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B/ L’Essai cinématographique :

Définition :
« Ouvrage littéraire en prose, de facture très libre, traitant d’un sujet
qu’il n’épuise pas ou réunissant des articles divers. » Le Petit
Robert.

Au cinéma, il existe des réalisateurs « essayistes ».


Ils développent une pensée personnelle à travers le médium
cinématographique. Leurs films ne sont pas narratifs et n’ont pas
pour visée de prouver ou de de défendre une thèse.
Les œuvres que l’on considère comme des essais proposent des
cheminements de pensée personnels, créent des liens entre des
fragments et proposent un questionnement formel qui vise à justifier
la forme adoptée pour s’adapter au sujet.
Souvent, les liens qui sont faits prennent des échos personnels et
font découvrir des aspects que l’on ne soupçonnerait pas.
Quelques essayistes :
C. Marker, C. Akerman, J-D Pollet, J-L Godard, A. Resnais...

Trois exemples :
. Sans Soleil de C. Marker.
Sans soleil est peut-être le chef-d’oeuvre de C. Marker. Cinéaste
voyageur.
Si j’avais quatre dromadaires.1966. (voyage)
Le Fond de l’air est Rouge. 1977. (lutte sociale)

Le film est construit autour du discours d'un cameraman


fictif, Sandor Krasna, rédacteur de lettres lues tout au long du film
par Florence Delay.
Dans ses écrits, il va traiter successivement du temps, de la
mémoire, de la fragilité humaine face aux séismes du Japon ou
encore face à la famine, menace constante au Cap Vert ou en
Guinée Bisseau.
Il s’interroge sur le souvenir et sa valeur :
« J’aurai passé ma vie à m’interroger sur la fonction du souvenir,
qui n’est pas le contraire de l’oubli, plutôt son envers. On ne se
souvient pas, on récrit la mémoire, comme on récrit l’histoire. »
« C’est l’état de survie que les pays riches ont oublié, à une seule
exception – vous aviez deviné, le Japon… Mon perpétuel va-et-vient n’est
pas une recherche des contrastes, c’est un voyage aux deux pôles de la
survie. »

« La poésie naît de l’insécurité : Juifs errants, Japonais tremblants.


A vivre sur un tapis toujours prêt d’être tiré sous leurs pieds par une
nature farceuse, ils ont pris l’habitude d’évoluer dans un monde
d’apparences fragiles, fugaces, révocables, des trains qui volent de
planète en planète, des samouraïs qui se battent dans un passé
immuable : cela s’appelle l’impermanence des choses. »

Le cinéaste voyage alors aux « deux pôles extrêmes de la survie »


tel qu'il le dit lui-même. Il montrera non pas les difficultés pour ces
sociétés à s'en sortir, mais plutôt leur façon de vivre et d'exister au-
delà de ce qui peut leur coûter la vie. Car comme il l'annonce :
« Moi, ce que je veux vous montrer, ce sont les fêtes de quartier ».

Ce film est un essai cinématographique reliant de multiples


sujets : histoire, géographie, sociologie, politique et religions s'y
croisent, s'y font écho et se répondent ; Chris Marker se sert aussi
de plans qu'il avait filmés pour d'autres cinéastes, tel Claude
Lelouch ou encore pour des chercheurs comme Haroun Tazieff.
Dans le générique, il ne se présente pas sous le registre
"réalisation", mais sous celui de "composition et montage", ce qui
souligne cette volonté de mise en rapport d'éléments a
priori disparates. On retrouve d'ailleurs la même logique dans la
bande son, où bruits et commentaires se mélangent. Il s'agit donc
d'un processus avant tout poétique, mettant en lien des images et
des idées tantôt très éloignées, tantôt très proches.
Le titre, dès le départ complexe (il est rédigé en trois langues :
français, anglais et russe), renvoie à la fois à la mélodie de
Moussorgski, à un commentaire sur la conception occidentale de la
dénomination des choses, ici parlant du soleil ("Il m’écrivait: «Je
rentre par la côte de Chiba... Je pense à la liste de Shônagon, à
tous ces signes qu’il suffirait de nommer pour que le cœur batte.
Seulement nommer. Chez nous un soleil n’est pas tout à fait soleil
s’il n’est pas éclatant, une source, si elle n’est pas limpide. Ici,
mettre des adjectifs serait aussi malpoli que de laisser aux objets
leurs étiquettes avec leurs prix. La poésie japonaise ne qualifie pas.
II y a une manière de dire bateau, rocher, embrun, grenouille,
corbeau, grêle, héron, chrysanthème, qui les contient tous."), et au
soleil noir de Hiroshima.
Le titre fait également référence à la nature de l’image
cinématographique.
La voix "off", voix de la femme à laquelle les lettres sont faussement
adressées, n'est pas celle d'un commentaire en direct, elle a un
statut très particulier ; la répétition de la formule "il m'écrivait" crée
en effet une double distance: elle rejette le commentaire dans une
sorte de passé indéfini et rappelle en quelque sorte que la voix
entendue n'est pas celle du commentateur lui-même. Seule la fin va
faire coïncider à peu près le présent du commentaire et le présent
des images : "il m'écrit (...) Y aura-t-il une dernière lettre ?".

