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Ariane Chebel dAppollonia

L’EXTRÊME-DROITE
EN ERANCE
De Maurras à Le Pen

QUESTIONS AU XXes

fA EDITIONS
^rCOMPLEXE VJ Texte inédit
LIBRary
L’extrême-droite
en France
Ariane Chebel d’Appollonia

L’extrême-droite
en France
De Maurras à Le Pen

Questions au xx' siècle

EDITIONS ^
^COMPLEXEl^
Questions au XXe siècle

Collection dirigée par Serge Berstein et Pierre Milza,


responsables du Centre d’Histoire de l’Europe du XX‘ siècle
(Fondation nationale des Sciences politiques)

Renata Fritsch-Bournazel
L’Allemagne : un enjeu pour l’Europe
Préface d’Alfred Grosser

Michèle Cointet-Labrousse
Vichy et le fascisme

Ariane Chebel d’Appollonia


L’extrême-droite en France
De Maurras à Le Pen

Jean Guiffan
La question d’Irlande

Jean-Jacques Becker
La France en guerre (1914-1918)

Olivier Milza
Immigration et politique en France

Yves Gauthier
Histoire d’une longue crise
De 1973 à aujourd’hui
SOMMAIRE

Introduction . 9
Les grands traits de la doctrine. 19
Les origines de la doctrine.. 20
Les contre-révolutionnaires français : Rivarol,
les abbés Barruel et Duvoisin, le comte Ferrand
et Sénac de Meilhan . 20
Les influences étrangères : Burke, Mallet du Pan,
Herder. 24
Les théocrates : Louis de Bonald, Joseph de Maistre . 28
Les postulats fondamentaux de la doctrine. 32
L’ordre... 33
De la haine des Philosophes à l’anti-intellectualisme ... 35
Le nationalisme . 44
L’élite et le peuple . 51
Dieu ou dieux ?. 56
Conclusion : Unité et diversité de l’extrême-droite. 58
L’extrême-droite face aux crises
ou LES CRISES DE l’EXTRÊME-DROITE. 61
Complots et décadence . 64
La décadence . 65
Le complot. 72
La conspiration maçonnique . 74
Le complot juif.
80
Les « 200familles » . 85
Le complot communiste. 91
Clio revisitée . 93

La justice « hors la loi ». 97

Les mobilisations de l’extrême-droite . 100


Le 6 février 1934 . 101
Le 13 mai 1958 . 107
La crise de mai 1968 . 116

Conclusion ; Une incapacité chronique ?. 124


Présentation des extrêmes-droites (1900-1945). 127
Le tournant du siècle (1900-1914) . 127
Les premières ligues . 130
La Ligue des Patriotes (1882-1906) . 131
La Ligue de la Patrie française (1899-1905) . 134
La Ligue antisémitique (1889-1902) . 138
La droite prolétarienne... 141
L’Action française . I45
D’une guerre à l’autre (1919-1939) . 158
Les mutations de la société française
au lendemain de la guerre. I59
La tourmente des années trente . 165
L extrême-droite de tradition bonapartiste ou boulangiste :
Les Bonapartistes - Les Croix de Feu et le PSF -
Les Jeunesses patriotes . 171
Les catholiques extrémistes et l’Action française :
La Fédération nationale catholique - Apogée et
déclin de rAction française . 181
L extrême-droite paysanne : le mouvement Dorgères -
L’Union paysanne de Bilger . 190
La tentation fasciste : Le Faisceau de Valois -
François Coty et la Solidarité française - Les socialistes
nationaux de Gustave Herve - Le Francisme de
Marcel Bucard - La Cagoule - Jacques Doriot et
le PPF - Le néo-socialisme - Le frontisme . 194
La presse nationaliste. 219
Conclusion : Le crépuscule de la République . 222
A l’heure de la Révolution nationale (1940-1945) . 224
La « révolution nécessaire » .. 226
La révolution impossible . 232
Les apprentis sorciers. . . . .. 236
Quiperdgagne. 247
La fin des illusions . 263
Conclusion . 269
De la reconstruction à la régression (1945-1968) . 274
Les réprouvés . 276
La disgrâce . 277
Les héritiers . 280
Les nouveaux horizons.287
Les relèves . 288
Pierre Poujade et l’UDCA. 291
Les « endoctrinologues » . 295
Le grand tumulte . 298
La contribution étudiante. 299
Les formations ultras . 301
Que le temps passe. 307
Le reflux . 308
Une difficile reconversion . 308
Beaucoup de bruit pour rien . 311
Fascisme, néo-fascisme et droites extrêmes . 314
Les leçons d’un échec. 314
La nécessité d’une stratégie unitaire. 314
La nécessité d’une rénovation doctrinale . 319
L’évolution du Front national . 328
La guerre des chefs . 328
Le nouveau visage du Front national . 333
Néo-fascisme à la française ? . 339
L’ombre du passé . 341
Les ambiguïtés de la Nouvelle Droite . 344
Les extrêmes-droites face au néo-fascisme . 347
Conclusion. 361
Notes.;. 365
Bibliographie. 425
Index. 436
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INTRODUCTION

L’étude de l’extrême-droite en France depuis 1900


est une opération délicate à maints égards dont la
première difficulté consiste, en tentant de définir
l’objet même de l’analyse, à donner un sens précis au
terme « extrême-droite » afin de délimiter le champ de
la recherche historique et d’ordonner la réflexion. Le
choix d’une définition est donc primordial. Or, dans le
vocabulaire politique, il est peu de concepts aussi
équivoques que celui d’extrême-droite. En premier
lieu, le terme est largement discrédité par le contenu
émotionnel négatif qu’il recèle : aucun mouvement,
aucun parti n’a jamais accepté d’être classé à l’extrême-
droite. En revanche, l’ambition de dépasser le clivage
droite-gauche est une donnée permanente, depuis les
ligues sous la Troisième République jusqu’aux mouve¬
ments actuels.
En second lieu, le terme a été appliqué à tant
d’opinions ou programmes politiques différents qu’une
signification claire et acceptée par tous reste aléatoire.

9
Ainsi, l’appréciation de la nature et du contenu de
l’extrême-droite diffère souvent selon le moment
considéré ou selon les motivations et convictions de
l’analyste. Cet emploi généralisé et parfois abusif du
terme a donné lieu à des confusions polémiques et la
multiplicité des sens risque d’être préjudiciable à son
utilisation. Toute tentative de neutralité axiologique se
heurte à la diversité des interprétations idéologiques
qui, loin de contribuer à cerner la spécificité de ce
courant politique, alimentent un dialogue de sourds.
L’ultime obstacle réside dans le fait que le terme
« extrême-droite » recouvre des réalités non seulement
complexes mais parfois contradictoires, quand dans le
même temps il désigne des mouvements qui se
distinguent par des inspirations et des objectifs divers.
Se rangent dans cette catégorie des partis ou des
« organismes extérieurs qui se divisent sur le type
même de régime à instaurer, sur la nature de l’ordre à
établir et son contenu, sur le rôle de la religion dans la
société, sur les origines de la « décadence française »...
De même qu’il n’existe pas une droite unique et
homogène, il n’y a pas une extrême-droite mais,
pourrait-on dire, des extrêmes-droites. Dès lors une
évidence s’impose : un seul critère ne saurait suffire à
bâtir une définition. A la diversité des mouvements
correspond la diversité des hommes. Si certains leaders
dits d’extrême-droite semblent l’archétype même de
l’homme de droite^, d’autres échappent à ce modèle.
Il semblerait donc que toute définition idéale de
l’extrême-droite soit impossible quand elle nous appa¬
raîtrait comme un courant inclassable que l’on place
aux confins de l’échiquier politique, faute de mieux^.
Pourtant, il est indispensable de classer et de nommer
l’objet de cette analyse. D’où il ressort que cette
définition doit être assez générale pour englober une

10
réalité changeante et polymorphe, et suffisamment
rigoureuse pour permettre de dégager la spécificité et
les caractéristiques intrinsèques de ce courant particu¬
lier.
Plusieurs approches sont possibles. La première
consiste à prendre en compte le contenu doctrinal et à
élaborer une taxinomie qui mette l’accent à la fois sur
l’hétérogénéité des programmes et sur les quelques
communs dénominateurs. J.C. Petitfils, dans son
ouvrage consacré à l’extrême-droite en France'*, distin¬
gue ainsi trois courants : le traditionalisme, le nationa¬
lisme et le fascisme, en précisant que ces catégories ne
sont pas exclusives l’une de l’autre et qu’un mouvement
peut se situer au point d’intersection de deux compo¬
santes. Cette interpénétration explique d’ailleurs que
toute frontière soit difficile à établir. De plus, le
phénomène de subdivision de chaque catégorie compli¬
que à l’envi l’approche de cette famille politique éclatée
en plusieurs tendances. Pour leur part, F. Bergeron et
P. Vilgier, tout en reconnaissant qu’une démarche
typologique se heurte à bien des obstacles, posent
comme critères de distinction l’adhésion à un triptyque
particulier de valeurs ; l’amour de la Patrie, le désir
d’une plus grande justice sociale et la revendication
d’un pouvoir fort^.
Une seconde démarche privilégie, non plus le simple
contenu doctrinal mais aussi le rôle des mouvements
dans le système politique^. Pour F. Borella, la caracté¬
ristique principale de l’extrême-droite est de se tenir
hors du système des partis^. Selon lui, <■< les groupes et
les formations politiques qui se situent en dehors du
système politique refusent la conquête électorale du
pouvoir, veulent le détruire et font de l’attaque perma¬
nente contre celui-ci leur raison d’être »^. Cette classifi¬
cation en termes d’exclusion du système politique est

11
insuffisante, car si elle s’applique parfaitement aux
ligues des années trente^, elle est inadéquate à saisir les
tentatives de plusieurs groupements pour conquérir le
pouvoir par des voies électorales. F. Borella reconnaît
par ailleurs qu’outre les groupes d’action directe,
partisans de la violence, et le courant royaliste, hostile
aux élections, il existe un troisième courant, légaliste et
parlementaire.
Une troisième démarche concilierait les deux précé¬
dentes : l’extrême-droite serait alors le terme générique
donné aux groupes qui, opposés au régime, choisissent
de se constituer en partis politiques ou en groupes de
pression, afin d’exprimer et de défendre certaines
valeurs, et à long terme, de faciliter l’établissement ou
d’imposer un ordre global nouveau conforme à leurs
vœux. Chaque terme de cette définition mérite un
examen approfondi. Par opposition au régime, il faut
entendre, non seulement le rejet des institutions
gouvernementales ou constitutionnelles, mais aussi la
remise en cause de l’ensemble des institutions sociales,
administratives, civiles, religieuses et économiques.
Une des caractéristiques communes à l’ensemble de
l’extrême-droite est cette volonté de rupture avec
l’ordre (ou le désordre) établi. En un sens, l’extrême-
droite est avant tout une droite de refus. Cet aspect la
différencie de la droite classique, libérale ou conserva¬
trice, qui accepte en grande partie les changements
acquis ou qui souhaite introduire des réformes sans
pour autant avoir de visées révolutionnaires.
D’autre part, l’attitude de l’extrême-droite se fonde
sur l’affirmation de valeurs particulières. Au-delà de
l’hétérogénéité des courants, il existe certains thèmes
communs comme la revendication d’un pouvoir fort, la
nécessité d’une réforme économique visant soit à
enrayer le capitalisme, soit à en limiter les effets jugés

12
négatifs, le désir d’une nouvelle spiritualité — qu’elle
soit d’essence religieuse ou anti-religieuse — la dénon¬
ciation de l’individualisme, l’affirmation de la mission
de la France, que celle-ci soit à l’échelle de l’Europe ou
de l’Occident...
Deux notions différencient l’extrémisme de droite et
l’extrémisme de gauche : l’anti-égalitarisme et l’anti-
collectivisme.
Il faut ensuite introduire dans cette catégorie aussi
bien les partis politiques que les groupes primaires
(ligues, syndicats, sociétés de pensée, associations
d’anciens combattants...).
Enfin, l’objectif à long terme de tous ces mouve¬
ments est bien entendu l’instauration d’un ordre
nouveau, politique aussi bien que social et économique,
parfois culturel et religieux. Que les modalités de cet
ordre varient selon les courants importe peu. L’essen¬
tiel est que l’extrême-droite dans son ensemble ait pour
point d’horizon cet objectif identique.

A cette nécessité de définir l’extrême-droite vient


s’ajouter celle de respecter la notion de durée histori¬
que. L’extrême-droite ne peut être perçue qu’en
fonction d’une époque et des problèmes posés à un
moment particulier de l’histoire, tant il est vrai qu’une
force politique est tout autant reflet d’une philosophie
politique donnée que témoignage de l’état de la société.
Ne pas tomber dans le piège du nominalisme revient à
reconnaître que, d’une part, l’extrême-droite désigne
une pluralité de mouvements, mais aussi, et surtout,
que l’extrême-droite, depuis le début du siècle a
évolué, qu’elle s’est enrichie d’apports successifs tandis
que sur le plan de l’action politique, elle s’est divisée
jusqu’à devenir une mosaïque complexe. Chaque
scission correspond à un événement politique ou

13
économique qui, par ses répercussions, oblige
l’extrême-droite à se redéfinir, ou coïncide avec la
diffusion d’idées nouvelles, d’origine française ou
étrangère. C’est pourquoi, si nous admettons que
l’extrême-droite est avant tout une droite de refus —
refus d’un régime politique ou d’un modèle social — sa
nature et son contenu vont varier de façon concomi¬
tante avec ce à quoi elle s’oppose.
Au lendemain de la Révolution française, durant la
Constituante, ce sont les « Noirs » qui luttent le plus
farouchement pour la défense des prérogatives royales
et les privilèges^^. La contre-révolution s’incarne alors
dans des personnalités diverses, comme le Comte
d’Antraigues, l’abbé Maury, Mirabeau-Tonneau ou
Cravates^'. Sur le plan doctrinal, le traditionalisme
s’élabore progressivement à partir des écrits d’auteurs
français (Rivarol, le Comte Ferrand, les abbés Barruel
et Duvoisin) ou étrangers (Burke, Mallet du Pan).
Joseph de Maistre ‘et Louis de Bonald, dont les
influences seront prépondérantes sous la Restauration,
forment le groupe des théocrates. Dieu et la religion
étant au centre de leurs écrits.
Le courant traditionaliste se perpétue quelques
années plus tard avec le parti ultra-royaliste qui compte
parmi ses éléments les plus actifs la Garde nationale,
dont le comité directeur dépend du Comte d’Artois,
futur Charles X, et les sociétés populaires, principales
instigatrices de la Terreur blanche. L’avènement de
Louis-Philippe, consécutif aux journées révolution¬
naires de 1830, consacre la première division impor¬
tante du courant contre-révolutionnaire. Les Légiti¬
mistes, partisans de Charles X, successeur de Louis
XVIII, chef de la branche aînée, s’opposent aux
Orléanistes, eux-mêmes divisés entre parti de l’ordre et
parti du mouvement. A la chute du Second Empire, les

14
Chevau-Légers incarnent la tradition légitimiste, soute¬
nant le Comte de Chambord, petit-fils de Charles X,
alors que les Orléanistes reconnaissent le Comte de
Paris, petit-fils de Louis-Philippe. Leur mésentente
conduit à l’échec de la restauration de la royauté et à
l’installation de la République. Par ailleurs, un nouveau
courant se développe : le bonapartisme. Non pas que
les partisans de l’Empire soient des hommes d’extrême-
droite par définition. Il existe même une version
populaire et démocratique du bonapartisme. Mais le
courant de droite, celui des notables, subsiste après
Sedan et annexe alors tout le bonapartisme^^. Un
moment opposés, nostalgiques de l’Empire et nostalgi¬
ques de la monarchie se retrouvent dans le même rejet
du régime républicain en place^^.
Au début de la période qui nous intéresse, l’extrême-
droite est en pleine mutation, comme l’ensemble du
paysage politique. Des idées nouvelles se développent,
en particulier le syndicalisme et le socialisme. De
nouveaux partis apparaissent, parti radical et radical-
socialiste en 1901, parti socialiste de France et parti
socialiste français, puis SFIO en 1905. Une partie de la
droite, ralliée après 1892, forme l’Action libérale
populaire. A l’inverse, cette période coïncide avec
l’effacement des premiers courants constitutifs de
l’extrême-droite. Les Bonapartistes, divisés entre Jéro-
mistes et Victoriens, sont affaiblis. Quant aux monar¬
chistes, la mort du Comte de Chambord en 1883 met un
terme à leur espoir d’une restauration. A la Chambre,
leurs effectifs diminuent, d’autant que le Ralliement a
porté un coup sévère... Cette quasi-disparition des
deux plus anciennes traditions d’extrême-droite est
accélérée par l’émergence du nationalisme, dont « le
boulangisme a dressé l’acte de naissance » et « l’Affaire
Dreyfus son acte de baptême » (R. Rémond)

15
s

Le passage à droite du nationalisme apporte un sang


neuf à l’extrême-droite et modifie son comportement :
« militarisme, exaltation de l’action, décri de la parole,
voire de l’intelligence, convergent dans Vanti-parlemen¬
tarisme » (R. Rémond)^^. Au lendemain de la Première
Guerre mondiale, le cortège des anciens combattants
vient grossir les rangs de l’extrême-droite. L’anti¬
parlementarisme d’avant-guerre devient plus virulent,
les ligues ou partis se multiplient, une nouvelle
génération s’avance, non-conformiste, marquée par les
horreurs du conflit et bien déterminée à lutter contre
« le désordre établi ».
La doctrine connaît également une profonde modifi¬
cation. Les premiers théoriciens sont oubliés ou
réinterprétés, comme Joseph de Maistre ou Louis de
Bonald, dont Maurras laïcise la pensée. L’extrême-
droite ne reste pas insensible au formidable bouleverse¬
ment intellectuel qui caractérise cette époque. Ainsi, au
nom du nationalisme, elle salue les œuvres de Taine et
de Renan, puis de Barrés et de Maurras lequel
revendique tout l’héritage de la pensée contre-révolu¬
tionnaire, mais également le positivisme d’Auguste
Comte. Quant à l’Action française, elle place son
action sous les patronages les plus divers : Fustel de
Coulanges, Proudhon, Le Play, La Tour du Pin, Albert
de Mun...
Au cours des années vingt et trente, l’extrême-droite
achève son évolution sous la poussée de nouvelles
idéologies étrangères : communisme et fascisme. A la
veille de la Seconde Guerre mondiale, l’extrême-droite
possède toutes les caractéristiques que nous lui connais¬
sons aujourd’hui. En tant que force politique, elle s’est
adaptée à l’évolution des conceptions politiques. En
tant que mouvement d’idées, elle a tenté de répondre
aux nouvelles aspirations d’une société modifiée dans

16
ses structures et de plus en plus désorientée. L’attitude
de l’extrême-droite, avec le développement de nouvel¬
les catégories sociales, va osciller entre la défense d’un
ordre traditionnel — image idéalisée d’un ancien
régime où la « solidarité mécanique » l’emporte sur la
« solidarité organique » — et la fascination pour les
mouvements de masse. Quand peu à peu, l’optimisme
des Lumières cède la place à une remise en cause du
scientisme et du rationalisme, l’extrême-droite réagit à
cette crise des valeurs en défendant, comme le fera
Maurras, un certain classicisme, ou en participant à
l’essor du spiritualisme mystique, exaltation de l’élan
vital et de l’irrationnel.
Balayée à la Libération, l’extrême-droite ne retrou¬
vera jamais la place qui fut la sienne. Discréditée du fait
du soutien apporté au régime de Vichy et plus encore
en raison de la dérive fasciste de certains groupes la
composant, l’extrême-droite devra attendre de longues
années avant de réapparaître sur l’échiquier politique,
encore que son importance actuelle ne puisse en rien se
comparer à celle qu’elle eut dans l’entre-guerres.

Concernant plus précisément les modalités du pré¬


sent ouvrage, l’analyse de l’extrême-droite en France
depuis 1900 nous conduira en premier lieu à examiner
les grands traits de la doctrine, en distinguant successi¬
vement l’héritage des premiers théoriciens, les thèmes
qui unissent les divers courants et enfin ce qui, au-delà
de l’apparenté unité, divise profondément les diffé¬
rentes branches de cette famille politique.
En second lieu, l’extrême-droite ne pouvant être
perçue qu’en fonction d’un contexte politique, écono¬
mique et social particulier, il a semblé utile de décrire la
relation existant entre le comportement de l’extrême-
droite et les divers types de crises qu’une société est

17
susceptible de traverser tout au long de son histoire.
Confrontée aux turbulences qui secouent régulièrement
la nation, il semble que l’extrême-droite poursuive une
démarche contradictoire qui consiste à utiliser à des fins
personnelles les tensions qui déchirent le corps social et
politique, ce qui pose le problème de sa responsabilité
en tant que force déstabilisatrice dans la faillite de
plusieurs régimes, tout en prétendant avoir la capacité
de rétablir le consensus.
La dernière phase de cette présentation sera consa¬
crée à l’examen de l’évolution chronologique des
principales composantes de l’extrême-droite. Rien ne
serait plus vain que de prétendre à l’exhaustivité. Tout
au plus trouvera-t-on énumérés tour à tour les courants
ou organisations qui nous ont semblé les plus représen¬
tatifs pour chaque époque considérée. Conscient du
earactère personnel d’un tel choix, nous espérons
cependant que la typologie ainsi ébauchée tienne
compte de la diversité de l’extrême-droite depuis 1900
et qu’elle établisse aussi bien les filiations que les
ruptures entre les mouvements et les époques.

18
LES GRANDS TRAITS
DE LA DOCTRINE

La doctrine d’extrême-droite, entendue comme l’en¬


semble des notions auxquelles se réfèrent les divers
mouvements, a subi d’importantes modifications au fil
des régimes successifs. L’objectif est ici de distinguer
les thèmes qui ont été proposés à des époques
différentes, chaque auteur exprimant des préoccupa¬
tions politiques qui lui sont contemporaines. Ces
sources, historiquement définies, forment le corpus
général dans lequel puisent partis et organisations. La
diversité des apports explique l’hétérogénéité de
l’extrême-droite, chaque mouvement étant représenta¬
tif d’une inspiration particulière. Ainsi, quand certains
groupuscules se réclament encore, de nos jours, des
théoriciens précurseurs que furent les contre-révolu¬
tionnaires, d’autres fondent leur action sur des sys¬
tèmes de pensée plus récents, lesquels se situent aux
antipodes de l’idéal théocratique du XVIIL siècle.

19
Les origines de la doctrine

La doctrine des premiers théoriciens peut être définie


comme une réponse aux changements qui, en modifiant
le fondement même de l’autorité, désormais désacrali¬
sée, bouleversent la nature et la structure du pouvoir
politique. Dans le fracas de l’agitation révolutionnaire,
certaines personnalités, au demeurant fort diverses
mais que réunit l’attachement à la monarchie, vont
tenter dans leurs écrits d’analyser les causes de la
Révolution et surtout d’en dénoncer les méfaits. Parmi
ces traditionalistes^ citons Rivarol, Sénac de Meilhan,
le Comte Ferrand, les abbés Barruel et Duvoisin. Par-
delà les frontières, des auteurs tels que Burke, Mallet
du Pan et Herder, témoins attentifs des événements
français, contribuent chacun à leur manière, au déve¬
loppement de l’école contre-révolutionnaire. Mais
l’apport le plus décisif sera l’œuvre de deux hommes,
Joseph de Maistre et Louis de Bonald, qui poseront les
véritables fondements de la première doctrine
d extrême-droite. A telle enseigne que, outre leur
influence sur Charles Maurras, ils marquent encore de
leur sceau certains mouvements actuels.

Les contre-révolutionnaires français

« Annuler les différences, c’est confusion ; déplacer


les vérités, c’est erreur ; changer l’ordre, c’est désor¬
dre »^. Ces quelques mots, rédigés par Rivarol —
brillant publiciste et fondateur du Journal Politique
National — résument la conviction profonde des
tenants du traditionalisme : la Révolution, en brisant

20
les cadres traditionnels, ne peut apporter que désastre
et injustice au peuple français.
Confrontés au séisme révolutionnaire, ces auteurs,
bien que convaincus de la nécessité de certaines
réformes^, rejettent néanmoins les valeurs nouvelles
introduites en 1789 dans le champ politique. L’idée qui
sous-tend leur réflexion est qu’un ordre naturel existe
et que toute action humaine doit s’y conformer. Cet
ordre, quel est-il ? Pour les uns, c’est l’ensemble des
lois éternelles inscrites dans la tradition et les cou¬
tumes, patrimoine qui conditionne aussi bien les
institutions politiques que la société dans son ensemble.
Dès lors, le postulat d’un déterminisme de la nature
constitue le principe général de leur analyse. Pour les
abbés Barruel et Duvoisin, comme pour les théocrates,
cet ordre est plus encore : il est un don de la
Providence, la nature étant l’oeuvre de Dieu. Les lois
naturelles sont au-dessus des hommes car d’essence
divine. La nature, étalon du vrai et du bien, s’extério¬
rise dans cet ordre qu’elle ordonne selon un principe
hiérarchique. La finalité de l’homme est alors d’accom¬
plir ce qui correspond à sa « fonction propre ». Dans
cette perspective ontologique, l’ordre naturel est à la
fois œuvre divine et preuve de l’existence de Dieu.
L’acceptation de cet ordre est un devoir éthique, tout
comme l’obéissance au roi, représentant de Dieu sur
terre. Toute transgression de cet ordre est un défi lancé
à l’autorité divine, révolte sacrilège qui appelle un
châtiment terrible.
Guidés par cette foi dans l’ordre naturel, les contre-
révolutionnaires s’opposent violemment aux valeurs de
1789 et récusent le principe même d’une constitution
élaborée par les hommes, puisqu’il « ne faut pas vouloir
être plus savant que la nature » (Rivarol)"^. Leurs
critiques s’adressent en particulier à la notion d’égalité.

21
s

Affirmer que les hommes sont égaux, c’est faire fi des


différences que la nature introduit dans le monde.
Rivarol, pour qui Rousseau est <•< le plus ardent ennemi
de l’ordre politique »^, écrit ainsi : «■ La nature est
inégale dans ses productions ; elle l’est encore dans les
présents quelle dispense, et cette inégalité, nous l’appe¬
lons variété »^. L’abbé Barruel, quant à lui, ne conçoit
qu’une forme d’égalité : les hommes sont tous fils de
Dieu, et égaux par-là même, quelle que soit leur
condition sociale et tout autre forme d’égalité n’est que
prétexte à la lutte contre le Christ et contre le trône.
L’anti-égalitarisme découle alors de cette vision hiérar¬
chisée et immuable d’une société figée dans son essence
et élitiste dans ses principes. De même que celui
d’égalité, le concept de liberté entre en conflit avec le
déterminisme imposé par l’ordre naturel. A l’idéalisme
de Rousseau, lequel avance que l’homme est naturelle¬
ment bon, juste et libre, les contre-révolutionnaires
opposent l’absolue détermination des actions. La
liberté n’est pas un droit, encore moins la définition de
l’essence humaine dans son universalité. Le libre-
arbitre est soumis à la juridiction des vérités de la
raison, celles d’après lesquelles le destin de l’individu
réside dans l’acceptation des nécessités et des méca¬
nismes de la nature. L’homme n’existe et ne vit qu’en
fonction de l’action régulatrice des principes naturels.
La conception d’une société ordonnée selon ces lois
débouche ainsi sur une conception de l’être humain
opposée à celle qui s’exprime dans la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen, déclaration qualifiée
par Rivarol de « préface criminelle à un livre impos¬
sible .
Il faut noter cependant que, tout en dénonçant le
caractère abstrait de ces droits, les contre-révolution¬
naires ont développé une doctrine non exempte

22
d’abstraction : l’ordre naturel dont ils parlent n’est
qu’un concept métaphorique, l’expression d’un âge d’or
bien éloigné de la réalité de l’Ancien Régime. De plus,
leur conception de la société est a-historique, alors
même qu’ils en appellent aux enseignements de
l’histoire pour justifier leur analyse.
Néanmoins, les écrits des traditionalistes ne sont pas
réductibles à ces seules considérations. Avant tout
défenseurs de la monarchie, ils ont défini les conditions
d’une restauration de l’autorité du roi. Rivarol, qu’il est
difficile de considérer comme un théoricien, avait
cependant l’idée d’une « monarchie populaire » proche
de celle prônée par les Ultras après 1815^. Le Comte
Ferrand et Sénac de Meilhan exprimèrent également
leurs opinions sur les changements à effectuer.
Opposés au principe même de la Révolution, leurs
ouvrages sont aussi une tentative pour découvrir les
causes de ce bouleversement. Mais, bien que leurs
conclusions soient parfois judicieuses, la passion l’em¬
porte souvent sur la raison. Les Mémoires pour servir à
l’histoire du jacobinisme de l’abbé Barruel sont signifi¬
catifs à cet égard. Pour Barruel, non seulement la
Révolution était due à la volonté de la Providence qui
veut châtier la France pour avoir donné à l’Europe
l’image de la décadence intellectuelle et morale, mais
elle serait également le résultat d’un complot des
Philosophes et de leurs émules contre l’Eglise et l’Etat.
Sa présentation de la triple conspiration, celle des
sophistes de l’incrédulité, de la rébellion et de l’anar¬
chie, préfigure la tendance quasi phobique de
l’extrême-droite à voir partout des sociétés secrètes
tramant de sombres desseins. D’autant que, dès la
Révolution, Juifs et Francs-Maçons sont accusés de
jouer un rôle prépondérant dans la sédition et la
propagande anti-chrétienne.

23
V

Les influences étrangères

Les contre-révolutionnaires étrangers souscrivent


aux mêmes valeurs que les auteurs français : respect de
l’ordre naturel et de ses lois régulatrices, éloge des
coutumes et de la tradition, haine de l’abstraction et
attachement aux inégalités et aux corps intermé¬
diaires... Mais leur originalité est qu’ils étudient les
événements français en fonction de leur pays d’origine,
ébauchant par-là même une analyse comparative riche
d’enseignements.
En réponse au discours du docteur Price à la Société
britannique de la Révolution, Burke élabore peu à peu
les principes qu’il exposera en 1790 dans son ouvrage
Réflexions sur la Révolution française. Dans un premier
temps, Burke s’attache à démontrer qu’il n’y a rien de
commun entre la révolution britannique de 1688 et la
Révolution française de 1789, en prônant la supériorité
du modèle anglais qui, en respectant les enseignements
de l’expérience, a su concilier réformes et traditions. Il
écrit : « Notre système politique est placé dans une
correspondance et dans une symétrie exactes avec l’ordre
du monde »^. Le reproche majeur qu’il adresse aux
révolutionnaires français est « d’avoir fait table rase du
passé », au nom de la raison alors que, selon lui, les
préjugés « rendent la raison active » et lui donnent « de
la permanence Fort de cette conviction, Burke
dénonce les abstractions de 1789. La société est certes
un contrat, mais d’un type particulier, qui « relie le
monde visible au monde invisible conformément à
l’inviolable loi qui maintient toutes les natures morales et
physiques chacune à sa place déterminée La religion
n’est pas absente de sa réflexion, car source de tout
bien et de tout bonheur elle est à la base de toute
société harmonieuse. Les principes révolutionnaires

24
sont non seulement anti-naturels, mais ils ébranlent
également les structures fondamentales qui régissent
l’Etat. Farouche défenseur de la propriété, Burke pose
que « le pouvoir de perpétuer notre propriété dans nos
familles » est « celui qui tend le plus à perpétuer la
société elle-même
Dans un second temps, Burke dénonce l’incapacité
des Constituants, lesquels prétendent élaborer une
société nouvelle. Leur action n’étant fondée sur aucune
expérience, << ils ont réduit les hommes à n’être plus que
des rejetons isolés Dans son examen des causes de
la Révolution, Burke affirme qu’elle n’est qu’un aspect
de la crise européenne puisque « l’âge d’or de la
Chevalerie est passé. Celui des sophistes, des écono¬
mistes et des calculateurs lui a succédé : la gloire de
l’Europe est à jamais éteinte — formule qui présage
le pessimisme de Spengler et de bien d’autres dans les
années 1900.
Mallet du Pan, quant à lui, a connu la révolution de
Genève qu’il décrit dans Le Tableau historique et
politique de Genève (1783). Quand éclate la Révolution
française, il est à Paris où il dirige la rédaction politique
du Mercure de France. Sa critique de la Déclaration des
droits de l’homme est essentiellement pragmatique. Il
juge ses principes inapplicables. Ardent défenseur de la
propriété, anti-égalitariste, il publie en 1793 ses
Considérations sur la nature de la Révolution de France,
dans lesquelles il examine l’évolution probable des
événements. L’intérêt de son analyse est d’avoir
démontré que la guerre est inhérente à la démocratie,
argument que reprendront à leur compte plusieurs
auteurs avant et après la Première Guerre mondiale
(Léon Daudet par exemple).
C’est dans un registre quelque peu différent qu’il
convient de situer l’œuvre de Herder, les préoccupa-

25
lions de ce dernier étant plus philosophiques que
politiques comme le suggèrent les titres de ses ouvrages
{Encore une philosophie de l’histoire et de l’humanité,
publié de 1784 à 1791). Ennemi des Lumières et des
Philosophes français, Herder oppose à VAufklàrung
une doctrine imprégnée de mysticisme qui annonce le
courant romantique et spiritualiste du nationalisme
allemand.
Herder réagit contre le rationalisme qui postule selon
lui, l’identité des hommes et leur égalité. Cette
définition universaliste heurte Herder qui s’attache à
démontrer la spécificité de chaque nationalité, au nom
de ce qu’il nomme le Volksgeiste. Herder tend, en fait,
à assimiler les civilisations à des organismes vivants. Sur
ce point, il est au confluent du scepticisme irrationnel et
de ce que l’on nommera après Spencer « l’organi¬
cisme ». La thèse du contrat devient alors aberrante : la
nation ne peut être le fruit d’un pacte volontaire, issu
d’une libre volonté de vivre ensemble, dès lors qu’elle
est une sorte d’être (Wesen) qui s’affirme par l’action
inconsciente d’une force intérieure, supérieure à tous
les individus. La conception de Herder exclut ainsi
toute possibilité de libre choix. Un déterminisme
absolu imprègne sa philosophie de l’histoire aussi bien
que sa perception des réalités nationales et des êtres
humains. Ainsi, l’homme n’est libre de faire que ce que
lui permettent les lois intangibles de l’existence naturel¬
le et sociale, ce qui revient à dire qu’il doit, en
définitive, se comporter en instrument de la nécessité.
On retrouve chez Herder le déterminisme de ta nature
déjà évoqué par l’ensemble des traditionalistes. Mais
l’intérêt de Herder est d’avoir systématisé un détermi¬
nisme mésologique, développé avant lui pap Montes¬
quieu — et bien avant par Hérodote et Hippocrate. Sa
conception du génie national préfigure dans une

26
certaine mesure les Discours à la nation allemande de
Fichte, l’ancêtre du pangermanisme et qui, au nom
d’un nationalisme métaphysique, opposera le « moi
historique » français au « moi métaphysique » alle¬
mand, étant entendu que le second l’emporte sur le
premier.
Sur la base de la défense des traditions nationales,
Herder élabore une philosophie de l’histoire selon
laquelle une communauté a une essenee qui lui est
propre et qui constitue la base de sa culture. Cette
association d’une vision historiciste du devenir national
— l’idée que l’évolution historique de la nation obéit à
des lois fondées sur la nature des choses — et de
l’antirationalisme, constitue le point nodal de toute la
réflexion de Herder. Dans cette optique, la finalité de
chaque nationalité n’est pas de tendre vers l’universa¬
lité, mais au eontraire de poursuivre, à l’abri des
influences qui pourraient altérer la pureté de l’esprit
national, un processus continu de différenciation.
Xénophobe dans ses fondements, l’analyse de Her¬
der développe la notion d’un noyau identitaire, souree
de la cohérence interne de la nation, et dont les
référents sont essentiellement psycho-culturels. Le
système culturel d’un peuple est pour lui une structure
de perception-interprétation du monde, d’où l’intérêt
qu’il porte au langage en tant qu’expression de la
puissance et de la beauté du génie national.
Cette approche irrationnelle de l’identité eollective
porte en germe la dérive nationaliste qui, loin de définir
la nation à partir de critères matériels et objectifs,
véhiculera une conscience négative des autres peuples.
Le sentiment de singularité et d’unicité aura pour
corollaire celui de différence et d’opposition à autrui.
Etat ou groupe spécifique (Juifs, Francs-Maçons,
etc...).

27
\

Les théocrates

Joseph de Maistre et Louis de Bonald forment au


sein du traditionalisme un courant particulier. Comme
d’autres contre-révolutionnaires, ils attachent une im¬
portance primordiale à la religion, mais leur originalité
réside dans leur effort pour théoriser la vision d’une
société nouvelle. Ainsi, leurs ouvrages respectifs (les
Considérations sur la France, 1796, de Maistre, et
Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société
civile, 1796, de Bonald) vont au-delà d’une simple
critique de la Révolution puisqu’ils jettent les bases de
la première doctrine constituée de l’extrême-droite. Ce
souci de conceptualisation explique que leur influence
ait résisté à l’érosion du temps, même si l’interprétation
maurrassienne a quelque peu modifié l’enseignement
original de ces deux précurseurs.
Leur analyse de la Révolution diffère peu de celle des
autres auteurs étudiés. La thèse du providentialisme,
déjà évoquée chez Barruel, est ainsi reprise par Bonald
qui pose comme postulat à sa théorie du pouvoir « qu’il
existe des lois entre Dieu et l’homme, des lois ou des
rapports nécessaires dérivés de leur nature (...). Il y a
donc une société entre Dieu et l’homme. C’est la société
naturelle religieuse ou religion naturelle La Provi¬
dence, synonyme de nécessité, débouche sur une
identité entre Dieu, l’âme du monde et la totalité
différenciée et hiérarchisée que constitue la société,
lien qui unit toutes les forces qui concourent à
l’évolution des êtres particuliers. La communauté et
l’individu ont contracté des rapports de réciprocité
puisque l’élément humain ne tire sa signification que de
la communauté qui l’inclut. D’autre part, « les peuples
ne peuvent exister sans divinité, ni les sociétés sans
pouvoir L’éveil d’une conscience individuelle est

28
étrangère à ce mode de pensée, de même que l’idée
d’une société contractuelle. On retrouve chez Bonald
cette finalité immanente à l’ordre naturel contre
laquelle l’homme ne peut rien. Maistre exprime cette
conviction quand il écrit : « Ce qu’il y a de plus
admirable dans l’ordre universel des choses, c’est
l’action des êtres libres sous la main divine Il adhère
également au providentialisme, tant dans son jugement
sur la société que dans son examen des causes de la
Révolution. Il insiste sur un point qui mérite d’être
souligné : lorsqu’une nation est sur la pente de la
décadence, elle ne peut être « retrempée que dans le
sang Autrement dit, « il n’y a point de châtiment
qui ne purifie . Comment ne pas penser, en lisant
cela, à ce qui a été dit ou écrit au lendemain de la
défaite de 1940 ?
Il serait inutile de reprendre tous les arguments
avancés par Maistre et Bonald en faveur de la nature
foncièrement et nécessairement religieuse de tout Etat
ou à propos de l’obligation de respecter l’ordre naturel,
les traditions et les communautés organiques que sont
la famille et les corps intermédiaires. En revanche, il est
indispensable de préciser ce que Maistre et Bonald
apportent à la doctrine contre-révolutionnaire. Tous
deux sont convaincus que l’Ancien Régime est mort et
qu’il convient de lui substituer un nouveau système
politique. De plus, ils s’efforcent de concilier la foi et la
raison et, à cet égard, leur œuvre peut être appréhen¬
dée comme une étape vers l’avènement d’un sociolo¬
gisme conservateur, ou si l’on préfère d’une sociocratie.
Leurs ouvrages sont un discours sur la foi ayant
l’ambition de se constituer en savoir systématique, en
quelque sorte un essai de rationalisation de l’irration¬
nel. La logique est au centre de l’œuvre de Bonald et
son raisonnement ordonné comme une démonstration

29
mathématique, et Maistre écrit : « Il est une loi divine
aussi certaine, aussi palpable que les lois du mouve¬
ment Non pas que leur analyse puisse être qualifiée
de scientifique tant il serait difficile de rendre compte
de son statut épistémologique : science et foi n’ont
jamais fait bon ménage. Mais on comprend mieux ce
qui, chez Maistre et Bonald, a pu séduire Maurras
quand il tenta d’asseoir sa conception de « la politique
naturelle » sur les préceptes du positivisme.

Voilà donc, brièvement esquissé ce que fut l’apport


doctrinaire des contre-révolutionnaires, de ces hommes
spectateurs ou acteurs d’une période de l’histoire qui vit
s’effondrer l’Ancien Régime, entraînant avec lui toutes
les valeurs qui modelaient jusque-là les institutions et
les individus. Leurs œuvres sont avant tout une
interrogation : comment l’humanité survivra-t-elle au
déclin de la religion, à l’éclatement des structures
anciennes ? Les traditionalistes sentent bien que les
principes qu’ils défendent sont en péril et l’évolution de
la société confirmera leurs craintes. Joseph de Maistre
écrivait dans ses Considérations sur la France : « C’est
le combat à outrance du christianisme et du philoso¬
phisme Les Philosophes l’ont emporté, ouvrant la
voie au libéralisme et à la démocratie, sur fond de
révolution industrielle et de déchristianisation.
Au fil du temps, les traditionalistes apparaîtront
comme les vestiges respectables d’un monde révolu,
sentinelles d’un passé de plus en plus lointain, et
réfugiés dans l’intimité rassurante d’un âge d’or
mythique. Leur doctrine ne touchera que des cercles de
plus en plus restreints, d’autant que la victoire de la
République en 1875 consommera l’échec définitif des
tentatives de restauration. Doit-on affirmer pour autant
qu’en 1900, le traditionalisme est mort, relégué au

30
grenier des idées politiques, parmi les accessoires
idéologiques périmés ? En un sens, il nous faut
répondre par l’affirmative. Le néo-traditionalisme n’est
pas l’exacte réplique du traditionalisme puisqu’il syn-
crétise des influences diverses : catholicisme social,
bonapartisme, nationalisme... Les doctrinaires ont
changé ; Taine n’est ni royaliste ni catholique et Barrés,
malgré les invitations pressantes de Maurras, ne se
ralliera jamais à la monarchie. Cependant, les idées se
meuvent dans un espace temporel qui n’est pas celui
des hommes et survivent souvent aux théoriciens qui les
ont exprimées. Du reste, en ce début du vingtième
siècle, les partisans de l’extrême-droite dénoncent les
abus du modernisme et, rejetant l’optimisme libéral et
l’hyper-rationalisme, ressuscitent un discours qui s’ins¬
pire à la fois d’une philosophie de l’histoire et d’une
conception traditionnelle du pouvoir dont les intona¬
tions rappellent étrangement les prophéties pessimistes
des contre-révolutionnaires.
Tout au long du XIX" siècle, le traditionalisme a
survécu, empruntant des voies souterraines, s’adaptant
aux exigences de la politique moderne pour mieux
réapparaître à la faveur de la crise qui secoue la France
dans les années 1900. On ne s’étonnera pas, dès lors,
qu’une filiation existât entre les premiers théoriciens et
l’extrême-droite moderne, de même qu’en pénétrant
encore aujourd’hui dans l’univers des valeurs qui
régissent les partis ou organisations, on décèlera dans
l’air du temps quelques traces de ce parfum suranné
qu’ont distillé les traditionalistes.

31
s

Les postulats fondamentaux


de la doctrine
Un des objectifs de cette étude de l’extrême-droite
en France depuis 1900 est de dégager le jeu complet des
concepts et des propositions essentiels qui oriente ce
courant politique dans son action et conditionne sa
vision du monde. Avant même de présenter les
différences qui divisent l’extrême-droite, il semble
opportun de déterminer les analogies doctrinales qui
constituent ce que l’on pourrait nommer la culture
politique de l’extrême-droite, entendue comme « l’en¬
semble des attitudes, croyances et sentiments qui donnent
un ordre et un sens à un processus politique, et qui
pourvoient des règles et convictions sous-jacentes com¬
mandant le comportement dans le système politique
Cette analyse thématique globale est indispensable
pour saisir le sens des prises de position de l’extrême-
droite depuis 1900, puisqu’on ne peut prétendre saisir
le comportement de cette famille politique sans définir
ainsi les postulats qu’elle pose comme fondements à sa
réflexion et à sa pratique.
Cette réflexion conceptuelle doit cependant éviter
deux écueils : d’une part, une généralisation abusive
tendant à minimiser les antagonismes entre les divers
courants, une même valeur étant susceptible d’interpré¬
tations multiples ; d’autre part, une insuffisante prise
en compte de la réalité sociale. Ce serait au prix d’une
grande simplification que l’on pourrait admettre que les
hypothèses doctrinales de l’extrême-droite sont restées
insensibles, depuis 1900, aux changements qui ont
bouleversé la structure de la société française, au
niveau politique et économique, aussi bien que culturel
et religieux.

32
Certaines notions sont déjà posées dans l’œuvre des
traditionalistes : défense de l’ordre naturel et des
traditions, anti-égalitarisme et anti-individualisme,
éloge des corps intermédiaires et de la famille en tant
que cellules organiques permettant le développement
harmonieux de l’individu... Toujours inclus dans la
doctrine actuelle, ces éléments ont cependant été
modifiés, tandis que de nouvelles valeurs se sont
imposées. La présente étude n’a d’autre ambition que
de retracer les grandes lignes de cette évolution.

L’ordre

Le concept d’ordre est sans doute, parmi les valeurs


partagées par l’ensemble de l’extrême-droite, le plus
fondamental. Mais, loin d’avoir pour tous la même
signification, il donne lieu à des conceptions souvent
divergentes.
La formulation traditionnelle de l’ordre naturel a
toujours ses partisans, en particulier au sein du courant
catholique intégriste. Dans cette optique, l’ordre social
est la traduction d’un ordre supérieur dont le faisceau
des lois ordonne l’ensemble des comportements indivi¬
duels et collectifs. L’ordre institué est auréolé d’une
perfection absolue, au nom de la foi en l’existence
d’une intention divine. Adversaires de l’égalité et de
l’individualisme libéral, les tenants de cette interpréta¬
tion sont aussi adversaires du modernisme. Les facteurs
de désordre sont, selon eux, la transgression des
principes divins, la négation illégitime de la diversité et
des inégalités au nom d’une prétendue raison universel¬
le qui viendrait remplacer les dogmes intangibles
hérités du passé.
La majorité de l’extrême-droite souscrit néanmoins à

33
s

une définition plus prosaïque de l’ordre, entendu


comme l’agencement déterminé du système social selon
les principes d’autorité, de hiérarchie et d’obéissance.
La dimension religieuse n’intervient pas, ou incidem¬
ment, le désordre n’étant plus envisagé en termes de
transgression sacrilège, mais synonyme d’anarchie, de
manquement aux règles collectives, de déviance et de
marginalité. La revendication d’un pouvoir fort n’est
pas fondée sur un quelconque droit divin, mais sur la
nécessité de sauvegarder la structure et les valeurs de la
société existante. Le modèle idéal d’organisation n’est
pas l’Eglise, mais l’armée, de même que le régime
politique n’est pas une théocratie mais une dictature
autoritaire. La prétention égalitaire est ici illégitime car
non-conforme aux règles impératives d’une vie commu¬
nautaire, et la démocratie néfaste car, consacrant le
règne du nombre, elle fait du pouvoir politique un
otage de l’opinion publique.
Une troisième approche de l’ordre existe dans
l’extrême-droite, fondée sur une vision organiciste de la
société. Les lois qui encadrent l’activité humaine sont
déduites de la biologie puis transposées dans le champ
politique et social. Chaque partie répond à une fonction
nécessaire à l’ensemble, et l’unité organique du tout
suppose la prééminence de la collectivité sur l’individu.
Les inégalités et l’assujettissement de la liberté hu¬
maine sont conformes aux postulats évolutionnistes :
au fur et à mesure que la société se développe, ses
organes se différencient, formant un ensemble disconti¬
nu et hiérarchisé. Les principes démocratiques vont
alors à l’encontre des enseignements de la science.
Assimilée d’autre part à une maladie du corps social, la
démocratie doit être combattue puisqu’elle met en péril
l’équilibre naturel. La société qui lui correspond est,
selon l’expression de Barrés, << dissociée et décéré-

34
brée ». Nous verrons que cette approche a influencé
bon nombre de personnalités d’extrême-droite —
certaines d’entre elles ayant utilisé le déterminisme
biologique pour définir, non plus la structure de la
société, mais son identité raciale.
Ces diverses acceptions de l’ordre ne sont pas
antithétiques puisqu’un même mouvement peut défen¬
dre à la fois l’idée théocratique d’un ordre naturel, la
nécessité d’une dictature et consentir aux thèses
organicistes. C’est d’ailleurs le cas de la majorité des
courants d’extrême-droite qui justifient ainsi leur
opposition à l’individualisme et à la démocratie, en se
référant aux impératifs d’un ordre toujours revendiqué
mais jamais clairement défini.

De la haine des Philosophes


à ranti-intellectualisme

Les contre-révolutionnaires furent sans doute les


premiers à dénoncer le pouvoir des mots et l’influence
d’une idée dans la sphère du politique quand ils
affirmèrent que les Philosophes des Lumières étaient
responsables de la Révolution française. Les traditiona¬
listes concevaient que l’on parlât de liberté ou d’égalité.
Burke écrit : « Je suis bien loin de nier en théorie
l’existence de véritables droits de l’homme, et je suis tout
aussi éloigné d’en proscrire l’usage pratique »^‘^. Ce
qu’ils dénonçaient était le caractère abstrait des
principes philosophiques et leur réification. Ces prin¬
cipes ne sont pas mauvais en eux-mêmes, tant qu’ils
sont conçus comme pure spéculation de l’esprit. Mais
l’homme dont parle Rousseau n’existe pas, pas plus que
l’idéal égalitaire n’est applicable concrètement^^ La
Révolution a en définitive consacré le règne de l’utopie

35
s

au détriment de la tradition, les lois naturelles ont été


remplacées par les <-< instruments du sophisme ». En
d’autres termes, « la Philosophie a eu le malheur
d’enfanter des esprits superbes dont les excès ont
déshonoré son nom
Ce rejet de l’idéalisme révolutionnaire s’est perpétué
au fil du temps, notamment avec l’éternelle dénoncia¬
tion de la nature chimérique des droits de l’homme^^.
Mais le procès des philosophes est aussi devenu celui de
tous les idéologues, des songe-creux » qui se nourris¬
sent de rêves et qui confondent mirages et réalité, des
intellectuels qui se complaisent dans l’illusion, l’intros¬
pection et les débats d’idées stériles, et il est presque
inutile de rappeler le caractère péjoratif que Barrés
accorde à l’intellectuel en le définissant comme : « un
individu qui se persuade que la société doit se fonder sur
la logique et qui méconnaît qu’elle repose en fait sur des
nécessités antérieures et peut-être étrangères à la raison
individuelle
Après la Première Guerre mondiale, la Jeune Droite
dénoncera le psychologisme, le « délire de gratuité » de
la majeure partie de la production littéraire. Drieu La
Rochelle, dans la préface de Gilles, raille ainsi les
écrivains qui fuient le réel, tel Giono qui « s’est lancé
dans une féerie paysanne, une pastorale lyrique, un
opéra mythique Un de ses personnages, Carentan,
le tuteur de Gilles, définit même l’idéologie comme
« ce qui reste aux hommes de religion et de philosophie,
des petits bouts de mystique encroûtés de rationa¬
lisme
A l’inverse, l’extrême-droite se veut réaliste et
pragmatique, fondant sa réflexion sur le concret et
l’expérience. Son anti-intellectualisme se traduit par un
éloge de l’action, voire de la violence, de l’instinct et de
l’inconscient. Contre la dialectique stérile, elle fait

36
appel à la spontanéité des sentiments et des croyances,
d’autant qu’elle a la conviction que le règne des idées
abstraites non seulement sape les fondements de la
société, m^is entraîne les hommes à s’entre-tuer. Ainsi,
Henri Massis, dans son ouvrage Défense de l’Occident,
dénonce l’idéologie démocratique comme une des
causes de la guerre. Il écrit : « Il fallait aussi qu’on
engageât dans la mêlée les valeurs spirituelles et morales,
les philosophies et les dogmes, les traditions et les
croyances, qu’on les mobilisât sous des bannières
adversaires L’Occident est menacé par les
« concepts métaphysiques de l’être par les « fictions
destructrices », « l’idéalisme qui se dégrade jusqu’à la
théosophie , le « phénominisme irréel La crise
européenne est donc avant tout culturelle puisqu’entre
<•< toutes les forces subversives qui travaillent l’Europe,
les idées, elles-aussi, sont génératrices d’événements .
Quelques années plus tard, en 1956, dans Histoire de
dix ans, il définira la troisième guerre mondiale comme
une guerre d’entités et de principes idéologiques
Cette méfiance à l’égard du rationalisme et de
l’intellectualisme conduit certains à exalter l’élan vital
et le biologique, par opposition au psychologique. C’est
le cas de Barrés, du moins tel qu’il apparaît dans ses
premiers écrits. L’instinct et l’inconscient sont des
termes qui reviennent souvent sous la plume du
«• prince de la jeunesse » qui guette en lui « la petite
secousse par où chaque parcelle du monde témoigne
l’effort secret de l’inconscient En fait, il n’est pas
excessif de dire que l’ensemble de la génération à
laquelle Barrés appartient a été tentée par la révolte
contre les Lumières. Les contradictions des dogmati¬
ques sont soulignées, ainsi que la vanité des principes
prétendant apporter une explication absolue et défini¬
tive du monde. La constatation de l’inanité des idéaux

37
de progrès de l’humanité et d’égalité universelle,
sentiment renforcé après la guerre, s’accompagne d’un
scepticisme croissant. Le doute fait place au relativisme
— le monde n’est plus ce qu’il semblait être, les
perceptions empiriques qui formaient les notions de
temps et d’espace et le comportement humain ne sont
plus fiables — puis à la négation méthodique allant
parfois jusqu’au nihilisme. Cette attitude aporétique
coïncide avec la diffusion des ouvrages de Gustave Le
Bon, de Jules Soury et de Freud. Ce processus
débouche sur la conception de « l’homme conçu comme
un être irrationnel, motivé par des sentiments et des
associations d’images, mais jamais par des idées » (Z.
Sternhell)^®. Là est le fondement de la théorie des
mythes de Sorel, du nationalisme organique de Barrés,
et explique la dérive fasciste de certaines personnalités
d’extrême-droite, séduites par cette idéologie nouvelle
qui leur semblera être la concrétisation de leurs espoirs.
Néanmoins, il serait erroné de prétendre que l’anti¬
intellectualisme a fait sombrer toute l’extrême-droite
dans le gouffre de la mythologie nazie. Si l’attirance
vers l’irrationnel, le goût du déterminisme biologique,
le décri de la parole et de l’intelligence sont indénia¬
bles, il n’en reste pas moins qu’une partie de l’extrême-
droite française dans les années trente ne bascule pas
entièrement dans le subjectivisme et la mystique néo¬
romantique dans sa version allemande. Cette réticence
des nationalistes français à l’égard des excès de la
sublimation de l’instinct poussée jusqu’au solipsisme
apparaît clairement dans l’analyse opérée par plusieurs
auteurs de l’évolution intellectuelle de l’Allemagne.
Le cas de Barrés est à cet égard significatif puisqu’on
décèle dans sa pensée une évolution majeure. Dans ses
premiers écrits, il affirme que l’homme moderne est
perverti par un intellectualisme qui stérilise sa volonté.

38
sa vitalité. Il admire Wagner, fait en 1886 le pèlerinage
à Bayreuth, cite volontiers Nietzsche et reconnaît
l’influence de la métaphysique allemande sur sa pensée.
Puis, à mesure qu’il conçoit plus clairement son
nationalisme, il rejette tout cet héritage. Barres qualifie
alors Nietzsche de « brutal insensé s’oppose au
kantisme qui « prétend régler l’homme universel,
l’homme abstrait, sans tenir compte des différences
individuelles L’égotisme romantique et mystique
fait alors place, avec la notion d’enracinement et le
culte de la Terre et des Morts, à un traditionalisme
conservateur''^
Henri Massis, pour sa part, quand il exhorte
l’Occident à défendre l’héritage latin, s’attaque au
« mélange d’idéalisme kantien, de bergsonisme, de
freudisme, qui cherche à vider l’esprit de tout contenu
objectif exalte la primauté du psychisme et de l’indivi¬
duel, réduit la vérité à l’efficience affective, consacre
l’extase de la chair et déchaîne les forces vitales sous
prétexte de les spiritualiser Les « thaumaturges
qu’il dénonce sont Hermann Keserling, le chantre du
subjectivisme oriental Spengler qui au nom de
l’organicisme historique érige les réactions biologiques
en système du monde, Nietzsche, Stirner, Bergson,
Fichte. Le mysticisme allemand et le « scythisme »
bolchevique ont le même objectif : détruire la roma-
nité, l’esprit européen, les idées mères de l’Occident, à
savoir <■< personnalité, unité, stabilité, autorité, conti-
■^'45
nuite » .
Jacques Bainville souligne également les affinités
entre germanisme et slavisme, et dans plusieurs articles
fait part de son inquiétude face à la montée du
pangermanisme et du nationalisme idéaliste en Aile-
46
magne .
Ouant à Maurras, profondément germanophobe, il

39
s

réprouve le culte du moi sensible et le romantisme


allemand. Dans L’Avenir de l’Intelligence, il s’oppose
au << sentiment devenu guide, la sensation faite règle, et
les tendances excentriques adoptées ainsi par l’imagina¬
tion . Puis, en établissant une filiation entre Rous¬
seau et Kant, entre l’idéologie révolutionnaire française
et le germanisme réactionnaire, il écrit : « L’Etat-tyran
de Hitler exprime en effet, comme dans le jacobinisme,
une volonté nationale abstraite, toute métaphysique et
religieuse, fort dénuée du réalisme rigoureux qui est le
propre du nationalisme français
Dès lors, bien qu’indubitablement séduite par les
attraits de l’irrationalité, l’extrême-droite dans les
années trente prétendra être guidée par la « raison
lucide », par opposition à la mysticité confuse des
nationalistes allemands. Son anti-intellectualisme, s’il
débouche parfois sur l’exaltation de l’inconscient, se
traduit essentiellement par la prétention d’établir une
doctrine à partir des enseignements de l’histoire et de la
réalité. Il est certain cependant que cette ambition n’est
pas exempte d’ambiguïtés. Cela apparaît clairement
dans le nationalisme intégral : Maurras affirmait que
ses conceptions étaient fondées sur la raison, sur les
valeurs concrètes de nation et de civilisation, alors que
dans le même temps, son nationalisme puisait aux
sources les plus émotionnelles du sentiment national*^^.
La référence au positivisme ne servait en fait qu’à
donner un aspect rationnel à une pensée qui, se
réclamant de la logique, se perd néanmoins dans les
dédales d’un spiritualisme obscur.
A la chute du régime de Vichy, l’extrême-droite a
payé très cher ses incartades dans l’irrationnel et son
flirt plus ou moins poussé avec la fantasmagorie nazie.
De nos jours, elle poursuit ses diatribes contre les
idéologues mais reste prudente, évitant de faire

40
ouvertement le panégyrique de l’élan vital et des forces
créatrices de l’inconscient. Les leaders des mouvements
qui la composent se présentent comme étant des
hommes d’action, attachés aux réalisations et peu
soucieux d’élaborer une doctrine^®. L’anti-intellectua¬
lisme des années trente perdure avec la dénonciation
des technocrates et des énarques. Poujade écrit à ce
propos : « Il vaut mieux avoir affaire à des “vulgaires”
de bon sens qu’à des polytechniciens “abrutis” par les
mathématiques Les théories fumeuses et malsaines,
les mots d’ordre préparés sont le propre d’une
intelligentsia gauchisante qui exerce, selon l’extrême-
droite, un véritable « terrorisme intellectuel ». A l’in¬
verse, on vient à l’extrême-droite par instinct, par
pragmatisme ou encore, selon Jean-Marie Le Pen,
« par une réaction biologique contre le désordre, la
crasse, la paresse et le vandalisme Cette prise de
position n’est pas dénuée de démagogie quand, sous
couvert d’anti-intellectualisme, l’extrême-droite fait
l’éloge du bon sens populaire. La thématique barré-
sienne de « l’instinct des humbles du petit peuple
détenteur authentique de l’esprit national est volontiers
reprise par les leaders nationalistes tel J.-M. Le Pen qui
incorpore dans son discours le mythe populiste des
«• gros » contre les « petits
D’autre part, cette méfiance à l’égard des idéologues
s’accompagne toujours du goût pour l’action et pour les
aventures lointaines. Cela explique en particulier le
crédit dont bénéficie l’armée dans les milieux
d’extrême-droite, puisque cette dernière représente à la
fois l’ordre et le nationalisme de combat, dernier
bastion des valeurs d’honneur et d’héroïsme, héritière
de la chevalerie du Moyen-Age^^.
Tout attachée qu’elle soit à défendre des valeurs
traditionnelles et fort soucieuse de se démarquer des

41
mouvements qui, durant l’entre-deux guerres, firent de
l’irrationnel le pivot de leur pensée, l’extrême-droite
n’a pas totalement effacé de son corpus doctrinal la
notion d’inconscient et quelques organisations succom¬
bent encore au charme d’une mysticité empreinte
d’orientalisme ou qui rappelle étrangement la mytholo¬
gie fascisante de certains visionnaires.
Preuve en est l’intérêt porté par Louis Pauwels aux
mystères ésotériques et la célébration du paganisme par
Alain de Benoist, côté Nouvelle Droite. Fondateur de
la revue Planète e i 1961, peu après la publication du
Matin des Magic ns, écrit en collaboration avec
Jacques Bergier^^, ouis Pauwels mène depuis plu¬
sieurs années un combat contre « l’intelligentsia
marxiste et crypto-communiste qui tient le haut du
pavé Au nom de sa « vocation d’être un homme de
message il se fait médiateur et porte-parole d’une
nouvelle spiritualité et apôtre d’une gymnastique
mentale permettant d’atteindre une « Vérité au cœur de
l’être, au-delà de toutes les vérités . Dans sa quête
d’absolu, il s’adresse aux « hommes nus dans les temps
barbares et dénonce « l’insensée prétention à vouloir
changer la nature humaine . De ses diverses excur¬
sions dans le fantastique et l’ésotérique — « voyage
d’agrément dans l’éternité — il tire la conclusion que
« l’homme est un mystère insondable et intransmissi¬
ble que « son passé, son avenir, tout cela cache de
l’invisible complexe, parle d’infini, chante la musique
des sphères >f’^. Dès lors, celui qui a reçu l’initiation au
contact de Gurdjieff, lors de son séjour dans l’Ensei¬
gnement, traite de la condition surhumaine et du
dialogue avec « des intelligences différentes dans le ciel
et ici bas Au son de « l’opéra terrestre », du « chant
mystérieux des récurrences Louis Pauwels prétend
discerner, au-delà de l’épaisseur de notre passé, ce que

42
Romain Rolland appelait ce « quelque chose d’infini et
d’océanique ». Raillant les « bons intellectuels rationa¬
listes français Louis Pauwels interroge les mythes
pour mettre au jour la véritable humanité de l’histoire.
Cette entreprise prêterait à sourire si Louis Pauwels
n’avait eu, fidèle à cette mystique cosmologique
étrangère à l’entendement, la volonté d’interpréter les
phénomènes politiques et sociaux. Saisi récemment par
la foi, du jour où « il s’est senti jeté à terre par une main
invisible il lutte âprement dans ses chroniques^^
contre l’étatisme, le collectivisme marxiste et la fiction
socialiste. Partisan d’une société où <•< l’humanité obéit à
sa propre nature, où l’amélioration de chacun est confiée
à son intimité et à Dieu, et non pas aux contraintes d’un
Etat prétendument rédempteur il défend « le droit à
la différence », l’image d’une Europe de race blanche et
un déterminisme social de style darwinien^^
Dans cette croisade contre le rationalisme ambiant, les
idéaux de 1789 et les <•< intellectologues », Alain de
Benoist joue un rôle de premier ordre. Ce dernier écrit :
« Notre anti-intellectualisme découle de cette conviction
(...) qu’il y a prééminence de l’âme sur l’esprit, du caractère
sur l’intelligence, de la sensibilité sur l’intellect, de l’image
sur le concept, du mythe sur la doctrine >P'^. Son objectif
est alors de « sortir de la problématique dominante,
d’offrir une autre vue du monde, un autre projet de
civilisation, une autre conception de l’homme et de la
vie Nous reviendrons sur les conséquences politiques
qui découlent de ces affirmations, l’essentiel étant ici de
souligner que l’extrême-droite est depuis toujours
tiraillée entre sa contestation de l’abstraction philosophi¬
que et son attirance pour le mystique. L’explication de ce
paradoxe tient sans doute au fait que «■ tout nationalisme,
même s’il l’ignore, est un paganisme, une adoration des
forces telluriques »'^’^.

