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I. INTRODUCTION
Il est question de réfléchir sur la création, qui est la deuxième paire de manche de notre cours.
Particulièrement ce présent travail s’articule sur Dieu, créateur et nous y retrouvons une ouverture sur
Dieu-mère.
Le travail se structure en deux grandes parties. En ce qui est de la création, nous allons le
développer sur les trois points suivants :
 Qu’en est-il de la création ?
 Le déroulement de la création
 La création par la parole
La seconde partie porte sur l’ouverture faites autour du sujet « Dieu-Mère ? », il est question sur
ce point d’une réflexion mené sur la description de Dieu au féminin puisqu’étant toujours présenté au
masculin.
II. DEVELOPPEMENT

1. La création

Qu’en est-il de la création ?


La création est à la fois un mystère de la foi et une vérité accessible à la raison. Elle est la
réponse aux interrogations fondamentales de l’homme sur son origine et sur sa fin. La notion de
création a lentement mûri dans le judaïsme et le christianisme. Ce n'est qu'au IIe siècle qu'apparaît
dans le christianisme l'idée de création ex nihilo.

En effet, dans le judaïsme de second Temple, il n'y a pas de spéculation particulière sur la
création. L'Ancien Testament ne connaît pas la notion de création à partir de rien. Dans la Genèse il
affirme que Dieu a créé le ciel et la terre, c'est-à-dire que Dieu a tout créé. La suite du récit de la
Genèse explicite cette affirmation en montrant la production et l'organisation du monde à partir d'un
chaos primordial.1

La croyance en une origine divine du monde n'est pas propre à Israël, Les peuples de
l'Antiquité ont élaboré de nombreux mythes de création qui permettent de se situer face aux puissances
de la nature et de donner sens à l'existence. Généralement le monde et l'humanité y sont présentés
comme étant engendrés par les divinités elles-mêmes, souvent à partir de combats sanglants entre
elles. Par exemple pour les Babyloniens, le monde est issu du Dieu Mardouk qui coupe en deux le
corps (comme celui d’un poisson) de Tiamat, divinité de la Mer, généralement représentée comme un
monstre (serpent) marin, à partir duquel il façonne le Ciel et la Terre. Les êtres humains, eux sont
formés à partir du sang d'un dieu coupable et ont pour rôle le soulagement des dieux dans leurs tâches
pénibles. Des éléments du monde ou des forces de la nature sont divinisés, par exemple la Mer, la
Terre, les astres, le Soleil, certains animaux, etc.2

1
Fantino J., L’origine de la création ex nihilo, p. 589
2
Benz R., Le récit de la création de Genèse 1, p.2
2

Si Genèse 1 présente la création dans une perspective globale du monde, celui de Genèse 2-3
(récit plus ancien) le fait à partir de l'être humain et de ses relations avec son environnement. Genèse 1
pose la question de l'origine et certaines des grandes questions de l'existence humaine en termes
généraux sans le préalable d'une tradition religieuse quelconque. Il fait partie d'un ensemble littéraire
qui s'étend jusqu'au chapitre 11 de la Genèse.

Le texte de Genèse aurait été écrit par des prêtres juifs au 6ème siècle avant JC selon que le
soutien Roland Benz dans son article sur le récit de la création Genèse 1. L’époque rédactionnelle est fort
troublée pour le peuple d'Israël dont une grande partie est déportée en Babylonie. Le pays, la royauté,
le Temple, la pratique du culte et de la loi, tout ce qui faisait la richesse et la fierté d'Israël est anéanti.
Sous le choc de cet exil qui laisse l'impression amère et forte que Yahvé, le Dieu d'Israël, a abandonné
son peuple, des prophètes et des prêtres se lèvent pour lui redonner espérance. Face à la puissance
de Babylone et à ses divinités, apparemment triomphantes, ils affirment que leur Dieu est au-dessus de
celles-ci et qu’il a créé toutes choses. Le récit de Genèse 1 entre en polémique à l’égard des mythes
babyloniens.