Extrait :
Début- Minute 10.
Tout le film se déroule entre petites histoires, courtes méditations, images
d’Afrique et du Japon entrecoupées de plans filmés en Islande, intuitions
poétiques.
Quelques thèmes se dégagent, qui reviendront régulièrement au cours du
film :
- Les « deux pôles de la survie ». Japon et Guinée Bisseau.
- L’image ensuite, est un thème majeur du film. L’image ou plutôt la
réflexion sur le souvenir que nous avons d’une image, la réalité de cette
image et ce qui est caché derrière l’image, c’est-à-dire l’histoire, que celle-
ci soit individuelle et mélancolique ou globale et tragique.
Avec les images de synthèse, les déplacements immédiats effectués par la
grâce du montage, les communications entre les cultures, Chris Marker,
invente en 1982 une Zone qui ressemble à l’internet d’aujourd’hui : un
moyen immatériel de conserver et d’organiser les images, de donner une
immortalité certaine à nos souvenirs.
- Les chats. Les chats sont un thème central.

. Patrizio. Guzman :
Nostalgie de la lumière (2010)
Patricio Guzman est l'un des principaux chroniqueurs
cinématographiques de l'histoire contemporaine
chilienne. Emprisonné par le régime de Pinochet lors
du coup d'Etat de 1973, finalement relâché, il choisit
l'exil, à Paris, comme son compatriote Raoul Ruiz (tous
deux sont nés en 1941), maître de la fiction baroque.
Guzman ne cessera quant à lui de revenir à son pays
par la voie du documentaire politique, depuis La
Bataille du Chili (1979) jusqu'à Salvador
Allende (2004).
cf. Calle Santa fe. Carmen Castillo

Dans le désert d’Atacama, au Chili à trois mille mètres d'altitude,


des astronomes étudient l’univers avec des télescopes parmi les
plus puissants du monde car la transparence du ciel y permet de
regarder jusqu'aux confins de l'univers.
Les astronomes y scrutent notamment les galaxies les plus
éloignées en quête d'une vie terrestre. La sècheresse du sol en fait
aussi un lieu de recherches archéologiques et conserve intacts les
restes humains : ceux des momies, des explorateurs et des mineurs
mais aussi les ossements des victimes et disparues de la dictature
militaire d’Augusto Pinochet.
Trois fils conducteurs s’entrelacent : l’astronomie, l’Histoire du Chili
et le drame contemporain, l’histoire personnelle du réalisateur. La
mémoire du passé, son occultation. Lorsqu’il a présenté son projet
aux producteurs, on lui a parlé d’une « soupe » hétéroclite.
Tandis que les astronomes scrutent les galaxies les plus éloignées
en quête d’une probable vie extraterrestre, au pied des
observatoires, des femmes remuent les pierres, à la recherche de
leurs parents disparus…
Système de correspondance et de liens entre les trois niveaux de
signification. Le désert infertile devient le lieu de ces rencontres de
pensée. L'astronome scrute le ciel, l'archéologue fouille
le sol, les femmes de disparus creusent, depuis vingt-
huit ans, sans relâche, les entrailles de la terre. Gaspa
l’astronome, Lautaro l’archéologue et les veuves
Victoria et Violeta ont tous trois la même obsession de
trouver.
Le travail formel de montage est évident, travail
d’association entre les choses et les êtres pour mettre
au jour des liens insoupçonnés, cela le renvoie au
poétique.