43
s

Le nationalisme

Tous les mouvements d’extrême-droite se déclarent


nationalistes mais cette unanimité ne doit pas faire
oublier que l’exaltation du sentiment national n’a pas
toujours appartenu à la doctrine d’extrême-droite. Les
traditionalistes étaient opposés au patriotisme jacobin,
le terme de nationalisme n’étant pas encore usité^^.
Selon Rivarol, « le patriotisme est l’hypocrisie de notre
siècle ; c’est l’ambition et la fureur de dominer qui se
déguisent sous des noms populaires . Pour Joseph de
Maistre, « l’amour de la patrie est une religion » et la
nation « un mot infiniment commode parce qu’on en fait
ce qu’on veut C’est Barrés qui va donner à ce terme
une nouvelle acception, comme système de pensée
fondé sur la primauté de la défense des valeurs
nationales^^, bien qu’il ait lui-même dénoncé un
moment le chauvinisme de la Ligue des Patriotes.
Au' début de la pvJ ■''de qui nous intéresse, en cette
année 1900, le national. ,e fait résolument et définiti¬
vement partie du corpus doctrinal de l’extrême-droite
et ce jusqu’à nos jours. L’exemple le plus récent est
bien entendu le Front national dont le leader déclare
que son parti, « sous les couleurs de la droite sociale,
populaire et nationale, entreprend la tâche exaltante de la
renaissance nationale
Cette annexion du nationalisme par l’extrême-droite
est si manifeste qu’elle aboutit au sentiment déclaré par
l’ensemble des mouvements d’incarner la seule force
politique capable de préserver la grandeur et l’intégrité
nationales. L’extrême-droite se présente volontiers
comme l’unique et véritable émanation de la nation, et
ses leaders comme les seuls « bons Français ». Nous
abordons là un point sensible puisqu’il est évident que
tout en déclarant regrouper sous sa bannière toute la

44
nation, l’extrême-droite rejette hors de celle-ci un
nombre sans cesse croissant « d’ennemis de l’inté¬
rieur », ce qui la conduit à un isolement inévitable.
Dans cette exaltation de la nation, la référence à
l’histoire et aux historiens tient une place prépondé¬
rante et bien que le nationalisme d’extrême-droite se
définisse majoritairement contre la tradition révolu¬
tionnaire et romantique, il n’hésite pas à inclure dans sa
vision de la France l’idée développée par Michelet
d’une mission quasi providentielle de la France dans le
monde. Maurras combattit ce « prédicateur de la
République » mais d’autres courants furent durable¬
ment marqués par cette version comprise dans les
divers tomes de l’Histoire de France. Cependant, ce
sont les œuvres de Taine et de Renan qui sont le plus
fréquemment citées. Admirateur des thèses organi¬
cistes, Taine tenta d’appliquer à la recherche historique
une méthode scientifique, et posa que la nation était un
tout organique, résultant de l’action conjointe de la
race, du milieu et du moment. Sa métaphore de l’arbre
connut une postérité éclatante, de même que sa critique
des méfaits de la Révolution. Dans son Histoire des
Origines de la France contemporaine, il attaqua sévère¬
ment le rationalisme et l’artificialité des institutions
politiques. D’autre part, l’extrême-droite a retenu de
Renan la nécessité d’une réforme morale et intellec¬
tuelle comme condition nécessaire à un renouveau
national.
En second lieu, l’extrême-droite s’est ralliée à la cause
coloniale, passant de ce fait d’un « nationalisme de rétrac¬
tion continentale » à un nationalisme d’expansion mon¬
diale » (R. Girardet)^°. Cette évolution n’a pas été sans
mal puisque les nationalistes étaient à l’origine opposés à
l’affairisme colonial et Déroulède déclara : « J’ai perdu
deux fils et vous m’offrez vingt domestiques Barrés

45
s

craignait pour sa part que l’entreprise coloniale ne dé¬


tourne la Franee du problème de l’Alsace-Lorraine,
avant d’écrire dans ses Cahiers en 1912 : J’aime le
Maroc parce qu’il est dans les destins de la France
Une fois eonvaincue de l’importance des colonies,
l’extrême-droite fait alors de la défense de l’Empire un
des thèmes majeurs de sa propagande politique contre
le bradage des territoires d’Outre-Mer. Au nom de
l’unité de la nation, et parfois de l’indivisibilité de la
République, l’extrême-droite défend ce qu’elle eonsi-
dère comme une parcelle du patrimoine national.
Enfin, l’insertion du nationalisme par l’extrême-
droite dans son système de valeurs se double de la
eonviction que la France doit exercer en Europe le rôle
de guide et de gardien de la civilisation européenne.
Cette supériorité de la France est déjà évoquée par les
traditionalistes et pour Joseph de Maistre, « chaque
nation, comme chaque individu, a reçu une mission
qu’elle doit remplir La France, à la tête de l’édifice
religieux en Europe, n’a pas rempli ses devoirs, d’où
son châtiment. L’abbé Barruel exprime une idée
analogue quand il affirme que la Providence a puni la
France d’avoir donné à l’Europe l’exemple du désordre
intellectuel et moral. Sa restauration est d’autant plus
impérative qu’elle conditionne la réapparition du « sens
européen ». Henri Massis et Jacques Bainville réaffir¬
meront, chacun à leur manière, cette relation entre le
déclin de l’Europe et celui de la France.
La dimension européenne est toujours présente dans
les programmes actuels et certains groupuscules font de
ce thème le vecteur principal de leur action. Ainsi, pour
le Front national, « l’Europe ne se fera pas si la France
est affaiblie, corrompue. Elle est un modèle pour trop de
pays et doit être le fédérateur de l’Europe » (Le
Pen)®^

46
Célébration des valeurs nationales, affirmation de la
supériorité de la France et nécessité de maintenir
l’intégrité du pays, tels sont les mots d’ordre qui
cimentent l’extrême-droite et lui donnent une appa¬
rente unité. Cependant, ce consensus dissimule diffici¬
lement les divergences quant aux critères retenus pour
définir la nation ou sur le régime le plus approprié.
Pour Renan, la nation <•< c’est une âme, un principe
spirituel, deux choses qui à vrai dire n’en font qu’une
(...)■ L’une est dans le passé, l’autre dans le présent.
L’une est la possession commune d’un riche leg de
souvenirs ; l’autre est le consentement mutuel, le désir de
vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir
l’héritage qu’on a reçu indivis L’extrême-droite
conteste un des points de cette définition ; la volonté
librement consentie de vivre ensemble qui renvoie au
contrat social. L’homme ne choisit pas la société, celle-
ci lui est imposée, elle est antérieure et postérieure à
chacun de nous. Maurras écrit : « La société n’est pas
une association volontaire ; c’est un agrégat naturel »
et poursuit : « Nous ne choisissons ni notre sang, ni
notre patrie, ni notre langage, ni notre tradition. Notre
société natale nous est imposée En revanche,
l’extrême-droite insiste sur la notion d’héritage et sur la
nécessité de faire fructifier ce patrimoine collectif^^. La
nation n’est pas immuable, elle est un processus
permanent de création et de renouvellement, à condi¬
tion de la préserver des forces de déclin et de
destruction.
De là découle la conception offensive du nationa¬
lisme : aimer la France, c’est l’aimer de préférence à
d’autres pays, c’est aussi combattre les ennemis de
l’intérieur puisque l’idée de nation s’enracine dans des
différences et que la cohésion n’est acquise qu’au prix
d’une opposition à tout ce qui est étranger. Sont alors

47
exclus du cadre national les Juifs, les Francs-Maçons,
les personnes récemment naturalisées, les commu¬
nistes... L’extrême-droite justifie ces exclusions en se
fondant sur divers types d’arguments. Elle dénonce par
exemple l’existence d’une « cinquième colonne » ou fait
appel à des arguments économiques, les travailleurs
étrangers étant cause du chômage, idée aussi bien
présente chez Barrès^° que dans l’actuel programme du
Front national. Enfin, la participation au patrimoine
collectif passe par une condition impérative : avoir
versé son sang en participant à sa défense.
L’extrême-droite puise l’essentiel de sa symbolique
nationale dans l’histoire dont elle tire tout un ensemble
de figures et d’emblèmes, soigneusement sélectionnés.
La nation constitue ainsi une force spirituelle, une
« patrie psychique qui exerce une fonction d’intégra¬
tion, procure au groupe une cohésion qui lui permet de
survivre. En fait, elle exerce surtout une fonction
d’exclusion puisque l’extrême-droite ne délivre le
certificat de « bons Français » qu’à une infime mino¬
rité.
La nation est circonscrite dans des limites encore plus
étroites pour ceux qui la définissent en fonction de
critères raciaux. Cette conception biologique apparaît
dans tous les courants d’extrême-droite, comme axiome
ou a priori implicite. Sur ce point, l’évolution de Barrés
est à nouveau symptomatique. Ses premiers écrits sont
consacrés au culte du moi, reflet d’une pensée indivi¬
dualiste et anarchisante dont l’essentiel réside dans la
défense de l’essence humaine contre les barbares,
contre <■< tout ce qui peut nuire ou résister au Moi
Puis, Barrés effectue une transition du Moi individuel
au Moi collectif, prônant alors la supériorité de la
société sur l’individu. Le nationalisme romantique se
mue en nationalisme défensif et l’égotisme en traditio-

48
nalisme. Cette négation de la conscience individuelle
pourrait amener au désespoir mais Barrés nous invite à
accepter «• tous nos esclavages et la mort . Tel est le
sens de sa définition : « Un nationaliste, c’est un
Français qui a pris conscience de sa formation. Nationa¬
lisme est acceptation d’un déterminisme >>^‘^. De plus, la
nation « est la possession en commun d’un antique
cimetière et la volonté de continuer à faire valoir cet
héritage indivis — définition qui porte l’empreinte
de Renan que Barrés critiquera cependant. Enfin,
Barrés s’achemine peu à peu, sous l’influence de
Drumont et de Soury, vers une approche encore plus
étroite de la nation. Ses attaques contre les Juifs
s’inscrivaient à l’origine dans la tradition antisémite de
gauche, quand il combattait les féodalités financières et
la « ploutocratie d’exotiques Avec l’affaire Dreyfus,
cet antisémitisme devient racial et l’on connaît ses
arguments à propos de la culpabilité du capitaine. Les
Juifs sont alors évincés du cadre national, non plus en
raison de leur domination financière, mais selon la
thématique de la Terre et des Morts : « Les Juifs n’ont
pas de patrie au sens où nous l’entendons. Pour nous, la
patrie, c’est le sol et les ancêtres, c’est la terre de nos
morts. Pour eux, c’est l’endroit où ils trouvent leur plus
grand intérêt
On décèle là une pointe de déterminisme organique
bien que Barrés précise qu’il « est inexact de parler au
sens strict d’une race française. Nous ne sommes point
QO
une race mais une nation » .
Selon le leader de l’Action française, la nation tire
« sa substance fondamentale » du sol, qui « porte et qui
lie tout Maurras vient aux thèses organicistes par le
biais du positivisme dont il tire une méthode et des
convictions. Comte mettait l’accent sur l’observation et
l’expérience, et fidèle à son modèle, Maurras affirme

49
N

que «r l’examen des faits sociaux naturels et l’analyse de


l’histoire politique conduisent à un certain nombre de
vérités certaines En vertu d’une homologie entre le
corps vivant et l’ordre social, Maurras déclare que l’une
de ces vérités est de purifier la nation des éléments
étrangers. Il se défendra d’avoir pratiqué un antisémi¬
tisme de « peau » et qualifiera ses attaques d’antisémi¬
tisme « d’Etat » : « il ne s’agit pas de dire “mort aux
Juifs”, qui ont droit à la vie comme toutes autres
créatures, mais “à bas les Juifs” (...). Notre antisémi¬
tisme d’Etat consiste à leur reprendre ce qu’ils ont pris de
trop et en premier lieu, la nationalité française
Aveuglement naïf ou cécité volontaire quant aux
conséquences de telles affirmations ? Même si l’on
concède que l’ambiguïté demeure, il est évident que
toute une partie de l’extrême-droite n’a pas hésité à
sauter le pas et à donner son acquiescement aux thèses
nazies 102 .
Cette interprétation organique de la nation a tou¬
jours cours et il suffit pour s’en convaincre de se
reporter aux publications du GRECE ou de groupus¬
cules se déclarant ouvertement fascistes. C’est ainsi que
pour Alain de Benoist, « qu’il y ait un lien entre le
paysage et la personnalité, c’est ce dont il n’est plus
possible de douter (...). Les hommes sont liés charnelle¬
ment à la terre qui les a vu naître Selon une
conception holistique de la nation, le GRECE oppose à
la notion d’Ueberfremdung celle d’Umwelten et met la
race, la nation et la société en relation de causalité. La
France est alors réduite à la dimension d’une élite qui
seule incarnerait l’essence pure de la collectivité.
Il ressort de ces considérations que l’extrême-droite
oscille entre une définition de la nation entendue
comme héritage des siècles et une vision organiciste.
Une même ambivalence préside à la conception de

50
l’Europe, soit ensemble de peuples qui partagent les
mêmes valeurs, soit alliance d’ethnies.

U élite et le peuple

Il serait vain d’étudier une doctrine sans prendre en


compte le contexte dans lequel elle a été élaborée. Mais
bien que l’on admette que la formation d’un concept
soit intimement associée à une situation donnée —
démarche dialectique qui caractérise ce passage du réel
au signe — il est également illusoire de prétendre
établir avec certitude cette constante interaction qui
relie les changements sociaux aux mutations d’une
doctrine. Cependant, sans nier pour autant l’incertitude
et les équivoques qui l’accompagnent, la présentation
des principaux postulats de l’extrême-droite commande
que l’on arrime ces croyances dans un univers déter¬
miné. Formulé plus abruptement, il s’agit de tenir
compte des logiques de situations. Or, par le jeu
combiné de plusieurs facteurs, la société française s’est
profondément modifiée depuis 1900, et plus encore si
l’on remonte jusque dans les années 1790, au moment
où les traditionalistes entrevoyaient ce qui leur semblait
être un futur méprisable et désespérant : l’ère indus¬
trielle de l’humanité, avec son cortège de machines, où
l’homme livré à lui-même dans un univers hostile se
perdrait dans le labyrinthe de la modernité. De ce
pessimisme naissent la méfiance à l’égard de l’idéal de
progrès et la célébration d’un passé mythique. Le
retour aux origines permet de revivre un temps révolu,
re-création d’une société communautaire dans laquelle
le mot de solidarité reprendrait tout son sens. Cette
vision, d’ordre eschatologique, persiste encore dans
certains cercles d’extrême-droite, ce qui explique en

51
N

partie l’aspect parfois rétrograde et utopique du volet


économique et social de ces organisations. Toutefois,
l’appréciation des réalités sociales ne se limite pas à la
défense d’une imagerie symbolique dès l’instant que
l’extrême-droite a souhaité adapter ses propositions
aux revendications des groupes sociaux qu’elle veut
rallier.
L’ensemble de l’extrême-droite partage une concep¬
tion élitiste de la société, que cette élite soit aristocrati¬
que, guerrière ou même ouvrière. Dès lors, l’idée de
chef a une fonction capitale, et partant celles de
hiérarchie et de commandement. En ce qui concerne
l’aristocratie, cette dernière ne signifie pas nécessaire¬
ment la noblesse, dont les traditionalistes ont stigmatisé
en leur temps l’incapacité, voire la dégénérescence.
C’est ainsi qu’Alain de Benoist écrit aujourd’hui que
« Vappartenance à la noblesse ne sanctionne plus la
présence et la manifestation réelles d’un caractère
aristocratique Cette élite doit avoir pour qualités
« la loyauté, le courage, la bravoure, l’esprit de
chevalerie, l’esprit de sacrifice, le contrôle de soi, le sens
de la décision, l’amour du défi, le goût de la rigueur, de
la contrainte de soi, la volonté, la rectitude D’autre
part, les impératifs du respect de l’ordre font que toute
domination doit être exercée par un seul homme, ou
par une minorité, ce qui est contraire au régime
démocratique. Une telle idéation du chef pousse
souvent l’extrême-droite à suivre des leaders dont
l’autorité devient pur autoritarisme. Ce phénomène fut
un des traits saillants des années trente quand, attirée
par la personnalité de Hitler ou de Mussolini,
l’extrême-droite fut incapable de produire en son sein
un meneur de même envergure, reportant alors ses
espoirs sur les dictateurs étrangers ou sur Pétain^°^.
L’extrême-droite a donc horreur de la masse, de la

52
« populace » — Bainville écrira que « le nationalisme
des foules est celui des intérêts, celui du ventre, du
gaster — mais dans le même temps, la démagogie
de ses dirigeants se teinte souvent de populisme. Pour
comprendre ce paradoxe, il convient de rappeler que
l’extrême-droite s’oppose à tout ce qui est susceptible
de diviser la nation. Au nom de l’unité, elle affirme que
l’élite gouvernante sera l’expression du pays réel et
opère ainsi une synthèse entre son élitisme et la
sauvegarde du « petit peuple ». De plus, autorité et
liberté ne sont pas antinomiques et selon Maurras,
« loin que Vidée d’autorité contredise Vidée de liberté,
elle en est au contraire Vachèvement et le complé-
\ DQ
ment » .
Refusant le principe de la lutte des classes, l’extrême-
droite est placée devant la nécessité d’élaborer un
projet sociétal qui puisse rivaliser avec les propositions
des syndicats ou des partis de gauche. A cette fin, elle
s’est inspirée du catholicisme social, en particulier du
corporatisme de la Tour du Pin, d’Albert de Mun et de
Le Play, mais aussi du socialisme. Toutefois, les
diverses tentatives d’ouverture vers les milieux ouvriers
se sont toujours soldées par des échecs, les ouvriers ne
considérant pas le déterminisme social et l’idée d’une
hiérarchie immuable et intangible comme répondant à
leurs aspirations. A l’égard des paysans, l’extrême-
droite fait montre d’un véritable attachement sentimen¬
tal. A ses yeux, ils représentent les gardiens de la
tradition, les « hommes de la continuité » comme les
appelait Barrés pour qui « la motte de terre elle-même
qui paraît sans âme est pleine du passé, et son
témoignage ébranle les cordes de l’imagination »^^°. Il
poursuit : « Le terroir nous parle et collabore à notre
conscience nationale, aussi bien que les morts (...) Les
ancêtres nous transmettent intégralement l’héritage accu-

53
mulé de leurs âmes par la permanence de l’action
terrienne A cette dilection pour la civilisation
rurale correspond le rejet du phénomène urbain, et
l’opposition ville-campagne recouvre la distinction
entre culture et civilisation. Lieu de corruption et de
décadence, la ville permet le développement de
l’idéologie collectiviste et l’éclatement des cellules
communautaires. De plus, l’exaltation du régionalisme
est une condamnation de la tradition centralisatrice
jacobine. Barrés proposant pour sa part la création
d’assemblées locales qui permettrait une transforma¬
tion radicale de la nation, la commune et la région étant
« des laboratoires de sociologie Outre cette aper-
ception nostalgique du monde rural, la sollicitude de
l’extrême-droite s’explique par le fait que les paysans
constituent un enjeu politique important, et plusieurs
mouvements ont cherché à s’implanter dans les cam¬
pagnes, sans parvenir à acquérir une large audience.
L’évaluation des relations entre l’extrême-droite et la
dernière composante de la société, à savoir les classes
moyennes, suppose que l’on définisse ces dernières. Si
l’on prend comme critère la catégorie sociale ou un type
particulier d’activité, les classes moyennes se caractéri¬
sent par une grande diversité de statuts (petits et
moyens agriculteurs, commerçants, industriels, arti¬
sans, professions libérales...). En revanche, si l’on
considère qu’une classe est un ensemble d’individus
ayant en commun des valeurs et des aspirations — ce
qui implique la conscience d’appartenir à un groupe
spécifique — les classes moyennes forment bien une
entité relativement homogène. La notion de « situation
de classe » amène alors à prendre en compte, non
seulement la stratification sociale, mais aussi des
critères plus subjectifs : le « souci du niveau une
volonté farouche de préserver sa liberté, une fierté liée

54
à la possession d’un patrimoine, et la foi dans les
possibilités d’ascension sociale récompensant les mé¬
rites de l’effort, de l’épargne et de l’instruction.
Historiquement, l’existence des classes moyennes est
officiellement consacrée par la promulgation du Code
CiviF^"*, mais ce n’est qu’à la fin du dix-neuvième siècle
que leur rôle devient déterminant. Elles redoutent alors
le phénomène de concentration, les progrès du collecti¬
visme, le dirigisme étatique, et « rejettent aussi bien la
profession organisée des catholiques sociaux que les
réformes solidaristes des radicaux ou le libéralisme pur
et simple A l’inverse, les classes moyennes enten¬
dent lutter pour la diminution des charges fiscales, la
défense de la petite propriété et de la libre entreprise,
la suppression des monopoles et des « féodalités
financières ». En leur sein, certains se sont détournés
de l’idéologie républicaine quand elle s’est traduite
dans les faits par l’extension des charges sociales et par
un étatisme croissant, bien qu’il soit abusif de prétendre
que la boutique ou l’atelier représentent un terrain
d’élection pour l’extrême-droite. Cependant, en pé¬
riode de crise, les classes moyennes adoptent des
positions extrêmes, comme lors de l’épisode boulan-
giste durant lequel des convergences se dessinèrent à
propos de l’antiparlementarisme, des aspirations dé¬
centralisatrices et de la dénonciation des étrangers^^^.
Puis, durant l’entre-deux guerres, les ligues recrutèrent
la majorité de leurs effectifs dans les classes moyennes,
tandis que le poujadisme fut une autre manifestation de
cet « extrémisme du centre ». Ce soutien des classes
moyennes est aisément compréhensible puisque bien
des thèmes de la doctrine d’extrême-droite correspon¬
dent à leurs attentes, et que l’extrême-droite multiplie
les offensives de séduction à l’endroit d’une catégorie
qui forme la part la plus importante de son électorat.

55
s

En définitive, refusant la lutte des classes au nom de


l’unité indispensable du corps social, l’extrême-droite
véhicule une conception de la société fondée exclusive¬
ment sur un schéma d’opposition — elite/masse,ville/
campagne,gros/petit — et ce, en dépit des virtualités de
division inhérentes à ce manichéisme. D’autre part, le
projet d’agréger dans un même cadre des catégories
ayant des intérêts contradictoires relève plus de la
mystique que du réalisme. En effet, on conçoit
difficilement qu’un même programme puisse être
adapté aux demandes des classes moyennes et à celles
du syndicalisme anarchisant. C’est ainsi que l’Action
française a réalisé qu’elle ne pouvait à la fois se tourner
vers la droite prolétarienne et la droite conservatrice,
optant pour la seconde au lendemain de la Première
Guerre mondiale.

Dieu ou dieux ?

Il est un autre domaine — la religion — où l’extrême-


droite ne présente pas, dans son ensemble, les mêmes
convictions et les mêmes conduites. Pour tenter de
préciser les rapports entre l’extrême-droite et le
catholicisme, il convient de procéder par étape puisque
l’attitude vis-à-vis de la religion en tant qu’institution
diffère du sentiment religieux. D’autre part, si l’on
trouve de nombreux catholiques dans l’électorat de
l’extrême-droite, celle-ci compte des organisations dont
les objectifs sont exempts de toute dimension reli¬
gieuse, certaines étant même violemment anti-catholi¬
ques (le GRECE).
Le premier point à examiner concerne l’attrait de la
quasi-totalité de l’extrême-droite pour ce que repré¬
sente l’Eglise en tant que structure hiérarchisée et

56
symbole de la pérennité, à travers les âges, de valeurs et
de traditions. Il est aisé de trouver divers témoignages
de cet attachement, qui n’a d’ailleurs aucun rapport
avec les croyances religieuses de ceux qui l’expriment.
Barrés écrit ainsi : <■< la religion est avant tout un faiseur
d’ordre Auparavant anti-clérical. Barrés admet
peu à peu que la religion soit un élément de stabilité et
le catholicisme une partie intégrante du génie français.
Néanmoins, il en élimine tout élément de foi, adepte
d’un « athéisme catholique » ou mieux, d’un « nationa¬
lisme divinisé Quant à Maurras, agnostique, il pose
que la restauration de la monarchie serait incomplète si
l’ordre spirituel, celui de l’Eglise romaine, ne venait
compléter l’édifice. De nos jours, J.-M. Le Pen déclare
être un << homme d’éducation chrétienne, faisant preuve
à l’égard de l’humanité tout entière (...) d’un esprit de
tolérance Convaincu que « la foi religieuse soutient
l’homme politique il tire de l’éthique chrétienne
des critères de normalité et de déviance à partir
desquels il fixe les modalités de sa réforme morale.
Le second point porte sur l’analogie entre certains
thèmes de la doctrine d’extrême-droite et le courant
catholique intégriste. L’examen des postulats a montré
que si la filiation entre les contre-révolutionnaires et les
mouvements actuels n’était pas toujours continue, il
existe en revanche une parenté indéniable fondée sur la
méfiance à l’égard du modernisme et la défense des
traditions. Dans le domaine théologique, les catholi¬
ques dits libéraux s’opposèrent, sous le pontificat de
Pie X, à ceux qui refusaient tout progressisme en matiè¬
re d’exégèse biblique. Etaient alors qualifiés d inté¬
gristes les membres du Solidatium Pianum (Solidarité
Saint Pie V, ou Sapinière), organisation fondée par
Mgr Benigni^^^ Il n’entre aucunement dans notre
intention de retracer les péripéties de cette lutte^^^ mais

57
s

sans doute peut-on s’interroger sur la nature des liens


entre l’extrême-droite et les catholiques intégristes.
Au niveau doctrinal, le refus des transformations
issues de la Révolution et des Lumières, le souci de
l’intégrité dogmatique, l’accent mis sur les valeurs
religieuses... sont autant de ponts jetés entre l’extrême-
droite et les catholiques intégristes, même si Maurras
nia toute relation entre l’Action française et la
Sapinière.
D’autre part, si l’intégrisme actuel ne peut être
assimilé à celui de la Sapinière, les organisations et les
publications qu’il englobe^^^ trouvent parmi les mili¬
tants d’extrême-droite d’ardents partisans. Jean Madi-
ran^^'^, un des fondateurs de la revue Itinéraires, prend
ainsi fait et cause pour ceux qui respectent la saine
doctrine théologique », et écrit : « les intégristes ne sont
pas des bêtes, les intégristes ne sont pas des chiens, les
intégristes sont des êtres humains, sujets de droit, que
rien ne condamne à être calomniés à perpétuité par des
hommes d’Eglise >>^^5 L’hérésie du siècle est le moder¬
nisme qui se « résume finalement en l’ouverture (...) aux
opérations et aux manipulations du communisme sovié¬
tique
Toutefois, tous les intégristes ne sont pas favorables à
l’extrême-droite, et tous les catholiques votant pour
l’extrême-droite ne sont pas intégristes.

Conclusion :
Unité et diversité de l’extrême-droite

René Rémond, dans la préface qu’il rédigea pour


1 ouvrage de Jean Touchard, Ea gauche en France

58
depuis 1900, note que <•< l’étude tout entière s’ordonne
autour de la question suivante : une ou plusieurs
gauches ? Et la réponse balance entre la diversité et
l’unité, avec une inclinaison en faveur de la pluralité
Au terme de cette présentation des grandes lignes de la
doctrine, il semble que cette remarque s’applique
également à l’extrême-droite.
L’impression d’homogénéité de l’extrême-droite cor¬
respond à une réalité puisque l’extrémisme caractérise
un certain état d’esprit, une attitude générale qu’adopte
l’ensemble des courants. Cela se traduit par la prédis¬
position à interpréter dans une perspective mani¬
chéenne l’évolution de la société et de ses mœurs. En ce
sens, l’unité de l’extrême-droite se conçoit essentielle¬
ment en fonction de ce qu’elle exclut, par le rejet
systématique d’une philosophie, d’une forme de gou¬
vernement, d’une manière de vivre modifiée par
l’affranchissement spirituel. Comme le souligne Michel
Winock, l’affaire Dreyfus a été « un événement révéla¬
teur-catalyseur dont l’intensité dramatique a mis à nu un
nouveau type d’affrontement dans la société fran¬
çaise Depuis, ce schéma dualiste a pour l’extrême-
droite valeur de paradigme, et modèle à la fois sa
perception et son comportement.
Outre cette tendance à considérer la société comme
le lieu d’affrontement d’idéologies rivales, les mouve¬
ments d’extrême-droite partagent des aspirations com¬
munes ; condamnation du matérialisme, du capita¬
lisme, du collectivisme... Puis, ils tentent tous de
gommer leurs divergences quand, face à leurs adver¬
saires, ils s’efforcent de présenter un front commun.
Toutefois, on peut mettre en doute la portée de ces
facteurs de cohésion puisqu’il semble que ces tendances
désunies ne s’associent que sur la base d une identité
négative. D’une part, il apparaît que le principal

59
s

vecteur d’unité soit la défense d’un ordre révolu — si


tant est qu’il ait jamais existé — quand il ne s’agit pas
du simple regret nostalgique de l’époque vichyssoise.
Dès lors, l’extrême-droite est perçue comme menant un
combat rétrograde, défendant sur l’échiquier politique
des positions de plus en plus menacées par la diffusion
de l’idéologie démocratique. De nos jours, une fraction
de l’extrême-droite a décidé de rompre avec cet
héritage, et l’on voit se dessiner un fossé entre les
tenants du passé et les adeptes d’une rénovation
complète de la doctrine. D’autre part, si l’instauration
d’un ordre nouveau est un objectif unanime, les divers
mouvements n’ont pas le même horizon et jouent sur
des registres différents. Faut-il en conclure que les
divers courants d’extrême-droite souffrent d’une inca¬
pacité chronique à concentrer leurs forces ? C’est à
cette question que nous tenterons de répondre en
examinant le comportement politique de l’extrême-
droite.

60
L’EXTRÊME-DROITE
FACE AUX CRISES
OU LES CRISES
DE L’EXTRÊME-DROITE

Munie de son bagage historique et idéologique,


l’extrême-droite pénètre dans l’arène politique pour y
défendre ses vues et imposer ses convictions. Tous les
mouvements ne suivent pas le même chemin ni
n’utilisent les mêmes moyens. Certains se regroupent
dans une salle de rédaction et aiguisent leur plume pour
attaquer le régime en place. D’autres s’aventurent
jusque sur les bancs du Palais Bourbon ou, comme en
1934, s’arrêtent à ses grilles pour manifester dans les
rues.
La tentative pour repérer les moments successifs de
l’entrée de l’extrême-droite dans le jeu politique
renvoie à la question suivante : à quelles conditions
l’émergence ou la consolidation de mouvements
d’extrême-droite sont elles-possibles ?
Un rapide examen chronologique nous apporte un
premier élément de réponse. Rappelons en effet que
l’Action française est née de l’affaire Dreyfus, que les
ligues se sont multipliées dans les années vingt, plus

61
précisément à la suite de la faillite du Bloc national,
faillite symbolisant pour beaucoup la fin de l’illusion
d’un retour au passé et l’échec de l’Union sacrée. La
victoire du Cartel des gauches favorisa ainsi la création
de la Fédération nationale catholique du général de
Castelnau, le Faisceau de Valois, les Jeunesses Pa¬
triotes de Taittinger... Dans les années trente, les effets
de la crise économique et l’aggravation de la crise
politique se traduisirent par une activité accrue des
mouvements d’extrême-droite, puis la guerre d’Algérie
et les événements de mai 1968 coïncidèrent également
avec la multiplication de groupuscules.
On constate qu’à chaque poussée de « fièvre hexago¬
nale » (M. Winock)\ l’extrême-droite est au rendez-
vous et qu’elle montre un intérêt particulier pour tout
ce qui relève du scandale, étant prompte à se saisir d’un
incident, considéré et interprété par elle comme
révélateur d’une corruption plus générale.
De ces considérations, il ressort :
1) que l’apparition des mouvements d’extrême-
droite est toujours liée à un contexte de crise ;
2) que l’extrême-droite diffuse ses idées d’autant
plus facilement que la France traverse une phase
critique. L’histoire de l’extrême-droite est alors indisso¬
ciable de celle des « guerres franco-françaises »^, de ces
moments durant lesquels les affrontements politiques
sont radicalisés par le biais d’une médiation idéolo¬
gique.
Cette idée selon laquelle il existe une relation entre
des périodes de trouble et la consolidation de
l’extrême-droite, amène à préciser deux points. D’une
part, le concept de crise est un facteur explicatif fort
utile mais d application très générale. Il convient donc
d’en préciser la signification, à savoir toute forme de
conflit associé « à des mobilisations affectant simultané-

62
ment plusieurs sphères sociales différenciées d’une même
société »^. Seront retenues dans cette analyse les phases
de rupture du consensus national, les grandes perturba¬
tions liées à un problème d’ordre politique, économi¬
que ou culturel. D’autre part, si chacune de ces
fractures a sa spécificité, la répétition d’un même
processus — émergence d’un conflit, apparition de
mouvements d’extrême-droite, exploitation par ces
mouvements des antagonismes — nous incite à
conclure qu’il ne s’agit pas là d’un hasard, mais d’une
relation causale. Conscient des dangers inhérents à
l’introduction de la causalité dans l’explication histori¬
que"^, il nous semble cependant possible de dégager des
régularités, même si ces dernières ne sont que partiel¬
les. De plus, le choix d’une telle optique ne signifie pas
que la notion de crise soit considérée comme le seul
facteur déterminant l’existence de l’extrême-droite. Il
s’agit tout au plus de souligner la correspondance entre
un contexte conflictuel et l’affermissement de
l’extrême-droite sur l’échiquier politique.
La seconde remarque porte, non plus sur l’exploita¬
tion par l’extrême-droite des crises, mais sur la
signification qu’elle donne à ce terme. On note tout
d’abord que cette notion est permanente dans le
discours de l’extrême-droite. Celle-ci utilise ce vocable
tantôt au singulier, tantôt au pluriel. Dans le premier
cas, l’idée de crise se réfère à un schéma abstrait, à une
conception idéologique : celle du déclin multiséculaire
de la France dans tous les domaines. Dans le second
cas, les crises désignent les perturbations du corps
social, mais sont perçues comme les manifestations de
ta décadence. L’extrême-droite trouve alors dans
chaque affrontement, quelle que soit sa nature, l’occa¬
sion de prouver la véracité de ses propos et la validité
de ses interprétations. Tout dysfonctionnement lui

63
permet d’appliquer son schéma dualiste par lequel elle
traduit les mutations sociétales. Paradoxalement,
l’extrême-droite est d’autant plus optimiste quant à
l’exactitude de ses jugements que le pessimisme inclus
dans sa vision du monde semble confirmé dans les faits.
De plus, la constance avec laquelle elle dénonce
l’entropie du système lui donne la possibilité de
présenter ses analyses comme prophétiques.
D’autre part, l’extrême-droite considère chaque
conflit à travers son propre prisme idéologique et tient
rarement compte de la réalité des enjeux. Loin d’établir
et d’ordonner rationnellement les événements,
l’extrême-droite conçoit les crises selon son modèle
organique du changement, comme « des moments de
vérité » où s’éclaire <•< la signification des hommes »^.

Enfin, si l’idée de crise ou les crises effectives


favorisent la mobilisation de l’extrême-droite, elles
correspondent également à chaque fois à de nouvelles
ruptures et à des échecs. L’histoire de l’extrême-droite
depuis 1900 est alors tout autant le récit de mouvements
tirant profit des antagonismes qui divisent la France
que celui des crises de l’extrême-droite elle-même.

Complots et décadence

Il n’est pas excessif d’affirmer que l’extrême-droite a


deux hantises : la décadence et le complot, qui sont par
ailleurs indissociables puisque, dans une large mesure,
le déclin de la nation est, selon elle, le résultat des
manœuvres des sociétés secrètes. Toute l’histoire de
l’extrême-droite a pour toile de fond cette vision quasi

64
apocalyptique, et il faut retenir au premier chef des
mobilisations de l’extrême-droite l’idée qu’il est urgent
d’obvier à cette dérive.

La décadence

Les contre-révolutionnaires décrivaient déjà la Révo¬


lution comme le « plus haut degré de corruption connu
(...), une pure impureté dont les conséquences
inévitables seraient le retour du fanatisme et une
régression vers les temps barbares. Prélude à la
décadence, la Révolution en est aussi le reflet puisque
les traditionalistes remontent jusqu’à la Réforme pour
expliquer les phénomènes dont ils sont les contempo¬
rains. On retrouve dans ces analyses l’influence des
thèmes de la Chute et de la Rédemption transposés
dans le champ politique. La présentation du processus
révolutionnaire rappelle en effet le mythe judéo-
chrétien de la fin du monde^. La chute de la monarchie
est dépeinte comme une véritable descente aux enfers,
et l’avènement de l’Antéchrist. A l’inverse, la restaura¬
tion ne s’opérera qu’au terme d’une purification, d’une
sélection des élus, ce qui correspond à la conception
élitiste étudiée précédemment.
Cette image du déclin a été, non seulement mainte¬
nue, mais systématisée au point de devenir un des
thèmes les plus importants de la doctrine. Chaque
étape dans l’évolution de la société française est pour
l’extrême-droite l’acte d’un drame dont les protago¬
nistes sont manipulés, depuis les coulisses, par des
puissances occultes. En conséquence, aux yeux de
l’extrême-droite, la France est décadente depuis près
de deux siècles mais cette vision aporétique ne lui
semble pas éculée puisqu’elle a la conviction que ces

65
s

puissances sont toujours en action. De ce fait, il n’est


guère surprenant de lire encore aujourd’hui que
l’Internationale juive ou la Franc-Maçonnerie dirigent
le monde et manœuvrent pour imposer le chaos et
l’anarchie.
Aucun mythe politique, bien qu’appartenant au
domaine de l’imaginaire et consacrant le règne de
l’absurde, ne peut exister s’il n’y a pas dans l’opinion
publique un état préalable de réceptivité. En ce sens,
l’idée de décadence ou la phobie du complot ne se
développent pas « dans un univers de pure gratuité, de
transparente abstraction » (R. Girardet)^. Comme l’a
montré Roland Barthes^, le mythe est un système de
communication, un message qui établit des chaînes de
cause à effet, et dont la portée est plus forte quand les
hommes, effrayés par la complexité et l’instabilité du
réel, préfèrent les accusations ad hominem aux explica¬
tions rationnelles. De plus, le recours aux mythes n’est
jamais innocent, en particulier quand il conduit à
polariser les craintes et les rancœurs sur des boucs
/» • • 1D
émissaires .
L extrême-droite n’aura de cesse de dénoncer la
déchéance de la France et séduira une large partie de
1 opinion quand, à partir des années 1870, l’inquiétude
et le pessimisme submergeront la France. Exploitant ce
climat psychologique et social d’incertitude, et fondant
son argumentation sur la distorsion des données
factuelles, l’extrême-droite aura tout loisir de diffuser
sa lecture imaginaire de la société. En réponse au
désarroi des Français après la victoire allemande et face
à l’affaiblissement démographique, l’interprétation
mythique de l’extrême-droite verra sa crédibilité ren¬
forcée.
Cette fin de dix-neuvième siècle est pourtant mar¬
quée par un essor sans précédent des techniques et des

66
sciences. La France peut s’enorgueillir des travaux de
Pierre et Marie Curie, de Pasteur dont l’Institut est
fondé en 1888, de Versin avec ses travaux sur la peste
ou de Claude Bernard. Sur le plan artistique, Fauré,
Debussy, Bizet contre-balancent l’influence wagné-
rienne. Comme le souligne Claude Digeon dans son
étude, La crise allemande de la pensée française^^,
l’extraordinaire épanouissement artistique et littéraire
aurait dû conférer à la troisième République un
prestige égal à celui du siècle de Louis XIV. Néan¬
moins, il n’en est rien et la défaite provoque une remise
en cause des idéaux dominants, en renforçant la
volonté de construire une France nouvelle capable
d’éviter les erreurs qui ont conduit au désastre. La
France souffre dès cet instant d’un complexe d’infério¬
rité à l’égard de l’Allemagne, accentué par le déclin
démographique et l’expansion industrielle et coloniale
allemande. En ce qui concerne la population française,
l’accroissement total n’est, jusqu’en 1914, que de 3,5
millions alors que dans le même temps la population
allemande croît de près de 600 000 individus par an^^. A
la veille de la guerre, la France est au cinquième rang
des pays européens et cette faiblesse numérique est
aggravée par le déséquilibre de la répartition par âge.
La victoire de 1918 n’atténue en rien ce pessimisme
ambiant, mais renforce au contraire l’idée selon
laquelle le déséquilibre du monde, tant matériel que
moral, a son origine dans la faillite des valeurs. La
Rocque écrit ainsi ; «- Que d’analogies entre la déca¬
dence intellectuelle, politique d’avant 1870 et la chute de
l’esprit public d’après 1918 Le thème de la victoire
mutilée est repris par l’extrême-droite et selon Léon
Daudet, « la France a été frustrée en un an des fruits de
sa victoire, comme elle ne l’a jamais été, en aucune
circonstance, au cours de son histoire .

67
s

Durant l’entre-deux guerres, l’extrême-droite con¬


centre son énergie sur la dénonciation de l’arrivée
d’étrangers. La France est devenue le second pays
d’immigration après les Etats-Unis, la population
étrangère ne représentant pourtant que 2,8 % de la
population totale en 1911 et 7,1 % en 1931. Farouche¬
ment opposée aux naturalisations — au total près de
500 000 de 1919 à 1939 — l’extrême-droite accuse le
régime d’encourager le malthusianisme et de fabriquer
de « faux Français ». Léon Daudet demande alors :
«• Une décision administrative peut-elle donner à l’étran¬
ger ainsi étiqueté Français, un sang et un esprit de chez
nous ?
Si, comme le suggère André Reszler dans son étude
des mythes politiques modernes, « l’histoire du pessi¬
misme européen ne saurait être identifiée durablement
avec un courant quelconque de la pensée moderne »^^, il
est certain en revanche que l’on ne saurait expliquer la
fortune de l’extrême-droite durant l’entre-deux guerres
sans tenir compte qu’elle a bénéficié et utilisé à son
profit un malaise perçu comme une crise de civilisation.
A nul autre moment la correspondance entre sa hantise
de la décadence et l’état d’esprit dominant n’a été aussi
forte. Preuve en est la multiplication des ouvrages
traitant de ce problème, comme Le Déclin de l’Occident
d’Oswald Spengler, Le Déclin de l’Europe d’Albert
Demangeon ou L’Europe tragique de Gonzague de
Reynold. L’extrême-droite puise dans des sources
diverses — Maulnier fait par exemple l’exégèse des
Regards sur le monde actuel de Valéry, souscrivant à la
célèbre formule « le temps du monde fini commence »
— et a le sentiment que le cours des choses s’enferme
sur lui-même, dans un espace clos, processus irréversi¬
ble d’un glissement vers le néant. Par ailleurs, tout en
décriant le rôle joué par les « intellectuels » de gauche.

68
les écrivains d’extrême-droite se sentent investis d’une
mission : combattre les causes du déclin et élaborer les
règles d’une nouvelle société. Pour Maulnier, le devoir
de l’écrivain est de défendre « une certaine idée de
l’existence individuelle Or, il est confronté au
« désespoir d’une pensée qui perçoit tout à coup qu’elle
fonctionne à vide, quelle n’a plus d’attache et de support
concret Rebatet, pour sa part, jugera qu’en pu¬
bliant Les Décombres en 1942, il participe autant au
relèvement de la France qu’une division blindée. Son
arme est la littérature et l’équipe de Je Suis Partout une
<•< des rares cellules saines et vigoureuses, et capables de
lutter contre le bacille L’ambition de Rebatet est
alors de prouver qu’il est à la fois un polémiste et un pur
^ • • 20
écrivain .

Le thème de la déchéance s’articule autour de trois


points : un constat, une analyse des causes et une
présentation des remèdes.
En 1889, Drumont publie La fin d’un monde dans
lequel il examine « cette société qui tombe en déliques¬
cence le « cadavre social qui repose sur « un lit
de pourpre et de fumier Sous l’influence des thèses
organicistes, la décadence est traduite en termes de
décomposition et de putréfaction. Drumont parle de
« la flore pestilentielle » du Palais Bourbon^’^, de « la
mare fétide >P qu’est la gauche. Dans L’agonie du
régime^^, Daudet décrit la démocratie comme « un sol
vaseux où champignonnent le mal et le pire les
assemblées étant des « poulpes recouverts de mouches
suspectes qui les sucent et s’en engraissent Pour
Rebatet, « la France est couverte de ruines, ruines de
choses, ruines de dogmes, ruines des institutions Il
présente son livre comme <=f la chronique d’un long
glissement, des écroulements successifs qui ont accumulé

69
s

ces énormes tas de décombres Drieu la Rochelle


confie qu’il s’est trouvé << comme tous les écrivains
contemporains devant un fait écrasant : la déca¬
dence Quant à Bernanos, il constate que « le
monde est obsédé par l’idée de suicide » et « qu’il
accumule en hâte tous les moyens nécessaires à cette
gigantesque entreprise Ces propos sont repris par la
presse nationaliste puis par les leaders des ligues, tel La
Rocque pour qui « la déchéance génératrice de nos
épreuves s’est manifestée dans le jeu des institutions,
dans l’activité des hommes, dans l’expression même du
sentiment national
Au constat succède la recherche des coupables et
l’identification des influences clandestines et nuisibles.
Les coupables sont, comme Maurras les appellera, les
« quatre Etats confédérés », dont la domination repose
sur le règne de l’argent et la diffusion de principes
criminels ; les Juifs, les Francs-Maçons, les protestants
et les « métèques ». Pour l’extrême-droite, la crise a
pour origine première la décadence spirituelle : tout
vient de la corruption des valeurs et l’ennemi le plus
inquiétant n’est pas aux frontières mais à l’intérieur
même de la nation. L’état maladif de la France étant du
domaine du mental — « le déséquilibre est né de l’esprit
et menace l’esprit »^'^ — c’est donc une réforme
spirituelle qu’il faut accomplir.
Les objectifs prioritaires sont de lutter contre le
subjectivisme, le libéralisme, l’individualisme, de res¬
taurer 1 âme de la France, de rétablir l’homme dans sa
dignité et de réaffirmer le primat des communautés
naturelles. L’espoir est, comme l’écrit Maulnier, dans
«un redressement intellectuel dans l’avènement
d’un nouvel humanisme.

Tenue pour principale reponsable, à la Libération,

70
de la démoralisation des Français, l’extrême-droite a
toujours refusé d’admettre que son exploitation du
thème de la décadence avait pu être à l’origine des
excès commis sous Vichy. Elle n’a jamais voulu prendre
conscience que sa prétendue croisade pour la réhabili¬
tation de l’individu face au modernisme n’avait conduit
en définitive qu’à la négation totale de la liberté
individuelle et à l’assujettissement. Ni que ses aspira¬
tions conservatrices ne soient traduites par rien d’autre
qu’un autoritarisme pur et simple. L’interprétation
donnée par l’extrême-droite aux événements qui ont
suivi la chute du Maréchal est instructive puisque,
encore aujourd’hui, certains sont convaincus que
l’épuration a frappé des innocents et épargné les vrais
coupables. Selon J.-M. Le Pen, ce sont les communistes
qui ont orchestré la répression anti-vichyssoise, élimi¬
nant leurs adversaires afin de « mener impunément leur
action de désintégration de l’âme, du corps et de la
politique française Néanmoins, poursuit-il, bien
que « dépouillée, insultée, assassinée , l’extrême-
droite « continua de vivre dans les esprits et les cœurs
d’une minorité ardente et généreuse » .
De plus, l’extrême-droite récuse toutes les accusa¬
tions puisque d’une part la défaite de 1940 était inscrite
dans le destin d’une France offrant « le visage hideux de
la décadence », comme l’écrit le colonel Argoud en
1974^“^, et d’autre part, elle s’estime victime depuis la
guerre d’une vaste campagne d’intoxication. Enfin, la
décadence est toujours présente dans le discours
d’extrême-droite et selon J.-M. Le Pen, « l’Occident
doute de lui-même et s’abandonne aux délices mortels de
la décadence
Le journal Présent n’hésite pas à parler de « génocide
spirituel par la démocratisation de l’immoralité, de
génocide intellectuel par la démocratisation du men-

71
s

songe, et même de génocide physique par la législation


de l’avortement Quant à Alain de Benoist, il
explique ce déclin par la diffusion de l’individualisme,
« destructeur de sens en ce qu’il favorise le foisonnement
anarchique des subjectivités au détriment des valeurs
vécues collectivement .

Le complot

Dans sa volonté d’expliquer les mutations de la


société et de résoudre les problèmes posés par le
changement politique et économique, l’extrême-droite
s’illustre par la propension à personnifier et à dramati¬
ser les antagonismes, à désigner des ennemis par le
biais de pseudo-révélations et d’appels à la chasse aux
sorcières. La théorie du complot, en simplifiant
1 espace politique, permet l’économie d’un examen
attentif des réalités. Comme l’indique Raoul Girardet,
« l’inconnu infiniment redoutable des questions sans
réponse cède devant un système organisé d’évidences
nouvelles Le recours à <■< la causalité diabolique
dispense de réfléchir sur les causes profondes de la
crise, et par le jeu cumulé des distorsions et des
interprétations fantasmagoriques, donne naissance à
des mythes, images déformées du réel mais dotées d’un
important pouvoir mobilisateur. La dénonciation de
puissances occultes alimente alors « une guerre idéolo¬
gique » jusqu’à ce que « les apprentis-sorciers du verbe-
simulacre » ne deviennent les acteurs « d’une guerre
civile réelle
Instrument de propagande sur le plan politique,
1 idée de complot s’adresse aux instincts les plus
primitifs du corps social. Sans prétendre fournir ici une
analyse psychologique d’un tel phénomène’^^, on peut

72
souligner cependant que la théorie de la conspiration se
nourrit de croyances archaïques. Par ailleurs, le
complot, particulièrement apte à servir d’exutoire,
n’est jamais une démarche gratuite, sa fonction étant
« d’expliciter les forces obscures affectives de polari¬
ser les sentiments de haine et de rejet.
L’histoire a connu une infinité de complots, depuis
les accusations de sorcellerie jusqu’aux prétendues
machinations de la Trilatérale. Les Loges furent l’objet
d’hostilités dès le début du dix-huitième siècle, en
particulier dans les années 1720. L’impression de
mystère qui entourait les réunions de l’Ordre inspira
plusieurs auteurs"*^ mettant en doute la respectabilité
des membres. Quant au complot juif, Jules Isaac date la
rupture définitive entre le judaïsme et le christianisme
au 1er siècle, lors de la rédaction du IV" Evangile (selon
Saint-Jean) qui déclare : « Vous, fulmine Jésus, le
diable est votre père Outre l’accusation de peuple
déicide, les Juifs seront soupçonnés de pratiquer des
meurtres rituels, d’être les proies du démon accablées
de tous les vices. L’anti-judaïsme chrétien se muant en
antisémitisme populaire, le caractère démonologique
de ce fanatisme anti-juif est renforcé par de nouvelles
accusations. Les Juifs sont dépeints comme des bar¬
bares, mais aussi comme les inspirateurs du monde
moderne. Aux préjugés religieux viennent se greffer
des éléments d’ordre économique puis racial. En
définitive, le complot juif apparaît comme un agrégat
de diffamations non seulement absurdes mais contra¬
dictoires, fondées sur une totale ignorance. Barruel
écrira par exemple que Voltaire <■< est philosophe
comme la synagogue des Juifs et comme toute leur vile
populace puisqu’il crie avec elle sur le Christ alors
que la phobie antijuive de Voltaire est manifeste. Dans
le Dictionnaire philosophique, à l’article « Juif », on

73
\

peut lire la définition suivante : « Un peuple barbare et


ignorant, qui joint depuis longtemps la plus sordide
avarice à la plus détestable superstition De même,
l’idée selon laquelle il existerait une collusion entre le
judaïsme et le marxisme néglige totalement l’antisémi¬
tisme des socialistes utopistes, tel Fourier (dont
Toussenel, auteur en 1844 des/m/5 rois de l’époque, est
un disciple), de Karl Marx lui-même et de plusieurs
dirigeants soviétiques depuis 1917^^.
Ces incohérences n’ont pas empêché l’extrême-droite
de se saisir de cette causalité diabolique, et nous
évoquerons successivement la conspiration maçonni¬
que, le complot juif, le mythe des 200 familles, puis le
cas de l’Internationale communiste.

La conspiration maçonnique

Lors des événements révolutionnaires de 1789, la


méfiance à l’égard de la Franc-Maçonnerie ressurgit.
L’ampleur des bouleversements accrédite la thèse du
complot, thèse dont l’impact est amplifié par la
propagande des immigrés. La révolution « a produit des
faits d’une portée universelle, et par lesquels des
explications tout à fait extraordinaires paraissaient
appropriées Les abbés Barruel et Lefranc, Cadet-
Gassicour, Ferrand...dénoncèrent alors le rôle des
Loges dans la préparation d’une conspiration visant à
ruiner la stabilité du pays et à renverser le trône. Cette
thèse n’était fondée sur aucune preuve tangible^^ et la
démonstration de Barruel abonde en erreurs^^. A tel
point que Maistre, Rivarol et l’abbé Fiard mirent en
doute la validité des hypothèses de Barruel. Néan¬
moins, ces critiques n’entamèrent pas le succès des
Mémoires, auxquels la Revue internationale des sociétés

74
secrètes, fondée en 1912, fera plusieurs fois référence.
Identifié au jacobinisme, l’idéal maçonnique apparaît
comme l’incarnation diabolique d’une force hostile au
dogme chrétien. Par ailleurs, certaines accusations
reposent, il faut le reconnaître, sur des affabulations —
tel le « mythe des origines — dont les auteurs sont
membres de l’Ordre.
A la fin du second Empire, la Franc-Maçonnerie ne
regroupe qu’une infime minorité de la population
française, mais son évolution — en particulier la
distanciation des liens avec l’Eglise — la conduit à
devenir un foyer d’opposition libérale^^. Le rôle joué
par les Francs-Maçons dans l’avènement de la Troi¬
sième République, puis l’identité entre le programme
de l’Ordre et le républicanisme, permettent aux
adversaires du régime de multiplier les attaques et
d’exploiter à nouveau la thèse du complot, comme en
1905, lors de l’affaire des fiches. Selon Drumont, la
Franc-Maçonnerie, « gouvernée par des maîtres invisi¬
bles est subordonnée aux intérêts allemands.
Associés aux Juifs, les Francs-Maçons participent à la
faillite de la France, tel Ferry provoquant « une
effroyable guerre religieuse Maurras, quant à lui,
associe dans une même réprobation « les quatre Etats
confédérés » : « Quand on passe en revue les rois de la
République » écrit-il, « on s’aperçoit que ce sont tous
des Juifs, des protestants, des métèques ou des francs-
maçons >f’^. Tous doivent donc être neutralisés, afin
d’enrayer <•< la peste démocratique ». Diverses organisa¬
tions sont fondées à cette époque, dont l’objectif
essentiel est de prouver la malveillance de « l’hydre
franc-maçonne » : Comité d’études des questions ma¬
çonniques (1924), Ligue Franc-catholique — publiant
la Revue internationale des sociétés secrètes — Ligue
nationale antimaçonnique du Comte Arnaud de Puysé-

75
gur, Union antimaçonnique du docteur Cousin, Centre
de documentation et de propagande de Henry-Robert
Petit^^... La presse nationaliste se fait l’écho de cette
propagande. L’Action française, la nouvelle Libre
Parole, les Cahiers de l’ordre, Gringoire, Je suis
partout, La France enchaînée... alimentent la fantasma¬
gorie conspiratrice, de même que plusieurs ouvrages
comme La Maffia judéo-maçonnique de Lucien Pem-
jean, ou les pamphlets de Jacques Ploncard dans des
numéros spéciaux de La Lutte.
Durant l’entre-deux guerres, la phobie du complot
franc-maçon atteint son paroxysme. En décembre 1935,
Xavier Vallat, Philippe Henriot, René Dommange et
Jean Le Cour-Grand Maison (le président de la
Fédération nationale catholique) proposèrent même un
amendement visant à contrer la prétendue puissance
occulte des Loges. Malgré le soutien favorable de
Horace de Carbuccia, de Pierre Taittinger, du docteur
Cousin et de Ybarnégaray, cette action fut un échec.
A partir de 1940, l’hostilité verbale se mue en
véritable répression antimaçonnique. Dès le 14 juin
1940, les locaux des obédiences maçonniques sont
perquisitionnés. Les Allemands prennent possession
des locaux du Grand Orient, rue Cadet, qui deviennent
le siège du Sicher Heitsdienst (le service du contre-
espionnage), dirigé pour les questions maçonniques par
le lieutenant Moritz. De 1940 à 1944, toute une série de
mesures sont prises à l’encontre des francs-maçons^’^.
Le 12 juillet 1940 paraît le premier numéro de Au
Pilori, hebdomadaire de combat contre la judéo-
maçonnerie. Julien Cain, administrateur de la Bi¬
bliothèque Nationale, se voit retirer la nationalité
française et est remplacé par Bernard Faÿ à l’antima-
çonnisme obsessionnel. En accord avec le SD, ce
dernier centralise les archives maçonniques, avec l’aide

76
de William Gueydan de Roussel. Deux décrets (13 août
1940, 11 août 1941) interdisent les sociétés secrètes et
une exposition est même organisée, fin 1940, au Petit
Palais : « La Franc-Maçonnerie dévoilée ». La zone sud
n’est pas épargnée, le service des sociétés secrètes y
organisant la répression, sous la direction de Robert
Labat puis du colonel d’aviation Jean de Verchère.
En quatre ans, un formidable réseau d’espionnage
est mis en place. Les rapports consacrés à la conspira¬
tion franc-maçonne se multiplient et toute une presse se
spécialise sur ce sujet — par exemple le Bulletin
d’information antimaçonnique, publié par le « Centre
d’Action et de Documentation » (dirigé par Henri
Coston), les Documents maçonniques, agréés par
Pétain et dont le premier numéro paraît le 15 octobre
1941. Dirigé par Bernard Faÿ, le mensuel est qualifié de
<< Véritable journal officiel de l’action antimaçonni¬
que ». Bernard Faÿ écrit, en 1943, à propos de la Franc-
Maçonnerie : « Société secrète, elle fuit la lutte en plein
jour, à visage découvert, homme contre homme. Elle
préfère la pénombre des corridors ministériels... »^^. A
ces deux revues, il faut ajouter les autres journaux
nationalistes et la presse financée par Otto Abetz
(Paris-Toujours, Les Nouveaux temps, La France au
travail et L’Illustration).
A la Libération, la Franc-Maçonnerie a perdu les
trois quarts de ses effectifs et devra attendre de
nombreuses années pour se reconstituer. De nouvelles
Loges sont créées, telle la Grande Loge féminine de
France, en 1945, ou la Grande Loge nationale française
— Opéra en 1958^^. Evoluant au fil des années et
diversifiant ses affinités politiques, la Franc-Maconne-
rie présente aujourd'hui un nouveau visage. Sous le
septennat de Valéry Giscard d’Estaing, elle a retrouvé
une certaine audience au Parlement. Depuis 1981, les

77
\

Francs-Maçons sont nombreux dans l’entourage du


Président, au gouvernement et dans divers secteurs de
la fonction publique. Devant ce renouveau des Loges,
l’extrême-droite réitère ses attaques et dans ce combat,
H. Coston s’illustre tout particulièrement. Dès 1928, il
fonde une revue, La Contre-révolution, attaquant les
Juifs, les francs-maçons, les communistes et toutes les
sociétés secrètes. Journaliste, il collabore à plusieurs
revues [Cahiers de l’Ordre de l’abbé Duperron, La
Lutte de Jacques Ploncard). En 1933, il crée le « Front
national ouvrier paysan » — avec la collaboration de
J. Ploncard, du docteur Molle, d’Albert Moniot et de
Jean Drault — dont la doctrine est proche du national-
socialisme allemand. En 1941, il fonde le « Centre
d’Action et de Documentation » (CAD) puis le Bulletin
d’information anti-maçonnique. Après la guerre, il
poursuit ses activités, publiant en 1956, sous le
pseudonyme de Gygès, Les Israélites dans la société
française^'^. Plusieurs de ses livres ont pour thème la
Franc-Maçonnerie, la haute finance ou les Juifs^®. Il
dirige par ailleurs la Librairie Française qui a édité les
ouvrages de Saint Pastour (sur la Franc-Maçonnerie au
Parlement)^^ et qui diffuse le mensuel Les Lectures
Françaises dont certains numéros spéciaux sont consa-
fcrés à la défense du maréchal Pétain et à la condamna¬
tion du régime gaulliste^°. Selon Coston, les Francs-
Maçons ont retrouvé toute leur puissance et alliés à « la
finance anonyme et vagabonde », ils manœuvrent pour
s emparer du pouvoir. De plus, pour Coston, les Loges
ont trouvé de nouveaux partenaires tels que la Loge P2,
« sûrement reconstituée depuis sa dissolution » et sur¬
tout la Trilatérale. Henri Coston écrit : « L’étude
approfondie des méthodes et des pratiques des oligar¬
chies et des forces obscures conduit à une analyse plus
inquiétante. » Il poursuit ; « c’est une nouvelle preuve

78
de la décomposition avancée de notre société La
Trilatérale est ainsi « une nouvelle Synarchie internatio¬
nale », « une puissante et mystérieuse société Enfin,
sa revue Les Lectures Françaises se présentent elles-
mêmes comme un moyen « pour échapper à l’intoxica¬
tion de la grande presse conformiste, pour savoir ce
qu’elle vous cache, pour apprendre qui dirige, inspire ou
contrôle la politique ». Saint Pastour, pour sa part,
dénote que la propagande anti-maçonnique s’est grave¬
ment affaiblie depuis 1945. L’explication est, selon lui,
que « les épurateurs n’y sont pas allés avec le dos de la
cuiller (...) La plupart des écrivains et des journalistes
qui s’étaient spécialisés en quelque sorte dans la lutte
contre le Grand Orient et ses amis ont été frappés de
lourdes peines Cette « hécatombe d’anti-maçons »
est d’autant plus regrettable que la Franc-Maçonnerie a
retrouvé ses forces et pour démontrer cette renais¬
sance, Saint Pastour publie un répertoire de près de
1 000 politiciens.
Pour une grande partie de l’extrême-droite, les
sociétés secrètes, les Loges en particulier, sont donc
toujours actives dans la société et y jouent un rôle
considérable, sous la protection des élites gouver¬
nantes. Selon Jacques Ploncard d’Assac, on voit depuis
1945, <•< se coudoyer le communisme, l’affairisme, les
puissances occultes et la ploutocratie »^. Certains
persistent à présenter l’histoire comme une série de
coups de force des sociétés secrètes. Jacques Ploncard
d’Assac relève que l’on ne saurait expliquer l’entrée en
guerre des Etats-Unis sans prendre en compte que
. Roosevelt fut, par le biais du Council on Foreign
Relations, manœuvré par les Juifs et les Francs-Maçons.
Pour Jacques Bordiot, les vrais responsables de la
Seconde Guerre mondiale sont « la haute finance
internationale, les idéologues, la Démocratie représentée

79
notamment par les francs-maçons, les dirigeants juifs du
monde entier et surtout des Etats-Unis, les tenants du
communisme .

