Vous êtes sur la page 1sur 23

CÉLÉBRER

LES MANUSCRITS
de la
MER MORTE
Une perspective canadienne
Sous la direction de
Jean Duhaime et Peter W. Flint
Comprenant vingt-cinq contributions par des spécialistes
des manuscrits de la mer Morte et de la littérature connexe

Ms mer Morte couverture 3.indd 1 31-07-14 07:27


CÉLÉBRER LES MANUSCRITS
DE LA MER MORTE

une perspective canadienne

Sous la direction de

Jean Duhaime et Peter W. Flint


Comprenant vingt-cinq contributions
par des spécialistes des manuscrits de la mer Morte
et de la littérature connexe

Duhaime.indb 3 31-07-14 07:32


Médiaspaul reconnaît l’aide inancière du Gouvernement du Canada par l’entremise du
Fonds du livre du Canada, du Conseil des Arts du Canada et de la Société de dévelop-
pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour ses activités d’édition.

Cet ouvrage a été publié grâce à la participation inancière du Fonds des donateurs de la
Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, du Conseil
de recherches en sciences humaines du Canada, de l’Association catholique des études
bibliques du Canada (ACÉBAC) et de la Chaire de recherche du Canada pour l’étude
des manuscrits de la mer Morte (Trinity Western University).

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du


Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Celebrating the Dead Sea Scrolls. Français
Célébrer les manuscrits de la mer Morte : une perspective canadienne.
Traduction de : Celebrating the Dead Sea Scrolls.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-89420-943-1
1. Manuscrits de la mer Morte. 2. Communauté de Qumrân. I.
Duhaime, Jean, 1948- . II. Flint, Peter W. III. Titre.
BM487.C4414 2014 296.1’55 C2014-940128-0

Composition et mise en pages : Robert Charbonneau


Maquette de la couverture : Robert Charbonneau
Photo de la couverture : fragment de la Règle de la guerre
ISBN 978-2-89420-943-1
Dépôt légal — 3e trimestre 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
© 2014 Médiaspaul
3965, boul. Henri-Bourassa Est
Montréal, QC, H1H 1L1 (Canada)
www.mediaspaul.ca
mediaspaul@mediaspaul.ca
Médiaspaul
48, rue du Four
75006 Paris (France)
distribution@mediaspaul.fr

Tous droits réservés pour tous les pays.

Imprimé au Canada – Printed in Canada

Duhaime.indb 4 31-07-14 07:32


25

Jésus et le Psaume 91 à la lumière


des manuscrits d’exorcisme

Craig A. Evans

Abstract

Jesus and Psalm 91 in the light


of the exorcism scrolls

In the narrative of Jesus’ wilderness temptation Satan appeals to Psalm 91.


Appeal to this psalm in this context makes sense, for commentators have
long suspected that Psalm 91 was understood as ofering assurance against
demonic aliction. We see this in rabbinic interpretation, in the targumic
paraphrase, and in an apparent allusion to the text in the Greek Testament of
Levi. Nevertheless, some interpreters have expressed reservations, arguing that
the rabbinic and targumic traditions are too late to be of use in New Testa-
ment interpretation, and that the apparent allusion to Psalm 91 in the Testa-
ment of Levi is either too vague or may actually be a Christian gloss. However,
the discovery at Qumran of Psalm 91 in combination with exorcism psalms
in 11QapocrPs (11Q11) has provided compelling evidence that this psalm was
apparently understood in the time of Jesus as ofering divine assurances of pro-
tection against demonic powers.

1. Introduction

L’évangile de Marc, le plus ancien des synoptiques, fournit aux lecteurs un très
bref récit de la tentation de Jésus au désert. L’évangéliste nous dit seulement que
Jésus « était dans le désert durant quarante jours, tenté par Satan. Et il était avec
les bêtes sauvages, et les anges le servaient » (Mc 1, 13). En Marc, on n’entend
aucune conversation entre Jésus et Satan, et personne ne fait appel à l’Écriture.
Les évangiles de Matthieu et de Luc, cependant, ofrent beaucoup plus aux lec-
teurs. Ces évangélistes ampliient le récit marcien de la tentation avec un bloc de
matériel venant de la source Q, dans lequel Satan tente Jésus à trois reprises et

Duhaime.indb 563 31-07-14 07:33


564 CRAIG A. EVANS

Jésus lui répond trois fois en citant des passages du Deutéronome (voir Mt 4, 1-11 ;
Lc 4, 1-13). Dans ce qui est la seconde tentation en Matthieu (ou la troisième dans
l’ordre de Luc), Satan presse Jésus de se jeter en bas du pinacle du Temple. Jésus
n’a rien à craindre, car, après tout, l’Écriture l’assure :
τοῖς ἀγγέλοις αὐτοῦ ἐντελεῖται περὶ σοῦ
καὶ ἐπὶ χειρῶν ἀροῦσίν σε, μήποτε προσκόψῃς πρὸς λίθον τὸν πόδα σου.
« Il donnera pour toi des ordres à ses anges, »
et « sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied
quelque pierre » (Mt 4, 6).
Satan avait cité la plus grande partie du Psaume 91, 11-12, qui se lit comme
suit dans le texte massorétique :

‫ל־דּ ָר ֶכיָ׃‬
ְ ‫ה־ְּ ִל ְׁ ָמ ְרָ ְּ ָכ‬
ָ ֶּ‫ ִּי ַמ ְל ָא ָכיו יְ ַצ‬.11
‫ן־ֹּּף ָּ ֶא ֶבן ַרגְ ֶלָ׃‬
ִ ֶּ ָ ְ‫ל־ּ ַּיִ ם יִ ָּאּנ‬
ַ ‫ ַע‬.12
11. Car il donnera ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies.
12. Sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes ton pied contre
une pierre.
Et dans la version grecque ancienne [LXX, Ps 90], qui traduit l’hébreu tout à
fait littéralement :
11. ὅτι τοῖς ἀγέλοις αὐτοῦ ἐντελεῖται περὶ σοῦ τοῦ διαφυλάξαι σε ἐν πάσαις
ταῖς ὁδοῖς σου.
12. ἐπὶ χειρῶν ἀροῦσίν σε, μήποτε προσκόψῃς πρὸς λίθον τὸν πόδα σου.

11. Car il donnera ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies.
12. Sur leurs mains ils te porteront de peur que tu ne heurtes ton pied contre
une pierre.

L’appel de Satan au Psaume 91 n’étonne plus. Les commentateurs ont depuis


longtemps soupçonné qu’on estimait que ce psaume ofrait une protection contre
les assauts du démon. On le constate dans l’interprétation rabbinique, dans la
paraphrase targoumique et dans ce qui semble une allusion à ce texte dans le
Testament de Lévi grec. Certains interprètes cependant ont exprimé des réserves,
soutenant que les traditions rabbiniques et targoumiques sont trop tardives pour
être utilisées dans l’interprétation du Nouveau Testament et que l’allusion appa-
rente au Psaume 91 dans le Testament de Lévi est trop vague ou qu’elle pour-
rait être, en fait, une glose chrétienne. Toutefois, la découverte, à Qumrân, du
Psaume 91 combiné à des psaumes d’exorcisme paraît avoir réglé la question une
fois pour toutes : le Psaume 91, en efet, semble avoir été compris au temps de
Jésus comme ofrant l’assurance divine d’une protection contre les puissances
démoniaques.

Duhaime.indb 564 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 565

Dans ce qui suit, nous allons d’abord considérer 11Q11 (11QapocrPs), dans
lequel nous trouvons trois (?) psaumes d’exorcisme ainsi que le Psaume 91, puis
nous évaluerons l’interprétation de ce Psaume 91 dans les littératures juive et
chrétienne anciennes. À la in de cet essai, nous retournerons à la question de
Jésus et du Psaume 91.