« Une folle accolade au genre humain, un chant


stellaire pour les morts, une leçon de vie. Silence et
respect. » Le Monde.

Les modalités de signification sont particulières.

- l’analogie : correspondances formelles, au-delà des


échelles et des références. Coïncidentia oppositorum
qui fait correspondre le macrocosme et le
microcosme. cf. Epstein ou Vertov.

- le symbolique : une logique élémentaire. L’eau, le


feu, le froid, la poussière, le temps…

C’est donc un fonctionnement d’ordre poétique qui est


à l’oeuvre dans ce film. La beauté plastique de l’oeuvre
est évidente… l’attention à la lumière sur le désert,
même pour évoquer un camp de concentration. Les
objets se chargent aussi d’une puissance poétique et
deviennent de véritables natures mortes. Les images
de l’immensité de l’univers deviennent un face à face
avec la dimension infinie de l’univers vs la petitesse de
l’humain. Méditation, apaisement, hypnotisme…
recueillement (J. Verne et/ou 2001). Dans Nostalgie de
la lumière, la beauté n’entre pas en contradiction avec
la barbarie, elle se fait rempart contre le néant.

Le rythme du film, lent, avec des plans fixes permet au


spectateur de prendre le temps de comprendre, de
s’imprégner et de dépasser le paradoxe… Le N/B
fonctionne comme un retour du passé tu dans le
présent.

Rareté de la parole.

Extraits

. Le bouton de nacre, 2015. Il appartient à une trilogie avec


Nostalgie de la lumière.

Comment un objet aussi minuscule et aussi insignifiant


qu'un « bouton de nacre » peut-il tenir sur ses épaules un
documentaire aussi incroyablement ambitieux que celui-ci ?
Le bouton de nacre est un tour de force narratif, mis en
scène par un auteur qui a un point de vue unique. Une voix
off, des images qui défilent, et à peine quelques
intervenants, mais le tout porté par une imagination folle.
Le Bouton de nacre parle de l'eau, de l'espace, du Chili, de
la part de responsabilité des Etats-Unis dans le coup d'état
de Pinochet, du sort des nations indigènes de Patagonie, de
tout cela à la fois. Tout le talent de Guzmán est d'arriver à
intégrer toutes ces idées dans un ensemble incroyablement
cohérent et fluide.
Une cohésion où le fil directeur est l'eau. L'eau qui
constitue la plus grande frontière de ce pays, l'eau qui est
le lieu de naissance de la vie mais qui est aussi un
cimetière où reposent les corps torturés des sympathisants
d'Allende.
L'eau qui est l'origine et l'horizon du Chili. Le film passe
des souvenirs personnels de son auteur à la composition
scientifique des galaxies, et par des témoignages simples
et poignants des derniers descendants des tribus indiennes,
qui eux-mêmes vivaient presque sur l'eau. Le Bouton de
nacre passe du personnel à l'universel, du document à la
poésie, et vice versa…
Extraits :
La carte.
Prolongement :
A. Cavalier :
Alain Fraissé, né en 1931 dans le Loir et Cher. Il est reconnu
comme l’un des réalisateurs les plus innovants et propose des films
dont les postulats esthétiques sont marqués.
Après des études d'histoire, Alain Cavalier entre à l’IDHEC puis
devient assistant de Louis Malle.
Il s’essaye tout d’abord aux côtés des plus grands au cinéma
traditionnel. (Chamade)
Alain Cavalier va affiner progressivement sa nouvelle manière de
faire des films. Réduisant ses équipes techniques, renonçant peu à
peu à toute action dramatique traditionnelle, il aspire de plus en plus
à filmer au plus près des êtres, ce qui va l'amener inévitablement
vers le documentaire.
Après Ce répondeur ne prend pas de message, inclassable
performance où Cavalier met en scène sa propre intimité
sentimentale, une étape capitale dans sa méthode de travail va être
franchie avec Thérèse (1986). Simple et radical, le film questionne
la sainteté au travers de la vie de la jeune carmélite Thérèse de
Lisieux.
Il se lance dans une série de vingt-quatre portraits de femmes
exerçant à Paris des métiers en voie de disparition (matelassière,
cordonnière, coutelière, magicienne…), suite de courts-métrages
qu'il présente dans son film Cavalier Express (2014). cf. Portraits.
Six Portraits XL. 2017.
À partir de 1995 et la réalisation de La Rencontre, il travaille avec
de petites caméras vidéo entièrement seul.
Vies, 2000, marque une nouvelle avancée. Au plus proche de
l'essence artisanale de son art, Cavalier tourne désormais seul
grâce à la caméra DV ; la légèreté de l'outil lui permettant enfin de
filmer idéalement « au plus près de son expérience ». Il dit ne plus
être un cinéaste, mais un « filmeur ». Le Filmeur sort en 200.
Méditations fragmentaires sur la fuite du temps. Le cinéma est le
signe de son parcours intérieur.
En 2001, il présente Pater, avec Vincent Lindon.
En 2015, il tourne Le Paradis. (à la frontière entre l’autobiografilm et
le film essai).
. Le Paradis