Le complot juif

Pour important qu’il soit, le complot maçonnique


n’est cependant en rien comparable au complot juif, qui
a donné lieu à des productions littéraires et journalisti¬
ques nombreuses. Les présupposés raciaux donnent
aux accusations anti-juives une intensité particulière et
peu importe qu’aucune preuve ne vienne étayer
l’hypothèse d’une conspiration car, selon certains, il est
dans la nature même des Juifs de trahir. Chez
Drumont, cette conviction est explicite : <■< le Sémite est
mercantile, cupide, intrigant, subtil, rusé ». A l’inverse,
«l’Aryen est enthousiaste, héroïque, chevaleresque,
désintéressé, franc, confiant jusqu’à la naïveté »'^^.
L’histoire de France se résume alors à celle de la
conquête juive, et ce depuis la Révolution française
puisque « le seul auquel la Révolution ait profité est le
Juif Tout vient du Juif tout revient au Juif »'^'^. Dans
son ouvrage Le secret de Lourmies (1892), il attribue la
responsabilité de la fusillade aux Juifs, de même que
ces derniers sont responsables de la décadence fran¬
çaise. Marat est ainsi « le symbole de la névrose juive »
et Gambetta « un Empereur juif Presque chaque
année, Drumont va réitérer ses attaques obsessionnel¬
les^^ et son argumentation est plus que virulente. Il écrit
par exemple que « la race est ainsi ; destinée à finir dans
toutes les épilepsies, dans tous les arthritismes, dans
toutes les démonies « Les Juifs sont sujets à toutes
les maladies qu’indique la corruption du sang Le
<■< règne des Juifs » est « une puissance bizarre (...) qui

80
est effrayante et qui, au fond, ne repose sur aucune base,
n’a point de corps, n’a d’existence apparente, comme les
fantômes, que grâce à une certaine atmosphère d’idées
troubles et fausses Pour Drumont, les Juifs se sont
associés avec les Loges « pour reconstruire le Temple de
Salomon », par le biais d’intrigues, « de dénonciations
contre d’honnêtes chrétiens, de démarches pour priver
un brave homme de sa place, d’enlèvements d’en¬
fants Il poursuit ; «• ce qu’on adore dans le ghetto, ce
n’est pas le dieu de Moïse, c’est l’affreux Moloch
phénicien auquel il faut des victimes humaines, des
enfants et des vierges
Urbain Gohier partage cette même phobie pathologi¬
que. Ancien dreyfusard, il changea de camp pour
collaborer à La Libre Parole et prendra la succession de
Drumont après la mort de celui-ci en 1917. Comme
Drumont, Gohier diffusera une version française des
Protocoles des Sages de Sion^^. Dans La Terreur Juive,
il écrit que « quoique dispersés sur la surface de la terre,
les douze millions de Juifs composent la seule nation
homogène et la plus résolument nationaliste. Leur
dispersion n’empêche pas, dans le monde moderne, une
étroite communauté d’intérêts, une extraordinaire disci¬
pline pour la conquête de la domination universelle
Il apparaît clairement que la thèse du complot
synthétise différentes formes d’antisémitisme. Dru¬
mont fait ainsi référence à l’antijudaïsme chrétien
quand il affirme que les Juifs (et les protestants) ont
déclaré « la guerre à Dieu se complaisant « dans le
reniement de la croix, dans ce crachat jeté à la face du
divin Maître Il ajoute que « la vérité est que la
société, sortie en 1789 des Loges maçonniques et des
complots de la Kabale juive, est née à l’état de péché
mortel L’antisémitisme de Drumont est aussi de
caractère démonologique puisqu’il ressuscite de vieilles

81
\

croyances à propos des meurtres rituels. Il souscrit


également à l’antisémitisme « économique », en identi¬
fiant Juifs et haute finance, et aux thèses racistes.
Sous la Troisième République, le complot juif
connaît ainsi son apogée. Une multitude d’études sont
publiées — comme La Conspiration juive dans le
monde chrétien de Copin-Albancelli, Quand Israël est
roi des frères Tharaud, Les Victoires d’Israël de Roger
Lambelin^° — et la presse nationaliste consacre des
pages entières aux diatribes anti-juives. Les organes
spécialisés sont notamment L’Antisémitique, fondé en
1883 (il devient l’année suivante le Péril Social),
L’Antiyoutre de Gallian (futur syndicaliste jaune),
L’Antijuif de Guérin, La France enchaînée de Louis
Darquier de Pellepoix. « La Ligue antisémitique »
présidée par Drumont disparaît en 1892 au profit du
groupe de Morès et de ses amis, puis renaît avec Guérin
en pleine affaire Dreyfus, tandis que Jean Boissel
formera en 1936 la « Ligue anti-juive universelle »,
patronnée par la veuve de Drumont.
L’extrême-droite orchestre cette campagne, l’antisé¬
mitisme étant à peu près le seul facteur d’unité entre les
mouvements. Une des fonctions politiques du complot
juif est alors de fédérer l’extrême-droite, puis de
justifier les attaques contre le personnel gouvernemen-
taP^ De plus, le thème de la conspiration permet
d’attribuer aux Juifs tous les malheurs de la France, des
crises politiques aux problèmes économiques et so¬
ciaux. Selon Maurras, « ce messianisme de Juifs
charnels, porté au paroxysme par sa démence égalitaire
et qui prescrit de véritables sacrifices humains, a tout osé
pour imposer une foi absurde et quand vient l’heure du
désespoir inéluctable, l’énergumène juif casse tout
Léon Daudet, quant à lui, démontre la collusion entre
les Juifs français et l’Allemagne. Dans L’Avant-guerre

82
(sous-titre : Etudes et documents sur l’espionnage juif-
allemand en France depuis l’Affaire Dreyfus), il dé¬
nonce « l’envahissement de l’espion juif-allemand >>^^, et
les auxiliaires « de l’avant-guerre » tel Jacques Grum-
blach, sous-directeur au Ministère de l’Intérieur.
Pour l’extrême-droite, les Juifs ont provoqué les
deux guerres mondiales. Quand Rebatet prétend
établir les causes de la conflagration, il écrit : « Les
Juifs étaient prêts à la guerre dans l’orbite de leur fidèle
sœur la Maçonnerie (...). Les communistes poussaient à
la roue avec ensemble, toujours d’un excellent secours
pour hâter n’importe quelle catastrophe
Dès 1940, les conséquences de cette propagande
antijuive se font sentir. L’occupation allemande et le
régime de Vichy donnent les moyens aux antisémites et
aux partisans du complot juif de concrétiser ce qui
n’était jusque-là qu’attaques verbales. La presse natio¬
naliste se déchaîne, approuvant les ordonnances succes¬
sives, bien qu’elle les juge parfois trop modérées. En
mars 1941 est créé un « Commissariat aux questions
juives », dirigé par Xavier Vallat puis, à partir de mars
1942, par Louis Darquier de Pellepoix^^. La thèse du
complot est reprise par Le Cahier jaune de Henri
Coston et du professeur Montandon, Je suis Partout, Le
Pilori de Jean Lestandi auquel collaborent Lucien
Pemjean et Urbain Gohier, L’Appel de Costantini, Le
Matin, Gringoire...
Certains représentants de l’extrême-droite adhèrent
à l’antisémitisme racial diffusé par l’Allemagne nazie.
Rebatet, par exemple, bien qu’il reconnaisse que le
racisme de Günther et de Rosenberg conduit parfois à
des excès, affirme cependant que « la raciologie permet
un classement très plausible des hommes en espèces
zoologiques » et qu’il ne s’agit là que « d’une défense
fort naturelle du sang blanc Il réclame le « désenjui-

83
vement de la France » et un renforcement de la
législation antisémitique. En juin 1941, il écrit : « Il
n’est pas, aujourd’hui, un seulJuif, quelles que soient ses
origines, qui ne se conduise en agent soumis ou arrogant
du bolchevisme (...) Il n’agit souterrainement que pour
une seule nationalité, la juive, et mène en son sein la
conspiration permanente contre les nations chré¬
tiennes Costantini, pour sa part, demande au
gouvernement de trouver un homme capable de
débarrasser le pays de « la vermine juive », alors que
Jean Méricourt, dans Le Pilori, conclut : « Nous
attendons les premières sanctions, la première charrette,
les premières têtes
Malgré les conséquences dramatiques de cette propa¬
gande, dans laquelle l’extrême-droite a joué un rôle
considérable, le thème du complot juif subsiste encore
aujourd’hui. Henri Coston persiste ainsi à croire que la
France est dirigée par l’Internationale juive. « Pour
avoir une idée de l’importance des Israélites dans la
capitale française », écrit-il, « il suffit d’ouvrir un
annuaire téléphonique à la lettre L, de chercher Levi ou
Levy Depuis la guerre, Henri Coston a quelque
peu atténué la violence de ses propos — alors qu’en
1944, la rédaction du Cahier Jaune avait fait paraître
une brochure intitulée « Je vous hais » — mais continue
d’attribuer aux Juifs une puissance maléfique, d’autant
que l’horreur des camps a facilité « le reclassement des
Juifs et que « l’élimination des pétainistes (...)
permit donc aux Israélites de reprendre la place qu’ils
occupaient Selon Coston, les Juifs ne sont pas
étrangers à la diffusion d’un courant pro-FLN lors de la
guerre d’Algérie, et ce sont eux encore qui ont permis
au Général de Gaulle « de se poser en sauveur
avant de tomber sous les coups du même lobby juif qui
l’avait porté au pouvoir.

84
Dans le même ordre d’idées, Jacques Bordiot avance
que la haute finance juive a subventionné la révolution
bolchevique, ainsi que l’accession d’Hitler au pou-
voir^'^'^. Dans ce numéro des Lectures françaises de mai
1975, H. Coston déclare : «• On sait aujourd’hui qui a le
plus profité de la plus effroyable hécatombe que
l’histoire ait connue à savoir « les trusts apatrides ».
Enfin, pour René d’Argile, c’est un Juif, Polonais de
surcroît, qui en assassinant von Rath, provoqua la
guerre, inaugurant « la lutte mortelle entre la puissance
juive mondiale et la puissance hitlérienne
Henri Coston et son entourage ne sont pas les seuls à
perpétuer l’idée du complot juif. On trouve en effet
dans les publications proches du courant intégriste, des
accusations analogues. Présent reprend ainsi les atta¬
ques de H. Coston contre Marcel Bleustein-Blanchet
(Publicis), maître Badinter^®^, Dassault, Trigano...
pour qualifier Paris de <-< capitale du monde juif De
même, Xavier Vallat affirme dans ses Mémoires n’avoir
jamais été un « antisémite professionnel : « Suis-je
anti-juif? (...) Si cela signifie redouter l’emprise juive
sur mon pays, alors oui, je confesse que je suis anti¬
juif »^^^, et à l’appui de cette confession, il évalue la
présence des Juifs dans la médecine, le barreau, les
média, l’Assemblée...

Les « 200 familles »

Si l’on ne devait trouver qu’un seul thème commun à


l’extrême-droite et à la gauche, c’est à l’évidence celui
des « 200 familles » qui s’imposerait. En effet, il existe
dès le dix-neuvième siècle des liens certains entre le
socialisme pré-marxiste et le traditionalisme. Comme le
rappelle Jean Touchard, « nombreux sont les hommes

85
qui ont été successivement, presque simultanément,
saint-simoniens, fourièristes, catholiques sociaux, lec¬
teurs de Saint-Martin, de Joseph de Maistre et de Saint-
Simon, de Lamennais et de Fourier Un des thèmes
communs est l’opposition au libéralisme, et par consé¬
quent à ce qui est considéré comme sa manifestation :
le gros capital, dominant les « petits », le peuple
exploité. De plus, tant pour l’extrême-droite que pour
la gauche, le capitalisme est associé aux Juifs. Fourier
poursuit de sa vindicte les féodalités mercantiles » et
le « règne de l’étranger ». Blanqui, pour sa part, pense
que les Juifs sont l’incarnation de l’usure et de la
rapacité. Cet antisémitisme socialiste renforce l’antisé¬
mitisme traditionnel de la gauche, du moins jusqu’à
l’affaire Dreyfus. Depuis, la gauche dénonce toujours
la domination des « 200 familles » mais sans y inclure
de dimension anti-juive. A l’inverse, pour l’extrême-
droite, la collusion ne fait pas de doute. Selon
Drumont, ce sont les Juifs qui ont introduit cette toute-
puissance de l’argent. Dès lors, « la vieille France s’est
dissoute, décomposée (...) A ce peuple désintéressé,
heureux, aimant, s’est substitué un peuple haineux,
affamé d’or, et bientôt mourant de faim Pour
Maurras, les Juifs sont les démiurges de la démocratie.
Or, « l’argent est le géniteur et le père de tout pouvoir
démocratique, de tout pouvoir élu »^^^. De plus, «■ le
combat des riches et des pauvres est un épisode final des
régimes démocratiques
Pour élaborer son mythe des « 200 familles »,
l’extrême-droite puise son inspiration dans divers
ouvrages, tel L’agiotage sous la Troisième République
du socialiste Augustin Chirac que célèbre Drumont
dans La fin d’un monde. Drumont montre comment la
bourgeoisie a exploité le peuple au lendemain de la
révolution, avant d’être elle-même dépouillée par les

86
Juifs. Citons également les œuvres de Toussenel, Les
juifs rois de l’époque — histoire de la féodalité
financière^^^ et celle d’Augustin Hamon, Les maîtres de
la France^^^. De nos jours, Henry Coston perpétue la
tradition avec Le retour des 200 familles^^^, Les 200
familles au pouvoir^^^, La fortune anonyme et vaga-
bonde^^^. Selon H. Coston, « la collusion entre le Gros
Argent et la démagogie est aujourd’hui trop évidente
pour qu’elle puisse être niée sérieusement Cette
féodalité protéiforme subventionnant à la fois la gauche
et la droite, « le système restant en place, on verrait bien
vite d’autres hommes d’affaires ou d’autres fidéicommis¬
saires de la “Finance anonyme et vagabonde” s’emparer
des sièges abandonnés par leurs actuels occupants
Coston dénonce alors le renforcement de « l’hégémonie
du Gros Argent durant le septennat de Valéry
Giscard d’Estaing, puis accuse François Mitterrand de
livrer « ce qui reste de nos richesses aux oligarchies
cosmopolites établies chez nous (...) et qui sont
acoquinées aux pires agents de la Révolution
marxiste Il conclut ; L’omnipotence de la féoda¬
lité financière résulte de la faiblesse de l’Etat
Que reflète cet acharnement à accabler les préten¬
dues « 200 familles » ? Selon Jean-Pierre Rioux, ce
thème participe à l’évidence « de ce populisme multi¬
forme qui entend depuis le XIX" siècle protéger les
“petits” contre les “gros”.et qui oppose la robuste santé
morale de la masse à la perversité des élites de l’argent et
des honneurs . L’exploitation de ce mythe par
l’extrême-droite s’inscrit dans la distinction qu’elle
établit d’une part entre pays réel et pays légal — ce
dernier étant corrompu — et d’autre part entre la
ploutocratie et le peuple, symbole des vertus du travail,
de l’effort et de l’honnêteté.
Cet anticapitalisme moralisateur est exprimé par

87
Drumont qui reconnaît «• le caractère élevé du mouve¬
ment socialiste naissant Il écrit : « L’anarchisme
français est un cri âpre et violent de protestation contre le
régime actuel fondé sur la glorification du vol habile, du
vol bien né, du vol ganté De ce fait, « l’anarchisme
est le vrai successeur de Rothschild propos qui
peuvent surprendre de la part d’un homme qui ne fut ni
socialiste ni anarchiste. Mais l’attitude de Drumont est
analogue à celle de Barrés dans le programme de
Nancy, et à celle de Maurras pour qui la solution aux
problèmes sociaux réside dans « l’incorporation du
prolétariat à la société par l’opération des forces
politiques et morales autres que le Capital Le mythe
des « 200 familles » joue ainsi un rôle important dans la
présentation, par l’extrême-droite, de son volet écono¬
mique et social. Comme dans le cas des autres
conspirations, la dénonciation de la « féodalité finan¬
cière » lui permet de fournir une interprétation simple
— voire simpliste — aux maux dont souffre la classe
ouvrière et paysanne, et de cristalliser les rancœurs sur
une poignée d’individus, supposés, de plus, poursuivre
des desseins antinationaux. La dimension démagogique
évidente de ce mythe explique sa permanence dans le
discours d’extrême-droite. On peut lire, par exemple,
dans le Manifeste des Croix de feu de 1936 : « Le
libéralisme (...) meut, entraîne, protège le pillage de
l’épargne, et place trop souvent entre les mains de
potentats inconnus ou trop connus, toujours irresponsa¬
bles, les grandes agences, la presse, les comités politi¬
ques, les rouages mêmes de l’Etat. On publie les noms
des “deux cents familles’’ ; on oublie les centaines de
noms des accapareurs, dilapideurs d’économies pénible¬
ment amassées par tant de citoyens sans information,
sans défense En période de crise économique,
1 offensive contre les « trusts de la haute finance » est

88
plus virulente, et c’est sur fond de déflation de
l’appareil commercial français que Poujade exploitera à
nouveau ce thème.
L’attachement de l’extrême-droite au mythe des
« 200 familles » se manifeste enfin par l’exploitation
systématique des scandales financiers qui ponctuent les
Républiques successives. C’est ainsi qu’en 1892, La
Libre Parole de Drumont, La Cocarde et d’autres
publications dénoncèrent les compromissions de dé¬
putés dans le scandale de Panama. L’extrême-droite
orchestre alors une véritable campagne de presse sur le
thème de la corruption des parlementaires, ce qui
provoqua notamment la démission du gouvernement
Ribot en mars 1893. Dans les années 1930, alors que les
effets de la crise commencent à se faire sentir en
France, plusieurs scandales contribuent au développe¬
ment de l’anti-parlementarisme, et font le bonheur de
l’extrême-droite. L’arrestation de Louis Klotz, ancien
ministre des Finances, pour émission de chèques sans
provision, puis l’affaire de La Gazette du franc, dirigée
par Marthe Hanau, et enfin le scandale Oustric,
éclaboussent ainsi la classe politique et permettent à
l’extrême-droite d’exploiter le mécontentement des
Français. Elle s’aperçoit d’ailleurs rapidement des
bénéfices qu’elle peut retirer de ces scandales et surtout
de l’affaire la plus célèbre ; l’affaire Stavisky. Dès le 28
décembre 1933, L’Action française consacre un article à
ce qui n’est encore que le scandale des bons de
Bayonne. Le 24 décembre, Tissier, directeur du Crédit
municipal de Bayonne a été arrêté, puis le 7 janvier
c’est au tour du député maire radical Joseph Garat
d’être inculpé. Très vite, il apparaît que plusieurs
députés, journalistes, magistrats sont mêlés à cette
affaire. Camille Chautemps, président du Conseil
depuis le 26 novembre 1933, est compromis, son beau-

89
\

frère, le Procureur de la République, étant soupçonné


d’avoir protégé « Monsieur Alexandre ». Albert Dali-
mier, ministre des Colonies, est accusé lui aussi pour un
motif analogue. Le 8 janvier, la presse annonce que
Alexandre Stavisky a été retrouvé mort dans un chalet
près de Chamonix. La thèse du suicide est mise en
doute et L’Action française parle même d’assassinat :
« Pour échapper à la révélation de ses hontes, le régime
acculé se résout à l’assassinat Gringoire, dirigé par
Horace de Carbuccia, qui n’est autre que le gendre du
Préfet de police Jean Chiappe, L’Intransigeant, Le
Figaro, Le Petit Parisien, L’Ami du Peuple, Le Temps
et diverses publications reproduisent cette hypothèse.
Pujo écrit d’autre part : « Au moment où le gouverne¬
ment et le Parlement de la République se déclarent
incapables d’équilibrer nos finances et, défendant la
gabegie sur laquelle est fondé leur règne, refusent aux
Français de diminuer les charges fiscales qui les écrasent,
un scandale éclate, montrant que la pauvre épargne
publique est livrée (...) aux rafles colossales d’un
métèque escroc Le 9 janvier, L’Action française
lance un appel à manifester au cri de « A bas les
voleurs, à bas les assassins ! » , appel qu’elle renouvelle
les 11, 12, 19, 20, 22, 23 et 27 janvier. Au même
moment, les Jeunesses patriotes publient un tract :
« Assez de scandales ! Assez de pourriture ! Contre les
spéculateurs de l’épargne publique, contre les ministres
et les députés vendus, contre un régime corrompu et en
faillite, les Jeunesses patriotes vous crient : à nous, pour
abattre un régime décadent
L’affaire Stavisky donne ainsi les moyens à
l’extrême-droite de dénoncer à nouveau un complot,
d’autant qu’elle décrit Stavisky comme « l’enfant du
ghetto de Kiev Xavier Vallat le décrira en ces
termes ; « Un petit juif fraîchement débarqué des

90
Carpates qui a recruté « sa bande de main (...) dans
tous les ghettos des Balkans Enfin, « pour opérer
sur le territoire de la France républicaine, laïque,
démocratique et sociale, Stavisky eut l’idée d’aller
chercher ses auxiliaires éventuels dans les Loges
Nous reviendrons sur les conséquences politiques de
l’affaire, transformée peu à peu en « machine de guerre
(...) dirigée contre le parti radical

Le complot communiste

L’anti-collectivisme et l’anti-communisme condui¬


sent l’extrême-droite à présenter le parti communiste
— dernier élément constitutif de la « cinquième
colonne » — comme le centre d’une vaste conspiration
visant à introduire l’égalitarisme, et à diviser la nation
par l’introduction du principe de la lutte des classes. De
plus, le caractère internationaliste du communisme
fournit à l’extrême-droite un excellent prétexte pour
suggérer que le PCF est à la solde de Moscou, et donc
qu’il est un des maillons par lesquels s’exerce le «• règne
de l’étranger ». Louis de Bonald, évoquant la Russie
tsariste, parlait déjà du « retour des Barbares ». Plus
tard, Henri Massis analysera la révolution bolchevique,
soulignant les affinités entre germanisme et slavisme,
les << sources où s’alimentent tout ce qui est en révolte
contre l’Occident de même que pour Maurras, le
pire ennemi de la France est le « marxisme judéo-
moscoutaire »^‘^^ dont l’objectif est de perpétuer la
guerre civile.
Au lendemain du 6 février 1934 — interprété par la
gauche comme une tentative de coup d’Etat fasciste —
socialistes et communistes se mobilisent. A son tour, la
formation d’un front antifasciste est perçue par

91
s

l’extrême-droite comme la manifestation d’un complot,


sentiment renforcé en juin 1934 puis en 1936 avec la
victoire électorale du Front populaire. A cette date, La
Rocque écrit que la gauche « a cherché des garanties
dans une affiliation à la puissance clandestine tentacu¬
laire, omnipotente des Loges maçonniques Il
affirme également que les dirigeants marxistes « parmi
lesquels les socialistes représentent l’hypocrisie, les
communistes, le cynisme prennent «■ leurs instruc¬
tions et leurs ressources dans l’institut de révolution
mondiale siégeant à Moscou, sous la protection du
gouvernement soviétique et portant le nom de Komin-
tern Les grèves de 1936 sont, pour l’extrême-
droite, le prélude d’une révolution conçue à Moscou et
exécutée par tous les traîtres que compte la France.
Quant à Blum, il devient le bouc émissaire de la presse
nationaliste, qualifié de traître, d’apatride, H. Béraud
le décrivant dans Gringoire comme n’ayant « d’autre
génie que sa haine, mais une haine puissante, une haine
de barbare ; et notre mauvaise étoile a voulu que cette
haine étrangère fut portée au pouvoir
Depuis 1945, les « Marx-média seraient à l’ori¬
gine du discrédit dont souffre l’extrême-droite, et
Maurice Bardèche est catégorique sur ce point quand il
évoque l’aspect « para-communiste de la pensée
française et le PCF, qui « juge et doit juger tous les
éléments en se demandant s’ils sont favorables ou
défavorables à l’union des républiques proléta¬
riennes . Parti de l’étranger^'^®, il a pu « réaliser la
seconde étape de toute prise de pouvoir, et à mon sens la
plus importante, l’installation aux commandes intermé¬
diaires . Cette stratégie de noyautage a pour
corollaire « l’établissement d’un dirigisme intellec¬
tuel qui se manifeste dans toutes les sphères de
l’activité sociale. Jean-Marie Le Pen rejoint Maurice

92
Bardèche quand il estime que le PCF jouit d’un « statut
particulier et au cri de <■< le cléricalisme marxiste,
voilà l’ennemi », le leader du Front national s’attaque
aussi aux juges rouges, « membres d’un syndicat
révolutioni^aire » qui ne « font pas mystère de vouloir
utiliser la puissance publique dont ils sont investis (...) ni
de renverser la société

Clio revisitée

Si le recours au complot permet de ne pas se soucier


de la vérité ou de la vérifiabilité des accusations, il est
essentiel que celles-ci soient rendues acceptables et
pour accréditer ses analyses, l’extrême-droite doit
travestir le présent, mais aussi réécrire l’histoire.
Raymond Aron écrivait, à propos des philosophies de
l’histoire de type marxiste : « L’idôlatrie de l’histoire se
donne le droit de substituer, de proche en proche, aux
faits bruts les significations liées à un système d’interpré¬
tation prétendument définitif Cette « ambition
prométhéenne est aussi le fait de l’extrême-droite.
Le révisionnisme, en donnant une signification a
posteriori des événements, facilite effectivement l’éla¬
boration de mythes politiques. Ce remodelage corres¬
pond, d’autre part, aux efforts entrepris par l’extrême-
droite depuis 1945, pour justifier ses actes passés et
échapper au discrédit. Enfin, une telle reconstruction
est nécessaire afin de résoudre les éventuelles contra¬
dictions entre les analyses de l’extrême-droite et la
réalité. Cette fonction apparaît clairement dans le cas
du complot juif, car il est difficile d’affirmer que les
Juifs furent les responsables de la Seconde Guerre

93
\

mondiale alors qu’ils furent l’une de ses principales


victimes. Pour l’extrême-droite, la solution à un tel
dilemme est simple : la solution finale est une fable, qui
plus est, inventée par les Juifs eux-mêmes^^^. Telle est
du moins l’opinion de Maurice Bardèche qui veille,
selon ses propres termes, à rétablir la vérité et à lutter
« contre l’hypocrisie intellectuelle du moment Il
écrit : « Nous vivons depuis deux ans dans une espèce de
mensonge total, dans un monde clos du mensonge .
De plus, « il faudrait tout de même avoir un peu de sens
historique, ou à défaut un peu de bon sens Dans
Nuremberg ou la terre promise, il dénonce « le verdict
des vainqueurs en précisant : « On eut la bonne
fortune de découvrir en janvier 1945 des camps de
concentration, dont personne n’avait entendu parler
jusqu’alors, et qui devinrent la preuve dont on avait
précisément besoin, le flagrant délit à l’état pur, le crime
contre l’humanité qui justifiait tout. On les photogra¬
phia, on les filma, on les publia, on les fit connaître par
une publicité gigantesque, comme une marque de
stylo Le motif de cette falsification ? La nécessité,
dit Bardèche, de prouver la barbarie de l’Allemagne et
de dédouaner ainsi les vainqueurs de leurs propres
crimes. « Etant tueurs, ils se sont promus gen¬
darmes Dès lors, or pour impressionner les imagina¬
tions, on a transformé un certain nombre de camps en
musées (...) mais comme il se trouvait souvent que les
lieux ne se prêtaient pas à une telle reconstruction, on a
fait marcher la truelle et on a bâti, comme au cinéma, des
décors complets de tortures en des endroits où ils n’ont
jamais existé... Les auteurs de cette « machine¬
rie », de « cet admirable montage technique » ? Les
Juifs, répond Maurice Bardèche, qui n’ont pas hésité,
avant la guerre, « à combattre tout esprit de conciliation,
c’est-à-dire à entraîner notre pays dans une guerre

94
désastreuse, mais souhaitable parce qu’elle était dirigée
contre un ennemi de leur race Maurice Bardèche
précise : « Ils ont réclamé le sang des meilleurs et des
plus purs d’entre nous, et ils se sont réjouis et ils se
réjouissent de nos morts Enfin, Maurice Bardèche
met en doute le témoignage des rescapés, suggérant
que les atrocités commises le furent par les Juifs eux-
mêmes, responsables des baraquements : « Nous avons
appris que la simple question “comment vous en êtes-
vous tiré ?” était une question grave à laquelle beaucoup
de survivants ne peuvent répondre sans embarras
Paul Rassinier, socialiste libertaire et ancien déporté,
soutient la même thèse. Dans son ouvrage. Le véritable
procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles^^^, il
démonte pièce par pièce l’accusation de crime contre
l’humanité, en soutenant que les détenus chargés de
l’administration des camps sont seuls responsables du
taux élevé de mortalité dans les camps. Il affirme que
« aujourd’hui, c’est acquis, sur tout le territoire alle¬
mand, il n’y eut aucun camp doté d’une chambre à
gaz Les témoignages allemands furent obtenus par
la contrainte. Enfin, les expériences médicales ne sont
qu’une « affabulation » du Centre de Documentation
juive contemporaine. La solution finale n’est donc,
pour Rassinier, « qu’un mensonge historique : la plus
tragique et la plus macabre imposture de tous les
temps L’intérêt de ce mythe serait lié « à une assez
sordide histoire d’argent Israël exploitant l’Holo¬
causte afin que l’Allemagne continue de lui verser des
indemnités.
D’autres ouvrages sont venus renforcer cette opi¬
nion. Robert Faurisson nie également l’existence des
chambres à gaz^^°, de même que Serge Thion^^^ Plus
récemment, Henri Roques, un émule du professeur
Faurisson, a soutenu en juin 1985, une thèse d’univer-

95
\

sité qui remettait en question le témoignage de Kurt


Gerstein, lieutenant SS. Il prétendait démontrer que tes
achats du gaz mortel, le Ziklon B, n’étaient destinés
qu’à enrayer les épidémies^^^. En 1983, au moment de
l’arrestation de Klaus Barbie, on pouvait déjà lire dans
Présent, sous la plume de H. Kéraly : « Voici que nous
entrons dans l’année Barbie, la grande leçon de
désinformation historique au service du Parti ; elle
mobilise déjà toutes les puissances qui fabriquent
l’opinion pour condamner, chez un ancien bourreau, les
méthodes utilisées actuellement par le communisme du
monde entier H. Kéraly poursuit : « Il ne m’est pas
difficile de comprendre pourquoi les nombreux juifs qui
nous gouvernent, dans les ministères et les rédactions,
cherchent à monopoliser l’indignation nationale sur un
passé révolu (...) ; le mythe de la “renaissance du
nazisme” (...) est nécessaire à la progression du
communisme français
Outre la négation du génocide, l’extrême-droite
s’efforce également de présenter la collaboration sous
un jour nouveau. Pour Maurice Bardèche, « c’est
l’espoir de sauver complètement le territoire de notre
pays qui fut le fondement même de la politique de
collaboration . Pétain lui-même avait déclaré :
« Pendant que le général de Gaulle, hors de nos
frontières, poursuivait la lutte, j’ai préparé les voies à la
Libération Pétain écrit également : « Je n’ai jamais
cherché à avilir la Résistance, car j’étais moi-même un
résistant. Le résistant de France en métropole
Il apparaît donc évident que pour l’extrême-droite, le
révisionnisme est une entreprise de vérité et non une
falsification des faits. D’autre part, comme l’écrit
Jacques Ploncard d’Assac, <•< la politique dépend tout
entière de l’histoire telle qu’on l’enseigne Pour
poursuivre sa politique, l’extrême-droite doit donc

96
enseigner une histoire autre que celle qui condamne
son passé, ce qui explique le nombre élevé d’« histo¬
riens » que compte l’extrême-droite aujourd’hui.

La justice « hors la loi »

Si l’extrême-droite refuse ce qu’elle nomme « l’ima¬


gerie d’Epinal qu’on nous a fabriquée de la Deuxième
Guerre mondiale » (Ploncard d’Assac) elle refuse
aussi le verdict de l’histoire. Depuis 1945, elle considère
comme non recevables les accusations dont elle est
l’objet, niant la validité même des critères sur lesquels
reposent ces accusations. Ce refus s’opère à deux
niveaux. En premier lieu, l’extrême-droite affirme
qu’on l’a accusée à tort, qu’elle a été victime d’une
répression extra-judiciaire arbitraire et aveugle, et
enfin, que les juges qui l’ont condamnée n’avaient
aucun droit à le faire. Maurice Bardèche écrit à
François Mauriac : <-< Vous n’aviez pas le droit de
condamner nos camarades ; vous n’aviez pas le droit de
condamner un seul des hommes qui avaient servi le
gouvernement légitime de la France Deux argu¬
ments sous-tendent cette conviction : 1) le gouverne¬
ment de Pétain était seul légal et légitime ; 2) la
Résistance ne fut, en réalité, que la consécration de la
rébellion, de la révolte et du crime. En conséquence,
écrit Bardèche, « il n’y a point de loyauté quand on
envoie aux travaux forcés ou au fort de Montrouge des
hommes qui ont cru sincèrement servir leur pays et faire
leur devoir : vous savez que ce n’est pas la justice
La réhabilitation de Vichy passe alors par le dénigre¬
ment de la Résistance. Le vrai coupable est le général

97
de Gaulle : « C’est lui qui a inventé les tribunaux du
mensonge au nom desquels on a fusillé nos camarades,
qu’il en garde pour lui la honte et l’imprescriptible
responsabilité Jacques Isorni, avocat du Maréchal,
défend un point de vue identique. L’objectif de de
Gaulle était, selon lui, de légitimer sa propre trahison,
et d’effacer des mémoires «• les dénonciations meur¬
trières de la radio gaulliste de Londres
En second lieu, plusieurs représentants de l’extrême-
droite se sont attaqués à l’édifice juridique élaboré à
Nuremberg (puis à Tokyo). L’accord de Londres du 8
août 1945 portant statut du tribunal de Nuremberg
prévoyait et définissait les crimes de guerre, les crimes
contre la paix et les crimes contre l’humanité. L’accord
introduisait une nouveauté puisque les sujets de
l’infraction pouvaient être des personnes représentant
l’Etat et agissant en son nom. Dès lors, il devenait
impossible d’invoquer la cause d’exonération tirée de
l’existence d’un ordre supérieur, le tribunal ayant
précisé que << les obligations internationales qui s’impo¬
sent aux individus priment leur devoir d’obéissance ».
De plus, le tribunal ne tint pas compte de la non-
rétroactivité de la loi pénale, jugeant que si les faits
reprochés aux accusés étaient antérieurs à l’accord,
l’application du principe «- nullum crimen, nulla paena,
sine lege » aurait abouti en fait à accorder l’impunité
aux criminels.
Selon Maurice Bardèche, « le vrai fondement du
procès de Nuremberg, celui qu’on n’a jamais osé
désigner (...) c’est le spectacle des ruines, c’est la panique
des vainqueurs. Il faut que les autres aient tort Il
avance que les vainqueurs « ont transformé leurs
massacres en croisade. Ils ont inventé a posteriori un
droit au massacre au nom du respect de l’humanité ».
Objectant que le tribunal n’avait aucune compétence, il

98
écrit : «r un tribunal qui fabrique la loi après s’être
installé sur son siège nous ramène aux confins de
l’histoire et compare les juges à des « rois
nègres
Quelques années plus tard, Paul Rassinier a apporté
sa contribution à ce révisionnisme juridique. Plus
récemment, François Brigneau déclara que « le postulat
de la nouvelle justice déclare que le crime contre
l’humanité ne saurait être commis que par le vaincu.
• 1R7
Surtout si le vaincu est anti-communiste »
En définitive, en mettant « hors la loi » des principes
juridiques qui la condamnent directement ou qui
condamnent une Allemagne nazie dont une partie de
l’extrême-droite s’est sentie proche à un moment de son
histoire, l’extrême-droite a encore une fois recours au
thème du complot. De même que — lorsqu’elle attaque
le régime — elle affirme défendre l’intérêt national, elle
présente sa lutte contre la conspiration historique et
juridique comme un combat pour la vérité. D’autre
part, entre l’extrême-droite et ses opposants, les
divergences ne sont pas réductibles à un simple conflit
relatif à l’interprétation de l’histoire. En réalité, ce sont
deux systèmes de valeurs qui s’affrontent, depuis
l’affaire Dreyfus jusqu’à nos jours. Ce sont deux
morales qui s’opposent, terme à terme : celle des droits
de l’homme qui, au niveau international, prône le
respect universel des libertés fondamentales, et celle de
la société organique. Pour cette dernière, l’ordre et
l’obéissance priment sur la liberté. Comme le souligne
Michel Winock, l’impératif de <•< préservation sociale »
l’emporte sur l’innocence ou la culpabilité d’un indivi¬
du : « De là résulte l’idée selon laquelle, même si
Dreyfus était innocent, on devait néanmoins se garder de
le réhabiliter En 1947, Maurice Bardèche tient le
même raisonnement. Pour lui, la morale des droits de

99
s

l’homme n’a aucun sens. Bien plus, « le respect de la


personne humaine consiste à reconnaître une égale
spécificité humaine et par conséquent des droits égaux au
nègre de Douala et à l’archevêque de Paris .
L’obéissance, même si elle conduit à commettre des
excès, vaut toujours mieux que le respect des principes
moraux ; la véritable morale, c’est l’ordre et nul ne
peut être condamné pour avoir obéi.

Les mobilisations de l’extrême-droite

Ainsi convaincue que la France est gouvernée par des


« dégénérés » manipulés par des forces obscures,
l’extrême-droite, depuis 1900, s’est mobilisée à diverses
reprises, occupant le devant de la scène politique pour
une durée plus ou moins longue^^°. L’étude de ses
interventions laisse apparaître que celles-ci se déroulent
en trois temps. Dans la première phase — la phase
préparatoire — les divers mouvements se rallient
unanimement à la tactique de dénégation du régime, et
partagent des intérêts ponctuels. D’où un semblant
d’unité, dû à la cristallisation du mécontentement et à
la volonté d’intervenir dans la sphère du politique. En
vertu de l’axiome selon lequel « l’union fait la force »,
l’extrême-droite tente alors de regrouper ses troupes
sur la base de mots d’ordre vagues et de portée très
générale. Dans la seconde phase — la période d’affron¬
tement — la conception centraliste de la mobilisation
cède devant les divergences et les rivalités personnelles.
Il devient alors difficile de repérer des perspectives
stratégiques communes ou même une définition una¬
nime de l’enjeu de la confrontation. Enfin, durant la

100
dernière phase — celle de l’apaisement — l’extrême-
droite est confrontée aux conséquences de ses divisions,
et constate qu’une occasion a été manquée. Cette prise
de conscience, consécutive à chaque « journée »,
explique que bien des représentants d’extrême-droite
présentent l’histoire de l’extrême-droite comme une
série d’échecs.
Trois exemples — le 6 février 1934, le 13 mai 1958 et
la crise de mai 1968 — illustrent ce mouvement de flux
et de reflux de l’extrême-droite, ainsi que l’incapacité
de celle-ci à conserver les gains acquis lors des
affrontements. A tel point que, comme le souligne
Bernard Brigouleix, l’extrême-droite semble « con¬
damnée à avoir des souvenirs qui sont presque toujours
ceux de la plupart des Français, mais en négatif

Le 6 février 1934

L’affaire Stavisky, en dépit de l’active campagne de


presse dont elle fut l’objet, n’aurait pu suffire à
provoquer les émeutes du 6 février si un sentiment de
malaise ne s’était développé au préalable. Depuis
plusieurs années, le ciel politique est singulièrement
assombri, traversé çà et là d’éclairs menaçants. A
l’inadéquation des forces politiques se conjuguent les
effets de la crise économique et sociale qui renforcent
l’inquiétude et le désarroi des Français. Enfin, l’évolu¬
tion internationale n’est pas étrangère à cette dramati¬
sation de la situation. Dans ce contexte de psychose
collective, il suffit d’une étincelle pour que se produise
la déflagration du mois de février. En fait, tous les
éléments sont en place à partir de l’année 1932.
En vue des élections législatives, les radicaux et les
socialistes ont conclu une alliance. Le scrutin tourne à

101
l’avantage du Cartel : la droite n’a que 260 sièges
contre 345 à la gauche, dont 330 au Cartel. Herriot,
appelé à former le nouveau ministère, manœuvre afin
d’éviter toute participation socialiste. Les radicaux
doivent alors composer avec le centre et une partie de
la droite. La nouvelle majorité se révèle très vite
incapable de surmonter les difficultés économiques.
Depuis l’abandon, en septembre 1931, de l’étalon-or
par la Grande-Bretagne, la France s’enfonce dans le
marasme. L’indice de la production industrielle se
dégrade régulièrement, et le nombre de chômeurs
passe de 273 000 en 1932 à 340 000 en 1934. La
récession entraînant une diminution des recettes fis¬
cales, le budget devient fortement déficitaire, d’autant
que le gouvernement pratique une politique d’interven¬
tion coûteuse. Résolus à rétablir l’équilibre, au nom de
l’orthodoxie financière, les ministères radicaux succes¬
sifs pratiquent une politique de déflation, dénoncée par
les socialistes et par les classes moyennes qui souffrent
de la chute des revenus et des salaires. La République
radicale, en butte à la double hostilité de la droite et des
socialistes, est dans l’impasse quand éclate l’affaire
Stavisky. Mais plus encore que l’instabilité ministériel¬
le, la crise politique se traduit par « une véritable crise
de la culture politi(jue La SFIO, qui « connaît
depuis la fin de la guerre une totale sclérose doctri¬
nale refuse de prendre en compte les nouvelles
aspirations de la société. Attachée à <■<" des dogmes
intangibles elle s’enlise progressivement, au point
de n’être plus à même de saisir la gravité de la situation.
Déjà ébranlée en 1920 par la création du Parti
communiste, la SFIO est divisée entre une aile gauche
et une aile droite, formée des néo-socialistes. Ceux-ci,
tel Déat, tentent de réformer le parti pour l’adapter aux
besoins de l’époque. Leur exclusion, en 1933, montre la

102
résistance des dirigeants socialistes et dans le même
temps, inaugure la dérive fasciste de Déat, de Marquet
et de quelques autres.
Le parti radical n’échappe pas à cette crise idéologi¬
que. Disposant d’une majorité de plus en plus étroite, il
souffre d’une division entre son aile droite, favorable à
une politique financière stricte et hostile à l’impôt sur le
capital, et son aile gauche, en désaccord avec la
politique suivie par le gouvernement en matière
d’économie et de politique étrangère.
Cette crise de la gauche et du radicalisme, ainsi que
l’incapacité du régime républicain à surmonter ses
blocages, encouragent l’essor des ligues d’extrême-
droite. Aux organisations existantes (Action française.
Jeunesses Patriotes, Croix de feu augmentées des « Fils
et filles Croix de feu » puis de la Ligue des Volontaires
nationaux) viennent s’adjoindre de nouvelles venues ;
la Solidarité française de Coty, le Parti Franciste de
Marcel Bucard, sans compter les multiples groupus¬
cules qui voient le jour durant cette période.

Au terme de cette rapide présentation du contexte, il


reste à examiner l’attitude de l’extrême-droite depuis
l’arrivée des radicaux au pouvoir. Durant la phase de
gestation (mai 1932-décembre 1933), les mouvements
d’extrême-droite agissent en ordre dispersé mais énon¬
cent les mêmes critiques et se rallient aux mêmes mots
d’ordre : antiparlementarisme, refus du capitalisme et
du communisme, antisémitisme. Tous souhaitent un
renforcement du pouvoir exécutif et une réorganisation
de l’économie. Moins qu’une préparation effective d’un
coup de force, il s’agit plutôt d’une agitation diffuse et
permanente. Les associations d’Anciens combattants et
la Ligue des contribuables, fondée en 1928 par Large,
contribuent à cette effervescence. Le recours à la

103
\

violence n’est pas exclu. En février 1933, on peut lire


dans le Réveil du Contribuable : « Nous entreprendrons
une marche convergente vers cet antre qu’on appelle le
Palais Bourbon, et s’il le faut, nous prendrons des fouets
et des bâtons pour balayer cette Chambre d’incapa¬
bles François le Grix signe, en novembre 1933, un
article dans lequel il décrit «• la chambre en congé sine
die, Paris en état de siège, ou en simili état de siège après
quelques démonstrations de contribuables ou de chô¬
meurs Charles Maurras, pour sa part, avait déjà
envisagé le coup de force comme moyen de rétablir la
monarchie. Dans son Enquête sur la monarchie, il
écrivait : « Cette idée du “coup” nous a toujours paru
comme le complément inévitable et nécessaire de tout
mouvement d’idées royalistes Trente ans après cet
acte de foi, il semble néanmoins que le poète de
Martigues préfère la théorie à la pratique.
En définitive, ce qui rassemble les divers mouve¬
ments d’extrême-droite est une aspiration confuse, une
idéologie sommaire, l’espoir de voir les problèmes se
résoudre, comme par enchantement, par le seul départ
des radicaux et l’avènement d’un pouvoir autoritaire.
L’antiparlementarisme cimente les ligues qui, en février
1934, entonnent à l’unisson le chant de la révolte.
Cependant, on décèle dans ce concert des notes
discordantes, et à mesure que le 6 février approche, des
divergences apparaissent.
Dans la seconde phase, celle de l’affrontement
(9 janvier-6 février), les mouvements qui descendent
dans la rue sont loin de former un front homogène. La
tactique du « chacun pour soi » l’emporte sur l’idée
d une mobilisation unitaire. Le plus individualiste est
sans conteste La Rocque, qui refuse de s’associer aux
autres ligues. Tout au long du mois de janvier, les Croix
de feu se gardent bien de manifester aux côtés de

104
l’Action française, des Jeunesses Patriotes ou de la
Solidarité française, et le 5 février, La Rocque et ses
fantassins défilent seuls.
L’annopce de la révocation du Préfet de Police,
Chiappe, transforme l’agitation des rues en manifesta¬
tion politique. Le 6 février, jour où Daladier doit se
présenter devant la Chambre, « la fragile frontière qui
sépare la violence verbale, le meurtre journalistique, la
guillotine du discours de l’acte lui-même se trouve
franchie Le processus atteint le point de non-
retour. La démission de Daladier, qui capitule surtout
en raison de la défection de ses plus proches collabora¬
teurs, résonne comme une victoire. Mais s’agit-il
véritablement, pour l’extrême-droite, d’un jour de
gloire ?
Rien n’est moins sûr, et à l’heure des bilans, le
sentiment d’échec prime sur la satisfaction. Le 6
février, l’extrême-droite a démontré ses divisions et son
incapacité à doter son action d’un semblant de
cohésion. Chaque mouvement a poursuivi ses objectifs
et défendu ses intérêts personnels. Comme le souligne
Michel Winock, <■< la notion d’antiparlementarisme se
réfère à deux attitudes : l’hostilité de principe à tout
régime parlementaire et la critique particulière d’un
régime parlementaire qui ne fonctionne pas L’Ac¬
tion française se situe dans le premier cas. Son objectif
est de renverser la République et de rétablir la
monarchie. En fait, c’est la seule organisation dont le
but est clairement défini mais semble de plus en plus
irréaliste. Dans le second groupe figure la majorité des
autres organisations qui souhaitent réformer le régime,
selon des modalités par ailleurs assez floues. La Rocque
se présente comme un républicain, la Ligue des
contribuables désire un exécutif fort, non l’abolition
pure et simple du républicanisme. Enfin, la Solidarité

105
française et le francisme se distinguent par la vacuité de
leur programme.
On constate ainsi des divergences quant au but à
atteindre. D’autre part, les ligues ne furent-elles pas les
premières à être surprises par l’ampleur des répercus¬
sions du 6 février ? Les Jeunesses Patriotes pensaient-
elles vraiment instaurer un régime fasciste par le biais
d’une nouvelle version de la « marche sur Rome », ou
plus simplement ne voulaient-elles pas réitérer l’expé¬
rience de 1926 ? L’UNC et les Croix de feu s’en sont
tenues à une démonstration de force, refusant d’en¬
freindre la légalité. Enfin, si les Camelots se sont
montrés particulièrement actifs, c’est qu’ils ont agi par
eux-mêmes, Maurras étant pour sa part, fort préoccupé
à composer un poème pour la femme de Léon Daudet.
De cette absence de programme et de concertation, il
ressort que la thèse du complot ne résiste pas à
l’examen des faits. René Rémond écrit à ce propos :
« Le 6 février n’est pas un putsch, pas même une émeute,
seulement une manifestation de rue que l’histoire
oublierait si elle n’avait tourné tragiquement, et si la suite
des événements ne lui avait rétrospectivement restitué
une importance sans commune mesure avec sa portée
véritable Selon Serge Berstein, « il faut donc
admettre que le 6 février ne semble pas avoir été le
résultat d’un complot contre la République, mais d’une
volonté concertée d’adversaires du régime et du gouver¬
nement d’utiliser l’affaire Stavisky et la révocation de
Chiappe pour canaliser contre le pouvoir le mécontente¬
ment né de la crise et exaspéré par les scandales
L’extrême-droite est elle-même consciente de ses
divisions. M. Pujo, analysant le 6 février, écrit que « si
les manifestants étaient unis par le sentiment patriotique
et le mépris de la pourriture politicienne, ils n’avaient pas
d’idée commune sur le régime qui conviendrait à la

106
France pour la faire vivre “dans l’honneur et la
propreté”. De plus, les rivalités de groupes et la
compétition des chefs empêchaient même que, séparés
dans la doctrine, ils pussent s’unir dans l’action
Xavier Vallat, dans ses Mémoires, fera le même bilan :
« S’il y avait eu la moindre entente préalable entre les
Camelots du Roi, les Jeunesses Patriotes et les Croix de
feu, ces troupes de choc entraînant la masse des anciens
combattants qui auraient répondu à l’appel de l’UNC, le
complot n’eût pas raté
Ce n’est d’ailleurs qu’au lendemain de l’émeute que
l’extrême-droite tente de tirer profit de la vacance du
pouvoir et de s’unir. En mai 1934, avec le soutien de
l’Action française, les Jeunesses Patriotes et ta Solida¬
rité française créent un Front national, auquel adhère le
Parti de l’Appel du peuple. Mais le refus de la Rocque
de participer à cette fédération fait échouer l’entre¬
prise.

Le 13 mai 1958

La journée du 13 mai 1958 offre bien des similitudes


avec le 6 février 1934, puisque là encore le régime est à
nouveau confronté à une crise économique et finan¬
cière, à un renouveau de l’antiparlementarisme, et à
une agitation sociale, prête à se transformer, au
moindre incident, en manifestation de rue. Sur le plan
économique, ta croissance s’est accompagnée de pro¬
fondes mutations — explosion démographique, urbani¬
sation, tertiarisation — et cette transition vers la
modernité se heurte parfois à des résistances.
L’augmentation du pouvoir d’achat ne touche pas
uniformément toutes les catégories sociales. Dès lors,
les « laissés-pour-compte » du progrès se mobilisent.