2. Les psaumes d’exorcisme à Qumrân

Dans le grand Rouleau des Psaumes de la grotte 11 (11Q5), on a intercalé, au


milieu d’un groupe de psaumes et d’hymnes, une présentation de David, ils de
Jessé et compositeur de nombreux psaumes. On nous dit, entre autres choses :
« Et tous les psaumes qu’il (David) a prononcés se chifrent à quatre cent
quarante-six. Et les chants à exécuter sur les possédés sont au nombre de quatre
[‫( » ]לנגן על הפגועים ארבעה‬11Q5 [ou 11QPsa] 27, 9-10)1. Or, il se pourrait que
nous ayions retrouvé les « quatre » psaumes à chanter (ou à exécuter) sur les pos-
sédés, auxquels 11Q5 fait référence2.
Ces psaumes d’exorcisme se trouvent en 11Q11 (ou 11QapocrPs). Ce manus-
crit semble comprendre trois psaumes extracanoniques, plus le Psaume 91, soit
quatre psaumes en tout3. Les compositions extracanoniques sont clairement des
psaumes d’exorcisme. Étant donné la paraphrase araméenne du Psaume 91, son
interprétation rabbinique postérieure et sa citation dans le récit de la tentation
de Jésus, l’apparition du Psaume 91 en 11Q11 suggère fortement que ce psaume
était compris comme un psaume d’exorcisme non seulement à Qumrân, mais
aussi par beaucoup de Juifs du temps de Jésus. La compréhension targoumique
et rabbinique du Psaume 91 comme un psaume d’exorcisme peut bien relever de
traditions récentes, mais ces traditions semblent dépendre d’une interprétation
ancienne, attestée en 11Q11, dans le récit de la tentation de Jésus en Q, et peut-
être aussi dans le Testament de Lévi.

1. Florentino García Martinez et Eibert J. C. Tigchelaar, he Dead Sea Scrolls Study


Edition, vol. II : 4Q274-11Q31, Leiden, Brill, 1998, p. 1178-1179 [= DSSE]. Voir aussi James A.
Sanders, he Psalms Scroll of Qumrân Cave 11, dans Discoveries in the Judean Desert (= DJD)
4, Oxford, Clarendon, p. 48, 92-93.
2. Ainsi J. P. M. van der Ploeg, « Un petit rouleau de Psaumes apocryphes (11QPsApa) »,
dans G. Jeremias, H. W. Kuhn et H. Stegemann (dir.), Traditions und Glaube : Das frühe
Christentum in seiner Umwelt. K. G. Kuhn Festchrit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht,
1971, p. 128-139, + pl. ii-vii, ici p. 129 ; Émile Puech, « 11QPsApa : Un rituel d’exorcismes.
Essai de reconstruction », dans RevQ 14 (1990), p. 377-408, spéc. p. 399-403 ; idem, « Les deux
derniers psaumes davidiques du rituel d’exorcisme 11QpsApa, iv, 4-5,14 », dans D. Dimant et
U. Rappaport (dir.), he Dead Sea Scrolls : Forty Years of Research (STDJ 10), Leiden, Brill /
Jerusalem, Magnes Press and Yad Izhak Ben-Zvi, 1992, p. 64-89, spéc. p. 78-89.
3. Peter W. Flint, dans he Dead Sea Psalms Scrolls and the Book of Psalms (STDJ 17),
Leiden, Brill, 1997, p. 167, parle de cette collection de psaumes comme d’un « Manuel d’exor-
cisme davidique ». Que 11Q11 comprenne quatre psaumes davidiques est une hypothèse
plausible, mais ce n’est pas certain, étant donné la nature fragmentaire du manuscrit.

Duhaime.indb 565 31-07-14 07:33


566 CRAIG A. EVANS

Les psaumes d’exorcisme de 11Q11 se présentent comme suit4 :

Premier psaume d’exorcisme

1, 2. […] et celui qui pleure pour lui […] 3. […] la malédiction […] 4. […] par
le Seigneur […] 5. […] dragon […] 6. […] la ter[re…] 7. […] adjur[ant…] 8.
[…] pour […] 9. […] cela […] 10. […] les démon[s…] 11. […] il va habi[ter…]
(1,2-11 [anc. frg. A, lignes 2-11]).

Deuxième psaume d’exorcisme5

2, 1. [À David. Au sujet des paroles d’incantation] au nom [du Seigneur …]


2. [… (selon) l’activi]té de Salomon quand il invo[qua le nom du Seigneur]
3. [… les es]prits et les démons […] 4. […] ceux-ci (sont) [les dé]mons. Et le
pr[ince d’hostili]té, 5. [c’est Bélial q]ui [exerce son pouvoir s]ur l’abî[me des
ténè]bres 6. [… pour] magnii[er le D]ieu de […] 7. […] son peuple accomplit
la guérison 8. [… sur ] ton nom trouve un appui. Et invo[que] 9. [… Is]raël.
Prends appui 10. […] les cieux 11. [… q]ui a séparé […] 3, 1. [… Qui es-] tu ?
[…] les abîme[s…] 2. la terre et t[out ce qui est sur la] terre. Qui a fa[it…] 3. et
les prodi[ges… sur la] terre ? Le Seigneur (est) ce[lui qui] 4. a fait t[out…]
sa […] conjurant tous les a[nges…] 5. toute la ra[ce…] qui se tient en pré-
sence [de lui…] 6. [… c]ieux et [toute] la terre […] qui envoie sur 7. [toute la
terr]e le péché et sur tout h[omme…] ils connaissent 8. ces mer[veilleuses
œuvres] qu’ils ne peuvent […le Sei]gneur. S’[ils] ne 9. […] pas devant le
Seigneur […] en supprimant une vie 10. […] le Seigneur et ils craindront
ce gran[d] 11. […u]n parmi vous […] un mi[llier …] d’entre les serviteurs du

4. Pour le texte hébreu et sa traduction, voir James A. Sanders, « A Liturgy for Healing
the Stricken », dans J. H. Charlesworth (dir.), he Dead Sea Scrolls : Hebrew, Aramaic, and
Greek Texts with English Translations, vol. 4A : Pseudepigraphic and Non-Masoretic Psalms
and Prayers, Tübingen, Mohr Siebeck / Louisville, KY, Westminster John Knox, 1997, p. 216-
233 ; Florentino García Martinez, Eibert J. C. Tigchelaar et A. S. van der Woude (dir.), Qumran
Cave 11. II. 11Q2-18, 11Q20-31(DJD 23), Oxford, Clarendon, 1998, p. 181-205 et pl. xxii-xxv ;
García Martinez et Tigchelaar, DSSE 2, p. 1200-1205 ; Martin G. Abegg, Peter W. Flint et
Eugene Ulrich (dir.), he Dead Sea Scrolls Bible : he Oldest Known Bible Translated for the
First Time into English, San Francisco, Harper San Francisco, 1999, p. 539-542. Voir aussi
Flint, Dead Sea Psalms Scrolls and the Book of Psalms, p. 246-248. Sur les psaumes d’exor-
cisme, voir M. Delcor, « L’utilisation des psaumes contre les mauvais esprits à Qoumran »,
dans La Vie de la parole, de l’Ancien au Nouveau Testament : études d’exégèse et d’herméneu-
tique bibliques ofertes à Pierre Grelot, Paris, Desclée, 1987, p. 61-70 ; Puech, « 11QPsApa : un
rituel d’exorcismes », dans RevQ 14 (1990), p. 377-408 ; idem, « Les deux derniers psaumes
davidiques…, 11QPsApa, iv, 4-5,14 », p. 64-89 ; idem, « Les psaumes davidiques du rituel
d’exorcisme (11Q11) », dans D. K. Falls, F. García Martinez et E. M. Schuller (dir.), Sapiential,
Liturgical and Poetical Texts from Qumran (STDJ 35), Leiden, Brill, 2000, p. 160-181.
5. Traduction d’après Sanders, « A Liturgy for Healing the Stricken », p. 221-227 (et
Puech, « 11QPsApa : un rituel d’exorcismes… », p. 387-389 [n.d.t.]).