C/ Les films intimistes-l’autobiografilm :

L’autobiographie en tant que genre littéraire a été définie et étudiée


par Philippe Lejeune. Il y expose l’idée d’un regard rétrospectif, qu’un
« je » porte sur son passé en privilégiant les éléments
personnels/histoire. C’est un genre littéraire à part entière… et c’est
devenu un genre cinématographique. (A. Ernaux, Les Années.)
Pour l’autobiogra-film, la question de la double posture : derrière la
caméra et devant la caméra est essentielle. Comment jouer son propre
rôle ? On l’a vu avec Truffaut/J-P Léaud, Fellini/Mastroiani…
Despléchin et Amalric… ce sont des films de fiction d’inspiration
autobiographique.
Certains films intimistes (cf. Les premières vues Lumières) se
recentrent sur des sujets plus précis. L’Histoire familiale ou une
période de la vie.

Exemples :
Les plages d’Agnès, A. Varda, pré-générique, minute 35’, 59’
(famille), le féminisme : 1h24’28. 2008.
Visages-villages, 2017

Conversations intimes, H. Lapiower, 1999.


Hélène Lapiower, actrice vivant à Paris, a filmé, pendant sept années,
sa famille éparpillée en Belgique et aux Etats-Unis. Une famille de
« petits tailleurs juifs, Polonais émigrés, dont les enfants se sont tous
mariés avec des noirs, des Belges et des Arabes. » Une rupture totale
d’identité pour cette génération, touchée dans son intimité par le poids
de l’Histoire. Petite conversation intime est un film sur la rupture…
mais aussi sur l’exil, la mémoire et la transmission.
. Ouverture-6’
. 17’16
. 26’
. 44’
. 50’

Petits arrangements avec la vie, Christophe Otzenberger


. 20’,
. 15’,
. 25’,
. 30’
Tarachime, (Naissance et Maternité). 2006.
Les délices de Tokyo, Stil the Water… Poésie.
Naomi Kawase a été confiée enfant à un couple de personnes assez
âgées (une tante?) qu’elle nommera grand-mère. Le film trouve son
unité autour de la question de la maternité. Elle filme les corps de très
près… et n’interroge sur la nature de l’enfantement.
Naomi Kawase.
. Début-4’18
. 28’22-32’46 (+ naissance)

D/ Le Pamphlet cinématographique :
Le cinéma est depuis l’origine capable d’être porteur d’une « thèse ».
Avec les « agitkis » soviétiques et la propagande nazie, l’« objectivité »
des images leur apporte une crédibilité accrue par rapport aux textes.
Les films de J. Vigo et Franju sont aussi des prises de position fortes
face au monde...

- 1/ Les Statues meurent aussi, A. Resnais (C. Marker)


Extrait n°1

- 2/ Loin du Vietnam. A. Resnais, Godard, C. Marker. (et alii)


Extraits

- 3/ Bowling for Columbine, M. Moore/ mise en opposition avec Gus Van


Sant
Elephant.
Extrait

-4/ La domination masculine, Patric Jean, 2009.


