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HISTOIRE
DE LA
COIFFURE
ET DES
COIFFEURS
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HISTOIRE
D E LA
C O I F F U R E t-

ET DES
COIFFEURS
PAUL GERBOD

17 R U E d u MONTPARNASSE 75298 Paris C En EX 0 6


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@1995. - Larousse, Paris.


«Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle,par quelque procédé que
cesoit, du texte et/ou dela nomenclature contenus dans.le présent ouvrage, et qui sont
la propriété de l'Éditeur, est strictement interdite:» .:.'
«Distributeur exclusif au Canada : les Éditions FrançaisesJ'nc. »
ISBN-2-03^23n2S£t^. �
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L'auteur et l'éditeur tiennent à remercier tout parti-


culièrement Jean Laudereau, dont la connaissance de l'histoire et
des techniques dela coiffure leur aété des plus utiles.
Ils remercient également pour leur aimable collaboration
Alexandre, Jacques Dessange, Patrice Kucharz et Jacques
Laverrière.
Leur gratitude va aussi aux barbiers, coiffeurs et collection-
neurs : Patrick Amiot (Dinan), Alain Blackmann, maître barbier
(Paris), et Patrick Filliau (Maisons-Alfort).
Ils exprimentleur reconnaissance auxorganismesprofessionnels
et à leurs principaux responsables, en particulier : la Fédération
nationale de la coiffure, son président, Pierre Séassari, et son
secrétaire général, Robert Maréchal; la Haute Coiffure française,
son président, Robert Guéry, et la collaboratrice de celui-ci,
Karine; Intercoiffure Mondial et son président, Maurice Franck.
Ils adressent leurs remerciements aux coiffeurs, sociétés, écoles
et revues qui ont mis à leur disposition leurs sources
documentaires :AlexandredeParis; Andrex; Babyliss; Bic; Calor;
Camaflex; Carita; centre Marcel-Lamy; Cesare; la Coiffure de
Paris; Coiffures et styles-Estetica; écoleSaint-Louis (V.Rovillard);
Gillette; Jean-Claude Biguine; Jean-Louis Déforges; Jean-Marc
Maniatis; L'Oréal division Coiffure; Patrick Alès/Phytosolba;
Revlon; Schwarzkopf; VertTendre; Wella.

Direction éditoriale
Bethsabée Blumel
Conception graphique et mise enpage
Jean-Pierre Delarue
Recherche iconographique
Christian Limouzy
Françoise Narti
Lecture-Correction
Service Lecture-Correction Larousse
Composition
Michel Vizet
Fabrication
Marlène Delbeken
Couverture
Gérard Fritsch
Simone Matuszek
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TABLE

INTRODUCTION il
CHAPITRE1ER Un art... vieux comme le monde
(Antiquité, MoyenÂge, Renaissance)
L'Antiquité dela coiffure 18
Quelques survivances préhistoriques 18
Barbes et perruques pharaoniques 20
CommentavoirdebeauxcheveuxdanslÉ ' gyptedespharaons 23
Lefer àfriser :une invention assyrienne? 24
Variantes hébraïques 25
Innovations helléniques 26
Letonsor romain, arbitre des élégances 31
Delatrèshauteantiquitédurasoir 33
Sophistications féminines àRome 34
LesconseilsdeséductiondupoèteOvide 38
Romains glabres et élégants chevelus 39
CoiffureetoisivetéselonSénèque 42
Àl'école deRome 43
Apulée,auteurlatin duir siècle
denotreère,faitlé' logedescheveluresféminines 45
Imaginations médiévales (Y-XVesiècle)
Desbarbares aux cheveux longs (v'-vnr siècle) 46
Desrois chevelus àCharles le Chauve 48
Lesroischevelus,unelégende? 50
Raffinements byzantins 51
Desbarbiers conquérants 52
Descoiffures féminines en mouvement 56
Interdits ecclésiastiques et résistances laïques 57
UnecoiffureféminineàlamodeauXVsiècle:
lacoupeàlÉ ' cuelle 60
Blondes et bouclées :naissance d'un idéal féminin 61
LaRenaissance et ses coiffures (XVI"siècle)
Unretour àl'Antique 64
«Labarbomania» 65
Blondeurvénitienne et senteurs d'Orient 67
Commentobtenirdublondvénitien 71

CHAPITREII Grandeur et décadence


des faux cheveux (xvir-xvnr siècle)
Lerègne absolu delaperruque (XVI"siècle) 76
Querelles de boutique 76
L'édit du 23 mars 1673 77
Lesperruquiers au temps du Roi-Soleil 78
Lescoiffeurs pour dames sortent de l'ombre 80
UncoiffeurpourdamesàlamodesousLouisXIII 82
Ausiècle d'or des perruques 83
Laperruque àla conquête de l'Europe 88
Desprécieuses blondes et parfumées 90
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Extravagances féminines à la cour 91


Une conversion célèbre... à la coiffure hurluberlu 92
La Bruyère, observateur des mœurs de son temps, sefâche 95
Du menuet à la carmagnole (xvnr siècle) 98
De nouvelles tensions professionnelles 98
Les coiffeuses se révoltent contre les perruquiers 102
L'apogée des coiffeurs pour dames 103
Un coiffeur célèbre : Léonard 107
Des perruques plus discrètes 109
« Petites têtes » et douceur de vivre 115
À des hauteurs vertigineuses 117
Des coiffures théâtrales 119
Un pouf «au senti'ment » célèbre 122
L'envers du pouf 123
Le pouf à la conquête de l'Europe 125
Un coiffeur contestataire appelé Figaro 127
Des ruptures révolutionnaires? (1789-1800) 128
Quand la politique s'en mêle 128
La France révolutionnaire dicte-t-elle encore
la mode? 131
Liberté pour les cheveux courts 132
Dans un salon de coiffure au début du Consulat 135
Les merveilleuses du Directoire 136

CHAPITRE III À l a r e c h e r c h e d u n a t u r e l (XIXe siècle)


Métamorphoses révolutionnaires et permanences
aristocratiques (1800-1830) 146
De grands artistes 146
L'école de Paris donne le ton 149
Les qualités d'un coiffeur pour dames en 1828 153
À l'image du « Petit Tondu » 154
Cheveux longs contre cheveux courts 155
Pour ou contre « la Titus » : un débat homérique 156
Contre la Titus 160
Des coiffures romantiques 161
Vogue et naufrage des « coques Charles X » 163
De la monarchie bourgeoise à une république bien
tempérée (1830-1900) 168
« Notabilités du peigne » et petits artisans
(1830-1850) 168
Un coiffeur célèbre, Jasmin, coiffeur et poète 171
Une profession en pleine expansion (1850-1900) 172
Un coiffeurfrançais à la conquête du Nouveau Monde 176
L'esprit d'association 177
Une soirée de coiffure 180
Dandys et lions (1830-1850) 181
Barbes, moustaches et favoris (1850-1900) 184
Anglaises et bandeaux style Louis-Philippe
(1830-1850) 187
Chignons chics et postiches (1850-1900) 190
Coiffures folkloriques et nationales 196
Vers une démocratisation des coiffures
(1900-1920) 198
Le réveil des « figaros » 198
Un coiffeur-poète se penche sur son passé 204
Des élégants de la Belle Époque
aux « poilus » des tranchées 205
Apropos des «poilus » 209
Le féminisme en marche 210
Le génial Marcel 215
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CHAPITRE IV Coiffures et têtes libérées (xxc siècle)


Des Annéesfolles aux années noires (1920-1945) 220
Une profession en pleine mutation 220
La coiffure française à l'étranger 222
Coiffeurs de tous les pays, unissons-nous 223
Uncoiffeur célèbre dans l'entre-deux-guerres 225
Une image contrastée 226
Dans la tourmente 227
Coupes classiques et Gomina 229
De l'influence des acteurs, des aviateurs
et des boxeurs 230
« Poilu » et zazou 230
La Garçonne, ou l'esprit d'une époque 231
Polémiques autour de la Garçonne 233
Variations autour d'une coupe 234
Entre tradition et modernité 235
Un retour à une certaine féminité 236
Coiffures de temps de guerre 238
Histoires contemporaines (1945-1995) 240
Évolutions économiques et sociologiques 240
Du coiffeur franchiseur au coiffeur
chef d'entreprise 242
Uneaventurepionnière 245
Organisations syndicales et
associations artistiques 246
Vers une mondialisation de la coiffure 247
Considération et prestige 249
QualitéFrance! 250
Trajectoires illustres 251
Dansl'intimité desgrands decemonde 253
Coiffeurs de cette fin de siècle... 254
Quelques créateurs étrangers
des années 50 à nos jours 255
Deuxsœurs dansla courdesgrands 257
Révolution... dans la coiffure masculine 258
Chevelures contestataires ? 258
Des hommes soignés et entreprenants 260
Mille et un styles masculins 261
Reprise en main de la coiffure féminine 263
Le retour des cheveux courts 264
Choucroutes et champignons :
la contre-offensive des cheveux longs 267
Chou, Artichaut et coupes géométriques 267
L'irrésistible ascension d'un créateurlondonien 269
Style unisexe et résurgences ethniques 270
Une femme reste une femme 271
Iroquoises et coiffures « Afro » 272
A chaque femme, son style 273

