieux informer les femmes enceintes? Recommandations pour la
pratique
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/femmes_
enceintes_recos.pdf
+ HAS 2016 Suivi et orientation de femmes enceintes en fonction des situations à risque
identifiées. Synthèse de recommandations professionnelles
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/suivi_orienta­
tion_femmes_enceintes_synthese.pdf
+ HAS 2017 Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions
médicales. Méthode Recommandations pour la pratique clinique.
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-01/accou­
chement_normal_-_recommandations.pdf
+ Recommandation INPES (Ministère)
http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/detaildoc.asp?nu­
mfiche=1059
CHAPITRE 3. BIOLOGIE CARDIO-VASCULAIRE

ITEM 221
HYPERTENSION ARTÉRIELLE
Françoise MAUPAS-SCHWALM

L'hypertension artérielle (HTA) est la première maladie chronique dans le monde. Non traitée, elle
induit un risque d'accidents vasculaires cérébraux, de démence, d'insuffisance cardiaque, d'infarctus
du myocarde et d'insuffisance rénale chronique. Les valeurs tensionnelles entrent dans le cadre d'une
évaluation du risque global du patient de développer une maladie athéromateuse à 10 ans sur les
grilles SCORE communiquée par la Société Européenne de Cardiologie. L'HTA est par ailleurs un
des éléments du syndrome métabolique.
Le diagnostic de l'HTA est clinique mais le bilan biologique est un élément incontournable de la prise en
charge médicale du patient hypertendu et complète l'examen clinique et les examens complémentaires
paracliniques à différents temps de sa prise en charge médicale.

1. DÉFINITIONS DE L'HTA

A. Définition de l'HTA selon la Haute Autorité de Santé


L'HTA est définie comme « une pression artérielle mesurée en consultation ;?: 140/90 mmHg et
persistante dans le temps».
Une première mesure de la pression artérielle (PA) doit être réalisée par un professionnel de santé
(médecin, pharmacien d'officine, infirmier-e) à l'aide d'un appareil validé, chez un patient en position
assise ou allongée, au repos durant au moins 3 à 5 minutes, dans le calme. La mesure est réalisée aux
deux bras à l'aide d'un brassard adapté à la circonférence du bras et en retenant la valeur la plus haute.
Il est conseillé de mesurer aussi la PA lors du passage à l'orthostatisme après une minute et trois minutes.
Une seconde mesure doit compléter la mesure initiale. La PA doit être mesurée en dehors du cabinet médical
pour confirmer le diagnostic d'HTA avant de débuter un traitement (sauf urgence hypertensive). On peut
prescrire une auto-mesure tensionnelle (selon la règle des 3 : trois mesures le matin avant le petit-déjeuner
et la prise de médicaments, 3 mesures avant le coucher, 3 jours de suite, en espaçant les mesures de quelques
minutes) ou une mesure ambulatoire de la PA (ce qui a l'avantage d'évaluer la variation circadienne de la
PA et d'évaluer la valeur de la pression artérielle dans le contexte d'activités habituelles du patient). L'HTA
est confirmée si la PA systolique diurne est en moyenne:?: 135mmHg ou la PA diastolique diurne est en
moyenne:?: 85mmHg.

B. Définitions étiologiques de l'HTA


Une HTA « blouse blanche» est évoquée lorsqu'on constate que les valeurs de PA sont normales (c'est-à­
dire < 135/85 selon les recommandations actuelles) en dehors du cabinet médical alors que les valeurs obtenues
lors d'une consultation médicale évoquent une HTA. Cette forme particulière d'élévation tensionnelle
ne requiert habituellement pas le recours à un bilan complémentaire, ni à un traitement médicamenteux
antihypertenseur mais il est recommandé de proposer au patient une surveillance tensionnelle annuelle
associée à des règles hygiéno-diététiques puisqu'il semble que l'évolution vers une HTA soit possible.
Une HTA est dite essentielle (ou primitive ou idiopathique), lorsqu'une étiologie précise n'est pas
retrouvée. Elle représente plus de 90 % des hypertensions artérielles. Les patients qui présentent
134 Hypertension artérielle

cette forme d'HTA constituent une population hétérogène répondant probablement,


en partie, à une hérédité multifactorielle, ou relevant de causes distinctes dont
l'expression phénotypique serait identique. Une composante génétique est retrouvée
chez 30 % des hypertendus. Des antécédents familiaux d'HTA associés à des antécédents
d' élévation transitoire d'HTA orientent vers ce diagnostic d'HTA essentielle. Certains
facteurs environnementaux sont souvent associés au développement de l'HTA essentielle
tels que l'excès d'apport sodé (pour lequel la sensibilité individuelle est variable), l'obésité,
la profession, l'alcoolisme, l'insulino-résistance, la sédentarité.
Quelquefois, on trouve une cause spécifique d'élévation tensionnelle, on parle alors
d'HTA secondaire. Ces HTA relèvent d'une prise en charge médicale spécialisée. Les plus
fréquentes sont les HTA d'origine rénale et d'origine endocrinienne. D'autres étiologies
sont plus rares telles que les étiologies neurogènes responsables d'HTA quelquefois aiguë
(hypertension intracranienne, section de la moelle épinière), une coarctation de l'aorte,
une maladie de Vaquez, ou encore certaines HTA d'origine iatrogène (glucocorticoïdes,
cyclosporine).
Il existe un trouble de la sécrétion rénale de substances vasoactives et/ou un trouble des
échanges hydrosodés au cours de l'HTA rénale ce qui conduit à une expansion volémique.
On parle d'HTA rénovasculaire lorsque lëtiologie de l'HTA est une sténose de l'artère rénale
(ou une de ses branches) qui entraîne un défaut de perfusion du rein, responsable d'une
activation secondaire du système rénine/angiotensine stimulant la sécrétion d'aldostérone.
Dans l'HTA rénale parenchymateuse, on note une hypoperfusion rénale par atteinte
inflammatoire et.fibreuse de multiples vaisseaux intrarénaux. Ici l'activation du système
rénine/angiotensine/aldostérone existe mais semble moindre que dans l'HTA rénovasculaire,
alors que l'atteinte lésionnelle parenchymateuse induit un déficit d'excrétion sodée entraînant
une rétention sodée en grande partie responsable de l'HTA.
Beaucoup plus rarement, l'HTA rénale peut être due à un excès de sécrétion de rénine par
des tumeurs de l'appareil juxtaglomérulaire ou les néphroblastomes.
Une HTA peut être d'origine endocrinienne
Plusieurs causes d'HTA d'origine surrénalienne sont connues
L'hyperaldostéronisme primaire, dû à une tumeur ou à une hyperplasie des surrénales,
peut générer une HTA liée à la rétention sodée par augmentation de l'échange tubulaire
rénal sodium/potassium, avec hypervolémie et activité rénine plasmatique basse.
Il existe par ailleurs fréquemment chez ces patients une production augmentée de
minéralocorticoïdes.
L'hypercorticisme est responsable d'une HTA. Cela peut correspondre à une maladie
de Cushing due à un adénome hypophysaire corticotrope, un syndrome de Cushing
paranéoplasique, ou une tumeur de la corticosurrénale. De même, un traitement
glucocorticoïde au long cours peut être responsable d'une HTA d'origine iatrogène par
rétention hydrosodée ou secondaire à la production de rénine induite par le traitement.
Les patients porteurs de phéochromocytome (tumeur de la médullosurrénale) ont une sécrétion
augmentée d'adrénaline et de noradrénaline, responsable d'une stimulation excessive des
récepteurs adrénergiques aboutissant notamment à une vasoconstriction périphérique.
Chez les patients présentant une acromégalie, l'excès de GH a un impact sur le système
cardiovasculaire. Il peut s'accompagner d'une atteinte coronarienne, d'une hypertrophie
ventriculaire gauche et d'une HTA dans 30 % des cas.
L'HTA de l'hyperparathyroïdie, peut être due à l'atteinte parenchymateuse rénale liée à la
néphrocalcinose, ou la conséquence d'un effet vasoconstricteur direct de l'hypercalcémie.
L'HTA orthostatique est définie par une élévation de la PA systolique de plus de
20mmHg lors du passage à l'orthostatisme. Il s'agit d'une forme particulière d'HTA
présentée par des patients atteints d'une dysautonomie avec un déficit en transporteurs
de la noradrénaline. L a prévalence de cette HTA est d'environ 20 %, même si cette forme
d'HTA est moins bien connue. L'HTA orthostatique est plus fréquente chez le sujet âgé et
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 221 135

le patient diabétique et associée à une augmentation de la morbimortalité par majoration


du risque neurovasculaire (lésions de la substance blanche à l'IRM), majoration du risque
du déclin cognitif et augmentation de la mortalité.

C. Quelques contextes singuliers de l'HTA


Indépendamment de l'étiologie, certaines situations cliniques sont à individualiser dans
un contexte d'HTA.
1. Diabète et HTA
Le dépistage et la prise en charge de l'HTA du patient diabétique sont impératifs pour limiter
la survenue d'évènements micro et macrovasculaires, mais les objectifs thérapeutiques
sont complexes à évaluer. En effet, certaines études montrent l'existence d'une courbe en
« J » concernant la morbimortalité des patients diabétiques et hypertendus en fonction des
valeurs tensionnelles. Des valeurs basses de PA seraient atteintes au prix d'évènements
indésirables, notamment portant sur la fonction rénale, ce qui objectiverait pour des
valeurs tensionnelles trop basses, un rapport bénéfice/risque négatif pour ces patients.
Les recommandations de l'HAS et de la SFHTA donnent actuellement des objectifs
tensionnels de l'ordre de 140/90mmHg chez le patient diabétique, mais certaines
études ainsi que les recommandations européennes actuelles seraient en faveur d'un
objectif tensionnel � 130/S0mmHg (mais > 120/70mmHg), qui permettrait de limiter
la survenue d'accident vasculaire cérébral chez ces patients.
2. Grossesse et HTA
L'HTA au cours d'une grossesse entre dans un cadre nosologique particulier qui dépasse ce
chapitre. Nous ne rappellerons ici que les définitions issues de consensus d'experts (Collège
National des Gynécologues et Obstétriciens Français). L'HTA gestationnelle est définie
par une PA systolique� 140mmHg et/ou une PA diastolique� 90mmHg survenant
après la 20• semaine d'aménorrhée jusqu'à la 6• semaine après l'accouchement.
Lors de la pré-éclampsie, s'ajoute une protéinurie supérieure à 300 mg/24 heures, les
formes sévères de pré-éclampsie se distinguant par des chiffres tensionnels plus élevés (PA
systolique� 160mmHg et/ou PA diastolique�llOmmHg) avec atteinte rénale, œdème
pulmonaire ou manifestation neurologique, et une thrombocytopénie. Lëclampsie, urgence
vitale pour la mère et l'enfant, est marquée par l'apparition d'une crise tonicoclonique dans
un cadre d'hypertension artérielle majeure gestationnelle.
3. Âge et HTA
Selon l'HAS, une HTA diagnostiquée chez un patient de moins de 30 ans relève d'une
consultation médicale spécialisée.
L'HTA systolique isolée est corrélée avec l'âge. Chez le patient de plus de 80 ans, la cible
tensionnelle chez un hypertendu traité est un peu plus élevée (PA systolique< 150mmHg)
et il est indispensable de rechercher une hypotension orthostatique et de lutter contre une
iatrogénie notamment en cas de plurithérapie.
4. L'HTA résistante
L'HTA relève d'un traitement associant des mesures hygiéno-diététiques comportant
notamment une limitation de la prise alimentaire de sel (6-8 g/jour de sel soit une
natriurèse d'environ 100 à 150 mmol/j), ainsi qu'une lutte contre la sédentarité, le
surpoids et le tabagisme, l'instauration d'un traitement médical initialement en
monothérapie, dans une classe thérapeutique ajustée au profil du patient. La SFHTA et
l'HAS recommandent un suivi mensuel du patient hypertendu nouvellement diagnostiqué
pour mesurer sa PA, rappeler les règles hygiéno-diététiques, vérifier l'adhésion du patient
au traitement et le majorer au besoin jusqu'à l'obtention des chiffres tensionnels cible
jusqu'à 6 mois.
136 Hypertension artérielle

On parle d'HTA résistante quand la cible tensionnelle n'est pas atteinte après
6 mois d'une prise en charge trithérapique associant un diurétique et deux agents
antihypertenseurs de classe thérapeutique différentes administrés à dose conforme.
La prise en charge des patients présentant une HTA résistante relève d'une consultation
médicale spécialisée.

Il. BILAN BIOLOGIQUE DE L'HTA


Le bilan biologique est indispensable chez un patient hypertendu. Il est utilisé à la
phase initiale de la prise en charge et contrôlé au cours du suivi médical du patient.
Lors du diagnostic initial de l'HTA, le bilan biologique contribue à établir un bilan pré
thérapeutique de référence et à évaluer les contre-indications thérapeutiques. Il aidera
à déterminer s'il existe des complications de l'HTA et permettra de compléter le bilan
des facteurs de risque des maladies cardioneurovasculaires. Devant une suspicion
d'HTA secondaire, il pourra aider à l'orientation du diagnostic étiologique de l'HTA.
Au cours du suivi d'un patient hypertendu traité, il est actuellement préconisé de
contrôler annuellement le bilan biologique. Ce bilan sera indispensable pour détecter
les effets iatrogènes. D'autre part, il est utile au suivi du traitement instauré, non
seulement antihypertenseur mais aussi étiologique des HTA secondaires. Il contribue
à surveiller le patient vis-à-vis des complications lésionnelles tissulaires possibles de
la maladie hypertensive ainsi qu'à rechercher l'apparition de nouveaux facteurs de
risque cardiovasculaires. La fréquence du contrôle biologique sera augmentée en cas
de diabète, d'insuffisance rénale, d'atteinte cardiaque ou à l'occasion de tout évènement
intercurrent. La surveillance biologique est aussi plus fréquente chez le sujet hypertendu âgé.

A. Bilan biologique élémentaire de l'HTA .


1. Dosage de la kaliémie (prélèvement sans garrot)
L'existence d'une hypokaliémie chez un patient nouvellement diagnostiqué hypertendu,
ou l'existence d'une kaliémie normale basse chez un hypertendu difficile à équilibrer
ou sous Inhibiteurs de l'Enzyme de Conversion (IEC) doit faire évoquer une HTA
secondaire : hyperaldostéronisme primaire ou prise de minéralocorticoïdes.
Chez l'hypertendu traité, certains diurétiques peuvent induire une hypokaliémie qui
nécessitera une supplémentation complémentaire. Une hyperkaliémie est une contre­
indication à certains traitements tels que la spironolactone. Les IEC peuvent générer une
hyperkaliémie mais en général dans un contexte d'insuffisance rénale. Les Antagonistes
des Récepteurs de !'Angiotensine 2 (ARA2) peuvent provoquer une hyperkaliémie lorsqu'ils
sont associés à certains diurétiques.
2. Dosage de la natrémie
L'évaluation de la natrémie fait partie du bilan élémentaire du patient hypertendu et
le bilan pré- thérapeutique des IEC et des ARA2.

3. Calcémie
L'hypercalcémie favorise l'HTA. Élevée, elle constitue une contre-indication à certains
traitements tels que la spironolactone.

4. Évaluation de la fonction rénale


La créatininémie et la mesure du Débit de Filtration Glomérulaire (DFG) sont
recommandés dans le bilan initial du patient hypertendu puis annuellement au cours
du suivi.
La découverte d'une créatininémie élevée initiale doit être contrôlée par un second dosage
un mois plus tard.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 221 137

Une diminution du DFG impose d'adapter la posologie de certains médicaments et d'éviter


les médicaments néphrotoxiques. L'HAS recommande de noter la valeur du DFG, si elle
est basse, sur l'ordonnance du patient pour informer le pharmacien. La coprescription
d1EC ou d'ARA2 avec un diurétique thiazidique doit s'accompagner d'une surveillance
biologique rénale rapprochée.
5. Équilibre glycémique
La mesure systématique de la glycémie à jeun chez un patient hypertendu fait partie
du bilan de dépistage des facteurs de risque cardiovasculaires qui peuvent aggraver la
répercussion tissulaire d'une HTA par une artériosclérose accélérée, ou en favorisant
une néphropathie.
Par ailleurs, certaines HTA secondaires de cause endocriniennepeuvent s'accompagner d'une
hyperglycémie (hyperaldostéronisme primaire, syndrome de Cushing et phéochromocytome).
Pour un patient hypertendu et diabétique, le dosage de l'hémoglobine glyquée (HbAlc),
aidera à évaluer l'équilibre glycémique sous traitement antidiabétique.
6. Bilan lipidique
Dans le cadre d'un bilan de dépistage d'une dyslipidémie, un dosage de cholestérol total
associé à un dosage des triglycérides peut être suffisant. Toutefois, les recommandations
européennes de 2016 sur les dyslipidémies montrent l'intérêt de la valeur des HDL pour
mieux appréhender le risque cardiovasculaire global d'un patient. Il est recommandé
de demander une Exploration d'une Anomalie Lipidique (EAL) en première intention
chez le patient hypertendu.
L'EAL renseignera sur S éléments : aspect du sérum à jeun, dosage du cholestérol total, dosage
des triglycérides, dosage des HDL et calcul du taux de LDL par laformule de Friedewald.
7. Analyse d'urine
La recherche d'une protéinurie, d'une hématurie et d'une glycosurie doit être réalisée
chez le patient hypertendu. Elle peut se faire initialement à l'aide d'une bandelette
urinaire.
Une quantification sera demandée si la bandelette est positive, ou systématiquement
dans le cadre d'un suivi d'un patient hypertendu connu et/ou porteur de facteurs
de risque (diabète par exemple). On recherchera une microalbuminurie voire une
macroprotéinurie et on demandera le rapport albuminurie/créatininurie.

B. Bilan biologique de dépistage d'une HTA secondaire


Le bilan d'une HTA secondaire relève d'une prise en charge spécialisée. Il est réalisé en
général dans un second temps sauf chez l'hypertendu jeune, chez qui on suspecte d'emblée
une HTA secondaire.
On suspecte une HTA d'origine rénovasculaire chez un patient qui présente un souffle
lombaire, une HTA résistante à la thérapeutique, ou une détérioration de la fonction
rénale après instauration d'un traitement par IEC. Le bilan biologique de base peut
montrer une hypokaliémie par hyperaldostéronisme secondaire, une albuminurie et
parfois une atteinte de la fonction rénale.
L'hyperaldostéronisme secondaire sera confirmé par un dosage de rénine et d'aldostérone
plasmatique réalisé dans des conditions préparatoires strictes : régime normosodé,
arrêt des diurétiques, des bêtabloquants, des IEC ou de tout traitement modifiant le
système rénine-angiotensine depuis au moins 8 jours. Le dosage s'effectue dans des
conditions basales de repos, c'est-à-dire avant le lever matinal, mais en pratique il
est souvent réalisé à distance du lever chez un patient en position couchée pendant
plusieurs minutes. Un taux de rénine élevé associé à un taux d'aldostérone élevé signe
un hyperaldostéronisme secondaire.
138 Hypertension artérielle

La démarche diagnostique peut être complétée par une scintigraphie rénale sensibilisée par
une prise de captopril. Le diagnostic effectif se fera par dosage de la rénine dans la veine
cave inférieure et les veines rénales.
En cas d'hyperaldostéronisme primaire, l'HTA est provoquée par une sécrétion
inappropriée d'aldostérone le plus souvent liée à une hyperplasie des surrénales, ou un
adénome surrénalien sécrétant. Cette sécrétion augmentée d'aldostérone s'accompagne
d'un effondrement de la libération de rénine.
Les dosages plasmatiques de rénine et d'aldostérone, réalisés dans les conditions préanalytiques
strictes précédemment décrites, ainsi que le calcul du rapport aldostérone/rénine donnent
le diagnostic : Une aldostéronurie augmentée. La kaliémie peut être normale, ou normalisée
par des apports potassiques de suppléance ou par une prise d'amiloride.
Une suspicion clinique et/ou familiale de maladie de Vaquez conduit à demander une
numérationformule sanguine. Le diagnostic de polyglobulie sera posé sur l'augmentation de
['hématocrite (supérieur à 52 % chez l'homme, et 48 % chez la femme) ou de l'hémoglobine
(supérieure à 185 g/l chez l'homme et 165 g/l chez lafemme).
Une suspicion clinique de dysthyroïdie chez un patient hypertendu nécessite un dosage
de TSH.
Un hypercortisolisme est responsable d'une HTA fréquemment accompagnée d'hyperglycémie.
La sécrétion de cortisol subissant des variations nycthémérales, la cortisolémie peut être
dosée le matin à jeun entre 7 et 9 heures au moment du pic. Le cortisol salivaire peut être
mesuré à minuit, à l'aide de bandelette « salivettes ». Une mesure du cortisol urinaire des
24 heures peut compléter ce bilan.
L'origine périphérique ou centrale de l'hypercortisolisme peut être obtenue par un « test
au dectancyl » ou « test de freinage minute à la dexaméthasone » : on dose le cortisol
plasmatique à 7 ou à 10 heures du matin, ou le cortisol libre urinaire des 24 heures, après
administration de 1 mg de dexaméthasone au coucher.
Le phéochromocytome est une tumeur rare sécrétant des catécholamines, responsable
d'une symptomatologie clinique associant : céphalée, palpitations, et hypersudation
dans un contexte d'HTA avec une hyperglycémie souvent associée.
Le diagnostic est posé par un dosage des catécholamines, ou de leurs métabolites
(métanéphrines/normétanéphrines) réalisé sur des urines de 24 heures lors d'une poussée
d'HTA, ou sur plasma. Il est possible de compléter par un dosage de la chromogranine
A sérique (marqueur sensible et spécifique des tumeurs neuroendocrines).
139

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Blacher J., Halimi J.M., Hanon O., Mourad J.J., Pathak A., Schnebert B., Girerd X. au
nom de la Société Française d'Hypertension artérielle (SFHTA). Recommandations
SFHTA 2013 « Prise en charge de l'hypertension de l'adulte».
+ Bouhanick B. HTA et diabète: quelle prise en charge en 2018? Arch Mal Vaiss Prat
2018; 2018 :6-10.
+ European Society of Cardiology (ESC) and the European Society of Hypertension
(ESH). Guidelines for the management of arterial hypertension. European Heart Journal
(2018) 39, 3021-3104.
+ European Society of Cardiology (ESC) and European Atherosclerosis Society (EAS).
Guidelines for the management of dyslipidaemias. European Heart Journal (2016) 37,
2999-3058.
http://www.cngof.fr/pratiques-cliniques/recommandations-pour-la-pratique-cli­
nlque.
+ Fischer NOL, Williams GH. Hypertension artérielle. Harrison principes de médecine
interne 16° édition. Éditions Médecine-Sciences Flammarion.
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2059286/fr/prise-en-charge-de-l-hy­
pertension-arterielle-de-l-adulte.
+ Mourad JJ, Benainous R, Le Jeune S. Hypertension orthostatique: un paramètre
péjoratif qui sort de l'ombre? Arch Mal Vaiss Prat 2018; 2018 :14-15.
ITEM 232
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Françoise MAUPAS-SCHWALM

L'insuffisance cardiaque (IC), aiguë et chronique, résulte d'une déficience de la fonction cardiaque dont
les étiologies sont multiples, s'accompagnant de comorbidités nombreuses liées aux conséquences.
La fréquence de l'IC (prévalence estimée à 1 - 2 % dans les pays-développés, en augmentation avec
l'âge à partir de 75 ans), en fait une problématique importante de santé publique. L'évolution de l'IC
chronique est émaillée de nombreux épisodes de décompensation, qui engagent le pronostic fonctionnel
du patient : dénutrition, risque d'iatrogénie, évolution vers la dépendance, pronostic vital.
Le bilan biologique revêt une importance considérable dans la prise en charge du patient insuffisant
cardiaque notamment par deux éléments incontournables : les peptides natriurétiques et le bilan martial.
Le dosage des peptides natriurétiques est le punctum salien actuel du diagnostic de l'IC, notamment quand
il y a difficulté à diagnostiquer l'IC sur des critères cliniques ou dans l'IC à fraction d'éjection préservée
débutante. La carence martiale est désormais individualisée au titre d'une comorbidité de l'IC dans les
recommandations 2016 de la société européenne de cardiologie.

1. DÉFINITIONS DE L'IC
L'IC est l'incapacité du cœur à pomper le sang à un débit compatible avec les besoins métaboliques
des tissus.
De nombreuses études ont permis d'améliorer la connaissance de la physiopathologie de l'IC et sa prise en
charge médicale. En effet, la classification de l'IC distingue désormais trois catégories
■ À fraction d'éjection basse(< 40%) qui correspond à l'IC «classique» à dysfonction systolique du
ventricule gauche;
■ À fraction d'éjection préservée(� 50%) qui correspond à une dysfonction diastolique du ventricule
gauche;
■ À fraction d'éjection moyennement altérée, intermédiaire, nouvellement individualisée.

Critèresmajems Critères mineurs


Dyspnée paroiystique nocturne Œdème périphérique
Orthop11ée • Toux nocturne
Turgesœnœ jugulaire Dyspnée à reffort
Râlescrépîtmls pulmonaires Hépatomégalie
cardiomégalie Épanchement pleural
Œdème pulmonaire Réduction de la capacité vitale (normale -1/3)
Galop a11ee 83 • Tachycardie 2: 120 bat/min
Augmentation de la pression veineuse P-16 cnf20) • Perte de poids> 4.5 kg après Sj sous traitement
Reb hépaloil911aiP.
Ciitètes de hamingham (d'ap,ès McKee PA et al. N Engll Med. 1971}

L'IC est définie comme un syndrome clinique associant des symptômes (dyspnée et/ou une asthénie)
avec des signes cliniques objectifs; et une preuve d'une anomalie structurelle ou fonctionnelle du
cœur (donnée par le dosage des peptides natriurétiques et l'imagerie cardiaque) entraînant un débit
cardiaque réduit et/ou des pressions intracardiaques élevées au repos ou lors d'un stress.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 232 141

On caractérise l'IC, classiquement à l'aide des critères de Framingham pour lesquels


on observe 2 critères majeurs ou 1 critère majeur associé à 2 critères mineurs.
Mais les signes cliniques peuvent être absents, notamment à la phase précoce d'une IC à
fraction dëjection préservée ou chez les patients sous traitement diurétique. Ils peuvent être
difficiles à recueillir chez le patient obèse, âgé ou avec une pathologie pulmonaire.
La société européenne de cardiologie propose des symptômes typiques et des signes cliniques
spécifiques pour aider à diagnostiquer cliniquement l'IC.

Symptômes typiques Signes cliniques typiques

... Dyspnée
Orthopnée ... Turgescence jugulaire
Galop à l'auscultation cardiaque

.. Dyspnée paroxystique nocturne


Tolérance abaissée à l'effort
Choc de pointe dévié latéralement

. Mauvaise récupération après l'effort


Fatigue, asthénie,
Symptômes moins typiques Signes cliniques moins typiques
.. Toux nocturne .. Prise de poids (> 2kg/semaine)
.. Respiration sifflante
Ballonement abdominal .. Perte de poids (IC évoluée)
Amyotrophie
. Perte d'appétit
Confusion (notamment chez les personnes .. Oedèmes périphériques
Crépitants pulmonaires
.. agées)
Vertige
...
Epenchement pleural
Tachycardie, pouls irrégulier
Syncope Tachypnée

...
Respiration de Cheyne Stokes
Hépatomégalie
Ascite

. Oligurie
Extrémités froides
Symptômes et signes diniques de l'IC
(d'après ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2016)

La NYHA (New York Heart Association) a proposé il y a des années une classification
fonctionnelle de l'IC toujours très utilisée en pratique clinique.

Classe 1
Patients souffrant d'une maladie cardiaque mais sans limitation de l'activité physique.
L'activité physique ordinaire ne cause pas de fatigue excessive, de palpitations ou de
dyspnée.
Classe Il
Patients souffrant d'une maladie cardiaque avec une légère limitation de l'activité physique.
Ils sont à l'aise au repos. L'exercice physique entraîne de la fatigue, des palpitations ou
une dyspnée.
Classe Ill
Les patients ont une limitation marquée de l'activité physique. Ils restent confortables
au repos, mais la moindre activité physique génère de la fatigue, des palpitations, ou
une dyspnée.
Classe IV
Les symptômes de l'insuffisance cardiaque sont présents même au repos et la moindre
activité physique génère un inconfort.
Classification de la NYHA d'après « Nomenclature and Criteria for Diagnosis of Diseases of the Heart and Great
Vessels 1994 » in Hurst W et al. Clin. Cardio/.1999; 22: 385-390
142 Insuffisance cardiaque

L'IC est dé.finie comme « IC droite» lorsqu'il existe une atteinte primitive du cœur droit
et/ou lorsque les manifestations cliniques droites prédominent (œdèmes, hépatomégalie
congestive et distension veineuse).

Il. ÉTIOLOGIES DE L'IC

A. La société européenne de cardiologie distingue trois groupes étiologiques


de l'IC
L'IC consécutive à une atteinte directe du myocarde, l'IC par modification des conditions
de charge, et l'IC dont l'origine est une cause arythmique.
1. Les étiologies responsables d'une IC par atteinte directe du myocarde
■ Les cardiomyopathies ischémiques sont responsables d'un tiers des IC aux États­
Unis et en Europe de l'Ouest. Elles peuvent être la conséquence de coronaropathies.
■ Les cardiomyopathies toxiques peuvent être dues à:
► des substances« récréatives» ou dopantes consommées en excès telles que l'alcool,
la cocaïne, les amphétamines, les stéroïdes anabolisants;
► une intoxication par des métaux lourds: cuivre, fer, plomb, cobalt;
► un traitement médicamenteux cardiotoxique : drogues cytostatiques (anthracy­
clines) ou immunomodulatrices (anticorps monoclonaux), certains antidépresseurs,
antiarythmiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens;
► un traitement radiothérapique

■ Les cardiomyopathies dans un contexte inflammatoire :


► par atteinte infectieuse bactérienne, parasitaire ou virale;
► par atteinte auto-immune dans les pathologies de système (lupus érythémateux
aigu disséminé par exemple).

■ Les cardiomyopathies d'infiltration :


► par infiltration tumorale directe ou métastatique;
► par surcharge : amylose, sarcoïdose, hémochromatose, glycogénose (maladie de
Pompe), maladie lysosomiale (Maladie de Fabry).

■ Les cardiomyopathies d'origine métabolique : toutes les pathologies hormonales


peuvent donner une atteinte myocardique. On place dans ce groupe la cardiomyo­
pathie de la grossesse et du post-partum.
■ Les cardiomyopathies d'origine génétique : La découverte d'une cardiomyopathie
hypertrophique (CMH), d'une cardiomyopathie dilatée (CMD), ou d'une dysplasie
arythmogène du ventricule droit (DAVD) conduit le clinicien à débuter une enquête
familiale et à solliciter un conseil génétique. On peut aussi diagnostiquer une
dystrophie musculaire, une laminopathie, plus rarement une non-compaction du
ventricule gauche.
2. Les étiologies des IC par modification des conditions de charge
L'hypertension artérielle (HTA): selon le bulletin épidémiologique hebdomadaire
d'avril 2018, l'HTA est la pathologie chronique la plusfréquente en France et toucherait
un adulte sur trois. Elle peut être pourvoyeuse d'IC, d'autant que seule une personne
hypertendue sur deux aurait connaissance de son HTA et serait donc traitée.
■ Les valvulopathies acquises et développées à l'âge adulte ou congénitales.
■ Les pathologies péricardiques ou endocardiques constrictives oufibrotiques.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 232 143

■ Les surcharges volumiques liées à l'insuffisance rénale, ou les états modifiant le


débit cardiaque tels que les sepsis sévères, la thyrotoxicose, la maladie de Paget, les
fistules artério-veineuses importantes.
3. Les troubles du rythme chroniques peuvent induire une IC
Il peut s'agir de tachyarythmies d'origine atriale ou ventriculaire ou de troubles de la
conduction.

B. Quelques contextes singuliers de l'IC


1. L'IC à fraction d'éjection préservée
Sa prévalence représente la moitié des IC. Les mécanismes à l'origine de cette IC, encore
appelée IC diastolique, conduisent à une augmentation de la rigidité pariétale à l'origine
d'anomalies de la compliance et à des troubles de la relaxation du ventriculaire gauche.
Il semblerait qu'on trouve plusfréquemment des sujets âgés et desfemmes présentant cette
catégorie d'IC, avec une étiologie hypertensive et/ou unefibrillation atriale. Le diagnostic
à la phase initiale de la maladie est moins facilement posé que pour une IC à fraction
d'éjection basse. Le pronostic de l'IC diastolique n'est pas meilleur que celui de l'IC àfraction
dëjection basse. Elle serait responsable de 5 à 8 % de mortalité annuelle. Le traitement
est difficile car les stratégies thérapeutiques actuelles, identique à celles de l'IC à fraction
dëjection basse, n'ont pas permis de réduire la morbimortalité de ces patients.
2. Diabète et atteinte cardiaque
La prévalence du diabète est d'environ 8 % au niveau mondial et l'IC représente la
deuxième pathologie cardiovasculaire la plus fréquente chez les patients diabétiques,
après les cardiopathies ischémiques.
Le diabète est un facteur de risque indépendant de l'IC, responsable d'une
cardiomyopathie diabétique d'évolution lente. Le phénotype correspond à une
cardiomyopathie dilatée ou, plus fréquemment, à une atteinte diastolique du VG
responsable d'une IC à fraction d'éjection préservée.
La physiopathologie de cette cardiomyopathie est complexe, associant une atteinte des
protéines de structure myocardiques par les produits de glycation avancés (Advanced
Glycation End Product/AGE)favorisés par l'hyperglycémie, à une lipotoxicité par les acides
gras libres dont l'accumulation au niveau cardiomyocytaire correspond à une anomalie de
l'utilisation des substrats énergétiques au cours du diabète.
3. Obésité et atteinte cardiaque
L'obésité constitue une épidémie dans les pays industrialisés. Alors qu'elle est unfacteur de
risque indépendant de développer une IC, le pronostic de l'IC semble inversement corrélé
à l'indice de masse corporelle, ce qui constitue un paradoxe.
Il est toutefois recommandé une perte de poids raisonnable pour les patients en IC qui
présentent une obésité morbide, car celle-ci entraîne une baisse de la capacité physique à
l'effort, aggravant ainsi la symptomatologie de l'IC.
4. Insuffisance cardiaque du sujet âgé
L'insuffisance cardiaque aiguë est une cause fréquente d'hospitalisation chez les patients
de plus de 75 ans, avec une mortalité à un mois proche de 10 %. La symptomatologie de
l'IC peut être trompeuse ou atypique chez le sujet âgé (confusion mentale, altération
de l'état général) ce qui peut entraîner une errance diagnostique. Par ailleurs, il existe
une difficulté à la prescription de certaines classes thérapeutiques d'intérêt démontré
dans l'IC (telles que les IEC et les bêtabloquants) pour lesquelles la posologie doit être
ajustée avec prudence. La recherche de facteurs favorisant la décompensation d'une
IC chronique (notamment iatrogénique ou infectieuse) doit être rigoureuse lors de
la prise en charge médicale.
144 Insuffisance cardiaque

Ill. BILAN BIOLOGIQUE DE L'IC

A. Bilan biologique élémentaire de l'IC


1. Les peptides natriurétiques
Les peptides natriurétiques utilisés en pratique clinique sont le BNP et le NT-proBNP,
sécrétés dans le sang des patients de manière proportionnelle à la gravité (stade
NYHA) de l'IC.

2000 4000

.,.,.
1500 3000

-=:' g - • • Abbotl BNP

i
Il. -eiositeBNP
Î 1000 2000
l
Il. _,,_ BayerBNP
i - -Roche NTproBf\p
500 1000 !Ë

o .._________, o Données fournisseurs


Médiane de chaque stade

Ces peptides sont sécrétés par les ventricules au niveau de cardiomyocytes particulièrement
riches en vésicules. Un prépropeptide est transformé en proBNP, et ensuite clivé par des
sérines protéases (la furine et parfois la corine), conduisant à la libération de 2 peptides :
le BNP et le peptide N-terminal du proBNP (ou NT-ProBNP).
Actuellement, seul le BNP possède une activité physiologique connue (la dénomination
de peptide natriurétique, même si habituelle, est donc en réalité impropre pour le
NT-proBNP). Le BNP a une action endocrine sur:
le système vasculaire en favorisant une vasodilatation;
■ le cerveau en diminuant l'appétence en sel et les besoins en eau;
■ le rein en augmentant la filtration glomérulaire et diminuant la réabsorption d'eau;
■ le rein, en inhibant la sécrétion de l'aldostérone par la surrénale et de la rénine par
le rein;
l'ensemble de ces actions vise à diminuer la volémie.
Le BNP a par ailleurs une action paracrine et autocrine sur les cardiomyocytes et les
fibroblastes, utile à diminuer le remodelage myocardique de l'IC en modérant la fibrose
myocardique.
Les dernières recommandations de la société européenne de cardiologie placent
le dosage de ces peptides natriurétiques dans la liste des examens essentiels au
diagnostic de l'IC avec l'électrocardiogramme et l'échocardiographie. La valeur de la
concentration plasmatique du peptide natriurétique peut être utilisée pour orienter
les patients vers une échocardiographie ou, en raison de sa bonne valeur prédictive
négative, pour poser rapidement un diagnostic d'exclusion de l'IC.
Le choix entre le BNP ou le NT-proBNP peut se faire indifféremment selon les recommandations
qui placent ces peptides dans l'algorithme décisionnel du diagnostic de l'IC. Pour certains
cliniciens le BNP, qui a une demi-vie plus courte que le NT-proBNP (22 minutes contre
120 minutes), peut avoir un intérêt pour évaluer rapidement le bénéfice d'un traitement
diurétique de l'IC, tandis que le NT-proBNP est plus stable au niveau préanalytique.
Toutefois l'utilisation pratique de ces peptides n'est pas simple. On sait qu'il existe une
différence entre la valeur du peptide correspondant au 99• percentile d'une population
saine, et la valeur seuil d'intérêt diagnostique pour l'insuffisance cardiaque avec une
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 232 145

« zone grise» intermédiaire pour laquelle il est difficile d'admettre d'emblée un diagnostic
positif de l'IC. Par ailleurs, les concentrations sanguines de ces peptides sont à interpréter
en fonction du contexte global du patient puisque plusieurs variables peuvent modifier le
taux plasmatique de ces peptides tels que le vieillissement (les valeurs seuil des peptides
s'élèvent avec l'âge), et certaines comorbidités de l'IC par exemple l'insuffisance rénale
dont l'impact semble plus important sur le taux de NT-proBNP en le majorant, tandis que
l'obésité entraîne une baisse de la concentration plasmatique des deux peptides.

Algorithme décisionnel devant un patient avec suspicion d'IC


1. Antécédents et histoire clinique (symptômes)
2. Signes cliniques

l
3. Anomalies électrocardiographiques

Un (ou plus}
.
présent

Dosage
NT-proBNP ou BNP

1,,..,,.

l
Echocardiographie

••omalk•

IC confirmée
Recherche d'une étiologie
Début clu traitement
D'après ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2016.
De plus, la valeur du peptide natriurétique obtenue dépend de la technique de dosage
et de l'automate utilisés, ce qui a conduit la Haute Autorité Santé à préciser dans ses
recommandations pour la médecine ambulatoire « de toujours prescrire, pour le suivi
d'un patient donné, le même peptide dosé dans le même laboratoire».
L'interprétation d'une valeur d'un peptide natriurétique peut être difficile, et certains
cliniciens utilisent plus facilement ces peptides pour leur valeur prédictive négative que
pour leur intérêt dans le diagnostic positif. Il est toutefois admis qu'une valeur très élevée
du dosage de ces peptides est un marqueur d'insuffisance cardiaque et d'un mauvais
pronostic pour le patient.
L'utilisation du BNP et du NT-proBNP dans le diagnostic et le suivi du patient insuffisant
cardiaque a donc quelques limites et plusieurs études tentent d'évaluer l'intérêt d'autres
peptides bioactifs dans l'insuffisance cardiaque. L'ANP et le pro-ANP sont des peptides
natriurétiques sécrétés au niveau des oreillettes cardiaques; la pro-adrénomédulline
(MRproADM) est un peptide vasodilatateur qui aurait un intérêt pronostique dans l'IC.
Mais, actuellement, aucun autre peptide ne semble montrer un gain de performance
comparativement au BNP et au NT-proBNB dans le diagnostic ou le suivi de l'IC.

2. Dosage de la kaliémie
L'insuffisant cardiaque est à risque de dyskaliémie notamment iatrogène. La recherche
d'une dyskaliémie est impérative chez ces patients à risque d'arythmies.
Certains diurétiques, comme les diurétiques de l'anse fréquemment utilisés, peuvent
induire une hypokaliémie qui nécessitera une supplémentation.
Au cours de l'IC, le système rénine-angiotensine-aldostérone est activé par la baisse
du débit cardiaque. L'angiotensine Il aggrave la vasoconstriction périphérique, tandis
que l'aldostérone entraîne une rétention d'eau et de sel, et favorise la fibrose cardiaque.
146 Insuffisance cardiaque

Ainsi, les Inhibiteurs de !'Enzyme de Conversion font partie de l'arsenal thérapeutique de


base de l'IC. Ils peuvent toutefois générer une hyperkaliémie d'autant qu'il peut exister
une insuffisance rénale chez l'insuffisant cardiaque. Les Antagonistes des Récepteurs de
!'Angiotensine 2 (ARA2) peuvent aussi générer une hyperkaliémie notamment s'ils sont
associés à certains diurétiques.

3. Dosage de la natrémie
Le patient insuffisant cardiaque présente fréquemment une hyponatrémie (30 % des
IC). Il existe dans l'IC une sécrétion non osmotique d'ADH, en réaction à la baisse du
volume plasmatique efficace qui contribue à l'hypervolémie. Elle s'accompagne d'une
osmolalité urinaire élevée. Par ailleurs, les diurétiques, surtout thiazidiques, contribuent
à aggraver les pertes rénales en sodium.
La natrémie doit être surveillée chez l'insuffisant cardiaque, l'hyponatrémie étant un facteur
de mauvais pronostic de l'IC, accompagnant souvent la décompensation cardiaque. Elle
est corrélée à la durée de l'hospitalisation de l'insuffisant cardiaque et au risque de décès.
La natrémie est un des paramètres des équations ou scores de gravité de l'IC qui peuvent
être utilisés en pratique clinique.

4. Dosage de l'acide urique


L'hyperuricémie et la goutte sont fréquentes dans l'IC, notamment favorisées par les
traitements diurétiques. L'hyperuricémie serait un facteur de mauvais pronostic de l'IC
à fraction d'éjection basse.

5. Évaluation de la fonction rénale


La créatininémie, la mesure le Débit de Filtration Glomérulaire (DFG), la recherche
d'une albuminurie font partie du bilan biologique initial et du suivi du patient
insuffisant cardiaque.
L'insuffisance rénale est une comorbidité fréquente de l'IC dont elle aggrave le pronostic.
Elle est cependant rarement terminale et s'accompagne de fluctuations fréquentes de
la créatinémie chez l'insuffisant cardiaque traité. Les épisodes d'élévation majeure de
créatininémie avec chute drastique du DFG surviennent en général dans un contexte iatrogène
par exemple lorsque des médicaments néphrotoxiques (antibiotiques par exemple) sont
associés aux diurétiques. La détérioration de la fonction rénale doit amener à considérer
avec vigilance les traitements d'élimination rénale administrés et à ajuster leur posologie
dans l'IC (digoxine, insuline, héparine de bas poids moléculaire).

6. Évaruation de ta fonction hépatique


L'évaluation biologique hépatique se fait au minimum par le dosage des GGT, des
transaminases et de la bilirubine.
L'IC peut s'accompagner d'une congestion hépatique et du système porte, source d'inconfort
pour le patient. L'examen clinique peut découvrir une hépatomégalie pulsatile et sensible
on parle de foie cardiaque congestif. En absence de décompensation, le bilan hépatique
peut être modérément perturbé. Une décompensation cardiaque aiguë peut s'accompagner
d'une hypoxie hépatique aiguë avec cytolyse hépatique révélée par une élévation brusque
des transaminases et une chute des facteurs de coagulation tandis que la bilirubine ne
sera pas augmentée.

7. Recherche d'une anémie et bilan martial


La société européenne de cardiologie recommande de diagnostiquer la carence martiale
et l'anémie dans l'IC chronique par un dosage combiné de ferritine, une mesure du
coefficient de saturation de la transferrine et un dosage de l'hémoglobine.
L'anémie et la carence martiale sont deux éléments de comorbidité dont les conséquences
sont sévères chez l'insuffisant cardiaque. Leur prévalence peut atteindre 50 % dans l'IC.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 232 147

L'anémie est plus fréquente chez les femmes, les sujets âgés, les patients insuffisants rénaux
et favorisée par l'inflammation chronique. Elle aggrave la symptomatologie de l'IC en
diminuant l'apport d'oxygène aux tissus. Elle réduit la capacité physique et augmente
l'asthénie. Elle peut aggraver d'autres pathologies telles que l'ischémie myocardique. C'est
aussi un facteur de décompensation de l'IC chronique. Elle est corrélée avec la fréquence
des réhospitalisations de l'insuffisant cardiaque et est associée à un mauvais pronostic.
La carence martiale contribue à abaisser le pic de consommation d'oxygène, à diminuer
la réponse ventilatoire à l'exercice et à réduite la capacité physique évaluée par le test de
marche de 6 minutes. Elle est ainsi associée à un risque augmenté d'hospitalisation et de
décès dans l'IC, indépendamment de l'anémie.
La ferritinémie permet d'évaluer le fer de réserve (joie, rate, moelle osseuse, macro­
phages, cellules musculaires). Sa valeur peut être augmentée par une inflammation.
■ Le coefficient de saturation de la transferrine est un élément dëvaluation du fer de
transport dans le compartiment plasmatique sanguin.
■ L'hémoglobine, associée au volume globulaire moyen (VGM) et à la teneur corpuscu-
laire moyenne en hémoglobine (TCMH), est un reflet dufer fonctionnel.
On distingue la carence martiale absolue lorsque les réserves en fer (jerritinémie) et le
fer biodisponible (coefficient de saturation de la transferrine) sont diminués entraînant
secondairement une diminution de l'hémoglobinémie. Dans la carence martialefonctionnelle,
les réserves peuvent être normales mais la mobilisation dufer est insuffisante (jerritinémie
normale associée à un coefficient de saturation de la transferrine abaissé).
En cas de carence martiale, une supplémentation en fer a montré un bénéfice dans l'IC avec
une réduction significative des hospitalisations pour aggravation, une amélioration des
symptômes et de la qualité de vie. Il est recommandé d'effectuer un diagnostic étiologique
de la carence martiale pour proposer un traitement de la cause.

B. Bilan biologique complémentaire de l'IC


1. Bilan des facteurs de risque cardiovasculaires
associés dans la comorbidité de l'IC
La mesure de la glycémie à jeun chez un patient insuffisant cardiaque fait partie du
bilan biologique de base. Pour un patient diabétique connu, le dosage de l'hémoglobine
glyquée (HbAlc) aidera à évaluer l'équilibre glycémique sous traitement antidiabétique.
Une Exploration d'une Anomalie Lipidique (EAL) renseignera sur l'aspect du sérum
à jeun, le dosage du cholestérol total, le dosage des triglycérides, le dosage des HDL
et le calcul du taux de LOL par la formule de Friedewald.

2. Bilan biologique plus spécifiques des pathologies étiologiques de l'IC


Les étiologies de l'IC sont multiples. En fonction de chaque situation, un bilan biologique
sera prescrit, adapté à l'étiologie particulière de l'IC.
148

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Collin-Chavagnac D. et al. Société Française de Biologie Clinique Cardiac Markers


Working Group. Head-to-head comparison of 10 natriuretic peptide assays. Clin Chem
Lab Med. 2015 Oct; 53(11):1825-37.

+ https://www. has-sante.fr/portai I/upload/docs/app Iication/pdf/2010-09/rapport_


marqueurs_cardiaques

+ https://www.has-sante.fr/portai 1/upload/docs/app I ication/pdf/2012-04/guide_parcours_


de_soins_ic

+ http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et­
traumatismes/Maladies-cardio-neuro-vasculaires/l-insuffisance-cardiaque

+ European Society of Cardiology Developed in collaboration with the Heart Failure


Association (HFA) of the ESC. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of
acute and chronic heart failure. European Heart Journal (2016) 37, 2129-2200

+ Galinier M. Anémie et carence martiale dans l'insuffisance cardiaque. La lettre du


cardiologue n° 485 , mai 2015.

+ Hurst W et al. The Use of the New York Heart Association's Classification of
Cardiovascular Disease as Part of the Patient's Complete Problem List. Clin.
Cardiol.1999 :22; 385-390.

+ McKee PA et al. The natural history of congestive heart failure : the Framingham study.
N Engl J Med. 1971 Dec 23; 285(26):1441-6.

+ Rahimi K et al. Risk prediction in patients with heart failure. JACC Heart Fail 2014; 2 :

+ 440-446.

+ Schlapfer-Pessina A et al. Insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée: le


traitement amé/iore-t-il Je pronostic? Rev Med Suisse 2015; 11 : 199-205

+ Zambrowski JJ. Ce que le cardiologue doit connaître du métabolisme du fer. Dossier


cœur et fer. Réalités cardiologiques n° 317 mars 2016.
ITEM 334
SYNDROME CORONARIEN AIGU
Françoise MAUPAS-SCHWALM

Le syndrome coronarien aigu (SCA) est une urgence médicale et thérapeutique qui nécessite une prise en
charge rapide des patients. En faire le diagnostic est une priorité.
La biologie est un élément d'aide à la prise en charge médicale des patients, et l'apparition de marqueurs
ultra-sensibles, spécifiques d'une atteinte cardiomyocytaire, a considérablement amélioré le diagnostic
des atteintes myocardiques et la prise en charge de l'urgence coronaire.

1. CIRCULATION ET RÉSERVE CORONAIRES


La circulation artérielle coronaire, qui vascularise le myocarde, a certaines particularités qui expliquent
en partie l' étiopathogénie du SCA.
■ Les artères coronaires ont un flux sanguin à pression diminuée pendant la contraction cardiaque.
Dans ces artères, la pression augmente pendant la diastole.
■ Les artères coronaires ont un calibre moyen et sont donc cibles de l'athérosclérose, étiologie principale
des maladies cardiovasculaires en lien notamment avec les dyslipidémies et le diabète. Une atteinte
athéromateuse peut engendrer une dysfonction et/ou l'obstruction d'une coronaire, délétère pour le
myocarde.
■ La vascularisation myocardique est de type terminal ce qui explique sa sensibilité à l'obstruction de
l'une de ses branches. Ce type d'arborescence est très efficace pour un apport sanguin optimal, mais
présente un risque majeur d'anoxie du tissu en cas de sténose, par défaut de possibilité de suppléance
de vascularisation par une autre coronaire.
Après une occlusion coronaire transitoire, il existe une hyperhémie réactionnelle (augmentation du flux
coronaire à pression constante) due à une vasodilatation microcirculatoire non régulée. Le rapport du débit
coronaire ou myocardique hyperhémique sur le débit de base correspond à la réserve coronaire (variable
de 1,5 à 6,5 chez le sujet normal et d'une moyenne égale à 3). La réserve coronaire participe à la préservation
myocardique en cas de sténose d'une artère coronaire mais peut être diminuée s'il existe une atteinte vasculaire
microcirculatoire, par exemple au cours du diabète.

Il. SYNDROME CORONARIEN AIGU (SCA)

A. Définition du SCA
Le SCA correspond à une situation physiopathologique engendrée par une souffrance ischémique myocardique
due à une diminution aiguë du débit sanguin coronaire. Il regroupe des entités de présentation et/ou
d' étiologie différentes actuellement bien définies par les sociétés savantes.
Les marqueurs biologiques utilisés pour révéler une atteinte lésionnelle des cellules myocardiques
sont des protéines structurelles des cardiomyocytes, libérées dans la circulation sanguine après la
mort de la cellule et dosées chez le patient.
150 Syndrome coronarien aigu

Certains marqueurs autrefois utilisés étaient des protéines non contractiles du


cardiomyocyte (créatine kinases). Actuellement, le dosage de référence est celui
des troponines, protéines de l'appareil contractile qui disposent d'isoformes
cardiospécifiques.
Le patient« coronarien» peut être porteur d'une maladie coronaire stable et connue, dont
l'évolution peut être émaillée de SCA, mais le SCA peut être inaugural de la maladie. C'est
une urgence médicale qui met en jeu le pronostic fonctionnel et vital du patient.

B. Étiologies du SCA
La diminution du débit intracoronaire au cours du SCA résulte le plus souvent d'une
obstruction endocoronaire aiguë par un thrombus qui se développe après rupture d'une
plaque d'athérome. Comme l'athérosclérose compliquée est la principale étiologie de
l'atteinte coronaire dans le SCA, le SCA est plus fréquent après 40 ans et chez des personnes
qui présentent des facteurs de risque cardiovasculaires pro-athérogènes.
Plus rarement d'autres étiologies que l'athérome compliqué peuvent être à l'origine d'un
SCA. Par exemple, un spasme d'une artère coronaire ou une anomalie anatomique d'une
coronaire (naissance anormale et/ou trajet intramyocardique aberrant), révélée chez un
sujet jeune à l'occasion d'une pratique sportive.

C. Signes cliniques et électrocardiographiques du SCA


Les signes cliniques sont classiquement
■ la précordialgie constrictive rétro-sternale prolongée irradiant dans la mâchoire infé­
rieure et les membres supérieurs, non modulée par la respiration (angine de poitrine
ou angor). Elle est pathognomonique du SCA. Elle survient fréquemment au cours
ou au décours d'un effort. Mais la douleur peut être atypique et entraîne parfois une
errance diagnostique (épigastralgies, irradiations sans précordialgie etc.), Elle peut
aussi survenir à l'occasion d'une condition particulière (froid, anémie, primo-décubitus)
ou au repos. Elle peut être absente. L'angor instable, de novo ou crescendo reflète une
situation clinique instable qu'il faut prendre en compte en urgence;
■ une dyspnée d'effort, une blocpnée, une dyspnée nocturne brutale;
■ une asthénie, une fatigue à l'effort;
■ des palpitations;
■ un malaise, une lipothymie, une syncope;
■ une mort subite.
Les signes électrocardiographiques permettent de classer les patients en deux groupes
pour lesquels des recommandations de la société européenne de cardiologie ont été publiées
distinctement en 2017 (SCA ST+) et 2015 (SCA ST-):
■ le SCA ST+ (ou STEM! pour ST-segment Elevation Myocardial Infarction) est un SCA
qui s'accompagne de modifications électrocardiographiques typiques (sus-décalage
du segment ST) ou atypiques (bloc de branche, troubles du rythme ventriculaires);
■ Le SCA ST- (ou NSTEMI pour nonST-segment Elevation Myocardial Infarction) ne
s'accompagne d'aucune modification électrocardiographique, en dehors de la phase
initiale où peut exister un sous-décalage du segment ST qui est de plus mauvais
pronostic.

O. Diagnostic positif du SCA


Quand cela est possible, la clinique et l'électrocardiogramme doivent faire poser le diagnostic
de SCA a priori : la demande d'examens complémentaires y compris de dosages biologiques,
ne doit pas induire un retard à la prise en charge thérapeutique. Devant une suspicion de
SCA, la prise en charge médicale et l'orientation d'un patient vers un centre spécialisé se
fera en urgence par le SAMU, sans attendre la biologie. C'est le sens des recommandations
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 334 151

publiées en 2010 par la Haute Autorité de Santé pour la médecine ambulatoire : « Suspicion
de syndrome coronarien aigu évolutif: le téléphone, pas la biologie».
Les marqueurs biologiques ont une valeur diagnostique initiale dans les situations
où l'électrocardiogramme et la clinique ne sont pas contributifs pour le diagnostic
du SCA. Ils ont aussi un grand intérêt pour la confirmation diagnostique d'une
nécrose myocardique y compris a posteriori, c'est d'ailleurs le seul cas retenu par
la Haute Autorité de Santé pour demander un dosage de troponine en médecine
ambulatoire : l'exception est le cas où le patient est asymptomatique et consulte pour
une douleur survenue plus de 72 heures auparavant et qu'on suspecte d'être un SCA
sans complication.

E. Pronostic du SCA
Le risque est important au moment du SCA et dans les jours qui suivent. Le pronostic
dépend de différents facteurs notamment :
■ la rapidité de la prise en charge : la stratégie thérapeutique de revascularisation est
décidée en fonction de la proximité d'un centre spécialisé. 120 minutes étant le délai
maximal retenu, si le centre spécialisé est accessible dans ce délai, le patient y est
conduit en urgence médicalisée pour une angioplastie transcutanée, si le délai est
plus long, une fibrinolyse sera d'abord réalisée en urgence puis une coronarographie
secondairement;
■ des éléments anatomiques : nombre de coronaires atteintes, existence d'une sténose
du tronc coronaire gauche, possibilité de revascularisation;
de l'étendue de la nécrose myocardique, évaluée indirectement par le taux de tropo­
nines sanguines;
11 de complications notamment de l'existence d'une insuffisance cardiaque;
■ de l'âge avancé;
des comorbidités (diabète, insuffisance rénale).
Le risque à long terme dépend de l'existence de troubles du rythme cardiaque, d'une
dysfonction systolique du ventricule gauche, de la persistance de facteurs de risque
cardiovasculaires et/ou de la persistance d'une ischémie myocardique.
La mortalité après un STEMI est de 4 à 12 % lors de la prise en charge hospitalière et
approximativement de 10 % après un an de suivi.
Il est possible d'utiliser des scores de risque clinico-biologiques facilement accessibles sur
internet, pour calculer le risque du patient qui a présenté un SCA : score GRACE-2, score
TIMI par exemple.

Ill. PATHOLOGIES ISCHÉMIQUES MYOCARDIQUES


Les pathologies ischémiques sont responsables de 1,8 million de décès annuels soit 20 % des
décès en Europe. Elles peuvent résulter d'un SCA qui doit être la préoccupation princeps du
clinicien puisque c'est une urgence médicale. Mais elles peuvent aussi être dues à d'autres
problèmes médicaux, non coronariens et/ou non aigus.

A. Ischémie myocardique
C'est une souffrance tissulaire transitoire et réversible liée à un déséquilibre entre les
besoins en les apports en oxygène au niveau du tissu myocardique. Lors d'un SCA, elle peut
générer des signes cliniques (précordialgie, blocpnée etc.) et des complications (troubles
du rythme, insuffisance cardiaque aiguë).
152 Syndrome coronarien aigu

B. Atteinte lésionnelle cardiomyocytaire


Elle fait suite à l'ischémie et est liée à la persistance dans le temps de la situation qui a
engendré l'ischémie. Elle correspond à une nécrose et une mort cellulaire irréversible.

C. L'infarctus du myocarde (IDM)


Physiopathologiquement, l'infarctus du myocarde, dans le cas du SCA, est une atteinte
myocardique d'un territoire correspondant à une zone vascularisée par la coronaire dont
le débit a chuté (ou plusieurs territoires s'il existe une atteinte pluritronculaire), entraînant
une situation d'ischémie prolongée puis de nécrose.
Toutefois, les sociétés savantes notent que depuis ces dernières années, plusieurs définitions
de l'infarctus du myocarde ont été utilisées, menant à la controverse et à la confusion.
En effet, il y a quelques années, l'évolution technologique a conduit à la possibilité d'un
dosage ultra-sensible des isoformes cardiospécifiques des troponines en pratique médicale
courante.
Ainsi, au début de l'utilisation de ces dosages, toute élévation plasmatique de
troponine paraissait définir un IDM. Après quelques années d'utilisation de ces
dosages ultrasensibles conjointement aux évolutions technologiques de l'imagerie
cardiaque, de nouveaux concepts sont apparus et les sociétés savantes ont clarifié les
définitions : l'atteinte lésionnelle cardiomyocytaire est une condition au diagnostic
d'IDM, mais elle est désormais une entité à part entière, qui doit être distinguée
de l'IDM dont le diagnostic relève d'autres critères qu'une élévation isolée du taux
sanguin de troponines cardiaques.

IV. BILAN BIOLOGIQUE DU SCA

A. Troponine I ou T cardiaques (cTnl ou cTnT)


Les troponines sont des composants de l'appareil contractile des cellules musculaires
et les isoformes cTnl et cTnT sont exprimées presque exclusivement dans le cœur et
sont dites cardiospécifiques. Toutefois, alors que l'élévation de la cTnl ne se produit
qu'en cas de lésion cardiomyocytaire, la situation est plus complexe pour la cTnT
pour laquelle des études récentes notent que des élévations ont pu être rapportées à
la suite de blessures musculaires squelettiques isolées.
Les recommandations concernent toutefois l'utilisation des cTnl et cTnT pour
l'évaluation des lésions myocardiques, et recommandent l'utilisation de dosages
ultra- sensibles pour la prise en charge médicale de routine.

Meillawra sansibirrti dans le diagnostic


de petites nécroses myocardiquas

ischémie cTnus ng/L

L'ultra-sensibilité est définie par 2 critères :


L'imprécision de la mesure, déterminée par le coefficient de variation (CV= écart-type/
moyenne) doit être inférieure à 10 % pour la valeur correspondant au 99' percentile
de la population de référence non malade (limite de référence supérieure).
Ill On doit pouvoir doser des concentrations très basses (c'est-à-dire entre la limite de
détection et la valeur du 99' percentile) correspondant au moins à 50 % de la valeur
du 99' percentile.
Une lésion cardiomyocytaire est définie par une élévation de cTn au-dessus de la limite de
référence supérieure correspondant au 99' percentile.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 334 153

C'est la variation de cTn au cours du temps (hausse ou baisse) qui indique si le problème est
aigu. Toutefois, une élévation de cTn indique l'existence d'une lésion cardiomyocytaire mais
ne donne aucune orientation sur les causes physiopathologiques de la lésion qui peuvent
être nombreuses, ischémiques ou non. Ainsi la complexité des circonstances à l'origine de
l'élévation de cTn peut parfois rendre difficile l'interprétation du mécanisme spécifique de
la lésion du myocarde.

Atteinte cardiomyocytaire en rapport avec une ischémie myocardique d'origine coronaire


Rupture de plaque endocoronaire
Formation d'un thrombus endoluminal
Atteinte cardiomyocytaire en rapport avec un deséquilibre de la balance apports/besoins
en 0 2 à l'origine d'une ischémie myocardique
Tachy/brady arythmie
Dissection aortique ou valvulopathie aortique sévère
CardioMyopathie Hypertrophique
Choc (septique, hypovolémique, cardiogénique)
Atteinte respiratoire sévère
Anémie sévère
HTA avec ou sans Hypertrophie Ventriculaire Gauche
Spasme coronaire
Embol coronaire
Dysfonction endothéliale coronaire sans coronaropathie
Atteinte cardiomyocytaire sans rapport avec une ischémie myocardique
Contusion cardiaque, chirurgie, ablation, defibrillateur cardiaque
Rhabdomyolyse avec atteinte cardiaque
Myocardite
Atteinte toxique myocardique
Etiologie multifactorielle ou indéterminée
Insuffisance cardiaque
Takotsubo
Embolie pulmonaire sévère, Hyper Tension Aartérielle Pulmonaire
Sepsis sévère
Insuffisance rénale
Pathologies neurologiques graves, accident vasculaire cérébral
Hémorragie
Pathologies infiltratives
Exercice physique très intense

Étiologies des atteintes cardiomyocytaires générant une élévation de cTn. D'après


« Fourth universal definition of myocardial infarction » (2018)
Le SCA peut être responsable d'un IDM qui selon la classification de la société européenne
de cardiologie peut être de type ! lorsqu'une rupture de plaque coronaire/thrombose
intracoronaire est à l'origine du SCA. S'il s'agit d'un spasme coronaire, on parlera
d'IDM de type 2. Pour définir l'IDM, l'élévation de cTn est indispensable, mais doit
s'accompagner d'autres éléments cliniques ou paracliniques tels que définis ci-dessous.
154 Syndrome coronarien aigu

Type 1. IDM en rapport avec une atteinte coronaire athéromateuse compliquée (rupture, érosion etc.) ou dissection
ayant conduit à un thrombus intralumlnal dans une ou plusieurs coronaires avec diminution du débit coronaire ou
embol distal plaquettalre. Le patient peut avoir une coronaropathle ou non.
Augmentation et/ou de baisse des valeurs de cTn avec au moins une valeur supérieure à la valeur du 99e centile avec au
moins un des signes suivant:
• Symptômes d'ischémie aiguë du myocarde• Modifications ECG ischémiques• Apparition d'ondes Q pathologiques•
Preuve sur une imagerie d'une nouvelle zone de myocarde non viable ou de nouvelles anomalie de cinétique pariétale
du mur régional compatibles avec une étiologie ischémique• Identification d'un thrombus coronaire par angiographie
(imagerie intracoronaire ou autopsie)
Type 2. IDM en rapport avec un deséquilibre de la balance apports/besoins en 02 : Toute raison qui a pu donner un
IDM (spasme, dysfonction endothéliale, trouble du rythme, anémie, hypo/hype,tenslon artérielle TA avec ou sans
hypertrophie du ventricule gauche)
Augmentation et/ou de baisse des valeurs de cTn avec au moins une valeur supérieure à la valeur du 99e centile et
preuve d'un déséquilibre entre l'offre et la demande en oxygène du myocarde sans rapport avec une athéro-thrombose
coronaire avec au moins l'un des signes suivants:• Symptômes d'ischémie aiguë du myocarde• Modifications ECG
ischémiques• Apparition d'ondes Q pathologiques• Preuve sur une imagerie d'une nouvelle zone de myocarde non
viable ou de nouvelles anomalie de cinétique pariétale du mur régional compatibles avec une étiologie ischémique.
Type 3. Mort subite sans dosage de blomarqueurs, dans des conditions compatibles avec une Ischémie myocardique
Les patients présentaient des symptômes évocateurs ischémie myocardique récente. Ils présentaient des modifications
ischémiques de l'ECG ou une fibrillation ventriculaire, mais meurent avant que les échantillons de sang pour les
biomarqueurs soient obtenus ou l'IDM est diagnostiqué à l'autopsie.
Type 4. IDM au décours d'une angioplastie.
Type 4a l'IDM procédural est défini arbitrairement par une augmentation des valeurs de cTn > SX la valeur au 99e
percentile chez les patients ayant des valeurs de cTn de base normales ou chez les patients qui ont une valeur de cTn
préprocédurale élevée stable ou en décroissance, par une hausse de cTn de 20% avec une valeur absolue
postprocédurale toujours d'au moins SX la valeur du 99e centile. En outre, l'un au moins des éléments suivants est
requis:• Modifications ECG ischémiques• Apparition d'ondes Q pathologiques• Preuve sur une imagerie d'une nouvelle
zone de myocarde non viable ou de nouvelles anomalie de cinétique pariétale du mur régional compatibles avec une
étiologie ischémique• Résultats angiographiques compatibles avec une altération procédurale de la circulation coronaire
telle que dissection coronaire, occlusion d'une artère épicardique majeure ou occlusion/ thrombus d'une branche
latérale, perturbation du flux collatéral ou embolisation distale• diagnostic post-mortem de thrombus intra coronaire lié
à la procédure. (L'apparition d'ondes Q pathologiques entre dans ce diagnostic même si la valeur de cTn
postprocédurale est <5X la valeur du 99e centile)
Type 4b Thrombose de stent à la coronarographie (ou à l'autopsie) avec variation cTn
Type 4c Resténose intra-stent ou dépendante de r angioplastie
Type 5. IDM au décours d'un pontage aortocoronaire
l'IDM au décours du pontage est défini arbitrairement par une augmentation des valeurs de cTn > lOX la valeur au 99e
percentile chez les patients ayant des valeurs de cTn de base normalesou chez les patients qui ont une valeur de cTn
préprocédurale élevée stable ou en décroissance, par une hausse de cTn de 20% avec une valeur absolue
postprocédurale toujours d'au moins lOX la valeur du 99e centile. En outre, l'un au moins des éléments suivants est
requis:• Apparition d'ondes Q pathologiques • Occlusion de greffe ou nouvelle d'une artère coronaire documentée par
angiographie• Preuve sur une imagerie d'une nouvelle zone de myocarde non viable ou de nouvelles anomalie de
cinétique pariétale du mur régional compatibles avec une étiologie ischémique. (L'apparition d'ondes Q pathologiques
entre dans ce diagnostic même si la valeur de cTn postprocédurale est <lOX la valeur du 99e centile)

Définitions des différents types d'infarctus du Myocarde

D'après « Fourth universal definition of myocardial infarction » (2018)


Lors de la prise en charge du patient suspect de présenter un SCA, le clinicien
utilisera la valeur de la cTn dosée à la phase initiale de la prise en charge ainsi que
la valeur et le pourcentage de variation de la valeur de la cTn dosée à la 3• heure,
associées à la présentation clinique du patient, au contexte environnemental et à
l'électrocardiogramme pour poser le diagnostic de SCA.
La durée de l'élévation de la cTn dépend de l' étendue de la nécrose myocardique. La cinétique
d'évolution et la décroissance sont modifiées par la qualité de la reperfusion myocardique
après prise en charge thérapeutique du patient et peuvent avoir un intérêt pronostic.

B. Créatine kinases (CK) totales et MB


Jadis examen biologique de référence de l'IDM, le dosage des CK/CKMB a été supplanté
par le dosage des cTn, gold standard actuel du diagnostic biologique du SCA.
Chapitre 3. Biologie cardio-vasculaire - ITEM 334 155

lsoenzymes de CK

if
>.:<::e.,w
99°41 Il Muscle
CK3 4


CK18J4--------�Cerveau

La seule indication qui peut encore exister est le diagnostic d'une récidive précoce d'IDM
car les CK/CKMB ont une demi-vie plus courte que les cTn dans le sang circulant.

C. Myoglobine
La myoglobine est une hétéroprotéine formée d'une chaîne de globine et d'un groupement
prosthétique héminique entourant un atome de fer. Elle est présente dans toutes les cellules
musculaires (1 à 2 % du poids total du muscle squelettique) et est donc aspécifique d'une
atteinte cardiomyocytaire. Sa demi-vie est de 1 à 3 heures et est élevée dans plus de 80 %
des SCA 1 h 30 après le début des symptômes. Son intérêt éventuel dans le SCA réside
dans sa valeur prédictive négative avec un dosage réalisé à la phase initiale de la prise
en charge.

D. Transaminases ASAT
Ce sont des enzymes qui catalysent le transfert réversible du groupe aminé NH2 sur les acides
a-cétoniques. On les trouve dans le foie, le myocarde et les muscles striés squelettiques.
Les ASAT s'élèvent dans les 4 à 12 heures après le début d'un IDM et se normalisent en
3 à 6 jours. Leur élévation semble proportionnelle à la taille de la nécrose et majorée
en cas de complications associées : foie «cardiaque».

E. LDH
Ce sont des enzymes ubiquitaires indispensables au métabolisme des sucres. Il existe 5
isoenzymes, les LDH-1 et 2 étant plus abondantes dans les organes riches en oxygène
dont le muscle cardiaque.
On note une élévation tardive, débutant 12 à 16 heures après un IDM, qui est maximum
entre 30 et 40 heures et se normalise à partir du 6• jour. Il existe de nombreuses causes
extracardiaques de variations du taux de LDH mais cela peut être le seul élément biologique
rétrospectif en faveur d'un diagnostic d'IDM non diagnostiqué à la phase aiguë.

Évolution des marqueurs biologiques cardiaques de référence et aspécifiques après


un !DM
156 Syndrome coronarien aigu

F. Bilan des facteurs de risque cardiovasculaires associés à l'athérosclérose


1. Équilibre glycémique
La mesure systématique de la glycémie à jeun fait partie du bilan de dépistage des facteurs
de risque cardiovasculaires chez un patient qui présente un SCA.
Il peut exister une hyperglycémie réactionnelle au contexte de stress présenté par le SCA,
d'origine catécholergique.
Pour un patient diabétique, le dosage de l'hémoglobine glyquée (HbAlc) aidera à évaluer
l'équilibre glycémique.
2. Bilan lipidique
Chez un patient qui présente un SCA, un bilan lipidique est indispensable. La valeur du
taux de LDL sera particulièrement surveillée car la prévention secondaire qui fera suite
au SCA, utilisant des règles hygiénodiététiques et une prescription de statines, sera guidée
par une exigence de valeur basse des LDL.
Chez un patient qui présente un SCA avec peu de facteurs de risque cardiovasculaires,
et/ou chez lequel on peut noter une hérédité coronarienne ou cardioneurovasculaire, un
dosage de Lp(a) peut avoir une indication. Une valeur haute de Lp(a) est un facteur de
risque indépendant des maladies cardiovasculaires.

G. Bilan biologique standard du SCA


En dehors des éléments biologiques utiles au diagnostic du SCA et au bilan des facteurs
de risque, un bilan biologique de base comportera :
■ un bilan des électrolytes sanguins, notamment kaliémie et calcémie, dont le
déséquilibre peut favoriser les troubles du rythme cardiaque;
■ un dosage des peptides natriurétiques chez un patient qui présente une dysfonction
ventriculaire cardiaque. À noter qu'une élévation des peptides à la phase aiguë
d'un IDM est fréquente et sans valeur prédictive d'une insuffisance cardiaque
ultérieure;
■ une numération formule sanguine et un bilan martial : toute anémie ou carence
martiale peut aggraver une situation d'ischémie myocardique;
■ un dosage de créatinine et une mesure du DFG (débit de Filtration Glomérulaire)
pour évaluer la fonction rénale;
■ un bilan hépatique;
■ un bilan d'hémostase.
157

POUR EN SAVOIR PLUS

+ European Society of Cardiology (ESC)/American College of Cardiology (ACC)/American


Heart Association (AHA)/World Heart Federation (WHF) Task Force for the Universal
Définition of Myocardial lnfarction. Fourth universal definition of myocardial infarction
(2018). European Heart Journal (2019) 40, 237-269.

+ European Society of Cardiology (ESC). 2017 ESC Guidelines for the management of
acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation. European
Heart Journal (2019) 40, 237-269.

+ European Society of Cardiology (ESC). 2015 ESC Guidelines for the management
of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment
elevation. European Heart Journal (2016) 37, 267-315.

+ European Society of Cardiology and Other Societies on Cardiovascular Disease


Prevention in Clinical Practice. 2016 European Guidelines on cardiovascular disease
prevention in clinical practice. European Heart Journal (2016) 37, 2315-2381.

+ European Society of Cardiology (ESC) and European Atherosclerosis Society (EAS).


2016 ESC/EAS Guidelines for the Management of Dyslipidaemias. European Heart
Journal (2016) 37, 2999-3058.

+ https://webzine.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-11/fbuts_
marcoeurs_necrose.pdf

+ https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/liste_ald_maladie_
coronarienne (2017 )
CHAPITRE 4. BIOLOGIE DIGESTIVE

ITEM 273

HÉPATOMÉGALIE ET MASSE
ABDOMINALE
Abderrahim OUSSALAH

LIEN AVEC AUTRES RÉFÉRENTIELS


• Référentiel d'hépato-gastroentérologie de la Collégiale des Universitaires en
Hépato-gastro-entérologie (CDU-HGE).
• ABREGE D'HEPATO-GASTRO-ENTEROLOGIE ET DE CHIRURGIE DIGESTIVE.
• 3" édition - Partie «Connaissances» - © par la CDU-HGE - Éditions Elsevier­
Masson - septembre 2015, Chapitre 12.
OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN
• Devant une hépatomégalie, une masse abdominale, ou la découverte de nodules
hépatiques, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les
examens complémentaires pertinents.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE COLLÈGE NATIONAL DE BIOCHIMIE BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE MÉDICALE
• Connaître les principales explorations biochimiques et algorithmes
diagnostiques chez un patient présentant une hépatomégalie.
• Connaître les principales explorations biochimiques et algorithmes
diagnostiques chez un patient présentant un nodule hépatique.

1. PRÉAMBULE
La présente question s'articule avec l'item 273 « Hépatomégalie et masse abdominale» qui est traité dans le
Référentiel d'Hépato-gastroentérologie de la Collégiale des Universitaires en Hépato-gastro-entérologie (CDU­
HGE). Les détails en lien avec les aspects cliniques, anatomopathologiques, radiologiques et thérapeutiques
ne sont pas systématiquement repris et ce afin de simplifier la lecture des objectifs tels qu'énoncés par le
Collège National de Biochimie Biologie Moléculaire Médicale et d'éviter les redondances d'informations.
Certains contextes sémiologiques ou cliniques sont volontiers développés afin d'illustrer les principaux
concepts et objectifs de l'item en lien avec la discipline de Biochimie et Biologie Moléculaire.
160 Hépatomégalie et masse abdominale

Il. HÉPATOMÉGALIE

A. Définition
L'hépatomégalie correspond à une augmentation du volume du foie. L'hépatomégalie peut
être diffuse à l'ensemble du foie ou porter sur une partie (lobe, secteur). Sur la base des
examens d'imagerie et/ou de l'aspect macroscopique, l'hépatomégalie peut être qualifiée
d'homogène ou d'hétérogène.

B. Approche clinico-biologique du patient présentant une hépatomégalie


Devant un patient présentant une hépatomégalie, l'approche systématique de première
ligne comporte outre l'examen clinique, une évaluation biologique et une échographie
abdominale. L'évaluation biologique inclut les examens suivants : numération formule
sanguine (NFS), temps de Quick (TQ), temps de céphaline activée (TCA), transaminases
(ASAT, ALAT ), phosphatases alcalines (PAL), gamma-glutamyl transpeptidase et de la
GGT, bilirubine (directe et indirecte) et albumine. La 5'-nucléotidase (5'N), fait partie
des marqueurs de la cholestase, à l'instar des PAL et des GGT. Contrairement aux
PA L et GGT dont la concentration peut être augmentée en dehors de toute cholestase,
l'augmentation de la 5'N est plus spécifique de la cholestase. Le Tableau 1 récapitule les
principaux tests hépatiques utilisés en clinique de routine avec leurs valeurs de référence,
les mécanismes des anomalies classiquement observées au cours des hépatopathies, les
pathologies hépatiques et les causes extra-hépatiques associées à leur perturbation.
L'approche diagnostique et les principaux diagnostics à évoquer devant une hépatomégalie
sont illustrés dans la F igure 1. Le regroupement des différents paramètres biologiques en
syndromes lésionnels hépatiques est illustré dans le Tableau 2. Cinq principaux syndromes
lésionnels hépatiques peuvent être individualisés selon le profil des marqueurs biologiques
étudiés : la cytolyse hépatocellulaire, l'obstruction biliaire, la cirrhose, l'hépatopathie
congestive et l'infiltration hépatique.

....--- ------.1
1
Hépatoméplle

l l
Hépatoméplle Hépatoméplle
diffuse

hétéroaëne
homolène

l H épatopathle
sous-jacente
Absence
d'hépatopathle

l
Prlnctpauxdl.,,-ta lvoquls sous-jacente


Hépatite alaüe ou chronique
Cirrhose CHC présent ?@
i
Stéatose ou stéato-hépatlte Cholanaiocarclnome 7 0 r•maaene7
Hépatopathle de surcharae
• Hémochromatose
Cholestase chronique Lésion Lésion

l
kystique solide

l
Foie conaestff
Patholoale Infectieuse
systémique Dlaanostlc retenu
de kyste blllalre ou
de kyste hydatique Principaux dlOJflOSl/cs tvoqw,

Doute? Hémanaiome bénin


TDM Abces du foie 0
IRM Tumeur nécrosée bénlane
ECHO de contraste ou mallane

l
Référer le patient en
• Métastase
Adénome hépatocellulalre
CHC@
mllfeu spécialisé • Cholanalocarclnome 0

Figure 1. Approche diagnostique et principales étiologies pouvant être retenues


chez un patient présentant une hépatomégalie (cf. Figure 2 pour l'approche
diagnostique d'un patient présentant une lésion focale hépatique). Les diagnostics
annotés de la mention « B» reposent sur une démarche intégrant les marqueurs
biochimiques de façon décisionnelle et sont développés dans la présente conférence
(adapté de : Abrégé d'Hépato-gastroentérologie et de chirurgie digestive. 3 e édition
- Partie «Connaissances» - © par la CDU-HGE - Éditions Elsevier-Masson -
septembre 2015).
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 273 161

Tableau 1 : Signification clinique des principaux tests fonctionnels hépatiques

Test (valeurs Mécanisme de Causes extra­


Pathologie hépatique associée
de référence) l'anomalie hépatiques

Élévation minime à modérée:


diverses pathologies hépatiques. ALAT: relativement
Élévation marquée : hépatites spécifique de la
Transaminases Augmentation
(virale, auto-immune, toxique, isché­ nécrose hépatique
ALAT (10-35 U/1) par libération à
mique). ASAT: muscle (sque­
ASAT (10-35 partir du tissu
ASAT/ALAT > 2 avec ASAT et lettique et cardiaque),
U/1) lésé
ALAT < 300 U/1 : hépatopathie rein, cerveau,
alcoolique ou cirrhose quelle qu'en soit pancréas, érythrocytes
l'étiologie.
Élévation minime à modérée:
plusieurs types de pathologies hépa- - Croissance osseuse
Augmentation de tiques. Pathologie osseuse
Phosphatases -
alcalines (PAL) la production et Élévation marquée : cholestase intra- (maladie de Pagel)
déversion dans ou extra-hépatique, pathologie hépa- - Placenta
(30-120 U/1) -
le sérum tique infiltrative diffuse (ex. tumorale, Intestin
lymphome); occasionnellement en cas - Tumeur
d'hépatite alcoolique aiguë.
Élévation minime à modérée:
plusieurs types de pathologies hépa­
tiques.
Rein
Gamma­ Élévation marquée : cholestase intra­
Augmentation de Rate
g/utamyl ou extra-hépatique, pathologie hépa­
transpeptidase la production et Pancréas
tique infiltrative diffuse (ex. tumorale,
(GGT) déversion dans Cœur
lymphome); occasionnellement en cas
(1 -94 U/1) le sérum Poumon
d'hépatite alcoolique aiguë.
Cerveau
Induction par l'éthanol, les médicaments.
GGT/PAL > 2,5 suggère (mais non
formel) une hépatopathie alcoolique
Élévation minime à modérée :
plusieurs types de pathologies hépa- - Retrouvée dans
Augmentation de tiques. plusieurs tissus mais
5'-Nucléotidase la production et - Élévation marquée : cholestase intra­ les élévations sériques
(0-11 U/1) déversion dans ou extra-hépatique, pathologie hépa­ sont spécifiques des
le sérum tique infiltrative diffuse (ex. tumorale, pathologies hépa­
lymphome); occasionnellement en cas tiques.
d'hépatite alcoolique aiguë.
Augmentation de la
Élévation minime à modérée: dégradation de l'hé­
Augmentation de
plusieurs types de pathologies hépa­ moglobine (hémolyse,
la concentration
tiques. érythropoïèse ineffi­
par diminution de
Bilirubine Élévation marquée : obstruction cace, résorption d'hé­
la clairance hépa­
(3-10 mg/1) biliaire intra- ou extra-hépatique; matome)
tique (captation, -
hépatite alcoolique, virale ou médica- Augmentation de la
c o njugaison,
menteuse; hyperbilirubinémies de cause dégradation de la
excrétion)
génétique. myoglobine: lésions
musculaires
162 Hépatomégalie et masse abdominale

Test (valeurs Mécanisme de Causes extra-


Pathologie hépatique associée
de référence) l'anomalie hépatiques

Taux de
prothrombine Déficit en vitamine
Lésions hépatiques aigües ou chroniques K (secondaire à une
(11,1-13,1
Diminution de la (ne répondant pas à la vitamine K). malabsorption, dénutrition,
secondes)
capacité de synthèse Obstruction biliaire (réponse à la vitamine antibiotiques)
INR (International
K). Coagulopathie de
Normalized Ratio)
consommation
(0,9-1,2)
Syndrome néphrotique
Diminution de la Entéropathie exsudative
Albumine capacité de synthèse
Insuffisance hépatique Dénutrition
(40-60 g/1) Augmentation du
catabolisme Cancer
États inflammatoires

Tableau 2: Syndromes lésionnels hépatiques en fonction des principaux tests fonctionnels hépatiques

Hépatopathie Infiltration
Cytolyse hépatocellulaire Obstruction biliaire Cirrhose
congestive hépatique
Ischémie/
Âgent causal Virus Alcool Complète Incomplète
toxines
Paracétamol, Carcinome
Hépatite primitif ou
Foie de choc, Adénocarcinome
virale Tumeur hilaire métastatique,
Exemple Insuffisance Foie cardiaque
(VHA, pancréatique partielle, CSP tuberculose,
hépatique VHB) sarcoïdose,
aiguë amylose
Transaminases 50-100 X 5-50x 2-5x 1-5x 1-5x "ou 1-5x 1-3x
Phosphatases
1-3 X 1-3x 1-10 X 2-20x 2-10 X "ou 1-5x 1-20 X
alcalines
1-5x
Bilirubine 1-5 X 1-30 X 1-30 X 1-30 X 1-5x 1-3x (souvent
normale)

Temps de Prolongé et absence de réponse à la Souvent prolongé et réponse à la Idem (nécrose Idem (nécrose Habituellement
prothrombine vitamine K en cas de forme sévère vitamine K parentérale hépatocellulaire) hépatocellulaire) normal

Diminuée
Diminuée notamment dans les formes Diminuée dans les formes dans les Diminuée chez Habituellement
Albumine
subaigües ou chroniques avancées (ex. cirrhose biliaire) formes environ 50 % normale
avancées

CSP: cholangite sclérosante primitive; BHA : virus de l'hépatite A; VHB : virus de l'hépatite B.

