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KIRO CONGO
LA SECTION BAKAYUKI
BUREAU NATIONAL
e-mail : kirocongo@yahoo.fr
I. L’ I N C O R P O R A T I O N NOTES
A. Introduction
- Les parents de Jacques, dans leur enfance étaient aussi dans un mouvement
de jeunesse qui leur plaisait bien...
C ‘est pour cela qu’ils acceptent que leur enfant soit Kiro.
2. La situation présente
- Dans la famille : il voit d’abord ses parents, ses oncles, ses tantes, ses
cousins et cousines... Dans ce milieu, il est considéré comme un vrai gamin;
sa présence est presque insignifiante, il n’a rien à décider,, tout vient de
ses parents, il est étouffé par ses parents, ce sont eux qui règnent.
- A l’école : encore un calvaire, le maître : c’est lui qui commande, c’est lui qui
impose le silence, grâce aux coups de fouet. Jacques a sa place sur son
banc, n’a absolument rien à dire, il n’est qu’un simple numéro anonyme.
- Le Kiro : souffrir une troisième fois ?
NOTES Et là commence la politique du MOI. Les autres, c’est l’enfer; ils n’y sont
que pour sa satisfaction. C’est pour cela que l’on qualifie ce petit d’égocentrique.
B. L’incorporation
1. Le rôle du dirigeant
Jésus est avec les petits. Il les aime. Les tambours peuvent vivre dans sa
présence, sous sa garde, et ils l’aiment beaucoup. L’accent sera mis sur la JOIE.
La présence de Jésus doit être considérée comme la présence eucharistique
surtout. Montrons à l’enfant cet amour particulier de Dieu à son égard à travers
les événements heureux qui lui arrivent, à propos de ses joies, en famille et en
classe, et surtout en l’entourant nous-mêmes d’un amour véritable, à l’image
de l’amour que Dieu lui porte.
Ainsi le respect de l’enfant pour Dieu se mêlera d’une certaine tendresse. Des
expressions comme «Mon Dieu», «Mon Jésus» jailliront peut-être de son cœur,
avec des marques extérieurs de tendresse. Si le petit a une très haute idée de
Dieu, il sera d’autant plus profondément touché d’apprendre que le Seigneur
se penche sur lui avec bonté, qu’il le regarde avec amitié et s’intéresse à
toutes ses actions.
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Mais quel était cet objet magique. L’autre arrêta ses moulinets, rejoignit
Plus l’enfant sera impressionné par la grandeur de Dieu, plus il sera sensible
son compagnon qui lui donna une tape vigoureuse dans le dos. Ils comprirent un
aux marques de son amour.
bout de phrase...» gruaum...» Il imita le cri rauque du lion... «Le Kyondo». Le reste
se perdit dans un rire sinistre.
La préparation à la promesse, au Kiro on appelle pour les petits :
Après ils continuèrent à bavarder, attisaient leur feu, et regardaient de temps
«Voyage vers le village heureux ». Ce voyage ouvre le petit à l’horizon complet
à autre la lune, en échangeant des réflexions.
de l’esprit de la section à condition que cette préparation soit prise au sérieux
Pendant tout ce temps, ils n’avaient rien mangé. Kalala, le capita des pistiers,
et ne soit pas improvisée.
était au moins certain d’une chose : il n’y avait que ces deux-là, et on attendait les
Au moment où le petit entre dans le noyau, il communiera plus fréquemment
autres, retournant, chargés de butin de leur tantième expédition criminelle.
et il commencera à dire les 3 «Je vous salue» le matin et le soir.
Il ne dit qu’un seul mot, tout bas ; «Rentrons». Ils retournèrent sur leur pas
et à quelque distance des camarades assemblés, Kalala imita le cri de l’engoulevent:
C’est à travers les membres du Noyau que l’esprit de la section et de
«Kourrrï... Kou..Kou...rrri».
la promesse restera vivant dans la section durant toute l’année.
C’était le mot de passe convenu. Tous se glissaient autour de lui et il fit son
Une mise en pratique du M.O et du P.A sera renforcée. La charte Kiro et
rapport. Les conclusions étaient les mêmes que celles du commandant. Rapidement,
la «loi du petit» (Je suis Tambour du Grand Chef. Pour cela, je suis Fraternel,
il donna ses ordres.
Vaillant et toujours Gai) ne sont autre chose que des résumés de tous les M.O
Au matin, la bande de Bongo rejoindrai sa cachette provisoire. Elle était peut-
de l’année.
être déjà en route. Il n’y avait pas une seconde à perdre donc. Par où rentreraient-ils ?
On n’en savait rien. Heureusement, il n’y avait que deux voies d’accès à leur repaire.
3. La fonction du Noyau
Le commandant tripla le peloton qui était déjà de garde des deux côtés. Avec
le reste de ses hommes, il traçait un cordon autour de la chute, un filet d’où personne
- La formation de jeunes apôtres aux Points d’Action (P.A.).
n’échapperait vivant. Ordre à tous de se cacher, de devenir invisible, même en
C’est à partir de ce moment que commence la formation de futurs dirigeants,
plein jour, et de ne pas bouger avant le signal convenu : le son d’un tam-tam qu’ils
non seulement pour le Kiro comme on le pense trop souvent, mais aussi pour
avaient apporté.
la vie chrétienne dans la société adulte.
Même si la bande passait : elle devait passer par la brèche de la cuvette, et
le reste ferait l’affaire d’un quart d’heure.
- Cette fonction deviendra plus claire quand on parlera du fonctionnement
Chacun rejoignit sa place indiquée et se camoufla. Il avait fait signe à Kalala,
des équipes. La direction d’une section devient plus légère si le petit groupe
le capita-pistier et à Tshilobo de rester auprès de lui.
d’élites, moteur de la section, se met à créer l’esprit et aide à l’organisation.
Dès que tous étaient partis, rejoindre leur poste, il dit à voix basse à Kalala:
«Retourne au village après avoir mangé un morceau.
4. L’aspect particulier du Noyau chez les petits
Tu sais ce qui nous attend peut-être et ce que tu as à faire. Mais, notre Chef
doit être informé à tout prix, et je compte sur toi».
C’est un groupe plus restreint de bons amis appelés à une vie plus
Kalala se sentit très honoré et sembla réfléchir. Il regardait furtivement
intense ; tout de même, cela ne doit jamais devenir un groupe d’élus du dirigeant,
Tshilobo, baissa un instant les yeux, puis fixa le commandant tout en ne disant rien. Le
groupe régnant en maître au-dessus des autres, mais un petit groupe d’amis
commandant avait compris ce qu’il voulait et lui dit : «Ecoute Kalala, deux chasseurs
pour les autres.
font plus de bruit qu’un chasseur solitaire ; il est plus vigilant, plus dangereux, parce
qu’il ne peut compter que sur lui-même.
N’oublions pas qu’il ne faut pas trop parIer aux petits, leur compréhension
Il faut que tu ailles seul, ce jeune garçon n’a aucune expérience ; et il
est limitée ; on essaye donc de former des convictions par des moyens intuitifs,
commettra des bêtises. Il a encore un tas de choses à apprendre. Voici une excellente
sans trop de paroles.
occasion de lui donner des leçons qu’il n’oubliera jamais. Vous serez le meilleur des
instructeurs et lui le meilleur des élèves. Dépêchez-vous maintenant et partez, le
Ce qu’il faut dire se fait dans un langage simple, le langage familial (par
chemin de retour sera plus long à cause des détours et de dangers possibles. Mais,
ex. dans le dialecte même des enfants). Ainsi on évite l’atmosphère d’une école.
aucune imprudence: la chose la plus importante est d’arriver à Wakayuki.
Grâce à une vie de famille, le noyau créera des habitudes de vie.
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Les hommes attendaient. Serait-ce pour cette nuit ? Ou pour demain ? Aucun geste
5. La réunion de Noyau
trahissait la nervosité ou la peur. Plus que jamais, ils se sentaient forts grâce à leur
fraternité totale et la certitude que tous se battraient pour défendre chacun.
- Celle-ci nécessite une préparation sérieuse. Une mauvaise préparation
implique un mauvais noyau, une mauvaise section. Cette préparation pourra
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
être un jeu, le nettoyage du local, une visite au Saint Sacrement, donc, une
Sixième Partie
activité commune avec le dirigeant qui est aussi membre du noyau.
- On peut indiquer aussi une préparation lointaine, par exemple : pendant
Les pistiers avaient grimpé la colline qui surplomba la chute de la Lufibongo.
les heures qui précèdent la réunion du noyau, chaque membre, donc aussi le
La rivière était petite, mais la chute était d’une hauteur impressionnante. En bas,
dirigeant rendra un service non demandé en famille. C’est la préparation active
il y avait une cuvette entourée de rochers à pic, descendant par gradins vers une
à l’esprit d’équipe du Noyau.
large brèche d’une vingtaine de mètres ; la seule issue vers la vallée ou la Lufibongo
devenue très sage, traçait un serpentin argenté au gré des différences de niveau.
a) Petit mot de formation
Ils étaient arrivés au bord du précipice.
Le bruit de la chute n’était pas assourdissant. Dégringolant de rocher en
Ce mot doit devenir un entretien, une conversation, dont le dirigeant fait
rocher, l’eau se vaporisait graduellement, excepté les maigres filets qui avaient trouvé
le résumé en conclusion. Il est à ajouter que cet entretien doit être simple ; Il
un détour. Ils y étaient venus souvent : c’étaient un endroit idéal pour s’y reposer
doit être facilité par des questions posées par le dirigeant.
quelques heures après une partie de chasse fatigante.
Mais il faut éviter d’arriver à une confrontation de deux dirigeants éventuellement
Les seuls habitants étaient les chauve-souris, qui y avaient des cachettes
présents.
innombrables. Mais maintenant, on ne s’amusait pas : on était sur les traces d’un
ennemi beaucoup plus dangereux que le lion et le léopard ; tantôt ils allaient descendre
b) Point d’Action (P.A.)
pour atteindre la brèche, et, longèrent donc avec prudence le bord du précipice.
Tous les trois s’arrêtèrent au même instant. Quelques phrases chuchotées.
C’est une conclusion normale qui découle du petit mot de formation.
«Tu sens la fumée ?» « Oui, oui !» «Ils sont là».
Pas de longues phrases : ce sont des gosses !
«Peut-être, mais ils viennent certainement d’y passer». «Avancez».
Par exemple, lorsqu’on a parlé de Dominique Savio, on peut donner ce P.A.:
Maintenant ils étaient plus prudents que jamais. Le bruit de la source était un
«Mourir, oui, Pécher jamais».
précieux atout.
Le dirigeant doit encourager chaque membre de noyau à avoir aussi
«Regarde»! En bas près, d’un petit feu allumé, sous un pas de rocher plat
un P.A. personnel. Et le rapport des P.A. personnels consistera à demander à
qui les protégeait contre les embruns de la chute, deux hommes étaient assis.
chacun ce qu’il a fait et comment il l’a fait.