Duhaime.indb 566 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 567

Sei[gneur] 12. [… un g]rand [coup] et […] 4, 1. [… et] grand […] conjurant


[…] 2. et le grand par […] un puissant et il pour[suivra] 3. toute la terre [… le
D]ieu des cieux, alors […] 4. le Seigneur te frappera (d’)un co[up] puiss[ant]
pour te détruire […] 5. Et dans l’ardeur de sa colère, [il enverra] contre toi
un ange fort [pour exécuter] 6. [tous ses o]rdres qui […] pitié contre toi,
qu[i] 7. […] sur tous ceux qui t’[enverront] au grand abîme 8. [et au] profond
[shéol] et (loin) du sé[jour… tu] habitera[s ( ?)], et (il y aura) des ténèbres
9. [dans le g]rand [abîme et … ne…] plus sur la terre 10. […] à jamais et
[…] avec la malédiction de l’Aba[ddon] 11. [… par ] l’ardeur de la colère du
Sei[gneur…] ténèbres pour t[outes] 12. […] tribulations […] ton cadeau
13. [… le g]rand co[up…] 5, 1. [… ju]stice […] 2. […]qui […] les possédés […]
3. volontaires de […Ra]phaël va les guérir […] (2,1 – 5,3 [anc. 1,1 – 4,31]).

Troisième psaume d’exorcisme6

5, 4. Psaume de David contre […] au nom du SEI[GNEUR…] 5. contre


Recheph […] il viendra à toi la nu[it, et] tu lui diras : 6. « Qui es-tu ? [Sors
de] l’humanité et de la race sain[te] ! Car ton apparence est 7. [néant], et tes
cornes sont des cornes de sable. Tu es ténèbre et non lumière, 8. [impié]té et
non justice […] le Seigneur […] 9. [au] tréfonds de [l’en]fer, [cloîtré derrière
des portes] d’airain […] 10. […] lumière et non [… pour ne jamais revoir] le
soleil qui [brille] 11. [sur les] justes […] et alors tu diras […] 12. […] les justes
à venir […] pour lui faire mal [...] 13. [… vé]rité de [… jus]tice à […] 6, 1. […]
2. [… à] jamais 3. [tous les ils de] Bél[ial. Amen, Amen.] Sèlah. (5,4 – 6,3
[anc. 4,4 – 5,3]).

Quatrième psaume d’exorcisme7

6,3. Ps 91, 1 [Celui qui demeure] à l’abri du [Très Haut, à l’om]bre du Puissant
4. [il habite]. 2 Celui qui dit [au Seigneur : « Mon refuge] et [ma] forteresse,
[mon Dieu (est) ma] sécurité, en lui [je me conie ».] 5. [3 Car l]ui te déli-
vrera du [ilet de l’oise]leur, de la mort[telle] peste. 4 [De] son pennage, il [te]
couvrira et 6. sous ses [aile]s tu habiteras. [Son] amour (sera) [po]ur toi une
protection et sa vérité un bouclier. Sèlah. 5 Tu ne craindras 7. ni la terreur
de la nuit, (ni) la lèche qui vole (de) jour, 6 ni le léau qui fait rage à midi,
ni la peste qui marche [dans les ténè]bres. 8. 7 Mille peuvent tomber à ton
côté, di[x mille à] ta [dr]oite, (mais) cela n[e t’]atteindra [pas]. 8 Il suit que tu

6. La traduction suit en partie E. M. Cook, « Chants pour disperser les démons », dans
Michael Wise, Martin Abegg Jr. et Edward Cook, Les manuscrits de la mer Morte, Paris, Plon,
2001, p. 597.
7. Traduction basée sur Sanders, « A Liturgy for Healing the Stricken », p. 231-233 (et
Puech, « 11QPsApa : un rituel d’exorcismes… », p. 378-379 [n.d.t.]). Les chifres en exposant
renvoient aux numéros des versets du Psaume 91.

Duhaime.indb 567 31-07-14 07:33


568 CRAIG A. EVANS

[regardes] 9. avec tes yeux [et tu verra]s la rétribution des méchant[s]. 9 Tu as


[inv]oqué [ton] ref[uge], tu (en) a [fa]is ta joie. 10 Tu [ne] 10. ver[ras… pas…
] et l’infortune ne touchera pas tes [ten]tes. 11 Car il a commandé pour toi [à
ses anges] 11. de [te] gar[der dans] tes [chemins] ; 12 sur (leurs) mains [ils te
porteront] de peur que [tu ne heurtes ton] pied [sur une pi]erre ; 12. 13 (sur)
un serpent [… tu marche]ras, tu foule[ras aux pieds…] et le dragon. 14 Tu
as [te]nu bon […] 13. [... 16 … il] te [mon]trera [son] salu[t…]. 14. Et il[s]
répon[dront : « Amen, Amen. »] Sèlah (6, 4-14 [anc. 5, 4-14] = Ps 91, 1-16).

Quelques brefs commentaires seront utiles. Seulement quelques mots et


phrases du premier psaume d’exorcisme ont survécu. Il est plausible qu’il ait été
considéré comme davidique, mais c’est une hypothèse indémontrable. Toutefois,
il est évident que ce fragment de psaume s’apparente à un exorcisme. La ligne
5 comporte le mot « dragon » (« monstre de la mer », « serpent », ‫)תנין‬. Ce mot
apparaît aussi dans le Ps 91, 13, où la Bible de Jérusalem le rend par « dragon ».
On retrouve le mot « démon » (‫ )שד‬à la ligne 10. À la ligne 7, « adjurant » traduit
‫משביע‬, un mot qui signiie d’ordinaire « jurer » (dans le sens de faire un ser-
ment). Dans le contexte d’un exorcisme, il faut probablement le prendre dans
le sens d’« adjurer » ou d’« exorciser », comme en 11Q11 3, 5 (« adjurant tous les
anges ») et 4, 1 (« adjurant »).
Les premiers mots du second psaume d’exorcisme manquent. Ce psaume
était peut-être originalement attribué à David. Le nom du ils de David, Salo-
mon – qui était bien connu pour ses talents d’exorciste – apparaît en 2, 2. Nous
trouvons aussi des références aux « démons » (‫ )שדים‬aux lignes 3 et 4. La recons-
truction « prince d’hostilité » à la ligne 4 est probable. On pourrait aussi traduire
par « le Prince de Mastemah » (‫)שר המשטמה‬, en référence à une puissance spiri-
tuelle malveillante souvent mentionnée dans les manuscrits de la mer Morte. La
reconstruction « Bélial » (‫)בליעל‬, à la ligne 5, est plausible. Comme on l’a indiqué
ci-haut, « adjurer » se retrouve en 3, 5 et 4, 1. Le « millier » en 3, 12 peut faire allu-
sion au Ps 91, 7, où, selon les traditions rabbiniques et targoumiques, il se réfère
à des bandes de démons. En 4, 7, nous avons un « grand abîme », en 4, 10 « la
malédiction de l’Abaddon » (‫)בקללת האבדון‬8, et en 5, 3 un espoir que « Raphaël
va les guérir9 ».
Le troisième exorcisme est clairement identiié comme appartenant à David.
Au nom du Seigneur, quelqu’un peut parler (ou chanter) « contre » des démons
variés, incluant Recheph, un ancien dieu, perçu comme dangereux et puni-
tif, quoique bienveillant également. Les Israélites, cependant, le considéraient

8. Voir M. Hutter, « Abbadon », dans K. van der Toorn, B. Becking et P. W. van der
Horst (dir.), Dictionary of Deities and Demons in the Bible, éd. rév., Leiden, Brill, 1999, 1.
[= DDD]. Le sens de la racine est « destruction » ou « place de destruction ». En Ap 9, 11, le mot
apparaît comme un nom propre.
9. Raphaël est un ange de guérison (voir le livre de Tobie). Voir M. Mach, « Raphael »,
dans DDD, p. 688.

Duhaime.indb 568 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 569

comme un démon (comme en Dt 32, 24 ; Ps 78, 4810). Le psaume se moque du


méchant Recheph, airmant à la ligne 7 que ses « cornes sont des cornes de sable »
(‫)קרניך קרני חלום‬. Cela évoque la bête de Daniel 7, qui possédait dix cornes et
combattait contre les saints (Dn 7, 7 – 8, 21). L’auteur du psaume d’exorcisme
ne craint pas les cornes de Recheph (voir Ps 75, 11 : « Je vais trancher toutes les
cornes des impies »). À la in de la ligne 12, au lieu de « un dé[mon] », on pourrait
lire « Sa[tan] le maltraite ».
Le quatrième psaume d’exorcisme est le Psaume 91 (dans le Texte hébreu
massorétique, mais 90 dans la version grecque). Il n’y a pas d’attribution dans
l’hébreu, mais, dans le grec, le psaume est rattaché à David (τῷ Δαυιδ)11 ; il en est
de même dans l’araméen : « David a dit : “Je vais dire au Seigneur : Mon refuge
et ma forteresse” » (v. 2). Le contenu du Psaume 91 se prête facilement une uti-
lisation à des ins d’exorcisme. Le verset 3 promet la délivrance de la « peste
mortelle », alors que les versets 5 et 6 promettent à la personne idèle qu’elle « ne
craindra ni les terreurs de la nuit » ni « le léau qui fait rage à midi ». Les créatures
mentionnées au verset 13 (« serpent », « dragon » et leurs semblables) étaient quel-
quefois perçues comme des êtres démoniaques. Comme on l’a déjà mentionné,
le « monstre de la mer » (‫ ) ַתִּ ין‬du verset 13, apparaît aussi à la ligne 5 du premier
psaume d’exorcisme12.