Ill. APPROCHE D'UN PATIENT PRÉSENTANT UN NODULE HÉPATIQUE


L'évaluation d'un nodule hépatique est à considérer selon la présence ou pas d'une
hépatopathie sous-jacente. En cas de cirrhose sous-jacente, le premier diagnostic à évoquer
est celui du carcinome hépatocellulaire (CHC). La démarche diagnostique chez un patient
présentant une lésion nodulaire du foie (appelée aussi lésion focale) se base sur la clinique,
la biologie et l'imagerie avec ou sans l'histologie (Figure 2). La place des marqueurs
biochimiques dans le diagnostic des lésions focales hépatiques est prépondérante
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 273 163

dans certains diagnostics tels que le CHC, le cholangiocarcinome et les métastases


hépatiques.

Lésion focale hépatique

l
r- Facteurs de risque de CHC

7
Antécédent de néoplasie maligne
Altération de l'état général
!
I 7
r
OUI

7
NON
l ('incide talome')
l
l
l 7
TDM/IRM dynamique
(si non réalisée avant) Hémangiome
l Lésion Lésion
solide kystique
Métastase 1
CHC €) Autre +
Cholangiocarcinome€) Tumeur maligne TDM/IRM
primitive du foie dynamique Asymptomatique, Symptomatique,
Simple Complexe

l 7
l i

r 7
Cicatrice Observation lnvestlguer
centrale
Contexte

'
Infectieux
OUI

Hyperplasie
'
NON

Adénome Abcès Kyste


nodulaire focale hépatique hépatique€) hydatique

Figure 2. Approche diagnostique et principales étiologies pouvant être retenues


chez un patient présentant une lésion focale hépatique. (Adapté de Marrera JA, et al.
Am J Gastroenterol. 2014; 109: 1328-47). Les diagnostics annotés de la mention
« B » reposent sur une démarche intégrant les marqueurs biochimiques de façon
décisionnelle et sont développés dans la présente conférence.

A. Carcinome hépatocellulaire
1. Définition, Épidémiologie, Étiopathogénie
Le CHC est la plus fréquente des tumeurs malignes primitives du foie. Le CHC représente
le s• cancer le plus fréquent chez l'homme et le 7' cancer le plus fréquent chez la femme et
occupe le second rang de cause de mortalité par cancer dans le monde avec plus de 700 000
nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Les facteurs de risque majeurs du CHC incluent
la cirrhose, les infections virales B et C, l'alcool et la stéatohépatite non alcoolique. Chez
le patient cirrhotique, le risque cumulé à 5 ans de CHC varie de 5 à 30 % en fonction de
l'étiologie de la cirrhose.
Les principales anomalies moléculaires décrites dans le CHC portent sur les voies suivantes :
signalisation angiogénique, méthylation des promoteurs des gènes et acétylation des
histones, Growthfactor-stimulated receptor tyrosine kinase, signalisation JAK/STAT,
PI3-kinase/AKT/mTOR, p53 et régulation du cycle cellulaire, Ubiquitine-protéasome et
Wnt/{3-caténine.

2. Diagnostic et dépistage

a. Alpha-foetoprotéine
Les marqueurs tumoraux sériques ne permettent pas de poser à eux seuls le diagnostic
de CHC. Ils doivent être associés à l'imagerie. À l'heure actuelle le marqueur tumoral
le plus utile dans le CHC est l'alpha-foetoprotéine (AFP). L'AFP est une alpha-globuline
normalement présente en forte concentration dans le sérum fœtal mais en quantité
minime chez l'adulte. Dans les populations à forte incidence de CHC (Chine, Afrique
subsaharienne) l'AFP utilisée à un seuil très bas (10 ng/ml) présente une sensibilité
de 80-90 % et une spécificité de 90 %. Dans les populations à faible incidence, l'AFP
présente une moins bonne performance diagnostique avec une sensibilité de 25-65 %
et une spécificité de 79-95 % pour des seuils variants entre 16 et 200 ng/ml. Une
164 Hépatomégalie et masse abdominale

concentration d'AFP > 500 ng/ml est hautement suggestive d'un CHC, néanmoins
ces valeurs peuvent s'observer en cas d'hépatite virale aiguë.
Chez un patient cirrhotique, la présence d'un nodule hépatique de plus de 2 cm à l'imagerie
en association à une AFP > 200 ng/ml évoque fortement le diagnostic de CHC. Une
augmentation croissante de l'AFP chez un patient cirrhotique est également associée à un
risque accru de développement du CHC. Chez le patient cirrhotique, l'AFP est recommandée
dans le dépistage du CHC à raison d'un dosage tous les 6 mois en combinaison avec une
échographie hépatique. Une analyse de synthèse de la littérature (méta-analyse) publiée
en 2018 (Gastroenterology 2018,154: 1706-1718) a démontré que la stratégie basée sur
l'échographie seule était moins sensible que celle basée sur l'échographie couplée au dosage
de l'AFP pour le diagnostic précoce du CHC avec un risque relatif de 0,81 (IC 95 % : 0,71-
0,93) et des sensibilités respectives pour les deux stratégies de 45 % (IC 95 %: 30-62) et de
63 % (IC 95 %: 48-75).
En dehors du contexte de la cirrhose, l'AFP est recommandée chez les patients présentant
une hépatite chronique à VHB quel que soit le stade de la fibrose, chez les patients
présentant un portage chronique du VHB et un antécédent familial de CHC; chez les
patients présentant une hépatite chronique à VHC ou ceux présentant une stéatohépatite
non-alcoolique au stade de fibrose F3. Le dépistage du CHC reste recommandé après
guérison virologique du VHC ou après extinction de la charge virale B.

b. Autres biomarqueurs
D'autres marqueurs biochimiques sont en cours d'évaluation mais ne sont actuellement
pas recommandés en clinique de routine (a-Jetoprotein-L3 ou AFP fucosylée, dés-y­
carboxyprothrombine ou prothrombin produced by vitamin K absence or antagonist IL
PIVKA II). Au cours des dernières années, une nouvelle génération de biomarqueurs basés
sur les acides nucléiques circulants afait son apparition. Ces biomarqueurs sont basés sur
l'ADN tumoral circulant ou sur les marques épigénétiques portées par l'ADN circulant
{méthylation de l'ADN). Les biomarqueurs basés sur l'ADN circulant sont évalués dans
le cadre du diagnostic, du suivi et du pronostic. Ces biomarqueurs sont toujours en cours
d'évaluation et ne sont actuellement pas recommandés dans le cadre du CHC.

3. Bilan d'extension et présentation en réunion


de concertation pluridisciplinaire

Tableau 3 : Score de Child-Pugh et MELO score

Score de Child-Pugh
Points par critère 1 2 3
Encéphalopathie Absente Confusion Coma
Ascite Absente Discrète Abondante
Albuminémie (g/I) > 35 28-35 <28
Bilirubinémie (mg/I) <20 20-30 > 30

Taux de prothrombine (%) > 50 40-50 <40


MELO score
MELD(initial} = 0,957 x ln(Créatinine, mg/dl)+ 0,378 x ln(Bilirubine, mg/dl)+ 1,120 x ln(INR) + 0,643.
Le résultat du calcul doit être arrondi à la première décimale puis multiplié par 10.
En cas de MELD(initial) > 11, réaliser le calcul suivant du score MELO :
MELO= MELO(initial) + [1,32 x (137 - Na)]- [ 0,033 x MELO(inilial) x (137 - Na)]

Score de Child-Pugh: Grade A: 5-6 points; Grade B: 7-9 points; Grade C: 10-15 points
MELO score (Madel for End Stage Liver Disease), site web de calcul: http://www.mdcalc.
com/meld-score-model-for-end-stage-liver-disease-12-and-older/
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 273 165

Lorsque le diagnostic de CHC est établi, la présentation du dossier du patient nécessite le


calcul du score de Child-Pugh et du MELD score (Tableau 3) à côté des éléments cliniques,
radiologiques et éventuellement histologiques.

B. Cholangiocarcinome intrahépatique
1. Définition, Épidémiologie, Étiopathogénie
Le cholangiocarcinome est un carcinome épithélial avec des caractéristiques histopathologiques
d'épithélium biliaire. Le cholangiocarcinome peut provenir de l'arbre biliaire intra- ou
extra-hépatique. Le cholangiocarcinome représente la seconde cause de tumeur primitive
maligne du foie après le CHC. Son incidence ne cesse de croître depuis les années 1970
dans les pays occidentaux. En France, ce cancer représente 3 % des cancers digestifs avec
2 000 nouveaux cas par an. Le cholangiocarcinome intra-hépatique représente 15 % des
cholangiocarcinomes.
Lesfacteurs de risque identifiés pour le cholangiocarcinome sont la cholangite sclérosante
primitive qui expose à un risque annuel de 0,6 à 1,5 %. Les autres facteurs de risque sont: 1)
les infections biliaires par Opisthorchis viverrini et Clonorchis sinensis qui sont endémiques
en Asie de l'Est; 2) les malformations biliaires telles que la maladie de Caroli et les kystes du
cholédoque, associés à un risque de 10 à 15 % de développement du cholangiocarcinome; 3)
les cholangites bactériennes récurrentes (10 % de risque); 4) l'exposition à l'agent de contraste
radiologique anciennement utilisé, Thorotrast et à la dioxine; 5) enfin, l'hépatite C et la
cirrhose sont considérées comme des facteurs de risque potentiel du cholangiocarcinome.
Du point de vue étiopathogénique, plusieurs anomalies ont été décrites sur diverses voies
moléculaires qui incluent la prolifération (Jnterleukine-6, Hepatocyte growth factor
(HGF/c-Met, ErbB2, K-ras, BRAF); lëchappement à l'apoptose (COX-2, Caspase-9, Mcl-1,
bcl2, Bel-XL); la dérégulation du cycle cellulaire (cycline Dl, p21wafl/cipl, p27kipl, p53);
l'invasion et la métastase (E-cadhérine, a/f3-caténine, métalloprotéases); et l'angiogenèse
(VEGF, TGF-f3).

2. Place des marqueurs tumoraux dans le diagnostic


Du point de vue clinique, le cholangiocarcinome intrahépatique se manifeste par une
douleur abdominale et une altération de l'état général. Du point de vue biochimique,
le cholangiocarcinome peut s'associer à un tableau de cholestase obstructive avec une
élévation des PAL et de la bilirubine, à prédominance conjuguée. Chez les patients
présentant un cholangiocarcinome, la concentration sérique de plusieurs marqueurs
tumoraux peut être élevée. C'est le cas du CA 19-9, de l'antigène carcino-embryonnaire
(ACE) et du CA 125. Néanmoins, aucun de ces trois marqueurs n'est spécifique du
cholangiocarcinome, pouvant être augmentés dans d'autres cancers digestifs ou
gynécologiques, lors d'une sténose biliaire inflammatoire ou lors d'infections des
voies biliaires.
Le marqueur le plus couramment utilisé dans le diagnostic du cholangiocarcinome est le
CA 19-9. Chez les patients présentant une cholangite sclérosante primitive, le CA 19-9 avec
un seuil décisionnel de 129 U/ml présente une sensibilité de 79 % et une spécificité de 98 %
pour le diagnostic de cholangiocarcinome (Figure 3 et Tableau 4). Chez les patients qui
ne présentent pas de cholangite sclérosante primitive, le CA 19-9 avec un seuil décisionnel
de 100 U/ml présente une sensibilité de seulement 53 %. Le CA 19-9 peut être augmenté
chez les patients présentant une angiocholite bactérienne ou une lithiase de la voie biliaire
principale. Le CA 19-9 peut également être augmenté chez les patients présentant un cancer
colorectal, gastrique ou pancréatique.
166 Hépatomégalie et masse abdominale

Suspicion clinique de cholangiocarcinome

'
dans le cadre d'une
cholangite sclérosante primitive

I
CA 19-9
Cholangiographie
endoscopique �

!
(cytobros age, FISH)

Sténose dominante Situation Absence de sténose dominante


CA 19-9 > 129 U/ml indéterminée CA 19-9 < 129 U/ml

l 7
Positivité de la biopsie Négativité de la biopsie,
cytobrossage ou FISH cytobrossage

r l
1
IRM

l
_j
J
Observation
Masse

Prise en charge du
cholangiocarcinome 1
Risque
n�ve

Risque

r
clinique clinique
significatif minime
l
PET-scan l
Fixation PET-scan
'hotspot' négatif

Figure 3. Algorithme décisionnel chez un patient présentant une suspicion


de cholangiocarcinome dans le cadre d'une cholangite sclérosante primitive (adapté
de, Sleisenger and Fordtran's gastrointestinal and liver disease : pathophysiology,
diagnosis, management/[edited by} Mark Feldman, Lawrence S. Friedman, Lawrence
J. Brandt. 9th ed).

Tableau 4 : Critères diagnostiques du cholangiocarcinome compliquant une cholangite sclérosante


primitive

Sténose d'allure maligne+ CA 19-9 > 129 U/ml en l'absence de cholangite bactérienne
Masse tumorale à l'imagerie de coupe
Cytologie conventionnelle positive
Histopathologie positive des biopsies biliaires transluminales
Sténose et polysomie à la FISH (fluorescence in situ hybridization)

C. Abcès du foie
1. Définition, Épidémiologie, Étiopathogénie
Dans le passé, l'abcès du foie à pyogènes était la conséquence d'une appendicite compliquée
d'une phlébite portale chez un patient jeune. Cette présentation est actuellement moins
fréquente du fait du diagnostic précoce et de !'antibiothérapie efficace. La plupart des cas
d'abcès hépatiques à pyogènes sont cryptogéniques et surviennent chez le sujet âgé avec une
pathologie biliaire sous-jacente. Les facteurs de risque de l'abcès du foie sont les suivants :
cancer, immunosuppression, diabète, antécédent de chirurgie biliaire ou d'endoscopie
interventionnelle. On distingue trois formes cliniques de l'abcès du foie : 1) l'abcès du foie
à pyogènes (80 % des cas dans les pays occidentaux); 2) l'abcès amibien lié à une infection
par Entamoeba histolytica (10 % des cas); 3) Abcès fongiques le plus souvent liés à une
infection par Candida species (< 10 % des cas).
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 273 167

2. Diagnostic clinico-biologique
Cliniquement, l'abcès du foie à pyogènes se manifeste par une fièvre, une hépatomégalie
avec une sensibilité du quadrant supérieur droit qui est accentuée par les mouvements ou
la percussion. La splénomégalie est rarement observée en dehors des formes chroniques. La
présence d'un ictère permet d'évoquer en premier lieu une origine biliaire de l'abcès. Des
signes d'hypertension portale, se manifestant par une circulation veineuse collatérale peuvent
apparaître au décours d'un abcès du foie en cas de complication par une thrombose porte.

a. Syndrome inflammatoire
Les anomalies biologiques sont peu spécifiques, reflétant un sepsis bactérien. La
numération formule sanguine montre une anémie normocytaire inflammatoire
par trapping du fer dans le système réticulo-endothélial, une thrombocytose et une
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Du point de vue biochimique le
syndrome inflammatoire prédomine avec une augmentation de la protéine C-réactive
et accessoirement de la vitesse de sédimentation, dont la prescription est inutile en
phase aiguë. Il s'accompagne d'une hyperbilirubinémie (notamment dans les étiologies
biliaires), d'une augmentation des transaminases (ALAT) et des phosphatases alcalines
(PAL). L'hypoalbuminémie est expliquée par la dépression de la synthèse hépatique induite
par les cytokines pro-inflammatoires notamment l'interleukine-6 (IL-6), l'IL-1 et le TNFa.
Un mauvais état nutritionnel peut contribuer à l'hypoalbuminémie. Le fibrinogène est
augmenté en phase d'état, néanmoins sa cinétique d'augmentation lente et sa demi-vie
longue en font un mauvais marqueur en phase aiguë mais plutôt de résolution du processus
inflammatoire.

b. Procalcitonine
La procalcitonine (PCT) est un marqueur systémique précoce de l'infection bactérienne.
Elle consiste en une protéine de 116 acides aminés dont le précurseur est la calcitonine.
À l'état basal, la procalcitonine est sécrétée par les cellules parafolliculaires C de la thyroïde.
Lors des états infectieux, la production de procalcitonine est ubiquitaire ce qui permet
son augmentation exponentielle et rapide. La demi-vie de la procalcitonine est de 25 à
30 heures. La valeur de référence de la procalcitonine est inférieure à 0,05 ng/ml (percentile
97,5°). La valeur cliniquement pertinente pour évoquer un état infectieux débutant est de
0,5-0,7 ng/ml. Au cours des états septiques, notamment avec une hémoculture positive à
bactéries gram-négatif, la PCT peut atteindre 2-3 ng/ml. Au cours de l'abcès hépatique à
pyogènes la procalcitonine est augmentée dans la majorité des cas avec une valeur moyenne
atteignant 25 ng/ml.

c. Lactates
Le lactate est un métabolite produit dans les tissus à partir du glucose en condition
d'apport insuffisant en oxygène (acidose lactique de type A). En conditions physiologiques,
le lactate est éliminé par le foie et le rein et ses valeurs de référence sont comprises entre
1 et 1,5 mmol/1. Une concentration en lactates supérieure à 2 mmol/1 est un indicateur
de mauvais pronostic. Chez les patients présentant un abcès hépatique à pyogènes, des
lactates > 2 mmol/1 sont associés à un risque significatif de survenue d'un choc septique
(odds ratio= 4,92; IC 95 % : 2,51-9,64).
168 Hépatomégalie et masse abdominale

Tableau 5 : Anomalies biologiques observées chez un patient présentant un abcès du foie


à pyogènes

Biochimie
Protéine C-réactive augmentée (utile en phase aiguë)
Procalcitonine augmentée (utile en phase aiguë)
Lactates (utilité pronostique)
Hyperbilirubinémie (causes biliaires)
Cytolyse {ALAT)
Phosphatases alcalines augmentées
Hypoalbuminémie (protéine négative de la phase aiguë de l'inflammation)
VS (inutile en phase aiguë)
Fibrinogène augmenté (inutile en phase aiguë, idem que VS)
Hématologie
Anémie inflammatoire normocytaire (trapping du fer)
Thrombocytose
Hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles
Bactériologie
Hémoculture positive dans 50 % des cas
Culture du liquide d'aspiration
ITEM 275
ICTERE
Abderrahim OUSSALAH

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
• Diagnostiquer un ictère chez le nouveau-né, identifier les situations d'urgence et
planifier leur prise en charge.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE COLLÈGE NATIONAL DE BIOCHIMIE BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE MÉDICALE
• Connaître la physiologie de la bilirubine : production, captation par
l'hépatocyte, conjugaison et excrétion dans le canalicule biliaire.
• Connaître les mécanismes physiopathologiques, les principales explorations
biochimiques et algorithmes diagnostiques chez un patient présentant un
ictère à bilirubine libre.
• Connaître les mécanismes physiopathologiques, les principales explorations
biochimiques et algorithmes diagnostiques chez un patient présentant un
ictère à bilirubine conjuguée ou mixte.
• Connaître la définition de la cholestase et savoir la distinguer de celle de
l'hyperbilirubinémie conjuguée.
• Connaître les principaux désordres héréditaires du métabolisme de la
bilirubine.
• Connaître les principales pathologies cholestatiques gravidiques.

1. PRÉAMBULE
La présente question s'articule avec l'item 275 «Ictère» traité dans le Référentiel d'Hépato-gastroentérologie
de la Collégiale des Universitaires en Hépato-gastro-entérologie (CDU-HGE). Les détails en lien avec les
aspects cliniques, anatomopathologiques, radiologiques et thérapeutiques ne sont pas systématiquement
repris et ce afin de simplifier la lecture des objectifs tels qu'énoncés par le Collège National de Biochimie
Biologie Moléculaire Médicale (CNBBMM) et d'éviter les redondances d'informations. Certains contextes
sémiologiques ou cliniques sont volontiers développés afin d'illustrer les principaux concepts et objectifs
de l'item en lien avec la discipline de Biochimie et de Biologie Moléculaire.

Il. DÉFINITION
L'ictère correspond à une coloration jaune de la peau, des conjonctives et des muqueuses en lien avec un
dépôt de bilirubine. Bien que l'ictère puisse faire penser en premier lieu à une pathologie de la sphère
digestive, il peut être causé par diverses étiologies, ce qui souligne toute l'importance d'une démarche
diagnostique systématisée basée sur la clinique, la biologie et l'imagerie. La compréhension du métabolisme
170 Ictère

de la bilirubine est un prérequis pour la maîtrise des aspects physiopathologiques et


diagnostiques des différentes pathologies pouvant aboutir à une hyperbilirubinémie.

Ill. MÉTABOLISME DE LA BILIRUBINE

A. Production de la bilirubine
La bilirubine est un tétrapyrrole qui représente le produit de dégradation de l'hème
(Ferriprotoporphyrine IX) (Figure 1). L'hème correspond à un anneau tétrapyrrolique
qui lie un atome de fer présent dans l'hémoglobine, la myoglobine et les cytochromes.
Chaque jour, un adulte sain produit environ 4 mg/kg de bilirubine, soit environ
0,5 mmol pour une personne de 70 kg. La majeure partie de la bilirubine (70-80 %)
provient de la dégradation des globules rouges sénescents. Une partie minime provient
de la destruction prématurée des érythrocytes nouvellement formés dans la moelle
osseuse ou dans la circulation: c'est l'érythropoïèse inefficace. Les 20-30 % de bilirubine
restants sont issus de la dégradation des hémoprotéines (catalase, cytochrome oxydases
hépatocytaires). Les protéines non-hémoglobiniques extra-hépatiques contenant de l'hème,
telles la myoglobine contribuent faiblement au pool global de bilirubine du fait de leur
faible turnover.

Hème Bfliverdine Bllfrubine

NADPH + tr NADP+

Hème Biliverdine
oxygénase réductase

HOOC COOH

Adele
Glucuronyl­
glucurvnfque
transférase

Dlglucuronide de
bllfrubine

Figure 1. Métabolisme de l'hème et conjugaison de la bilirubine. La molécule d'hème


est métabolisée en biliverdine puis en bilirubine libre (non conjuguée) qui est
hydrophobe. Après captation par l'hépatocyte au niveau de la membrane sinusoïdale,
la bilirubine libre est conjuguée à l'acide glucuronique pour obtenir une bilirubine
conjuguée (appelée aussi bilirubine directe). La bilirubine conjuguée est hydrosoluble
et son excrétion dans le canalicule biliaire se fait par un mécanisme de transport
actif.
Dans les macrophages, notamment les macrophages spléniques, la méthémoglobine issue
des érythrocytes est dégradée pour produire l'hème. La méthémoglobine correspond à une
forme de l'hémoglobine dans laquelle le fer de l'hème est à l'état d'oxydation Fe3+ (ferrique),
par opposition à l'état d'oxydation Fe2+ (ferreux) retrouvé dans l'hémoglobine. J;anneau
porphyrine, tétrapyrrolique de l'hème est oxydé par l'hème oxygénase microsomale pour
produire la biliverdine. La biliverdine est par la suite réduite en bilirubine par la biliverdine
réductase, une enzyme dépendante du NADPH (Figure 1).
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 275 171

Hème+ 3 accepteurs réduits+ 3 02 - biliverdine+ Fe2+ + CO


+ 3 accepteurs d'électrons oxydés + 3 Hp

•..
Hépatocyte._______
_
REL
Rate
Bllfrubfne

• _.. /
1
UGT1A1

/
(UGT1A1)
' Btlfrublne

.-
BIiirubine non • mono-
conjuguée glucuronlde
Globlne + Hème
Bllfrubfne -
dlglucuronlde ,

1
I
l'
Érythrocyte
..
, __..........
Recapture

Figure 2. Métabolisme de la bilirubine. La bilirubine est produite à partir de la


dégradation de l'hème et se lie à l'albumine lors de son transport vers l'hépatocyte.
La bilirubine libre est captée par l'hépatocyte au niveau de sa membrane sinusoïdale
par la protéine OATP181 puis est transportée vers le réticulum endoplasmique lisse
(REL). Au niveau du REL, la bilirubine libre, hydrophobe, sert de substrat à l'enzyme
UGT1A1 qui la conjugue et la rend hydrosoluble. La bilirubine conjuguée est excrétée
dans le canalicule biliaire au travers de la membrane canaliculaire de l'hépatocyte
par la protéine MRP2. UGT1A1; UDP glucuronosyltransferase family 1 member A1;
ABCC2: ATP binding cassette subfamily C member 2; SLC0181: Solute carrier
organic anion transporter family member 181; SLC0183: Solute carrier organic anion
transporter tamily member 183 (Adapté de: 0ussalah A, et al. Medicine (Baltimore)
2015; 94: e925; van de Steeg E et al. J Clin lnvest 2012; 122: 519-28).

B. Transport de la bilirubine et captation par l'hépatocyte


La bilirubine libre, principalement liée à l'albumine, est transportée vers le foie
via le système porte pour entrer en contact avec les hépatocytes au niveau de leur
membrane sinusoïdale dans l'espace de Disse (Figure 2). Au fur et à mesure de sa
pénétration dans l'hépatocyte, une quantité supplémentaire se dissocie de l'albumine.
Ce processus est très efficace avec une clairance de bilirubine libre de 5 mg/kg/jour à
l'état physiologique, soit environ 400 mg/jour pour un sujet de 75 kg. La demi-vie de
la bilirubine libre est courte. En effet, 60 % de la bilirubine libre marquée apparaît dans
les hépatocytes après un délai de 5 minutes suivant l'injection intraveineuse.
Dans la configuration isomérique trans, la bilirubine libre est hydrophobe et se lie de façon
non-covalente à l'albumine lors de son transport. L'exposition à la lumière peut entraîner
une photoisomérisation de la bilirubine libre depuis la forme trans vers la forme cis, ce
qui accroît sa solubilité dans l'eau et permet son excrétion dans l'urine. Cette approche
représente la base du traitement par photothérapie des ictères néonataux à bilirubine libre.
172 Ictère

La bilirubine libre rentre dans l'hépatocyte par la membrane sinusoïdale qui est opposé
au pôle canaliculaire biliaire (Figure 2), par deux mécanismes : 1) un mécanisme passif de
diffusion; 2) un mécanisme d'endocytose dépendant d'un récepteur (OATPlBl, Organic
anion transporting polypeptide lBl; codé par le gène SLCOlBl). La captation de la bilirubine
par l'hépatocyte est inhibée de façon compétitive par certains anions organiques tels que
la bromosulfophtaléine (BSP) et l'indocyanine.

C. Conjugaison de la bilirubine
Une fois dans l'hépatocyte, la bilirubine libre est dirigée par des protéines cytosoliques
(ex. glutathion S-transférase) vers le réticulum endoplasmique lisse où elle devient
le substrat de l'enzyme appelée glucuronyl-transférase (UGTIAI codée par le
gène UGTlAl). Cette enzyme catalyse l'estérification des chaînes latérales d'acide
propionique de la bilirubine avec l'acide glucuronique, afin de produire essentiellement
du diglucuronide de bilirubine, correspondant à la bilirubine conjuguée qui est
hydrophile (Figures 1 et 2).

O. Excrétion de la bilirubine dans le canalicule biliaire


La majeure partie de la bilirubine conjuguée est dirigée vers la membrane canaliculaire
(apicale) puis transportée dans la lumière du canalicule biliaire par une pompe de transport
ATP-dépendante: la protéine MRP2 (Multidrug resistance protein 2), codée par le gène
ABCC2. L'excrétion de la bilirubine conjuguée par la protéine MRP2 représente l'unique
étape du métabolisme de la bilirubine qui nécessite de l'énergie; c'est la raison pour
laquelle même en cas d'insuffisance hépatique fulminante, les patients présentent une
hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée. La protéine MRP2 transporte également
divers anions organiques tels que la BSP, le glutathion et les sels biliaires conjugués. Une
faible quantité de bilirubine conjuguée est secrétée dans le plasma au travers de la membrane
sinusoïdale par le transporteur MRP3 (Multidrug resistance protein 3; gène ABCC3)
pour être ensuite éliminée par voie rénale. En cas de cholestase prolongée ou de désordre
métabolique entraînant une hyperbilirubinémie conjuguée, la bilirubine conjuguée se lie de
façon covalente à l'albumine (bilirubine delta), ce qui empêche son excrétion dans l'urine.
Unefois dans la bile, la bilirubine conjuguée chemine jusqu'à l'iléon distal et le côlon où les
bactéries l'hydrolysent en bilirubine libre pour être ensuite réduite en urobilinogène incolore.
L'urobilinogène peut être excrété dans les selles sousforme inchangée ou sousforme oxydée
(urobiline, couleur orangée). L'urobilinogène intestinal est converti par laflore intestinale en
stercobilinogène dont laforme oxydée est la stercobiline responsable de la couleur brune des
selles. Alternativement, l'urobilinogène peut être réabsorbé de façon passive par l'intestin.
Dans ce cas, la majorité de l'urobilinogène réabsorbé par l'intestin est réexcrétée par lefoie.
La bilirubine libre n'est jamais retrouvée dans l'urine car elle est liée à l'albumine qui ne
traverse pas la barrière glomérulaire. La présence de bilirubine dans l'urine indique une
hyperbilirubinémie conjuguée et donc une pathologie hépato-biliaire.

IV. MESURE DE LA CONCENTRATION SÉRIQUE DE LA BILIRUBINE


ET CLASSIFICATION DES ICTÈRES
Classiquement, les termes « bilirubine directe » et « bilirubine indirecte » correspondent
respectivement à « bilirubine conjuguée » et « bilirubine libre» et dérivent de la
réaction de Van den Bergh et Mueller. Dans cette réaction, la bilirubine est exposée à
l'acide sulfanilique diazoté. La fraction conjuguée de la bilirubine réagit rapidement avec le
réactif, ce qui permet la mesure de la fraction conjuguée par analyse photométrique dans
les 30 à 60 secondes. La bilirubine totale est mesurée dans un délai de 30 à 60 minutes après
le rajout d'un agent accélérant. La fraction non conjuguée est, quant à elle, indirectement
estimée sur la base des mesures de la bilirubine totale et de la bilirubine directe.
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 275 173

En utilisant la diazoréaction, les valeurs de référence de la bilirubine sérique dans la


population adulte sont les suivantes :
■ bilirubine totale : 3 - 10 mg/1;
■ bilirubine directe : 1 - 3 mg/1;
bilirubine indirecte : 2 - 7 mg/!.
Chez un patient ictérique, la présence d'une fraction de bilirubine directe< 15 % permet
de le classer en ictère à bilirubine libre.
Les nouvelles méthodes de mesure de la bilirubine (ex. spectrophotométrie) ont démontré
que la somme des bilirubines directe et indirecte n'était pas équivalente à la bilirubine
totale et ont par ailleurs permis de caractériser la bilirubine delta. La méthode classique
de dosage de la bilirubine directe permet de doser environ 70-80 % de bilirubine conjuguée
et de delta bilirubine ainsi qu'une très faible proportion de bilirubine libre. Malgré cette
limitation, la méthode conventionnelle reste couramment utilisée.
Chez le nouveau-né, toute valeur de bilirubine s'interprète en fonction de l'âge post-natal
en heures. Les valeurs de référence sont définies par le nomogramme de Bhutani, donnant
quatre groupes à risque de développement d'une hyperbilirubinémie > 95• percentile :
risque faible, risque intermédiaire faible; intermédiaire haut; risque élevé.
25 .....----.----,.----.-----r-----r--..---....---,----,---,----.----r-r428

20-1----+----l--+---+---+--!---+----+----l--+---+---+--+342

0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144


Postnatal Age (hours)

Figure 3. Nomogramme de Bhutani qui associe la concentration de bilirubine


totale (attention : celle-ci est mesurée en mg/dl selon les standards américains)
à l'âge post-natal en heures. Source : Pediatrics 2004; 114: 297-316; https://med.
stanford.edu/newborns/professional-education/jaundice-and-phototherapy/bhutani­
nomogram.html
174 Ictère

V. APPROCHE DIAGNOSTIQUE D'UN PATIENT PRÉSENTANT UN ICTÈRE


À BILIRUBINE LIBRE

Hyperbtlirublnémte libre

l
Anémie / hémolyse ?

i i --+
- Haptogloblne, LDH, Frottis sanguin (schlzocytes),
Non Oui Test de Coombs direct, Notion de transfusions?
Taux de rétlculocytes, lma,erle (hématome)
[ Principaux diagnostics
- Hémolyse
Médicament? - Transfusions
Hépatotoxlques? - Hématome

1
- Erythropdi'èse Inefficace (anémie méploblastlque,
anémie ferrlprtve sévère, porphyrle)
l
Non
l
Oui
Principales molécules
Cirrhose? - Rlfampldne
Hépatopathle chronique? - Cyclosporlne
- lndlnavlr, Atazanavlr

1 Non Oui
l __,. - Bilan de l'hépatopathle
- Cf. Items 273, 276

L Fonction hépatique normale

l
- TSH, T3, T4 libre
- Echocardlographle

1
Principaux diagnostics
- HyperthyroYdle
- Insuffisance cardiaque congestive
- Maladie de Gilbert �
- Maladie de Grtgler-Najjar 4)
- Ictère physiologique du nouveau-né

Figure 4. Approche diagnostique d'un patient présentant un ictère à bilirubine libre.


LDH : lactate déshydrogénase; TSH : Thyroid-Stimulating Hormone. Les diagnostics
annotés de la mention « B » reposent sur une démarche intégrant les marqueurs
biochimiques de façon décisionnelle.
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 275 175

VI. APPROCHE DIAGNOSTIQUE D'UN PATIENT PRÉSENTANT


UN ICTÈRE À BILIRUBINE CONJUGUÉE OU MIXTE (BILIRUBINE
DIRECTE> 15 %, HABITUELLEMENT> 50 %)

Hyperblllrublnémle
conjuguée Isolée Hyperblllrublnémle conJuauée

Principaux diagnostics J ou mixte


Cytolyse prédominante
PALt, GGTt, 5'Nt

'
- Maladie de Dubln.Johnson 0 Au1mentatlon minime des PAL, GGT, 5'N
- Maladie de Rotor 0 Cytolyse minime
TQ / INR normaux ou auamentés
l
Processus obstructif Pathologies lntra-hépatlques avec
(cholestase) dysfonction hépatique prédominante

l
Échoaraphte / TOM /

! l
- Sérologie de l'hépatite
8111-IRM / CPRE - Echoaraphie-doppler du foie
- Rechercher un éthylisme ou une Ischémie
Patholoales lntra-hépatiques (hypotension)
Pathologies extra-hépatiques - Toxiques (médicaments, champianons, autres
avec cholestase prédominante
hépatotoxiques)
- Céruléoplasmlne, cuivre urinaire des 24 heures
Principaux diagnostics Principaux diagnostics - Anticorps anti-nucléalres, anti muscle lisse,
- Pathologie lithiasique biliaire - Processus infiltratif diffus hépatiques : Taux d'llG
o Granulomatose: tuberculose, sarco'îdose,
- Pathologies inflammatoires des voies biliaires : lymphome Weaener;
o Amylose; Principaux diagnostics
- Cholangite sclérosante primitive;
- Cholangiopathie du SIDA; o Lymphome. - Contexte aigu ou subaigu :
- Chimiothérapie artérielle hépatique; o Virus;
- Sténoses post-opératolres; - Lésions du cholangiocyte : o Toxique (alcool, paracétamol, Amanlta
- Ascaridiose biliaire. o Cholan&lte biliaire primitive; phallo'îdes);
o Maladie du greffon contre l'h6te; o Médicaments (Isoniazide, phényto'îne);
- Pathologies néoplasiques des voies biliaires : o Médicaments: érythromycine, co-trlmoxuole; o Vasculaire (Ischémie, obstruction vasculaire
ex. cholangiocarclnome o Mucoviscidose. sus-hépatique);
o Désordres métaboliques (maladie de Wilson,
- Compressions extrinsèques des voies biliaires: - Autres pathologies : Syndrome de Reye, stéatose hépatique alaUe
o Cancer (pancréas, CHC, ampullome, - Médicaments (œstroaènes, stéro'îdes gravidique Ci), pré-éclampsie C,).
lymphome, lymphadénopathle) ; anabolisants);
o Pancréatite; - Nutrition parentérale totale; - Contexte chronique :
o Compression vasculaire (Cavemome porte, - Sepsis bactériens; o Virus;
anévrysme). - Insuffisance cardiaque; o Alcool;
- Syndromes paranéoplaslques ; o Hépatite auto-Immune;
- Cholestase aravldique. 0 o Désordres métaboliques (hémochromatose,
maladie de Wilson, NAFLD, déficit en a1•
antltrypslne)

Figure 5. Approche diagnostique d'un patient présentant ictère à bilirubine


conjuguée. PAL : phosphatases alcalines; GGT : gamma-glutamyl transpeptidase;
S'N : 5'-Nucléotidase; TOM : tomodensitométrie; IRM : imagerie par résonnance
magnétique; CPRE : cholangiopancréatographie endoscopique rétrograde; TQ :
temps de Quick; INR: international normalized ratio; NAFLD: non-alcoholic fatty
liver disease. Les diagnostics annotés de la mention « B » reposent sur une démarche
intégrant les marqueurs biochimiques de façon décisionnelle (adapté en partie
de :Sleisenger and Fordtran's gastrointestinal and liver disease: pathophysiology,
diagnosis, management/[edited by] Mark Feldman, Lawrence S. Friedman, Lawrence
J. Brandt. 9th ed).

VII. CHOLESTASE
La cholestase est définie par une diminution du flux biliaire due à une altération
de la sécrétion hépatocytaire ou à une obstruction à l'écoulement biliaire dans les
canaux biliaires intra ou extra-hépatiques. Les marqueurs de la cholestase incluent
les phosphatases alcalines (PAL), la gamma-glutamyl transpeptidase (GGT) et la
5'-Nucléotidase (5'N). Une cholestase n'est pas obligatoirement associée à un ictère,
c'est la cholestase anictérique parfois observée dans les pathologies pancréatiques, les
métastases hépatiques, les granulomatoses, la cholangite biliaire primitive, la cholangite
sclérosante primitive ou la cholestase gravidique. Inversement une hyperbilirubinémie à
prédominance conjuguée peut survenir de façon isolée et en dehors de tout contexte de
cholestase. C'est le cas des hyperbilirubinémies conjuguées d'origine génétique (Figure 4).
176 Ictère

VIII.PRINCIPAUX DÉSORDRES HÉRÉDITAIRES DU MÉTABOLISME


DE LA BILIRUBINE
Le Tableau 1 illustre les principaux désordres héréditaires du métabolisme de la bilirubine.
On en distingue trois grandes catégories du point de vue physiopathologique
1. les anomalies de la captation de la bilirubine par l'hépatocyte, conduisant à une
hyperbilirubinémie libre;
■ 2. les anomalies de la conjugaison de la bilirubine par l'enzyme UGTlAl, conduisant
à une hyperbilirubinémie libre;
■ 3. les anomalies de l'excrétion ou de la recapture de la bilirubine conjuguée, condui-
sant à une hyperbilirubinémie conjuguée.
La maladie de Rotor présente une particularité. Les gènes associés à cette maladie sont
impliqués dans la capture de la bilirubine libre ce qui impliquerait une hyperbilirubinémie
libre. Néanmoins, la maladie de Rotor se caractérise par une hyperbilirubinémie mixte
avec 50 % de bilirubine conjuguée. Ce phénotype est expliqué par le rôle des protéines
OATPlBl et OATP1B3 dans la capture de la bilirubine libre mais aussi dans la recapture
de la bilirubine conjuguée qui traverse la membrane sinusoïdale defaçon rétrograde. Ceci
explique le caractère mixte de l'hyperbilirubinémie. La présence d'une mutation sur les
deux gènes est nécessaire pour entraîner un phénotype clinique de maladie de Rotor.

Tableau 1 : Principaux désordres héréditaires du métabolisme de la bilirubine

Maladie de Maladie de
Maladie de Maladie de Dubin- Maladie
Crigler-Najjar Crigler-Najjar
Gilbert Johnson de Rotor
de type Il de type 1
Gène SLC01B1 et
UGT1A1 UGT1A1 UGT1A1 ABCC2
impliqué SLC01B3
Fréquence Fréquent (6-12 %) Rare Très rare Rare Très rare
Altération de
Diminution
Baisse de la Absence de Altération de l'export la recapture
Anomalie importante de la
conjugaison de la conjugaison de la canaliculaire de la sinusoïdale de
métabolique conjugaison de la
bilirubine bilirubine bilirubine conjuguée la bilirubine
bilirubine
conjuguée
Habituellement Classiquement
,:; 30 mg// en < 200 mg// > 200 mg/I
Bilirubine Classiquement Classiquement
l'absence de jeOne
(mg/1) Valeurs possibles : Valeurs possibles : < 70 mg// < 70 mg/I
ou d'hémolyse
60-450 mg/I 170-500

Hyperbilirubinémie Hyperbilirubinémie
Type d'hyper- Hyperbilirubinémie Hyperbilirubinémie Hyperbilirubinémie
Mixte (50 % de Mixte (50 % de
bilirubinémie libre libre libre
conjuguée) conjuguée)

Pigments dans les


Histopathologie
Normale Normale Normale hépatocytes centra- Normale
hépatique
lobulaires
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 275 177

Maladie de Maladie de
Maladie de Maladie de Dubin- Maladie
Crigler-Najjar Crigler-Najjar
Gilbert Johnson de Rotor
de type Il de type 1

Augmentation de
la concentration de Augmentation
la bilirubine après minime du
exposition aux ratio des
Amélioration de œstrogènes coproporphyrines
Autres Amélioration de Absence de
l'hyperbi I irubinémie urinaires 1/11
critères l'hyperbi I irubinémie réponse au Augmentation
sous
distinctifs sous phénobarbital phénobarbital marquée du ratio des Très faible
phénobarbital
coproporphyrines cinétique
urinaires 1/111 d'élimination de
Faible cinétique la BSP
d'élimination de la BSP
Décès si pas de
Pronostic Bon Habituellement bon Bon Bon
traitement
Phénobarbital Photothérapie
Aucun
dans le cas d'une en attente de la
Traitement Aucun Éviter les œstrogènes traitement
hyperbilirubinémie transplantation
disponible
majeure hépatique

BSP: bromosulfophtaléine; UGT1A1 : UDP glucuronosyltransferase family 1 member A1; ABCC2: ATP
binding cassette subfamily C member 2; SLC01B1 : Solute carrier organic anion transporter family member 1B1;
SLC01B3: solute carrier organic anion transporter family member 1B3. (Adapté de, Sleisenger and Fordtran's
gastrointestinal and li ver disease: pathophysiology, diagnosis, management/ledited by] Mark Feldman, Lawrence S.
Friedman, Lawrence J. Brandt.-9th ed}.

IX. PATHOLOGIES CHOLESTATIQUES GRAVIDIQUES

A. Hyperemesis gravidarum et cholestase gravidique


Plusieurs désordres cholestatiques sont observés au cours de la grossesse. L'ictère peut
accompagner un hyperemesis gravidarum survenant au premier trimestre. La cholestase
gravidique survient habituellement au cours du troisième trimestre et se manifeste par
un prurit avec ou sans ictère. L'ictère survient dans 10-25 % des cas. Du point de vue
biologique, les PAL sont modestement augmentées mais les GGT sont normales ou très
peu augmentées. Les transaminases sont augmentées et peuvent atteindre 1 000 U/1. Les
acides biliaires sont augmentés (> 10 µmol/1) et permettent de confirmer la cholestase. Les
cholestases gravidiques sévères peuvent s'associer à une stéatorrhée infraclinique pouvant
entraîner un déficit en vitamines liposolubles, notamment en vitamine K. La cholestase
gravidique est associée à un risque d'hypoxie fœtale, lorsque la concentration en acides
biliaires maternels est supérieure à 40 µmol/l.
Anomalies biochimiques au cours de la cholestase gravidique :
■ hyperbilirubinémie (généralement inférieure à 50 mg/1);
■ augmentation des ASAT et ALAT, 2 - 10 x limite supérieure de la normale;
■ phosphatases alcalines non interprétables (source placentaire);
Il augmentation des gamma-glutamyl transpeptidases (< 30 % des cas);
■ augmentation des acides biliaires sériques à jeun (> 10 µmol/1; risque fœtal si acides
biliaires maternels > 40 µmol/1).

B. Stéatose hépatique aiguë gravidique


La stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) est une pathologie grave qui survient
classiquement au cours du troisième trimestre. Lorsqu'un ictère est présent au cours
178 Ictère

d'une SHAG, il est souvent accompagné de nausées, de douleurs abdominales et d'une


encéphalopathie. L'histopathologie de la biopsie hépatique met en évidence une stéatose
microvésiculaire qui ressemble à celle observée dans le syndrome de Reye. En l'absence de
traitement, la maladie peut se compliquer par une encéphalopathie hépatique.
Du point de vue biologique, les patientes présentant une SHAG ont un allongement du temps
de Quick, une baisse du fibrinogène, une leucocytose et une cytolyse autour de 750 U/1.
L'ictère est fréquent mais non obligatoire. La biologie rénale montre une augmentation de
l'urée, de la créatinine et de l'acide urique. Dans les formes décompensées, une hypoglycémie
et une hyperammoniémie peuvent être observées.
La SHAG peut être fatale si l'accouchement précoce n'est pas effectué. Bien que la pré­
éclampsie soit fréquemment observée chez les patientes présentant une SHAG et qu'elle
puisse jouer un rôle dans sa pathogénie, la SHAG n'est pas considérée comme une atteinte
hépatique de la pré-éclampsie (cf. ci-dessous).
Anomalies biochimiques au cours de la stéatose hépatique aiguë gravidique (SAHG) :
■ hyperbilirubinémie, fréquente mais non obligatoire;
■ cytolyse (autour de 750 U/1);
■ urée, créatinine et acide urique augmentés;
■ hypoglycémie (formes sévères, décompensation hépatique);
■ hyperammoniémie (formes sévères, décompensation hépatique);
■ fibrinogène abaissé;
■ taux de prothrombine, Facteur V, Fibrinogène diminués;
■ thrombopénie, fréquente;
■ leucocytose.

C. Manifestations hépatiques de la pré-éclampsie


La pré-éclampsie correspond à un désordre microvasculaire du troisième trimestre de la
grossesse. La pré-éclampsie est l'association à partir de la 20• semaine d'aménorrhée, d'une
HTA > 140/90 mmHg mesurée à deux reprises et d'une protéinurie > 0,3 g/24 heures.
L'atteinte hépatique est fréquente au cours de la pré-éclampsie. Le syndrome HELLP
(acronyme de : Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelet count) est la manifestation
la plus courante de l'atteinte hépatique au cours des états de pré-éclampsie. Le traitement
du HELLP syndrome repose sur l'extraction fœtale qui doit être rapide.
L'atteinte hépatique de la pré-éclampsie peut se compliquer d'infarctus hépatique, voire
d'hématomes qui guérissent sans séquelles en cas d'évolution favorable. En revanche, la
survenue d'une rupture hépatique peut engager le pronostic vital, ce qui souligne l'intérêt
du diagnostic précoce.

Anomalies biologiques au cours du HELLP syndrome

Anémie hémolytique au frottis sanguin


H-Hemolysis LDH > 600 U/1
Hyperbilirubinémie libre

E-Elevated Augmentation des ASAT (généralement, 10-20 x limite supérieure de la


L-Liver enzymes normale)

L-Low
Plaquettes< 150 G/1
P-Platelets
ITEM 276
CIRRHOSE ET COMPLICATIONS
Aberrahim OUSSALAH

LIEN AVEC D'AUTRES ITEMS DE L'ECN


• Item 273 : Hépatomégalie et masse abdominale.
• Item 275 : Ictère.
• Item 277 : Ascite.

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une cirrhose.
• Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
• Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
• Décrire les principes de la prise en charge au long cours en abordant les
problématiques techniques, relationnelles et éthiques en cas d'évolution défavorable.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE COLLÈGE NATIONAL DE BIOCHIMIE BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE MÉDICALE
• Connaître le bilan de première ligne à réaliser chez le patient présentant
une suspicion de cirrhose.
• Connaître les arguments biologiques permettant d'évoquer le diagnostic
de cirrhose.
• Connaître les scores pronostiques de la cirrhose : score de Child-Pugh,
MELO score.
• Connaître les modalités de l'évaluation non invasive de la fibrose hépatique
et les recommandations de la Haute Autorité de Santé quant à leur utilisation.
• Connaître les apports et les limitations du dosage de l'ammoniémie dans
le diagnostic de !'encéphalopathie hépatique chez le patient cirrhotique.
• Connaître les bases physiopathologiques de la décompensation ascitique
et du syndrome hépatorénal.
• Connaître les critères diagnostiques du syndrome hépatorénal.

1. PRÉAMBULE
La présente question s'articule avec l'item 273 « Item 276: Cirrhose et complications» qui est traité dans le
Référentiel d'Hépato-gastroentérologie de la Collégiale des Universitaires en Hépato-gastro-entérologie (CDU­
HGE). Les détails en lien avec les aspects cliniques, anatomopathologiques, radiologiques et thérapeutiques
ne sont pas systématiquement repris et ce afin de simplifier la lecture des objectifs tels qu'énoncés par le
Collège National de Biochimie et de Biologie Moléculaire Médicale et d'éviter les redondances d'informations.
Certains contextes sémiologiques ou cliniques sont volontiers ,développés afin d'illustrer les principaux
concepts et objectifs de l'item en lien avec la discipline de Biochimie et Biologie Moléculaire.
180 Cirrhose et complications

Il. DIAGNOSTIC DE LA CIRRHOSE

A. Définition
La cirrhose est définie histologiquement comme une atteinte hépatique pathologique
diffuse associant une fibrose hépatique etdesnodulesde régénération. La désorganisation
nodulaire des lobules hépatiques, la mauvaise vascularisation des hépatocytes et la
diminution de la quantité d'hépatocytes fonctionnels entraînent l'apparition progressive
d'une insuffisance hépatocellulaire et d'une hypertension portale qui représentent
les deux éléments physiopathologiques majeurs de la cirrhose.

B. Évaluation du patient présentant une cirrhose


L'évaluation d'un patient présentant une suspicion de cirrhose doit être systématique.
Elle inclut un examen clinique, une évaluation biologique, une imagerie du foie et une
endoscopie digestive (Tableau 1). Les items devant être explorés selon les recommandations
de la Haute Autorité de Santé (HAS) sont indiqués dans le Tableau 1.

Tableau 1 : Évaluation de première ligne chez le patient présentant une suspicion de cirrhose

Habitus et mode de vie


Âge; sexe; profession; mode de vie
Antécédents
Consommation d'alcool
Ictère; hépatite; médicaments; transfusion
Notion de pathologie héréditaire; contexte familial
Interrogatoire
Fatigue; Perte de poids
Anorexie; Douleur abdominale
Coloration foncée des urines (ictère?)
Œdèmes des membres inférieurs; Augmentation du volume de l'abdomen
Saignement : nez, gencive, peau, tractus digestif
Perte de la libido
Examen physique et signes généraux
Température
Etat nutritionnel
Foetor hepaticus
Peau : Ictère, Purpura; Angiomes stellaires
Main : Hippocratisme digital; ongle blancs; Érythème palmaire
Gynécomastie
Atrophie testiculaire
Pilosité clairsemée
Élargissement des parotides
Abdomen : ascite, circulation veineuse collatérale, foie, rate
Œdèmes périphériques
Examen neurologique : fonctions mentales; Flapping tremor (astérixis)
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 276 181

Évaluations
Hématologie
NFS (recommandation HAS)
Taux de prothrombine (recommandation HAS)
Facteur V
INR
Biochimie
Bilan rénal (urée, créatinine)
lonogramme sanguin (Na, K)
Bilirubine (totale, directe, indirecte) (recommandation HAS)
Transaminases : ASAT, ALAT (recommandation HAS)
Phosphatases alcalines (recommandation HAS)
Gamma-glutamyl transpeptidase (recommandation HAS)
Électrophorèse des protéines sériques (recommandation HAS)
lmmunoélectrophorèse des protéines sériques
Glucose, triglycérides, cholestérol (recommandation HAS)
Ferritine et coefficient de saturation de la transferrine (recommandation HAS)
Anticorps anti-nucléaires, anti-muscle lisse, anti-mitochondrie
Sérologies virales B, C (recommandation HAS)
Alpha-foetoprotéine (recommandation HAS)
Si ascite présente : urines des 24 heures et excrétion du Na
Sérologies virales
Antigène HBs, anticorps anti-HBs, anticorps anti-HBc (recommandation HAS)
Anticorps anti-VHC (recommandation HAS)
Endoscopie œso-gastro-duodénale (recommandation HAS)
Imagerie du foie (échographie abdominale couplée au doppler, effectuée par un opérateur
expérimenté, recommandation HAS); TDM/IRM.
Biopsie hépatique selon le contexte étiologique et les tests de crase sanguine
(non obligatoire)
Électroencéphalogramme à discuter selon le contexte (points d'appel psychiatriques?)

Adapté de Sherlock, Shiela, and James Dooley. Diseases of the liver and biliary system.
John Wiley & Sons, 2008; Les recommandations de la Haute Autorité de la Santé
sont issues du document : Critères diagnostiques et bilan initial de la cirrhose non
compliquée (Actualisation de décembre 2008), accessible sur : https://www.has-sante.
fr/portail/upload/docs/application/pdfIfs_cirrhose_web.pdf.

C. Profil biologique global du patient présentant une cirrhose


1. Hématologie
La numération formule sanguine retrouve habituellement une anémie discrète à modérée,
normocytaire et normochrome. Parfois, l'anémie est macrocytaire. Les saignements digestifs
entraînent une anémie ferriprive. Les leucocytes et les plaquettes sont abaissés en lien avec
l'hypersplénisme causé par l'hypertension portale. Le taux de prothrombine est diminué
182 Cirrhose et complications

(Temps de Quick allongé) et ne se normalise pas après traitement par vitamine K (facteur
V diminué). La moelle osseuse est macro-normoblastique.

2. Biochimie
Les différents tests biochimiques hépatiques sont développés dans l'Item 273 : Hépatomégalie
et masse abdominale, (cf. Tableau 1). Les signes biologiques évocateurs de cirrhose
regroupent les anomalies suivantes : hypoalbuminémie, hyperbilirubinémie,
augmentation modérée des transaminases, augmentation modérée des phosphatases
alcalines et hypogammaglobulinémie. L'ionogramme sanguin peut montrer une
hyponatrémie de dilution.
L'insuffisance hépato-cellulaire est définie biologiquement par les anomalies suivantes
isolées ou associées :
1. Diminution de la concentration sérique des facteurs de la coagulation responsable
d'un allongement du temps de Quick (non corrigé par l'administration parentérale de
vitamine K); le taux de facteur V est considéré comme la donnée la plus significative;
■ 2. Hypoalbuminémie;
3. Hyperbilirubinémie.
L'électrophorèse des protéines sériques met en évidence, hormis l'hypoalbuminémie, un
bloc beta-gamma (Figure 1). Le bloc beta-gamma est lié à une augmentation polyclonale
des gammaglobulines. Cette augmentation polyclonale est causée par l'insuffisance
hépatique de la cirrhose qui cause un défaut de clairance des antigènes intestinaux. Les
patients cirrhotiques ont un titre élevé d'anticorps dirigés contre les antigènes intestinaux,
notamment contre Escherichia coli. Les antigènes intestinaux shuntent le foie, à cause de
l' hypertension portale et des dérivations porto-systémiques et entraînent une réaction
immunitaire notamment dans la rate. Les IgA polymérisées et les complexes IgA-antigène
d'origine intestinale peuvent également atteindre la circulation systémique. La fonction
suppressive des lymphocytes T est diminuée au cours de la cirrhose ce qui entraîne une
levée d'inhibition sur les lymphocytes B producteurs d'anticorps.
L'exploration biochimique des urines peut retrouver un taux d'urobilinogène augmenté.
La bilirubine urinaire peut être détectée chez les patients ictériques (ictère à bilirubine
conjuguée). En cas d'ascite, l'excrétion du sodium est diminuée. Dans les formes
sévères, la natriurie peut être inférieure à 5 mmol/1.

Albumine Albumine

Profil électrophorétique Profil électrophorétique


normal évocateur de cirrhose

Figure 1. Profil d'électrophorèse des protéines sériques normal et


chez un patient présentant une cirrhose. Deux anomalies majeures sont à noter:
1) l'hypoalbuminémie en lien avec la diminution
de la fonction de synthèse hépatique;
2) le bloc beta-gamma en lien avec une augmentation polyclonale
des gammaglobulines incluant une augmentation significative des lgA
(défaut de clairance des antigènes intestinaux).
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 276 183

D. Diagnostic non invasif de la fibrose hépatique et de l'activité nécrotico-


inflammatoire
Le diagnostic formel de la fibrose hépatique et/ou de l'activité nécrotico-inflammatoire
repose sur l'étude histologique de la biopsie hépatique. Du fait de la morbidité liée à la
biopsie hépatique, des stratégies non-invasives ont été développées pour l'évaluation de la
fibrose hépatique et de l'activité inflammatoire. Le Tableau 2 rapporte les différents tests
non invasifs de la fibrose hépatique potentiellement utilisables selon les recommandations
de la Haute Autorité de la Santé, comme suit :
En cas d'hépatite C chronique isolée sans comorbidités et jamais traitée:
► 1 re intention : un test non invasif (Fibroscan• ou Fibrotest• ou FibroMètre• ou
HepaScore") ;
► 2• intention : un second test non invasif et/ou une ponction-biopsie hépatique.

■ En cas de co-infection VIH-VHC:


► 1 ,. intention : Fibroscan•;
► 2• intention : une ponction-biopsie hépatique.

■ Pour toute autre étiologie: une ponction-biopsie hépatique

Tableau 2 : Tests non-invasifs de la fibrose hépatique

Critère
Test
Paramètres diagnostique
non-invasif
de la cirrhose
Haptoglobine; Bilirubine totale; Gamma-glutamyl transpeptidase;
Fibrotest® Score> 0,75
a2-macroglobuline; Apolipoprotéine A1 ; Âge; Sexe
ASAT, ALAT; Bilirubine totale; Gamma-glutamyl transpeptidase;
FibroMètre® Urée; a2-macroglobuline; Acide hyaluronique; Numération des Score> 0,98
plaquettes; Taux de prothrombine
Bilirubine totale; Gamma-glutamyl transpeptidase; a2-macroglobuline;
HepaScore® Score> 0,84
Acide hyaluronique; Âge; Sexe
Mesure par ultrasons de la vitesse de propagation dans le foie d'une
Fibroscan® > 13-15 kPa
onde mécanique permettant d'estimer un coefficient d'élasticité

Les recommandations de la Haute Autorité de la Santé sont issues du document : « Critères


diagnostiques et bilan initial de la cirrhose non compliquée (Actualisation de décembre 2008) »
accessible sur : https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fs_cirrhose_
web.pdf

E. Scores pronostiques de la cirrhose


La score de Child-Pugh est un score clinico-biologique qui définit 3 stades de gravité
croissante de la cirrhose. Ceux-ci se définissent en totalisant des points: stade A: 5
à 6 points, B : 7 à 9, C: 10 à 15 points (Tableau 3).
Le MELD score a été initialement développé pour prédire la survie des patients après pose
élective d'un shunt porto-systémique par voie transjugulaire (en anglais, transjugular
intrahepatic portosystemic shunt, TIPS). Il a été validé pour prédire le risque de mortalité
à trois mois chez les patients atteints de cirrhose (Figure 2). Le MELD score présente
l'avantage, par rapport au score de Child-Pugh, de prendre en compte la fonction rénale,
facteur pronostique bien connu en cas de cirrhose. Les patients cirrhotiques avec un
MELD score < 15 ont une meilleure survie sans transplantation hépatique qu'avec une
transplantation hépatique.
184 Cirrhose et complications

100

g 80

60
,..,...,E
CIi 40

20

0
0 10 20 30 40 50
Score MELO (Mode/ for End Stage Liver Disease)

Figure 2. MELO score (Mode/ for End Stage Liver Disease). Les patients cirrhotiques
avec un MELO score< 15 ont une meilleure survie sans transplantation hépatique
qu'avec une transplantation hépatique (Adapté de Wiesner R, et al. Gastroentero/ogy
2003; 124: 91-6).

Tableau 3 : Score de Child-Pugh et MELO score

Score de Child-Pugh
Points par critère 1 2 3
Encéphalopathie Absente Contusion Coma
Ascite Absente Discrète Abondante
Albuminémie (g/I) >35 28-35 <28
Bilirubinémie (mg/I) <20 20-30 >30
Taux de prothrombine (%) >50 40-50 <40
MELO score
MELD(initial)= 0,957 x ln(Créatinine, mg/dl)+ 0,378 x ln(Bilirubine, mg/dl)+ 1,120 x ln(INR) + 0,643.
Le résultat du calcul doit être arrondi à la première décimale puis multiplié par 10.
En cas de MELD(initial) >11, réaliser le calcul suivant du score MELO:
MELO= MELO(initial) + [1,32 x (137 - Na}]- [ 0,033 x MELO(initial) x (137 - Na)]
Score de Child-Pugh: Grade A: 5-6 points; Grade B: 7-9 points; Grade C: 10-15 points
MELD score (Mode/ for End Stage Liver Disease), site web de calcul : http://www.mdcalc.
com/meld-score-model-for-end-stage-Iiver-disease-12-and-older/

Ill. COMPLICATIONS DE LA CIRRHOSE

A. Encéphalopathie hépatique
L'encéphalopathie hépatique (EH) correspond à un ensemble de manifestations neurologiques
et psychiatriques habituellement transitoires et réversibles, observées chez les patients
cirrhotiques ou ceux présentant une insuffisance hépatique aiguë. L'EH se développe chez
50-70 % des patients cirrhotiques. Sa survenue est de mauvais pronostic avec des taux de
survie respectifs de 42 % et 23 % à 1 et 3 ans.
Les manifestations cliniques de l'EH vont de l'altération neurologique minime au coma.
L'EH est le plus souvent déclenchée par un évènement qui entraîne une augmentation de la
concentration sérique d'ammoniaque. Les mécanismes physiopathologiques précis de l'EH
sont mal connus. Les bases physiopathologiques du traitement de l'EH ciblent l'élimination
de la cause déclenchante et l' élimination de l'excès d'ammoniaque. La transplantation
hépatique permet de lever l'EH.
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 276 185

Le test le plus couramment utilisé chez un patient cirrhotique présentant une suspicion
d'EH est le dosage de la concentration plasmatique de l'ion ammonium (NH4•). Les
conditions pré-analytiques du dosage de l'ammoniémie imposent un prélèvement
veineux sans garrot et un transport du prélèvement dans la glace dans la demi-heure qui
suit le prélèvement. Chez le patient cirrhotique, le dosage de l'ammoniémie artérielle
n'offre pas d'avantage sur le dosage veineux pour le diagnostic de l'EH.
Une hyperammoniémie chez un patient cirrhotique présentant une altération du statut
mental doit faire suspecter une EH. L'hémorragie digestive chez le patient cirrhotique
peut entraîner une élévation de l'ammoniémie en l'absence d'EH. En dehors de la cirrhose,
l' hyperammoniémie peut s'observer en présence d'une encéphalopathie hépatique en
rapport avec un désordre métabolique : cycle de l'urée; métabolisme de la proline.

B. Ascite cirrhotique

Cirrhose ClrrhoN
compensée décompensée

Temps

Circulation hypenlynamlque

Activation du SNS et du SRAA

Rétention de sodium

t ADH et hyponatrémle

SHRdetype2

SHRcletype 1

Figure 3. Succession des évènements physiopathologiques en fonction


de l'aggravation de la vasodilatation artérielle splanchnique au cours de la cirrhose.
L'hypothèse actuellement admise englobe les états de cirrhose compensée
et décompensée dans un continuum dont l'évolution correspond au syndrome
hépatorénal de type 1. SNS : système nerveux sympathique; SRAA : système
rénine-angiotensine aldostérone; ADH : anti-diuretic hormone; SRH : syndrome
hépatorénal. Adapté de Sherlock, Shiela, and James Dooley. Diseases of the liver
and biliary system. John Wiley & Sons, 2008.
L'ascite correspond à l'accumulation de fluide dans la cavité péritonéale. L'ascite
compliquant l'évolution d'une cirrhose est une ascite transsudative (faible concentration
en protéines, < 25 g/1) et à fort gradient entre le sérum et l'ascite (gradient d'albumine
sérum ascite [GASA = albumine sérum - albumine ascite];,. 11 g/1). Un GASA;,. 11 g/1
indique la présence d'une hypertension portale avec une précision diagnostique de 97 %
(Runyon BA, Ann lntern Med 1992; 117: 215-220). Pour plus d'explication sur le concept
de GASA, cf. Item 277.
Du point de vue physiopathologique, l'ascite cirrhotique résulte d'une succession dëvènements
physiopathologiques regroupés sous l'hyp othèse de la« vasodilatation artérielle périphérique»
(Figure 3). L a rétention hydrosodée fait suite à la baisse de la pression artérielle dans
le lit splanchnique. L'oxyde nitrique (NO) joue un rôle majeur dans la pathogénie de la
186 Cirrhose et complications

vasodilatation splanchnique. La vasodilatation entraîne une rétention hydrosodée via


l'activation du système rénine angiotensine aldostérone et l'activation du système nerveux
sympathique. Au fur et à mesure de l'aggravation de la vasodilatation artérielle splanchnique,
lëvolution du déséquilibre hydrosodé passe par les étapes successives suivantes : ascite
compensée, circulation hyperdynamique, activation du système nerveux sympathique,
activation du système rénine-angiotensine-aldostérone, augmentation de l'hormone
anti-diurétique, hyponatrémie de dilution, syndrome hépatorénal de type 2 et syndrome
hépatorénal de type 1 (Figure 3).

C. Syndrome hépatorénal
Le syndrome hépatorénal correspond au développement d'une insuffisance rénale chez un
patient présentant une hépatopathie chronique, une hypertension portale et une ascite. Au
moins 40 % des patients cirrhotiques avec une décompensation ascitique développent un
SHR au cours de l' évolution de leur maladie. Au cours du SHR, les reins ont une apparence
normale et reprennent un fonctionnement normal après transplantation hépatique.
En cas de suspicion de SHR, les sociétés savantes internationales (European Association
for the Study of the Liver, EASL et American Association for the Study of Li ver Diseases,
AASLD) recommandent la réalisation d'une échographie abdominale, une paracentèse
diagnostique et une culture du liquide d'ascite.
Le diagnostic de SHR est un diagnostic d'exclusion reposant sur le dosage de la créatininémie.
Le diagnostic de SHR est basé sur la réduction du taux de filtration glomérulaire en
l'absence d'insuffisance rénale chez le patient cirrhotique. Les critères de !'International
Ascites Club (1996) aident au diagnostic du SHR.

Critères diagnostiques du syndrome hépatorénal

Critères majeurs nécessaires pour le diagnostic du SHR


Cirrhose avec ascite
Filtration glomérulaire basse indiquée par une créatininémie> 15 mg/I ou par une clairance de la créatinine
des 24 heures< 40 ml/min
Absence de choc, d'infection bactérienne ou de perte liquidienne
Absence de traitement ou d'agent néphrotoxique
Absence d'amélioration de la fonction rénale: baisse de la créatininémie en dessous de 15 mg/I ou
augmentation de la clairance de la créatinine au-dessus de 40 ml/min après arrêt des diurétiques et
expansion volémique IV avec 1,5 1
Protéinurie< 0,5 g/24 heures
Absence de maladie rénale ou d'obstruction des voies urinaires confirmée par échographie
Critères additionnels (non nécessaires au diagnostic)
Oligurie : diurèse des 24 heures< 500 ml
Natriurie< 10 mmol/I
Natrémie< 130 mmol/I
Osmolalité urinaire> osmolalité plasmatique
Absence d'hématurie (inférieure à 50 hématies par millimètre cube)

D. Carcinome-hépatocellulaire
Cf item 273 : Hépatomégalie et masse abdominale.
ITEM 277

ASCITE
Abderrahim OUSSALAH

LIEN AVEC D'AUTRES ITEMS DE L'ECN


• Item 276 : Cirrhose et complications.
• Item 232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte.

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE COLLÈGE NATIONAL DE BIOCHIMIE BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE MÉDICALE
• Connaître la classification des ascites selon le double concept «gradient
d'albumine entre le sérum et l'ascite» (GASA) et «transsudat-exsudat».
• Connaître les mécanismes physiopathologiques et les principales étiologies
à évoquer dans chacun des 4 sous-groupes définis par la classification des
ascites basée sur le concept GASA/«transsudat-exsudat».
• Connaître les explorations biologiques de routine et les explorations
biologiques optionnelles ainsi que la démarche diagnostique chez un patient
présentant une ascite.
• Savoir interpréter les résultats des principaux tests biochimiques réalisés
dans le cadre de l'exploration d'une ascite.

1. PRÉAMBULE
La présente question s'articule avec l'item 277 «Ascite» traité dans le Référentiel d'Hépato-gastroentérologie
de la Collégiale des Universitaires en Hépato-gastro-entérologie (CDU-HGE). Les détails en lien avec les
aspects cliniques, anatomopathologiques, radiologiques et thérapeutiques ne sont pas systématiquement
repris et ce afin de simplifier la lecture des objectifs tels qu'énoncés par le Collège National de Biochimie
Biologie Moléculaire Médicale et d'éviter les redondances d'informations. Certains contextes sémiologiques
ou cliniques sont volontiers développés afin d'illustrer les principaux concepts et objectifs de l'item en lien
avec la discipline de Biochimie et de Biologie Moléculaire.

Il. DÉFINITION
Le terme ascite provient du grec « askos », qui signifie sac. L'ascite correspond à une accumulation
pathologique de fluide dans la cavité péritonéale. On parle de liquide d'ascite.
188 Ascite

Ill. ÉTIOLOGIE
L'ascite est causée par plusieurs situations pathologiques qui couvrent un large panel de
diagnostics différentiels. Les mécanismes suivants peuvent conduire à l'apparition d'une
ascite : une hypertension portale associée à une insuffisance hépatocellulaire dans le cadre
d'une cirrhose, une pathologie péritonéale (inflammatoire, infectieuse, néoplasique), une
hypoalbuminémie ou une rupture d'un conduit liquidien (ex. biliaire, urinaire) (Tableau 1).
Du point de vue épidémiologique, dans les pays occidentaux, les principales causes d'ascite
sont la cirrhose (75 %), les atteintes malignes primitives ou secondaires du péritoine (12 %),
l'insuffisance cardiaque (5 %) et la tuberculose péritonéale (2 %).

Tableau 1 : Classification des ascites selon l'étiologie

Hypertension portale
Cirrhose* (75 %)
Hypertension portale non-cirrhotique
► Sus-hépatique (congestion hépatique)
• Insuffisance cardiaque congestive* (5 %)
• Péricardite constrictive
• Obstruction du retour veineux sus-hépatique (ex. thrombose de la veine sus-hépatique)
► Pré-hépatique (thrombose de la veine porte)
► lntra-hépatique
• Pré-sinusoïdale: hyperplasie nodulaire régénérative; granulomatose (schistosomiase,
sarcoïdose); maladie de Rendu-Osier; polykystose; etc .
• Sinusoïdale: fibrose sinusoïdale (ex. hépatite alcoolique aiguë, méthotrexate, amiodarone);
thrombophilie; infiltration sinusoïdale (ex. mastocytose, amylose).
• Post-sinusoïdale: Maladie veino-occlusive (ex. 6-thioguanine, azathioprine); sclérose des veines
hépatiques; envahissement malin; granulomatose (ex. sarcoïdose, mycobactéries)
Cancer* (12 %)
Carcinose péritonéale
Carcinome hépatocellulaire
Mésothéliome
Métastases hépatiques
Pathologies malignes intra-abdominale
Infection
Péritonite bactérienne spontanée (contexte de cirrhose)
Péritonite bactérienne secondaire
Tuberculose péritonéale* (5 %)
Péritonite à Chlamydia
Autres causes
Ascite d'origine pancréatique (ex. pancréatite)
Ascite d'origine biliaire
Hypoalbuminémie (ex. entéropathie exsudative, syndrome néphrotique)
Fuite lymphatique (ascite chyleuse)
Fuite urinaire
Myxœdème
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 277 189

Les causes les plus fréquentes d'ascite sont annotées d'un astérisque; le pourcentage
indique la part de l'étiologie parmi les différentes causes d'ascite (Adapté de: Oey RC, et
al. Neth J Med. 2016; 74: 330-335).

IV. PATHOGÉNIE DE L'ASCITE

A. Ascite cirrhotique
L'ascite cirrhotique résulte d'une succession d'évènements physiopathologiques regroupés
sous l'hypothèse de la « vasodilatation artérielle périphérique». L' étiopathogénie de l'ascite
cirrhotique est détaillée dans l'item 276 : Cirrhose et complications (Complications de la
cirrhose).

B. Ascite non-cirrhotique
Du point de vue physiopathologique, l'ascite peut être provoquée par l'un ou plusieurs des
mécanismes suivants : 1) une augmentation de la pression hydrostatique intravasculaire
(ex. insuffisance cardiaque congestive); 2) une diminution de la pression oncotique
intravasculaire (ex. syndrome néphrotique); 3) une exsudation péritonéale (ex. carcinose
péritonéale, tuberculose).
Au cours de l'insuffisance cardiaque, l'ascite est liée à l'augmentation de la pression dans
les veines sus-hépatiques et les veines qui drainent le péritoine. Dans le contexte d'une
insuffisance cardiaque, l'ascite reflète une évolution chronique. Au cours du syndrome
néphrotique, l'ascite est une manifestation inconstante et s'intègre habituellement à un
tableau d'anasarque (épanchement pleural, ascite, épanchement péricardique). L'ascite
du syndrome néphrotique est secondaire à la baisse de la pression oncotique vasculaire
liée à l'hypoalbuminémie. L a baisse de la pression oncotique entraîne une hypovolémie
efficace, une activation du système rénine-angiotensine-aldostérone et du système nerveux
sympathique, conduisant à une rétention hydrosodée.
Au cours de la carcinose péritonéale, l'ascite provient de la production d'un liquide riche
en protéines par les cellules tumorales qui tapissent le péritoine. L e liquide extracellulaire
est attiré vers la cavité péritonéale afin de compenser la balance oncotique. En cas de
métastases hépatiques massives, l'ascite est secondaire à une hypertension portale (sténose
de la veine porte, compression extrinsèque par les métastases, emboles de la veine porte).
Chez les patients présentant un carcinome hépatocellulaire, l'ascite peut être causée par la
cirrhose sous-jacente, une thrombose de la veine porte ou par les deux mécanismes associés.
L'ascite chyleuse entrant dans le cadre d'un lymphome malin est causée par une obstruction
tumorale lymphatique ou bien par une rupture lymphatique.

V. EXPLORATION DE L'ASCITE ET APPROCHE DIAGNOSTIQUE

A. Classification des ascites


Toute approche diagnostique et de classification des ascites est déterminée par le calcul
du gradient d'albumine entre le sérum et l'ascite (GASA) selon la formule suivante :

GASA = Albumine(Sérum) (g/1) - Abumine(Aaclte) (g/1)

Dans une étude prospective, la classification basée sur le GASA en utilisant le seuil
décisionnel de 11 g/l (� 11 g/l vs. < 11 g/1) permettait de classer correctement l'étiologie de
l'ascite dans 96,7 % des cas en comparaison à seulement 55,6 % des cas lorsque l'algorithme
exsudat(� 25 g/l de protéines= ascite riche) versus transsudat(< 25 g/l= ascite pauvre) était
utilisé (Runyon BA et al. Ann Intern Med. 1992; 117: 215-20). Un GASA � 11 g/1 (ascite à
190 Ascite

gradient élevé) indique la présence d'une hypertension portale comme mécanisme sous­
jacent de l'ascite. Un GASA < 11 g/1 (ascite à gradient bas) implique que l' hypertension
portale n'est pas impliquée dans la survenue de l'ascite. Il est important de noter que lorsque
l'ascite présente une double composante (ex. hypertension portale liée à une cirrhose et
une carcinose péritonéale compliquant un cancer digestif ), le score GASA sera ;c: 11 g/1
car l'hypertension portale est présente.

B. Exploration biologique du liquide d'ascite


Le Tableau 2 rapporte les explorations biologiques réalisables tant sur le liquide d'ascite
que sur le sérum du patient présentant une ascite. Les tests de routine sont à réaliser de
façon systématique lors de chaque ponction d'ascite exploratrice. Les tests optionnels sont
réalisés selon le contexte clinique et la classification de l'ascite (GASA, transsudat/exsudat).

Tableau 2 : Tests utilisés pour l'exploration d'un patient présentant une ascite

ASCITE
Routine Optionnels Inutiles
Glucose
Albumine LDH PH
Protides totaux Amylase Lactates
Compte des hématies, poly- - Triglycérides Cholestérol
nucléaires et lymphocytes Bilirubine Fibronectine
Bactériologie (flacons d'hé- - Adénosine désaminase Antigène carci­
moculture) BK (direct, culture, PCR) no-embyonnaire
Cytologie (cellules néoplasiques)
SERUM
Albumine Peptide natriurétique de type B
BK: Bacille de Koch; LDH : lactate déshydrogénase.

1. Ascite

a. Protides totaux
Le dosage des protides totaux permet de classer le liquide d'ascite comment exsudatif
(� 25 g/1) ou transsudatif (< 25 g/1). Cette classification, utilisée seule ne permet pas une
orientation diagnostique pertinente devant une ascite. L'orientation diagnostique devant
une ascite repose sur le calcul du GASA et le dosage des protides totaux (cf. Chapitre ci­
dessous : « Approche diagnostique en pratique chez un patient présentant une ascite»).

b. Albumine
(Cf. chapitre 'Classification des ascites', gradient d'albumine entre le sérum et l'ascite)

c. Glucose
La molécule de glucose est de petite taille et peut diffuser facilement dans le liquide
péritonéal. Dans l'ascite cirrhotique non compliquée, la concentration de glucose dans le
liquide d'ascite est similaire à la glycémie. Au cours de la péritonite bactérienne spontanée
ou de la péritonite secondaire, le glucose est consommé par les globules blancs, notamment
les neutrophiles et la concentration de glucose dans le liquide d'ascite chute de façon
significative.

d. LDH
La taille de la molécule de lactate déshydrogénase (LDH) empêche sa diffusion entre
le sang et le liquide péritonéal. Dans le cas d'une ascite cirrhotique non compliquée, la
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 277 191

concentration de LDH dans le liquide d'ascite est inférieure à la moitié de la concentration


de LDH plasmatique. En cas de péritonite bactérienne spontanée, la concentration de LDH
dans le liquide d'ascite augmente car la LDH est relarguée par les neutrophiles. Dans ce cas
de figure la concentration de LDH dans le liquide d'ascite est supérieure à celle du plasma.
Dans les péritonites bactériennes secondaires, la concentration de LDH dans le liquide
d'ascite est supérieure à celle observée au cours de la péritonite bactérienne spontanée
(plusieurs fois la concentration de LDH plasmatique).

e. Amylase/lipase
Dans l'ascite cirrhotique non compliquée, la concentration d'amylase dans le liquide d'ascite
est égale à la moitié de l'amylasémie ("' 50 U/1). Chez les patients atteints de pancréatite aiguë
ou de perforation intestinale, la concentration en amylase du liquide d'ascite est augmentée
(habituellement > 2 000 U/1). En cas de rupture d'un canal excréteur du pancréas dans le
péritoine (pancréatite aiguë nécrosante, pancréatite chronique avec hyperpression d'un canal
pancréatique), le liquide d'ascite est riche en enzymes pancréatiques, notamment la lipase.

f. Triglycérides
Le dosage des triglycérides dans le liquide d'ascite doit être demandé lorsque le liquide
présente un aspect lactescent ou opalescent. Par définition, une ascite chyleuse présente
une concentration de triglycérides supérieure à 2 g/1 (2,26 mmol/1) et supérieure à la
concentration sérique. Habituellement, dans les ascites chyleuses, la concentration en
triglycérides est supérieure à 10 g/1 (11,3 mmol/1).

g. Bilirubine
Le dosage de la bilirubine dans le liquide d'ascite doit être demandé lorsque le liquide
d'ascite présente un aspect brun-noirâtre. Une concentration de bilirubine dans le liquide
d'ascite supérieure à 60 mg/1 (103 µmol/!) et supérieure à la bilirubinémie indique une
ascite biliaire ou une perforation intestinale proximale dans le péritoine.

h. Adénosine désaminase
L'adénosine désaminase est une enzyme nécessaire à la maturation et à la différentiation
des cellules lymphoïdes. Une méta-analyse publiée en 2014 a rapporté qu'une concentration
augmentée d'adénosine désaminase (> 30-40 U/1) présente une sensibilité de 93 %, une
spécificité de 94 %, pour le diagnostic de tuberculose péritonéale (Tao L, Diagn Microbiol
Infect Dis 2014; 79: 102-7). Cependant, en cas de cirrhose sous-jacente, la sensibilité de
l'adénosine désaminase pour la détection d'une infection tuberculeuse n'est que de 30 %.

i. Créatinine
Une cause rare d'ascite est la fuite urinaire dans la cavité péritonéale. Les ascites d'origine
urinaires sont provoquées par des pathologies de la vessie ou des obstructions des voies
urinaires. Le rapport créatinine dans l'ascite/créatininémie est de 1. En cas d'ascite d'origine
urinaire, ce rapport est augmenté et peut atteindre 5. Les ascites urinaires peuvent faussement
évoquer un tableau d'insuffisance rénale du fait de la réabsorption péritonéale de l'urée.