Ils semblaient s’occuper de quelque chose, se tapaient parfois les cuisses et
Dans ce cinquième point concernant la réunion de Noyau, nous allons
s’esclaffaient. Puis ils continuaient. Sans doute, ils fabriquaient des pièges où
détailler la manière de faire une visite au Tabernacle.
réparaient un filet. Combien étaient-ils ? Ils attendirent plusieurs minutes. Personne
d’autre. Les trois pistiers décidèrent de faire le tour de la cuvette pour inspecter tous
La Préparation :
les endroits cachés en bas. Il était possible que les autres ronflaient quelque part
comme des anges, et que ces deux montaient la garde. Une garde ridiculement
- Préparons avec soin une visite à l’Eglise (ou à la chapelle), sans
insuffisante. Non, ils semblaient être seuls. Approchons». Plus bas, prés de la brèche,
encore parler du Tabernacle. Disons par exempte aux membres : «Nous allons
le bruit de la chute était, moins gênant. Ils étaient arrivés, couchés à plat ventre et
bientôt faire une visite au Seigneur Jésus, à l’Eglise qui est sa Maison.
écarquillant les yeux. Maintenant on entendait le bruit de la conversation, mais sans
Marie-Madeleine, quand elle a été près de Jésus ressuscité, s’est jetée à ses
pouvoir la comprendre.
pieds. Les anges, eux, devant le Seigneur Jésus au Ciel se tiennent très bien
Un des hommes se leva, s’éloigna de quelques pas, déroula une corde. ll se
et le saluent avec un grand respect. (Apocalypse 7, 9-12).
mit alors à faire vigoureusement des moulinets avec le bras droit. Les trois pistiers
A l’Eglise, nous nous tiendrons en silence, nous marcherons lentement vers la
tressaillaient : ils entendaient le hurlement du lion qui attend. A s’y méprendre !
Table du Seigneur Jésus ; lorsque nous serons devant sa table, nous ferons un
Chasseurs routinés, ils savaient imiter à la perfection certains cris d’animaux et
grand ‘salut au Seigneur Jésus’ et nous resterons ainsi sans bouger». «Nous
d’oiseaux, se servant d’objets fabriqués de petits riens.
allons préparer notre corps pour qu’il sache bien marcher, bien se tenir et bien
saluer le Seigneur Jésus».
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Dans le groupe, il y avait un ou deux pages de chacun des petits villages où
Ranger les membres en silence, leur faire joindre les mains, leur
l’on passerait : leur aide pouvait être précieuse, et voyant les leurs dans les groupes,
apprendre à marcher en procession, à faire le signe de la croix à l’entrée de
les gens n’auraient plus peur et aideraient.
l’Eglise, à saluer, à rester inclinés les yeux baissés. Il est préférable pour les
Tshilobo et Nyembo avaient été élus : on était un peu jaloux de cette faveur.
premières visites de ne pas faire de génuflexion, geste compliqué pour les petits.
Avant le départ, Tshilobo avait prévenu son ami : «Nyembo, si tu as peur comme
cette nuit-là, je demanderai de te remplacer. Il me sera facile de trouver un prétexte».
- La visite
Nyembo avait supplié son ami de ne rien dire, il se sentait prêt à tout. On se
mit immédiatement en route. Il était à peu près quatre heures de l‘après-midi. A la
- Lorsque tous les membres en uniforme impeccable seront prêts, on
file indienne, chacun portant ses armes et la nourriture pour deux jours.
fera cette visite, en gardant le silence à partir de la porte de l’Eglise et sans rien
Tout le monde savait que cela pouvait durer plus longtemps, mais le gibier
ajouter à ces rites. Arrivés près du banc de communion, les membres feront
était abondant et les sources nombreuses.
un grand salut prolongé, les yeux baissés ; puis on se retirera en silence, avec
Le commandant avait donné des ordres sévères : défense de parler à haute
le même respect et le même calme qu’à l’entrée.
voix et avancer à bonne allure : les trois meilleurs pistiers de la colonne précédaient
Tout au plus, si les enfants étaient distraits par le cadre, le dirigeant pourrait
la colonne d’une centaine de mètres. On connaissait les signes conventionnels.
leur dire, après un instant de silence et sur un ton très bas et recueilli : «Le
Dès que l’un d’eux levait la main par exemple, toute la troupe devait s’arrêter, et un
Seigneur Jésus est là, saluons-le», en désignant d’un geste discret des deux
des hommes retournait en arrière pour communiquer un renseignement de valeur.
mains la direction du Tabernacle.
On passerait la nuit à la chute de la Lufibongo : elle était entourée de rochers
et il y avait de l’eau en abondance.
Ainsi la présence de Jésus se trouvera associée dans l’esprit de l’enfant,
On marchait depuis des heures. Trois fois on s’était déjà arrêté au signal
d’abord à l’image de toute l’Eglise, puis à celle de l’autel avec son Tabernacle,
convenu. Les pistiers avaient ramassé deux carottes de maïs et un lambeau d’étoffe
recouvert du canope, son crucifix et la lampe : ils sont tous des signes indirects
flottant sur une branche épineuse qui barrait le sentier : la direction était bonne.
de la présence eucharistique, signes dont l’Eglise dans sa prudence, a jugé
Voilà Lufibongo : on était contents. La faim commençait à se faire sentir, on
bon de l’entourer.
s’y baignerait, on y prendrait un repas substantiel, le commandant déciderait après
ce qu’on ferait : y passer une partie de la nuit ou continuer la poursuite.
N’est-il pas sage de faire passer l’enfant par ces signes de foi, si l’on veut qu’il
L’obscurité était presque totale, mais bientôt la lune se lèverait.
ait de cette présence, non une image mesquine et trop matérialiste, mais une
Encore un petit détour pour éviter quelques gros rochers éparpillés ça et
représentation imprégnée de grandeur de spiritualité et de mystère?
là, puis le sentier les conduisait tout droit au but. Juste devant ces rochers, le
commandant arrêta sa troupe et claqua de la langue pour rappeler ses pistiers.
Pour que l’enfant ne confonde pas la présence eucharistique avec
Ils iraient d’abord reconnaître l’endroit.
celle du crucifix, le dirigeant pourra, après une visite, faire remarquer à ces
Bongo aussi savait où se trouvait Lufibongo. Aucune précaution ne pouvait être
membres qu’on met un crucifix sur l’autel pour rappeler que ce n’est pas une
négligée. Six hommes retournèrent sur leurs pas et couvriraient l’approche de la
table ordinaire, mais la «Table du Seigneur Jésus».
troupe. Six autres reçurent l’ordre d’aller barrer le sentier qui partait de l’enclave.
On faisait un long détour.
Les questions de l’enfant :
Par un signe de la main, le commandant donna l’ordre aux autres de s’arrêter.
Aucun bruit, pas de feu, défense de fumer et de se déplacer sans nécessité. Et pour
- Cette présentation de Jésus au Tabernacle, toute simple mais pleine
tous, excepté pour les trois pistiers, défense sévère de se coucher ou de se grouper
de respect, comportera sans doute pour les membres plus de grandeur que
dans l’herbe près du sentier. Cela laisse toujours des traces. Se cacher à gauche et
toutes les explications. Si au retour d’une visite un membre dit : «Je n’ai pas vu
à droite, à distance et rester constamment sur ses gardes.
Jésus», le dirigeant devra lui répondre avec simplicité «Moi non plus» ; mais
Les pistiers partirent, vigilants et avançant silencieusement comme un serpent qui
il ajoutera aussitôt avec une joie religieuse continue: «Mais, lui, il nous a vus :
guette sa proie. Voici la lune, chère compagne de la nuit.
la petite lampe était allumée, et il y avait une belle étoffe devant le Tabernacle,
ce qui veut dire que le Seigneur Jésus était là».
N’oublions pas que le petit Jacques a été seulement «enfant de famille» sans
obligation aucune. Il n’a que des droits, sans avoir des devoirs : on est donc
au premier début de l’éducation de la personnalité.
L’importance du dirigeant
Lui apprendre :
- des habitudes
- l’exercice d’une certaine indépendance.
On doit lui faire comprendre qu’on ne doit pas seulement s’intéresser à lui,
mais qu’il doit s’intéresser aux autres.
- Avant de transmettre toutes ces bonnes qualités au petit Jacques, le dirigeant
lui-même doit être modèle.
Si nous voulons que le jeu chez les petits soit éducatif, nous devons
l’arranger de sorte que les petits eux-mêmes puissent «construire» leur jeu :
leur jeu doit être créatif et permettre de «créer» par l’imagination.
Laisser faire ne suffit pas : il faut les éduquer à «inventer» pendant le
jeu. Regardons une fois les petits jouer à la cité, c’est sans dirigeants.
Quelle fantaisie ! Ils inventent eux-mêmes des jeux aux règles très simples: des
situations qui n’existent que dans leur imagination : celui-ci est policier, l’autre
lieutenant, général même ; une caisse vide, un carton, et tantôt un char, tantôt,
un avion, un coin du bois où ils ont tressé quelques tiges et un «camp fort» de
rebelles, un arbre renversé est un pont qu’on défend ; toucher quelqu’un par le
doigt, c’est le tuer, mais lorsqu’on lui passe une petite carte, il est ressuscité.
La tâche du dirigeant sera donc de stimuler cette fantaisie ; il doit faire
remarquer certaines contradictions et impossibilités. Chaque jeu doit laisser
de la place à l’imagination créative. Le noyau y sera le stimulant.
1. Le jeu créatif
Notes :
Par exemple.
• plier des figures avec des vieux journaux.
• façonner des images avec de l’argile.
• collectionner par équipe des fleurs, des insectes, des papillons.
Un jour pareil, tout se met dans une même atmosphère : les jeux, les cris, les
chants, les danses.
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On était pleinement heureux. Cette année, vers le temps de la récolte, les
Cela pourrait être une journée:
forces du mal commencèrent à gâcher ce bonheur. Tshilobo et Nyembo résidaient
- Eucharistique
depuis à peu prés un an au village, leurs petits camarades venaient d’entrer en
- Mariale,
service, et grâce à eux, l’attitude des villages environnants était moins hostile.
- de la Nature, de la Guerre,
Mais la bande de Bongo n’avait pas été désarmée : la haine survit longtemps
- de la Danse, de la Joie.
dans le cœur d’un homme rancunier. Ils auraient pu racheter leur trahison : aucun
des rebelles prisonniers n’avait été condamné à mort. Les plus coupables avaient
2. L’importance du dirigeant
simplement dû quitter le village ; la vie misérable qu’ils étaient obligés à mener était
parfois pire que la mort.
- Evites des critiques négatives ; ne sois jamais ironique.
Les autres ne furent point chassés, mais avaient été obligés de prouver que
- Le dirigeant ne doit pas tout faire à la place des enfants; lorsque par exemple
leur repentir était sincère en se chargeant de corvées supplémentaires et ingrates
les enfants trouvent eux-mêmes leurs fautes, ils sont créatifs.
pendant un temps plus ou moins long. Bongo sentit que l’attitude des villages
- Le dirigeant doit lui-même vivre la mentalité de ses petits ! C’est cela aimer !
environnants avait changé graduellement ; on lui fit comprendre qu’on préférait ne
- Le dirigeant est toujours avec eux, et s’occupe à tout instant d’eux comme
plus le voir, ni lui, ni personne de sa bande. Cela ne fit qu’attiser sa haine. Avec sa
animateur.
bande, il s’enfonça encore plus loin dans la brousse et bientôt, il devint une menace
constante pour les environs, et ne recula devant aucun méfait pour survivre, même
Nous allons terminer cet ouvrage par un portrait du petit JACQUES.
pas devant l’assassinat.
