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La Franc-maçonnerie
des
Premiers Temps
-
Masonic Classics
L O N D O N
Ltd
i
Dépôt légal n° 000512913 Marc Meisner
ISBN : 9798525124226
ii
S O M M A I R E
SOMMAIRE iii
Premiers mots vi
Kilwinning et sa tradition - 88 -
ANNEXES - 220 -
Notes - 278 -
iii
T A B L E D E S I L L U S T R A T I O N S
iv
T A B L E D E S A N N E X E S
v
P R E M I E R S M O T S
Nice, 2021
vi
“What's in a name? That which we call a rose
By any other word would smell as sweet “
William Shakespeare
Romeo and Juliet
(Act II – scene II)
(1597)
P R O L O G U E : E T A T D E S L I E U X
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qu’ils partagent, avec les membres d’autres groupes du même pays,
les mêmes convictions, les mêmes croyances et les mêmes
engagements4. Sans compter que tous pratiquent les mêmes
cérémonies. Telle est la conséquence d’un formalisme empêchant les
frères de se reconnaître pour tels.
L’idée n’est pas ici d’empêcher la multiplication des armées
mexicaines dont les tenants chercheraient à donner le même prestige
aux dirigeants de toute « obédience ». L’idée est de voir dans la
maçonnerie autre chose qu’une auberge espagnole ou chacun
apporterait ce qu’il pense devoir être la franc-maçonnerie. La Franc-
maçonnerie est un mouvement d’hommes, maniant depuis trois à
quatre siècles certaines idées et pas d’autres. C’est en cela que le
critère formel est regrettable car il distingue entre ceux qui dans un
même pays partagent l’essentiel.
D’autres qui se revendiquent francs-maçons, ajoutent à l’absence
du critère formel un critère de contenu. Ceux-là, ne partagent pas les
mêmes convictions, croyances et engagements. Toutefois, ils
pratiquent les mêmes cérémonies selon les mêmes rituels ou presque
; et c’est tout l’argument de la revendication de leur qualité de franc-
maçon. Mais, le rituel d’une cérémonie puise son sens dans les
convictions, les croyances et les engagements de ceux qui le pratiquent
et pas dans la lettre de son texte. Si le contenu des convictions,
croyances et engagements est absent, la référence au rituel d’une
cérémonie commune à tous, devient un critère purement formel. En
leur absence le rituel est lettre morte.
Du même mouvement, ce formalisme administratif peut accepter
des cérémonies multiples et la variété dans la lettre des rituels. En fin
de compte, la lettre du rituel, pour laquelle tant de francs-maçons sur
toute la surface de la terre ont un respect superstitieux, s’accommode
aisément de variantes, pourvu que chaque variante exprime à sa
manière mais avec cohérence, ce qui est commun : les convictions,
croyances et engagements exprimant l’essence intangible de la franc-
maçonnerie. Peu importe donc que les rituels soient différents pour
chaque rite. Mais, en la forme comme au fond, il ne suffit pas de
pratiquer un rituel maçonnique pour être franc-maçon, ou reconnu
pour tel, à l’aune de l‘histoire du mouvement maçonnique. Ou pour
mieux dire : pour s’attacher aux idées que le mouvement maçonnique
a promues, sur le fondement des convictions qui le caractérisent
depuis son origine. Car, par son contenu, la franc-maçonnerie
appartient à l’histoire des idées même si, nombreux, sont ceux pour
lesquels elle est simplement une conviction.
Parmi ces idées, distinguer pour des raisons formelles ce qui est
identique n’est certes pas pertinent. Mais confondre ce qui est
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différent l’est encore moins. On peut avoir des idées ; les exprimer
dans un Rite ; en partager certaines mais pas toutes, avec d’autres et
n’être pas qui ils sont. Vouloir se confondre en une même cohorte, est
le plus sûr moyen de la disparition de chacun dans un anonymat
indifférencié, que l’histoire des idées appellera vulgate. Si elle fait
l’effort d’être bienveillante. Voir en Hobbes, Locke et Rousseau des
philosophes contractualistes illustrant la philosophie des Lumières,
n’autorise pas à confondre, en une même doctrine, les idées qui leur
sont propres. Du point de vue de l’histoire des idées, on peut souhaiter
la même retenue à l’égard de la Franc-maçonnerie et accepter que des
abandons soient des novations.