107
tels les petits et moyens commerçants qui, dénonçant la
pression fiscale dont ils sont victimes, forment le gros
des troupes poujadistes. Jugé incapable de résoudre les
contradictions de la croissance, le régime est aussi en
proie à des critiques d’ordre politique. Comme en 1934,
on observe un effritement progressif de la majorité, et
l’unanimité du temps de la victoire, avec ses espé¬
rances, n’est plus qu’un lointain souvenir. Le départ du
général de Gaulle en janvier 1946, la création du RPF,
puis le passage du PCF dans l’opposition après le renvoi
des ministres communistes en mai 1947, privent le
régime de deux forces importantes. La faillite du
tripartisme reflète le retour du règne des partis et la
troisième force s’installe dans un contexte social
préoccupant. La question d’une réforme du régime est
à nouveau posée, d’autant que le scrutin proportionnel
encourage la multiplication des partis et aggrave
l’instabilité tant à la Chambre qu’au gouvernement. La
solution adoptée en 1951, les listes apparentées, est un
pis-aller qui contribue au discrédit du régime. La
rupture est consommée entre le personnel politique et
l’opinion publique. La valse des ministères, tant décriée
sous la Troisième République, est devenue la règle. En
douze ans, vingt-deux cabinets se succèdent. L’échec de
rationalisation du parlementarisme est donc patent, la
constitution ayant été prévue pour fonctionner avec des
majorités de coalition stables. A ces contradictions
permanentes s’ajoutent des dissensions au sein des
formations politiques. Enfin, la réforme de 1954
équivaut à un retour aux usages de 1875 : aucun des
gouvernements n’est véritablement responsable de ses
actes devant l’opinion publique, situation que M. Du-
verger qualifiera de « démocratie sans le peuple ».
A ces éléments de crise s’ajoutent deux facteurs qui
confèrent au 13 mai 1958 son originalité. En premier

108
lieu, les événements d’Algérie placent le gouvernement
devant des responsabilités qu’il ne peut assumer. Le
débat de 1946 relatif à l’Union française avait déjà
révélé un décalage entre le discours politique et les
réalités coloniales. La classe politique, frappée de
myopie, ne parvient pas à admettre que des forces
neuves œuvrent pour la remise en cause du cadre
colonial traditionnel. L’ensemble des partis refusent
d’accorder une quelconque légitimité aux mouvements
nationalistes d’outre-mer^^'^. Cherchant à concilier l’in¬
conciliable, à savoir modifier les relations entre les
colonies et la Métropole sans toucher à l’essentiel, la
IV" République a préparé le terrain de la révolte.
Abandonnant tout réformisme au profit d’une attitude
défensive, le régime ne tirera aucun enseignement de la
crise indochinoise, perdant peu à peu son titre de patrie
des droits de l’homme.
Depuis le I" novembre 1954, les cabinets successifs
ne peuvent enrayer l’escalade de la violence. Si le
terrorisme urbain accuse un net recul après la ba¬
taille d’Alger, le cycle attentats-représailles plonge
les Français d’Algérie dans l’inquiétude : ils craignent
qu’un gouvernement faible ne cède aux demandes
du FLN.
Le second facteur réside dans le rôle joué par
l’armée. Profondément blessée par le désastre Indochi¬
nois, elle rend les politiciens responsables de l’abaisse¬
ment de la France^®^. Elle entend lutter contre toute
politique d’abandon et sa détermination est à la mesure
de son ressentiment. Le sentiment d’avoir été trahi est
particulièrement développé chez les jeunes qui n’atten¬
dent qu’une occasion pour prendre leur revanche et
effacer l’humiliation de Dien Bien Phu. Ce sont eux qui
sont les plus attachés à la mystique « ancien combat¬
tant » et qui se sont initiés, en Indochine, aux méthodes

109
de la guerre psychologique qu’ils appliqueront en
Algérie.
Ainsi, comme le résume M. Winock, << la crise du 13
mai 1958 est donc la rencontre d’une crise rampante de
structure (l’ingouvernabilité de la Quatrième Républi¬
que) et d’une crise explosive de conjoncture (la guerre
d’Algérie) ; une force nouvelle fait de ce choc une crise
de régime : l’armée politisée
Dans ce contexte de veillée d’armes, l’extrême-droite
ne reste pas inactive. Décapitée par l’épuration,
discréditée aux yeux de l’opinion, elle s’est rapidement
reconstituée dans l’ombre — au sens propre et au figuré
dirons-nous. Sa composition s’est modifiée : les survi¬
vants du passé (héritiers de l’Action française, pétai-
nistes et nostalgiques de Vichy) voisinent avec une
nouvelle génération, dynamique, combative, prête à
reprendre le flambeau et à investir le champ du
politique par tous les moyens. Les mouvements dont on
parle le plus en 1958 sont : l’UDCA de Pierre Poujade,
encore tout enivré de sa récente percée électorale ; le
Front national des combattants, avec Le Pen et
Demarquet, deux personnalités qui illustrent parfaite¬
ment la jeunesse extrémiste ; Jeune Nation, fondée par
les frères Sidos ; la Phalange française de Charles Luca,
connue auparavant sous les noms de Mouvement
national Citadelle ou de Parti Socialiste français
(PSF)...
Au-delà de leurs différences, tous ces mouvements
sont de farouches défenseurs de l’Algérie française et
d actifs admirateurs de l’armée. Elle leur semble être la
seule force capable d’entraver la progression commu¬
niste dans l’empire et de rétablir ordre et discipline.
Consciente que le sort du régime se joue autant à Paris
que de 1 autre côté de la Méditerranée, l’extrême-droite
poursuit son implantation en Afrique du nord. Ce

110
processus était déjà largement engagé sous la Troisième
République, l’exemple du marquis de Morès ayant
suscité de nombreuses vocations (Drumont, H. Coston
par exemple). Soutenue par certains Français d’Algé¬
rie, l’extrême-droite s’efforce, dans les années cin¬
quante, de mettre en place un réseau d’activistes qui,
exploitant la crainte de quelques-uns d’être spoliés de
leurs biens, regroupe ce que l’on nommera les ultras.
Les grandes figures de ce combat pour l’Algérie
française sont Tixier-Vignancour, avocat, pétainiste,
dirigeant du Rassemblement national et l’avocat Biaggi
qui fonde en 1957 le Parti patriote révolutionnaire
(PPR). Ces deux hommes ont un passé qui compte.
Tixier Vignancour a débuté sa carrière politique en
1936 en tant que député des Basses-Pyrénées. Durant
l’occupation, il fut l’un des responsables à la propa¬
gande de Vichy. Arrêté à la Libération, il fut, quelques
années plus tard, un des membres de la direction de
Jeune Nation et patronna le Mouvement Social Euro¬
péen né à Malmô. Biaggi, ancien gaulliste, tente de
fédérer les anciens combattants au sein d’un Comité
d’entente (1956). Dans le camp des « vétérans » citons
également le docteur Martin, un survivant de la
Cagoule qui trouve en Algérie l’occasion de renouer
avec sa passion de l’intrigue.
A leurs côtés, on distingue de nouveaux venus : Le
Pen et Demarquet, deux « anciens d’Indo », proches
un moment de Pierre Poujade ; Alain Griotteray,
capitaine de réserve et ancien résistant, lié avec maître
Biaggi et Pascal Arrighi ; le docteur Lefèvre, pouja-
diste ; Robert Martel, leader avec le général Chassin de
l’Union française nord-africaine (UFNA) ; Pierre La-
gaillarde, qui dirige l’Association des étudiants ; le
docteur Kovacs, à la tête de l’Organisation pour le
Renouveau de l’Algérie Française (ORAF), arrêté en

111
s

1957 après le « complot du bazooka » contre Raoul


Salan...
Les divers mouvements d’extrême-droite, en France
et en Algérie, bénéficient largement de l’agitation
politique. Au gré des courants, l’extrême-droite ma¬
nœuvre au plus près, radicalisant ses attaques contre un
régime qu’elle souhaite abattre. Néanmoins, l’étude de
l’attitude de l’extrême-droite lors de la crise du 13 mai
1958 montre que divisions, rivalités et impuissance
1 emporteront. Comme en 1934, l’extrême-droite s’est
engagée la première dans la course mais, ne sachant pas
éviter les risées intempestives et naviguant souvent en
plein brouillard, elle sera prise de vitesse et échouera.
Durant la phase préparatoire (janvier 1956-février
1958), 1 extrême-droite réalise son unité sur la base de
la défense de 1 Algérie française et de la dénonciation
du régime. Ravie des mésaventures de Guy Mollet,
bombardé de tomates le 6 février 1956 à Alger'
1 extrême-droite multiplie les déclarations fracassantes.
A la Chambre, les députés poujadistes s’opposent au
projet de loi-cadre qui prévoit l’instauration en Algérie
d’un collège unique, et contribuent à la chute de
Bourgès-Maunoury le 30 septembre 1957. Jeune Na¬
tion, dans son organe Peuple de France et d’outre-mer,
exige l’annulation de la constitution de 1946, l’abolition
du parlementarisme, et exprime le désir de voir l’armée
dotée de moyens plus importants pour réduire à néant
les « forces anti-françaises ». Robert Martel, au nom de
Dieu, du Christ-roi et de Jeanne d’Arc, multiplie les
meetings en Algérie, essayant de rallier à sa cause les
fermiers de la Mitidja, de la vallée du Chilif et
d ailleurs. L’avocat Biaggi, arrivé à Alger lorsque
Soustelle est nommé gouverneur général, s’adresse aux
anciens combattants. L’extrême-droite nourrit de
grandes espérances à propos de l’armée dont certains

112
éléments ne sont pas insensibles au discours des
activistes (le général Faure ou le général Cogny par
exemple). L’extrême-droite admire particulièrement
les « paras » comme Bigeard et le colonel Chateau-
Jobert. Par ailleurs, les ultras essayent de se doter de
structures d’action. L’organisation « Grand O », à
laquelle participent te docteur Martin, le général
Cherrières, le général Lionel Chassin et M. Gignac,
met en place un réseau de renseignements très étendu.
Le « groupe des Sept », créé sur la base d’un accord
entre Pierre Lagaillarde, Robert Martel, Crespin, le
docteur Lefèvre, Gautailler, Ortiz et l’avocat Baille,
noyaute le comité de vigilance du gaulliste Léon
Delbecque.
Mais, en définitive, tout au long de l’année 1957, la
stratégie de l’extrême-droite est confuse. Unanime
quant à la nécessité de combattre le régime et de
soutenir les Français d’Algérie, elle ne parvient pas à
désigner celui qui, en temps opportun, devra prendre la
tête de l’insurrection. Raoul Salan, nouveau comman¬
dant en chef en Algérie depuis le 1er décembre 1956, ne
rallie pas tous les suffrages des extrémistes. Quant à
Massu, à qui Lacoste a confié le 6 janvier 1957, la
charge d’assurer le maintien de l’ordre, il est populaire
auprès des Algérois depuis que la 10" DP a mis un terme
à la bataille d’Alger. Mais suivra-t-il les activistes
jusqu’à enfreindre la légalité ? De plus, ignorant
totalement quelle sera l’issue de l’affrontement, les
activistes sont confrontés à la concurrence des gaul¬
listes, plus unis que les ultras et qui ont dans leur rang
des personnalités telles que Chaban-Delmas (ministre
de la Défense nationale de Félix Gaillard) et Michel
Debré (sénateur). Si gaullistes et activistes se rencon¬
trent parfois, s’ils partagent le désir que les événements
d’Alger se répercutent à Paris, leurs rapports sont

113
s

empreints de méfiance. Enfin, si les uns voient en de


Gaulle le seul recours possible, pour les autres, il
représente plus « une hypothèque à purger qu’une
ressource providentielle
A la suite du bombardement, le 8 février, du village
tunisien de Sakhiet-Sidi-Youssef, de vifs débats s’enga¬
gent à la Chambre et la chute de Félix Gaillard
inaugure la vacance du pouvoir. Georges Bidault, René
Pleven sont pressentis pour former le nouveau gouver¬
nement, mais sans que l’on puisse parvenir à un accord.
Pierre Pflimlin, appelé à son tour, doit présenter son
ministère devant tes députés le 13 mai. Le 8 mai,
Robert Lacoste quitte Alger, laissant aux militaires le
soin de canaliser l’hypertension des Algérois. Raoul
Salan, face à la montée des périls, s’adresse au Général
Ely afin de l’avertir de la gravité de la situation.
L’annonce de l’exécution, par le FLN, de trois
militaires français marque le début de la phase
d’affrontement. Sur la demande de Salan, une manifes¬
tation en hommage aux fusillés est prévue pour le 13
mai. Les ultras se mobilisent aussitôt, engageant contre
les gaullistes une course de vitesse. Le 12 mai, une
réunion est organisée au domicile du docteur Lefèvre, à
laquelle participent Robert Martel, son bras droit
Maurice Crespin, Gautailler, Baille, Pierre Lagaillarde
et Georges Kerdavid. Leur plan consiste à transformer
la manifestation en émeute, afin d’empêcher l’investi¬
ture de Pflimlin et de renverser le régime. Pour ce faire,
ils envisagent d’occuper le Gouvernement Général.
Malgré les avertissements du colonel Thomazo, ils sont
convaincus que l’armée ne s’opposera pas à leurs
desseins.
Le 13 mai, la situation est pour le moins confuse, tant
à Paris qu’à Alger. Sans retracer cette journée dans le
détail, soulignons cependant que l’armée, sans avoir

114
organisé l’émeute, a réussi à en prendre la tête. Après
que R. Martel et P. Lagaillarde aient pris possession du
Gouvernement Général, Massu — fort mécontent de la
tournure des événements — va établir la liste des
membres du Comité de Salut Public. Les gaullistes sont
dans la place et le discours de Salan, le 15 mai, qu’il
conclut, sur l’invitation de Léon Delbecque, par <•< Vive
le Général de Gaulle », ouvre définitivement la voie au
retour du général. A Paris, Pflimlin est investi dans la
nuit du 13 au 14 mai, mais la crise du régime n’est pas
résolue pour autant. Les manifestations parisiennes, le
ralliement de la Corse à l’Algérie, renforcent l’idée
qu’une guerre civile peut éclater à tout moment. Après
de nombreuses péripéties, de Gaulle se présente enfin
devant la Chambre le 1er juin 1958. Sa victoire
consacre la défaite de l’extrême-droite.
Dès juin, les activistes ne peuvent que constater la
faillite de leur stratégie. L’extrême-droite a quelques
motifs de satisfaction. La chute de Pflimlin, la mise à
mort de la Quatrième République répondent à ses
désirs. Mais, comme en 1934, l’extrême-droite est
victime de ses divisions et de sa faiblesse. En Algérie,
les gaullistes n’ont aucun mal à supplanter les initiatives
des ultras qui ont agi de façon désordonnée. Le Pen et
Demarquet, placés en résidence surveillée dès leur
arrivée à Alger, seront vite réduits à l’impuissance. En
Métropole, Poujade va perdre le contrôle de ses
troupes, en particulier lors du vote d’investiture du
général de Gaulle. Quant à Jeune Nation, elle est
dissoute dès le 15 mai 1958. En définitive, l’extrême-
droite n’a pas su réaliser son unité sur le thème du
maintien de la souveraineté française en Algérie.
Seules quelques personnalités isolées s’opposent à de
Gaulle : Maurice Bardèche, Henry Coston, Pierre
Dominique, Jacques Isorni, René Malliavin, Pierre

115
Sidos, Dominique Venner, Pierre Poujade... Mais,
comme le fera très justement remarquer André Lau-
rens en 1965, «- pour les nationaux, l’opposition au
général de Gaulle est à la fois un facteur d’unité et de
trouble. Un facteur d’unité parce que le gaullisme
représente la perte de l’Algérie, l’affaiblissement de
l’armée, le rapprochement avec le monde communiste.
Un élément de trouble parce qu’il flatte une certaine
fierté nationale
En 1958, de Gaulle est pour une partie de l’extrême-
droite l’ennemi irréductible, le responsable de l’épura¬
tion et du procès du maréchal Pétain. Mais pour la
majorité des militants, il symbolise l’ordre et la
grandeur française. En d’autres termes il apparaît
comme étant la seule personnalité capable de se situer
au-dessus du jeu des partis, de renforcer l’exécutif et de
réaliser l’unité nationale. C’est pourquoi l’on verra
Aspects de la France préconiser le vote positif et la
majorité du groupe parlementaire UFF soutenir de
Gaulle et ce malgré les consignes de Pierre Poujade.
Enfin, l’extrême-droite compte dans ses rangs d’anciens
résistants, et en 1958, elle paie le prix de la rupture qui
s’est produite, durant la guerre, entre les partisans et
les adversaires de la collaboration.

La crise de mai 1968

L’échec de mai 1958 a été, pour l’extrême-droite, le


début d’une longue série de revers qui l’ont affaiblie et
divisée. Les accords d’Evian de juillet 1962 puis
l’accession de l’Algérie à l’indépendance sonnent le glas
des espérances des mouvements qui avaient fait de la
défense de l’Empire l’élément-clé de leur action.
L’OAS tentera de poursuivre son combat, mais sans

116
espoir. Georges Bidault est réfugié au Brésil, Curutchet
au Sénégal, et le colonel Argoud a quitté la France pour
l’Espagne puis pour Munich^®^. Les attentats manqués
contre de Gaulle^^° ou G. Pompidou, l’échec de Tixier-
Vignancour lors des élections de 1965, la précarité des
divers groupuscules et la brièveté des tentatives
d’union ; tous ces éléments suggèrent que l’extrême-
droite est arrivée en bout de course, qu’elle s’est
épuisée à poursuivre des chimères.
Pourtant, le pessimisme d’une telle vision est rapide¬
ment corrigé par l’émergence, quoique sporadique, de
nouvelles organisations qui, adeptes de l’action vio¬
lente, vont attirer l’attention des média et, partant, de
l’opinion publique. C’est ainsi que le mouvement
Occident se fait connaître en organisant des coups de
force, telle l’attaque du siège du PCF en novembre
1966. Outre Occident sont apparus le mouvement
Jeune Révolution (MJR), la Fédération d’Action
Nationale et Européenne (FANE) dirigée par Marc
Fredriksen et Didier Renaud, sans compter d’autres
groupuscules aux effectifs quasi insignifiants.
A la veille des événements de mai 1968, l’extrême-
droite réalise son unité sur la base de deux thèmes :
l’antigaullisme et la guerre du Vietnam. En ce qui
concerne le conflit vietnamien, divers mouvements se
fédèrent au sein du Front uni de soutien au sud-
Vietnam, qui regroupe entre autres Occident, MJR,
REL, et l’Association des combattants pour l’Union
française (ACUF)^^^ Tixier Vignacour, de son côté,
envisage la création d’un front national anticommu¬
niste. L’intérêt que l’extrême-droite porte au Vietnam
s’explique par son anticommunisme, ce conflit lui
donnant l’occasion de réitérer sa dénonciation de la
mainmise des marxistes dans les colonies, idée déjà
évoquée lors de la guerre d’Algérie. D’autre part, la

117
s

multiplication, en France, d’organisations d’obédience


trotskyste ou maoiste est perçue par l’extrême-droite
comme le signe d’un renouveau du complot commu¬
niste.
L’antigaullisme est un élément plus ambigu. Au
lendemain de l’indépendance algérienne, le général de
Gaulle est considéré comme l’ennemi irréductible, le
responsable de la perte de l’Empire. Maurice Bardèche
écrivait en 1947 : « nous ne serons auprès de de Gaulle
en aucun cas, car il incarne le contraire même du
nationalisme dans ce qu’il a de fécond et de noble
Le rapprochement avec l’URSS, la condamnation du
général Jouhaud le 13 avril 1962, l’exécution du colonel
Bastien-Thiry le 11 mars 1963, les mesures répressives
prises à l’encontre de l’OAS, alimentent cette hostilité
passionnelle. Cependant, l’échec de Tixier Vignancour
en 1965 montre les limites de cette stratégie, une partie
de l’extrême-droite apportant son soutien au général de
Gaulle dès le premier tour, ou au candidat centriste
Jean Lecanuet^^^ En définitive, l’antigaullisme bloque
pendant plusieurs années la réflexion de l’extrême-
droite, et loin d’en unir les divers courants il en
accentue les divisions. Obnubilée par les batailles du
passé, l’extrême-droite est incapable de se doter d’une
doctrine précise, d’autant que le danger communiste
préoccupe beaucoup plus l’électorat nationaliste que le
péril gaulliste. En vertu de cette prééminence de la
crainte d un complot communiste, le ralliement au
général apparaît comme un moindre mal, et il s’ensuit
une rupture entre les états-majors et les militants de
base.
Ces considérations mises à part, il est nécessaire,
pour expliquer l’attitude de l’extrême-droite durant mai
et juin 1968, de tenir compte des caractères spécifiques
de cette crise. L’originalité du conflit est liée, tout

118
d’abord, à son imprévisibilité. Michel Winock rappelle
que « rien de ce qui faisait le fond des crises anciennes
n’est décelable dans les mois qui précèdent l’explosion de
Mai La soudaineté puis l’ampleur de la contesta¬
tion ont surpris la France entière et l’extrême-droite en
particulier, d’où une indécision et une inconséquence
encore plus manifestes qu’en 1934 et 1958.
En second lieu, la crise a pour origine la contestation
étudiante. Cette agitation a des causes multiples^’^^ :
engorgement du système scolaire consécutif à l’arrivée
d’une classe d’âge nombreuse, aggravation des pro¬
blèmes financiers, décalage entre le caractère élitiste de
l’enseignement et l’évolution des mentalités, désarroi
des étudiants renforcé par l’application de la réforme
Fouchet lors de la rentrée universitaire de 1967^^^,
politisation des élèves dans le secondaire et le supé¬
rieur, ou plus largement sentiment de malaise et crise
de civilisation qui touchent la France mais aussi
d’autres pays industrialisés... L’extrême-droite s’ef¬
force depuis plusieurs années de s’implanter en milieu
étudiant. Parmi ses diverses tentatives, citons la revue
Etudiants^^^, organe des étudiants et lycéens de l’Action
française, la Fédération des étudiants nationalistes
(FEN) et les Cahiers Universitaires, ou encore la
propagande organisée par Occident dans les collèges et
facultés. Cependant, l’émergence d’une nouvelle géné¬
ration dans les rangs de i’extrême-droite pose quelques
problèmes puisque ces jeunes militants ne sont motivés
que par le goût pour la violence, et sont à l’évidence
incapables de réflexion et de coordination. Ils agissent
au coup par coup, sans stratégie préalablement définie,
et sans objectifs à long terme. Largement minoritaires
dans les universités, ils vont contribuer à la radicalisa¬
tion de la crise sans jouer pour autant un rôle
important. Ce n’est qu’à la suite de mai 1968, lorsque

119
s

les organisations dites gauchistes seront réprimées, que


certains groupes d’étudiants nationalistes parviendront
à s’implanter, à la faculté d’Assas notamment.
Enfin, il faut souligner que l’extrême-droite est
totalement étrangère au déclenchement des affronte¬
ments, tant à l’université que sur le plan politique et
social. Alors qu’en 1934, la presse d’extrême-droite a
alimenté le mécontentement et exhorté les Français à se
dresser contre le régime, que les agissements des
activistes en 1958 ont accéléré la chute de la IV^
République, l’extrême-droite devra se contenter en
1968 de prendre le train en marche.
On décèle avant mai 1968 quelques signes avant-
coureurs de l’effervescence qui va secouer les univer¬
sités tels les incidents survenus en 1965 à la résidence
d’Antony où les étudiants protestèrent contre un
règlement interdisant la libre circulation entre les
bâtiments des filles et des garçons. En 1966, les
« situationnistes » publièrent une plaquette dénonçant
les difficultés des étudiants^^®. En règle générale, c’est
l’ensemble du fonctionnement des universités qui est
l’objet de critiques : vie quotidienne sur les campus,
organisation des filières, crise des débouchés... Nanter¬
re, ouverte en 1964, est loin de répondre aux attentes et
aspirations des étudiants, et bien que présentée comme
le type même du campus moderne, elle se révèle
totalement inadaptée aux nouvelles nécessités. Un
étudiant de 22 ans, Daniel Cohn-Bendit, inscrit en
sociologie, prend la tête des protestataires qu’il re¬
groupe dans le mouvement du 22 mars, jour de
l’occupation des bureaux administratifs de l’université.
Le 3 mai, Nanterre doit fermer ses portes, alors que
huit étudiants du mouvement du 22 mars sont appelés à
comparaître devant la commission de discipline. Les
contestataires occupent alors la cour de la Sorbonne,

120
qui doit à son tour suspendre les cours. Ces incidents
inaugurent la crise universitaire, marquée par les
manifestations étudiantes au quartier latin, et les
affrontements avec les forces de police. A la suite de la
nuit des barricades, le gouvernement tente d’adopter
une attitude conciliante en décidant la réouverture de la
Sorbonne, qui est immédiatement occupée. La situa¬
tion n’est pas considérée comme très alarmante par les
pouvoirs publics — c’est-à-dire plus précisément par
Louis Joxe (garde des Sceaux), Christian Fouchet
(ministre de l’Intérieur), Alain Peyreffite (ministre de
l’Education Nationale) — du moins jusqu’à ce que la
crise sociale ne prenne le relais de l’agitation estudian¬
tine. Malgré la vague d’occupation d’usines et de grèves
sauvages, le général de Gaulle part pour la Roumanie,
mais doit écourter son voyage du fait de l’extension de
la crise. Son discours du 24 mai ne parvient pas à mettre
un terme à la paralysie du pays. G. Pompidou tente de
négocier avec les syndicats, mais les accords de
Grenelle sont rejetés par les grévistes. Du 27 au 29 mai,
le conflit atteint son paroxysme. Dans ce contexte de
confusion et d’incertitude, l’annonce de la disparition
du général de Gaulle stupéfie la classe politique et
l’opinion publique. Ce n’est que plus tard que l’on
apprendra qu’il s’est rendu à Baden Baden pour y
rencontrer Massu. Le 30 mai, te Président prononce à
la radio une allocution, alors qu’une manifestation de
« l’action civique organisée » se déroule aux Champs-
Elysées. Cette journée marque le début de la normali¬
sation. Georges Pompidou remanie le gouvernement
en éliminant Louis Joxe, Christian Fouchet, Marcel
Missoffe, M. Gorse et M. Jeanneney. Les élections des
23 et 30 juin sont un succès pour le régime qui est
parvenu à enrayer la contestation sous toutes ses
formes.

121
s

Comment l’extrême-droite s’est-elle comportée du¬


rant ces semaines ? Sur le plan politique, seul Occident
constitue une force de quelque intérêt mais ses
difficultés internes et sa rivalité avec le MJR ont nui à
son action. Le CNR a publié dans Le Monde du 25 mai
une déclaration hostile au général de Gaulle mais cet
organisme n’a aucune autorité. Dans les universités, la
crise a mis en évidence la faiblesse numérique de
l’extrême-droite et son incapacité à tirer profit de
l’agitation. Tous les groupuscules nationalistes n’ont
pas eu la même réaction puisqu’ils ont perçu différem¬
ment l’enjeu de la confrontation. Certains se sont
retranchés dans un anti-gaullisme farouche, d’autres se
sont ralliés au général. Ces divergences s’expliquent par
la gravité du dilemme auquel est confrontée l’extrême-
droite. Comme le démontre René Chiroux, celle-ci
avait le choix entre deux attitudes : lutter contre le
régime aux côtés des gauchistes, ennemis jurés des
nationalistes, ou défendre le régime, soit le général de
Gaulle, adversaire honni de l’extrême-droite. En fait,
conclut René Chiroux, les militants d’extrême-droite
n’ont pas su choisir clairement leur camp, aucun des
termes de cette alternative ne pouvant les satisfaire. Ils
ont alors subi les événements plus qu’ils ne les ont
influencés. D’où il ressort que l’extrême-droite n’avait
aucune chance en 1968 de faire admettre, tant soit peu,
son point de vue. Divisés lors de la crise, les
mouvements d’extrême-droite le seront également lors
de la campagne électorale. Tixier Vignancour, au nom
de l’Alliance républicaine, prône le vote en faveur du
« salut national », à savoir l’Union des démocrates
pour la République, formée de l’UNR et de quelques
Républicains indépendants. En revanche, d’autres
leaders inviteront leurs militants à s’opposer à de
Gaulle par tous les moyens, y compris le report au

122
second tour sur les candidats communistes. Devant la
variété des consignes de vote, l’électorat d’extrême-
droite s’éparpille^^^.
En cette fin d’année 1968, le bilan est particulière¬
ment sévère pour l’extrême-droite : faillite totale au
niveau politique, échec cuisant lors des élections,
dissolution d’Occident, persistance de rivalités entre les
courants, querelles intestines. L’extrême-droite ne
constitue plus qu’une force de plus en plus marginale,
et cette exclusion est la résultante d’une double
évolution.
D’une part, le gouvernement dispose d’une assise
bien plus solide qu’auparavant. Cet ancrage de la
V' République lui permet de résister aux turbulences,
alors qu’en 1958, la crise politique s’était aisément
transformée en crise de régime. Le départ du général
de Gaulle en 1969 ne remettra pas en cause l’essentiel
du système, Pompidou poursuivant, à quelques excep¬
tions près, la politique de son prédécesseur.
D’autre part, l’extrême-droite semble s’être trop éloi¬
gnée des réalités. La vacuité de sa doctrine qui, jusqu’à
présent, ne constituait qu’un obstacle mineur, est deve¬
nue un handicap insurmontable. Ses propositions ne
correspondent en rien aux aspirations d’une société
entrée dans l’âge post-industriel, qui réclame plus de
liberté, et non plus d’autorité, plus d’égalité et non un
retour à l’ordre naturel hiérarchisé que présentent cer¬
tains nationalistes. Sur le plan politique, l’accent mis par
le gouvernement sur l’anticommunisme, les mesures
d’amnistie prises en faveur des dirigeants de l’OAS et la
restauration du prestige national inaugurée par de Gaul¬
le, privent l’extrême-droite des thèmes principaux de sa
propagande. Enfin, l’antiparlementarisme ne mobilise
plus l’opinion, satisfaite dans l’ensemble du fonctionne¬
ment des institutions.

123
Devant l’étendue du « désastre », l’extrême-droite a
réalisé qu’elle s’était engagée dans une impasse et que
seule une profonde réforme pouvait lui permettre de
survivre. C’est en ce sens que l’année 1968 marque un
tournant décisif dans son histoire. Désormais, elle va
poursuivre deux objectifs complémentaires : le renou¬
vellement de sa pensée et une révision de sa stratégie.
Sans renier pour autant le primat du geste sur le verbe,
l’extrême-droite s’est dotée depuis 1968 de centres d’é¬
tude et de réflexion, à l’image du GRECE, ayant pour
ambition d’élaborer un nouveau corpus idéologique,
afin « d’entreprendre la formation mentale de ceux qui,
dans les années à venir, auront entre leurs mains le
pouvoir de décision En marge de cette stratégie
« métapolitique », l’extrême-droite a cherché à réaliser
son unité. Ordre Nouveau, créé en 1969, a relevé le
défi, ses efforts aboutissant à la création, en 1972, d’une
fédération nationaliste unitaire, baptisée Front Na¬
tional.

Conclusion :
Une incapacité chronique ?

Dans son ouvrage Introduction à la politique, Mau¬


rice Duverger définit la stratégie politique en ces
termes : « Dans le combat politique, comme dans tous
lés combats complexes, chacun agit selon un plan
préconçu, plus ou moins élaboré, où il prévoit non seule¬
ment ses propres attaques, mais les ripostes de l’adver¬
saire et les moyens d’y faire face L’examen de ces
trois types d’affrontement et des réponses de l’extrême-
droite montre que la stratégie des nationalistes pêche

124
par un manque d’unité et par un certain irréalisme.
La division entre les mouvements est, sans aucun
doute, l’obstacle majeur. Les liens entre les différents
courants sont fort ténus, prêts à se rompre à tout ins¬
tant. Dans un contexte conflictuel, la coalition des acti¬
vistes est due plus à la nécessité de regrouper des forces
éparses qu’à la volonté de s’allier durablement. Toute
association apparaît dès lors comme un pis-aller, cha¬
cun poursuivant ses objectifs. De plus, quand l’échec
devient manifeste, les organisations d’extrême-droite
s’accusent mutuellement de la faillite de l’opération, et
il en résulte de nouvelles rivalités. Cet éclatement est
accentué par les querelles internes qui conduisent à des
scissions multiples. Enfin, les échéances électorales
sont de redoutables expériences puisqu’elles sanction¬
nent ouvertement l’incapacité de l’extrême-droite de
former une force politique stable et homogène.
De ce processus de subdivision, déjà effectif en 1900
et qui s’est amplifié par la suite, il ressort que l’étude de
la mosaïque qu’est l’extrême-droite relève du jeu de
piste. Néanmoins, force est de reconnaître que malgré
ces échecs successifs, ce courant politique a fait preuve
d’un haut degré d’adaptation. Affaiblie, déchirée,
l’extrême-droite n’a jamais pour autant disparu totale¬
ment de la scène politique. En 1945, on aurait pu la
croire définitivement effacée, mais cette opinion fut
vite démentie. En 1968, elle semblait à nouveau
condamnée et F. Borella, en 1973, soulignait « la force
attractive de la bipolarisation qui réduisait
l’extrême-droite au rôle de « témoin, de mauvaise
conscience des grands partis ou d’agitateur épisodi¬
que Mais une fois encore elle a réussi à surmonter
ce cap difficile et à la faveur d’un renouvellement de sa
doctrine et de sa stratégie — plutôt dans la forme que
dans le fond — elle a retrouvé une seconde jeunesse.

125
s

Après avoir étudié les principaux thèmes de la doc¬


trine, puis le comportement de l’extrême-droite en pé¬
riode de crise, il s’agit à présent de retracer son évolu¬
tion depuis 1900, en cherchant quelles voies elle a em¬
pruntées pour assurer sa survie. La question qui sous-
tend cette analyse est la suivante : dans quelle mesure
l’extrême-droite actuelle est-elle l’héritière des mouve¬
ments passés ? Nous aspirons à montrer que, depuis le
début du siècle, l’extrême-droite a changé tout en res¬
tant fidèle à ses premières convictions. La présentation
chronologique des mouvements qui la composent nous
conduira à élaborer une taxinomie qui tienne compte
de cette double dimension, à savoir la présence simulta¬
née d’éléments de rupture et de continuité. Enfin, le
délicat problème des liens tissés entre l’extrême-droite
et l’idéologie fasciste sera abordé, afin d’évaluer ce que
les modèles allemand et italien ont représenté et repré¬
sentent encore pour certaines personnalités d’extrême-
droite.

126
PRÉSENTATION
DES EXTRÊMES-DROITES
(1900-1945)

Le tournant du siècle (1900-1914)

Le 19 novembre 1899 eut lieu l’inauguration de la


statue de Dalou : le triomphe de la République. Par-
delà son caractère anecdotique, l’événement symbolise
parfaitement la situation politique de la France en cette
fin du XIX' siècle, l’achèvement du monument de la
place de la Nation coïncidant, à quelques mois près,
avec la formation par Waldeck-Rousseau d’un gouver¬
nement de « défense républicaine ». Cette célébration
allégorique de la république paraît ainsi consacrer la
victoire du régime sur ses adversaires, et traduit la
volonté du nouveau ministère de mettre un terme aux
troubles qui déchirent le pays et favorisent l’agitation
politique.
Dès son arrivée au pouvoir, Waldeck-Rousseau est
résolu à liquider l’affaire Dreyfus. En juin, la Cour de
Cassation casse le jugement de 1894. Traduit à Rennes

127
devant un conseil de guerre qui le reconnaît coupable
avec circonstances atténuantes, Alfred Dreyfus est
condamné à dix ans de réclusion puis grâcié par le
président Loubet. Cette procédure, imparfaite sur le
plan moral, permet néanmoins d’apaiser les esprits.
D’autre part, le gouvernement engage des poursuites
contre les principaux ligueurs. Deux hommes sont
particulièrement visés : Déroulède et Jules Guérin. Le
premier a tenté, lors des obsèques de Félix Faure,
d’entraîner le général Roget à marcher sur l’Elysée.
Fondateur de la Ligue des Patriotes et partisan de
Boulanger, Déroulède avait déjà été poursuivi en
justice en 1889. Acquitté en mai 1899, il est à nouveau
arrêté en août et accusé de complot contre le régime.
Jules Guérin, leader du Grand Occident de France,
tente d’échapper à la police en se réfugiant dans les
locaux de la ligue, rue Chabrol. L’épisode de « fort
Chabrol » dure 38 jours, Guérin se rendant finalement
aux autorités le 21 septembre 1899. Le procès de
Déroulède et d’une trentaine de nationalistes en Haute
Cour ne mobilise que faiblement l’opinion, accaparée
par les préparatifs de l’exposition universelle. La
plupart des accusés sont acquittés, mis à part Dérou¬
lède et Guérin, condamnés au banissement. Enfin, te
gouvernement s’attaque aux Assomptionnistes, dont le
journal La Croix a pris violemment position contre la
République lors de l’Affaire Dreyfus. A la suite du
procès de novembre 1899, la congrégation est dissoute,
tandis que Léon XIII demande au Père Bailly de
remettre à des laïques la direction du journal.
Cette politique de remise en ordre est rendue plus
aisée par l’effacement des courants qui constituaient
jusqu’alors la droite extrême, évolution entérinée lors
des élections de 1898 et confirmée lors des municipales
de 1900 et des législatives de 1902. A la Chambre,

128
monarchistes et bonapartistes voient leurs effectifs
diminuer au point d’apparaître comme de « simples
survivances historiques »^. A la chute de l’Empire, les
diverses composantes du bonapartisme se sont disper¬
sées et cet éclatement s’est accentué à la mort du prince
impérial en 1879. Jérôme-Napoléon, fils du roi Jérôme
Bonaparte et cousin de Napoléon III, devient alors le
chef du parti bonapartiste, mais est désavoué par l’aile
conservatrice groupée autour de son fils Victor. Le
prince Jérôme meurt en 1891, après avoir demandé à
ses partisans de se rallier, comme lui, à la République.
Certains << bonapartistes rouges » rejoignent la grande
famille républicaine, tandis que d’autres deviennent
royalistes, tel Tristan Lambert. Le prince Victor, pour
sa part, poursuit son combat, avec l’aide de la famille
Cassagnac, mais sans parvenir à acquérir une réelle
audience. Peu avant sa mort, il accepte le régime
républicain, du moins tel qu’il se présente en 1917
quand Clemenceau arrive au pouvoir.
Quant aux royalistes, ils sont partagés entre l’orléa¬
nisme et le légitimisme. De plus, les légitimistes
forment un bloc hétérogène composé du « parti de la
violence », du courant parlementaire et d’une aile
gauche dirigée par l’abbé de Genoude, rédacteur de La
Gazette de France. L’affaire du drapeau blanc puis
l’échec de Boulanger anéantissent tout espoir de
restauration, d’autant que le Ralliement accélère la
dissolution du courant monarchique dans les nouvelles
formations de droite. Ces courants ne meurent pas
totalement puisqu’on décèle une filiation entre ralliés et
légitimistes, progressistes et orléanistes, nationalistes et
bonapartistes. Ils laissent ainsi des descendants qui,
sous d’autres patronymes, recueilleront leur héritage.
L’évolution de l’extrême-droite au tournant du siècle
est également marquée par le passage à droite du

129
nationalisme, mutation qui conduit à un renouvelle¬
ment de sa doctrine et de ses méthodes. Les ligues
deviennent les instruments privilégiés des nouvelles
formations qui apparaissent lors de la crise boulangiste,
puis lors de l’affrontement entre dreyfusards et anti¬
dreyfusards.
Au début de la période qui nous intéresse, les
nationalistes ne constituent qu’une force minoritaire.
Ils ne comptent que 15 élus en 1898 et 59 en 1902.
D’autre part, les mesures prises par le ministère
Waldeck-Rousseau ont porté un coup sévère à l’agita¬
tion nationaliste. En fait, l’histoire de l’extrême-droite
ne débute pas sous les meilleurs auspices puisque les
premières ligues disparaissent au cours des années
1900-1906. Mais, loin de signifier la fin des nationa¬
listes, cette période est le début d’une ère nouvelle. A
la recherche d’une nouvelle identité, l’extrême-droite
en est à son apprentissage, et pose les jalons du chemin
qu’emprunteront les mouvements durant l’entre-deux
guerres.

Les premières ligues

Mosei Ostrogorski écrivit en 1902, au début de son


ouvrage consacré à la démocratie et aux partis
politiques : « L’avènement de la démocratie a brisé les
anciens cadres de la société politique. La hiérarchie des
classes et leur cohésion interne ont été détruites, et les
liens sociaux traditionnels qui unissaient l’individu à la
collectivité se sont rompus. Dès lors, la question se posa
de savoir dans quels nouveaux cadres on pourrait faire
entrer les membres de la société pour assurer à celle-ci
son existence »^. La fin du XIX' siècle correspond en
effet à l’émergence de nouvelles structures politiques :

130
l’extension du suffrage universel, la politisation de la
société liée au progrès de la presse et à la diffusion de
l’enseignement impriment une orientation originale à la
vie politique et appellent la création de partis mo¬
dernes. L’objet de ces partis n’est pas seulement
d’organiser la propagande électorale, mais de canaliser
l’énergie diffuse de cette masse croissante de citoyens.
Outre l’institutionnalisation du jeu parlementaire, la
création des ligues atteste que la politique est sortie du
cadre étroit dans lequel elle était confinée. Ce dévelop¬
pement concomitant des partis et des ligues porte en
germe les contradictions que le régime subira après la
guerre, la démocratisation du système se traduisant à la
fois par la consolidation du parlementarisme et de
l’anti-parlementarisme. Trois organisations dominent
l’histoire de l’extrême-droite durant cette période ; la
Ligue des Patriotes, la Ligue de la Patrie française et la
Ligue antisémitique.

La Ligue des Patriotes (1882-1906)

Fondée le 8 mai 1882 par Paul Déroulède et présidée


par Henri Martin^, la Ligue des Patriotes est à l’origine
une organisation républicaine qui bénéficie du soutien
de Victor Hugo, de Berthelot, de Félix Faure, d’Alfred
Mézières, de Ferdinand Buisson et de Gambetta. Ses
objectifs initiaux, qui s’inscrivent dans la plus pure
tradition patriotique, sont de mobiliser la jeunesse, de
lui enseigner l’amour de la Patrie et de la former par la
gymnastique et le tir'^. Le système d’éducation que
propose Déroulède correspond étroitement avec l’œu¬
vre de laïcisation entreprise par les Républicains, et
Jules Ferry lui-même fera distribuer des exemplaires
des Chants du Soldat, avant de devenir une des cibles

131
favorites de la Ligue. Déroulède réalise, en effet, que
ses projets sont voués à l’échec dès que Ferry revient au
pouvoir en février 1883. Dans son livre. De l’éducation
militaire, il attaque violemment le successeur de
Gambetta. La mort de ce dernier, le 31 décembre 1882,
renforce Déroulède dans la conviction que les opportu¬
nistes ne seront jamais à même de préparer la France à
la revanche, que l’esprit militaire n’est plus enseigné —
alors qu’il est l’essence de la renaissance nationale — et
que la démocratie est un mal qu’il faut enrayer par
l’instauration d’un pouvoir autoritaire. Déroulède
passe ainsi du patriotisme au nationalisme, du républi¬
canisme à l’antiparlementarisme, cette évolution de la
Ligue des Patriotes étant caractéristique des change¬
ments doctrinaux produit par le passage à droite des
valeurs nationales^. A la recherche, depuis la mort de
Gambetta^, d’un homme providentiel capable d’incar¬
ner les forces du renouveau, Déroulède se rallie à la
cause boulangiste^. Cette orientation de la Ligue ne va
pas sans quelques difficultés puisque, dès 1887, Dérou¬
lède doit affronter l’opposition des éléments libéraux,
membres du Comité directeur. En 1888, la rupture est
consommée entre boulangistes et républicains®. Dérou¬
lède réorganise son mouvement qui abandonne son
apolitisme initial pour se lancer à l’assaut des institu¬
tions et du régime. La physionomie de la Ligue s’en
trouve modifiée, de même que son implantation
géographique : elle enregistre un net recul en province
mais reste puissante à Paris, Lyon et Marseille^. Si le
chiffre avancé en 1887 par Déroulède de 200 000
adhérents est incontestablement exagéré, la Ligue
apporte au boulangisme une structure efficace et
d’importants moyens d’action sans lesquels il eût été
impossible au général Boulanger de mettre la Républi¬
que en péril. Nommé ministre de la guerre en janvier

132
1886, sur la recommandation de Clemenceau, Boulan¬
ger fait preuve d’un remarquable zèle républicain en
rayant des cadres de l’armée le duc d’Aumale, puis en
l’expulsant par décret. Les réformes qu’il introduit —
amélioration des conditions de vie des soldats, adoption
du fusil Lebel, suppression du volontariat et du tirage
au sort, projet de réduction du service militaire, etc —
lui confèrent une grande popularité que renforce
l’affaire Schnaebelé en avril 1887. En mai, quand
Rouvier succède à Goblet, le « Général Revanche » est
écarté du ministère, et nommé commandant du 13®
corps à Clermont-Ferrand. Son départ donne lieu à une
agitation sans précédent qui inquiète le gouvernement,
tandis que le « scandale des décorations » oblige le
président Grévy à démissionner en novembre. La Ligue
des Patriotes se mobilise, Déroulède étant décidé à
marcher sur l’Elysée si Ferry est élu. Quant à
Boulanger, éligible depuis sa mise à la retraite, il cède à
la tentation politique, soutenu par Déroulède, mais
aussi par les royalistes et les bonapartistes. Le point
culminant de sa campagne est l’élection partielle du 27
janvier 1889 à Paris. Pressé par son entourage de
prendre le pouvoir. Boulanger se récuse, puis s’enfuit
peu après en Belgique.
Pour le nouveau ministre de l’Intérieur, Constans, la
Ligue constitue une menace qu’il entend supprimer au
plus tôt. Déroulède est traduit en justice, et en mars le
Tribunal correctionnel de la Seine ordonne la dissolu¬
tion de la Ligue des Patriotes, qui continue néanmoins
ses activités. Après un relatif déclin, elle est reconsti¬
tuée en novembre 1896, et devient, lors de l’affaire
Dréyfus, l’une des principales forces de l’extrême-
droite nationaliste. Présidée par Déroulède — élu
député d’Angoulême — la nouvelle ligue part à la
conquête de la capitale. La tentative de coup d’état de

133
Déroulède en février 1899 échoue, mais la Ligue n’est
pas étrangère à la victoire des nationalistes lors des
municipales de 1900, puis des législatives de 1902.
Cependant, l’exil de Déroulède affaiblit le mouvement.
Quelques fidèles tentent de poursuivre son œuvre :
Marcel Habert, Henri Galli, rédacteur de VIntransi¬
geant, Ferdinand Le Menuet, Jacques Robert... Barrés
accepte de diriger pour quelques mois Le Drapeau.
Malgré ces efforts, la Ligue ne parvient pas à retrouver
son éclat de 1889. De plus, elle subit la concurrence
d’une nouvelle organisation : la Ligue de la Patrie
Française. Le retour de Déroulède en 1905 n’enraye
pas le déclin des Patriotes. Battu aux législatives de
1906, Déroulède se tourne vers la droite modérée. En
1909, après deux ans de silence, il prononce un
discours, au théâtre du Gymnase, dans lequel il
présente la Ligue comme l’organisation susceptible de
servir de centre à « une grande association électorale
républicaine qui n’aurait d’autre but et d’autre pro¬
gramme que d’empêcher à tout prix, en 1910, la
réélection d’aucun des membres de la majorité ré¬
gnante Cette ambition reste vaine et la Ligue, en
proie à des difficultés financières, disparaît de la scène
politique^^

La Ligue de la Patrie française (1899-1905)

A la suite de la publication par le journal L’Aurore


de la lettre ouverte de Zola au président de la
République, l’affaire Dreyfus prend une dimension
politique et l’affrontement entre dreyfusards et anti¬
dreyfusards s’intensifie. En décembre 1898, Gabriel
Syveton, Henri Vaugeois et Louis Dausset, tous trois
agrégés de l’Université, contactent François Coppée,

134
Jules Lemaître, Ferdinand Brunetière et Maurice
Barrés afin de créer un mouvement qui puisse s’oppo¬
ser à la Ligue des Droits de l’homme, fondée le 4 juin
1898. Le 31 décembre, le Soleil publie un manifeste
signé par plusieurs personnalités dont 22 académiciens,
des membres de l’Institut, des universitaires, des
écrivains. La Ligue de la Patrie française est officielle¬
ment créée le 19 janvier 1899. François Coppée en est
le président, Louis Dausset le secrétaire-général,
Gabriel Syveton le trésorier et Henri Vaugeois le
secrétaire-adjoint. Barrés, Marcel Dubois, Alfred
Giard et de Mahy sont délégués.
Le manifeste, repris par plusieurs journaux, rem¬
porte un vif succès et les signataires se multiplient. La
Ligue aura pourtant une existence éphémére, car,
comme le souligne Zeev Sternhell, « elle incarne toutes
les faiblesses et toutes les contradictions du nationa¬
lisme Elle souffre en premier lieu d’un manque de
cohésion entre ses inspirateurs. Dés février 1899, les
attaques de Coppée et de Lemaître contre Loubet
provoquent la démission de plusieurs signataires. Puis,
les désaccords entre Lemaître et Coppée conduisent ce
dernier à démissionner en octobre 1902. Enfin, Barrés
quitte le Comité en 1901, entraînant avec lui ce qui
constituera le noyau de la future Action française.
D’autre part, la Ligue de la Patrie française n’a pas
de programme véritablement défini. Conçue à l’origine
comme un parti de l’intelligence dont l’ambition serait
de rassembler tous les Français et de « fortifier l’esprit
de solidarité qui doit relier entre elles, à travers le temps,
toutes les générations d’un grand peuple la Ligue
pénétre dans l’aréne politique sans avoir réussi à se
doter d’une théorie, ni même d’une stratégie cohé¬
rente. « Grand corps sans identité elle ne survivra
pas à l’échec électoral de 1902. De plus, sa prétention à

135
s

l’exclusivité l’isole à la fois de la droite traditionnelle et


des autres ligues extrémistes. C’est ainsi que, se
rapprochant progressivement de la droite conserva¬
trice, elle se rallie à l’Action libérale en 1904. Mais
l’organisation de Jacques Piou l’accueille avec réserve
puisque la Ligue de la Patrie française refuse de
s’engager résolument dans la défense de l’Eglise. Dans
le même temps, elle s’exclut elle-même du camp
extrémiste, fort soucieuse de se démarquer de la Ligue
des Patriotes et de la Ligue antisémitique de Jules
Guérin. Plusieurs divergences doctrinales expliquent la
détérioration des rapports avec ces deux mouvements,
auxquelles il convient d’ajouter des rivalités personnel¬
les. La Ligue de la Patrie française désire plus une
remise en ordre du régime que l’instauration d’un
régime autoritaire, dont rêve Déroulède depuis la mort
de Gambetta et l’échec de Boulanger. Désirant agir
dans la légalité et hostile à toute manifestation de
violence, elle adopte ainsi une attitude nettement en
retrait sur celle de Déroulède et de ses partisans. Les
dirigeants veillent en 1899 à souligner leur désaccord
avec la tentative de Déroulède et refusent, à la grande
déception de Barrés, de lutter aux côtés des autres
nationalistes. Cette prudence ne lui évitera cependant
pas d’être considérée par le gouvernement comme une
menace, au même titre que ses concurrents. La seconde
particularité de la Ligue de la Patrie française réside
dans le caractère conservateur de son nationalisme.
L’analyse socio-professionnelle des adhérents présen¬
tée par Jean-Pierre Rioux^^ révèle que les ouvriers,
artisans et employés représentent à peine 4 % des
effectifs, alors que les professions littéraires, artisti¬
ques, juridiques et médicales en constituent près de
70 %. Impuissante à mobiliser les masses populaires, la
Ligue de la Patrie française est « la forme d’expression

136
politique à la fois du personnel dirigeant, des hauts
notables aristocrates ou bourgeois et de la bonne ou
“moyenne” bourgeoisie Enfin, on ne retrouve pas
dans les déclarations de ses dirigeants l’attachement
quasi obsessionnel que Déroulède porte à l’Alsace-
Lorraine, ni le culte de l’armée. Certes, la Ligue de la
Patrie française tient l’armée pour une des forces vives
de la nation, mais on est loin des incantations lyriques
de Déroulède pour qui l’esprit national ne peut exister
sans esprit militaire. Mais la plus grande originalité de
la Ligue de la Patrie française est son refus d’exploiter
l’antisémitisme, ce qui, dans le contexte de l’époque, la
prive d’un argument électoral décisif. Rejetée par les
anti-dreyfusards qui peu à peu lui préféreront d’autres
mouvements, elle n’est pas pour autant admise par les
républicains. Perpétuellement en porte-à-faux, elle
s’engage dans une impasse et ses contradictions lui
vaudront d’être absorbée par la droite conservatrice,
tandis que ses éléments les plus radicaux iront rejoindre
l’Action française.
En 1900, les leaders de la Ligue de la Patrie française
n’ont encore aucun motif d’inquiétude puisque, bénéfi¬
ciant d’importants appuis financiers et du soutien de
plusieurs journaux^^, le Comité contacte des parlemen¬
taires, multiplie les réunions et met en place de
nouvelles structures afin d’encadrer le flot croissant des
sympathisants : 40 000 à 50 000 environ en février
1900^®. La victoire des nationalistes à Paris rend
Lemaître optimiste quant à l’issue du scrutin de 1902.
Cette euphorie est de courte durée et la Ligue traverse,
dès 1901, une crise profonde marquée par la diminution
des effectifs, le gaspillage des fonds reçus, l’intensifica¬
tion des querelles au sommet et la désaffection de
plusieurs comités de province. Les efforts pour collabo¬
rer avec les autres ligues au sein du Comité central du

137
parti républicain échouent rapidement. La défaite
électorale de 1902 entérine l’affaiblissement de la Ligue
de la Patrie française : la majorité de ses militants
l’abandonne au profit du groupe des Républicains
plébiscitaires de Gauthier de Clagny ou de la Fédéra¬
tion républicaine, formée en 1903 par les orléanistes et
les opportunistes de Méline.
L’affaire Syveton, accusé de détournement de fonds,
jette le discrédit sur la Ligue. Elu député de la Seine en
1902, Syveton doit sa notoriété à l’incident qu’il
provoque en novembre 1904 quand il gifle en pleine
Assemblée le général André, ministre de la guerre,
compromis dans le scandale des fiches du Grand
Orient. Sa mort, le 9 décembre, alors qu’il devait
comparaître le lendemain devant la Cour d’Assise,
suscite d’âpres controverses. Aux révélations de la
presse sur Syveton, les nationalistes répliquent en
réfutant la thèse du suicide et en affirmant que le
trésorier de la Ligue a été victime d’un assassinat
maçonnique. Cette thèse du complot ne suffit pas à
enrayer la désagrégation du mouvement. Dausset, qui
assurait l’intérim depuis le départ de Lemaître, renonce
en 1905 à la présidence, tandis que les derniers fidèles
se dispersent.

La Ligue antisémitique (1889-1902)

Au tournant du siècle, l’antisémitisme devient une


arme politique, un moyen de fédérer les forces du
nationalisme. L’accusation de peuple déicide est com¬
plétée par une théorie pseudo-scientifique de l’inégalité
des races, élaborée par Gustave Le Bon, Georges
Vacher de Lapouge et Jules Soury. Drumont diffuse ces
idées en France et les popularise en réalisant la
synthèse de l’antijudaïsme chrétien et de l’antisémi-

138
tisme économique. Michel Winock note à ce propos
que « c’est Drumont qui, par la fonte de tous les
éléments antijudaïques, judéophobes et antisémitiques
exprimés avant lui, a su élever le mythe juif à la hauteur
d’une idéologie et d’une méthode politique
En effet, Drumont n’est pas un précurseur et d’autres,
avant lui, ont tenté de diffuser cet antisémitisme
moderne. Dès 1883 est créé L’Antisémitique, hebdoma¬
daire provincial dirigé par A.Vrécourt qui devient en
1884 Le Péril Social. Parmi ses collaborateurs figurent
r abbé Chabauty—auteur de Les Juifs, nos maîtres (1882)
et émule du chevalier Gougenot des Mousseaux qui fit
paraître en 1869 un ouvrage intitulé Le Juif, le judaïsme et
la judaïsation des peuples chrétiens — et A. Chirac, auteur
de Les Rois de la République : histoire des juiveries.
Synthèse historique et monographique (1883). L’Antisé¬
mitique projeta de fonder, sans succès, une ligue. En
revanche, Drumont y parvient, en 1889. Le 5 septembre,
la Ligue antisémitique, expression de ce syncrétisme
théologico-raciste socialisant, se fait connaître de
l’opinion publique en appelant les électeurs à voter pour
tout candidat voulant « abattre la puissance de Roths¬
child Aux côtés de Drumont, on trouve des
socialistes nationaux, tel Rochefort, des blanquistes et
des communards. Cet apport donne à la ligue antisémiti¬
que une coloration particulière puisqu’on décèle les
influences de Toussenel, de Blanqui et de Gustave
Tridon, qui publie en 1884 Du Molochisme juif. Le
marquis de Morès, principal artisan de l’alliance entre
l’aile gauche du boulangisme et les nationalistes
antisémites, joue un rôle décisif. Il anime en janvier-
février 1890 la réunion de Neuilly, en vue de la réélection
de Francis Laur, membre du Comité national, cette
réunion étant selon Zeev Sternhell, « le véritable acte de
naissance du mouvement antisémite

139
La Ligue antisémitique participe aux élections muni¬
cipales, mais la fin du boulangisme la prive de sa raison
d’être. En 1892, Drumont abandonne ses activités
politiques pour se consacrer au quotidien qu’il lance en
avril, la Libre Parole^^. La Ligue antisémitique est alors
remplacée par le groupe de « Morès et ses amis », qui
disparaît à son tour après le départ du marquis pour
l’Afrique^^.
A la faveur de l’affaire Dreyfus, Guérin ressuscite la
Ligue antisémitique en 1898. Ses objectifs sont de
« protéger le “travail national” sans distinction de classes
sociales contre les efforts de la concurrence étrangère »,
de « libérer les Français et la nation du joug des juifs » et
« d’interdire aux juifs l’accès de toutes les fonctions
publiques »^‘^. En vue des élections de 1898, Guérin
réorganise la Ligue dont Drumont accepte le patronage
nominal. Des sections parisiennes sont établies et
Guérin multiplie les efforts de propagande en province.
En juillet 1898, la ligue compte environ 10 000
adhérents, répartis en 130 sections^^. Les résultats de la
consultation sont encourageants : l’Algérie envoie
quatre députés (Drumont, Firmin Faure, Marchai,
Morinaud) et Drumont préside à la Chambre le groupe
parlementaire antisémite. Guérin rompt peu après avec
ce dernier et rebaptise la Ligue qui devient le Grand
Occident de France. Avec l’aide financière du duc
d’Orléans, Guérin fonde en août L’Antijuif et envisage
la création d’une « société mutuelle de protection du
travail social », rêve sans lendemain mais qui préfigure
le syndicalisme jaune. Le Grand Occident se montre
particulièrement actif en 1899 et bien que les relations
entre Guérin et Déroulède ne soient pas des plus
amicales, la Ligue des Patriotes soutient les assiégés de
« fort Chabrol ». La condamnation de Guérin met fin à
l’existence de la Ligue antisémitique. Drumont, pour sa

140
part, perd son siège de député en 1902 et ne peut
réaliser son projet de Fédération nationale anti-juive.
Le ministère Waldeck-Rousseau semble avoir réussi à
endiguer l’agitation nationaliste et l’on note, à cette
période, un reflux sensible de l’antisémitisme. Cet
effacement sera de courte durée, Léon Daudet se
révélera bien vite l’héritier de Drumont tandis que
surgira dès 1899 une nouvelle génération de socialistes
nationaux s’engageant sur les traces de Guérin.