D’abord on ne s’en rendit pas compte. L’émotion était toujours grande ; on prit
1. C’EST LE PETIT ROI D’UN MONDE QUE SON IMAGINATION
un certain temps des mesures de prudence et de protection supplémentaire; certains
CONSTRUIT
méfaits ou accidents semblaient inévitables : un vieux lion qui ne parvenait plus à
se nourrir et rôdait autour des villages pour surprendre pendant la nuit un habitant
L’impression éprouvée par l’enfant d’exercer un pouvoir sur les choses lorsqu’il
beaucoup moins agile q’une antilope ; un léopard qui s’acharnait à dévaster les
en connaît les noms est jusqu’à un certain point fondée dans la réalité, mais elle
poulaillers, une bande de singes qui ravageait en une seule nuit un beau champ de
est surtout une illusion de son imagination. A cet âge, l’imagination joue un rôle
maïs dont la récolte était presque mûre ; très rarement un voleur qui ne recommençait
très important dans sa conquête du monde qui l’entoure et dans l’affirmation
jamais s’il était pris en flagrant délit : les peines étaient extrêmement sévères et les
de lui-même.
voleurs étaient donc très rares...
Les derniers temps, les léopards semblaient s’être multipliés d’une façon
2. C’EST UN ENFANT DONT LA PENSEE REVET DE VERITE ABSOLUE
inaccoutumée : presque chaque nuit, on entendait leurs rugissements à proximité
TOUT CE QU’ELLE RENCONTRE
d’un village ; tout le monde se barricadait pendant la nuit.
Le matin, un groupe d’habitants armés ratissa la brousse autour du village,
Cette crédulité porte la marque d’un esprit fait pour la vérité et pour l’absolu.
et ne put que constater qu’une partie de leur récolte avait disparu. On retrouva les
L’enfant à cet âge a besoin de croire que tout est vrai. Il pense et affirme tout
traces de deux ou trois léopards. Certains chasseurs expérimentés firent remarquer
de manière absolue. Tout lui est une occasion de se dire intérieurement et de
que les singes n’arrachaient pas les carottes de maïs de cette façon.
proclamer au dehors: «c’est vrai. Je le crois».
Quand ils passaient, ils arrachaient cinq carottes et n’emportaient rien.
Maintenant, tout avait disparu... Mystère...
3. C’EST UN ENFANT ANIME DU DESIR DE GRANDIR
A Wakayuki, rien d’extraordinaire n’était arrivé, mais on savait tout ce qui se
C’est un petit personnage convaincu de son importance : il se revêt de dignité,
passait aux environs.
se prend au sérieux et fait déjà preuve d’amour propre. Il se complaît en lui-
Les pages admis au service du Chef n’avaient plus tellement envie de
même, paraît s’admirer et se comporte comme étant le centre du monde.
retourner au village : tout le monde y vivait sous la menace perpétuelle d’un ennemi
mystérieux : on avait peur.
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Chaque fois, après un crime ou méfait, ils disparurent sans laisser de traces. Un
4. C’EST UN ENFANT QUI IMITE LES GANDES PERSONNES
seul but semblait les pousser : la vengeance. Il en fut ainsi pendant des années.
Dans son désir de grandir, il cherche auprès des plus grands un modèle à
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
imiter. L’adulte représente pour lui le but vers lequel il oriente secrètement
son désir de grandir.
QUATRIÈME PARTIE
5. C’EST UN ENFANT QUI A BESOIN D’AFFECTION
L’agitation au village... La panique
Une insuffisance ou un excès d’affection à cet âge, laissent des traces pour
Ce matin-là, branle-bas dans le village ; tout le monde va à la pêche au marigot
la vie. Bien de troubles affectifs dans la vie d’adulte ont leur origine dans des
situé à proximité du village. Les eaux sont basses et le poisson y grouille. Les femmes
expériences qui datent de cette période de la vie.
y descendent en file, portant leurs calebasses sur la tête.
Les mamans ont amené leurs bébés, les portant sur le dos dans un pagne. Quelques-
6. C’EST UN ENFANT CAPABLE D’ACTES DE BIENVEILLANCE A L’EGARD
uns dorment du sommeil des bienheureux. Les hommes suivent, chargés d’énormes
D’AUTRUI
filets. Les tambours sont partout. Là, où ils pensent pouvoir se rendre utiles, ils
donnent volontiers un bon coup de main.
Grâce aux efforts fournis par son dirigeant, l’enfant sera conduit à mettre un peu
d’affection dans certaines de ses activités qui jusque-là n’étaient pour lui que
Arrivé au marigot, on ne perd pas son temps. Tout le monde sait ce qu’il a à faire:
des occasions à montrer sa supériorité. Des sentiments naîtront en lui à l’égard
on l’a fait des dizaines de fois. D’un côté du marigot, le moins profond, les femmes
de son entourage ; le petit s’épanouira, il ne vivra plus replié sur lui-même.
forment un barrage, chacune avec une calebasse à la main qu’elle enfonce sous l’eau.
Elles traînent une autre qui flotte à la surface attachée à la taille par une corde.
NOTE : LA GRANDE TACHE DU DIRIGEANT
En avançant côte à côte, leur chant résonne, et au signal donné, elles sortent leurs
calebasses de l’eau et crient de joie lorsqu’un poisson y est pris.
Il ne s’agit pas seulement d’appliquer les techniques que vous
Celui-ci déménage immédiatement dans la calebasse flottant derrière. Toutes
connaissez bien, mais il faut surtout PRIER pour ‘cet enfant.’. On peut alors
ensembles encore une fois, elles frappent l’eau de leurs calebasses vidées, et l’eau
espérer de bons résultats.
s’y précipite en faisant glou-glou. Il s’agit de faire le plus de bruit possible, et de
mettre le poisson en fuite. Ils filent vers l’autre extrémité du marigot... où les attend
le barrage des filets tendus par les femmes, tous dans l’eau jusqu’à la taille. On IV. L’ A L P H A B E T
travaille vite et en cadence. Chaque fois qu’on lève les filets, on ramasse un tas de A. Introduction
poissons argentés, frétillant un moment dans les mailles, mais ramassés, en un clin
d’œil dans les grosses calebasses. Il y a des années, on employait dans les villages, des signes mystérieux
De temps à autre, un cri de joie : un chanceux a attrapé un morceau de choix- gros que seulement les initiés pouvaient comprendre. Ce n’était pas une imitation
«capitaine ou «pale» délicieux ; il le montre fièrement. de lettres ordinaires, mais des hiéroglyphes. Notre alphabet tâche de trouver
On continue en espérant avoir la même chance. On pêche presque tout pour chaque lettre un objet ressemblant, employé par les habitants du village.
l’avant-midi, jusqu’à ce que la chaleur du soleil devient presque insupportable. De cette façon, ce langage fait partie de la vie des villageois et aide à créer le
La prise est bonne, et tout le monde a sa part, d’après la coutume à Wakayuki. climat dans lequel se déroule l’histoire des tambours.
«L’union en tout fait la force».
Ainsi défilèrent les mois et les saisons à Wakayuki, selon un ordre immuable. B. Utilisation
Chaque saison amena son labeur particulier, la chasse, la pêche, les * Chaque tambour apprend à écrire son nom en employant l’alphabet
semailles, la récolte. Tout se faisait en commun, même les corvées occasionnelles : du village heureux.
les réparations après une tornade, la construction d’une maison pour les nouveaux- * Il peut être employé pour des messages donnés par certains jeux.
mariés, l’entretien général du village. Et les jours de fête n’étaient pas une grande
exception, tout le monde s’y donnait à cœur joyeux.
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Ce cri fut repris par des centaines de voix enthousiastes. D’un geste lent
et solennel, le Chef désigna les lances et les boucliers. C’était le signal de
l’attaque. Tout le monde fila comme une flèche vers sa destination en clamant
des cris de guerre. Le kyondo sonna à une allure endiablée pour encourager les
guerriers. Au premier battement de kyondo, sonnant le rassemblement, Bongo
avait compris. Il parcourût le village en hurlant comme un possédé : «Tous ceux
qui sont avec moi, à la résidence! Tuons le Chef s’il le faut !»
Mais, sa bande était comme paralysée ; on connaissait la vaillance et la valeur
des guerriers, leurs armes qu’ils savaient manier, leur discipline. Tous les
traîtres s’enfuirent n’importe où pour sauver leur peau. Quelques-uns furent
faits prisonniers et demandèrent pitié à genoux.
Mais le Chef avait donné des ordres stricts à ses guerriers, de ne tuer personne,
excepté si leur propre vie était menacée. Demain on jugerait en public les
prisonniers devant la résidence. En deux, trois heures, tout était terminé.
Le groupe de prisonniers faisait pitié à voir.
Ils furent ligotés aux mains et passèrent la nuit dehors, gardés par un peloton
de guerriers. Comme ils maudissaient Bongo qui les avait trompés et menacés,
tout en faisant un tas de belles promesses. Où était-il?
Il courait toujours comme le gibier poursuivi par le chasseur. Son groupe était
peu nombreux.
Bongo parvînt à rassembler un petit groupe, qui lui resta fidèle. Cette petite
bande d’acharnés devînt la terreur de la région pendant des années ; pillant,
tuant et causant le plus de mal possible, elle semblait insaisissable.
55 20
prétendant qu’il parlait avec trop de véhémence et qu’il avait encore beaucoup à
apprendre. Kazadi s’était tu, mais n ‘avait pas caché son dépit. Le jour suivant,
après le travail, il invita Kazadi, pour aller voir les pièges. On marcha longtemps
en parlant de petits riens, tout en s’arrêtant de temps à autres pour réparer un
piège. Tout se passait normalement quoique Kazadi avait déjà remarqué que
Bongo était un peu nerveux. Il regardait constamment à gauche et à droite,
comme s’il avait peur de quelque chose, et avait déjà trébuché deux fois. Puis,
il s’arrêta en disant: «Kazadi, reposons-nous un peu, là prés de la source. J’ai
soif et je suis un peu fatigué». Après avoir bu,, ils s’aspergèrent la tête et le
cou d’eau fraîche, se frottèrent avec le plat de la main. (fig. 6 : piège à filet).
V. P R E P A R A T I O N A LA P R O M E S S E
Troisième Partie
1. Sens
Il. La trahison : «l’infidélité»
Il s’agit d’une préparation à la découverte de la bonté divine de leur
Grand Chef, le Christ,, durant la période de l’Avent et cela dans le but d’aimer N.B. (Ce qui suit, s’était passé longtemps avant l’arrivée de Tshilobo et Nyembo
de plus en plus le Christ qui est la base de leur vie chrétienne. Cette belle et dans le village de Wakayuki)
longue préparation a pour nom : « Voyage vers le village heureux ».
Un jour, Bongo, un des notables et conseiller du Chef était occupé à
2. Résumé mettre soigneusement tout en ordre dans la salle du trône. Tout à coup, il lui
vint à la tête une idée bizarre. Il venait d’inspecter et de ranger soigneusement
(Ici les noms Nyembo et Tshilobo sont employés pour les garçons, les deux rangées de lances des gardes de corps. Il était tombé en arrêt devant
Meta et Safi pour les filles, car l’histoire est la même pour les garçons que le trône et regardait ce beau fauteuil en bois sculpté. Puis, les attributs sacrés
pour les filles). du Chef : la peau du léopard, le sceptre sur le coussin, tout cela le fascinait.
Devant le trône, reposait le grand madimba, le tambour royal. Seul le Chef
- Deux garçons de 11 ans et de 12 ans, pour la première fois, s’engagent dans pouvait ordonner de le sortir du palais.
la plus périlleuse aventure de leur existence. Battre le tambour royal était un privilège réservé à un petit nombre d’élus.