CHAPT
IREV A uservice desarts dela coiffure
Académies, cours et écoles de coiffure 280
Apprentissage sur le tas 280
Une scolarisation théorique et pratique 282
Formation permanente 286
Compétitions et rencontres 287
La complicité de l'image et de l'écrit 289
Unpionnier dujournalisme dela modeféminine 291
Des coiffeurs à la page 292
Techniques de pointe 294
Shampooings et soins 294
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Les lotions 297


Petit shampooing deviendra grand 299
La coloration 300
Mise en forme 302
En voir... de toutes les couleurs 305
Les laques 306
Outillage et fournitures 308
L'épopée du rasoir 308
Le commerce des faux cheveux 310
Des salons de coiffure accueillants 312
Un monde en expansion 316
Petite histoire de l'industrie des cosmétiques 316
L'Oréal : une grande entreprise
au service d'une grande profession 317
Des entreprises de cosmétique dynamiques 318
Le bond en avant de l'industrie des cosmétiques 320
Nos mâles se rebiffent encore 321
Hors d'Europe 322
Une commercialisation disputée 323
Des activités complémentaires 326
Manucures et « spécialistes des soins » 326
Des coiffeurs visagistes 328

CHAPITREVI Tabous, mythes etfantasmes


Tirs croisés 334
Crânes rasés et cheveux longs 334
Chevelures à l'index 335
La barbe et la tradition 337
Barbes... en bataille 339
Défense et illustration des barbes en 1786 340
Sacrifices rituels 341
Crimes et châtiments 343
Combats d'arrière garde 345
Un florilège d'idées reçues 346
Des vertus magiques 346
Sex-appeals 347
Lapsychanalyse s'en... mêle 350
Les hommes préfèrent-ils les blondes ? 351
Envols poétiques et romanesques 354
Lumineuses... aveuglantes 354
Ondoyantes... ensorceleuses 356
Caressantes et parfumées 358
Dans des rets de soie 359
Vertiges publicitaires 362
Une histoire récente 362
Parades d'élégance et de distinction 363
Dans le rare et l'insolite 365
La science et l'histoire à la rescousse 368
Rapide et pratique 370

I m a g e et v é r i t é 373
Des mal-aimés 373
Défense et illustration des coiffeurs 375
Du passé à l'avenir 378

Bibliographie 381
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La chevelure symbolise la différencefondamentale entre lh' omme et l'ani-


mal, elle est unerupture définitive aveclafourrure originelle. Les100000à
140000 cheveux qui la composentsont, sans nul doute, la plus belleparure
que la nature ait donnée à l'être humain : ne couronnent-ilspas avecgrâce
et majesté sa stature, et les diverses manières dont ils sont implantés ne
donnent-ellespasà chaquevisagesaparticularité?Lachevelurepermettrait
égalementdedistinguerlesethnies lesunesdesautres : ilyaainsi descheve-
lures africaines ou extrême-orientales, européennes ou amérindiennes.
Cheveuxcrépusouraides, bruns oublonds, cheveuxfins ougrossiers..., cette
composante privilégiée de notre système pileux a aussi toujours permis de
caractériserlesindividusentreeux,lesgénérationsetlesdeuxsexes. Labarbe
et lesmoustaches,attributs masculins,sont, depuislongtemps, l'objet desoins
minutieux. Les cheveux, et éventuellement la barbe et les moustaches, sont
aussi bien le signe distinctif de l'espèce humaine que son ornement leplus
précieux et, peut-être, leplus mystérieux.
S'il étaitpermis d'en douter un seul instant, il suffirait d'évoquer l'innom-
brable «littérature»qui, depuisl'invention del'écriture, a étéconsacréeaux
trois éléments essentiels du systèmepileux. Cette immense bibliothèque est
riche ensavants traités techniques, enpamphlets et opusculespolémiques, en
biographiesdebarbiers, deperruquiersetdecoiffeurs(oucoiffeuses)célèbres,
enpoèmes et enpièces de théâtre, en revuesprofessionnelles, en recueils de
coiffure.
Maints artistes, peintres et sculpteurs, romanciers etpoètes ont été sensibles
aux aspects esthétiques ou sociaux de la coiffure féminine ou masculine.
Torsades blondes desvénusantiques, barbe-fleuve d'un Moïsemessianique,
longues«gauloises»d'un Vercingétorixvaincupar Césaroud'un Obélixau
meilleur desaformephysique, manœuvrépar le ruséAstérix, moustachu à
souhait,faceàdeslégionnairesimberbesetpleutres. Ilfaut compteraussisur
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les ouvrages et, dèsleXIXesiècle, sur les revues et catalogues traitant despar-
fums, des cosmétiques, des lotions nécessaires à l'entretien ou à l'embellisse-
ment descheveux, desmoustaches et dela barbe. Lesinstruments nécessaires
à la coiffure (peignes, ciseaux, bigoudis, «coupe-choux», rasoirs électriques
oujetables) ainsi que l'aménagement des salons de coiffurefont également
l'objet denombreux articles.
Il s'agit là d'une ardente obligation car, depuis l'aube de l'humanité, les
cheveux, et parfois les moustaches et la barbe, ont été teints, taillés, rasés,
frisés ou défrisés, ondulés, nattés, graissés, dégraissés, oints, parfumés, déco-
lorés, poudrés. Et, par-delà les âges, les nations, les civilisations, à travers les
frontières terrestres, les mers et les océans, se sont accumulées recettes et
inventions... C'est un art plus qu'un métier, élaboré depuis des siècles par
desartistes, dubarbier égyptienaux célébritésactuelles delaHaute Coiffure.
Ceshommeset cesfemmesincarnent, chacun à sa manière, selon les époques,
les lieux et l'environnement social, tout un héritage gestuel, une somme de
savoir technique, ungoût, une esthétique, une sensibilité vive aux tendances
de la mode et de la clientèle. Dès le XVIesiècle, les modesfrançaises s'impo-
sent enEurope, et coiffeurs et coiffeusespartentpourl'étranger. Cegoûtpour
la France persiste aux siècles suivants, avant que des modes «exotiques»
empruntées à l'Amérique et à l'Afrique ne viennent perturber une hégé-
monie séculaire.
L'évocation de cette longue etpersistante cristallisation capillaire, traversant
lessièclesdans l'écrit, l'image et la gestuelleprofessionnelle,permet demieux
comprendre la nature et la démesure de tout un univers. Dans sa diversité
apparente sedéfinissent un certain nombre delignes deforce dans unejungle
étonnante desuperstitions et detabous. Lachevelure incarne entoutpremier
lieu chez l'homme la force vitale sans cesse renouvelée, depuis le mythe de
Samsonjusqu'aux toisons romantiques desartistes et despoètes duXIXesiècle.
La chevelureféminine, enrevanche, seprête demanièreplus attachante aux
jeux de l'amour et de la séduction.
Confrontés depuis des siècles à maints débordements capillaires considérés
comme attentatoires à l'ordre établi, aux bonnes mœurs et aux enseigne-
ments de diverses religions - enpremier lieu du christianisme -, les censeurs
n'ontpas manquépour multiplier et inventer tabous et interdits.
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Prophètes de l'Ancien Testament et Pères de l'Église chrétienne s'élèvent


avec force contre les excès dont se rendent coupables les hommes et les
femmes de leur temps : emploi de faux cheveux, usage immodéré des
parfums, des teintures et des décolorations, temps trop important consacré à
la toilette. Ces obsessions concernant la chevelure seprolongentjusqu'à nos
jours : déchaînements oratoires contre les coiffures à la Titus au début du
XIXesiècle, insurrections contre les cheveux à la Garçonne au lendemain de
la Première Guerre mondiale,flambéesxénophobes contre le style rasta, afro
oupunk.