3. Le Psaume 91 en araméen

Le Targoum (Tg) des psaumes a reçu relativement peu d’attention de la part des
chercheurs, bien que cela ait commencé à changer récemment13. Dans mon étude,

10. Voir P. Xella, « Resheph », dans DDD, p. 700-703.


11. Le grec porte l’entête αἶνος ᾠδῆς τῷ Δαυιδ, soit : « Une louange. D’un ode. Apparte-
nant à David » (d’après A. Piertersma he Psalms : A New English Translation of the Septua-
gint, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 91).
12. Voir les importantes études de Hermann Lichtenberger, « Ps 91 und die Exorzismen
in 11QPsApa », dans A. Lange, H. Lichtenberger et K. F. D. Römheld (dir.), Die Dämonen :
Die Dämonologie der israelitischen-judischen und frühchristlichen Literatur in Kontext ihrer
Umwelt, Tübingen, Mohr Siebeck, 2003, p. 416-421 ; idem, « Qumran and the New Testa-
ment », dans I. H. Henderson et Gerbern S. Oegema, (dir.), he Changing Face of Judaism,
Christianity, and Other Greco-Roman Religions in Antiquity (JSHRZ 2), Gütersloh, Güterslo-
her Verlag, 2006, p. 103-129, spéc. p. 121-126 (« Spirits and Demons in the Dead Sea Scrolls »).
Pour d’autres liens entre le Psaume 91 et les autres psaumes d’exorcisme de 11Q11, voir Lich-
tenberger, « Qumran and the New Testament », p. 123-124.
13. Compte rendu de l’histoire de la recherche et bibliographies sur le sujet par Craig
A. Evans, « he Aramaic Psalter and the New Testament : Praising the Lord in History and
Prophecy », dans C. A. Evans (dir.), From Prophecy to Testament : he Function of the Old Tes-
tament in the New, Peabody, Hendrickson, 2004, p. 44-91, spéc. p. 44-75 ; David M. Stec, he
Targum of Psalms : Translated with a Critical Introduction, Apparatus, and Notes (ArBib 16),
Collegeville, MI, Liturgical Press, 2004, p. 1-26 ; Timothy Edwards, Exegesis in the Targum of
the Psalms : he Old, the New, and the Rewritten (GD 28, Biblical Studies 1), Piscataway, NJ,
Gorgias Press, 2007, p. 1-23. Edwards ne discute pas du Tg. du Psaume 91.

Duhaime.indb 569 31-07-14 07:33


570 CRAIG A. EVANS

très préliminaire, je suggérais comme date le 5e siècle pour la majorité du maté-


riel de ce Targoum, bien qu’allouant, d’un côté, une date beaucoup plus tardive
à certaines gloses et reconnaissant, de l’autre, la présence de traditions exégé-
tiques et de tours de phrase beaucoup plus anciens14. Dans sa récente traduction,
David Stec suggère du « 4e au 6e siècle » et reconnaît que le Targoum des psaumes
« contient du matériel appartenant à plus qu’une seule période15 ». Sur ce point, je
suis sûr qu’il a raison. Le langage du Targoum semble être une forme d’araméen
de la Palestine16 et témoigne ici et là d’une très ancienne tradition d’interpréta-
tion. L’orientation du Psaume 91 vers l’exorcisme en ofre un exemple intéressant.
Dans le Targoum des psaumes, l’angélologie et la démonologie sont accen-
tuées17. Ces thèmes ne sont pas absents du psautier hébreu, mais sont ampliiés et
modernisés dans l’araméen18. Pour la présente étude, la paraphrase du Targoum
des versets 5-10 du Psaume 91 est d’un intérêt spécial. Le passage commence avec
les paroles de David à son ils Salomon :

‫לא תדחל מן דלוחא דמזיקי דאזלין בליליא מן גיררא דמלאך מותא דׁרי‬ .5
‫ביממא׃‬
‫מן מותא די בקיבלא מהלך מסיעת ׁידין דמחבלין בטיהרא׃‬ .6
‫תדכר ׁמא דקודׁא קדיׁא יפלון מן סטר ׁמאלך אלפא וריבבותא מן ימינך‬ .7
‫לותך לא יקרבון למנזק׃‬
‫לחוד בעיינך תהי מסתכל תסתכלל והיך מיתגמרין רׁיעי תחמי׃‬ .8
‫עני ׁלמה וכן אמר ארום אנת הוא יהוה רוחצני במדור עילאה ׁויתא בית‬ .9
‫ׁכינתך׃‬
‫אתיב מרי עלמא וכן אמר לא תארע לך ביׁתא ומכתׁא ומזיקיא לא יקרבון‬ .10
‫במׁכנייך׃‬
5. « Tu ne craindras pas la terreur des démons qui rôdent dans la nuit, ni la
lèche de l’ange de la mort qu’il tire durant le jour,
6. ni la mort qui rôde dans les ténèbres, ni la compagnie des démons qui
dévastent à midi.
7. Tu te rappelleras le Saint Nom et mille vont tomber à ta gauche et dix mille
à ta droite ; (mais) ils n’approcheront pas de toi pour te faire du mal.

14. Evans, « he Aramaic Psalter and the New Testament », p. 70-75.


15. Stec, he Targum of Psalms, p. 2.
16. Ibid., p. 18. Voir aussi Edward M. Cook, « he Psalms Targum : Introduction to a
New Translation, with Sample Texts », dans P. V. M. Flesher (dir), Targum and Scripture :
Studies in Aramaic Translations and Interpretations in Memory of Ernest G. Clarke, Leiden,
Brill, 2002, p. 185-201, spéc. p. 186-189.
17. Voir Stec, he Targum of Psalms, p. 6.
18. Pour de nombreuses études importantes sur le thème général, voir Lange, Lichten-
berger et Römheld (dir.), Die Dämonen.

Duhaime.indb 570 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 571

8. Il te suira de regarder avec tes yeux et tu verras comment les méchants


sont détruits. »
9. Salomon répondit, et voici ce qu’il dit : « Parce que toi, ô Seigneur, tu es mon
refuge, tu as établi dans la plus haute demeure la maison de ta Chekhinah. »
10. Le Seigneur de l’univers répondit, et voici ce qu’il dit : « Aucun mal ne
t’arrivera et aucun léau ni aucun démon ne s’approcheront de ta tente. »19

Je propose quelques remarques. Les versets 5-8 constituent une partie de


l’instruction de David à son ils Salomon. Le discours de David commence au
verset 2 et inclut l’assurance, au verset 3, que Dieu « va te délivrer, Salomon, mon
ils, du piège et du traquenard, de la mort et de l’angoisse ». Cette assurance pré-
pare la réponse de Salomon au verset 9 et les promesses additionnelles du Sei-
gneur aux versets 10 à 16. La paraphrase targoumique relète une très ancienne
tradition qui voit en Salomon le guérisseur et l’exorciste par excellence. Cette
tradition était connue de Josèphe et a été grandement embellie dans le Testament
de Salomon, un pseudépigraphe qui provient probablement de cercles juifs du
1er siècle et qui a été augmenté et enrichi plus tard dans des cercles chrétiens.
Selon Josèphe, les exorcistes de son époque utilisaient des formules magiques,
des incantations et un anneau spécial qui venait, à ce qu’on pensait, du fameux
monarque d’Israël. Les amulettes et les papyrus magiques d’époques plus récents
attestent de la popularité de Salomon et de son anneau. On en dira bientôt davan-
tage sur la réputation de Salomon.
La « terreur de la nuit » de l’hébreu au verset 5 devient dans le Targoum « la
terreur des démons [‫]מזיקין‬20 qui rôdent dans la nuit », alors que « la lèche qui
vole de jour » devient « la lèche de l’ange de la mort qu’il tire durant le jour ».
Les démons sont explicitement mentionnés ailleurs dans le Psaume 91 (voir le
verset 6 : « la compagnie des démons [‫ ]ׁידין‬qui dévastent à midi » ; verset 10 :
« ni léau ou démons [‫ ]מזיקין‬n’approcheront de ta tente21 ». Rappelons-nous que
les démons (‫ )ׁידין‬apparaissaient dans le premier et le second psaumes d’exor-
cisme22.