Ils s’en vont à la visite du village d’un Grand chef qui, parait-il, est largement A tous les autres, il était défendu d’y toucher. On le sortit aux grandes fêtes
bon envers tout le monde. Non sans peine, ils y arrivent malgré certaines solennelles, et le tambour de service devait attendre l’ordre du Chef avant de
circonstances (peur, pluie,...). faire entendre sa musique grave et rythmée. Bongo semblait avoir tout oublié
La Mère du Grand chef les reçoit, les soigne, les nourrit. Ils racontent brièvement autour de lui ; son idée l’avait accaparé... s’asseoir ne fût ce qu’un petit moment
leur aventure et leur but. Quand l’orage a cessé, ils se préparent à rentrer chez sur le trône du Chef, le sceptre en main...
eux. Mais la bonne femme, avant de les quitter, glisse dans le creux de leur Il avança la main, puis la retira brusquement, comme s’il avait
main un insigne représentant le Tambour du Grand chef. Grâce à cet insigne, touché du feu...
l’accès au village leur sera facile chaque fois qu’ils désireront s’y rendre. Cet Non, c’était un sacrilège... , il recula, regarda autour de lui. Non,
insigne est celui de la Promesse. personne n’avait remarqué son geste, sa conduite bizarre... Il sortit furtivement
Heureux, ils rentrent chez-eux. Un soir, autour du feu, ils révèlent leur secret comme quelqu’un qui avait mauvaise conscience. Mais il continua à ruminer
à leurs parents... Et une seconde fois ils se décident de recommencer leur son idée, ce jour là et les jours suivants. Voilà que sa femme, pour la troisième
périple vers le village heureux. Voilà déjà la Bonne Mère qui les attend au seuil fois avait dû lui dire : «Tata, est-ce que j’ai mal préparé votre nourriture ? Vous
de la porte. Bientôt, ils seront parmi les pages, les Tambours du Grand chef. n’avez presque rien mangé...» Il avait répondu par quelques paroles très peu
- Nyembo et Tshilobo sont les deux garçons qui ont voulu servir leur Grand aimables, puis s’était levé brusquement et partit sans dire un mot. La femme
chef, Jésus-Christ, durant toute leur vie. Ce qui prouve leur désir d’être parmi le suivit d’un regard soucieux, secoua la tête et pensa : «Il est malade».
les pages, les Tambours du Grand Chef. Il erra sans but précis. Des projets de plus en plus osés défilèrent dans
- Et la Bonne Mère qui les accueillis n’est autre que la Sainte Vierge Marie sa tête.
qui leur a permis de s’approcher de son Fils. Pourquoi entendre toute la journée : «faites ceci.. , faites cela...» Et
répondre : «Oui Chef», sans jamais pouvoir faire une remarque. On me traite
3. Histoire comme un petit enfant..., ou comme un esclave... Jamais une journée pour faire
exactement ce qui me plaît... ou pour ne rien faire du tout... Je suis notable,
(A raconter à toute la section et en 3 parties pour qu’elle puisse attirer l’attention je n’ai pas le droit de commander, même pas au plus jeune page... Rien que
de tous les enfants). transmettre des ordres...» Tout en creusant ses pensées, sa colère monta...,
C’était injuste qu’un seul homme pouvait imposer toutes ses caprices à tous,
et cela jusqu’à sa mort. Pourquoi pas lui ? Au conseil, on tenait compte de son
opinion : il était intelligent et savait parler. Mais seul, il ne pouvait rien. Il fallait
convaincre les autres. A commencer par Kazadi, par exemple. C’était le plus
jeune des notables, et la semaine passée, le Chef lui avait retiré la parole,
53 22
Première partie
Il y avait une fois un Grand chef, le plus grand de tout le pays. Tout
le monde avait beaucoup de respect à son égard : il était si fort et en même
temps si bon ! Il aimait son peuple et celui-ci obéissait, non pas par peur, mais
parce qu’il savait que si tout le monde obéissait à son chef, tout allait bien. Ce
bon chef habitait dans un village qui était grand, un village spécial, entièrement
construit sur une colline et cette colline était sur une île, au milieu d’un grand
fleuve. On pouvait l’apercevoir de loin : ses maisons bien soignées étaient
construites en cercle autour de la résidence du chef. Dans ce village, tous les
habitants étaient heureux : ils travaillaient pour leur chef, et tous avaient une
belle habitation, pas riche, mais bonne et tous avaient assez de nourriture et de
vêtements. Le Grand chef se promenait souvent dans le village et alors, à son
passage, tout le monde le saluait avec respect, le sourire aux lèvres ; ils ne le
craignaient pas, personne n’avait peur de lui parce qu’il était si bon, si puissant,
et tout était bien organisé dans son village, de sorte que tout le monde y vivait
heureux. Pour entrer dans ce village, il n’y avait qu’un seul moyen : passer le
pont qui joignait l’île à la rive gauche du fleuve. Dans les autres villages du
pays, tous connaissaient ce grand chef, mais peu nombreux étaient les gens
qui l’avaient déjà vu.
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
Un vieux serviteur du Grand chef leur avait raconté, qu’il était toujours
allumé devant la résidence du chef, en signe de sa présence ; ce feu était le
symbole de l’influence qui sortait du chef : influence bienfaisante dont profitaient
tous les villageois. Les vieux, les privilégiés du chef, les seuls qui étaient admis
en sa présence, étaient accroupis autour du feu en causant avec le chef. C’était
une veillée intime entre amis qui se connaissaient depuis de longues années.
Quand Tshilobo et Nyembo, du haut de la colline, regardaient très bien,
Ils pouvaient voir des silhouettes de jeunes garçons, des garçons comme eux,
qui apportaient du bois de la forêt. C’étaient les pages d’honneur qui seuls,
avaient le droit de servir le Grand chef et de s’approcher de lui, même pendant
la réunion avec les vieux.
23 52
Quel service d’honneur que de pouvoir entretenir le grand feu du chef. Est-ce qu’il peut bavarder avec les passants ? Quitter son poste pendant
Tshilobo et Nyembo voulaient eux aussi être de leur nombre et servir quelques minutes ? S’éloigner pour aller boire de l’eau pendant son temps de
ce Grand chef si bon... , mais ils n’étaient pas du village privilégié... et à la service ?»
tombée de la nuit, ils regagnaient leur case dans le petit village qu’ils habitaient «Que pensez-vous d’un page qui se présenterait pour la relève de sa
à l’orée de la grande forêt. garde en tenue débraillée ?» «On devrait le chasser honteusement». «Pendant
la nuit, y a-t-il un page de garde devant la résidence du Chef ? N’est-ce pas
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o- un ordre stupide ! Tout le monde aime notre Chef !…» Ici oui. Mais pas les
habitants des villages environnants. Nous avons entendu ce que les anciens
Chaque matin, au moment où le soleil envoyait ses rayons de derrière de notre village racontent. Et alors nous avons peur. Il y en a qui sont prêts à
la forêt, quand les gouttelettes de rosée ornaient encore les herbes, Tshilobo tuer notre Grand Chef. «Le léopard n’annonce pas sa visite».
et Nyembo s’éveillaient au bruit lourd de tambours. C’étaient les tambours du «Alors, si vous-êtes garde de la nuit,, aurez-vous peur ?. «Peut-être
Grand Chef et ceux qui les faisaient vibrer étaient les mêmes garçons qui, le Maître. Mais l’amour du Chef nous donnera des forces». Je suis satisfait de
soir entretenaient le feu... Les pages du Grand Chef ! Quelle joie chaque matin, vos réponses. Un vrai page doit être vaillant, il ne s’enfuit pas. Il fait face et
d’annoncer la nouvelle journée par le son de tambours. se prépare au combat.
Les tambours qui appellent les gens au service du chef, les tambours qui Tout cela ne s’apprend pas en quelques jours ; il faut s’entraîner, ne pas
annoncent la joie du levé du soleil, la Joie et le bonheur de vivre encore une suivre ses petites caprices, mais apprendre à obéir, à tout instant, le sourire
nouvelle journée dans ce village heureux ! aux lèvres, même le jour où vous êtes découragés ou tristes, où vous avez
envie de dire : «Laisse-moi tranquille».
Tshilobo et Nyembo désiraient eux aussi pouvoir battre ces grands Méfiez-vous de ces jours-là. Tout le monde y passe. Oui, moi aussi. C’est
tambours..., ou du moins les voir une fois de près... mais l’accès au village surtout ces jours-là que vous devez montrer votre vaillance et votre fidélité à
était interdit aux étrangers. Pour y arriver, il fallait passer nécessairement par la loi du village: «Je suis tambour du Grand Chef, pour cela, je suis fraternel,
le pont : on ne pouvait le franchir inaperçu. Vaillant et toujours Gai».
Si vous ne le faites pas, vous ressemblerez à celui qui commence à
Même s’ils réussissaient à entrer dans le village du Grand Chef, ils démolir la maison qui était déjà à moitié construite. Maintenant, nous avons
seraient découverts tout de suite puisque pour entrer et vivre dans ce village, terminé la première partie de nos leçons.
on devait porter les insignes du Grand Chef, et personne ne pouvait les leur Vous comprenez les trois premiers signes. Comprendre, c’est peu de
donner que lui-même. Ah ! s’ils trouvaient quelqu’un qui puisse les leur accorder. choses. La pratique est la seule chose importante. Si vous ne mettez pas en
pratique mes leçons, je serai comme quelqu’un qui a planté un arbre qui ne
Un beau matin, au son des tambours, leur désir était devenu très fort... produit pas de fruits. Alors, je serai triste parce que mon travail n’a servi à rien».
Ils voulaient au moins voir une fois ce chef de tout près, et, d’un pas
décidé, ils se mettaient en route vers le Grand pont... Tshilobo marchait devant,
Nyembo le suivait au pas. Leurs cœurs battaient d’un rythme accéléré parce
qu’ils sentaient que ce serait un grand jour qui les attendait, ils portaient une
canne à sucre sur l’épaule qui leur servirait de boisson et de nourriture en
même temps. Remplis d’espoir, ils n’étaient pourtant pas sans peur.
Le Grand Chef était très bon, disait-on, mais que ferait-il d’eux, deux
étrangers qui voulaient s’introduire dans son village sans sa permission, sans
avoir les insignes nécessaires ? Leur espoir était plus fort que leur peur...,
qui sait ? Ils seraient prudents... aller voir cela ne pouvait pas être tellement
dangereux.
51 24
Les pages d’honneur jouissent d’un grand privilège : annoncer le Le soleil qui, le matin, brillait très fort, se cachait derrière un nuage...
bonheur aux habitants de notre village. L’insigne du tambour est donc l’insigne ils traversaient la galerie forestière qui descendait dans le ravin vers le grand
du bonheur, de la joie. fleuve...
Les tambours annoncent à tous qu’ils sont heureux, et que tous les Les branches des grands arbres commençaient à s’agiter… les gouttes
habitants de ce village vivent ensemble dans le bonheur et la paix. de rosée tombaient sur les feuilles en produisant un son sec et bref. Les oiseaux
Dès que leur bon Maître constata que tout le monde avait compris, il ne chantaient pas : ils poussaient des cris aigus comme s’ils voulaient dire
passa au signe suivant. Voici le deuxième signe : trois cailloux d’où jaillit une «attention ! retournez sur vos pas ! «Mais, Tshilobo et Nyembo continuaient
source d’eau pure (fig. 4). la descente, les bras croisés sur la poitrine frêle et hue : deux enfants qui se
C’est le signe du dévouement, du don de soi aux autres. risquaient dans la plus grande aventure de leur vie !
Une source ne fait de bruit. Elle attend, là au bord de la route, toujours prête
à offrir ses services à tous ceux qui passent, sans compter, ni refusait à o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
personne.