2. Sérum

a. Albumine
(Cf. chapitre 'Classification des ascites', gradient d'albumine entre le sérum et l'ascite)

b. Peptide natriurétique de type B


Le peptide natriurétique de type B(BNP) est sécrété en réponse à l'étirement cardiomyocytaire
et à l'augmentation de la contrainte pariétale ventriculaire. Le BNP est couramment dosé
dans le diagnostic et la prise en charge de l'insuffisance cardiaque. Dans le contexte d'une
suspicion d'ascite liée à une insuffisance cardiaque, un P NB> 364 pg/ml présente une
sensibilité de 98 %, une spécificité de 99 % et une certitude diagnostique de 99 %. À l'inverse
192 Ascite

un BNP :,; 182 pg/ml permet d'exclure le diagnostic d'une ascite liée à une insuffisance
cardiaque (Farias AQ, et al. Hepatology 2014; 59: 1043-5).

C. Approche diagnostique en pratique chez un patient présentant une ascite


1:approche diagnostique globale d'un patient présentant une ascite est rapportée dans la
Figure 1. La première étape à réaliser est celle de la double classification de l'ascite selon
le GASA et la concentration en protides totaux. Pour pouvoir effectuer cette classification,
les paramètres nécessaires sont: l'albumine dans le sérum et dans le liquide d'ascite et
les protides totaux dans le liquide d'ascite. À noter que toute exploration d'ascite inclue
également une numération des hématies, des neutrophiles et des lymphocytes ainsi
qu'une étude bactériologique avec un ensemencement au lit du patient dans des flacons
d'hémoculture aérobie et anaérobie sur 20 à 50 ml de liquide d'ascite. Lorsque l'ascite est
classée dans l'un des 4 groupes, des examens optionnels peuvent être prescrits. Par ailleurs,
certains aspects macroscopiques du liquide d'ascite permettent d'emblée de prescrire des
explorations optionnelles. C'est le cas de l'ascite chyleuse (dosage des triglycérides) et de
l'ascite d'aspect brun-noirâtre (dosage de la bilirubine).

1. Ascite à gradient élevé(2: 11 g/1) et exsudative(2: 25 g/1)


Dans ce sous-groupe on retrouve les ascites associées à un obstacle au retour veineux sus­
hépatique (insuffisance cardiaque, péricardite constrictive, syndrome de Budd-Chiari). Le
dosage du BNP sérique revêt un intérêt diagnostique pour les causes liées à une insuffisance
cardiaque. Le reste de la démarche diagnostique est à considérer selon la présentation
clinique du patient et les diagnostics différentiels potentiels (Figure 1).

2. Ascite à gradient élevé(2: 11 g/1) et transsudative(< 25 g/1)


Ce sous-groupe est principalement dominé par l'ascite cirrhotique. En cas de suspicion
d'une infection du liquide d'ascite, les dosages du glucose et de la LDH dans le liquide
d'ascite présentent un intérêt diagnostique. 1:ascite cirrhotique non compliquée est une
ascite à GASA � 11 g/1, transsudative, avec des polynucléaires neutrophiles < 2 50/mm3 et
des lymphocytes < 700/mm3 • En cas d'ascite cirrhotique, une concentration en protides
totaux dans le liquide d'ascite inférieure à 15 g/1 est associée à un surrisque de développer
une péritonite bactérienne spontanée (Figure 1).

3. Ascite à gradient bas(< 11 g/1) et exsudative(2: 25 g/1)


Ce sous-groupe est essentiellement représenté par les ascites de cause locale dont l' étiologie
peut être soit néoplasique, infectieuse ou inflammatoire. La carcinose péritonéale représente
généralement une complication de la maladie sous-jacente mais peut parfois représenter
la manifestation initiale d'un cancer métastatique. Dans ce cas, l'analyse cytologique à
la recherche de cellules carcinomateuses présente une sensibilité qui varie entre 50 % et
97 %. Une cœlioscopie diagnostique avec biopsies péritonéales n'est réalisée qu'en deuxième
intention si le diagnostic reste incertain. 1:ascite tuberculeuse est évoquée devant un
exsudat avec des leucocytes > 1000/mm3 et d'une prédominance lymphocytaire (> 70 %).
1:adénosine désaminase dans le liquide d'ascite est supérieure à 40 U/1. 1:ascite tuberculeuse
est affirmée par la présence du bacille de Koch à la culture (rarement positive), le contexte
clinique ou la laparoscopie. La recherche du BK par PCR (polymerase chain reaction)
permet l'obtention d'un diagnostic rapide (Figure 1).

4. Ascite à gradient bas(< 11 g/1) et transsudative(< 25 g/1)


Ce sous-groupe inclue les étiologies qui entraînent une hypoalbuminémie avec baisse de la
pression oncotique vasculaire. C'est le cas notamment de l'ascite observée chez les patients
présentant un syndrome néphrotique ou une entéropathie exsudative. Dans ce contexte,
l'association d'une protéinurie > 3 g/24 heures et d'une albuminémie inférieure à 30 g/1
permet d'orienter un diagnostic de syndrome néphrotique. Le diagnostic d'entéropathie
exsudative est à évoquer selon le contexte clinique et sur une clairance élevée de l'a-1
Chapitre 4. Biologie digestive - ITEM 277 193

antitrypsine (dont le calcul nécessite la détermination parallèle du taux sérique de la


molécule; valeur de référence < 24 ml/24 heures) (Figure 1).

Paracentm di•ll'lostlqu. :
7
1l
✓ Albumine

r ...... . ....-,
✓ Protides totaux
✓ Cytol01ie
✓ Bactérlol01ie (flacons d'hémoculture)

1 7
GASA l: 11 a/L GASA < 11 a/L
(...... r- ....,

Protides totaux l: 25 afL Protides totaux < 25 a/L Protides totaux i: 25 t/L Protides totaux < 25 t/L
(Ascite riche en protides) (Ascite pauvre en protldn) (Ascite riche en protides) (Ascite pauvre en protides)

Principaux diagnostics Principaux dlognostfcs Prlncfpaux diagnostics Principaux diagnostics

- Insuffisance cardiaque - Cirrhose Carcinose péritonéale - Hypoalbumlnémie


congestive - Hépatite alcoolique aigüe Mésothélfome Syndrome néphrotlque
- Obstruction du retour veineux - Syndrome de Budd·Chiarl Pathol01ies malignes intra­ - Entéropathie exsudative
sus-hépatique (ex. Thrombose précoce abdominale
de la veine sus-hépatique) - Thrombose de la veine porte Carcinome hépatocellulaire
- Syndrome de Budd-Chiarl - Hypertension portale non· compliqué localement
précoce cirrhotique - Tuberculose péritonéale
- Péricardite constrictive - Péritonite à Chlamydia
- Métastases hépatiques - Pancréatite
entrainant une hypertension - Maladie dyslmmunitafre (ex.
portale par compression de la sérlte sur connectMte)
veine sus-hépatique - Myxœdèrne

Figure 1. Classification des ascites selon le gradient d'albumine sérum-ascite (GASA)


élevé ou bas et selon le caractère transsudatif ou exsudatif
CHAPITRE 5. BIOLOGIE ENDOCRINE
ITEM 240
••
DIAGNOSTIC D'UNE HYPERTHYROIDIE
Amjad GHULAM et Pascal PIGNY

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une hyperthyroïdie et planifier le suivi du patient.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLÈGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


• Savoir identifier une hyperthyroïdie et établir son diagnostic étiologique à
l'aide d'examens biologiques.
• Connaître les signes biologiques non hormonaux associés à l'hyperthyroïdie.
• Apport de la biologie au suivi thérapeutique.

1. INTRODUCTION
L'hyperthyroïdie constitue l'ensemble des troubles liés à l'excès d'hormones thyroïdiennes au niveau des
tissus cibles; on parle de syndrome de thyrotoxicose, auxquels s'associent des troubles variés selon l'étiologie.
La prévalence de l'hyperthyroïdie est estimée à 0,8 % en Europe et 1,3 % aux USA.
C'est l'association de plusieurs manifestations cliniques, listées ici, qui fait évoquer le diagnotic.
Cardiovasculaires: palpitations, tachycardie régulière, pouls vibrant, élévation de la pression artérielle
systolique.
■ Neuromusculaires: nervosité excessive, agitation psychomotrice et labilité de l'humeur, tremblement
fin et régulier des extrémités.
■ Fatigue générale.
Il Insomnie.
■ Amaigrissement rapide et souvent important contrastant avec un appétit conservé ou augmenté.
■ Hypersudation, mains chaudes et moites.
■ Gastrointestinale : augmentation de la fréquence des selles par accélération du transit avec parfois
une véritable diarrhée motrice.
■ Oculaire: rétraction de la paupière supérieure découvrant l'iris, avec asynergie oculopalpébrale, très
rare en dehors de la maladie de Basedow.
■ Gynécomastie chez l'homme et troubles des règles chez la femme, avec fertilité conservée.

Il. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'EXPLORATION BIOLOGIQUE


L'exploration biologique de la thyroïde repose sur le fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophyso­
thyroïdien et sur les spécificités du transport plasmatique des hormones thyroïdiennes (HT).
196 Diagnostic d'une hyperthyroïdie

Les HT, qui ont la particularité d'être iodées, sont au nombre de deux : la T3 ou tri­
iodothyronine et la T4 ou tétra-iodothyronine plus couramment dénommée thyroxine.
Elles sont produites par les cellules folliculaires thyroïdiennes sous l'influence
positive de la TSH (hormone hypophysaire appartenant à la famille des hormones
glycoprotéiques avec la LH, la FSH et l'hormone placentaire hCG). La TSH exerce son
effet stimulant à plusieurs niveaux de la biosynthèse des HT : elle augmente la captation
des iodures au pôle basolatéral des thyréocytes, elle augmente l'organification de
l'iode et le couplage des iodotyrosyls en stimulant la TPO ou thyroperoxydase au pôle
apical, et elle augmente l'endocytose de la thyroglobuline (Tg) qui porte la T3 et la T4.
La TSH est libérée sous l'influence d'une hormone hypothalamique, la thyrolibérine
(TRH). En retour les HT, en particulier la T3, et uniquement leurs fractions libres,
exercent un retrocontrôle inhibiteur sur la libération hypophysaire de TSH. En raison du
fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien, il existe une relation
inversement proportionnelle entre la concentration sérique de la TSH (exprimé en log) et
la concentration sérique de la fraction libre de la T4 ou FT4 (free T4}-(Fig. 1). En l'absence
d'anomalie de l'axe hypothalamo-hypophysaire, lorsque la FT4 s'élève au-delà de la limite
supérieure des valeurs normales, la TSH diminue. À l'inverse, lorsque la FT4 s'abaisse en
dessous de la limite inférieure de la normale, la TSH s'élève. En cas d'anomalie de l'axe
hypothalamo-hypophysaire anormal, cette relation disparaît.

------}--
' ---- -- - --- -

\,
,,(,� . \��
1 ..
1

0 5 10 15 20 25 30
Median free T4 (pmol/L)

Fig 1. Distribution des valeurs sériques de TSH (exprimées en log) en fonction


de la médiane des valeurs sériques de FT4 toutes deux mesurées de manière
répétée chez 11815 individus. Le modèle linéaire décrit le mieux la relation TSH-FT4
dans cette population (d'après J Clin Endocrinol Metab 2016; 101 (3) :1151-1158).
Au niveau sanguin, les HT sont pris en charge par des protéines de transport non-spécifiques
comme la sérum-albumine (faible affinité} ou spécifiques comme la TBG ou thyroxin­
binding globuline (forte affinité}, toutes deux synthétisées par le foie. La fraction libre
biologiquement active des HT est très minoritaire et ne représente pour la FT3 qu'environ
0,3 % de la T3, et pour la FT4 qu'environ 0,02 % de la T4. Mais, exception en hormonologie
on dose en routine biologique les concentrations sanguines des fractions libres FT3 et FT4.
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 240 197

A. Spécificités biologiques
1. Dosage de la TSH
Le dosage de la TSH est très répandu et les différentes techniques de dosages proposées
par les fabricants sont robustes (bonne sensibilité et bonne spécificité). Il faut
privilégier un dosage de 3• génération, capable de mesurer avec une précision suffisante
une concentration très faible de TSH : � 0,02 mUI/1. La plupart des dosages sont de
type immunométrique (ou sandwich) et font appel à deux anticorps monoclonaux
reconnaissant deux épitopes différents de la TSH. Le risque de reconnaissance erronée
d'hormones structurellement proches(LH, FSH ou hCG) est faible avec une réactivité
croisée négligeable(< 0,01 à 0,1 %). Le signal mesuré est directement proportionnel
à la concentration en TSH.
Les valeurs de référence de la TSH sérique sont usuellement comprises chez l'adulte
entre 0,4 et 3,6 mUl/1 avec un dosage de 3• génération. Elles doivent être adaptées dans
au moins deux situations particulières :
■ chez la femme enceinte : en raison de l'élévation progressive des concentrations
sanguines d'hCG qui a un effet TSH-like, on observe une diminution significative des
valeurs de TSH en particulier au 1er trimestre de la grossesse. Les limites supérieures
souhaitables sont ainsi de 2,5 mUl/1 au 1er trimestre et de 3,0 mUl/1 aux deuxièmes
et troisièmes trimestres;
■ chez le nouveau-né : les valeurs de TSH observées sont très élevées dans les 3
premiers jours de vie, liées au stress de la délivrance, puis retournent rapidement
vers les normales de l'adulte dès le 4• jour de vie.
2. Dosage des fractions libres de T3 (FT3) et de T4 (FT4)
Les principales difficultés sont :
■ la concentration très faible des analytes à mesurer, d'environ quelques pmoles par litre;
■ la méthode de référence par dialyse à l'équilibre est inapplicable en biologie de routine;
■ il existe des méthodes utilisant la chromatographie liquide couplée à la spéctrométrie
de masse qui sont très spécifiques et très sensibles mais d'utilisation difficile vu le
grand nombre d'échantillons à traiter;
■ la faible masse moléculaire de ces hormones impose l'utilisation d'immunodosages
compétitifs n'utilisant qu'un seul anticorps monoclonal, ce qui expose au risque de
réactions croisées;
■ toute altération quantitative ou fonctionnelle des protéines de transport (protéine
mutée ou influence d'un médicament sur la liaison hormone-protéine) est susceptible
d'entraîner des erreurs de dosage des fractions libres;
■ beaucoup de systèmes analytiques actuellement commercialisés utilisent des réactifs
marqués à la biotine. La présence defortes concentrations de biotine d'origine exogène
dans les échantillons biologiques de patients (traitement de la sclérose en plaques, de
maladies métaboliques, ou présents dans les compléments alimentaires) risque d'en­
traîner des résultats erronés, par exemple un profil biologique d'hyperthyroidie avec
TSH effondrée, FT3 et FT4 augmentés chez des patients cliniquement euthyroidiens;
■ une interférence par des anticorps hétérophiles (anticorps humains dirigés contre des
immunoglobulines animales) ou des auto-anticorps (Facteur Rhumatoïde) est possible;
■ compte tenu de ces difficultés, il faut privilégier l'utilisation des dosages en deux
étapes consistant en une extraction de lafraction libre de l'hormone par des anticorps
immobilisés sur une phase solide puis, en une mesure secondaire des sites anticorps
restés libres avec un analogue marqué de l'hormone. Le signal mesuré est inversement
proportionnel à la concentration en fraction libre;
■ par ailleurs, il est recommandé pour la FT3 et la FT� d'utiliser les valeurs de
références proposées par le laboratoire pour la méthode qu'il utilise. Ces valeurs,
198 Diagnostic d'une hyperthyroïdie

généralement établies chez l'adulte, doivent être adaptées lorsque l'on fait face
à deux situations particulières : la femme enceinte et l'enfant. Chez la femme
enceinte, on observe, du fait d'une élévation progressive de la concentration
de la TBG et d'une demande fœtale croissante; à une diminution importante
d'environ 15 % des valeurs médianes de FT3 et de FT4 à partir du 2nd trimestre
de la grossesse, et jusqu'à son terme. Chez l'enfant, les valeurs de FT3 sont plus
élevées à l'âge de 7 ans qu'à l'âge adulte, avec environ 25 % des enfants ayant une
FT3 au-dessus de la limite. On observe une chute progressive de la FT3 entre
7 ans et 15 ans, mais 10 % des adolescents conservent une FT3 supérieure à la
limite haute de l'adulte.

Ill. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE POSITIF D'UNE HYPERTHYROÏDIE


Devant une suspicion clinique de thyrotoxicose, la mesure de la TSH sérique est le
paramètre biologique de 1ière intention, complétée par un dosage des fractions libres
hormonales.
En cas d'hyperthyroïdie d'origine thyroïdienne, la TSH sera effondrée(< 0,4 mUI/l)
et son degré d'effondrement est proportionnel à la sévérité de l'hyperthyroïdie. Le
dosage des fractions libres complétera le bilan biologique. Si l'effondrement de la
TSH s'accompagne d'une élévation de la FT4 et de la FT3, ou parfois de la FT3 seule,
au-delà de la limite supérieure des valeurs de références appropriées, on portera le
diagnostic d'hyperthyroïdie franche. Des signes cliniques(thermophobie, sueurs) et
biologiques d'hypermétabolisme(hypocholestérolémie) sont généralement présents.
Si la FT4 et la FT3 demeurent dans les valeurs normales proposées par le laboratoire,
on s'orientera vers une hyperthyroïdie frustre ou infraclinique dont il faudra suivre
l'évolution. Pour certains auteurs, seuls les patients avec TSH bloquée(< 0,1 mUI/1)
sont à risque réel de développer une thyrotoxicose.
Très rarement, l'hyperthyroïdie est centrale, notamment provoquée par un adénome
hypophysaire à TSH. Dans ce cas, on observera chez les patients une élévation de la FT4
et/ou de la FT3 associée à une valeur élevée de TSH. La boucle de rétro-contrôle négative
précédemment décrite étant rompue.

IV. AUTRES SIGNES BIOLOGIQUES D'ORIENTATION


■ Hypocholestérolémie (diminution du cholestérol total et LDL) par effet stimulant
des HT sur la bioénergétique cellulaire.
■ Tendance à l'hypercalcémie et à la modification des marqueurs biologiques osseux
par accélération du remodelage osseux par les HT.
■ Augmentation des phosphatases alcalines par majoration du risque de cholestase.

V. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE D'UNE HYPERTHYROÏDIE


En cas d'hyperthyroïdie confirmée un diagnostic étiologique est nécessaire.

A. Maladie de Basedow et anticorps anti-récepteurs de la TSH


La présence d'anticorps anti-récepteurs de la TSH (>1,5 UI/l) dénommés TSHRAb (acronyme
anglais) ou TRAK (acronyme allemand) est spécifique d'une maladie de Basedow qui est la
cause d'environ 50 % des hyperthyroidies à prédominanceféminine. En routine biologique,
les TRAKs sont recherchés par des techniques de radio-récepteurs (Radio Receptors Assays)
au cours desquels on évalue la capacité du sérum du patient à déplacer la TSH marquée
du récepteur à la TSH humaine (dosages dits de 2' génération). Dans le cadre de la maladie
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 240 199

de Basedow, les TRAKs sont du type stimulant, c'est-à-dire qu'ils miment l'action de la
TSH. On parle de TSI pour Thyroid stimulating immunoglobulin ou de TSA pour Thyroid
stimulating antibody. Le caractère stimulant ne peut toutefois être démontré in vitro qu'en
utilisant des techniques spécialisés basées sur la mesure de l'AMPc produit. La recherche
des TRAKs est utile à la phase diagnostique mais aussi pour prédire le risque de récidive
en fin de traitement, et le risque de dysthyroïdie fœtale chez une femme enceinte atteinte
d'une maladie de Basedow. En effet les TRAKs peuvent passer la barrière placentaire.
À l'inverse, l'absence d'anticorps anti-récepteurs de la TSH conduit à éliminer une maladie
de Basedow et à rechercher les autres étiologies d'hyperthyroïdie (nodule toxique, goitre
multinodulaire secondaire toxique, hyperthyroïdie postthyroïdite ou cause iatrogène, à
partir des données cliniques et d'imagerie (scintigraphie, échographie).

B. lodurie et surcharge en Iode


Une surcharge iodée chronique peut conduire à une hyperthyroïdie par échappement de la
thyroïde au mécanisme protecteur connu sous le nom d'effet WolffChaikoff. La surcharge iodée
est authenti.fiable par une iodurie > 500 µg/24 heures qui est toutefois rarement mesurée en
pratique clinique. La surcharge iodée a pour origine un excès d'iodures d'origine alimentaire
(excès d'apports en algues ou dérivés), ou plus souvent d'origine médicamenteuse (produits
de contraste iodés, solution antiseptique iodée et le plus souvent amiodarone). L'amiodarone
est responsable de la majorité des hyperthyroïdies graves d'origine médicamenteuse qui
peut survenir plusieurs mois après l'arrêt du traitement. Le bilan biologique est atypique :
élévation de la FT4, FT3 normale ou diminuée, TSH normale ou diminuée.

VI. SUIVI THÉRAPEUTIQUE D'UNE MALADIE DE BASEDOW


Le choix entre les différents traitements de la maladie de Basedow (anti-thyroïdiens de
synthèse (ATS), chirurgie ou irathérapie (Iode131), requiert un avis spécialisé et doit
être concerté avec le patient en lui expliquant les avantages et les inconvénients des trois
modalités thérapeutiques. Une majorité de patients basedowiens sera traité par (ATS)
type néomercazole pendant une durée longue de 12 à 18 mois. En raison de leur effet
inhibiteur sur la thyroperoxydase, les ATS vont bloquer la synthèse des HT. Le suivi
thérapeutique s'effectue par le dosage des fractions libres hormonales mensuellement.
Il faut au minimum 3 semaines pour observer une décroissance de la FT3 et de la FT4
sanguines, suivie secondairement d'une normalisation de la TSH. Après restauration
d'une euthyroïdie, le suivi sera assuré par un dosage de la TSH à intervalles réguliers
(2-4 mois, plus rapprochés en cas de changement de dose d'ATS). La survenue d'une
TSH supra-normale en cours de traitement par ATS est en faveur d'une hypothyroïdie
qu'il faudra traiter par levothyroxine. Concernant le risque de récidive, celui-ci demeure
élevé lorsque la valeur des TRAK en fin de traitement reste élevée. Si l'hyperthyroïdie
récidive après l'arrêt du traitement par ATS, les différentes possibilités de traitement
(reprise d'un traitement par ATS ou traitement radical (iode131 ou chirurgie) doivent être
discutées avec le patient en tenant compte des éléments cliniques.
200

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Annales de Biologie Clinique 2003; 61: 411-420.

+ Clin Chem Lab Med 2017; 55: 780-788.

+ Clin Endocrinol. 2016; 85: 15-16.

+ Eur J Endocrinol 2016; 175: R255-R263.

+ Eur Thyroid J. 2017; 6: 82-88.

+ Journal Clin Endocrin Metabolism 2002; 87 : 489-499.

+ Journal Clin Endocrin Metabolism 2012; 97: 3170-3178.

+ Journal Clin Endocrin Metabolism 2014; 99: 923-931.

+ Journal Clin Endocrin Metabolism 2017: 102; 2508-2515.

+ Médecine Thérapeutique 2016; 22: 259-64.

+ Presse Médicale 2016; 45: 78-87.


ITEM 241
••
DIAGNOSTIC D'UNE HYPOTHYROIDIE
Benoit SOUDAN et Pascal PIGNY

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une hypothyroïdie et planifier le suivi du patient.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLÈGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Savoir interpréter un bilan thyroïdien et reconnaître les différents types
d'hypothyroïdie.
• Connaître les signes biologiques en faveur d'une hypothyroïdie.
• Savoir suivre et adapter la thérapeutique substitutive.

1. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'EXPLORATION BIOLOGIQUE


(VOIR ITEM 240)
L'exploration biologique de la thyroïde repose sur le fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophyso­
thyroïdien et sur les spécificités du transport plasmatique des hormones thyroïdiennes (HT).

Il. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE POSITIF D'UNE HYPOTHYROÏDIE


La prévalence de l'hypothyroïdie est de 1 à 10 % en France. Elle est plus élevée dans la population âgée, et plus
fréquente chez les femmes que chez les hommes (sex ratio 10/1). Elle résulte le plus souvent d'une atteinte
primitivement thyroïdienne, beaucoup plus rarement d'une atteinte de l'axe hypothalamo-hypophysaire
(hypothyroïdie centrale).
Le diagnostic d'hypothyroïdie primaire par atteinte de la thyroïde repose sur la mise en évidence
d'une élévation de la TSH au-delà de 4 mUI/1 (valeurs normales adulte : 0,4 - 3,6 mUI, en dehors de
la grossesse). C'est le paramètre biologique de première intention. Dans un second temps on dose la
FT4 pour affiner le diagnostic. Si l'élévation de TSH est modérée donc comprise entre 4 et 10 mUI/1
et la FT4 normale selon les normes du laboratoire : il s'agit d'une hypothyroïdie fruste. C'est la
situation la plus fréquemment rencontrée en pratique. Si la FT4 est diminuée en dessous de la limite
inférieure des valeurs normales du laboratoire, l'hypothyroïdie est patente. En général, la TSH est
alors franchement élevée > 10 mUI/1.
En revanche, une hypothyroïdie d'origine centrale sera suspectée devant l'association d'une FT4 basse et
d'une TSH normale ou basse, mais dans tous les cas inappropriée à la baisse de FT4.

Ill. SIGNES BIOLOGIQUES D'UNE HYPOTHYROÏDIE


Classiquement l'hypothyroïdie peut s'accompagner d'une hypercholestérolémie par défaut d'utilisation
du métabolisme cellulaire, d'une anémie normocytaire, plus rarement macrocytaire (possible association
202 Diagnostic d'une hypothyroïdie

hypothyroïdie et anémie de Biermer dans la polyendocrinopathie auto- immune), d'une


augmentation des CPK et/ou des LDH consécutive à une atteinte neuromusculaire.

A. Paramètres biologiques du diagnostic étiologique


■ Anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO) en première intention, anticorps
anti-Thyroglobuline (anti-Tg) en deuxième intention. La positivité des anti-TPO ou
des anti-Tg (si les anti-TPO sont négatifs) orientent vers une thyroïdite d'Hashimoto
qui au long cours conduit à une destruction progressive des thyréocytes responsable
in fine d'une hypothyroïdie. Le contexte auto-immun caractéristique explique
l'association possible de la thyroïdite d'Hashimoto à une anémie de Biermer,
une insuffisance surrénalienne, un diabète de type 1 ou d'autres pathologies
auto-immunes.
■ Thyroglobuline (Tg) : la Tg est une protéine spécifiquement thyroïdienne dont
la présence au niveau sanguin témoigne de l'existence de tissu thyroïdien. Son
dosage chez le nouveau-né a une place dans le cadre du diagnostic d'hypothyroïdie
congénitale. Le tableau biologique donne : TSH élevée, FT4 basse et Tg indétectable
orientant vers une athyréose (absence de glande thyroïde). Si la Tg est détectable, on
peut être orienté vers une hypoplasie ou une ectopie thyroïdienne.
■ lodurie : Elle peut être utile pour mettre en évidence une carence d'apport en
iode qui conduira à une hypothyroïdie par défaut de biosynthèse d'HT. Un
excès d'apport d'iode peut également induire un défaut de synthèse des HT (effet
Wolf-Chaikoff). C'est le cas rencontré lors du traitement par l'amiodarone, médica­
ment contenant de l'iode.

B. Thérapeutique et suivi biologique


L'hypothyroïdie fruste ou subclinique se définit par une élévation modérée de la TSH
sérique, usuellement entre 4 et 10 mUl/1, sans diminution de la FT4.
L'utilité de la mise en place d'une thérapeutique substitutive par la thyroxine dans le but
de corriger la TSH fait débat dans la littérature. Selon deux études récentes, le traitement
substitutif n'a apporté aucun bénéfice clinique lorsqu'il a été utilisé chez des femmes
enceintes avec hypothyroïdie fruste (en termes d'altération du quotient intellectuel des
enfants nés) ou chez des sujets âgés (fatigabilité).
Cependant, les recommandations de la Haute Autorité de Santé en France sont les
suivantes:
En dehors de la grossesse :
■ en présence d'un risque faible de conversion en une hypothyroïdie patente
(TSH < 10 mUI/l et absence d'anticorps anti-TPO) : il est recommandé de surveiller
la TSH à 6 mois puis tous les ans;
■ en présence d'un risque intermédiaire de conversion en une hypothyroïdie patente
(TSH < 10 mUI/1 mais présence d'anticorps anti-TPO, présence de signes cliniques
d'hypothyroïdie, présence d'une hypercholestérolémie : l'instauration d'un traitement
peut se discuter.
Dans le cas de la grossesse, le traitement par lévothyroxine est justifié dès lors que la TSH
est �3 mUI/l. Son objectif est de maintenir la TSH dans la limite basse de l'intervalle de
confiance (< 2,5 mUI/1).
L'hypothyroïdie patente se définit biologiquement par le couple : élévation de la
TSH (>10 mUl/1) avec diminution de la FT4 en dessous de la valeur normale basse
du laboratoire. Il y a un intérêt à mettre en place un traitement substitutif dont
l'efficacité sera contrôlée par le dosage de la TSH 4 à 6 semaines (selon l'American
Thyroid Assocation ou 6 à 8 semaines (selon la Société Française d'Endocrinologie) après
l'instauration du traitement initial et/ou changement de posologie.Ce délai est lié au temps
nécessaire à la stabilisation des taux sanguins de FT4 et de TSH.
203

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Lancet Diabetes Endocrinol. 2017, 5(7): 497.

+ Rev Endocrin Metab Disord. 2016; 17: 499-519.


ITEM 242
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
DES ADÉNOMES HYPOPHYSAIRES
Thomas CUNY

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer un adénome hypophysaire.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLÈGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Diagnostiquer un syndrome d'hypersécrétion hypophysaire et établir son
diagnostic étiologique à l'aide d'examens biologiques.

1. INTRODUCTION
L'hypophyse est une glande endocrine intracrânienne située dans la selle turcique de l'os sphénoïde.
Son organisation anatomique, histologique et fonctionnelle distingue deux parties : le lobe antérieur
ou adéno-hypophyse et le lobe postérieur ou post-hypophyse.

Glande
ntommaire

Figure 1. Représentation simplifiée du fonctionnement hypothalamo-hypophysaire faisant intervenir


le rétrocontrôle négatif.
Le lobe antérieur concentre plusieurs contingents cellulaires sécrétant respectivement la prolactine,
l'hormone de croissance (GH pour Growth Hormone), l'adrénostimuline (ACTH pour adrenocorticotrophic
hormone), la thyréostimuline (TSH pour Thyroid Stimulating Hormone) et enfin les gonadotrophines
hypophysaires (LH et FSH pour Luteinizing-Hormone et Follicule-stimulating Hormone).
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 242 205

Chacune de ces stimulines hypophysaires régule en périphérie la sécrétion d'hormones


au niveau de leurs organes cibles respectifs, à l'exception de la prolactine, qui exerce un
effet direct sur la glande mammaire. L'homéostastie hormonale est continuellement
maintenue par le biais d'un rétrocontrôle négatif exercé par les hormones périphériques
sur leurs stimulines hypophysaires et hypothalamiques respectives (Figure 1).
Les adénomes hypophysaires définissent des tumeurs bénignes pour la majorité d'entre
elles, qui représentent environ 15 % des tumeurs intracrâniennes chez l'adulte et dont
l'incidence est de 1/1000.
Il est décrit, selon la clinique, la biologie et les techniques d'immunohistochimie, des
adénomes sécrétants ou fonctionnels et des adénomes non fonctionnels, qui sont des
adénomes avec immunomarquage positif mais sans tableau endocrinien spécifique.

Il. EXPLORATION BIOLOGIQUE DES ADÉNOMES SÉCRÉTANTS

A. Adénome hypophysaire à prolactine ou prolactinome


L'adénome hypophysaire à prolactine ou prolactinome est l'adénome hypophysaire le plus
fréquent (60 % de l'ensemble des adénomes hypophysaires) avec un rapport femme/homme
de 10/1. La prévalence est d'environ 44 pour 100 000 habitants, avec un âge médian et une
durée des symptômes au diagnostic respectivement de 32 ans et 1,5 an.
1. Diagnostic biologique d'un prolactinome
La sécrétion de prolactine, au niveau de !'antéhypophyse est sous la régulation de deux
facteurs hypothalamiques
■ un tonus inhibiteur dopaminergique prédominant, qui freine la sécrétion basale
de prolactine par une action sur les récepteurs domapinergiques (en particulier
le sous-type 2) exprimés à la membrane des cellules lactotropes;
■ un effet stimulant du TRH (Thyrotropin Releasing Hormone), qui reste minoritaire.
Devant tout adénome hypophysaire, un dosage de prolactine est requis et nécessite
des conditions de prélèvements standardisés.
■ le matin à jeun (idéalement);
■ chez un(e) patien(e) au repos, le stress étant un facteur d'élévation potentielle de la
prolactine.
Une élévation de la prolactine chez un individu doit conduire à une démarche diagnostique
rigoureuse et systématisée :
■ chez la femme, écarter en première intention une grossesse évolutive par un dosage
de la �-HCG.
Remarque : la grossesse s'accompagne d'une élévation graduelle de la prolactine pouvant
atteindre à la fin du 3° trimestre et pendant toute la durée de l'allaitement, des concentrations
10 fois supérieures à celles observées en dehors de la grossesse.
■ s'assurer de l'absence de prise de médicaments pouvant augmenter les concen­
trations de prolactine. Dans ce cas de figure, la prolactine s'élève rarement au-delà
de 100 ng/ml.
206 Diagnostic biologique des adénomes hypophysaires

1. Neuroleplique � [il'lfilillilion dop11min,er1i"lv,el Effet hyparpro loclinérniant


• Phir>othiazinu +++
hlyt'ap<hër>ones +++
• Thiaxantfiânes ++♦
• ler>zamidH +••
lispiridor>a ++•

f�
• V1tr11li:pride ++

Antidépreueun
• Tricydiques +
• lr>hiliite111s •électif� da r11<11p we de la s<irot4>nine + I•
• lr>hibiievn N1<11ptvNI sèrohlni.ne et r>oralfùnalir>e + I•
13. Anti-nau,Nux Cin!ülllilial'I dopominu9q1a)
• ll<tr>zamidtt, mé adopramid'a 10.m114ri119M.,.,implfo,."'1 + +

l
• D · rivés dtt• phénalhiazir>u +++

4. Ant,hypert■nHUH
• Vénipamil (h,aptino", 1art11� ++
• M<ithyld!apa +

Principales classes médicamenteuses responsables d'hyperprolactinémie


■ Faire contrôler l'absence de macroprolactinémie
La macroprolactinémie définit un état biologique dans lequel les monomères de prolactine
s'agrègent avec des anticorps en formant des polymères d'une masse moléculaire élevée
("Big-Big Prolactine"). Elle peut être responsable, à tort, d'une hyperprolactinémie lors
de l' évaluation analytique alors que la sécrétion de prolactine est normale et nécessite
par conséquent d'être confirmée par un dosage des différentes formes de prolactine par
chromatographie de gel-filtration.
■ Écarter une cause classique d'élévation de la prolactine telle qu'une hypothy­
roïdie (par effet stimulant du TRH hypothalamique sur les cellules lactotropes) et
l'insuffisance rénale.
Chez un individu présentant un adénome hypophysaire, l'élévation de la prolactine peut
refléter:
■ une sécrétion par un adénome à prolactine : dans ce cas, il existe une bonne
corrélation entre les concentrations de prolactine circulante et le volume de
l'adénome, de telle sorte qu'un microprolactinome (diamètre maximal < 10 mm)
sera associé à des valeurs de prolactinémie < 100 ng/ml alors qu'un macroprolacti­
nome (diamètre maximal > 10 mm) se présentera presque toujours avec des valeurs
de prolactine > 200 ng/ml. Entre 100 et 200 ng/ml, la situation est incertaine et doit
être appréciée au cas par cas;
■ une hyperprolactinémie de déconnexion qui résulte d'une compression de la tige
pituitaire par un macroadénome (sécrétant ou non) et par conséquent d'un blocage
de l'influx inhibiteur dopaminergique de l'hypothalamaus vers l'hypophyse. Les
valeurs de prolactinémie sont modérément élevées, toujours < 100 ng/ml ce qui
permet d' écarter l'hypothèse d'un macroprolactinome;
■ une co-sécrétion hormonale où la sécrétion de prolactine est minoritaire. Il s'agit
d'un cas particulier, rencontré chez 30 % environ des patient(e)s souffrant d'acro­
mégalie (adénome hypophysaire sécrétant de la GH). Il s'agit d'un adénome mixte à
GH et prolactine, le contingent lactotrope de l'adénome (souvent minoritaire) étant
responsalbe d'une élévation modérée (< 100 ng/ml) de la prolactine.
D'après le Consensus de la société française d'endocrinologie. Médecine Clinique
Endocrinologie & Diabète - Hors Série - septembre 2006.
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 242 207

2. Effet crochet et prolactine


Actuellement, la plupart des kits de dosage de prolactine utilisent un dosage
immunométrique non compétitif (ou dosage en excès d'anticorps) (Figure 2A). Le
principe est simple : l'analyte (en l'occurrence la prolactine) est reconnu par au moins
deux anticorps, dont l'un est marqué (traceur) et l'autre est fixé sur une phase solide.
Après séparation des fractions libres et liées, le signal émis par le traceur lié à la phase
solide est mesuré. Il augmente avec la concentration de l'analyte.
Le principe d'un dosage immunoradiométrique impose que la concentration des anticorps
réactifs soit en excès par rapport à celle de l'antigène. Cette condition, vérifiée dans la majorité
des circonstances physiologiques et pathologiques, ne l'est pas quand la concentration en
antigène dépasse celle des anticorps réactifs. Le dosage immunométrique peut alors être
gravement pris en défaut, car le résultat d'un échantillon de concentration très élevée est
alors retrouvé faussement bas (Figure 2B). Il s'agit de l'effet crochet ("Hook Effect"). Cette
situation peut avoir, en pratique clinique, des conséquences thérapeutiques impactantes
puisqu'un macroprolactinome volumineux présentant des valeurs de prolactine modérément
élevées pourra, à tort, être considéré comme un adénome hypophysaire non sécrétant
responsable d'une hyperprolactinémie de déconnexion. Une situation délicate peut en
découler, après chirurgie d'un tel adénome, avec des dosages de prolactine plus élevées en
post-opératoire qu'avant l'intervention.
Le piège de l'effet crochet peut être déjoué en comparant les résultats des dosages
d'un même échantillon pur et dilué.

signal
(fraction liée)

1o'

5.103

Ac liant Acmarqu&

Signal
(fraction Uée)
10 102 10' 10• 10' 106 [Ag]

C)JI­
(Ag]
CJ

A] B]

Figure 2. A]. Dosage non compétitif immunométrique (technique sandwich),


principe et représentation schématique d'une courbe d'étalonnage. B] Mécanisme
de l'effet crochet : l'excès d'antigène sature à la fois l'anticorps de capture
et l'anticorps marqué et empêche ainsi la formation des sandwichs. Le résultat
final est une décroissance de la quantité d'anticorps marqué liée à la phase solide.
D'après "Les immunodosages : de la théorie à la pratique". Édition de l'ACOMEN.
ISBN 2-907794-00-0.

3. Test dynamique dans le cadre du dosage de la prolactine


Les tests dynamiques de stimulation de la prolactine par le TRH et le métoclopramide
(Primpéran") ne sont plus recommandés pour l'exploration d'une hyperprolactinémie.
208 Diagnostic biologique des adénomes hypophysaires

Le test au Primpéran, reste néanmoins encore employé dans certains centres


en France; il permet de distinguer une hyperprolactinémie liée à un adénome à
prolactine (pas d'élévation de la prolactine à 30 et 60 minutes après injection de 10 mg
de Primpéran en IV), d'une hyperprolactinémie non liée à un prolactinome (avec
élévation significative > 100 % de la prolactine de base après injection de Primpéran).

4. Dosage de prolactine et surveillance de l'efficacité d'un traitement


Comme pour le diagnostic, les concentrations de prolactine sont un excellent reflet de
la réponse à un traitement médical (agonistes dopaminergiques dans les prolactinomes)
ou de l'efficacité d'une exérèse chirurgicale, par un effet sur le volume tumoral. Chez
les patients présentant des valeurs de prolactine normalisées, il n'est donc plus nécessaire
de craindre une récidive adénomateuse, ni de réaliser une IRM hypophysaire.

B. Adénome hypophysaire à GH ou acromégalie


L'acromégalie est une maladie rare dont l'incidence est de 3 à 5 nouveaux cas par an et
par million d'habitants, avec une prévalence de 40 à 130 cas par million. Elle se définit
par une hypersécrétion de GH qui induit une sécrétion d'insuline-like growth factor-1
(IGF-1) par le foie. Cette IGF-1 est responsable des effets de la GH, essentiellement une
infiltration cutanée, et une hypertrophie de l'ensemble des organes. Dans la quasi-totalité
des cas, l'acromégalie est due à un adénome hypophysaire somatotrope, mais des sécrétions
ectopiques par des tumeurs pancréatiques ou gastro-intestinales sécrétant du GH-releasing
hormone (GH-RH) ont été décrites.

1. Diagnostic biologique d'une acromégalie


Il faut garder à l'esprit que la sécrétion de GH est assortie d'un certain degré de pulsatilité.
En cas de suspicion clinique d'acromégalie, un dosage de GH et d'IGF-1 est préconisé.
Si le dosage de GH est inférieur à 0,4 ng/ml (1,2 mUl/1) et le taux d'IGF-1 est normal, le
diagnostic est éliminé. Un dosage d'IGF-1 (pour lequel il existe des normes en fonction
du sexe et de l'âge) élevé est insuffisant pour poser le diagnostic d'acromégalie sauf en cas
de forte présomption clinique et d'une valeur d'IGF-1 très élevée.
Il faut noter à cet égard, que le dosage de la GH doit être désormais standardisé
selon le standard 98/574 (GH recombinante), recommandé par la société française
de biologie clinique. La GH doit être mesuré sur le sérum (prélèvement sur tube sec)
et non sur le plasma.

Situations physiologiques et pathologiques Sens de variation de l'IGF-1


Grossesse Augmente
Puberté Augmente
Insuffisance hépatique Diminue
Jeune et dénutrition Diminue
Maladies intercurrentes sévères Diminue
Insuffisance rénale Diminue
Hypothyroïdie Diminue
Diabète déséquilibré Diminue
Traitement par œstrogènes per os Diminue

Consensus de la société française d'endocrinologie. Annales d'Endocrinologie 70 (2009) e9-e 22.


Dans les cas litigieux (ex : élévation modérée de l'IGF-1 avec GH normale), une
hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) consistant en la prise orale de
75 g de glucose avec dosage de GH et d'IGF-1 toutes les 30 minutes pendant deux
heures affirmera le diagnostic. En effet, l'absence de freinage du taux de GH confirme
le diagnostic d'acromégalie (réponse normale attendue : GH < 0,3 ng/ml au nadir de
l'HGPO). Le deuxième intérêt de ce test est de pouvoir dépister une intolérance au glucose,
comorbidité classique de l'acromégalie. En pratique, aucun seuil glycémique à atteindre
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 242 209

n'est exigé pour interpréter le test et c'est donc le nadir de GH, quel que soit le moment au
cours du test, qui est pris en compte.
Il est important de savoir que le dosage d'IGF-1 est d'interprétation difficile dans certaines
situations.

2. Critères biochimiques de rémission de l'acromégalie


Les critères biochimiques de rémission de l'acromégalie sont à évaluer au minimum 3 mois
après le traitement chirurgical et/ou médical (consensus SFE 2009) :
une IGF-1 normalisée pour l'âge et le sexe;
■ et une valeur de GH < 2,5 ng/ml;
une valeur de GH < 0,4 ng/ml lors de l'HGPO (si réalisée).
Consensus de la société française d'endocrinologie. Annales d'Endocrinologie 70 (2009)
e9-e 22

C. Adénome hypophysaire à ACTH ou maladie de Cushing


1. Diagnostic biologique d'une maladie de Cushing (adénome corticotrope)
Le syndrome de Cushing définit un état d'hypercortisolisme chronique qui peut être soit :
ACTH-dépendant par sécrétion hypophysaire (maladie de Cushing) ou ectopique
d'ACTH;
ACTH-indépendant secondaire à une pathologie surrénalienne.
La maladie de Cushing est la condition pathologique définissant l'existence d'un
adénome corticotrope (sécrétant de l'ACTH). Son incidence est rare de l'ordre de
1,7/million d'habitants. L'adénome corticotrope représente 85 % des syndromes de
Cushing ACTH-dépendant.
Le diagnostic biologique d'une maladie de Cushing suit une procédure en 3 étapes.
1 re étape : confirmer l'existence d'un hypercortisolisme, qui nécessite la plupart
du temps, de croiser les tests et de les répéter.
► En première intention
• Dosage du cortisol libre urinaire de 24 heures rapporté à la créatininurie
(2 à 3 dosages sont en général requis).
- Attention : une fonction rénale altérée peut fausser les résultats
de ce dosage.

• Test de freinage minute à la dexaméthasone (DECTANCYL") : 1 mg de


dexaméthasone à 23 heures ou à minuit et dosage du cortisol plasmatique
le lendemain à 8 heures. Le freinage sera positif si la cortisolémie dosée
est inférieure à 50 nmol/1 (lSµg/1).
- Attention : la prise d'œstrogène (contraceptiforal) ou d'un inducteur
enzymatique (dépakine� rifampicine) peut augmenter la valeur
du cortisol total à 8 heures soit par augmentation de la protéine
porteuse du cortisol (transcortine) en cas de prise d'œstrogène oraux,
soit par augmentation du métabolisme de la dexaméthsone pour
les inducteurs enzymatiques.
• Dosage du cortisol libre salivaire à minuit (2 ou 3 dosages).

La négativité de ces trois tests permet d'écarter un syndrome de


Cushing avec une bonne valeur préditive négative.
210 Diagnostic biologique des adénomes hypophysaires

► En deuxième intention, en cas de résultats discordants


• Cycle nycthéméral du cortisol et de l'ACTH plasmatique à la recherche
d'un cycle "tendu" avec perte du rythme nycthéméral.
• Test de freinage faible (également appelé «standard» ou « intermé­
diaire») à la dexaméthasone: administration orale de 0,5 mg de dexa­
méthasone toutes les 6 heures pendant 48 heures, en débutant à 6 heures
à Jl. Le freinage est positif en cas de cortisol plasmatique de 8 heures
dosé à J3 du début du test< 50nmol/l (18µg/l) ou en cas de cortisolurie
des 24 heures recueillie entre J2 et J3 inférieure à 10 µg/24 heures. Ce test
requiert une hospitalisation mais permet de confirmer ou d'infirmer un
syndrome de Cushing avec une excellente sensibilité et spécificité.

■ 2• étape: confirmer le caractère ACTH-dépendant ou indépendant.


• Un dosage d'ACTH plasmatique est généralement suffisant et retrouve en
cas de maladie de Cushing, des valeurs d'ACTH qui ne sont pas freinées
(> 20 pg/ml = 4,4 pmol/1).
• Des valeurs< 10 pg/ml sont plutôt en faveur d'une cause surrénalienne
d' hypercortisolisme.
• Entre 10 et 20 pg/ml d'ACTH, les deux causes peuvent s'observer et des
tests supplémentaires peuvent être nécessaires.

■ 3• étape : si le caractère ACTH-dépendant est retenu, il faut déterminer l'origine


hypophysaire de la sécrétion d'ACTH par :
► la réalisation d'une IRM hypophysaire;
► la réalisation de tests dynamiques à la recherche d'une réponse corticotrope
discriminant les maladies Cushing - qui restent souvent soumis à une régulation
partielle (test positif) - des tumeurs endocrines avec sécrétion ectopique d'ACTH
qui échappent en général à la régulation (test négatif)
• test de freinage fort à la dexaméthasone : administration de 2 mg de
dexaméthasone per os toutes les 6 heures pendant 2 jours avec un dosage
de cortisol plasmatique à 8 heures à J3 du début du test. Un seuil de 50 %
de baisse de la cortisolémie permet d'orienter vers une cause hypophysaire
de sécrétion d'ACTH avec une sensibilité de 60 à 80 %;
• test de stimulation par le CRH : administration intraveineuse de CRH
(lµg/kg chez l'enfant et lO0µg chez l'adulte). La réponse évaluée en dosant
l'ACTH, le cortisol plasmatique à 0, 15, 30, 45 et 60 minutes avant et après
l'injection de la CRH. Une réponse positive (élévation de l'ACTH de 50 %)
est en faveur d'une cause hypophysaire;
• test de stimulation par la desmopressine : administration en intravei­
neux de lOµg de desmopressine. Réponse évaluée sur l'ACTH, le cortisol
plasmatique à 0, 15, 30, 45 et 60 minutes avant et après l'injection de la
desmopressine. Une élévation franche de l'ACTH est d'avantage en faveur
d'une cause hypophysaire;

► enfin, si en dépit des tests précédents il persiste un doute entre une sécrétion
hypophysaire ou ectopique d'ACTH, la réalisation d'un cathétérisme des sinus
pétreux inférieurs avec dosage d'ACTH, sensibilisé par le CRH et comparé à
un dosage veineux périphérique, peut être préconisé (recherche d'un gradient
centro-périphérique).

D'après : PNDS - Syndrome de Cushing - HAS 2008.


Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 242 211

O. Adénomes thyréotropes et gonadotropes


1. Diagnostic biologique des adénomes thyréotropes
Les adénomes thyréotropes (sécrétant en excès de la TSH) sont rares, représentant moins
de 1 % des adénomes hypophysaires.
Le tableau biologique est celui d'une élévation de FT3 et FT4 avec, de façon inappropriée,
une TSH normale ou élevée. Le principal diagnostic différentiel est celui d'un syndrome
de résistance périphérique aux hormones thyroïdiennes (se reporter à l'item 240).
Il existe des éléments en faveur d'un adénome thyréotrope : une élévation moindre de
la TSH (< 200%) lors d'un test dynamique à la TRH, une diminution des taux de TSH
lors d'un test à l'octréotide, et une augmentation de la sous-unité alpha des hormones
glycoprotéiques, dans le sang.
2. Diagnostic biologique des adénomes gonadotropes
Les adénomes gonadotropes sont pour la majorité d'entre eux non fonctionnels
(terme préféré à celui de non sécrétant, car une sécrétion hormonale sans traduction
clinique peut s'observer dans 30 % des cas) et se révéleront la plupart du temps par
un syndrome tumoral chez les patients.
Comme il s'agit volontiers d'adénome volumineux, une hyperprolactinémie de déconnexion
peut se rencontrer. Plus rarement une élévation de la sous-unité alpha et/ou des
gonadotrophines hypophysaires (LH et FSH) est retrouvée à l'examen biologique.
212

FICHE FLASH
O Tout diagnostic d'un adénome hypophysaire doit s'accompagner d'un hypophysiogramme statique à
8 heures comprenant: ACTH/cortisol, TSH/FT3 et FT4, GH et IGF-1, LH/FSH et testostérone (homme)
ou 17�-œstradiol (femme sauf si ménopause) et enfin prolactine.
O Une hyperprolactinémie doit faire rechercher en priorité une grossesse et/ou une cause médicamenteuse.
O Outre l'IGF-1, l'hyperglycémie par voie orale à 75 grammes de glucose est souvent utile dans le diagnostic
d'une acromégalie ainsi que pour le suivi sous traitement.
O Le diagnostic d'une maladie de Cushing cherche à démontrer successivement, l'existence d'un état
d'hypercortisolisme, son caractère ACTH-dépendant et enfin son origine hypophysaire. Toute exploration
incomplète pourra se solder par un traitement inadéquat de la situation clinique du patient.
ITEM 243

DIAGNOSTIC D'UNE INSUFFISANCE


SURRÉNALE AIGUË
ET D'UNE INSUFFISANCE SURRENALE
CHRONIQUE
Alexandru SAVEANU

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une insuffisance surrénale aiguë et une insuffisance surrénale
chronique.
• Prévenir et prendre en charge une situation d'urgence (insuffisance surrénale aiguë).

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE


• Connaître l'interprétation d'un dosage de cortisol et d'ACTH basal.
• Quand prescrire et comment interpréter un test au Synacthène.
• Citer les arguments biologiques du bilan étiologique d'une insuffisance
surrénale.
• Connaître les éléments cliniques et paracliniques en faveur d'une insuffisance
surrénale d'origine primaire (surrénale) ou secondaire (hypophysaire).

1. INTRODUCTION
L'insuffisance surrénale chronique est une pathologie relativement rare (1/10 000 pour l'IS primaire, 1/5 000
pour l'IS secondaire hors corticothérapie). Néanmoins, le risque d'une décompensation avec la survenue
d'une insuffisance surrénale aiguë est permanent, avec des conséquences létales en l'absence d'une prise
en charge rapide et adaptée.
Le suivi d'une insuffisance surrénale chronique et l'adaptation du traitement permettent de prévenir la
décompensation, et d'assurer une substitution adéquate en évitant les effets secondaires, afin de conserver
la qualité de vie des patients.

Il. INSUFFISANCE SURRÉNALE CHRONIQUE


Les signes et symptômes cliniques de l'IS sont déterminés par le déficit des hormones surrénaliennes,
principalement le cortisol, liées soit à une atteinte primaire (de la surrénale), ou secondaire (de l'hypophyse).
La sécrétion de cortisol au niveau de la zone fasciculée de la corticosurrénale est stimulée par l'ACTH
(hormone adrénocorticotrope) secrétée par l'hypophyse antérieure selon un rythme circadien et
pulsatile. Le cortisol exerce, à son tour, un effet de rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d'ACTH. La
214 Diagnostic d'une insuffisance surrénale aiguë et d'une insuffisance surrénale chronique

sécrétion de cortisol suit le rythme circadien de l'ACTH avec un pic matinal et un


nadir vers minuit.
Le déficit de cortisol est à l'origine des symptômes communs à l'IS primaire et
secondaire, notamment l'asthénie, la faiblesse musculaire, l'hypotension, des nausées
et vomissements, l'hypoglycémie.
La sécrétion des androgènes surrénaliens (DHEA-S surtout) est également déficitaire
dans les deux cas d'IS, car stimulée par l'ACTH, à l'exception notable de l'IS chez
l'enfant due au déficit enzymatique en 21-hydroxylase, où leur sécrétion est augmentée.
La sécrétion des minéralocorticoïdes (aldostérone) est contrôlée par le système rénine
angiotensine II, et sera abaissée uniquement dans les cas d'IS primaire et normale
dans l'IS secondaire. L'aldostérone agit au niveau du tubule contourné distal du rein
en favorisant l'excrétion de potassium et la rétention de sodium. La diminution de
la sécrétion aggrave l'hyponatrémie et l'hypotension. À noter que le cortisol agit
également sur les récepteurs des minéralocorticoïdes, sa plus faible affinité étant
partiellement compensée par une sécrétion quantitativement plus importante, ce
qui explique les signes d'un déficit partiel des minéralocorticoïdes, associé lors d'un
déficit isolé en cortisol.
Dans l'IS primaire, les signes cliniques généraux évoqués s'associent à une mélanodermie,
due à l'hypersécrétion d'ACTH, tandis que dans l'IS secondaire, une pâleur est fréquente,
due à l'hyposécrétion d'ACTH.
Les signes biologiques généraux ne sont pas très spécifiques, mais assez évocateurs
associés au contexte clinique. Les plus fréquents sont dans l'ordre : l'hyponatrémie,
l'hyperkaliémie et l'hypoglycémie. L'hyponatrémie est le signe biologique le plus constant :
elle est secondaire à la fuite sodée liée au déficit en aldostérone (hyponatrémie par perte
de sel) et à !'hémodilution par syndrome de sécrétion inappropriée d'ADH (SIADH) induit
par le déficit en cortisol. Dans l'IS secondaire (corticotrope), ce dernier phénomène est
dominant (hyponatrémie de dilution), car il n'y a pas de déficit d'aldostérone. L'hyperkaliémie
secondaire à la baisse de l'excrétion urinaire de potassium en rapport avec le déficit en
aldostérone est présente uniquement dans l'IS primaire.

Ill. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L'IS CHRONIQUE

A. Dosages statiques et tests dynamiques


L'IR primaire est caractérisée par une incapacité de la surrénale à produire suffisamment
de cortisol, ce qui, par levée du rétrocontrôle, entraîne une augmentation de la
sécrétion et de la concentration d'ACTH. Le diagnostic d'IR primaire repose donc
sur la constatation d'une cortisolémie basse et d'une concentration d'ACTH élevée.
L'IR secondaire est caractérisée par un défaut de sécrétion hypophysaire d'ACTH, ce
qui entraîne une diminution de la sécrétion de cortisol. Le diagnostic d'IR secondaire
(corticotrope) repose donc sur la constatation d'une cortisolémie basse et d'une absence
d'élévation de l'ACTH (basse ou normale).
Le dosage doit être effectué le matin (6-8 heures).
Cortisol: La valeur seuil qui permet d'affirmer le diagnostic d'IS est une cortisolémie
inférieure à 138 nmol/1 (50 ng/ml).
Une cortisolémie supérieure à 500 nmol/1 (180 ng/ml) permet d'écarter le diagnostic
d'insuffisance surrénale. Ce seuil supérieur dépend de la méthode de dosage, il est
seulement indicatif, des valeurs plus basses peuvent être proposées en fonction de la
méthode de dosage.
Les tests dynamiques (Synacthène) sont nécessaires au diagnostic si la cortisolémie est
située entre 140 et 500 nmol/1.
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 243 215

Le dosage du cortisol est perturbé par la prise de certains médicaments ou par certaines
situations pathologiques. Les hépatopathies sévères, le syndrome néphrotique, l'inflammation,
diminuent les protéines porteuses du cortisol dans le sang, et donc la cortisolémie liée et
totale. Au contraire, certaines prises de médicaments inducteurs enzymatiques comme
les œstrogènes augmentent la concentration de protéines porteuses, et par conséquent la
cortisolémie liée et totale. C'est aussi le cas de la grossesse où l'augmentation des œstrogènes
s'associe à une augmentation de la cortisolémie mesurée.
Méthodes de dosage du cortisol : Plusieurs méthodes de dosage sont utilisées pour la
mesure du cortisol total, basées sur une séparation chromatographique suivie d'une détection
par spectrométrie de masse ou les immunodosages. La spectrométrie de masse est utilisée
comme référence pour la calibration et la validation du dosage du cortisol. Néanmoins, pour
l'instant, cette méthode n'est pas accessible dans la majorité des laboratoires en France.
Les techniques les plus répandues sont les immunodosages, carfacilement automatisables.
Leur principe utilise une compétition entre du cortisol marqué (avec une molécule
luminescente) et le cortisol de lëchantillon du patient, pour un anticorps (polyclonal ou
monoclonal) dirigé contre le cortisol. L'utilisation récente des anticorps monoclonaux,
permet de réduire significativement les interférences (avec des composés d'une structure
proche), tout en donnant des résultats équivalents à ceux de la méthode de référence et plus
faibles que ceux utilisant un immunodosage avec des anticorps polyclonaux. Cependant,
la plupart des seuils de cortisolémie, notamment le seuil élevé, ont été établis en utilisant
l'immunodosage à anticorps polyclonaux, donc ils sont en cours dëvoluer, à la baisse, avec
le passage progressifaux immunodosages à anticorps monoclonaux et/ou spectrométrie de
masse, sans qu'un seuil consensuel nouveau soit établi pour l'instant.
L'ACTH : Une valeur d'ACTH élevée (> 100 pg/ml soit deux fois la normale) associé
à un cortisol bas conforte le diagnostic d'IR primaire. Par ailleurs, un taux d'ACTH
normal et donc inadapté au taux abaissé de cortisol suggère une IR secondaire.
Le dosage du cortisol libre urinaire n'a pas d'intérêt pour le diagnostic d'insuffisance
surrénale primaire du fait du chevauchement important entre les valeurs des sujets normaux
et celles des insuffisants surrénaliens.
Aldostérone et rénine activé. Dans l'IS primaire une aldostérone basse est associée à une
rénine élevée (position couchée et orthostatisme). Dans l'IS secondaire (corticotrope), la
rénine et l'aldostérone sont normales ou légèrement abaissés. Néanmoins, la sensibilité
et la spécificité de ces dosages pour le diagnostic d'IS est faible, aucun seuil n'est établi au
niveau international et leur rôle est accessoire dans le diagnostic de l'IS primaire.
Le sulfate de DHEA (DHEA-S). Chez l'adulte, les concentrations plasmatiques de
DHEA et DHEA-S sont abaissées au cours de l'insuffisance surrénale primaire et
corticotrope, rapportés aux seuils de normalité de l'âge et du sexe. Notamment, un
taux normal de DHEA-S a une forte valeur prédictive négative pour exclure une
insuffisance corticotrope.
Le test au Synacthène•. Le Synacthène est un analogue de l'ACTH qui active les récepteurs
MC2 corticosurrénaliens. Le test consiste en l'injection de 0,25 mg de Synacthène, suivi
du dosage du cortisol à 30 minutes et/ou 1 heure.
Le test au Synacthène est très utile dans le diagnostic d'IS primaire car il permet de mettre
en évidence une réponse insuffisante de la glande corticosurrénale, qui est déjà stimulée
par l'ACTH endogène. Dans l'insuffisance corticotrope, ce test n'explore la sécrétion d'ACTH
que de façon indirecte. En effet, il explore l'atrophie corticosurrénale secondaire au déficit
en ACTH: si le déficit en ACTH est suffisamment sévère et ancien, il provoque une atrophie
surrénale secondaire, et la stimulation par le Synacthène ne donnera pas une réponse
normale. Si par contre le déficit en ACTH est récent ou modéré, l'atrophie corticosurrénale
est incomplète, et la stimulation par le Synacthène peut montrer une réponse normale alors
que le patient est en réalité déficitaire.
Si le test au Synacthène montre une stimulation insuffisante du cortisol, avec un taux
mesuré 30 ou 60 min après l'injection en dessous de 500 nmol/l (18 µgldL), le diagnostic
216 Diagnostic d'une insuffisance surrénale aiguë et d'une insuffisance surrénale chronique

d 'insuffisance surrénale peut être retenu et il n'est pas nécessaire de réaliser d'autres tests.
Lorsque les valeurs du test sont supérieures à ce seuil et la suspicion clinique persiste,
d'autres tests spécialisés sont nécessaires (test à la Métopirone ou hypoglycémie insu/inique
en milieu hospitalier).

B. Cas particuliers
Chez le nouveau-né et le nourrisson, il est difficile d'interpréter le dosage du cortisol
plasmatique. Il n'existe pas de rythme circadien de sécrétion du cortisol jusqu'à 4 mois de vie.
Une immaturité fonctionnelle de l'axe corticotrope est supposée devant des valeurs
basales basses du cortisol et de l'ACTH, associé même à un test au Synacthène normal.
Dans le doute, une supplémentation par l'hydrocortisone sera proposée même en
absence de données biologiques (voir IS aiguë).
Dans les situations cliniques qui élèvent le taux de cortisol sanguin : prise d'œstrogènes,
grossesse, et toute pathologie aiguë intercurrente, le diagnostic d'IS doit s'appuyer
sur des valeurs-seuils de cortisol plus élevées et/ou sur un faisceau de présomptions
(clinique, taux d'ACTH et de rénine). Comme le dosage d'ACTH apporte les mêmes
renseignements au cours ou en dehors de la grossesse, c'est donc l'examen à privilégier
en cas de suspicion d'insuffisance surrénale primaire, surtout si la cortisolémie est
apparemment normale.

C. Diagnostic étiologique de l'IS


1. IS primaire d'origine auto-immune
En Europe et en France, chez l'adulte, l'IS primaire est dans plus de 80 % des cas, d'origine
auto-immune. Chez les enfants, l'origine auto-immune est plus rare (25 %) et diagnostiquée
plus tardivement (après 10 ans).
L'insuffisance surrénale auto-immune peut apparaître isolément (dans un tiers des cas) ou
associée avec d'autres manifestations auto-immunes dans le cadre de polyendocrinopathies
auto-immunes (PEA) le plus souvent de type 2, plus rarement de type 1.
La PEA de type 2 est une maladie polygénique associant dans l'ordre defréquence différentes
maladies auto-immunes endocrines et non endocrines : Thyroïdite, Diabète de type 1, IS,
Gastrite auto-immune, Vitiligo, Insuffisance ovarienne précoce, Maladie cœliaque ou Alopécie.
LaPEA de type 1 (APECED) est une maladie monogénique, a transmission autosomique récessive
liée à des mutations du gène AIRE. Elle est caractérisée par la triade : hypoparathyroidie,
candidose et IS auto-immune, associés plus rarement aux autres maladies auto-immunes
évoquées pour le PEA2, voire à d'autres maladies comme l'hyp oplasie de l'émail dentaire
et une kératite.
Dans tous les cas de figure, le diagnostic biologique repose sur les anticorps anti-21-
hydroxylase. Il s'accompagne de la présence des autres auto-anticorps pathognomoniques
des maladies auto-immunes associées, le cas échéant. Le contexte familial de la pathologie,
les signes cliniques et biologiques, l'atrophie des surrénales au scanner, et le génotypage
du gène AIRE (si suspicion de PEA de type 1), complète le diagnostic d'IS auto-immune.
Les anticorps (Ac) anti-21-hydroxylase sont dosés parune méthode radio-immunologique.
La prévalence des anticorps atteint 90 % dans les deux années suivant le diagnostic
de la maladie, et décroît ensuite progressivement. Leur négativité n'exclut donc
pas une origine auto-immune de la pathologie, en particulier si elle évolue depuis
plusieurs années. Ils ont aussi une valeur pronostique : leur présence chez un patient
asymptomatique est associée à un risque d'environ 50 % de développer une insuffisance
surrénale dans les 10 ans.

2. Insuffisance surrénale primaire d'origine infectieuse


La tuberculose surrénalienne bilatérale reste la cause infectieuse la plus fréquente, mais
avec le recul généralisé de la tuberculose en France, est rencontrée surtout chez de personnes
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 243 217

immunodéprimées (transplantées) et/ou provenant de pays où la tuberculose est toujours


endémique. Elle survient plusieurs années après la localisation primaire de la maladie. Le
scanner retrouve des calcifications au niveau surrénalien. Un bilan d'autres localisations
est nécessaire (cf. item 155).
Les autres causes infectieuses: bactériennes (syphilis, ...), virales (HIV. ..), fongiques
(histoplasmose, pneumocystose, cryptococcose) sont très rares. Une mention pour l'infection
par VIH, ou l'IS apparaît parfois dans les cas avancés, due à des mécanismes multiples:
localisation surrénalienne d'une infection opportuniste (CMVle plusfréquent,Jongiques en
suite), d'un lymphome, iatrogène (kétoconazole, rifampicine), parfois associés à une atteinte
hypophysaire (hypophysite) et parfois aggravée par une corticothérapie.
3. Insuffisance surrénale primaire due à l'adrénoleucodystrophie (ALD)
L'adrénoleucodystrophie, maladie génétique lié à l'X peut se manifester tardivement chez
l'adulte, où elle représente, chez les garçons, la troisième cause d'IS primaire.
4. Insuffisance surrénale primaire d'autres causes rares
Les causes tumorales (métastases bilatérales), les pathologies inftltratives (amylose...), et les
causes iatrogènes: hémorragiques (anticoagulants, inhibiteurs de TK, .. .), post-chirurgicales
(surrénalectomie bilatérale) et médicamenteuses (ketoconazole, mitotane....) représentent
d'autres cases rares d'IS primaire, à interpréter dans le contexte clinico-biologique.
5. Insuffisance surrénale primaire chez l'enfant
Chez le nouveau-né et le nourrisson, l'étiologie la plus fréquente de l'IS primaire
est l'hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) par déficit enzymatique de la
stéroïdogenèse. Il s'agit d'une maladie autosomique récessive liée à des mutations des gènes
codant pour les enzymes de la stéroïdogenèse (95 % des cas : déficit en 21-hydroxylase). Si
le déficit enzymatique est important (formes classiques), il entraîne une virilisation des
organes génitaux externes de la petite fille (forme classique virilisante pure), en raison
d'une sécrétion inappropriée d'androgènes surrénaliens pendant la période fœtale, ainsi
qu'une insuffisance glucocorticoïde et minéralocorticoïde chez les enfants des deux sexes
dans une majorité des cas (forme classique avec perte de sel). Le diagnostic se fait par le
dosage systématique de la 17-0H Progestérone sur prélèvement buvard à J3 de vie chez
tous les nouveaux-nés en France.
Les autres blocs enzymatiques, plus rares, donnent, en fonction du déficit enzymatique,
un déficit en glucocorticoïdes associé ou non à un déficit en minéralocorticoïdes et des
anomalies des organes génitaux de la fille et/ou du garçon.
Les autres causes d'IS chez les nourrissons sont l'hypoplasie congénitale des surrénales, isolée
ou associé à un hypogonadisme (mutations du gène DAXl) ou dans le cadre d'associations
syndromiques diverses liés à des mutations de gènes identifiés.
Au total, chez le nourrisson et en cas d'un déficit en glucocorticoïdes associé ou non à
celui des minéralocorticoïdes, le bilan biologique doit être complété, dans la recherche
d'une hyperplasie congénitale des surrénales par le dosage des stéroïdes surrénaliens
par spectrométrie de masse. En l'absence d'argument pour un bloc surrénalien, le
séquençage haut débit d'un panel de gènes responsables, recherchera d'autres causes
rares d'insuffisance surrénalienne.
Chez l'enfant, l'IS auto-immune est la première cause à rechercher, comme chez
l'adulte, par le dosage des anticorps anti 21-hydroxylase (isolé ou dans le cadre d'un PEA).
L'adrénoleucodystrophie est la deuxième cause d'IS, chez les garçons uniquement, car c'est
une maladie liée à l'X (mutation du gène ABCDl codant pour un transporteur des acides
gras dans le peroxysome). Le diagnostic biologique repose sur le dosage des acides gras à
très longue chaîne. L'IS peut être isolée ou s'associer à des troubles neurologiques variables.
218 Diagnostic d'une insuffisance surrénale aiguë et d'une insuffisance surrénale chronique

6. L'IS secondaire (corticotrope)


La situation particulièrement fréquente, à évoquer en premier lieu, est l'insuffisance
corticotrope secondaire à une corticothérapie prolongée, plus rarement liée à une
corticothérapie non systémique comme les corticoïdes inhalés, percutanés, intra­
articulaires ou intramusculaires. Chez l'adulte, le risque est plus important pour des
corticothérapies de plus de 3 mois. Celles de courte durée (moins de 3 semaines) ne
nécessitent pas de surveillance et celles de moins de 3 mois justifient d'une information
sur les signes d'alerte. En l'absence de signes cliniques, aucun dosage n'est recommandé.
L'évaluation de la fonction corticotrope sera réalisée en parallèle avec le début d'un traitement
substitutif (dosage du cortisol basal à 8 heures et en cas de valeur limite après stimulation
par le Synacthène), après arrêt du corticoïde de synthèse, dans le but de dépister les patients
qui devront bénéficier de la poursuite du traitement substitutif par l'hydrocortisone.
En cas de déficit corticotrope avéré, le dosage du cortisol basal à 8 heures (et/ou après
Synacthène) pourra être répété à intervalles réguliers (tous les 3 à 6 mois) jusqu'à la
récupération d'une fonction corticotrope normale.
La plupart des maladies hypothalamo-hypophysaires acquises compliquées
d'hypopituitarisme peuvent être à l'origine d'une insuffisance corticotrope : adénomes
hypophysaires (voir item 242), craniopharyngiomes, hypophysites primaires ou secondaires
à des pathologies infectieuses, inflammatoires ou infiltratives, traumatismes crâniens,
affections vasculaires, tumeurs ou métastases hypophysaires. Dans la majorité de ces
situations, l'insuffisance corticotrope est associée à d'autres déficits hypophysaires, et il
s'agit fréquemment du dernier déficit à apparaître. Une situation particulière est représentée
par les hypophysites lymphocytaires, quand l'insuffisance corticotrope est fréquente et
isolée. Depuis quelques années, la cause la plus fréquente d'hypophysite est iatrogène : les
traitements immunomodulateurs du mélanome (Ipilumumab et autres molécules). Dans
ces cas, elle est fréquemment associée à un déficit thyréotrope.
Chez l'enfant, un déficit corticotrope isolé ou combiné à d'autres déficits hypophysaires peut
être secondaire à un trouble du développement hypophysaire (anomalie génique affectant
l'expression defacteurs morphogènes ou defacteurs de transcription hypophysaires), associé
ou non à des malformations des structures voisines. Le diagnostic clinique peut être complété
par le séquençage haut débit d'un panel de gènes responsables.

D. Prise en charge de l'IS chronique


Le traitement substitutif associe un glucocorticoïde : l'hydrocortisone 15 à 25 mg répartie
en 2 ou 3 prises et un minéralocorticoïde : fludrocortisone 50-150 mg/j. Dans l'IS secondaire
(corticotrope), la fludrocortisone n'est pas nécessaire.
Il s'associe, le traitement de la cause si elle est connue (infectieuse, métastase, adaptation
ou arrêt d'un médicament si cause iatrogène) et l'éducation thérapeutique du patient (voir
prévention de l'IS aiguë)
La surveillance est essentiellement clinique en cherchant des signes de surdosage ou
de sous-dosage. Au niveau biologique, l'ionogramme complète le bilan de surveillance.
Le dosage du cortisol et de l'ACTH est inutile pour adapter les doses d'hydrocortisone
(demi-vie courte). Leur intérêt est uniquement valable dans les IS réversibles (à cortisol
de base ou après Synacthène), et dans l'insuffisance corticotrope postcorticothérapie (voir
paragraphe IS secondaire)

IV. INSUFFISANCE SURRÉNALIENNE AIGUE


L'insuffisance surrénale aiguë est la conséquence d'un déficit relatif ou absolu en cortisol,
secondaire à une inadéquation entre l'augmentation des besoins en hydrocortisone
et la majoration insuffisante des apports. Elle est définie par une aggravation aiguë
de l'état clinique, réversible après l'administration parentérale d'un glucocorticoïde.
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 243 219

L'insuffisance surrénale aiguë est une affection grave dont la fréquence est estimée entre
6 et 8 épisodes/100 patients/an. Les infections en particulier gastro-intestinales sont les
facteurs déclenchants les plus fréquemment rapportés chez l'adulte et chez l'enfant suivies
par les infections bactériennes ou virales (pneumopathies, infections des voies urinaires,
septicémie, syndrome grippal). Elle complique aussi bien l'insuffisance surrénale primaire
que l'insuffisance corticotrope. C'est une affection grave qui met en jeu le pronostic
vital : elle est la cause du décès dans 6 à 15 % des cas chez les patients avec insuffisance
surrénale.
Le diagnostic est clinique, supporté par les examens biologiques standards lorsque
l'insuffisance surrénale est connue. Le diagnostic peut être difficile si le déficit est partiel
ou en cas d'insuffisance surrénale aiguë inaugurale.
Les signes cliniques les plus fréquemment observés sont : une asthénie, souvent majeure,
somnolence, ou au contraire, confusion, agitation pouvant évoluer vers des troubles de la
conscience voire un coma; anorexie, nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales
diffuses pseudo-chirurgicales; hypotension artérielle, hypotension orthostatique,
tachycardie, déshydratation globale; pâleur, sueurs; hyperthermie; crampes; insuffisance
circulatoire aiguë secondaire à l'hypovolémie et à une vasoplégie.

A. Les signes biologiques généraux


L'hyponatrémie est la conséquence d'une fuite sodée par déficit en minéralocorticoïdes
dans l'insuffisance surrénale primaire mais également d'une hémodilution secondaire
à une augmentation de la sécrétion d'arginine-vasopressine (AVP), mécanisme
principal dans l'insuffisance corticotrope. La carence en minéralocorticoïdes explique
l'hyperkaliémie dans l'insuffisance surrénale primaire.
L'acidose métabolique est fréquente. L'insuffisance rénale fonctionnelle est la conséquence
de l'hypovolémie. Un_e anémie normochrome normocytaire, une hyper-lymphocytose,
une hyper-éosinophilie, une augmentation modérée de la calcémie peuvent aussi être
observées, mais sont inconstants.
Toute insuffisance circulatoire aiguë inexpliquée avec hyponatrémie (± hyperkaliémie)
doit faire envisager le diagnostic d'insuffisance surrénale aiguë.

B. Cortisol et ACTH
Un prélèvement pour dosage du cortisol et de l'ACTH doit alors être réalisé
immédiatement en cas de suspicion d'IS, mais le traitement doit être initié sans
attendre les résultats.
Si le cortisol plasmatique est inférieur à 138 nmol/1 (50 ng/ml,) le diagnostic d'IS est
confirmé. Le dosage d'ACTH permet alors de déterminer s'il s'agit d'une insuffisance
surrénale primaire (augmenté) ou d'une insuffisance corticotrope (ACTH normal
ou diminué). Si le cortisol plasmatique est compris entre 138 nmol/1 et 500 nmol/1
(50 ng/ml, et 180 ng/ml), le traitement par hydrocortisone est poursuivi et le test au
Synacthène• sera réalisé à distance de l'épisode aigu.
L'évolution favorable après l'administration parentérale d'hémisuccinate d'hydrocortisone
est le meilleur critère diagnostique.

C. Le Traitement de l'IS aiguë


C'est une urgence médicale. Le traitement comprend l'apport parentéral d'hémisuccinate
d'hydrocortisone : chez l'adulte 100 mg IM ou IV puis perfusion IV continue 100 mg/24 heures
(à défaut bolus IV ou IM toutes les 6 heures), la correction de l'hypovolémie, de l'hypoglycémie
et des pertes hydro- électrolytiques, ainsi que le traitement de la cause de la décompensation.
Après une évolution favorable (meilleur critère diagnostique), le traitement par hydrocortisone
est ensuite repris par voie orale en triplant la dose habituelle (au minimum 60 mg/24 heures)
répartie en 3 prises au cours de la journée avec diminution progressive en quelques jours
220 Diagnostic d'une insuffisance surrénale aiguë et d'une insuffisance surrénale chronique

jusqu'aux doses habituelles. Chez les patients adultes avec IS primaire, le traitement par
fludrocortisone est repris lorsque les doses d'hydrocortisone sont inférieures à 50 mg/jour.

D. Cas particulier : nouveau-né et nourrisson


En période néonatale, le diagnostic est plus fréquemment évoqué devant des convulsions
secondaires à une hypoglycémie. Le traitement est similaire : l'apport parentéral immédiat
d'hémisuccinate d'hydrocortisone (2 mg/kg/6 à 8 heures en IM ou SC, ou/6 heures en IVD),
la correction de l'hypoglycémie et des troubles hydroélectrolytiques, de l'hypovolémie, et
le traitement de la cause de la décompensation.