19. Traduction basée sur Stec, Targum of Psalms, p. 175. Les mots en italique indiquent
les passages où l’araméen difère de l’hébreu.
20. ‫מזיק‬, « frappeur » vient de ‫נזק‬, « endommager ».
21. Voir Stec, he Targum of Psalms, p. 6.
22. Pour plus d’information sur les démons, voir G. J. Riley, « Demons », dans DDB,
p. 235-240 ; M. Mach, « Demons », dans L. H. Schifman et J. C. VanderKam (dir.), Ency-
clopedia of the Dead Sea Scrolls [= EDSS), 2 vol., Oxford, Oxford University Press, 2000, I,
p. 189-192 ; W. Foerster, « δαίμων », κ.τ.λ., TDNT 2, p. 1-20, spéc. p. 10-16 ; Midr. Pss. 91, 3 (sur
Ps 91, 6). ‫ׁד‬, dont la racine signiie « destruction », est le mot le plus commun pour « démon »
dans la littérature biblique. Il apparaît quelque cinquante fois dans la Bible hébraïque (voir
Dt 32, 17 ; Ps 106, 37), une vingtaine de fois dans les manuscrits de la mer Morte et aussi
souvent dans les Targoums. ‫ שד‬et ‫ מזיק‬se retrouvent fréquemment tous les deux dans la
littérature rabbinique.

Duhaime.indb 571 31-07-14 07:33


572 CRAIG A. EVANS

Au verset 5, la lèche devient « l’ange de la mort », un être malveillant qui


apparaît ailleurs dans le Targoum des psaumes :

Quel homme peut vivre et ne jamais voir la mort ? Qui peut délivrer son âme
de la puissance du shéol ? (Hébr. Ps 89, 49).
Quel est l’homme qui va vivre et ne pas voir l’ange de la mort, qui va délivrer
son âme de sa main, et ne va pas descendre dans sa tombe pour toujours ?
(Tg).
Ne laissez pas le calomniateur s’établir sur la terre ; que le mal pourchasse
rapidement le violent ! (Hébr. Ps 140, 11).
L’homme qui parle avec une langue fourbe – ils ne peuvent pas habiter
dans la terre des vivants ; l’ange de la mort va chasser les hommes avides de
méchanceté – il va le châtier dans la Géhenne (Tg).

L’association de l’ange de la mort avec la Géhenne est à noter. Le méchant


peut s’attendre à être terrassé dans la Géhenne par l’ange de la mort. Les démons
sont au nombre des alliés de l’ange de la mort. En conséquence, les démons tour-
mentent aussi le méchant (voir Tg Ps 89, 33).
Au verset 7, les « milliers » qui tombent à gauche et les « dix mille » à droite
doivent probablement s’entendre de bandes de démons. Non seulement le
contexte le suggère dans le Targoum des psaumes, mais c’est ainsi que le pas-
sage est compris dans l’interprétation rabbinique : « Si mille démons attaquent
un homme à sa gauche, ils vont tomber devant lui… même si dix mille démons
l’attaquent à droite, ils vont tomber devant lui » (Midr. Ps 91, 4 [à propos du
Ps 91, 7])23.
Il sera utile ici de faire le point sur l’exorcisme raconté par Josèphe. Ce rusé
survivant de la grande révolte juive parle d’un certain Éléazar, un exorciste qui
utilisait des incantations et des objets variés, transmis, disait-on, depuis Salo-
mon. Josèphe dit :

Telles étaient la prudence et la sagesse que Dieu avait accordées à Salomon,


qu’il surpassait les anciens, et même les Égyptiens. (…) Et Dieu lui accorda
la connaissance de l’art de combattre les démons pour le bien et la guérison
des gens. Il a composé aussi des incantations qui soulagent les maladies et a
laissé des formules d’exorcismes par lesquelles ceux qui sont possédés par des
démons les chassent, de manière à ce qu’ils ne reviennent jamais plus. Et cette
thérapeutique est très eicace chez nous jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que
j’ai vu un certain Éléazar, un homme de mon pays, en présence de Vespasien,
de ses ils, de tribuns et d’un bon nombre d’autres soldats, libérer des hommes

23. Traduction basée sur William G. Braude, he Midrash on Psalms (YJS 13), 2 vol.,
London / New Haven, Yale University Press, 1959, II, p. 103. Interpréter les milliers comme se
référant aux démons est probablement une vieille tradition ; prétendre qu’ils tombent devant
le « Commandement des Teillin » en est une beaucoup plus tardive.

Duhaime.indb 572 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 573

possédés par des démons. Et voici comme il procédait : il mettait sous le nez du
démoniaque un anneau dont le chaton enfermait une des racines prescrites par
Salomon, et lorsque l’homme l’avait sentie, il extrayait le démon par ses narines
et, l’homme aussitôt tombé, Éléazar adjurait le démon de ne plus jamais revenir
en lui en prononçant le nom de Salomon et en récitant les incantations qu’il
avait composées24 (Antiquités 8,42.45-47).

Selon Josèphe, le fameux roi d’Israël et patron de la sagesse surpassait même


les Égyptiens. Dans le contexte, Josèphe avait probablement en tête la renom-
mée des Égyptiens pour la magie et les exorcismes, une réputation qui s’est déve-
loppée à partir de passages comme Gn 41, 8 et Ex 7, 11 (voir Sg 17, 7 ; 18, 13)
et a été exagérée dans les traditions postérieures25. On nous dit que l’exorciste
juif Éléazar a utilisé un anneau dont le chaton contenait une racine et a employé
des incantations qu’on croyait avoir été composées par Salomon lui-même. La
tradition de Salomon comme exorciste et guérisseur commence en 1 R 5, 9-14
et a été embellie dans les traditions postérieures comme Sg 7, 17-21 et le Testa-
ment de Salomon. Dans ce dernier, on nous dit qu’un ange a donné à Salomon un
« anneau dont le chaton était orné d’une pierre précieuse gravée » (T. Sal. 1, 7).
Sans aucun doute, cet anneau avec chaton est l’anneau même qu’Éléazar préten-
dait posséder. La tradition des incantations qu’on dit avoir été composées par
Salomon vient de l’histoire dans laquelle le roi interrogeait une foule de démons,
en apprenant d’eux les maux qu’ils causaient et comment les démons pouvaient
être contrecarrés (voir le tout dans le Testament de Salomon)26. La racine qu’Éléa-
zar avait dans le chaton de l’anneau est probablement la racine Baaras décrite
ailleurs dans Josèphe. On dit que cette racine est d’une couleur qui ressemble à
celle du feu et émet une lumière brillante, tuant quiconque ne la manipule pas
correctement : « (…) elle possède une vertu pour laquelle elle est prisée : car les
être appelés démons (…) sont rapidement expulsés par cette racine, même si on
se contente de l’approcher des malades (Guerre Juive 7, 180-186).