Sans se faire payer. Tu as soif, tu as chaud, tu es fatigué pendant une Midi s’approche... et toujours le soleil reste caché. Le brouillard, qui
longue étape dans le brûlant soleil ; la soif dessèche ta gorge, viens, voici de se lève du ravin et du fleuve... rend le soleil invisible. Tshilobo et Nyembo ont
l’eau fraîche, abondante et inépuisable. Tu partiras soulagé, reposé, avec un marché tout le temps; ils longent maintenant le grand fleuve qui s’étend, à leurs
nouveau courage. Je ne te demanderai rien, pas même un simple merci. Mon yeux dans toute sa beauté : un large fleuve aux eaux puissantes et turbulentes.
bonheur, c’est de donner, de rendre service, de faire plaisir. Au loin, ils aperçoivent le grand pont en bois qui joint les deux rives
Passez-vous, faites appel à moi. Je ne porte rancune à personne, rocailleuses. Le petit sentier serpenté à travers les hautes herbes... A gauche
n’importune aucun passant. C’est le signe du don de soi, gratuit, désintéressé. d’eux, le fleuve ; à leur droite, la montagne et au-dessus de leurs têtes un ciel
Votre bonheur sera le mien. Ainsi dois-je vivre le vrai tambour. Toujours sombre, menaçant...
prêt à rendre service, toujours disponible, offrant aux autres ce qu’il a et ce Ils craignaient d’être pris par l’orage... Cette pensée les fait accélérer les
qu’il est, dévoué et généreux. Il n’attend aucun profit ou récompense, sans se pas, malgré leur fatigue. Un grondement lourd dans les montagnes annonce
vanter des services rendus, sans s’imaginer qu’il vaut plus que ses camarades. l’orage ; ils courent, leurs fronts ruissellent, leurs pieds se cognent à des
Cet esprit de service total est le secret du bonheur des habitants de pierres pointues.
Wakayuki. Ils partagent tout, et vivent les uns pour les autres, suivant l’exemple Nyembo a déjà une tâche de sang à la jambe, une coupure d’une
de leur Chef. mauvaise herbe qui l’a flagellé... mais il ne veut rien dire, il ne veut pas se
Et mettant en pratique les enseignements symbolisés par ce signe plaindre.
de la source, les jeunes recrues découvrirent une vie toute nouvelle. Une vie De temps en temps, il essuie le sang et accélère le pas pour rejoindre
récompensée par un bonheur insoupçonné, et la profonde satisfaction procurée son ami.
par l’esprit de service commun. Enfin ; voilà le pont ! encore 300 mètres. Mais voilà aussi le premier
Et l’enseignement continuait... «comprenez-vous ce signe ?» Nous éclair suivi d’un coup de tonnerre terrible. Mon Dieu ! Ils sont plus décidés que
comprenons Maître. «C’est un guerrier qui porte une lance» «Que fait-t-il ? « jamais d’entrer dans le village ; Peut-être l’orage leur servira-t-il d’excuse. Ils
Les réponses roulaient, mais aucune ne sembla satisfaire le Maître. feront semblant de chercher un refuge contre la pluie… la pluie qui, entre temps
Ecoutez. Vous avez déjà vu beaucoup de choses dans notre village. a commencé à tomber. D’abord quelques grosses gouttes... mais déjà ce sont
Regardez la résidence de notre Chef. Il y a un page devant l’entrée. de longues cordes d’eau tendues du ciel gris à la terre sombre.
Répondez maintenant à mes questions.» «Pourquoi est-il là ? …»
«Pour servir le Chef». «Mais souvent, il n’a rien à faire». Tshilobo et Nyembo courent, sautent, glissent, tombent, se redressent ;
la figure et la poitrine ruisselantes, les jambes et les pieds couverts de sang...
« …Oui, il doit être prêt dès que le Chef l’appelle». Est-ce qu’il peut
quitter sa place de garde ? … Jamais. Il reste bien droit, la lance au pied, le De l’autre côté du fleuve, à gauche, on distingue très bien les belles
regard attentif. maisons, propres, rangées en demi-cercle ; mais eux, ils n’ont pas le temps de
les regarder... pourtant, ils ont remarqué qu’il n’y a personne ni sur les routes,
ni sur les plaines...
25 50
Et l’orage bat son plein ; haletants et hors d’haleine, ils atteignent le c’est le signal pour annoncer qu’encore un jour de bonheur a commencé
pont… personne... Ils ralentissent leur course, ils se regardent: «Que faire ? pour les habitants de Wakayuki.
Allons-y ?» ... Ils traversent le pont, tout en se dirigeant vers la première maison
qu’ils rencontrent.
Pleins d’angoisse, ils s’arrêtent devant la porte. Une lueur faible d’un feu
réchauffant dessine les pentes de la porte. Un seul instant, ils hésitent,
tremblants.. que faire ?
«Tshilobo frappe à la porte... Un silence suit ; puis ils entendent une voix»:
Qui est là ? «Nous, Tshilobo et Nyembo, deux garçons égarés dans I’orage;
veuillez nous ouvrir ; nous sommes fatigués et mouillés jusqu’aux os».
- Lentement la porte s’ouvre et laisse voir la figure d’une femme…
celle-ci leur fait simplement signe d’entrer. Que va-t-il leur arriver ? Seront-ils
dénoncés chez le Grand Chef ? chassés ? punis ? emprisonnés ?
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
Après avoir raconté cette partie de l’histoire, voici le programme qui Suit :
1. Bricolage ;
2. Jeu ;
3. Chant ;
4. Recueillement.
1. Bricolage
Chaque équipe dispose d’un coin d’équipe ; le chef d’équipe est dans
son coin et ne peut en sortir. Les autres membres de l’équipe ont les yeux
bandés et se donnent la main. Chaque équipe est un avion sans pilote ; son
C.E. doit diriger cet avion par radio. Le dirigeant place au milieu du terrain un
but à atteindre (par exemple un foulard à ramasser) et divers obstacles qu’il
s’agira d’éviter ou de contourner. Chaque C.E., sans quitter son coin, doit diriger
son avion de la voix, de façon à le conduire au but. Un avion qui touche un
obstacle doit rester sur place et compter jusqu’à 20, avant de continuer. Deux
avions qui se touchent sont accidentés et doivent revenir à leur point de départ
pour décoller de nouveau après réparation.
26
3. Chant : Twajuwa kama Maisha (WAKIRO TUIMBE p.11).
Tant de bonté causa une explosion de joie parmi les camarades de
Tshilobo et Nyembo, qui ne furent pas les moins enthousiastes. Quelques 4. Recueillement : Saint Matthieu 2, 25-30.
instants après, le Grand Chef les invita tous à entrer dans sa résidence. Tant
de choses magnifiques… la profonde impression qu’ils subirent les ramena
à un silence respectueux. Dans un coin, ils virent une grande peau brunâtre
comme le sont les vieilles peaux tannées. (fig. 1)
Sans doute un trésor précieux du village. Elle était ornée de dessins
artistiques mystérieux. Le Chef leur dit : «Sur cette peau est inscrite la loi
du village. Tous les habitants de Wakayuki doivent la connaître, et surtout la
mettre fidèlement en pratique. Ceux qui ne le font pas deviennent malheureux
et finissent par quitter le village».
Tshilobo et Nyembo regardèrent avidement le vieux parchemin couvert
des signes mystérieux, ils reconnurent deux ou trois signes que leur maître-
conseiller avait déjà expliqués, mais tout le reste leur paraissait mystérieux.
Oui, ils désiraient avec ferveur tout comprendre, et surtout vivre selon
la loi. Mais comment mettre une loi qu’on ne connaît pas en pratique ?
«Mes enfants» dit le Grand Chef: «Je vous laisse. Mon conseiller vous
expliquera le premier signe. Au revoir...»
Tout le monde salua et ils quittèrent la résidence pour aller s’asseoir en
rond à l’ombre d’un grand palmier.
Ce jour-là et les jours suivants, le fidèle conseiller leur expliqua les
signes l’un après l’autre. Un par jour ; pour les petits camarades de Tshilobo
et Nyembo, tout était nouveau et compliqué, et il y avait tant de signes. Mais
leur maître, tout en étant sévère pour la pratique de la loi, avait une patience
sans bornes et leur témoigna une bonté paternelle. Quand tout le monde était
assis, il prit un bâtonnet et traça dans le sable un signe. (fig. 2)
«Evidemment, cela ne vous dit rien. Mais je vous l’expliquerai et faites
bien attention. Ceci représente un tambour avec une peau tendue de part
et d’autre. «Il montra chacune des parties avec son bâtonnet.
«Les deux peaux sont tendues sur un tronc d’arbre évidé et taillé
extérieurement à la hachette plate pour l’amincir au milieu. Dans la masse du
tronc, on a taillé plusieurs poignées pour porter l’instrument. Tout ceci est facile
à comprendre. Mais il faut apprendre à dessiner par cœur le tambour, avec ses
signes mystérieux, pour pouvoir l’enseigner plus tard à d’autres. Regardez bien.
Deuxième Partie
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
L’orage est passé. Les dernières grosses gouttes tombent des toits,
et déjà le soleil commence à percer les nuages et fait monter un brouillard
clair-doré. Tshilobo et Nyernbo se lèvent, ils veulent s’en aller, heureux de
l’accueil qu’ils ont reçu.
Mais… dans leurs cœurs reste ce grand désir de retourner encore une
fois voir ce Grand Chef, comment faire ? Instinctivement, leurs yeux se lèvent
remplis d’espoir vers cette Dame qui les avait si gentiment reçus, soignés et
nourris.
Je vous accompagne au bout du chemin leur dit-elle.
Ah ! quelle bonté ; Tshilobo et Nyembo s’excusent ; c’est vraiment trop
de bonté de sa part... Mais la mère du Grand Chef leur parle de son fils; qu’il
est bon envers tout le monde et que tout va tellement bien dans son village.
47 28
Cela leur donna un petit froid dans le dos. La grande pièce était fraîche
comme l’ombre d’un grand manguier. Le Grand Chef prit tout son temps pour Tshilobo et Nyembo remarquent que partout les gens saluent la mère
s’asseoir, puis leur dit: «Asseyez-vous là». Voilà ce qui était rassurant : un du Grand Chef. Certainement elle doit avoir une grande influence au village.
accusé ou un étranger lui parlait à genoux. «On m’a rapporté votre absence ce En marchant, Tshilobo commence à raconter qu’eux aussi voudraient
matin. Vous auriez pu m’avertir. Et voilà que vous revenez en très nombreuse bien habiter dans ce village heureux… que chaque soir ils voyaient les garçons
compagnie. Vos petits camarades du village, sans doute. Expliquez-moi ce qui qui apportent du bois pour le Grand Chef…, mais comment réaliser cela…
se passe et dites-moi toute la vérité. comment devenir du nombre des pages du Chef, quand ils n’ont même pas le
Tshilobo, vous avez la parole et retenez qu’un enfant ne cache rien à droit d’entrer dans ce village ?
son Père». Alors, la Dame leur explique que ces garçons sont les pages du Chef,
«Oui, Grand Chef, nous avons commis une faute et nous sommes que ce sont des garçons qui se sont distingués des autres par leur serviabilité
prêts à tout pour la réparer». «Je jugerai tantôt. Dites-moi d’abord pourquoi et leur charité envers les autres.
vous avez quitté le village comme des voleurs qui s’enfuient. N’étiez vous pas Après deux ans de service auprès du Grand Chef, ils seront élus pour
heureux ici» ? des fonctions plus importantes encore ; ils deviendront la garde personnelle du
«O Oui Grand Chef, mais les derniers jours ? j’ai souvent pensé à mes Grand Chef, qui leur confiera des postes de grande responsabilité… à condition
camarades du village. J’étais très heureux ici, et malheureux chaque fois que d’avoir bien passé les deux années d’épreuves et de formation.
je suis rentré à la maison. Ils m’ont traité de menteur, et on ne voulait pas croire «Mais, comment ont-ils fait pour se faire remarquer et choisir par le Chef?