E. Prévention de l'insuffisance surrénale aiguë


Il est nécessaire d'augmenter les apports en hydrocortisone dans les situations
susceptibles d'entraîner une décompensation aiguë de l'insuffisance surrénale.
L'insuffisance surrénale aiguë est souvent la conséquence de l'absence de réponse
adaptée du patient ou de son médecin à une situation aiguë. La prévention repose
donc sur l'éducation des patients et/ou des parents en pédiatrie et de leur médecin.
Une carte informant sur la pathologie, les traitements gluco- et minéralocorticoïdes
prescrits, les médecins responsables du suivi doit être remise au patient, à conserver avec
ses papiers d'identité (carte de soins et d'urgence« insuffisance surrénale»).
L'importance d'un régime normalement salé et de la prévention de la déshydratation
doivent être expliqués.
Il faut enseigner au patient la nécessité d'augmenter de lui-même les doses d'hydrocortisone
en cas d'infection, de stress traumatique ou psychologique (60 mg par jour chez l'adulte,
dose double ou triple en pédiatrie, répartie en 3 prises matin, midi et soir) ou d'exercice
physique intense et soutenu (5 à 10 mg avant l'effort).
En l'absence d'amélioration des symptômes cliniques après augmentation du traitement
per os, une injection de 100 mg d'hémisuccinate d'hydrocortisone doit être réalisée. Cette
injection peut être réalisée en SC par le patient lui-même ou un proche du patient. Pour
cela, le patient doit toujours avoir avec lui le matériel permettant l'injection d'une ampoule
d'hémisuccinate d'hydrocortisone.
221

FICHE FLASH
O Les signes de 1'15 sont déterminés par un déficit en hormones surrénaliennes: glucocorticoïdes (cortisol)
± minéralocorticoïdes (aldostérone).
0 Deux catégories d'l5 : primaire (atteinte bilatérale des surrénales) et secondaire (hypophysaire, déficit
corticotrope).
□ La gravité de 1'15 chronique est dictée par le risque de décompensation en 15 aiguë (urgence vitale).
:J Les signes biologiques généraux les plus fréquentes sont: l'hyponatrémie, l'hyperkaliémie et l'hypoglycémie
(l'hyperkaliémie est absente dans 1'15 secondaire, l'hypoglycémie plus fréquente chez l'enfant).
Cl Le diagnostic biologique repose sur une cortisolémie matinale basse (8 heures).
ü Le diagnostic est associé à une ACTH haute (15 primaire) ou basse (15 secondaire); Les valeurs d'ACTH
explique aussi la mélanodermie (15 primaire) ou la pâleur cutanée (15 secondaire).
:i Le test au Synacthène est nécessaire en cas de doute (valeurs intermédiaires, assez fréquent), montrant
une réponse insuffisante de sécrétion du cortisol. Il peut être normal dans 1'15 corticotrope récente.
O En cas de suspicion clinique d'l5, le traitement doit être initié sans attendre le bilan les résultats des
dosages hormonaux (en raison du risque de décompensation).
0 Les causes le plus fréquentes d'l5 primaire chez l'adulte sont: auto-immune (anticorps anti-21 hydroxylase),
la tuberculose et l'adrénoleucodystrophie (sexe masculin) Chez l'enfant s'y rajoute l'hyperplasie congénitale
des surrénales (déficit en 21-hydroxylase, nourrisson).
0 La plupart des formes classiques de déficit en 21-hydroxylase sont diagnostiquées lors du dépistage
systématique à J3, par le dosage de la 170H-progestérone sur papier buvard.
Cl Les causes le plus fréquentes,d'l5 secondaire (corticotrope) sont: post-corticothérapie prolongée,
adénomes hypophysaire et hypophysite (notamment iatrogène).
a Le traitement de l'IS chronique est essentiellement substitutifassociant l'hydrocortisone (glucocorticoïde)
et la fludrocortisone (minéralocorticoïde) Dans 1'15 secondaire (corticotrope), la fludrocortisone n'est
pas nécessaire.
:l Il s'associe le traitement de la cause si elle est connue.
Cl Le dosage du cortisol et de l'ACTH est inutile pour adapter les doses d'hydrocortisone. La cortisolémie
présent un intérêt (base et/ou après 5ynacthène) uniquement dans les 15 réversibles (post corticothérapie,
hypophysite iatrogène).
::.l L'insuffisance surrénale aiguë est dans la majorité des cas liée à un défaut d'éducation d'un patient avec
une 15 chronique (sauf crise inaugurale).
0 L'IS aiguë est une urgence, potentiellement mortelle, nécessitant un démarrage du traitement de
la suspicion diagnostique. Le diagnostic est clinique et soutenu par les signes biologiques généraux:
hyponatrémie, hyperkaliémie, hypoglycémie, hémoconcentration.
W Le traitement d'urgence de l'IS aiguë est l'hydrocortisone en IV (100 mg tous les 6-8 heures), ainsi que
la correction des troubles hydroélectrolytiques et hémodynamiques.
Chapitre 5. Biologie endocrine - QRM

QRM

► 1. Devant une suspicion d'insuffisance surrénale primaire, quelle(s) est (sont) le(s) para­
mètre(s) biologiques qui affirment le diagnostic :
A Une hyponatrémie
B. Une hypokaliémie
C. Une hypoglycémie
D. Une cortisolémie basse
E. Une rénine basse
Réponses : A, C, D

► 2. Parmi les propositions suivantes concernant l'insuffisance surrénale primaire, laquelle{s)


est(sont) exacte(s)?
A. Le taux d'ACTH est élevé
B. Le cortisol plasmatique de 8 heures est bas
C. L:aldostéronémie est normale
D. La rénine est basse
E. Le cortisol libre urinaire est bas
Réponses : A, B

► 3. Parmi les propositions suivantes concernant l'insuffisance surrénale, laquelle {lesquelles)


est (sont) exacte(s)?
A. L:association hyponatrémie + hyperkaliémie oriente vers une insuffisance surrénale
primaire
B. La découverte d'une insuffisance surrénale auto-immune doit conduire à la recherche
d'autres endocrinopathies auto-immunes
C. Le dosage systématique de la 17-0H Progestérone sur prélèvement buvard à J3 de vie
permet de dépister une adrénoleucodystrophie
D. Le test au Synacthène est inutile si la cortisolémie à 8 heures est inférieure à 138 nmol/I
(50 ng/ml)
E. L:association aldostérone basse - rénine élevée oriente vers une insuffisance surrénale
secondaire (corticotrope)
Réponses : A, B, D
ITEM 266
HYPERCALCÉMIE : DIAGNOSTIC
ET EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Bodalé DJOBO et Pascal PIGNY

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une hypercalcémie et connaître les examens complémentaires
pertinents pour explorer ses causes.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES TELS QUE DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE
• Savoir interpréter un dosage de calcémie totale.
• Connaître et interpréter les examens complémentaires biologiques utiles
pour le diagnostic positif et le diagnostic étiologique de l'hypercalcémie.
• Place du bilan urinaire, du dosage de la parathormone et de la PTH-rp.

1. INTRODUCTION
Au niveau du compartiment sanguin, le calcium se répartit sous trois entités différentes:
environ 50 % du calcium est sous forme ionisée: Ca2•;
Ill! environ 10 % du calcium est sous forme complexée: phosphate, citrate, sulfate;
environ 40 % est liée à la sérum albumine.
La calcémie totale mesurée en routine biologique est la somme de ces trois entités.
Le calcium ionisé Ca2 • est la forme biologiquement active capable de se lier au récepteur sensible au
calcium ou CaSR. L'acidose libère le calcium de sa liaison à la sérum albumine et accroît le calcium
ionisé. À l'inverse, l'alcalose diminue la concentration de calcium ionisé. L'hyperprotidémie majore
la calcémie totale en favorisant la redistribution du calcium des liquides extra-cellulaires vers le
compartiment sanguin.
La calcémie totale est sous la dépendance de trois flux calciques qui sont contrôlés par deux hormones
essentielles, la parathormone ou PTH produite par les glandes parathyroïdes et le calcitriol ou 1,25(0H)
vitamine D3 élaborée à partir du 7-déhydrocholestérol. Les trois flux sont:
le flux digestif: apport en calcium dont l'absorption intestinale est contrôlée positivement par le
calcitriol;
Il le flux osseux bidirectionnel: la résorption osseuse ostéoclastique majorée par la PTH augmente la
calcémie alors que l'ostéoformation ostéoblastique la diminue;
■ le flux rénal sortant: la capacité de réabsorption tubulaire de calcium détermine le niveau de la
calciurie. La PTH réduit la calciurie et accroît la phosphaturie pour éviter l'accumulation de phosphate
tricalcique insoluble. Le calcitriol réduit la calciurie.
224 Hypercalcémie : diagnostic et examens complémentaires

Le calcium ionisé (forme biologiquement active) est reconnu par le récepteur sensible
au calcium ou CaSR qui est d'expression large (parathyroïdes, thyroïde, SNC, rein).
Au niveau des cellules parathyroïdiennes, la stimulation du CaSR par les ions Ca 2+
conduit à une réduction de la biosynthèse et de la sécrétion de PTH. Inversement la
chute du calcium ionisé plasmatique induit une libération de PTH. Il y a donc une
relation inverse entre la calcémie (calcium ionisé) et la concentration plasmatique de
PTH, comme illustré ci-dessous.

PTHI (pg/ml)

80

40

20
0
1.0 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4 1.45
Ca 2+ (mmol/1)

Fig 1. Relation entre concentration sanguine de PTH et le calcium ionisé


chez un individu sain. Les zones grisées sur les axes représentent les valeurs
normales de chaque paramètre.

Il. DOSAGE DE LA CALCÉMIE TOTALE

A. Méthodes de dosage
En pratique clinique, le dosage du calcium total (dans le sang et les urines) peut être réalisé
par 3 types de méthodes.
1. Les méthodes colorimétriques
Elles utilisent différents réactifs (orthocrésolphtaléine, Bleu de méthyl thymol,
Arsenazo III) qui complexent le calcium en formant un dérivé dont la coloration est
proportionnelle à la concentration en calcium de l'échantillon à doser.
2. Les méthodes potentiométriques
Après acidification destinée à libérer le calcium de sa liaison aux protéines et de ses
complexes, le calcium total peut être mesuré en utilisant une électrode sélective.
Ces deux types de méthodes se prêtent bien à une adaptation sur les appareils automatiques
multiparamétriques de biochimie et sont utilisés en routine dans la plupart des laboratoires
de biologie clinique.
3. Les méthodes physiques
Les appareils utilisant les méthodes physiques (spectrophotométrie d'absorption
atomique, photométrie à émission de flamme) donnent de bons résultats mais sont
plus onéreux et plus rares d'utilisation en pratique courante.

B. Résultats et interprétation du dosage


Les valeurs de références sont fournies par chaque laboratoire en fonction de la technique
de dosage utilisée. En général, la calcémie totale normale varie entre 2,2 et 2,6 mmoles/l
(90 et 105 mg/1) en cas d'une protidémie normale (65-85 g/1).
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 266 225

Calcium en Calcium en
Diviser par 0.025
Millimoles/L Milligrammes/L

En fonction de l'albuminémie ou de la protidémie, la calcémie corrigée peut-être calculée


en utilisant les formules ci-dessous :

Ca corrigée (mmol/I) = Ca mesurée (mmol/I) - 0,02 [40 - Alb (g/I)]

Ou

Ca corrigée (mmol/I) = Ca mesurée (mmol/I)/[0,55+ (Prot (g/I)/160)]

On parle donc d'hypercalcémie lorsque la calcémie totale (après correction éventuelle) est
supérieure à 2,6 mmol/1 soit 105 mg/1.

Ill. DOSAGE DU CALCIUM IONISÉ


Le dosage du calcium ionisé Ca2•, forme biologiquement active, est utile dans l'exploration
du métabolisme calcique et dans certaines situations d'urgence (transfusions massives,
grands brûlés).
Le calcium ionisé peut être dosé au laboratoire à l'aide d'une électrode spécifique. La
fiabilité du résultat dépend du respect des conditions préanalytiques strictes : seringue
de gaz du sang acheminé immédiatement au laboratoire dans de la glace ou tube sec
sans anticoagulant congelé dans l'heure, après centrifugation. Les concentrations
de calcium ionisé normales varient dans un intervalle étroit autour de 1,2 mmoles/1
(1,15-1,35 mmoles/1). Au-delà de 1,40 mmol/1 se situe l'hypercalcémie.
À défaut de le doser précisément, certains auteurs utilisent des formules plus ou moins
sophistiquées pour évaluer la concentration en calcium ionisé en tenant compte de plusieurs
paramètres. Cependant, aucune formule n'a pu montrer une réelle concordance avec le
dosage réel.

IV. DOSAGE DE LA PARATHORMONE OU PTH


La PTH est une hormone polypeptidique de 84 acides aminés, fragile et rapidement dégradée
par des enzymes protéolytiques, et libérant des fragments N-terminaux partiellement actifs
s'ils renferment la région 1-7 et des fragments C-terminaux inactifs s'ils ne renferment
pas cette région.
Actuellement, la PTH est mesurée par des dosages immunométriques "sandwich"
utilisant deux anticorps monoclonaux différents. On distingue :
les dosages dits de 2• génération (les plus nombreux) dont les anticorps reconnaissent
des épitopes localisés au-delà du 7• amino-acide. Les dosages reconnaissent donc à la
fois la PTH 1-84 ou PTH intacte (PTHi) et les fragments C-terminaux inactifs dont
le fragment 7-84 majoritaire;
■ les dosages de 3• génération (moins nombreux) dont l'un des anticorps cible l'ex-
trémité de la région N-terminale. Ils reconnaissent la PTH 1-84.
À l'heure actuelle, la plupart des laboratoires continuent à utiliser les dosages de 2• génération
car les recommandations internationales, et les seuils décisionnels acceptés reposent sur
leur utilisation. Pour interpréter correctement un dosage de PTH, il faut doser la calcémie
226 Hypercalcémie : diagnostic et examens complémentaires

totale, la protidémie, la phosphorémie, la concentration en calcidiol, et la créatininémie


(et/ou le débit de filtration glomérulaire).
En l'absence d'insuffisance rénale, et d'hypovitaminose D, les valeurs plasmatiques de
PTH sont comprises entre 10 et 55 pg/ml.
En cas de carence en vitamine D, la PTH s'élève au-delà de 55 pg/ml (hyperparathyroïdie
secondaire très fréquente dans la population générale).
En cas d'insuffisance rénale chronique (IRC), la concentration en PTH mesurée avec un
dosage de 2• génération augmente fortement en raison de l'accumulation des fragments
C-terminaux d'une demi-vie longue, et/ou de l'hyperparathyroïdie secondaire à l'IRC
(compensation de la baisse de calcium ionisé).

V. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES HYPERCALCÉMIES


Les deux causes les plus fréquentes sont l'hyperparathyroïdie primaire (PTH élevée)
et l'hypercalcémie paranéoplasique (PTH basse).
Le dosage de la PTH est l'examen biologique de première intention.
PTH élevée ou normale supérieure (mais inadaptée à la valeur de calcémie).
► Le diagnostic à évoquer en première intention est celui d'hyperparathyroïdie
(HPT) primaire qui est fréquente chez le sénior et en particulier la femme méno­
pausée où sa fréquence peut atteindre 3 %. Des lésions développées au niveau des
glandes parathyroïdes (adénome, hyperplasie) sont responsables d'une sécrétion
exagérée et autonome de PTH. Les modifications du bilan phosphocalcique sont
caractéristiques, et doivent être observées après correction d'une éventuelle
carence en vitamine D : hypercalcémie souvent franche chez les patients
symptomatiques (>3 mmoles/1) associée à une hypophosphorémie (< 25 mg/1),
accompagnée d'une phosphaturie accrue (Normales:200-1000 mg/24 heures)
tandis que la calciurie est conservée (Normales:< 250 mg/24 heures chez la
femme; < 300 mg/24 heures chez l'homme). En dépit de l'effet stimulant de la
PTH sur la réabsorption tubulaire de calcium, la quantité de calcium ultrafiltré
est très élevée avec une fuite urinaire de calcium.
► À noter que chez une majorité de patients européens et nord-américains, la
découverte de l'HPT primaire est fortuite, à l'occasion d'un bilan biologique de
routine. Les patients sont cliniquement asymptomatiques et l'hypercalcémie
généralement modérée (2,6-2,85 mmol/1). L'HPT primaire est dans la grande
majorité des cas de nature sporadique. Très rarement elle peut être génétique­
ment déterminée et révélatrice d'une néoplasie endocrinienne de type 1 (NEMl).
► Beaucoup plus rarement, le tableau hypercalcémie et PTH normale peut résulter
d'une hypercalcémie-hypocalciurie familiale causée par une mutation inac­
tivatrice du gène CaSR. L'hypercalcémie ne parvient plus à freiner la sécrétion
parathyroïdienne de PTH. Les patients présentent une diminution de la calciurie
qui est le paramètre le plus important pour faire le diagnostic différentiel d'une
HPT primaire.

■ Hypercalcémie à PTH basse


► En l'absence de tout problème biologique lié à un prélèvement inadapté (d'où
possible dégradation de la PTH), on peut exclure une hyperparathyroïdie
primaire.
► Les causes à évoquer sont:
• une hypercalcémie paranéoplasique, soit liée à une prolifération
tumorale intra-médullaire (myélome) ou à la production par une
tumeur extra-osseuse d'un polypeptide apparenté à la PTH, le PTH­
rp. En raison d'une similitude structurale avec la PTH, le PTH-rp
Chapitre 5. Biologie endocrine - ITEM 266 227

a une action de type PTH-like. Physiologiquement, il est produit


par le placenta et par la glande mammaire lors de la lactation. Pour
rechercher ces deux étiologies, il convient de réaliser une électrophorèse
des protéines du plasma associé à une immunofixation à la recherche
d'une dysglobulinémie monoclonale importante (> 30 g/1), et un dosage
sanguin de PTH-rp;
• une hypervitaminose D, soit par intoxication/surdosage (nouveau-né,
personne âgée), soit d'origine endogène (sarcoïdose, autre granuloma­
tose) par expression excessive de la 1-alpha-hydroxylase. La recherche
de cette étiologie nécessite de compléter le bilan biologique par le dosage
sanguin de la 25 (OH) vitamine D ou calcidiol et de la 1,25 (di-OH)
vitamine D ou calcitriol à la recherche d'une augmentation;
• une hyperthyroïdie que l'on recherche par un dosage de TSH sanguine
(voir item 240);
• une hypercalcémie par immobilisation dans le cadre de pathologies
neurologiques: PTH basse, PTH-rp indétectable, absence de dysglobu­
linémie monoclonale.
228

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Cavalier E., et al. Ann Endocrinol. 2015; 76: 128-133.

+ Gidenne S. et al., Ann Biol Clin. 2003; 61 : 393-399.

+ MacFarlane D.P., et al. Ann Endocrinol. 2015; 76: 120-127.


CHAPITRE 6. BIOLOGIE NEUROLOGIQUE

ITEM 95

DIAGNOSTIC
D'UNE POLYRADICULONEVRITE
AIGUE INFLAMMATOIRE
Franck STURTZ

OBJECTIFS D 'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer un syndrome de Guillain-Barré.
• Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


• Connaître les signes biologiques classiques d'une polyradiculonévrite
aiguë inflammatoire.
• Reconnaître des formes atypiques et les diagnostics différentiels.

1. INTRODUCTION
La polyradiculonévrite aiguë inflammatoire classique (PRNA) a été décrite en 1916 par Guillain, Barré et
Strohl et souvent appelée Syndrome de Guillain-Barré (GBS). Elle peut mettre en jeu le pronostic vital du
patient et doit donc être diagnostiquée le plus rapidement possible car des traitements de ses complications
existent (insuffisance respiratoire, tétraplégie flasque) et limitent d'éventuelles séquelles à long terme. Le
signe biologique majeur, la dissociation alhumino-cytologique, reste un élément très important de
la phase diagnostique initiale et permet d'éliminer d'autres diagnostics.

Il. TABLEAU CLINIQUE ÉVOCATEUR DE POLYRADICULONÉVRITE AIGUË


INFLAMMATOIRE ET DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Le syndrome GBS est une maladie auto-immune qui survient avec une fréquence de 1 à 2 pour 100 000
personnes par an avec un sex ratio de 3 hommes pour 2 femmes. Sa prévalence augmente avec l'âge,
mais cette maladie peut toucher les adultes jeunes, les adolescents voire même les enfants chez qui
l'errance diagnostique est souvent longue (3-4 semaines).
Ce syndrome survient dans 70 % cas environ, 2 à 3 semaines après une infection rhinopharyngée, pulmonaire
ou digestive. Plusieurs agents infectieux ont été mis en évidence dont Campylobacter jejuni, Cytomegalovirus
(CMV), Epstein-Barr virus (EBV), Mycoplasma pneumoniae, Hœmophilus influenzae, virus Influenza A virus.
La démarche diagnostique repose sur la présence de :
1. signes cliniques : faiblesse progressive et symétrique des 4 membres, hypo ou aréflexie ostéotendi­
neuse, douleurs (dorsales et lombaires);
230 Diagnostic d'une polyradiculonevrite aigue inflammatoire

■ 2. signes biologiques (Ponction lombaire avec une dissociation albumino-cytologique);


3. signes électroneuromyographiques (ENMG) : polyneuropathie démyélinisante
avec augmentation des latences distales et des latences des ondes F, diminution des
vitesses de conduction nerveuse avec phénomène de blocs de conduction. Des formes
axonales sont décrites depuis les années 1990, au cours desquelles peuvent survenir
des dysfonctionnements axonaux aigus réversibles suivis ou non d'une perte axonale
plus ou moins importante;
■ 4. l'élimination de diagnostics différentiels.

Ill. LES SIGNES BIOLOGIQUES PRÉSENTS DANS LE LCR


Le signe biolo gique princip al des p olyradiculonévrites aig uës inflammatoires est
la dissociation albumino -c ytolo gique du LCR, c'est-à-dire l'augmentation de la
p rotéinorachie sans augmentation notable de la cellularité du LCR.
Augmentation de la protéinorachie.
► L'augmentation de la protéinorachie est liée à une augmentation du passage de
toutes les protéines plasmatiques dans le LCR par un mécanisme transsudatif.
Cette augmentation est progressive au cours de la maladie, et présente dans
80 % des cas 7 jours après le début des troubles moteurs. L' hyperprotéinorachie
est importante pour le diagnostic positif mais son absence ne saurait éliminer
le diagnostic si les symptômes sont très évocateurs de GBS. La protéinorachie
se situe le plus souvent entre 1 et 2 g/1 et cette augmentation n'est pas corrélée
à la gravité ni à l'évolutivité de la maladie. Il n'y a pas de différence significative
homme/femme. Les différentes fractions protéiques plasmatiques sont présentes :
albumine mais aussi protéines du Complément (C3, C4), immunoglobulines (IgG,
IgA, IgM), cytokines et chimiokines.
► Après quelques jours d'évolution, l'hyperprotéinorachie est parfois associée à
une synthèse intrathécale d'immunoglobulines (processus exsudatif) par les
cellules inflammatoires.
► En phase de convalescence, cette hyperprotéinorachie se normalise mais trop
lentement pour être utilisée comme marqueur de suivi thérapeutique.

■ Faible cellularité du LCR.


► Dans le cas classique de GBS, le LCR contient parfois un nombre de cellules
polynucléaires et de lymphocytes supérieur à la normale (N < 2/mm3) mais ce
nombre est souvent faible au regard de la protéinorachie nettement élevée. Le plus
souvent (85 %), la cellularité est de l'ordre de 3 à 10 cellules/mm3 • Une cellularité
plus élevée est possible (dans 15 % cas : entre 10 et 50/mm3) mais doit aussi faire
suspecter une autre étiologie, comme une primo-infection HIV, une infection
à CMV, une maladie de Lyme (borréliose), une méningite carninomateuse ou
lymphomateuse, une sarcoïdose ou une poliomyélite. La faible cellularité asso­
ciée à une hyp erprotéinorachie réalise la dissociation albuminoc ytolo gique,
très évocatrice de GBS.

■ Conditions de réalisation de la PL.


► On rappelle que la Ponction Lombaire doit être réalisée dans de bonnes condi­
tions techniques pour pouvoir donner le maximum d'informations au médecin.
En particulier, la PL ne doit pas contenir de globules rouges (N < 2/mm3) pour
que la cellularité des globules blancs soit interprétable.
Chapitre 6. Biologie neurologique - ITEM 95 231

IV. SIGNES BIOLOGIQUES PRÉSENTS DANS LE SANG


Il n'y a pas de signe biologique dans le sang des patients qui permette une confirmation
diagnostique du syndrome de Guillain-Barré. Des signes d'infection ou de virose en voie
de régression peuvent être présents mais ceux-ci ne sont pas spécifiques.
On peut être amené à réaliser des dosages d'anticorps anti-gangliosides dans le sang (anti­
GMla, anti-GMlb, anti-GDla, anti-GDlb, GD3, GTla, GQlb)surtout s'il s'agit d'uneforme
atypique de GBS. Mais ces dosages, s'ils permettent de mieux comprendre les mécanismes
de la neuropathie, n'influenceront pas la prise en charge thérapeutique.
L'une des complications du GBS étant la survenue de thromboses veineuses profondes
(phlébites des membres inférieurs), un dosage des D-dimères peut être demandé si besoin.

V. FORMES CLINIQUES DE GBS


Il existe plusieurs formes cliniques moins typiques du syndrome de Guillain-Barré: (i)
la neuropathie axonale motrice aiguë (Acute motor axonal neuropathy, AMAN), (ii) la
neuropathie axonale sensori-motrice aiguë (Acute motor and sensory axonal neuropathy,
AMSAN), (iii) le Syndrome de Miller-Fisher et (iv) le syndrome de Bickersta.ff.
Les deux premièresformes, la neuropathie axonale motrice aiguë et la neuropathie axonale
sensori-motrice aiguë ne présentent pas de différence avec les signes biologiques classiques
du GBS, c'est-à-dire une dissociation albumino-cytologique dans le LCR mais on ne retrouve
pas de signe de démyélinisation à l'examen électroneuromyographique (ENMG). Dans ces
cas, les anticorps pathologiques sont dirigés contre les axones des nœuds de Ranvier des
nerfs périphériques et non contre les cellules de Schwann comme dans le cas classique.
Dans le cas du syndrome de Miller-Fisher et du syndrome de Bickerstaff, les signes cliniques
associent ceux du GBS classique à d'autres signes, en particulier une ophtalmoplégie
(diplopie), une ataxie, des signes pyramidaux et une diplégiefaciale, en plus de la parésie
et de l'hyporéflexie des membres. Cependant, la biologie du LCR sera souvent équivalente
à celle du GBS classique.

VI. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS


Plusieurs diagnostics sont à considérer devant un tableau clinique de baisse progressive
de la force musculaire associée à des troubles sensitifs.
■ Une polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique, PRNC
(Chronic inflammatory demylenating polyneuropathy, CIDP).
► Le principal diagnostic différentiel du GBS est la polyradiculonévrite inflam­
matoire démyélinisante chronique ou PRNC. À son début, les signes cliniques,
biologiques et électroneuromyographiques peuvent être très semblables.
Cependant, l'évolution est souvent beaucoup plus lente que dans une GBS
classique, avec une baisse de la force musculaire prédominante aux membres
inférieurs et asymétrique (steppage). On note aussi des signes sensitifs à type de
paresthésies (brûlures, décharges électriques) en chaussette. L'étude du LCR
montre une dissociation albuminocytologique. Une gammapathie monoclonale et
un diabète doivent être recherchés. Ces PRNC sont sensibles à la corticothérapie
(alors que les GBS ne le sont pas) mais le traitement doit souvent être prolongé
pendant des mois, voire des années.

■ Une compression médullaire.


► La présentation clinique de cette étiologie peut présenter des analogies avec
celle d'un GBS. Cependant, la PL est fortement contre-indiquée car elle peut
entraîner une décompensation brutale de la compression. Il faut donc bien faire
232 Diagnostic d'une polyradiculonevrite aigue inflammatoire

la différence et rechercher un syndrome lésionnel, sous-lésionnel et rachidien, si


ce diagnostic est évoqué, l'IRM médullaire en urgence étant l'examen de choix. Si
une PL est réalisée, elle retrouvera souvent une dissociation albuminocytologique.
L'ENMG est en revanche très différent de celui du GBS.

Il Une sclérose latérale amyotrophique.


► Les différences principales entre une SLA et un GBS sont l'asymétrie de la baisse
de force musculaire des membres, la présence d'un syndrome pyramidal avec en
particulier une hyperréflexie ostéotendineuse et un signe de Babinski. L'étude du
LCR ne montre pas d'anomalie notable. L'ENMG est très différent de celui d'un
GBS, montrant des signes diffus de dénervation.

■ Une myasthénie (Myasthenia gravis).


► Une baisse de la force musculaire majorée à l'effort, souvent avec un ptosis bila­
téral, doit faire envisager une myasthénie. L'ENMG est informatif mais nécessite
que le neurologue soit averti. La PL n'a pas d'intérêt et indiquera un LCR normal.

■ Une attaque de porphyrie aiguë.


► Les porphyries aiguës sont des maladies touchant la chaîne de synthèse de !'hème,
qui peuvent donner des parésies, voire des paralysies, souvent accompagnées de
douleurs intenses mal systématisées (abdomen). Elles surviennent souvent au
décours d'une intervention chirurgicale ou d'une prise de médicament. L'errance
diagnostique est souvent observée dans ce cas. Le diagnostic repose sur les dosages
sanguins et fécaux des précurseurs de !'hème (porphyrines). Le LCR, si la PL est
réalisée, ne montre pas d'anomalie caractéristique.

■ Un empoisonnement avec une neurotoxine (morsure de serpent, toxine marine, pyri­


nuron, nerprun (bourdaine), organophosphate, n-hexane).
■ Une intoxication avec un métal lourd tel que /'Arsenic.
Il Une infection: botulisme, poliomyélite, encéphalite du Nil occidental (West Nile),
VIH, CMV, Maladie de Lyme, diphtérie.
Il Une carence marquée en vitamine Bl2 (Maladie de Biermer).
Ill Une anomalie métabolique (hypermagnésémie, hypophosphatémie).
■ Un effet secondaire lié à un médicament: amiodarone, cytarabine, streptokinase,
suramine.
■ Une vascularite.
233

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Amarenco P., Sauron B., Schuller E., Chain F., Castaigne P. Serum and CSF humoral
immunity in Guillain-Barré syndrome: clinical correlations. J. Neural. Sei. 1987 Sep;
80(2-3):129-42.

+ van den Berg B, Walgaard C, Drenthen J, F okke C, Jacobs BC, van Doorn PA. Guillain­
Barré syndrome: pathogenesis, diagnosis, treatment and prognosis. Nat Rev Neural.
2014 Aug; 10(8):469-82. doi: 10.1038/nrneurol.2014.121.

+ Donofrio PD. Guillain-Barré Syndrome. Continuum (Minneap Minn) . 2017


Oct; 23(5, P eripheral Nerve and Motor Neuron Disorders) : 1295-1309. doi:
10.1212/CON.0000000000000513.

+ llles Z., Blaabjerg M. Cerebrospinal fluid findings in Guillain-Barré syndrome and


chronic inflammatory demyelinating polyneuropathies. Handb Clin. Neural. 2017; 146:
125-138. doi : 10.1016/B978-0-12-804279-3.00009-5.
Chapitre 6. Biologie neurologique - QCM

QCM

► 1. Un patient de 32 ans arrive aux Urgences à 9 h 00 pour troubles de la marche (parésie


bilatérale des membres inférieurs) qui sont apparus depuis la veille au soir vers 21 h. Il
présente des douleurs dorsales lombo-sacrées mal systématisées et une hyporéflexie
ostéotendineuse aux 4 membres. La PL retrouve les éléments suivants:

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 0,35 g/I N <0,4 g/I
GR <2 mm3 <2 mm3
GB 4/mm3 <2 mm3
Glycorachie 4 mmmol/I N > 60 % de la glycémie
Natrirachie (Na•) 134 mmol/I
Kalirachie (K•) 2,9 mmol/I
Chlorurorachie (Cl·) 112 mmol/I

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants :


A. Ces chiffres sont caractéristiques du syndrome de Guillain-Barré
B. Ces chiffres éliminent de façon certaine le diagnostic du syndrome de Guillain-Barré
C. La PL n'a pas été réalisée dans de bonnes conditions car le chiffre des Globules Rouges
est trop bas
D. Ces chiffres n'éliminent pas le diagnostic du syndrome de Guillain-Barré car la PL a
peut-être été réalisée avant la survenue de l'hyperprotéinorachie habituelle dans le
syndrome de Guillain-Barré
E. Ces chiffres peuvent révéler une compression médullaire
Réponses : D, E

► 2. Une patiente de 42 ans, consulte son médecin traitant car elle est très fatiguée et a du
mal à se mettre debout depuis plus d'une semaine. Cela survient 2 semaines après la
fin d'une forte rhinopharyngite. À l'examen clinique, on relève une baisse de la force
musculaire des releveurs et des extenseurs des pieds à 3/5 aux deux membres infé­
rieurs. À l'ENMG, on relève des signes de démyélinisation avec baisse des vitesses
de conduction nerveuse. Une ponction lombaire est réalisée et montre les résultats
suivants:

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 1,35 g/I N <0,4 g/I
Globules rouges <2 mm3 <2 mm3
Globules blancs <2/mm3 <2 mm3
Glycorachie 3,5 mmmol/I N > 60 % de la glycémie
Natrirachie (Na•) 133 mmol/I
Kalirachie (K•) 2,8 mmol/I
Chlorurorachie (Cl-) 111 mmol/I
Chapitre 6. Biologie neurologique - QCM

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants :


A. Le nombre de globules rouges indique que la PL a probablement été réalisée dans de
bonnes conditions ce qui permet d'interpréter le nombre de globules blancs
B. La faible glycorachie indique une pullulation microbienne probable
C. Ces résultats sont compatibles avec un syndrome de Guillain-Barré
D. Ces résultats sont compatibles avec une myasthénie (myasthenia gravis)
E. Ces résultats montre une dissociation albuminocytologique
Réponses : A, C, E

► 3. Un patient de 24 ans, consulte son médecin traitant car il est très fatigué, a du mal à
se mettre debout depuis plus de 2 semaines. Il se plaint de paresthésies (brûlures,
décharges électriques) dans les pieds et les mains. Une ponction lombaire est réalisée
et montre les résultats suivants:

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 1,55 g/I N < 0,4 g/I
Globules rouges <2 mm 3 <2mm 3
Globules blancs 74/mm 3 <2mm 3
Glycorachie 3,5 mmmol/I N > 60 % de la glycémie
Natrirachie (Na•) 133 mmol/I
Kalirachie (K•) 2,8 mmol/I
Chlorurorachie (Cl") 111 mmol/I

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants :


A. Ces résultats montrent une dissociation albuminocytologique
B. Ces résultats sont classiquement retrouvés dans les cas du syndrome de Guillain-Barré
C. Le nombre de globules blancs est trop élevé pour évoquer un syndrome de Guillain-Barré
typique
D. Lhyperprotéinorachie peut faire évoquer le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique
E. Une cause virale (CMV, HIV) doit être évoquée devant ces résultats et ce tableau clinique
Réponses : C, E

► 4. Une patiente de 33 ans, le lendemain d'une intervention chirurgicale bénigne (résection


d'un lipome du bras droit) réalisée sous anesthésie loco-régionale, se plaint d'une
baisse marquée de la force musculaire des membres inférieurs et des mains, de
douleurs abdominales diffuses, de vertiges et d'anxiété. Les réflexes ostéotendineux
sont présents, vifs, légèrement polycinétiques et diffusés. Les urines sont anormalement
foncées selon la patiente. Une ponction lombaire est réalisée qui montre les résultats
suivants:

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 0,35 g/I N < 0,4 g/I
Globules rouges <2 mm 3 <2mm 3
Globules blancs <2/mm 3 <2mm 3
Glycorachie 3,9 mmmol/I N > 60 % de la glycémie
Natrirachie (Na•) 135 mmol/I
Kalirachie (K•) 2,8 mmol/I
Chlorurorachie (Cl") 110 mmol/I
Chapitre 6. Biologie neurologique - QCM

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants


A. Les résultats du LCR sont compatibles avec un syndrome de Guillain-Barré vu au début
de son évolution et avant l'apparition de la dissociation albumino-cytologique
B. Ce tableau clinique est classiquement retrouvé dans le syndrome de Guillain-Barré
C. Ce tableau clinique et les résultats du LCR doivent faire rechercher une autre cause
qu'un syndrome de Guillain-Barré
O. Ce tableau clinique et les résultats du LCR peuvent faire évoquer une cause virale (CMV,
HIV)
E. Ce tableau clinique et les résultats du LCR peuvent faire évoquer une maladie de la
synthèse de l'hème (Porphyrie)
Réponses : A, C, E
ITEM 106

DIAGNOSTIC D'UNE MALADIE


D'ALZHEIMER
Sylvain LEHMANN et Franck STURTZ

OBJECTIFS D 'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer un syndrome confusionnel, savoir évoquer un hématome sous­
durai chronique.
• Diagnostiquer un syndrome démentiel, une maladie d'Alzheimer.
• Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient en abordant les
problématiques techniques, relationnelles, éthiques, organisationnelles consécutives
à l'évolution de la maladie.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les signes biologiques d'une maladie d'Alzheimer.
• Connaître les difficultés pré-analytiques des marqueurs de la maladie.
• Reconnaître les diagnostics différentiels.

1. INTRODUCTION
La maladie d'Alzheimer (MA) est la pathologie neurodégénérative la plus fréquente et représente à elle seule
60 à 80 % des démences. La prévalence de la maladie est en constante progression avec le vieillissement
de la population lié à l'augmentation de l'espérance de vie. La MA touche plus de 900 000 personnes en
France (plus de 35 millions dans le monde) et plus de 200 000 nouveaux cas sont recensés chaque année
en France. Le diagnostic de la MA, préalable indispensable à la prise en charge des patients, constitue un
enjeu sociétal et économique important. Il n'existe pas actuellement de traitement curatif de la maladie
mais de nombreux essais thérapeutiques sont en cours. Ces derniers se focalisent sur les formes précoces
de la maladie et des traitements préventifs chez les personnes à risques sont même envisagés. C'est l'une
des raisons pour lesquelles le diagnostic biologique précoce est particulièrement important.

Il. DESCRIPTION MOLÉCULAIRE DE LA MA


La MA est associée à deux anomalies histologiques principales : les plaques amyloïdes et la
dégénérescence neurofibrillaire (DNF).
Les plaques amyloïdes correspondent aux agrégats, plus ou moins organisés, de peptides amyloïdes
A�l-42. Ces peptides proviennent du clivage d'une protéine membranaire des neurones, la protéine
APP, dont le gène est situé sur le chromosome 21. Il existe d'autres peptides A� issus de la dégradation
de l'APP qui sont moins amyloïdogéniques, comme le peptide A�l-40.
238 Diagnostic d'une maladie d'Alzheimer

Protéine
APP Plaque ..
amyloïde
....--

I
a-sécrétase 13-sécrétase v-sécrétase Peptide
(P_s1_/_Ps_2, Al31-42
__ _

Vole non-amyloïdo&énlque Vole amyloïdogénlque

Métabolisme de la protéine APP

La DNF, deuxième élément de la neuropathologie de la MA, correspond à l'accumulation


d'agrégats fibrillaires dans le cytoplasme des neurones. Ceux-ci sont constitués de
protéines Tau et de ses formes hyperphosphorylées (p-Tau). La protéine Tau est une
protéine intraneuronale qui stabilise le réseau microtubulaire des neurones et participe
ainsi au transport axonal. Ces deux types de lésions, plaques amyloïdes et DNF, ne
sont pas retrouvées uniquement dans la MA, mais elles en représentent cependant une
caractéristique essentielle, et vont aussi guider le diagnostic biologique de la maladie.

Ill. FORMES SPORADIQUES, FAMILIALES ET FACTEURS DE RISQUE


GÉNÉTIQUE
La majorité des MA (95 %) ne sont pas génétiques, mais sporadiques, à un âge souvent
élevé (2 à 4 % des personnes de plus de 65 ans, 15 % des personnes de plus de 80 ans).
Ces MA sont souvent considérés comme à début tardif (Late onset Alzheimer disease,
LOAD).
Le facteur de risque génétique principal de la MA est l'apolipoprotéine E (ApoE) par son
isoforme E4 qui augmente d'environ 3 fois par allèle, le risque de développer la maladie.
Un patient hétérozygote E4/E2 ou E4/E3 aura donc un risque relatif trois fois plus élevé et
un patient homozygote E4/E4 aura un risque relatif 10 à 15 fois supérieur à la population
générale. La détermination du statut ApoE n'est cependant pas utile pour affirmer le
diagnostic sachant que les patients MA sont à peu près 50 % à être E4 positifs. D'autres
variants de gènes ont été identifiés comme facteurs de risque de MA mais leur impact
pathogénique est beaucoup plus faible que ce variant du gène APOE.
Environ 5 % de MA sont d'origine génétique. Ces cas sont dus à des mutations
autosomiques dominantes dans les gènes codant soit l'APP (le précurseur des peptides
A�), soit les présénilines-1 ou 2 (PS1/PS2). Ces formes génétiques ont un début souvent très
précoce, avant 55 ans le plus souvent, parfois avant 40 ans (Early onset Alzheimer disease,
EOAD). Des mutations sont aussi décrites pour la protéine Tau, mais celles-ci provoquent
des démences fronto-temporales distinctes de la MA. Dans les formes familiales ou très
précoces de MA, la recherche de mutations par séquençage des gènes impliqués est de
rigueur.

IV. TABLEAU CLINIQUE ÉVOCATEUR D'UNE MALADIE D'ALZHEIMER


ET DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Les formes débutantes (prodromales) de la MA se manifestent principalement par des
troubles cognitifs comportant une atteinte de la mémoire épisodique. La MA évolue
classiquement sur une longue période (> 5-7 ans) avec une augmentation des atteintes
cognitives, mnésiques mais également exécutives, et une perte d'autonomie pour les gestes
de la vie quotidienne. Dans les phases très avancées de la maladie, on retrouve des troubles
Chapitre 6. Biologie neurologique - ITEM 106 239

du comportement, la perte d'autonomie devient totale et le décès survient souvent par une
complication générale due à l'état grabataire.
En présence d'un trouble cognitif exploré initialement par un bilan neuropsychologique, il
faut dans un premier temps exclure les causes«curables» de démences. Au bilan biologique
standard devra être ajouté un dosage de thyréostimuline (TSH), de la vitamine Bl2, des
folates, et une sérologie syphilitique et VIH en fonction du contexte. Une IRM cérébrale est
indispensable pour écarter des causes non dégénératives (tumeurs cérébrales, hydrocéphalie
à pression«normale», hématome sous-durai chronique) et rechercher une atrophie cérébrale.
Le diagnostic de la MA repose ainsi sur des données multidisciplinaires (anamnestiques,
cliniques, d'imagerie et neuropsychologiques), mais aussi sur le dosage dans le liquide
céphalo-rachidien (LCR) de marqueurs biochimiques, en particulier chez les patients
jeunes et dans les formes atypiques. Il s'agit d'un diagnostic positif probabiliste, le
diagnostic de certitude étant apporté par l'examen neuropathologique, impossible
à réaliser du vivant du patient. Ce diagnostic fait souvent appel à des consultations
«mémoire» organisées par les 22 Centres de Mémoire de Référence et de Recherche
(CMRR) couvrant l'ensemble du territoire français.

V. LES SIGNES BIOLOGIQUES PRÉSENTS DANS LE LCR


Dans le cadre de la MA, l'étude du LCR prend tout son intérêt dans les cas compliqués
ou dans les formes précoces. Elle peut aussi être utile pour le patient ou la famille.
Ainsi, l'intérêt de la ponction lombaire (PL) sera discuté sur la base de considérations
techniques (geste invasif), médicales (intérêt diagnostique) et éthiques (diagnostic
précoce). Il faut noter que les nouveaux critères diagnostiques internationaux des
démences intègrent dans la définition de la MA, les marqueurs du LCR. Actuellement,
trois types de dosages de biomarqueurs du LCR sont utilisés en routine : les peptides
amyloïdes Al3 1-42 et 1-40, la protéine Tau et sa forme phosphorylée p-Tau. Ces
biomarqueurs permettent de diagnostiquer une MA, y compris à des stades très
précoces de la maladie.
Conditions de réalisation de la PL.
► On rappelle que la PL doit être réalisée dans de bonnes conditions techniques pour
pouvoir donner le maximum d'informations. Un point important réside dans la
vulnérabilité pré-analytique des peptides Al3 qui peuvent s'adsorber très vite sur
des parois de tubes inappropriés. Ainsi, la concentration de ces peptides Al3 peut
varier de plus de 50 % selon le type de tube de collection utilisé. Il faut donc veiller
à suivre scrupuleusement les recommandations de prélèvement et de transport
fournies par le laboratoire de biologie médicale (LBM) en charge des dosages.

■ Résultats bruts de l'analyse du LCR.


► Les valeurs biologiques classiques du LCR (protéinorachie, glycorachie, chloru­
rorachie, cellularité) ne sont pas modifiées dans la MA et on ne retrouve pas non
plus de réaction immunitaire comme dans d'autres pathologies neurologiques
(sclérose en plaques).
► En revanche, il existe une diminution de la concentration des peptides Al31-42
en valeur brute. Cette diminution des peptides Al31-42 dans le LCR, s'explique
par le fait que ces peptides Al31-42, produits parfois en quantité trop importante,
s'agrègent en plaques amyloïdes dans le parenchyme cérébral. On peut sensibi­
liser la mesure du peptide Al31-42 en dosant le peptide Al31-40 et en calculant le
rapport Al31-42/Al31-40. Ce rapport est souvent diminué car le peptide Al31-42
s'agrège (et donc diminue à l'état libre dans le LCR) alors que le peptide Al31-40
s'agrège beaucoup moins.
► En parallèle, on observe une augmentation de la protéine Tau et de la protéine
p-Tau liée à la neurodégénérescence et à la mort neuronale. Les valeurs seuils
sont données par le LBM réalisant les dosages.
240 Diagnostic d'une maladie d'Alzheimer

Il Interprétation des marqueurs du LCR.


► La diminution du peptide A�l-42 (ou du rapport A�l-42/A�l-40) est un
marqueur précoce mais moins spécifique de l'augmentation concomitante
des protéines Tau et p-Tau. La protéine Tau peut s'élever aussi dans un grand
nombre d'autres atteintes neurologiques qui induisent une lyse neuronale
(AVC, crise comitiale, maladie à prions, démences fronto-temporales) et
ceci contrairement à p-Tau qui est plus spécifique de la MA. Pour faciliter
l'interprétation des trois types de marqueurs (amyloïde, Tau et p-Tau) il est
possible de les combiner pour obtenir un score probabiliste du diagnostic
d'une MA. Le score PLM établit quatre classes selon le nombre de marqueurs
pathologiques, variant donc de O à 3. La classe O est associée à une probabilité
de MA inférieure à 10 %, la classe 1 : inférieure à 25 %, la classe 2 : supérieure
à 75 % et la classe 3 : supérieure à 90 %.

VI. SIGNES BIOLOGIQUES PRÉSENTS DANS LE SANG


Il n'existe pas de marqueurs biologiques sanguins permettant d'établir une confirmation
diagnostique de la MA. De nombreux dosages innovants, par spectrométrie de masse ou
par immuno-détection ultrasensible, ont été récemment mis au point pour les peptides
amyloïdes, ou pour des marqueurs d'atteinte neuronale comme les neurofilaments.
Ces dosages pourraient être utiles dans l'avenir, pour sélectionner les personnes à
risque de développer la maladie et pouvant bénéficier d'un traitement préventif.

VII. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS


Devant un tableau clinique d'atteinte cognitive évoquant dans un premier temps une
MA et après avoir écarté par l'imagerie et par la biologie classique les causes «curables»,
d'autres pathologies peuvent être évoquées.
Une Maladie de Creutzfeldt-Jakob qui présente au départ une atteinte cognitive
qui va évoluer très rapidement. Elle va être associée dans le LCR à une très forte
augmentation de la protéine Tau, en l'absence d'augmentation significative de p-Tau.
■ Une démence frontale (dégénérescence lobaire frontotemporale [DLFT]) carac­
térisée principalement par des troubles comportementaux. On peut observer une
augmentation isolée et modérée de la protéine Tau dans le LCR mais il n'y a pas de
baisse du peptide A�l-42.
■ Une démence à corps de Lewy qui est généralement associée à des troubles psychia­
triques (hallucinations, dépression sévère, troubles psychotiques) ou un syndrome
parkinsonien. L'examen du LCR est le plus souvent normal.
■ Une dépression qui se manifeste par des troubles mnésiques. L'examen du LCR est
normal et un traitement d'épreuve par antidépresseurs peut être utile pour le diagnostic.

Tableau récapitulatif des modifications du LCR dans la MA et diagnostic différentiel

Ajl1-42 Protéine Tau Protéine p-Tau


Maladie d'Alzheimer Abaissée Augmentée Augmentée
Maladie de Creutzfeld-Jakob N Fortement augmentée N
Démence lobaire fronto-temporale RN N ou un peu augmentée N
Démence à corps de Lewy N N N
Dépression N N N
241

POUR EN SAVOIR PLUS

+ McKhann GM, Knopman OS, Chertkow H, Hyman BT, Jack CR, Jr., Kawas CH, Klunk
WE, Koroshetz WJ, Man/y JJ, Mayeux R, et al: The diagnosis of dementia due to
Alzheimer's disease: recommendations from the National lnstitute on Aging­
Alzheimer's Association workgroups on diagnostic guidelines for Alzheimer's
disease. Alzheimers Dement 2011, 7: 26 3-26 9.
+ Gabelle A, Touchon J, Lehmann S: Les biomarqueurs du LCR et du plasma:
utilisation diagnostique et pronostique dans la maladie d'Alzheimer et les
syndromes apparentés. Pratique Neurologique - FMC 2013, 4: 65-72.
+ Perret-Liaudet A, Pelpel M, Tholance Y, Dumont B, Vanderstichele H, Zorzi W, E/Moualij
B, Schraen S, Moreaud 0, Gabelle A, et al: Cerebrospinal fluid collection tubes: a
critical issue for Alzheimer disease diagnosis. Clin Chem 2012, 58: 787-789.
+ Lehmann S, Schraen S, Paquet C, Bambois S, Delaby C, Dorey A, Dumurgier J, Hirtz C,
Laplanche JL, Peoc'h K, et al: A diagnostic scale for Alzheimer's disease based on
cerebrospinal fluid biomarker profiles. Alzheimer's Research & Therapy 2014, 6:38.
Chapitre 6. Biologie neurologique - QCM

QCM

► 1. Une PL réalisée chez un patient de 70 ans anxieux qui présente des troubles mnésiques
modérés et une IRM cérébrale sans particularité. La PL retrouve les éléments suivants

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 0,35 g/1 N < 0,4 g/1
Peptides Af31-42 432 N > 500 pg/1
Protéine Tau totale (Tau) 340 N < 400 pg/1
Protéine Tau phosphorylée (p-Tau) 50 N < 60 pg/1

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants :


A Ces chiffres sont caractéristiques d'une Maladie d'Alzheimer
B. Ces chiffres éliminent de façon formelle le diagnostic de Maladie d'Alzheimer
C. La diminution des peptides Af31-42 peut-être en relation avec un tube de prélèvement
non conforme
D. Ce profil peut correspondre à une Maladie d'Alzheimer débutante
E. La recherche du statut ApoE de ce patient pourra aider au diagnostic de MA
Réponses : C, D

► 2. Une PL réalisée chez un patient de 54 ans qui présente des troubles mnésiques d'appa­
rition récente et une IRM cérébrale sans particularité. La PL retrouve les éléments
suivants:

Patient Valeurs de référence


Protéinorachie 0,35 g/1 N < 0,4 g/1
Peptides Af31-42 532 N > 500 pg/1

Protéine Tau totale (Tau) > 1200 N < 400 pg/1


Protéine Tau phosphorylée (p-Tau) 58 N < 60 pg/1

Indiquer les réponses exactes, parmi les items suivants :


A. Ces chiffres peuvent correspondre à une Maladie d'Alzheimer débutante
B. Ces données suggèrent l'existence d'une forme familiale de maladie d'Alzheimer
C. L.:augmentation de la protéine Tau peut-être en relation avec un tube de prélèvement
non conforme
D. Ce profil peut correspondre à une Maladie de Creutzfeld-Jakob
E. Ce profil peut correspondre à une démence à corps de Lévy
Réponse: D

► 3. Concernant l'examen du LCR réalisé dans le cadre du diagnostic d'une MA, indiquer
les réponses exactes, parmi les items suivants :
A. Il est réalisé avant toute imagerie ou examen neuropsychologique.
B. Il fait partie des recommandations internationales pour le diagnostic positif de la MA
C. Il permet, dans certains cas, de déduire la probabilité d'une MA< 10 %
D. Il permet dans certains cas de déduire la probabilité d'une MA> 90 %
E. Il permet de faire également le diagnostic positif de démence fronto-temporale
Réponses : B, C, D
CHAPITRE 7. BIOLOGIE RÉNALE

ITEM 255
ÉLÉVATION DE LA CRÉATININÉMIE
Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître l'interprétation d'un dosage de créatininémie.
• Savoir utiliser les formules d'estimation du débit de filtration glomérulaire
• Citez les arguments en faveur d'une insuffisance rénale chronique et d'une
insuffisance rénale aiguë devant une élévation de la créatinine.
• Connaître les éléments cliniques et paracliniques en faveur de la nature
obstructive, fonctionnelle ou parenchymateuse d'une élévation de la
créatininémie.

1. INTRODUCTION
L'élaboration de l'urine par les reins permet l'élimination de molécules issues des activités métaboliques
et cataboliques cellulaires de l'organisme. Le néphron est l'unité fonctionnelle du rein, et chaque rein en
contient environ 400 à 800 000.
La première étape de l' élaboration de l'urine est la formation de l'ultra-filtrat glomérulaire (urine primitive)
par le transfert d'eau et des constituants du plasma (électrolytes et petites molécules) à travers la barrière
de filtration glomérulaire. Cette barrière est formée d'un endothélium fenêtré reposant sur une membrane
basale glomérulaire, et limitée sur le versant urinaire par les prolongements cytoplasmiques (pédicelles)
des podocytes. Elle sépare le milieu sanguin (capillaire glomérulaire) du milieu urinaire (chambre urinaire).
L'urine primitive est produite par un phénomène de convection du plasma (c'est-à-dire transfert d'eau et
d'électrolytes en fonction d'un gradient de pression à travers la barrière de filtration glomérulaire) et un
phénomène de diffusion (transfert de molécules de taille intermédiaire selon un gradient de concentration).
La filtration des substances dissoutes dépend de leur taille et de leur charge (une molécule filtrable est de
petite taille et d'une charge positive), et d'un gradient de pression. Le passage des protéines dans l'urine est
négligeable au-delà d'une masse moléculaire correspondant à l'albumine (66000 Daltons), et les éléments
figurés du sang ne sont pas filtrés.
Le débit sanguin rénal représente 20 à 25 % du débit cardiaque, et le pourcentage du débit sanguin qui
est filtré est de l'ordre de 20 %. Ainsi, le Débit de Filtration Glomérulaire (DFG) est d'environ 180 l/j
soit 120 ml/min. Le meilleur indicateur de la fonction rénale est le taux de filtration du plasma au
travers des glomérules : c'est le débit de filtration glomérulaire (DFG). Ce dernier est conditionné par
le nombre de néphrons fonctionnels dans les reins.
La clairance de la créatinine, ou d'une autre molécule servant de traceur, est utilisée pour apprécier le DFG
car on ne peut pas le mesurer directement. La quantité de traceur (par exemple la créatinine) éliminé dans
244 Élévation de la créatininémie

les urines par 24 heures est identique (enfaisant abstraction de la sécrétion tubulaire de la
créatinine) à la quantité de traceurfiltré au travers de la barrière defiltration glomérulaire
par 24 heures. Ainsi, le volume de plasmafiltré pendant 24 heures (C) avec une concentration
donnée de traceur (P) sera identique au volume d'urine produit pendant 24 heures (V) avec
une concentration donnée de traceur (U). Ce volume de plasmafiltré pendant 24 heures (C)
est appelé « Clairance du traceur» : c'est un débit qui s'apparente auDFG.

Il. RÉPONSE À L'ITEM


Devant une élévation de la créatininémie, il faut :
reconnaître une élévation significative et spécifique d'une atteinte rénale;
■ utiliser les formules estimant de DFG;
■ évaluer si cette élévation est ancienne ou récente.

A. Évaluation de la fonction rénale


1. Mesure de la créatininémie
La créatininémie doit être mesurée par une technique enzymatique qui est peu
sensible aux interférences, contrairement à la technique colorimétrique dite de
« Jaffé » qui surestime les valeurs en présence d'hémoglobine, de corps cétoniques ou
de céphalosporines, et les sous-estime en présence de bilirubine en excès.
Les valeurs de créatininémie considérées comme «normales» dépendent des laboratoires
et sont habituellement situées :
■ entre 50 et 90 µmol/1 chez la femme;
entre 65 et 105 µmol/1 chez l'homme.
La créatininémie dépend de la masse musculaire, et peut être normale malgré une insuffisance
rénale chez un individu ayant une masse musculaire réduite (patient âgé, dénutri, amputé
d'un membre). À l'inverse, elle peut être relativement élevée chez un individu très musclé
à fonction rénale normale.
En outre, la relation entre DFG et créatininémie est exponentielle, ce qui signifie qu'une
baisse significative du DFG partant des valeurs normales (une dysfonction rénale débutante)
ne s'accompagnera pas d'une élévation notable de la créatininémie.
La créatininémie est un marqueur peu sensible et peu spécifique de la fonction rénale
et ne doit pas être utilisée comme telle pour évaluer le DFG.
2. Mesure et estimation de la clairance de la créatinine
Considérant que la connaissance de la clairance d'un traceur tel la créatinine permet
d'approcher la valeur duDFG, la clairance de la créatinine a longtemps servi pour estimer
leDFG:
■ la mesure directe de la clairance de la créatinine utilise laformule C = (U*V)IP où U
est la concentration urinaire de créatinine, V le volume d'urine produit sur 24 heures,
et P la concentration plasmatique de créatinine. L'utilisation de cette formule est
limitée par la difficulté et le manque defiabilité du recueil des urines des 24 heures, et
lefait que « U» augmente avec la baisse de lafonction rénale car la créatinine est plus
fortement sécrétée par le tubule lorsque lafonction rénale baisse. Ainsi, cetteformule
surestime leDFG au cours d'une insuffisance rénale. Elle n'est plus recommandée sauf
dans quelques cas particuliers tels que la grossesse;
Il! l'estimation de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft et Gault,
publiée en 1976 à partir d'une population de SOS hommes, modélise la valeur de la
clairance mesurée de la créatinine (Ccr) en utilisant l'âge, le poids et le sexe comme
variables explicatives :
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 255 245

► Ccr = [(140 - âge (années)) x poids (kg)] x k/Créatininémie (µmolll);


► k = 1,23 chez l'homme;
► k = 1,04 chez la femme.

Elle corrèle bien avec la clairance de la créatinine mesurée, et reste très utilisée sans
indexation sur la surface corporelle dans les recommandations d'adaptation de la posologie
des médicaments. Pour classer les patents selon le stade de DFG, elle devait être indexée
à 1,73 m2 de surface corporelle. Cependant, elle ne doit plus être utilisée pour l'estimation
de la fonction rénale car ses performances sont mauvaises chez le sujet âgé et obèse (l'âge
et le poids ne sont pas bien corrélés à la masse musculaire). De plus, elle a été développée
avec une méthode de dosage de la créatinine qui n'est plus utilisée.
3. Estimation du débit de filtration glomérulaire
Des formules ont été développées à partir de la fin des années 1990 estimant directement
le DFG, et non pas la clairance de la créatinine. Elles ont été établies en modélisant, à partir
d'une population d'individus présentant une IRC stade 3-4, la valeur du DFG obtenue par
une technique de référence, en utilisant l'âge, le sexe, la créatininémie et l'ethnie comme
variable explicatives. Le poids n'intervient plus. Ces formules rendent des DFG indexés à
la surface corporelle (soit pour 1,73 m2) :
laformule MDRD (du nom de l'essai clinique Modification of Diet in Renal Disease,
publiée en 1999, et simplifiée en 2006):
► MDRD (DFG estimé en ml/min/1,73 m2) = 175 x [Créatininémie (µmolll) x 0,885]-
1,154 x Âge-0,203 x (0,742 sifemme) x 1,21 si afro-américain;

a laformule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease-Epidemiologic Collaboration) en 2009:


► CKD-EPI (DFG estimé en ml/min/1,73 m2) = 141 x min (Créatininémie x 0,885/K,
l)a x max (Créatininémie x 0,885/K, 1)-1,209 x 0,993Âge x 1,018 sifemme x 1,159
si afro-américain;
► k = 0, 7 pour les femmes et 0,9 pour les hommes;
► a = -0,329 pour les femmes et -0,411 pour les hommes;
► min indique la valeur minimale de Créatininémie x 0,885/K ou 1;
► max indique la valeur minimale de Créatininémie x 0,885/K ou 1.

Ces formules ne doivent pas être apprises par cœur: des calculateurs sont disponibles, par
exemple sur le site de la sociétéfrancophone de Néphrologie.
La formule CKP-EPI est recommandée par la Haute Autorité de Santé depuis 2012,
elle nécessite un dosage de la créatinine par méthode enzymatique. La formule MDRD
a été développée avec la méthode de Jaffé puis adaptée au dosage enzymatique de la
créatinine.
Globalement, leurs performances sont assez similaires à partir du stade 3 de l'IRC (à partir
d'un DFG < 60 ml/min/1,73 m2) mais la formule CKP-EPI est plus précise aux valeurs de
DFG supérieurs à 60 ml/min/1,73 m2 • MDRD a tendance à classer les patients au stade 3
d'IRC (DFG < 60 ml/min/1,73 m2), alors que ce n'est pas le cas.
Ces formules ne sont pas applicables dans les cas suivants
enfant (utiliser la formule de Schwartz, spécifique de l'enfant);
■ insuffisance rénale aiguë;
■ cirrhose hépatique décompensée;
■ grossesse;
dénutrition majeure, amyotrophie importante.
L'utilisation de formule MDRD reste recommandée pour l'évaluation du DFG d'un patient
transplanté rénal.
246 Élévation de la créatininémie

4. Mesure du débit de filtration glomérulaire


La mesure du DFG se fait par le calcul de la clairance de traceurs exogènes filtrés par
les glomérules et non réabsorbés/non sécrétés par le tubule. Il s'agit de la méthode de
référence, mais elle est longue, coûteuse, et nécessite une hospitalisation de jour dans un
service d'explorations fonctionnelles. Elle permet de connaître la valeur exacte du DFG,
en particulier lorsque les formules d'estimation ne peuvent pas s'appliquer au patient.
Les traceurs utilisés sont: l'inuline; l'EDTA marqué au Chrome-51 (injections en
bolus du traceur); le lothalamate marqué à l'Iode-125; et le Iohexol (produit de
contraste iodé).

B. Interprétation d'une élévation de la créatininémie


1. Identifier l'origine rénale d'une élévation de la créatininémie
Une élévation (souvent aiguë) de la créatininémie ne correspond pas nécessairement à une
baisse du DFG dans les cas suivants :
prise de médicaments diminuant la sécrétion tubulaire de créatinine : trimétho­
prime à forte dose, fibrates, cimétidine, cobicistat utilisé comme «booster» dans
des traitements anti HIV;
fi substances interférant avec le dosage de la créatininémie (par méthode colorimé­
trique) : cétonémie (acidocétose diabétique), hémoglobinémie (hémolyse), céphalos­
porines (céfoxitine);
production accrue de créatinine : rhabdomyolyse massive.

2. Distinguer le caractère aigu ou chronique


d'une élévation de la créatininémie
Estimer l'ancienneté de l' élévation de la créatininémie est absolument essentiel car
l'urgence de la prise en charge, l'appréciation de la sévérité de la maladie, les orientations
diagnostiques, et les principes thérapeutiques ne sont pas les mêmes en cas d'insuffisance
rénale aiguë (IRA) ou chronique (IRC).
L'ancienneté d'une insuffisance rénale se déduit des signes cliniques, biologiques et
radiologiques accompagnant celle-ci :
antécédents de maladie rénale, valeurs de créatininémie élevée remontant à
plusieurs mois (en faveur d'une IRC);
■ arguments pour une IRA (souvent évidents) : prise de néphrotoxiques, hypovolémie,
choc, traumatisme sévère;
■ signes biologiques accompagnant l'IRC : hypocalcémie (déficit d'la-hydroxylation
de la 25-hydroxy vitamine D3), anémie normochrome arégénérative (carence en
érythropoïétine);
■ signes morphologiques témoignant d'une néphropathie chronique (petits reins < 10 cm
à l'échographie, dé-différenciation cortico-médullaire).
Ces signes servent d'orientation, mais ne sont pas systématiques, et des exceptions existent
une hypocalcémie parfois marquée peut être présente au cours d'une rhabdomyolyse
(parfois responsable d'une IRA) ou d'un syndrome de lyse tumorale. En effet, le
calcium précipite dans les tissus nécrosés;
■ une calcémie peut être normale ou élevée en cas d'IRC lors d'un myélome ou d'une
granulomatose (hypercalcémie par lyse osseuse ou production ectopique de 25-hydroxy
vitamine D3, respectivement);
■ une anémie peut se produire en cas d' hémolyse aiguë ou de choc hémorragique,
eux-mêmes à l'origine de l'IRA (par hémoglobinurie ou hypoperfusion, respectivement);
■ des reins de taille normale voire augmentée peuvent s'observer dans certaines formes
d'IRC (diabète, myélome et amylose, polykystose).
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 255 247

3. Examens de première intention devant une élévation de la créatininémie


La découverte, même fortuite, d'une élévation de la créatininémie chez un patient
doit amener à prescrire en première intention :
■ un ionogramme sanguin à la recherche :
► d'une hyperkaliémie (urgence vitale potentielle, surtout en cas d'IRA);
► d'une hypocalcémie (urgence vitale potentielle si profonde, et oriente vers une IRC);
► d'une hypercalcémie (urgence potentielle vitale, cause d'IRA par effet vasoconstric­
teur artériolaire et diurétique, et oriente vers un myélome++);
► d'une acidose métabolique (dont la correction trop rapide peut aggraver l'hypo­
calcémie et provoquer des convulsions);

■ une uricémie (facteur de risque de goutte);


■ une glycémie à jeun à la recherche d'un diabète, première cause d'IRC;
■ une électrophorèse des protéines sériques à la recherche d'une gammapathie mono­
clonale;
■ une numération globulaire à la recherche d'une anémie (orientant vers l'IRC);
■ une protéinurie (avec créatininurie, ou des 24 heures) orientant vers une atteinte
parenchymateuse rénale;
■ un examen cytobactériologique des urines recherchant une hématurie et une leuco­
cyturie orientant vers une atteinte parenchymateuse rénale;
■ une échographie des reins et des voies urinaires à la recherche :
► d'un obstacle, d'une dilatation des voies excrétrices;
► d'une atrophie rénale bilatérale (en faveur d'une IRC);
► d'une malformation urologique, d'un rein unique;
► d'une polykystose;
► d'absence d'anomalies (oriente vers une IRA).

C. Élévation aiguë de la créatininémie : insuffisance rénale aiguë-IRA


(voir item 343)
1. Définition
L'insuffisance rénale est aiguë lorsque la créatininémie s'élève en quelques jours ou
semaines. Elle peut survenir lors d'une IRC, et l'IRC est un facteur de risque d'IRA.
Elle répond à la définition suivante, avec une classification en stades de sévérité
(KDIGO, Kidney Disease Improving Global Outcomes) :

Stade Créatininémie Diurèse


Augmentation> 26 mmol/1 (3 mg/1) en 48 heures < 0,5 ml/kg/h pendant 6 a 12 heures
ou> 50 % en 7 jours
2 Créatininémie x 2 < 0,5 ml/kg/h� 12 heures
< 0,3 ml/kg/h� 24 heures
3 Créatininémie x 3
ou anurie� 12 heures

Les formules d'estimation du DFG ne s'appliquent pas dans les cas d'IRA.
Une anurie est l'absence de diurèse avec vessie vide (absence de filtration glomérulaire), à
ne pas confondre avec une rétention aiguë d'urine (obstacle urologique compliqué d'IRA).
Le DFG est effectif si la pression d'ultrafiltration glomérulaire est positive, c'est-à-dire
si la pression hydrostatique intra-capillaire est supérieure à la pression hydrostatique
dans la chambre urinaire. Une baisse aiguë du DFG se produira lorsque :
248 Élévation de la créatininémie

■ la pression du capillaire glomérulaire chute:


► baisse des résistances artériolaires efférentes: par exemple effet des bloqueurs
du système rénine angiotensine;
► augmentation des résistances artériolaires afférentes: par exemple effet des
anti-inflammatoires non stéroïdiens;
► baisse du débit sanguin rénal: par exemple hypovolémie sévère, ou choc;

■ la pression hydrostatique de la chambre urinaire (dans le tubule) augmente:


► obstacle bilatéral des voies excrétrices, ou sur un rein unique: lithiase, prostatite
aiguë, etc.;
► obstruction des lumières tubulaires par des cylindres (chaînes légères, médica­
ments, hématies, myoglobine, hémoglobine);
► cas particulier: obstruction de la chambre urinaire par des croissants cellulaires
(glomérulonéphrites extra-capillaires).

2. Démarche devant une élévaUon aiguë de l'a créatininémie


Il faut considérer que toute insuffisance rénale est une IRA sauf preuve du contraire,
en raison de l'urgence à faire un diagnostic et proposer un traitement. Il faut :
■ rechercher une cause post-rénale (IRA obstructive):
► interrogatoire et examen clinique: recherche de globe vésical++, douleurs (cancers,
lithiases);
► une acidose tubulaire distale est évocatrice (tubulopathie liée à l'hyperpression);
► une échographie rénale et des voies urinaires à la recherche d'une dilatation
bilatérale des voies urinaires et d'un obstacle (l'absence de dilatation n'exclut pas
une IRA obstructive si l'obstacle est récent);

■ rechercher ensuite une cause pré-rénale (IRA fonctionnelle)


► interrogatoire, examen clinique: hypovolémie vraie (contexte évocateur, et
signes cliniques de déshydratation extracellulaire), hypovolémie efficace (cirrhose
décompensée, hypoprotidémies majeures, insuffisance cardiaque, médicaments
vasoactifs, sepsis);
► arguments biologiques évocateurs:
• créatininémie modérément augmentée;
• réabsorption tubulaire de l'urée :

rapport urée Plcréatinine P (mmol/l) > 100;


fraction excrétée d'urée basse (< 35 %);
• urines concentrées :

osmolarité U/P > 2;


urée U/P > 10;
créatinine U/P > 30;
• réabsorption tubulaire de sodium (sauf en cas de pertes rénales de sodium :
traitement diurétique) :

Na U < 20 mmol/1;
fraction d'excrétion du Na < 1 %;
- \ Na/KU < 1 (hyperaldostéronisme secondaire);
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 255 249

• noter que le dosage de l'urée urinaire n'est plus remboursé par la Sécurité
Sociale;

► si !'IRA fonctionnelle est trop sévère et/ou prolongée, elle peut aboutir à une
nécrose tubulaire aiguë ischémique (IRA organique);

Ill rechercher enfin une cause organique (atteinte parenchymateuse) pouvant motiver
la réalisation d'une biopsie rénale

IRA organique Signes évocateurs Causes


Créatininémie fortement augmentée
Rap p o r t urée P/créatinine P
(mmol/I) < 50
FE urée> 40 %*
Osmolarité U/P < 2
Urée U/P < 10
Tubule États de choc
Créatinine U/P < 30
nécrose tubulaire Toxiques
aiguë (80 %) Na U < 20 mmol/I
Obstacles intratubulaires
FE Na> 2 %**
Na/K U > 1 (hyperaldostéronisme
secondaire)
Protéinurie= 0
Hématurie= 0
Leucocyturie= 0
Glomérulonéphrite aiguë
post-infectieuse.
Glomérules Protéinurie> 1,5 g/I
Glomérulonéphrite extracapil­
glomérulonéphrite Hématurie micro ou macroscopique
aiguë (5 %) laire
Leucocyturie possible
Glomérulonéphrite membra­
no-proliférative
Hyperéosinophilie
Tubule­ Leucocyturie Infections virales ou bacté­
interstitium Éosinophilurie (pathognomonique mais riennes
néphrite tubulo­
interstitielle aiguë rare) Médicaments (immunoaller­
(5%) Hématurie surtout macroscopique gique)
Protéinurie tubulaire (< 1,5 g/I)
HTA maligne
Artérioles Crise rénale sclérodermique
Protéinurie, hématurie inconstants,
néphropathie Syndrome hémolytique
selon la cause
vasculaire aiguë Et urémique
(10%) Hypertension artérielle++
Emboles de cristaux
De cholestérol

* FE Urée : fraction d'excrétion de l'urée= (UUrée/PUrée)/(Ucr/Pcr) x 100.


**FE Na+ : fraction d'excrétion du sodium= (UNa/PNa)/(Ucr/Pcr) x 100.

D. Élévation chronique de la créatininémie : insuffisance rénale


chronique-lRC (voir item 261)
1. Signification du DFG au cours de l'insuffisance rénale chronique
La baisse du DFG au cours de l'IRC reflète la réduction irréversible du capital
néphronique.
■ Les valeurs de DFG considérées comme normales (90 à 120 ml/min/1,73 m2).
■ Une baisse modérée du DFG est définie entre 60 à 89 ml/min/1,73 m2 •
250 Élévation de la créatininémie

► Dans ce cas, on parle de maladie rénale chronique (MRC) en cas de positivité


d'un marqueur d'atteinte parenchymateuse persistant plus de 3 mois: protéi­
nurie, albuminurie et/ou hématurie, leucocyturie, anomalies morphologiques
de l'appareil urinaire.

■ Un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 définit l'IRC (correspondant théoriquement


à une perte de 50 % du capital néphronique), et defacto, une MRC, même en cas de
négativité des marqueurs d'atteinte rénale.
■ Les classifications internationales reconnaissent 5 stades à la maladie rénale chronique:
► stade 1: DFG> 90 ml/min/1,73 m2 ;
► stade 2: DFG entre 60 et 90 ml/min/1,73 m2 Dans ces deux stades des anomalies
parenchymateuses sont présentes;
► stade 3: DFG entre 60 et 30 ml/min/1,73 m2 ;
► stade 4: DFG entre 30 et 15 ml/min/1,73 m2 ;
► stade 5: DFG inférieur à 15 ml/min/1,73 m2 •

2. Quand rechercher une IRC?


Une évaluation de la fonction rénale à la recherche d'une IRC est recommandée dans les
situations suivantes:
antécédents familiaux de maladie rénale;
■ antécédents d'IRA;
Il affection acquise ou congénitale;
■ diabète, hypertension artérielle, obésité;
■ maladie athéromateuse, insuffisance cardiaque;
■ maladie auto-immune {lupus, vascularite);
Il exposition à des toxiques professionnels (métaux lourds) ou médicamenteux (AINS,
inhibiteurs de la pompe à protons);
Âge> 60 ans.
Devant une suspicion d'IRC, un avis néphrologique est recommandé pour porter
l'indication d'une biopsie rénale, déterminer les explorations biologiques et radiologiques
complémentaires, mettre en place d'un traitement néphroprotecteur et un traitement
étiologique le cas échéant.

3. Orientation diagnostique devant une IRC

Type d'atteinte Signes évocateurs


Protéinurie glomérulaire(>1 g/24 heures el/ou > 50 % albumine),
Néphropathie glomérulaire parfois néphrotique.
(Diabète, hyalinose segmentaire
et focale, glomérulonéphrites... ) Hématurie el/ou cylindres hématiques
Atrophie rénale harmonieuse à un stade évolué
Néphropathie tubulo­ Protéinurie tubulaire(< 1 g/24 heures el/ou < 50 % albumine).
interstitielle (médicaments,
Leucocyturie sans germe
maladies génétiques, obstacles
chroniques ...) Atrophie rénale asymétrique, contours bosselés

Atteinte artériolaire
(Hypertension artérielle, Protéinurie faible ou absente
médicaments ...)
Protéinurie faible
Atteinte artérielle (Athérome,
Alcalose hypokaliémique
fibrodysplasies...)
Reins de taille asymétrique(petit rein du côté de la sténose artérielle)
251

FICHE FLASH
□ Le meilleur indicateur de la fonction rénale est le débit de filtration glomérulaire (DFG).
0 Le nombre de néphrons dans chaque rein conditionne le DFG.
U La créatininémie est un marqueur peu sensible et peu spécifique de la fonction rénale et ne doit pas être
utilisée pour évaluer la fonction rénale.
U Une élévation de la créatinémie ne signe pas nécessairement une insuffisance rénale.
U Une insuffisance rénale peut s'accompagner d'une créatininémie normale.
0 La créatininémie est un paramètre servant à estimer le DFG dans les formules MDRD et CKD-EPI.
□ La formule de Cockcroft et Gault ne doit pas être utilisée pour estimer la fonction rénale.
□ La formule CKP-EPI est recommandée par la Haute Autorité de Santé depuis 2012 pour estimer le DFG,
mais n'est pas applicable dans certaines situations médicales.
□ Les formules MDRD et CKD-EPI incluent l'âge, le sexe et l'origine ethnique, mais pas le poids.
□ Considérer que toute élévation de créatininémie est due à une insuffisance rénale aiguë (en raison de
l'urgence thérapeutique) jusqu'à preuve du contraire.
□ Devant une insuffisance rénale aiguë il faut rechercher une cause obstructive (post-rénale), fonctionnelle
(pré-rénale) puis organique (parenchymateuse) pouvant motiver une biopsie rénale.
□ Une insuffisance rénale chronique est évoquée devant une anémie normochrome normocytaire
arégénérative, une hypocalcémie, et des reins de petite taille.
□ Une élévation de la créatininémie doit s'accompagner d'un ionogramme sanguin (Na, K, Cl, bicarbonates)
et urinaire, d'une glycémie, d'une électrophorèse des protéines sériques, d'une protéinurie, d'un examen
cytobactériologique des urines et d'une échographie des reins et des voies urinaires.
252

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Toxines urémiques, urémie et uricémie


Au cours d'une insuffisance rénale chronique, de nombreuses petites molécules sont
éliminées moins efficacement en raison de la diminution de leur clairance, et leur
concentration plasmatique augmente. Elles peuvent avoir un effet biologique propre
et participer aux signes cliniques et aux complications de l'IRC : fatigue, anorexie,
syndrome inflammatoire, athérosclérose, saignements. . .
On regroupe sous le nom de « Toxines urémiques» l'ensemble des molécules de
nature et de tailles différentes qui s'accumulent dans l'organisme en cas d'insuffisance
rénale chronique sans qu'elles ne soient toutes identifiées, et dont la plupart d'entre
elles ne sont pas dosées en routine. Elles proviennent du métabolisme cellulaire, du
catabolisme de protéines, lipides, ou acides nucléiques, mais aussi du tube digestif
par l'action du microbiote sur les nutriments présents.
L'urée est le produit de catabolisme des protéines, et en particulier des acides aminés
qui les constituent. Les atomes d'azote contenus dans les fonctions amines des acides
aminés sont éliminés sous forme d'urée qui est un métabolite terminal. L'urée est une
petite molécule hydrophile et osmotiquement active qui est librement filtrée par les
glomérules, et réabsorbée au niveau du canal collecteur, notamment lors d'une déshy­
dratation extra-cellulaire, avec comme conséquence une augmentation de l'osmolarité
de la médullaire et la facilitation la réabsorption de molécules d'eau par gradient de
diffusion dans les situations où l'antidiurèse est activée. C'est la raison pour laquelle,
lors d'une IRA fonctionnelle, il est souvent observé que les concentrations plasmatiques
d'urée augmentent plus en proportion de leur valeur normale que les concentrations
plasmatiques de créatinine.
Les concentrations plasmatiques d'urée peuvent être augmentées :
lors d'une insuffisance rénale (mais ne doit pas être utilisée comme marqueur de
fonction rénale).
lorsque les apports alimentaires en protéines sont trop élevés lors d'une IRC sévère
ou chez les patients en dialyse.
en situation de catabolisme musculaire augmenté : sepsis, corticoïdes à forte doses.
lors d'un saignement digestif (catabolisme de l'hémoglobine).
Comme l'urée est une molécule osmotiquement active, sa présence en grande quan­
tité dans le milieu extracellulaire du système nerveux central, augmente l'osmolarité
intracellulaire. Ainsi, la première séance d'hémodialyse chez un patient porteur d'une
IRC avec des concentrations élevés d'urée depuis plusieurs mois ou années expose
au risque d'œdème cérébral parfois mortel si la baisse des concentrations d'urée
est trop brutale et trop profonde : il se produira dans ce cas un gradient d'osmolarité
favorisant un flux d'entrée d'eau massive en intracellulaire et un œdème cérébral brutal.
L'acide urique est le produit de dégradation (via la xanthine oxydase, inhibée par
l'allopurinol) des bases puriques (adénine et guanine) qui servent à la synthèse des
nucléotides (l'ADN et l'ARN). Sa concentration plasmatique augmente également au
cours de l'IRC par défaut d'excrétion, et sa production augmente lors de la consommation
de viande. L'.acide urique est réabsorbé par le tube contourné proximal, en particulier
à la suite de la prise de diurétiques : c'est la raison pour laquelle une hyperuricémie
peut compliquer la prise de diurétiques. Une hyperuricémie observée au cours de
l'IRC expose au risque d'arthropathie microcristalline (crise de goutte), mais pas au
risque de lithiase urinaire.
ITEM 256
PROTÉINURIE ET SYNDROME
NÉPHROTIQUE DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Devant la découverte d'une protéinurie, argumenter les principales hypothèses
diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
• Devant un syndrome néphrotique chez l'enfant ou chez l'adulte, argumenter
les hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires
pertinents.
• Argumenter les principes du traitement symptomatique et de la surveillance
du syndrome néphrotique et de ses complications.

1. INTRODUCTION
Pour une protidémie de 60 g/1, et un débit de filtration glomérulaire de 180 litres par jour, environlO Kg
de protéines transitent par les glomérules et les reins tous les jours. Or, la protéinurie physiologique est
inférieure à 0,2 g/1 (soit 0,3 g/24 heures, ou 0,3 g/g créatinine urinaire).
Cette protéinurie physiologique est constituée pour moitié environ de protéines produites et secrétées
par le tubule et l'urothélium : protéine de Tamm Horsfall (uromoduline), urokinase, lgA sécrétoire, et
pour moitié de protéines de faible masse moléculaire (béta-2 microglobuline, lyzozyme, chaînes légères
d'immunoglobulines). L'albumine est aussi présente mais toujours à une faible concentration < 15-
30 mg/24 heures.
Le faible débit de protéinurie physiologique, contrastant avec le débit de protéines sériques transitant
dans les glomérules est lié à l'imperméabilité de la barrière de filtration glomérulaire aux protéines d'une
moléculaire (>70 kDa). De plus, l'épithélium tubulaire proximal réabsorbe et dégrade la quasi-totalité des
protéines filtrées.
La barrière defiltration glomérulaire est constituée de trois éléments :
Un endothélium fenêtré sur le versant capillaire au travers duquel le plasma vient au contact de la
membrane basale glomérulaire.
■ La membrane basale glomérulaire est issue de l'assemblage de molécules sécrétées par les cellules
endothéliales et les podocytes formant un maillage serré. Elle est constituée de collagène de type IV,
de, laminine et de protéoglycanes.
254 Protéinurie et syndrome néphrotique de l'adulte et de l'enfant

■ Les podocytes reposent sur laface externe de la membrane basale glomérulaire par des
prolongements appelés pédicelles. L'une des protéines membranaires des podocytes,
la podocalyxine, est riche en acide sialique chargé négativement.
La barrière de filtration glomérulaire oppose deux obstacles à la filtration des molécules
plasmatiques d'une masse moléculaire élevée : la structure de la membrane basale
glomérulaire, et l'électronégativité de ses composants restreignent lafiltration des protéines
plasmatiques porteuses d'une charge électrique, comme l'albumine.
L'épithélium tubulaire proximal est en contact immédiat avec l'ultrafiltrat au pôle tubulaire
du glomérule et est doté de grandes capacités de réabsorption des solutés et d'endocytose
des protéines de faible masse moléculaire filtrées librement. Le pôle apical est doté d'une
bordure en brosse démultipliant la surface de contact avec l'ultrafiltrat. Des récepteurs
(mégaline, cubuline) y sont fortement exprimés, ainsi qu'un appareil d'endocytose et un
pool mitochondrial important, permettant de produire l'énergie nécessaire à ces activités
de réabsorption et d'endocytose.
Il existe des cas de protéinuries transitoires, sans lien avec une anomalie de la membrane
de filtration glomérulaire :
protéinurie orthostatique, en période pubertaire, et qui disparaît avant l'âge de 20 ans.
Elle est caractérisée par la disparition de la protéinurie en clinostatisme (urines
recueillies après 2 heures de repos en décubitus dorsal). La protéinurie orthostatique
n'est pas pathologique;
■ protéinurie d'effort, observée au décours d'un exercice physique intense et prolongé;
fièvre élevée;
■ infections urinaires;
Ill insuffisance ventriculaire droite, polyglobulie.