INCURSIONS LEXICALES
Lechampsémantique créé par les deux vocables connexes cheveuet chevelure est couvert par
une végétation luxuriante et diverse de noms, de qualificatifs, d'expressions et de locutions.
Ainsi se révèle l'importance que les hommes ont accordée de tout temps àcette composante
majeure du corps humain : la chevelure.
Le cheveu s'écrit, en ancien français, chevol, cevel, ceviel, chavel, cavel, caviel, cheviel, chaviel,
chavol, chaveil ou chevoil, ou bien encore crin et poil. Lachevelure est appelée crine; l'argot la
nomme cresson, crin, douilles, mousse, persil, plume, poil ou tiffes, ainsi que crayons, alfa, gazon,
roseaux, vermicelle, baguettes detambour, petite choucrouteou marguerite (quand il s'agit de têtes
chenues). De son côté, la barbe devient dans la langue verte une barbouze, et un barbu, un
barbouzeux. L'homme de l'art chargé de soigner cheveux, barbe et moustaches fut longtemps
appelé barbier, barbier-chirurgien ou barbier-étuviste, quand il n'était pas posticheur. Les coiffeurs
ou, plutôt, les «coeffeurs »s'imposent surtout au XVIesiècle, lorsque certains d'entre eux se
spécialisent dans la coiffure pour dames. De nos jours, du moins lorsqu'il s'agit de coiffeurs
pour hommes, ils sont appelés familièrement merlans, pommadiers ou pommadins, quelquefois
tifmen et tiffiers. Cette familiarité n'exclut pas des termes plus recherchés commecapilliculteur
(ou capillicultrice), biocosméticien ou, mieux encore, thérapeute capillaire (lorsqu'il s'agit des
soins concernant le cuir chevelu). Quelques coiffeurs avaient tenté sans grand succès d'accli-
mater le terme de capillartiste (titre d'une revue professionnelle).
Les cheveux se prêtent à l'adjonction de qualificatifs nombreux et divers. Ils peuvent être
en broussaille (ou échevelés), longs dans le cou, plats et rares, épars, épais, fins et légers,
souples, brillants, raides, éclatants, frisés, bouclés, ondulés, frisottés, rebelles, fourchus,
cassants, poisseux, drus, hirsutes, ébouriffés ou en bataille. Ils passent par toutes les couleurs,
naturelles ou artificielles : ne sont-ils pas blonds, bruns, noirs, aile decorbeau, couleurdejais, châ-
tains, couleurdepaille, de chanvre, de lin, roux (les rouquins et Poildecarotte), gris, argentés, poivre
et sel, blancs et, éventuellement, rouges ou bleus, sinon violets ou verdâtres?Barbes et mous-
taches, selon leurs formes (très nombreuses) ou leur couleur, ont suscité également une
longue suite de qualificatifs évocateurs.
Il s'est enfin créé, à partir des cheveux, de la chevelure, de la barbe et des moustaches, des
locutions et expressions insérées dans la langue de tous les jours et le plus souvent fort
suggestives. En voici un certain nombre : s'arracher les cheveux, se faire des cheveux, saisir
l'occasion par les cheveux, faire dresser les cheveux sur la tête, avoir mal aux cheveux, il y a un
cheveu, venir comme un cheveu sur la soupe, à un cheveu près, couper les cheveux en quatre,
passer la main dans les cheveux, s'empoigner par les cheveux. Il est permis aussi de rire dans sa
barbe, sinon de dire «la barbe!» à son interlocuteur ou de faire la barbe à quelqu'un, quitte, il
est vrai, à s'esquiver à la barbe de ces importuns.
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chapitre I

U n art... vieux
c o m m e le m o n d e

Antiquité,
A .
Moyen Age, Renaissance
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dam et Ève se coiffaient-ils avant d'être chassés


desjardins de l'Eden? PourJohn Milton, auteur
du célèbrepoème épique le Paradis perdu (1667),
aucune hésitation possible, puisqu'il donne d'Adam la description
suivante : «des cheveux d'hyacinthe, partagés sur le devant,
pendent engrappes d'une manièremâlemaisnonau-dessous deses
fortes épaules ». Quantàsacompagne, «elleporte commeunvoile
sa chevelure d'or qui descend, épaisse et sans ornement,jusqu'à sa
fine ceinture, seroule encapricieuxanneaux commela vigne replie
sesattaches ». Lespeintres médiévauxreprésententAdamavecdes
cheveux roux et frisés, et Èvepourvue d'une abondante crinière
dorée. Cependant, lecoupleoriginelchange, ensuite, maintesfoisde
coiffure, commele montrent les tableaux de Titien oudu Tintoret.
Àlafin dusiècledernier, ondécritleshommesdelapréhistoireavec
d'immenseschevelures. Enfait, seulsdemaigresindices-peintures
rupestres etstatuettesféminines- nousrenseignentsurlescoiffures
denosancêtres. Quelquestraits dedessingrossiersrévèlentainsides
crinièresébourifféesetmêmeunebarbeenpointe.
DansleHoggar,suruneparoidutassilidesAjjerdatantde4000ans
av.j.-C., apparaîtunefemmecoifféed'un chignonsemblableàcelui
delafemmebororo. La VénusdeBrassempouy, découverte dansle
sud-ouest de la France, présente une coiffure qui rappelle des
coiffures africaines contemporaines; d'autres figurines préhisto-
riquesportent, semble-t-il, desperruques detypeégyptien. Onapu
compareraussiquelquescoiffuresdestatuettes découvertesenItalie
auxcoiffuresgrecquesdel'époque archaïque.

Peigne et miroirpour embellir l'ondoyante


etfascinante chevelure de la «Grande
Prostituée». Déjà un art deperdition à
l'aube d'une humanité mythique.
NicolasBataille, laGrandeProstituée, détaildela
TenturedelA
' pocalypsedesaintJean,finduxivsiècle,
Angers,muséedela Tapisserie.
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L'Antiquité de la coiffure

Lespeuples qu'on appelle «primitifs», restés


à l'âge delapierre, pratiquentpourtant un
art dela coiffure original et raffiné comme
enattémoigne
N urelsdelaNcette
ouvelegravure.
-Guinée,Paris,cabinetdes QUELQUES SURVIVANCESPRÉHISTORIQUES
Estampes,Bibliothèquenationale.
Dès la fin du XVesiècle, les Européens partis à la recherche de nouveaux
mondes découvrent avec surprise que les sociétés dites «primitives »prati-
quent un certain art de la coiffure issu de traditions, de rites et de mythes
immémoriaux. Les Aztèques de l'époque précolombienne se coupent les
cheveux de manière différente selon leur profession et leur appartenance
sociale, les femmes utilisent onguents et parfums et se servent de miroirs en
obsidienne pour se coiffer. Les Papous de la Nouvelle-Guinée arborent, lors
des cérémonies, des coiffures monumentales très élaborées, parfois hautes
de un mètre. Chez les Indiens du Nouveau Monde, la disposition des
cheveux varie d'une tribu à l'autre. Les Indiens Comanches de l'Amérique
du Nord partagent leur chevelure en deux longues tresses, ornées de rubans
colorés et de bandes de peau de loutre; au sommet du crâne s'enracine une
mince tresse - le « scalplock » -, qui distingue le guerrier comanche. Les
Hurons ont les tempes dégarnies jusqu'à la nuque, alors que les Iroquois
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laissent pousser leurs cheveux d'un seul côté, les graissent et les ramassent
en coques près de l'oreille. Les Apaches laissent tomber leurs cheveux
jusqu'au niveau des yeux. Les Creeks se rasent la tête - qu'ils peignent en
rouge -, àl'exception d'une longue mèche. Les Crows conservent une crête
médiane à laquelle ils attachent une parure de crin et des piquants de
porc-épic. Les Sioux tressent leur chevelure en deux ou trois nattes.
Les coiffures féminines traditionnelles, d'une diversité étonnante en
Afrique, marquent la distinction entre les ethnies : les coiffures targuie,
peule, bororo sont autant d'architectures complexes de tresses minuscules Le peigne est le plus ancien des outils de
coiffure. Celui-ci, encore rudimentaire,
tissées selon des recettes issues de la nuit des temps. Seules quelques peu- est en bois.
Peigne achanti, originaire d'Afrique de l'Ouest, Paris,
plades àtravers le monde semblent avoir échappé au despotisme des arts de musée des Arts africains et océaniens.
la coiffure : les Bochiman d'Afrique du Sud, aux cheveux crépus, serrés «en
grains depoivre », les Aïnous du nord duJapon, dont la chevelure, la barbe
et les moustaches constituent une toison vierge de tout soin capillaire, ou
encore les aborigènes australiens, les Pygmées africains et quelques tribus de
la forêt amazonienne (du moins au siècle dernier).
Lorsque, au milieu du XIXe siècle, les Français découvrent les îles
Marquises, les indigènes, ceuxqu'ils qualifient de «derniers sauvages », par-
tagent leurs cheveuxpar une raie médiane et les tordent encoques dechaque
côté du crâne, quand ils ne les nouent pas au sommet du crâne pour les
laisser s'épanouir en gerbe. Les femmes portent des chevelures noires et
brillantes, qui «ruissellent enflots sur leurs épaules »ou qu'elles relèvent en
épais chignons agrémentés de couronnes defeuillage ou defleurs. Hommes
et femmes ne dédaignent pas l'usage de lotions huileuses pour rendre leurs
chevelures plus «chatoyantes ».
Dans les sociétés qui paraissent avoir échappé à toute contamination
culturelle étrangère, la préoccupation capillaire semble obéir à des motifs
divers. Les Inuit se taillent les cheveux afin d'indiquer leur appartenance à
telle ou telle tribu; les Jivaros, réducteurs de têtes, prennent grand soin de
leur chevelure noire et lustrée, qu'ils coupent enfrange droite sur le front et
Rasoirplat datant de l'âge du bronze. Les
qu'ils laissent pousser dans ledosjusqu'à lataille ; ils rassemblent alors leurs premiers rasoirs doivent leur existence à la
cheveux en trois nattes, la plus longue rejetée en arrière et les deux plus découverte des métaux durspermettant un
tranchant aiguisé. Auparavant, les hommes
courtes ramenées sur chaque oreille. Les Indiens Camayuras (dans le centre de la préhistoire se rasaient sans doute avec
des couteaux en silex.
du Brésil) coupent leurs cheveux noirs et raides «au bol », quelques mèches Danemark,muséedeMolsgard.
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tombant sur les yeux et recouvrant le haut des oreilles. Ainsi, une certaine
diversité dans la coiffure, liée defaçon évidente àdes traditions et àdes rites
religieux, caractérise les populations dites «primitives ».
Dans les civilisations anciennes, la pilosité est considérée comme la
distinction principale entre l'homme et l'animal. Ce qu'il y a d'animal en
l'homme étant représenté par sa chevelure, sa barbe... Ainsi, se couper les
cheveux, se raser la barbe, c'est devenir plus humain, c'est un signe de civi-
lisation, commeen témoigne le soin accordé aux cheveux et àla barbe dans
les sociétés de l'Antiquité.