La droite prolétarienne

Le socialisme national^^ est sans conteste le courant


le plus original et le plus déterminant dans l’histoire de
l’extrême-droite depuis 1900. Expression du rapproche¬
ment qui s’est établi entre une droite contestataire à la
recherche d’une assise populaire et certains milieux
socialistes hostiles à l’internationalisme marxiste, le
socialisme-nationaP regroupe sous sa bannière des
éléments disparates que cimentent l’antisémitisme,
l’anti-libéralisme et l’antiparlementarisme. S’il peut
être présenté, a posteriori, comme le précurseur de ce
que sera le néo-socialisme des années trente, il est
avant tout, dans le contexte de l’époque, une tentative
de réponse aux changements qui affectent la société.
Rochefort, Guérin, puis Lanoir et Biétry souhaitent
intégrer dans un même ensemble idéologique les
thèmes qui peuvent séduire les masses ouvrières, les
amener au nationalisme et à l’anticollectivisme. En
d’autres termes, leur priorité est de répondre au
développement du syndicalisme socialiste, par l’élabo¬
ration d’un programme qui tienne compte des aspira¬
tions populaires mais qui détourne les ouvriers de la
CGT. Pour réaliser cette alliance du socialisme anti-

141
internationaliste, de rantiparlementarisme et de l’anti¬
sémitisme, ces agitateurs puisent dans l’œuvre des
théoriciens pré-marxistes, tels Proudhon et Blanqui qui
prônèrent en leur temps « l’association mutualiste » ou
la création « d’ateliers nationaux ». Défense de la
propriété privée mais en la corrigeant des excès
auxquels elle peut donner lieu, abolition de la lutte des
classes par une collaboration fraternelle de toutes les
catégories sociales, protection des intérêts des travail¬
leurs français face à la concurrence étrangère, réforme
de 1 organisation du travail, tels sont les points
principaux de ce courant, influencé d’autre part par
Barrés, Drumont et par le boulangisme.
Le premier « syndicat jaune »^* est fondé en novem¬
bre 1899 à Montceau-les-Mines par huit mineurs qui,
refusant de participer à un mouvement de grève,
appellent à la conciliation des intérêts ouvriers et
patronaux. Cette initiative marque la naissance d’une
nouvelle forme de syndicalisme qui entend incarner le
« Véritable socialisme français ». D’abord circonscrit
dans la région de Montceau, le mouvement des Jaunes
s’étend progressivement après la formation, en 1901, de
la Bourse indépendante de Paris, et de l’Union
fédérative des syndicats et groupements ouvriers pro¬
fessionnels de France et des colonies. Dirigés par
Lanoir, les Jaunes tiennent leur premier congrès
national en mars 1902. Le mouvement compte alors
près de 100 000 adhérents^^, et bénéficie du soutien de
l’Association républicaine de Méline, de l’extrême-
droite antisémite et de différents organes de presse. La
rupture entre Lanoir et Biétry, secrétaire général
adjoint de la Bourse du travail indépendante, modifie
sensiblement l’orientation des Jaunes. Le 1er avril
1902, Pierre Biétry fonde la Fédération nationale des
Jaunes de France, tandis que Lanoir tombe dans

142
l’oubli. En décembre de la même année, Biétry modifie
le nom du mouvement qui devient l’Union fédérative
des ouvriers et syndicats professionnels indépendants.
Après une courte période de déclin, due à des
difficultés financières, les Jaunes lancent en janvier
1904 un hebdomadaire. Le Jaune, grâce aux fonds
versés par la duchesse d’Uzès. Au lendemain du
congrès national de novembre 1904, la FNJF s’engage
dans l’action politique, et Biétry est élu à Brest en 1906.
Il publie à ce moment un ouvrage qui résume l’essentiel
des revendications des Jaunes^®. Biétry s’attaque tout
d’abord aux chefs socialistes, maîtres des syndicats, qui
ont détourné ces organisations de leur but profession¬
nel vers un but politique. La FNJF s’élève contre le
collectivisme, « système de réaction, une vieillerie, une
antiquaille contre l’étatisme, « conséquence natu¬
relle du collectivisme contre l’antimilitarisme, l’an¬
ticléricalisme, la journée de huit heures, le droit de
grève, et bien sûr, contre la lutte des classes. Biétry
souligne que, à l’inverse des « manitous de la sociale
qui introduisent des principes « contraires à l’évolution
de l’humanité », les syndicalistes jaunes sont « arrivés
scientifiquement et expérimentalement à dégager la loi
naturelle et par-là même nécessaire qui doit régir les
rapports du capital et du travail Cette loi réside dans
le rétablissement de « l’association libre, purement
professionnelle, d’ouvriers et de patrons, en dehors de
l’ingérence de l’Etat, organisée par métiers et par
régions Biétry oppose alors terme à terme le
programme socialiste et le programme des Jaunes de
France : accession à la propriété privée contre « l’anti¬
que servage sous la forme de la propriété d’Etat ;
décentralisation contre étatisme ; patriotisme intelli¬
gent opposé à l’internationalisme qui fait de l’ouvrier
« un déraciné ; respect de l’armée contre les

143
« utopies pacifistes ». Au terme de son analyse, Biétry
souligne l’impérative nécessité d’établir entre patrons
et ouvriers des rapports harmonieux par <? la connais¬
sance 'vraie des intérêts
Cette année 1906 marque l’apogée de la FNJF. Paris
devient le centre biétriste le plus important. Les Jaunes
sont soutenus par la Ligue des Femmes françaises, par
les comités royalistes et bonapartistes, par les anciens
membres de la Ligue de la Patrie française et par la
Ligue antimaçonnique française. L’Action française
suit avec bienveillance l’essor des Jaunes — qui fondent
la Jeunesse Jaune, la Ligue des femmes françaises pour
la défense des Jaunes, puis en 1907, le Comité de
défense judiciaire — et Biétry donne deux conférences
à l’Institut d’Action française. En 1908, Biétry remanie
à nouveau les structures du mouvement avec d’une part
le Parti propriétiste, et d’autre part, la Fédération
syndicale des Jaunes de France. En décembre 1909
apparaît un nouvel hebdomadaire : La Voix française.
Afin de réaliser ses ambitions politiques, Biétry fait
plusieurs concessions à la droite traditionnelle, mais ses
louvoiements le conduisent à l’échec. En 1910, il doit
renoncer à défendre son siège de député, et constate
avec amertume son isolement. Lâché par les conserva¬
teurs et la droite extrême, le syndicalisme jaune
s’étiole. Biétry cesse toute activité en 1912 pour
s’embarquer à destination de l’Indochine. En défini¬
tive, il a été incapable de transformer les Jaunes en
véritable force politique et de prévenir les scissions qui,
à partir de 1906, affaiblissent la FNJF. De plus, absorbé
par ses activités parisiennes, il a perdu tout contact avec
la base. Enfin, ses erreurs tactiques sont venues
accentuer une défaillance doctrinale, les Jaunes n’ayant
su trouver cette « voie nouvelle entre le libéralisme et le
marxisme

144
L ’A ction française

Sur les ruines des premières ligues du début du siècle


s’élève un mouvement qui va exercer, pendant plus de
quarante ans, une influence considérable sur i’extrême-
droite : l’Action française. La Ligue d’Action française
doit sa création à la volonté d’un groupe d’intellectuels
antidreyfusards, réunis autour de Maurice Pujo et
d’Henri Vaugeois, de fixer les grandes lignes d’une
restauration nationale. En 1898, peu avant les élec¬
tions, Pujo — fondateur et directeur de la revue l’Art et
la vie— et Vaugeois, professeur de philosophie au
collège de Coulommiers, fondent un Comité d’Action
française auquel adhèrent plusieurs anti-révision-
nistes'^^. L’appel du Comité rencontre néanmoins peu
d’écho et ses deux promoteurs participent à la création,
en décembre, de la Patrie française. En janvier 1899,
Vaugeois rencontre Charles Maurras pour la première
fois et présente, le 20 juin, lors d’une conférence
patronnée par la Patrie française, l’Action française. Le
10 juillet paraît le premier numéro du bulletin de cette
nouvelle organisation, dont les rapports avec Lemaître
et Coppée s’enveniment rapidement. Maurras, Pujo et
Vaugeois reprochent à la Ligue de la Patrie française
son caractère timoré et son absence d’objectif précis.
Dès 1899, la Revue de l’Action française exprime des
vues plus radicales et en particulier un antirépublica¬
nisme qui inquiète François de Mahy. La disparition de
la Patrie française sert les ambitions de cette jeune
équipe de nationalistes qui en 1905, à la faveur des
troubles qui se produisent lors du soixante-quinzième
anniversaire de la naissance de Fustel de Coulanges,
transforment leur mouvement en ligue puis fondent un
Institut.
A cette date, l’Action française a non seulement

145
s

rejeté tout l’héritage de 1789 qui imprégnait encore le


nationalisme des ligues précédentes, mais elle s’est
ralliée à la cause monarchique. Rien ne laissait prévoir
à l’origine cette évolution, puisqu’on juin 1899, l’Action
française comptait dans ses rangs aussi bien des
bonapartistes, que des catholiques et des démocrates.
Vaugeois avait été radical-socialiste, Daudet — venu à
l’Action française en 1904 — avait été anti-boulangiste.
Montesquieu s’était résolu à accepter la République et
Pujo avait fréquenté un temps les milieux anarchistes.
Maurras lui-même, initiateur de cette conversion, n’est
venu au royalisme qu’un an avant l’affaire Dreyfus. Né
en 1868 à Martigues, d’un père libéral et d’une mère
dévote et royaliste, il entre en 1876 au collège d’Aix-en-
Provence. Frappé de surdité à l’âge de 14 ans, il
« s’enferme dans les idées » et sa méditation le conduit à
prendre conscience de l’existence d’un « ordre supé¬
rieur de la nature Ayant perdu la foi, il est séduit un
moment par le fédéralisme et, en 1888, son éloge de
Théodore Aubanel est couronné par la société des
Félibres de Paris où il rencontre Mistral. Il fait
également la connaissance de Barrés, puis de Jean
Moréas, de l’Ecole Romane, et collabore à diverses
revues : Les Annales de la philosophie chrétienne, La
Réforme sociale, L’Observateur français. Le Figaro, La
Gazette de France, La Cocarde... En avril 1896, La
Gazette de France l’envoie en Grèce et ce voyage le
conforte dans l’idée que le royalisme est le meilleur
régime politique qui soit, le mieux adapté à l’état
« naturel » de la nation. Il écrit : « Le fait est que, de ce
moment, la destinée de mon pays a commencé de m’être
claire ; je me représentais notre nation parée de tant de
qualités sérieuses, point affaiblies, et de tant de charmes
toujours brillants, mais réduite à la condition d’une
véritable orpheline (...) La décision de mon royalisme

146
intellectuel était prise En 1898, il participe à la
campagne antidreyfusarde de La Gazette de France
dans laquelle il publie, en septembre, un article
démontrant que le colonel Henry a agi par patriotisme.
En 1899, il est le seul royaliste de l’Action française,
mais il entend convaincre les autres membres du
Comité du bien-fondé de ses convictions. Alors que le
ministère Waldeck-Rousseau engage des poursuites
contre les dirigeants royalistes, Maurras rédige un
manifeste. Dictateur et Roi, qu’il complète par son
Enquête sur la monarchie en 1900. Il se rend auprès
d’André Buffet, chef du bureau politique du duc
d’Orléans, et du Comte de Lur-Saluces, président des
comités royalistes du Sud-Ouest, tous deux réfugiés en
Belgique. Paul Bourget, Barrés, Vaugeois, Lucien
Moreau et Bainville font part également de leur point
de vue. Maurras expose dans cette enquête le principe
qui guidera toute son action : <■< On démontre la
nécessité de la monarchie comme un théorème. La
volonté de conserver notre patrie française une fois posée
comme postulat, tout s’enchaîne, tout se déduit d’un
mouvement inéluctable
La controverse entre Barrés et Maurras illustre
clairement le fossé qui sépare l’Action française des
autres ligues. Barrés refuse de suivre Maurras dans
l’engagement monarchique car, dit-il, il faut considérer
l’histoire de France dans son ensemble, en respectant la
légitimité de chacune de ses phases et l’irréversibilité de
ses acquis. Barrés incorpore ainsi au nationalisme,
l’héritage révolutionnaire et l’épopée napoléonienne,
étant alors plus proche des républicains conservateurs
que Maurras qui se réclame, non de Michelet — dont il
condamnera, dans Trois idées politiques (1898), le
messianisme romantique et les illusions révolutionnaires
— mais de Maistre et de Bonald. Selon Barrés, la

147
s

référence exclusive aux «- quarante rois qui, en mille ans,


firent la France » revient à nier l’évolution de l’histoire et
il écrit : << Je ne date pas d’un siècle l’histoire de France,
mais je ne puis non plus méconnaître ses périodes
récentes Pour Maurras, en revanche, « ce que nous
nommons France est né de l’organisation capétienne
tout ce qui est advenu depuis 1789 devant être rayé. Il ne
s’agit donc pas d’amender le régime républicain en le
corrigeant de ses excès, mais de provoquer sa ruine au
profit de la monarchie, qui répond à tous les postulats du
nationalisme et est conforme aux enseignements de la
science : « Race, continuité, sélection, ces idées rédemp¬
trices, logiquement et rationnellement ordonnées, impo¬
sent la reconstitution, la restauration et la réorganisation de
la France Être patriote revient à être monarchiste,
« la raison le veut ». Cette combinaison du nationalisme
et du traditionalisme contre-révolutionnaire, deux
traditions qui jusque-là ne s’accordaient guère, est une
des grandes originalités de l’Action française. Elle se
distingue de tous les mouvements antérieurs par cette
dénonciation absolue de l’idéal républicain, au nom
d’une conception organique de l’histoire et de la
défense du « culte du vrai en soi, l’amour de la
construction nationale, le respect de la piété de tous nos
ascendants

En second lieu, l’Action française se différencie des


autres ligues par son souci d’élaborer une doctrine
cohérente puisque, selon Maurras, les mouvements
précédents ont échoué faute d’avoir su définir avec
clarté leurs objectifs. Le constat de cette carence le
convainc que « pour changer le résultat des consulta¬
tions populaires, il fallait s’appliquer à changer l’opi¬
nion ; pour changer l’opinion, changer les idées ; pour
changer les idées, changer l’esprit »‘^^. Cette construc-

148
tion doctrinale, qui donne à l’Action française l’appa¬
rence d’un « mouvement intellectuel et hautement didac¬
tique constitue une nouveauté, non seulement par
son contenu mais aussi par sa forme. Maurras, avant
même de devenir le théoricien de l’Action française, a
toujours accordé une grande importance au style. Dans
ses écrits politiques, il applique une méthode qu’il tire
du positivisme : l’empirisme organisateur. Ce souci de
cohérence — même si celle-ci n’est qu’apparente — va
séduire bon nombre de nationalistes, par ailleurs peu
attirés auparavant par le principe monarchique.
Maurras entend utiliser l’arme de la logique pour
lutter contre la décadence qu’il perçoit dans toutes les
sphères de l’activité humaine. Du traditionalisme, il
retient l’idée d’un ordre naturel, par essence hiérarchi¬
que et inégalitaire.
L’adoption de cette thématique contre-révolution¬
naire amène tout naturellement Maurras à s’attaquer
au régime politique qui passe pour l’expression des
idéaux de 1789 : la démocratie. Contraire à la raison et
désavouant les « principes de la nature elle ne peut
que finir en « Médiocratie et consacre l’avènement
de « l’Etatisme égalitaire et du prétendu Volontarisme
populaire De plus « l’argent est le géniteur et le père
de tout pouvoir démocratique, de tout pouvoir élu, de
tout pouvoir tenu dans la dépendance de l’opinion
Instaurant le centralisme au détriment du régionalisme,
détruisant les corps intermédiaires et avec eux tout
espoir de stabilité, la démocratie « n’est pas autre chose
que l’incohérence d’une foule inorganique Enfin, le
patlementarisme est aux yeux de Maurras une « opéra¬
tion diviseuse », qui se nourrit de la « lutte intestine »^^
consécutive à l’éclatement du corps politique et social
en factions rivales. Pour enrayer le mal, il n’est qu’une
solution : rétablir la monarchie.

149
s

Maurras et les hommes qui l’entourent se sont ralliés


à ce choix au terme d’un examen des autres doctrines
politiques. René Rémond note à ce propos que « leur
monarchisme est l’aboutissement d’une démonstration, il
est la conséquence des lois de la physique sociale et
que le néo-royalisme de l’Action française n’a << que le
nom de commun avec celui des ultras, des légitimistes et
des chevau-légers En effet, ce n’est pas par
attachement à la personne du roi que Maurras devient
royaliste, mais parce qu’il entrevoit ce qui, dans la
restauration, pourrait servir la cause nationaliste. De
même, la défense de l’Eglise romaine sera un impératif
dès lors que « la légitimation du pouvoir ne peut venir
que de Dieu que la politique tirée de l’Ecriture
Sainte corrobore la « politique naturelle » et surtout
que l’Eglise, en tant qu’institution, constitue une force
décisive dans la lutte contre la République laïque. Au
service d’un absolu, la défense de la nation, Maurras
estime que la monarchie répond aux besoins du pays.
Son premier argument est le suivant : la survie de la
nation passe par l’élimination de ce qui est étranger, et,
en premier, le modèle démocratique imposé par les
quatre « Etats confédérés », au profit d’un régime
spécifiquement français : la monarchie. D’autre part, la
civilisation est un capital que doit transmettre chaque
génération, à condition que des luttes intestines ne
dilapident pas ce qui fait la puissance et l’éclat de la
France. Contre « la ruine totale de la Maison France »,
il est impératif de revenir au principe héréditaire qui,
dans le passé, a permis à la nation de prospérer et de
s’unifier. Enfin, le dernier élément en faveur de la
monarchie réside dans ce que Maurras présente comme
la raison d’Etat. Il écrit : << La raison d’Etat est dans la
nature des choses. Mais tant vaut un Etat, tant vaut sa
raison La démocratie, « gouvernement du Nom-

ISO
bre assujettit le gouvernement au bon vouloir de la
masse, le rendant incapable de gérer le patrimoine
national : « un Etat créé par les partis, ballotté entre les
partis n’a d’autre raison que celle qu’il peut avoir : elle
est courte, bornée, successive, contradictoire. Elle
couvre les intérêts particuliers au lieu de défendre les
intérêts généraux A l’inverse, << la raison d un Etat
placé au-dessus des partis s’inspire des nécessités
supérieures de l’existence de la nation En conclu¬
sion, Maurras présente explicitement les raisons de son
choix : « Non seulement parce que la dynastie écarte le
système épuisant des compétitions électorales et parle¬
mentaires, mais parce qu’il est bon et beau que l’autorité
d’un chef souverain ne soit pas un pouvoir fabriqué de
main d’homme, qu’il nous vienne du fond des âges et
que les siècles nous le forment » .
Maurras prétend démontrer ainsi que la monarchie
apporte une solution aux problèmes posés par la
décadence de la France ; et qu’à chaque défaut de la
démocratie correspond une qualité du royalisme. Le
« nationalisme intégral » met en définitive la monarchie
au service du nationalisme — et non la France au
service du Roi, règle fondamentale de l’ancienne
tradition monarchique — le point central de l’Action
française étant le salut public et la grandeur nationale,
[qui] sont l’un et l’autre absolument conditionnés par la
monarchie .

La troisième particularité de l’Action française à sa


création est son anti-conformisme, ses membres dénon¬
çant le conservatisme de la Ligue de la Patrie française
et la dérive centriste de Barrés ou de Déroulède. Dans
son Enquête sur la monarchie, Maurras envisage le
recours à la violence comme un moyen susceptible de
restaurer rapidement la monarchie. Constatant l’ineffi-

151
s

cacité de l’action légale, il présente le coup de force


comme un procédé légitime, dès lors qu’il s’agit de
guérir la France du « poison démocratique ». La raison
d’Etat justifie l’emploi de la force, << capable des plus
grands bienfaits comme de défendre la patrie, de punir le
crime, de venger l’honneur ou de protéger l’inno¬
cence Mais, précise-t-il, «■ pour modifier la force, il
reste la Raison, c’est-à-dire le sens de la mesure et des
proportions intellectuelles, il reste ce sens civique qui
ajoute aux ordres supérieurs de l’esprit je ne sais quel
principe de cordialité, de bonhomie, je voudrais oser
dire de charité »^^. Dans les faits, il ne semble pas que
les sympathisants de l’Action française aient été
sensibles à cette pondération de la violence par des
principes humanitaires : reprenant les méthodes inau¬
gurées par le boulangisme, les ligueurs d’Action
française ne cesseront de défrayer la chronique par la
brutalité de leurs interventions. Dès 1902, l’affaire des
Inventaires permet à l’Action française de se présenter
comme le défenseur de l’Eglise, ce qui lui vaut le
soutien des catholiques, tandis que les polémiques
consécutives à la célébration de Fustel de Coulanges
consolident sa position et que Lucien Moreau crée à
cette date le premier groupe d’étudiants d’Action
française. Peu après, la décision de la Cour de
Cassation d’annuler la condamnation de Dreyfus en
vertu de l’article 445, ainsi que le transfert des cendres
de Zola au Panthéon en 1908 — année de la création
des Camelots du Roi, sous la direction de Maxime Réal
del Sarte — donnent lieu à des manifestations tapa¬
geuses. Les Camelots s’en prennent ensuite à François
Thalamas, « l’insulteur de Jeanne d’Arc », à Charles
Andler, accusé d’avoir emmené ses étudiants en
Allemagne pour un voyage d’étude. En 1911, c’est au
tour de Henri Bernstein, auteur de théâtre, d’être la

152
cible des Camelots, qui par ailleurs tirent parti de
toutes les cérémonies républicaines pour manifester.
Ces démonstrations permettent à l’Action française
d’accroître son recrutement, presque exclusivement
dans les milieux catholiques. La ligue compte en 1909
près de 65 sections, dont 600 adhérents pour la seule
région parisienne^^. La majorité des effectifs provient
de la bourgeoisie, mais on trouve également des
membres du clergé, des aristocrates, des paysans dans
les départements « blancs ». En revanche, la part des
ouvriers est très faible et elle n’ira qu’en diminuant^®.
Soutenue par une partie de l’épiscopat, par les
Assomptionnistes et les intégristes, l’Action française
se structure peu à peu, élargissant ses activités par le
biais de l’Institut puis de la Nouvelle Librairie Natio¬
nale. Grâce à l’apport financier des Daudet, l’ancienne
revue devient un quotidien qui concurrence rapidement
Le Soleil, Le Gaulois, La Libre Parole ou L’Autorité.
Enfin, le troisième congrès, en 1910, remporte un vif
succès, en réunissant près de 300 personnes. L’Action
française peut alors se trouver satisfaite de l’importance
croissante de son rôle, à vrai dire moins efficient dans le
champ politique que dans les milieux littéraires.
Maurras rassemble autour de lui plusieurs personnalités
comme Léon Daudet, Georges Valois, Jacques Bainvil-
le, Jacques Maritain, Henri Massis et Georges de Tarde
— ces deux derniers auteurs en 1912 de Jeunes Gens
d’Aujourd’hui — Georges Bernanos, Pierre Lasserre,
Louis Dimier. La Tour du Pin, lui-même cautionne la
pensée de Maurras, Jules Lemaître et Jacques Rivière,
pour leur part, ne cachant pas leur sympathie pour
l’Action française.

Néanmoins, si l’Action française remporte, durant


cette période, d’incontestables succès, elle connaît dans

153
le même temps des difficultés. En effet, son extrémisme
inquiète les catholiques conservateurs, tandis qu’une
rivalité s’instaure entre le bureau politique du Prince et
l’Action française dont l’essor s’est opéré au détriment
des organisations monarchiques, telles les Jeunesses
Royalistes. A la suite de l’incident provoqué par Lucien
Lacour qui gifle le Président du Conseil Aristide
Briand, Le Gaulois publie en mars 1910 une déclaration
du duc d’Orléans désavouant les agissements des
Camelots. Maurras, Montesquiou, Pujo et le comman¬
dant Cuignet se rendent en vain à Séville, et, en
novembre, la Correspondance Nationale attaque ouver¬
tement l’Action française. La rupture est alors consom¬
mée et il faudra toute l’habileté du Comité pour qu’une
réconciliation ait lieu, fin 1911^^. Si l’Action française
parvient à un compromis, du reste provisoire, avec le
Prétendant et son entourage, en revanche ses efforts
pour fidéliser sa clientèle catholique et bourgeoise
d’une part, et pénétrer les milieux ouvriers d’autre part,
se soldent par un échec dont les répercussions marque¬
ront l’évolution du mouvement. A sa création, l’Action
française s’efforce de reprendre à son compte les
thèmes du socialisme national et de se rapprocher du
courant syndical. Maurras a, sur la question ouvrière,
des idées bien arrêtées, où l’on décèle l’influence
combinée du catholicisme social tel que La Tour du Pin
et Albert de Mun l’ont conçu, et du socialisme pré¬
marxiste. « Nous nous tuions à répéter », écrit-il, « que
le sort de la réforme ouvrière était lié à la possession du
pouvoir, à l’occupation de l’Etat, à la détention de
l’autorité supérieure : tant que l’Etat serait ainsi démo¬
cratique et construit d’en bas par l’élection, nulle
solution de paix sociale ni de santé sociale ne pouvait être
vue, même en rêve ! »^°. Selon Maurras, Biétry a
échoué car il n’a proposé que des solutions partielles.

154
sans aucune perspective d’ensemble. Dès 1908, l’Ac¬
tion française se détourne des Jaunes, tout en conser¬
vant quelques éléments du « biétrisme ». Que propose
l’Action française ? En premier lieu, abattre la démo¬
cratie qui « occupe l’Etat législateur par son gouverne¬
ment divisé et diviseur. La démocratie travaille, menace,
obsède et paralyse son patronat. La démocratie excite et
agite son prolétariat . Un tel régime, selon Maurras,
conduit au « combat des riches et des pauvres , à une
guerre sociale permanente, à l’exclusion, au déracine¬
ment de l’ouvrier et à son assujettissement. En second
lieu, l’Action française dénonce tout à la fois le
libéralisme, le collectivisme et l’étatisme. Maurras
affirme que le libéralisme revient en fait à nier les
libertés, sauf celle de « mourir de faim ». Quant au
marxisme « judéo-moscoutaire », il ruine l’unité natio¬
nale par l’introduction du concept de lutte des classes.
Enfin, « quand l’Etat devient tout, l’Etat n’est plus
73
nen » .
Au constat succède la présentation des remèdes. Le
plus important est « l’incorporation du prolétariat à la
société par l’opération des forces politiques et morales
autres que le Capital : les forces du gouvernement
héréditaire, de la Corporation, de la Religion, qui ôtent
au Capital son isme despotique, l’empêchant de régner
tout seul »^'^. Cette intégration repose sur deux élé¬
ments : le droit à la propriété et le corporatisme.
Maurras écrit à ce propos que « sans propriété,
l’homme est un condamné à mort. Posséder, c’est
commander, c’est disposer de soi, c’est pouvoir résister
aux autres, ne serait-ce que par réaction »^^. D’autre
part, le prolétariat doit participer à la gestion de ses
intérêts, non pas selon les règles démocratiques ou les
postulats du collectivisme, mais par l’intermédiaire des
corporations : « il faut classer par profession, par objet

155
travaillé, chaque catégorie ayant ses pauvres et ses
riches, ses prolétaires et ses propriétaires, ceux-ci aidant
ceux-là, ceux-là secourus par ceux-ci
En définitive, la réforme politique et la réforme
économique vont de pair puisqu’à la décentralisation
correspond le corporatisme et que le rejet politique du
libéralisme renvoie à la dénonciation de la loi de l’offre
et de la demande. Maurras souligne cette double
dimension en écrivant : « Il faut tendre à éliminer de la
vie sociale l’élément Etat. Il faut constituer, organiser la
France, ou plutôt la laisser se constituer et s’organiser en
une multitude de petits groupements, naturels et auto¬
nomes : véritables républiques locales, professionnelles,
morales ou religieuses, d’ailleurs compénétrées les unes
par les autres >>’’’.
Après avoir rompu avec les Jaunes, l’Action fran¬
çaise envisage de créer ses propres associations ou¬
vrières. Son intérêt se porte tout d’abord sur Firmin
Bacconnier, imprimeur converti au royalisme et anima¬
teur, de 1904 à 1906, de VAvant-Garde Royaliste. En
1907, Bacconnier fonde une Ligue d’Accord Social
dont l’objectif est de diffuser l’idéologie corporatiste
dans les milieux ouvriers. Dès l’année suivante, les
relations entre l’Accord Social et l’Action française se
détériorent, quand cette dernière se tourne vers le
syndicalisme révolutionnaire et Georges Sorel. Sorel
fait paraître en 1906 dans Le Mouvement Socialiste, ses
Réflexions sur la violence, série d’articles publiés peu
après en volume dans lesquels il s’élève contre la
démocratie, régime oppressif en soi, et célèbre la
violence. L’Action française, par l’intermédiaire de
Georges Valois, accueille favorablement les thèses de
Sorel et en 1910, Berth, Valois et Sorel annoncent la
création d’une revue, La Cité française. Ce projet
n’aboutit pas, Sorel lançant de son côté l’Indépendance

156
(1911-1913), tandis que l’Action française s’efforce de
trouver, dans la pensée de Proudhon, les éléments
susceptibles de renforcer son analyse de la question
ouvrière. Le Cercle Proudhon — fondé en décembre
1911 par deux anciens syndicalistes révolutionnaires,
Berth et Riquier, et des maurrassiens de gauche,
Valois, Henri Lagrange, Gilbert Maire, René de
Marans, André Pascalon et Albert Vincent — puis les
Cahiers du Cercle Proudhon s’inspirent alors du
mélange de radicalisme et de conservatisme qui
caractérisait l’œuvre de ce théoricien socialiste, hostile
à l’ordre établi, à la propriété absolue et partisan d’une
société équilibrée, composée de petits paysans proprié¬
taires et de petits artisans. Proudhon souhaitait égale¬
ment que la centralisation étatique soit abolie au profit
d’un système politique fédératif avec pour règles l’auto-
administration des groupes de base, la réunion de ces
groupes en fédérations et l’organisation régionale du
pouvoir et du suffrage universel. Sur le plan économi¬
que, il prônait une théorie mutuelliste de la propriété,
l’Etat étant exclu de la gestion générale des intérêts
économiques nationaux.
Les initiateurs du Cercle firent de gros efforts pour
rallier à leur cause les milieux ouvriers, tandis que
Daudet tentait de faire de l’antisémitisme le point de
ralliement de toutes les catégories sociales. Cependant,
concilier le nationalisme et le royalisme avait déjà été
une tâche difficile. Y adjoindre en sus cette synthèse du
socialisme et du nationalisme relevait de l’impossible.
L’Action française réalise que l’entreprise n’est guère
rentable puisqu’elle ne parvient pas à contrer l’in¬
fluence grandissante de la CGT et qu’elle éloigne les
catholiques conservateurs. De plus, Maurras n’est que
faiblement attaché aux préoccupations sociales —
Valois le lui reprochera quelques années plus tard —

157
s

et il craint que Sorel ne lui porte ombrage.


A la veille de la guerre, l’Action française est
devenue le « porte-parole du nationalisme la mon¬
tée des périls contribuant à la détourner plus encore de
la question ouvrière. Exploitant la thèse du complot
juif-allemand, par l’entremise de Daudet qui publie en
1913 L’Avant-Guerre, l’Action française fait campagne
pour le réarmement de la France, puis se rallie en 1914
à l’Union Sacrée. Durant le conflit, elle poursuit ses
attaques contre les « traîtres » : Malvy, Caillaux et
Miguel Vigo-Almereyda, directeur du Bonnet Rouge,
accusé d’être financé par des capitaux allemands. A la
victoire, l’Action française bénéficiera du courant
nationaliste, mais si son influence reste indéniable, elle
verra bientôt son exclusivité contestée par l’apparition
de plusieurs autres organisations.

D’une guerre à l’autre (1919-1939)

Dans l’histoire de l’extrême-droite, ces vingt années


représentent à plus d’un titre une période cruciale
puisque la multiplication des ligues confère à ce courant
une audience jusque-là inégalée, et que l’apparition des
premières idéologies totalitaires modifie profondément
à la fois la doctrine et le comportement des mouve¬
ments. Aux questions que se pose la société française,
traumatisée par la guerre puis désorientée par la crise
économique mondiale, l’extrême-droite va tenter d’ap¬
porter des réponses, en radicalisant peu à peu ses prises
de position sous l’influence des expériences italienne et
allemande. De fait, c’est durant l’entre-deux guerres
que l’extrême-droite précise les contours du système de

158
références et de représentations qui est encore le sien
aujourd’hui, et que se dessinent les ambiguïtés de la
rhétorique et de la pratique extrémistes.
Mais avant même que de présenter les diverses
ligues, sans doute n’est-il pas inutile de chercher ce qui
dans la France des années vingt, puis des années trente,
a pu permettre à l’extrême-droite de conforter sa
position et de jouer un rôle non négligeable dans
l’évolution du régime après 1940.

Les mutations de la société française


au lendemain de la guerre

Au sortir de la guerre, la France est gravement


meurtrie, le sentiment de la victoire s’effaçant devant
l’ampleur des pertes humaines et économiques. Selon
la Statistique médicale de l’armée, le bilan s’élève à
1 325 000 morts ou disparus, soit près de 10,5 % de la
population masculine active, auxquels il faut ajouter 3
millions de blessés. En 1918, plus d’un million de
combattants sont revenus invalides de guerre et parmi
eux 130 000 mutilés^^. De plus, la population civile a
été atteinte par la typhoïde puis par la grippe
« espagnole ». Enfin, cette saignée sans précédent
s’accompagne de perturbations à long terme. Déjà
affaiblie par une baisse séculaire de la natalité, la
France est confrontée au problème des « classes
creuses » — la diminution du nombre d’hommes en âge
de procréer se répercutant vingt ou trente ans plus
tard —, au déficit de la main-d’œuvre et au vieillisse¬
ment de la population. Sur le plan économique, des
régions entières sont dévastées et une grande partie de
l’infrastructure est à rebâtir. La reconstruction du pays
se traduit par une évolution sensible du tissu économi-

159
V

que français : recul du secteur agricole et exode rural,


déclin de l’industrie textile mais progression des autres
branches, différences régionales accrues avec l’indus¬
trialisation de la région parisienne et de l’Est d’une
part, régression de l’Ouest d’autre part®°. Les rapports
sociaux se modifient également avec la concentration
de la main-d’œuvre dans les villes et les zones
industrielles, et avec la part croissante du salariat. Dans
le domaine financier, les principales préoccupations du
gouvernement sont la baisse du franc, la question des
réparations et des dettes interalliées, ainsi que l’aggra¬
vation des charges budgétaires due aux pensions et
indemnisations versées aux ayants droit, soit près de
2 268 000 personnes®^
Une autre conséquence de la guerre est l’émergence
de l’esprit « ancien combattant ». Les premières asso¬
ciations ont été créées durant le conflit pour « tirer
d’une situation absurde et misérable les laissés-pour-
compte du grand massacre » Elles se sont multipliées
lors de la démobilisation du fait du mécontentement
des soldats, ayant le sentiment que le sort qui leur est
réservé n’est pas à la mesure des sacrifices qu’ils ont
accomplis. En ce sens, les associations de combattants
— dont les principales sont l’Union fédérale (UF) et
l’Union nationale des combattants (UNC) — apparais¬
sent comme « l’expression d’une protestation contre la
société et le moyen d’une réintégration sociale Elles
connaissent un essor remarquable avec plus de trois
millions d’adhérents, plus d’un Français sur six étant
concerné par ce mouvement*"^. L’objectif principal de
ces associations est de constituer une force de pression
afin d’obtenir du législatif et de l’exécutif des mesures
favorables aux combattants : revalorisation des pen¬
sions, prorogation des moratoires sur les impôts et les
loyers, droit à la retraite (obtenu en 1930)... Elles

160
luttent également pour une réforme de l’Etat, les
combattants étant convaincus que l’expérience des
tranchées leur donne un droit de regard sur les affaires
publiques. C’est ainsi qu’en 1927, les « Etats généraux
de la France meurtrie » affirment que « le moment est
venu pour les anciens combattants d’intervenir dans la
vie publique pour y jouer enfin leur rôle de force morale
et sociale sans pour cela renoncer à leur idéal politique
particulier Cet idéal constitue l’action civique, aux
antipodes de la politique « politicienne » et consiste à
insuffler au régime de nouvelles valeurs tels le patrio¬
tisme pacifique, l’esprit de solidarité et de fraternité, le
souci du bien commun, le sens des réalités et de la
justice. Animés par un fort antiparlementarisme^^ mais
aussi par un républicanisme incontestable, les anciens
combattants souhaitent un renforcement de l’exécutif
et une rationalisation du législatif. Dans le même
temps, ils sont hostiles à tout mode autoritaire
d’exercice du pouvoir, celui-ci devant être fondé sur
l’excellence des qualités morales du chef et non sur
l’usage de la force. Enfin, opposés à l’esprit de parti, ils
appellent de leurs vœux la réconciliation des Français,
par le biais d’un discours « rassembleur ». Antoine
Prost, dans l’ouvrage qu’il a consacré aux anciens
combattants dans la société française, révèle deux
innovations introduites par ces associations : d’une
part, le rejet du patriotisme cocardier à la Déroulède,
et d’autre part, la condamnation du combisme®^.

Tel est, brièvement présenté, le contexte qui préside


à la reprise des hostilités entre les partis et au
développement de l’extrême-droite. Le Bloc National,
issu des élections de novembre 1919, est une coalition
hétérogène formée entre autres de socialistes indépen¬
dants — dont Briand et Millerand — de modérés et de

161
représentants de la droite nationale. Lors des présiden¬
tielles, Clemenceau, « le père de la Victoire », doit
retirer sa candidature au profit de Paul Deschanel,
rapidement remplacé en septembre 1920 par Millerand.
Par ailleurs, l’espoir de voir « VUnion sacrée » se
poursuivre vole en éclat. La droite se mobilise contre le
danger bolchevique et s’inquiète de la poussée syndi¬
cale et des troubles sociaux. En effet, au sein de la
CGT, le groupe de La vie ouvrière conteste Léon
Jouhaux alors que dans le même temps les manifesta¬
tions des premiers mai 1919 et 1920 donnent lieu à de
violents incidents. Millerand parvient à mettre un
terme à cette agitation, mais l’extrémisme révolution¬
naire n’est pas désarmé pour autant puisque le Congrès
de Tours de décembre 1920 consacre la naissance de la
section française de l’Internationale communiste. La
gauche est alors divisée entre la « vieille maison » SFIO
et le PCF. En 1922, la scission atteint la CGT avec la
création de la CGTU. Si les socialistes sont à cette date
profondément affaiblis, ils ne tardent pas à reconstituer
leurs forces, et au prix d’une alliance avec les radicaux,
emportent les élections de 1924. Quant au parti radical,
encadré par la gauche et la droite, chacun de ces deux
camps étant débordé par des mouvements extrémistes,
il assume de plus en plus difficilement son rôle
d’arbitre. Comme le souligne Serge Berstein, « écartelé
entre une tradition politique qui le pousse vers la gauche
et ses conceptions socio-économiques qui l’incitent à se
rapprocher des modérés pour la défense de la propriété
privée et de la libre-entreprise, il est condamné à
l’immobilisme dès qu’il sort des formules théoriques
pour tenter d’agir sur le réel
Il résulte de ces querelles politiques et de l’incapacité
du Bloc National et du Cartel des gauches à résoudre
les difficultés économiques, un divorce progressif —

162
allant jusqu’à la rupture dans les années trente — entre
le régime et l’opinion, lassée des combinaisons ministé¬
rielles successives qui réunissent toujours les mêmes
personnalités.

Concernant plus précisément l’extrême-droite, il


reste à analyser les éléments qui, dans ce contexte des
années vingt, sont susceptibles de servir la cause des
ligues ou d’être utilisés par elles. Tout d’abord, la
déstructuration de la société traditionnelle et les
bouleversements qui l’accompagnent frappent certaines
catégories sociales qui constituent pour l’extrême-
droite une clientèle potentielle : d’une part les déten¬
teurs de revenus fixes, ruinés par le recours à l’inflation
pour couvrir les charges imposées par la guerre, puis
par la crise de reconversion de 1920, ces rentiers
nourrissant un sentiment de rancœur à l’égard de ceux
que la guerre a enrichis ; d’autre part, la petite
bourgeoisie en voie de prolétarisation dont les intérêts
sont menacés par l’industrialisation et l’émergence de
nouvelles couches sociales bénéficiant pour leur part
des transformations économiques.
Au plan politique, la résurgence de l’antiparlementa-
fisme et le discrédit qui atteint les élites dirigeantes,
accusées d’avoir envoyé la population française au
massacre, sont également des facteurs favorisant le
développement de l’extrême-droite. De plus, la révolu¬
tion bolchevique et la création du PCF donnent aux
ligues la possibilité d’agiter l’épouvantail du complot
communiste.
Enfin, la crise morale et l’apparition de l’esprit
« aiîcien combattant » forment un substrat idéologique
sur lequel la thématique extrémiste de droite peut
s’épanouir avec facilité. Ce que L’Action française, par
exemple, avait dit ou écrit au début du siècle à propos

163
des virtualités meurtrières des démocrates, semble
trouver une justification dans les horreurs de la guerre.
Winston Churchill lui-même n’avait-il pas déclaré
« qu’une horreur du fond des âges se déversa non
seulement sur les armées, mais sur les populations
entières qui y furent précipitées » ajoutant que « quand
tout fut terminé, la torture et le cannibalisme furent les
deux seuls expédients que les Etats scientifiques et de
civilisation chrétienne avaient été capables de se refu¬
ser Effectivement, les démocraties sont en 1918
dans le camp des vainqueurs mais la guerre a porté un
rude coup aux idéaux dont elles se réclament.
Nul doute également que les cortèges d’anciens
combattants sont venus grossir les rangs des ligues, encore
qu’il faille préciser quelque peu ce jugement. Antoine
Prost indique ainsi qu’il faut distinguer ce qui, dans « le
discours sur la politique semble donner raison à ceux qui
voient dans leurs associations non seulement des organisa¬
tions de droite mais une menace ‘fasciste” et ce qui
empêche de les assimiler aux ligues. En effet, ces
associations ne forment pas un ensemble homogène et si
certaines sont proches de la droite, d’autres penchent plus
en faveur de la gauche. Antoine Prost affirme même que
<•< loin de constituer une menace fasciste, le mouvement
combattant fut l’un des obstacles majeurs au développe¬
ment d’un fascisme français Dès lors, il apparaîtrait
abusif d’amalgamer l’ensemble des organisations et
l’extrême-droite, d’autant que sur quelques points précis,
la mentalité collective qu’elles expriment est en désaccord
avec les conceptions de l’extrême-droite. En revanche, il
est certain que les ligues ont su exploiter le potentiel
qu’elles représentent alors, intégrant dans leur doctrine
plusieurs thèmes de cette mystique « ancien combattant »
et utilisant à des fins personnelles les structures et parfois
les effectifs des associations.

164
Au terme de cet examen des années vingt, on
constate l’existence de facteurs propices à la diffusion
de la doctrine d’extrême-droite et à la création de
mouvements extra-parlementaires. Mis à part l’Action
française, qui fait déjà figure de vétéran, les principales
ligues sont créées durant cette période, la faillite du
Bloc national et l’arrivée au pouvoir du Cartel étant
décisives à cet égard. Le gouvernement d’Union
nationale dirigé par Poincaré puis les élections de 1928
qui permettent à la droite de regagner des sièges à la
Chambre, se traduisent par une relative accalmie. Mais
la crise économique mondiale ébranle le régime : une
nouvelle ère s’ouvre alors pour les ligues d’extrême-
droite dont l’essor durant les années trente est
proportionnel à la gravité des problèmes que connaît la
France. Par ailleurs, la montée du nazisme et l’intensifi¬
cation des affrontements sur la scène internationale
confèrent une nouvelle dimension à la lutte menée par
l’extrême-droite, cette dernière étant fascinée par les
modèles allemand et italien dont elle s’inspire large¬
ment, mais soulignant chaque fois que faire se peut le
caractère exclusivement français de son programme.
Nous nous proposons donc de rappeler les grandes
lignes de cette période, avant de présenter les princi¬
pales organisations d’extrême-droite.

La tourmente des années trente

La crise économique mondiale qui débute le 24


octobre 1929 par le krach de Wall Street n’atteint la
France qu’en 1931, lors de l’abandon de l’étalon-or par
l’Angleterre, cette dévaluation de la livre sterling
entraînant un surenchérissement des produits français à
l’exportation^^. La ruine du commerce extérieur ag-

165
grave un déclin déjà perceptible en 1930, dont les
principales manifestations sont : une chute de la
production industrielle (de 17,5 % en 1931), un déficit
de la balance des comptes, une multiplication des
faillites bancaires et des liquidations d’entreprises, une
réduction du niveau de l’emploi de près de 10 %, un
effondrement des valeurs mobilières d’environ 51 % et
une baisse des prix agricoles, ceux du blé et du vin en
particulier. Le déficit budgétaire, qui atteint dix
milliards en 1933, s’amplifie du fait de l’accroissement
des dépenses de l’Etat au titre des assurances sociales,
des indemnités accordées aux paysans, de la pension du
combattant et des allocations chômage, le nombre des
sans-emplois étant d’un demi-million en 1935.
Après les élections de 1932, le gouvernement
s’oriente dans la voie d’une politique budgétaire
restrictive et d’un protectionnisme rigoureux visant à
verrouiller le marché national. Sur le plan financier, la
France propose à la conférence de Londres de 1933 une
stabilisation monétaire générale dans le cadre du Gold
exchange standard. Le refus du président Roosevelt
place la France devant l’alternative suivante : dévaluer
ou pratiquer une politique déflationniste. Attachée à
l’orthodoxie budgétaire et aux taux de change fixes, la
France choisit la seconde solution, d’où une réduction
des salaires, des traitements des fonctionnaires, des
pensions, etc. Cette réduction du pouvoir d’achat
empêche toute reprise et le pays se trouve encore
plongé en 1935-1936 en plein marasme alors qu’une
reprise s’amorce chez ses partenaires. Le gouverne¬
ment du Front Populaire, dirigé par Léon Blum, tente à
partir de 1936 de relancer la demande intérieure en
améliorant le pouvoir d’achat (augmentation des sa¬
laires de 10 à 15 %), de promouvoir une plus grande
justice sociale (accords de Matignon du 7 juin 1936), et

166
d’améliorer la compétitivité des exportations (dévalua¬
tion de septembre 1936). Néanmoins, cette politique
économique se solde par un échec, avec une reprise de
l’inflation, une réduction de la production et une fuite
des capitaux. En 1937, alors que le plein emploi est
presque rétabli, la production nationale n’atteint que
82 % de son niveau de 1929. Par ailleurs, sur le plan
économico-diplomatique, aucune des tentatives pour
élaborer une réponse concertée à la crise n’aboutit, et
la montée du protectionnisme attise les tensions
internationales. En 1932, le moratoire Hoover parvient
à échéance, et tandis qu’il devient évident que
l’Allemagne ne versera pas le montant convenu des
réparations, les Etats-Unis exigent du gouvernement
français le remboursement des dettes interalliées. Laval
puis Herriot tentent de négocier — en vain — en posant
que la France ne remplira ses engagements que si
l’Allemagne agit de même. L’élection d’Hitler met fin
aux espoirs français alors que l’Allemagne, l’Italie et le
Japon envisagent de plus en plus l’agression armée
comme solution à l’asphyxie économique.
Dans le champ politique, les difficultés internes et les
crises internationales sont également liées : ainsi,
Herriot est renversé en décembre 1932 sur la question
du remboursement des dettes françaises aux Etats-
Unis, puis la guerre d’Espagne affaiblit le Front
populaire, les communistes étant favorables à l’inter¬
vention, les radicaux y étant opposés. Le trait dominant
de cette période est l’instabilité politique due pour une
large part à l’hétérogénéité des coalitions au pouvoir.
De plus, l’inertie du gouvernement face aux difficultés
intensifie un malaise, déjà apparent à la fin des années
vingt, au sein des partis. Ce phénomène se caractérise à
droite par les manifestations répétées des ligues
nationalistes, à gauche par l’apparition des néo-

167
s

socialistes, et par l’émergence, parmi les radicaux, du


frontisme. Enfin, les scandales successifs achèvent de
discréditer un régime qui constate avec inquiétude la
faillite de la SDN, la renaissance allemande et sa totale
impuissance face aux périls qui menacent la paix
mondiale.
Les incidences morales et intellectuelles sont égale¬
ment très importantes. Dans les années vingt, l’accent
était mis sur la dénonciation des atrocités de la guerre
et sur la nécessité de reconstruire la France sur de
nouvelles bases. Jusqu’à la crise il semblait encore
possible de réformer le régime — en luttant contre la
corruption et en renouvelant le personnel politique —,
de renforcer l’économie française et d’instaurer une
paix durable. Or, à partir de 1930, toutes ces espé¬
rances se révèlent vaines : les affaires Oustric (novem¬
bre 1930) et Stavisky, le scandale de l’Aéropostale
(mars 1931) mettent en lumière la compromission des
parlementaires, tandis que le déclin économique ag¬
grave le mécontentement de ceux qui ont déjà souffert
des conséquences de la guerre. Enfin, la détérioration
des relations internationales et l’incapacité manifeste
de la SDN mettent fin aux espoirs pacifistes. De plus,
une nouvelle génération parvient à l’âge adulte, formée
d’hommes qui n’ont pas participé à la première
conflagration mondiale, et qui entendent bien lutter
contre le « désordre établi Comme l’écrit J.-P Ma-
xence : « Entre les hommes formés par l’avant-guerre,
ceux qui naquirent vers 1885, et ceux qui abordèrent la
vie intellectuelle après l’armistice, l’incompréhension
grandissait Animés par une volonté révolution¬
naire, ces nouveaux-venus dénoncent les erreurs de
leurs aînés et la faillite matérielle, morale et spirituelle
de la France. Rejetant le conservatisme social et le
conformisme politique, ils se sentent investis d’une

168
mission : << Penser, repenser un univers de plus en plus
inhumain, poser en philosophe les problèmes fondamen¬
taux de la condition humaine . Leur attitude est
d’abord celle du refus puisque les éléments-clés de ce
courant sont l’anticapitalisme, l’antimatérialisme, l’an-
tiaméricanisme... Ces jeunes intellectuels, groupés
autour de plusieurs revues^^, ont d’autre part la
prétention de briser les cadres préétablis, en transcen¬
dant le clivage droite-gauche ou l’opposition entre
capitalisme et marxisme. En définitive, ils ont le désir
de promouvoir un ordre nouveau, fondé pour les uns
sur le personnalisme de Mounier et de la revue Esprit,
pour les autres sur le planisme (revue Plans) ou le néo¬
traditionalisme (revue Réaction). Cet ordre nouveau ne
pourra être instauré qu’au terme d’une réforme de
l’esprit, Jean de Fabrègues écrivant à ce propos :
« C’est donc bien une révolution spirituelle qu’il faut
faire. Elle doit tendre au profond des cœurs, ordonner
une nouvelle vision de la vie, une reconnaissance de
notre humanité, une reconnaissance que nous sommes
âme d’abord Cette nécessité de changer en premier
lieu l’esprit puis la société se retrouve dans toutes les
publications de l’époque qui, tout en partageant des
aspirations analogues, sont néanmoins opposées sur
certains points. La complexité et la diversité de cet
esprit des années trente expliquent la filiation contras¬
tée de ce mouvement, qui inspirera à la fois la
Révolution nationale et la Résistance.

De même que le contexte des années vingt éclairait


les raisons de la création des ligues, ce rapide examen
de la tourmente des années trente révèle les motifs de
leur essor, lié à la conjonction de deux phénomènes.
D’une part, la crise affecte particulièrement les classes
moyennes qui cherchent à s’organiser afin de défendre

169
leurs intérêts. Les ligues représentent une structure
idéale puisqu’elles permettent de s’exprimer sur les
affaires publiques sans y participer directement, à la
différence des partis qui acceptent par définition le jeu
politique, et donc, aux yeux de ces catégories, les
compromis, voire la corruption. L’adhésion aux ligues
correspond au thème de l’action civique déjà inauguré
par les associations d’anciens combattants. D’autre
part, les ligues ont pour objectif de se constituer en
mouvement de masse, et l’ensemble des déclassés, des
chômeurs et des mécontents constitue un vivier consi¬
dérable. En jouant sur les rancœurs et l’antiparlemen¬
tarisme, elles voient ainsi leurs effectifs croître rapide¬
ment.
En ce qui concerne la propagande, tout est sujet à la
critique ou à l’indignation. Une particularité mérite
d’être soulignée : l’extrême-droite interprète la crise en
minorant les faits essentiels, quand elle ne les ignore
pas totalement, et en majorant les aspects les plus
superficiels. Le problème des réparations illustre
parfaitement cette propension à ne voir la réalité que
par le petit bout de la lorgnette. Ecartant toute analyse
économique, l’extrême-droite impute la responsabilité
du non-paiement non pas à l’Allemagne mais aux
démocrates qui ont introduit dans les clauses du traité
de Versailles des conditions drastiques et abusives,
tandis que ces mêmes démocrates sont, dans le même
temps, rendus responsables du relèvement de l’Alle¬
magne. Quant aux événements internationaux,
l’extrême-droite fait preuve d’une méconnaissance
totale, ou bien elle en donne une version singulière,
jamais cohérente et souvent ambiguë. Sa réflexion
déborde rarement le cadre hexagonal, et quand bien
même l’extrême-droite s’intéresse aux autres pays, elle
réduit les désordres du monde à l’échelle de ses

170
préoccupations propres. Par exemple, elle perçoit le
fascisme non pas tel qu’il est, mais en projetant ses
propres espérances, sacrifiant par là la réalité à
l’imaginaire.
Enfin, on ne saurait oublier l’influence de l’esprit des
années trente, encore que cette effervescence intellec¬
tuelle soit le fait d’un cercle restreint, qui plus est
parisien. Néanmoins, les revues qui fleurissent à cette
époque ont une portée plus large que ne le laisse
supposer le nombre réduit de leurs lecteurs, et ce pour
deux raisons : d’une part, les non-conformistes expri¬
ment une sensibilité et une inquiétude partagées par
l’ensemble de la société ; d’autre part, certains doctri¬
naires passent dans le camp des ligues qui sont à la fois
une caisse de résonance et un agent de conversion de ce
discours philosophique en rhétorique populiste.

Devant la diversité des mouvements d’extrême-


droite durant l’entre-deux guerres, il est nécessaire de
procéder à une classification. Nous étudierons successi¬
vement : l’extrême-droite de tradition bonapartiste ou
boulangiste ; l’Action française et les groupuscules
catholiques ; l’extrême-droite paysanne ; la tentation
fasciste et enfin la presse nationaliste.

L’extrême-droite de tradition bonapartiste


ou boulangiste

Les Bonapartistes

Les survivants du courant bonapartiste, regroupés au


sein des comités plébiscitaires, se rallient durant la
Première Guerre mondiale à l’Union Sacrée. En dépit

171
de la disparition de leurs principaux organes de presse,
dont L’Autorité, certains sont élus députés dans la
Chambre « bleu horizon », tels Pierre Taittinger —
président de l’Union de la Jeunesse Bonapartiste de la
Seine — Paul Chassaigne-Goyon, Paul de Cassagnac^®.
En 1923, lors d’un banquet, le comité politique
annonce la création du « Parti de 1’ Appel au peuple »,
et d’une revue, La Volonté Nationale, dirigée par
André Desmaret^^. De leur côté, les Jeunesses Bona¬
partistes fondent le groupe des Etudiants plébiscitaires,
animé par Roger Giron et Charles-Louis Vrigoneaux
(rédacteur en chef de La Revue Plébiscitaire). Le Parti
de l’Appel enregistre un net recul lors des élections de
1924, tandis qu’une part importante des militants
adhèrent aux Jeunesses Patriotes ou à la Ligue des
Patriotes, ressuscitée par le général de Castelnau,
créateur de la Fédération nationale catholique. En
1925, la direction du parti est assurée par le duc de
Massa, de Rudelle et le prince Joachim Murat, alors
que le prince Jérôme meurt l’année suivante. Outre le
Parti de l’Appel, le courant bonapartiste compte
également l’Association Bonapartiste des Anciens
combattants, fondée par Edmond Neveu et A. Dufour,
les Jeunesses Bonapartistes qui publient à partir de
1929 L’Aiglon, Les Abeilles, groupement des dames
bonapartistes et l’Association des journalistes plébisci¬
taires présidée par Robert Laënnec. Tant à la Chambre
que lors des manifestations nationalistes, les bonapar¬
tistes doivent s’associer aux autres mouvements, défi¬
lant en 1934 aux côtés des Jeunesses Patriotes, des
Croix de feu, de l’Action française, de la Solidarité
française et des Francistes de Bucard. A la veille de la
Seconde Guerre mondiale, le chef de la maison
impériale, le prince Louis-Jérôme-Victor-Emmanuel-
Léopold-Marie, ordonne la dissolution de toutes les

172
associations bonapartistes, mettant ainsi fin à toute
activité politique de ce courant qui disparaît définitive¬
ment de la scène politique.

Les Croix de Feu et le PSF

Une des manifestations les plus caractéristiques des


incidences politiques de l’esprit « ancien combattant »
durant l’entre-deux guerres, est la création en novem¬
bre 1927 par Maurice Hanot, dit d’Hartoy, de l’Asso¬
ciation nationale des combattants et des blessés de
guerre cités pour action d’éclat, soit les Croix de feu. A
leur début, les Croix de feu, aidées financièrement par
Coty, n’ont pas pour objectif prioritaire l’action
politique mais la lutte contre la dégradation des valeurs
spirituelles. Les revendications corporatives l’empor¬
tent largement, du moins jusqu’à ce que le lieutenant-
colonel François de La Rocque prenne progressivement
le contrôle du mouvement, élargi dès 1929 aux
Briscards. Né en 1887 — son père est le général
Raymond de La Rocque — La Rocque entre à Saint-
Cyr à l’âge de 19 ans ; en 1910, il sollicite une
affectation en Afrique du nord où il sert comme officier
de cavalerie en Algérie, puis au Maroc sous les ordres
de Lyautey. Maintenu à son poste en 1914, il est
grièvement blessé en 1916 avant de partir pour la
Somme. A la fin de la guerre, il a le grade de
commandant et est décoré de la rosette d’officier de la
Légion d’honneur. Lors de la démobilisation, Foch le
garde dans son Etat-Major, puis La Rocque prend sa
retraite en 1928. Il adhère l’année suivante aux Croix
de feu, alors dirigées par d’Hartoy, puis par Maurice
Genay. Quand celui-ci démissionne de la présidence en
décembre 1931, il est remplacé par La Rocque qui

173
réorganise le mouvement — avec la création des Fils et
Filles de Croix de feu (1930), des Volontaires nationaux
(1933) et du Regroupement national autour des Croix
de feu (1933) — et élargit son audience avec près de
60 000 membres en 1934 L’organe de la ligue, Le
Flambeau, diffuse le programme de La Rocque, un
mélange de thèmes traditionnels hérités du bonapar¬
tisme et du boulangisme, auxquels s’ajoute une inspira¬
tion fascisante quant aux méthodes d’organisation des
sections. Ainsi, les Croix de feu ont une structure para¬
militaire imitée du parti mussolinien. Dans Service
public, publié en 1934, La Rocque expose les lignes
directrices de son action. Il dénonce la décadence de la
France, la carence de l’Etat, l’affaiblissement de la
puissance militaire et le recul de l’influence française
outre-mer. Puis, il dresse la liste des problèmes à
résoudre dans toutes les sphères de l’activité sociale. La
Rocque entend lutter contre « l’abolition de la person¬
nalité sous la tyrannie économico-marxiste, avec retour à
la barbarie ancestrale et suppression du bonheur
humain Anticommuniste, La Rocque parle aussi
du « capitalisme irresponsable », des « 200 familles » et
du « matérialisme meurtrier ». Stigmatisant le « parle¬
mentarisme dégénéré il incrimine l’électoralisme
qu’il définit comme « une manière de religion laïque, un
couronnement de carrière, une lampe d’Aladin{...) un
hochet de vanité Enfin, La Rocque énumère ce
qu’il pense être les points essentiels d’un redressement
national. Il faut tout d’abord restaurer « le culte de la
tradition (...) par le rappel incessant et judicieux de la
grande leçon des temps écoulés »^^‘^ et réformer le
système éducatif afin de développer les facultés physi¬
ques, intellectuelles et spirituelles des citoyens. Pour
une revalorisation de la famille, « trame élémentaire de
la collectivité sociale La Rocque prône la création

174
d’un vote familial et une aide accrue en faveur des
familles nombreuses. Sur le plan politique, La Rocque
demande l’instauration d’un pouvoir fort mais non
dictatorial. Il écrit : « L’Etat français n’a point à être
“totalitaire” ni collectiviste, ni absolutiste Sa fonc¬
tion est « d’organiser les services publics et de les
adapter aux besoins de la collectivité des individus qui la
composent Les institutions doivent être révisées, le
Président de la République bénéficiant de pouvoirs
effectifs et nommant le Président du Conseil. A la
Chambre, une réduction du nombre des députés
s’impose, ainsi que l’interdiction de cumuler plusieurs
mandats. Dans le domaine économique, La Rocque est
partisan du système corporatif et affirme qu’une
«• économie nationale, vivante, encadrée par une organi¬
sation d’ensemble, contrôlée, sanctionnée, libérée des
interventions du parlementaire comme de l’exécutif,
débarrassée des monopoles, assurant ouvertement son
équilibre, tel est le but vers lequel doit porter l’action
rénovatrice des hommes soucieux de nos lende¬
mains Plus concrètement, La Rocque propose la
réunion de toutes les catégories de travailleurs par
branche de production, la garantie du salaire minimum,
une simplification du système fiscal et des mesures
contre les monopoles. En politique extérieure, le salut
de la France passe, selon La Rocque, par une
dénonciation des « extravagances » du droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes, par un rapprochement avec
l’Italie, par un renforcement de la Défense nationale et
enfin par la création des Etats-Unis d’Europe. Le
dernier thème abordé par La Rocque est celui du
problème ethnique ; il précise à ce sujet que « l’assimi¬
lation des apports dont nous sommes constamment
enrichis ne saurait se poursuivre sous l’afflux incontrôlé,
massif, pléthorique d’immigrations perpétuelles

175
s

Afin de protéger la main-d’œuvre nationale et préser¬


ver la sécurité de tous, il conviendrait alors de mettre
un frein à l’immigration et aux naturalisations.
De 1931 à 1936, les Croix de feu sont particulière¬
ment actives, multipliant parades, rassemblements et
manifestations, et participant aux émeutes de février
1934, à telle enseigne qu’on attribue à La Rocque le
désir de s’emparer du pouvoir par la force. Mais le 6
février 1934, La Rocque se refuse à enfreindre la
légalité et comme le souligne René Rémond, « le
déroulement des événements fait penser à l’agitation
boulangiste plutôt qu’à la marche sur Rome A cette
date, l’attitude de La Rocque illustre clairement les
limites de l’influence fasciste. Certes, il a écrit que
« l’Italie fasciste représente un fait nouveau et d’impor¬
tance primordiale dans le jeu des puissances euro¬
péennes puisque « l’admiration méritée par Musso¬
lini ne se discute pas Mais le « scoutisme politique »
(R. Rémond)^^^ des Croix de feu est bien en-deçà des
agissements des fascistes italiens. De plus, les Croix de
feu, devenues depuis 1935 le Mouvement Social
français (MSF), se présentent aux élections de 1936, au
cours desquelles vingt de leurs candidats sont élus. La
Rocque, entouré de Jean Mermoz^^"^, de Jean Ybarné-
garay et de Noël Attavi, démantèle son appareil para¬
militaire et abandonne l’action de rue. Dans le
manifeste rédigé en vue des législatives, La Rocque
déclare que la tâche de son mouvement est « d’apporter
le mot de ralliement patriotique Il écrit également
que le pays demande « la renaissance de la fraternité
française autour du drapeau national Ainsi, l’inspi¬
ration fasciste des débuts s’efface au profit d’autres
courants de pensée, en un « amalgame de patriotisme
jacobin, de nationalisme rénové et dans une certaine
mesure de socialisme proudhonien Quant à un

176
éventuel attrait pour le modèle allemand, il ne saurait
en être question du fait de l’antigermanisme de La
Rocque. Dans Service public, La Rocque se montre
réticent à l’égard des conceptions raciales du nazisme et
surtout, il n’accorde guère de crédit à Hitler. Néan¬
moins, il est conscient du danger que celui-ci repré¬
sente : « L’Allemagne se cherche, elle ne recule devant
aucune hypothèse : les pires folies ne la rebuteront point,
car elle ne possède pas le sens latin de la mesure
A la suite du décret de dissolution des ligues, le MSF
disparaît et La Rocque fonde, le 11 juillet 1936, le Parti
Social français (PSF). Les plus extrémistes des adhé¬
rents, tel le duc Pozzo di Borgo^^^, déçus par l’orienta¬
tion légaliste du parti, abandonnent La Rocque. Le
PSF, qui se dote d’un nouvel organe. Le Petit Journal,
connaît un vif succès avec près de 1 500 000 adhé-
rents^^°. Diverses organisations parentes sont créées :
l’Intergroupe de défense des libertés républicaines qui
seconde le groupe PSF à la Chambre ; les Equipes
volontaires de propagande (EUP) ; les Groupes univer¬
sitaires du PSF ; les syndicats professionnels français ;
l’organisation Travail et Loisir ; les aéroclubs Jean
Mermoz. La Rocque, qui avait déjà refusé de s’associer
en 1934 aux autres ligues, rejette la proposition de
Doriot d’adhérer au Front de la Liberté, tandis que la
presse nationaliste est assez peu favorable au PSF.
Poursuivant son action dans le cadre des institutions
républicaines, le PSF occupe une place importante sur
la scène politique en 1939^^^ Sous l’occupation, La
Rocque sera un partisan du maréchal Pétain mais se
montrera hostile à la politique de collaboration du
gouvernement avec l’Allemagne nazie.