Il. DIAGNOSTIC D'UNE PROTÉINURIE PERMANENTE

A. La bandelette urinaire
C'est la technique semi-quantitative de dépistage recommandée. Elle détecte l'albumine
à un seuil de 50 à 100 mg/l (c'est-à-dire une microalbuminurie, voir Tableau). Elle est
basée sur la mise en évidence d'albumine grâce au virage de couleur d'un indicateur
de pH.
Elle ne détecte pas les chaînes légères d'immunoglobulines, ni les autres protéines de
faible masse moléculaire. Des faux positifs s'observent avec l'utilisation d'antiseptiques,
de polyvinylpyrrolidone, ou lorsque les urines sont alcalines.
Résultat normal ou non significatif: absence, traces ou 1+(< 0,3 g/1),
Résultats anormaux : 2+ (1 g/1) ou 3+ (3 g/1).
Un résultat positif doit être confirmé par une mesure de la protéinurie.

B. Dosage pondéral des protéines urinaires


Le dosage de la totalité des protéines se fait par méthode colorimétrique exprimé
en g/l, en g/24 heures, ou sur un échantillon d'urine, par mesure du rapport
protéinurie/créatininurie.
Le rapport à la créatinine urinaire permet de s'affranchir des biais liés aux variations de
concentration des urines. Considérant que la production urinaire quotidienne de créatinine
urinaire est de l'ordre de 1 gramme (10 mmol environ), le rapport sur la créatinine urinaire
permet d'estimer le débit de protéines par 24 heures.
Une hématurie macroscopique est à l'origine d'une protéinurie liée à la présence
d'hémoglobine issue de la lyse des hématies dans les urines et peut être de l'ordre de 1 à
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 256 255

2 grammes par jour. L'hématurie microscopique n'interfère pas avec la protéinurie. Une
pyurie peut également gêner l'interprétation de la protéinurie.

Tableau : définition d'une protéinurie et d'une albuminurie

Urines des Rapport Rapport


24 heures protélnurle/créatlnlnurle protélnurle/créatlnlnurle
(mg/24 heures) (mg/mmol) (mg/g)
Protéinurie >300 >30 >300
Microalbuminurie 30-300 3-30 30-300
Macroalbuminurle >300 >30 >300

C. Électrophorèse des protéines urinaires


Il s'agit d'une analyse qualitative permettant de connaître la composition des protéines
urinaires, et d'orienter vers une cause éventuelle.
On distingue les protéinuries glomérulaires, les protéinuries tubulaires et les
protéinuries de surcharge. En général, une protéinurie > 1,5 g/1 correspond à une
protéinurie glomérulaire (hors cas particuliers des protéines de surcharge comme
les chaînes légères), et une protéinurie < 1,5 g/1 peut être d'origine tubulaire ou
glomérulaire. La présence d'albumine signe l'existence d'une atteinte glomérulaire.
a Protéinurie glomérulaire sélective: constituée pour plus de 80 % d'albumine, et
de transferrine (70kDa), mais sans lgG (150kDa). Elle suggère une néphropathie
glomérulaire sans lésion visible en microscopie optique (néphropathie à lésions
glomérulaires minimes, connue sous le nom de Néphrose Lipoïdique chez l'enfant).
■ Protéinurie glomérulaire non sélective: constituée de protéines de masse moléculaire
élevée avec une proportion d'albumine inférieure à 80 %. Elle constitue la plupart des
protéinuries observées au cours des néphropathies glomérulaires et témoigne de lésions
histologiques plus étendues ou plus sévères, et en général visibles en microscopie. Les
protéinuries tubulaires, résultent d'un trouble de réabsorption tubulaire proximale
(tubulopathie proximale avec ou non syndrome de Fanconi, nécrose tubulaire). Ici,
les protéines de faible masse moléculaire sont augmentées: par exemple le lysozyme
(15 kD), la �-2microglobuline (12kD), la retinol biding protein (RBP) (21kD).
■ Les protéinuries de surcharge résultent d'une augmentation de synthèse (chaîne
légère Kappa ou Lambda au cours des dysglobulinémies), lyzozyme (leucémie myélo­
monocytaire), orosomucoïde (cancer bronchique}, ou de la libération de protéines
(myoglobine dans la rhabdomyolyse), qui dépassent les capacités de réabsorption
tubulaire proximale. Une protéinurie de surcharge sera suspectée pour un rapport
(Albuminurie+ IgG + al microglobuline)/protéinurie � 0,3.
■ les protéinuries mixtes, associant protéines de haut poids moléculaire et de bas poids
moléculaire, témoignant d'une maladie rénale avancée, avec atteinte glomérulaire
et fibrose tubulointerstitielle.
Nota : il est également possible de doser spécifiquement l'albumine par des techniques
spécifiques. De même, il est possible de doser quantitativement les protéines de faible
masse moléculaire (profil protéique urinaire), utilisé dans le dépistage précoce et le
suivi évolutif de tubulopathies proximales lors de la prise de médicaments tels que
le Tenofovir.

D. Microalbuminurie
Le terme de microalbuminurie désigne l'excrétion urinaire d'albumine en quantité très
faible, intermédiaire entre les valeurs physiologiques qui sont d'environ 30 mg/24 heures
et les protéinuries franches, supérieures à 300 mg/24 heures.
256 Protéinurie et syndrome néphrotique de l'adulte et de l'enfant

Le dosage spécifique de l'albumine fait appel à des techniques spécifiques et très sensibles
avec un seuil de détection de l'ordre de 5 à 10 mg/l, soit sous le seuil diagnostic de la
microalbuminurie qui est de 20 mg/l environ (30 mg/24 heures).
La microalbuminurie est principalement utilisée pour évaluer la néphropathie du
diabétique de type 1, liée à une augmentation de la perméabilité de la membrane
basale glomérulaire, et/ou une hypertension intraglomérulaire. Elle est d'abord labile
puis devient permanente, mais précède toujours les signes cliniques de la néphropathie.
Dans le cas du diabète du type 2, la microalbuminurie est un marqueur de mortalité
prématurée. Elle reflète une dysfonction endothéliale systémique. C'est l'accumulation de
plusieurs facteurs de risque pouvant chacun induire une microalbuminurie qui explique
son association au risque cardiovasculaire.
Dans la population générale, on retrouve une microalbuminurie chez 5 à 10 % des sujets.
Elle constitue un facteur prédictif de mortalité précoce en association avec les déterminants
du risque cardiovasculaire.
La microalbuminurie diminue souvent et disparaît parfois après mise en route d'un
traitement, notamment par les inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou les antagonistes
des récepteurs de l'angiotensine 2. Une normalisation de l'albuminurie est un signe
d'efficacité thérapeutique.

Ill. ORIENTATION DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE PROTÉINURIE


PERMANENTE
Toute protéinurie permanente et> 0,3/g créatinine (0,3 g/j) doit être explorée afin
d'identifier une maladie rénale et sa cause, potentiellement curable.
L'existence d'une protéinurie, même avec fonction rénale normale, fait porter le
diagnostic de maladie rénale chronique (MRC), et fait entrer le patient dans un
parcours de soins spécifique.
De même, l'existence d'une protéinurie, afortiori glomérulaire, nécessite un avis
néphrologique afin de poser l'indication de la réalisation d'une ponction biopsie rénale.
En pratique, les explorations de première intention devant une protéinurie permanente sont
antécédents personnels et familiaux;
■ mesure de la pression artérielle, taille et poids;
■ créatininémie et ionogramme sanguin;
■ glycémie;
■ électrophorèse des protéines urinaires;
■ examen cytobactériologique des urines;
■ recherche de gammapathie monoclonale (>45 ans) ;
échographie rénale.
Une discordance entre une protéinurie totale importante et une faible albuminurie doit
faire évoquer la présence de chaînes légères dans les urines en grande quantité. Elle peut
également être observée en cas d'artefact observé en cas d'albuminurie majeure, où les
anticorps permettant le dosage sont « trappés » par l'albumine, induisant ainsi une sous­
estimation du résultat.
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 256 257

IV. SYNDROME NÉPHROTIQUE

A. Définition et mécanismes
Le syndrome néphrotique répond à une définition biologique qui associe :
■ une protéinurie supérieure à 3 g/24 heures chez l'adulte(> 50 mg/kg/j chez l'enfant);
■ et une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/1.
Le syndrome néphrotique est pur en l'absence :
■ d'hématurie microscopique ou;
■ d'hypertension artérielle ou;
■ d'insuffisance rénale organique.
En cas de positivité d'un de ces 3 paramètres, le syndrome néphrotique est impur.
La distinction «pur»/«impur» oriente vers certaines pathologies : la néphropathie à lésions
glomérulaires minimes, la glomérulonéphrite extra-membraneuse ou l'amylase donnent
volontiers des syndromes néphrotiques purs. À l'inverse, de nombreuses glomérulopathies
produiront en général des syndromes néphrotiques impurs (diabète, hyalinose segmentaire
et focale, syndrome d'Alport, glomerulonéphrites avec prolifération endo capillaire...).
La définition du syndrome néphrotique est syndromique et artificielle sur le plan du diagnostic
histologique. Les pathologies glomérulaires responsables d'un syndrome néphrotique peuvent
être responsables de syndromes néphrotiques «incomplets» ou de protéinuries de haut débit
sans répondre à la définition stricte du syndrome néphrotique. Toute protéinurie de débit
« glomérulaire », néphrotique ou non, doitfaire discuter la réalisation d'une biopsie rénale.
Par contre, le risque de survenue de complications métaboliques causées associées à une
fuite protéique urinaire seront corrélées à la sévérité de lafuite, et afortiori, à la présence
ou non d'un syndrome néphrotique.
L'apparition d'une fuite d'albumine dans les urines est la conséquence d'altérations d'une
ou de plusieurs composantes de la barrière de filtration glomérulaire, aboutissant à une
augmentation de la perméabilité glomérulaire :
une altération de l'endothélium;
■ une perte des charges électronégatives de la barrière de filtration glomérulaire;
■ une anomalie de la structure de la membrane basale glomérulaire;
■ des dépôts de protéines au contact de la membrane basale;
■ des lésions podocytaires.
En conséquence d'une hypoalbuminémie par perte urinaire, insuffisamment compensée par
la synthèse hépatique, la baisse de pression oncotique dans le secteur vasculaire vafavoriser
unefuite d'eau et de sodium vers le secteur interstitiel, et produire les œdèmes. Il va se créer
une hypovolémie relative qui active le système rénine angiotensine, etfavorise la réabsorption
du sodium dans le tubule rénal, et ainsi créer un cercle vicieux. En outre, dans le cas des
néphropathies à lésions glomérulaires, il existe une anomalie de la perméabilité capillaire
intrinsèque qui vafavoriser lafuite d'eau et de sodium vers l'interstitium, indépendamment
de l'hypoalbuminémie.

B. Diagnostic clinique et biologique, et traitement symptomatique


a. Clinique
Il existe deux tableaux cliniques typiques associés au syndrome néphrotique : la
découverte fortuite d'une protéinurie de haut débit, et l'apparition d'un syndrome
œdémateux d'installation brutale ou progressive.
Les œdèmes du syndrome néphrotique sont blancs, mous, prennent le godet, et
prédominent dans les territoires déclives (selon la position debout ou couchée).
258 Protéinurie et syndrome néphrotique de l'adulte et de l'enfant

■ Un épanchement des séreuses de type transsudatif peut être observé, réalisant une
anasarque.
■ La prise de poids est constante.
■ Une oligurie peut survenir si le syndrome œdémateux est brutal (en lien avec une
franche hypovolémie relative).
■ Le niveau de pression artérielle va dépendre du type de glomérulopathie responsable
du syndrome néphrotique.
■ L'œdème pulmonaire est exceptionnel.
Les diagnostics différentiels sont les états œdémateux liés à une hypovolémie relative et/ou
hypoalbuminémie profonde : insuffisance cardiaque, cirrhose, dénutrition, entéropathie
exsudative...

b. Biologie
Les anomalies biologiques associées au syndrome néphrotique sont les suivantes :
■ Hypoalbuminémie < 30 g/1 et hypoprotidémie inférieure à 60 g/1;
■ L'électrophorèse des protéines sériques révèle une élévation des a-2-globulines,
des �-globulines et du fibrinogène, ainsi qu'une diminution des gammaglobulines;
■ Dyslipididémie mixte;
■ Hypocalcémie totale avec diminution de la fraction de calcium liée à l'albumine;
■ La créatininémie varie en fonction de la cause du syndrome néphrotique, avec
risque d'une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle;
■ Protéinurie permanente et abondante (> 3 g/24 heures);
■ Diminution de la natriurèse (habituellement < 20 mmol/1).

c. Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique des œdèmes repose sur:
■ repos non strict au lit;
■ la restriction sodée (2-4 g de sel par jour);
■ la restriction hydrique n'est pas nécessaire hors hyponatrémie;
■ la prescription de diurétiques de l'anse:furosémide/bumétadine en 2-3 prises par jour,
avec surveillance du poids et de la diurèse a.fin d'éviter une hypovolémie brutale;
■ en cas de résistance aux diurétiques de l'anse, il est possible d'ajouter: un diurétique
du tubule collecteur (amiloride) ou du tube contourné distal (diurétique thiazidique).

C. Complications du syndrome néphrotique

a. Insuffisance rénale aiguë


Un syndrome néphrotique peut se compliquer d'insuffisance rénale aiguë :
■ insuffisance rénale aiguë fonctionnelle par hypovolémie relative, en lien avec la bruta­
lité d'apparition et la sévérité du syndrome néphrotique; aggravée éventuellement
par un traitement diurétique;
■ insuffisance rénale aiguë organique par nécrose tubulaire lorsque l'hypovolémie est
prolongée et intense;
■ thrombose des veines rénales (plus fréquente lors des glomérulonéphrites extramem­
braneuses et des amyloses), avec douleurs lombaires, hématurie, élévation inconstante
de la créatininémie. Elle peut s'accompagner d'une embolie pulmonaire.
■ Noter que la maladie glomérulaire responsable du syndrome néphrotique peut elle­
même causer une insuffisance rénale aiguë.
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 256 259

b. Insuffisance rénale chronique


La glomérulopathie responsable du syndrome néphrotique est souvent à l'origine
d'une réduction néphronique et d'une insuffisance rénale chronique.
Cependant, une protéinurie chronique est à l'origine d'une fibrose tubulo-interstitielle
chronique, qui participe à l'insuffisance rénale chronique.
Une hypertension artérielle participe également au développement d'une insuffisance
rénale chronique.

c. Thromboses veineuses et artérielles


La fuite protéique au cours du syndrome néphrotique s'accompagne d'une perte de facteurs
anticoagulants (anti-thrombine III, protéine C, protéine S), et une synthèse accrue de facteurs
pro-coagulants (fibrinogène, facteur VIII), qui provoquent un état d'hypercoagulabilité.
Les thromboses touchent à la fois les territoires veineux et artériels. On peut observer des
thromboses des sinus caverneux, et les thromboses des veines rénales.
La prévention des thromboses veineuses nécessite
d'éviter l'immobilisation prolongée;
■ d'éviter les hypovolémies brutales ou sévères;
■ un traitement anticoagulant si !'albuminémie est < 20 g/1.

d. Infections
L'hypogammaglobulinémie induite par la fuite protéique urinaire favorise les infections à
germes encapsulés (Pneumocoque, Hœmophilus, Klebsielle).
On observe en particulier des érysipèles favorisés par les érosions cutanées dues aux œdèmes
des membres inférieurs.
Chez l'enfant, des péritonites primitives peuvent survenir après translocation de germes
du tube digestif.
Il faut discuter les vaccins antigrippaux et anti-pneumocoque. L'antibioprophylaxie au
long cours n'est pas indiquée.

e. Dénutrition
La dénutrition protidique estfréquente au cours des syndromes néphrotiques chroniques,
et peut s'accompagner d'un retard de croissance chez l'enfant. La corticothérapie prescrite
dans le traitement de certains syndromes néphrotiques participe également à l'amyotrophie
et au retard de croissance staturo-pondéral.
La perte de protéines porteuses (Vitamine-D binding protein, thyroxin binding globulin
céruléoplasmine, transferrine) peut entraîner des carences.

f. Dyslipidémies
Le syndrome néphrotique induit la synthèse de triglycérides et de cholestérol (dyslipidémie
mixte qui augmente le risque cardiovasculaire), avec une élévation significative du LDL
cholestérol.
Un traitement par statine peut être proposé pour traiter l'hypercholestérolémie si le syndrome
néphrotique persiste (> 6 mois).

g. Modification de la biodisponibilité des médicaments


Lafraction libre de médicaments liés normalement à l'albumine (anti-inflammatoires non
stéroidiens, anti-vitamine K) va augmenter avec l'hypoalbuminémie, exposant à un risque
de surdosage.
260 Protéinurie et syndrome néphrotique de l'adulte et de l'enfant

D. Diagnostic étiologique
L'identification la lésion histologique glomérulaire en cause dans la survenue d'un syndrome
néphrotique nécessite la réalisation d'une ponction biopsie rénale.
Dans les cas particuliers suivants, le diagnostic étiologique est souvent évident, et il est
possible de surseoir à la biopsie :
syndrome néphrotique de l'enfant. Entre 1 et 10 ans la survenue d'un syndrome
néphrotique brutal est lié dans 90 % des cas à une néphropathie à lésions gloméru­
laires minimes (« Néphrose lipoidique »), qui donne un syndrome néphrotique pur;
syndrome néphrotique du patient diabétique;
■ maladie rénale héréditaire identifiée dans la famille;
Il syndrome néphrotique dans un contexte d'Amylose;
■ en cas de contre-indication à la biopsie, y compris par voie trans-jugulaire.
On distingue les syndromes néphrotiques primitifs et secondaires.
Les syndromes néphrotiques primitifs sont classés en fonction de leur type histologique, et ne
sont pas liés à une maladie systémique. Les plus fréquents dont dus à une glomérulonéphrite
extramembranseuse et à la hyalinose segmentaire et focale. On retrouve ensuite les lésions
glomérulaires minimes, la glomérulonéphrite lupique, !'amylose, la néphropathie diabétique,
la glomérulonéphrite membranoproliférative.
Les syndromes néphrotiques secondaires sont liés à une atteinteglomérulaire d'une maladie
identifiée et pouvant toucher d'autres organes.
Diabète.
Ill Lupus érythémateux disséminé.
li Cryoglobulinémie.
11 Amylose AL ou AA.
■ Virus de l'hépatite B ou de l'hépatite C.
Ili VIH
■ Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse.
Il Tumeurs solides (cancer bronchique).
■ Hémopathies (myélome multiple, lymphome non-hodgkininen).
Ill Gammapathie monoclonale isolée.
Il Antiinflammatoires non stéroïdiens.
Il Thérapies anti-VEGF.
261

FICHE FLASH
□ Une protéinurie pathologique est> 0,3 g/24 heures (0,3 g/g).
□ Toute protéinurie permanente doit être explorée sur le plan néphrologique car elle témoigne d'une
atteinte parenchymateuse rénale.
□ Une protéinurie peut être tubulaire (protéines de faible masse moléculaire), en général< 1 g-1,5 g/1;
glomérulaire (protéines de masse moléculaire> 70 kDa); ou mixte.
D La présence d'albumine dans les urines témoigne d'une atteinte de la barrière de filtration glomérulaire.
D Définition du syndrome néphrotique: protéinurie> 3 g/j (50 mg/kg/j chez l'enfant) et albuminémie< 30 g/1.
D Doit toujours faire discuter la réalisation d'une biopsie rénale.
D Les complications majeures sont l'insuffisance rénale aiguë par hypovolémie, les thromboses artérielles
ou veineuses, et le risque athérogène.
262

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Atteintes rénales de gammapathies monoclonales


Trois tableaux d'atteintes rénales spécifiques peuvent être individualisés
A. Insuffisance rénale aiguë avec protéinurie constituée de chaînes légères
d'immunoglobulines
• néphropathie à cylindres myélomateux (NCM) ou tubulopathie myélomateuse :
insuffisance rénale aiguë souvent sévère, secondaire à la précipitation de chaînes
légères d'immunoglobulines dans la lumière des tubules rénaux;
elle est toujours associée à un myélome à chaînes légères dans 50 % des cas.
C'est la complication rénale du myélome la plus fréquente, constituant un des
critères CRAB définissant le myélome symptomatique;
elle est associée à une protéinurie abondante presque exclusivement consti­
tuée de chaînes légères kappa ou lambda (albuminurie : < 10 % des protéines
urinaires en électrophorèse);
elle est favorisée par une déshydratation extracellulaire (troubles digestifs, diuré­
tiques), une hypercalcémie, ou la prise d'anitinflammatoires non stéroïdiens+++;
• le traitement vise à assurer une diurèse alcaline, abondante;
il faut éviter d'utiliser des produits modifiant l'hémodynamique glomérulaire.
B. Protéinurie glomérulaire, constituée principalement d'albumine
Amylose AL : elle associée le plus souvent à une gammapathie monoclonale
non myélomateuse
� elle se manifeste par un syndrome néphrotique important, associé à une
hypotension artérielle et souvent à une cardiopathie hypertrophique;
elle est diagnostiquée sur biopsie des glandes salivaires, de la graisse
abdominale ou du rein.
• La maladie des dépôts d'immunoglobulines monoclonales (type Randall) :
elle est rare, et se présente par un syndrome néphrotique et une insuffisance
rénale rapidement évolutive;
le diagnostic est porté sur la biopsie rénale avec dépôts linéaires de chaînes
légères (le plus souvent kappa) sur les membranes basales tubulaires et
glomérulaires.
C. Syndrome de Fanconi (Tubulopathie proximale)
associé typiquement à une prolifération plasmocytaire de faible masse;
il est lié à la précipitation sous forme de cristaux de chaînes légères kappa dans
les cellules tubulaires proximales;
il se présente par une hypophosphatémie, une hypouricémie par fuite urinaire,
et une acidose métabolique.
Chapitre 7. Biologie rénale - QCM

QCM

► 1. Un syndrome néphrotique pur peut s'accompagner de :


A. Pression artérielle à 120/80 mmHg
B. Présence de 10 hématies/mm3
C. Débit de filtration glomérulaire à 55 ml/min/1,73 m2
D. Rapport protéinurie/créatininurie = 400 mg/mmol
E. Albuminémie à 28 g/I

► 2. Un homme de 50 ans présente un œdème des membres inférieurs rapporté à un


syndrome néphrotique avec prise de poids de 5 kg. Quelle(s) mesure(s) thérapeutique(s)
proposez-vous?
A. Régime hypoprotidique
B. Anticoagulation efficace
C. Restriction sodée apportant 2 à 4 g de NaCI par jour
D. Perfusion d'albumine 20 %.
E. Diurétiques de l'anse

► 3. Chez un patient porteur d'un syndrome néphrotique, l'apparition brutale d'une douleur
lombaire gauche, quel(s) diagnostic(s) devez vous suspecter?
A. Appendicite aiguë
B. Insuffisance rénale aiguë
C. Thrombose de la veine rénale gauche
D. Nécrose paillaire
E. Rupture de rate

► 4. Quelle(s) est (sont) la(les) proposition(s) exacte(s) concernant la protéinurie?


A. La bandelette urinaire ne détecte pas les chaînes légères d'immunoglobulines
B. Une protéinurie est sélective quand elle est composée à plus de 80 % d'albumine
C. Une hématurie microscopique va fausser le dosage de protéines dans les urines
D. La protéinurie des 24 heures reste la mesure de référence
E. La présence de chaînes légères d'immunoglobulines dans les urines traduit l'existence
de lésions glomérulaires

► 5. Quelle(s) maladie(s) peut (vent) se compliquer d'un syndrome néphrotique?


A. Hypertension artérielle
B. Diabète
C. Hépatite B
D. Alcoolisme chronique
E. Gammapathie monoclonale
ITEM 262

LITHIASE URINAIRE
Nicolas PALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une lithiase urinaire.
• Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les mécanismes de la lithogenèse et les facteurs de risque de la
lithiase urinaire.
• Connaître les principaux types de lithiase urinaire et leur fréquence.
• Savoir diagnostiquer et traiter une colique néphrétique.
• Connaître les examens complémentaires permettant d'explorer une lithiase
calcique.
• Conduite diagnostique et prévention des récidives des lithiases calciques.
• Conduite diagnostique et prévention des récidives des lithiases uriques.
• Connaître les principales complications des lithiases urinaires.
1

1. INTRODUCTION
La lithiase urinaire touche 5 % à 10 % de la population dans les pays industrialisés, et la lithiase calcique
représente plus de 80 % des lithiases urinaires.
La lithiase calcique (oxalate de calcium surtout, et phosphates de calcium), est idiopathique dans 90 % des
cas, et favorisée par des anomalies métaboliques, témoins d'habitudes alimentaires fortement lithogènes.
La correction de ces facteurs métaboliques est à la base du traitement médical préventif. Il s'agit d'une
pathologie hautement récidivante, avec un taux de récidive de plus de 50 % à 4 ans.
La lithogenèse est l'ensemble des mécanismes qui conduisent de la sursaturation urinaire à la rétention
cristalline et à la formation des calculs. Le processus de lithogenèse comporte les étapes suivantes :
■ présence de solutés aptes à cristalliser (lithogènes);
■ saturation des urines : obtention de la concentration maximale en solutés lithogènes au-delà de laquelle
ils précipitent;
■ sursaturation des urines : la concentration maximale en solutés lithogènes au-delà de laquelle les
solutés précipitent est dépassée. Il s'agit d'un rapport entre concentration et solubilité;
■ cristallisation à partir d'un support préexistant ou nucléation par rétention des cristaux (taille, adhé­
sion à l'urothélium);
■ croissance exponentielle des cristaux (Phénomène de « boule de neige»);
■ formation et rétention des calculs;
migration des calculs provoquant les symptômes cliniques (colique néphrétique).
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 262 265

Pour aboutir au phénomène de sursaturation et de cristallisation, les mécanismes


élémentaires suivants peuvent être impliqués dans des proportions variables selon
les individus :
■ déficit en inhibiteurs de la cristallisation (citrate et magnésium);
■ lithogenèse infectieuse (germes uréolytiques);
■ hydratation insuffisante;
■ excès alimentaires (protéines, sel, sucres, calcium, oxalate);
Il pH urinaire trop faible ou trop élevé;
■ hypercalciurie (résorptive, absorptive, rénale, diététique);
■ tubulopathies acquises ou génétiques (diabète phosphaté, acidoses tubulaires géné­
tiques ou acquises, maladie de Dent);
médicaments lithogènes.
Nota : Des corpuscules papillaires calcifiés localisés à la pointe des papilles rénales
(dénommés plaques de Randall), servent souvent de support a la croissance progressive de
cristaux oxalo-calciques ou phospho-calciques.

Il. TYPES DE CALCULS


Les calculs doivent être analysés (morphologie, structure et composition) après
leur expulsion ou leur extraction. La composition des calculs est souvent complexe,
associant plusieurs composants élémentaires et espèces cristallines, témoignant de
l'évolution dans la durée des facteurs lithogènes.
Il y a 5 familles chimiques élémentaires qui constituent les lithiases :
oxalate;
■ phosphate;
Ill purines;
■ cystine;
médicaments.
En fonction de la composition chimique majoritaire, on distingue les formes suivantes de
phases cristallines :
oxalate (70 %) :
► Whewelite (oxalate de calcium monohydraté, dépendant du débit urinaire d'oxa­
late);
► Whedelite (oxalate de calcium dihydraté, dépendant du débit urinaire de calcium);

11111 phosphate (15 %) :


► carbapatite (phosphate de calcium carbonaté);
► brushite (phosphate dicalcique hydraté)
► struvite (phosphoammoniaco magnésien)
► whitlockite (phosphates de calcium et de magnésium);

Ill purines (10 %) :


► acide urique anhydre, mono ou dihydraté;
► urate de sodium;
► urate d'ammonium;
► xanthine;
► dihydroxy 2-8 adénine;
266 Lithiase urinaire

■ Autres (S %) :
► cystine;
► médicaments.

Enfin, les calculs sont classés selon leur morphologie et leur structure (aspect macroscopique),
ce qui oriente précisément vers un processus physiopathologique. On observe souvent la
combinaison de plusieurs types de minéraux au sein d'une même lithiase, avec un noyau
d'une composition donnée, et une section d'une autre composition. Voir « Pour en savoir
plus» : tableau détaillé des types de lithiases.

Ill. SIGNES CLINIQUES D'UNE LITHIASE

A. La colique néphrétique
La colique néphrétique est la complication principale d'une lithiase urinaire du haut
appareil. Colique néphrétique et lithiase du haut appareil ne sont pas synonymes :
80 % des coliques néphrétiques sont dues à une lithiase (20 % le sont par atteinte de
la paroi urétérale), et toutes les lithiases ne provoquent pas de colique néphrétique.
La douleur de la colique néphrétique est secondaire à la mise en tension des parois de l'arbre
urinaire en amont de l'obstacle : en réponse à l'augmentation de pression dans les voies
urinaires, les fibres musculaires de la paroi urétérale se contractent, et libèrent de l'acide
lactique, qui va stimuler des fibres nociceptives. La production rénale de prostaglandines
en réponse à l'augmentation de pression dans les cavités urinaires augmente le débit de
filtration glomérulaire. Ceci et explique l'efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Les caractéristiques de la colique néphrétique sont :
facteur déclenchant : trajet, voyage, chaleur...;
■ début brutal;
■ douleur très intense, à type de torsion, avec des paroxysmes;
■ localisation dans l'angle costo-diaphragmatique, irradiant vers les organes génitaux;
■ apyrexie;
Ill signes fonctionnels urinaires : pollakiurie, impériosités;
Il signes digestifs possibles : nausées, vomissements...;
■ hypertension artérielle;
■ agitation car absence de position antalgique;
l'examen clinique est négatif (pas de signe d'urgence chirurgicale).
Il faut rechercher une colique néphrétique compliquée, situation médicale nécessitant une
dérivation des urines en urgence :
fièvre, infection urinaire : rétention d'urines infectées en amont d'un obstacle, et
risque de sepsis voire de décès;
■ anurie : obstacle sur rein unique, ou sur un obstacle bilatéral. Il existe alors une
insuffisance rénale aiguë obstructive;
■ colique néphrétique hyperalgique : les douleurs ne cèdent pas malgré les AINS IV
et les antalgiques morphiniques;
rupture des voies excrétrices : la douleur cède brutalement, et un urinome se constitue
Les diagnostics différentiels de la colique néphrétique sont nombreux. L'examen clinique
et l'interrogatoire ont une forte valeur d'orientation et un scanner non injecté rectifie
souvent le diagnostic :
pathologies digestives : colique hépatique; cholécystite aiguë; pancréatite aiguë;
diverticulite; appendicite aiguë; hernie inguinale étranglée;
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 262 267

■ pathologies gynécologiques: grossesse extra-utérine; torsion de kyste ovarien ou


d'annexe;
■ pathologies médicales: pneumopathie; arthrose lombaire;
■ pathologies vasculaires: fissuration d'anévrisme de l'aorte abdominale; infarctus
mésentérique;
■ pathologies rénales: infarctus rénal, nécrose papillaire.

B. Les formes paucisymptomatiques


Une lithiase urinaire peut se manifester par:
■ une hématurie microscopique;
■ des infections urinaires récidivantes, bactériurie asymptomatique;
■ une insuffisance rénale chronique (calcul bilatéraux coralliformes).
Une lithiase peut être découverte fortuitement sur un examen radiologique prescrit pour
une autre raison.

C. La lithiase du bas appareil


La lithiase urinaire du bas appareil est l'apanage de populations de patients très ciblées,
comme ceux souffrant de pathologies neurologiques lourdes (en particulier les patients
para- et tétraplégiques). Elles se manifestent par des signes d'irritation vésicale, et/ou des
infections urinaires à répétition.

IV. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


On distinguera les examens complémentaires à réaliser devant une colique néphrétique
pour confirmer le diagnostic et rechercher une complication, et les examens
complémentaires réalisés à distance afin d'orienter vers une étiologie spécifique.

A. Biologie
■ Devant une colique néphrétique, il faut réaliser:
► bandelette urinaire : recherche une hématurie ou une infection urinaire
(nitrites; leucocytes). Seuil de détection : 5.103 globules rouges/ml; 104 leuco­
cytes/ml; 105 bactéries (entérobactéries réduisant les nitrates)/ml;
► examen cytobactériologique des urines : il doit toujours être prescrit si la
bandelette urinaire est positive;
► ionogramme sanguin, créatininémie et une numération sanguine;
► le cas échéant, des hémocultures.

■ Après obtention du calcul expulsé spontanément (tamisage des urines) ou après un


geste endo-urologique, il faut effectuer une analyse morpho-constitutionnelle du
calcul. Elle combine une analyse optique, avec typage morphologique et une analyse
spectrophotométrique infrarouge du calcul. Elle permet de déterminer précisément
le type de calcul, sa composition moléculaire et cristalline, et orienter vers un méca­
nisme et une étiologie.
■ Dans un deuxième temps, plus d'un mois après l'épisode aigu ou un geste urologique,
un bilan de première intention est effectué. Les conditions de recueil des urines de
24 heures doivent être précises. Il est important que le patient ne modifie pas ses
habitudes alimentaires pour la réalisation de ce bilan:
► biologie sanguine: créatininémie, calcémie, glycémie à jeun, uricémie;
► urines de 24 heures: créatinine, volume total, calcium, sodium, urée, urates;
► urines du matin (à jeun) : pH, densité, BU, cristallurie.
268 Lithiase urinaire

■ Lorsque les calculs (calciques) récidivent, il est recommandé de doser:


► sang: PTH, 1-25 diOH Vit D (calcitriol);
► urines des 24 heures: oxalate, citrate;
► une exploration en service de physiologie rénale peut également être proposée
pour un test de charge en calcium (Test de Pak).

B. Radiologie
Selon les disponibilités du plateau technique local, une colique néphrétique s'explore
avec un cliché d'abdomen sans préparation couplé à une échographie rénale et des voies
excrétrices ou bien d'un scanner sans injection. En cas de doute diagnostique avec un
problème abdominal aigu, il convient de réaliser un scanner non injecté. Un uroscanner
(avec injection de produit de contraste et prise de temps tardifs pour visualiser l'excrétion
dans les voies urinaires) doit être effectué si un geste urologique invasif est proposé afin
de connaître précisément l'anatomie des voies urinaires.
Abdomen sans préparation
► simple, rapide peu coûteux;
► peu sensible et peu spécifique;
► visualise uniquement les calculs radio opaques;
► ne renseigne pas sur les complications possibles;
► permet de suivre la progression du calcul;
► ne doit pas être utilisé seul.

1!11 Échographie réno-vésicale


► examen rapide, non-invasifet peu coûteux;
► mais opérateur dépendant;
► observe les calculs radiotransparents;
► ne visualise pas les calculs situés dans l'uretère lombaire ou iliaque;
► confirme la colique néphrétique si une dilatation des cavités pyélocalicielles est
observée.

■ Scanner non injecté


► rapide, opérateur-indépendant, mais irradiant;
► excellentes sensibilités et spécificités;
► identifie tous les calculs (saufles médicaments), en particulier les calculs urétéraux
non visualisés par l'échographie;
► peut identifier des complications;
► mesure la densité Hounsfield (HU) des calculs ce qui oriente vers une composition
particulière du calcul et prédit l'efficacité de la lithotripsie extracorporelle.

■ Uroscanner
► permet de confirmer un obstacle lors d'un retard d'excrétion;
► nécessaire avant un geste urologique pour connaître la morphologie des voies
urinaires et les caractéristiques du calcul (taille, forme, topographie).

V. TRAITEMENT DE LA COLIQUE NÉPHRÉTIQUE


On distingue la prise en charge des calculs en place, et la prévention des récidives.
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 262 269

A. Traitement de la colique néphrétique non compliquée


Elle est ambulatoire en général. Elle est basée sur l'utilisation des anti-inflammatoires
non-stéroïdiens (diminuant l'œdème local et l'inflammation et entraînant une
relaxation des fibres musculaires lisses de l'uretère réduisant ainsi le péristaltisme,
et le débit de filtration glomérulaire).
■ Par voie parentérale (par exemple kétoprofène, 1 à 3 ampoules par jour en IM ou IV)
avec relais per os après sédation.
■ Restriction hydrique tant que le calcul n'a pas été éliminé.
■ Antalgiques de niveau 1 et de niveau 3 avec ou sans antispasmodiques, en cas de
contre-indication ou en complément aux antiinflammatoires non-stéroïdiens.
■ Tamisage des urines.
■ Suivi de la progression du calcul par ASP/Échographie.

B. Traitement de la colique néphrétique compliquée


Devant une colique néphrétique fébrile, anurique, ou hyperalgique, il faut dériver les urines
en urgence. Elle nécessite une hospitalisation en urgence, un bilan préopératoire, la mise
en place de voies veineuses, et des mesures de réanimation si nécessaire.
Elle est basée sur une dérivation chirurgicale des urines du haut appareil:
■ par voie endoscopique sous contrôle fluoroscopique: sonde urétérale avec la boucle
supérieure dans le pyélon, et la boucle inférieure dans la vessie. Cette dernière est
préférée en cas d'urines purulentes;
■ en cas d'échec, un pose de néphrostomie par voie percutanée sous contrôle échogra­
phique (parfois effectuée en première intention). Nécessite que les cavités pyélocali­
cielles soient dilatées.
Les urines sont prélevées pour analyse bactériologique.
Un traitement antibiotique est démarré dès les prélèvements bactériologiques effectués:
■ double et intraveineux;
■ associant une céphalosporine de 3' génération avec un aminoside (ceftriaxone 1 à
2 g/24 heures IVL en une prise gentamycine-Gentamycine 3 mglkg/24 heures IVL
en une prise);
■ secondairement adaptée à /'antibiogramme;
■ relais per os peut être envisagé à 48 heures d'apyrexie;
■ durée totale de 10 à 21 jours.

C. TRAITEMENT UR0L0GIQUE DES CALCULS


Le traitement curatif des calculs et la technique employée sont discutés en fonction des
symptômes, des comorbidités, de la taille, de la localisation, de la densité des calculs, et des
particularités anatomiques. En général, les calculs < 5-6 mm de diamètre ne sont pas une
indication à une ablation s'ils sont asymptomatiques. Noter qu'un calcul de diamètre > 8 mm
n'a aucune chance d'être expulsé spontanément.
Les calculs d'acide urique peuvent être traités en première intention pas alcalinisation
des urines afin de les dissoudre. Chez la femme enceinte, les calculs sont traités après
l'accouchement. En attendant, les urines sont dérivées par sonde JJ ou néphrostomie
percutanée. Avant tout traitement urologique, ilfaut rechercher une infection urinaire, un
trouble de l'hémostase et une anomalie des voies excrétrices.
274

Composition Interprétation
Type Morphologie
chimique clinique
Hy percalciurie, - Rugueux ou pommel
é
IVd Brushite hyperparathyroïdie, - Légèrement translucid
e
hyperphosphaturie Crèm
e

Granuleux ou bosselé, cireux, transl u -


Va Cystine Cystinurie
cide Brun à jaun
e

Vb C st n e
y i
- Cystinurie traitée - Plus ou moins liss
e
+carbapatite par alcalinisation Crème à jaun
e
P o
r -
t é Pyélonéphrite chr o -
Via ines+pho s - Souvent mou, lisse, blanc à bru
nique n
phates

Proté nes+d i- - Lithiases médic a-


i

Rugueux, écaill
Vlb vers const i- menteuses é
Brun à noi
tuants Proté nurie
i r

P o é - Lisse
Vic r t Lithiase du dialys
ines+whewe ite
l é Brun no r
i
Chapitre 7. Biologie rénale - QCM

QCM

► 1. Quels sont les deux composants principaux des lithiases urinaires dans les pays
occidentaux?
A. Acide urique
B. Oxalate de calcium
C. Phosphate de calcium
D. Cystine
E. Struvite

► 2. Devant une colique néphrétique droite, vous prescrivez :


A. Des anti-inflammatoires non-stéroïdiens par voie orale
B. Des antalgiques systématiques
C. Une restriction sodée
D. Une bandelette urinaire
E. Un tamisage des urines

► 3. Parmi les facteurs suivants, lequel (lesquels) est (sont) un(des) facteur(s) favorisant la
survenue de lithiase urique?
A. Un diabète de type 2
B. Des urines concentrées
C. La maladie de Cacchi-Ricci
D. Un syndrome métabolique
E. Une infection urinaire

► 4. La lithiase calcique :
A. Représente 10 % des calculs urinaires
B. Est radio-transparente
C. Survient souvent chez un patient atteint d'un syndrome métabolique
D. Est riche en oxalate
E. Peut être prévenue par un régime alimentaire équilibré

► 5. Devant un cas de lithiase radio-opaque chez un patient de 1,70 m et 60 kg, vous


disposez des examens suivants :
• calcémie = 2,4 mmol/1,
• calciurie = 10 mmol/j,
• phosphatémie = 1 mmol/1,;
• créatininémie = 65 µmol/1.
Parmi les items suivants, lequel (lesquels} est (sont) exact(s)?
A. Le diagnostic d'hyperparathyroïdie primaire est possible
B. Le tableau est compatible avec le diagnostic de granulomatose
C. Un traitement par allopurinol est indiqué
D. Une prise occulte de furosémide est possible
E. Un surdosage en vitamine 03 est compatible avec ce tableau.
ITEM 257

HEMATURIE
Nicolas PALLET

OBJECTIFS D 'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.

1. INTRODUCTION
Une hématurie est la présence de globules rouges dans les urines émises lors d'une miction. Elle
témoigne d'une communication entre les vaisseaux de l'arbre urinaire et un conduit urinaire; ou
entre les capillaires glomérulaires et la chambre urinaire des glomérules.
Elle est macroscopique lorsqu'elle est visible, en général à partir de 5.105 globules rouges/ml {500/mm3).
Les urines sont rosées, rouges, ou brunâtres, avec ou sans caillots.
Elle est microscopique lorsqu'elle n'est pas visible, et se définit par une concentration de globules
rouges supérieure à 104/ml (10/mm3). L'hématurie microscopique est souvent diagnostiquée de manière
fortuite sur un examen de dépistage (médecine du travail notamment).
Il n'y a pas de corrélation entre le type d'hématurie et la sévérité de la maladie sous-jacente, et la démarche
diagnostique doit être la même pour les deux types d'hématurie.

Il. DIAGNOSTIC

A. Faux positifs
La bandelette urinaire détecte l'activité péroxydase catalysée par les hémoprotéines (en premier lieu
l'hémoglobine), à un seuil> 5 globules rouges/mm3 •
La sensibilité est bonne (90 %) avec des faux négatifs induits par la prise de Captopril, un pH acide (pH < 5),
la prise de vitamine C à forte dose, ou des urines très concentrées.
Il existe des faux positifs dus à la présence d'hémoprotéines dans les urines: myoglobinurie (rhabdomyolyse),
porphyrines (porphyries), hémoglobine (hémoglobinurie), bilirubine, ou contact avec des antiseptiques (avec
activité peroxydase comme l'eau de Javel).
Une coloration rouge des urines sans hématurie (et bandelette urinaire négative) s'observe lors de :
prise d'aliments: betterave, mûres, myrtilles, choux rouge, rhodamine B (colorant alimentaire);
■ prise de médicaments: rifampicine++, érythromycine, métronidazole, certains anti-inflammatoires,
la vitamine B12.
La présence d'hématies dans les urines sans hématurie peut s'observer lors d'une contamination génitale
(menstruations, métrorragies, hémospermie) ou une urétrorragie (saignement persistant en dehors des
mictions).
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 257 277

B. Diagnostic positif
La recherche d'hématurie avec une bandelette doit être effectuée en dehors d'une
période menstruelle, sur les urines du matin, fraîchement émises, après toilette génitale.
L'examen cytobactériologique des urines permet de confirmer ou d'infirmer le
diagnostic, de quantifier l'hématurie, et d'orienter vers une origine possible (leucocyturie
orientant vers une infection urinaire; cylindres hématiques et hématies déformées
orientant vers une hématurie glomérulaire).
Le compte d'Addis-Hamburger ne doit plus être utilisé.

Ill. ENQUÊTE ÉTIOLOGIQUE


Le but de la démarche diagnostique devant une hématurie est d'orienter vers une atteinte
urologique ou une atteinte parenchymateuse rénale. Le contexte clinique et l'interrogatoire
permettent en général de s'orienter assez facilement vers une cause urologique ou rénale.

A. Interrogatoire et examen clinique


En cas d'hématurie macroscopique abondante, rechercher des signes de gravité : hypovolémie,
HTA maligne (glomérulonéphrite); recherche d'un globe vésical pouvant compliquer un
caillotage.
Antécédents personnels de maladies urologiques (infections, lithiases, cancers)
Antécédents personnels de maladies rénales (glomérulonéphrites, polykystose rénale,
syndrome d'Alport), ou de maladies systémiques pouvant occasionner des glomérulonéphrites
(vascularites à ANCA, Lupus, cryoglobulinémie) ou des nécroses papillaires (drépanocytose,
diabète).
Recherche de facteurs de risque de maladie urologique :
■ tabagisme++ (carcinome urothélial);
■ origine ethnique, voyages récents (bilharziose, tuberculose);
■ exposition à des toxiques, exposition professionnelle : amines aromatiques, goudrons,
colorants (cancers urothéliaux);
■ traitement par cyclophosphamide, irradiation pelvienne (carcinome urothélial).
Traitements associés : anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, anti-inflammatoires
non stéroïdiens
Signes fonctionnels associés :
■ pollakiurie et dysurie évoquent une atteinte du bas appareil;
■ colique néphrétique évoque une maladie lithiasique ou un caillotage de la voie
excrétrice;
■ mictions impérieuses et brûlures mictionnelles évoque une infection urinaire;
■ hypertension artérielle, œdèmes des membres inférieurs évoquent une glomérulopathie;
■ infection ORL récente, oriente vers une néphropathie à IgA.
Examen clinique : il oriente vers une atteinte urologique :
■ palpation et percussion des fosses lombaires : recherche d'un gros rein, d'une douleur
provoquée;
■ toucher pelvien à la recherche d'une masse ou d'une prostate douloureuse.

B. Caractéristiques de l'hématurie
Une hématurie macroscopique évoque plutôt une atteinte urologique (cancer, lithiase,
infection). La présence de caillots signe une origine urologique de l'hématurie. L'hématurie
d'origine parenchymateuse rénale ne produit pas de caillots en raison de la présence d'un
anticoagulant physiologique des urines, l'urokinase produite par les tubules.
278 Hématurie

La chronologie de l'hématurie au cours de la miction oriente vers:


■ hématurie initiale (qui survient en début de miction) évoque une atteinte uréthro-pros­
tatique;
■ hématurie terminale (qui survient en fin de miction) évoque une atteinte vésicale;
■ hématurie totale (qui couvre l'ensemble de la miction) évoque une atteinte néphro­
logique, ou urologique.

C. Examens complémentaires
L'ECBU élimine les fausses hématuries et les infections urinaires. Demander la recherche
de tuberculose et de biharziose le cas échéant.
De manière systématique, en cas de confirmation de l'hématurie, on demandera : un
ionogramme sanguin avec créatininémie; un ionogramme urinaire avec protéinurie;
une analyse du culot urinaire (cylindres, hématies déformées, cristaux); une numération
globulaire; une échographie des reins et de l'appareil urinaire.
Complétée par l'interrogatoire et l'examen clinique, l'orientation se fait en général vers
une cause urologique, néphrologique, ou bien l'hématurie est isolée:
orientation urologique (douleurs, caillots, signes fonctionnels urinaires, anomalies
à l'échographie): réalisation d'un uroscanner (ou uro-IRM si contre indiqué), puis
le cas échéant d'une cystoscopie, d'une cytologie urinaire, voire d'une urétéroscopie
(suspicion de tumeur urétérale);
► NB. : la cytologie urinaire est un test sensible pour détecter des tumeurs vésicales
de haut grade, mais par pour les tumeurs de bas grade. Ainsi, une cytologie urinaire
normale nëlimine pas la possibilité d'une tumeur vésicale.

■ orientation néphrologique (HTA, insuffisance rénale, protéinurie> 1 g/1, hématies


déformées, absence d'anomalie à l' échographie): discuter la réalisation d'une biopsie
rénale;
■ hématurie isolée: doit faire rechercher une pathologie urothéliale : réalisation d'un
uroscanner, puis le cas échéant d'une cystoscopie, d'une cytologie urinaire, voire
d'une urétéroscopie.
Si l'hématurie reste isolée, en présence de facteurs de risque de tumeur urothéliale
(âge> 50 ans, tabac), une surveillance urologique sera nécessaire.
Une hématurie isolée s'observe également au cours des maladies à dépôts d'IgA de forme
bénigne, ou d'anomalies héréditaires des membranes basales, qui ne relèvent pas d'une
biopsie rénale, ni d'un traitement particulier. Une surveillance néphrologique annuelle
sera nécessaire.

IV. CAUSES D'HÉMATURIE


Les principales causes d'hématurie sont:
■ les tumeurs urothéliales et le cancer du rein;
■ les lithiases;
■ les infections urinaires;
■ les atteintes rénales parenchymateuses.
Les causes évidentes, plus rares:
■ post-traumatique (fracture du rein, plaie vésicale);
■ à la suite d'un geste invasif (biopsie, résection endoscopique, sondage).
Chapitre 7. Biologie rénale - ITEM 257 279

Diagnostic d'élimination:
atteinte prostatique: cancer, adénome, infection;
► l'hématurie d'effort s'observe après un effort physique intense et prolongé, et est
liée à des microtraumatismes associés à une augmentation de la perméabilité
glomérulaire. Doit être explorée si elle persiste;
► un traitement coagulant n'est pas a priori une cause d'hématurie, et doit faire
rechercher d'autres lésions sous-jacentes.

Atteintes rénales parenchymateuses:


glomérulaires:
► avec prolifération cellulaire endo ou extra-capillaire: glomérulonéphrites extra­
capillaires, glomérulonéphrites membrano-prolifératives, glomérulonéphrites
post-infectieuses;
► sans prolifération cellulaire: glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d'IgA;
syndrome d'Alport.

■ tubulo-interstitielle: néphropathie tubulo-interstitielle aiguë (immunoallergique,


infectieuse);
Il nécrose papillaire, infarctus rénal;
■ polykystose rénale.
280

FICHE FLASH
0 Une hématurie est la présence de sang dans les urines au cours d'une miction.
U La bandelette est très utile au dépistage, mais est peu spécifique.
□ Un examen cytobactériologique des urines doit toujours confirmer le diagnostic d'hématurie.
U Le seuil pathologique est défini par un nombre de globules rouges > 10/mm3 •
0 Les hématuries micro et macroscopiques ont la même signification étiologique.
□ Les causes sont urologiques (cancer, lithiase et infections) et néphrologiques (glomérulopathies).
□ La présentation de l'hématurie, l'interrogatoire, et l'examen clinique permettent en général d'orienter
vers une cause urologique ou néphrologique.
□ Les examens de première intention à réaliser devant une hématurie: ECBU, créatinine sérique, protéinurie,
numération globulaire, échographie rénale et des voies urinaires.
□ Une hématurie chez un fumeur doit faire rechercher un carcinome urothélial.
□ Une biopsie rénale est discutée devant une suspicion d'hématurie de cause néphrologique.
Chapitre 7. Biologie rénale - QCM

QCM

► 1. Parmi les éléments suivants accompagnant une hématurie, quel(s) est (sont) celui
(ceux) qui oriente(nt) vers une origine néphrologique?
A. La présence de caillots dans les urines
B. La présence de cellules anormales dans les urines
C. La présence de cylindres hématiques dans les urines
D. Une douleur lombaire unilatérale
E. Une protéinurie à 0,3 g/1

► 2. Une hématurie microscopique peut être secondaire à :


A. Un orthostatisme prolongé
B. Une néphropathie à dépôts mésangiaux d'lgA
C. Une glomérulonéphrite extra-capillaire secondaire à une vascularite à ANCA
D. Une polykystose rénale
E. Une cystite

► 3. Une bandelette urinaire est positive pour les globules rouges en cas :
A. De porphyrie
B. De syndrome néphrotique
C. De tuberculose urogénitale
D. D'hémoglobinurie paroxystique nocturne
E. De la prise de rifampicine

► 4. Devant une hématurie de découverte fortuite, chez un fumeur de 63 ans, que prescri­
vez-vous en première intention?
A. Une cytologie urinaire
B. Une cystoscopie
C. Un écho-doppler des artères rénales
D. Une protéinurie des 24 heures
E. Une biopsie rénale

► 5. Un homme de 30 ans présente une hématurie macroscopique à la suite d'un épisode


infectieux ORL non étiqueté. Quel(s) est (sont) le (les) diagnostic(s) plausible(s)?
A. Néphropathie à dépôts d'lgA
B. Nécrose papillaire
C. Glomérulonéphrite post-infectieuse
D. Carcinome urothélial
E. Polykystose rénale
CHAPITRE 8. BIOLOGIE FÉMININE, BIOLOGIE DU COUPLE ET DE LA GROSSESSE

ITEM 22

GROSSESSE NORMALE
DIAGNOSTIC ET SUIVI BIOLOGIQUE
Nicolas DE ROUX, Leila DRIRA, Clémence DELCOUR, Sophie DREUX

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


• Connaître les examens blologlques obllg atolres lors de la grossesse.
• Connaître les examens biologiques systématiquement proposés lors de la
grossesse.
• Connaître la stratégie de dépistag e de la trisomie 21.

1. DIAGNOSTIC CLINIQUE DE GROSSESSE


Il repose sur la clinique et les examens complémentaires. L'interrogatoire retrouve un retard de règles mais
il est n'est pas toujours facile à reconnaître, surtout si les règles sont irrégulières ou si la pilule a été arrêtée
récemment. Dans ces cas, l'ovulation, et donc le début de grossesse, peuvent être retardés. De plus, il n'est
pas rare que des saignements assez fréquents lors de la nidation de l'œuf dans l'utérus en début de grossesse
soient pris à tort pour des règles.
Les nausées sont fréquentes mais pas obligatoires. Il en est de même des autres signes : tension des seins,
pesanteur du bas-ventre, somnolence, besoin d'uriner plus fréquent, dégoût de certains aliments ou de
certaines odeurs, humeur changeante, constipation, etc.
Une courbe thermique peut mettre en évidence une augmentation nette, au-delà de 18 jours, de la température
au-dessus de 37 ° C.
L'examen clinique retrouve un col violacé, une glaire cervicale coagulée ou absente. L'utérus est augmenté
de volume et a une forme sphérique.
Le dosage de l'hCG (hormone Chorionique Gonadotrope) permet d'affirmer le diagnostic.
La durée d'une grossesse varie entre 280 et 290 jours soit 40 à 41,5 semaines d'aménorrhée (SA) soit une
durée moyenne de 284 jours. La date de déclaration de grossesse est déterminée en fonction de la date
des dernières règles. Chez une femme qui a un cycle régulier, la date de début de grossesse correspond au
14• jour suivant le début des dernières règles. Une datation échographique est recommandée entre 11 et
13,6 SA par la mesure de la longueur cranio-caudale.
Par convention internationale, lorsqu'on parle d'âge de grossesse en semaines, il s'agit des semaines depuis la
date du début des dernières règles ou semaines d'aménorrhée (SA). Lorsqu'on parle de la grossesse en mois,
on compte à partir du jour de la fécondation, soit habituellement 14 jours après la date des dernières règles.
284 Grossesse normale : diagnostic et suivi biologique

Il. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE GROSSESSE


Le diagnostic de grossesse nécessite le dosage de l'hCG (Hormone Chorionique
Gonadotrope). Il existe des tests qualitatifs et des tests quantitatifs. Les tests sanguins
qualitatifs permettent de confirmer un diagnostic de grossesse 6 à 8 jours après la
fécondation, et quelques jours plus tard pour les analyses urinaires. Les tests urinaires
qualitatifs peuvent être réalisés en laboratoire mais sont aussi en vente libre et peuvent
être réalisés par les femmes constatant un retard de règles.
1. Tests urinaires vendus en pharmacie
Ces tests reposent sur la recherche d'hCG dans les urines. Ils sont vendus sans
ordonnance mais ne sont pas remboursés. Le résultat peut être considéré comme fiable
s'il est positif. En revanche, s'il est négatif, il est possible que la femme soit enceinte,
si la grossesse est plus récente que ne le laisse penser la date des dernières règles. En
effet, la positivité est calculée à partir d'une fécondation calculée sur le 14• jour d'un
cycle de 28 jours. Si les cycles sont plus longs (35 jours) ou, si l'ovulation est tardive,
le test sera négatif au 28• jour.
2. Dosage sanguin de l'hCG
Ce test est quantitatif et très fiable Les dosages sériques les plus utilisées sont les
méthodes immunométriques dont la limite de détection est basse et la spécificité
excellente. Les différentes méthodes ne dosent pas les mêmes formes d'hCG (dosages
de l'hCG intacte, de l'hCG intacte, et de la sous-unité � libre).

Tableau 1 : Valeurs usuelles de l'hCG au cours d'une grossesse normale :

Âge approximatif de la grossesse Zone de concentrations attendues en hCG* (Ul/1)


10' jour 10
1,5 à 2 semaines 40 à 200
2 à 3 semaines 100 à 1000
3 à 4 semaines 500 à 10000
4 à 6 semaines 6 000 à 200 000
6 à 9 semaines 100 000 à 300 000
Sécrétion maximale entre les 8' et 10' semaines
2' trimestre 3000 à 50000
3' trimestre 1000 à 50000

*des variations individuelles importantes peuvent être observées


Attention, le taux d'HCG ne permet pas la datation de la grossesse. Seule l'échographie
permet de dater précisément le début de la grossesse.
La concentration plasmatique de l'hCG augmente rapidement après la fécondation. Le
temps de doublement est de 48 heures en début de grossesse. L'hCG comprise entre 5
et 25 Ul/ml peut indiquer un début de grossesse, cependant, le diagnostic biologique
de grossesse doit être confirmé par un dosage réalisé sur un deuxième prélèvement.
Si le taux ne double pas toutes les 48 heures, stagne ou baisse, on peut évoquer une
fausse couche ou une grossesse extra-utérine :
■ la concentration sérique d'hCG peut aider au diagnostic de fausse couche spontanée
en montrant une valeur anormalement faible pour l'âge de la grossesse, ou lorsque
les taux d'HCG stagnent ou diminuent en 48 heures;
■ au cours des grossesses extra-utérines, la concentration sérique hCG est inférieure à
la normale et son augmentation est plus lente (absence de doublement du taux d'HCG
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 22 285

à 48 heures). Mais attention, un doublement du taux d'HCG toutes les 48 heures est
possible en cas de grossesse extra-utérine (et en général, le taux va stagner dans un
second temps). C'est la raison pour laquelle l'échographie est décisive pour différen­
cier une grossesse extra-utérine d'une grossesse intra-utérine évolutive ou stoppée.
Les grossesses multiples sont difficiles à identifier par ce simple dosage car l'amplitude
des valeurs de référence est grande, cependant une valeur très élevée peut parfois être un
signe précoce du développement de plusieurs embryons.
Les môles hydatiformes et les choriocarcinomes s'accompagnent habituellement d'une
élévation très importante du taux sérique d'hCG.

Ill. SURVEILLANCE BIOLOGIQUE DE LA GROSSESSE


Après confirmation du diagnostic de grossesse, plusieurs examens biologiques sont
obligatoires dans un but de prévention des maladies infectieuses, du risque d'allo­
immunisation mais également pour rechercher des pathologies de la grossesse dont le
diabète gestationnel (Tableau 2). Un certain nombre d'examens biologiques sont décidés
en fonction des antécédents et des signes cliniques apparaissant au cours de la grossesse
aussi bien chez la mère que chez l'enfant.

A. Les examens obligatoires


1. Groupe sanguin ABO, Rh complet, RAI
Rechercher les femmes Rh D-, à risque de développer une allo-immunisation (RAI) si le fœtus
est rhésus positif et qu'il y a contact entre le sang maternel et le sang fœtal (métrorragies,
accouchement, ou traumatisme abdominal en cours de grossesse). L'allo-immunisation
correspond à la situation dans laquelle la femme de rhésus négatif (Rh D-) développe des
anticorps anti-érythrocytaires (RAI positifs) dirigés contre les antigènes du rhésus positif
(Rh D+). Ces anticorps peuvent traverser la barrière placentaire et provoquer une anémie
hémolytique chez le fœtus. 75 % des cas d'allo-immunisation lors de l'accouchement
surviennent en cas d'IVG et de fausse couche spontanée, en l'absence de prophylaxie. Les
risques pour le fœtus surviennent lors de la grossesse suivante et sont importants : anémie
sévère, ictère néonatal grave, hémorragie, mort fœtale in utero.
La recherche de RAI sera réalisée lors de la première consultation, puis au 6• mois et
s• mois, et à chaque situation à risque (métrorragies, traumatisme). La prévention de
l'allo-immunisation est possible grâce à l'injection d'immunoglobuline anti Den cas
de métrorragies, de traumatisme abdominal et à l'accouchement.

2. Prévention de la transmission materno-fœtale de la rubéole,


de la toxoplamose, de la syphilis et de l'hépatite B
Ces examens obligatoires de sérologie vont permettre de prévenir les risques d'embryopathies
sévères, ou de pathologie virale congénitale.

3. Sérologie de la rubéole
Le risque de rubéole congénital dépend du terme auquel survient l'infection il est
majeur avant 12 SA et devient presque nul après 18 SA. La vaccination est indispensable
chez toute femme qui a un désir de grossesse. Si elle est négative, la sérologie de la
rubéole doit être répétée jusqu'à 18 SA.

4. Sérologie de la toxoplasmose
La survenue d'une toxoplasmose congénitale est un risque majeur lorsque les femmes ne
sont pas immunisées. En France, 50 % des adultes sont immunisés. Le risque de transmission
augmente avec le terme de la grossesse alors que les conséquences cliniques diminuent
en fin de grossesse. La majorité des enfants qui ont une toxoplasmose congénitale sont
286 Grossesse normale : diagnostic et suivi biologique

asymptomatiques. La sérologie de la toxoplasmose est répétée chaque mois à partir du 2•


examen prénatal, si elle n'est pas acquise, et des conseils hygiéno-diététiques de prévention
sont dispensées.
5. Sérologie de la syphilis
Lors de la première consultation, elle est obligatoire pour prévenir la transmission au fœtus.
6. Hépatite B
Depuis 2016, l'HAS recommande d'effectuer le dépistage de l'haptite B (Ag HbS) dès
le premier trimestre de grossesse.
7. Numération formule sanguine
La NFS permet de rechercher une anémie ferriprive en début de grossesse qui favorise la
prématurité et un retard de croissance intra-utérin. Elle sera de nouveau contrôlée vers
le 6• mois de grossesse.
Frottis cervico-vaginal si le dernier est supérieur à 3 ans.
8. Pré-éclampsie
La recherche d'albumine dans les urines, pratiquée également une fois par mois, permet
de dépister une pré-éclampsie. La surveillance mensuelle de la tension artérielle est
également un élément du dépistage de la pré-éclampsie.

B. Les examens réalisés selon les facteurs de risque


1. Diabète gestationnel
Une glycémie à jeun au 1er trimestre de grossesse sera demandée uniquement en cas de
facteurs de risque : âge > 35ans, IMC > 25 kg/m2 (avant grossesse), antécédent personnel
de diabète gestationnel ou de macrosomie, antécédent familial de diabète au 1., degré. Un
diabète de type 2 est diagnostiqué en cas de glycémie > 1,26 g/1. Le diabète gestationnel
précoce correspond à une glycémie à jeun comprise entre 0,92 g/1 et 1,25 g/1.
Au deuxième trimestre de grossesse, une HGPO (hyperglycémie provoquée par voie
orale à 75 g de glucose) sera réalisée. Le diabète gestationnel sera diagnostiqué si
une ou plusieurs valeurs est élevée : > 0,92 g/1 à jeun, 1,80 g/1 à 1 h, 1,53g/l à 2 heures.
2. Dosages hormonaux
Le fœtus dépend des hormones thyroïdiennes de la mère pendant le 1., trimestre de la
grossesse, puis de sa propre production à partir du 2• trimestre. Un bilan thyroïdien (T3,
T4, TSH) devra donc être systématiquement réalisé chez les femmes ayant des antécédents
personnels ou familiaux d'une maladie de la glande thyroïde.

C. Les examens non obligatoires mais proposés systématiquement


Plusieurs examens sont systématiquement proposés à la mère dont le dépistage du
virus du SIDA (VIH) et de l'hépatite C en début de grossesse et la recherche d'une
infection urinaire à partir du 4• mois. Le dépistage de la trisomie 21 est une situation
particulière.
1. Sérologie VIH
Elle est proposée systématiquement au premier trimestre.
2. Sérologie hépatite C
Elle est proposée aux femmes ayant des facteurs de risque d'être atteinte d'une hépatite C
(infection connue chez un proche, antécédent de transfusion, etc.) mais n'est pas obligatoire.
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 22 287

3. Le dépistage de la trisomie 21
Le diagnostic de certitude d'anomalie chromosomique repose sur l'analyse du caryotype fœtal
réalisé à partir d'un prélèvement de villosités choriales, de cellules amniotiques ou de sang
fœtal. Le dépistage consiste à cibler des patientes à risque accru d'anomalie chromosomique
chez lesquelles le prélèvement pour caryotype fœtal sera réalisé. Le facteur de risque
d'anomalie chromosomique le mieux établi est l'âge maternel. Actuellement, les
progrès liés au développement de l'échographie ont contribué à mettre en évidence
des anomalies fœtales permettant le dépistage des anomalies chromosomiques chez
les femmes plus jeunes, et enfin, l'existence de marqueurs biochimiques dans le sérum
maternel au 2• trimestre de la grossesse puis au 1•• trimestre, ce qui a finalement permis
une extension du dépistage à toutes les femmes enceintes qui le désirent.
Le dépistage de la trisomie 21 a fait l'objet de nombreux débats. En effet, pendant
de nombreuses années, ce dépistage entraînait un nombre élevé de gestes invasifs
(amniocentèses ou choriocentèses) et donc de complications iatrogènes. La stratégie
de dépistage officialisée en décembre 2018 a permis d'initier un nouveau test de
dépistage (ADN fœtal libre circulant) afin de sélectionner la population de femmes
nécessitant un geste invasif et de réduire ainsi le risque iatrogène.
Le principe du dépistage de la trisomie 21 fœtale par les marqueurs sériques maternels
repose sur le calcul d'un risque individuel de trisomie 21 en pondérant le risque lié
à l'âge maternel par un facteur de correction lié aux valeurs des concentrations des
biomarqueurs dosés dans le sérum maternel.
La relation entre marqueurs sériques maternels et trisomie 21 a été découverte de façon
fortuite. En 1984, une première étude montrait que l'alpha-foeto-proteine (AFP) était plus
basse dans le sérum maternel lorsque le fœtus était atteint de trisomie 21. En 1987 et 1988
l'intérêt de l'hCG, de sa fraction 13 libre et de l'œstriol non conjugué (E3) était démontré.
Différentes associations combinant l'âge maternel et un ou plusieurs de ces marqueurs ont
été proposées pour améliorer leur valeur prédictive. En 1988, Wald proposait un calcul de
risque utilisé actuellement dans tous les logiciels validés en France.
Les marqueurs de la trisomie 21 utilisés au premier trimestre de la grossesse ne sont pas
les mêmes que ceux du deuxième trimestre, l'hCG totale, l'AFP et l'œstriol n'étant pas ou
peu utiles avant 14 SA. Seule la 6-hCG libre est un bon marqueur lors des deux premiers
trimestres. La protéine plasmatique A associée à la grossesse (pregnancy-associated plasma
protein A ou PAPP-A), synthétisée par le trophoblaste et diminuée en cas de trisomie 21,
est utile avant 14 semaines. Les études ont démontré l'association utile des dosages de
PAPP-A et 6-hCG libre comme marqueurs prédictifs.
En plus des marqueurs biologiques, l'utilisation de marqueurs échographiques a
progressivement été intégrée dans les stratégies de dépistage. En effet l'échographie
du premier trimestre (entre 11 SA et 13 SA + 6 jours) s'est progressivement imposée
comme un test de dépistage de la trisomie 21 par la mesure de la clarté nucale avec
une excellente sensibilité et spécificité.
Le principe du dépistage de la trisomie utilise un calcul de risque qui associe des signes
échographiques et la concentration des biomarqueurs maternels. La Haute Autorité de
Santé a émis des recommandations en juin 2007. Un test réalisé entre 11 + 0 SA et 13
+ 6 SA, intégrant les données échographiques (mesure de la clarté nucale enfonction de la
longueur crânio-caudale) et biologiques (PAPP-A et fraction libre de la b-hCG) doit être
proposé aux femmes enceintes quel que soit leur âge.
Ce calcul de risque combiné n'est possible que si la clarté nucale est mesurée à partir d'un
cliché échographique de qualité indiscutable, nécessitant une standardisation et un contrôle
de qualité de ces mesures.
Le développement de nouvelles techniques de biologie moléculaire utilisant le séquencage
haut débit a ouvert de nouvelles perspectives par le dosage de l'ADNfœtal circulant chez
la mère. Le principe de cette méthode est d'étudier la sur-représentation du chromosome
21 dans l'ADN circulant chez la mère. La présence de l'ADN circulant augmente avec
288 Grossesse normale: diagnostic et suivi biologique

le terme de la grossesse. En cas de recherche positive, l'analyse doit être confirmée par
la réalisation d'un caryotype fœtal après amniocentèse ou choriocentèse. Avec un taux
de détection supérieur à 99 % et un taux de faux positifs inférieur à 1 %, ce test permet
d'affiner l'évaluation du risque de trisomie 21 et de limiter le recours aux examens invasifs
de confirmation (amniocentèse ou choriocentèse).
Suite aux recommandations de la HAS, un arrêté publié le 20 décembre 2018 intègre un
nouvel examen dans le dispositif de dépistage de la trisomie 21 (T21) fœtale. Le test ADN
est désormais pris en charge par l'assurance maladie et est proposé à toutes les femmes
enceintes dont le niveau de risque estimé est compris entre 1/1 000 et 1/51 après un dépistage
combiné du 1er trimestre (ou à défaut des marqueurs sériques du 2' trimestre). Auparavant,
le caryotype était proposé aux femmes ayant un risque de 1/250.

4. Les étapes du dépistage de la trisomie 21


1. Au premier trimestre de grossesse, le dépistage combine trois éléments :
► mesure de clarté nucale du fœtus par échographie;
► dosage des marqueurs sériques biochimiques;
► âge de la femme.

■ 2. En fonction du niveau de risque ainsi estimé, trois possibilités :


► si le niveau de risque de T21 est inférieur à 1/1000 : le dépistage s'arrête et le suivi
habituel de la grossesse continue;
► si le risque est compris entre 1/1 000 et 1/51 : la femme enceinte se voit proposer
le test ADN libre circulant de la trisomie 21;
► si le risque est supérieur ou égal à 1/50 : la réalisation d'un caryotype fœtal est
proposée d'emblée, tout en laissant la possibilité pour les femmes qui le souhaitent
de réaliser d'abord un test ADN.

Dans tous les cas, la place du caryotype fœtal reste inchangée : seul cet examen permet
de poser le diagnostic de trisomie 21.
De manière générale, plusieurs recommandations pratiques sont apparues pour le dépistage
des anomalies fœtales :
une information adaptée doit être donnée en consultation obstétricale, pour éviter de
pousser des parents àfaire un diagnostic prénatal contre leur volonté, et pour limiter
l'anxiété induite par le dépistage;
a la qualité des tests biologiques doit être contrôlée. c'est vrai en particulier pour le
diagnostic et le dépistage des maladies infectieuses comme la toxoplasmose et pour
le dépistage sérique des anomalies chromosomiques;
les échographies doivent être réalisées non seulement au bon terme mais aussi par un
opérateur suffisamment expérimenté.
Conclusion : il est indispensable que les structures de dépistage fonctionnent en
partenariat avec un ou plusieurs centres spécialisés (CPDPN : centre pluridisciplinaire
de diagnostic prénatal) qui auront pour mission de confirmer ou d'infirmer les
anomalies détectées et de programmer la prise en charge obstétrico-pédiatrique.

D. Examens de biochimie prénatale au cours de la grossesse, suite


à la découverte d'une anomalie échographique
Plusieurs dosages sont réalisables à partir du liquide amniotique ou du sang fœtal pour
diagnostiquer des pathologies fœtales. Ces dosages sont justifiés lorsque la génétique
moléculaire n'a pas été contributive pour porter le diagnostic de certitude de certaines
maladies du développement tels que les défauts de fermeture du tube neural, certaines
pathologies rénales ou du développement du tube digestif.
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 22 289

Comme toutes les autres activités concernant les examens sur l'enfant à naître, la
biochimie prénatale ne peut être réalisée que dans des laboratoires autorisés. À ce jour,
moins de trente laboratoires sont autorisés pour cette activité spécifique de biochimie.
Cette autorisation est distincte de celle concernant l'utilisation de marqueurs sériques
maternels et de celle utilisée pour les analyses d'immunologie et d'hématologie.
La répartition des maladies étudiées dans chaque laboratoire est disponible dans deux
répertoires qui recensent ces activités : ORPHANET (http://orphanet.infobiogen.fr) et le
répertoire de l'Association Française pour le Dépistage des Handicaps de !'Enfant. Il s'agit
donc d'une activité très spécialisée.
Bibliographie

Tableau 1 : Examens sanguins et urinaires obligatoires ou proposés au cours de la grossesse.

Obligatoire < 10 SA 4 ° mois 5 ° mois 6 ° mois 7° mois a• mois 9 ° mois


Groupe sanguin (A, B, 0, rhésus complet,
2
kell)
Recherche agglutinines irrégulières
Si Rhésus D négatif: à toutes les femmes
Si Rhésus D positif: aux femmes avec un
passé transfusionnel.
RAI à l'exclusion des Ac dirigés contre les
Ag A et B
Sérologie Toxoplasmose 3
Sérologie rubéole 4
Sérologie Syphilis
Glycosurie et protéinurie
Recherche Ag HBs
NFS
À proposer systématiquement
Sérologie VIH 1 et 2
Recherche streptocoque B
dans prélèvement vaginal
Frottis cervical
Dépistage des anomalies chromosomiques
5 6
fœtales
À proposer en fonction de la situation
clinique
ECBU 7
NFS
Bilan thyroïdien

1. Uniquement si première grossesse et si la patiente ne possède pas de carte de groupe sanguin complet.
2. Si détermination non réalisée.
3. Si négatif: à poursuivre pendant la grossesse.
4. Si négatif: sérologie jusqu'à 18 SA.
5. Marqueurs sériques du 1" trimestre (11 à 13 SA) combinés à la mesure de la clarté nucale.
6. Marqueurs sériques du 2e trimestre (15 à 18 SA).
7. Pris en charge par la sécurité sociale à partir du 6e mois de grossesse.
290 Grossesse normale : diagnostic et suivi biologique

1 er trimestre de la grossesse
proposition de dépistage de la trisomie 21
> échographie + prise de sang + âge ➔ calcul du risque

Si votre risque Si votre risque Si votre risque

----�------ ---���--111111
est inférieur est compris entre est supérieur ou égal
à 1/1000 1/1000 el 1/51 à 1/50

Proposition du test Proposition d'un


ADNLC T21 examen diagnostique
> prise de sang > amniocentèse ou
choriocentèse

Résultat
NÉGATIF

Résultat
NÉGATIF

POSSIBILITÉS
➔ Poursuivre la grossesse
et accooilllr l'enfant 811 mettant
811 place un suivi adapté
➔ Demander une interruption
Suivi habituel de la grossesse médicale d8 grossesse

Figure 1 : Dépistage de la trisomie 21 (janvier 2019). Source (www.has-sante.fr).


291

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Grossesse normale: CNGOF. 2019.

+ HAS: www.has-sante.fr.
ITEM 24
DIAGNOSTIC D'UNE GROSSESSE
EXTRA-UTERINE
Ingrid PLOTTON et Delphine MALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter la démarche médicale et les examens complémentaires nécessaires
au diagnostic.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les examens à réaliser pour poser le diagnostic.
• Connaître l'intérêt des seuils d'hCG pour le diagnostic de GEU.

1. INTRODUCTION
Le diagnostic précoce d'une Grossesse Extra-Utérine (GEU) doit être évoqué très rapidement lors
de la prise en charge d'une patiente susceptible d'être enceinte, car il met en jeu son pronostic vital.
C'est la première cause de mortalité liée à la grossesse au cours du premier trimestre dans les pays
industrialisés. C'est une urgence chirurgicale et le traitement sera d'autant plus conservateur si le
diagnostic est précoce.

Il. DÉFINITIONS
La Grossesse Extra-Utérine ou nidation ectopique est l'implantation et le développement de l'œuf en
dehors de la cavité utérine.
Les différentes parties anatomiques de la trompe peuvent être concernées. L'embryon peut se développer
dans l'ampoule tubaire (75 %), dans l'isthme (20 %), dans le pavillon(3 %) et dans l'ovaire voire dans la
cavité abdominale(< 1% des cas).

Ill. ÉPIDÉMIOLOGIE
Sa fréquence en France est de l'ordre de 14000 cas/an soit 1,7 % à 2 % des grossesses.

A. Diagnostic
1. Terrain et facteurs de risque
■ L'interrogatoire devra rechercher dans les antécédents :
► GEU antérieures(risque de GEU x 10);
► salpingites(risque de GEU x 6), à chlamydia trachomatis qui peut être à l'origine de lésions tubaires;
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 24 293

► chirurgicaux au niveau tubaire ou pelvien (appendicectomie);


► interruption volontaire de grossesse d'autant plus à risque si associée à une infec­
tion ou des complications;
► traitement hormonal: Traitement d'une infertilité (inducteur de l'ovulation,
FIV/ICSI); pilule microprogestative; pilule du lendemain;
► dispositif Intra-Utérin: Le risque est multiplié par 3, il est observé un surcroît de
risque avec les stérilets à la progestérone;
► le tabac est un facteur de risque important puisqu'il représente la 2• cause de
GEU après les altérations tubaires;
► âge maternel élevé surtout chez une primipare.

2. Symptômes
Les symptômes surviennent chez une femme en âge de procréer.
On retrouve la notion de retard des règles.
Associée à:
des métrorragies peu abondantes, classiquement sépia voire noirâtres parfois
mélangées à du sang rouge, intermittentes avec paroxysme, calmées par l'émission
d'un peu de sang: les coliques salpingiennes. L'association à des douleurs scapulaires
témoigne de l'existence d'un hémopéritoine accompagné de lipothymies et de malaises;
■ des douleurs unilatérales sus-pubiennes dans une des fosses iliaques;
■ les signes sympathiques de grossesse (nausées, seins tendus);
■ vertiges, lipothymies à rechercher comme signes de gravité.

3. Examen clinique
À l'état initial, l'état général est conservé: TA et pouls normaux, conjonctives sans
particularité.
L'examen gynécologique révèle:
repérer les cicatrices;
■ abdomen souple, douleur à la palpation de la région hypogastrique;
■ au spéculum: col fermé, sans glaire, présence de sang d'origine endo-utérine;
■ au toucher pelvien:
► toucher vaginal: utérus un peu augmenté de volume, mais plus faible que le
volume attendu avec l'âge de la grossesse;
► rechercher une sensibilité au niveau du cul de sac de Douglas;
► le toucher peut parfois déclencher une douleur vive témoignant d'une irritation
péritonéale;
► douleur à la mobilisation utérine.

Aucun de ces signes fonctionnels ou physiques n'est spécifique du diagnostic.


L'examen peut être peu contributif, la GEU sera asymptomatique.
Dans un contexte de troubles des règles et/ou métrorragies et/ou douleurs pelviennes
même minimes chez une femme jeune, il faut évoquer le diagnostic de GEU et pratiquer
deux examens de première intention : le dosage quantitatif de l'hCG plasmatique et
une échographie pelvienne.

4. Examens complémentaires

a. Dosage de l'hCG
L'hCG ou hormone Chorionique Gonadotrope humaine est produite principalement
par les cellules syncytiotrophoblastiques du placenta au cours de la grossesse. Cette
294 Diagnostic d'une grossesse extra-utérine

hormone est synthétisée et secrétée par l'œuf fécondé dès le stade 4/8 cellules et est
détectée dans le sang dès le 9° jour de grossesse.
Le pic d'hCG est atteint à la 8 ° semaine d'aménorrhée (environ 100000 UI/l) puis va
redescendre vers 18/20 semaines d'aménorrhée (SA) pour atteindre un plateau aux environs
de 5 000 UI/l jusqu'à l'accouchement. L'hCG se négative 5 jours après l'accouchement.
Lors d'une grossesse normalement évolutive, le taux d'hCG double toutes les 48 heures
au cours des 8 premières SA.
Lors d'une GEU, il est habituel d'observer une cinétique perturbée en raison de
l'absence de doublement du taux d'hCG en 48 heures. Il faut deux dosages à 48 heures
d'intervalle pour affirmer l'évolutivité de la GEU.

b. L'.échographie pelvienne
■ Réalisée par voie endovaginale (ou abdominale si nécessaire).
■ Doit prendre en compte l'âge gestationnel, les résultats de l'échographie ainsi que
le taux d'hCG plasmatique.
■ Dans la GIU normale, on note aux examens successifs :
► à 5 semaines : sac trophoblastique;
► à 6 semaines : sac trophoblastique + écho embryonnaire;
► à 7 semaines : sac trophoblastique + écho embryonnaire + battements cardiaques
(BC).

■ Il faut connaître le piège du pseudo sac gestationnel (PSG) lié à la transformation


déciduale de la caduque utérine.
► On peut affirmer le caractère intra-utérin d'une grossesse débutante devant
l'association, d'un sac trophoblastique intra-utérin avec écho embryonnaire et
BC. Avant ce stade, il faudra être vigilant et surveiller.
► Le sac gestationnel ne devient visible que pour des valeurs d'hCG de 6500 UI/l.

■ Le principal signe de GEU est un signe indirect :


► La constatation d'une vacuité utérine pour un taux d'hCG > 1 500 UI/1.

■ Les autres signes sont :


► un épanchement liquidien dans le Douglas (épanchement de sang dans la partie
la plus déclive du péritoine);
► une formation latéro-utérine hétérogène (hématosalpinx) ou la visualisation
directe du sac ovulaire à la GEU. Cette image est observée du côté où la douleur
domine et dans plus de 90 % des cas du côté du corps jaune.