BARBESETPERRUQUESPHARAONIQUES
Letempssembles'être arrêté dansl'île Les premiers coiffeurs et coiffeuses de l'Egypte pharaonique apparaissent
d'Ombaï(Indonésie) où cetindigène sur quelques bas-reliefs ou fresques funéraires évoquant des scènes dela vie
arbore unecoiffure aussi étonnante que
savante! quotidienne. Certains d'entre eux se déplacent et opèrent en plein air, sous
ndraovnuéresier.eprésentantunnatureldel'îledO
IG ' mbaï,
un arbre à l'abri du soleil, d'autres sont attachés à de riches particuliers et
font alors partie de la domesticité. Ménafré, dont on aretrouvé le tombeau
au XIXesiècle, fut ainsi au service des premiers rois. Les coiffeurs disposent
de peignes, de rasoirs en bronze, de miroirs, de pots de cosmétiques,
d'huiles, d'onguents et de parfums, de boucles et de nattes postiches. Ils
peuvent soigner le cuir chevelu, lutter contre la calvitie deleurs clients, mas-
quer la canitie par l'emploi de teintures. La science de ces professionnels
s'étend aux sourcils et aux cils, àla barbe et auxmoustaches, qui sont rasées
ou épilées. Laprofession debarbier, évoquée dansla Satire desmétiers écrite
parle scribe Khétyvers 2000av.J.-C., estpeu lucrative et considérée comme
ingrate : «Le barbier rase jusqu'aux limites du soir, il se déplace dans son
secteur et va de rue en rue, cherchant qui raser. »
Sefaire couper les cheveux et se faire raser sont des usages très répandus
dans la société égyptienne, où l'on prend grand soin deson apparence exté-
rieure. Seuls les pauvres ou les étrangers montrent un visage négligé.
Dans l'Égypte despharaons, se raser était Cependant, un des attributs du pouvoir royal est précisément le port de
dictépar des impératifs hygiéniques,
esthétiques ou religieux. Les soins capillaires labarbe. Ainsi lepharaon semontre-t-il, lors des cérémonies officielles, avec
exigent même dans lesplus humbles villages
d'avoir recours au barbier, et on accepte
une barbe postiche, longue, étroite et légèrement recourbée, symbole de
d'attendre patiemment son tour.
F
puissance et de force virile. La reine Hatshepsout (XVIIIe dynastie) se fait
ouresxx,
quedynast
delatoiem beléd'eOdusirhat,
, val esNobledatant
s delaXIX' représenter avec une barbe afin d'affirmer que, bien que femme, elle était
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Les Égyptiennes de haut rang cultivaient


l'art de la séduction.
Elles disposaient, pour se coiffer et separer,
de nombreux objets de toilette :peigne,
cuillère àfards enforme d'ibex, pot à khôl
(hommes etfemmes se maquillaient les
yeux), épingles qu'elles disposaient - à
portée de main - dans un coffretpratique
et élégant.
Paris, muséeduLouvre.

l'égale des pharaons. Dans le reste de la société égyptienne, la barbe est


portée dansdeuxcirconstances précises :le deuil (coutume que l'on retrouve
chez les Hébreux) et le départ d'un proche.
Si les fellahs des campagnes, les domestiques et les membres des autres
classes populaires portent les cheveux courts ou mêmese font raser la tête,
par contre, les hommes et les femmes des milieux aisés connaissent l'usage
des perruques, qui s'est imposé depuis les temps les plus reculés de la
période memphite (2686-2181 av. J.-C.). On ignore précisément ce qui Cesperruques, véritables œuvres d'art,
a conduit les Égyptiens à porter la perruque, probablement le souci de composéesd'une multitude defines tresses,
sont révélatrices d'une civilisation tournée
se protéger du soleil ou le désir de cacher une chevelure peu fournie. Ces vers l'apparat et laparure. Objets érotiques,
elles sont aussi un indice dustatut social.
perruques sont des architectures savantes, composées de vrais cheveux et de R.I.<-Te!ie( X IX dynastie, Paris, musée du IUl! :T(
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fibres végétales, souvent nattées en petites tresses. Courtes et carrées sous le