Extrait

E/ Les films d’art : (1h)


Dans les années 50, autour du groupe des 30, une thématique devient
importante et sera abondamment abordée : le film d’art.
Il s’agit de s’interroger sur la « magie », le « mystère » de la création.
Deux films de cette période font date :
Le Mystère Picasso, H-G. Clouzot.
La genèse du film résulte d'un concours de circonstances :
Picasso et Clouzot, amis depuis vingt ans, voulaient faire un
film ensemble ; c'est lorsque le peintre reçut des "feutres
magiques" et des encres spéciales envoyées par des étudiants
américains que le projet prit corps. Feutres et encres avaient la
curieuse propriété de traverser le papier sans baver et
d'inscrire au verso les traits exacts dessinés au recto. Clouzot
eut l'idée de filmer le derrière de la toile : on verrait ainsi naître
l'oeuvre d'art par transparence, comme par magie.
De juillet à septembre 1955, Picasso et Clouzot se retrouvent
tous les jours durant huit heures dans les Studios de La
Victorine à Nice. Claude Renoir, le petit-fils du grand peintre,
dirige les prises de vues. Au début, l'idée du réalisateur est de
tourner un court métrage de dix minutes. Mais au bout de huit
jours, la matière est tellement riche qu'il songe à une série de
courts métrages.
Ensuite, Picasso peint à l'huile : la technique de cinéma doit
être modifiée. Clouzot place sa caméra derrière le peintre et
filme la toile à intervalles réguliers tandis que Picasso s'écarte.
Pour la peinture à l'huile, Clouzot emploie la couleur. De même,
pour suivre fidèlement les proportions des toiles, le cinéaste
filmera en écran large. Ainsi, son film sera le seul à employer
successivement le noir et blanc et la couleur, l'écran normal
puis le Cinémascope. Parallèlement, la bande sonore suit la
même évolution : on n'entend d'abord que le crissement du
fusain sur la toile; puis ce sont des mesures de guitares ou des
solos de batterie; pour finir, c'est la totalité de l'orchestre
symphonique qui explicite l'oeuvre en gestation.
Au bout des trois mois de tournage, Clouzot se trouve en
possession d'une longueur impressionnante de pellicule. Il
trouve dommage de fragmenter une matière aussi riche : le
film sortira donc sous la forme d'un long métrage. Son genre
particulier limitera forcément son audience. Mais les vrais
amateurs d'art se réjouiront tous de ce document unique dans
les annales du cinéma. Adoptant sans réticence la formule d'un
critique de l'époque : LE MYSTÈRE PICASSO, c'est "le plus beau
film de suspense Jamais réalisé"… cf. Article d’A. Bazin

Van Gogh, A. Resnais.

"... Décembre 1883 au bout de la route : Nuenen, petit


village de Hollande. Pour lui, son pays natal devient un
livre d'images. Il veut témoigner par ses tableaux de la
misère des paysans. Il regarde intensément les êtres et
les objets avec le même amour. Mais il se lasse bientôt
de peindre ce pays triste et silencieux, d'autres horizons
l'appellent.
Quittant Nuenen un soir de novembre, Van Gogh, solitaire,
s'engage vers son destin. Paris l'accueille, un Paris immense,
un nouvel appartement, une nouvelle palette, de nouvelles
couleurs et de nouvelles lectures. Dans les rues, et les cafés de
Montmartre, il rencontre d'autres artistes, Seurat, Lautrec,
Gauguin. Porte, restaurant, verre de bière. Il sent peser la
solitude de la grande ville, il rêve d'une autre lumière.
Ce n'est plus un rêve sur les estampes japonaises contemplées
chez le père Tanguy. Il habite dans la maison jaune, une petite
chambre. Des amis des voisins viennent poser pour lui.(...)
Dans un calme illusoire, il peint sans ménager ses forces. Un
jour, Van Gogh sent brusquement l'apparence des choses lui
échapper. Un soir de Noël, le drame éclate. Dans un accès de
folie, Van Gogh s'est tranché l'oreille. L'hospice de saint Rémy
se referme sur lui. Il faut pourtant continuer à peindre alors
que l'on est prisonnier de soi-même et des autres. Les
médecins déclarent que l'état de Van Gogh s'améliore. On lui
ouvre la porte de l'asile. Il s'échappe.
La nature le frappe au visage il veut peintre le tourbillon du
monde mais le monde tourne si vite. Comment le saisir ? On ne
joue pas impunément avec le feu et ce n'est pas pour rien que
les tournesols s'appellent des soleils. Arrivé au sommet de son
art, Van Gogh vainqueur, s'arrête, saisi de vertiges.
A bout de force, il se réfugie en île de France, à Auvers sur
Oise. Des chaumières semblables à celles de son village natal
mais le feu brûle désormais en lui. Il a renoncé à tout mais pas
à son œuvre, à peine six années de travail acharné. Van Gogh
se rebelle. Tout son être crie. Pourtant il faut choisir. Le 27
juillet, 1890, trop jeune pour connaître sa gloire mais sûr d'elle
au milieu d'un champ devant son chevalet, Van Gogh se titre
une balle dans le cœur."