■ Cas particuliers
► hCG > 1500 UI/l avec une vacuité utérine sans signe clinique et sans autre signe :
contrôle à 48 heures et avis spécialisé.

c. Autres bilans
■ NFP, groupe Rhésus, bilan de coagulation.
■ Bilan pré-thérapeutique en fonction du traitement médical (si méthotrexate : faire
un bilan rénal et hépatique) et chirurgical.
5. Diagnostic positif
La cœlioscopie, pratiquée sous anesthésie générale, est l'examen clé du diagnostic.
Elle confirme la localisation anatomique de la GEU.
Elle permet le traitement par cœlioscopie de la GEU.
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 24 295

6. Évolution
1. Hématocèle rétro-utérin.
■ 2. Rupture dans le péritoine avec inondation péritonéale (pâleur, accélération
du pouls, état de choc), avec urgence de la prise en charge.
Il 3. Formes pseudo-abortives: persistances des douleurs malgré un éventuel curetage
et persistance ou augmentation des concentrations d'hCG.
Il 4. Formes fébriles (le dosage de l'hCG orientera vers une grossesse).
■ 5. Formes pauci-symptomatiques: risque d'évolution vers une rupture et une inon­
dation péritonéale.
6. Association GIU-GEU: rare, 1/30000 grossesses.
7. Traitement
Objectifs:
traiter la GEU avant la survenue de l'hémopéritoine;
■ préserver la fertilité;
■ limiter la récidive;
■ limiter la morbidité thérapeutique;
éviter une immunisation rhésus chez les patientes de groupe rhésus négatif.
P rincipaux moyens thérapeutiques
Médical:
► Méthotrexate 1 mg/kg (antinéoplasique cytostatique) en intra-musculaire ou per
cœlioscopie ou sous contrôle échographique, plus rarement par voie veineuse:
• grossesse pauci-symptomatique;
• hCG < 5000 UI/l;
• hématosalpinx de petite taille sans hémopéritoine;
• bilan préthérapeutique (NFP, coag, bilan rénal et hépatique);
• bilan à une semaine (NFP, coag, bilan rénal et hépatique);
• élévation transitoire à J2 de l'hCG;
• taux d'échec: 10-20 %.

■ Chirurgical:
► la cœlioscopie avec chirurgie radicale ou chirurgie conservatrice:

• diagnostic, bilan lésionnel et traitement de la patiente;

► laparotomie:
• pas d'indication pour les GEU non compliquées;

► après chirurgie conservatrice:

• surveillance hCG en post- opératoire et à 48 heures et monitorer


jusqu'à la baisse du taux d'hCG;

► abstention thérapeutique:

• GEU asymptomatique;
• hémodynamique et hématocrite stable;
• hCG initial < 1 000 UI/1;
• surveillance médicale rapprochée+ dosages itératifs d'hCG.
296 Diagnostic d'une grossesse extra-utérine

8. CAT si GEU rompue


Signes généraux : signes de choc hémorragique.
■ Examen : défense sus-pubienne sans contracture.
■ Touchers pelviens très douloureux : cri du Douglas :
► 1. pose de deux voies veineuses;
► 2. bilan pré opératoire en urgence +dosage hCG;
► 3. surveillance des constantes hémodynamiques;
► 4. prévention de l'immunisation rhésus.

9. GEU et hématocèle retro-utérin


Correspond à une rupture ancienne et à bas bruit.
Métrorragies.
Signes de compression pelvienne.
■ Signes digestifs.
■ Sub-fébrile, subictère, asthénie.
■ Touchers pelviens : masse dans le cul de sac de Douglas et masse antérieure au TR.
Masse hétérogène à l'échographie.
■ Le dosage de l'hCG peut être positif.
ITEM 37

STÉRILITÉ DU COUPLE
Ingrid PLOTTON et Delphine MALLET

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Argumenter la démarche médicale et les examens complémentaires nécessaires
au diagnostic.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les examens de 1•• intention chez l'homme et chez la femme dans
les situations d'infertilité.
• Savoir interpréter les dosages hormonaux chez l'homme et chez la femme.
• Connaître les éléments en faveur d'une cause centrale ou périphérique.
• Connaître les bilans et modalités de suivi des principaux protocoles de
stimulation.

1. INTRODUCTION
L'infertilité d'un couple est considérée comme un problème important de santé publique, car il
a un retentissement à la fois sur le plan financier mais peut aussi altérer la qualité de vie avec de
potentielles conséquences sur l'équilibre psychologique. Il est actuellement estimé que 15 % des
couples rencontreront dans leur vie des difficultés pour procréer.

Il. DÉFINITIONS
La fertilité est l'aptitude biologique des couples à obtenir une naissance vivante.
Le taux de fécondité à un âge donné désigne le nombre d'enfants nés d'une femme de cet âge au cours
de l'année, rapportée à la population moyenne de l'année des femmes du même âge
La fécondabilité correspond à la probabilité mensuelle (ou par cycle menstruel) de grossesse pour des
couples n'utilisant pas de méthode contraceptive.
L'infertilité de couple est définie par l'absence de grossesse après un an de rapports sexuels réguliers
et non protégés.
Cette définition est à distinguer de celle de la stérilité qui correspond à l'incapacité totale de procréer,
terme employé si la situation d'infertilité est définitive.

Ill. ÉPIDÉMIOLOGIE
La connaissance du délai nécessaire pour concevoir (DNC) est une notion intéressante à lëchelle d'une
population. Seul 25 % des couples obtiennent la grossesse désirée au cours du 1 er mois, il faut en moyenne
sept mois à un couple pour concevoir un enfant.
298 Stérilité du couple

Lafertilité d'un couple dépend de lafécondité des deux partenaires. Pour un couple infertile,
les données actuelles montrent qu'une cause féminine est identifiée dans 1/3 des cas, une
cause masculine pour 1/3 et qu'elle est partagée dans le 1/3 des cas restants. Il sera donc
indispensable de mener en parallèle les explorations clinico-biologiques chez les deux
membres du couple. On distinguera 3 étapes : une étape d'interrogatoire, un bilan clinico­
morphologique et une exploration biologique.

IV. INTERROGATOIRE

A. Du couple
La durée de vie commune, fréquence des rapports, arrêt de la contraception.
■ Les traitements antérieurs ou en cours et les explorations antérieures.

B. De la femme
■ Âge:
► est un élément essentiel du pronostic, on observe une augmentation nette du délai
pour concevoir après 35 ans.
• On s'intéressera également à l'âge de la puberté, l'âge des premières règles
et leur durée, la régularité des cycles (en faveur d'une ovulation).

■ Ancienneté de l'infertilité:
► la durée, son caractère primaire (pas de naissance ou grossesse antérieure avec
le même ou un autre conjoint) ou secondaire (absence de nouvelle grossesse);
► les antécédents de fausses couches spontanées, d'interruption médicale de gros­
sesse, ou d'interruption volontaire de grossesse (antécédents).

■ Antécédents d'infections (infections génitales, salpingites, tuberculose génitale,


infections sexuellement transmissibles).
■ Antécédents de curetages (post-partum, post abortum) ou chirurgicaux sur le col
utérin (cancer in situ, dysplasie).
■ Traitements antérieurs: radiothérapie pelvienne ou hypophysaire, chimiothérapie
gonadotoxique.
■ Hygiène de vie: stress, sport (quantité, compétition, jogging), régime restrictif,
addictions (tabac, alcool, cannabis).
■ Douleurs pelviennes (évocatrices d'endométriose, séquelles infectieuses).

C. De l'homme
■ Ancienneté de l'infertilité, grossesse avec une autre partenaire.
■ Antécédents d'infections génitales (orchites, épididymites, prostatites).
■ Antécédents médicaux: bronchites à répétitions.
Il Pathologies testiculaires et génitales: cryptorchidie (uni ou bilatérale), abaissement
après traitement médical ou chirurgical, âge lors du traitement, antécédents d'hy­
pospade, de micropénis.
Il Antécédents chirurgicaux: intervention pour hernie inguinale bilatérale.
■ Traitements antérieurs: radiothérapie pelvienne ou hypophysaire, chimiothérapie
gonadotoxique.
Ill Hygiène de vie: stress, sport (quantité, compétition, jogging), régime restrictif,
addictions (tabac, alcool, cannabis, testostérone et anabolisants).
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 37 299

V. EXAMEN CLINIQUE

A. Chez la femme
■ Âge.
■ Paramètres morphologiques : Taille, Poids, IMC, tour de taille/tour de hanche.
■ Pression artérielle.
Il Examen cutané : Pilosité, acanthosis nigricans.
■ Galactorrhée.
■ Examen gynécologique : trophicité vaginale, inspection de la glaire.
■ Touchers pelviens : inspection du col, présence de fibromes.
Il Courbe de température : une courbe biphasique est un bon témoin de l'existence
d'une ovulation.
■ Si aménorrhée : penser à rechercher une galactorrhée, un hirsutisme, des troubles
du comportement alimentaire, des bouffées de chaleur (insuffisance ovarienne).

B. Chez l'homme
■ Paramètres morphologiques : Taille, Poids, IMC, tour de taille/tour de hanche, aspect
gynoïde ou eunuchoïde.
■ Pression artérielle.
■ Pilosité visage et pubienne.
■ Gynécomastie.
■ Cicatrices de gestes chirurgicaux.
■ Varicocèle (Tableau 1).

Tableau 1 : Grades cliniques de varicocèle spermatique.

Grade Critères
1 Palpable seulement en manœuvre de Valsalva
2 Palpable au repos, mais non visible
3 Visible et palpable au repos

■ Autres signes : hypospade, infection du méat, prostatite, épididymite.


Il Volume testiculaire à l'aide de l'orchidomètre de Prader (Figure 1).

Figure 1 : Orchidomètre de Prader.


Permet la mesure du volume testiculaire. Volume à 4 ml témoigne du démarrage
de la puberté. Un volume> 15 ml est en faveur d'une spermatogenèse normale
300 Stérilité du couple

■ La palpation des cordons spermatiques avec palpation des canaux déférents, des
épididymes.
■ Toucher rectal pour examen de la prostate.

VI. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

A. Chez la femme
1. Échographie Ovarienne
Réalisée par voie endovaginale.
■ À réaliser en début de cycle 03-JS).
■ Précise la taille et l'aspect des ovaires, évalue le compte de follicules antraux (ou
CFA) qui sont les follicules sélectionnables et permet de donner des indications sur
la réserve ovarienne:
► CFA< 5 follicules/ovaire: diminution de la réserve ovarienne;
► CFA> 12 follicules/ovaire: évocateur d'ovaires polykystiques.

■ Mesure l'épaisseur de la muqueuse utérine et met en évidence la présence de fibromes


ou de polypes.
2. Hystérographie
Précise l'intégrité et la perméabilité de l'utérus et des trompes.
À réaliser en phase folliculaire moyenne vers le s• -10• jour du cycle, et en dehors de toute
infection génitale évolutive.
■ Apprécier la cavité utérine, l'état et la perméabilité des trompes ainsi que le passage
du produit de contraste dans la cavité péritonéale.
3. Test post-coïtal (test de Hühner)
Test de deuxième intention: Il explore la qualité de la glaire cervicale et les caracté­
ristiques des spermatozoïdes in vivo (nombre, mobilité).
► Réalisation en période pré-ovulatoire (en surveillant la courbe de température et
associé à une échographie ovarienne de surveillance de maturation du follicule),
4 à 8 heures après un rapport sexuel et après une abstinence de 3 à 4 jours.
► Examen de la qualité de la glaire : fi.lance, transparence, et cristallisation en
feuille de fougères.
► Examen de la mobilité des spermatozoïdes: nombre, mobilité progressivité ou
sur place.
► Résultats : La glaire doit être filante et abondante.
► Observé au grossissement 400.
► Si présence de 5-10 spermatozoïdes à mobilité progressive/champ= normal.
► Si absence de spermatozoïde: rechercher une lésion du col.
► Si spermatozoïde immobile et mucus de qualité correcte: rechercher des anticorps
anti- spermatozoïde.

4. Explorations Hormonales
1!11 En cas d'aménorrhée : prévoir le bilan étiologique :
► penser à évoquer une grossesse : dosage d'hCG;
► en cas de galactorrhée, rechercher une hyperprolactinémie : dosage de la
prolactine;
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 37 301

► en cas d'hirsutisme:
• doser la testostérone totale et la SHBG, et calculer la testostérone
libre ou biodisponible;
• doser la 17-hydroxyprogestérone en début de phase folliculaire le
matin entre 8 heures et 10 heures ou réaliser un test au synacthène
pour éliminer formellement une forme non classique de déficit en
21-hydroxylase;
• doser la déhydroépiandrostérone sulfate (DHEAS) en cas de suspicion
de tumeur corticosurrénalienne, en général associée à une testosté­
rone totale très élevée;

► en l'absence d'élément clinique: bilan hormonal de 1re intention:

• à réaliser entre J3 et J5 (après le début des règles): FSH, LH, œstra­


diol, prolactine;
• si les cycles sont réguliers: réaliser un dosage de la progestérone
plasmatique entre J22-23 (après le début des règles): informatif sur
la qualité du corps jaune;

► bilan de réserve ovarienne:


• dosage de !'Hormone Anti-Mullerienne + échographie (Compte des
Follicules Antraux).

B. Chez l'homme
Exploration de 1 ' intention.
0

1. Spermogramme et spermocytogramme
Cet examen est essentiel et systématique chez tout homme s'interrogeant sur sa fertilité.
Réalisation: au laboratoire après 2 à 5 jours d'abstinence sexuelle.
Sur le compte rendu des résultats sera noté le délai d'abstinence et les paramètres
spermatiques selon les références OMS de 2010 (tableau 2), il sera également précisé
si le patient a rencontré des difficultés pour réaliser le prélèvement.

Tableau 2: Valeurs normales et nomenclature des anomalies selon la classification de l'Organisa­


tion Mondiale de la santé (2010)

Anomalies Nomenclature
Paramètres Valeurs normales
du sperme des anomalies
Oélai
3-5 jours
abstinence
Volume < 1,5 ml Hypospermie
> 1,5 ml
éjaculé Nul Aspermie

pH 7,2 à 8,0 ml

< 15 millions/ml
Nul Oligospermie
Concentration > 15 millions/ml Nul mais présence - Azoospermie
de spermatozoïdes - Cryptozoospermie
après centrifugation
302 Stérilité du couple

Anomalies Nomenclature
Paramètres Valeurs normales
du sperme des anomalies

> 32 % mobilité
progressive (a+b)
Mobilité < 32 % mobiles Asthénospermie
(a : fléchant rapide,
B : fléchant progressif)
>58 % spermatozoïdes
Vitalité <58 % Nécrospermie
vivants
> 4 % de forme typique
{classification de - <4%
Morphologie Kruger) Tératospermie
>24 % <23 %
Classification de Davis
Leucocytes < 1 million/ml > 1 million/ml Leucospermie
Rechercher la
Agglutinats + présence d'auto
anticorps

Si le résultat met en évidence des anomalies, il sera alors nécessaire de le vérifier sur un 2 °
spermogramme à 3 mois d'intervalle (durée de 74 jours de la spermatogenèse).

2. Explorations hormonales
À réaliser systématiquement en cas d'oligo- ou d'azoospermie.
L'exploration hormonale simple de l'homme comporte:
FSH et LH plasmatiques:
► des niveaux abaissés (habituellement FSH < 1 Ul/1, LH < 0,6 Ul/1) permettent
d'évoquer le diagnostic de déficit gonadotrope;

si altération de la libido avec dysfonction érectile ou gynécomastie:


► dosage de la SHBG (Sex Hormone Binding Globulin) en cas de doute sur la valeur
de la testostérone. Cette protéine varie lors des variations pondérales importantes,
de pathologies hépatiques, de dysthyroïdies, et entraîne une variation de la concen­
tration de la testostérone non liée à la SHBG {ou testostérone biodisponible).

Le bilan hormonal est justifié:


symptômes et/ou clinique d'hypogonadisme : volume testiculaire abaissé;
■ troubles sexuels : baisse de la libido et dysfonction érectile;
spermogramme : diminution du nombre de spermatozoïdes et du volume de
l'éjaculat;
■ autres examens
► échographies des voies génitales ± transrectale:

• échographie scrotale: en cas de facteur de risque de cancer du testicule


(cryptorchidie, antécédent de cancer du testicule, testicule atrophique);
• échographie épididymo-déférentielle et prostatique: à la recherche d'une
pathologie obstructive;
• doppler veineux scrotal: bilan de varicocèle;

► spermoculture: demandée devant des anomalies du spermogramme (leucos­


permie, nécrospermie, asthénospermie inexpliquée), des antécédents infectieux
génito-urinaires;
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 37 303

► test de migration survie : ce test permet d'évaluer la quantité de spermatozoïdes


mobilesfécondants d'un éjaculat en les sélectionnant par un gradient de densité.
Ces données sont importantes pour le choix des techniques d'aide médicale à la
procréation;
► études génétiques:
• caryotype: des anomalies sont retrouvées chez 7 % des hommes infertiles
(17 % en cas d'azoospermie, 10 % si oligospermie < Smillions/ml). Le
syndrome de Klinefelter (47, XXY) représente 2/3 des anomalies chro­
mosomiques:

le caryotype doit être proposé:

azoospermie non obstructive;


oligospermie < 10 millions/ml;
► histoire familiale d'avortements à répétition, malforma­
tion, retards mentaux;
, infertilité inexpliquée;
► recherche de microdélétion du chromosome Y:

• retrouvée chez 2 % des hommes avec azoospermie;


• on distingue 3 régions localisées sur le bras long du chromosome Y:AZFa,
AZFb,AZFc;
• en cas de microdélétion de la régionAZFa ouAZFb: l'extraction de sper­
matozoïdes à partir d'une biopsie testiculaire n'est pas possible;

► analyse en biologie moléculaire du gène CFTR:


• les mutations du gène CFTR doivent être recherchées chez les hommes
présentant une absence bilatérale des canaux déférents et/ou des vésicules
séminales;
• si une mutation est mise en évidence chez l'homme, la recherche doit être
également demandée chez la partenaire.

VII. ÉTIOLOGIE DE L'INFERTILITÉ DE COUPLE

A. Chez la femme
1. Anovulation et dysovulation
Anovulation
► Très fréquent, 20 % des cas d'infécondité du couple.
► Aménorrhée ou irrégularité menstruelle (Item 40).
► Des cycles réguliers n'éliminent pas une anovulation, la courbe de température
ou le dosage de progestérone en 2• partie de cycle orienteront vers ce diagnostic.

■ Dysovulation ou ovulation de mauvaise qualité caractérisée par une phase lutéale


courte ou défectueuse (dosage de la progestérone).
Il Étiologies :
► syndrome des ovaires micropolykystiques;
► hyperprolactinémie;
► insuffisance ovarienne primitive;
► déficit gonadotrope;
304 Stérilité du couple

► étiologie fonctionnelle (stress, activité physique intense, dénutrition);


► dysthyroidie;
► hyperandrogénie surrénalienne (bloc enzymatique).

2. Obstacles mécaniques
■ Anomalies du col utérin et insuffisance de glaire cervicale (sténose après conisation,
curetage).
■ Obstacles et anomalies utérines (cloisons, synéchies).
Il Obstacles tubaires: cause majeure d'infertilité feminine, le plus souvent secondaire
à une salpingite (à chlamydia), traumatisme chirugical, ou endométriose.

3. Endométriose
Des lésions d'endométriose sont retrouvées chez 50 % des femmes consultants pour
infertilité idiopathique.

B. Chez l'homme
1. Azoospermie
Prendre en considération le volume testiculaire, la FSH, les signes d'hypogonadisme et les
antécédents.
Azoospermies sécrétoires ou non obstructives:
► diagnostic:
• volume testiculaire< 15 ml;
• FSH augmentée;
• inhibine B abaissée:

syndrome de Klinefelter;
microdélétion du chromosome Y;
chimiothérapie, radiothérapie.

■ Azoospermie sécrétoire à FSH basse:


► tableau avec trouble de la libido et dysfonction érectile:
• hypogonadisme hypogonadotrope (syndrome de Kallman);
• tumeurs hypophysaires.

■ Azoospermie excrétoire, obstructive:


► diagnostic:
• volume testiculaire normal;
• FSH et inhibine normales;
• volume éjaculat diminué;
• échographie testiculaire et transrectale;

► agénésie vésiculo-déférentielle: rechercher systématiquement une mutation du


gène ABCC ou CFTR responsable de la mucoviscidose;
► obstruction des canaux déférents ou éjaculateurs: origine infectieuse (gonocoque,
chlamydia), souvent présence d'une leucospermie;
► origine iatrogène post-chirurgicale.

■ Oligoasthénothératospermie (OAT)
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 37 305

► diagnostic:

• diagnostic: réalisation de plusieurs spermogrammes (2 au minimum);


• si < 5 millions/ml: caryotype et recherche de microdélétions du chromo­
some Y;

► étiologies:

• varicocèles;
• infectieuses;
• cryptorchidie;
• mode de vie: tabac, canabis, profession (toxiques);
• génétiques;
• idiopathiques.

VIII. TRAITEMENTS

A. L'homme
■ Chirurgie réparatrice.
■ Perméabilisation des canaux éjaculateurs.
■ Cure de varicocèle.
■ Assistance médicale à la procréation :
► insémination;
► FIV ICSI;
► TESE si azoospermie suivie d'une ICSI.

B. La femme
• Chirurgie tubaire.
• Myomectomie.
• Insémination.
• Induction de l'ovulation .
• FIV/ICSI.
310 AMÉNORRHÉE

■ Inhibine B
► Peptide inhibant la sécrétion de la FSH par les cellules gonadotropes. Elle est
synthétisée par les cellules de la granulosa sous l'effet de la FSH.
► Un bon indicateur du pool de cellules de la granulosa.

■ Hormone antimullérienne (AMH).


► Synthétisée par les cellules de la granulosa des follicules antraux qui constituent
le stock folliculaire.
► Permet d'évaluer le pool de follicules ovariens et donc la réserve ovarienne.
► Est abaissée en cas d'insuffisance ovarienne primaire.
► Important dans les dysgénésies gonadiques.
► Dosage indépendant du cycle.

■ Caryotype :
► Rechercher une dissociation entre le sexe chromosomique et le phénotype sexuel.
► Rechercher une mosaïque, ou une anomalie des gonosomes.

■ Autres examens biologiques dont un bilan hormonal hypophysaire en fonction de


l'orientation clinique.

Ill. CONCLUSION
L'aménorrhée est le symptôme d'un dysfonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophysaire,
des gonades ou de l'utérus. En dehors de la grossesse et de la ménopause, l'aménorrhée
est toujours pathologique et justifie un bilan chez l'adolescente et la femme adulte. Il est
courant de différencier les aménorrhées primaires des aménorrhées secondaires. Un bilan
clinique est essentiel mais c'est le bilan biologique qui évalue l'activité de l'axe gonadotrope.
Il faudra toujours éliminer une cause tumorale notamment de la région hypothalamo­
hypophysaire. Les causes ovariennes sont dominées par les ovaires micropolykystiques.
Chez la jeune adolescente, les causes génétiques doivent systématiquement être recherchées.

Aménorrhée Primaire
Absence de règle après 16
ans

Évaluation du stade pubertaire, poids, taille, antécédents, hyperandrogénie

Bilan biologique: Oestradiol, FSH,

E2 bas, FSH élevées

E2, FSH normales


Retard pubertaire Insuffisance ovarienne orimaire
simple (diagnostic

Hyperandrogéni Anomalies du tractus Syndrome de Turner


génital ATCD chimio ou radiothérapie ou
SOPK, Bloc en 21 OHase chirurgie ovarienne
Anorexie mentales
Anomalies des
Dysgénésie gonadique
conduites alimentaires.

Caryotype XY, LH, Caryotype XX


testostérone et AMH élevée: Malformations
Insensibilité complète aux vaginales ou utérines
androgènes

Tumeur Hyperthyroïdie
hypothalamo­ Maladies
hypophysaire Hypogonadisme
chroniques
hypogonadotrope congénital
Hyperprolactinémie
Chapitre 8. Biologie féminine, biologie du couple et de la grossesse - ITEM 40 311

Aménorrhée Secondaire

Orientation en fonction de l'histoire et du tableau clinique.

hCG élevée E2 basse E2 normales


LH normales ou augmentées E2 basse
E2 bas Prolactine normale
FSH basse ou normale FSH augmentée
LH Basse FSH basse or normale LH, FSH normales ou
basses LH augmentée
Testostérone totale normale ou
augmentée AMH basse
Androgènes surrénaliens normaux
ou augmentés.

Grossesse Adénome à prolactine Hypogonadisme Hyperandrogénie Insuffisance ovarienne primitive


hypogonadotrope

Aménorrhée hypothalamique Syndrome des ovaires


fonctionnelle polymicrokystiques (SOPK)

Atteinte organique Bloc en 21-hydroxylase


radiothérapie, tumeurs modéré (non classique)
hypophysaires,
craniopharyngiomes Tumeur de l'ovaire

Hypercortisolisme Syndrome de cushing

Hyperthyroïdie Tumeur de la surrénale

Si déficit antéhypophysaire
associé : syndrome de
Sheehan
CHAPITRE 9. BIOLOGIE DU VIEILLISSEMENT

ITEM 115
VIEILLISSEMENT NORMAL
ASPECTS BIOLOGIQUES
Manuel SANCHEZ, Matthieu LILAMAND, Cédric VILLAIN et Eric PAUTAS

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


• Connaître les principaux aspects physiologiques et biologiques du
vieillissement normal
• Connaître les principales anomalies biologiques d'évaluation des pathologies
dont l'incidence augmente avec l'âge

1. DÉFINITIONS ET CONCEPTS

A. Le vieillissement
Le vieillissement est un phénomène continu et progressif, résultant d'interactions entre des facteurs
génétiques, sociaux ou environnementaux auxquels sont soumis un organisme tout au long de sa vie. La
fonction des organes tend à décliner au fil du temps. Néanmoins, cette perte de fonction doit être distinguée
des maladies qui surviennent lors de l'avancée en âge.

B. Biologie du vieillissement
L'espérance de vie à la naissance en France a quasiment doublé au cours du xx• siècle, atteignant en 2019
85,4 années pour les femmes et 79,2 pour les hommes. L'espérance de vie est encore d'environ 27 ans pour
une femme de 60 ans et 23 ans pour un homme du même âge.
On distingue les effets du vieillissement normal sur le fonctionnement des organes, du vieillissement
pathologique lié aux pathologies aiguës ou chroniques. Cette évaluation permet d'estimer l'âge
«physiologique» d'un individu, qui conditionnera notamment le degré d'intensité de la prise en
charge de certaines pathologies ou encore les stratégies de prévention primaire et secondaire à
envisager. La recherche en biologie du vieillissement obéit aux mêmes principes, à l'échelle cellulaire
ou moléculaire. Au fil des années, des lésions de l'ADN s'accumulent. Ces dommages résultent de
mécanismes endogènes (défaut de réplication cellulaire, production de radicaux libres) et exogènes.
En parallèle, on observe une diminution des capacités de régulation et de réparation de l'organisme,
qui potentialise le nombre et la sévérité des altérations. Cet équilibre, qui détermine la cadence du
vieillissement à l'échelle cellulaire, dépend de facteurs génétiques et environnementaux.
314 Vieillissement normal : aspects biologiques

Il. PRINCIPAUX MÉCANISMES DU VIEILLISSEMENT CELLULAIRE

A. Radicaux libres et dysfonction mitochondriale


Les radicaux libres sont des espèces chimiques toxiques pour la cellule, qui peuvent résulter
soit du transfert direct d'un électron à une molécule d'oxygène (radical superoxyde), soit
de la combinaison de ce dernier avec d'autres molécules (e.g. peroxyde d' hydrogène). En
s'accumulant, ces radicaux libres présentent également une toxicité directe pour les lipides
(réactions de peroxydation), les protéines (oxydation, désorganisation de la membrane
cellulaire) et l'ADN. Pour lutter contre ces agressions, de nombreux systèmes de protection
anti-oxydante existent : superoxyde dismutase, catalase, glutathion peroxydase, acide
ascorbique, coenzyme Q etc. Avec le vieillissement, ces mécanismes de défense sont de
moins en moins efficaces.
Le vieillissement mitochondrial est caractérisé par des anomalies structurelles (changement
de morphologie, altérations de la membrane et du génome) qui entraînent une diminution
de leur capacité à produire de l' énergie et une augmentation de leur propension à produire
des radicaux libres. Ce phénomène favorise l'augmentation du stress oxydatif.

B. Sénescence cellulaire et épuisement des cellules-souches


La sénescence est, dans l'organisme jeune, un processus protecteur contre la mutagenèse,
qui vise à éliminer les cellules lésées en limitant leur nombre de divisions. En revanche,
dans un organisme âgé, ce mécanisme empêche le bon renouvellement des tissus.
L'accumulation au fil des années de lésions et de mutations de l'ADN des cellules-souches
participe également à leur épuisement.
Les cellules sénescentes synthétisent également des cytokines pro-inflammatoires à
bras bruit. Ainsi, la sénescence des cellules-souches explique la difficulté des tissus à se
renouveler et à conserver leur fonction. L'accumulation de lésions pro-inflammatoires,
l'affaiblissement du système immunitaire au fil des années et l'accumulation des protéines
endommagées sont responsables de l'apparition d'un phénotype caractéristique du
vieillissement, « l' inflammaging» qui serait spécifiquement associé à certaines pathologies
dont l'incidence augmente avec l'âge (athérosclérose, cancers, maladie d'Alzheimer).

C. Raccourcissement des télomères


Le vieillissement est associé à une diminution de la capacité de réparation des télomères des
chromosomes, composés de séquences non codantes d'ADN. Au fil des années, on observe
une diminution de la capacité de division cellulaire et une déstabilisation du génome.
La télomérase est une enzyme capable d'ajouter de nouvelles séquences nucléotidiques
aux extrémités chromosomiques. Néanmoins, son activité diminue avec le temps et son
expression varie d'un tissu à l'autre. En outre, les radicaux libres, mentionnés ci-dessus,
altèrent spécifiquement l'ADN télomérique et accélèrent ce processus de vieillissement.

B. Altérations épigénétiques
Ces altérations consistent en des modifications de méthylation de l'ADN, de l'acétylation des
histones ou encore du remodelage de la chromatine. La méthylation de l'ADN sur certains
sites est d'ailleurs perçue comme une « horloge biologique» du vieillissement, c'est-à-dire
un marqueur de l'âge biologique d'un organisme. Il s'agit donc de modifications réversibles
de l'activité des gènes pouvant se transmettre au cours des mitoses. Elles jouent un rôle
important dans les rythmes du vieillissement biologique et la longévité.
Chapitre 9. Biologie du vieillissement - ITEM 115 315

Ill. VIEILLISSEMENT DES ORGANES ET ANOMALIES BIOLOGIQUES


FRÉQUENTES

A. Appareil cardio-respiratoire
1. Cœur et vaisseaux
Le vieillissement cardiaque, notamment la fibrose myocardique, entraîne une diminution
de la compliance ventriculaire et donc du remplissage passif au cours de la diastole. En
revanche, en l'absence de pathologie surajoutée, la fraction d'éjection du ventricule gauche
et le débit cardiaque demeurent préservés. Le risque d'insuffisance cardiaque déclenchée
par un facteur exogène (hypertension, syndrome coronaire, anémie) augmente avec l'âge.
Les modifications structurelles du myocarde favorisent également la survenue de troubles
du rythme ou de la conduction.
Sur le plan vasculaire, on observe une augmentation de la rigidité de l'arbre artériel et
un épaississement de la média des artères avec l'âge. Ces modifications s'accompagnent
d'une dysfonction endothéliale. La rigidité artérielle augmente la post-charge soumise
au ventricule gauche et diminue la perfusion coronarienne. Il en résulte un risque accru
d'événements cardiovasculaires (AVC, syndrome coronaire aigu).
Sur le plan du risque thrombotique, artériel comme veineux, le vieillissement physiologique
est associé à un état d'hypercoagulabilité lié notamment à l'état inflammatoire chronique
et à une dysfonction endothéliale mais aussi à un certain nombre de pathologies ou de
situations aiguës à haut risque thrombotique plus fréquemment rencontrées dans le grandâge.
Anomalies biologiques.
► Les dosages des peptides natriurétiques : Brain Natriuretic Peptide (BNP)
et N-Terminal pro-brain natriuretic peptide (N T pro-BNP), sécrétés par les
cardiomyocytes sont prescrits dans les symptomatologies atypiques d'insuf­
fisance cardiaque. Chez le sujet âgé, leur production augmente de façon
physiologique. Des seuils de 400 ng/1 et 1800 ng/1 ont été proposés pour les
sujets de plus de 75 ans. Néanmoins, du fait de l'existence d'autres paramètres
pouvant fausser l'interprétation du dosage (insuffisance rénale, obésité) il
n'est pas recommandé de se fier exclusivement à ces valeurs; c'est l'examen
clinique qui guide la thérapeutique.
► Les D-dimères sont des produits de dégradation spécifiques de la fibrine,
dont l'augmentation du taux circulant traduit un processus de fibrinolyse
réactionnelle à une activation de la coagulation, comme en cas d'évènement
thromboembolique veineux (ETEV). Ils sont utilisés dans les arbres diagnos­
tiques d'exclusion de thrombose veineuse profonde ou d'embolie pulmonaire
avec un seuil d'exclusion fixé à 500 ng/ml pour la plupart des techniques de
dosage. Les situations à l'origine d'une augmentation de la production de
D-dimères (processus inflammatoire ou néoplasique, insuffisance rénale,
hématome) sont plus fréquentes chez le patient âgé expliquant une mauvaise
spécificité de ce seuil pour l'exclusion d'un ETEV dans cette population.
Un seuil ajusté à l'âge a été validé pour garder une bonne valeur prédictive
négative dans cette situation : seuil d'exclusion = âge x 10 ng/ml (par exemple,
pour un sujet de 80 ans, le seuil est de 800 ng/ml).

2. Appareil respiratoire
Le vieillissement de l'appareil respiratoire est caractérisé par une rigidification de la cage
thoracique et un affaiblissement des muscles respiratoires. Les voies aériennes distales
(bronchioles) voient leur diamètre diminuer et tendent à se collaber. Les volumes pulmonaires
mobilisables (capacité vitale, débit expiratoire de pointe) diminuent avec l'âge alors que le
volume résiduel augmente. Les échanges gazeux se modifient avec une baisse linéaire de
316 Vieillissement normal : aspects biologiques

la PaO2 jusqu'à l'âge de 70 ans et une diminution des échanges gazeux, notamment de la
capacité de diffusion du monoxyde de carbone.
Anomalies biologiques.
► La gazométrie artérielle s'interprète de la même façon que chez le sujet
jeune, à l'exception de la PaO2 : N > 73 mmHg chez le sujet jeune; N > 105 -
(âge/2) mmHg chez le sujet âgé.

B. Reins
Le vieillissement rénal est caractérisé par une diminution du nombre de néphrons
fonctionnels (néphrosclérose), une diminution de la taille des reins et une diminution du
débit sanguin rénal. Ainsi, le débit de filtration glomérulaire (DFG) diminue d'environ
10 ml/min tous les 10 ans après l'âge de 40 ans.
Un défaut de régulation du stock sodé apparaît également au cours du vieillissement :
défaut d'adaptation en cas de restriction sodée avec un risque accru de déshydratation
extra-cellulaire et un défaut d'élimination d'une surcharge sodée exogène avec risque accru
de surcharge volémique. En outre, il existe une perte de la capacité de concentration et
de dilution des urines avec l'âge aboutissant à une moindre adaptation aux variations du
bilan de l'eau. Associé à la diminution de la sensation de soif avec l'âge, il existe un risque
accru de dysnatrémie. Une diminution de l'activité du système rénine angiotensine est
également observée avec l'âge aboutissant à un risque accru d' hyperkaliémie.
Anomalies biologiques.
► Tout comme chez le sujet jeune, les formules MORD (Modification ofDiet in Renal
Disease) et CKD-EPI (Chronic Kidney Disease - Epidemiology Collaboration)
sont recommandées pour l'estimation du DFG dans le diagnostic de maladie rénale
chronique. Les mêmes seuils sont retenus chez le sujet âgé pour la classification
de la maladie rénale chronique.
► La clairance de la créatinine peut être estimée par la formule de Cockcroft et
Gault qui prend en compte le poids et n'est pas indexée sur la surface corporelle.
Cette formule n'est pas recommandée pour le diagnostic de maladie rénale chro­
nique mais elle reste actuellement recommandée par la Haute Autorité de Santé
pour l'adaptation posologique des médicaments à élimination rénale.
► Les valeurs seuils de protéinurie sont inchangées avec l'âge tout comme les
normes de la natrémie [135-145] mmol/1.

C. Prostate
Le vieillissement s'accompagne d'une augmentation du volume prostatique. De plus, 80 %
des hommes de 80 ans développent une hypertrophie bénigne de prostate, sous l'effet des
androgènes. Celle-ci peut être responsable d'un obstacle par compression circulaire de
l'urètre entraînait une réaction vésicale, qui se traduit par des signes fonctionnels irritatifs
et obstructifs.
L'âge est également un facteur de risque de cancer de la prostate. Il s'agit du cancer masculin
le plus fréquent, atteignant environ un homme sur six au cours de son existence. D'évolution
lente, il ne fait pas l'objet d'une politique de dépistage de masse en France.
Anomalies biologiques.
► La concentration de l'antigène prostatique spécifique (PSA, prostate specific
antigen) augmente en cas d'adénome et a fortiori en cas de cancer de la prostate.
De nombreux facteurs (sondage urétral, prostatite, toucher rectal) peuvent
entraîner une élévation transitoire du PSA qui doit motiver un contrôle, à
distance du dosage.
Chapitre 9. Biologie du vieillissement - ITEM 115 317

D. Appareil endocrinien et métabolisme


1. Diabète
Le vieillissement s'accompagne d'une baisse de l'insulinosécrétion sans retentissement
clinique. Néanmoins, l'augmentation de la masse grasse viscérale favorise l'insulinorésistance
et contribue à l'augmentation de l'incidence du diabète de type 2 (15 % des patients de
plus de 75 ans).
Anomalies biologiques.
► Le dépistage du diabète repose sur la glycémie à jeun (> 7 mmol/1) comme chez
le sujet plus jeune.
► L'hémoglobine glyquée (HbAlc) cible est définie selon des objectifs personnalisés :
• les sujets âgés robustes ou vigoureux doivent avoir les mêmes objectifs que
les adultes jeunes : HbAlc < 7 % ;
• les sujets âgés fragiles ont un objectif d'HbAlc < 8 % ;
• les sujets dépendants et dont l'espérance de vie est limitée ont un objectif
d'HbAlc < 9 %.

2. Thyroïde
On observe avec le vieillissement une baisse du volume fonctionnel de la thyroïde
(fibrose, nodularisation, infiltrat lymphocytaire) et une élévation physiologique modeste
de la thyréostimuline TSH. L'hypothyroïdie est une pathologie fréquente de l'adulte âgé;
l'hyperthyroïdie est plus rare et volontiers iatrogène (amiodarone).
Anomalies biologiques.
► Les signes d'hypothyroïdie sont souvent atypiques chez les sujets âgés devant
faire proposer un dosage de la TSH devant une altération de l'état général ou
un déclin cognitif par exemple.
► Une élévation modérée de la TSH (< 10 mUI/1) est fréquente chez les personnes
âgées et ne nécessite généralement pas de traitement.
► En cas de suspicion d'hypothyroïdie, le dosage de T4 libre n'est recommandé
qu'en cas d'élévation significative de la TSH.
► Les perturbations de la TSH associées à des hormones thyroïdiennes normales sont
fréquentes en situation de stress (baisse de la TSH) et de convalescence (élévation
de la TSH). On parle de dysthyroïdie infra-clinique en cas de persistance de ces
anomalies à 3 mois.

3. Bilan phospho-calcique
L'hypercalcémie est une anomalie fréquemment rencontrée chez le sujet âgé. Les deux
causes principales (correspondant à 90 % des cas) sont l'hyperparathyroïdie primitive et les
cancers (myélome, cancer solides avec métastases osseuses ou sécrétion de parathormone
related-peptide). Néanmoins certaines précautions doivent être prises.
Anomalies biologiques.
► L'hypoalbuminémie est fréquente chez la personne âgée et la calcémie doit donc
être constamment corrigée à la concentration d'albumine.
► Le diagnostic d'hyperparathyroïdie repose sur un dosage de Parathormone 1-84
(PTHl-84) sur un prélèvement, simultanément au dosage de la calcémie en raison
des fluctuations importantes de sa sécrétion.
► Les carences en vitamine D entraînent une élévation de la PTHl-84 ce qui
peut conduire à un diagnostic abusif d'hyperparathyroïdie primitive. Le dosage
calcium-PTH doit être alors contrôlé après recharge en vitamine D.
318 Vieillissement normal : aspects biologiques

4. Composition corporelle et nutrition


Le vieillissement s'accompagne d'une baisse physiologique de la sécrétion de la testostérone,
de l'hormone de croissance (GH) et de l'insulin-like growth factor 1 (IGF-1) entraînant
notamment des modifications de la composition corporelle : augmentation de la masse
grasse et diminution de la masse maigre. Néanmoins il n'y a pas à ce jour d'arguments
suffisants pour proposer une supplémentation hormonale et il est donc inutile de doser
ces hormones en pratique courante.
La prévalence de la dénutrition est importante chez les sujets âgés. Elle concerne 60 %
des patients âgés hospitalisés. L'évaluation nutritionnelle repose sur certaines analyses
biologiques.
Anomalies biologiques.
► L'hypoalbuminémie constitue un critère suffisant pour le diagnostic de dénu­
trition (albuminémie < 35 g/1) et de dénutrition sévère (albuminémie < 30 g/1)
chez les sujets âgés de plus de 70 ans, sous réserve de l'absence d'un syndrome
inflammatoire biologique au moment du dosage (CRP < 15 mg/1).
► La baisse de l'albuminémie est un facteur de mauvais pronostic quel que soit le
niveau d'inflammation.
► La pré-albuminémie reflète les prises alimentaires sur une courte période
(7-10 jours). Son dosage est utile pour juger rapidement de l'efficacité d'une prise
en charge nutritionnelle.
► L'hypomagnésémie et l'hypophospatémie sont fréquemment observées en
cas de dénutrition sévère et doivent faire craindre un syndrome de renutrition
inappropriée en début de prise en charge nutritionnelle.
► La carence en vitamine D est fréquente chez les patients âgés. En dehors de la prise
en charge de l'ostéoporose, la substitution en vitamine D a montré des bénéfices
sur la fonction musculaire et le risque de chute. Le dosage de la 25-0H vitamine
D est recommandé chez les patients âgés subissant des chutes fréquentes, afin de
proposer une recharge adaptée.

E. Appareil digestif
Les modifications du tube digestif au cours du vieillissement sont susceptibles d'impacter
la prise alimentaire, la digestion et l'absorption des nutriments, favorisant ainsi le risque
de dénutrition. L'anorexie est fréquente chez les personnes âgées, et favorisée par une
diminution de la perception des goûts et des odeurs. La diminution du flux salivaire
retarde la digestion des aliments et participe à l'altération de l'état buccodentaire et aux
troubles de la déglutition.
Le péristaltisme intestinal est diminué, et l'excès de réabsorption d'eau au niveau colique
favorise ainsi la constipation, la pullulation microbienne et l'inconfort intestinal.
Anomalies biologiques.
► L'hypochlorhydrie gastrique limite la digestion des protéines et l'absorption de
certains micronutriments (vitamine Bl2, calcium, fer).
► Une diminution de la masse et du débit sanguin hépatique serait observée au cours
du vieillissement. Néanmoins aucune modification notable des tests hépatiques
n'est observée au cours du vieillissement hépatique normal.

F. Hématopoïèse et système immunitaire


1. Hématopoïèse
Les modifications de l'hématopoïèse au cours du vieillissement n'entrainent pas de baisse
des cellules matures circulantes au niveau basal. Néanmoins en situation de stress, il est
plus fréquent d'observer une cytopénie.
Chapitre 9. Biologie du vieillissement - ITEM 115 319

■ Anomalies biologiques
► Les anémies sont souvent multifactorielles et nécessitent un bilan complet :
• la carence martiale est fréquente, y compris en absence <l'anémie ou de
microcytose. Le bilan de carence martiale repose sur les dosages du coef­
ficient de saturation de la transferrine et de la ferritinémie, couplés à
celui de la CRP pour rechercher une étiologie inflammatoire(ferritinémie
alors augmentée);
• les carences en vitamine B12 et folates sont fréquentes, sans qu'il n'y ait
forcément de retentissement hématologique;
• une hypothyroïdie doit être recherchée;
• l'insuffisance rénale chronique ( généralement avec un DFG
estimé < 40 ml/min/1,73 m2 ) peut causer une anémie par carence en
érythropoïétine(EPO). Le dosage d'EPO n'est pas recommandé en pratique
clinique;
• un syndrome myélodysplasique est suspecté en cas d'atteinte des autres
lignées hématopoïétiques et d'anomalies cytonucléaires au frottis sanguin
après correction des carences vitaminiques ou d'une dysthyroïdie. Le
myélogramme confirme le diagnostic.

2. Système immunitaire
Le vieillissement s'accompagne également de modifications du système immunitaire.
L'augmentation du compartiment mémoire et la baisse du nombre de cellules naïves
est à l'origine d'une restriction du répertoire T. On observe également une baisse des
concentrations et de l'affinité des anticorps. Cette immuno-sénescence entraîne notamment
une réponse vaccinale diminuée nécessitant l'adaptation du calendrier vaccinal à partir
de 60 ans.
■ Anomalies biologiques.
► L'électrophorèse des protéines plasmatiques peut retrouver des anomalies
notamment des gammapathies, souvent de manière fortuite.
• Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée ou MGUS
(3-4 % des patients après 50 ans), sont définies par des pics monoclonaux
de faible importance (gammaglobulines < 30 g/1) sans signe clinique ou
biologique(anémie, hypercalcémie ou insuffisance rénale), ni radiologique,
évocateurs d'un myélome. Le myélogramme retrouve alors un taux de
plasmocytes < 10 %. Les facteurs pronostiques d'évolution d'un MGUS vers
un myélome sont une hypergammaglobulinémie > 15 g/1, un clone IgA ou
IgM et un rapport de chaînes légères kappa/lambda anormal.
• Une hypogammaglobulinémie doit également faire rechercher un
myélome à chaînes légères.
• Une hyperlymphocytose B(à une concentration de lymphocytes CD19+
5xl09/1) associée à une autre cytopénie doit faire évoquer une leucémie
lymphoïde chronique. Elle s'accompagne d'un syndrome tumoral clinique
(adénopathies et splénomégalie). Un mauvais pronostic repose en partie sur
l'importance de l'anémie(< 10 g/dL) et de la thrombopénie(< 100000/mm3)
ou l'élévation de la �2-microglobuline plasmatique.
ITEM 123
HYPERTROPHIE BÉNIGNE
DE LA PROSTATE
Virginie VLAEMINCK-GUILLEM

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer une hypertrophie bénigne de la prostate.
• Savoir orienter et orienter les examens complémentaires conduisant au diagnostic
d'hypertrophie bénigne de la prostate.
• Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


• Connaître l'interprétation d'un dosage sérique du PSA lors de la phase
diagnostique.
• Citer les arguments en faveur d'une hypertrophie bénigne de la prostate
devant une élévation du PSA sérique.
• Connaître l'interprétation d'un dosage sérique du PSA chez un patient traité
médicalement pour hypertrophie bénigne de la prostate.

1. INTRODUCTION
L'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) se caractérise par une augmentation du volume de la
prostate, liée à la fois à une augmentation du nombre de cellules prostatiques et une augmentation
de leur taille. Tous les composants cellulaires du tissu prostatique sont habituellement concernés : les
cellules épithéliales et les cellules stromales (fibroblastes et cellules musculaires lisses). Elle se manifeste
initialement comme une hyperplasie nodulaire; la coalescence des nodules d'hyperplasie aboutissant à la
constitution d'une tumeur bénigne, l'adénome de la prostate. Les nodules hyperplasiques se développent
dans la zone transitionnelle de la prostate (zone centrale péri-urétrale, sous-vésicale). Du fait du caractère
difficilement extensible de la capsule prostatique, l'augmentation du volume prostatique s'accompagne d'une
compression de l'urètre dans sa partie intra-prostatique. La perte d'élasticité de l'urètre participe aussi à
l'apparition et au développement des symptômes.
Les symptômes sont essentiellement les symptômes urinaires du bas appareil, incluant un retard au démarrage
de la miction, une dysurie, une faiblesse du jet, des gouttes retardataires, une pollakiurie diurne et nocturne,
et des urgenturies (impériosités urinaires), avec parfois des brûlures mictionnelles. Il n'y a pas forcément de
corrélation entre les symptômes et l'importance de l'hypertrophie prostatique. Une forte dégradation de la
qualité de vie est possible. La complication aiguë est la rétention aiguë d'urine. Les complications chroniques
apparaissent aux dépens de la vessie (vessie de lutte par hypertrophie du detrusor, calcul urinaire, diverticule
vésical) et du haut appareil urinaire (insuffisance rénale chronique obstructive).
L'HBP est un phénomène universel de l'homme vieillissant, survenant à partir de 45 ans. On estime
que 50% des hommes de 50ans ont une HBP et que la proportion augmente avec l'âge : 70% à 60ans,
90% à 80ans.
Chapitre 9. Biologie du vieillissement - ITEM 123 321

Sur le plan physiopathologique, les androgènes (testostérone et son métabolite actif, la di­
hydro-testostérone) jouent un rôle fondamental. Ils sont responsables du développement
de la prostate embryonnaire et sont nécessaires à son maintien ultérieur en agissant sur la
prolifération des cellules-souches, leur différenciation en cellules épithéliales et leur mort
par apoptose. Les androgènes stimulent aussi la production, par les cellules stromales, de
facteurs de croissance. D'autres facteurs interviennent dans la physiopathologie de l'HBP
comme la dérégulation des facteurs de croissance, des anomalies de l'interaction entre
l'épithélium et le stroma et une inhibition de l'apoptose.

Il. RÉPONSE À L'ITEM


Le diagnostic d'HBP est essentiellement clinique et repose sur l'interrogatoire (à la
recherche des symptômes urinaires du bas appareil) et le toucher rectal (augmentation
du volume de la prostate). La prostate est souple, indolore, lisse et régulière avec
disparition du sillon médian. Tout nodule dur, ou toute asymétrie doivent faire
évoquer un cancer de la prostate et conduire à une attitude diagnostique différente
menant à la réalisation de biopsies.
Les examens complémentaires incluent l'échographie de la prostate, mais aussi de la
vessie et des reins (elle évalue le volume prostatique, l'homogénéité du parenchyme
et l'éventuel retentissement vésical et rénal) et la débitmétrie urinaire (qui évalue les
éventuelles conséquences sur la miction). Les examens biologiques incluent l'examen
cyto-bactériologique des urines (ECBU), la mesure de la créatininémie et de la
concentration sérique du PSA.

A. ECBU
Cet examen vise à éliminer une infection urinaire qui serait un diagnostic différentiel
pour les symptômes urinaires du bas appareil ou une rétention urinaire chronique ou
aiguë dues à l'HBP.

B. CREATININEMIE
Cet examen vise à détecter une insuffisance rénale chronique obstructive, compliquant
l'HBP.

C. DOSAGE SERIQUE DU PSA


1. Le PSA (Antigène Spécifique Prostatique)
C'est une N-Glycoprotéine de 28,4 kDa, comportant 261 aa (pré-pro-PSA) ou 237 aa
(forme mature). Elle appartient à la famille des kallikréines (kallikréine-3 ou KLK3).
Excrétée dans le liquide séminal, elle est responsable du clivage des protéines de haut
poids moléculaire qui forment un gel secrétoire, favorisant la liquéfaction du sperme
et la mobilité des spermatozoïdes.
Le PSA est produit exclusivement par les cellules épithéliales luminales (spécificité
cellulaire préservée dans l'HBP et le cancer de la prostate), synthétisé dans le réticulum
endoplasmique rugueux, stocké dans des vésicules puis libéré par exocytose dans la lumière
de l'acinus prostatique (production antérograde). Cette production est sous la dépendance
des androgènes.

2. Le PSA dans la circulation sanguine


Dans le tissu normal, l'architecture serrée et ordonnée confine le PSA dans la prostate. La
production sanguine est rétrograde et très faible. Ainsi il existe une molécule de PSA dans
le sang (concentration sérique normale < 4 µg/1) pour un million de molécules sécrétées
dans le liquide séminal (concentration séminale : 0,5-5 g/1). Dans le tissu hyperplasique,
du fait d'une désorganisation architecturale du tissu prostatique, le passage du PSA dans
322 Hypertrophie bénigne de la prostate

le sang est augmenté avec une concentration sanguine trois plus importante que dans
le tissu normal (c'est trente fois plus dans le cancer de la prostate car la désorganisation
architecturale y est encore plus marquée).
Le PSA est présent dans la prostate et les fluides biologiques sous plusieurs formes.
Dans le sang, on distingue la forme majoritaire (70-90 %), correspondant à un
complexe du PSA avec des inhibiteurs de protéases (l'al-antichymotrypsine surtout,
l'a2-macroglobuline, l'al-protease inhibitor ou al-antitrypsine) et une forme libre,
non complexée. L'immunodosage du PSA total mesure les formes complexées et la
forme libre. La forme libre peut être dosée séparément.

3. Les variations biologiques du PSA dans le sang


Le PSA est produit par les cellules épithéliales prostatiques, suffisamment différenciées.
Cela inclut les cellules normales, les cellules hyperplasiques de l'HBP et les cellules
tumorales du cancer de la prostate. Le PSA est spécifique de la prostate et non pas du
cancer de la prostate. La désorganisation architecturale qui accompagne l'HBP ou le
développement du cancer explique l'excès de PSA dans le sang. Cet excès peut aussi
être induit par une inflammation de la prostate (prostatite) ou des traumatismes de la
prostate : toucher rectal, sondage urinaire, constipation, coloscopie). À l'inverse, par
un effet de dilution, la concentration sérique du PSA peut être artificiellement réduite chez
l'obèse. L'interprétation d'un dosage sérique du PSA doit tenir compte de ces éventuelles
circonstances perturbatrices.

4. Le dosage sérique du PSA pour le diagnostic de l'HBP


L'augmentation de la concentration sérique de PSA dans le sang est faible et progressive
avec l'âge, parallèle à l'installation progressive de l' hyperplasie tissulaire.
Le dosage du PSA n'est pas indispensable au diagnostic positif d'HBP; mais est
réalisé pour le diagnostic différentiel et l'élimination du cancer de la prostate. Une
concentration supérieure au seuil de 4 ng/ml constitue, dans les recommandations
nationales de bonnes pratiques, une valeur anormalement élevée pour exclure avec
certitude un cancer de la prostate sur la seule base d'un toucher rectal normal; elle
nécessite la réalisation de biopsies prostatiques. Le diagnostic d'HBP pourra alors être
retenu par défaut si les biopsies reviennent négatives pour la présence de tissu tumoral.
Pour diminuer la proportion (importante) de patients chez lesquels des biopsies doivent
être réalisées suite à une élévation du PSA, on peut adapter le seuil de 4 ng/ml (le relever en
fonction de l'âge) ou tenir compte d'autres paramètres comme le rapport des formes libres
et totales du PSA, le volume prostatique ou la cinétique des valeurs de PSA. Le cancer de la
prostate s'accompagne d'un relargage plus important de formes complexées du PSA;
il en résulte une diminution du rapport PSA libre/PSA total. Le calcul de la densité
du PSA (rapport entre le PSA sérique et le volume prostatique) permet de relativiser
la part liée à la seule augmentation du volume prostatique non tumoral. Le temps de
doublement du PSA ou la vélocité du PSA (son pourcentage d'augmentation sur une
période de temps donnée) sont des appréciations cinétiques pouvant être prises en
compte pour entreprendre des biopsies.

5. Le dosage sérique du PSA pour le choix thérapeutique dans l'HBP


Les alternatives thérapeutiques dans l'HBP incluent la chirurgie et deux classes
médicamenteuses. Les alpha-bloquants (alfuzosine, doxazosine, prazosine, silodosine,
tamsusoline, terazosine) n'influencent pas le volume prostatique mais relachent les fibres
musculaires lisses de l'urètre et du col vésical pour faciliter la miction. Les inhibiteurs de
la Sa-réductase (finasteride, dutasteride) empêchent la conversion locale, intra-prostatique
de la testostérone en son métabolite plus actif, la di-hydro-testostérone. Ils bloquent ainsi
la stimulation androgénique des cellules prostatiques et entraînent une diminution du
volume de la prostate.
Chapitre 9. Biologie du vieillissement - ITEM 123 323

L'importance de la concentration sérique du PSA peut être utilisée pour prédire la rapidité
d'évolution d'une HBP et ainsi choisir la meilleure stratégie thérapeutique possible.
L'association d'un PSA supérieur à 1,5 ng/ml à un volume prostatique élevé et des
symptômes urinaires du bas appareil est évocatrice d'une HBP évolutive qui nécessite
un traitement plus incisif: inhibiteurs de la Sa-réductase plutôt qu'alpha-bloquants.

6. Le dosage sérique du PSA pour la surveillance


d'un traitement médicamenteux de l'HBP
Lorsqu'un risque de cancer de la prostate apparaît (ex : toucher rectal anormal) ou persiste
(malgré des biopsies prostatiques négatives) chez un patient sous traitement médicamenteux
pour HBP, le dosage sérique du PSA peut être réalisé. La prise d'alpha-bloquant n'influence
pas le PSA. Les inhibiteurs de la Sa-réductase entraînent une diminution du PSA
sérique : après 6 mois de traitement, les valeurs sont réduites de 50 % et il faut donc
les «doubler» si on veut les comparer au seuil de référence (4 ng/ml) et décider de la
réalisation de biopsies prostatiques.
324

FICHE FLASH
ù Le diagnostic d'hypertrophie bénigne de la prostate est essentiellement clinique.
CJ Le dosage sérique du PSA est utile au diagnostic de cancer de la prostate.
D Un toucher rectal suspect (nodule ou irrégularité) et/ou un PSA sérique supérieur à 4 ng/ml doivent
conduire à la réalisation de biopsies prostatiques même si un contexte d'HBP est présent ou hautement
probable.
D Associé à un volume prostatique élevé et des symptômes du bas appareil urinaire, un PSA supérieur à
1,5 ng/1 est un indicateur d'une HBP évolutive, pouvant être traitée par un inhibiteur de la Sa-réductase.
o La prise d'un inhibiteur de la Sa-réductase réduit le PSA sérique de moitié et cette réduction doit être
prise en compte dans la confrontation avec le seuil de décision de la réalisation des biopsies.
CHAPITRE 1 Ü. BIOLOGIE DE L'INFLAMMATION, BIOLOGIE OU FER

INTRODUCTION GENERALE
I' I'

Jean-Claude LECRON

L'inflammation constitue l'ensemble des réactions locales provoquées par divers agents (physiques
ou chimiques), par des germes pathogènes ou encore des cellules tumorales et déclenchées par les
tissus en réponse à une agression. L'objectif est d'éliminer les «agents inducteurs», protéger les tissus
environnants puis nettoyer et réparer le tissu lésé. C'est un mécanisme très général, dont les symptômes
«Chaleur-Rougeur-Tuméfaction-Douleur» décrits avec pertinence il y a 2000 ans, restent d'actualité
aujourd'hui.
Bien que certaines de ses manifestations puissent être délétères, l'inflammation est un système de défense, et
non une maladie en soi (ange ou démon). C'est en décrivant les phagocytes (polynucléaires et macrophages)
et la phagocytose» à la fin du xrx• siècle, qu'Elie Metchnikoff initia la compréhension des mécanismes
sous-jacents de l'inflammation.
Dans cette continuité, les nombreux processus associés à l'inflammation décrits au cours du xx• siècle:
vasodilatation des capillaires, extravasation de fluides, chimiotactisme, augmentation du débit sanguin
rendirent compte des manifestations cliniques. Une étape importante fut aussi la découverte des facteurs
solubles responsables de l'induction et du contrôle de la réponse inflammatoire, comme les médiateurs
dérivés de l'acide arachidonique, les amines vasoactives et des protéines messagères de l'inflammation:
les cytokines proinflammatoires (en particulier IL-la et �, IL-6, TNF, IL-17 et IL-22) et les chimiokines,
produites localement, qui vont recruter les cellules de l'immunité innée sur le site inflammatoire.
Comment des situations aussi variées que des infections, des lésions, ou encore des tumeurs peuvent conduire
à un mécanisme aussi général qu'une réponse inflammatoire. Dans les années 1990, C Janeway prédisait que
la détection des pathogènes pouvait passer par des voies indépendantes des lymphocytes T et B, responsables
de l'immunité spécifique. Ce regain d'intérêt pour l'immunité innée a permis d'identifier de multiples
molécules inductrices de l'inflammation (exogènes: pathogen associated molecular patterns/PAMPS tels
les lipopolysaccharides bactériens ou LPS) ou endogènes (danger associated molecular patterns/DAMPS, ou
alarmines, telle l'IL-la). Ces facteurs, en condition physiologique, ne sont pas en contact avec leurs «senseurs».
En parallèle furent décrit de nombreux récepteurs à ces facteurs, membranaires ou cytoplasmiques, les
récepteurs de reconnaissance de motifs ou PRR (pattern recognition receptors), tel les NLR (Nod-Like
Receptor) ou les TLR (Toll-Like Receptor).
Depuis, fut caractérisé l'inflammasome, un complexe protéique dont l'activation conduit à une inflammation
(liée en particulier à l'IL-1�), et au concept de maladies auto-inflammatoires (qui n'implique pas l'immunité
adaptative, contrairement aux maladies auto-immunes), et occupe une importance croissante dans la
classification actuelle des pathologies inflammatoires.
À la lumière de ces différentes avancées, on peut étudier la réaction inflammatoire en différentes
phases successives :
l'induction, par exemple par du LPS ou des alarmines;
Il la réception des signaux, par exemple par un TLR, ou l'inflammasome;
■ l'amplification et la synchronisation de la réponse, en particulier liées aux cytokines proinflam­
matoires (phase exponentielle de mise en place de la réaction inflammatoire);
■ la phase effectrice, via le recrutement sur le site inflammatoire des polynucléaires, de peptides
antibactériens, de protéases tissulaires et de protéines sériques telles les opsonines (c'est cette
326 Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer

phase que l'on pourra identifier en biologie, par exemple en dosant la CRP
(C-Réactive Protéine) sérique;
la phase de contrôle et la résolution de l'inflammation, par exemple la cicatrisation.
Selon le contexte, l'inflammation aiguë non résolue évoluera vers une inflammation
chronique, qui pourra se pérenniser. Il sera donc important de pouvoir caractériser et suivre
l'évolution de la réponse inflammatoire. Si une réponse inflammatoire est souvent bénéfique,
une réponse exacerbée, non contrôlée, systémique conduira à un « orage cytokinique»
délétère (Syndrome de réponse inflammatoire systémique ou SIRS, choc septique)
Selon les signaux inducteurs présents ou encore l'insuffisance de la réponse innée de
«première ligne», la réponse inflammatoire pourra associer une réponse adaptative, mettant
en jeu une activation antigénique des lymphocytes T et B et leurs réponses effectrices.
L'inflammation est avant tout un mécanisme tissulaire. Il n'existe donc pas de
marqueur(s) biochimique(s) systémique(s) universel(s) témoin de l'inflammation, son
origine, sa localisation, son intensité, ou son évolution. Toutefois, il existe plusieurs
effecteurs de la réaction inflammatoire, dont les protéines dites « de l'inflammation »,
comme la CRP, produite par le foie et véhiculée dans le sang. La sensibilité, la spécificité
ainsi que la facilité de son dosage en urgence en ont fait aujourd'hui le marqueur
sérique de choix de l'inflammation.
L'électrophorèse des protides sériques (EPS) constitue aussi le témoin d'un syndrome
inflammatoire, ainsi que le dosage d'autres protéines de l'inflammation, telles que le
sérum amyloïde protéine (SAA), la procalcitonine (PCT), le fibrinogène, l'haptoglobine,
les fractions du complément, ou encore l'albumine qui sera diminuée.
Les caractéristiques de la production de la CRP associées à sa demi-vie permettent de suivre
aisément la cinétique de la réponse inflammatoire, incluant la réponse au traitement. La
sensibilité et la spécificité de la CRP sont excellentes pour détecter l'inflammation, mais
elle ne permet pas d'en préciser l'étiologie. En associant le dosage d'autres marqueurs
biochimiques (PCT, l'albumine), ou l'EPS, il est possible d'affiner l'analyse.
Rappelons que l'étude biologique de l'inflammation a été marquée depuis environ un
siècle par la mesure de la vitesse de sédimentation (VS) du sang, accélérée en conditions
inflammatoire. Cette mesure de la VS a été automatisée et reste très pratiquée. Elle est
supplantée aujourd'hui par le dosage sérique de la CRP.
L'inflammation est un mécanisme très général, transversal, lié à différents cadres
nosologiques. Pour illustration, 1/3 des ITEMS de l'ECN relèvent plus ou moins
directement de l'inflammation. Cela comprend les maladies infectieuses, les maladies
auto-immunes et auto-inflammatoires, les allergies, les cancers, les traumatismes,
les maladies neurodégénératives, les maladies cardio-vasculaires, des maladies
génétiques. La présence d'un SI est un point d'appel important, et sa caractérisation doit
pouvoir être établi en urgence (exemple: le choc septique). La partie inflammation de ce
chapitre sera principalement consacrée à l'apport du biochimiste à l'UE7 « Inflammation­
Immunopathologie-poumon-sang», en particulier l'item 181 «Réaction inflammatoire:
aspects biologiques et cliniques, conduite à tenir», mais également l'item 217 «amylose»,
pour lequel des examens biochimiques supplémentaires seront requis.
Au-delà des marqueurs évoqués ci-dessus, d'autres marqueurs sont modifiés par
l'inflammation. Par exemple, la biologie de l'inflammation et biologie du fer peuvent être
liées dans le cadre de l'anémie inflammatoire (ou ferriprive).
ITEM 181
REACTION INFLAMMATOIRE :
ASPECTS BIOLOGIQUES
ET CLINIQUES. CONDUITE A TENIR
Jean-Claude LECRON

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Expliquer les principaux mécanismes et les manifestations cliniques et biologiques
de la réaction inflammatoire.
• Connaître les complications d'un syndrome inflammatoire (SI) prolongé.
• Argumenter les procédures diagnostiques devant un SI.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les principales protéines de l'inflammation, l'intérêt clinique de
leurs dosages, leurs valeurs et cinétiques d'évolution, et en particulier la CRP.
• Connaître le principe de l'électrophorèse des protéines sériques (EPS) et
ses principales applications. Savoir reconnaître un profil inflammatoire.
• Savoir intégrer les dosages des protéines de l'inflammation, avec l'EPS, en
vue de caractériser le caractère aigu, résolutif ou chronique d'une
l'inflammation, son intensité et orienter son étiologie (bactérienne, virale,
autre).

1. LES PROTÉINES DE L'INFLAMMATION ET LEUR DOSAGE


Le groupe des protéines de l'inflammation comprend des protéines sériques dont la concentration est
généralement augmentée au cours de l'inflammation (CRP, SAA, PCT, orosomucoïde, haptoglobine,
al anti-trypsine, mais également des protéines dont la concentration peut être diminuée : albumine,
préalbumine et transferrine). Précisons que leurs valeurs usuelles varient en fonction de l'âge et du sexe.
Les limites indiquées ci-dessous sont larges, et concernent l'adulte. La figure 1 représente la cinétique
spécifique de leur évolution au cours d'une réponse inflammatoire.Jls sont évalués aujourd'hui en routine
par immunodosages automatisés (immunonéphélémétrie ou immunoturbidimétrie), et leur amplitude est
variable.
328 Réaction inflammatoire: aspects biologiques et cliniques. Conduite à tenir

D
7 joun
lA

Figure 1 : cinétique théorique sérique des protéines de l'inflammation après un stress


inflammatoire, regroupées en quatre groupes caractéristiques. A : cytokines
proinflammatoires (IL-6, IL-8); phase d'amplification du SI, synthèse très rapide
et demi-vie très courte. B, C et D phases effectrices. B : Protéines de l'inflammation
«positives» à cinétique rapide et à demi-vie courte (CRP, SAA, PCT). C :
Protéines de l'inflammation «positives» à cinétique intermédiaire (haptoglobine,
horosomucoïde, a1 anti-trypsine, C3). On peut y ajouter le fibrinogène, à cinétique
plus lente. D : Protéines de l'inflammation «négatives» (albumine, préalbumine
et transferrine).
■ La CRP (C Réactive Protéine) est une protéine synthétisée principalement par le
foie, sous l'action des cytokines proinflammatoires. Elle se fixe à la phosphocholine
et reconnaît des pathogènes et la cellule en nécrose; elle facilite l'opsonisation
{fixation à une cellule pour favoriser la phagocytose) et active le complément.
► C'est le prototype des protéines de l'inflammation : dosée au cours d'un bilan
systématique, et pratiqué en urgence, elle est le reflet d'une inflammation aiguë,
mais persiste au cours d'une inflammation chronique.
► Elle est détectée dès 8 heures après l'activation de l'inflammation, puis décroît
après environ 48 heures.
► Sa demi-vie est d'environ 8 heures, et garde son intérêt pour le suivi de l' évolution
du SI, ou après traitement (antibiotiques, corticoïdes).
► Sa valeur normale est inférieure à 1 mg/1.
► Sensible et spécifique de l'inflammation, elle est peu discriminative de l' étiologie.
► Son élévation est assez bien corrélée avec l'intensité de l'inflammation. Sa
concentration peut dépasser 500 mg/l (sepsis). En général < 100 mg/l dans les
SI chroniques.
► Son augmentation est plus importante dans les infections bactériennes que
virales.

■ La PCT (procalcitonine); précurseur de la calcitonine est produite par la thyroïde


sous l'action des cytokines proinflammatoires. L'objectif de son dosage est de
distinguer les infections bactériennes, où elle est augmentée, des infections non
bactériennes ou d'une inflammation sans infection. De développement assez récent,
son intérêt discriminatif reste cependant à conforter.
► C'est une protéine de l'inflammation plus précoce que la CRP, et de demi-vie courte.
► Intérêt limité à la prise de décision thérapeutique dans le suivi et le traitement
des infections bactériennes et du sepsis.
► Sa valeur normale est inférieure à 0,5 µg/1.

■ L'haptoglobine; synthétisée principalement par le foie sous l'action des cytokines


proinflammatoires, se fixe à l'hémoglobine libre (néphrotoxique) qu'elle neutra-
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 181 329

lise en vue de son élimination (courte demi-vie du complexe). Ce mécanisme


contribue au recyclage du fer. Elle existe sous 2 isoformes.
> Diminuée ou effondrée au cours d'une hémolyse intravasculaire, mais peu lors
d'une hémolyse «tissulaire», elle est non modifiée par une hémolyse in vitro :
indication principale de sa prescription.
> Diminuée dans l'insuffisance hépatique et le syndrome néphrotique.
> Augmentée (maximum 200 %) au cours de la phase tardive de l'inflammation
(2 à 3 jours).
> Intérêt de coupler le dosage de l'haptoglobine à l'évaluation de l'inflammation,
qui peut masquer une diminution de l'haptoglobine induite par une hémolyse
(facteur confondant).
> Valeur de référence chez l'adulte : entre 0,5 et 2,5 g/l.

■ L'orosomucoïde: (al-glycoprotéine acide) synthétisée principalement par le foie


sous l'action des cytokines proinflammatoires, exerce un rôle de transporteur.
> Augmentée (maximum 200 %) au cours de la phase tardive de l'inflammation.
> Diminuée dans l'insuffisance hépatique, la dénutrition, le syndrome néphrotique.
> Valeur de référence chez l'adulte : entre 0,5 à 1,25 g/l.

■ Le fibrinogène : augmenté au cours de la phase tardive de l'inflammation, son dosage


réalisé en hématologie vise avant tout à explorer la coagulation sanguine. Nous ne
détaillerons pas ses caractéristiques.
Protéines de l'inflammation dont la concentration est diminuée (dites aussi «négatives»).
■ L'albumine : synthétisée par le foie, protéine quantitativement la plus importante
du sérum, elle exerce principalement un rôle de transporteur et de maintien de
la pression osmotique.
> Diminuée de 20 à 50 % au cours de l'inflammation. C'est un marqueur de la
phase tardive et de l'inflammation chronique.
> L'hypoalbuminémie traduit également une dénutrition sévère, une insuffisance
hépatocellulaire ou une fuite protéique importante. Selon le contexte, intérêt de
l'associer au dosage de la CRP, l'EPS et la mesure de la protéinurie.
> Valeur de référence chez l'adulte : entre 40 et 51 g/l.
> Augmentation rare et limitée (hémoconcentration).
> Présente physiologiquement dans le LCR, sa concentration élevée (>500 mg/1)
traduit un phénomène de transsudation, qui peut être associé à une inflammation
du système nerveux (mesure du rapport albumine LCR/sérum).

■ La transferrine : synthétisée principalement par le foie, elle a un rôle de trans­


porteur du fer.
> Diminuée (maximum 30 %) au cours de la phase tardive de l'inflammation (2 à
3 jours).
> Diminuée ou cours des surcharges en fer et augmentée dans les carences en fer
où elle est prescrite habituellement en complément du dosage du fer (coefficient
de saturation) et de la ferritine.
> Intérêt de coupler son dosage à celui de l'albumine (facteur confondant).
> Valeur de référence chez l'adulte est entre 1,8 et 2,8 g/l.
330 Réaction inflammatoire : aspects biologiques et cliniques. Conduite à tenir

■ La préalbumine (ou transthyrétine) : synthétisée principalement par le foie, elle


exerce un rôle de transporteur des hormones thyroïdiennes et de la vitamine A.
► Diminuée dans la dénutrition (indication principale de sa prescription), l'insuf­
fisance hépatique, et l'inflammation.
► Valeur de référence chez l'adulte est entre 0,2 et 0,4 g/1.

Il. L'ÉLECTROPHORÈSE DES PROTIDES SÉRIQUES (EPS), ET LE PROFIL


INFLAMMATOIRE
Le principe général de l'électrophorèse est de faire migrer en fonction de sa charge une
macromolécule (protéine, acide nucléique) dans un champ électrique. C'est l'électrophorèse
de zone qui est utilisée pour l'étude des protéines sériques en biochimie clinique. Selon leurs
propriétés physicochimiques, les protéines vont migrer par groupes caractéristiques
(exemple les al- globulines, constituées de l'orosomucoïde et de l'al-antitrypsine)
ou seule, comme l'albumine. Rappelons que la charge des protéines dépend du pH : à
pH alcalin, les protéines sériques seront en majorité chargées négativement, et migreront
vers l'anode (+). En réalisant le dosage des protéines totales du sérum, et en intégrant les
différents pics des groupes de migration à l'électrophorèse (albumine, a 1, a 2, �1, �2 et y
globulines), on pourra estimer la concentration de chaque groupe (les protéines devront
être colorées avant l'intégration).
Cette approche est semi-quantitative et semi-qualitative. Contrairement au pic de
l'albumine, la zone ou migrent les gammaglobulines est beaucoup plus large car
constituées, en partant des � globulines, d'IgA, d'IgM et d'IgG, porteuses de séquences
protéiques variables, (Ig polyclonales). A contrario, une immunoglobuline monoclonale
sera caractérisée par un pic étroit (Ig monoclonale).
La plupart des EPS sont réalisées aujourd'hui par électrophorèse capillaire (EC) en
veine liquide, qui présente l'avantage d'être rapide et automatisable (précisons que
c'est un flux d'électroendosmose) qui entraîne les protéines dans l'EC, et non un champ
électrique comme dans l'électrophorèse en phase solide. Nous nous focaliserons sur
l'apport de l'EPS dans l'étude du SI.
■ Les indications de l'EPS sont larges : elle permet en particulier le dépistage et/ou
le suivi de syndrome inflammatoire, d'une immunoglobuline monoclonale, d'une
hypo ou d'une hypergammaglobulinémie, d'un déficit en al-antitrypsine, d'une
cirrhose ou d'une hémolyse.
■ L'image caractéristique d'un SI en EPS est une augmentation des al et a2 globu­
lines, associée à une hypoalbuminémie plus ou moins marquée selon son caractère
chronique et son intensité (figure 2).
Il L'EPS peut apporter des informations multiples à intégrer (SI et protéine monoclonale,
SI et syndrome néphrotique, SI et carence martiale).
■ Une hypergammaglobulinémie polyclonale ou oligoclonale peut être associée au SI.
■ Une hypergammaglobulinémie peut être due à la présence d'une anomalie mono­
clonale (avec ou sans SI).
■ L'indication majeure de l'EPS est cependant le diagnostic et le suivi d'une Ig mono­
clonale (cf. Fiche Mémo HAS, janvier 2017). Le diagnostic devra être complété
par un typage de l'anomalie monoclonale par immunofixation. L'estimation de
l'aire sous la courbe permettra une évaluation quantitative et d'assurer le suivi.
Attention, celle-ci peut être biaisée si l'anomalie est en position bêta, ou si la
concentration des gammaglobulines polyclonales est élevée.
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 181 331

i\
/1

a 1
1
1
b I
1
) /yY� - )\ 'l f\l\,
1
/\_,/\.. -----.

Protéines totales = 156,1 g/1 Protéines totales = 59,4 g/1 Rapp. A/G m 1,08

Nom % Normales% g/1 Normales g/1 Nom % NOrmales% g/1 Normales g/1

Albumine 60,9 55,8 • 66,1 40,3 40,2 • 47,6 Albumine 52,0 < 55,8 • 66,1 30,9 40,2 • 47,6
Alpha 1 4,2 2,9 • 4,9 2,8 2,1 • 3,5 Alpha 1 7,6 > 2,9· 4,9 4,5 2,1 • 3,5
Alpha 2 10,3 7,1 • 11,8 6,8 5,1 • 8,5 Alpha 2 16,6 > 7,1 • 11,8 9,9 5,1 • 8,5
Beta 1 6,6 4,7 • 7,2 4,4 3,4 5,2 Betal 5,2 4,7 • 7,2 3,1 3,4 • 5,2
Beta 2 5,2 3,2 • 6,5 3,4 2,3 4,7 Beta2 6,3 3,2 · 6,5 3,7 2,3 · 4,7
Gamma 12,8 11,1 · 18,8 8,5 8,0 · 13,5 Gamma 12,3 11,1 · 18,8 7,3 8,0 · 13,5

Figure 2 : tracé électrophorétique de sérum (électrophorèse capillaire) : a) sujet


contrôle; b) patient avec SI (CRP = 87 mg/1)

Ill. INTÉRÊT DE LA CONFRONTATION DU DOSAGE DES PROTÉINES


DE L'INFLAMM ATION, AVEC OU NON L'EPS
L'objectif est de caractériser le SI, d'orienter son étiologie, ou évaluer des facteurs
confondants. Quelques exemples :
CRP associé à EPS: évaluation du caractère aigu, résolutif ou chronique de l'inflam­
mation;
Il CRP et PCT élevées: orientation vers une infection bactériennes;
■ haptoglobine: une diminution de l'haptoglobine induite par une hémolyse peut être
masquée par un SI (facteur confondant);
■ transferrine et albumine: la transferrine est diminuée au cours du SI, augmentée par
une carence martiale (facteur confondant), et inversement pour une surcharge en fer;
■ hypogammaglobulinémie: rechercher la présence d'une chaîne légère d'Ig monoclo­
nale; évaluer la protéinurie, électrophorèse des urines et dosage sérique des chaînes
légères d'Ig (K et À, et leur rapport);
■ évaluation du complément dans le contexte d'un SI: en général augmenté sauf si il
existe un défaut de synthèse (déficit héréditaire ou atteinte hépatique) ou consom­
mation accrue (lupus érythémateux disséminé, maladies à CIC); on peut le doser
CHSO (test fonctionnel), ou les fractions C3 et/ou C4 par immuno-dosage;
■ hypergammaglobulinémies, sélectives ou non, avec SI (en dehors des Ig monoclonales):
augmentation non sélective dans les maladies de système, IgA élevées au cours de
l'infection des muqueuses, et d'une atteinte hépatique. Augmentation isolée des IgM
si SI récent et dans infections virales;
a hypogammaglobulinémies sélective et SI: déficits humoraux, congénitaux ou acquis.
Si diminution des IgG, évaluation possible des sous-classes;
Ill hypogammaglobulinémie non sélective avec ou sans SI: rechercher la présence d'une
chaîne légère d'Ig monoclonale. Évaluer la protéinurie, l'électrophorèse des urines et
demander un dosage sérique des chaînes légères d'Ig (K et À, et leur rapport).
332 Réaction inflammatoire : aspects biologiques et cliniques. Conduite à tenir

IV. DES DOSAGES COMPLÉMENTAIRES PEUVENT ÊTRE RÉALISÉS


POUR ÉVALUER L'INFLAMMATION DANS DES SITUATIONS
PARTICULIÈRES
La SAA (sérum amyloïde A protéine) est synthétisée par le foie, sous l'action des
cytokines proinflammatoires. Elle affecte le transport du cholestérol, et induit
le chimiotactisme et l'opsonisation. Les produits de dégradation de la SAA, les
fibrilles amyloïde A, peuvent se déposer dans différents organes, en particulier le
rein, révélant une complication grave des inflammations chroniques (amylose AA).
► C'est une protéine de la phase aiguë de l'inflammation, de cinétique et d'ampli­
tude comparable à celle de la CRP. Son dosage est peu fréquent en France,
où lui est préféré celui de la CRP.
► Intérêt de son dosage chez les patients atteints d'amylose AA (dosage par immu­
nonépéhélémétrie laser). Un traitement basé sur la normalisation de son taux
permet de contrôler l'évolution de la maladie (cf. item n° 217, amylose).
► La valeur normale est inférieure à 10 mg/1.

■ La calprotectine : synthétisée et stockée par les polynucléaires neutrophiles,


mais aussi les cellules épithéliales, c'est une protéine hétéromèrique induite par
les cytokines inflammatoires.
► Elle est libérée lors de processus inflammatoires ou infectieux, et participe à la
réaction inflammatoire.
► Son dosage est réalisé dans les selles (peu sensible à la dégradation).
► Évaluation de l'inflammation intestinale pour laquelle elle démontre une bonne
sensibilité et spécificité concernant la présence de lésions muqueuses (augmentée
dans les maladies inflammatoire chronique de l'intestin (MICI) par rapport à un
syndrome fonctionnel).
► L'intérêt de son dosage (ELISA ou immunonéphélémétrie) réside principalement
dans le suivi des MICI.
► Sa valeur normale est inférieure à 50 µg/g de selle.
► De développement assez récent, son intérêt reste cependant à conforter.

Le fibrotest est un index de fibrose non invasif calculé à partir des concentra­
tions sériques de l'haptoglobine, de l'a2 -macroglobuline, de la bilirubine, de
l'apolipoprotéine Al et des yGT). Il est proposé comme alternative à la ponction
biopsique hépatique chez les patients atteints d'hépatite C non traitée (HAS,
2008). L'index calculé est de O à 1, avec des correspondances pour les stades de
fibrose (score Métavir).
■ Marqueurs d'auto-immunité, si l'on suspecte que le SI est dû à une maladie de système.
Il Tryptase et histamine, si l'on suspecte un choc anaphylactique.