à mon bonheur. A la fin, j’étais devenu pour eux un étranger. Vous connaissez demandait Nyembo - la Dame souriait seulement… Ils arrivent au pont... «ici»,
tous les mensonges qu’on raconte aux environs, et tout le monde y croit. Pour disait la mère du Grand Chef nous devons nous séparer..., mais «j’espère que
moi, cela était devenu insupportable ; je voulais partager mon bonheur avec vous reviendrez encore».
mes petits camarades, et leur prouver que je ne mentais pas. Tshilobo et Nyembo remercient la Dame et promettent de revenir bientôt.
Punissez-moi si j’ai commis une faute. J’ai été maladroit, mais dans Mais, comment faire pour entrer dans le village sans être arrêtés ou
mon cœur, il n’y avait aucune pensée mauvaise. C’est tout». chassés par les gardes du Chef ? De nouveau, la femme ne répond rien, et
Ils attendaient les yeux baissés. Tantôt, leur bon rêve s’écroulait. «Si’ tout en souriant, leur donne la main… Quoi ? Que se passe-t-il ? Tshilobo et
je comprends bien, vous désirez que j’engage vos petits camarades comme Nyembo regardent leurs mains où avait reposé celle de la Dame : Il y avait là
je l’ai fais avec vous jadis» ? Le visage du Grand Chef, tantôt si sérieux, était un insigne représentant le grand tambour du Chef !
redevenu l’image même de la bonté paternelle. Il sortit, suivi de ses deux pages, Leurs visages s’ouvrent, quand ils regardent la Dame : «Oui» dit-elle,
et fit un signe de la main. Aussitôt, un des notables s’approcha. c’est moi qui invite les garçons à devenir les pages de mon fils, il m’a confié ce
Les petits camarades avaient passé des minutes qui ressemblèrent à pouvoir ; mettez les insignes sur vos habits et vous passerez le pont et partout
une éternité. «Mon fidèle conseiller», dit le Chef, «j’ai un ordre à te donner. Je dans le village du Grand Chef mon fils. Comme cela mon fils saura que c’est
veux que tous ces jeunes rejoignent, dès aujourd’hui leurs camarades Tshilobo moi qui vous ai choisis...»
et Nyembo. Faites préparer leur logement». Quelle joie ! Tshilobo et Nyembo veulent encore remercier la bonne
Puis le Chef s’adressa à Tshilobo : «Tshilobo, je t’ai accordé une faveur Dame de cet honneur et de sa confiance, mais elle dit seulement :
exceptionnelle. Mais, il faut prouver que tu la mérites. Etes-vous prêts à faire «J’ai vu votre désir de servir mon fils et j’ai des preuves de votre
ce que je demanderai» ? Tshilobo ne croyait pas ses oreilles... Faire quelque courage... quand vous reviendrez, venez chez moi, dans cette, maison-là et
chose pour le Chef. Mais le Chef ne savait-il pas qu’il était prêt à faire tout ce je vous préparerai à être reçu par mon fils».
qu’il ordonnait ? A ces mots, elle se retire et disparaît derrière les buissons au bord de
Même passer par les flammes ou se laisser tuer plutôt que de lui devenir la route qui monte en tournant vers la maison du Grand Chef.
infidèle. «Grand Chef», répondit Tshilobo : «POUR VOUS JE FERAI AVEC Dès ce jour-là, Tshilobo et Nyembo n’avaient plus de repos.
JOIE, TOUT CE QUE VOUS ME DEMANDEREZ» (Texte de la promesse). Un grand espoir était né dans leur cœur, un espoir qui les remplissait
«Voici, à partir d’aujourd’hui, je vous attends tous régulièrement à de joie intérieure.
ma résidence. Je veux juger moi-même si vos camarades sont des garçons
courageux et fidèles. La jeunesse bien formée est la promesse d’un avenir
heureux. Le Chef s’adressa alors à son conseiller : «Et toi fidèle serviteur, tu leur
enseigneras les lois et les coutumes de la cour. Ainsi ils deviendront de bons et
heureux citoyens. Après deux ans, je choisirai les meilleurs pages d’honneur.
29 46
Chaque matin ils entendent au loin les tambours du Grand Chef qui les Puis ce fut une explosion de joie, avec des mains qui se secouaient
invitent à un grand bonheur…et alors leurs cœurs se mettent à battre, au rythme vigoureusement et de grandes tapes dans le dos. On vit Tshilobo sortir du
des tambours : ils se voient déjà du nombre des pages qui battent les tambours cercle, se retourner vers la colline et faire signe.
du Grand Chef ! et dans leur mémoire, ils revoient le visage de cette Dame, C’était le signal convenu. Tous les petits camarades dévalaient la
mère du Grand Chef et en cachette, ils contemplent les insignes qu’elle leurs pente et s’arrêtaient à bout de souffle à l’entrée du pont, où ils furent accueillis
a donné ; deux petits morceaux d’étoffe avec un tambour royal brodé dessus... comme des frères.
Un soir, dans leur village pendant que tous étaient accroupis autour d’un Tshilobo et Nyembo mirent leur petite troupe en ordre de marche. Au
petit feu, on entendait le chant des grands tambours au loin, dans ce village village, on avait joué souvent au petit soldat.
heureux au milieu du fleuve... Les parents de Tshilobo et Nyembo étaient assis «Nous irons d’abord saluer le Grand Chef. Marchez au pas et chantez
avec les autres villageois et se demandaient : fort ! Attention ! il attendit quelques secondes. Puis cria d’une façon qui aurait
«C’est quand même drôle, ces tambours-là, chaque soir, à Ia même plu à Kalala, le meilleur, ancien de son village : «En avant… marche Tshilobo
heure. Que peuvent-ils signifier» ? scanda le rythme - une deux - une deux, ... puis entonna un chant de marche
AIors, Tshilobo et Nyembo, ne pouvant garder plus longtemps leur que toute la petite troupe reprit de toute la force de leurs jeunes poumons.
secret, crièrent à haute voix : «Nous le savons, ce sont les tambours du (Chant : «Rafiki hodari»).
Grand Chef qui annoncent l’assemblée des conseillers, et ce sont des jeunes Leur peur avait disparu. Mais Tshilobo et Nyembo se posaient des
garçons comme nous qui battent les tambours, les élus, les pages d’honneur, questions : le Grand Chef approuverait-il leur initiative audacieuse ? Wakayuki
les intimes du bon Chef ». n’était pas un marché public, où l’on entrait et sortait à sa guise. Et ils n’avaient
En voyant l’étonnement de leurs parents et des autres villageois, les pas le moindre cadeau à présenter. Rien que la bonne volonté de leurs
deux garçons racontèrent leur expédition d’ il y a quelques semaines ; ils camarades. Ils traversaient tout le village. Les vieux sortirent de leurs cases
décrivaient comment ils avaient été surpris par l’orage, et comment la bonne et les regardaient en souriant. Ils se demandèrent ce que tout cela signifiait.
Dame, la mère du Grand Chef, les avaient soignés... Hommes et femmes accouraient sur le bord de la route et les acclamaient. Tout
Les vieux du village répondaient : «Impossible ; celui qui passe le pont le monde semblait connaître Tshlobo et Nyembo. On les salua joyeusement
est mis en prison ou tué ; jamais personne n’en est sorti vivant. Ce Grand avec des souhaits de bienvenue. Ils ne goûtèrent qu’à moitié leur entrée
Chef doit être un homme cruel !» Mais, Tshilobo et Nyembo furent obligés de triomphale. Tshilobo était inquiet : tantôt il se trouverait en présence du Grand
le défendre ! Ils ne pouvaient pas se taire et faisaient tout ce qu’ils pouvaient Chef et devrait présenter sa requête. Quelle serait la réponse ?
pour prouver la bonté du Grand Chef et de sa mère, le bonheur complet des
villageois qui vivaient sous son pouvoir, et quel honneur c’était pour les pages o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o
de pouvoir servir ce Grand Chef en annonçant sa bonté par leurs tambours !
Mais les vieux, dirent avec méfiance : «...Qu’en savez-vous, enfants Deuxième Partie
sans aucune expérience ;»vous vous fiez aux apparences ; d’ailleurs, tout ce
que vous venez de raconter, sont des fables, des beaux rêves d’enfants». Voici l’esplanade où le soir, le conseil des notables se réunit autour du
feu, tout près de la résidence du Grand Chef. Tout dépendait des moments qui
o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o allaient suivre. Le voilà qui sortit de sa résidence. Un vieillard robuste avec un
visage rayonnant de bonté et de sagesse. A dix mètres, Tshilobo commanda
Tout juste après cette deuxième partie qui a été sensationnelle, nous l’arrêt. Puis « en place... repos ».
suivrons ce programme: Le Grand Chef semblait quelque peu étonné. Il connaissait ses deux
pages, qui avaient conquis son estime par leur fidélité et leur dévouement. Ils
1. Bricolage firent une demi-génuflexion, et claquèrent des mains regardant leur Chef droit
2. Jeu dans les yeux, ils dirent «nous vous saluons, notre Maître».
3. Chant «Bienvenu ; Tshilobo ! et toi aussi Nyembo. Entrez. Je devine que nous
4. Recueillement avons une petite palabre à régler». Ils n’étaient jamais entrés auparavant dans
la maison du Grand Chef. C’était un privilège réservé à ses conseillers intimes.
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«Ecoutez tous. Je sais que notre façon d’agir ces derniers mois vous a
paru mystérieuse. Beaucoup d’entre vous nous ont posé des questions. Nos
réponses n’ont jamais été claires, parce que personne n’a voulu nous croire.
Maintenant, je vous dirai toute la vérité.
Depuis des mois, nous partageons comme des frères, la vie des pages
du Grand Chef de Wakayuki. Des cris hostiles et des murmures lui coupèrent
la parole.
«Menteur, blagueur ! Va raconter tes rêves aux nourrissons ! Retourne
chez tes assassins». Il eut grande peine à ramener le calme et le silence.
«Nous retournerons certainement, aujourd’hui même. Mais les semaines
passées, nous avons souffert de votre absence. Notre bonheur serait si grand
si nous pouvions le partager avec vous. Si j’ai menti, que je sois à jamais
chassé de notre village ! »
Mais le Grand Chef est notre père à tous, et vous serez tous les
bienvenus. Mais c’est à vous de prouver que vous méritez d’être adoptés.
Voici l’insigne que nous avons reçu de lui, l’insigne du tambour. Et maintenant,
qui vient avec nous ? Tshilobo avait reçu le don de la parole. On sentait qu’il
disait la vérité, et il répondit avec précision au flot de questions qu’on lui posait.
Finalement, tout le monde était pris à risquer cette aventure qui avait tant
d’attraits. On grimperait tous ensemble au sommet de la colline. Puis Tshilobo
et Nyembo se présenteraient seuls au pont d’accès.