24. Traduction basée sur H. St. John hackeray et Ralph Marcus, Josephus (LCL 281),
London, Heinemann / Cambridge, MA, Harvard University Press, 1934, p. 595-597. Pour
commentaires, voir Christopher T. Begg et Paul Spilsbury, Flavius Josephus : Translation
and Commentary, vol. 5 : Judean Antiquities Books 8-10, Leiden, Brill, 2005, p. 14-15 ; Roland
Deines, « Josephus, Salomo und die von Gott verliehene τέχνη gegen die Dämonen », dans
Lange, Lichtenberger et Römheld (dir.), Die Dämonen, p. 365-394, spéc. p. 372-392.
25. Par exemple : b. Qidd. 49b : « Dix mesures de sorcellerie sont descendues dans le
monde, l’Égypte en a reçu neuf, le reste du monde une » ; b. Chab. 104b : « Est-ce que Ben
Stada n’a pas rapporté des sortilèges d’Égypte ? » et spécialement le Séfer ha-Razim. Voir Mor-
decai Margalioth, Book of the Mysteries, Jerusalem, American Academy for Jewish Research,
1966 [en hébreu]. Margalioth date le Séfer ha-Razim du 3e siècle, mais c’est probablement trop
tôt. Voir aussi Dennis C. Duling, « Solomon, Exorcism, and the Son of David », dans HTR 68
(1975), p. 235-252.
26. Et aussi, plus tardivement, le Séfer ha-Razim ; voir Margalioth, Book of Mysteries,
p. 26.

Duhaime.indb 573 31-07-14 07:33


574 CRAIG A. EVANS

La renommée de Salomon était très répandue dans l’Antiquité tardive, aussi


bien parmi les non-Juifs que parmi les Juifs. On en trouve des attestations dans
un grand nombre de textes d’incantation, inscrits d’ordinaire sur des amulettes
ou des bols27. Plusieurs de ces incantations sont écrites en araméen, en syriaque
ou en mandéen28 et plusieurs d’entre elles font référence à Salomon. Par exemple :

« Envoûtée et scellée est toute maladie (…) par le sceau du roi Salomon, ils de
David 29. »
« Ceci est le sceau en forme d’anneau du roi Salomon, le ils de David… Tous les
démons (…) et les hurleurs sur les toits, les lilis [liliths] et les monstres et tous
les Satans et les idoles et les imprécations (…) sont garottés et scellés (…) pour
toute sa maison et toute sa demeure, depuis ce jour et pour toujours. Amen,
Amen, Sèlah30. »
« Scellé avec le sceau de l’anneau d’El Shaddai – qu’il soit béni – et avec l’anneau
du sceau du roi Salomon, le ils de David, qui a jeté des sorts aux démons mâles
et aux liliths femelles31. »

Le Psaume 91 en araméen présuppose cette tradition salomonienne d’exor-


cismes et la démonologie qui l’accompagnait. Il existe de nombreuses indications

27. Voir Chester C. McCown, « he Christian Tradition as to the Magical Wisdom of


Solomon », dans JPOS 2 (1922), p. 1-24 ; Loren R. Fisher, « Can his Be the Son of David ? »,
dans F. T. Trotter (dir.), Jesus and the Historian. E.C. Colwell Festschrit, Philadelphia, West-
minster, 1968, p. 82-97 ; James H. Charlesworth, « Solomon and Jesus : he Son of David in
Ante-Markan Traditions (Mk 10 :47) », dans L. B. Elder, D. L. Barr et E. S. Malbon (dir.), Bibli-
cal and Humane. J. F. Priest Festschrit, Atlanta, Scholars Press, 1996, p. 125-151.
28. Pour des collections de textes, voir J. A. Montgomery, Aramaic Incantation Texts
from Nippur, Philadelphia, University Museum, 1913 ; Cyrus H. Gordon, « Aramaic Magi-
cal Bowls in the Baghdad Museum », dans AO 6 (1934), p. 319-334 ; Edwin M. Yamauchi,
« Aramaic Magical Bowls », dans JAOS 85 (1965), p. 511-523 ; idem, Mandaic Incantation
Texts (AOS 49), New Haven, American Oriental Society, 1967, spéc. p. 153-305 (textes et tra-
ductions).
29. Montgomery, Aramaic Incantation Texts from Nippur, p. 231-232. Voir aussi la dis-
cussion dans Charlesworth, « Solomon and Jesus », p. 137-138.
30. Gordon, « Aramaic Magic Bowls », p. 322.
31. Ibid. Pour d’anciennes références à Lilith, généralement perçue comme un
démon féminin, voir 4Q510 frg. 1, ligne 5 (« […] tous les esprits des anges dévastateurs,
les esprits des bâtards, Lilith, les hurleurs et habitants du désert » ; de même en 4Q511
10.1 ; 2 Bar 10, 8 (« j’appellerai les Sirènes de la mer, et toi Lilin (ou Lilith], viens du désert,
et vous, démons et dragons des forêts »). Le nom Lilith apparaît aussi sur des bols incan-
tatoires araméens ; voir Cyrus H. Gordon, « Two Magic Bowls in Teheran », dans Or 20
(1951), p. 306-315, spéc. p. 310 ; Montgomery, Aramaic Incantation Texts from Nippur,
p. 190. En fait, 4Q184, qui a été appelé les « Machinations de la méchante femme », ne fait
probablement pas référence à une femme de nature humaine, mais à Lilith elle-même.
Ainsi Joseph M. Baumgarten, « On the Nature of the Seductress in 4Q184 », dans RevQ 15
(1991), p. 133-143, spéc. p. 140.

Duhaime.indb 574 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 575

de l’intérêt porté à Salomon, ils de David, au 1er siècle, en tant qu’exorciste par
excellence.

4. Jésus et le Psaume 91

Après avoir établi l’antiquité de l’interprétation du Psaume 91 comme une forme


d’exorcisme, nous pouvons chercher de quelle manière, s’il en est, cette com-
préhension se trouve relétée dans l’enseignement de Jésus, en dehors du récit
lui-même de la tentation.
Il y a un passage qui s’ofre de lui-même. Selon Lc 10, 17-20, les disciples
reviennent de leur mission en disant : « Seigneur, même les démons nous sont
soumis en ton nom ! » Jésus répond en disant :

Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! [ἐθεώρουν τὸν σατανᾶν ὡς


ἀστραπ̀ν ἐκ τοῦ οὐρανοῦ πεσόντα]. Voici que je vous ai donné le pouvoir de
fouler aux pieds serpents et scorpions [δέδωκα ὑμῖν τ̀ν ἐξουσίαν τοῦ πατεῖν
ἐπάνω ὄφεων καὶ σκορπίων], et toute la puissance de l’Ennemi [ἐπὶ πᾶσαν τ̀ν
δύναμιν τοῦ ἐχθρου], et rien ne pourra vous nuire [οὐ μ̀ ἀδικήση] (v. 18-19).

Chacun des éléments importants de cette déclaration du Seigneur relète la


démonologie juive. L’airmation que Satan est tombé du ciel présuppose un accès
préalable au ciel, comme en Jb 1, 6-12 ; 2, 1-7 et Za 3, 1-2. Sa chute du ciel peut
faire allusion à Is 14, 12 (« Comment es-tu tombé [LXX : ἐκπίπτειν] du ciel, étoile
du matin, ils de l’aurore ? »), lequel, dans le Targoum d’Isaïe, semble compris
en référence à Satan. D’après la Vie d’Adam et Ève, le démon fait des reproches à
Adam : « (…) à cause de toi, je suis expulsé et privé de ma gloire, (celle) que j’avais
dans les cieux au milieu des anges, et à cause de toi j’ai été jeté sur la terre » (12, 1).
De même, dans 2 Hénoch, on nous dit que Dieu « a précipité (Satan) des hauteurs,
avec ses anges » (29, 5 ; voir 31, 4).
La prétention de Jésus d’avoir donné à ses disciples autorité (δέδωκα ὑμῖν τ̀ν
ἐξουσίαν) « de fouler aux pieds serpents et scorpions » (τοῦ πατεῖν ἐπάνω ὄφεων
καὶ σκορπίων) fait presque certainement allusion au Ps 91, 13 : « (…) sur le lion et
le serpent tu marcheras [LXX : καταπατήσεις λέοντα καὶ δράκοντα] », un passage
qui est probablement sous-jacent à la prophétie pseudépigraphe du patriarche
Lévi concernant la venue d’un prêtre idèle. Viendra un temps où « Bélial sera
lié par lui. Et il accordera à ses enfants de marcher [δώσει ἐξουσίαν τοῖς τέκνοις
αὐτοῦ τοῦ πατεῖν] sur les esprits mauvais » (T. Lévi 18, 12). Plutôt que de traduire
littéralement, l’auteur du Testament de Lévi a substitué les « esprits mauvais » (τὰ
πονηρὰ πνεύματα) aux « lion et serpent » (λέοντα καὶ δράκοντα), les créatures qui,
dans les contextes de démonologie, représentent très souvent les esprits mauvais.
On trouve encore d’autres parallèles dans les Testaments des douze patriarches :
« Alors, tous les esprits d’erreur seront livrés pour être foulés aux pieds [πάντα τὰ
πνεύματα τῆς πλάνης εἰς καταπάτησιν]. Et les hommes auront la maîtrise sur les
esprits mauvais » (T. Sim. 6, 6) ; et : « Il va libérer de Béliar tous les captifs parmi