V. LES MÉDIATEURS DE L'INFLAMMATION SONT DES CIBLES


POUR LES TRAITEMENTS ANTI-INFLAMMATOIRES
Les glucocorticoides, aux cibles multiples (dont l'inhibition de la synthèse des cytokines
proinflammatoires).
Les antiinflammatoires non stéroidiens (AINS), qui ciblent la cyclo-oxygénase 2 et
inhibent la synthèse des prostaglandines.
■ Les biothérapies anti-cytokines, qui ciblent le TNFa, l'IL-6, l'IL-12, l'IL-17, l1L-23
ou leurs récepteurs. Ce sont des anticorps monoclonaux, des chimères ou encore des
inhibiteurs naturels tel que l'IL-IRA.
333

Fiche flash
o L'inflammation est un mécanisme général de défense, non spécifique et le plus souvent tissulaire.
o L'inflammation met en jeu l'immunité innée, associée ou non à une réponse acquise/adaptative.
O La présence d'une inflammation ne préjuge pas de son étiologie.
o Le dosage sérique de la CRP est le marqueur de choix de l'inflammation, de son intensité et de son
évolution (suivi du traitement, résolution).
O L'électrophorèse des protéines sériques (EPS) permet d'évaluer un syndrome inflammatoire.
□ L'association du dosage de la CRP à l'EPS renseigne sur le caractère chronique ou aigu du SI.
D Le dosage des protéines de l'inflammation (en particulier albumine, haptoglobine, l'a1 anti-trypsine,
orosomucoïde, fibrinogène) peut apporter des indications complémentaires sur des mécanismes associés
(hémolyse, insuffisance hépatique, syndrome néphrotique).
O Associée à celui de la CRP, le dosage de la procalcitonine contribue à distinguer les infections bactériennes,
où elle est augmentée, des infections non bactériennes ou d'une inflammation non associée à une infection.
D Intérêt du dosage de la SAA chez les patients atteints d'amylose AA, une complication possible d'une
inflammation chronique.
O Les traitements anti-inflammatoires ciblent directement ou indirectement les médiateurs de l'inflammation
(glucocorticoïdes, AINS, biothérapies anti-cytokines).
334

POUR EN SAVOIR PLUS

□ Cytokines pro-inflammatoires (en particulier IL-6 et IL-8). Leur dosage est facile aujourd'hui
dans le plasma et a suscité de nombreux espoirs, en particulier pour les SI aigus en pédiatrie
et en réanimation médicale. Cependant, leur intérêt est très limité car leur demi-vie est
courte. De plus, notons que TNF et IL-1 sont détectés de façon aléatoire dans le plasma.
O Une exception: le dosage des IL-6 et IL-10 dans les liquides oculaires (liquide de vitrée ou de
la chambre antérieure): un rapport IL-10/IL-6 > 1 est en faveur d'une localisation oculaire
d'un lymphome (en évaluation pour les lymphomes à localisation cérébrale).
□ Une étude transcriptomique ciblée ou systémique du tissu inflammatoire peut être très
informative, mais invasive et dépendante de l'accessibilité du tissu.
D En particulier, on peut évaluer la réponse inflammatoire limitée à une réponse innée
(IL-6, IL-8, TNF, IL-1) ou associée à une réponse adaptative. On peut alors caractériser le
profil de lymphocytes Th1 (immunité cellulaire), Th2 (immunité humorale), Th17 (cibles
tissulaires non-immunes).
□ Le contrôle et/ou la résolution de l'inflammation peut être évalué, en étudiant la production
d'IL-10 par les lymphocytes Treg, et d'IL-1RA par les monocytes.
D Étude ex vivo: il est possible d'étudier la production de cytokines spontanée ou induite des
cellules mononucléées du sang périphérique. Par exemple, la production d'IL-1 (3 oriente
vers des maladies auto-inflammatoires liées à un dysfonctionnement de l'inflammasome.
□ Pour les fièvres récurrentes héréditaires (FRH) qui sont des maladies auto-inflammatoires,
une étude génétique s'impose pour préciser leur nature. Cette analyse pourra orienter
vers un traitement spécifique.
D J.-M. Cavaillon, La Flamme Salvatrice, 2017.
D Medzhitov R., Nature, 2008.
U M. G. Netea et al., Nat lmmunol, 2017.
U Broderick et al., Ann. Rev. Pathol, 2015.
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - QCM

QCM

► 1. Quelles sont les caractéristiques générales du profil électrophorétique sérique d'un


patient présentant un syndrome inflammatoire :
A. Albumine augmentée
B. Albumine diminuée
C Fraction alpha2 diminuée
D. Fraction alpha2 augmentée
E. Fraction des gammaglobulines diminuée

► 2. À propos de la réaction inflammatoire :


A. La réponse adaptative précède la réponse innée
B. Elle est associée à la production de cytokines pro-inflammatoires
C. C'est une réponse physiologique
D. Elle peut être localisée ou systémique
E. Elle peut être chronique

► 3. Préciser les protéines qui sont augmentés au cours de la phase aiguë de l'inflamma­
tion:
A. La CRP
B. IJnsuline
C L.:albumine
D. L.:haptoglobine
E. La ferritine

► 4. La SAA est une protéine de la phase aiguë de l'inflammation :


A. Son dosage est fréquent et se réalise en urgence
B. Sa cinétique de production est comparable à celle de la CRP
C. Sa persistance au cours d'une inflammation chronique peut conduire à l'amylose
D. Elle peut être induite par des cytokines pro-inflammatoires
E. Son dosage est recommandé pour le suivi des amyloses AA
ITEM 215
PATHOLOGIE DU FER :
DIAGNOSTIC D'UNE CARENCE
OU D'UNE SURCHARGE EN FER
Hervé PUY

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENT TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE l'ECN


• Diagnostiquer une carence ou une surcharge en fer.
• Argumenter l'analyse étiologique et l'attitude thérapeutique, planifier le suivi du
patient.
• Devant une anémie, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et
justifier les examens complémentaires pertinents.
• Expliquer les principaux mécanismes et les manifestations biologiques des
anomalies du métabolisme du fer.
• Argumenter les procédures diagnostiques devant une carence et une surcharge
martiale.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Un rappel actualisé du métabolisme du fer.
• Connaître les principales protéines impliquées dans l'acquisition, la
distribution, le stockage et l'utilisation du fer; l'intérêt clinique de leurs
dosages, leurs valeurs et leurs cinétiques d'évolution.
• Connaître le rôle de l'hepcidine.
• Savoir reconnaître une hémochromatose et l'impact inflammatoire sur le
bilan martial.
• Savoir intégrer le dosage des protéines des différents compartiments en
vue de caractériser le caractère décompensé ou non d'une carence en fer
et orienter son étiologie.

1. INTRODUCTION - GÉNÉRALITÉS
Le fer physiologique existe sous forme d'ions Fe2+ (fer ferreux) ou Fe3+ (fer ferrique). Le fer sous forme
libre (Fe2+) participe à des réactions d'oxydoréduction conduisant à la formation de radicaux libres et
au stress oxydatif en endommageant les constituants cellulaires. Pour éviter cette toxicité du fer libre,
l'organisme développe des systèmes protéiques compartimentés pour: -1) transporter le fer à travers les
membranes cellulaires ou dans le plasma associée à la transferrine, une protéine plasmatique de transport
vers les cellules: compartiment de transport; -2) le stocker sous une forme non toxique et facilement
mobilisable au sein de la ferritine, protéine majeure de réserve intracellulaire: le compartiment de réserve;
-3) l'utiliser sous une forme héminique (dans l'hémoglobine, la myoglobine et les enzymes respiratoires),
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 215 337

sous une forme de centres fer/soufre (Fe-S) assemblées dans la mitochondrie, ou sous une
forme de cofacteurs intégrés à plusieurs protéines mitochondriales et cytosoliques : le
compartiment fonctionnel (figure 1).

- Réactions métaboliques oxydatives:


Centres fer/soufre Fer cofacteur

:;::::�:es
(3F:4S [
---.,,....,__,-• ydrogenases
eshydrogenases

,.,
Lipoxygenase
Phosphatase acide
Ribonucléotide réductase

- Hemoproteines :

Heme
[
--'.f'.f1-"-l.f�"'i�-..!. Hemoglobine
Myoglobines
Cytochromes
Enzymes oxyde-réduction

Figure 1. Compartiment fonctionnel du fer : Le fer pour quoi faire? Implication dans
le transport, le stockage du dioxygène et les réactions d'oxydo-réduction.

Il. HOMÉOSTASIE DU FER


Le fer étant peu éliminé par les voies urinaires, l'organisme limite ses apports en fer
en maintenant une absorption intestinale très basse et en favorisant son stockage
dans le foie et les macrophages de la rate par un mécanisme hautement contrôlé.
L'hepcidine, peptide de 25 acides aminés synthétisé par le foie, sécrété dans le plasma
et rapidement éliminé dans les urines, est l'élément principal de ce contrôle.

A. Absorption intestinale du fer


L'absorption du fer alimentaire nécessite son transfert à travers les membranes apicale
et basolatérale des cellules épithéliales du duodénum. Il existe deux mécanismes de
pénétration du fer au niveau du pôle apical de la cellule duodénale, en fonction de son
origine : fer héminique ou fer inorganique (issu des végétaux, du lait, des œufs et la partie
non héminique de la viande). Le fer contenu dans une molécule d'hème (fer héminique),
contenu dans la viande et le poisson est métabolisé grâce à l' hème oxygénase (HO-1),
libérant ainsi un atome de fer.
L'absorption du fer héminique est plus efficace que l'absorption du fer inorganique avec une
biodisponibilité de 25 %. Cependant, les apports de fer non héminique sont quantitativement
plus importants et représentent la majorité du fer absorbé (environ 60 %). Le fer inorganique
Fe3 •, avant son absorption, est réduit en Fe2 • par une réductase localisée à la surface externe
de la membrane apicale de la cellule duodénale, appelée Dcyt B (Duodenal cytochrome B).
Le Fe2 • est ensuite transporté à travers la membrane grâce au co-transporteur apical DMTl
(Divalent Metal Transporter 1). Ensuite, le fer est soit stocké sous une forme non réactive,
grâce à la ferritine, soit livré à la circulation grâce à la ferroportine (FPN) localisée dans la
membrane basolatérale. La FPN est exprimée aussi dans les macrophages où elle joue un
rôle primordial dans l'export du fer. Le fer Fe2 •transporté par la FPN est ensuite oxydé en
Fe3 • par une ferroxydase membranaire indispensable (l'héphaestine), avant d'être capté
par la transferrine plasmatique pour être distribué aux cellules de l'organisme.
338 Pathologie du fer : diagnostic d'une carence ou d'une surcharge en fer

/
1 Tt
••
(1!)
Macro1,hugc
MT
F_,.
FI

Figure 2 : Protéines impliquées dans le transport intracellulaire et intravasculaire


du fer et son stockage. DMT1 : divalent metal transporter 1 ; FPN : ferroportine; Tf :
transferrine; Ft : ferritine; H0-1 : hème oxygénase-1 ; HCP1 : heme carrier protein;
DcytB : Duodénal cytochrome B réductase intestinale; HEPH : héphaestine
L'absorption intestinale du fer est régulée négativement par l'hepcidine, une hormone
hyposidérémiante, sécrétée majoritairement par les hépatocytes du foie. L'hepcidine
régule négativement la sortie du fer de la cellule vers le plasma en se fixant sur FPN,
entraînant son internalisation et sa dégradation dans les lysosomes (Figure 3).

B. Érythropoïèse
L'activité érythropoïétique de la moelle osseuse joue un rôle prépondérant dans le
contrôle de l'homéostasie du fer, du fait de la grande quantité de fer nécessaire à la
production journalière de 200 milliards de nouveaux globules rouges. Ce fer (environ 25-
30 mg/J), provient essentiellement du recyclage du fer héminique par les macrophages,
suite à l'érythrophagocytose et au catabolisme des globules rouges sénescents. Ce recyclage
est principalement contrôlé par l'hepcidine plasmatique.
Les précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse acquièrent leur fer par endocytose
du complexe Fer(3 •)-Transferrine fixé sur le récepteur à la transferrine (RTf). Une fois dans
l'endosome, le fer est libéré de sa liaison à la Tf, puis dans le cytosol, la majorité du fer est
adressé à la mitochondrie pour participer à la synthèse de l'hème et à l'assemblage des
centres Fe-S.

C. Érythrophagocytose et stockage macrophagique


Les macrophages sont les responsables majeurs du recyclage du fer et de sa redistribution
à la moelle osseuse pour l'érythropoïèse. La source principale des réserves macrophagiques
de fer provient de la phagocytose des érythrocytes sénescents et le recyclage du fer à partir
de l'hémoglobine. Dans les vésicules phagocytaires, l'hème est métabolisé par H0-1 et une
fois dans le cytosol, le fer est soit stocké dans la ferritine, soit exporté vers l'extérieur de la
cellule grâce à l'exporteur FPN couplé à la céruloplasmine, une ferroxydase plasmatique.
La quantité de FPN sur la membrane du macrophage est contrôlée de façon systémique
et négative par l'hepcidine circulante. La fixation de l'hepcidine sur FPN entraîne son
internalisation et sa dégradation par les lysosomes.

D. Stockage hépatique et synthèse d'hepcidine (figure 3)


Le foie est l'organe de stockage principal pour le fer. Dans des états de surcharge en fer
d'origine génétique associés à une augmentation de la saturation de la transferrine,
les dépôts de fer dans les hépatocytes entraînent des lésions tissulaires progressives,
une cirrhose, voire un carcinome hépatocellulaire. Le fer est mis en réserve associé
à la ferritine, un hétéropolymère de 24 sous-unités constitués d'une chaîne lourde (H­
ferritine) et d'une chaîne légère (L-ferritine) formant une enveloppe sphérique contenant
une cavité centrale capable de stocker jusqu'à 4 500 atomes de fer. Le foie joue un rôle
central dans l'homéostasie du fer puisqu'il est le siège de la synthèse d'hepcidine. La
carence en fer est aussi détectée par le foie et se traduit par une répression de la synthèse
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 215 339

d'hepcidine de façon à augmenter l'absorption intestinale du fer. La carence martiale ou


l'hypoxie s'accompagnent d'une baisse du taux d'hepcidine tandis que la surcharge en fer
s'accompagne d'une augmentation.

Stockage Hepcidine Macrophages Recyclage


Pl■sm• : 20-30 mg/J

Figure 3. Homéostasie du fer chez l'Homme : raie régulateur systémique


de l'hepcidine : hormone hyposidérémiante

Ill. EXPLORATION BIOLOGIQUE EN PRATIQUE COURANTE


L'exploration biologique du métabolisme du fer est généralement associée à
une numération globulaire et un dosage de la CRP (statut inflammatoire) et des
transaminases.

COMPARTIMENT COMPARTIMENT COMPARTIMENT


FONCTIONNEL DE TRANSPORT DE RESERVE
(60--70") (sang= l") (3D-40%)

Fe 2+ Fe 3+

NFS (Hb, VGM, CCMH, Ferritine sérique


GR hypochromes) Fer sérique N dépendent de râ1e/sexe
RsTf.,. Transferrlne < 15 µa/L -> carence +++

Ferrltlne Erythrocytaire CST* > 300 µa/L ➔ surchar1e


Protaporphyrin@ Erythrocytaîre Fer hépatique (IRM)

( Fer sérique (µmol/LI ] [ H : 12-30 µmol/L Examens biologiques utiles

H
F : N plus basses 10%
] à l'interprétation :

( Tf sérique (g/L) 2-4g/l


1 CRP (Inflammation), ASAT•ALAT

...!:!._)
csT• = (Tlx2S x 100
(. 2S-3S"
)
Figure 4 : Exploration Biologique du métabolisme du fer en pratique courante.
* : coefficient de saturation de la transferrine.; ** : récepteur soluble
de la Transferrine
Exploration biologique du compartiment de transport : fer sérique, transferrine,
calcul du coefficient de saturation de la transferrine (CST)
Le dosage du fer sérique circulant est d'un intérêt modeste. Les valeurs sont environ 10 %
plus basses chez la femme que chez l'homme et présentent d'importantes variations
nycthémérales, avec un maximum le matin et un minimum vers 20 heures. Le dosage du
fer sérique est cependant indispensable pour déterminer le coefficient de saturation
de la transferrine (CST). La Transferrine transporte le fer dans le plasma et les
liquides extracellulaires et peut fixer deux atomes de fer. Après avoir effectué le
dosage pondéral de la transferrine, on peut calculer la capacité totale de fixation de
la transferrine (CTF ou TIBC) :
340 Pathologie du fer: diagnostic d'une carence ou d'une surcharge en fer

CTF (µmol/1) = 25 x Transferrine (g/1)

Puis déterminer le coefficient de saturation de la transferrine :


Jer que
CST = ;: x100 (%) où le fer sérique et la CTF sont exprimés en µmol/1.

Valeurs de références :
fer sérique : 12 à 30 µmol/l;
■ C TF : 45 à 65 µmol/l;
CST : 25 à 35 %.
Exploration biologique du compartiment de réserve : ferritinémie
La ferritine est une protéine de stockage du fer dans les tissus sous une forme disponible
pour la cellule. Le taux de ferritine, reflet des réserves tissulaires, est donc le meilleur
indicateur des réserves de fer de l'organisme. À titre indicatif les valeurs de référence sont
homme : 30 à 300 µg/l;
femme : 20 à 200 µg/l.
Les valeurs normales de ferritine pour des sujets sains dépendent de l'âge et du sexe.
Si la transferrine est une protéine "négative" de la réaction inflammatoire, (abaissée en cas
de syndrome inflammatoire, comme l'albumine), en revanche, la ferritine est une protéine
"positive" de la réaction inflammatoire, et augmente en cas de syndrome inflammatoire. Il
convient donc de coupler le dosage de la CRP à celui de la ferritine pour évaluer la présence
d'un syndrome inflammatoire majeur.

Ferrltlnémte t

CST<26%

l
,, 26% < CST< 45%

l
,1 CST >45%

CRP
augmentée
1 1 Normal f mais < 45%
Fer sérique
augmenté

l l l
Transaminases t
l
Inflammation Fer sérique normal :
et Hépatites, clrrose,
· Hépatosldén,.. Hémochromatoses
fer sérique " Myolyse (+CPK) HFE ou non HFE
dysmétabollque Hémolyse
- Ac:é<uloplasminémie
(+ RsTf) congénitale (rare) (+réticulocytes,
Haptoglobine)

Figure 5 : Conduite à tenir devant une hyperferritinémie

Exploration biologique du compartiment fonctionnel


Le récepteur de la transferrine ( TfR) est présent sur la membrane des cellules dont le
métabolisme nécessite du fer, mais n'est pas une protéine de la réaction inflammatoire.
Il fixe la transferrine circulante et l'internalise dans la cellule. Le récepteur soluble de la
transferrine (sTfR) est une forme tronquée du domaine extra-cellulaire de ce récepteur
membranaire. Sa concentration plasmatique est corrélée au nombre de TfR exprimé à la
membrane et au statut en fer. Une carence tissulaire entraîne une augmentation des sTfR.
Enfin le dosage de la protoporphyrine érythrocytaire reflète également une carence en fer
lors de l' érythropoïèse.
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 215 341

IV. INTERPRÉTATION DU MÉTABOLISME PATHOLOGIQUE DU FER


Des troubles du métabolisme du fer sont observés au cours de pathologies très diverses,
couvrant les domaines de l'hématologie, l'hépatologie, la gastro-entérologie et la
cancérologie (cf. items correspondants).

A. Carence martiale
La carence en fer est la principale cause d'anémie dans le monde(cf. Item 109 : Anémie
chez l'adulte). Il faut distinguer la carence martiale absolue d'une carence fonctionnelle.
Une carence martiale est absolue lorsque les stocks de fer tissulaire sont insuffisants
ainsi que son utilisation, l'organisme étant en situation globale de carence. Le dosage
de la ferritine sérique est le marqueur de référence. Un taux de ferritine abaissé(< 15-
20 µg/1) permet à lui seul d'affirmer la carence martiale absolue. Elle peut-être la
conséquence d'une insuffisance d'apport en fer, d'une augmentation de l'utilisation
du fer ou de pertes sanguines anormales.

1. Anémie par carence martiale


Les signes cliniques classiques de l'anémie sont retrouvés : pâleur, asthénie, mauvaise tolérance
à l'exercice physique, dyspnée d'effort. L'anémie ferriprive est classiquement microcytaire
(volume globulaire moyen (VGM) < 80 JL), hypochrome (concentration corpusculaire en
hémoglobine (CCMH) < 32 gldL) et arégénérative (réticulocytes < 120 Gll). La microcytose
est en fait tardive et inconstante et il existe d'autres causes de microcytose telles que les
thalassémies hétérozygotes, l'anémie inflammatoire ou rarement le saturnisme.
Le plus souvent, les carences martiales sont liées à des pertes de sang de faible volume mais
répétées souvent inconnues par les patients. Il faut également rechercher par l'interrogatoire
les facteurs favorisants la carence martiale : don de sang répétés, troubles de l'hémostase
(maladie de Willebrand), consommation en excès de thé lors des repas, végétarisme, prise
de substances altérant l'absorption du-fer. Chez la femme, l'étiologie est le plus souvent
gynécologique, alors que chez l'homme, l'étiologie digestive est la plus fréquente.

2. Anémie des états inflammatoires


La carence fonctionnelle est observée lorsque les réserves en fer sont suffisantes
(taux de ferritine normal) accompagnée d'une mobilisation défaillante du fer depuis
les réserves tissulaires vers le pool circulant. L'apport de fer aux cellules de la lignée
érythropoïétique est insuffisant (CST < 20 %). Les états inflammatoires chroniques« anémie
inflammatoire» sont responsables d'une carence martiale fonctionnelle. Cette carence se
caractérise par une diminution du fer circulant, une rétention du fer dans les macrophages
et une diminution de l'absorption intestinale du fer. Les patients présentent une anémie
inflammatoire et ont un taux d'hepcidine élevé.
Ce mécanisme permet de comprendre pourquoi le fer intraveineux contrairement au fer
oral est efficace dans la carence martiale fonctionnelle. En effet, il permet de court-circuiter
la barrière intestinale et de surmonter la séquestration du fer en le délivrant directement
à la transferrine circulante puis aux tissus périphériques.
L'anémie des états inflammatoires n'est donc pas à proprement parler une pathologie du
métabolisme du fer mais un déficit des apports périphériques de fer pour l'érythropoïèse,
causé par les cytokines pro-inflammatoires. Cette anémie est généralement modérée, normo
ou légèrement microcytaire, et caractérisée par un taux bas de fer sérique et une ferritinémie
augmentée. Parmi les maladies inflammatoires susceptibles d'induire une anémie, certaines
sont chroniques (cancer, maladies infectieuses, rhumatisme inflammatoire, maladie de
Crohn) ou aiguës (en postopératoire par exemple). Il n'y a pas de véritable carence en fer
mais une rétention du fer dans les macrophages.
342 Pathologie du fer: diagnostic d'une carence ou d'une surcharge en fer

3. Anémies microcytaires hypochromes, acquises ou héréditaires


Les anémies sidéroblastiques congénitales (CSA) ou acquises sont un groupe de maladies
hétérogènes caractérisées par la présence de sidéroblastes en couronne (érythroblastes
avec dépôts de fer intra-mitochondriaux). Les formes génétiques peuvent être dues
à des anomalies de la synthèse de l'hème ou de l'assembl age des centresfer-soufre.

B. Les surcharges martiales ou hémochromatoses


L'hémochromatose est une maladie associée à une absorption anormale du fer
conduisant à une accumulation progressive du fer dans les tissus de l'organisme, plus
ou moins importante suivant le gène en cause. Elle peut être génétique ou acquise,
secondaire à des transfusions répétées.

1. Les hémochromatoses héréditaires


L'hémochromatose héréditaire est la plus fréquente des maladies de surcharge en fer
d'origine génétique. Il s'agit d'une maladie liée à une absorption duodénale excessive
du fer conduisant à une accumulation progressive de fer dans l'organisme. Non traitée,
cette affection évolue insidieusement et risque de provoquer des atteintes organiques
sévères, dont la cirrhose hépatique. Il s'agit de la plus fréquente des maladies génétiques
en France (prévalence 1/300). D'une transmission autosomique récessive, cette pathologie
est liée principalement à la mutation faux sens C282Y du gène HFE (Hémochromatose de
type 1). D'autres mutations ont été identifiées : H63D, S65C. Les mutations génétiques sont
responsables de la perte de la régulation de l'hepcidine modulant l'absorption du fer dans
le tube digestif. La pénétrance de l'hémochromatose est incomplète (entre 10 et 50 %) et
son expression est variable, expliquant la diversité du tableau clinique.
Devant une suspicion d'hémochromatose héréditaire il faut demander trois tests biologiques.
■ Coefficient de saturation de la transferrine.
► En général, son taux est supérieur à 60 % et peut même atteindre 100 %. On
recommande la recherche de la mutation C282Y si le CST atteint 50 % chez la
femme et 60 % chez l'homme.

■ Ferritinémie.
► Elle est très élevée, sauf chez la femme en période d'activité génitale ou chez les
donneurs de sang réguliers.

■ Recherche des mutations du gène HFE.

a. Évaluation et prise en charge


D'autres manifestations biologiques sont la conséquence de la surcharge en fer des
différents tissus : une cytolyse hépatique ou une hyperglycémie.
L'évaluation de la surcharge en fer au niveau hépatique et cardiaque (localisations les
plus fréquentes et qui grèvent le pronostic) repose sur l'IRM hépatique et cardiaque.
L'IRM est le meilleur examen d'imagerie pour appréhender la surcharge en fer. Elle
a supplanté la biopsie hépatique qui n'a quasiment plus d'indications actuellement.
Le traitement de référence de la surcharge en fer sont les saignées. Les indications du
traitement de l'hémochromatose héréditaire sont une ferritinémie supérieure à 300 ng/ml
chez l'homme ou 200 ng/ml chez la femme. L'efficacité du traitement déplétif est évaluée
sur le taux de ferritine, avec un taux cible de moins de 50 ng/ml. La tolérance des saignées
est évaluée sur le taux d'hémoglobine qui doit rester supérieur à 11 g/dl. Les chélateurs
du fer ne sont utilisés qu'en cas de contre-indication aux saignées, par exemple en cas
<l'anémie associée ou d'impossibilité de la soustraction veineuse. Au stade ultime de
cirrhose décompensée, la transplantation hépatique est le seul traitement efficace de
l'hémochromatose héréditaire. L'éviction des toxiques hépatiques (virus de l'hépatite B,
vaccination) et de l'alcool sont essentiels pour limiter la toxicité hépatique.
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - ITEM 215 343

Il existe d'autres hémochromatoses héréditaires. Il s'agit de pathologies très rares non


liées à la mutation du gène HFE: mutation du gène FPN (ferroportine), de l'hémojuvéline
(HJV; dans l'hémochromatose juvénile de type 2a) ou du récepteur de la transferrine TfR2
(hémochromatose de type 3), toutes ces protéines étant impliquées dans la régulation
hépatique de la synthèse de l'hepcidine. La baisse d'hepcidine plasmatique entraîne une
augmentation du niveau de FPN se traduisant par une hyperabsorption intestinale, une
vidange des macrophages et une surcharge hépatique enfer. Il existe également d'autresformes
d'hémochromatose génétique liées à des mutations du gène de l'hepcidine (hémochromatose
juvénile de type 2b) ou du gène de la céruléoplasmine.

2. Les hémochromatoses acquises


L'hémochromatose acquise (ou secondaire) résulte soit d'un apport exogène excessif
de fer (transfusions sanguines ou régime alimentaire anormalement riche en fer), soit
d'une pathologie associée telle que l'hémolyse. En effet, un culot érythrocytaire apporte
250 mg de fer pour lesquels il n'existe aucun moyen d'élimination actif. Les surcharges
transfusionnelles doivent donc être prises en charge par un traitement chélateur de façon
à limiter la constitution de la surcharge et ses complications inéluctables, la plus grave
étant l'insuffisance cardiaque sévère.

a. Maladies hépatiques chroniques


■ Maladie alcoolique du foie
► L'abus chronique d'alcool est responsable d'une surcharge en fer dont le méca­
nisme est multiple. Les boissons alcoolisées, surtout le vin, contiennent du fer.
L'alcool est responsable d'une toxicité médullaire et de la destruction excessive
des hématies liée qui entraîne une libération de fer. L'alcool est hépatotoxique
et interfère avec la production de la transferrine produite au niveau hépatique.
Il existe donc une toxicité cumulée de l'alcool à laquelle s'ajoute l'action toxique
du fer. Le diagnostic différentiel avec l'hémochromatose héréditaire est souvent
difficile car la ferritinémie peut-être très élevée, mais la recherche génétique des
mutations de l'hémochromatose est toujours négative.
► Le seul traitement est le sevrage alcoolique définitif. La survenue d'une
cirrhose est plus fréquente chez les patients s'adonnant à une consommation
chronique d'alcool.

■ Cirrhose hépatique
► Toutes les causes de cirrhose hépatique peuvent être responsables de surcharge
en fer. La gravité de ces pathologies est liée à l'atteinte hépatique. Il est rare que
la déplétion en fer améliore la pathologie; il faut traiter la cause de l'hépatopathie
(virus C par exemple).

b. Surcharges d'origine hématologique


Pour les hémopathies, la surcharge est liée à une hyper-absorption intestinale du fer et/ou
à un apport excessif par les transfusions itératives effectuées dans le cadre d'une anémie
sévère. Les transfusions itératives en concentrés globulaires aggravent le phénomène
de surcharge. Les principales pathologies hématologiques avec surcharge en fer sont la
thalassémie majeure, l' érythroblastopénie, la dysérythropoïèse congénitale, le déficit en
glucose 6-phosphate déshydrogénase (G6PD), les syndromes myélodysplasiques ou les
aplasies médullaires.
Le dosage sérique de la ferritine reste l'examen le plus fréquemment utilisé pour évaluer
de manière indirecte la surcharge en fer. Toutefois, il faut tenir compte des conditions
pouvant faussement élever le niveau de ferritine (hépatite, hémolyse, inflammation...). Le
dosage du coefficient de saturation de la transferrine peut-être également utilisé. La mesure
de la concentration intrahépatique en fer par l'imagerie par résonnance magnétique
(IRM) hépatique est un bon reflet de la surcharge en fer.
344 Pathologie du fer : diagnostic d'une carence ou d'une surcharge en fer

L'atteinte cardiaque liée à la surcharge ferrique domine le pronostic vital, causant 2/3
des décès par insuffisance cardiaque congestive, troubles du rythme, cardiomyopathie
av ec altération de la fraction d'éjection et dilatation ventriculaire, ou mort subite. La
surcharge est corrélée au nombre de concentrés érythrocytaires reçus. Les saignées
ne peuvent être utilisées dans les maladies hématologiques en raison de l'anémie. Le
traitement chélateur permet de prévenir les complications cardiaques, hépatiques et
endocriniennes. L'objectif est l'obtention d'un taux de ferritine < 1000 µg/l.

c. Syndrome métabolique
C'est le principal diagnostic différentiel de l'hémochromatose génétique. La ferritinémie
peut atteindre 800 à 1500 µg/l, et proportionnelle au taux d'insulino-résistance d'origine
multifactorielle. Habituellement le CST est normal. Le traitement consiste à corriger les
troubles métaboliques (hypercholestérolémie, diabète). La perte de poids améliore ces
perturbations et en particulier diminue l'hyperferritinémie. Les saignées de faible volume
peuvent être une alternative thérapeutique (leur indication reste ici cependant discutée).
345

FICHE FLASH
D La carence martiale peut être:
► absolue (stock martial bas: la ferritinémie est basse);
► fonctionnelle (stock martial normal voire élévé: la ferritinémie n'est pas abaissée), mais l'utilisation
périphérique du fer est limitée (inflammation).
□ La moitié des anémies sont liées à une carence martiale.
□ Les maladies chroniques, notamment inflammatoires sont fréquemment à l'origine d'une carence martiale
fonctionnelle.
D Les marqueurs de la carence martiale les plus performants sont la ferritinémie et le coefficient de
saturation de la transferrine.
D L'hémochromatose héréditaire de type 1 est la plus fréquente des maladies de surcharge en fer d'origine
génétique.

r
• Une ferritine sérique diminuée est synonyme de carence martiale
• Une ferritine normale ne permet pas toujours d'exclure une
COMMRTIMfNT
carence martiale (Inflammation, cytolyse.•. )
DE RESERVE
• Une ferritlne augmentée en dehors de tout contexte
inflammatoire ou cytolytique doit être explorée

COMPARTIMENT • Lecsr• peut être utile en cas de suspicion de carence martiale


DE TRANSPORT • Le CST* est utile en cas de suspicion de surcharge martiale

Le dosage des RsTf est un dosage qui garde son intérêt, en zime
COMPARTIMENT
Intention, dans l'appréciation de la carence martiale lorsque la
FONCTIONNEL
ferritinémie est ininterprétable
.,/
346

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Devant une anémie microcytaire et avant de conclure à une carence martiale (même
si c'est souvent le cas) , il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une béta-thalassémie
hétérozygote (ferritinémie non abaissée, caractère régénératif de l'anémie) .

+ Devant une anémie microcytaire et avant de demander une électrophorèse de


l'hémoglobine pour recherche de béta-thalassémie, on doit vérifier la ferritinémie.
Une carence martiale peut s'accompagner d'une élévation de la proportion
d'hémoglobine A2 (comme dans la beta-thalassémie) , il faut la corriger avant de réaliser
l'électrophorèse.

+ Devant une carence martiale isolée inexpliquée, il est nécessaire d'interroger le patient
à la recherche de troubles du comportement alimentaire, et savoir évoquer une maladie
cœliaque (dont la carence martiale peut être l'unique manifestation) .
Lasocki S, Lefebvre T, Mayeur C, Puy H, Mebazaa A, Gayat E; FROG-ICU study
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independent risk factor for death and poor quality of life at one year : an obser­
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cotransporter is down-regulated by hepcidin via proteasome internalization and
degradation. Gastroenterology 2011; 140: 1261-71 e1.
Chapitre 10. Biologie de l'inflammation, biologie du fer - QCM

OCM

► 1. Parmi les propositions suivantes concernant les besoins et les apports de Fer, laquelle
est fausse?
A. La majorité du fer est utilisé pour la synthèse d'hémoglobine
B. Le fer héminique est mieux absorbé
C. Le stockage est majoritairement splénique (rate)
O. L.:absorption intestinale est régulée
E. Les besoins de la femme enceinte sont plus importants
Réponse: C

► 2. Parmi les propositions suivantes concernant la ferritine, laquelle est vraie?


A. Il s'agit d'une forme minoritaire de stockage de fer dans l'organisme
B. Elle est composée de chaînes lourdes et légères
C. C'est une proteine "négative» de l'inflammation
O. Le dosage de la ferritine n'est pas recommandé sans dosage simultané du fer sérique
E. Elle est capable d'intégrer jusqu'à 45 atomes de fer par molécule
Réponse: B

► 3. Parmi les propositions suivantes, laquelle est vraie?


A. La ferroportine est la principale protéine de transport plasmatique du fer
B. La transferrine existe sous 3 isoformes
C. La transferrine est habituellement saturée à 30 % de fer
O. La ferritine est principalement retrouvée au niveau musculaire
E. DMT1 est le principal récepteur cellulaire de la transferrine
Réponse: C

► 4. Parmi les propositions suivantes concernant l'hepcidine, laquelle est vraie?


A. Elle intervient dans le métabolisme glucidique
B. Elle exerce une action antivirale directe
C. Elle est hyposidérémiante
O. Elle est classée dans les hormones stéroïdiennes
E. Elle est réprimée en cas d'inflammation chronique
Réponse: C

► 5. Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) vraie(s)?


A. La myoglobine est une hémoprotéine
B. L.:hémoglobine comporte 4 atomes de fer sous forme ferrique
C. Les anémies inflammatoires sont caractérisées par une carence absolue en fer
D. Le fer libre favorise la peroxydation lipidique et le stress oxydant
E. Les hémochromatoses peuvent être acquise ou héréditaires
Réponses : A, D, E
CHAPITRE 11. LES BIOMAROUEURS DES CANCERS

ITEM 288
CANCÉROGENESE,ONCOGÉNÉTIQUE
Damien VASSEUR, Jean-Baptiste OUDART, Claire RODRIGUEZ-LAFRASSE et Jonathan LOPEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Décrire l'histoire naturelle du cancer.
• Connaître les implications cliniques des données d'oncogénétique constitutionnelle
et somatique.
• Décrire les principales étiologies professionnelles des cancers et expliquer les
principes de dépistage des cancers professionnels.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Décrire le processus de cancérogénèse.
• Principes et indications des techniques de génétique somatique des cancers.

1. INTRODUCTION
La cancérogenèse est un processus séquentiel d'accumulation d'anomalies moléculaires au sein d'une
cellule somatique (toutes les cellules de l'organisme à l'exception des gamètes). Elle conduit à une population
cellulaire hétérogène présentant un génome différent du reste de l'organisme. La génétique moléculaire
des cancers vise à caractériser ces anomalies moléculaires propres à la tumeur.
Cette carte d'identité de la tumeur est essentielle pour
■ contribuer au diagnostic en complément de la clinique, de l'anatomopathologie et de l'imagerie;
■ établir le pronostic;
■ orienter la stratégie de traitement;
■ permettre l'accès à une thérapie ciblée ou une immunothérapie;
■ permettre de suivre la maladie résiduelle.
Ces analyses moléculaires permettent aujourd'hui de personnaliser la prise en charge des patients atteints
de cancers.
On parle de génétique somatique des cancers (sur la tumeur) par opposition à la génétique germinale
ou constitutionnelle qui vise à caractériser le patrimoine génétique de l'individu (en général sur du sang).
L'oncogénétique constitutionnelle s'intéresse aux gènes prédisposant aux cancers devant des tableaux
cliniques évocateurs : plusieurs cas familiaux, survenue précoce, cancers multiples chez un même
individu. Les analyses d'oncogénétique ont pour objectif d'identifier les gènes en cause et d'affirmer
le caractère héréditaire de leur transmission. Ces analyses visent à améliorer la prise en charge de la
descendance (détection précoce, chirurgie prophylactique).
Nous développerons ici les mécanismes de la transformation tumorale. Nous détaillerons également les
techniques et les indications des analyses de génétique moléculaire somatique.
350 Cancérogenese, oncogénétique

Il. RÉPONSE À L'ITEM

A. Cancérogenèse
1. Un processus séquentiel
Une cellule somatique peut accumuler de manière séquentielle des altérations de son
ADN conduisant à sa transformation cancéreuse.
Ces altérations vont conduire à l'activation d'oncogènes (gènes qui favorisent le
développement des cancers) et à l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeur (gènes
qui s'opposent au développement des cancers). C'est par exemple le cas des cancers
digestifs (Figure 1) impliquant l'activation successive des voies de prolifération Wnt
et EGFR et aboutissant à la transformation d'un épithélium normal en un adénome
pré-cancéreux. Les cellules pré-tumorales acquièrent ensuite des altérations de leur
ADN conduisant à l'inactivation des voies suppressives de tumeurs TGF beta et p53,
et aboutissant à la transformation d'un adénome en un carcinome.

Voies Activation Activation Inactivation Perte de


impliquées voie Wnt voieEGFR voieTGfb p53

--l -- --
KRAS Smad2/4 p53

l l
Epilhélium Adénome Adénome Adénome Métastase
Carcinome
normal précoce intermédiaire tardif

Figure 1 : Modèle séquentiel « multi-hit » de cancérogenèse colorectale. (Adapté


d'après http://syscol-project.eu/about-syscol/)
On parle de modèle« multi-hit » de cancérogenèse. Il est couramment admis qu'entre
5 et 10 anomalies au sein d'une même cellule sont nécessaires à sa transformation
cancéreuse. L'inactivation des gènes suppresseurs de tumeur nécessite le plus souvent
deux évènements délétères (un sur chaque allèle). On peut par exemple observer
l'inactivation de CDKN2A (inhibiteur du cycle cellulaire) par perte d'une copie du gène
et l'acquisition d'une mutation non-sens sur le second allèle. À l'inverse, l'activation
des oncogènes est généralement liée à un événement activateur unique.
L'acquisition de ces altérations moléculaires est liée à des mécanismes qui favorisent
l'instabilité du génome. Elles peuvent avoir pour origine :
Des erreurs de la réplication. Ces erreurs sont normalement corrigées par la cellule,
mais les processus physiologiques de correction peuvent parfois être dépassés.
■ Des défauts de réparation de l'ADN. Ce mécanisme est très impliqué dans le déve­
loppement des cancers héréditaires. Par définition, les mutations portées par la
lignée germinale (donc transmissibles à la descendance) sont retrouvées dans
toutes les cellules de l'organisme, dont les cellules en cours de cancérisation. Les
patients présentant des défauts héréditaires des mécanismes de la réparation sont
donc prédisposés à développer plus fréquemment un cancer, en raison d'une insta­
bilité génomique basale déjà exacerbée. Citons par exemple le syndrome sein-ovaire
associé à l'inactivation de gènes de la recombinaison homologue (ex : BRCAI/2) ou
le syndrome de Lynch associé à un défaut de réparation des mésappariements (ex :
MLHI, MSH2).
■ L'action directe d'agents mutagènes (UV, amiante, solvants chimiques). Ainsi les
tumeurs cutanées de type mélanome représentent des tumeurs présentant une charge
mutationnelle (nombre de mutations somatiques par mégabase d'ADN séquencé)
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 288 351

parmi les plus élevées. Les facteurs environnementaux jouent le rôle d'accélérateur
de la tumorigenèse en amplifiant l'instabilité génomique. Ils peuvent être à l'origine
du développement de cancers professionnels, tels les cancers broncho-pulmonaires
liés au tabac et les mésothéliomes pleuraux liés à l'amiante.

2. Les quatre étapes de la cancérogénèse


Comme expliqué précédemment, la cancérogénèse est un processus séquentiel. Il peut
être divisé en 4 étapes
1. initiation, altération irréversible de l'ADN (mutation ponctuelle, délétion) qui
transforme une cellule normale en cellule «initiée» capable d' échapper au contrôle
de la division cellulaire. La grande majorité des cellules initiées restent bloquées à
l'état quiescent;
■ 2. promotion, phénomène réversible aboutissant au développement d'une lésion
pré-cancéreuse. Au cours de cette phase les changements affectent davantage
l'expression des gènes que la structure de !'ADN;
■ 3. progression : elle correspond à l'acquisition par la cellule de caractéristiques
propres aux cellules cancéreuses (cf. « Hallmarks of cancer» paragraphe suivant).
La lésion initialement pré-cancéreuse devient une tumeur maligne;
■ 4. dissémination métastatique à distance de la tumeur primitive, après franchisse-
ment de la membrane basale et remodelage de la matrice extracellulaire.

3. Des altérations moléculaires conférant un avantage sélectif


Les altérations moléculaires somatiques surviennent au hasard dans le génome. La
majorité de ces altérations n'ont aucune conséquence fonctionnelle sur la prolifération
ou la survie de la cellule et sont neutres. En revanche, un nombre limité d'altérations,
localisées le plus souvent dans les régions codantes d'oncogènes ou de gènes suppresseurs
de tumeurs vont permettre à la cellule d'acquérir un avantage sélectif vis-à-vis des
autres cellules présentes au sein du micro-environnement tissulaire. On parle de niche
environnementale dont la composition cellulaire et physico-chimique va influencer le
développement de la tumeur.
L'activation ou l'inhibition de certaines voies cellulaires est particulièrement associée au
développement tumoral. Citons par exemple les voies de prolifération des MAP Kinases
(EGER > RAS/RAF/MEK > ERK) ou PI3K (PIK3CA > AKT > mTOR), les voies de réparation
des dommages de !'ADN, les voies du cycle cellulaire (CDKN2A, CDK4/6) ou celles de la
mort cellulaire programmée (TP53, TERT, BCL2).
Les avantages sélectifs acquis au cours du processus de tumorigenèse peuvent être
regroupés en trois grandes catégories qui constituent les jalons (ou « hallmarks»)
du cancer:
échappement aux processus de défense de l'organisme visant à éliminer toute
cellule anormale : résistance à la mort cellulaire, réplication illimitée par échap­
pement à la sénescence, sur-expression des défenses anti-oxydantes, inactivation
du système immunitaire anti-tumoral;
■ prolifération accrue : dérégulation du métabolisme énergétique, dérégulation
du cycle cellulaire et hyper-prolifération, néo-angiogenèse pour augmenter les
ressources en oxygène et en nutriments, inflammation;
■ envahissement de nouveaux territoires : acquisition de capacités migratoires et
invasives des cellules via le mécanisme de la transition épithélio-mésenchyma­
teuse (EMT) conduisant à la dissémination métastatique.
Ces nouvelles capacités vont permettre à la cellule de franchir les différentes barrières
de sélection, de se développer sous la forme d'un clone tumoral (un grand nombre
de cellules identiques provenant d'une même cellule-mère) qui au final aboutira à
une tumeur.
352 Cancérogenese, oncogénétique

4. La pression de sélection conduit à l'émergence


de populations tumorales hétérogènes
En réalité ce processus d'acquisition séquentielle d'altérations moléculaires n'est pas linéaire.
Il se développe à la manière d'un arbre avec de nombreuses branches (« branched
evolution»), chaque nouvelle ramification correspondant à l'acquisition d'une nouvelle

....
altération moléculaire (Figure 2).

EVOLUTION
RAMIFIEE .... Clone 1

--+
Clone 2
Population
polyclonale


Clone 3 hétérogène

Temps • Clone4

Figure 2 : Le processus d'évolution clonale ramifiée aboutit à une population


polyclonale hétérogène (adapté d'après https://en.wikipedia.org/wiki/Tumour_
heterogeneity).
Finalement, la tumeur sera constituée de plusieurs clones tumoraux, dont certains
majoritaires. On parle d'hétérogénéité tumorale. Cette hétérogénéité est renforcée
par la dissémination métastatique qui nécessite l'acquisition de nouvelles capacités
migratoires et invasives et l'adaptation à un nouvel environnement tissulaire différent
de celui du site primitif. La pression de sélection exercée par l'organisme va conduire
progressivement à l' élimination de certaines de ces branches ou au contraire favoriser le
développement d'autres.
Les mutations présentes au niveau du tronc sont retrouvées dans l'ensemble des clones
tumoraux alors que celles survenant plus tardivement au cours de l' évolution tumorale ne
seront partagées que par un ou quelques clones. Il est donc particulièrement intéressant
d'identifier ces altérations fondatrices (ou« drivers») pour pouvoir traiter de manière
plus efficace la tumeur dans son ensemble. Des stratégies de biopsies multiples du site
primitif et des sites métastatiques se développent pour objectiver cette hétérogénéité
tumorale et optimiser la prise en charge thérapeutique du cancer.
L'oncogenèse peut être appréhendée selon deux modèles différents :
modèle stochastique : Toutes les cellules de l'organisme y compris les cellules bien
différenciées ont le même potentiel prolifératif. Suite à une succession de mutations,
ces cellules évoluent vers un profil tumoral;
Il modèle hiérarchique : Il distingue différents sous-types de cellules tumorales :
► les cellules-souches cancéreuses à l'auto-renouvellement indéfini, moteurs de la
croissance tumorale et seules cellules pouvant former d'autres tumeurs;
► les autres cellules tumorales au potentiel de prolifération limité.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 288 353

Auto renouvellement, prolifération élevée,


grande capacité de migration, résistance aux traitements

Modèle stochastique

Modèle hiérarchique

Figure 3 : Modèles de !'oncogenèse.


Les cellules-souches cancéreuses peuvent être à l'origine des résistances et de la
dissémination métastatique. Contrairement aux autres cellules tumorales, elles sont
insensibles aux thérapies conventionnelles.

5. L'hétérogénéité tumorale contribue à la résistance aux traitements


Sous l'effet d'un traitement anti-tumoral, les clones les plus sensibles seront détruits
en priorité alors que le développement d'autres clones ayant acquis des capacités à
résister à ce traitement cytotoxique sera favorisé. C'est particulièrement vrai pour
les thérapies ciblées utilisées en monothérapie qui conduisent inéluctablement à
l'émergence de clones tumoraux résistants. Citons l'exemple du cancer du poumon non
à petites cellules, présentant une mutation activatrice d'EGFR et traité par inhibiteur de
tyrosine kinase anti-EGFR (Figure 4).

Population Résistance Résistance


"naïve" acquise (1) acquise (2)


EGFR-TKI EGFR-TKI
de 1ère de 3ème
génération génération

� �

Q Population naïve Q T790M mutée


Q T790M sauvage • T790M mutée+ d'autres altérations

Figure 4 : Émergence de résistance sous traitement par anti-EGFR de première


et troisième génération (adapté d'après lchihara & Lovly. Cancer Discovery. 2015).
Dans cet exemple, le traitement par anti-EGFR de première génération favorise l'émergence
de clones résistants porteurs de la mutation T790M (p.Thr790Met). La molécule est
remplacée par un inhibiteur de troisième génération capable de cibler les cellules mutées
T790M. Cette seconde ligne de traitement aboutit également à la sélection de mécanismes
additionnels d'échappement et à la rechute.
Une stratégie thérapeutique permettant de limiter de manière efficace l'émergence de
ces résistances secondaires consiste à associer d'emblée la thérapie ciblant l'altération
oncogénique et un inhibiteur du mécanisme d'échappement. Il est par exemple
recommandé par l'HAS de traiter les mélanomes mutés BRAF (p.Val600Glu ou autres
354 Cancérogenese, oncogénétique

mutations activatrices) par une association de molécules anti-BRAF et anti-MEK


(dabrafenib+trametinib ou vemurafenib+cobimetinib).

B. Génétique moléculaire des tumeurs


1. Des anomalies somatiques de nature variée
La tumeur présente donc des altérations moléculaires qui lui sont propres, acquises
au cours du processus de transformation et de nature variée. Il peut s'agir :
de mutations ponctuelles(« Single Nucleotide Variation» ou SNV ) pouvant conduire
à la substitution d'acides aminés importants pour la fonction de la protéine ou à la
création d'un codon stop;
a de petites insertions ou délétions (InDels) pouvant causer un décalage du cadre de
lecture lors de la traduction et conduisant à une protéine tronquée non fonctionnelle;
■ d'anomalies d'épissage conduisant par exemple à l'élimination d'exons régulant
l'activité de la protéine;
■ d'amplification d'oncogènes ou de délétions de gènes suppresseurs de tumeur(« Copy
Number Alterations» ou CNA) modifiant l'expression du gène atteint;
■ de réarrangements chromosomiques ou translocations aboutissant à des gènes
de fusions, et conduisant par exemple à l'activation incontrôlée de récepteurs à
tyrosine kinase;
■ d'anomalies de la régulation épigénétique de l'expression des gènes comme l'hyper-
méthylation des promoteurs associée à une répression de nombreux oncogènes.

2. Des techniques de biologie moléculaire adaptées


Les plateformes de génétique somatique des cancers, structurées en France par l'INCa
(Institut National du Cancer), mettent en œuvre différentes techniques de biologie
moléculaire.

Altérations moléculaires Techniques ciblées Techniques haut débit


PCR avec sonde spécifique Panel de gènes
Mutation ponctuelle
Séquençage Sanger WES5
1 nsertion/délétion Panel de gènes
Séquençage Sanger
(petites tailles) WES5
Amplification/délétion MLPA1 CGH-array6
(gènes entiers) FISH2 WES5 , WGS7
RT-PCR3
RNA-Seq
Translocations/fusions FISH2
WGS7
Nanostring ®
RT-MLPA4
Anomalies d'épissage ou
RT-PCR RNA-Seq
d'expression des gènes
Nanostring
Séquençage après traitement
Anomalies épigénétiques Methyl-Seq
par bisulfite

1. Multiplex Ligation dependent Probe Amplification; 2. Fluorescent ln Situ Hybridization; 3. Reverse Transcriptase­
Po/ymerase Chain Reaction; 4. Reverse Transcriptase-MLPA; 5. Whole Exome Sequencing; 6. Comparative Genomic
Hybridization Array; Whole Genome Sequencing.
Ces techniques vont permettre de caractériser des anomalies des gènes (ADN) ou
de leurs transcrits ARN (reflétant la manière dont les gènes sont exprimés). Elles
peuvent être ciblées sur une anomalie spécifique (ex : recherche d'une mutation BRAF
p.Val600Glu) ou étudier de manière plus large un grand nombre de gènes grâce aux
méthodes de séquençage haut débit. Ces techniques haut débit encore appelées Next
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 288 355

Generation Sequencing (NGS) ou Massively Parallel Sequencing (MPS) occupent


aujourd'hui une part essentielle pour le diagnostic. Elles permettent de séquencer
en quelques jours des génomes entiers à un coût réduit. Dans le domaine du cancer,
elles visent à établir la carte d'identité tumorale.
Le Plan France Médecine Génomique 2025 ou d'autres programmes nationaux de grande
ampleur (ex : Genomics England) visent à intégrer la médecine génomique dans le parcours
de soins des patients atteints de cancer ou de maladies rares.
Le tableau 1 résume les différentes techniques ciblées ou haut débit pouvant être
mises en œuvre pour chaque type d'anomalies.
De manière très schématique ces techniques de biologie moléculaire peuvent être
regroupées en deux grandes catégories : les techniques d'hybridation et celles de
séquençage. Il est souvent nécessaire d'amplifier le matériel génétique pour pouvoir
l'étudier. Pour cela la technique de Polymérase Chain Reaction (PCR) est utilisée.
Par ailleurs, peu de techniques permettent d'étudier directement les ARN et une
conversion de l'ARN en ADN complémentaire par une Reverse Transcriptase (RT)
est souvent nécessaire.
Les techniques basées sur l' hybridation utilisent des sondes moléculaires marquées qui
vont s'associer par complémentarité de séquence aux gènes- ou aux ARN-cibles et
ainsi permettre leur quantification.
■ MLPA et RT-MLPA : ligation puis détection de sondes d'hybridation quand elles
sont associées à la cible. Cette technique est très utilisée pour détecter les délétions
ou amplifications des gènes.
■ FISH et la CGH-array qui consiste à hybrider et quanti.fier des sondes complémentaires
de régions chromosomiques et ainsi détecter de grands réarrangements en complément
de la cytogénétique classique.
■ Nanostring• qui détecte directement les ARN (sans passer par une étape de conversion
en ADN complémentaire) au moyen de sondes marquées par des codes-barres molé­
culaires. Cette technique permet d'étudier des signatures d'expression génique dans le
cancer du sein ou de détecter des réarrangements de ALK dans les cancers du poumon.
Les techniques de séquençage visent à définir l'ordre des nucléotides constituant les
gènes ou les transcrits. Elles peuvent être ciblées sur un ou quelques gènes d'intérêt.
Dans ce cas on privilégie la méthode Sanger. À l'inverse elles peuvent chercher à
étudier tout ou partie du génome ou du transcriptome (ensemble des ARN exprimés
par le tissu). Parmi ces technologies de séquençage haut débit on distingue :
le séquençage de !'ADN: panel de gènes (20 à 300 en général) ciblant un groupe de
gènes impliqués dans une pathologie particulière, Whole Exome Sequencing ou WES
(l'ensemble des régions codantes des gènes, environ 2 % du génome) ou ensemble du
génome (Whole Genome Sequencing ou WGS);
■ le séquençage de !'ARN ou RNA-Seq (après conversion en ADN complémentaire).
Celui-ci peut être ciblé par exemple pour détecter les évènements defusions oncogé­
niques ou être global pour étudier l'ensemble du transcriptome;
■ le Methyl-Seq permet dëtudier la méthylation des régions régulatrices des gènes par
comparaison entre un ADN traité ou non par le bisul.fite (qui modifie les cytosines
non méthylées).

3. Des anomalies somatiques permettant de personnaliser


la prise en charge des cancers
Les analyses de génétique somatique permettent d'établir une carte d'identité de la
tumeur. Elle est essentielle pour :
contribuer au diagnostic en complément de la clinique, de l'imagerie et de l'anato­
mopathologie (voir item 289);
356 Cancérogenese, oncogénétique

■ orienter la stratégie de traitement en aidant à la stratification des patients en fonction


du pronostic;
■ permettre l'accès à une thérapie ciblée ou une immunothérapie;
■ suivre la maladie résiduelle.
L'arsenal thérapeutique de l'oncologue intègre aujourd'hui de nombreuses alternatives à la
chimiothérapie. Hormonothérapies, thérapies ciblées et plus récemment immunothérapies
prennent une part croissante dans les stratégies. L'accès à ces traitements est la plupart
du tem ps conditionné par la réalisation d'un test compagnon ou biomarqueur,
caractéristique mesurable et indicatrice d'un processus biologique physiologique ou
pathologique, ou marqueur d'une réponse pharmacologique à un traitement.
On peut distinguer deux grandes stratégies d'inhibition des altérations oncogéniques: i) des
anticorps ciblant la partie extra-cellulaire de récepteurs membranaires et bloquant ainsi
leur activation (ex: le cetuximab) ou: ii) des petites molécules pharmacologiques venant
bloquer l'activité catalytique du récepteur (ex: le gefitinib). Ces récepteurs sont très souvent
à activité tyrosine kinase (enzymes phosphorylant les protéines sur des résidus tyrosine) et
on parle alors d'inhibiteurs de tyrosine kinases ou ITK

% de patients
Pathologie Biomarqueur présentant une Molécules associées
altération moléculaire
A n t i - H E R 2
Cancer du sein Amplification d'HER2 19,7 % (Trastuzumab, Pertuzumab,
Lapatinib)
A n t i - H E R 2
Cancer de l'estomac Amplification d'HER2 23,5%
(Trastuzumab)
Mutation de KRAS 43,7% A n t i - E GF R
Cancer colorectal
Mutation de NRAS 5,2% (Panitumumab, Cetuximab)
Mutation de KIT 65,5% ITK
GIST
Mutation de PDGFRA 15,4% (lmatinib)
T K - E GF R
Mutation d'EGFR 13,4% (Gefetinib, Erlotinib, Afatinib,
Cancer du poumon Translocation d'ALK 3,1% Osimertinib)
Translocation de ROS1 - 1% I T K-AL K/ R OS1
(Crizotinib, Ceritinib)
A n t i-B RAF+a n t i-MEK
Mutation de BRAF
Mélanome 37,2% (Vemurafenib/Cobimetinib, Dabrafe­
V600
nib/Trametinib)
I nhi b i t e u r d 'ABL
Transcrit BCR-ABL 16,7%
Leucémies (lmatinib, Dasatinib, Nilotinib, Bosu­
Mutation d'ABL 22,4%
tinib, Ponatinib)
Leucémie Lymphoïde
Mutation de TP53 1% ldelalisib
Chronique
Mutation de BRCA1/2
- A n t i - P A R P
Cancer de l'ovaire somatique ou germi- 12,6%
(Olaparib, Niraparib}
nale

C'est ainsi que le trastuzumab (anticorps anti-HER2) est utilisé chez les patientes atteintes
de cancers du sein surexprimant le récepteur HER2. Les tests somatiques peuvent soit
indiquer soit contre-indiquer l'utilisation d'une molécule. Par exemple l'inhibiteur
d'EGFR gefitinib est indiqué dans les cancers du poumon présentant une mutation activatrice
d'EGFR, alors que l'utilisation de l'anticorps anti-EGFR cetuximab est contre-indiquée pour
les cancers colorectaux KRAS ou NRAS mutés.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 288 357

Le tableau 2 ci-dessus résume les biomarqueurs et les principales thérapies ciblées associées
disposant d'une AMM dans différents cancers (Source JNCa 2016).
Comme illustré dans ce tableau, la fréquence de tests positifs pour ces biomarqueurs
est généralement faible (ex : seulement 1,0 % des cancers du poumon présentent une
translocation de ROSI). Cela signifie qu'une faible proportion des patients testés
pourra bénéficier de traitements ciblés. L'exemple du cancer du poumon illustre bien le
démembrement moléculaire d'entités histopathologiques et une stratification des patients
en sous-groupes moléculaires conditionnant l'accès à un traitement personnalisé.
Plus récemment l'immunothérapie a pris une place centrale dans la prise en charge de
certaines tumeurs (mélanome, poumon, certains lymphomes, vessie...). C'est un traitement
qui a pour objectif de renforcer le système immunitaire du patient pour lutter contre son
cancer. Comme pour les thérapies ciblées, un nombre croissant de biomarqueurs prédictifs
de la réponse à l'immunothérapie sont mis en œuvre pour personnaliser le traitement. Citons
par exemple l'expression de PD-LI, la recherche d'instabilité microsatellitaire, l'évaluation
de la charge mutationnelle tumorale ou encore une caractérisation du micro-environnement
immunitaire par des approches de transcriptomique.
Dans certaines situations, il n'est pas possible d'accéder à du matériel tumoral. Il est
maintenant possible de réaliser les analyses de génétique tumorale sur l'ADN tumoral
circulant présent dans le plasma. Cette stratégie peu invasive est notamment recommandée
par le GFCO pour les adénocarcinomes du poumon traités au moment du diagnostic si
une biopsie de la tumeur n'est pas réalisable. Cette stratégie est aussi utile pour le suivi
du traitement par anti-EGFR et la détection précoce de l'émergence de clones résistants
(voir Figure 3).

C. Cancers professionnels
1. Principales étiologies professionnelles des cancers

Origine
Pathologie Facteurs de risques professionnelle
(%)
Amiante, arsenic, bis(chlorométhyl)éther, cadmium,
certains composés du chrome, goudrons, suies, dérivés
Cancer du poumon du charbon et huile de houille, nickel, poussières de cobalt 10 à 20 %
associés au carbure de tungstène, poussières et gaz
radioactifs, silice...
Mésothéliome Amiante 85 %
Goudrons, suies de combustion du charbon, brais de
Cancer de la vessie et
houille, arsenic et ses composés minéraux, amines 2 à14 %
des voies urinaires
aromatiques...
Leucémies Rayonnements ionisants, benzène... 5 à 18 %
Poussières de bois, aldéhyde formique, composés du
Cancers ORL 7à40 %
chrome
Arsenic et composés minéraux, goudrons, suies, dérivés
Cancers cutanés de combustion du charbon, huiles minérales dérivées du
pétrole, rayonnements UV. ..
Chlorure de vinyle monomère, arsenic et ses composés
Cancers hépatiques
minéraux, complication d'une cirrhose post-VHB ou VHC

Selon l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), « un cancer est dit professionnel
s'il est la conséquence directe de l'exposition d'un travailleur à un risque physique,
biologique ou chimique ou si le cancer résulte des conditions dans lesquelles le travailleur
réalise son activité».
358 Cancérogenese, oncogénétique

La mise en évidence d'étiologies professionnelles des cancers est rendue difficile par
leur caractère multifactoriel. Néanmoins, on estime qu'entre 4 et 8,5 % des cancers
sont imputables à l'activité professionnelle.
Le tableau ci-dessus résume les principaux cancers d'origine professionnelle et leurs
facteurs de risques associés (source INRS)
Ces facteurs professionnels s'ajoutent aux facteurs liés au mode de vie (tabac, alcool,
alimentation) ou aux facteurs génétiques.
2. Principe de surveillance des cancers professionnels
En cas d'exposition à un produit chimique avéré ou présumé cancérogène, une
surveillance médicale renforcée doit être mise en œuvre, comprenant au minimum un
examen médical tous les 24 mois, la constitution d'un dossier médical, l'établissement
d'une fiche d'aptitude par la médecine du travail ainsi qu'une attestation de non­
contre-indication.

3. Principe de reconnaissance de l'origine professionnelle du cancer dépisté


Une fois le cancer dépisté, la reconnaissance de son origine professionnelle résulte
d'une présomption de l'origine professionnelle, si le patient remplit les conditions
établies et résumées dans les tableaux annexés au livre rv du Code de la sécurité
sociale. Chaque tableau contient la désignation de la maladie, le délai de prise en
charge, la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie et dans
certains cas le délai de latence ;
■ de la reconnaissance d'un lien entre l'activité professionnelle du travailleur et
son cancer par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles
(CRRMP). Cette situation s'applique lorsque toutes les conditions du tableau ne sont
pas remplies ou si le cancer ne figure dans aucun tableau.
359

FICHE FLASH
O La cancérogénèse:
► résulte de l'accumulation séquentielle d'anomalies génétiques au cours du temps;
► est accélérée par les facteurs environnementaux ou le terrain génétique qui favorisent l'instabilité
génétique;
► conduit à l'activation d'oncogènes et à l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs, conférant aux
cellules tumorales un avantage sélectif, et leur permettant d'échapper aux barrières de protection
de l'organisme;
► conduit à l'émergence de populations tumorales hétérogènes. à l'origine des résistances aux traitements
ami-cancéreux.
O La génétique moléculaire des cancers ou génétique somatique des cancers:
► étudie les altérations moléculaires propres à la tumeur;
► met en œuvre des techniques d'analyse moléculaire variées;
► peut contribuer au diagnostic des cancers (voir item 289);
► permet de personnaliser la prise en charge thérapeutique des cancers dès la première ligne.
□ Les cancers professionnels:
► représentent 4 à 8 % des cancers;
► leur reconnaissance résulte soit d'une présomption de l'origine professionnelle, soit de la reconnaissance
d'un lien entre l'activité et le cancer par le CRRMP.
360

POUR EN SAVOIR PLUS

+ https://www.has-sante.fr/portai1/jcms/c_2606857/fr/mekinist-trametinib­
inhibiteur-de-proteine-kinase.

+ https://www.has-sante.fr/portai1/jcms/c_2620147/fr/cotellic-cobimetinib-anti-mek­
inhibiteur-de-proteine-kinase.

+ https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/les-therapies­
ciblees/Medecine-de-precision-les-therapies-ciblees).

+ Lemoine A, Couraud S, Fina F, Lantuejoul S, Lamy PJ, Denis M, Rouleau É.


Recommandations du GFCO pour l'utilisation diagnostique des analyses génétiques
somatiques sur l'ADN tumoral circulant. lnnov Ther Oncol 2016; 2 : 225-232.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - QCM

QCM

► 1. À propos de la cancérogénèse, quelles propositions sont exactes?


A. Résulte d'un événement mutationnel unique affectant un gène suppresseur de tumeur
B. Résulte de l'accumulation séquentielle d'anomalies génétiques au cours du temps
C. Conduit à une population homogène de cellules tumorales
D. Peut être accélérée par des facteurs environnementaux qui favorisent l'instabilité géné­
tique
E. Résulte de l'échappement aux mécanismes de protection de l'organisme
Réponses:B,D,E

► 2. À propos de la génétique somatique des cancers, quelles propositions sont exactes?


A. Étudie les altérations moléculaires propres à la tumeur
B. Permet de personnaliser la prise en charge thérapeutique du cancer
C. A pour objectif d'identifier des facteurs de prédisposition héréditaire
D. Peut contribuer au diagnostic de certains cancers
E. Identifie dans la majorité des cas une cible thérapeutique possible
Réponses:A,B,D

► 3. Parmi les techniques de biologie moléculaire utilisées en cancérologie, lesquelles sont


exactes?
A. Nécessitent pour la plupart une étape d'amplification par PCR
B. Peuvent être ciblées sur une ou quelques mutations d'intérêt
C. Utilisent des sondes d'hybridation pour identifier des amplifications géniques
D. Permettent d'étudier l'expression des ARN après une étape de rétrotranscription
E. Utilisent fréquemment le séquençage haut débit
Réponses:A,B,C,D,E

► 4. Parmi les thérapies ciblées, utilisées en cancérologie, lesquelles sont exactes?


A. Peuvent être contre-indiquées par la positivité d'un biomarqueur moléculaire
B. Conduisent à l'émergence de clones résistants quand elles sont utilisées en monothé-
rapie
C. Inhibent souvent l'activité enzymatique de récepteurs membranaires
D. Sont sélectives d'une altération moléculaire propre à la tumeur
E. Sont utilisées pour traiter la majorité des patients
Réponses:A,B,C,D

► 5. Parmi ces propositions concernant les cancers d'origine professionnelle, lesquelles


sont exactes?
A. Ont une fréquence estimée entre 20 et 30 %
B. Affectent souvent les voies respiratoires
C. Sont favorisés par un terrain de prédisposition génétique
D. Sont favorisés par des facteurs liés au mode de vie
E. Peuvent donner droit à une indemnisation lorsqu'ils sont reconnus par le CRRMP
Réponses : B,C,D,E
ITEM 289
DIAGNOSTIC DES CANCERS
SIGNES D'APPEL ET INVESTIGATIONS
PARACLINIQUES, CARACTÉRISATION
DU STADE, PRONOSTIC
Anne-Sophie WOZNY, Damien VASSEUR, Claire RODRIGUEZ-LAFRASSE et Jonathan LOPEZ

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Décrire les principes du raisonnement diagnostique en cancérologie.
• Expliquer les bases des classifications et leur une incidence pronostique.
• Connaître les principaux marqueurs diagnostiques et prédictifs des cancers.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE


• Décrire la place des marqueurs biologiques sériques et moléculaires utiles
au diagnostic.
• Expliquer les bases des classifications moléculaires des tumeurs et leur
intérêt pronostique.
• Connaître les principaux marqueurs biologiques diagnostiques et prédictifs
des cancers.
rrf

1. INTRODUCTION
Le cancer est une maladie fréquente, découverte face à des signes d'appel cliniques (altération de l'état
général, fièvre), radiologiques ou biologiques évocateurs. Le clinicien peut disposer d'une batterie d'examens
cliniques et paracliniques complémentaires pour confirmer le diagnostic de cancer, évaluer son pronostic
et instaurer une prise en charge thérapeutique personnalisée (voir item 288).
L'affirmation du caractère malin est posée sur l'examen histopathologique d'une lésion suspecte (pièce
d'exérèse chirurgicale, biopsie ou cytoponction). Dans certaines situations, le matériel tumoral n'est pas
accessible et on pourra alors avoir recours au dosage de marqueurs tumoraux sanguins ou urinaires voire à
une« biopsie liquide», c'est-à-dire à la recherche de matériel tumoral circulant (ADN ou cellules) dans le sang.
De nombreux marqueurs tumoraux sériques et moléculaires, détaillés dans ce chapitre, sont utilisés
en pratique courante en oncologie au moment du diagnostic mais également pour évaluer le pronostic
et suivre le patient durant son traitement. La place des examens biologiques est intégrée au tableau
clinique et paraclinique global indispensable à leur interprétation.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 289 363

Il. RÉPONSE À L'ITEM

A. Signes d'appel biologiques de cancer


Le développement d'un cancer peut avoir plusieurs conséquences sur le bilan biologique
standard:
syndrome inflammatoire: il se traduit par l'élévation des protéines de l'inflamma­
tion (CRP, fibrinogène, ferritine) et une hyperleucocytose, Au stade métastatique, la
plupart des cancers peuvent être à l'origine d'une fièvre paranéoplasique liée à une
hypersécrétion de cytokines (IL6 principalement);
■ syndrome cachectique : il est associé à un tableau biologique de dénutrition (dimi­
nution de l'albumine et de la pré-albumine);
■ syndrome anémique : une anémie ferriprive est également un signe d'appel fréquent
notamment dans les cancers digestifs. Un dépistage par un test immunologique
permettant la détection de sang dans les selles est proposé gratuitement en France
tous les 2 ans à partir de 50 ans;
■ syndrome d'hypercoagulabilité: il est responsable de thromboses veineuses et
d'embolies et fréquemment observé dans les cancers de l'estomac et du pancréas;
■ syndrome de masse tumorale lié à l'altération de la fonction des organes atteints
avec des conséquences loco-régionales ou systémiques. Il est par exemple fréquent
d'observer:
► une hypercalcémie et une élévation des PAL en cas de métastases osseuses;
► une élévation des transaminases ALAT et ASAT ainsi qu'une hypo-protéinémie
et une diminution du facteur V de coagulation en cas d'atteinte hépatique;
► une hyperglycémie et le développement d'un diabète en cas d'atteinte pancréatique;
► une élévation de la LDH en cas de lymphome ou une pancytopénie résultant d'un
envahissement médullaire.

On retrouve aussi souvent des signes biologiques liés à l'obstruction des voies d'excrétion
par la masse tumorale, comme une élévation de la créatinine dans les cancers de la
prostate ou une cholestase (élévation de la PAL, des GGT, de la bilirubine) dans les cancers
pancréatiques.
Syndrome paranéoplasique. Il est lié à la sécrétion tumorale d'hormones ou
pseudo-hormones se traduisant par des manifestations cliniques à distance du site
primitif. Citons la sécrétion de PTH-rp par les tumeurs pulmonaires, gynécologiques
ou rénales à l'origine d'une hypercalcémie, ou encore la sécrétion ectopique d'ACTH
par certaines tumeurs du poumon se traduisant par un syndrome de Cushing.
■ Certains cancers peuvent aussi être à l'origine d'une réponse auto-immune systé­
mique. C'est le cas des cancers thymiques à l'origine d'auto-anticorps dirigés contre
le récepteur de l'acétylcholine qui conduisent au développement d'une myasthénie.
De nombreux paramètres biologiques «standards» peuvent donc être perturbés et
doivent alerter le clinicien devant un tableau évocateur de cancer.

B. Les marqueurs tumoraux circulants


1. Définition
Un marqueur tumoral circulant est une molécule exprimée par une tumeur et libérée
dans un liquide de l'organisme (sang, urine, liquide d'ascite, LCR) où sa concentration
peut être mesurée. La présence de cette molécule détectée par différentes techniques
va servir d'indicateur, c'est-à-dire de «marqueur» de la tumeur.
Le marqueur tumoral idéal n'existe pas. Il doit être à la fois sensible (détecter tous les
cas) et spécifique (ne détecter que les cancers), permettre de localiser la tumeur, prévoir
364 Diagnostic des cancers: signes d'appel et investigations paracliniques, caractérisation du stade, pronostic

son extension, évaluer l'efficacité thérapeutique et de surveiller des populations à risque.


Dans la réalité, les marqueurs tumoraux sont en général :
■ non spécifiques d'organe (un même marqueur peut être exprimé par différents types
de cancers);
■ non spécifiques de la tumeur : le taux peut être influencé par plusieurs éléments
indépendants de la pathologie tumorale (insuffisance rénale, insuffisance hépatique,
épanchement);
■ non systématiquement associés à une expression tumorale;
■ généralement de faible sensibilité.
2. Les principaux marqueurs tumoraux
On distingue plusieurs groupes de marqueurs tumoraux circulants en fonction de leur
nature (voir également le tableau 1 en fin de chapitre} :
■ Les marqueurs oncofœtaux, exprimés au cours du développement embryonnaire
dans des types cellulaires spécifiques. Leur ré-expression signe la présence de cellules
tumorales de même origine.
► Alpha FœtoProteine (AFP) : glycoprotéine fœtale sécrétée essentiellement
par le foie jusqu'à la naissance. C'est un marqueur des tumeurs germinales
et des tumeurs hépatiques (hépatoblastome chez l'enfant et carcinome hépa­
tocellulaire). Attention des pathologies hépatiques chroniques non cancéreuses
peuvent aussi être à l'origine d'une élévation de !'AFP.
► Antigène Carcino Embryonnaire (ACE) : glycoprotéine de surface exprimée
par certaines cellules du tractus digestif. C'est le marqueur tumoral de
référence utilisé dans le suivi des cancers du côlon. Plus généralement !'ACE
est fortement exprimé par les adénocarcinomes : colorectaux, mammaires et
pulmonaires notamment. Le tabagisme, les insuffisances rénales ou hépatiques
provoquent son élévation en l'absence de cancer. Du fait d'un manque de sensibilité
et de spécificité, son utilisation pour le dépistage et le diagnostic du cancer
colorectal n'est pas recommandé.
► CA ou Carbohydrate Antigen : glycoprotéines glycosylées de type mucine expri­
mées par les cellules épithéliales et les carcinomes. Ils sont spécifiques d'organe.
• CA 125 : principal marqueur du cancer de l'ovaire avec une sensibilité
de l'ordre de 80 %. Une élévation peut être observée dans les endométrioses;
• CA 19-9 : c'est le marqueur de référence des adénocarcinomes du
pancréas avec une sensibilité pouvant atteindre 90 %. Les pancréatites
peuvent également entraîner son élévation. Il est également élevé dans
d'autres tumeurs digestives (voies biliaires, estomac, cancer colorectal)
mais aussi dans les tumeurs mucineuses de l'ovaire et certains adénocar­
cinomes pulmonaires;
• CA 15-3 : marqueur utilisé pour le suivi du cancer du sein malgré son
manque de sensibilité (environ 20 % au moment du diagnostic). Sa
concentration est directement corrélée à la masse tumorale et à la présence
de métastases. Il ne doit pas être utilisé en dépistage ni pour le suivi de
patientes asymptomatiques après chirurgie. Le CA 15-3 est également élevé
dans d'autres tumeurs (ovaire, pancréas, estomac, poumon) et dans des
pathologies non tumorales (hépatite chronique, hypothyroïdie, sarcoïdose).

■ Les cytokératines, constituants des kératines des tissus épithéliaux :


► Cyfra 21-1 : marqueur de suivi des cancers bronchiques non à petites cellules,
les valeurs les plus élevées étant retrouvées dans les carcinomes pulmonaires
épidermoïdes. Il est également élevé dans les cancers du sein.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 289 365

■ Les enzymes
► Prostate Specific Antigen (PSA) : kallicréine sécrétée dans le liquide prostatique
et séminal par les cellules glandulaires prostatiques sous forme de pro-PSA qui
sera ensuite clivé pour donner la forme active de l'enzyme. Une faible fraction
de l'enzyme se retrouve dans le sang. 70 à 90 % du PSA circule sous forme liée
à des protéines de transport, surtout à l'alphal anti-chymotrypsine. Le reste du
PSA circule sous forme libre (fPSA). Le PSA est un marqueur spécifique de la
prostate mais n'est pas spécifique du cancer. Sa concentration est notamment
augmentée dans les hyperplasies bénignes de la prostate, les prostatites, ou en
cas de rétention urinaire. Cependant sa concentration est plus élevée en cas de
cancer. Pour des concentrations de PSA supérieures à 10 mg/1 le risque de cancer
est supérieur à 55 %. En revanche la sensibilité du PSA total (tPSA) est faible
pour des valeurs comprises entre 4 et 10 µg/1. On peut utiliser le rapport PSA
libre/PSA total, diminué en cas de cancer.
► Neuron Specific Enolase (NSE) : enzyme de la glycolyse dont !'isoforme gamma est
spécifique des cellules neuroendocrines. Elle est augmentée dans le neuroblastome
(sensibilité de 60 à 80 %) et le cancer anaplasique à petites cellules du poumon
(sensibilité supérieure à 90 %). Sa demi-vie courte en fait un bon marqueur de
suivi dans ces tumeurs. Avec une sensibilité moindre, la NSE est aussi élevée dans
les cancers médullaires de la thyroïde, les mélanomes, les tumeurs de la prostate
et du rein. Des pathologies bénignes pulmonaires et du système nerveux central
peuvent également augmenter sa concentration.

Il Les hormones
► Thyroglobuline : précurseur des hormones thyroïdiennes synthétisée par les
cellules folliculaires de la thyroïde. Elle est utilisée pour le suivi des cancers
différenciés de la thyroïde et doit être indétectable après thyroïdectomie totale
ou traitement par la thyroxine.
► Calcitonine : hormone hypercalcémiante sécrétée par les cellules C de la
thyroïde. Elle est augmentée dans les cancers médullaires de la thyroïde avec
une sensibilité au diagnostic de 70 % et une spécificité proche de 100 %. La
calcitonine peut également être augmentée dans les tumeurs neuroendocrines,
les phéochromocytomes et les cancers du poumon à petites cellules. Son taux
augmente également au cours de la grossesse, dans les thyroïdites chroniques et
chez les patients hémodialysés.

■ Autres marqueurs tumoraux


► SCC (Squamous Cell Carcinoma) : glycoprotéines de la famille des serpines.
Ce marqueur des carcinomes à cellules squameuses est utilisé pour le suivi
des cancers épidermoïdes du col de l'utérus. Il est également augmenté dans
les cancers épidermoïdes ORL et du poumon (moins performant que le Cyfra
21-1 dans ce type de tumeur).
► HE4 (Human Epididymal protein 4) : glycoprotéine surexprimée par les carcinomes
ovariens séreux et endométrioïdes. La combinaison avec le CA 125 (score
ROMA) augmente la sensibilité diagnostique des masses pelviennes.

3. Place des marqueurs circulants au dépistage


(https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire-depister)
Les marqueurs tumoraux circulants ne sont en général pas suffisamment sensibles pour se
positiver avant l'émergence clinique de la tumeur. Toutefois une augmentation précoce de
certains marqueurs, dans des populations à risque, permet la prise en charge précoce
de ces cancers et d'améliorer la survie des patients. C'est le cas de :
366 Diagnostic des cancers : signes d'appel et investigations paracliniques, caractérisation du stade, pronostic

■ la calcitonine dans les formes familiales de cancer médullaire de la thyroïde;


■ le CA-125 dans les familles à risque de cancer de l'ovaire;
■ l'AFP dans le carcinome hépatocellulaire chez les porteurs chroniques deVHB
ouVHC.
Un dosage de PSA est parfois proposé par le médecin face à des troubles urinaires ou
de l'éjaculation évocateurs d'un cancer de la prostate chez un patient âgé. Cependant, il
est important de rappeler qu'une hypertrophie bénigne de la prostate ou une prostatite
peuvent être à l'origine de tels symptômes ainsi que d'une élévation du PSA. L'HAS ne
recommande pas de dépister le cancer de la prostate par dosage systématique du PSA.
En effet, le bénéfice du dépistage du cancer de la prostate n'est pas clairement démontré.
4. Place des marqueurs circulants pour le diagnostic
La place des marqueurs tumoraux comme aide au diagnostic est également limitée,
essentiellement chez des malades symptomatiques, notamment :
la calcitonine dans les cancers médullaires de la thyroïde;
■ l'hCG dimère et les sous-unités � libres dans les tumeurs germinales et trophoblas-
tiques;
■ l'AFP dans les hépatocarcinomes et hépatoblastomes.
Il est important de rappeler qu'il est totalement inutile de faire une batterie de différents
marqueurs tumoraux et que la prescription de ces examens biologiques doit être guidée
par la clinique et le type histologique de la tumeur.
5. Place des marqueurs circulants comme élément pronostique initial
Le taux du marqueur est souvent corrélé à la masse tumorale. C'est par exemple le cas
des concentrations élevées d'immunoglobulines monoclonales dans le myélome ou du
taux d'hCG et d'AFP dans les tumeurs testiculaires. Ainsi, un taux initial élevé de PSA
est corrélé à une moins bonne survie des cancers prostatiques après hormonothérapie.
Il est particulièrement important de réaliser un dosage du marqueur tumoral avant
instauration du traitement pour servir de valeur de référence lors du suivi du traitement.

6. Place des marqueurs circulants pour évaluer


la réponse initiale au traitement
Le suivi de la cinétique de décroissance du marqueur suite à la mise sous traitement
ou la chirurgie représente une des principales indications du dosage des marqueurs
tumoraux circulants. Deux paramètres doivent être pris en compte :
le temps de demi-vie, directement corrélé à l'efficacité thérapeutique;
le taux minimal (nadir) atteint, permettant d'évaluer la maladie résiduelle.
Dans le cas d'un cancer différencié de la thyroïde, la thyroglobuline doit devenir indétectable
après thyroïdectomie. Sa persistance doit faire rechercher un reliquat tumoral, un
envahissement ganglionnaire ou des métastases qui n'auraient pas été détectées lors du
bilan d'extension initial.