Ce qui est original, c'est la façon de l'exprimer. Les historiens des religions reconnaissent que le
récit de la Genèse a été un texte révolutionnaire face aux mythes de création dans la mesure où il
présente une création totalement dédivinisée. Ainsi pour la Bible, Dieu est l'auteur de toutes choses,
comme en dehors de sa création; face à lui les dieux babyloniens ne sont que des constructions
humaines, des idoles branlantes, dont le prophète Esaïe se rit (voir Esaïe 44.13-19). Contrairement à ce
qui se passe dans les récits d'origine des autres peuples, Israël ne prétend pas avoir été engendré
directement par la divinité. Mais, il est considéré comme choisi parmi les nations par Dieu, sans aucun
mérite de sa part, en vue d'une mission : être signe de Dieu qui veut la justice et le respect de l'être
humain. Ainsi, le peuple d'Israël connaît son Dieu à travers une histoire mouvementée et singulière :
Dieu le libère de l’oppression de l’Egypte et fait alliance avec lui. C'est à la lumière de la libération (le
récit de la traversée salvatrice de la mer dans Exode 14 évoque par certains mots le récit de Genèse 1)
qu'Israël saisit que son Dieu est aussi le Créateur de toutes choses, dans une perspective foncièrement
positive.
Ainsi l'œuvre créatrice de Dieu est dépeinte dans le cadre de la semaine de sept jours que
vivent les Israélites : six jours de travail et un jour de repos. Les Israélites exilés n’ont plus de terre, plus
de lieu de culte, le temple de Jérusalem, il ne reste plus que le temps. Dès lors, le sabbat, jour de
célébration du Seigneur, prend toute son importance.
La semaine de création n’a pas le caractère d’une durée ; c’est une semaine symbolique du
travail de Dieu et de son repos, exemplaire pour la vie de l’Humain.
Déroulement de la création
Pour ce premier récit de la création. Le déroulement chronologique se fait en deux temps, tout
d’abord la formation des espaces par mode de séparation (jours 1 à 3) qui sont ensuite peuplés (jours 4
à 6). Un parallélisme apparaît entre les 3 premiers jours et les 3 suivants. Ainsi, on peut diviser le récit
en deux triades, l'une répondant au tohu (l'informe) et l'autre au "bohu" (le vide) du prologue, et faire le
tableau suivant:
3

Formation des espaces Peuplement des espaces


La terre était tohu (=informe) La terre était bohu (=vide)
Dieu sépara les espaces ou contenants Dieu créa les habitants des espaces

1. la lumière 4. les luminaires


2. délimitation de la mer 5. les poissons
3. monstres marins du "ciel" (firmament) 6. les animaux terrestres
La terre la végétation
les oiseaux l’homme et la femme
Source : Roland Benz. Le récit de la création Genèse 1, 2009.

Commentaires
La lumière est la première œuvre de Dieu. Les astres n'en sont pas les premiers auteurs cette
précision est pour éviter la polémique sur la divinisation du soleil. Les astres sont les habitants du
firmament (4ème jour), serviteurs et non pas origine de la lumière. La lumière n'est pas d’abord la
luminosité, mais le signe de la présence de Dieu, généralement associée à la vie, la bénédiction et la
vérité. Ici ce qui va permettre La lumière instaure une alternance « jour-nuit »: la première œuvre de
Dieu revient à créer le temps.
«Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Genèse 1, 1) : trois choses sont affirmées
dans ces premières paroles de l’Écriture : le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe
en dehors de lui. Lui seul est créateur. Le verbe créer (bara, en hébreu) ne peut avoir que Dieu pour
sujet. Il n'indique pas un mode d'action mais le fait que Dieu est auteur de l'œuvre. Il intervient à trois
reprises, ici au v.1, au v.21 pour la création des premiers êtres vivants, et au v.27, trois fois, pour la
création de l'humain.
Le tohu-bohu, c’est-à-dire le chaos, que l'on peut traduire par : tohu = informe et bohu = vide.
Les mots: abîmes, obscurité, eaux, évoquent le non créé, ce qui est antérieur et extérieur à l’action
créatrice. Le concept de néant est propre à l’Occident ; il n’a pas de sens en Orient. Mais l’idée est la
même, car « la création n’est pas présentée comme le résultat d’une série d’événements antérieurs,
mais elle est située au commencement, c’est-à-dire au point de départ de toute réalité structurée et de
tout événement significatif » (A.de Pury). Contrairement aux mythes de création orientaux, il n’y a pas
ici de préhistoire mythologique du chaos. Le projet de l’action création de Dieu est signifiée par « le vent
tournoyant de Dieu », « le frôlement du souffle/présence de Dieu » face au chaos et aux ténèbres. Ainsi
est symbolisé le fait que la création ne va pas de soi. Elle est surgissement de l’action créatrice divine
contre le chaos.3
La création par la parole
Dieu crée par sa Parole. Contrairement à ce que présentent les mythes cosmogoniques, la
création n'est pas le résultat d'une lutte cosmique mais celle d'une Parole libre et souveraine qui ne
3
Benz R., op. cit., p.3
4