Le mode de communication, utilisant des symboles en usage dans
la franc-maçonnerie, peut permette de qualifier la démarche
maçonnique de mystique parce qu’elle prête un sens caché aux choses.
Mais, ici encore, le formalisme est un appui quand il s’attache au
contenu. Car mysticisme n’est pas magie. Bien que, sans difficulté, on
puisse reconnaître les effets dans le registre de l’émotion d’une
cérémonie bien menée, rien ne permet de donner à la lettre du rituel
ni à son exécution, les vertus d’une formule magique, produisant des
effets modifiant le cours naturel des choses ou transfigurant l’homme.
Malgré l’indifférence de la franc-maçonnerie aux confusions de
vocabulaire et sans se tourner vers la religion de l’ancienne Perse, on
distinguera la franc-maçonnerie de la magie autant que du Magisme.
Dans ce dernier, on verra avec Honoré de Balzac, « la haute science
qui cherche à découvrir le sens intime des choses, et qui recherche par
quels fils déliés les effets naturels s'y rattachent 5».
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s’ils font un réel travail d’historien sont pour certains, comme sans
doute l’auteur de ses lignes, influencés par leur préférence pour une
obédience maçonnique à laquelle ils appartiennent, ou,
n’appartiennent pas et leurs convictions, croyances et engagements.
Souvent ce qu’aujourd’hui l’historiographie maçonnique a de plus
ancien est une conception antique de l’histoire que domine le
sentiment.
Chez les auteurs anglo-saxons, domine une influence d’un autre
genre. Les Anglais essayent de démontrer que la franc-maçonnerie est
d’origine anglaise, les Écossais et les Irlandais, qu’elle trouve ses
origines sur leurs terres. Ainsi, le débat est en France plutôt organisé
autour des convictions, croyances et engagements, alors que, dans les
îles britanniques, il relève de la revendication patriotique pour ne pas
dire nationaliste6.
Rien n’est vraiment innocent dans le point de vue des auteurs mais
la qualité de l’argumentation historique est, d’abord, une affaire de
sources et d’archives et c’est à cette aune que sont appréciés les
auteurs précédemment nommés. Par le passé mais encore
aujourd’hui, la littérature maçonnique dit souvent les sentiments de
ses auteurs et exprime surtout la manière dont ils vivent leurs
engagements maçonniques. David Stevenson, qui est un historien
professionnel mais n’est pas franc-maçon, a pu qualifier,
malheureusement avec raison, de « non-sens7», la plus grande part de
la littérature maçonnique. Il y trouve une des raisons du désintérêt
des historiens académiques pour cette partie de la chronique de
l’aventure humaine. Car si la curiosité mal venue du « marronnier »
reste forte, l’influence conjointe de la mauvaise littérature
maçonnique, des guerres picrocholines et de la confusion entretenue
sur la qualité de franc-maçon, n’est sans doute pas étrangère à
l’affaiblissement de l’attractivité du mouvement maçonnique.
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Origine de la Franc-maçonnerie et théorie de la
transition
A l’heure des réseaux diffusant vraies et fausses informations
mêlées, chacun croit s’informer sur tout et, pourquoi pas, sur ce qu’il
croit être la franc-maçonnerie. Celui-là, pourra se rendre sur le site
internet de la Grande Loge unie d’Angleterre11 pour y lire :
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Jacques VI d’Ecosse prendra cet engagement en signant le Covenant
connu sous la dénomination King’s Confession.
Alors que l’Angleterre ignore encore le mouvement maçonnique,
les acteurs des événements dont cette Ecosse des XVI° et XVII°
siècles, est le théâtre, laisseront leurs noms dans l’Histoire mais aussi
dans la chronique des événements maçonniques. Au hasard des
archives apparaît le groupe des « hommes qui ont le mot ». En 1652,
un scribe du presbytère de Kelso peut déjà évoquer leur mémoire et
écrire :
« … dans les temps les plus purs de cette église (Entendre : la Kirk l’Église
calviniste presbytérienne d’Ecosse) des maçons détenant le mot furent
pasteur, ces maçons et ces hommes qui détenaient le mot ont siégé
habituellement parmi les anciens de nos assemblées et bien des
professeurs détenant ce ‘’Mot’’ ont été communément admis à nos
sacrements … » 21.