De cette façon leurs petits camarades avaient la preuve qu’ils n’avaient
point menti. En file indienne, on suivit le sentier. Les deux pages parlaient
à haute voix, la peur des autres grandissait à mesure qu’on approchait du
sommet de la colline.
N’avait-on pas dit cent fois que jamais étranger n’était rentré vivant après
avoir franchi le pont ? Et voilà tout le village mystérieux étendu devant eux.
Avec les pages montant la garde au pont, ses belles maisons, les gens
qui allaient et retournaient comme des fourmis laborieuses, les enfants qui
jouaient et éclataient parfois de rire.
«Asseyez-vous, reposez-vous. Nous y allons. Et ouvrez bien les yeux.
Au premier signe, vous venez me rejoindre. S’il y en a qui veulent retourner
au village, qu’ils rentrent. Personne ne rentra, mais tout le monde ouvrait bien
les yeux.
Au premier geste suspect, ils dévaleraient la colline comme une bande
d’antilopes en panique. Dès que les pages de garde aperçurent Tshilobo
et Nyembo, ils accouraient comme de vieux amis. Ils reçurent un accueil
exubérant, comme si on se revoyait après des mois d’absence. Puis on les
vit parler seuls aux pages de service qui semblaient ne vouloir perdre aucune
de leurs paroles.
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1. Bricolage Avec cette respiration lente et régulière, des gens qui jouissent d’un sommeil
sans souci.
L e d i r i g e a n t d e v r a a p p o r t e r d a n s l e l o c a l , u n t a m b o u r. Tel était Nyembo : même en mettant le feu à sa case, il ne se réveillerait qu’au
Alors, chaque équipe, à l’aide d’une feuille de papier doit essayer moment où les flammes lécheraient ses orteils.
de dessiner quelques tambours et un batteur de tam-tam. Tshilobo finit par le secouer sans pitié. Enfin… le dormeur commença à
N.B. Le dirigeant doit dessiner mieux que ses enfants. quitter le pays des rêves en s’étirant vigoureusement, tout en baillant comme
une porte ouverte. Puis il se frotta les yeux, toujours à moitié inconscient. Il
2. Jeu : «Le médecin» entendit «Nyembo» et le voilà du coup réveillé complètement. Il trembla de
peur et voulut crier, Tshilobo eut juste le temps d’étouffer son cri en lui mettant
Le dirigeant a préparé 20 feuilles différentes qu’il a cueillies aux alentours la main sur la bouche.
du local. «Nyembo ! C’est moi». Tshilobo vit les yeux grands ouverts de son camarade,
Il appelle ses membres qui observent ces feuilles pendant 3 minutes et s’imagina les questions qu’il était en train de se poser.
et partent par après par équipe à leur recherche, dans le but de reconstituer - «Que viens-tu faire à cette heure ? j’ai eu peur»
le même choix que le dirigeant. L’équipe gagnante sera celle qui la première, - «Parle doucement. Et maintenant écoute».
est parvenue à réunir toutes les plantes nécessaires à la tisane qui guérit. Tshilobo lui exposa son plan. Rentrer au village natal sans attendre, ramener
les jeunes, demander au Grand Chef d’admettre leurs camarades comme ils
3. Chant : «Jua Iiko juu yetu» (WAKIRO TUIMBE, p. 36) l’avaient été jadis. Ce fut une longue conversation chuchotée : il n’était pas facile
de convaincre Nyembo, qui avait toujours un tas d’objections à faire lorsqu’il
4. Recueillement : Saint Marc 4, 30-33 s’agissait d’un projet audacieux ; à première vue, ces objections n’étaient pas
tellement ridicules. Que pensera-t-on demain de leur brusque disparition du
village ? Les vieux seront hostiles et les camarades hésitants. On les traiterait
Troisième Partie peut-être de fanfarons et de menteurs !
Le ton convaincu et la confiance totale de Tshilobo finirent par l’emporter : il
Cela était vraiment trop fort : un rêve, ce qu’ils avaient vécu ! Tout jubilait. «Dépêche-toi Nyembo, nous avons déjà perdu trop de temps». Sans
à coup devenu sérieux. Tshilobo, d’un air grave, se dresse au milieu du bruit, ils quittèrent la case et disparurent dans la nuit. Comme d’habitude,
groupe: l’expression de son visage était inusitée pour un enfant. Lentement, l’accueil des petits camarades était assez froid. Certains même leur adressèrent
son regard se promène de visage en visage… puis, d’une voix claire, décidé, à peine la parole. D’autres se montrèrent franchement hostiles. On avait noté
sans hésitation il dit : leurs nombreuses absences communes ; les questions des petits camarades
«Vous ne croyez pas ce que nous vous avons raconté ? Vous ne croyez ne reçurent que des réponses évasives.
pas à la possibilité d’un village heureux sous l’autorité d’un Chef aimé par Tshiiobo, surtout avait souffert de cette hostilité. Personne n’avait cru
tous? Ecoutez : Nyembo et moi, nous avons été choisis, élus, acceptés pour l’exploit de leur première expédition. On croirait encore moins qu’ils partageaient
aller habiter dans ce village, pour participer à la vie des jeunes pages : nous depuis des mois la vie des pages au village heureux «WAKAYUKI».
avons voulu aller servir ce Grand Chef pour qu’il nous communique sa force Ils abandonneraient leur secret aujourd’hui, ce matin même,
irrésistible de charité, de respect des autres. preuves à l’appui. A grande peine, ils réussirent à rassembler leurs camarades
Après notre formation dans son équipe, vous nous verrez revenir, dans une clairière près du village. La majorité était venue par simple curiosité,
changés, préparés à vous faire aussi participer au bonheur qui règne dans ce d’autres avec la ferme intention d’obliger Tshilobo et Nyembo à mettre leurs
village ; désormais, quand vous entendrez encore les tambours, sachez que cartes mystérieuses sur table.
Tshilobo et Nyembo sont du nombre»! Et à l’étonnement de tous, Tshilobo sort Par une raclée, s’il le fallait. Tshilobo grimpa sur un tronc d’arbre fauché
de sa poche deux insignes montrant le tambour du Grand Chef... jadis par une tempête, et très décidé, il fixa franchement…son auditoire.
Il fixe un des insignes sur la manche de son ami, l’autre sur la sienne. Il avait rêvé de ce moment depuis longtemps. Le silence se fit, puis il
Ils disparaissaient dans l’obscurité, laissant seuls les spectateurs étonnés. parla d’une voix claire et nette, sans aucune hésitation.
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L A P A L A B R E Au clair de la lune, Tshilobo et Nyembo descendent la colline, marchant
au pas et musant la chanson qu’ils avaient souvent entendue le soir :
Première Partie «Bonne nuit Grand Chef, bon repos». (Mfume, walala bimpe). Ah, que
leurs cœurs avaient changé depuis la première fois qu’ils descendaient ce
Les Tambours du Grand Chef (suite) chemin. Plus d’anxiété, plus de crainte, plus d’angoisse, plus de peur de ne
pouvoir entrer : ils allaient présenter leur service au Grand Chef.
Le village Wakayuki Le moment espéré depuis longtemps était enfin arrivé. De leurs mains,
ils touchaient l’insigne du Grand Chef sous leurs bras : gage de leur élection.
II. La loi du village - Sans crainte, ils accéléraient les pas. Au tournant du sentier, autour
de la dernière colline, ils vinrent au loin les silhouettes des maisons rangées
Cette nuit-là, pour la trentième fois, Tshilobo, couché sur sa natte autour de celle du Grand Chef, là-bas au fond sur l’autre rive du fleuve...,
se tournait et se retournait. Jusqu’à présent, il avait goûté un bonheur sans Déjà ils voient la ligne noire du grand pont au-dessus du fleuve qui
mélange au village du Grand Chef, et maintenant, le sommeil avait disparu. reflète la lumière des étoiles. Ce pont est fermé à ce moment, et à moitié levé,
Tous les souvenirs de jadis défilèrent. Combien de fois avait-il grimpé alors avec mais à l’aube, ils passeront par là pour chercher le bonheur. Ils trouveront la
son fidèle ami Nyembo, avançant pas à pas comme un chasseur qui traque mère du Chef.
le gibier, sans aucun bruit et se méfiant du lion ou du léopard cachés quelque Cette pensée leur enlève la dernière hésitation : tout le reste s’arrangera :
part, la colline d’où l’on peut voir le village heureux ? elle prendra soin de tout, elle l’a promis ! Les oiseaux de nuit voltigent dans
Ce village inconnu et mystérieux que personne n’avait jamais osé l’obscurité, frôlant leurs têtes ; les vers luisants se saluent de leurs étincelles,
approcher ! Ensemble, ils avaient passé des heures au sommet de cette colline, les grenouilles répètent leurs concerts monotones pendant que la lune s’incline
le matin aux premiers rayons du soleil, le soir au crépuscule. Un doigt pointé vers l’Ouest. Tshilobo et Nyembo se reposent un instant sans qu’ils se sentent
prudemment pour indiquer un signe de vie, et quelques mots chuchotés pour fatigués. Ils n’ont pas besoin de dire un mot, pas besoin de se regarder : déjà ils
essayer de comprendre. Surtout, concernant ces pages toujours en service, sentent dans leurs cœurs cette joie de l’amitié qui les lie l’un à l’autre, le grand
et qu’on entendait chanter joyeusement jusqu’ici. Toujours gais, jamais une lien qui les attache au Chef et qui rend heureux tous ces jeunes tambours...
dispute... Ah ! Quel bonheur pour ceux qui étaient admis dans ce corps d’élite, Bientôt, ils vont se mêler à leurs rangs !
ils en avaient rêvé pendant des heures au sommet de cette colline, silencieux Une lueur rose, colore le levant : L’aube ! Le soleil ! La lumière ! Le jour
et guettant chaque détail de la vie quotidienne là-bas, de l’autre coté du pont qui s’ annonce sera le plus beau de leur vie !
qui parut infranchissable. Aux pas de course, ils longent déjà le fleuve, dans la lumière du
Voilà bientôt un an qu’ils avaient été admis par le Grand Chef. Mais peu soleil jaune-clair qui se reflète dans chaque diamant des hautes herbes, ils
à peu, le désir de pouvoir partager les riches trésors de cette vie de service s’approchent du pont : voilà les gardes qui marchent à l’entrée du village, sur
avec les petits camarades restés au village gâtait le bonheur de Tshilobo. le pont.
Mais comment faire ? Les vieux se moqueraient de lui en le couvrant de - De loin, ils distinguent déjà le va-et-vient des pages qui descendent à la
sarcasmes, les petits camarades lui tourneraient le dos, le traitant de fanfaron source claire pour y puiser de l’eau pour le Chef. Déjà ils entendent leurs rires
et de menteur. Encore une nuit comme tant d’autres. Pas de sommeil qui éclatants de joie.
mène à l’oubli bienfaisant de soucis… Non, cela ne pouvait durer, il fallait en La cadence de leurs pas suit le rythme de leurs cœurs : les voilà devant le
finir. Et mieux valait tout de suite. Il se leva sans faire du bruit, se drapa d’une pont. L’hésitation qui les arrête un instant n’a rien d’inquiétant ; c’est comme
couverture, et à tâtons dans l’obscurité presque totale de cette nuit sans lune, s’ils veulent contempler d’abord l’endroit où les attend le bonheur.
il s’avança sur la pointe des pieds pour aller trouver son camarade Nyembo Quelques femmes qui passent par le même sentier leur font signe de
endormi sur sa natte. ne pas s’approcher au pont, indiquant les gardes de leurs pouces.