Duhaime.indb 575 31-07-14 07:33


576 CRAIG A. EVANS

les ils des hommes, et tout esprit d’erreur sera foulé aux pieds [πᾶν πνεῦμα
πλάνης πατηθήσεται] » (T. Zab. 9, 8). Le parallèle le plus proche du Ps 91, 13 est
T. Lévi 18, 12, où nous avons « donner autorité » et « fouler aux pieds les esprits
mauvais ». C’est à ce langage que Jésus fait allusion.
Joseph Fitzmyer, cependant, pense qu’une allusion au Ps 91, 13 est « far-
felue32 ». Il souligne que ὄφις (« serpent »), le mot qu’on a en Lc 10, 19, ne rend
jamais, dans la LXX, le ‫ «( ַתִּ ין‬dragon » ou « monstre de la mer »). Il faut admettre
que l’évangéliste Luc n’y a probablement pas fait allusion, du moins consciem-
ment. S’il l’avait fait, la parole de Jésus aurait suivi de plus près la version grecque
du psaume. La tradition sous-jacente à Lc 10, 19 est vraisemblablement une
forme de parole de Jésus qui relète un axe d’interprétation du Psaume 91 plutôt
que le mot à mot du verset 13.
De toute façon, plusieurs mots sont utilisés pour désigner Satan. En hébreu,
le verset 13b se lit : ‫תרמֹס ְּ ִפיר וְ ַתִּ ין‬
ְ (« vous marcherez sur le jeune lion et le ser-
pent »), ce qui est rendu littéralement dans la LXX par : καταπατήσεις λέοντα καὶ
δράκοντα. Le serpent (ὄφις) de Gn 3, 1-14 est compris comme faisant référence à
Satan, comme on le voit chez Paul (2 Co 11, 3) : « (…) le serpent [ὁ ὄφις] a dupé
Ève par son astuce ». Ailleurs, Satan (ou le démon) est étroitement associé à ὄφις
(texte grec de la Vie d’Adam et Ève, 16, 1-4 ; 17, 4 ; 18, 1 ; 23, 4 ; 25, 1 ; Rékabites
20, 3 ; 4 Macc 18, 8 « serpent de tromperie [ἀπάτης ὄφις] »). Mais Satan est aussi
appelé un δράκων : (« dragon » ou « monstre de la mer »), le mot même utilisé dans
le Ps 91, 13 (LXX : Ps 90, 13). Et l’auteur de l’Apocalypse appelle bel et bien Satan
« serpent » (ὄφις) et « dragon » (δράκων) : « On le jeta donc, l’énorme Dragon, l’an-
tique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle [ὁ δράκων ὁ μέγας, ὁ ὄφις
ὁ ἀρχαῖος, ὁ καλούμενος Διάβολος καὶ ὁ Σατανᾶς], le séducteur du monde entier,
on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui » (Ap 12, 9 ; voir 13, 4 ; 20, 2).
Satan est aussi appelé un « lion » : « Soyez sobres, veillez. Votre adversaire,
le Diable, rôde comme un lion rugissant [διάβολος ὡς λέων ὠρυόμενος], cher-
chant qui dévorer [καταπιεῖν] (1 P 5, 8). Ce pourrait être une allusion au Ps 22, 14
(« comme des lions déchirant et rugissant »), mais 1 Pierre peut se référer égale-
ment à une autre tradition vraisemblablement attestée dans l’ouvrage pseudépi-
graphe Joseph et Aséneth : « Car regardez, l’ancien Lion féroce [ὁ λέων ὁ ἄγριος ὁ
παλαιὸς) me poursuit ; et ses enfants sont les dieux des Égyptiens que j’ai jetés à
terre et détruits. Et leur père, le démon, essaie de me dévorer [ὁ πατ̀ρ αὐτῶν ὁ
διάβολος καταπιεῖν με πειρᾶται] » (12, 9). « L’ancien lion » n’est nul autre que le
démon, le père des dieux égyptiens, qui essaie de dévorer Aséneth la repentante.
Dans le Testament de Salomon, il y a des démons qui apparaissent comme des
lions (T. Sal. 2, 3 ; 11, 1).
Jésus dit aussi à ses disciples qu’il leur a donné autorité « sur toute la puis-
sance de l’Ennemi » (ἐπὶ πᾶσαν τ̀ν δύναμιν τοῦ ἐχθρου). Ailleurs, dans la tra-
dition qui remonte à Jésus, le démon est appelé « l’ennemi » (voir Mt 13, 38-39 :

32. Joseph A. Fitzmyer, he Gospel according to Luke X-XXIV (AB 24A), Garden City,
NY, Doubleday, 1985, p. 863.

Duhaime.indb 576 31-07-14 07:33


JÉSUS ET LE PSAUME 91 577

« l’ennemi qui la sème [l’ivraie], c’est le Diable [ὁ δὲ ἐχθρὸς ὁ σπείρας αὐτά ἐστιν ὁ
διάβολος] »). On se rappellera aussi ce qu’un Paul en colère dit à Élymas le magi-
cien : « … toi, ils du diable, ennemi de toute justice [υἱὲ διαβόλου, ἐχθρὲ πάσης
δικαιοσύνης], ne cesseras-tu donc pas de rendre tortueuses les voies du Seigneur
qui sont droites ? » (Ac 13, 10). Le diable est appelé « l’ennemi » dans d’autres textes
judéo-chrétiens de l’antiquité tardive (voir Vie d’Adam et Ève 2, 4 ; 7, 2 ; 15, 1 ;
25, 4 ; 28, 3 ; 3 Bar. 13, 2 ; T. Dan 6, 2-4). Ce dernier passage est d’un grand intérêt,
car on y fait référence au « royaume de l’ennemi » : « Dieu (…) va se lever contre
le royaume de l’ennemi [τῆς βασιλείας τοῦ ἐχθρου]. (…) le royaume de l’ennemi
[ἡ βασιλεία τοῦ ἐχθρου] va être mené à sa in » (T. Dan 6, 2, 4). Cette espérance
rejoint la prédiction du Testament de Moïse : « Alors, son royaume (celui de Dieu)
va apparaître par toute sa création. Alors, le démon disparaîtra (…). Car l’Être
Céleste va se lever de son trône royal » (10, 1, 3 ; voir Mc 3, 26 : « Et si Satan s’est
dressé contre lui-même et s’est divisé, il ne peut pas tenir, il est ini »).
Les paroles de Jésus en Lc 10, 19 et les paroles attribuées au patriarche dans
le T. Lév. 18, 12 font allusion au Ps 91, 13, un verset qui promet que le idèle va
fouler aux pieds le lion et le serpent, un élément d’un passage qui a été perçu
comme étant pertinent pour un exorcisme, comme nous le voyons en 11Q11 et
dans le Targoum des psaumes.
L’apparition du Psaume 91 dans les versions matthéenne et lucanienne de
la tentation de Jésus n’est qu’une des nombreuses indications que l’orientation
démonologique de ce psaume particulier dans le Targoum des psaumes dérive
d’une ancienne tradition, probablement intertestamentaire. Les psaumes d’exor-
cisme de 11Q11 fournissent une attestation ancienne importante d’une tradition
qui en vient à s’exprimer de diverses manières intéressantes dans la vie et l’ensei-
gnement de Jésus.