Moyen Empire, elles sont devenues plus sophistiquées et plus compliquées
par la suite. Leur forme est en général trapézoïdale et elles sont ornées, du
moins pour les perruques féminines, de peignes, de fleurs artificielles, de
bandelettes de couleur et, parfois, de diadèmes d'or qui peuvent être formés
de fils d'or parsemés d'imperceptibles fleurettes. Les perruques sont parfois
agrémentées par de brillantes plumes d'oiseaux. Ainsi, la reine Teta Sheri, à
l'époque de la XVIIIe dynastie, porte une coiffure ornée d'une tête de
vautour, survivance peut-être de l'Egypte totémique. Au sommet de cet
ornement pyramidal, les élégantes placent un cône de graisse parfumée que
Princesse égyptienne du règne la chaleur fait fondre lentement, imprégnant alors la tête et les épaules
d'Aménophis IV, très gracieuse et, sans
doute, très soucieuse de son apparence
d'effluves odorants. Les perruques peuvent être teintes de différentes cou-
comme toutes les femmes de la noblesse. Elle leurs, comme le bleu ou le rouge, mais la teinture noire est la plus répandue.
porte une perruque faite de fines tresses, de
boucles et de longues mèches frisées des plus Indispensable atout de séduction pour la femme, la perruque est pour
distinguées.
Buste, XIV siècle av. J.-C., Paris, musée du Louvre. l'homme, du fait de sa forme et de ses dimensions, le signe extérieur de ses
fonctions et de son appartenance sociale. Dans les classes inférieures, lors de
fêtes ou de cérémonies familiales, le port de perruques de laine est possible,
sinon recherché. Toutefois, dans les hautes sphères de la société, la perruque
peut être remplacée par une chevelure naturelle, soignée et tressée chaque
matin, ointe de pommades et imprégnée de parfums. Il s'agit là d'une phase
importante de la toilette quotidienne.
Les prêtres ont le crâne complètement rasé, par souci de pureté. Les
enfants ont les cheveux rasés autour d'une longue mèche bouclée sur la
tempe droite, afin d'éviter poux, puces et vermine. On ignore jusqu'à quel
âge ils portent cette mèche; les princes impériaux, eux, la conservent très
tard. Les jeunes garçons peuvent également porter une perruque courte et
bouclée, comme le montrent certaines représentations. Ainsi, dans l'Egypte
ancienne, les différences dans la coiffure permettent déjà de distinguer castes
Un coffret de toilette égyptien en bois et classes, fonctions sociales et générations.
richement décoré, bien pourvu en objets
de toutes sortes. Les soins cosmétiques Les coiffures égyptiennes ont livré leurs secrets grâce aux objets de
Jl 'Ltvaient plus de secrets pour les Egyptiens,
qui se servaient de lotions contre la calvitie,
toilette, rasoirs, peignes, perruques, découverts dans maints monuments
de crèmes pour nourrir le cuir chevelu, funéraires. Les Égyptiens croyaient, en effet, à la survie de l'âme après la
et même de teintures.
(j)ffrct de toilette provenant de la tombe de Kh,z
a [Jen el-Medmeh, musée de Turin.
mort. En retrouvant dans sa tombe ses objets de toilette familiers, l'âme du
défunt pouvait sortir au grand jour et tenir son rang.
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COMMENTAVOIRDEBEAUXCHEVEUX
DANSLÉ
' GYPTEDESPHARAONS
Les bas-reliefs et les peintures des tombeaux de l'ancienne Égypte nous montrent
un assez grand nombre de scènes de toilette, signe de l'importance qu'accordent
les Égyptiens à la propreté. Lafemmereprésentée (généralement uneprincesse ou
une noble) est assise sur une natte, entourée dejeunes esclaves, Syriennes rame-
nées des conquêtes asiatiques ou petites Noires enlevées en Nubie, qui peignent,
arrangent et parfument sa chevelure (une coiffure très soignée est un élément
essentiel de la toilette) ou la parent d'ornements divers. Lesservantes se livrent à
des soins longs et minutieux qui exigent patience, expérience et dextérité. Des
coffrets de toilette en bois précieux, enrichis d'incrustations d'ivoire ou de métal,
contiennent tout unattirail d'objets detoilette :pots à fards, pinces à épiler, miroirs
de bronze aux manches sculptés, flacons de parfums. Pour conserver de beaux
cheveux et favoriser leurpousse, les Égyptiennes utilisent diverses recettes dont un
certain nombre de papyrus nous ont livré les secrets. Voicil'une des plus connues
d'entre elles : faire frire soigneusement dans de l'huile un pied de lévrier, des
noyaux de datte et unsabot d'âne, et se servir ensuite du mélange sous forme de
frictions répétées. Mais ces prescriptions ne sont pas toujours suivies d'un effet
magique; il convientde masquerune tête plus oumoinschauvepar uneperruque.
Celle-ci devient, de toutes façons, un ornement qui s'impose dans la haute société
égyptienne et contribue à la beauté féminine selon des usages immémoriaux.
Cesfemmesportent surleur
perruque despetits cônesde
graisseparfumée qui,
enfondant, recouvriront
leurs cheveux desenteurs.
Scènedeharem,latoilette
desfemmes,fresquedelatombe i
-',i. deNakht,valéedesNobles.
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LE FER ÀFRISER : UNE INVENTION ASSYRIENNE?


À l'autre extrémité du «Croissant fertile », sur les rives
de l'Euphrate et du Tigre, ont prospéré dès 3500 av. J.-C.
lesnombreusescités-États delacivilisationmésopotamienne.
Les archéologues ont ainsi mis aujour des bas-reliefs, datés
delafin duIVemillénaire, représentantdespersonnages ausystème
pileux abondant et ordonné. Ces dieux ou ces guerriers sont pourvus
de chevelures imposantes, peignées et frisées, de barbes fournies,
naissant au-dessous des oreilles par de petits anneaux riss, couvrant
Barbe opulente,frisée, torsadée, majestueuse les joues et le bas du visage ainsi qu'une partie de la poitrine. Tous ces
et hiératique, digned'un grand roi de ornements capillaires sont « tuyautés », frisés avec un soin extrême, ou
Mésopot
Busteenbroami
nzeed,equi
Sargporte
onI",Baussi
agdadle,mchignon.
uséed'Iraq. composés de tresses régulières et serrées. Cette ordonnance hiératique et
savante nécessite, semble-t-il, l'usage de fers à friser - ou, selon certains
archéologues, de bâtonnets de silex, chauffés au soleil -, de petits rouleaux
et de pommades. Dans la société assyrienne, riches particuliers et gens de
cour auraient disposé de perruques et defausses barbes, attributs que porte
notammentle roi deMari. Onaégalement retrouvé àOur, enChaldée, dans
une tombe remontant à2600-2400 av.J.-C., les restes d'un casque-perruque,
probablement porté par les rois lors de batailles. Comme en Égypte, la
coiffure obéit à une hiérarchie sociale puisque, dans un autre monument
funéraire, les 28 femmes les plus proches de la reine portent dans leurs
cheveux des rubans d'or, et les 36autres, plus éloignées, des rubans d'argent.
Princes et souverains peuvent également agrémenter leur visage de larges
moustaches commele prince Ishtup Hum.
Chez les Mèdes du plateau iranien, chevelures et barbes frisées sont éga-
lement àl'honneur; sourcils et cils sont teints. Les onguents et les parfums
sont abondamment employés. Chez les Sumériens, il est d'usage d'utiliser
unepoudre ocrejaune pour sachevelure. Dans l'armée deDarius III, vaincu
par Alexandre, une quarantaine deparfumeurs étaient auservice du roi et de
sa suite.
Scènedela vie quotidienne en Mésopotamie Les civilisations phénicienne et carthaginoise sont influencées, semble-
au l,Y'siècle av.J.-C. : une coiffeuse t-il, par la coiffure égyptienne, mésopotamienne puis ionique, comme
à l'œuvrepour quelque cliente de
condition modeste. peuvent en témoigner quelques maigres indices archéologiques ■ : cheveux
B as-reliefprovenantdeNimroud,Londres,
lintiih .\fIl\Cl/m ondulés et flottants ou en torsades.
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LenaifSamsonabandonnépendantson
sommeilauxciseauxperfidesdelabelle
Dalila,coifféeethabiléeàlamodedu
xvrsiècle.Ainsidépouilédesonopulente
chevelure,ilseretrouverasansforceface
àsesadversaires.
HaunséseB
m deroM
samoeurl(in1s5.06-1554),SamsonetDalia,

VARIANTESHÉBRAÏQUES
Le peuple juif a subi, entre l'Exode et son installation définitive en Canaan,
maintes influences étrangères, et son art de la coiffure manque d'originalité.
Pourtant, l'Ancien Testament est fort riche en références concernant les che-
veux et les barbes. Dans le Cantique des cantiques, la passion de l'amant se
déchaîne, violente et irrésistible, à l'évocation imagée des cheveux de
l'aimée, semblables à « un troupeau de chèvres à l'aube suspendues aux
flancs de la montagne de Galaad ». L'amante répond sur le même ton : «Sa
tête est de l'or pur, ses boucles sont comme des régimes de dattes, noires
comme le corbeau. »Elle ajoute : «Tatête se dresse comme le mont Carmel
et la chevelure de ta tête est comme la pourpre, un Roi suspendu à tes Decettegraminée, appelée «nard», est
tresses. » Les cheveux longs paraissent avoir eu une certaine vogue dans plus extrait unparfum desplus recherchéset des
chersdansl'Antiquité méditerranéenne.
PlanchebotaniquedeTurpin,débutduXX
I1siècle.
la Bible. Le prophète Habacuc est arraché de. terre par ses cheveux
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et le malheureuxAbsalon, si fier deson abondante toison, précipite safin en


restant suspendu par les cheveux aux branches d'un arbre, livré sans défense
aux coups mortels de ses ennemis. Samson porte de très longs cheveux qui
le dotent d'une force extraordinaire. N'a-t-il pas été voué dès sa naissance à
Yahvécomme«nazir deDieu »et n'a-t-il pas ainsi été destiné àsauver Israël
de la main des Philistins ?La perfide Dalila, en faisant couper la chevelure
deson amant pendant son sommeil, en fait une victime désarmée et impuis-
sante. Laperte deses cheveux équivaut pour Samsonàla rupture d'un enga-
gement et lui ôte le soutien de Yahvé.
En effet, tout Hébreu consacré àDieu doit laisser pousser barbe et che-
veux, signe du renoncement de l'homme aux distractions de la civilisation.
Ceprix incontestable attaché par les hommes aux chevelures abondantes se
retrouve dans l'univers féminin de manière plus subtile et plus élaborée. Si
l'on en croit le prophète Isaïe, les filles de Sion se parent de faux cheveux
et de perruques, se parfument, se frisent, et les pires châtiments guettent
ces élégantes qui bravent les commandements de Yahvé. Judith, avant de
rejoindre Holopherne pour le tuer, se parfume et relève ses cheveux avec
une épingle d'or. Pour mieux séduire Booz endormi, Ruth separfume aussi.
Lareine de Saban'aurait-elle pas offert au roi Salomon tout un chargement
des plus précieux parfums en usage à sa cour?
Ainsi, d'un bout àl'autre du Proche-Orient, se constitue, par influences
Levautour n'est guère impressionnépar la et imitations successives, unart dela coiffure déjà complexe, savant et même
barbe majestueuse etsoignéenipar la sophistiqué.
longue chevelurefrisée deProméthée,
hiératique et résigné, vouéà unsupplice
éternel.
Peinturedu' necoupegrecquedelé'poquearchaïque.
INNOVATIONSHELLÉNIQUES
EnCrète, les fouilles archéologiques ont misaujour des milliers defigurines
de l'époque minoenne, qui témoignent d'une civilisation raffinée.
Les élégantes - comme la célèbre «Parisienne» sur une fresque datant de
1500 av. J.-C., surnommée ainsi à cause de sa coiffure recherchée - savent
disposer avecart et fantaisie leurs cheveux. Aumoyen d'épingles d'or oude
métal, elles superposent leurs boucles enforme degalettes, depyramides, de
touffes ou de chignons, ou encore les laissent flotter sur leurs épaules, les
agrémentant de rubans, de résilles et de fleurs.
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Commentnepasêtresensibleàlagrâce
espiègledecettejeuneCrétoise,surnommée,
dufait desonélégance,«laParisienne».
Seslonguesbouclesanglaisessontrejetéesen
arrièreavecdésinvoltureetsesyeuxsont
sForeusqliugendéistea«ulakPharôisiel.nne»(1700-1400av.J.-C.)
provenantdeCnossos,Irâklton,Muséearchéologl>(Ilftl.