177
Les Jeunesses patriotes

Au lendemain de la victoire du Cartel, Le Drapeau


— organe de la Ligue des Patriotes présidée par le
général de Curières de Castelnau — annonce le 24 mars
1924 la création d’une nouvelle organisation : les
Jeunesses Patriotes (JP). Issues de la section des jeunes
de la Ligue des Patriotes, les JP ne tardent pas à
acquérir une totale indépendance sous la houlette de
leur chef, Pierre Taittinger. Né en 1887, P. Taittinger
est élu député en 1919 sur une liste du Bloc National.
En 1923, Barrés lui confie la vice-présidence de la
Ligue des Patriotes et, l’année suivante, Taittinger
prend la direction des JP. Député de Paris en 1924, il
souhaite réunir en une même association des monar¬
chistes, des républicains nationaux et des bonapartistes,
et mettre en place des groupes de combat dont la tâche
serait de combattre les communistes. Outre Taittinger,
des personnalités fort diverses se retrouvent au sein des
JP, comme Henri Soulier, Henri Provost de la
Fardinière, Henri Simon (tous les quatre sont membres
du bureau politique), le colonel des Isnards, Henri de
Kérillis, Ybarnégaray. Après des débuts difficiles, les
JP sortent de l’ombre à l’occasion du transfert des
cendres de Jaurès au Panthéon en novembre 1924. En
1925, des heurts d’une extrême violence se produisent
entre les JP et les communistes. Le 25 avril, quatre JP
trouvent la mort au cours d’un affrontement à la sortie
d’une réunion rue Damrémont. La ligue bénéficie alors
d’une grande popularité, les adhésions affluent, les JP
recommandant par ailleurs à leurs membres de faire
partie d’autres mouvements de droite. Les JP absor¬
bent La Légion, née en 1924 et dirigée par Antoine
Rédier (rédacteur de La Revue française), tandis que le
10 janvier 1926, Taittinger fonde Le National. Divisées

178
en unités combattantes et en unités de réserve, les JP
sont pourvues d’un uniforme (imperméable bleu, béret
basque et insigne) et se dotent progressivement d’une
organisation structurée et autoritaire^^^. Quant au
National, il est distribué par les militants et par les
« Phalanges Universitaires Présentes dans toute
la France mais aussi en Algérie, les JP poursuivent leur
ascension jusqu’en 1934, avec, selon Taittinger,
300 000 adhérents. Le 6 février 1934, elles participent
avec les autres ligues aux émeutes, au cours desquelles
deux JP seront tués. L’année suivante, une scission
affaiblit le mouvement : Henri de Kérillis, Charles
Trochu, Georges Scapini et Philippe Henriot rompent
avec Taittinger à la suite de la dissolution des groupes
paramilitaires, prononcée en décembre 1935 et propo¬
sée par Ybarnégaray lui-même, passé à cette date aux
Croix de feu. Transformées en Parti National Social le
11 novembre, puis en Parti Républicain National et
Social (PRNS), les JP connaissent de graves difficultés
et souffrent de la concurrence du PSF. En 1937, le
PRNS s’associe avec le PPF de Doriot et la Fédération
Républicaine au sein du Front de la Liberté, mais
l’hémorragie des adhérents et l’effondrement du tirage
du National se poursuivent. De plus, lors du Conseil
National de novembre 1938, conservateurs et révolu¬
tionnaires s’affrontent, ce qui laisse penser que le
PRNS n’aurait pu survivre longtemps à ses divisions.
Qualifiées de mouvement fasciste en raison de leur
structure para-militaire et de certains thèmes de leur
doctrine, les JP semblent cependant plus proches de la
tradition boulangiste et bonapartiste du nationalisme.
Lé discours de Taittinger, qui s’inspire largement de la
thématique barrésienne, est dominé par l’idée de
rassemblement de la nation au service d’un objectif
unitaire : le redressement de la France. Sur le plan

179
politique, Taittinger ne souhaite pas renverser la
démocratie ni mettre en cause ses fondements — n’est-
il pas député depuis 1919 ? — mais demande la révision
de la constitution, le renforcement de l’exécutif et la
rationalisation du législatif. Les JP préconisent ainsi
l’instauration d’un régime présidentiel fondé sur la
séparation des pouvoirs et la décentralisation régionale.
En matière sociale, elles sont favorables au corpora¬
tisme et à une amélioration des mesures sociales en
faveur de l’ensemble des travailleurs. Ce programme,
écrit René Rémond, « reconstitue trait par trait ce
mélange de calcul et de générosité, d’illusion et de
démagogie, inventé jadis par les bonapartistes
On peut alors se demander pour quelles raisons les
JP ont été assimilées au fascisme. Outre que, dans les
années trente, ce terme a été appliqué, dans certain cas,
avec un manque total de discernement, les JP ont
adopté une attitude favorable à l’égard de l’Italie. En
1933, Provost de la Fardinière déclare : « Le fascisme
est une belle réussite, le fascisme est l’œuvre d’une
splendide volonté humaine Mais il précise que
l’orientation étatiste du régime mussolinien est
contraire aux revendications décentralisatrices et régio¬
nales des JP. D’autre part, « on doit se garder des
engouements puérils qui font qu’en France on porte une
idée comme une mode Si Taittinger réclame une
alliance avec l’Italie, c’est pour éviter à la France de se
retrouver isolée face au péril allemand. Dénonçant dès
1933 les buts expansionnistes d’Hitler, Taittinger
multiplie à la veille de la guerre les appels au maintien
de la paix. Quant aux néo-socialistes, Taittinger les
qualifie de néo-fascistes et écrit : « Cette caricature de
fascisme, transposée sur le plan de leurs intérêts de
députés ambitieux, impatients d’acquérir des portefeuil¬
les, ne saurait faire illusion à des hommes de bon

180
sens Sous Vichy, Taittinger soutiendra la politique
du Maréchal et sera à partir de 1943 Président du
Conseil municipal de Paris.

Les catholiques extrémistes et l’Action française

La Fédération nationale catholique

La Fédération nationale catholique est créée en 1924


par le général de Castelnau, lors de la victoire du Cartel
qui signifie, pour une partie des catholiques français, le
retour au pouvoir du « paganisme gouvernemental ».
La Fédération bénéficie lors de sa création du soutien
de plusieurs personnalités, dont Xavier Vallat, et de
quelques organisations comme la DRAC (Droits du
religieux ancien combattant) ou la Ligue des femmes
françaises. Lors de la suppression par Herriot de
l’ambassade de France auprès du Vatican, les militants
de la Fédération provoquent des troubles violents et, en
1926, le général de Castelnau et ses collaborateurs
dénoncent la condamnation pontificale de l’Action
française, de nombreux dirigeants locaux de la FNC
étant royalistes. Les principaux adversaires de Castel¬
nau sont la Jeune République (issue du Sillon),
l’hebdomadaire dominicain Sept — favorable à un
rapprochement avec la gauche — la SFIO, la CGT et le
PCF. De plus, la FNC s’oppose au Parti démocrate
populaire, constitué en novembre 1924 par des démo¬
crates chrétiens, tel Georges Bidault.
Regroupant près de 1 800 000 membres (selon Henri
Coston), la Fédération se veut le porte-parole des
catholiques conservateurs qui s’inquiètent plus de la
diffusion du communisme que de la montée du fascisme

181
V

en Allemagne et en Italie. L’organe officieux de


l’association, L’Echo de Paris, fait régulièrement
campagne contre la gauche formée de « personnages
équivoques en quête d’un mauvais coup A partir de
1936, la FNC s’engage aux côtés des autres ligues dans
la lutte contre le Front populaire, et se range en 1938
dans le camp des munichois. Sous Vichy, certains
membres de la Fédération choisiront la collaboration, à
l’image de Philippe Henriot, un des principaux orateurs
de la FNC. Quant au général de Castelnau, il meurt en
1944, Jean Le Cour-Grandmaison lui succédant à la
présidence. Après la guerre, la FNC deviendra l’Action
catholique.

Apogée et déclin de l’Action française

L Action française demeure, durant cette période,


un des mouvements d’extrême-droite les plus en vue,
bien que plusieurs de ses cadres soient morts à là
guerre . Léon de Montesquieu, Henri Lagrange,
Jacques de Lesseps... Forte de sa doctrine et du
nombre de ses adhérents, l’Action française persévère
sans relâche dans ses attaques contre la République,
dénigrant les initiatives des gouvernements successifs,
tant en politique intérièure que dans le domaine des
relations internationales. Toutefois, si l’Action fran¬
çaise s’affirmait au début du siècle révolutionnaire et
anti-conformiste, elle devient peu à peu le refuge d’un
conservatisme strict, voire rétrograde, tandis que les
incohérences de son programme, sanctionnées par de
graves échecs et l’intempérance de Maurras à l’égard de
la << jeune droite », l’isolent et la réduisent à n’être plus
qu’une école de pensée. Maurras est considéré par
beaucoup comme un maître, mais son magistère est

182
sérieusement ébranlé. Afin de saisir cette évolution, il
convient de présenter l’attitude de l’Action française
face à l’ensemble des problèmes politiques et économi¬
ques, puis les manifestations de cette lente mais
inexorable usure.
Au lendemain de la guerre, l’Action française jouit
d’un incontestable prestige et apparaît comme le
bastion le plus sûr contre la « menace subversive » que
représentent le communisme et l’agitation sociale. En
1919, plusieurs de ses sympathisants sont candidats sur
les listes du Bloc national, Maurras justifiant cette
participation en ces termes : « Il ne nous semblait pas
superflu de pénétrer à la Chambre au moment où une
réorganisation générale allait s’imposer(...). Nous ju¬
gions que des circonstances exceptionnelles rendraient
utile notre présence dans une Assemblée aussi neuve que
celle-là En fait, le résultat de la consultation
électorale est mitigé : la Chambre « bleu horizon » ne
compte que trente députés proches de l’Action fran¬
çaise et seul Daudet est élu à Paris. Mais ce dernier se
montre particulièrement actif et attaque Millerand, qui
« broute de la paille en parlant ; Briand, « totale¬
ment dénué de tout sentiment patriotique et dont le
point fort est « la rouerie », le point faible « la lâcheté
physique L’Action française remporte plusieurs
succès, en particulier la démission de Briand en janvier
1922, l’arrivée au pouvoir de Poincaré dont la politique
de fermeté à l’égard de l’Allemagne la satisfait. En
revanche, les manifestations des Camelots après l’assas¬
sinat de Marins Plateau par Germaine Breton, de
même les maladresses commises lors de la candidature
de Maurras à l’Académie française, portent préjudice à
l’image de la ligue dans l’opinion publique. En 1924,
l’AF connaît une déroute électorale, Daudet perdant
son siège de député. Herriot devient la bête noire du

183
s

mouvement qui atteint à cette date son apogée : le


tirage de L’Action française s’élève à près de 100 000
exemplaires durant l’été 1926^^^ auxquels viennent
s’ajouter les 25 000 abonnés du supplément du di¬
manche, L’Action française agricole^^^. Les sections
régionales et l’Institut organisent régulièrement des
conférences, et le mouvement revendique 60 000
membres dont 2 000 Camelots en région parisienne^^^.
Ceux-ci participent aux émeutes de juillet 1926 qui
contribuent à la démission le 21 du second cabinet
Herriot. C’est alors qu’intervient, le 26 décembre, la
condamnation par le Saint Siège de l’Action française,
qui subit, par ailleurs, le contre-coup des succès de
Poincaré. La stabilisation du franc et le retour à
l’équilibre budgétaire privent l’AF d’arguments. Mal¬
gré quelques actions d’éclat comme l’évasion de
Daudet et deux scandales (les affaires Klotz et Marthe
Hanau) que L’Action française jette en pâture à ses
lecteurs, cette période se traduit par un net recul du
mouvement.
La crise relance l’activité des sections, en 1933 et
1934, mais l’AF est concurrencée par d’autres ligues et
principalement par les Croix de feu. Le 6 février 1934,
les Camelots sont dans la rue — deux victimes sur trois
appartiennent à l’AF — mais le « coup de force »
échoue. Comme le résume Eugen Weber, « les jeunes
gens se rongeaient les poings, furieux, et les dirigeants se
mettaient au lit Cet échec détourne de l’Action
française les membres les plus actifs, convaincus dès
lors que la Ligue est vouée à l’impuissance et à la
sclérose doctrinale. La rupture avec le prétendant
accélère ce déclin, malgré l’élection de Maurras à
1 Académie en 1938 et la levée de la condamnation
pontificale en 1939. Désavoué par ses cadets, Maurras
consacre les dernières années de l’avant-guerre à

184
dénoncer la conspiration judéo-maçonnique et les deux
pires ennemis de la France : Hitler et la République.
En politique étrangère, la première action de l’AF
est de s’opposer au traité de Versailles qui institue selon
Bainville « une paix trop douce pour ce qu’elle a de
dur L’AF réclame la division de l’Allemagne afin
qu’elle ne soit plus qu’une « inoffensive mosaïque de
principautés, de duchés et de villes libres l’annexion
de la Sarre et l’établissement d’un protectorat français
sur la Rhénanie. Le traité de Rapallo (1922) renforce
Bainville dans la conviction que le bolchevisme et le
pangermanisme prétendent à l’hégémonie européenne
et que les démocrates français conspirent contre la
nation. Hostile à la politique de rapprochement franco-
allemand de Briand, l’AF est également fort critique à
l’égard de la SDN, posant que la disparition du « sens
européen » liée à l’extinction des monarchies qui
« conservaient une certaine communauté d’idées, de
langage, de manières rend illusoire tout espoir de
sécurité collective. Lors de l’arrivée au pouvoir de
Mussolini, l’attitude de l’Action française envers le
nouveau régime italien est d’abord favorable, et
Maurras donnera du fascisme la définition suivante :
« un socialisme affranchi de la démocratie. Un syndica¬
lisme libéré des entraves auxquelles la lutte des classes
avait soumis le travail italien. Une volonté méthodique et
heureuse de serrer en un même “faisceau” tous les
facteurs humains de la production nationale : patrons,
employés, techniciens, ouvriers. Un parti pris d’aborder,
de traiter, de résoudre la question ouvrière en elle-même,
toute chimère mise à part, et d’unir les syndicats en
corporations, de les coordonner, d’incorporer le prolé¬
taire aux activités héréditaires et traditionnelles de l’Etat
historique de la Patrie, de détruire ainsi le scandale
social du prolétariat. Ce Fascisme unit les hommes par

185
l’accord En d’autres termes, Maurras voit dans le
fascisme ce qu’il défend, lui, sur un plan encore
théorique. D’autre part, l’AF et Mussolini partagent
des aspirations communes, comme l’antiparlementa¬
risme. Néanmoins, les divergences l’emportent large¬
ment et il existe une différence radicale entre « l’anti¬
étatisme maurrassien et la statolâtrie fasciste De
fait, dans les années trente, Bainville qualifiera en 1935
les accords Laval-Mussolini de première étape dans la
formation d’une alliance latine, mais les revendications
territoriales de Mussolini puis le rapprochement avec
l’Allemagne montrent clairement à l’Action française
les limites de cette soi-disant alliance latine. En 1945,
Maurras écrira : « Dans une certaine mesure, le fas¬
cisme italien, anti-capitaliste, anti-électif anti-républi¬
cain (jusqu’en 1943) offre certains rapports avec nos
idées. Rapports très limités : le fascisme mussolinien est
profondément étatiste et centralisateur. Nous sommes le
contraire
Vis-à-vis de l’Allemagne, la position de l’Action
française est ambiguë. D’une part, Maurras est germa¬
nophobe, soulignant que son instinct antigermaniste
date de la guerre de 1870-1871. Dès 1933, il est
persuadé que Hitler est bien décidé à écraser la France
et jusqu’à la guerre, L’Action Française n’aura de cesse
d’alerter l’opinion et le puvernement sur la menace
que constitue le nationalisme hitlérien, incarnation de
la dictature césarienne et de l’individualisme démocra¬
tique. Maurras écrit à ce propos : « L’agitateur germain
Adolf Hitler, par toute son action, est le coryphée, le
porte-drapeau du régime électif Même aux temps
héroïques de ses actions de rue en Bavière, le moyen
électoral fut le nerf de sa propagande. Là, au lieu de
s unir aüx partis traditionnels et de s’allier aux Maisons
royales, comme l a fait Mussolini, Hitler créait précisé-

186
ment une démagogie nationaliste, hyper-nationaliste,
opposée directement aux derniers partisans des Wittels-
bach Hitler est ainsi, selon Maurras, trop légaliste
et constitue le principal obstacle à la restauration de la
monarchie bavaroise. Pour répondre au péril allemand,
il convient de réarmer la France, de rompre les
obligations qu’elle a contractées à l’Est et de refuser de
faire la guerre, que ce soit pour les Juifs, les Tchèques
ou autres.
D’autre part, cette hostilité s’accompagne d’une
relative indulgence pour ceux qui, disciples de Maurras,
saluent ouvertement la victoire du nazisme. En 1945,
Maurras affirmera que l’AF « tendait à combattre
l’influence allemande dans les Arts, les Lettres, l’His¬
toire, la Philosophie(...) Nous avons attaqué jusque
dans la racine, ce germanisme qui a fait de l’Allemagne
le synonyme, la mesure de Vérité, de Bonté, de Beauté,
et qui remplace l’humanité par la germanité Dans
les faits, la position de Maurras est moins franche
puisque l’AF attaquait les « hitléromaniaques de la
droite mais dans le même temps elle faisait silence
sur certains articles de Je Suis Partout, dont le contenu
était nettement pro-nazi. Eugen Weber souligne que
l’Action Française ne peut être tenue pour responsable
de ces propos, mais la plupart des hommes qui avaient
choisi cet engagement se réclamaient de Maurras. De
plus, on ne peut nier que le nationalisme intégral
comporte certains éléments proches de l’hitlérisme, et
que la pensée de Maurras a constitué un terrain
favorable à l’éclosion d’un groupe d’intellectuels qui
formeront le noyau dur de la collaboration avec
l’occupant. Ainsi, la révolution autoritaire est un thème
qui figure dans le maurrassisme, de même que les
notions de régénérescence nationale et d’intégrité,
l’opposition entre le nombre et la qualité, l’antisémi-

187
tisme. Colette Peter Capitan, dans son étude sur
l’idéologie de l’Action française, montre que certains
aspects irrationnels sont communs au nazisme et au
nationalisme intégral, comme par exemple « la valori¬
sation de la force et de l’énergie » qui « trouve un écho
amplifié dans le nazisme, au niveau du fantasme
Mais, poursuit-elle, « alors que la vocation populaire du
nazisme, Vidée hitlérienne de la soumission aux lois de la
nature, donnaient au national-socialisme un pouvoir
d’agression rare, le conservatisme bourgeois de l’Action
française lui faisait peu à peu préférer le goût de l’ordre à
l’audace ou à l’esprit d’aventure

L’isolement de l’AF au sein même du camp de


1 extrême-droite, à la veille de la Seconde Guerre
mondiale, illustre l’essoufflement du mouvement qui a
dû faire face durant ces vingt années à de multiples
difficultés. En premier lieu, la rupture avec Valois en
1925 montre que l’Action française a abandonné toute
velléité d’action syndicale révolutionnaire, dérivant
vers le conservatisme qu’elle dénonçait au début du
siècle. La querelle entre l’AF et le Faisceau a plusieurs
causes, les plus superficielles étant d’ordre financier ou
relatives à une rivalité entre Valois et Maurras, ce
dernier supportant mal qu’on conteste son autorité
absolue. Le motif le plus tangible se rapporte vraisem¬
blablement à une divergence de conceptions politiques
et économiques, Valois s’inspirant du premier fascisme
et Maurras de la Tour du Pin. De plus, Maurras pense
que l’action politique prime sur toute autre considéra¬
tion, alors que pour Valois la réforme sociale est le
point prioritaire. Cet embourgeoisement de l’AF se
manifeste au niveau du recrutement de la Ligue :
Eugen Weber rapporte que sur 873 officiels en 1933,
près du quart sont médecins, 36 sont commerçants ou

188
artisans, 32 sont issus des cadres de l’armée, 26 sont
cultivateurs et propriétaires fonciers, 24 sont avocats,
avoués ou notaires, et enfin, qu’un cinquième des
officiels appartient à la noblesse
En second lieu, les difficultés avec Rome portent un
coup sévère au mouvement, composé presque exclusi¬
vement de catholiques. Inquiet de l’influence du
nationalisme intégral dans la hiérarchie catholique et
dans l’ACJF, il est probable que Pie XI ait tenté de
mettre fin à cette concurrence, gênante pour les
organisations d’Action Catholique, la JOC et la JAC.
Sans retracer dans le détail les circonstances de la
condamnation, on peut avancer que celle-ci était
inévitable en raison de la singulière conception que se
fait Maurras de la religion et du rôle de l’Eglise.
L’interdiction faite aux catholiques de lire L’Action
française provoque une chute du tirage^'^^, le journal
perdant de 1925 à 1928 près de la moitié de ses lecteurs.
Par ailleurs, de nombreux catholiques se détournent de
l’AF, ce qui pose pour certains un douloureux cas de
conscience. Maurras relativise les conséquences de la
rupture, écrivant que « la marche de l’Action française
ne fut pas arrêtée mais entravée et rend Briand
responsable de l’intransigeance du Vatican. Si l’AF
dispose de fonds suffisants pour emménager rue du
Boccador, la réduction des subventions grève sérieuse¬
ment le budget, d’autant que Coty cesse lui aussi
d’aider la Ligue. A ces considérations matérielles
s’ajoutent les incidences morales, la condamnation
pontificale sapant en partie les fondements du nationa¬
lisme intégral.
Reniée par l’Eglise, l’AF est également abandonnée
par certaines personnalités qui, pour des raisons
diverses, se séparent de Maurras. Louis Dimier,
plusieurs fois en désaccord avec Maurras, quitte la

189
Ligue en 1925. En 1927, c’est au tour de Jacques
Maritain, venu au nationalisme intégral par le tho¬
misme, qui préfère la fidélité au Pape plutôt que
l’engagement aux côtés de Maurras. En 1930, « la
grande dissidence » se manifeste à l’échelle nationale,
certains exclus essayant, sans succès, de créer une
organisation rivale : les Comités royalistes de la Seine.
Bernanos, Brasillach, Maulnier prendront aussi leurs
distances, Maurras étant débordé par la « jeune
droite ». Tandis que les Camelots cèdent peu à peu la
rue aux membres du PPF de Doriot et du PSF de La
Rocque, le comte de Paris condamne à son tour l’AF,
accélérant ainsi le déclin du mouvement.
A la veille de la guerre, Maurras est toujours
considéré comme un symbole par l’ensemble de
l’extrême-droite. Rebatet écrira dans Les Décombres :
« Maurras avait beau nous déconcerter souvent, son
autorité nous troublait toujours. Nous n’avions pas le
courage de transgresser ensemble et publiquement son
catéchisme Mais, ajoute-t-il, « l’Action française
est une de ces entreprises d’hier qui ont vécu d’équivo¬
ques soigneusement entretenues Il poursuit :
« Maurras, catholique sans foi, sans sacrements et sans
pape, terroriste sans tueurs, royaliste renié par son
prétendant, n avait été en fin de compte que Villusion¬
niste brillant de l’aboulie
Néanmoins, cet affaiblissement de l’AF n’empêchera
pas Maurras de continuer ses activités durant l’occupa¬
tion, ni son influence de perdurer après la guerre avec
la création A’Aspects de la France.

L’extrême-droite paysanne

L’agriculture, qui représente encore près du tiers de

190
la population active, a été très durement atteinte par la
crise économique : l’effondrement des prix associé à la
baisse du prix de la terre, la chute des revenus et le
poids de la concurrence étrangère alimentent une vague
de mécontentement que la droite et la gauche tentent
de canaliser à leur profit. C’est dans ce climat
qu’apparaissent, au cours des années trente, plusieurs
mouvements proches de l’extrême-droite dont les deux
plus importants sont la Ligue de la défense paysanne de
Dorgères et l’Union paysanne de Joseph Bilger.

Le mouvement Dorgères

Henry Dorgères d’Halluin, né en 1897, a fait toute sa


carrière sur le thème de la défense des intérêts paysans.
Après la guerre, au cours de laquelle il est interné à
Bruges par les Allemands, il entre à la Faculté de droit
de Lille puis à l’Association des étudiants royalistes.
Secrétaire de rédaction à l’Echo des syndicats agricoles
du Nord, puis rédacteur du Nouvelliste de Rennes, il
prend par la suite la direction du Progrès agricole de
l’Ouest^^'^. Dans ses éditoraux, Dorgères dénonce
l’incurie des fonctionnaires, le rôle des trusts, la
faiblesse de l’Etat et fait l’éloge du paysan, menacé car
isolé et ne disposant pas d’une force de pression
structurée. En février 1930 se tient un meeting à
Rennes, réunissant les Comités de défense paysanne
(CDP) qui se sont multipliés sur l’initiative de Dor¬
gères. Un rapprochement s’ébauche cette année entre
les CDP et le Parti agraire et paysan français de
Fleurant-Agricola, mais il échoue rapidement. La crise
permet à Dorgères d’accroître l’activité de son mouve¬
ment, et il préconise la création d’un front des diverses
organisations agricoles. Entre-temps, Dorgères a durci

191
sa position à l’égard du régime et n’hésite pas à
déclarer ; « Partout où elle est installée, la dictature a
mis le paysan au premier rang En 1934 est institué
le Front paysan qui regroupe le Bloc professionnel —
formé de l’Union nationale des syndicats agricoles
(UNSA), du Comité d’action et de vigilance paysanne,
et de diverses associations spécialisées —, le Bloc de
défense paysanne et le Bloc agraire. Les dirigeants du
Front sont Jacques Leroy-Ladurie, Fleurant-Agricola
et Dorgères. Leur programme s’articule autour de
quelques points ; antiparlementarisme, défense des
petites et moyennes exploitations, protection du travail
national par une politique d’immigration restrictive,
revalorisation des cellules traditionnelles que sont la
famille et le métier, organisation corporative de la
profession^^^. Malgré son échec à l’élection partielle de
Blois en mars 1935, Dorgères est au sommet de sa
popularité comme le prouvent le congrès paysan de
Rouen (août) et celui des Jeunesses paysannes dorgé-
ristes (décembre). Cette même année, il apparaît
clairement que Dorgères est séduit par les expériences
italienne et allemande. Cette attirance pour le fascisme
est confirmée par la création des « chemises vertes »,
pourvues d’un uniforme, d’un hymne, d’un emblème et
qui doivent prêter serment à leur chef.
La mort de Fleurant-Agricola en 1936 accélère
l’éclatement du Front, Dorgères poursuivant seul son
action et son ascension. Il mène campagne, sous le
Front populaire, contre la semaine des quarante heures
et l’obligation scolaire jusqu’à quatorze ans, et réclame
l’extension aux paysans de la loi sur les allocations
familiales. Avec plusieurs dizaines de milliers d’adhé¬
rents et un réseau de presse non négligeable^^^,
Dorgères entretient des relations complexes avec
l’extrême-droite et tient surtout à garder son indépen-

192
dance vis-à-vis des autres organisations. Ses attaques
contre Blum, la violence des « chemises vertes » et
l’affirmation de certains principes font que les CDP
sont assimilés à un « fascisme vert ». En 1934,
Dorgères déclare d’ailleurs : « Je crois au développe¬
ment d’un mouvement de genre fasciste. Cela est
d’autant plus vraisemblable que les Français commen¬
cent à se rendre compte de l’immense tâche faite par
Mussolini
A l’égard de l’Allemagne, son sentiment est plus
nuancé en raison de son expérience carcérale durant la
Première Guerre mondiale. Cela explique que, délégué
à la propagande de la Corporation paysanne sous
Vichy, il soit partisan de Pétain mais réticent à
collaborer avec l’occupant.
Enfin, si l’on admet que le dorgérisme est une
version paysanne du fascisme, il n’en reste pas moins
que le mouvement a échoué, Dorgères n’ayant jamais
réussi à rassembler derrière lui qu’une infime minorité
des agriculteurs.

L’Union paysanne de Bilger

Parallèlement à l’action des CDP dans l’Ouest de la


France, un second mouvement poursuit à l’Est des
objectifs analogues : l’Union paysanne dont s’inspirera
Dorgères. Dirigée par Joseph Bilger depuis 1929,
l’Union paysanne est surtout active en Alsace, mais elle
s’étend peu à peu avec une section en Lorraine et à
Belfqrt. Bilger fonde la Gazette paysanne d’Alsace-
Lorraine, puis plusieurs coopératives agricoles et une
Banque des paysans d’Alsace. Son programme est
identique à celui de Dorgères. Avec l’arrivée au
pouvoir du Front populaire, les « chemises vertes »

193
V

intensifient leur propagande tandis que leurs réunions


sont régulièrement ponctuées de violents incidents. Fait
prisonnier au début de la guerre, Bilger est libéré en
1940 mais les Allemands dissolvent son organisation.
Arrêté par la Gestapo puis par la Résistance, il
poursuivra son action après 1945, participant ainsi au
MP 13 de Martel.

La tentation fasciste

Dans l’entre-deux guerres, les ligues ont été perçues


par leurs adversaires comme l’expression de l’influence
du fascisme sur la tradition nationaliste, antiparlemen¬
taire et, dans la majorité des cas, antisémite. Mais, « le
terme de fascisme français n’est pas sans prêter à de
dangereuses équivoques » (R. Girardet)^^^. La vulgari¬
sation du terme entrave la tentative d’identification du
phénomène et la mesure de sa présence virtuelle au sein
de l’extrême-droite. La première démarche consiste
alors à circonscrire le champ effectif de la contagion
fasciste, en excluant les ligues qui ne font qu’adopter la
gestuelle para-militaire et le discours fascistes, mais
dont l’esprit reste imperméable à l’essence de cette
doctrine. Rappelons ici ces quelques mots de René Ré¬
mond : « Le mouvement des ligues n’est que le dernier
avatar du vieux fond bonapartiste, césarien, autoritaire,
plébiscitaire, le nationalisme revu au goût du jour et dont
les imitateurs n’ont fait que recrépir la façade d’un
badigeon de fascisme à la romaine Tel est le cas des
Jeunesses Patriotes, des Croix de feu dont l’idéologie,
selon Pierre Milza, ressemble à un « christianisme
social patriotique et de l’Action française qui,
malgré son rôle de « matrice du fascisme de droite
reste attachée aux « idéaux traditionalistes ».

194
En revanche, d’autres ligues peuvent être considé¬
rées comme appartenant à la mouvance fasciste : le
Faisceau de Valois, la Solidarité française de Coty et
Renaud, le Francisme de Bucard, lui-même issu des
socialistes-nationaux de Gustave Hervé, la Cagoule et
le PPF de Doriot. Ce simple décompte illustre la
diversité des interprétations du fascisme en France,
certains épigones du régime mussolinien venant de la
droite, d’autres de la gauche ou de l’extrême-gauche.
De plus, la propagation du fascisme s’étend au-delà
des limites de ces formations politiques avec l’émer¬
gence du néo-socialisme et du frontisme. Enfin, cette
« imprégnation fasciste est décelable au sein d’une
intelligentsia, composée d’écrivains et de journalistes,
pour qui le fascisme est avant tout un romantisme,
« une mystique activiste

Le Faisceau de Valois

La première expérience fasciste en France débute en


1925 : le 11 novembre, jour anniversaire de la victoire,
au terme d’une réunion salle Wagram, Georges Valois
et Jacques Arthuys annoncent la création du Faisceau,
dont le nom même reflète clairement la volonté de
s’inspirer du modèle italien. Le promoteur de cette
nouvelle ligue, Georges Gressent, dit Valois, appar¬
tient depuis 1907 à l’Action française, où il est chargé
des questions économiques. Né en 1878, il milite dans
sa jeunesse dans les milieux de gauche. Membre du
groupe L’Art Social, dans lequel figure Fernand
Pelloutier, fondateur de la Fédération des Bourses du
Travail, il collabore également à plusieurs publications
{La France nouvelle, L’Observateur français, Temps
nouveaux, L’Humanité nouvelle). Le jeune syndicaliste

195
révolutionnaire rencontre Georges Sorel en 1898 puis
doit faire son service, abandonnant l’armée au bout de
quelques mois pour raisons de santé. Valois reprend
alors ses voyages et en 1905 publie L’Homme qui vient
dans lequel il expose sa philosophie de l’autorité. Il
écrit : « Toute démocratie n’est jamais qu’une oligarchie
de puissants entrepreneurs ligués pour satisfaire leurs
intérêts individuels aux dépens des intérêts de la
nation De tels propos ne pouvant qu’éveiller la
curiosité de l’AF, Valois rencontre Paul Bourget, puis
Maurras en 1906. Il entre à la Revue critique des idées et
des livres de Jean Rivain, dans laquelle il publie les
résultats de son enquête sur la monarchie et la classe
ouvrière. Puis Valois participe à la création des Cahiers
du Cercle Proudhon, qu’il définira comme la « première
tentative fasciste en France En 1912, il est appelé à
la direction de la Nouvelle Librairie Nationale. Après
la guerre, il expose son projet de réforme de la société
dans Le Cheval de Troie, puis L’Economie Nouvelle. Il
propose aussi la fondation d’une Confédération natio¬
nale de la Production française et fait campagne, sous
l’égide de l’AF, pour la convocation d’Etats Généraux.
A cette fin, il crée un Comité national et un mensuel.
Les Cahiers des Etats Généraux. A ses côtés se trouvent
Eugène Mathon, Gaston Japy (ancien partisan de
Biétry), Ambroise Rendu (conseiller municipal roya¬
liste de Paris), le colonel Bernard de Vesins. Parallèle¬
ment est organisé un Comité de liaison des grandes
associations économiques, puis la Confédération de
l’Intelligence et de la Production françaises qui devient
en 1924 l’Union des Corporations françaises. Le 26
février 1925 paraît le premier numéro du Nouveau
Siècle, grâce au soutien financier de Franz Van den
Broeck d’Obrenan et de Mathon. L’équipe rédaction¬
nelle est composée notamment de Philippe Barrés,

196
Abel Bonnard, Pierre Dominique, Jacques Maritain,
Henri Massis, Georges Suarez et Xavier Vallat. La rue
de Rome accueille favorablement l’initiative. Mais en
octobre 1925, Valois annonce que le journal devient un
quotidien et remet sa démission à L’Action française.
Les difficultés commencent alors, en raison de la
méfiance puis de l’hostilité de l’AF. De nombreux
collaborateurs abandonnent la rédaction et Maurras
interdit à ses troupes d’assister à la réunion constitutive
du Faisceau. De plus, Coty stoppe ses subventions. Au
total, l’année 1926 ne démarre pas sous de très bons
auspices, mais la querelle entre Taittinger et Rédier
bénéficie au Faisceau auquel adhèrent plusieurs mili¬
tants de la Légion. Valois structure son mouvement qui
se compose de quatre branches : 1) le Faisceau des
combattants ou légions, qui regroupe les anciens
combattants de 14-18 et des guerres coloniales, orga¬
nisés en compagnies, sections et groupes ; 2) le
Faisceau des producteurs composé de corporations ;
3) le Faisceau des jeunes avec les Jeunesses fascistes et
le Faisceau universitaire ; 4) le Faisceau civique. La
direction rassemble Valois, Jacques Arthuys (vice-
président), André d’Humières (délégué général), Phi¬
lippe Barrés (délégué à la propagande) et Serge André
(administrateur).
En 1926, les effectifs du Faisceau s’élèvent à près de
25 000 « chemises bleues mais dès la fin de l’année,
les démissions sont supérieures aux adhésions. En 1927,
le Nouveau Siècle est à nouveau hebdomadaire, avant
de disparaître en avril 1928. Peu après, les derniers
fidèles, mécontents de la nouvelle orientation de
Valois, l’excluent de sa propre organisation et fondent
le Parti fasciste révolutionnaire, animé par le docteur
Winter.
L’échec de Valois tient à plusieurs facteurs. En

197
premier lieu, l’hostilité de la droite nationaliste cause
un grand tort au Faisceau et la querelle avec l’AF n’est
pas que verbale : le 25 décembre 1925, des Camelots
troublent une réunion du Faisceau universitaire, puis le
14 novembre 1926, des militants de Valois attaquent tes
bureaux de la rue de Rome. D’autre part, la Ligue des
Patriotes, la FNC et Taittinger ne sont pas mécontents
de voir Maurras et Daudet se lancer à l’assaut de
Valois, accusé d’être au service de l’Italie ou d’être un
agent de la police secrète du Tsar.
En second lieu, le contexte politique ne se prête pas
au développement d’une telle organisation. L’arrivée
de Poincaré et le redressement financier qu’il accomplit
entravent le recrutement et affaiblissent la portée de la
propagande du Faisceau.
Mais la raison essentielle est liée à la nature même
des conceptions de Valois en matière économique et
politique. Marqué par l’expérience du Cercle Proudhon
et désireux de s’attirer les suffrages des syndicalistes,
Valois fait un effort considérable pour séduire les
milieux ouvriers, en leur proposant une doctrine qui
soit à la fois anti-libérale, anti-démocratique et anti¬
communiste. Cette doctrine, Valois pense la trouver
dans le fascisme dont l’originalité est de « réaliser la
fusion des deux grandes tendances, le nationalisme et le
socialisme, qui, au XX‘ siècle, ont été la première
réalisation anti-individualiste des nations euro¬
péennes Cette volonté de transcender les antago¬
nismes entre ces deux courants, mais aussi le clivage
droite-gauche et la lutte des classes, est un des thèmes
dominants de la pensée de Valois. Or, à ses yeux, le
fascisme est « une conception totale de la vie nationale et
sociale qui incorpore dans un seul mouvement
toutes les composantes de la nation. En d’autres
termes, « le fascisme est unitaire en ce qui concerne

198
l’Etat ; syndical, corporatif, familial en ce qui concerne
la nation De plus, le fascisme, « nouvelle alliance
du patriotisme et de la vie ouvrière est l’aboutisse¬
ment du mouvement de 1789, qu’il prolonge et dépasse
en incarnant la véritable énergie révolutionnaire des
classes populaires. Valois développe alors une concep¬
tion spiritualiste du fascisme, en tant que communion
de tous au service de la nation, pour atteindre la vérité,
l’amour et la justice. « Vivre est un acte de foi », écrit
Valois, c’est donc « obéir à une force spirituelle
qu’incarne le fascisme. En vertu de ces principes,
Valois veut rouvrir « les portes de la patrie à l’ou¬
vrier et pour cela il préconise une organisation des
travailleurs par branche de production afin de dévelop¬
per une solidarité entre les métiers et entre les
catégories sociales. Il propose également une politique
de hauts salaires et la formation d’une élite ouvrière
puisque ce n’est qu’à ce prix qu’il sera possible
d’éliminer le communisme. Quant à l’Etat, sa tâche
doit être de coordonner les initiatives des corporations,
d’élaborer des plans et de procéder à l’aménagement du
territoire. Valois suggère par ailleurs que le Parlement
soit remplacé par des Etats généraux, élus par des
syndicats d’électeurs. Enfin, le fascisme est « le mouve¬
ment par lequel la civilisation européenne tout entière
cherche à passer au palier supérieur Gage de
stabilité, le fascisme peut ainsi permettre l’émergence
d’une nouvelle Europe, organisée en faisceaux. Mais
Valois précise qu’il rejette l’idée d’une Internationale
fasciste. Chaque groupe national a ses particularités, et
il écrit : « Nous prenons parti pour le fascisme, — en
France. Ce qui fait que, tout en comprenant VItalie, nous
sommes avec notre gouvernement, même s’il a tort
Cette ambition de réaliser un fascisme authentique¬
ment français se solde par un fiasco total car cette

199
s

référence place Valois devant une série de problèmes


qu’il ne parviendra pas à résoudre. Ainsi, le Faisceau
qui se dote d’un programme révolutionnaire, anti¬
capitaliste et anti-bourgeois, ne parvient pas à pénétrer
dans le monde ouvrier. Les adhésions du maire
communiste de Périgueux, Marcel Delagrange, de
Bardy, de Hubert Lagardelle et de quelques autres
transfuges du PCF ou de la SFIO restent des cas isolés.
La composition sociale du Faisceau révèle qu’en
majorité les effectifs proviennent de la petite et
moyenne bourgeoisie^^^.
D’autre part, même si Valois déclare s’inscrire dans
la filiation de 1789 et place son mouvement sous l’égide
de Sorel, le parallèle avec l’Italie ne manque pas de
s’imposer. Or, l’étatisme croissant du régime mussoli-
nien et ses compromis avec le grand capital heurtent
Valois qui se refuse à suivre le même chemin, se tourne
vers la gauche et perd ainsi le soutien des hommes
d’affaires qui finançaient le Faisceau.
Enfin, Valois est perpétuellement tiraillé entre ses
aspirations révolutionnaires et le souci de l’action
légale. Ne bénéficiant pas d’une conjoncture analogue
à celle qui permit la marche sur Rome, Valois fonde le
9 mai 1928 le Parti républicain syndicaliste. Mais, renié
par la droite et par la gauche — le comité fédéral de la
Seine de la SFIO a refusé sa demande d’adhésion —
Valois mène alors un combat solitaire. Il fonde en 1932
les Chantiers Coopératifs, remplacés en 1934 par le
Nouvel Age, organe de la Coopérative des Amis du
Nouvel Age. Les projets de Valois restent lettre morte
et au terme d’un itinéraire mouvementé, qui l’a conduit
à adhérer à l’AF, à définir les grandes lignes d’un
fascisme français, puis à lutter contre toute forme de
fascisme, Valois est en 1939 pacifiste et anti-munichois.
Emprisonné en 1941, puis arrêté par la Gestapo en mai

200
1944, il est déporté à Bergen-Belsen où il meurt le 18
février 1945.

François Coty et la Solidarité française

En 1933, un parfumeur corse, François Spoturno,


plus connu sous le nom de Coty, met sa fortune au
service de ses ambitions politiques en créant une
nouvelle ligue d’extrême-droite : la Solidarité fran¬
çaise. Auparavant, il a subventionné diverses organisa¬
tions ou publications comme le Faisceau de Valois et le
Nouveau Siècle, les Croix de feu de la Rocque et
l’Action française à qui il verse près de deux milliards
de francs de 1924 à 1928^^’. Afin de diffuser ses idées, il
prend le contrôle du Temps, ancien organe du Comité
des Forges et du Comité des Houillères, achète Le
Figaro et Le Gaulois, puis fonde en 1928 L’Ami du
peuple. Le quotidien est dirigé par Jacques Roujon,
venu du Nouveau Siècle, assisté par Jacques Fromentin,
Jacques Ditte et le commandant Jean Renaud. Urbain
Gohier y collabore également ainsi que Flavien Brenier
(animateur de l’Institut antimarxiste de Paris, présidé
par le duc Pozzo di Borgo).
La Solidarité française ne possède pas véritablement
de doctrine, si ce n’est un mélange d’antisémitisme, de
haine pour les « 200 familles » et « la haute finance
judéo-américaine associée à Moscou le tout cou¬
ronné de sympathies pro-fascistes explicites. Coty dote
ses troupes d’un uniforme et organise sa ligue suivant le
modèle mussolinien. Le mouvement, qui participe aux
émeutes du 6 février 1934, revendique à cette époque
près de 250 000 militants, mais le chiffre de 10 000
semble plus conforme à la réalité. De plus, l’existence
de la ligue est de courte durée : Coty meurt à l’été 1934,

201
s

ruiné par son divorce et ayant du vendre L’Ami du


Peuple à l’agence Havas. Le quotidien change plusieurs
fois de direction, Taittinger en assumant quelque temps
la rédaction, puis disparaît en 1938. Quant à la
Solidarité française, elle tente de survivre : quelques
sections se regroupent au sein du Parti de rassemble¬
ment populaire français, présidé par Jean Renaud. Puis
le dernier carré des fidèles fonde les Amis de la
Solidarité française et le Parti du Faisceau français.
Mais en 1938-39, il ne subsiste plus rien de l’entreprise
de Coty qui a dépensé des sommes astronomiques pour
un résultat insignifiant.

Les socialistes nationaux de Gustave Hervé

L’évolution de Gustave Hervé est caractéristique du


« glissement de gauche à droite de certains syndica¬
listes révolutionnaires qui par paliers successifs arrivent
au socialisme-national. Né en 1871, Gustave Hervé est
d’abord professeur, avant d’être révoqué par Georges
Leygues, ministre de l’Instruction publique, en raison
de son militantisme anticlérical et anti-militariste.
Hervé fonde alors le Pioupiou de l’Yonne, la violence
de ses articles lui valant d’être plusieurs fois poursuivi
en justice. Socialiste, il prône jusqu’en 1914 le
pacifisme et l’action insurrectionnelle. Dans La Guerre
sociale, créée en décembre 1906, il lutte pour la grève
générale, seul moyen selon lui d’éviter la guerre mais se
rallie à l’Union sacrée. La Guerre sociale devient, en
janvier 1916, La Victoire et Hervé, converti au
« jusqu’au-boutisme », dénonce le défaitisme des paci¬
fistes. Quittant la SFIQ à la fin du conflit, il se
rapproche progressivement de la droite nationaliste et
forme en 1925, avec Emile Tissier, ancien guesdiste, le

202
Parti de la République autoritaire. Cette expérience
n’étant guère concluante, Hervé fonde en 1932 le Parti
socialiste national, puis la Milice socialiste nationale
(MSN). Autour de Hervé sont réunis Marcel Bucard,
Emile Tissier, Paul Lafitte, Lucien Bernard et J.B.
Lhérault. Au nom d’un socialisme antimarxiste, la
MSN a pour prétention de briser l’ordre libéral et de
combattre le matérialisme dans sa version démocrati¬
que ou communiste. Violemment antiparlementaire,
Hervé entend concilier socialisme et nationalisme, ce
qui n’est pas vraiment original pour l’époque. Le départ
de Bucard, de Lafitte et de Lhérault provoque
l’effondrement de la MSN. Hervé lance en 1935 sa
campagne en faveur du maréchal Pétain tandis que La
Victoire paraît épisodiquement. Il sera néanmoins le
premier journal, avec Le Matin, à reprendre ses
activités à Paris, mais les Allemands jugeront son titre
peu adapté aux circonstances. Privé de cette tribune,
Hervé sombre dans l’oubli, n’ayant même pas réussi à
obtenir le soutien de Pétain.

Le Francisme de Marcel Bucard

Le Parti franciste, créé le 29 septembre 1933 lors du


« serment de l’Arc de triomphe », s’inspire ouvertement
des Fasci italiani di combattimento et son programme
reprend l’essentiel du césarisme mussolinien. Il ne
parvient jamais à devenir un mouvement de masse, ses
effectifs tournant autour de 8 000 membres, ce chiffre
étant, de plus, vraisemblablement exagéré. Son fonda¬
teur, Marcel Bucard, est né en 1895. Destiné à une
carrière ecclésiastique, il part pour le front en 1914 et
reçoit à 22 ans la Légion d’honneur. Attiré par la
politique, il est candidat du Bloc national en 1924 mais

203
s

ne parvient pas à se faire élire. Convaincu dès lors que


l’action électorale est sans issue, il participe au Faisceau
de Valois dont il dirige le service de propagande et
collabore à plusieurs feuilles {Le Nouveau Siècle,
L’Ami du Peuple, L’Autorité, La Victoire). En 1928, on
le retrouve aux côtés de la Rocque ou encore secrétaire
de Coty. En 1933, il quitte la Milice de Hervé et fonde,
avec Paul Lafitte et J.B. Lhérault, le Parti franciste,
ainsi qu’un journal. Le Francisme (ou Le Franciste,
titre qu’il adopte dès son second numéro). Les troupes
du Francisme sont pourvues d’un uniforme (chemise et
cravate bleues, béret basque), et lors du premier
congrès du Parti, Bucard adresse des télégrammes de
solidarité à Mussolini, Hitler, Primo de Rivera et
Salazar. Rêvant d’être le Duce de la France, Bucard est
un admirateur inconditionnel du dirigeant italien, qui
subventionne en retour le Francisme par l’entremise du
consulat d’Italie à Paris.
Bien que Bucard ait la prétention d’écrire que le
Francisme est une nouvelle formule politique, son
programme ne se distingue en rien des autres forma¬
tions fascisantes : exaltation de l’Etat autoritaire, anti¬
individualisme, antiparlementarisme, refus du jeu des
partis, culte du chef, de l’ordre, antisémitisme...De
plus, le Francisme, avec la Main bleue dirigée par le
docteur Rainsart, est adepte de l’action violente et du
discours provocateur.
En 1935, Bucard et ses collaborateurs participent aux
travaux de la Commission permanente pour l’entente
du fascisme universel, Bucard étant reçu par Mussolini
lui-même peu après cette réunion de Montreux. En
1936, le Parti franciste est dissous et les locaux du
journal perquisitionnés. Paul Giraud, son rédacteur en
chef et théoricien du parti^^\ est arrêté et Bucard est
condamné à six mois de prison avec sursis. L’Associa-

204
tion des Amis du Francisme succède au parti franciste,
puis Bucard forme, le 11 novembre 1938, le Parti
unitaire français d’action socialiste nationale.
Le Franciste, qui a disparu en novembre 1937, est
remplacé par L’Unitaire français. Le Parti unitaire
connaît une activité fort réduite. Il est composé pour
l’essentiel d’une poignée de chômeurs et de travailleurs
immigrés. En 1939, Bucard sera mobilisé puis interné
en Suisse. De retour en France en 1941, il reprendra la
direction du Parti franciste, avec le soutien de Pétain.
Condamné à la Libération, il sera fusillé le 19 mars
1946.

La Cagoule

Le 18 novembre 1937, soit plus d’un an après la


dissolution des ligues, le ministre de l’Intérieur du
gouvernement Chautemps, Max Dormoy, révèle que
les services de police ont établi avec certitude l’exis¬
tence d’un complot contre la République, organisé par
un groupe d’activistes que Pujo surnommera dans
L’Action française, la Cagoule. En fait, ce terme
recouvre deux mouvements ; le Comité secret d’action
révolutionnaire (CSAR) et l’Union des Comités d’ac¬
tion défensive (UCAD).
Le premier est dirigé par Eugène Deloncle, un
ancien Camelot. Vice-président de la section d’AF dans
le quartier de la Muette, il se sépare de l’Action
française en 1936, persuadé que seule une action
clandestine peut renverser le régime. De plus, le
déclenchement de la guerre civile espagnole lui donne
"l’idée de s’inspirer des méthodes de la Phalange. Il
s’entoure alors d’anciens militants de l’Action fran¬
çaise, la plupart venant de la dix-septième équipe du

205
XVP arrondissement, tel Jean Filliol. Ses principaux
collaborateurs sont Méténier, Tenaille, Fauran, Cor¬
rèze et Henri Deloncle^®^. Le recrutement du CSAR
s’effectue selon les méthodes de la secte franc-maçonne
des Illuminés, et Deloncle met en place des caches où
est entreposé tout le matériel nécessaire à des actions
terroristes. Quant au docteur Henri Martin, il est
chargé d’établir des fichiers, avec les noms des
Cagoulards, mais aussi de leurs principaux adver¬
saires.
L’UCAD, ou Cagoule militaire, est quant à elle,
créée sur l’initiative du général Dusseigneur, aidé par le
duc Pozzo di Borgo et par le commandant Loustaunau-
Lacau. Peu active à ses débuts, l’UCAD est progressi¬
vement noyautée par des membres du CSAR.
La Cagoule multiplie les attentats en 1936 et 1937 :
assassinat en juin 1937 des frères Rosselli, deux
antifascistes italiens ; assassinat également en juin de
Navachine, directeur de la Banque commerciale pour
l’Europe du Nord ; et surtout, destruction des locaux
de la Confédération générale du Patronat français et de
l’Union patronale interprofessionnelle en septembre
1937. La Cagoule est désavouée par l’ensemble de
1 extrême-droite, La Rocque déclarant par exemple :
« Nous mettons très nettement nos amis en garde contre
les agissements provocateurs que cachent fréquemment
ces initiatives Quant à Maurras, il précise que les
Cagoulards ont été rayés des cadres de l’Action
française. Le 19 novembre 1937, la police découvre
plusieurs entrepôts d armes, tandis qu’un des membres
de la conspiration donne les noms de ses complices. Au
total, près de cent vingt personnes seront inculpées
pour complot contre la sûreté de l’Etat. La guerre met
fin aux poursuites judiciaires, et l’on retrouvera
quelques années plus tard d’anciens Cagoulards, com-

206
me le docteur Henri Martin en Algérie, dans certains
mouvements d’extrême-droite.

Jacques Doriot et le PPF

L’apparition du Parti populaire français de Doriot en


1936 est un événement majeur en ce sens que son
succès semble contredire, de prime abord, l’opinion
selon laquelle l’idéologie fasciste n’a pu s’implanter en
France. Reconnu par plusieurs historiens comme
constituant la seule véritable menace fasciste^®'^, le PPF
mérite un examen attentif qui s’ordonnera autour de
deux questions : comment et dans quels buts a-t-il été
créé ? Dans quelle mesure est-il assimilable à un
mouvement fasciste ?
Parmi les facteurs qui sont à l’origine de la création
du PPF, il faut tout d’abord distinguer les motivations
personnelles de Jacques Doriot, puisque « son fascisme
en effet demeure inintelligible sans une compréhension
objective de sa carrière communiste Fils d’un
ouvrier forgeron, membre de la Ligue des droits de
l’homme et anti-clérical, Jacques Doriot est né en 1898
à Bresles (Oise). A 19 ans, il entre comme manœuvre
aux usines Sohier, puis comme ouvrier métallurgiste
aux Fonderies de la Fournaise. Membre depuis 1916
des Jeunesses socialistes, Doriot est mobilisé en avril
1917. L’expérience du front le marque profondément et
l’amène à se rapprocher des « zimmerwaldiens », futur
noyau du PCF. Doriot quitte l’armée en 1920^®^, et se
rallie, au Congrès de Tours, à la tendance majoritaire.
Il participe au troisième Congrès de l’Internationale
communiste à Moscou, devient en 1922 le secrétaire
général des Jeunesses communistes, puis, en 1924, en
prend la direction et entre au Comité central. Député

207
depuis 1924, il est élu en 1931 maire de Saint-Denis, où
il acquiert une grande popularité. Très rapidement, des
divergences se font jour entre la direction du PCF, qui a
adopté depuis 1927 la tactique « classe contre classe »,
et Doriot qui préconise une alliance avec les socialistes.
Cette polémique se termine par l’exclusion de Doriot
en 1934 au moment même où le PCF se décide à signer
un pacte d’union avec la SFIO. Dès lors, Doriot n’a
plus qu’une idée : battre le communisme sur son propre
terrain en créant une organisation ayant les mêmes
structures et les mêmes méthodes. Mû par ce désir de
revanche, Doriot entreprend de rassembler ses sym¬
pathisants dans les Groupes des Amis de l’Unité, et
fonde l’Emancipation, puis l’Emancipation nationale.
Néanmoins, en dépit du soutien de la majeure partie
du rayon de Saint-Denis, sa position est précaire.
Menacé dans son propre fief, lors des municipales de
mai 1935, par le candidat du PCF, Duclos, Doriot est
placé devant la nécessité de trouver de nouveaux alliés.
Dès l’été 1934, les dissidents dionysiens ont rencontré
divers nationalistes, et en 1935, ce rapprochement se
poursuit pour aboutir, le 28 juin 1936, à la formation du
PPF. Doriot réunit autour de lui d’anciens communistes
(H. Barbé, V. Arrighi, P. Marion), d’anciens maurras-
siens (C. Jeantet, H. Lèbre), d’anciens Volontaires
Nationaux des Croix de feu (Maud’huy, C. Popelin,
R. Cousteau, P. Pucheu) et des intellectuels (Jouvenel^
Fabre-Luce, Drieu la Rochelle)^*^.
Bénéficiant de l’aide financière de plusieurs indus¬
triels et banquiers, et de Ciano, le PPF connaît un
rapide essor, revendiquant 200 000 adhérents en 1937
et 300 000 en 1938^®®. Lors du congrès de 1936, les
ouvriers représentent 49 % des effectifs tandis que la
part des professions libérales et des milieux commer¬
çants est de 21 %. Deux ans plus tard, on observe une

208
relative diminution du premier groupe (37 %) et une
importance croissante des classes moyennes^^^. De plus,
le PPF est un parti de jeunes, la moyenne d’âge étant de
34 ans en 1938^^. Enfin, une autre particularité du PPF
est qu’il ne possède pas, à l’inverse des autres ligues, de
structures para-militaires, malgré l’adoption d’un céré¬
monial analogue (insigne, emblème, drapeau...)

Au terme de cette brève présentation de la genèse du


PPF, né de « la rencontre d’un homme et d’une
situation il convient de s’interroger sur la nature et
le contenu de sa doctrine, en prenant soin de distinguer
deux périodes, la révocation de Doriot de la mairie de
Saint-Denis étant une date-clé dans l’histoire du PPF.
L’ambition première de Doriot est de créer un
rassemblement national dont les objectifs seraient les
suivants : une réforme de l’Etat républicain renforçant
l’exécutif ; la création d’assemblées économiques fon¬
dées sur la représentation des professions organisées et
du syndicalisme ; la défense des intérêts des activités
paysannes, artisanales et commerciales ; la mise en
valeur des territoires d’outre-mer et leur intégration à
l’économie métropolitaine ; le développement de l’en¬
seignement privé et professionnel et enfin l’établisse¬
ment d’un dialogue avec l’Italie et l’Allemagne, afin
que la France retrouve sa mission traditionnelle, « celle
de réconcilier et d’unir tous les peuples Dans le
contexte de l’année 1936, il s’avère que ces principes,
au demeurant fort vagues, sont inapplicables : les
grèves de juin et te déclenchement de la guerre civile
espagnole amènent au PPF une clientèle d’extrême-
droite, séduite par l’anti-communisme de Doriot. De
plus, si le PPF dénonce à sa naissance le capitalisme et
le libéralisme bourgeois et s’affirme « social et révolu¬
tionnaire », il dépend des subventions du patronat.

209
Face aux résistances rencontrées et à l’évolution
internationale, Doriot opère un glissement à droite,
abandonnant peu à peu ses attaques contre le conserva¬
tisme et le grand capital. Toutefois, Doriot ne souhaite
pas imiter les ligues et, en mars 1937, quand il expose
son projet de « Front de la Liberté », il fait appel à
« tous ceux qui ne mettent pas en cause le régime
républicain », à savoir « tous les Français anti-
. 1 Q-a
marxistes » .
L’échec du Front — dû pour une large part au refus
de La Rocque mais aussi à la bipolarisation de la vie
politique qui rend illusoire toute tentative pour sur¬
monter les antagonismes — puis la perte de Saint-
Denis, inaugurent la dérive fasciste du PPF, l’insuccès
étant « un facteur irrésistible de fascisation L’ali¬
gnement sur le modèle fasciste se traduit alors au
niveau du cérémonial et sur le plan du discours par
l’adoption de thèmes qui attestent une attirance
indubitable pour un régime totalitaire, corporatiste,
xénophobe et antisémite.
Cette évolution est liée également aux conceptions
du PPF en matière de politique extérieure puisque, se
présentant comme le parti de la paix, il prône une
entente avec l’Italie et l’Allemagne. La volonté d’ins¬
taurer en France un ordre fasciste répond alors à une
double motivation : d’une part, assurer le redressement
national et, ce faisant, rendre à la France son statut de
puissance européenne ; d’autre part, être à même de
négocier d’égal à égal avec les pays voisins afin
d’instituer une paix durable. Cependant, le projet
d’entente avec les régimes fascistes et le « nationalisme
intransigeant » du PPF apparaissent, lors de la crise de
Munich, comme deux optiques inconciliables. Le souci
d’éviter à tout prix un nouveau conflit mondial entraîne
Doriot à accepter les exigences d’Hitler, écrivant qu’un

210
compromis serait préférable à « une guerre faite dans les
pires conditions Les revendications de Mussolini
en novembre sur des territoires français aggravent les
tensions au sein du PPF et plusieurs membres, déçus
par l’attitude de Doriot, donnent leur démission. Parmi
ceux-ci figurent Marion, Arrighi, Fabre-Luce, Jouve-
nel, Drieu la Rochelle, Maud’huy, Pucheu et Parin-
gaux.
Cet éclatement affaiblit considérablement le mouve¬
ment, privé de ses cadres et de ses plus importants
appuis financiers, et en accentue le caractère traditiona¬
liste. Dans le même temps, la situation internationale
alarme Doriot qui, devant l’avancée allemande, est
partisan d’une politique de fermeté vis-à-vis des
prétentions hitlériennes. Le pacte germano-soviétique
le place dans une situation inconfortable mais le
renforce dans la conviction que le communisme est bien
l’ennemi principal de la France. La faillite de son projet
étant manifeste, Doriot choisira à partir de 1940 la voie
de la collaboration, souhaitant durant l’occupation
« blanchir la France de toutes les erreurs passées

En définitive, le fascisme du PPF présente des traits


distinctifs qui le séparent des autres tentatives fascistes
françaises mais aussi des modèles étrangers. A l’égard
des ligues, sa particularité est d’associer cette influence
à un authentique mouvement de la classe ouvrière. Si sa
pénétration en milieu ouvrier est en deçà des espé¬
rances de Doriot, il n’en reste pas moins que la part du
prolétariat au sein du PPF est nettement supérieure à
celle des diverses organisations fascisantes. Comparati¬
vement au régime italien ou allemand, l’analogie est
manifeste : le culte du chef, le corporatisme — la
Charte du travail du PPF étant la réplique du
programme mussolinien —, le projet d’un ordre

211
s

politique fondé sur l’autorité et la discipline, et


l’adoption, à partir de 1937, de thèmes xénophobes et
antisémites... tous ces éléments attestent une filiation,
de plus en plus nette au fil des années.
Mais il est un point où le parallèle s’estompe : celui
du nationalisme. Les totalitarismes allemand et italien
ont été pensés et élaborés dans un contexte de
nationalisme meurtri ou sur fond de victoire mutilée.
Or, ce n’est pas le désir de laver une telle humiliation
qui conduit Doriot au fascisme, mais son anti-commu¬
nisme. De fait, son fascisme n’est pas de nature
offensive mais s’inscrit dans un réflexe de défense et de
repli, ce qui correspond par ailleurs à la tonalité
générale du nationalisme français à la veille de la
guerre. C’est pourquoi, la sauvegarde des intérêts
français étant un aspect fondamental de sa doctrine,
Doriot se trouve en 1939 devant un dilemme, dont la
solution lui sera donnée par l’histoire elle-même. La
défaite, rendant caduque l’idée de défense de la nation,
fait sauter le dernier verrou : n’ayant plus de raison de
lutter pour un pays qui n’a plus d’identité propre,
Doriot peut ainsi s’engager dans le fascisme à outrance.