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1 Önnerfors A. “Note de lecture sur “Robert Peter, Révauger C., Jan Snoek
et Robert Peter Robert Peter (ed.), British Freemasonry 1717–1813”, 5
vols, Routledge, London, 2016) 2,396 pp”, in, Oxford Brooks University,
Journal of Religious History, Literature and Culture, Vol 5-1, 2019,
University of Wales Press, pp. 145 et suivantes
2 Les Universitaires et chercheurs en France s’intéressent plus
particulièrement aux XVIII et au XIX° par exemple Ran Halevi Les loges
maçonniques dans la France d´Ancien Régime -Aux origines de la
sociabilité démocratique, Cahier des annales n° 40, Librairie Armand
Colin, Paris, 2007 ; ou Pierre-Yves Beaurepaire, « Le temple maçonnique
», [En ligne], N°17-18 | 2006, mis en ligne le 16 janvier 2007, http://socio-
anthropologie.revues.org /index466.html Consulté le 01 mai 2009 Socio-
anthropologie, Sociabilité, Franc-maçonnerie et réseaux relationnels.
Contri-butions pour une histoire sociale et culturelle de l’espace européen
des Lumières. Histoire. Université́ Paris- Sorbonne - Paris IV, 2002 ; ou
encore Marie-Cécile Révauger. — « Le Fait maçonnique au XVIIIe siècle
en Grande-Bretagne et aux États-Unis ». In : Revue Française d'Etudes
Américaines, N°51, février 1992. Fêtes et célébrations des groupes
ethniques. p. 98, « De la maçonnerie "opérative" à la franc-maçonnerie :
ruptures, continuité́, évolutions en Angleterre et en Ecosse ». In : XVII-
XVIII. Bulletin de la société́ d'Etudes Anglo-Américaines des XVIIe et
XVIIIe siècles. N°52, 2001. pp. 21-34
3 Peter R., (ed.), British Freemasonry 1717-1813, 5 volumes, Routledge,
London, 2016, Vol. 5 : Introduction
4 Ce principe, parfois, n’est pas respecté. Il arrive qu’une obédience
reconnue par la Grande Loge unie d’Angleterre choisisse dans un autre
pays de reconnaître une structure qui sera différente de celle reconnue par
la Grande Loge Unie d’Angleterre ; il en va ainsi en Italie, la Grande Loge
Nationale Française reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre,
reconnaît le Grand Orient d’Italie alors que la Grande Loge Unie
d’Angleterre reconnaît pour sa part la Grande Loge d’Italie.
5 Eigeldinger M., La philosophie de l’art chez Balzac, (1957), Zlatkine
reprint, Genève, 1998, p. 101
6 On doit saluer l’effort de Robert Peter, Cécile Révauger et Jan Snoek
British Freemasonry 1717–1813, 5 volumes, Robert Peter (Ed.), Routledge,
London, 2016), 2396 pp
7 Stevenson D., The origins of freemasonry, Cambridge Univer-sity
press,1988, p. xi et s
8 Couloubaritsis L., La complexité de la franc-maçonnerie. Approche
historique et philosophique, Ousia, 2018, 583 p.
9 Fichte J. G., Philosophie de la maçonnerie et autres textes, trad. Tobgui F.,
Vrin, Paris, 1995, 240 p.
10 Baillon J-F., « Les manuscrits religieux de Newton et leur occultation. » In
: Dix-huitième Siècle, n°28, 1996. L'Orient. pp. 337-351
11 http://www.ugle.org.uk/ consulté le 25 janvier 2019
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12 Dachez R., « Les origines de la maçonnerie spéculative : État des théories
actuelles ». Renaissance traditionnelle n° 118-119, avril-juillet 1999, p. 79
et s et Bauer A. et Dachez R. Nouvelle histoire des Francs-maçons en
France – Des origines à nos jours, pp. 21 à 104, Taillandier, Paris, 2018 et
Texto 2020 pour la référence.
13 Ward E., (for 1978) “The birth of free-masonry : The creation of a myth”
pp. 77-100 Ars Quatuor Coronatorum vol. 91 et dans sa ligne Robert Peter,
Révauger C., Jan Snoek et Robert Peter Robert Peter (ed.), British
Freemasonry 1717–1813, 5 volumes, Routledge, London, 2016) 2,396 pp,
notamment Vol 1 Révauger C. Introduction.