La coiffure masculine est beaucoup plus sobre et uniforme : visages le


plus souvent glabres, chevelures flottantes, souvent nattées ou coupées assez
court, surtout lorsqu'il s'agit de disputer des épreuves sportives ou de se
livrer àl'art de la tauromachie. On retrouve dans le monde égéen quelques
influences crétoises dans la coiffure féminine - les cheveux sont nattés mais
agrémentés d'« accroche-coeurs ».
Àl'époque homérique (du XIeauVIIIesiècle av.J.-C.), porter des cheveux
longs et une barbe bien effilée est le privilège dela noblesse et dela caste des
guerriers. Tels sont les combattants sous les murs de Troie, décrits dans
l'Iliade. Achille a de longs cheveux bouclés, qu'il fait couper en signe de
deuil à la mort de son ami Patrocle. Hector reproche à Pâris l'attachement
excessif qu'il accorde à sa belle chevelure, indigne, selon lui, d'un farouche
guerrier. Mais les soins apportés au système pileux peuvent être fort simples
si l'on en juge par les «démêlés» d'Ulysse avec ses poils abondants salis
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par le varech et les eaux marines. Enguise depeigne, le navigateur se sert de


ses doigts avant deseprésenter, enfin propre, devant Nausicaa. Maisil s'agit
là, il est vrai, de la toilette sommaire d'un pauvre naufragé.
Pour retrouver unvéritable raffinement dans la coiffure, il convient dese
hisser au sommet de l'Olympe, où vivent dieux et déesses. Là ne sont que
chevelures luxuriantes, abondamment parfumées, comme celle d'Héra. La
crinière blonde de Vénus exhale une divine odeur d'ambroisie. Sortant des
flots, la déesse peigne longuement ses cheveux pour en retirer le limon.
Diane, la chasseresse, a confié sa belle chevelure aux bons soins de la
nymphe Psécas. Celle-ci, qui fait merveille, deviendra dans l'Antiquité
grecque la patronne des coiffeuses, appelées alors «psecades». La couleur
blonde domine chez les dieux et les déesses : Esculape est représenté avec
une épaisse barbe d'or; Mars, dieu de la Guerre, porte des cheveux blonds
et courts. Quant àZeus et Apollon, ils portent la barbe.
Au-delà d'une mythologie où s'exprime tout un idéal de beauté et de
perfection corporelle, il est aussipossible d'interroger la statuaire d'Ionie, en
Asie Mineure. Celle-ci profile déjà des visages d'éphèbes glabres et de
déesses à la chevelure empreinte à la fois de sobriété et d'une certaine
Unecoiffure masculineathénienne du fantaisie :chevelures bouclées, chignons serrés et discrets, quelques torsades
Vsiècle av./.-C., courte, bouclée etfrisée, plus alanguies sous l'influence d'un Orient tout proche.
d'unefactureparfaite, très représentative de
l'idéal esthétique hellénique.
Bustedé'phèbeblond,enmarbre,vers485av.J.-C., Àl'époque archaïque (VII-VIe siècles av. J.-C.), hommes et femmes ont
Athènes,muséedelA' cropole. les cheveux longs, qu'ils coiffent en longues mèches ondulées. Les cheveux,
torsadés sur la nuque, peuvent être coiffés sur le front en mèches bouclées
au fer et rangées symétriquement. À Athènes, les hommes portent le
crobylos, c'est-à-dire une touffe de cheveux relevée sur la tête et soutenue
par un bandeau. Barbes et moustaches sont très répandues et font l'objet de
soins minutieux. Les barbes, longues et fort épaisses, sont taillées en fer de
lance, àl'image d'une société guerrière, ou bien divisées en masses bouclées.
Quant à la profession de barbier, elle fait partie de la légende grecque,
comme en témoigne l'histoire du roi Midas. Affublé d'oreilles d'âne pour
avoir osé humilier Apollon, le souverain cache celles-ci sous un bonnet
phrygien, jusqu'à ce que son barbier, incapable de se taire plus longtemps,
révèle le secret àtout le monde. Ainsi naît, grâce àla mythologie grecque, le
stéréotype du barbier bavard et impertinent.
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Coiffures viriles et «sportives». L'éphèbe est


encoreimberbe, maissoncompagnonplus
âgéporte unmincecollier debarbe.
Dans la Grèce classique du Vesiècle av.J.-C. coexistent, dans le temps et FresqueprovenantdelatombeduPlongeur.
l'espace, bien des variantes. Les Lacédémoniens rasent leurs moustaches et
coupent la barbe des pleutres et des lâches. Partant combattre les Perses aux
Thermopyles, les trois cents soldats spartiates ont peigné leurs cheveux et
couronné leurs têtes deguirlandes et decouronnes defleurs. ÀAthènes, sur
l'agora, sont construits les premiers salons de coiffure, ou koureia; la
jeunesse dorée s'y donne rendez-vous pour échanger nouvelles et échos de
toutes sortes ; elle peut ainsi suivre la mode au jour le jour. Les chevelures
sont plutôt courtes et bouclées, mais que de nuances possibles dans l'arran-
gement des boucles et l'ondulation des cheveux! Ainsi apparaissent sur
maints marbres antiques des chevelures raffinées, d'une élégance à la fois
sobre et subtile. À l'entretien des mains et des pieds s'ajoute celui de la
barbe, quel'on porte encollier ou enpointe commeentémoignent les nom-
breuses peintures des vases grecs. Les chauves peuvent se procurer
perruques et faux cheveux. Seuls les vieillards, ainsi que les philosophes -
c'est pour euxunsymboledesagesse- et les artistes, conserventdes cheveux
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longs et des barbes bien fournies. Rubans et chaînes d'or agrémentent


parfois les coiffures masculines. Parvenus à l'âge des éphèbes (environ
dix-huit ans), les adolescents coupent leurs cheveux et les consacrent à
Apollon ou àArtémis. Les esclaves, qui ne se distinguent pas des hommes
libres par leurs vêtements, ont, en revanche, le crâne rasé ou les cheveux
taillés ras.
Ce n'est qu'après le règne d'Alexandre, au IVesiècle av. J.-C., que les
barbes et les moustaches disparaissent pour réapparaître de nouveau àune
époqueultérieure. SilesfemmesàSparten'attachentàleurchevelurequ'une
importancemineure,il n'envapasdemêmepourlesAthéniennes élégantes.
Celles-ci suivent la mode de très près et consacrent un soin particulier à
leurs cheveux, qui sont frisés, bouclés, nattés, et disposés encoiffures tou-
jours plus compliquées. Lescheveux,parfumés d'huiles rares et précieuses,
peuvent être teints ou décolorés (la couleur blonde est fort prisée) et
complétéspar defauxcheveuxoumêmemasquéspar desperruques.
Avant que lafête commence, ilfaut s'y ÀSyracuse, cité dela Grande-Grèce, despièces d'or et d'argent ontper-
préparer et, pour cela, bien se coiffer, et misderetracer l'évolution des coiffures féminines locales duVeaulIresiècle
enserrerfrisures et bouclettes dans des
bandeaux disposés avec art.
Dessind'aprèsunepeinturedevasegrec,Paris,
av.J.-C. :bandeauxondulés sur lefront et cheveuxlisses horizontaux surla
muséedesArtsdécoratifs. têtevers478-467,puischeveuxbouffantsenformedecoquesderrièrelatête.
Plus tard apparaissent des chignons nattés et serrés. Les
coiffeurs se servent de fers et de peignes à double
rangée en os, en bronze ou en ivoire, souvent
richement décorés. Mais ce sont, sans nul
doute, les statues grecques - nombreuses
têtes dejeunes femmeset dejeunes filles,
visages d'éphèbes et d'hommes mûrs,
célèbres ou non -, exposées dans les
musées et les collections privées, qui
apportent les témoignages les plus
précis. L'invention, en l'espace de trois
siècles, est incontestable. Elle sedégage,
progressivement, des influences origi-
nelles du Proche-Orient pour définir un
idéal esthétique fait desobriété et demesure.
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Lemiroirtenaitunegrandeplacedansla
toiletedu' nefemmegrecque.Ilestaussiun
oM bjetd'aort,îte,gI\"r-V
acieuxetrichementdécoré.
muisréoeirdàubLouvre. siècleav./.-C.,Paris,