Bibliographie choisie

Delcor, M. « L’utilisation des psaumes contre les mauvais esprits à Qoumran »,


dans La Vie de la parole, de l’Ancien au Nouveau Testament : études d’exégèse
et d’herméneutique bibliques ofertes à Pierre Grelot, Paris, Desclée, 1987,
p. 61-70.
Evans, Craig A. « he Aramaic Psalter and the New Testament : Praising the Lord
in History and Prophecy », dans C. A. Evans (dir.), From Prophecy to Testa-
ment : he Function of the Old Testament in the New, Peabody, Hendrickson,
2004, p. 44-91.
Flint, Peter W. he Dead Sea Psalms Scrolls and the Book of Psalms (STDJ 17),
Leiden, Brill, 1997.
Lichtenberger, Hermann. « Ps 91 und die Exorzismen in 11QPsApa », dans
A. Lange, H. Lichtenberger et K. F. D. Römheld (dir.), Die Dämonen : Die
Dämonologie der israelitischen-judischen und frühchristlichen Literatur in
Kontext ihrer Umwelt, Tübingen, Mohr Siebeck, 2003, p. 416-421.

Duhaime.indb 577 31-07-14 07:33


578 CRAIG A. EVANS

Puech, Émile, « 11QPsApa : Un rituel d’exorcismes. Essai de reconstruction »,


dans RevQ 14 (1990), p. 377-408.
——. « Les deux dernier psaumes davidiques du rituel d’exorcisme 11QpsApa, iv,
4-5,14 », dans D. Dimant et U. Rappaport (dir.), he Dead Sea Scrolls : Forty
Years of Research, (STDJ 10), Leiden, Brill / Jerusalem, Magnes Press and
Yad Izhak Ben-Zvi, 1992, p. 64-89.
Sanders, James A., he Psalms Scroll of Qumrân Cave 11, dans Discoveries in the
Judean Desert 4, Oxford, Clarendon, 1965.
——. « A Liturgy for Healing the Stricken », dans James H. Charlesworth (dir.),
he Dead Sea Scrolls : Hebrew, Aramaic, and Greek Texts with English Trans-
lations, vol. 4A : Pseudepigraphic and Non-Masoretic Psalms and Prayers
(PTSDSSP 4A), Tübingen, Mohr Siebeck / Louisville, KY, Westminster John
Knox, 1997, p. 216-233.

Duhaime.indb 578 31-07-14 07:33


Table des matières

Collaborateurs de cet ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .v


Termes, sigles et abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxxv
I- Un aperçu de la recherche et des projets au Canada
1. La recherche canadienne sur les manuscrits de la mer Morte
Eileen Schuller . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2. Robert Balgarnie Young Scott, premier spécialiste canadien
des manuscrits de la mer Morte
Jason Kalmon et Jaqueline S. du Toit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3. La Bibliothèque de Qumrân : contribution canadienne
à une nouvelle édition des manuscrits de la mer Morte
Jean Duhaime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
II- Les manuscrits « bibliques » et la transmission des Écritures
4. Vers une nouvelle édition de 4QRéécriture du Pentateuquea (4Q158) :
texte, traduction, notes et variantes
Andrew B. Perrin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
5. L’empreinte des scribes : modèles de pratiques scribales dans les textes
bibliques du désert de Judée, en particulier dans les teillin
Benjamin H. Parker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
6. La photographie du Grand rouleau d’Isaïe (1QIsa) :
collections, aspects techniques et volume 32 des DJD
Peter W. Flint et Kyung S. Baek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
7. Isaïe pour le monde hellénistique :
le traducteur de la vieille version grecque d’Isaïe
Eugene Ulrich . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
8. Une comparaison du texte de Michée 1 dans le TM, la LXX et quelques
versions anciennes à la lumière des découvertes du désert de Judée
Manuel Jinbachian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
9. Les manuscrits bibliques de la mer Morte et la syntaxe hébraïque
à l’époque du Second Temple
Martin G. Abegg, Jr.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
10. Une approche didactique des manuscrits bibliques de la mer Morte
Emanuel Tov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

Duhaime.indb 639 31-07-14 07:33


III- La communauté de Qumrân
11. Le problème historique des esséniens
Steve Mason . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
12. La vie religieuse à Qumrân
Daniel K. Falk. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
13. L’expérience du « lieu » dans la communauté de Qumrân
Wayne O. McCready . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
14. La vérité sectaire : le sens de ‫ אמת‬dans la règle de la communauté
Ian W. Scott. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
15. Le déterminisme dans la Règle de la communauté (1QS) :
une nouvelle perspective
Chad Martin Stauber . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359
16. Le motif de la bataille eschatologique dans la Règle de la guerre (1QM)
Ted M. Erho. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375
17. Suggestions et questions à propos de quelques fragments de textes
découverts à Qumrân : 1QpHab, 4Q161 (4QpIsa) et 1Q14 (1QpMi)
Robert David, avec la collaboration d’Éric Bellavance . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
18. Problèmes de lecture des planches de 4Q163 dans DJD 5
Francis Daoust . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413
19. L’identité d’Éphraïm et de Manassé dans le Pècher de Nahum (4Q169)
Marie-France Dion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423
IV- Qumrân et le judaïsme du Second Temple
20. Les traditions sur Noé dans la mosaïque culturelle de Qumrân :
conversations multilingues et controverses
Dorothy M. Peters . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449
21. Vers une étude des usages du concept de désert
dans le judaïsme ancien
Hindy Najman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467
22. Accomplissement de la Torah et histoire dans la golah :
réécriture de la Bible ou autorité « re-présentationnelle »
dans l’Apocryphe de Jérémie C
C. J. Patrick Davis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 487
23. Le développement de l’historiographie apocalyptique à la lumière
des manuscrits de la mer Morte
Lorenzo DiTommaso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 517
24. Limites et synergies entre les anges et les humains
Cecilia Wassen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 545
25. Jésus et le Psaume 91 à la lumière des manuscrits d’exorcisme
Craig A. Evans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563

Duhaime.indb 640 31-07-14 07:33


Index des passages bibliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579
Index des Apocryphes et Pseudépigraphes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593
Index des manuscrits de la mer Morte et textes apparentés . . . . . . . . . . . . . . . 596
Index des autres écrits anciens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 616
Auteurs modernes et autres collaborateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 626
Liste des planches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 645
Annexe au chapitre 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655

Duhaime.indb 641 31-07-14 07:33


C ET célèbre plus de soixante ans d’études et de
OUVRAGE

recherches sur les manuscrits de la mer Morte. Il explore leur


contenu, les caractéristiques de la communauté qui les a composés ou
transmis, de même que les nouvelles questions scientifiques que pose
l’étude de ces précieux témoins du judaïsme ancien. En vingt-cinq
essais répartis en quatre sections, les auteurs présentent un aperçu de
la contribution canadienne à ces recherches, examinent les particu-
larités des rouleaux « bibliques » trouvés près de la mer Morte, analy-
sent l’identité et les pratiques du mouvement associé aux manuscrits
de Qumrân et évaluent l’apport de ces textes à notre connaissance du
judaïsme de la période du Deuxième Temple. Huit photographies du
Grand rouleau d’Isaïe, la plupart en couleurs, complètent le volume.
Les contributeurs sont Martin G. Abegg, Jr., Kyung S. Baek, Éric
Bellavance, Francis Daoust, Robert David, C. J. Patrick Davis, Marie-
France Dion, Lorenzo DiTommaso, Jean Duhaime, Jaqueline S. du
Toit, Ted M. Erho, Craig A. Evans, Daniel K. Falk, Peter W. Flint,
Manuel Jimbachian, Jason Kalmon, Steve Mason, Wayne McCready,
Hindy Najman, Benjamin H. Parker, Andrew B. Perrin, Dorothy M.
Peters, Eileen Schuller, Ian W. Scott, Chad Martin Stauber, Emanuel
Tov, Eugene Ulrich et Cecilia Wassen.

JEAN DUHAIME est professeur émérite d’interprétation biblique à


la Faculté de théologie et de sciences religieuses de Université de
Montréal, Canada. Il a publié plusieurs études sur le dualisme, la
guerre eschatologique et le messianisme dans les manuscrits de la
mer Morte.
PETER W. FLINT est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur
l’étude des manuscrits de la mer Morte à l’Université Trinity Western.
Auteur de nombreux travaux sur la Bible, les Apocryphes et les textes
de Qumrân, il a édité plus de 25 manuscrits de la mer Morte.

I S B N 978-2-89420-943-1

49,80 € 9 782894 209431

Ms mer Morte couverture 3.indd 1 31-07-14 07:27

Vous aimerez peut-être aussi