Le néo-socialisme

Le PCF ne fut pas le seul parti politique à voir naître


en son sein une cellule révisionniste qui, par étape,
allait évoluer vers le fascisme. En effet, « une culture de
gauche privilégiant la communauté populaire et l’unité
nationale, infiltrée en outre de valeurs irrationnelles,
constituait un terreau propice à la sensibilisation et à la
contagion du fascisme Dans les rangs de la SFIO,
un groupe de militants allait également rompre avec la

212
direction pour aboutir à la collaboration avec l’Alle-
magne nazie sous l’occupation.
Parmi eux se trouve Marcel Déat^^^ : fils d’un petit
fonctionnaire républicain, Déat est né en 1894 à
Guérigny (Nièvre). Boursier, il prépare au lycée
Henri IV à Paris le concours d’entrée à l’Ecole normale
supérieure, ses études philosophiques et son admiration
pour Jean Jaurès l’amenant au socialisme. Peu après
son admission à l’Ecole normale en 1914, il part pour le
front, en revient capitaine et chevalier de la Légion
d’honneur. Il retire de cette expérience le sentiment
que le socialisme doit avoir pour objectif le développe¬
ment d’une communauté organique réalisant, à l’image
de l’esprit des tranchées, les valeurs de solidarité et de
fraternité. Agrégé de philosophie en 1920, il travaille
trois années durant au Centre de documentation sociale
de l’Ecole, en compagnie de Célestin Bouglé, disciple
de Durkheim. Professeur à Reims, il revient à Paris en
1925 comme assistant du bibliothécaire de l’Ecole
normale Lucien Herr. Elu député en 1926, Déat est
critiqué par la Commission administrative permanente
(CAP) de la SFIO pour s’être présenté sur une liste
comprenant des radicaux. Tandis que la question de la
participation ministérielle agite la SFIO, Déat se
rapproche de l’aile droite du parti, formée par le
groupe de la Vie Socialiste. Organisateur et propagan¬
diste efficace, il est apprécié par Léon Blum qui lui
confie en 1928 le poste de secrétaire administratif du
groupe parlementaire. Contestant la tactique de non-
participation qu’il juge contraire à l’impératif de
rénovation de la « vieille maison », Déat publie en 1930
Perspectives socialistes où il présente son projet de
rassemblement anti-capitaliste et de socialisation de la
société en trois phases (socialisation du pouvoir par une
présence au gouvernement ; cartellisation de l’écono-

213
mie par la socialisation du profit ; puis socialisation de
la propriété). Ces conceptions, proches de celles
d’Henri de Man, sont froidement accueillies par les
dirigeants, Lebas (de la Fédération du Nord) les
qualifiant de « néo-socialisme ». Devant cette incom¬
préhension et l’aggravation des tensions internatio¬
nales, Déat prend peu à peu conscience de la sclérose
du socialisme français. La chute du cabinet Herriot et
l’accession d’Hitler à la Chancellerie le renforcent dans
sa détermination de lutter pour une révision de la
doctrine et de la stratégie socialistes. En juillet 1933,
lors du congrès régulier du parti, il apparaît qu’à la suite
des discours de Montagnon (député du XVIIP arrondis¬
sement de Paris), de Marquet (député-maire de
Bordeaux) et de Déat, la rupture est devenue inévi¬
table.
En des termes voisins, ces trois intervenants souli¬
gnent l’inadaptation de la doctrine socialiste aux
réalités économiques, politiques, nationales et interna¬
tionales. Reflet d’une crise plus générale pour Monta¬
gnon — « crise des vieilles choses (...), des vieilles
formules, des vieilles idées, crise de transition — cet
affaiblissement est décrit par Déat comme d’autant plus
grave que le socialisme se trouve désormais confronté à
un nouvel adversaire : le fascisme. Dénonçant l’aveu¬
glement et l’attitude frileuse des dirigeants du parti,
Déat demande alors que soit abandonnée la « concep¬
tion dialectique de l’histoire »^^, posant que l’exercice
du pouvoir pourrait être un instrument rapide et
efficace de transformation sociale. Il déclare ainsi qu’il
« n’y a pas d’opposition irréductible entre le réformisme
et la révolution et que l’attentisme conduirait le
socialisme français à être submergé par la vague fasciste
et connaîtrait le même sort que le socialisme allemand
ou italien. Les appels des néos pour la formation d’un

214
front commun élargi aux classes moyennes et pour un
repli national du socialisme — l’internationalisme
risquant de couper le parti de la nation — provoquent
une vive réaction. En novembre 1933, le Comité
national vote l’expulsion des sept députés qui ont
participé en août à la réunion d’Angoulême et qui n’ont
pas respecté en octobre la discipline de vote : Déat,
Cayrel, Marquet, Renaudel, Deschizeaux, Lafont et
Montagnon.
Rejoints par vingt-sept députés et sept sénateurs, ces
dissidents fondent le Parti socialiste de France-Union
Jean Jaurès (PSdF), avec Déat pour secrétaire général.
Le PSdF présente un caractère composite car il est
tiraillé entre un idéalisme de gauche et une attirance
mêlée d’inquiétude pour le fascisme^”^. Cette ambiva¬
lence se manifeste dans la structure du parti, proche de
celle de la SFIO, mais comprenant avec les équipes
d’action et les équipes techniques, des éléments tirés du
modèle fasciste. Ayant pour ambition d’être le fédéra¬
teur d’un rassemblement antimarxiste capable de faire
obstacle aux revendications hitlériennes, le PSdF
fusionne en 1935 avec le Parti socialiste français et le
Parti républicain-socialiste pour former l’Union socia¬
liste et républicaine (USR). Candidate aux élections de
1936, l’USR enregistre un net recul — Déat, Monta¬
gnon et d’autres néos perdant leur siège — et doit se
contenter de ne jouer qu’un rôle d’appoint dans le
Front populaire^”^. De plus, la guerre civile espagnole
provoque des remous dans l’USR dont l’attitude, à
l’égard des socialistes se durcit après la chute du
gouvernement Blum.
Quant à Déat, ministre de l’air du cabinet Sarraut de
janvier à juin 1936, il tente de diffuser son programme
planiste qu’il définit comme l’avant-projet d’un régime
intermédiaire mais aussi comme « une opération de

215
sauvetage pour une collectivité matériellement en dé-
tresse(...) une opération de sauvetage spirituel par des
méthodes en harmonie avec la sensibilité et les généra¬
tions montantes Ses efforts n’aboutissant guère,
Déat radicalise sa conception d’une réforme totale de la
société, son projet de rassemblement se colorant d’un
autoritarisme croissant. Le terme de cette évolution
sera le parti unique, entendu comme promoteur d’un
ordre nouveau hiérarchisé et répressif. Enfin, attaché
au maintien de la paix en Europe, Déat préconise le
dialogue avec l’Allemagne et se montre hostile, dès
1936, à une mobilisation contre la progression alle¬
mande. En 1938, dans son article « Mourir pour
Dantzig ? », il tente de démontrer que la conciliation
est la seule voie possible. Partisan de l’apaisement
jusqu’en 1939, la défaite française accélère sa désaffec¬
tion pour le régime et, comme dans le cas de Doriot,
inaugure sa croisade en faveur de la collaboration.

Le frontisme

Dominant avant la guerre de 1914 la scène politique,


le parti radical est traversé dans les années vingt par de
sérieuses turbulences. Les symptômes de cet état de
crise sont divers, mais l’élément essentiel est qu’une
partie de ses militants, s’interrogeant sur la pertinence
théorique et le rôle du radicalisme, tente de rénover la
doctrine. Parmi ces radicaux qui jugent insuffisante la
connexion entre le programme et les réalités nouvelles,
figure Gaston Bergery.
Né en 1892 à Paris, Gaston Bergery poursuit des
études de droit quand éclate le premier conflit mondial.
Volontaire, il est blessé en 1915 puis affecté en tant
qu’interprète à la mission militaire française auprès de

216
l’armée britannique. A la victoire, il entre au secréta¬
riat de la Conférence de la Paix et, en 1920, devient
secrétaire général adjoint interallié de la Commission
des réparations. Remarqué par Herriot qui, en 1924, le
nomme chef de cabinet, Bergery se brouille rapidement
avec le président du parti, lui reprochant en particulier
sa participation au gouvernement d’Union nationale de
Poincaré en 1926. L’échec de l’expérience cartelliste
marque «• la fin des illusions et provoque l’émer¬
gence du mouvement « Jeune Turc », partisan du
pacifisme, du désarmement, d’une réforme de l’Etat
renforçant l’exécutif et d’une économie de type corpo¬
ratif, mais respectant la propriété privée. Bergery, qui
n’appartient pas au mouvement, mais soutient son
projet, fait campagne, après son élection en 1928 à
Mantes, pour le passage dans l’opposition du parti
radical. En 1932, la victoire de la gauche et des radicaux
lui fait espérer un moment que son programme
d’alliance avec les socialistes sera approuvé par Her¬
riot, mais le refus de ce dernier d’accepter dans son
gouvernement des membres de la SFIO le déçoit
profondément. Bergery décide alors de rompre avec le
parti radical et remet, le 1er mars 1933, sa démission.
Cette décision est motivée par l’orientation du parti
radical en matière de politique étrangère et par le
« réformisme sans combat des dirigeants. Bergery
poursuit un double objectif : constituer un mouvement
anti-fasciste et s’opposer aux radicaux qui, planant dans
l’empyrée des idées abstraites, sont en partie responsa¬
bles du désarroi de la société française et du divorce
entre les masses et le régime.
C’est dans ce contexte que se déroule, le 26 mai 1933,
la réunion constitutive du Front commun qui s’efforce
de rallier l’ensemble des forces de gauche. Comme
Déat, Bergery tire la leçon du succès des partis

217
V

totalitaires en Allemagne et en Italie, maintenant que


le frontisme pourrait en adopter certains traits afin
d’accroître son efficacité. Néanmoins, le Front commun
est un échec et le refus de la SFIO de s’y associer
accélère sa désagrégation. Décidé à poursuivre malgré
tout cette expérience, Bergery est porté à radicaliser ses
propos tout en espérant encore élaborer un rassemble¬
ment de gauche. Malgré l’appoint de la Troisième
Force, formée en 1933 par Georges Izard, André
Delèage, L.E. Galey et Georges Duveau, les effectifs
du Front restent faibles^®"^. Quant à sa doctrine, l’anti-
fascisme des débuts fait place à un « néo-jacobi¬
nisme avec, en filigrane, des virtualités fascisantes
qui s’épanouiront avec le temps.
En novembre 1936, le Front devient le Parti
frontiste, qui ne tarde pas à rompre avec le Front
populaire et connaît dès 1937 une grave crise interne.
Abandonné par Izard, Galey et les membres de la
Troisième Force, Bergery cherche de nouveaux appuis
afin de relancer son mouvement ainsi que ses journaux.
Le Front et La Flèche, et parvient à séduire quelques
non-conformistes de L’Ordre Nouveau et du groupe
Esprit. Consécutivement à la montée des périls,
Bergery présente aux Assises du parti ses propositions
de réforme économique, fondée sur le corporatisme et
la construction d’un Etat sans classe, et réclame la
création d’une France nouvelle dont les traits ne sont
pas sans rappeler les modèles allemand et italien. C’est
ainsi que Bergery, à la veille de la guerre, échoue dans
le camp des futurs collaborateurs, « ayant trouvé dans
l’antifascisme le plan de sa magnétisation par le
nazisme

218
La presse nationaliste

Les ligues ne constituent pas, durant l’entre-deux


guerres, le seul instrument au service de l’extrême-
droite. En effet, les manifestations tapageuses ou les
campagnes contre le régime n’auraient pas eu un tel
impact si la presse nationaliste n’avait pas ouvert ses
colonnes à des journalistes acquis à l’extrême-droite et
à des écrivains, tels Drieu la Rochelle, Céline ou
Brasillach dont les propos étaient bien plus virulents
que ceux d’un La Rocque ou d’un Taittinger. Outre les
organes des ligues déjà cités {L’Action française, Le
Flambeau et Le Petit Journal, le National, le Nouveau
siècle...), le réseau de Coty et les revues non-
conformistes de la « jeune droite », l’extrême-droite
bénéficie également du soutien de divers journaux
parisiens et provinciaux. Parmi ceux-ci, il faut distin¬
guer ceux qui ne font qu’appuyer les nationalistes sans
être directement affiliés à l’extrême-droite, ceux qui
peuvent être classés à l’extrême-droite et enfin les
publications qui constitueront le noyau le plus dur du
courant pro-nazi.
Dans le premier groupe se trouvent par exemple Le
Petit Parisien, de tendance conservatrice mais plus
proche des ligues que du gouvernement. Fondé en 1916
par un radical, il a été racheté par Jean Dupuy, ses fils
prenant à sa mort en 1919 sa succession. Citons encore
le quotidien catholique conservateur La Croix qui avec
l’abbé Loutil (Pierre l’Ermite) retrouve le ton polémi¬
que qu’il avait adopté pendant l’affaire Dreyfus,
L’Echo de Paris (proche de la FNC) Le Matin, Le
Journal, Le Temps...
Appartiennent au second groupe France d’Abord
(1934-1936) de Philippe Henriot qui dirige, avec
François Valentin, Jeunesse 39 (organe de « la jeunesse

219
nationale française) ; L’Intransigeant de Jean Fabry ;
Candide, hebdomadaire maurrassien fondé en 1924 par
l’éditeur Arthème Fayard ; Gringoire de Horace de
Carbuccia, créé en 1928 et qui rallie la droite en 1934,
avec pour collaborateurs Philippe Henriot, Robert
Brasillach, J.-P. Maxence et Henri Béraud. On pour¬
rait ajouter à cette liste l’ensemble des publications
antisémites comme La Libre Parole, dont la publication
est reprise en 1930 sous la direction de Henry Coston et
de René Plisson.
Enfin, les journaux les plus proches du courant
fascisant sont : Le Siècle Nouveau (organe du Parti
socialiste-national de M. C. Duhernard) ; Le Gant
d’Acier (organe du Parti national prolétarien de
Eugène Napoléon Boy) ; Le Réveil du peuple (organe
du Front blanc de Jean Boissel, fondateur du Racisme
International Fasciste) ; Le Pays libre (organe du Parti
français national collectiviste de démenti) ; L’Insurgé,
créé en 1937 et dirigé par Thierry Maulnier, Guy
Michelet et J.-P. Maxence ; et surtout Je Suis Partout
qui mérite un examen attentif du fait de son rôle avant
et après 1940.
L’histoire de Je Suis Partout débute en 1930, quand
Arthème Fayard décide de créer, en marge de Candide,
un journal plus axé sur les événements internationaux.
C’est ainsi que paraît, le 29 novembre, le premier
numéro de Je Suis Partout. Pierre Gaxotte, son
rédacteur en chef, est entouré d’une équipe hétéro¬
gène, certains de ses collaborateurs étant soit roya¬
listes, soit républicains, mais tous animés d’une même
mystique nationale. Jusqu’en 1932-33, Je Suis Partout
ressemble aux autres revues d’extrême-droite et son
orientation relève de la plus pure tradition maurras-
sienne. L’arrivée de nouvelles signatures dont celles de
Rebatet, de Pierre-Antoine Cousteau et de Brasillach,

220
modifie sensiblement la ligne politique du journal,
l’antiparlementarisme se muant en contestation vio¬
lente du principe même du régime démocratique. Mais,
comme le rappelle P.-M. Dioudonnat dans l’étude qu’il
a consacrée à l’hebdomadaire, « si fascisme il y a en
1933 tant à Je Suis Partout que dans l’opinion française,
c’est à l’état diffus, à peine conscient, informulé .
En revanche, après 1936, l’influence fasciste est
nette. Cette évolution est liée à la vie intérieure de la
revue : le 9 mai 1936, Je Suis Partout annonce sa
disparition, A. Fayard ayant choisi de mettre fin à cette
expérience. Après un moment d’incertitude, la rédac¬
tion se résout à poursuivre la publication, grâce à trois
nouveaux actionnaires (G.Lang, A. Nicolas et C.Les-
ca). Indépendante et plus combative que jamais,
l’équipe des journalistes peut durcir ses prises de
position. L’arrivée au pouvoir du Front populaire est
perçue comme une catastrophe nationale, reflet de la
dégénérescence française et analysée comme la preuve
manifeste d’un danger communiste. Rebatet, décrivant
ce tournant de 1936, affirmera : « Je Suis Partout devait
sa seconde naissance à un sursaut vraiment fasciste
Plusieurs pages sont alors consacrées au rexisme, au
franquisme, à la Garde de fer de Codreanu et à Salazar.
A l’égard du nazisme, la rédaction est consciente qu’il
constitue une menace mais dans le même temps, elle est
persuadée que l’effondrement des démocraties est
inéluctable. La France doit donc s’aligner sur ses
voisins ou se trouver isolée. Ce fatalisme historique est
capital en ce sens qu’il permet à Je Suis Partout de
présenter l’instauration d’un régime de type fasciste
comme répondant aux intérêts de la nation. Une telle
foi dans « le sens de l’histoire » apparaît clairement chez
Rebatet quand il écrit : << le vent soufflait d’un autre
bord. L’Europe, cervelle de la terre, retrouvait le besoin

221
d’une hiérarchie plus naturelle. Les principes autori¬
taires gagnaient irrésistiblement du terrain et les nations
qui les avaient mis en œuvre ouvraient maintenant la
marche. Le XX‘ siècle serait celui des dictatures et du
national-socialisme
D’autre part, tout en critiquant certains aspects du
régime nazi, les journalistes de Je Suis Partout
décrivent leurs séjours en Allemagne en des termes le
plus souvent admiratifs, leur vision de l’hitlérisme étant
empreinte de romantisme — dans la plus mauvaise
acception —, ou de poésie bucolique. De retour de
Vienne en 1938, Rebatet se contente ainsi d’évoquer les
« jeunes filles en petites jupes à fleurs (...), des garçons
frais et athlétiques, fiers de leurs uniformes neufs
Enfin, la reconnaissance de cette admiration ne va
pas sans un certain goût pour la provocation, Brasillach
affirmant par exemple que « songeant sans doute que le
fascisme” est l’union de toutes les forces de la nation,
nos adversaires en profitent pour nous appeller fas¬
cistes : nous ne nous en portons pas plus mal

Conclusion : Le crépuscule de la République

^ Alors que la France vit ses derniers instants de paix,


1 extrême-droite est au faîte de son influence, et il n’est
pas un secteur de l’opinion qui ne se soit laissé
circonvenir par la propagande des Ligues et de la presse
nationaliste. D’inspiration traditionaliste ou fasciste,
toutes les organisations d’extrême-droite — des plus
connues aux plus anonymes^^^ — se livrent à un
véritable travail de démolition du régime. Celui-ci
ébranlé’ miné de 1 intérieur, est rendu incapable de
résister aux assauts d’Hitler. Non pas que la défaite ait
été souhaitée par l’extrême-droite et encore moins la

222
guerre ou l’occupation du territoire par des forces
étrangères. En effet, toutes les personnalités qui ont été
évoquées se déclarent attachées à la paix et se rangent
en 1938 dans le camp des munichois. A cette date, le
sentiment qu’une formidable puissance s’est dévelop¬
pée outre-Rhin leur fait craindre le pire en cas de
conflit, la démocratie décadente n’étant pas à même
d’affronter les dictatures autoritaires.
Cette crainte est en définitive proportionnelle à la
fascination qu’exercent le fascisme italien et le national-
socialisme, sur ces hommes qui, portant leur regard au-
delà des frontières, pensent y apercevoir un dynamisme
et une énergie créatrice qui font défaut à la France. Dès
lors, exaltant le pouvoir d’une idéologie qu’ils pensent
être le modèle idéal d’un renouveau nationaliste, ils
n’auront de cesse de dénigrer la République à mesure
qu’elle apparaîtra menacée.
Passé le premier moment de stupeur devant le
spectacle de la débâcle, les ligueurs d’extrême-droite
vont présenter celle-ci comme la conséquence inévita¬
ble du déclin, cette idée de châtiment expiatoire se
profilant très nettement dans la phraséologie vichys-
soise et dans le discours des intellectuels. Xavier Vallat
écrit à ce propos que le désastre militaire a déchiré « le
voile des illusions démocratiques , et Rebatet ajoute
que « le grand danger n’était plus hors de nos frontières,
mais chez nous. La France était en train de se détruire
par le dedans Décrivant Hitler comme « un
adversaire intelligent ouvert aux idées grandioses
Rebatet parle également d’une France « punie mais
purifiée de l’armistice dont le salut réside dans la
collaboration, gage d’un « avenir de paix, de logique,
d’équité sociale, de désenjuivement
Dès juillet 1940, l’extrême-droite pense que la
France est à l’aube d’une ère nouvelle et que sur les

223
s

ruines de « l’ancien régime » va s’élever la cité idéale.


Mais divisée avant la guerre, l’extrême-droite l’est aussi
sous l’occupation, les « maréchalistes » et les pro-nazis
ne partageant pas les mêmes ambitions. De plus,
l’engagement des diverses organisations emprunte des
voies différentes, depuis l’action journalistique jusqu’à
l’engagement armé, en passant par la création de partis
qui, tous, souhaiteront être uniques. C’est donc en
fonction de cette pluralité que nous tenterons de
préciser l’influence de l’extrême-droite durant ces
quelques années.

A l’heure de la Révolution nationale


(1940-1945)

« J’ai foi dans le relèvement de la France, et dans un


relèvement dont la rapidité une fois de plus étonnera le
monde En prononçant ces quelques mots, Philippe
Pétain affiche un optimisme qui est loin d’être partagé
par l’ensemble de la population puisqu’on cet été 1940,
la démoralisation du pays n’a d’égale que la confusion
des esprits. Dans la panique de l’exode et le désordre
général engendré par la défaite — au vrai plus
psychologique que militaire — le maréchal Pétain se
voit remettre les pleins pouvoirs par une Assemblée qui
acquiesce à son sabordage. Ce vote du 10 juillet achève
la mise en liquidation de la République, agonisante
depuis le 16 juin, et inaugure un des chapitres les plus
troubles de notre histoire.
Quatre années durant, coteries et chapelles vont
s’affronter pour la conquête du pouvoir, tandis que sur
fond d’occupation étrangère, la guerre nationale se

224
mue en guerre franco-française. Là n’est pas la moindre
des originalités de cette période qui, pour brève qu’elle
soit, voit se succéder plusieurs équipes dirigeantes,
toutes porteuses d’ambitions différentes, voire oppo¬
sées.
On discerne au moins deux phases dans l’évolution
de Vichy, la première se rapportant à l’élaboration puis
à la faillite de la Révolution nationale, la seconde au
glissement du régime vers une « dictature pluraliste »
(S. Hoffmann)^^^ d’inspiration fasciste. A ses débuts, la
Révolution nationale doit effectivement peu au fas¬
cisme et s’en éloigne même radicalement sur certains
points. L’entourage de Pétain est composé en majorité
de maurrassiens et de représentants de la droite
conservatrice qui refusent la conception fasciste du
pouvoir et ce qu’elle implique : parti unique, action de
masse et omniprésence de l’Etat. De plus, la Révolu¬
tion nationale naît de la volonté arrêtée de trouver des
solutions originales et spécifiquement françaises. Pétain
affirme ainsi : «• l’ordre nouveau ne peut être une
imitation servile d’expériences étrangères. Certaines de
ces expériences ont leur sens et leur beauté, mais chaque
peuple doit concevoir un régime adapté à son climat et à
son génie >P'^.
C’est vers la tradition contre-révolutionnaire que se
tourne le gouvernement, et la multiplicité des emprunts
laisse à penser que « la Révolution nationale est l’autre
nom de la contre-révolution »(R.Rémond)^^^. Mais,
bien que définie par opposition au schéma fasciste, la
Révolution nationale est paradoxalement conduite à en
adopter les structures, et se transforme en machine
infernale dont les rouages s’emballent en 1942.
L’étude de cet infléchissement suppose que l’on
évalue la part respective des divers groupes en
présence, dès lors que ce processus de radicalisation est

225
lié à l’action combinée de trois éléments. Il apparaît
tout d’abord que la rivalité entre les maréchalistes et les
collaborationnistes a largement contribué au dérapage
de Vichy puisque la surenchère à laquelle ils se sont
livrés n’a bénéficié qu’aux seules autorités allemandes.
Précisons toutefois que cette distinction entre la
collaboration d’Etat et celle des activistes parisiens
n’est recevable qu’à la condition de garder à l’esprit
l’ambivalence des rapports entre les officiels et les
ultras convertis au national-socialisme. La seconde
variable à introduire est celle des relations entre les
forces d’occupation et le gouvernement français. Ce
dernier, fort soucieux du respect de la souveraineté
dont il dispose, du moins en théorie, a pris des
initiatives qui ont accéléré la fascisation de la Révolu¬
tion nationale. Il appert enfin que l’évolution de Vichy
n’est intelligible que si l’on tient compte des interven¬
tions, directes ou indirectes, de l’Allemagne. Tous les
événements qui déterminent la métamorphose de la
Révolution nationale en « dérisoire parodie du fascis¬
me »(R.Rémond)^^'* s’inscrivent dans cet espace trian¬
gulaire, dont ta délimitation permet de concevoir plus
clairement le jeu des interactions.

La « révolution nécessaire »

A peine installé à la tête de l’Etat, le maréchal Pétain


prend à tâche de justifier la signature de la convention
d’armistice qui impose à la France de sévères condi¬
tions : division du pays en deux zones, services
administratifs contraints dans les régions occupées de se
conformer aux réglementations des vainqueurs, neutra¬
lisation du potentiel militaire, frais d’entretien des
troupes d’occupation à la charge du gouvernement

226
français, tenu par ailleurs de livrer sur demande tous les
ressortissants allemands réclamés par le Reich... A la
débâcle succède l’humiliation que Pétain s’efforce de
masquer en soulignant que si la France « est tenue par
des obligations sévères vis-à-vis du vainqueur, du moins
reste-t-elle souveraine Auparavant il avait déclaré
qu’en « présence d’un vainqueur qui aura su dominer sa
victoire, nous saurons dominer notre défaite ce qui
exigeait qu’on en établisse les causes, ou plutôt qu’on la
présente comme la conséquence inéluctable d’un déclin
séculaire. Tel est le sens de l’appel du 25 juin par lequel
Pétain annonce la Révolution nationale : « Notre
défaite est venue de nos relâchements. L’esprit de
jouissance a détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié.
C’est à un redressement intellectuel et moral que,
d’abord, je vous convie ». Pour Pétain et son
entourage, l’élimination de la République est l’occasion
de procéder à une réorganisation d’ensemble de la
société et de substituer à la démocratie un néo¬
traditionalisme teinté de paternalisme, de cléricalisme
et d’autoritarisme. Le discours officiel rappelle à s’y
méprendre celui de l’Action française, Pétain affirmant
par exemple que «• la Révolution nationale signifie la
volonté de renaître, affirmée soudain du fond de notre
être... Elle marque la résolution ardente de... recompo¬
ser l’âme nationale dissoute par le désordre des par¬
tis Sous la devise « Travail, Famille, Patrie »
s’esquissent les grandes lignes du redressement national
dont la restauration des valeurs qui ont fait « la
cohésion et la grandeur de la Nation française
constitue le principal étai.
L’Eglise, en tant qu’instrument de l’ordre social, est
la première sollicitée, et alléguant l’impiété de la
République pour expliquer sa chute. Vichy désire
rétablir l’alliance du pouvoir et de la religion. L’offen-

227
sive cléricale se traduit notamment par l’autorisation
accordée aux religieux d’enseigner (loi du 30 septembre
1940), la restitution des biens confisqués, l’octroi de
subventions aux écoles libres (loi du 6 janvier 1941), le
rétablissement d’une instruction religieuse facultative
dans les établissements d’enseignement public et la
suppression des écoles normales^^^.
Ces mesures témoignent de la volonté du gouverne¬
ment d’acquérir le soutien des autorités spirituelles,
mais elles s’inscrivent également dans une politique de
remodelage de la jeunesse. « L’école de demain
enseignera avec le respect de la personne humaine, la
famille, la société, la patrie », écrit Pétain, « elle ne
prétendra pas à la neutralité (...) Nous nous attacherons
à détruire le funeste prestige d’une pseudo-culture
purement livresque, conseillère de paresse et génératrice
d’inutilités Outre la réforme des programmes, les
purges dans le corps enseignant et l’obligation de prêter
serment. Vichy assigne à l’école la tâche de faire « de
tous les Français des hommes ayant le goût du travail et
l’amour de l’effort »^^^ et d’inculquer aux élèves l’idée
selon laquelle « il n’est pas moins noble et pas moins
profitable, même pour l’esprit, de manier l’outil que de
tenir la plume
Cet embrigadement est complété par les encourage¬
ments prodigués aux mouvements de jeunesse, catholi¬
ques ou scouts, par la création des Compagnons de
France, des Jeunes du Maréchal et des Chantiers de
Jeunesse dirigés par le général La Porte du Theil.

L’apologie des valeurs familiales forme le second


volet de la propagande officielle. « Dépositaires d’un
long passé d’honneur », elles ont, pour Pétain, « le
devoir de maintenir, à travers les générations, les
antiques vertus qui font les peuples forts »^^^.

228
Objet de soins attentifs, la famille est décrite par le
chef de l’Etat comme « la cellule initiale de la société »,
offrant « la meilleure garantie de relèvement Or, ce
noyau essentiel est menacé par la dépravation des
mœurs, l’individualisme républicain et la dénatalité.
Afin de remédier à cette situation, le gouvernement
poursuit la politique familiale déjà définie par le Code
de la famille de 1939, et introduit d’autre part des
dispositions visant à limiter le nombre des divorces^^^ et
à enrayer la chute des naissances^^^.
L’ultracisme contre-révolutionnaire inspire égale¬
ment le gouvernement quand il instaure un système
politique s’appuyant sur les communautés naturelles —
famille, métier, région — et prenant le contre-pied des
principes de 1789. « Le régime électoral représentatif,
majoritaire, parlementaire » était selon Pétain
« condamné depuis longtemps par l’évolution générale et
accélérée des esprits et des faits dans la plupart des pays
d’Europe, et par l’impossibilité démontrée de se réfor¬
mer Sous couvert de révolution, les élections sont
alors supprimées et les assemblées délibérantes
condamnées à jouer les utilités, au profit d’un Etat fort
« qui se limite lui-même en respectant les droits de la
conscience, en incorporant à sa mission les valeurs
spirituelles et les sociétés naturelles du foyer et de
l’atelier Cet Etat doit être hiérarchique et autori¬
taire puisque « l’égalité naturelle des hommes » est
«- une idée fausse » et que « l’autorité est nécessaire pour
sauvegarder la liberté de l’Etat, garantie des libertés
individuelles en face des coalitions d’intérêts particu¬
liers
En consacrant ainsi les valeurs les plus réaction¬
naires, Vichy entend effacer plus d’un siècle d’histoire
et renouer, par cette régression dans le temps, avec un
anti-modernisme radical.

229
Dans le domaine économique et social, Vichy
envisage d’appliquer les principes corporatistes, mais
on décèle aussi l’influence du planisme et des œuvres de
Gustave Thibon et de René Gillouin. Au nom d’une
soi-disant « justice sociale » et du primat de l’intérêt
national. Vichy interdit les grèves et les lock-outs, puis
dissout les centrales syndicales, «formations de com¬
bat » qui « usurpaient les fonctions justiciaires de l’Etat
faible » (Pétain)^'^®. En fait, si la disparition de la CGT
et de la CFTC est effective, celle de la CGPF est
illusoire puisque la loi du 16 août 1940 crée les Comités
d’organisation dominés par le patronat. Chargés du
recensement des entreprises et de leurs moyens de
production, ces Comités consolident la prépondérance
des plus importantes entreprises, alors que le gouverne¬
ment vitupère le grand capital. Quant à la Charte du
travail (loi du 16 octobre 1941), elle a pour objet de
remplacer la lutte des classes par la collaboration des
ouvriers et de la bourgeoisie qui, « prenant conscience
de leur intérêt commun de citoyens dans une nation
désormais unie »(Pétain)^'*\ doivent se concerter au
sein de comités locaux, dans lesquels les travailleurs
sont en réalité minoritaires et tenus de se conformer à
une stricte discipline. La Charte établit également un
syndicalisme officiel, obligatoire, sans aucune fonction
politique.
L’élaboration et la diffusion de la doctrine corpora¬
tive sont confiées à divers organismes : l’Institut
d’études corporatives et sociales (créé en 1934 et
officialisé en 1940), le Collège d’études syndicales et
corporatives, l’Ecole des hautes études corporatives et
le Cours supérieur de l’Institut d’études corporatives. A
Vichy même est fondé le Centre français de synthèse,
placé sous l’autorité de Pétain, et dont l’objet est de
recruter les cadres de la Révolution nationale. Ceux-ci

230
sont issus le plus souvent des grandes écoles, de la
haute administration et des milieux d’affaires, et
occupent les postes-clés. Parmi les plus connus, citons
Pierre Pucheu (ancien dirigeant du Cartel de l’acier),
Yves Bouthillier, Jacques Barnaud, François Lehideux
(neveu de Louis Renault) et Jean Bichelonne.
Cet encadrement autoritaire de la population est
renforcé par le développement de l’internement admi¬
nistratif et par la création de juridictions spéciales
comme la Cour Suprême de Justice (30 juillet 1940) et
les sections spéciales (23 août 1941). Tous ceux qui
étaient dénoncés comme les représentants de « l’anti-
France » deviennent les cibles du régime. Pour Vichy,
le retour à l’ordre et la défense des traditions qui
forment « le fond de notre race »(Pétain)^'*^ comman¬
dent l’usage de méthodes répressives et l’exclusion de la
communauté nationale des éléments suspectés de
mener des activités subversives. Dès le 22 juillet 1940,
le ministre de la justice, Raphaël Alibert, fonde la
commission pour la révision des naturalisations^'^^, puis
peu après l’interdiction des sociétés secrètes (loi du 13
août 1940), le gouvernement promulgue une série
d’ordonnances dans le cadre d’une « purification » de la
société. La loi du 3 octobre 1940 — selon laquelle est
considérée comme juive toute personne ayant trois
grands parents juifs ou deux grands parents si son
conjoint est juif^'*'^ — introduit un numerus clausus en
interdisant l’accès à plusieurs fonctions ou profes-
sions^"^^, tandis que Vichy s’accorde le droit d’interner
« dans des camps spéciaux les étrangers de race
juive
Afin de coordonner l’application de ces mesures et
« l’aryanisation » de l’économie, un commissariat aux
questions juives apparaît en mars 1941, que Xavier
Vallat dirige jusqu’en avril 1942. Ce commissariat a

231
pour mission la liquidation des biens et peut « provo¬
quer à l’égard des juifs toutes mesures de police
commandées par l’intérêt national »(loi du 19 mai 1941).
Avant même que l’Allemagne n’accentue sa pression et
n’impose son programme de déportation massive, le
gouvernement de Vichy a donc, de lui-même, multiplié
les camps de concentration sur son territoire, et édicté
un statut en fonction de critères raciaux.

La révolution impossible

Dès la fin de l’année 1941, il est clair que la


Révolution nationale est un échec, les résultats obtenus
étant à l’exact opposé des objectifs initiaux. Les
maurrassiens et les conservateurs souhaitaient renfor¬
cer l’autorité de l’Etat tout en limitant sa sphère
d’activité, et bâtir une société idéale qui, par l’aména¬
gement de structures communautaires, mettrait un
terme au divorce entre le pays légal et le pays réel. Mais
ce projet omettait de prendre en compte les nécessités
du moment et les contradictions qu’il renferme en ont
faussé l’application ou contraint le gouvernement à
abandonner certaines de ses ambitions.
Les obstacles rencontrés par le régime lors de la
révision des principes de la laïcité de l’enseignement
illustrent ce décalage entre l’idéologie et la pratique.
Selon Pétain, 1 introduction d’une instruction religieuse
et les avantages accordés à l’Eglise devaient permettre
une respiritualisation du pays et la diffusion des
« certitudes éternelles » comme « la vertu, la Patrie, la
discipline, la famille et ses mœurs, la fierté, le droit et le
devoir du travail Cependant, mis à part une
minorité satisfaite par ces réformes, l’abrogation des
lois Ferry a pour seul effet de rallumer la querelle

232
scolaire. Prenant conscience qu’en ce domaine, les
acquis républicains ne peuvent être effaeés d’un trait de
plume, Jérôme Carcopino modifie les textes rédigés par
son prédécesseur et, par la loi du 2 novembre 1941,
supprime toutes les dispositions susceptibles de « réar¬
mer un anticléricalisme en déliquescence
D’autre part, le gouvernement est confronté à des
réalités économiques qui vont à l’encontre de sa vision
nostalgique d’une France rurale et rendent illusoires
toutes les tentatives de décentralisation et de désétati¬
sation. La paysannerie constituait pourtant une des
bases primordiales de la Révolution nationale et les
traditionalistes ont maintes fois promis de répondre à
ses revendications. Dans son message du 20 avril 1941,
Pétain affirmait : « Le gouvernement veut donner à la
paysannerie la place qui lui a été trop longtemps refusée
dans la nation. La corporation paysanne a pour objet de
rassembler les forces rurales françaises... Il faut que le
“Paysan” soit hautement honoré car il constitue, avec le
soldat, les garanties essentielles de l’existence et de la
sauvegarde du pays ». En théorie, cette corporation
devait disposer de pouvoirs autonomes, tandis que les
petits paysans et artisans ruraux bénéficieraient de
subventions. Toutefois, la nécessité d’améliorer la pro¬
ductivité suppose le regroupement des parcelles de
faible dimension, et la loi Caziot du 9 mars 1941 encou¬
rage le remembrement au détriment des petites exploi¬
tations familiales. De plus, la pénurie alimentaire exige
que la répartition des ressources soit contrôlée par l’ad¬
ministration, l’étatisme agricole prenant peu à peu le
pas sur les aspirations corporatistes. Ce dirigisme crois¬
sant, qui affecte également les autres secteurs de l’éco¬
nomie, est en totale contradiction avec les buts ori¬
ginaux, d’autant qu’il sert plus les intérêts du grand capi¬
tal, agrarien et industriel, que ceux du peuple français.

233
s

Cette mainmise de l’Etat réduit à néant un autre


aspect de la révolution nationale, celui de la réduction
du nombre des fonctionnaires. Pétain avait ébauché les
contours d’une France « où la discipline des subor¬
donnés » répondrait à « l’autorité des chefs, dans la
justice pour tous précisant que « la responsabilité
des fonctionnaires ne sera plus un vain mot Dans
les faits, l’élargissement des attributions de l’Etat
accélère l’hypertrophie bureaucratique, Vichy insti¬
tuant même les préfets régionaux (19 avril 1941) pour
renforcer l’administration centrale. Au fil des mois,
toutes les « communautés naturelles » sont phagocy¬
tées par ces représentants de l’Etat. Quant à leur
responsabilité, si elle se trouve vérifiée dans bien des
cas, ce ne sera pas dans le sens prévu initialement.
Une des conséquences de cette « auto-destruction »
(S. Hoffmann)^^^ de la Révolution nationale est la
désaffection de l’opinion pour le régime, que Pétain
reconnaît quand il déclare, le 12 août 1941 ; « Je sens se
lever, depuis plusieurs semaines, un vent mauvais(...)
L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des
Français L’unité nationale, sociale et spirituelle
qu’il prétendait rétablir est battue en brèche par une
fraction de la population qui se refuse à admettre les
compromissions avec l’Allemagne. En dépit de la
faiblesse de leur nombre, les premiers réseaux de
Résistance — notamment l’Organisation civile et
militaire (OCM), le mouvement Liberté, Combat,
Franc-Tireur, etc — commencent à se structurer dans le
courant de l’année et entreprennent diverses actions
contre l’occupant. En réponse à ce rétrécissement de sa
base populaire. Vichy accentue le caractère répressif du
système qu’il a mis en place et entame, par ce choix, sa
marche vers la dictature.
Enfin, et surtout, l’échec de la Révolution nationale

234
rend caducs tous les arguments avancés pour justifier la
collaboration d’Etat par laquelle, selon le maréchal,
« pourrait être allégé le poids des souffrances de notre
pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la
charge des frais d’occupation Le prix à payer, sur le
plan matériel et moral, serait compensé par l’assouplis¬
sement de la ligne de démarcation et par le retour des
Français dont « l’esprit, fortifié par la vie des camps,
mûri de longues expériences, deviendra le meilleur
ciment de la Révolution nationale Or, de l’aveu
même de Pétain, cette collaboration n’a pas donné les
résultats escomptés, et dans une lettre qu’il adresse à
Hitler lors du premier anniversaire de la rencontre de
Montoire, il constate qu’elle « n’a pas pu encore apaiser
ces régions obscures de l’âme d’un peuple meurtri qui le
poussaient à la révolte. Notre peuple souffre cruellement
et les prisonniers ne sont pas rentrés. De surcroît, une
considérable propagande ennemie tente de creuser une
faille entre les puissances occupantes et la population
occupée
Là encore, la décision de poursuivre puis d’intensifier
cette politique participe de l’équivoque de Vichy. En se
plaçant dans le cadre d’une or activité constructive du
nouvel ordre européen le gouvernement passe de la
collaboration économique à la collaboration politique,
comme l’attestent la création de la Légion des volon¬
taires français, chargée de la lutte anti-bolchevique, et
les initiatives vichystes en matière d’arrestation et
d’internement. Sur ce point précis, les intentions de
Pétain sont explicites : « Un long délai sera nécessaire
pour vaincre la résistance de tous les adversaires de
l’ordre nouveau, mais il nous faut, dès à présent, briser
leurs entreprises, en décimant les chefs

235
Les apprentis sorciers

Entre les conservateurs qui accèdent au pouvoir et


les collaborationnistes qui tentent de s’en emparer,
l’épreuve de force s’engage dès la fin de l’année 1940.
Mis à part « une solidarité négative contre le régime
aboli »(S. Hoffmann)^^®, ils sont en effet divisés sur les
buts à atteindre et les moyens à employer. L’idéal
traditionaliste des premiers — qui suppose un Etat
corporatiste, hiérarchisé, fort, mais proclamé neutre en
ce sens qu’il doit laisser aux communautés naturelles la
possibilité de s’auto-organiser — ne correspond pas à la
conception fasciste de la participation des masses, ni à
celle de l’Etat fasciste qui s’empare de la totalité des
rapports sociaux. En outre les modalités d’exercice du
pouvoir diffèrent d’un camp à l’autre, et les adeptes
d’une réforme autant radicale que brutale ont le
sentiment que le gouvernement s’enlise dans la rédac¬
tion d’une abondante législation, au détriment d’opéra¬
tions plus concrètes.
Au lendemain du renvoi de Laval, certains activistes
se détachent de Vichy, comme l’attestent les termes du
tract annonçant la création du Mouvement social
révolutionnaire : « Eugène Deloncle et son MSR veu¬
lent que la Révolution nationale se fasse autrement que
par des décrets. Ils veulent que tous les "salopards” en
place soient balayés, qu’il n’y ait plus de juifs ni de franc-
maçons en mesure de nuire encore (...) Ils veulent que
soit réalisée la Collaboration amorcée à Montoire,
qu’elle le soit dans la dignité et dans la volonté de relever
le pays et de lui permettre de prendre la place qu’il mérite
en Europe L’ancien dirigeant du CSAR n’est pas le
seul à s’impatienter ou à s’irriter des « tergiversations »
du gouvernement, Rebatet s’exclamant : « Qu’atten¬
dions-nous pour proclamer officiellement la seule politi-

236
que praticable et raisonnable : l’offre de collaborer sans
retard avec l’Allemagne, la candidature d’une France
nouvelle à ce prochain ordre européen ?
Dénonçant l’anglomanie de Pétain et la collusion de
ses partisans avec les intérêts judéo-maçonniques, les
ultras jugent les mesures gouvernementales trop modé¬
rées et inaptes à enrayer les périls qui menacent la
France. A propos de la législation anti-juive, P.Costan-
tini — qui présente la Ligue française comme « le seul
mouvement politique qui ne transige pas avec la
juiverie — estime que « les solutions adoptées
jusqu’à ce jour n’ont été que des palliatifs, d’aucuns
disent des faux-semblants Les critiques des autres
groupes fascistes sont de même nature, en particulier
celles de l’équipe de Je Suis Partout. « L’étoile jaune est
la première étape vers ce ghetto, tant physique que
moral, que nous devons, à mon sens, faire réintégrer aux
Juifs le plus promptement possible écrit Rebatet,
qui regrette vivement qu’elle n’ait pas été une initiative
française et que son port ne soit pas obligatoire en zone
sud. Quant à Jean Méricourt, il souligne, dans Le
Pilori, que « le Juif est encore tout-puissant et prend la
mansuétude dont on a fait jusqu’ici preuve à son égard
pour une marque de faiblesse
L’échec de la collaboration d’Etat, en compromet¬
tant la Révolution nationale, affaiblit les pétainistes et
renforce les collaborationnistes dans la conviction que
seul un alignement idéologique sans restriction peut
garantir l’avenir de la France. Brasillach déclare, lors
de l’ouverture du procès de Riom : « Le temps des
négociations est passé. Le temps des conciliations est
mort. Le temps des conciliateurs aussi. Nous sommes
dans le temps des chefs A cette date, les préten¬
dants ne manquent pas, et si l’on citait toutes les
dissensions ou les injures proférées par les uns et les

237
autres, la liste serait fort longue. De son côté, Pétain
s’applique à conserver l’exclusivité du pouvoir, avan¬
çant que le chef, « c’est celui qui sait à la fois se faire
obéir et se faire aimer. Ce n’est pas celui qu’on impose,
mais celui qui s’impose
Bien que la Révolution nationale soit lourde de
menace totalitaire et qu’elle réalise, à titre potentiel,
certains aspects du fascisme, le fossé entre les pétai-
nistes et les collaborationnistes s’élargit. Notons au
passage que cet antagonisme, qui n’est pas réductible à
une simple querelle de personnes, confirme la nécessité
de distinguer deux étapes dans l’évolution du régime. A
1 image des volets d’un dyptique, le Vichy paternaliste
de 1940 et le Vichy fasciste de 1943-44 sont liés mais
néanmoins distincts. Cette différenciation n’a pas pour
fonction d’attribuer, de manière univoque, la déviance
de l’Etat français aux seuls activistes dont les attaques
contre la Révolution nationale auraient fascisé le
gouvernement à son corps défendant. Elle permet, tout
au contraire, de mesurer l’ambiguïté qui préside aux
rapports entre les groupes fascistes et les maréchalistes.
Au préalable, il importe de dresser le tableau des
partis, organisations et publications qui animent, en
zone nord et en zone sud, la vie politique.
Dépositaire de « la plénitude du pouvoir gouverne¬
mental » en vertu de l’acte constitutionnel numéro 2,
Pétain entend bien que ses décisions soient appliquées
sur l’ensemble du territoire français. La reconstitution
du réseau administratif, la présence à Paris d’un
représentant officiel (le général de la Laurencie), le
rétablissement des communications à travers la ligne de
démarcation, permettent au gouvernement de repren¬
dre en main les régions occupées. Néanmoins, ce
contrôle n’est que partiel, d’autant que les autorités
allemandes laissent se développer dans la capitale

238
plusieurs groupuscules fascistes. A la tête de ces partis, on
retrouve de nombreux leaders d’extrême-droite que la
défaite à fait basculer dans la collaboration à outrance.
Déçus par la révolution nationale ou frustrés dans leurs
ambitions quand ils constatent que le nouveau régime les
écarte au profit des conservateurs et des technocrates, ils
veulent réaliser leur révolution et jouent la carte
allemande dans l’espoir d’obtenir satisfaction.

L’évolution de Jacques Doriot est une parfaite


illustration de cette démarche. Mobilisé en 1939, il
retrouve la direction du PPF lors de son retour à Paris,
et se range derrière Pétain dont il soutient tous les
actes, y compris le renvoi de Laval. En contrepartie, le
cabinet du maréchal finance le lancement, en octobre
1940, de l’organe du PPF en zone nord. Le Cri du
Peuple^^^, tandis que L’Emancipation Nationale repa¬
raît en zone sud, sous la direction de Sicard.
Doriot défend donc l’expérience de la Révolution
nationale contre les attaques de Déat, moins par
conviction idéologique que par opportunisme tactique.
Son alignement est, à l’évidence, déterminé par le désir
de noyauter les organisations vichyssoises et de renfor¬
cer son propre parti. De plus, tout en affirmant sa
loyauté à Pétain, il prend contact avec l’Abwehr et
parvient à faire accorder au PPF le droit de tenir des
réunions^^*.
Dans les mois qui suivent, Doriot durcit ses critiques
contre le gouvernement et intègre dans son discours les
thèses les plüs radicales de la collaboration parisienne.
Animé par un anti-communisme virulent, — « je
poursuis », dit-il, « à travers toutes les vicissitudes de
l’existence, la lutte contre le bolchevisme. Je cherche à
détruire ce parti de mort — il salue avec enthou¬
siasme l’entrée des troupes allemandes en Union

239
soviétique et préconise la création de la Légion des
Volontaires Français (LVF). Ce projet recueille l’adhé¬
sion de Costantini, de Déat et de Deloncle, ainsi que
l’appui de Laval, alors en disgrâce. Fondée le 18 juillet
1941, la LVF^^° est composée pour moitié de militants
PPF Doriot étant d’ailleurs le seul responsable à
partir pour le front de l’Est.
Après avoir réunifié son parti et confié la direction à
un bureau composé de V.Barthélémy, Sicard, Lèbre et
de quelques autres militants, Doriot mène conjointe¬
ment sa croisade anti-communiste et sa campagne
contre le gouvernement. En avril 1942, il tente en vain
de tirer profit du départ de Darlan, Laval n’étant guère
disposé à accéder à ses revendications. En novembre, il
procède à une seconde offensive contre Laval, qui
échoue également, et s’oppose énergiquement, malgré
les pressions des services allemands, à l’intégration du
PPF dans le Front révolutionnaire national (FRN). A
mesure que son accession au pouvoir apparaît de plus
en plus improbable, Doriot accentue la tonalité fasciste
de son mouvement dont la dépendance à l’égard de
1 occupant est totale. Réfugié en Allemagne après le
débarquement allié, Doriot est tué en février 1945,
alors qu’il s’efforce une fois encore d’être reconnu par
les responsables nazis comme le dirigeant de la France
collaboratrice.

Le principal rival de Doriot est M.Déat qui ambi¬


tionne de jouer un rôle majeur dans la réforme du
système politique. Directeur politique de L’Œuvre,
Déat se rend à Vichy dès juillet 1940 pour présenter son
projet de parti unique. Avec l’appui de Bergery, il
forme le Comité de constitution du parti national
unique et entreprend de convaincre Laval et Pétain du
bien-fondé de sa proposition. Dans le rapport qu’il

240
soumet au maréchal le 27 juillet, il écrit : « Un double
courant doit s’établir du Gouvernement au Peuple et du
Peuple au Gouvernement. Puisqu’il n’y a plus de
Parlement, puisque l’action personnelle et directe du
chef de l’Etat, ni celle de l’Administration ne sauraient y
suffire, une grande organisation est nécessaire, qui
puisse se ramifier à l’infini et rayonner partout
Composite dans ses inspirations, le programme de
Déat met l’accent sur la nécessité de châtier les
responsables de la décadence française, « d’expulser les
indésirables » et de réformer l’administration et l’ensei¬
gnement. Affirmant que « l’économie classique de type
libéral est morte », Déat suggère qu’elle soit remplacée
par un modèle de type syndicaliste et corporatif, sous le
contrôle d’un Etat fort, à la fois gardien des intérêts
nationaux et arbitre des conflits sociaux. A propos des
relations avec l’Allemagne, un accord d’ensemble est
souhaitable, en tant que première étape vers la
constitution d’une « économie fermée à l’échelle conti¬
nentale » qui permette « l’ajustement européen des
ressources et des besoins. »
Si certaines mesures relèvent du traditionalisme le
plus strict, le caractère fascisant du projet heurte les
conservateurs qui craignent que le rayonnement dont
parle Déat ne se transforme en totalitarisme. De plus,
en butte aux attaques de Doriot et de La Rocque, Déat
est mollement soutenu par Laval. Quant à Pétain, sa
réponse est d’autoriser la création, le 27 août, de la
Légion des combattants, organisme rassemblant les
associations d’Anciens Combattants, mais réduit à un
rôle civique et sans moyen d’action politique.
Ulcéré par ce refus, Déat rejoint Paris le 13
septembre, et n’a de cesse, à partir de ce moment, de
dénigrer l’entourage de Pétain. Arrêté lors du renvoi de
Laval le 13 décembre 1940, il comprend qu’il n’a plus

241
rien à attendre du gouvernement et crée le 31 janvier
1941 le Rassemblement national populaire. Abetz
intervient pour que cette initiative se fasse en commun
avec le MSR de Deloncle, mais le rapprochement sera
de courte durée. La rupture avec Vichy est radicale,
comme en témoigne l’affiche du RNP : « Le Rassem¬
blement national populaire, au nom des innocents, au
nom des victimes, accuse Vichy de mépriser la réalité
humaine et sociale française, de nous laisser crever de
faim(...) Vichy veut restaurer un passé périmé et nous
ridiculiser avec une parodie de révolution. Vichy intrigue
avec les Juifs et les maçons internationaux, avec les
financiers et les marchands de canon américains qui y
font la loi
Lors du Congrès de juin 1941, Déat précise les
grandes orientations du RNP dont la première tâche est
d’être « aux côtés du peuple, aux côtés des petits pour les
protéger, pour les défendre... Il faut que ce soit lui que
l’on voie à la pointe du combat contre les privilèges
exorbitants, contre les féodalités renaissantes Mal¬
gré la présence au sein de la Commission permanente
de membres du Centre syndicaliste de propagande
(G. Dumoulin, G. Albertini) et de l’association France-
Europe (F.Desphelippon), cette ouverture vers la
gauche reste limitée et les tentatives pour rallier les
forces syndicales se soldent par un échec. Le RNP ne
parvient pas non plus à devenir un vaste mouvement
populaire, le nombre de ses adhérents étant vraisem¬
blablement de 15 000 à 20 000 en 1942 et de 10 000 en
1943^^^
Déat soulève à nouveau la question du parti unique
qui, à ses yeux, doit être le « contrôleur et l’animateur
permanent de la Révolution nationale », et déclare : « Il
n’y aura pas demain de nouvel Etat français s’il n’y a pas
le parti unique pour le porter à bout de bras. »

242
Le troisième thème abordé est celui de la collabora¬
tion avec l’Allemagne, que Vichy n’est pas à même de
réaliser. « Une France conservatrice ne peut vraiment
collaborer, et une France qui collabore vraiment ne peut
rester conservatrice », lance Déat du haut de la tribune,
en opposant « la collaboration manœuvrière(...) la
collaboration de marchandage qui consiste à faire à la
petite semaine ou à la petite journée, du donnant-
donnant » et celle qui « implique un choix définitif et
solennel(...) qui implique que la France s’aperçoive
définitivement qu’elle est européenne » Une des préoc¬
cupations de Déat est, en effet, de prouver à l’occupant
que les Français sont des « associés possibles », capa¬
bles de « se discipliner, de projeter dans le ciel de
l’histoire de grandes idées et de bâtir de magnifiques
institutions ».

Les difficultés pour promouvoir le parti unique,


combinées avec l’évolution de ses propres idées,
amènent Déat à nazifier son discours et à s’engager plus
avant dans la collaboration. Le RNP, qui se transforme
en parti en mai 1942, participe au Front révolutionnaire
nationaP^^ à partir duquel sont fondées les Milices
révolutionnaires nationales (février 1943). Plus que
jamais désireux d’être l’un des artisans de la révolution
européenne dans le cadre d’un futur ordre fasciste,
Déat écrit : « Le totalitarisme permet le retour à
l’humanisme, la renaissance du véritable huma¬
nisme Après avoir rédigé en septembre 1943 un
Plan de redressement national français (que signent
Luchaire, Darnand, Guilbaud et Noël de Tissot),
reprenant l’essentiel de ses propositions pour diffuser
en France l’esprit « national-socialiste », il est nommé
ministre du Travail le 17 mars 1944. A la suite du

243
débarquement allié, il part pour Sigmaringen, puis se
réfugie en Italie. Condamné à mort par contumace par
la Haute Cour de Justice, Déat se cache dans le
monastère de San Vito ou il meurt en 1955.

En marge du PPF et du RNP, deux groupuscules se dis¬


putent âprement les grâces des autorités allemandes :
— Le Mouvement social révolutionnaire de Delon-
cle, déjà cité, qui fusionne pendant quelques mois avec
le parti de Déat. Deloncle est assisté dans sa lutte pour
« une Europe nouvelle, l’Europe nationale-socialiste en
marche que rien n’arrêtera » par Jean Fontenoy (chef
adjoint du MSR), Jean Filliol (sécurité et information),
Jacques Corrèze et Henry Charbonneau (organisation
territoriale), Jacques Faurant (relations extérieures) et
Georges Soulès (comités et cellules techniques). L’au¬
dience du MSR et de son organe, La Révolution, est
fort réduite, et tend à diminuer après l’exclusion, en
mai 1942, de Deloncle par ses lieutenants.
— Le Parti franciste de Bucard, qui rassemble
autour de lui quelques fidèles dont Paul Giraud,
Maurice Morer, Maurice Koenig, Louis Tessier et
Henri Bonifacio. Après avoir vainement espéré que
Pétain lui confie un poste à la mesure de ses
compétences — et de ses ambitions — Bucard tourne
résolument le dos à la Révolution nationale et se range
dans le camp des ultras collaborationnistes. Mêlant
dans son programme la totalité des mythes fascistes et
un socialisme axé sur la défense de la race, le Parti
franciste participe, aux côtés des Allemands, à la
répression anti-juive et aux opérations contre le
Maquis. Diminué par la maladie, Bucard perd peu à
peu le contrôle de son parti, en proie à des divisions
internes. Condamné à mort en 1945, Bucard est fusillé
le 19 mars 1946.

244
D’autres organisations, de moindre importance,
apparaissent également, parmi lesquelles la Ligue
française de Pierre Costantini, le Parti français national
collectiviste de démenti, le Parti socialiste français de
Christian Message, la Ligue de la pensée française de
René Chateau, la Croisade française du national
socialisme de Maurice Bernard de la Gâtinais, le Front
blanc de Jean Boissel, le Comité d’action antibolchevi¬
que de Paul Chack et sa filiale, le Centre d’études
antibolcheviques animé par André Chaumet... Enfin,
plusieurs intellectuels ou personnalités des arts gravi¬
tent autour du groupe Collaboration (organe : La
Gerbe) présidé par Alphonse de Chateaubriant. Multi¬
pliant les sous-comités dans toute la France, ce groupe
est l’un des instruments de la propagande collabora-
tionniste.
Une présentation de l’univers collaborationniste
serait incomplète si l’on n’y incluait pas l’ensemble des
périodiques que contrôlent Vichy ou les services
allemands.
Plusieurs quotidiens et hebdomadaires se sont instal¬
lés en zone sud {La Croix, L’Action française, Le
Figaro, Le Journal, Paris-Soir, Le Temps, Candide,
Gringoire, L’Alerte...) et bénéficient de subventions du
gouvernement, à l’exclusion de L’Action française qui
refusera toute aide financière.
Parmi les grands noms de la presse parisienne. Le
Petit Parisien occupe la première place, avec un tirage
de près de 505 000 exemplaires en janvier 1943^^*. Sa
direction est assurée par Paul-Edmond Decharme,
Raymond de Nys et Claude Jeantet, dont les liens avec
Je Suis Partout expliquent la participatiôn, plus ou
moins régulière, de plusieurs journalistes appartenant à
cet hebdomadaire. Paris-Soir (Paris) poursuit ses
activités, indépendamment de l’édition lyonnaise, sous

245
la conduite, à partir de 1941, de Pierre-Antoine
Cousteau. Citons également Le Matin, dirigé par
Brunau-Varilla et Jacques Ménard ; La Gerbe de
Chateaubriant ; Au Pilori, fondé en 1940 par Henry-
Robert Petit, l’hebdomadaire le plus antisémite de
l’époque avec pour principaux rédacteurs Lucien
Pemjean, Urbain Gohier et Robert-Julien Courtine ;
L’Illustration ; Notre Combat dont certains articles sont
signés de Déat ou de Jean Luchaire.
Le courant socialiste est représenté par La France au
Travail, qui devient en 1941 La France Socialiste ;
L’Atelier (proche du RNP) ; Le Rouge et le Bleu de
Charles Spinasse (ancien ministre de Blum), Germinal
(créé en 1944), L’Œuvre dont Déat prend le contrôle...
Après une brève éclipse. Je Suis Partout réapparaît
en février 1941. Autour de Robert Brasillach (rédac¬
teur en chef), Lucien Rebatet, Charles Lesca, P.A.
Cousteau, Alain Laubreaux, Georges Blond, Henri
Poulain, Lucien Combelle, Drieu La Rochelle et
quelques autres (dont Marcel Aymé, Anouilh, René
Barjavel, F.-C. Bauer) forment l’essentiel de l’équipe.
En 1943, P.-A. Cousteau succède à Brasillach, tandis
que Je Suis Partout opte résolument pour le national-
socialisme et pour une collaboration jusqu’au-boutiste.
Placées sous la tutelle de la Corporation nationale de
la presse française (CNPF), créée par Jean Luchaire
(directeur de Nouveaux Temps), ces différentes publi¬
cations diffusent les dépêches de l’Agence française
d’information de presse (AFIP) — dont la fonction
n’est autre que de traduire les communiqués de
l’agence allemande DNB — de l’Office français
d’information (OFI) et de l’Agence Inter-France^^^.

246
Qui perd gagne

En 1942, tous les ingrédients pour une dérive


totalitaire sont réunis et l’on en perçoit, durant les mois
qui précèdent l’entrée de la Wehrmacht en zone sud,
plus d’un signe avant-coureur : le durcissement de la
législation anti-juive par la loi du 19 mai qui impose le
port de l’étoile jaune en zone occupée, l’intensification
de la répression, assortie des rafles conduites par la
police française et des transferts à Drancy d’où partent
en mars les premiers convois vers les camps de la mort.
Quant aux velléités autoritaires du régime, elles sont
confirmées par la suspension définitive, le 25 août, des
réunions du Bureau des Assemblées.
L’ère de la Révolution nationale s’achève, et cède la
place au second Vichy, celui de la Milice, du STO et des
cours martiales expéditives. Devant un tel dérapage, on
ne peut se défendre d’une interrogation : quels ont été
les facteurs et les modalités de cette perversion du
système politique ?