LE TONSORROMAIN,ARBITREDESÉLÉGANCES
C'est en fait un art déjà original et européanisé qui caractérise la société
romaine àpartir du IVesiècle av.J.-C. Les premiers barbiers formés dans la
Sicile grecque auraient été introduits àRomepar un certain Ticinius Menas
vers 350 av. J.-C. Par la suite, le tonsor entre dans la vie quotidienne des
Romains. Dans les quartiers populaires, il siège enplein air oudans quelque
taverne et se déplace d'un endroit à l'autre à la rencontre de ses clients. Il
exerce également parfois son art dans ce qu'on pourrait appeler un «salon
de coiffure », luxueusement aménagé. Ces tonstrinae sont des lieux de
rendez-vous élégants, que fréquente une jeunesse dorée avide de nouvelles
et depotins mondains, soucieuse d'être «au parfum »des nouvelles modes
capillaires. Le maître coiffeur officie, entouré d'aides moins expérimentés,
appelés circitores. Il doit aussi bien savoir couper les cheveux, raser ou tailler
les barbes, teindre les cheveux, épiler les poils disgracieux, soigner les mains
et les pieds. Untoilettage complet exige des heures depatience et d'habileté.
L'outillage apparaît fort divers : rasoir (novacula), ciseaux ou, du moins,
ce qui en tient lieu (forfex), peigne (pector), miroir (en métal poli), fer
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àfriser (calamister), pince àépiler (volsella), onguents et parfums. Lerasage


est, en particulier, une opération délicate, car les rasoirs sont peu maniables
et peu précis. Confiés à des mains malhabiles, ils sont responsables de
coupures ou d'estafilades provoquant la colère des clients, ainsi défigurés. Il
faut soigner ces atteintes à la beauté masculine à l'aide de toiles d'araignée
trempées dans duvinaigre. Leremède est, paraît-il, souverain. Il existe aussi
des coiffeurs prudents qui effleurent le poil des joues, laissant en place un
léger duvet. Lepoète Martial semoquedu barbier Eutrapelus (« dégourdi »,
en grec) qui rase le visage de Lupercus (du latin lupus, « loup ») pendant
qu'une seconde barbe pousse à son client.
Mais il yaaussi desvirtuoses du rasoir, rapides et méticuleux, tel lejeune
Pantagathus, prématurément disparu, si habile à couper les cheveux et à
polir les joues hérissées de poils. Sa main d'artiste était « d'une légèreté
incroyable »(Martial, Épigrammes, livre VI).
Pour ceux qui, à tout âge, veulent plaire aux femmes - amantes sinon
épouses-, s'abandonner auparavant auxsoins éclairés d'un tonsor renommé
est une nécessité. Il ne faut surtout pas, note le poète Ovide dans son Art
d'aimer, qu'une coupe maladroite enlaidisse le visage; il faut àtout prix que
les cheveux et la barbe soient taillés par une main experte et que les ongles
soient bien coupés et propres.
Quelques allusions littéraires et témoignages épigraphiques permettent
d'affirmer que les barbiers au temps de la République puis de l'Empire
romain s'associent alors - notamment depuis la lex Julia de 7 av. J.-C. -,
commedenombreux autres artisans, encorporations locales ou encollèges,
qui sont des sociétés desecours mutuels protégeant les intérêts dela profes-
sion face à la concurrence « sauvage » des esclaves ou des commis de
boutique. Les collèges, organisés sur le plan administratif, sont dotés de
règlements intérieurs etbénéficientdeprivilègesfiscaux. Ils ont aussiunedes-
tination funéraire. Mais on ignore comment s'effectuait l'apprentissage des
tonsores. Seuls quelques textes et quelques documents iconographiques
apportent un témoignage endécrivant le maître barbier, entouré decompa-
gnons ou d'apprentis affairés. Les corporations d'artisans subsisteront
jusqu'au Bas-Empire :elles deviendront alors obligatoires et lerecrutement se
feraparvoiehéréditaire, cequi imposedeslimites très étroites aurecrutement.
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DELATRÈSHAUTEANTIQUITÉ
DURASOIR
' erasoirné'taitpasàol'rigineunfragmenttranchantdepieredurecommelo' b
L
sidienneoulesilex?Lespréhistorienssin' terogentetrestentévasifs.Dumonis,
commeÉ l'gyptepharaoniqueoulescivilsationsmésopoatmeinnes,laGrècehomé-
riqueconnaîtlerasoir.Danslessépulturesceltesetétrusques,lesarchéologuesont
découvertunnombreassezconsidérabledo'bjetsenbronze,enformededem-i
lune,avecunbordconvexecoupant,quil'sconsidèrentgénéralementcommedes
rasoirs.DanslaRomeantique,letonsorsesertdu'nrasoirappelénovacula,de
formecourbe,qui'lrangedansunétui,outheca.Commeilne'xistepasencorede
«cuirda'fûtage»nidecrèmeoudemouseàraser,lerasage,selonlespoètes
latins,estuneopérationlongue,délicate,queqluepeutraumatisante,etquiparfois
peutmêmeblesser.Ausirecourt-ondepréférenceàdessubstancesdépilatoires
ouàlapinceàépiler.Ilfaudraplusieurssièclespourquelerasoirdemétal
deveinnevram i entfonctionnel,masiquedeprogrèstechniquesréalisésdepuisle
«coupe-chou»denospèresetgrands-pèresjusqua'urasoirjetableàuneouplu-
sieursalmesouaurasoirélectrique,instrumentssufsiammentprécispourépou-
serdansleurcourselesplusnifm i esdéclivitésetaccidentsdeterrain,du'neetmpe
àla'utre!
Paralèlement,ilfautévoquerlestribulations
historiquesdesciseaux,instrumentsdecoifage,
dérivésdurasoir,appelésforfexetformésàol'rigine,
danslaRomeimpériale,dedeuxbranchesplusoumonis
coupantes,réuniesparunepartiecourbeenformedeferàcheval.
Le rasoir, sommaire au temps de l'âge du bronze, est devenu
plus pratique et plus élégant, comme en témoignent ces deux
modèles carthaginois aux formes gracieuses et au décor suggestif
Carthage, muséeLavigerie.