Œuvre de commande, le Van Gogh de Resnais appartient à la


préhistoire du genre du film d’art. A ce titre, il a le mérite de
jeter les bases de bons nombres de problématiques qui seront
soulevées par les cinéastes qui s'intéresseront à la rencontre
entre cinéma et peinture. Réalisé en collaboration avec Gaston
Diehl et Robert Hessens, qui ont ensemble conçu le texte du
commentaire et la sélection des œuvres, ce projet articule un
champ sonore prégnant à une stratégie visuelle illustrative.
La proposition sonore se construit à partir de la rencontre entre
une composition musicale originale de Jacques Besse et le récit
dramatique de la vie du peintre, exposée sur un ton lyrique par
la voix-off de Claude Dauphin.
Au-delà de l'esthétique surannée qui émane d'un tel dispositif
sonore, c'est surtout la dimension tyrannique de la seule
explication biographique proposée pour regarder l'œuvre qui
s'impose. En toute cohérence, la stratégie visuelle consiste à
accompagner la narration en utilisant les tableaux de Van Gogh
comme des illustrations de sa propre vie. Ceux-ci sont saisis de
l'intérieur, sans leurs cadres, par une caméra qui les
décontextualise systématiquement. Aucune autre image ne se
glisse dans le montage (photographie de paysages, de
personnage de témoins...) qui fonctionne comme un diaporama
d'œuvres.
La dynamique visuelle est tout entière à la charge des
juxtapositions plus ou moins rapides de tableaux et des
fragmentations visant à mettre en avant certains détails. On
passe ainsi d'un plan sur la maison jaune à l'une de ses
fenêtres par un zoom-avant avant d'y pénétrer en voyant la
fenêtre vue cette fois de l'intérieur par un gros plan qui suivit
d'un zoom-arrière nous dévoile La chambre de Van Gogh. Ce
même effet, sur trois tableaux : gros plan sur porte puis
intérieur de restaurant et femme attablée avait été utilisé pour
décrire la vie parisienne de van Gogh.
Le commentaire "Mais il se lasse bientôt de peindre ce pays
triste et
Le Sel de la terre, Salgado.
Le Sel de la Terre (The Salt of the Earth) est un film documentaire
franco-italo-brésilien réalisé par Juliano Ribeiro Salgado et Wim
Wemders sorti en 2014.
C'est un documentaire sur la vie et le travail de Sebastiao Salgado ,
réalisé par Wim Wenders. Ce dernier accompagne Salgado dans le
projet « Genesis », un monument artistique sous forme d'hommage aux
civilisations inconnues.
Le Sel de la Terre retrace les mutations de l'humanité, prenant les
chemins les moins fréquentés, il exalte la beauté de la planète. Depuis
plus de quarante ans, Salgado a parcouru le monde muni de son
appareil photo, capturant en noir et blanc la famine, l'exode, les guerres
qui le constituent. Ainsi, il transmet au monde, à travers ses
photographies, le goût de la paix et des paradis perdus. Film en forme
d’hommage au photographe… Le Monde titrait Wenders « canonise »
Salgado.
- ouverture
- 46’05
- 55’40
- 1h08’-1h10’

F/ Les jeux avec les limites : (1h)


La forme documentaire étant par nature fondée sur une sorte de contrat
avec le spectateur, de nombreux jeux sont possibles. On assiste donc à
des va-et-vient entre la fiction et le documentaire.