demande pas d'effort. Il suffit à Dieu de parler pour que s'opèrent séparations et peuplements. « Elle
n’est pas pour autant une parole magique, mais une parole qui ordonne et fait advenir dans la durée les
choses du monde. La Parole est foncièrement de l'ordre de la relation, relation entre partenaires
distincts. Elle marque ainsi à la fois la souveraineté de Dieu, la distinction radicale entre le Créateur et
la création et la relation de dépendance de celle-ci à l'égard de Dieu » (Benz R.).
Que retenir de Dieu dans le récit de la création ?
L’argumentaire posé par André Gounelle renseigne trois aspects à retenir sur Dieu dans
l’œuvre de la création.
Tout d’abord le récit de la création démontre le dynamisme de Dieu. Cette vision de chose est
partagée par John Cobb. La doctrine biblique de la création nous dit que Dieu veut que le monde
change et qu’il à sa transformation. Il s’efforce de le faire bouger et de susciter du nouveau. Il veut que
soit ce qui n’est pas encore.
Calvin a fortement souligné que la doctrine de la création s’oppose à l’idée d’un Dieu oisif,
inoccupé, paresseux ou fainéant (au sens originel : qui ne fait rien). Le réformateur s’en prend, par
exemple, à ceux qui disaient que Dieu a travaillé les six premiers jours, et qu’ensuite il se repose, ou
bien qu’après avoir fabriqué le monde il s’en occupe plus.
Ensuite le récit de la création présente la convivialité de Dieu. Cette thèse est appuyé par Karl
Barth qui affirme que : « Dieu n’existe pas pour lui-même… Dieu ne veut pas être seul, il appelle le
monde à une existence indépendante, de telle sorte que nous existons comme des êtres distincts à
coté et en dehors de lui » et de rajouter que « Dieu qui n’a nul besoin de nous, a créé le ciel et la terre,
m’a créé moi-même sans que j’en soi digne, par sa pure bonté et miséricorde paternelle ».
Enfin on retrouve également dans le récit de la création la sagesse et la puissance de Dieu.
Pour Emil Brunner cité par Gounelle une des affirmations dans le texte de la création est que la création
témoigne de la sagesse et de la puissance de Dieu. De sa sagesse par ce que le monde est bien fait,
de sa puissance à cause de sa grandeur et de sa complexité. A Calvin de renchérir en disant que : « ce
qui montre la puissance de Dieu, c’est qu’il a créé par la parole ; il lui suffit de dire pour que les choses
soient ».4

2. Dieu-Mère?

Les traditions judéo-chrétiennes conçoivent Dieu comme un père. Et en ce sens nous


comprenons qu’il est le géniteur car tout a été créé par lui. Cependant la symbolique liée à ce mot est
infiniment large: consolateur, autorité familiale, protecteur.
Dans le monde germanophone, le développement de l’exégèse féministe en différents types de
recherches en genre dans les études bibliques peut être reconstruit à partir de l’exemple du texte
d’osée 11.1-11, un texte central pour la théologie biblique, mais difficile d’un point de vue linguistique. 5