Le tonsor, par son habileté, voire sa virtuosité, peut conquérir gloire,


fortune et renommée. Il peut même être attaché au service exclusif d'un
riche particulier, et assister chaque jour au lever de son maître. Martial
évoque ainsi Cennamus, «le plus connu de tous les barbiers deRome», qui
aréussi àentrer dans l'ordre équestre grâce aux400000sesterces généreuse-
ment offerts par sa patronne pour payer le cens équestre. Mais le person-
nage, traqué par le fisc, a dû s'exiler en Sicile, et Martial de lui conseiller,
moqueur, de reprendre le rasoir pour échapper à la misère. D'autres coif-
feurs s'introduisent à la cour impériale, tel Thalamus, qui fut le barbier de
Néron. Àl'époque plus tardive de l'empereur Constance, le coiffeur de la
cour était, selon l'historien AmmienMarcellin, un personnage considérable.
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SOPHISTICATIONSFÉMININESÀROME
Abandonnant les coiffures simples et austères des grandes dames
delaRépubliquecommeLivieetOctavie,lesrichesRomaines,
àpartir du IIe siècle de notre ère, se laissent tenter par des
coiffures plus élaborées, influencées par la Grèce et l'Orient.
Parmileurs nombreuxdomestiques, très spécialisés dans leurs
tâches quotidiennes, setrouvent dejeunes esclavesquiseconsacrent
à la toilette matinale de leur maîtresse. Elles disposent d'un « outillage »de
fers à friser, de fioles de teintures ou d'onguents, de flacons de parfums,
depoudres diverses, depinces àépiler. Plaute, ironique, note qu'il
faut, pour «attifer »une femme de la tête aux pieds, un attirail
aussi important que pour équiper une galère à trois rangs de
rames. Les cinéraires font chauffer les fers, les calamistres
crêpent les boucles, lespsecades les parfument, les ornatrices
doivent épiler, appliquer une teinture noire sur les cils et le tour
des yeux, et surtout veiller àl'ordonnance des coiffures naturelles ou
desperruques;les catoptristes sebornent àtenir lesmiroirs, cequin'est
CoiffureraffinéeportéeparlesRomainesdu pas une mince affaire, car la matrone tient à suivre la bonne marche des
Iersiècleapr.J.-C., quisuscitel'ironie opérations. Cet essaim de coiffeuses, appelées aussi tonstrices, n'est pas
mordantedeJuvénal:«Qued'étages
superposés,quellessubstructuresdanscet à l'abri des piqûres d'épingles ou des coups violents donnés par une
édificedontelle[lafemme]chargeet
suursételèevnemsaarbtête.
B »(Satires, VI.) matrone en colère à cause d'une boucle mal ajustée. Ovide met en
muséeduCapriteo,leV .ibiaMatidia,90-100apr.J.-C.,Rome, garde les maîtresses qui injurient et maltraitent leurs esclaves : « Que la
coiffeuse n'ait rien à craindre de vous, s'écrie-t-il; je hais les femmes
qui leur déchirent la figure avec leurs ongles ou prennent une épingle à
cheveux et la lui enfoncent dans le bras. Elle [la coiffeuse] voue aux dieux
infernaux la tête de sa maîtresse, tête qu'elle tient entre ses mains; en même
temps, couverte de sang, elle laisse tomber ses larmes sur cette odieuse
chevelure. »
Dès le début de l'Empire, les matrones sont de moins en moins nom-
breuses à conserver des coiffures hautes, en forme de tours, dites tutuli. Il
semble que cesoit Messaline, femmedel'empereur Claude, qui ait introduit
à Rome, au Ier siècle apr. J.-C., des coiffures frisées plus élaborées qu'aux
siècles précédents. L'influence de la Grèce est en fait importante, et l'art
de la coiffure se développe en toute liberté dans la société aristocratique.
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On voit ainsi naître des coiffures dites « amoureuses », dans lesquelles la


forme d'une colombe ou d'un cœur percé de traits symbolise un amour
passionné ouune simple intention deplaire et deséduire. Il existe également
des coiffures guerrières représentant un casque, un bouclier, une catapulte,
une tour crénelée, ainsi que des coiffures arborescentes enforme depalmier
ou de saule pleureur. Les coiffures olympiennes exigent un soin particulier,
car elles sont constituées d'une infinité de tresses de grosseurs différentes
(de l'épaisseur d'un doigt à la taille d'une aiguille). Les modèles de coiffure
sont si nombreux et changent si vite que le poète Ovide ne peut plus ni les
décrire ni même les énumérer. Boucles, frisures, faux cheveux, pommades
permettent de composer de savants édifices capillaires, agrémentés éven- LesstatuesdeVénus,coifféesdemanière
tuellement de fleurs naturelles ou artificielles. Mais tout cela ne suffit pas jeuneetoriginale,ontsansdouteservide
m
StatoudeèdleeaV
uéxnuséeléngm
anartberse,gal
mulosée-romai
duVeiunxes.
Nmî es.
aux belles Romaines, il leur faut aussi des perruques...
Dans la Romeélégante et mondaine du Iersiècle de notre ère, l'usage des
perruques tend, eneffet, àse répandre. Messaline serait encore àl'origine de
cette mode. Selon la rumeur, elle separait d'une perruque blonde pour aller
se livrer, sans être reconnue, à ses orgies nocturnes. La femme de Marc
Aurèle en aurait quant à elle possédé plus de trois cents. Plotine, la femme
de l'empereur Trajan, met à la mode la perruque à l'Andromaque :
perruques blondes de préférence mais aussi brunes, rousses et parfois de
couleur bleue, quel'on peut changer chaquejour ou mêmeplusieurs fois par
jour! Le poète Ovide critique ces belles Romaines qui achètent àprix d'or
deblondes crinières venues deGermaniepour s'en parer et masquerainsi les
injures du temps ou de la nature. Car déjà la couleur blonde - et ses diffé-
rentes nuances : blond ardent (rutilus), doré, cendré - est fort prisée par les
femmes, et bien des recettes existent pour décolorer des chevelures trop
brunes ou trop rousses. Pour y parvenir, les matrones romaines n'hésitent
pas àutiliser un mélange de cendre de hêtre et de graisse de chèvre ou bien
se teignent les cheveux avecune préparation d'huile de lentisque et de lie de Pourleurssoins debeauté, les dames
vinaigre. Ainsi peuvent-elles se comparer plus aisément auxillustres déesses romainesont empruntésans doute à
l'Égypte ancienne l'art delaparure et
blondes de l'Olympe grec, notamment Aphrodite. l'usage descoffrets detoilette. Celui-ci,
richement décoré, està lafois objet d'art et
Ces artifices dela toilette féminine n'échappent pas àla verve moqueuse meuble utilitaire.
CoffretdetoiletteprovenantdeCumes,Naples,
de nombreux poètes latins. Properce, Stace, Martial, Ovide et Juvénal ridi- muséedA' rchéologie.
culisent un usage aussi excessif de la teinture. Certains Pères de l'Eglise
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reprennent ces critiques, souventfort acérées. Lespremières chrétiennes ne


seraient-elles pas tentées d'adopter des coiffures si répandues?Déjà saint
Paul, danslapremièreÉpître auxCorinthiens, recommandeauxfemmesde
laisser pousser leurs cheveuxcarceux-ci leur ont été donnésparDieupour
leur servir devoile. DansuneÉpître àTimothée, il insiste sur le fait queles
chrétiennes doivent se refuser à toute frisure, à tout ornement et rester
modestes et chastes. Saint Pierre partage cette opinion et, par la suite,
conseils et diatribes sesuccèdent.
Ainsi, Tertullien stigmatise celles qui « déguisent la couleur de leurs
cheveux en jaune comme si elles avaient honte de leur pays ». Pour saint
Cyprien, il s'agit mêmed'une audacesacrilègepuisque les femmesdonnent
à leur chevelure « la couleur des flammes éternelles ». Vouloir porter
perruque est, toujours selonTertullien, unpéchéfuneste, carl'on risque de
parer satête de«ladépouilledequelquestêtes étrangères quisontpeut-être
impures,peut-êtrecriminelles ».SaintJérômeet GrégoiredeNazianzesont,
deleur côté, aussi véhémentsdansleurs admonestations.
L'interdit chrétien s'étend àl'emploi desfards, desparfums oudestein-
tures qui, elles, peuventmêmeêtre nuisibles àlasanté. Cesincessantesmises
engarde ont-elles un réel effet?Dans les sépultures des catacombes dela
Romeantique, les archéologues ont découvert despeignes et autres objets
Octavie, sœurdel'empereurAuguste, detoilette :pots decosmétiques etflaconsdeparfumainsiquedesperruques
donne l'exempleauxmatrones dela bonne
société desontemps(r siècleav.J.-C.) avec oudesfragmentsdeperruques.Venuspourlaplupartdel'Orient (parfois en
sacoiffure austère et simple: légère transitant par la Grèce), parfums,pommadeset onguents font partie inté-
ondulation
Camée,Paris,cetabchi
inetgdnon
esMbas.
édailes,
Bibliothèquenationale. grantedecefestivaldel'élégancedontRomeestdevenulethéâtrepermanent.
Rien ne manque dans cet «arsenal de Vénus »: lotions pour crêper les
cheveux,substances épilatoires, teintures pour noircir les cheveuxouingré-
dients diverspourles blondir, commele «savondeHesse ». LesRomaines
élégantes attachent ainsi une grande importance aux soins de beauté qui
deviennent,àl'imagedescoiffures,fortsophistiqués. Pours'éclaircirleteint,
elles sepassentsurlevisagedublancdecéruse,semaquillentlespommettes
etleslèvresdefardrouge, etenfin, soulignentleursyeuxaukhôl. Il estfacile
deseprocurer tous les cosmétiquespossibles chezles meilleursparfumeurs
delacapitale, tel, parexemple,Nicéros. Appelésunguentariiouaromatarii,
cesartisans etcommerçantssontregroupés encorporation.
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Photocomposition : Compofac, Paris.


Photogravure : Graphotec, LePlessis-Robinson.
Impression Grafica Editoriale. Bologne
Dépôt légal : septembre 1995. N° de série éditeur : 18703.
523203 - septembre 1995.
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