Exemples déjà vus :

Zelig, Woody Allen

Punishment park, Watkins

Autres cas : Le bascule dans une autre forme...

Entre nos mains, Mariana Otero


Ex :
Mariana Otero, Entre nos mains. 2010, + L’Assemblée (2017)
Pour sauver leur emploi, des salariées décident de reprendre le pouvoir
dans leur entreprise et de créer une coopérative. On suit, comme une
aventure, leurs luttes et leurs échecs. Elles découvrent la force du
collectif, de la solidarité et une liberté nouvelle. De façon étonnante,
c’est lorsque le combat est perdu et qu’elles doivent faire un bilan
qu’elles se lancent dans une sorte de mise en chanson, une comédie
musicale pour dire le vrai...

Valse avec Bachir, Ari Folman


Des cas de mélange :
Taxi-Téheran, Jafar Panahi
Le réalisateur Jafar Panahi, se faisant passer pour un chauffeur de Taxi
se trouve au volant d’un taxi dans la capitale iranienne de Téhéran dans
lequel il a installé une caméra. Cette caméra filme une succession
d’archétypes iraniens variés qui prennent tous place à bord du taxi, les
personnages étant plus ou moins conscients du stratagème orchestré
par le cinéaste. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, riches ou
pauvres, aussi bien vendeur de vidéos pirates que défenseur des droits
de l'homme, tous se retrouvent tour à tour dans le véhicule. Chaque
personnage propose un portrait iranien spécifique et est également
porteur d’un thème de société. Le film se termine par le vol de la caméra
du taxi.
Extraits.

Close up, A. Kiarostami


(1990) avec dans leur propre rôle Sabzian, M. et Mme Anhankah leur fils,
le cinéaste Mohsen Makhmalbaf.
Un journaliste, impatient de réussir un scoop, démasque un imposteur
qui se fait passer auprès d’une riche famille de Téhéran pour un cinéaste
connu, Moshem Makhmalbaf. C’est donc un fait divers qui est le point de
départ du film. Kiarostami filme le procès de l’imposteur, Sabzian, et
nous découvrons au cours de l’audience qu’il ne s’agit pas d’une
tentative d’escroquerie : c’est un irrépressible désir de cinéma qui anime
l’imposteur, et de la manière la plus sincère. Sabzian est un cinéphile
pauvre et passionné. Kiarostami reconstitue l’enquête qu’il mène pour
retrouver Sabzian en prison, ainsi que la famille trompée. Il convainc les
uns et les autres de jouer leur propre rôle dans la reconstitution de
quelques-uns des épisodes qui ont précédé l’arrestation de l’imposteur
et son procès. Pour finir, le père de la famille abusée, comme le cinéaste
Makhmalbaf, victime d’un détournement d’identité, accordent leur pardon
à Sabzian : comme nous, ils admirent la folle passion qui l’a conduit à
jouer le plus difficile des rôles, celui de metteur en scène.
Il s’agit donc ici d’une réflexion sur les pouvoirs du cinéma. Le mensonge
ne permet-il pas de dire la vérité ? Il faut en passer par le cinéma pour
nouer des relations vraies avec les spectateurs.
-30’23
- 1h29fin
- 37’
- 1h20’

Salam Cinéma, Moshem Makhmalbaf, 1995.


Un cinéaste iranien veut tourner un film pour le centenaire du cinéma. Il
fait passer une petite annonce afin de recruter une centaine de
comédiens. Près de 5 000 personnes se présentent. Le mythe du
cinéma, sa fascination, à l'épreuve de la réalité. Le réalisateur joue son
propre rôle et une suite d'auditions, d'entretiens avec les postulants
constitue la substance sociologique de cet essai qui a réussi à
contourner la censure des scénarios

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