14 “Edinburgh Register House MS -1696”, Voir en Annexe
15 Ward E., « The crisp english word Freemason », Ars Quatuor
Coronatorum vol.68, pour 1955 pp. 58-66
16 Baudouin-Matuszek M.-N., Henri II et les expéditions françaises en
Ecosse. In: Bibliothèque de Ecole des chartes. 1987, tome 145, livraison 2.
p. 341
17 Ryrie A., The origins of the Scottish reformation, Manchester university
press, Manchester & New York, 1988, p.196
18 Rémi Brague, La loi de Dieu, Histoire philosophique d'une alliance, Paris,
Gallimard, 2008, p.24
19 Knox J. History of the reformation in Scotland (1559-1566), Blackie
Fullarton & CO, Glasgow,1831, p. 221
20 Pour Luthériens et réformés « S'il est vrai que nous sommes tous
également prêtres, nous ne pouvons cependant pas tous être chargés du
service et de l'enseignement publics 20». Les ministres spécialisés ne sont
pas nécessaires pour des motifs théologiques fondamentaux, mais pour des
raisons pratiques au premier rang desquelles l’acquisition des
connaissances et de la formation nécessaire pour expliquer pertinemment
la Bible ou de célébrer comme il convient une cérémonie. Luther M., Traité
de la Liberté chrétienne, Œuvres, vol.2, p.251, 286.
21 “that to their judgement ther is neither sinne nor scandale in that word
because in the purest tymes of this Kirk maisons having that word have
been ministers that maisons and men having that word have been and
daylie are elders in our session, and many professors having that word are
daylie admitted to the ordinances” cité par David Stevenson, The origins
of freemasonry, Cambridge University press,1988, p.127
22 David Stevenson The first freemasons – Scotland early lodges and their
members, Aberdeen university press, 1988, trad Sautrot, Ivoire clair,
Bagnolet 2000 p.23
23 Wallace-James R.E., « The book of the Aitchison Haven lodge1598-1764 »,
1911, Ars Quatuor Coronatorum XXIV, W.J. Parett Ltd, Margate, 1911, pp.
30 à 46, p 34 le premier procès-verbal de la loge d’Aitchison Haven daté
du 9 janvier 1598 relatant les cas de Robert Widderspone qui fut fait
‘’fellow of craft’’ et le 11 janvier de Alexander Cubie qui fut fait ‘’entereit
prenteis’’
24 Freke Gould R. The concise history of freemasonry, revised by Frederick
J.W. CROWE, Gale & Polen Ltd réed 1951 p.1 qui fait part de l’indigence
des sources entre le XIV° et le XVII° siècle. A noter que l’édition de
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CROWE prend en compte l’état de la science maçonnique à sa date ; c’est
à dire : 1920, voir sa Preface to the revisited edition.
25 Knoop, D; Jones, G P; Hamer, The Early Masonic Catechisms, “Edinburgh
Register House MS -1696”, Manchester University Press, 1963, Second
Edition, pp 31-34
26 Eric Ward ; « The Birth of Freemasonry – The creation of a myth», Ars
Quatuor Coronatorum 91 (1978), pp. 77-100 ; ici p. 82 ; et aussi Harry
Carr An examination of the early masonic catechism Leicester, 1946, p.4
27 Eric Ward ; « The Birth of Freemasonry – The creation of a myth», Ars
Quatuor Coronatorum 91 (1978), p. 77
28 Stevenson D. The first freemasons – Scotland early lodges and their
members, Aberdeen university press, 1988, trad Sautrot, Ivoire clair,
Bagnolet 2000 p. 61
29 Stevenson D. The first freemasons – Scotland early lodges and their
members, Aberdeen university press, 1988, trad Sautrot, Ivoire clair,
Bagnolet 2000 p. 61
30 Josten C.H., Elias Ashmole (1617–1692).His Autobiographical and
Historical Notes, his Correspondence, and Other Contemporary Sources
Relating to his Life and Work. 5 vols., Clarendon Press. oxford 1966, Vol1
pp. 355-357 ; Stevenson D., The origins of freemasonry, Cambridge
University press,1988, p.219
31 Stevenson D., The origins of freemasonry, Cambridge University
press,1988, p.219-220
32 Meisner M., Rituel et Symbolisme de la Franc-Maçonnerie des Premiers
temps, Êphaestos, Londres, (à paraître)
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