4
Gounelle A., Note de cours
5
Wacker M-T., Dieu-Père, Dieu-Mère et au délà, p. 172
5

Cette vision de chose selon les exégètes germanophone, nous le considérons comme une
autre qualité de Dieu, en effet Dieu-créateur, pensons qu’il est allé au-delà de la création en recréant
l’humanité et l’Apôtre Paul le dit si bien : « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils
sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus Christ »
(Romains 3,23-24). Donc Dieu n’est simplement pas le Tout Puissant créateur, concepteur, géniteur
mais aussi celui qui prend soin de sa création, en se donnant avec un grand Amour, se dépouillant,
acceptant la douleur et même la mort à l’image de la femme qui enfante dans la douleur.
L’amour de Dieu peut donc être décrit au féminin. On a souvent fait remarquer que le mot
hébreu signifiant la miséricorde (rahamim) dérivait de la même racine (r-h-m) que le mot rehem qui
signifie le sein maternel. Or, dans l’Écriture, Dieu a le privilège exclusif d’être le rahum, le
miséricordieux : celui dont les entrailles s’émeuvent pour son enfant tellement préféré : Ephraïm, pour
qui déborde sa tendresse (Jr 31,20).6
Depuis le IVe siècle, le christianisme a recours aux trois figures de la trinité: Père, Fils et Saint-
Esprit. Des descriptions limitées, mais qui ont pour but d’essayer d’expliciter qui est Dieu avec des mots
humains, des représentations d’autant plus limitées qu’elles sont essentiellement masculines.
Cependant avec l’approche féministe soulevée, elle ressort le travail du Saint-Esprit comme une mère,
qui console, assiste et est au côté de croyant.
Aujourd’hui, on peut concevoir le père comme tendre. Mais jusqu’à récemment, la figure
paternelle, c’était l’autorité, le chef de famille, le pouvoir, parfois la violence. Dans l’Antiquité, le chef de
famille avait pouvoir de vie et de mort sur les membres de sa famille! C’est difficile de cantonner Dieu à
ce rôle. Il est aussi tendre, doux et il s’abaisse jusqu’à s’incarner dans un milieu social défavorisé.
Qui se tient tout près pour rassurer et guider? Qui trouve toujours, même en plein désert, de
quoi nourrir et désaltérer? Qui raccommode les vêtements et panse les plaies ? Qui sinon la mère ?
Oui, il est légitime et fécond d’utiliser le registre maternel et féminin pour décrire l’amour de notre Dieu
pour ses enfants que nous sommes : « une femme oublie t’elle l’enfant qu’elle allaite ? N’a-t-elle pas
pitié du fruit de ses entrailles ? Quand elle oublierait, Moi je ne t’oublierai point ». Esaïe 49.15

6
Wacker M-T., op.cit p. 183
6

III. CONCLUSION

Ainsi, de ce qui précède, pour clore cette réflexion sur la création, nous retenons ce qui suit :

1. Les mythes sur la création sont l’apanage de plusieurs civilisations ;


2. Dans la tradition judéo-chrétienne il est admis le récit de Genèse comme origine de toutes
civilisations ;
3. La création est une œuvre divine dans toute sa globalité ;
4. Dieu-mère est une considération autre de la conception antique sur Dieu, au regard de ses
attributions (Amour, compassion, protection etc.)
« La doctrine chrétienne sur la création ne s’intéresse pas essentiellement à la naissance de
l’univers. Elle n’entend pas nous renvoyer à un événement initial, originel, qui a lieu dans des temps
immémoriaux. Elle ne relève pas de l’archéologie, mais de l’actualité. Dans cette doctrine, il s’agit de ce
qui se passe à chaque instant dans notre vie et dans le monde. Elle nous parle de l’action présente de
Dieu et de notre relation actuelle avec lui, de son lien avec l’univers. Elle nous dit ce que Dieu est pour
nous, ce que nous sommes pour lui, ce qu’il représente pour le monde, et ce que le monde signifie pour
lui. La création ne relate pas une histoire ancienne, elle dit ce que nous vivons aujourd’hui ; elle ne parle
pas de ce que Dieu a fait autrefois, elle enseigne ce qu’il fait maintenant ; elle ne raconte une genèse
ou une naissance ; elle décrit une structure ». (Gounelle A.)
7

BIBLIOGRAPHIE

1. Benz R., Le récit de la création Genèse 1. In « aux origines de monde » des éditions Enbiro.
Lausanne, 2009

2. Fantino J., L’origine de la création ex nihilo. In Revue des sciences philosophiques et


théologiques, Vrin, 1996, p.589-601

3. Gounelle A., note de cours sur la théologie du process et création, 1990

4. Gounelle A., Le récit de la Création, Académie des sciences et des lettres de Montpellier, 2023

5. Wacker M-T., Dieu-Père, Dieu-Mère et au-delà. In Revue théologique de Louvain, 48, 2017, p.
172-194

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