Comme toujours il dormit comme une souche... Pourvu qu’un chien ne Mais Tshilobo et Nyembo se regardent avec un sourire : deux garçons
commence à aboyer quelque part en entendant craquer, une branche morte. qui ont l’insigne de page du Grand chef ! Et ils saluent les gardes en battant
Tshilobo s’accroupit auprès de son ami et l’appela doucement par son les mains...
nom. Puis il lui secoua le bras. Nyembo émit un grognement étouffé, puis il se
retourna pour repartir au pays des rêves.
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- En chantant la chanson des pages, ils passent le pont que font vibrer Le nouveau Kayuki qui participe pour la première fois à la palabre
leurs pas à la cadence des tambours. Les gardes s’arrêtent, ils leur passent reçoit du (de la) dirigeant(e) une coiffe sur la tête, c’est un simple ruban en
le mot d’ordre... ils montrent l’insigne et les garde les saluent : des pages, des couleur prévu de petites fentes dans lesquelles on glissera plus tard les plumes
privilégiés du Grand Chef ! méritées. Les plumes s’ajouteront à la coiffe à mesure que les Bakayuki passent
- ils passent le pont, descendent vers la gauche : la maison de la mère du Chef les épreuves indiquées.
! Celle-ci, les attend au seuil de sa maison. Quelle bonté ! «Je vous attend» Après avoir reçu la coiffe, le nouvel accueilli fait le tour du rond et serre
dit-elle d’une voix douce de mère et mon fils aussi vous attend. Je lui ai raconté la main à tous ceux qui sont présents. Ses grands frères lui souhaitent la
tout ce qui s’est passé l’autre nuit. bienvenue et ainsi il est accepté dans la grande famille heureuse.
- Terminons en beauté avec ce programme. A T T E N T I O N ! : Que la palabre ne dure trop longtemps et se termine
par un point pratique qui sera voté par tous. Les Bakayuki votent en levant la
main. C’est durant cette assemblée extraordinaire qu’ils reçoivent leurs plumes
1. Bricolage Sur une feuille de papier dessinez un pont ou bien à de mérite à ajouter à leur coiffe. Tous aident à juger les mérites du candidat.
l’aide de l’argile et de bâtonnets, construisez un grand
pont. 5. Activités
2. Jeu : «Le tunnel» : Les équipes sont en files parallèles, jambes très écartées, Naturellement, il y a maintenant toute une série d’activités Bakayuki:
les mains sur les épaules du précédent. jeux, bricolages, messages, Contes, danses.
Au signal du dirigeant, le dernier de chaque équipe Après la palabre, les coiffes ne seront pas emportées à la maison mais
se lance à 4 pattes dans le tunnel formé par les remises dans la caisse des trésors.
jambes des gars de son équipe. Lors des sorties, la grande palabre pourra se dérouler dans un coin
Dès qu’il est arrivé au bout, il se redresse devant isolé en brousse. On peut même autoriser aux enfants de porter leurs coiffes
celui qui était le premier et lance le cri d’équipe, à ce durant un jeu sur thème. (Mais, il ne faut pas les mêler avec d’autres sections,
moment, le suivant plonge dans le tunnel. L’équipe la grande palabre reste secrète). Cette palabre sera divisée en 6 parties.
gagnante est celle dans laquelle les joueurs sont tous - Chant de fermeture sera : Kwa heri marafiki».
passés dans le tunnel et crie la première.
41 34
Cher(ère)s ami(e)s dirigeant(e)s, vous serez certainement étonné(e) Ceci peut être une animation pour les Bakayuki qui ne sont pas encore
s de voir que la Promesse des Bakayuki ne comporte plus 9 semaines, mais acceptés officiellement dans la section : «La fois prochaine, j’y serai aussi».
7 seulement. Cela n’est pas un oubli, mais c’est un changement provenant Du Kayuki est demandé de garder sous le sceau secret, tout ce qui a
de l’expérience. Neuf semaines, ce n’était pas si mal, mais c’était trop ; les lieu pendant cette palabre. Plus que c’est mystérieux, mieux est, parce que
enfants se fatiguaient beaucoup. S’il y avait une ou deux absences, il devenait cela correspond à leur mentalité.
difficile de décider de leur sort en rapport avec leur admission à la promesse. Ici, nous voyons déjà comment c’est nécessaire que le(la) dirigeant(e)
vive la mentalité de ses garçons (filles).
C’est pourquoi cette fois, il a été jugé bon de se limiter à 7 semaines,
c’est-à-dire, 3 premières semaines pour l’histoire et 4 autres pour les réunions Qu’est-ce qui se passe pendant la Palabre ?
suivantes. Durant ces 4 réunions, il est à signaler que les thèmes de semaines
se rapportent à notre «CHARTE». 1. Mettre leur coiffe à plumes (signes de dignité)
Description du Local - Après avoir fermé la porte, «la caisse de trésor» (de préférence une
vieille malle) sera ouverte d’un geste solennel. Elle contient, entre autre, les
Local bien orné : coiffes à plumes qui sont portées, seulement à l’occasion des grandes palabres.
- des fleurs ; Chacun se coiffe. Le nombre de plumes indique les services rendus à la section.
- d’un grand tambour ; A chaque séance tenue, les Bakayuki méritants en reçoivent une en plus.
- d’une bannière de section ; Le (la) dirigeant(e) porte la coiffe la plus fournie, c’est lui (elle) le
- des pennons ; personnage le plus digne.
- d’une statue ou image de la Sainte Vierge Marie (Mère du Grand Quand tous ont leur coiffure de circonstances et forment un cercle
Chef). soigné, le (la) dirigeant(e) ouvre la séance avec le cri de la section
On doit les garder propres. «Bakayuki.., rien que... joie».
Après les 3 semaines de l’histoire, le dirigeant écrira les noms des Après le cri de section, le (la) dirigeant(e) entonne l’hymne de
candidat(e)s sur une grande feuille suspendue sous la statue de la Ste Vierge l’assemblée. Qu’est-ce qu’ils sont les Bakayuki, sinon une communauté, une
Marie. Cette grande feuille lui permettra également de noter les présences. famille heureuse où règne la joie ?
Le dirigeant ne manquera pas d’adresser à ces voyageurs un petit mot Le chant : «Muone Wana-Ngoma» convient à cette cérémonie. Il sera
d’encouragement pour une bonne préparation à la promesse. réservé pour toutes les séances, des grandes palabres.
Certains gestes et pas de danses pourront être trouvés pour donner
Voici les conditions d’admission à la promesse : une belle ambiance à cette cérémonie.
- Une bonne fidélité ;
- Une présence régulière durant les semaines de l’histoire ;
- Avoir fait une année au mouvement ;
- Etre baptisé. (ou avoir fait sa 1ère communion)
- Avoir passé les épreuves d’entrée dans la section.
* La bannière de la section et les pennons. - Formation en demi-cercle devant l’image de la Ste Vierge Marie ;
* Sur une grande feuille seront écrites les paroles de la promesse : - Inspection minutieuse de I’uniforme.
«Grand Chef Jésus, Vous qui venez chez-moi, pour vous je ferai avec 1. Instruction ou lecture de l’Evangile ;
joie, Tout ce que vous me demanderez» 2. Bricolage ;
* La feuille de présences et un bic. 3. Jeu ;
4. Chant ;
2. Procession 5. Style ;
Après avoir distribué les bougies et mis les enfants en ordre, on avance 6. P.A. général ;
lentement en chantant : «Venez mes enfants, accourez, venez tous...» 7. Petit mot de formation ;
Arrivés prés de la crèche, les enfants se placeront en un ou deux 8. Chant ;
demi-cercles, cela dépendra de leur nombre. 9. Prière.
Deux par deux, ils s’avanceront et déposeront leurs bougies sur la table. L’appel
nominal suivra... et la Promesse sera faite. N.B. : La réalité profonde de l’histoire ne doit pas rester cachée sous
- Chant après la Promesse: «Kiro, Mfalme anakungoja» ou bien «Kristu ses formes ; les petits doivent savoir de qui et de quoi il s’agit ; donc vers la
Mfalme...» fin, tout devient clair et le monde de la fantaisie devient réalité.
- Chant de sortie: «Il est né le divin enfant...». Cette réalité est que le Christ les invite, qu’il veut les rendre plus forts par
une vie Eucharistique qui est beaucoup plus que de communier souvent ; cette
VI. LA GRANDE PALABRE DES BAKAYUKI vie doit changer profondément la vie du Petit en lui donnant la seule joie réelle !
On perd son temps si Ie(la) dirigeant(e) ne vit pas cette joie Eucharistique,
Trop de romantisme peut-être un danger. Même le(la) meilleur(e) communie rarement ou sans ferveur, s’il entre à l’Eglise comme dans un bar.
dirigeant(e) ne trouve pas toujours des techniques adaptées. Revenir toujours
sur la même chose provoque la monotonie. L’esprit religieux peut bien trouver La préparation à cette promesse doit donc être très importante car, pour
un stimulant dans ce romantisme, mais ne peut jamais être romantisé. nos enfants, ce sera la première fois de toute leur vie qu’ils entendent parler du
L’atmosphère-Bakayuki ne peut pas forcer la fantaisie, de sorte que la vue Christ d’une façon joyeuse, réelle, d’une personne vivante et proche.
réelle de la vie des garçons en soit troublée. Suite à toutes ces circonstances, Ce n’est plus un personnage lointain parlant sur une montagne, faisant
nos activités ne peuvent être bâties uniquement dans cette atmosphère ; ceci de longs voyages, mourant sur une croix… mais, c’est l’ami le plus fidèle, le
ferait plus de mal que de bien. plus aimé, le plus respecté.
Pour cela, nous vous proposons de lancer une réunion, construite
uniquement sur le romantisme du Bakayuki et cela deux fois par mois, c-à-d ATTENTION : N’oublions pas qu’à chaque réunion, le petit doit
pendant la 2ème et la 4ème semaine. Ceci deviendra «La grande palabre des orner sa coiffe d’une plume de poule. Ce qui fait qu’à la 7ème semaine il aura 7
Bakayuki». Pour qu’entre-temps, l’esprit Bakayuki reste. des activités plus plumes sur sa coiffe qu’il portera le jour de sa promesse.
simples s’inspirant de cette atmosphère, seront intercalées.
PREMIÈRE SEMAINE :
DESCRIPTI 0N
«MA JOIE EST LE CHRIST LE SEIGNEUR»
La palabre aura donc lieu deux fois par mois. Pour y participer, il faut
avoir subi l’épreuve qui précède l’incorporation dans la section. 1. Instruction : Lecture silencieuse de I’Evangile : St Luc 1, 5-25
L’atmosphère mystérieuse qui se crée autour de cette palabre fait des 2. Bricolage : Une hutte ou une cabane
merveilles. 3. Jeu d’esprit familial
La palabre est annoncée à la réunion qui la précède. Ceci fait que 4. Chant : Plus de joie, plus de lumière ou Tuongeze Mwanga (p. 34)
tous les Bakayuki seront à temps, parce que ceux qui arrivent en retard, se
retrouveront devant la porte fermée, qui s’ouvre seulement quand tout sera
terminé.
37 38
DEUXIÈME SEMAINE :
TROISIÈME SEMAINE :
«Grand Chef Jésus, vous qui venez chez-moi, pour vous je ferai
avec joie, tout ce que vous me demanderez».
8. Petit mot de formation - Chant - Prière.
LA FÊTE DE NOËL
1. Préparation matérielle
* Des allumettes
* Les insignes de promesses sur un plateau
* Les épingles