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En fonction de l'évolution du taux de marqueur suite à l'initiation du traitement, on peut


rapidement distinguer les patients répondeurs et non répondeurs. La figure ci-dessus
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 289 367

illustre deux scénari observés en clinique d'évolution du CA 125 dans le cancer ovarien
traité par chimiothérapie.
7. Place des marqueurs circulants au cours du suivi
Une remontée exponentielle du taux d'un marqueur tumoral après une phase de rémission
(même en dessous des valeurs normales) signe une récidive. Par exemple, une remontée
même faible du PSA chez un patient traité par prostatectomie radicale chez lequel le
PSA était indétectable, doit, si elle se confirme être considérée comme une rechute.
La cinétique du CA-125 ci-dessous est caractéristique d'une patiente atteinte d'un cancer
ovarien en rechutes multiples et décédée au bout de 22 mois. Les flèches indiquent les
changements successifs de ligne thérapeutique.

CA-125 (U/ml.) profile togelherwilh tre•tment time points

2500 �

I: j
l
n
: ,ooi

500 +
1 2 3 • 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 U1 19 20 21 22
Monll'I•

Le temps de doublement du marqueur tumoral peut renseigner sur :


• la nature de la récidive, un temps court étant en général associé à des métastases
à distance;
■ le délai d'apparition des signes cliniques, d'autant plus bref que le temps de
doublement est court et le nadir élevé;
■ la radio- ou la chimiosensibilité de la récidive, plus importante dans le cas de
tumeurs proliférantes.
Le tableau 1, ci-dessous reprend les recommandations d'utilisation des principaux marqueurs
t umoraux sériques. Comme souligné précédemment, ces indications concernent
essentiellement le pronostic et la surveillance des patients sous traitement.

Indication Localisation/Histologie Marqueur


Cancer médullaire de la thyroïde Calcitonine
Dépistage Cancer ovarien familial CA 125
Hépatocarcinome AFP
Cancer médullaire de la thyroïde Calcitonine
Cancer ovarien familial CA 125
Hépatocarcinome AFP
Diagnostic
Cancer ovarien familial CA 125
Prostate PSA
Pancréas CA 19-9
368 Diagnostic des cancers : signes d'appel et investigations paracliniques, caractérisation du stade, pronostic

Indication Localisation/Histologie Marqueur


Hépatocarcinome AFP
Colon et rectum ACE
Pronostic Pancréas CA19-9
Adénocarcinome ACE
Tumeurs épidermoïdes sec
Colon rectum ACE
Ovaire/Endomètre CA 125
Prostate PSA
Hépatocarcinome AFP
Tumeurs germinales HCG,AFP
Thyroglobuline
Thyroïde
Surveillance ou calcitonine
Cancer du sein CA 15-3
Poumon non à petites cellules CYFRA 21.1
Poumon à petites cellules NSE
Tumeurs neuroendocrines NSE
Poumon à petites cellules NSE
Col utérin sec

C. Place des analyses de génétique somatique dans le diagnostic


et le pronostic des cancers (voir également l'item 288)
1. Altérations moléculaires spécifiques
des type histopathologiques de cancers
Au diagnostic
► Certaines anomalies moléculaires sont caractéristiques d'un type ou sous­
type tumoral. À l'instar des marqueurs protéiques étudiés par immuno-histochimie,
la recherche de ces altérations va permettre à l'anatomo-pathologiste de conforter
son hypothèse diagnostique et d'écarter les diagnostics différentiels dans le
cadre d'algorithmes décisionnels.
► Pour les tumeurs «solides», les analyses moléculaires contribuent également à la
démarche diagnostique. Par exemple, devant un cancer du côlon chez un patient
jeune ou présentant des antécédents familiaux, une instabilité microsatellitaire
tumorale associée à une perte d'expression des protéines de réparation des mésap­
pariements de !'ADN (protéines du système MMR pour MisMatch Repair) en
immunohistochimie, permet de suspecter le diagnostic de syndrome de Lynch. Le
séquençage des gènes codant les protéines MMR à la recherche d'une mutation
constitutionnelle peut être proposé. Autres exemples : les mutations de cKJT dans
les tumeurs stroma/es gastrointestinales (GJST) ou la mise en évidence d'amplifi­
cations de MDM2/CD4 et/ou de diverses translocations dans les sarcomes.
► Dans les hémopathies, la détection d'une mutation JAK2 p.Val617Phe spécifique des
syndromes myélo-prolifératifs permet d'écarter le diagnostic de leucémie myéloïde
chronique (critères OMS 2008). De même, le diagnostic de lymphome malin non
hodgkinien est conforté par la mise en évidence d'une prolifération lymphocytaire
mono/oligoclonale par des techniques de biologie moléculaire, éliminant de fait
une lymphoprolifération réactionnelle polyclonale.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 289 369

■ Traitement personnalisé
► Ces marqueurs moléculaires permettent également de caractériser plus
précisément le sous-type moléculaire de la tumeur, afin de personnaliser la
prise en charge thérapeutique. Un nombre important de thérapies ciblées font
aujourd'hui parties de l'arsenal de l'oncologue. Leur prescription est conditionnée
par la mise en évidence d'une altération moléculaire « ciblable » (voir item 288).
Ainsi l'identification d'une mutation de sensibilité d'EGFR dans un cancer du
poumon non à petites cellules avancé ou métastatique conditionne l'introduc­
tion d'un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) anti-EGFR (par exemple: gefitinib,
erlotinib, afatinib), contrairement à la présence d'une mutation de KRAS rendant
inefficace les ITI<. C'est également le cas avec les anti-BRAF dans les mélanomes
mutés BRAF p.Val600Glu ou les anti-EGFR dans les cancers colorectaux BRAF/N­
RAS/KRAS non mutés.
► En hématologie, des anomalies chromosomiques ou des mutations de IgVH ou
de TP53 participent à l'orientation du traitement, tout comme les mutations de
FLT3, NPM et CEBPA dans les leucémies aiguës myéloblastiques. Dans la leucémie
myéloïde chronique, les analyses moléculaires jouent un rôle déterminant dans
la prise en charge des patients, et dans le cas d'une translocation de BCR-ABL,
ce résultat conduit à la prescription d'imatinib. De plus, le suivi de la maladie
résiduelle par quantification des transcrits permet d'objectiver la réponse et de
dépister précocement la rechute. En cas de récidive, l'identification d'une muta­
tion de résistance sur ABL va permettre d'orienter le traitement de seconde ligne.

■ Pronostic
► Par ailleurs, Le sous-type moléculaire est souvent associé au pronostic de la
tumeur. Dans le cas d'un gliome, la détection d'une mutation d'IDH1/IDH2
oriente vers des astrocytomes de pronostic plus favorable que les glioblastomes.
De même, une amplification de MYCN dans un neuroblastome est un facteur
de mauvais pronostic qui conduira à une intensification thérapeutique. Il est
également bien établi que les cancers du sein surexprimant le récepteur HER2 ou
les triple négatifs (RE- RP- HER2-) présentent un risque de récidive et de décès
plus élevé que la forme luminale A classique, indépendamment de la réponse au
traitement.
► Plus récemment des signatures d'expression génique, permettant d'étudier le
transcriptome tumoral (reflet du phénotype tumoral) ont été proposées afin de
définir le pronostic de certains cancers. C'est notamment le cas de la signature
GCBIABC qui permet de différencier deux sous-groupes de patients atteints de
lymphomes B diffus à grandes cellules (DLBCL) dont le pronostic et la réponse à
certaines thérapies ciblées sont très différentes. De même, l'identification de sous­
types moléculaires de cancers du sein et de gènes dont l'expression est associée à
un risque de récidive à distance a conduit au développement deplusieurs signatures
d'expression génique permettant de stratifier les patientes. Si le risque de récidive
estfaible, le bénéfice d'une chimiothérapie adjuvante est limité et peut être évitée.

Le tableau de synthèse ci-dessous reprend les différents tests réalisés par les plateformes
de génétique somatique des cancers (hors biomarqueurs permettant l'accès aux thérapies
ciblées: voir item 288) Source INca: http://lesdonnees.e-cancer.fr/Themes/Soins/les­
tests-de-genetique-somatique/les-tests-de-genetique-somatique#ind3030l.
370 Diagnostic des cancers: signes d'appel et investigations paracliniques, caractérisation du stade, pronostic

Type de cancer Biomarqueur Utilité clinique


Suspicion Mutation JAK2p.Val617Phe
de syndrome Diagnostic différentiel
myéloprolifératif Quantification JAK2

Instabilité des microsatellites


Suspicion de Diagnostic de forme hérédi­
Méthylation du promoteur de MLH1
Syndrome de Lynch taire vs sporadique de cancer
Mutations de BRAFp.Val600Glu
Aide au diagnostic/classifica­
Hémopathies Caryotype
tion en sous-type
Lymphomes non Anomalies chromosomiques spécifiques Aide au diagnostic/classifica­
hodgkiniens Quantification cycline D1 tion en sous-type
Amplification de MDM2/CDK4 Aide au diagnostic/classifica­
Sarcomes
Translocations diverses tion en sous-type
Codélétion lp/19 q Aide au diagnostic/classifica­
Gliomes
Mutations IDH1 et 2 tion en sous-type
Diagnostic lymphome vs
Lymphomes non
Clonalité 8/T lymphoprolifération réac­
hodgkiniens
tionnelle
Anomalies chromosomiques
Leucémie lymphoïde Participe à l'orientation du
Mutations lgVH
chronique (LLC) traitement

Participe à /'orientation du
Myélome multiple Anomalies chromosomiques
traitement
Leucémies aiguës Participe à l'orientation du
myéloblastiques Mutations de FLT3, NPMet CEBPA
(LAM) traitement

Participe à l'orientation du
Neuroblastomes Amplification de MYCN
traitement
Quantification de transcrits de fusion
Quantification d'anomalies chromo­
LAL/IAM Suivi de la maladie
somiques
Quantification WT1
Quantification du réarrangement des
LAL gènes du TCR ou des lg Suivi de la maladie résiduelle
Clonalité 8/T
Allogreffe de moelle Suivi de la prise de greffe et
Chimérisme postgreffe
pour les hémopathies du rejet

2. Biopsie liquide (voir item 288)


Dans certaines situations, la réalisation d'une biopsie tissulaire pour affirmer le diagnostic et
étudier les caractéristiques histopathologiques et moléculaires de la tumeur est impossible.
Cependant, la plupart des tumeurs sont irriguées par des vaisseaux sanguins et relarguent
dans la circulation sanguine à la fois des cellules tumorales mais également de l'ADN
tumoral circulant sous forme libre dans le plasma (cfDNA pour circulatingfree DNA).
De manière générale, la quantité de matériel tumoral circulant est le reflet de la masse
tumorale. Il est aujourd'hui technologiquement possible d'étudier les caractéristiques
de la tumeur à partir d'un prélèvement sanguin, par des techniques très sensibles
d'analyses ciblées (PCR digitale) ou par une approche de séquençage à haut débit.
L'utilisation de l'ADN tumoral circulant au diagnostic est validée dans le cadre de la
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 289 371

prise en charge des cancers du poumon non à petites cellules en l'absence de biopsie solide
(recommandations du GFCO 2016). En présence d'une mutation tumorale, la sensibilité
du diagnostic est de l'ordre de 50 à 80 % en fonction des stades.
De manière intéressante, lëtude du cfDNA semble mieux refléter l'hétérogénéité tumorale
qu'une biopsie tissulaire. Cette approche peu invasive est également indiquée pour le suivi
des patients sous traitement. Ainsi, le suivi de lëmergence de mutations d'une résistance
au cours du traitement par ITK anti-EGFR permet d'adapter rapidement la prise en charge
thérapeutique de ces patients (voir item 288). De la même manière, des mutations de KRAS
sont associées à une résistance aux anticorps anti-EGFR dans les cancers pancréatiques et
colorectaux. C'est également le cas avec lëmergence de mutations d'ESRl chez les patientes
présentant un cancer du sein traité par anti-aromatase.
372

FICHE FLASH
O Des perturbations du bilan biologique peuvent être évocatrices de cancer:
► syndrome inflammatoire et cachectique;
► syndrome de masse tumorale lié à l'altération de la fonction des organes atteints;
► syndrome paranéoplasique lié à la sécrétion par la tumeur d'hormones et/ou d'une réponse auto­
immune.
□ Les marqueurs tumoraux sériques:
► peuvent être utiles au dépistage dans certaines populations à risque;
► peuvent aider au diagnostic en complément de l'anatomopathologie;
► sont recommandés pour évaluer la réponse initiale et suivre l'efficacité du traitement.
0 Les marqueurs moléculaires somatiques (spécifiques de la tumeur) :
► peuvent contribuer au diagnostic des cancers;
► permettent de définir des sous-types moléculaires dont le pronostic est différent;
► permettent de personnaliser la prise en charge thérapeutique;
► peuvent être utilisés pour suivre la maladie résiduelle.
□ L'étude de l'ADN tumoral circulant est utile:
► au diagnostic quand du matériel tissulaire n'est pas accessible;
► au cours du suivi des patients sous traitement.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - QCM

QCM

► 1. À propos de la NSE :
A. Est un marqueur diagnostique dans le cancer médullaire de la thyroïde.
B. Est un marqueur pronostique du cancer de la vessie.
C. Est dosé dans le suivi des cancers du poumon non à petites cellules.
D. Est augmenté dans le neuroblastome.
E. Est souvent dosé en association avec le CA 125.
Réponses: C, D

► 2. Un marqueur tumoral est :


A. Toujours augmenté avant l'apparition de signes cliniques
B. Spécifique d'un type tumoral.
C. Sécrété par tous les tissus de l'organisme.
D. Toujours sécrété par la tumeur.
E. Prescrit en présence d'arguments cliniques et/ou histologiques.
Réponse: E

► 3. Dans le cancer du poumon non à petites cellules :


A. La biopsie liquide permet d'identifier des cibles moléculaires potentielles
B. De faibles fractions alléliques mutées peuvent être identifiées sur quelques millilitres
de sang.
C. La biopsie liquide permet de s'affranchir de la biopsie tissulaire.
D. La biopsie liquide est moins invasive que la biopsie tissulaire.
E. L.:ADN circulant présent dans le sang est le reflet de l'hétérogénéité tumorale.
Réponses: A, B, D, E

► 4. La recherche de l'amplification de MYCN :


A. Permet d'identifier un syndrome de Lynch.
B. Permet de diagnostiquer une leucémie lymphoïde chronique.
C. Permet de caractériser un myélome multiple.
D. Est retrouvée dans le neuroblastome.
E. Peut être associée à un taux de NSE élevé.
Réponses: D, E

► 5. Dans le cancer médullaire de la thyroïde :


A. La thyroglobuline est un marqueur diagnostique.
B. La calcitonine permet d'aider à poser le diagnostic.
C. La présence de calcitonine après thyroïdectomie est un facteur de bon pronostic.
D. L.:AFP permet de confirmer le diagnostic.
E. La calcitonine est utilisée pour la surveillance.
Réponses: B, E
ITEM 290
, ,
LE MEDECIN PRELEVEUR
DE CELLULES ET/OU DE TISSUS
POUR DES EXAMENS D'ANATOMIE
ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES
Dr Jonathan LOPEZ, Claire RODRIGUEZ-LAFRASSE, Jean-Baptiste OUDART

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Connaître les principes de réalisation, de transmission et d'utilisation des
prélèvements à visée sanitaire et de recherche.
• Connaître les modalités de transmission de ces prélèvements au laboratoire
d'anatomie et cytologie pathologiques.
• Connaître les principes de base de réalisation des techniques morphologiques
suivantes : cytologie, histologie, immunohistochimie, hybridation in situ.
• Connaître les principes permettant de réaliser des techniques de biologie moléculaire
non morphologiques sur les prélèvements tissulaires/cellulaires, ainsi que leurs
principales indications.
• Connaître les principales indications de l'examen extemporané, son principe de
réalisation et ses limites.
• Connaître les exigences nécessaires pour l'utilisation des prélèvements dans des
travaux de recherche.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître l'origine et les principaux types de prélèvements analysés en
oncologie moléculaire.
• Connaître le principe des grandes techniques de biologie moléculaire utilisées
de manière courante en oncologie moléculaire : PCR en temps réel - PCR
digitale - séquençage Sanger - NGS - analyse de fragments.
• Connaître les exigences nécessaires pour l'utilisation des prélèvements
dans des travaux de recherche.

1. INTRODUCTION
Les analyses d'oncologie moléculaire (OM) sont majoritairement réalisées sur 28 plateformes hospitalières
réparties sur l'ensemble du territoire. Ces dernières années, elles sont devenues indispensables pour le
diagnostic, la classification et le pronostic d'un bon nombre de cancers. La caractérisation moléculaire
d'une tumeur permet également d'orienter la première ligne de traitement, de préciser les mécanismes
de résistance et d'orienter les adaptations thérapeutiques dans le cadre de la médecine personnalisée.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 290 375

Elle constitue donc un complément de choix à l'analyse histologique et anatomo­


pathologique des tumeurs, qui reste indispensable. La panoplie des analyses moléculaires
a pu bénéficier des nombreuses avancées technologiques de ces dernières années, avec
le développement du séquençage à haut débit et de la PCR digitale. La réalisation des
analyses d'OM est maintenant bien codifiée au niveau pré-analytique, analytique et
post-analytique.

Il. PRÉLÈVEMENTS ANALYSÉS EN BIOLOGIE MOLÉCULAIRE


L'étape pré-analytique joue un rôle capital dans la qualité et le rendu des résultats d'OM.
Les analyses peuvent être réalisées sur différents types de prélèvements tissulaires
ou cellulaires (biopsies ou pièces opératoires), inclus en paraffine ou congelés. Les
liquides biologiques peuvent également être analysés comme le sang, le LCR, les liquides
d'épanchement pleural, péricardique ou d'ascite. La recherche d'ADN tumoral circulant
et de cellules tumorales circulantes peut être effectuée à partir d'un prélèvement sanguin
sur tube EDTA ou tube spécifique.
Les analyses tissulaires sont réalisées après examen anatomo-pathologique du prélèvement,
permettant, entre autres
de définir le type histologique de la tumeur (épidermoïde, adénocarcinome, muci­
neux) orientant les analyses à réaliser et les différents profils moléculaires attendus;
■ de définir les zones tumorales dans le prélèvement pour limiter la présence d'ADN
extrait à partir de tissu sain;
■ d'évaluer le pourcentage de cellules tumorales (un faible pourcentage sera limitant
pour l'utilisation de différentes techniques comme le séquençage Sanger ou la PCR
en temps réel).
Les techniques utilisées pour la recherche à visée théranostique de mutations
somatiques, dans les tumeurs solides à partir de prélèvements tissulaires et de liquides
biologiques, sont globalement superposables, avec la nécessité d'une très bonne
sensibilité pour la recherche d'ADN tumoral circulant.

Ill. PRINCIPES DES GRANDES TECHNIQUES DE BIOLOGIE


MOLÉCULAIRE

A. Transmission d'un échantillon au laboratoire d'oncologie moléculaire


En 2010, l'Institut National du Cancer a publié un guide de « bonnes pratiques pour la
recherche à visée théranostique de mutations somatiques dans les tumeurs solides» qui
fait encore référence actuellement et précise les informations nécessaires à la prise en
charge d'un prélèvement en OM. Elles doivent être transmises avec le prélèvement par le
médecin prescripteur et l'anatomo-pathologiste responsable (Tableau I).
376 Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d'anatomie et cytologie pathologiques

Tableau 1 : informations nécessaires à la réalisation des analyses d'oncologie moléculaire

Anatomo-pathologiste Prescripteur
Identification du patient
Identification du pathologiste responsable
Date du prélèvement Coordonnées du prescripteur
Fixateur utilisé Type d'analyse demandée
Numéro d'identification du bloc dans le laboratoire Date de prescription
Organe et état tumoral (primitif, métastase) Contexte clinique
Type de prélèvement (biopsie, pièce opératoire, cytologie... ) Traitement en cours
Type histologique de la tumeur
Pourcentage de cellules tumorales

Ces informatb.ns guident le choix des techniques de biologie moléculaire (BM) à réaliser
sur chaque prélèvement. En particulier, le type histologique de tumeur, sa localisation, le
pourcentage de cellules tumorales, le contexte clinique et les traitements en cours vont avoir
une incidence forte sur les différentes mutations recherchées, les techniques utilisables et
les commentaires associés au rendu du résultat.

B. Extraction de l'ADN génomique


La première étape commune à l'ensemble des techniques de BM est l'extraction de l'ADN
génomique. Elle est réalisée en routine de manière semi-automatisée et reproductible à
partir de copeaux inclus en paraffine, d'échantillons tissulaires ou directement à partir
de liquides biologiques.
Elle comprend classiquement trois grandes étapes
la lyse cellulaire avec dégradation des membranes plasmiques et nucléaires;
■ la déprotéinisation de l'échantillon;
■ la précipitation de l'ADN génomique.
Suite à cette extraction de l'ADN génomique, la concentration de l'ADN extrait est mesurée
par méthode spectrophotométrique ou fluorimétrique. La gamme de concentrations d'ADN
obtenues est exprimée en ng d'ADN/µL extrait.
Des extractions d'ARN peuvent également être réalisées pour des applications spécifiques,
nécessitant une étape de transcription inverse en ADN complémentaire.
L'item 288 décrit les principales mutations recherchées enfonction du type de cancer et cite
les différentes techniques disponibles pour y parvenir. Cet item a pour objectif de décrire
succinctement ces techniques en commençant par les techniques de recherche de mutations
fréquentes, puis les techniques plusglobales permettant de rechercher des variants plus rares.

C. Recherche de mutations fréquentes


Dans le cadre de la médecine personnalisée, la mise en évidence de certaines mutations
constitue des indications ou des contre-indications à la prescription d'une thérapie
ciblée (voir item 288). Ceci explique la nécessité d'une réponse rapide du laboratoire
d'OM pour guider la mise en place du traitement de première ligne du patient. C'est
par exemple le cas de la mise en évidence des mutations activatrices de EGFR dans les
cancers bronchiques non à petites cellules permettant de traiter le patient par inhibiteur de
tyrosine kinase (ITK) anti-EGFR ou l'absence de mutations activatrices de KRAS et NRAS qui
permet de prescrire un anticorps anti-EGFR dans les tumeurs colo-rectales. Ces contraintes
du rendu des résultats impliquent l'utilisation de techniques de recherches ciblées de
mutations, et rapides à mettre en œuvre. Les techniques majoritairement employées
dans les laboratoires pour cette discrimination allélique sont des techniques de PCR
en temps réel (également appelée qPCR pour quantitative PCR) ou de PCR digitale.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 290 377

1. PCR en temps réel


La technique de PCR (Polymerase Chain Reaction) conventionnelle est une technique
d'amplification permettant de générer des copies d'un fragment d'ADN initial. Sa mise
en œuvre nécessite un fragment d'ADN modèle (matrice), des désoxyribonucléotides­
triphosphate (dNTP), des amorces encadrant la séquence à amplifier et une ADN
polymérase thermostable (Taq polymérase). La réaction de PCR fonctionne par cycles
de 90 à 120s comportant trois phases successives (Figure 1) :
■ dénaturation de l'ADN bicaténaire en ADN monocaténaire par chauffage à 95 •c;
■ hybridation des amorces de PCR à une température comprise entre 55 à 60 ·c
selon les amorces utilisées;
■ élongation par la Taq polymérase à 72 •c environ.
Pour un total de 35 à 45 cycles, le rendement maximal d'une PCR est de 2n copies du
fragment d'ADN modèle ou n est le nombre de cycles réalisés.

(
5'
3'
3'
5' 0) 95•c

[ :m:r; @]
5'
5' 3'
55-Go·c

5'
5'
3' 0
Temps

Figure 1 : Principe d'un cycle de PCR conventionnelle.


Un cycle de PCR se déroule en 3 étapes successives: (1) dénaturation de l'ADN bicaténaire, (2)
hybridation des amorces de PCR, (3) élongation par la Taq polymérase (en bleu sur lafigure).
L'application principale utilisée en OM est la technique de PCR en temps réel utilisant des
sondes TaqMan, basée sur le principe de la PCR conventionnelle. L'objectif est de réaliser
une discrimination allélique entre un allèle muté et un allèle sauvage, en utilisant deux
sondes fluorescentes: l'une complémentaire de la séquence de l'allèle muté, l'autre de
l'allèle sauvage. Chaque sonde est liée à unfluorophore différent (ex: émission defluorescence
jaune ou verte). Elle présente à une extrémité un fluorophore appelé Reporter et à l'autre
extrémité un Quencher qui va inhiber lëmission defluorescence du Reporter par transfert
d'énergie par résonnance (FRET ) tant que Reporter et Quencher restent proches. Lors de
lëtape dëlongation, les sondes seront hydrolysées par l'activité 5'- > 3'exonucléase de la
Taq polymérase libérant ainsi le Reporter. L'augmentation de distance entre Reporter et
Quencher annule le FRET et permet lëmission defluorescence par le Reporter. L'intensité
de fluorescence est mesurée à la.fin de chaque cycle (d'où l'appellation de PCR en temps
réel) et est proportionnelle à la quantité de sonde hydrolysée.
En absence de la mutation, seule lafluorescence secondaire à l'hydrolyse de la sondefixée
sur l'allèle sauvage sera détectée. En présence de la mutation, deux fluorescences seront
détectées: celle correspondant à l'hydrolyse de la sonde fixée sur l'allèle muté et cette de
l'allèle sauvage (figure 2).
378 Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d'anatomie et cytologie pathologiques

A 5' ----11Œ]a,,.-1------a-"'!lm--"'!!c-----•
X
• 3'

� ........ �

0
5' 3'
3' 5'
Taq
@
3'
5'

0
B

Figure 2 : Discrimination allélique par PCR TaqMan


(A) Seul l'allèle muté est représenté sur ce schéma. La mutation recherchée est représentée par
le rectangle jaune (M). (1) la sonde spécifique de l'allèle muté va sefixer par complémentarité
des bases si la mutation est présente. (2) Après fixation des amorces, (3) durant lëtape
dëlongation, la Taq polymérase va hydrolyser la sonde spécifique libérant ainsi lefluorophore
(R) qui va émettre unefluorescence spécifique. (B) graphiques montrant l'augmentation de
la fluorescence en fonction du temps : à gauche amplification de l'allèle sauvage (orange)
et mutant (bleu) : présence de la mutation, à droite amplification uniquement de l'allèle
sauvage : absence de mutation.

2. PCR digitale
La technique de PCR digitale est une technique récente basée sur une compartimentation
de l'échantillon. Dans les techniques en émulsion (appelées ddPCR pour droplet digital
PCR), l'échantillon d'ADN à analyser est dispersé dans une émulsion de milliers de
gouttelettes d'huile calibrées et d'un volume très faible (quelques picolitres). Idéalement,
chaque gouttelette contient uniquement un seul fragment d'ADN à amplifier. L'étape
suivante correspond à une amplification par PCR utilisant des sondes TaqMan
individuelles et en parallèle dans chaque gouttelette. La fluorescence libérée dans
chaque gouttelette est ensuite analysée par un détecteur. Il existe donc 4 possibilités :
■ absence de fluorescence : aucune amplification, absence d'ADN dans la gouttelette;
■ fluorescence correspondant à l'amplification de l'allèle sauvage;
■ fluorescence correspondant à l'amplification de l'allèle muté;
■ double fluorescence signant la présence de plusieurs fragments d'ADN dans la gout-
telette analysée (l'un sauvage, l'autre muté).
Cette compartimentation de l'échantillon permet une quantification absolue du nombre de
copies d'ADN, une estimation précise du rapport allélique d'une mutation et la détection
de variants rares et sa sensibilité est excellente. Cette technique est particulièrement
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 290 379

adaptée à l'analyse des échantillons plasmatiques pour la recherche d'ADN tumoral


circulant. Elle reste néanmoins plus onéreuse que la PCR en temps réel.

3. Séquençage selon la méthode de Sanger


Cette méthode de séquençage inventée en 1977 par Frederick Sanger a été secondairement
semi automatisée à la fin des années 1990 et est actuellement toujours utilisée dans
les laboratoires d'OM. Elle est basée sur une compétition lors de l'incorporation des
nucléotides par la polymérase entre des désoxyribonucléotides "standards" (dNTP) et
des didésoxyribonucléotides (ddNTP*). Ces ddNTP* présentent deux particularités:
ils sont dépourvus d'extrémité 3'0H libre indispensable à l'élongation et sont couplés à
un fluorochrome spécifique de chaque type de base azotée. Lors du séquençage du brin
d'ADN modèle (à séquencer), l'ADN polymérase a donc le choix entre incorporer un dNTP
et poursuivre le séquençage ou incorporer un ddNTP* induisant un arrêt de l'élongation
du brin et dont le dernier nucléotide (ddNTP*) devientfluorescent. Compte tenu du grand
nombre de réactions de séquençage réalisées en parallèle, on obtient statistiquement un
ensemble de séquencesfluorescentes de toutes tailles. La séparation de ces séquences est
réalisée par électrophorèse capillaire équipée d'une caméra CCD permettant d'enregistrer
lafluorescence. Plus unfragment est petit, plus il migrera rapidement et plus lafluorescence
détectée sera précoce. Le résultat est un chromatogramme dont un exemple est proposé
en figure 3. Cette technique permet de détecter des mutations ponctuelles comme des
substitutions ou de petites délétions/insertions. Elle manque néanmoins de sensibilité
pour lesfaibles rapports alléliques et n'est pas adaptée pour les grands remaniements.

12 13

fi\MfWI\N\!\f!:\NV{V'{\�r/V'f\�N\rvvJ\tvv
TAAACTTGTGGTAGTTGGAGCTGGTGGCGTAGGCAAGAGTGCCTT

IYW\fWI\N\!\f!:\NV{V'{\ANf'w{\J\dVX\�N\�
TAAACTTGTGGTAGTTGGAGCTGKTGGCGTAGGCAAGAGTGCCTT

t
G>T

Figure 3 : Chromatogrammes obtenus après séquençage par méthode de Sanger


de l'exon 2 du gène KRAS (les codons 12 et 13 ont été signalés). En haut, séquence
sauvage. En bas, mise en évidence d'une substitution G > Tau niveau du codon 12 de
KRAS: variant KRAS c.35G > T, p.(G/y12Valj

D. Séquençage à moyen et haut débit


Le séquençage à haut débit appelé communément NGS (Next Generetion Sequencing) a
été développé dans les années 2000. Il est maintenant largement utilisé dans l'ensemble
des plateformes de BM pour l'étude des polymorphismes des gènes (SNP: Single
Nucleotide Polymorphism) et la recherche de variants potentiellement impliqués en
oncologie. En pratique quotidienne, le NGS est utilisé pour le séquençage d'un panel de
gènes, regroupant les exons les plus fréquemment mutés des gènes d'intérêts impliqués
dans les cancers (se référer à l'item 288 pour la liste de ces gènes). Différents panels de
gènes peuvent être utilisés en fonction de la localisation tumorale, du type histologique
et des renseignements cliniques.
Différentes techniques de NGS sont disponibles sur le marché. Elles permettent le
séquençage massif en parallèle de plusieurs milliers ou millions de séquences après
une compartimentation de l'échantillon. Par souci de simplicité, seule la méthodologie
par amplicon sera décrite brièvement ici
1. La première étape, commune à l'ensemble des techniques de NGS, est la préparation
d'une librairie à partir de l'ADN extrait du prélèvement du patient. Elle nécessite:
380 Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d'anatomie et cytologie pathologiques

► une amplification des différentes séquences d'intérêt du panel par PCR conven­
tionnelle multiplexe, permettant d'obtenir des amplicons;
► une ligation d'adaptateurs spécifiques aux extrémités de chaque amplicon. Ces
adaptateurs contiennent une séquence d'ADN appelée « code à barre moléculaire»
spécifique de chaque échantillon et permettant de l'identifier;
► une immobilisation (ou purification) des amplicons sur une surface solide ou
par l'intermédiaire de billes aimantées, séparent lesfragments d'ADN d'intérêts
des contaminants.
• on obtient ainsi une librairie par échantillon regroupant l'ensemble des
amplicons d'intérêt à séquencer. L'ensemble des librairies sera ensuite
regroupé dans un seul et même tube;

■ 2. la seconde étape est une amplification clonale de chaquefragment d'ADN permet­


tant d'augmenter le signal détecté lors du séquençage;
■ 3. la réaction de séquençage est réalisée sur des puces ou des micro-sillons sur plaques
de verre comportant plusieurs millions de compartiments. Elle consiste à incorporer
des nucléotides de manière séquentielle, par cycles. L'incorporation des nucléotides
induit une émission defluorescence ou une modification de pH qui sera enregistrée
dans chaque compartiment à chaque cycle. Ces signaux sont ensuite convertis en
séquences nucléotidiques;
■ 4. la dernière étape est l'analyse bio-informatique des données ou chaque séquence
est comparée et alignée sur le génome de référence, permettant d'identifier les diffé­
rents variants. Chaque région d'intérêt du panel est séquencée plusieurs centaines
ou milliers defois.
Lors de l'interprétation, les variants sont identifiés en 5 classes selon les données de la
littérature, les données cliniques et le type de tumeur
variants pathogènes (classe 5) ou probablement pathogènes (classe 4);
■ variants de signification indéterminée (classe 3);
variants probablement bénins ou bénins (classe 2 et 1).
Avec les progrès techniques récents, il est maintenant possible de réaliser des séquençages
sur de larges panels (400 à 500 gènes) mais également un séquençage complet de l'exome
voire du génome.

E. Analyse de fragments
L'analyse de fragments est une technique permettant de séparer des séquences d'ADN
selon leur taille. Elle est basée sur une première étape de PCR conventionnelle utilisant
des amorces marquées par un fluorophore spécifique. Les produits de PCR (fragments)
sont ensuite séparés par électrophorèse capillaire. Elle consiste à faire migrer les fragments
d'ADN sous l'effet d'un champ électrique et à les séparer selon leur taille. À l'extrémité
du capillaire, la fluorescence est détectée par une caméra CCD. Cette étape, réalisée sur
un séquenceur est rapide et fiable. Elle présente également une résolution élevée car une
différence de longueur d'un seul nucléotide entre deux fragments peut être détectée.
L a principale application en pratique quotidienne est la détection d'une instabilité
microsatellitaire (phénotype MSI pour MicroSatellite Instability) dans les cellules tumorales,
principalement dans le cadre du syndrome de Lynch. Il est secondaire à des mutations des
4 gènes (MLHl, PMS2, MSH2 et MSH6) codant les 4 principales protéines de réparation
des mésappariements de l'ADN: le système MMR (MisMatch Repair). Ces mutations
sont responsables d'une perte d'expression de ces protéines de réparation induisant une
instabilité génétique, qui se manifeste préférentiellement au niveau de courtes séquences
répétées du génome appelées microsatellites. Dans la majorité des laboratoires d'OM, la
recherche d'un phénotype MS/ est réalisée par analyse defragments après amplification de
5 microsatellites mononucléotidiques. L'instabilité se manifeste, dans les cellules tumorales,
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 290 381

par la présence de fragments de tailles différentes de celles observées au niveau du tissu


sain (figure 4).

'

Figure 4 : Résultats de la recherche d'un phénotype MSI par analyse de fragments


En haut, phénotype stable, absence d'instabilité microsatellitaire. En bas, phénotype MSL
présence d'une instabilité microsatellitaire caractérisée par la présence de fragments de
tailles différentes de celles observées au niveau du tissu sain.

IV. EXIGENCES POUR L'UTILISATION DES PRÉLÈVEMENTS


DANS DES TRAVAUX DE RECHERCHE
La loi Jardé (du 5 mars 2012 et modifiée en 2016), précise les principes généraux relatifs
aux recherches impliquant la personne humaine. Le code de la santé publique (article
11243-3) précise également la définition d'une collection d'échantillons biologiques
humains, comme « la réunion, à des fins scientifiques, de prélèvements biologiques
effectués sur un groupe de personnes identifiées et sélectionnées en fonction des
caractéristiques cliniques ou biologiques d'un ou plusieurs membres du groupe, ainsi
que des dérivés de ces prélèvements». Ceci comprend « la conservation et la préparation à
des fins scientifiques de tissus et de cellules issus du corps humain ainsi que la préparation
et la conservation des organes, du sang, de ses composants et de ses produits dérivés».
Un avis favorable du comité de protection des personnes (CPP) est indispensable pour
la mise en œuvre de travaux de recherche et d'une collection d'échantillons biologiques
humains. Cette dernière nécessite également une déclaration préalable auprès du ministre
chargé de la recherche. Les CPP assurent une évaluation de la qualité scientifique
des projets de recherche. Ils s'assurent également de la protection des personnes,
particulièrement en ce qui concerne les modalités d'information, de consentement et de
recrutement des patients. Une information individuelle claire et intelligible sur les
objectifs des travaux de recherche, les types de prélèvements réalisés, la conservation et
l'utilisation des données est obligatoire. Sauf rares exceptions, l'obtention d'un consentement
écrit du patient doit être systématique.
Des CRB (Centres de Ressources Biologiques) et des tumorothèques sont maintenant
disponibles dans de nombreux centres. Ils assurent le stockage des échantillons biologiques
anonymisés en respectant un cahier des charges précis pour les conditions de conservation,
la traçabilité des échantillons et le respect de la législation en vigueur.
382

FICHE FLASH
.J Le respect des conditions pré-analytiques joue un rôle capital dans la qualité et le rendu des résultats
d'oncologie moléculaire.
U Un examen anatomo-pathologique des prélèvements tissulaires est indispensable.
U Les informations cliniques sont nécessaires au bon choix des techniques et au rendu des résultats
d'oncologie moléculaire.
U La recherche de mutations fréquentes nécessite un délai de réponse rapide pour permettre le choix
d'une thérapie ciblée dans le cadre de la médecine personnalisée.
□ Les techniques de PCR en temps réel et PCR digitale sont particulièrement adaptées à ces recherches
ciblées de mutations fréquentes.
U La technologie de séquençage haut débit (NGS) permet le séquençage massif en parallèle de plusieurs
milliers ou millions de séquences après une compartimentation de l'échantillon.
U Le NGS réalisé sur un panel de gènes permet la recherche des principaux variants impliqués en oncologie.
U La détection d'une instabilité microsatellitaire par analyse de fragments est un critère diagnostique
important d'un syndrome de Lynch.
U Un avis positif d'un CPP et une déclaration au ministère de la recherche sont indispensables à la
constitution d'une collection d'échantillons biologiques humains.
383

POUR EN SAVOIR PLUS

+ https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Bonnes­
pratiques-pour-la-recherche-a-visee-theranostique-de-mutations-somatiques-dans­
-les-tumeurs-solides.
+ https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Tests­
somatiques-recherchant-une-deficience-du-systeme-MMR-au-sein-des-tumeurs­
du-spectre-du-syndrome-de-Lynch.
+ Décret n° 2016-1537 du 16 novembre 2016 relatif aux recherches impliquant
la personne humaine, disponible sur https://www.legifrance.gouv.
fr/eli/decret/2016/11/16/AFSP1621392D/jo/texte.
ITEM 317

MYELOME MULTIPLE
Jean-Baptiste OUDART

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Diagnostiquer un myélome multiple des os.
• Connaître la démarche diagnostique en présence d'une gammapathie monoclonale.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Connaître les principaux signes biologiques devant faire évoquer un myélome
multiple.
• Connaître le principe et l'interprétation de l'électrophorèse des protéines
sériques et de l'immunotypage.
• Connaître la place du dosage des chaînes légères libres sériques
d'immunoglobulines dans le diagnostic et le suivi des gammapathies
monoclonales.
• Connaître la place des explorations biochimiques urinaires dans le diagnostic
des gammapathies monoclonales.
• Connaître les principales explorations biologiques utiles pour le pronostic
et le suivi du myélome multiple.

1. INTRODUCTION
Le diagnostic et la prise en charge des gammapathies monoclonales (GM) représentent un enjeu de santé
publique en France et dans le monde, avec une incidence dépassant 1,5 % de la population générale de plus
de 50 ans et plus de 6 % des personnes après 80 ans. Les GM correspondent à une synthèse dérégulée d'une
immunoglobuline (Ig) monoclonale par un clone plasmocytaire dystrophique. La majorité des GM sont
des pathologies asymptomatiques appelées Ig monoclonales de Signification Indéterminée (IMSI, ou MGUS
en anglais). Les autres pathologies associées à la production d'Ig monoclonales sont :
les hémopathies malignes (comme le myélome multiple (MM) ou la maladie de Waldenstrôm);
■ l'amylose AL;
■ les lg monoclonales transitoires (ou réactionnelles) à des infections bactériennes, parasitaires,
fongiques, ou à des maladies auto-immunes.
La place des analyses biochimiques dans le diagnostic, le pronostic et le suivi des patients reste à l'heure
actuelle très importante.

Il. SIGNES BIOLOGIQUES ÉVOCATEURS D'UN MM


Les circonstances de découverte d'un MM sont nombreuses et polymorphes. Même si l'examen clinique
reste l'élément fondamental du diagnostic, différents signes biologiques doivent faire évoquer un MM:
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 317 385

■ hypercalcémie;
■ insuffisance rénale;
■ anémie typiquement normochrome, normocytaire, arégénérative;
Il allongement de la vitesse de sédimentation (VS) à la première heure contrastant avec
une CRP normale;
Il augmentation inexpliquée de la protéinémie;
■ protéinurie inexpliquée;
■ anomalie de l'électrophorèse des protéines sériques (EPS).

Ill. CRITÈRES DIAGNOSTIQUES DU MM


Le diagnostic d'un MM (tableau I) est basé sur l'évidence du contingent monoclonal au
niveau sérique et/ou urinaire. Un myélogramme par ponction sternale ou iliaque (voire
d'une biopsie ostéo-médullaire dans certains cas) permet d'établir le diagnostic de
MM en mettant en évidence une infiltration de plasmocytes dystrophiques > 10 %. Le
diagnostic tient également compte du caractère symptomatique du MM habituellement
déterminé par les critères « CRAB »
■ calcémie> 2,75 mmol/l;
■ créatininémie> 177 µmol/l ou débit de filtration glomérulaire< 40 ml/min (évalué
par les équations MDRD ou CKD-EPI);
■ hémoglobine< 100 g/l;
■ lésions ostéolytiques à l'imagerie> 5 mm.
La quasi-totalité les MM résultent de l'évolution de pathologies pré-mylomateuses que
sont les IMSI et les MM asymptomatiques.

Tableau 1 : critères diagnostiques du MM et des pathologies pré-myélomateuses

Diagnostic Critères
lg monoclonale sérique< 30 g/1
IMSI Plasmocytose médullaire clonale< 10 %
Absence d'atteinte organique (critères CRAB)
lg monoclonale sérique lgG ou lgA� 30 g/1
MM Ou lg monoclonale urinaire� 500 mg/24 heures
asymptomatique Et/ou plasmocytose médullaire clonale comprise entre 10 % et 60 %
Absence d'atteinte organique (critères CRAB)
Plasmocytose médullaire clonale� 10 % (ou plasmocytose extra-médullaire
clonale)
Et au moins un des éléments suivants:
MM Présence d'une atteinte organique (au moins un critère CRAB)
Ou plasmocytose médullaire clonale� 60 %
Ou rapport des Chll impliquée/non impliquée> 100
Ou plusieurs lésions focales à l'IRM
Chi!: chaÎnes légères libres d'/g.
386 Myelome multiple

IV. EXAMENS BIOLOGIQUES DE PREMIÈRE INTENTION


DANS LE DIAGNOSTIC D'UN MM

A. Électrophorèse des protéines sériques (EPS) et immunotypage


1. Généralités
Pour mettre en évidence l'Ig monoclonale sérique, une EPS est systématiquement réalisée
devant toute suspicion de GM. Il s'agit d'un examen biochimique simple réalisé uniquement
sur sérum. Le principe repose sur la migration des protéines principalement selon leur
charge, sous l'effet d'un champ électrique. Deux grandes techniques sont disponibles :
l'électrophorèse en gel d'agarose et l'électrophorèse capillaire, qui prend une part
prépondérante actuellement. L'interprétation est à la fois quantitative et qualitative. Le
tracé normal de l' électrophorégramme, les principales protéines ainsi que les valeurs de
référence des différentes fractions sont récapitulés dans la figure 1.

Fractions c/L 96 Principales prot"nH

protéines totales 60-78 100


albumine 40,2-47,6 55,8-66,1 albumine, pré-albumines, lipoprotéines
al globulines 2,1-3,5 2,9-4,9 al antitrypsine
a2 globulines 5,1-8,5 7,1-11,8 a2 macroglobuline, haptogloblne
�1 globulines 3,4-5,2 4,7-7,2 transferrlne
�2 globulines 2,3-4,7 3,2-6,5 fractions C3 et C4 du complément, lgA
y globulines 6,0-13,5 11,1-18,8 Immunoglobulines

Figure 1 : électrophorégramme des protéines sériques normal (par technique


capillaire).
Les différentes fractions, les valeurs de référence et les principales protéines de chaque
fraction sont indiquées dans le tableau
2. Indications
Les principales indications de l'EPS sont les suivantes :
■ signes cliniques évocateurs : fracture vertébrale, fracture pathologique, douleurs
osseuses non traumatiques, hépatopathie ou neuropathie périphérique inexpliquées,
purpura vasculaire, hépato-splénomégalie ou adénopathies;
■ infections récidivantes;
■ signes biologiques : anomalies de l'hémogramme inexpliquées, hypercalcémie, insuf­
fisance rénale aiguë ou décompensation aiguë d'une insuffisance rénale chronique,
allongement de la VS contrastant avec une CRP normale, protéinurie.
3. Interprétation
Les principaux tracés identifiables par EPS dans une GM sont décrits dans la figure 2.
Le MM se manifeste dans la grande majorité des cas par la présence d'un pic étroit
(monoclonal) dans la zone des gamma-globulines. Néanmoins, il n'est pas rare
de retrouver ce pic étroit dans la zone des bêta 2 globulines, principalement dans
le cadre d'une GM à IgA. Les pics étroits dans les zones des bêta 1 et alpha 2 sont
beaucoup plus rares. Dans la majorité des cas, le clone sécrète une Ig complète associée
à la surproduction d'une chaîne légère libre d'Ig monoclonale. L'absence de pic étroit à
l'EPS ne permet pas d'exclure le diagnostic de MM. Dans un contexte clinique compatible,
une hypo-gammaglobulinémie doit faire suspecter un MM à chaînes légères libres
monoclonales ou un MM non- ou pauci-sécrétant, qui représentent 10 à 20 % des
MM. Une diminution des gamma globulines résiduelles, associée à la présence d'un pic
étroit, doit être systématiquement signalée en raison du risque infectieux.
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 317 387

A Protéines
Conc.(1/L)
B
Protéines
Conc.(s/L)

64 54�
totales totales
Albumln• 31,6 � Albumine 22,5 �
al 3,3 al 3,5
a2 7,5 a2 5,o�
ai 3,4 a1 3,1 �
p2 2,1 a2 14,1 JI
) 1 ./\ J\ ./\.N
1 1 1 1
� V 16,1 JI V 5,7 �

C
Protéines
Conc.(s/L)
D Protéines
Conc.(s/L)

62 80
totales totales
Albumine 42 Albumine 32 �
al 2,8 al 3,8 JI
a2 5,6 a2 6,8

Pl 4,1 a1 3,8

a2 2,9 p2 3,4
) ./\ ./"---.. ./1.,;\ -------- V 4,6� ) � V 30,1 JI

Figure 2 : exemples des principaux électrophorégrammes retrouvés dans les GM


(A) Présence d'un pic étroit dans la zone des gamma globulines. (B) Présence d'un pic étroit
dans la zone des bêta 2 globulines, Présence d'un second pic étroit dans la zone des gamma
globulines, Diminution des gamma globulines résiduelles, (C) Hypo-gammaglobulinémie.
(D) Hyper-gammaglobulinémie avec un profil oligoclonal.
L'identification initiale d'un pic étroit à l'EPS nécessite de le quantifier (examen biologique
de référence) pour permettre un suivi de l'efficacité du traitement. Le typage de l'Ig
monoclonale est effectué par une technique d'immunotypage par immunofixation (IF)
ou immunosoustraction. La technique d'IF est la plus performante. Elle se déroule
en deux étapes successives : une migration électrophorétique sur différentes pistes
puis une révélation avec différents anti-sérums dirigés contre les chaînes lourdes d'Ig
(y, a, µ) et les chaînes légères d'Ig (K et À). Les Ig monoclonales de type lgG sont les
plus fréquentes (> 60% des cas), devant les IgM et les IgA. Les IgD et IgE monoclonales
ne sont pas recherchées en routine en raison de leur très faible prévalence, mais peuvent
l'être en seconde intention. Une bande monoclonale étroite est caractéristique d'une Ig
monoclonale (figure 3).

A
- 1,
1
1 B

-eLP O A M 1< 1.
..

Figure 3 : exemples d'immunofixations sériques


(A) Immunoglobuline monoclonale IgG à chaîne légère Lambda, (B) Deux immunoglobulines
monoclonales: IgG à chaîne légère Kappa et IgA à chaîne légère Kappa. (C) Chaîne légère
libre Lambda monoclonale.

B. Autres examens biologiques à prescrire lors du diagnostic d'un MM


Différents examens biologiques doivent être prescrits pour établir le caractère
symptomatique du MM. Au minimum, le bilan doit comporter un hémogramme, une
calcémie et une créatininémie. Une protéinurie sur un recueil des urines des 24 heures
est systématiquement réalisée.
388 Myelome multiple

V. PLACE DU DOSAGE DES CHAÎNES LÉGÈRES LIBRES D'IG SÉRIQUES


DANS LE DIAGNOSTIC ET LE SUIVI DES GM
Le dosage des chaînes légères libres d'Ig (Chll) est effectué uniquement dans le sérum,
par des techniques immunologiques utilisant une réaction antigène-anticorps. Ce dosage
quantitatif n'est pas recommandé dans les urines. Les Chll ont une masse moléculaire de 15
à 20 kDa et sont physiologiquement présentes dans le sérum en faibles concentrations (5 à
25 mg/1), en raison d'un excédent de production plasmocytaire par rapport aux chaînes
lourdes. Les Chll K sont majoritairement monomériques et ont une demi-vie de 2 à 3 heures
alors que les Chll À, majoritairement dimériques, ont une demi-vie comprise entre 4 et
6 heures. Leur métabolisme est rénal, expliquant une augmentation des concentrations
sériques des deux Chll d'un facteur 2 à 5 environ en cas d'insuffisance rénale. Le rapport des
Chll K/À reste cependant normal dans ce cas. L'interprétation du dosage prend en compte
la concentration de la Chll impliquée dans la GM, mais également la concentration de
l'autre Chll. Le rapport des Chll K/À constitue un marqueur de monoclonalité (valeur
de référence : 0,26 - 1,65).
Les principales indications de ce dosage sont décrites dans le rapport de l'HAS 2006 :
■ diagnostic et suivi d'une amylose AL;
li suivi d'un MM à Chll, pauci- ou non-sécrétant;
■ suivi d'un plasmocytome;
suivi d'une maladie à dépôt des chaînes légères libres.
En France, il n'y a pas de recommandation actuellement à réaliser un dosage de Chll d'Ig
dans le cadre du diagnostic et du suivi d'un MM à Ig complète.

VI. PLACE DES EXPLORATIONS BIOCHIMIQUES URINAIRES


DANS LE DIAGNOSTIC DES GM
Les analyses urinaires sont complémentaires des analyses sériques pour le diagnostic
des GM. Il est recommandé de pratiquer un dosage de la protéinurie sur un recueil des
urines des 24 heures devant toute suspicion de GM. En cas de protéinurie pathologique
(> 150 mg/24 heures), une électrophorèse et une immunofixation des protéines urinaires
seront réalisées pour :
typer la protéinurie (protéinurie glomérulaire, tubulaire ou mixte);
■ dépister et typer l'Ig monoclonale (Ig complète ou Chll monoclonale, anciennement
appelée protéinurie de Bence-Jones);
quantifier l'Ig monoclonale urinaire.
Des approches combinées par immunofixations permettent en un seul examen de
réaliser ces 3 étapes. Dans certains cas, et en particulier dans les MM à chaînes
légères, les explorations urinaires peuvent être les seules à mettre en évidence l'Ig
monoclonale, alors même que l'immunofixation des lg sériques est sans particularité.
Un contingent monoclonal urinaire peut parfois être mis en évidence devant une
protéinurie quantitativement normale. Les explorations urinaires sont également utiles
lors du suivi des patients atteints de MM, d'autant plus que plus de 80 % des patients
développeront des complications rénales au cours de l'évolution de la maladie.

VII. PLACE DES EXPLORATIONS BIOLOGIQUES DANS LE PRONOSTIC


DU MM
Les principaux scores pronostiques utilisés dans le MM sont :
Chapitre 11. Les biomarqueurs des cancers - ITEM 317 389

■ le score pronostique international (/SS: International Scoring System) (Tableau II)


comprenant le dosage de 2 marqueurs biochimiques (�2 microglobuline et albumine
sériques) et qui est corrélé à la médiane de survie des patients.

Tableau Il: score pronostique international pour le MM

Stades ISS Critères Médiane de survie


�2 microglobuline < 3,5 mg/1 et albumine> 35 g/1 62 mois
Il autres cas que ceux des stades I et Ill 45 mois
Ill �2 microglobuline> 5,5 mg/1 29 mois

Ce score a été révisé en 2015 (Revised-ISS, ou R-ISS) (Tableau III) en incluant le dosage de la
LDH sérique et la recherche d'anomalies chromosomiques récurrentes dans le MM. Les
anomalies (del(l7p) et/ou translocations t(4;14 ) et t(l4;16)) détectées par technique FISH
(Fluorescent In Situ Hybridisation) sont associées à un pronostic plus sombre. Le R-ISS
apparaît mieux corrélé à la survie sans progression et à la survie globale des patients.

Tableau Ill: score pronostique international révisé pour le MM

Stades R-ISS Stade ISS Anomalies chromosomiques LDH sérique


absentes normale
Il autres cas que ceux des stades I et Ill
Ill Ill présentes élevée

■ la classification de Durie et Salmon : les principaux paramètres sont : l'hémo­


globine, la calcémie, la créatininémie; l'évaluation quantitative du composant
monoclonal à l'EPS et urinaire ainsi que le typage de l'Ig monoclonale. Elle
permet d'établir le stade du MM et de guider le choix des options thérapeutiques.

VIII. PLACE DES EXPLORATIONS BIOLOGIQUES DANS LE SUIVI DU MM


La transformation maligne constitue le principal risque des IMSI. Il est évalué à 1 % par
an, mais est influencé par la concentration initiale de l'Ig monoclonale, son type (risque
accru pour les IgA par rapport aux IgG) et le rapport des Chll K/À sériques. Le suivi des
IMSI, MM asymptomatique et MM est réalisé à vie et comprend un bilan biologique sérique
et urinaire régulier, semestriel ou annuel selon les cas. Il comprend un hémogramme,
une analyse de la créatininémie, de la calcémie et de la protéinurie des 24 heures. Un
suivi régulier par EPS avec quantification du pic étroit permet d'évaluer l'évolution de la
maladie. En dehors d'une inclusion dans un protocole thérapeutique particulier, il n'y a
pas d'indication à un suivi par immunotypage si l'Ig monoclonale est détectable en EPS. Il
est recommandé d'effectuer ce suivi par les mêmes techniques dans le même laboratoire.
Chez le patient traité pour un MM, les critères de réponse au traitement comprennent :
■ une électrophorèse des protéines sériques et urinaires avec suivi de la quantification
du pic étroit;
■ une IF sérique et urinaire, principalement en cas de négativité de l'électrophorèse.
Une réponse complète au traitement est définie par l'absence de contingent monoclonal
détectable en électrophorèse et par immunotypage dans le sang et les urines, et une
plasmocytose médullaire � 5 %.
390

FICHE FLASH
D Les gammapathies monoclonales sont très fréquentes dans la population générale.
D L'électrophorèse des protéines sériques est l'examen biologique de première intention dans le diagnostic
des gammapathies monoclonales.
D La présence d'un pic étroit à l'électrophorèse des protéines sériques doit faire réaliser un immunotypage.
D Dans un contexte clinique compatible, une hypo-gammaglobulinémie doit faire rechercher un myélome
multiple à chaînes légères libres monoclonales ou un myélome non- ou pauci-sécrétant.
D Le dosage des chaînes légères libres d'immunoglobulines sériques doit être réalisé dans le diagnostic et
le suivi de l'amylase AL, des myélomes multiples pauci- ou non-sécrétants, des plasmocytomes et des
maladies à dépôt des chaînes légères libres d'immunoglobulines.
D Les gammapathies monoclonales nécessitent un suivi clinico-biologique à vie.
391

POUR EN SAVOIR PLUS

+ Fiche mémo HAS (janvier 2017) "quand prescrire une EP S et conduite à tenir en cas
d'immunoglobuline monoclonale».

+ Guide médecin sur le myélome multiple HAS (décembre 2010) "Tumeur maligne ,
affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique - Myélome multiple».

+ Rappot HAS (décembre 2006) "Dosage sérique des chaînes légères libres».

+ Palumbo A, Avet-Loiseau H , Oliva Set al. Revised international staging system for
multiple myeloma : a report from International Myeloma Working Group. J Clin Oncol
2015; 33: 2863-2869.

+ Moreau P, San Miguel J, Sonneveld P, et al. Multiple myeloma: ESMO Clinical Practice
Guidelines for diagnosis , treatment and follow-up. Annals of Oncology 2017; 28
( Supplement 4) : iv52-iv61.

+ Rajkumar SV, Dimopoulos MA, Palumbo A, et al. International myeloma working


group updated criteria for the diagnosis of multiple myeloma. Lancet Oncol 2014;
15(12):e538-48.
CHAPITRE 12. PHARMACOGÉNÉTIQUE

ITEM 319
, ,
LA DECISION THERAPEUTIQUE
,
PERSONNALISEE : BON
, ,
USAGE
DE LA PHARMACOGENETIQUE
DANS DES SITUATIONS À RISQUE
Marie Anne LORIOT

OBJECTIFS D'ENSEIGNEMENTS TELS QUE DÉFINIS PAR LE PROGRAMME DE L'ECN


• Préciser l'apport de la pharmacogénétique à la prescription médicamenteuse et
à la médecine personnalisée.
• Identifier les sujets à risque: enfants, sujets âgés (voir item 126), femmes enceintes
et allaitantes, insuffisants rénaux, insuffisants hépatiques, obèses. Connaître les
principes d'adaptations thérapeutiques nécessaires.
• Argumenter une décision médicale partagée avec un malade et son entourage
• Argumenter une prescription médicamenteuse, les modalités de surveillance et
d'arrêt du médicament, en tenant compte des caractéristiques pharmacodynamiques
et pharmacocinétiques du médicament, des caractéristiques du patient, de
ses comorbidités, de la polymédication, des risques potentiels, et des objectifs
poursuivis.
• Préciser la conduite à tenir pour le traitement médicamenteux en cas d'intervention
chirurgicale ou de geste invasif programmé.
• Repérer, diagnostiquer et évaluer le retentissement d'une dépendance
médicamenteuse et les dispositifs de déclaration.
• Définir les indications et principes du sevrage médicamenteux. Planifier le suivi
du patient.
• Interactions médicamenteuses: discuter les aspects positifs et négatifs des
associations et interactions médicamenteuses. Argumenter les risques liés
aux prises médicamenteuses multiples. Identifier les principaux mécanismes
d'interactions et connaître les principales associations médicamenteuses
responsables d'accidents et leurs modalités de prévention.
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DÉFINIS PAR LE COLLEGE DE BIOCHIMIE ET DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
• Préciser l'apport de la pharmacogénétique à la prescription médicamenteuse
et à la médecine personnalisée.
• Connaître les bases moléculaires de la pharmacogénétique.
• Comprendre l'intérêt de la pharmacogénétique en thérapeutique.
394 La décision thérapeutique personnalisée: bon usage de la pharmacogénétique dans des situations à risque

• Identifier les médicaments susceptibles d'être concernés


par une analyse pharmacogénétique.
• Savoir utiliser un test pharmacogénétique (phénotypage et
génotypage) et savoir interpréter un résultat et ses
conséquences dans la prise en charge thérapeutique.

1. INTRODUCTION
La réponse aux médicaments est extrêmement variable d'un individu à l'autre, tant sur
le plan pharmacologique (efficacité) que sur le plan toxicologique (effets indésirables). La
variabilité de cette réponse, souvent difficile à prévoir, est une limitation importante à leur
utilisation. En dehors d'erreurs d'indications ou de posologie participant pour une large
part à l'inefficacité et à la toxicité, les causes de la variabilité de réponse aux médicaments
peuvent être d'origine :
physiologique ou pathologique : âge, grossesse, sévérité de la maladie, pathologies
associées;
■ environnementale : interactions médicamenteuses, alimentation, tabagisme;
■ génétique : variations génétiques du métabolisme et du transport des médicaments,
ainsi que des cibles pharmacologiques (influence sur la pharmacocinétique (PK) ou
la pharmacodynamie (PD)) ou des gènes de l'immunité (sous-type HLA).
La pharmacogénétique étudie les mécanismes d'origine génétique intervenant dans
la variabilité interindividuelle de la réponse aux médicaments, et a pour objectif le
développement de tests permettant d'identifier les individus à risque de telles anomalies
de réponse.
Les applications thérapeutiques en routine concernent majoritairement les enzymes
du métabolisme des médicaments (EMM). Les EMM sont exprimés principalement
dans le foie et les organes en contact direct avec les xénobiotiques (œsophage, intestin,
peau, muqueuse nasale, poumon), mais on les trouve également dans presque tous les
autres organes en quantités plus faibles avec l'existence d'isoformes tissu-spécifiques.
Les gènes codant les EMM peuvent présenter des anomalies de séquences (ou mutations),
telles que des mutations ponctuelles ou SNP (Single Nucleotide Polymorphism), des
délétions partielles ou totales, ou encore des duplications ou amplifications de gènes. Ces
variations génétiques peuvent être responsables de variations d'expression et/ou d'activité
de ces enzymes, en entraînant un déficit ou une absence totale d'activité ou encore une
augmentation de l'activité. La fréquence de ces différents phénotypes est variable dans
la population en fonction de l'enzyme polymorphe et, pour un même enzyme, variable
en fonction de l'origine ethnique ou géographique des populations étudiées en raison de
différences dans la nature et la fréquence des polymorphismes rencontrés.
Les polymorphismes génétiques des EMM s'expriment dans la population générale sous
la forme de phénotypes définissant différents sous-groupes (figure 1)
■ les métaboliseurs rapides (activité enzymatique normale) porteurs d'un géno­
type homozygote sauvage;
■ les métaboliseurs lents (déficit profond ou complet d'activité enzymatique)
porteurs d'un génotype homozygote muté ou hétérozygote composite entraînant
une perte de fonction du gène;
■ les métaboliseurs intermédiaires (activité enzymatique réduite) porteurs d'un
génotype hétérozygote;
Chapitre 12. Pharmacogénétique - ITEM 319 395

■ dans certains cas, on peut identifier des métaboliseurs ultrarapides (activité


augmentée) porteurs d'un polymorphisme activateur ou plus fréquemment de
la duplication ou de l'amplification d'un gène fonctionnel.

E4i/.ifJS

'S'
UI
GI
,::,

E
0
z

Activité enzymatique

métaboliseurs
■IP!li:f!Wl!ll!I Plllll!I• métaboliseurs métaboliseurs
U?Wlt'4M RAPIDES ou métaboliseurs RAPIDES
LENTS ULTRARAPIDES
INTERMEDIAIRES

( C:==J )0 Amplification du gène actif; - Gène actif, « normal »; - Gène défectueux, « non fonctionnel » (délétion, mutation inactivatrîce)

Figure 1. Distribution plurimodale de l'activité enzymatique pour un EMM donné


reflétant l'existence de sous-groupes d'individus en fonction de leur capacité
métabolique.
Deux approches méthodologiques sont utilisées pour déterminer la capacité métabolique
d'un individu vis-à-vis d'un enzyme donné : les méthodes de phénotypage (mesure
directe ou indirecte de l'activité) et les méthodes de génotypage (recherche de
variations génétiques).

Il. RÉPONSE À L'ITEM


Devant une réponse anormale à un médicament ou avant l'administration d'un médicament:
■ savoir ou rechercher si la PK ou la PD de ce médicament dépend de facteurs génétiques;
■ comprendre l'intérêt des tests pharmacogénétiques disponibles et connaître leurs
limites;
Il interpréter un résultat pour adapter le traitement en fonction de la capacité méta­
bolique d'un individu.

Ill. ÉVALUATION DE LA CAPACITÉ MÉTABOLIQUE D'UN INDIVIDU

A. Phénotypage
Le phénotypage est principalement applicable dans le domaine des polymorphismes
affectant la biodisponibilité des médicaments, et en particulier leur métabolisme. Les
méthodes de phénotypage reposent (i) sur une mesure directe de l'activité enzymatique
en utilisant un substrat endogène ou ex vivo sur un tissu facilement accessible (par ex.
lymphocytes ou érythrocytes isolés) ou (ii) sur l'administration d'un substrat-test (en
396 La décision thérapeutique personnalisée : bon usage de la pharmacogénétique dans des situations à risque

général un médicament) à un individu, suivie d'une mesure des quantités de substrat


résiduelles et/ou de leurs métabolites. Plusieurs heures après l'absorption d'une dose
sub-thérapeutique du médicament-test, un échantillon biologique, urinaire ou sanguin le
plus souvent, est recueilli et une quantification du substrat et de son (ou ses) métabolite(s)
est réalisée à l'aide de méthodes chromatographiques le plus fréquemment (CLHP couplée
ou non à la spectrométrie de masse). Dans le cas le plus général, on détermine alors le
rapport métabolique entre la quantité de substance retrouvée sous forme inchangée et
celle d'un (ou plusieurs) métabolite(s), ce rapport étant le reflet de l'activité enzymatique
étudiée. La valeur du rapport métabolique permet de classer les individus en métaboliseurs
rapides ou lents par comparaison à la distribution déterminée au préalable sur une grande
population d'individus.
Limites du phénotypage :
absence de substrat-test ou de substrat endogène spécifique;
Il! survenue d'effets indésirables liée à son administration;
Il localisation tissulaire de l'enzyme (peu accessible);
■ difficulté à interpréter la valeur du rapport métabolique en cas de co-administration
de médicaments (interactions médicamenteuses) ou chez un individu aux fonctions
hépatiques et rénales altérées.

B. Génotypage
Les méthodes de génotypage permettant la prédiction du phénotype des individus
sont basées sur l'identification directe des anomalies génétiques à l'origine de la
variabilité d'expression et d'activité de l'enzyme étudiée. Des études de corrélation
phénotype/génotype, complétées parfois par l'analyse fonctionnelle des mutations à l'aide de
systèmes d'expression in vitro, sont en général un préalable nécessaire au développement de
ces tests de génotypage pour s'assurer d'une bonne prédiction du phénotype. En pratique, le
génotypage est plus largement utilisé que le phénotypage, puisqu'il est applicable à l'analyse
de l'ensemble des polymorphismes affectant non seulement la PK des médicaments, mais
également leurs effets pharmacologiques (récepteurs, cibles protéiques).
Les méthodes de génotypage reposent sur l'utilisation des outils issus de la biologie
moléculaire, la technique de PCR ou réaction de polymérisation en chaîne étant
généralement à la base des méthodes utilisées en routine (discrimination allélique,
analyse de fragments, séquençage). Ces méthodes nécessitent le recueil préalable d'un
échantillon biologique (généralement sang total ou frottis buccal), à partir duquel est
extrait et purifié l'ADN génomique de l'individu. La stratégie de génoty!)ige appliquée
est fonction d'un certain nombre de paramètres, en particulier la nature des mutations à
identifier (mutations ponctuelles, insertion, délétion ou amplification du gène) et le nombre
de mutations à identifier pour obtenir un taux d'efficacité de prédiction du phénotype le plus
élevé possible (fonction de la fréquence des polymorphismes dans la population étudiée).
Avantages: le génotype d'un individu est permanent et n'est pas soumis à l'influence de
facteurs confondants (administration concomitante de médicaments, pathologies associées).
Limites : une mauvaise corrélation entre génotype et phénotype (cas où il existe de nombreuses
mutations et/ou de faible fréquence) peut conduire à des interprétations erronées si le
génotypage repose sur un panel limité de mutations.

IV. INTÉRÊT DE LA PHARMACOGÉNÉTIQUE ET CONSÉQUENCES


THÉRAPEUTIQUES
La pharmacogénétique vise à dépister les individus pouvant présenter des anomalies
de réponse (inefficacité, toxicité) et à optimiser les traitements médicamenteux (choix
de la molécule, adaptation de doses). L'intérêt de la pharmacogénétique va concerner
prioritairement les médicaments à marge thérapeutique étroite (faible différence entre
Chapitre 12. Pharmacogénétique - ITEM 319 397

concentrations thérapeutiques et toxiques), ceux dont l'efficacité est difficilement évaluable à


court terme ou encore les traitements de pathologies pour lesquelles il existe des alternatives
thérapeutiques avec des profils de tolérance variables en fonction du statut génétique.
Facteurs à prendre en compte pour évaluer les conséquences cliniques et thérapeutiques
des polymorphismes génétiques, en particulier ceux affectant les EMM :
importance de la voie métabolique polymorphe dans la clairance globale du médi­
cament;
■ administration du médicament sous une forme active ou sous forme de prodrogue;
■ métabolites pharmacologiquement actifs ou non, métabolites toxiques ou non;
■ index thérapeutique du médicament.
En effet, lorsque les médicaments sont éliminés par de multiples voies, l'absence de l'une d'elles
(en raison de variation(s) génétique(s) ou de la présence de médicaments inhibiteurs) sera à
faible risque d'induire une variation importante des concentrations de médicament dans le
tissu cible et donc de l'effet du médicament. À l'inverse, ce risque augmente considérablement
lorsqu'un médicament est métabolisé par une voie majoritaire.
On peut schématiquement distinguer deux situations (figure 2).
■ le médicament est une « prodrogue» métabolisée pour produire un effet pharma­
cologique. Dans le cas où cette bioactivation est dépendante d'un enzyme présentant
des variants alléliques associés à une perte de fonction, une diminution de l'efficacité
thérapeutique pourra être observée chez les métaboliseurs lents alors que chez les
métaboliseurs ultra-rapides le risque de surdosage ou de toxicité peut être accru;
■ le médicament suit une voie d' élimination majoritaire et en l'absence de cette voie, le
médicament «parent» actif va s'accumuler : pour les médicaments avec un index
thérapeutique étroit, une telle accumulation sera susceptible d'entraîner des effets
toxiques, potentiellement graves, chez les métaboliseurs lents. Chez les métaboliseurs
ultra-rapides le risque d'inefficacité thérapeutique (ou de« résistance») est augmenté
en raison d'une élimination trop rapide du médicament .

•• .. .
Facteur génétique
t médicament
inhibiteur
,
.

Métabolite Métabolite
actif inactif

l 1NEFFICACITE ou TOXICITE

Figure 2. Conséquences thérapeutiques de l'inactivation d'une voie métabolique pour


une prodrogue ou un médicament parent actif chez les métaboliseurs lents. L'impact
du facteur génétique peut être renforcé par un médicament inhibiteur, notamment
en cas de déficit partiel chez les métaboliseurs intermédiaires. À noter que les effets
attendus seront inversés chez les métaboliseurs ultra-rapides.

V. PRINCIPALES APPLICATIONS EN THÉRAPEUTIQUE


Le tableau 1 rassemble les applications thérapeutiques et les gènes étudiés en routine
(en annexe, « Pour en savoir plus»).
398 La décision thérapeutique personnalisée: bon usage de la pharmacogénétique dans des situations à risque

Deux exemples (thiopurines et 5-fluorouracile) qui illustrent l'intérêt de ces tests dans
la prise en charge thérapeutique des malades sont détaillés ci-après.

A. Aplasie médullaire, toxicité hématologique au cours d'un traitement


par les thiopurines : dépistage du déficit en thiopurine
S-méthyltransférase (TPMT)
La TPMT intervient dans le métabolisme des thiopurines regroupant l'azathioprine (Imurel"),
la 6-mercaptopurine (Purinéthol") et la 6-thioguanine (Lanvis0). Ces médicaments sont
utilisés d'une part, pour leurs propriétés cytotoxiques en cancérologie (en particulier dans la
leucémie aiguë lymphoblastique), et d'autre part, pour leurs propriétés immunosuppressives,
dans la prévention du rejet de greffe et le traitement de maladies inflammatoires chroniques de
l'adulte et de l'enfant (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, polyarthrite rhumatoïde).
L'azathioprine (AZA) est une prodrogue rapidement transformée en 6-mercaptopurine
(6-MP). À ce stade, la 6-MP est au carrefour de trois voies métaboliques: (i) la xanthine
oxydase catalyse la formation d'acide thiourique inactif; (ii) la voie de la TPMT permet la
conversion de la 6-MP en 6-méthylmercaptopurine (impliqué dans l'hépatotoxicité des
thiopurines avec d'autres dérivés méthylés produits par la TPMT ); enfin, (iii) la troisième
voie, concurrentielle de la précédente, sous la dépendance initiale de l'hypoxanthine
guanine phosphoribosyltransférase, conduit à la formation des 6-thioguanine nucléotides
(6-TGN), métabolites actifs responsables de l'action pharmacologique des thiopurines.

Avant le dé but du traitement par thlop urine

0eterminat1on du statut TPMT


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lO% de la dose standard,
ÉJW-C Dose standard 30-70% de la dose standard
3fois par semaine
lil'ilEB!ll!l!I ,__________,
AZA : 2,0-2, 5 mg/kg/jour AZA : 1,0- 1, 5 mg/kg/jour AZA : 0,2-0,25 mg/kg/3 fois par sem.
6-MP: 1, 5 mglkg{JOUr 6-MP: 0,75 mg/kgf"JOUr 6-MP: préférer un autre traitement

Numération fonnule sanguine et bilan h épatique réalisés régulièrement


to ut a u Ion du Irai

Su1v1 thcrapeut1que .... Ajuster/a


pharmacologique 6-TGN hors zone posologie

�I I
• • •
' f(,f.!

�-
-
s_u 1_v1_c_11n_ico_-1>_10_1oe_1q_ue_ h_a_b1t_ u_e 1
_
_
6-TGN dans la zone
1 �

• • •
thérapeutique 2 semaines sprés chaque

Efficacité 1 ._l -.:


_ o _ xlclt-és__.l I Résistance 1
changement de posologie

...., =-

Poursuivre le Su1v1 therapeut1que


traitement pharmacologique
r '( 1J f 't• •fJf 1

Figure 3. Intégration des analyses pharmacogénétiques et du dosage des


métabolites 6-TGN dans la prise en charge thérapeutique des patients traités par
thiopurines (AZA ou 6-MP).
La réponse thérapeutique dépend de la production en 6-TGN, elle-même sous la
dépendance étroite de l'activité TPMT. Dans le cas d'une activité TPMT partiellement ou
totalement déficitaire, le métabolisme de l'AZA (ou 6-MP) est dévié vers la formation accrue
des métabolites 6-TGN, dont l'accumulation excessive dans les tissus hématopoïétiques
est responsable de toxicité hématologique (leucopénie, thrombopénie, plus rarement
aplasie médullaire parfois fatale).
Dans la population caucasienne, 90 % des individus présentent une activité TPMT
normale (incluant des individus ayant une activité élevée ou très élevée), 10 % une activité
intermédiaire et environ 0,7 % un déficit complet d'activité TPMT.
Chapitre 12. Pharmacogénétique - ITEM 319 399

L'évaluation systématique de l'activité TPMT permet de dépister les patients à risque


de toxicité hématologique précoce ou retardée, soit par phénotypage (mesure de l'activité
TPMT sur érythrocytes isolés) soit par génotypage (recherche des 3 principaux allèles
inactifs TPMT*2, 3A et 3B). Ce dépistage s'intègre dans la prise en charge thérapeutique
des patients sous thiopurines en complément des autres tests biologiques recommandés
(figure 3).
Chez certains patients ayant une activité TPMT très élevée, il peut être préconisé une
augmentation de la posologie usuelle des thiopurines. En effet, des rejets de greffe, ainsi
que des échappements thérapeutiques avec rechute chez des enfants leucémiques, sont plus
fréquemment observés pour les patients présentant une activité TPMT très élevée et, par
conséquent, sous-dosés en médicaments thiopuriniques (concentrations en 6TGN inefficaces).

B. Toxicités sévères des fluoropyrimidines en cas de déficit


en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD)
Le 5-Fluorouracile (5FU) et les fluoropyrimidines (FP) orales (capécitabine) sont des
molécules majeures dans le traitement des tumeurs solides (cancers digestifs, ORL et
sein). Les FP entraînent des effets secondaires sévères chez 15-30 % des patients et une
toxicité létale dans 0,3-0,5 % des cas. Ces toxicités graves (hématologiques et digestives)
ont essentiellement pour origine un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD),
enzyme responsable de l'élimination du 5FU (on estime que 80 % de la dose administrée
de 5FU est dégradée par la DPD). Environ 3-5 % des Caucasiens sont porteurs d'un déficit
partiel majeur et 0,1-0,3 % présentent un déficit complet. Les patients déficitaires vont
présenter une surexposition plasmatique au 5FU après administration d'une dose standard
et un risque de toxicité sévère.
Le déficit en DPD peut être identifié par phénotypage (mesure de l'uracilémie ou dosage
lymphocytaire de l'activité DPD) et/ou génotypage (détection de mutations inactivatrices).
L'estimation de l'activité DPD via la mesure de l'uracilémie associée au calcul du rapport
dihydro-uracile/uracile (UH2/U) plasmatique est majoritairement utilisée, le rapport entre
les concentrations plasmatiques du métabolite (UH2) et du substrat naturel (U) de la DPD
reflétant l'activité globale de l'enzyme. En pratique, quatre variants délétères (DPYD*2A,
DPYD*l3, c.2846A > T et HapB3) sont recherchés pour le génotypage DPYD.
Recommandations (INCa et HAS) publiées en décembre 2018 en vue d'une recherche
systématique du déficit en DPD par mesure de l'uracilémie (le génotypage peut être
utilisé en complément)
■ pour une valeur d'uracilémie 2!: 150 ng/ml :
► valeur évocatrice d'un déficit complet en DPD associé à un risque de toxicité
très sévère aux fluoropyrimidines;
► traitement par FP contre-indiqué. En cas d'absence d'alternative thérapeutique,
l'utilisation des FP ne pourrait être envisagée qu'à dose extrêmement réduite et
sous surveillance très étroite. Dans ce cas,un suivi thérapeutique pharmacologique
(dosage sanguin du médicament) est fortement recommandé.

■ pour une valeur d'uracilémie 2!'. 16 ng/ml et< 150 ng/ml:


► valeur évocatrice d'un déficitpartiel en DPD associé à un risque accru de toxicité;
► La posologie initiale des FP pourra être adaptée sur la base d'un dialogue clini­
co-biologique en fonction du niveau d'uracilémie, du protocole de chimiothérapie
et des critères physiopathologiques du patient. Un réajustement thérapeutique
doit être envisagé dès le deuxième cycle en fonction de la tolérance au traitement
et/ou d'un suivi thérapeutique pharmacologique s'il est disponible.»
400

FICHE FLASH
D La réponse aux médicaments est extrêmement variable d'un individu à l'autre.
D Les causes de la variabilité de réponse aux médicaments peuvent être d'origine physio-pathologique,
environnementale ou génétique.
D La pharmacogénétique vise à identifier les individus à risque d'anomalies de réponse aux médicaments
afin d'anticiper l'inefficacité et la toxicité des médicaments.
O Les gènes majoritairement étudiés concernent ceux codant les enzymes du métabolisme des médicaments
(EMM).
0 Les polymorphismes génétiques des EMM s'expriment sous la forme de phénotypes et définissent
différents sous-groupes: métaboliseurs rapides, intermédiaires, lents et ultra-rapides.
D La capacité métabolique d'un individu peut être évaluée par phénotypage ou génotypage.
O La corrélation génotype/phénotype est importante à prendre en compte pour la stratégie mise en œuvre
pour la détermination du statut métabolique d'un individu.
□ La pharmacogénétique concerne prioritairement les médicaments à index thérapeutique étroit, ceux
dont l'efficacité est difficile à évaluer à court terme et les situations cliniques avec des alternatives
thérapeutiques présentant des profils de tolérance variables dépendant du statut génétique.
Cl Les conséquences thérapeutiques des polymorphismes génétiques sont dépendantes de l'importance de
la voie enzymatique polymorphe dans le devenir du médicament et de la forme active du médicament
(prodrogue ou parent actif).
O Les tests de pharmacogénétique concernent principalement les classes médicamenteuses suivantes :
anticancéreux, immunosuppresseurs, antidépresseurs et antipsychotiques, antalgiques, antithrombotiques.
0 Des médicaments (thiopurines, fluoropyrimidines, abacavir, éluglistat) font l'objet de recommandations
des autorités de santé en vue de l'utilisation des tests pharmacogénétiques.
401

POUR EN SAVOIR PLUS

Tableau 1 : Applications de la pharmacogénétique en thérapeutique.

Fréquence
Fréquence Médicaments
Gène métaboliseurs
métaboliseurs ou classe Conséquences
(EMM*) ultra rapides
lents (ML) thérapeutique
(MUR)
anticoagulants surdosage et risque
CYP2C9 3-5 NA
oraux (AVK) hémorragique chez ML
inefficacité chez ML
CYP2C19 1-3 20 clopidogrel
risque hémorragique chez MUR
antidépresseurs toxicité ou inefficacité
sous-dosage chez MUR ou
voriconazole surdosage et hépatotoxicité
chez ML

CYP2D6 5-7 2-5 codéine, tramadol toxicité chez MUR

éliglustat**
diminution de doses chez ML
test obligatoire
tamoxifène Inefficacité chez ML
antidépresseurs toxicité ou inefficacité

CYP3A5 89-90 NA tacrolimus sous-dosage chez MR

fluoropyrimidines
mucite, neutropénie, aplasie
DPYD 0,1-0,3 ND (5FU, capécitabine)
Cl chez ML
test obligatoire
Thiopurines
toxicité hématologique chez ML
TPMT 0,5 10 test recommandé ou inefficacité chez MUR
(RCP)
Diarrhée, neutropénie chez ML
UGT1A1 15 NA irinotécan intensification de doses Cl
chez ML

NA: non applicable; ND: données non disponibles; MR: métaboliseurs rapides; Cl: contre-indication.
EMM = enzymes du métabolisme des médicaments.
** médicament prescrit dans la maladie de Gaucher.
Autres gènes concernés hors EMM
HLA (abacavir; carbamazépine): risque d'hypersensibilité, génotypage préalable
obligatoire pour l'abacavir en Europe (recherche allèle HLA B*5701};
VKORCl (warfarine): cible pharmacologique des AVK (hypersensibilité ou résistance).
Site web consultable: https:/lwww.pharmgkb.org/(données bibliographiques et
recommandations).

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