A l’origine, il y a le comportement de Pétain à l’égard


de l’Allemagne, et les multiples erreurs d’appréciation
qu’il a commises. Depuis 1940, sa pratique du pouvoir
tient du monarque absolu et du colonel d’infanterie, ap¬
pliquant pour diriger le pays, les méthodes qu’il utilisa
en 1917-18 : ménager le sang de ses troupes et réprimer
la contestation. Mais, élevé à la hauteur d’un mythe, il
a tendance à s’identifier à la nation — d’où le ton
sentencieux qu’il adopte volontiers — et à surestimer
l’importance des moyens dont il dispose véritablement.
L’occupant n’est certes pas intervenu dans l’élabora¬
tion des réformes gouvernementales mais a pris soin
d’en limiter le champ d’application et d’exercer un droit
de regard, par le biais des commissions d’armistice, qui

247
s

essaiment sur tout le territoire. La ligne de démarcation


devient une barrière difficilement franchissable, sauf
pour les représentants du Reich, tandis que les officiels
français se voient parfois refuser le passage. De plus,
les organisations corporatistes et la Légion des combat¬
tants sont interdites dans les régions occupées où les
décrets de Pétain, quand ils paraissent, sont soumis à la
censure. Plusieurs mesures portent atteinte à la souve¬
raineté du maréchal, y compris en zone sud, sans compter
qu’en matière de politique économique et financière, les
commissaires allemands ont toute latitude de régenter la
production, les échanges commerciaux et les circuits
monétaires. Enfin, la nomination et le limogeage des
hauts fonctionnaires se décident autant à Vichy qu’à
Berlin, le renvoi de l’ambassadeur Noël ou le rappel
d’Afrique du nord du général Weygand étant deux
exemples parmi d’autres de cette situation.
Libre de déterminer le contenu de la Révolution
nationale, Pétain n’en contrôle donc pas totalement
l’application, et son règne ne s’étend guère au-delà des
grilles de l’Hôtel du Parc. Quand il tente de protester
contre ces empiètements — en refusant de se rendre à
Paris pour les cérémonies du retour des cendres de
l’Aiglon en décembre 1940 et en se séparant de Laval
peu après sans en avertir Hitler — il n’obtient pour seul
résultat que l’aggravation de son assujettissement.
Cet état d’impuissance est lié aux engagements qu’il a
contractés dès son intronisation. L’empressement avec
lequel il a négocié puis conclu l’armistice et ses offres
réitérées de collaborer sont le fruit d’une volonté
obstinée de trouver un terrain d’entente avec l’Alle¬
magne. Mais en cherchant à satisfaire les exigences
d’Hitler dans l’espoir d’une hypothétique clémence,
Pétain a été pris dans l’engrenage des capitulations
successives. Tous ses efforts pour assurer à la France

248
une place dans « l’ordre nouveau » dont l’avènement
lui semble inéluctable, ne sont pas dictés par une
quelconque sympathie pour l’idéologie nazie. Le
« vainqueur de Verdun » se réclame de Renan, de
Maistre, de Taine, non de Chamberlain ou de Gobi¬
neau. Dans son esprit, la collaboration d’Etat devait
permettre à la France de vivre des jours meilleurs —
quitte à se plier à certaines règles allemandes au nom
du patriotisme français — et de faire front aux
revendications territoriales de l’Italie, voire de supplan¬
ter celle-ci dans la future Europe.
S’illusionnant sur l’étendue de son pouvoir mais aussi
sur l’intérêt que lui porte Hitler, il propose avec un
aplomb imperturbable une association entre parte¬
naires placés sur un pied d’égalité. Sans doute est-il
enclin à penser que le culte dont il est l’objet à Vichy est
également célébré dans la capitale nazie, et se jugeant
indispensable en France, il tend à s’accorder un statut
privilégié que le Führer ne lui reconnaît pas.
Toujours est-il que cette prétention révèle peu à peu
toute sa nocivité. Inaugurée « dans l’honneur et pour
maintenir l’unité française », la collaboration mène au
déshonneur et à la complicité avec le nazisme. Il est
loisible d’invoquer le poids des circonstances et le souci
de sauvegarder les intérêts nationaux. Mais cette thèse
ne résiste pas à l’examen puisque la collaboration n’a
pas amélioré le sort de la population et qu’elle a fait
perdre à la France toute chance d’échapper à l’étau
allemand. Pétain lui-même admet en décembre 1941 le
caractère utopique de son projet, sans modifier pour
autant sa politique. S’étant rendu à Saint-Florentin
pour y rencontrer Goering, il déclare à ce dernier :
« J’ai compris que la collaboration véritable impliquait
de traiter d’égal à égal. S’il y a en haut un vainqueur et en
bas un vaincu, il n’y a plus de collaboration, il y ace que

249
vous appelez un Diktat et ce que nous appelons la “loi
du plus fort”
Cette expression prend tout son sens en 1942, quand
l’occupant ne demande plus mais exige que la France se
soumette aux ordres d’Hitler, et résume parfaitement
les objectifs de Goering qui annonce : « Je considère
comme territoire conquis toute la France que nous avons
occupée. J’ai l’intention de piller et de piller large-
ment(...) Pour moi, la collaboration n’a qu’un seul
sens : s’ils fournissent tout et de bon gré, jusqu’à ce qu’ils
n’en puissent plus, alors je dirai que je collabore.. »
Un des mandataires de cette exploitation intensive
du potentiel économique français est Fritz Sauckel,
chargé de recruter des ouvriers pour les usines du
Reich. En dépit des protestations de Vichy, il réclame
en mai 1942 l’envoi en Allemagne de 25 000 hommes —
requête que le gouvernement tente d’atténuer par le
système de la « relève » qui s’avère peu efficace.
Contraint de s’exécuter, le Conseil des ministres
promulgue le 4 septembre la loi relative à l’utilisation et
à l’orientation de la main-d’œuvre.
Peu après l’installation officielle de la Gestapo en
zone sud et le remplacement de la Wehrmacht par la SS
comme autorité occupante, Hitler impose son plan de
déportation massive, l’opération « vent de printemps »
(juillet 1942) étant facilitée par les initiatives préalables
de la police française et par l’arrivée de Darquier de
Pellepoix aux Questions juives qui s’acquitte conscien¬
cieusement de sa tâche. Les agents nazis font peu de cas
des distinctions vichyssoises entre Juifs français et
étrangers, et, en vertu des stipulations de l’armistice,
commandent à l’administration et à la gendarmerie de
collaborer. Après quelques hésitations, le gouverne¬
ment cède également sur ce point.
Il est désormais acquis que la souveraineté de l’Etat

250
français est un leurre, et la violation de la zone libre le
11 novembre réduit à néant les derniers vestiges du
royaume du maréchal. Envisagée depuis longtemps,
cette invasion est déclenchée à la suite du débarque¬
ment anglo-saxon en Afrique du Nord, et précède de
peu la suppression de la dérisoire armée d’armistice (20
novembre). En quelques jours, la France perd deux
atouts majeurs. D’une part, la plus grande partie de son
Empire est aux mains des Alliés, l’Algérie devenant par
les accords Darlan-Clark un « Vichy à Venvers » (S.
Hoffmann)^*^ sous occupation américaine. D’autre
part, la flotte se saborde à Toulon sur l’ordre de
l’amiral comte Jean de Laborde. Inquiet des réactions
de l’Allemagne, Pétain désavoue Darlan qui a prétendu
agir en son nom, et se compromet plus encore en
acceptant de demeurer le chef d’un Etat fantôme,
astreint de se plier à la discipline nazie. A la Libération,
Pétain justifiera sa décision en ces termes : « De mon
pouvoir j’ai usé comme d’un bouclier pour protéger le
peuple français. Pour lui, je suis allé jusqu’à sacrifier
mon prestigej...) l’occupation m’obligeait à ménager
l’ennemi, mais je ne le ménageais que pour ménager les
Français, en attendant que le territoire soit libéré
Or, à la lumière de ce qui précède, on pressent la
fausseté de cette argumentation, reprise par les défen¬
seurs du maréchal, tel Maurras, qui écrira ; « Le chef
seul pouvait limiter la collaboration à l’enceinte de
l’intérêt national. Le chef seul pouvait empêcher qu’elle
ne dégénérât en campagne de subordination volontaire à
l’hégémonie allemande
Que Pétain ait été conscient ou non des équivoques
de la collaboration dès l’été 1940 reste du domaine de
l’interrogation. Néanmoins, il a posé les jalons de la
fascisation du régime, et ouvert la brèche par laquelle
s’engouffre Laval, talonné par les collaborationnistes.

251
Au vu du rôle tenu par Laval dans le tournant de
1942, il y a lieu d’ouvrir une parenthèse et de préciser
qu’il n’existe pas de différence de nature entre sa
conception des rapports franco-allemands et le dessein
de Pétain. La légende du « mauvais génie »(F.Kupfer-
man)^®^ ne repose sur aucun fondement dès lors que le
chef de l’Etat a, le premier, évoqué les avantages
supposés de la collaboration, rondement menée par
Darlan qui succède à Laval après le bref intermède
Flandin. Nommé vice-président du Conseil et ministre
des Affaires Etrangères en février 1941, Darlan
envisage même une collaboration militaire en concé¬
dant à l’aviation allemande l’utilisation de la Syrie
comme base de ravitaillement, et en proposant dans les
Protocoles de Paris (mai 1941) l’octroi de facilités à
Bizerte, en Tunisie et à Dakar Quand il démissionne
le 17 avril 1942, il peut inscrire à son actif les « Statuts
des Juifs », la création des cours spéciales de justice et
du SOL et les premières déportations raciales. La
politique de Laval s’inscrit donc dans la continuité de
celle de son prédécesseur : il y ajoute assurément une
touche personnelle, mais sans bouleverser les données
de base.
Quant à la rupture avec le maréchal, elle est plus la
manifestation d’un dissentiment profond entre les deux
hommes que le signe d’un désaccord sur le principe
d’une entente avec l’occupant.
De retour à Vichy, Laval nourrit trois ambitions :
asseoir son pouvoir, relancer la collaboration et
s’assurer des collaborationnistes.
Cumulant les fonctions de ministre de l’Intérieur, de
la Propagande et des Affaires étrangères. Laval prend
le titre de chef de gouvernement et, en vertu de l’acte
constitutionnel numéro 11 du 17 avril 1942, assure la
direction effective de la politique intérieure et exté-

252
rieure. En novembre, il sera de plus habilité par l’acte
numéro 12 à promulguer des lois et des décrets. Son
objectif est de reléguer le chef de l’Etat au second plan
et d’écarter tous ceux qui pourraient contester son
autorité. Il endosse ainsi la responsabilité de toutes les
mesures impopulaires et payera très cher son souhait
d’être seul maître à bord. Pétain s’accommode fort bien
de ce partage des tâches qui le décharge des corvées les
plus compromettantes et lui réserve tous les honneurs.
Retranché dans une dignité hiératique, il observe Laval
se démener, puis s’enferrer dans une situation inextri¬
cable.
Fils d’un petit cafetier d’Auvergne, Laval a depuis le
début de sa carrière la réputation d’être un « animal
politique retors apte à louvoyer au gré de ses
intérêts. Inscrit au barreau de Paris en 1907, il est élu
député socialiste de la Seine en 1914, puis devient maire
d’Aubervilliers en 1923. L’année suivante, il s’affran¬
chit de la SFIO, puis gravit les échelons grâce à un
réseau d’amitié patiemment tissé. Sénateur en 1927, il
est plusieurs fois ministre — des Travaux publics sous
Painlevé, de la Justice avec Briand, du Travail dans le
second cabinet Tardieu. Le 30 janvier 1931, cet
« homme sans parti » accède à la présidence du Conseil
mais tombe en février 1932 pour avoir voulu changer la
loi électorale. Il retrouve ce poste en 1935 et tente de
résoudre la crise économique en appliquant une
politique de déflation qui soulève le mécontentement
de la population et des fonctionnaires en particulier.
Acculé à démissionner le 22 janvier 1936, il est rejeté
dans l’ombre jusqu’à la défaite et en conçoit une
profonde amertume. Ce « complexe de paria »(F.Kup-
ferman)^®® entre pour une part non négligeable dans son
évolution : mis à l’écart par une République qui n’a pas
su récompenser ses mérites, il attend le moment

253
propice pour se venger d’un régime que désormais il
exècre.
La crise de l’été 1940 permet donc à Laval de régler
de vieux comptes : « J’appartiens au Parlement depuis
1914, et je n’oublie pas que je sors du peuple. Mais
puisque la démocratie parlementaire a voulu engager le
combat contre le nazisme et le fascisme, et qu’elle a
perdu ce combat, elle doit disparaître. Un régime
nouveau, audacieux, autoritaire, social, national doit lui
être substitué Son renvoi, le 13 décembre, sursoit à
la réalisation de cette revanche mais en avril 1942, plus
rien ne s’oppose à la consécration de Laval, nouveau
« guide » de la France et artisan d’une coopération
accrue avec l’Allemagne.
Ce qui pousse Laval vers l’aventure de la collabora¬
tion n’est pas une attirance pour le fascisme puisque,
jusque-là, il n’a jamais été un tenant du régime nazi.
Indifférent à toute considération idéologique, il n’agit
qu’en fonction du seul idéal qui l’anime depuis de
nombreuses années : le pacifisme. L’étude de sa
politique à l’égard du vainqueur est du reste inintelligi¬
ble sans un rappel de ses tentatives pour assurer le
maintien de la paix en Europe. Proche des milieux
militaristes et inscrit sur le « carnet B » à la veille de la
première guerre. Laval a déployé toute son énergie en
1931 pour instituer une entente durable entre la France
et l’Allemagne de Weimar. En visite à Berlin, il évoque
déjà la nécessité d’une « collaboration loyale » entre les
deux pays. Considéré par certains comme l’héritier de
Briand, Laval succède à Barthou aux Affaires étran¬
gères en octobre 1934. Face à Hitler, il veut éviter un
rapprochement entre l’Italie et l’Allemagne, se rend à
Rome pour circonvenir Mussolini (janvier 1935) puis à
Moscou (mai 1935). La crise éthiopienne jette bas ce
fragile édifice diplomatique, tandis que les visées

254
expansionnistes d’Hitler projettent une ombre de plus
en plus menaçante. Depuis Châteldon, Laval assiste à
la rupture du front de Stresa et à la formation de l’axe
Rome-Berlin. L’Anschluss puis le démembrement de la
Tchécoslovaquie confirment ses craintes : « Le Reich
veut l’Europe centrale. C’est clair comme le jour et nous
ne faisons rien pour V empêcher (...) il n’y a qu’un moyen
pour empêcher Hitler de s’emparer de l’Europe, c’est de
faire la chaîne de Londres à Paris, avec Rome,
Belgrade, Budapest, Varsovie, Bucarest, Moscou. Si¬
non, c’est l’Allemagne qui gagnera
Le pacte germano-soviétique, suivi de l’effondre¬
ment de la Pologne, ruine les derniers espoirs de Laval
qui voit dans la défaite la confirmation du principe qu’il
a toujours défendu, à savoir qu’une paix de compromis
est de loin préférable à la guerre. Dès lors, il n’a qu’un
but : entamer des négociations avec le Reich pour que
celui-ci tempère ses appétits. Les circonstances lui
semblent favorables à la concrétisation du projet
d’entente qu’il a vainement tenté d’imposer avant le
déclenchement des hostilités. Mais, s’il précède Pétain
à Montoire grâce aux bons soins d’Otto Abetz et
s’entretient avec Hitler de la possibilité d’une paix
juste, il déchante rapidement. D’une part, la collabora¬
tion se fera sans lui et quinze mois durant, il devra
patienter avant que les manœuvres des « lavaliens » et
de l’Ambassade ne permettent son retour. D’autre
part, quand il parvient enfin à consolider sa position,
l’Allemagne n’est plus disposée à écouter les proposi¬
tions d’un gouvernement qu’elle tient en piètre estime.
Hitler déclare ainsi aux responsables de la Wehrmacht :
« La souveraineté française sera maintenue, mais dans la
mesure où elle servira nos intérêts ; elle sera supprimée
dès l’instant où elle ne pourra plus être conciliée avec les
nécessités militaires De plus, Hitler considère

255
s

Laval comme « un homme typiquement démocrati¬


que dont il convient de se méfier.
Le chef du gouvernement français est néanmoins
optimiste et le proclame avec éclat : « Je souhaite la
victoire de l’Allemagne, car sans elle, bientôt, le
communisme s’installera partout en Europe A
l’appui de cette profession de foi, Laval multiplie les
gages de bonne volonté et met un point d’honneur à
satisfaire les désirs de l’occupant. Il propose par
exemple le départ des ouvriers en Allemagne, écrivant
à Ribbentrop : <•< Je souhaite, en conséquence, que des
Français aussi nombreux que possible, prennent dans
vos usines la place de ceux qui partent pour le front de
l’Est. Les Français sont attachés à leur sol, mais je sais
qu’ils seront prêts à le quitter pour une tâche dont la
signification historique et nationale leur aura été démon¬
trée Aussi, quand Sauckel réclame son contingent
de main-d’œuvre. Laval peut difficilement refuser, et
tout en négociant la relève, fait adopter le 5 février 1943
le texte instaurant le Service du Travail Obligatoire
(STO). Devant la recrudescence des actes de résis¬
tance, il accepte que les services allemands de contre-
espionnage pénètrent en zone sud et que la police
française seconde les « brigades spéciales » dans leur
chasse aux maquisards. Réalisant que « la question
juive était pour Hitler une question passionnelle
Laval entreprend de tirer profit de cette obsession pour
obtenir un assouplissement du régime d’occupation. En
juillet 1942, il donne son accord à la déportation des
Juifs étrangers des deux zones, suggérant même que les
enfants de moins de seize ans ne soient pas séparés de
leurs parents et subissent, en conséquence, un sort
identique, ce que les Allemand ne demandaient pas...
Les contreparties accordées par le Reich ne sont pas
à la hauteur des espérances de Laval. Le retour de

256
quelques convois de prisonniers et les déclarations
officielles sur les devoirs patriotiques ne compensent
pas l’ampleur des réquisitions, la hausse continuelle des
frais d’occupation et le STO. Laval s’applique à rétablir
l’équilibre en multipliant les exemptions et gagne à
l’arraché la suppression de la ligne de démarcation pour
les citoyens français à part entière, ainsi que la libre
circulation entre les départements de Nord et du Pas-
de-Calais avec le reste du territoire (mars 1943). Le 13
mai 1943, il rencontre Hitler qui l’autorise à créer une
armée et une flotte symboliques.
Bien que la collaboration ne se fasse qu’au seul
bénéfice de l’Allemagne, Laval n’est nullement décou¬
ragé et propose à diverses reprises que la France serve
d’intermédiaire entre le Reich et les démocraties
occidentales. Son message du 13 décembre 1943 est
précis : « La victoire de l’Allemagne empêchera notre
civilisation de sombrer dans le communisme. La victoire
des Américains serait le triomphe des Juifs et des
communistes. Quant à moi, j’ai choisi
Entre-temps, Giraud a succédé à Darlan, assassiné
en décembre 1942, et s’est rallié à la France libre tandis
que la Résistance intérieure étend son champ d’action.
Pétain a tenté par deux fois d’éliminer son dauphin,
devenu trop embarrassant. Mais chacune des démar¬
ches de Pétain se heurte au refus d’Hitler : « Un autre
13 décembre serait exclu car M. Laval est seul capable
d’assurer à la France la place qu’elle mérite dans
l’Europe nouvelle >P''. Maintenu au pouvoir sur ordre
du Führer, Laval vit entouré d’ennemis, dans la peur
d’être assassiné, mais plutôt que de se démettre, il
achève son règne sous les tirs croisés des pétainistes et
des ultras parisiens. Laval avait dans l’idée de contenir
ces derniers et d’utiliser « l’épouvantail parisien
contre les maréchalistes. Au total, les collaboration-

257
s

nistes détiennent une influence croissante et Laval subit


leurs attaques incessantes.

A la suite de la révolution de palais de décembre


1940, tout porte à croire en effet que Laval envisage de
s’appuyer sur les activistes pour contraindre Vichy à
accéder à ses revendications. Otto Abetz, à qui Laval
est à jamais redevable de l’avoir libéré des griffes des
GP, orchestre une campagne de presse à laquelle
participent même les feuilles les plus antisémites qui
suspectent Laval d’être juif. Contre Doriot, « l’homme
du Maréchal », Déat met le RNP au service de Laval,
installé à Matignon, et objet des soins attentifs de
l’Ambassade. Ribbentrop anéantit les prétentions d’A-
betz et de son protégé qui perd le soutien des
collaborationnistes. Laval prend alors ses distances et
retourne à Châteldon attendre la disgrâce de Darlan.
En avril 1942, Laval entre en compétition avec Déat
et Doriot, et craignant que les deux leaders extrémistes
ne lui fassent concurrence, lance une offensive de
charme à l’endroit des jeunes de l’Ecole de Cadres
civiques du Mayet-de-Montagne^^^, des paysans, des
artisans et des ouvriers. De leur côté, les collaboration¬
nistes ne désarment pas et sous la houlette de Benoist-
Méchin, de Doriot et de Darnand, réclament la
démission de Laval en novembre 1942. Le chef du
gouvernement bénéficie une fois encore de la protec¬
tion des autorités allemandes mais doit composer avec
ses détracteurs.
Une des manifestations de cette collusion entre le
gouvernement et les ultras est la création le 30 janvier
1943 de la Milice. Déterminé à faire « le bonheur des
Français », y compris en portant la répression à son
paroxysme. Laval est en quête de troupes de choc qui
puissent se substituer à l’armée d’armistice dissoute, et

258
abattre (au sens propre) les ennemis de l’intérieur. Il
fait appel à Darnand, maître en la matière, et dont
Pascal Ory souligne avec raison que son destin « est
représentatif de celui de tous ceux qui, nourris de
l’idéologie la plus nationaliste qui soit, germanophobes
et maréchalistes, furent insensiblement conduits, par
exécration du régime démocratique, et plus encore de la
révolution marxiste, à choisir le camp du militarisme
allemand Issu d’une famille modeste, ce petit
artisan devenu chef d’entreprise est en 1928 responsa¬
ble des Camelots du Roi de Nice. Son admiration pour
le régime mussolinien l’éloigne de l’Action française
pour le conduire à la Cagoule, puis au PPF. Partisan de
la Révolution nationale, il est choisi en 1940 pour
diriger la Légion des combattants dans les Alpes-
Maritimes. Estimant que cet organisme officiel est peu
efficace, il fonde à l’été 1941 le Service d’Ordre de la
Légion (SOL) doté d’un uniforme (béret bleu, chemise
kaki, cravate noire), d’un insigne (coq gaulois sur épée
et bouclier) et qui compte bientôt près de 2 000
hommes^®^. « Véritable troupe de la Révolution natio¬
nale le SOL est officialisé le 12 janvier 1942,
malgré les protestations de F.Valentin, directeur de la
Légion. En mai 1942, Laval remplace ce dernier par
Raymond Lachel, tandis que Darnand établit ses
quartiers à Vichy. Dans la crainte d’être débordé par
les activistes parisiens. Laval autorise la création de la
Milice, la reconnaît « d’utilité publique » et s’en
nomme président. Pétain célèbre l’événement en
rappelant que << les SOL m’ont donné le témoignage de
leur dévouement et de leur dynamisme. Aujourd’hui,
avec la police, ils restent la seule force organisée
susceptible de maintenir l’ordre. S’ils n’existaient pas, la
raison commanderait de les créer pour barrer la route
aux forces occultes et mauvaises qui cherchent à nous

259
anéantir Laval confie à Darnand le secrétariat
général de la Milice à laquelle participent P.Henriot,
P.A. Cousteau, G.Suarez, Marcel Binet et C.Lesca.
Parmi ses cadres, la plupart sont des officiers (Jean de
Vaugelas, Max Knipping, Henri de Bourmont), des
industriels (Jacques de Bernonville) et des professeurs
(F.Bout-de-r An, Noël de Tissot, Maurice Bertheux).
Regroupant les « Français résolus à prendre une part
active au redressement politique, social, économique,
intellectuel et moral de la France la Milice com¬
prend un Etat-major, cinq bureaux, une école de cadres
(l’ancienne école d’Uriage dissoute en janvier 1943),
une organisation de Jeunesse (la Jeunesse de l’Avant-
Garde). Le 2 juin 1943, la création de la Franc-Garde
renforce le caractère para-militaire de la Milice qui
dispose en outre d’une publication. Combats, dirigée
par Henry de Charbonneau. Forte de ses 20 000
miliciens, la Milice est avec la gendarmerie, les groupes
mobiles de réserve(GMR) et les Waffen-SS français, un
des auxiliaires les plus zélés de la Gestapo. Autorisée
en zone nord à partir de janvier 1944 et disposant des
armes de l’armée d’armistice, la Milice se livre à des
exactions contre les maquisards — appliquant à la lettre
les consignes du représentant allemand Karl Obert et
de René Bousquet, secrétaire général de l’Intérieur
chargé du maintien de l’ordre — et à des assassinats :
Maurice Sarraut (2 décembre 1943), l’ancien secrétaire
général de la Ligue des droits de l’homme Victor Basch
(12 janvier 1944), Jean Zay (20 juin 1944) et Georges
Mandel (12 juillet 1944) seront au nombre de ses
victimes.
Darnand développe la Franc-Garde active, compo¬
sée de volontaires fuyant le STO, de condamnés de
droit commun et de fraudeurs. Laval couvre leurs
agissements, et les encourage à lutter contre le

260
« banditisme » en créant le 20 janvier 1944 les cours
martiales : « J’ai accepté de prendre personnellement
devant l’histoire et devant mon pays, cette très lourde
responsabilité de créer des cours martiales. J’ai la
certitude que cette loi sera bien accueillie par le pays qui
reprochait au gouvernement sa faiblesse. Les Français
ne peuvent pas se faire à l’idée de voir sans répression
immédiate les assassinats. Un pays n’est civilisé que
lorsqu’il a une police Formées de miliciens qui sont
à la fois juges et meurtriers, ces cours permettent
d’exécuter de façon expéditive tous les « terroristes »
arrêtés.
En définitive, un an après sa formation, la Milice
s’est infiltrée dans l’appareil politique et policier de
l’Etat : « Avec Darnand le Président a joué à l’apprenti-
sorcier. L’exécutant borné agit en maître »(F.Kupfer-
man)306 Lg 7 janvier 1944, Laval présente son nouveau
gouvernement dont la composition a été décidée en
grande partie par l’occupant. Darnand, lié par serment
à Hitler et Sturmbannführer depuis le 20 octobre 1943,
succède à R.Bousquet au maintien de l’ordre. A ses
côtés figurent Brinon (délégué général du gouverne¬
ment français pour les territoires occupés depuis
décembre 1940), Bonnard (Education nationale). Bri¬
doux (Guerre) et l’animateur de Radio-Vichy, P.Hen-
riot (Information).
Darnand, à qui le décret du 10 janvier, donne
autorité sur toutes les forces assumant la sécurité
publique, place des miliciens à la tête de l’administra¬
tion pénitentiaire et devient, le 10 juin 1944, secrétaire
d’Etat à l’Intérieur. Il ordonne la révocation ou la
déportation des préfets récalcitrants, accorde toutes
facilités aux services allemands pour traquer les
résistants, et mobilise les miliciens contre « les traîtres et
les défaillants ». Sous son impulsion, la prédiction de

261
Déat se réalise : « La France se couvrira, s’il le faut, de
camps de concentration et les pelotons d’exécution
fonctionneront en permanence. L’enfantement d’un
nouveau régime se fait au forceps et dans la douleur
Tout en s’alarmant des « abus de pouvoir » de la
Milice, Laval s’associe de fait à la fascisation de l’Etat
français, sans être pour autant payé de retour par les
collaborationnistes les plus acharnés qui ne se conten¬
tent pas de l’adoption par le gouvernement des
méthodes gestapistes. Bataillant sans relâche pour
conquérir le pouvoir, ils s’entredéchirent tout en
désignant Laval à la vindicte publique. Maintenus à
l’écart de toute fonction dirigeante, ces ultras s’impa¬
tientent et signent le 5 juillet 1944 une « Déclaration
commune sur la situation politique ». Dans ce mani¬
feste, approuvé par plusieurs ministres (Déat, Brinon,
Bichelonne, Bonnard), ils dénoncent l’incapacité de
Laval et la lenteur de la Révolution. Les revers
militaires de l’Axe, en Union Soviétique, en Pologne,
en Roumanie, n’ébranlent pas leur foi en la victoire du
Reich à qui ils demandent d’intervenir pour que le
gouvernement soit installé dans la capitale. Alors que
l’opération « Overlord » est déclenchée depuis le 6
juin, que l’armée allemande bat en retraite en massa¬
crant la population civile et les résistants — notamment
à Mussidan en Dordogne, à Oradour (juin 44) et dans
le Vercors (juillet 44) — que les convois de déportés
s’acheminent à un rythme accéléré vers les camps de
concentration^®®, les activistes parisiens n’ont qu’une
préoccupation : être reconnus par Hitler comme étant
les seuls interlocuteurs dignes de confiance.
Début août. Laval sait qu’il a perdu sur toute la ligne
et que le cours des événements lui échappe. La France
est au bord de la guerre civile, la Résistance prépare
l’insurrection générale et de Gaulle, s’adressant à la

262
population le 7 août, l’encourage à la lutte : « Voici
venue l’heure de la revanche(...) Il n’est pas un Français
qui ne sente que le devoir simple et sacré est de prendre
part immédiatement à ce suprême effort guerrier du
pays Arrivé à Paris le 10 août, Laval envisage de
ressusciter l’Assemblée nationale, mais doit abandon¬
ner ce projet en raison du faible enthousiasme
d’Edouard Herriot et du refus de Jules Jeanneney.
Quant à Pétain, étroitement surveillé par un délégué
diplomatique d’Hitler depuis sa « rébellion » de décem¬
bre 1943, il cherche à prendre contact avec le GPRF, en
envoyant l’amiral Auphan à la rencontre du général de
Gaulle. Dans son message, Pétain proposait une
passation de pouvoir à l’amiable, ce que le chef de la
France libre refusa tout net.
Hitler met fin à ces intrigues et, le 17 août, somme le
gouvernement français de quitter la capitale. Trois
jours plus tard, Pétain est également emmené contre
son gré, et comme Laval, se refuse à exercer ses
fonctions. Darnand, Déat et Brinon n’ont pas attendu
l’invitation de Berlin pour prendre la fuite, de même
que les miliciens et les plumitifs de la collaboration.
Le 25 août, Paris est libéré. Le général de Gaulle
peut répondre à Georges Bidault qui lui demande de
proclamer la République : « La République n’a jamais
cessé d’être. La France libre, la France combattante, le
Comité français de Libération nationale l’ont tour à tour
incarnée. Vichy fut toujours et demeure nul et non
310
avenu.,. » .

La fin des illusions

Assignés à résidence au château de Sigmaringen où le


7 septembre une « Délégation gouvernementale » est

263
N

mise en place, Pétain et Laval laissent libre cours à la


haine qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Le premier se
persuade qu’il a agi au mieux et délivre depuis Belfort
son dernier message : « Je n’ai eu qu’un seul but : vous
protéger du pire. Tout ce qui a été fait par moi, tout ce
que j’ai accepté, consenti, subi, ne l’a été que pour vous
sauvegarder ; car si je ne pouvais plus être votre épée,
j’ai voulu rester votre bouclier Le second, plus
lucide, rédige des mémoires justificatifs, et demandant,
en avril 1945, l’asile au gouvernement suisse, écrit à
Stucki : « Je n’ai jamais songé. Monsieur le Ministre, à
fixer ma résidence à l’étranger. Je ne peux vivre que dans
mon pays. C’est pour lui seul et pour la paix que j’ai
travaillé. Il me tarde de soumettre mes actes à son
jugement que je ne redoute pas, car il comprendra,
quand les passions seront apaisées, mon attitude dans la
période douloureuse qu’il vient de vivre...
Les leaders extrémistes qui les accompagnent dans
l’exil fondent un « Comité de libération française » que
Doriot dirigera jusqu’à sa mort. Les jours du Illème
Reich sont comptés mais cette poignée de conjurés se
livre encore à d’insensées ratiocinations et échafaude
des plans pour l’avenir, sans réaliser que l’empire nazi
se désagrège.
Des journalistes et des écrivains ont également
traversé le Rhin et Radio-Patrie diffuse ses premières
émissions d’« Ici la France » le 26 octobre, avec la
participation de Hérold-Paquis, animateur de Radio-
Paris. Dernière vedette de la propagande radiodiffusée
depuis l’assassinat par des résistants de P.Henriot le 28
juin 1944, Hérold-Paquis persévère dans ses éditoriaux
à fustiger la France libre : « Est-ce que les amis de M.de
Gaulle demanderont des comptes au général Leclerc et à
ses soudards qui assassinent tous les jours en Alsace et
continueront de battre le rappel sur la peau tendue des

264
victimes de l’Oradour-sur-Glane ? Les Allemands, ces
barbares, ces assassins, en quatre ans n’ont brûlé que ce
village Le Petit Parisien reparaît à Constance
(4 novembre) et Jean Luchaire lance La France
(26 octobre), journal des exilés français qui publie le
7 novembre 1944 un « Manifeste des intellectuels
français en Allemagne ». En réponse à la parution de la
liste des écrivains bannis par le CNE^^'^, ces intellectuels
s’élèvent contre les mesures qui frappent les auteurs et
artistes collaborateurs, pour conclure : « Ce sombre
spectacle confirme notre foi dans la nécessité d’une
Europe socialiste où la France puisse trouver enfin
l’épanouissement d’une tradition qui eut, à travers
l’histoire, sans cesse pour objet de conjuguer le respect
de la personne et la puissance de l’Etat. En affirmant
notre volonté d’entreprendre dès maintenantj...) la
construction d’une telle communauté européenne, nous
avons la certitude d’être fidèles au patriotisme vérita¬
ble... » Céline, « l’homme à style », recueille les
confidences désabusées de Laval, prend des notes pour
son prochain roman (D’un château l’autre), tout en
préparant son départ pour le Danemark. Lucien
Rebatet débarque de Baden-Baden, toujours aussi
critique à l’égard des maréchalistes et des lavaliens, et
foncièrement hostile au gaullisme, « méprisable ana¬
chronique bouture du bellicisme de la IIP République
défunte, une loufoquerie militaire »^^^.
Tandis que ce petit groupe s’agite à Sigmaringen, les
survivants de la LVF et de la 7' brigade d’assaut SS
(Frankreich), les francs-gardes de la Milice et les
Waffen-SS français^^^ sont intégrés dans une seule unité
baptisée division SS-Charlemagne — en tout 7 600
hommes qui, le 12 novembre 1944, prêtent serment à
Hitler. Envoyée en Poméranie le 25 février 1945, cette
division est décimée en quelques jours et il ne restera

265
qu’une poignée de volontaires décidés à défendre
Berlin après la mort d’Hitler, le 1^' mai.
A cette date, tous ceux qui avaient misé sur la
victoire allemande et la naissance d’une nouvelle
Europe n’ont plus rien à espérer. Pétain se présente à la
frontière suisse avec son épouse et, après un bref séjour
à Berne, se rend aux autorités françaises le 26 avril.
Laval, après avoir vainement tenté d’entrer en Suisse et
au Liechtenstein, s’envole pour l’Espagne le 2 mai. Dès
son arrivée. Franco ordonne son arrestation et l’interne
dans la citadelle de Monjuich. Expulsé le L'août. Laval
achève son périple en Autriche où il est reçu par les
Américains qui le livrent immédiatement à la France.
Leur retour dans la capitale a été précédé par une
vague d’épuration dont ont été la cible les collabora¬
teurs — réels ou présumés — les miliciens et les
opportunistes qui, de près ou de loin, ont pactisé avec
l’occupant. Dans son discours du 8 août 1943 à
Casablanca, de Gaulle avait averti les tenants de la
collaboration du sort qui leur était réservé : « De ces
hommes, il n’y a qu’un mot à dire : “Trahison”, qu’une
seule chose à faire, “Justice” ! Clemenceau disait : le
pays connaîtra qu’il est défendu. Nous dirons : le pays
un jour connaîtra qu’il est vengé Il précisait alors
que « l’union nationale ne peut se faire et ne peut durer
que si l’Etat sait distinguer les bons serviteurs et punir les
criminels En avril 1944, le général nuançait
quelque peu sa position, prenant soin de distinguer
entre le « châtiment » des collaborateurs et les « sanc¬
tions » contre ceux qui avaient obéi aux ordres^^°. Dans
les faits, l’épuration a donné lieu à des excès, d’autant
que les cours spéciales de justice ne sont opérationnel¬
les qu’à partir de septembre et que les magistrats n’ont
pas les moyens d’empêcher certaines exécutions som¬
maires ou des vengeances personnelles^^^

266
Pétain avait déclaré le 30 octobre 1940 : « C’est moi
seul que l’histoire jugera », mais durant sa retraite en
Allemagne, plusieurs personnalités du monde politique
et littéraire ont été jugées : en octobre 1944, Georges
Suarez (rédacteur en chef d’Aujourd’hui) est condamné
à mort ; en novembre, Stéphane Lauzanne (rédacteur
en chef du Matin) est incarcéré dans l’île de Ré ; le mois
suivant, Paul Chack (fondateur du Comité d’action
anti-bolchevique) et Henri Béraud (Gringoire) sont
condamnés à la peine capitale^^^ ; Maurras et Pujo
comparaissent en janvier 1945 devant la Cour de Justice
du Rhône et encourent respectivement la réclusion à
perpétuité et cinq ans de détention avec dégradation
nationale. Le procès de Brasillach est celui qui suscite
la plus vive émotion. Après sa condamnation à mort le
19 janvier, soixante-trois écrivains signent une pétition
en sa faveur, dont Albert Camus, Jean Cocteau et
François Mauriac. Ce dernier intercède auprès du
général de Gaulle qui, au terme de quelques jours
d’hésitation, refuse de faire grâce. Brasillach est fusillé
le 6 février, après avoir remercié les intellectuels qui
l’ont soutenu, concluant sa lettre par ces mots : « Je
leur affirme à tous que les erreurs que j’ai pu commettre
ne proviennent à aucun degré de l’intention de nuire à
ma patrie et que je n’ai jamais cessé, bien ou mal, de
l’aimer... »^^^. Quant à Drieu La Rochelle (directeur de
la NRF), il refuse cette « comédie insupportable » et
tient à aller jusqu’au bout de son engagement : « Nous
avons joué, fai perdu. Je réclame la mort Sauvé in
extremis lors de sa première tentative de suicide en
août 1944, Drieu met fin à ses jours le 15 mars 1945.
Fin juillet, Pétain comparaît à son tour devant la
Haute Cour, assisté de Isorni, Payen et Lemaire.
Dans une déclaration rédigée depuis sa cellule, le
maréchal présente sa version de l’Histoire, en affir-

267
mant : « J’ai toujours résisté aux Allemands. Donc, je
ne pouvais être que favorable à la Résistance. La
Résistance est le signe de la vitalité d’un peuple .
Condamné à mort pour trahison, sa peine est commuée
par le général de Gaulle en détention à perpétuité.
Transféré au fort de Portalet, puis à l’île d’Yeu, Pétain
y meurt le 23 juillet 1951. Selon J.Isorni, « ainsi fut-il
décidé sciemment de juger et de condamner un inno¬
cent » afin de légitimer « les dénonciations meurtrières
de la radio gaulliste de Londres » et de préparer « les
vengeances et toutes les spoliations morales et matérielles
que se promettait le gaullisme pour son entrée victorieuse
en Métropole
Détenu à Fresnes depuis le 2 août, Laval sent que
« les deux branches d’une tenaille se referment sur
lui et il s’applique désespérément lors du procès Pétain
à prouver son innocence. Mais, depuis son incarcéra¬
tion, la cause est entendue : Laval concentre sur sa
personne toutes les haines et les désirs de revanche.
Condamné à mort le 8 octobre, après une instruction
bâclée et un procès entaché de plusieurs irrégularités,
l’ancien dauphin du maréchal est exécuté le 15 octobre
1945.
A la mort de Laval, ce n’est plus l’épuration qui est à
l’ordre du jour mais la restauration. Vichy appartient
déjà au passé, un passé que les Français cherchent à
oublier par un « refoulement salutaire La guerre
franco-française est peu à peu occultée par la célébra¬
tion des actes de résistance et d’une unité nationale
artificiellement recomposée. Au fil du temps, un voile
descend sur la collaboration et ses crimes, oubli
collectif dont bénéficieront ceux qui ont fui la France à
la Libération ou qui n’ont pas été exécutés, d’où la
réapparition dès la fin des années quarante de « certains
fantômes de Vichy » (H. Rousso)^^®.

268
Conclusion

Arrivé au terme de cette présentation de l’extrême-


droite, de ses premiers pas aux années noires de
l’occupation, il reste à se demander si la collaboration
doit être considérée comme l’aboutissement inéluctable
de l’évolution doctrinale opérée par les ligues durant
l’entre-deux guerres.
Mais avant d’aborder cette question, une précision
s’impose : l’extrême-droite ne fut pas la seule tendance
politique représentée à Vichy et certains collaboration-
nistes parisiens se situaient, jusqu’à la défaite, aux
antipodes de tout courant fascisant. En 1939, des
communistes ont rompu avec le PCF pour adhérer
quelques mois plus tard, à l’exemple de Marcel
Guitton^^\ au PPF de Doriot. D’autres forment le Parti
ouvrier et paysan (J.M. Clamamus, Marcel Capron,
Marcel Brout...) ou collaborent à L’Œuvre (René
Gérin, Jules Rivet) et à La France au travail (Elie
Richard, P.Benedix). Paul Rives, directeur de L’Ef¬
fort, et Charles Spinasse sont d’anciens socialistes, de
même que Francis Delaisi, Ludovic Zoretti, Felicien
Challaye et Léon Emery^^^. Des cégétistes rallient
également le camp pro-allemand, notamment Marcel
Lapierre, Marcel Roy, Georges Dumoulin...
A l’inverse, tous les ligueurs d’extrême-droite n’ont
pas été favorables à la collaboration, pour ne citer que
Valois, arrêté en 1941 pour faits de résistance et
déporté à Bergen-Belsen où il meurt en 1945. L’itiné¬
raire de La Rocque est plus équivoque ; partisan du
régime de Vichy et membre du Conseil national, La
Rocque transforme en 1940 le Parti social français en
Progrès social français, organisation interdite en zone
nord qui reprend l’essentiel du programme Croix de

269
feu. Pétainiste et anti-allemand, La Rocque fait
paraître dans Le Petit Journal des articles hostiles au
général de Gaulle, « coupable de désertion(...) instru¬
ment de rétranger » qui « trahit les intérêts sacrés de son
pays » Tout en stigmatisant les chefs de la France
libre et les Anglo-Américains, il semble que la Rocque
ait pris contact dès 1941 avec la Résistance et que par le
réseau Klan, il transmettait des renseignements au
Service de ITntelligence Militaire britannique. Arrêté
en février 1943 et déporté en Bohême puis au Tyrol, La
Rocque est libéré par les Alliés et interné en mai 1945
par les autorités françaises. Gravement malade, il est
assigné à résidence à Croissy où il meurt le 28 avril
1946^3^.
Du reste, la collaboration est un phénomène com¬
plexe que l’on ne saurait expliquer par le simple recours
au concept de fatalité, même si l’extrême-droite était
indiscutablement la plus contaminée par l’idéologie
nazie. Comme le souligne Pascal Ory : « Tous les
fascistes de 1940 ne jouèrent pas la carte allemande, mais
tous les collaborationnistes de 1944 étaient devenus
fascistes En conséquence, il serait souhaitable
d’examiner plus en détail les motivations de ceux qui
furent happés sans retour par ce mécanisme de
fascisation.
Les germanophiles étaient acquis depuis longtemps à
l’idée d’une entente franco-allemande et l’on ne
s’étonne guère de les retrouver rue de Lille ou au siège
de la Propaganda. Jean Luchaire, Paul Ferdonnet —
auteur en 1934 de Face à Hitler et fondateur avec Pierre
Mouton et Lucien Pemjean de l’agence d’informations
Prima — Fernand de Brinon et l’équipe des Cahiers
franco-allemands seront des auxiliaires d’autant plus
efficaces qu’ils ont déjà une longue expérience de la
collaboration. Les professionnels de l’antisémitisme et

270
les phobiques du complot judéo-maçonnique n’auront
pas non plus à se faire violence pour approuver les
obsessions hitlériennes et Jean Boissel, Jacques Ditte,
Louis Darquier de Pellepoix contribueront, chacun à
leur manière, à la traque des Juifs en France.
La conversion au national-socialisme des jeunes
intellectuels d’obédience maurrassienne sera plus gra¬
duelle. Il n’est que de rappeler la germanophobie
constante du vieux maître de Martigues, lâché par ses
« disciples » de Je Suis Partout. Ceux-ci, mettant à
profit leurs excursions outre-Rhin, se laisseront entraî¬
ner inexorablement de ce qui pouvait être une attirance
quelque peu empreinte de méfiance vers une fascina¬
tion totale. Autant par aversion pour la démocratie
parlementaire que par hostilité au communisme, Drieu,
Brasillach, Rebatet^^® sont portés à faire une descrip¬
tion extatique des réalisations du fascisme qu’ils
conçoivent avant tout comme une force irrépressible de
renouveau. La victoire allemande doit être, pour ces
visionnaires, le prélude à la naissance d’un nouveau
type humain qui associerait le culte du corps à l’amour
de la nature et la grâce de la jeunesse à l’héroïsme
guerrier. Cette perception romantique amène ces
écrivains aux déviations que l’on connaît, cheminement
aberrant dont la conclusion tragique aboutit à l’opposé
des espérances. Pascal Ory traduit bien cet aveugle¬
ment d’intellectuels qui se dévoient quand il écrit :
« Leur faillite intellectuelle était de miser sur l’idéologie
la plus étrangère à la reconnaissance d’une spécificité
nationale autre que la sienne propre
N’entre pas dans cette catégorie de romantiques
malencontreux un homme comme Déat qui, certes
doctrinaire, attaché à l’idée d’encadrement totalitaire
de la nation, n’en sera pas moins un politicien actif et
un chef de parti. Venu au fascisme par le socialisme, il

271
ne retient du premier qu’une vision fragmentaire et
partiale qu’il met en adéquation avec son désir de
solidarité des classes et de rassemblement des énergies
nationales.
Autre figure du collaborationnisme, Doriot ne voit
dans le fascisme que le moyen unique d’anéantir le
communisme. Avec autant d’ardeur qu’il en avait mis
dans son engagement au PCF, il se mettra au service de
l’Allemagne, combattant sur le front de l’Est —
persuadé que c’était là désormais le seul choix possible.
Un goût prononcé pour l’action violente le rapproche
de tous ceux qui, motivés ou non par une idéologie
quand ils n’étaient pas simplement animés du désir d’en
découdre — ramassis inclassable de déclassés — se
laissèrent tenter jusqu’à l’engagement physique par
l’embrigadement national-socialiste. S’ajoutent à ceux-
là les « sans-grade » de la collaboration, impliqués dans
celle-ci au gré de leurs petits intérêts, les folliculaires
opportunistes et les attentistes médiocres, sans parler
des cas qui relèvent assurément de la psychiatrie, tel
P.Costantini qui finira ses jours dans un asile.

De ce tour d’horizon de la collaboration, il ressort


que toutes les tendances coexistent et que le processus
de fascisation devait emprunter des voies diverses sinon
contradictoires. Faut-il en conclure pour autant que,
partant de situations différentes, ces convaincus à la
« vérité » fasciste portaient chacun un gène identique,
cause de la même inévitable perversion ? Des symp¬
tômes existaient : nationalisme exacerbé et inquiet,
ambiguïté d’un pacifisme, de droite comme de gauche,
qui s’accommodera de la victoire du IIP Reich et
certitude de certains que la France a besoin de modèles
qui lui viendraient d’Allemagne ou d’Italie pour un
redressement de sa conscience nationale.

272
Tout ceci procède de la période d’incubation d’un
mal qui se révèle dans toute sa force sous le coup de la
défaite. La collaboration n’est donc pas un phénomène
spontané : il faudra toute la puissance du séisme
provoqué par la victoire allemande pour que la
tentation fasciste prenne son essor et devienne endé¬
mique.
L’issue de la guerre condamnera certains collabora¬
teurs ; les survivants ou rescapés s’enfermeront dans un
désenchantement qui sera celui de Maurras quelques
jours avant sa mort : « Je suis las de raisonner
D’autres vivront dans l’attente d’une résurrection
possible.

273
N

DE LA RECONSTRUCTION
À LA RÉGRESSION
(1945-1968)

En 1945, il semble que pour des raisons — bonnes ou


mauvaises — tant les partis politiques que l’opinion
publique n’ont qu’une hâte : tourner la page.
Cela s’explique quand, d’un côté, on retient que
toutes les tendances étaient présentes à Vichy (du PCF,
« le parti des fusillés », à la droite libérale) et que, de
l’autre, l’enjeu s’avérait d’importance pour ce qui
devait toucher l’avenir politique de la France après la
défaite nazie.
Sans pouvoir dire que les derniers procès d’épuration
sont relégués au second plan, d’autres préoccupations
ont pris le pas comme le rationnement, la remise en
marche de l’économie, les rapports franco-allemands
ou les tensions inter-alliées.
On serait tenté de dire que la seule raison noble qui
préside à cette volonté d’amnésie est donnée par le
désir d’éviter le retour aux querelles partisanes de la
troisième République, au nom d’une fraternité patrioti¬
que symbolisée par les « Instructions pour la libération

274
du territoire du 15 mars 1944 » (programme du CNR)
par lesquelles la Résistance s’engageait à rester unie.
Malheureusement, cet idéal s’effrite avec la réappari¬
tion progressive du jeu politicien qui se restructure
selon les règles anciennes. De Gaulle quitte la scène
politique le 20 janvier 1946 et il ne faudra pas plus de
deux années pour que vole en éclats le fragile consensus
anti-fasciste : « La guerre froide naissante prend le
relais de la guerre franco-française, alors que la France
tente au même moment de liquider les séquelles de celle-
ci » (H. Rousso)^.
Le communisme devient désormais l’ennemi numéro
un et la situation autorise que soient exorcisés les vieux
démons du passé. Ne voit-on pas en mars 1948 un
« banquet des mille » dont le thème est la réconciliation
des vichystes et des anti-vichystes, tandis qu’au trente-
quatrième congrès de l’Alliance démocratique de
février 1948, P.E. Flandin déclare : « Jamais nous
n’accepterons cette indignité nationale qui déshonore
ceux qui l’ont inventée et non ceux qui la subissent...
Quel grand patriote saura faire oublier aux triomphants
leur superbe et aux souffrants leur douleur ?
Ces « souffrants » vont hâter leur convalescence
grâce aux lois d’amnistie promulguées dès le 16 avril
1946 et le 16 août 1947, deux lois qui ne concernent que
les délits mineurs (marché noir), suivies de la loi du 5
janvier 1951 permettant la libération des auteurs de
faits ayant entraîné la dégradation nationale et une
peine inférieure à 15 ans de réclusion. Le 24 juillet
1953, une amnistie générale est prononcée et sur les
1 570 personnes emprisonnées en 1952, 62 seulement
seront encore détenues en 1956^. Quelques grands
noms de la presse collaborationniste réapparaissent :
Henri Béraud (libéré en 1950), Lucien Rebatet qui sous
le pseudonyme de François Vinneuil reprend la plume.

275
N

Camille Fégy que l’on retrouve à l’UDCA de Poujade


ou le caricaturiste Ralph Soupault qui entre à Rivarol...
« Pétain, Montoire, Vichy, autant de mots qui sont
barrés de la conscience française ; mais l’Image de
l’Ancêtre continue de mener dans les profondeurs de la
psyché nationale son existence souterraine, prête à
ressurgir à un nouveau tournant de l’histoire » (J.
Plumyène — R. Lassiera)"*.
Le rétablissement de l’extrême-droite s’effectuera
sur une décennie. D’abord dans la clandestinité, puis au
gré des crises de décolonisation et des mutations
économiques mal ressenties par les classes moyennes
traditionnelles. C’est dans le drame algérien que
l’extrême-droite trouvera le ferment de son plein
épanouissement, théâtre tragique où elle puisera un
second souffle qui lui fera croire un instant que le
premier rôle peut lui être à nouveau dévolu, alors que
le rideau tombera sur ce qui, pour certains, tournera à
la méchante farce.

Les réprouvés

Ils forment le gros des nostalgiques du passé. Dès


l’automne 1944, on trouve des politiciens et des
journalistes restés fidèles au régime de Vichy qui,
n’acceptant pas le verdict de l’histoire, condamnent
l’épuration et se préoccupent de justifier tant la
collaboration d’Etat que leur propre engagement.
Certains vont défendre les thèmes de la Révolution
nationale, d’autres s’attachent à la survie du fascisme,
tandis que les héritiers des ligues ou des ligueurs, par

276
piété filiale ou par conviction idéologique, perpétuent
la tradition.
La thématique classique et tant de fois rebattue
(anticommunisme, antiparlementarisme, antisémi¬
tisme...) s’enrichit d’un nouveau cheval de bataille :
l’opposition au « résistantialisme », assimilé au gaul¬
lisme et au communisme.

La disgrâce

C’est sous la forme de bulletins confidentiels que


s’entretient tout d’abord le courant néo-vichyste,
puisque les circonstances défendent la constitution de
partis d’extrême-droite.
Un des premiers périodiques d’opposition nationale
de l’après-guerre est Questions Actuelles^, publié par le
Centre d’études des questions actuelles et dirigé par
René Malliavin, ancien conseiller juridique de l’agence
Inter-France. Le 1" janvier 1947, ce bulletin devient
Ecrits de Paris qui compte parmi ses rédacteurs Pierre
Taittinger, E. Beau de Loménie, Jean-Louis Lagor
(Jean Madiran), Xavier Vallat, Benoist-Méchin, Fran¬
çois Daudet (fils de Léon Daudet) et Jacques Isorni.
Grâce à d’importants moyens financiers. Ecrits de Paris
paraît pendant plusieurs années, avec un tirage proche
des 30 000 exemplaires^, succès que ne connaîtront pas
divers journaux lancés à la même époque^.
Les thèmes abordés par le mensuel de Malliavin —
éloge de Pétain, dénonciation des « crimes de l’épura¬
tion », opposition totale à la Quatrième République et
anticommunisme virulent — sont repris par l’organe du
Parti républicain de la liberté (PRL), Paroles Fran¬
çaises, dont le premier numéro date du 17 novembre
1947. Fondé par André Mutter, membre du Conseil

277
national de la Résistance durant l’occupation, Paroles
Françaises se présente comme « l’hebdomadaire de la
Rénovation nationale » et réclame l’amnistie pour les
épurés et les prisonniers politiques. Appelant à la lutte
contre les « syndics de la faillite, les cadres vermoulus
du régime des partis, les haineux de la IV' Républi¬
que »®, Paroles Françaises milite pour la création d’une
« opposition de choc » qui puisse « dépasser des
positions anciennes pour en conquérir de nouvelles, faire
appel à de nouveaux combattants »^... En novembre
1951, Paroles Françaises fusionne avec Réalisme, autre
publication maréchaliste animée par Christian Wolf, et
par des pétainistes notoires tels P.E. Flandin, Paul
Faure, Benoist-Méchin... regroupés au sein de l’Union
réaliste. Sous un nouveau titre, France Réelle^^, ces
irréductibles sectateurs de Vichy poursuivent leur
campagne de dénigrement des institutions républi¬
caines et rêvent d’un gouvernement autoritaire qui
sortirait « les Français de la misère, de la division et de la
honte .
La réhabilitation des collaborationnistes et l’unité de
tous les adversaires de la démocratie sont également au
programme de l’Union des Intellectuels indépendants,
créée à la Libération par Charles de Jonquières,
fondateur des éditions Les Actes des Apôtres. Autour
de l’Union que Jacques Isorni préside à partir de 1959,
gravitent le Comité pour la grande amnistie, le groupe
Vigilance française et le Comité de défense de la
France, ce dernier organisme étant spécialisé dans les
questions coloniales. Lieu de convivialité néo-vichyste
plus que mouvement politique, l’Union se manifeste
par des réunions et des conférences auxquelles assistent
tous les clubistes d’extrême-droite : Henri Massis,
Horace de Carbuccia, Henry Coston, Jean-Louis Tixier
Vignancour, Jérôme Carcopino, J.B. Biaggi, Jean-

278
Marie Le Pen, Maurice Bardèche, Pierre Poujade et
bon nombre d’autres.
Quant au Comité d’honneur pour la libération de
Pétain, transformé à la mort de ce dernier en
Association pour défendre la mémoire du maréchal
Pétain (ADMP), il réunit les plus fidèles missionnaires
de la Révolution nationale dont le but est d’obtenir le
transfert des cendres du défunt à Douaumont et la
révision du procès. A cet effet, l’ADMP diffuse un
mensuel intitulé Le Maréchal, fait célébrer des messes
commémoratives et distribue des médailles aux pèlerins
de l’île d’Yeu.
Ces deux formations participent à la création de
l’Union des nationaux indépendants et républicains
(UNIR) qui, aux législatives de juin 1951, obtient près
de 280 000 voix et fait élire trois candidats : Jacques
Isorni, Roger de Suivre et Paul Estèbe. Cette formation
politique est soutenue par le journal Unir de Michel
Petitjean et par l’hebdomadaire de Roger de Suivre,
Contre, dont les ambitions prophylactiques sont de
« lutter CONTRE le microbe, contre la fièvre, contre la
mort qui rôde
En dépit du relatif succès électoral d’UNIR, ces
initiatives restent sans lendemain et Jacques Isorni ne
tarde pas à passer au CNI. Il ne faudrait pas en conclure
pour autant à une disparition du néo-vichysme qui
survit, dans les années cinquante et soixante, par le
biais de formations et de revues. Parmi ces dernières, la
plus importante est Rivarof^ que René Malliavin
lancera en janvier 1951, avec la participation de Julien
Guernec (François Brigneau), et de Maurice Gaït
(ancien commissaire général à la Jeunesse de Vichy).
Rivarol devra sa réputation à son ton d’ironie acerbe et
au prestige des signatures de P.A. Cousteau, Lucien
Rebatet, Antoine Blondin...

279
\

Les héritiers

Parallèlement coexiste une autre sorte d’héritiers,


ceux qui vont s’employer à regrouper les restes épars
des mouvements disparus, afin que se reconstituent non
pas les ligues — le terme n’est plus de mise — mais de
nouveaux partis porteurs de la pensée des anciens
ligueurs.
C’est ainsi que le PSF survit quelques années après la
guerre. Malgré l’interdiction des pouvoirs publics, les
fidèles de La Rocque créent, en août 1945, le Parti
républicain et social de la réconciliation française que
préside André Portier avec Joseph Levet, André
Voisin, Gilles de La Rocque et Jean Ybarnégaray.
Hostile aux « idéologies inspirées de conceptions totali¬
taires et matérialistes » et aux « oligarchies finan¬
cières le Parti de la réconciliation française inscrit à
son programme « la rénovation des institutions républi¬
caines », « une participation accrue des éléments popu¬
laires » et « une évolution conforme aux principes des
droits de l’homme et du citoyen dans le respect des
principes traditionnels de la civilisation chrétienne
comme dans une stricte indépendance vis à vis de toutes
les confessions Candidat aux élections de juin 1951
où il obtient quelques sièges, le Parti de la réconcilia¬
tion française se dote par ailleurs d’un bulletin intitulé
Notes d’actualité politique. C’est en novembre 1959
qu’il tient son dernier congrès, ses quelques militants se
dispersant peu après dans d’autres formations, en
particulier le CNI.

Ayant ancré le plus profondément ses racines dans


toute la pensée de droite, l’Action française ne pouvait
que survivre aux turbulences de l’histoire. Formés dans
le creuset de l’avant-guerre, certains comme Pierre

280
Gaxotte ou Thierry Maulnier contribuent à maintenir
une « forme diffuse, nuancée, atténuée, dégradée par¬
fois, mais toujours vivante, de pensée maurrassienne »
(Raoul Girardet)^^. Influence sensible également chez
les rédacteurs de Rivarol et des Ecrits de Paris, tout
autant que chez de jeunes intellectuels (Jacques
Laurent, Michel Déon, A. Blondin, Roger Nimier).
Mais la vraie reprise du flambeau sera effectuée par
des hommes comme Maurice Pujo et Georges Calzant,
directeurs successifs de la revue Aspects de la France,
publiée à partir du 10 juin 1947^^. C’est là que
s’entretient la véritable orthodoxie — pérennité du
vocabulaire, reprise du « nationalisme intégral » et de
« la France seule » — sous la plume de Georges Gaudy,
de Firmin Bacconnier, de Robert Havard de la
Montagne, auxquels se joignent Xavier Vallat et Pierre
Boutang. Autour de la revue, dont le tirage s’élève à
près de 20 000 exemplaires, se développe un mouve¬
ment politique à l’image de la ligue d’Action française,
la Restauration nationale, dont le secrétaire général
sera Pierre Juhel^®.
Cette fidélité doctrinale quasi excessive ressemble
vite à une forme de passéisme qui ne convainc plus
Pierre Boutang. Celui-ci quitte Aspects de la France en
novembre 1954 pour fonder, avec Michel Vivier, le 12
octobre 1955, Fa Nation Française, porte-parole d’une
« monarchie moderne dessinée par l’expérience, sévère à
toute vieillerie Les signatures viennent d’horizons
divers : ce sont celles de Pierre Ariès, de F. Léger, de
G. Marcel, de G. Thibon, de Emmanuel Beau de
Loménie, de Roger Nimier, qui côtoient celles de Louis
Pauwels, de Jean-Marie Le Pen, d’André Ligueras, de
Louis Salleron, de Paul Sérant... On trouve là un
mélange de dogme maurrassien et de préoccupations
philosophiques nouvelles, << tentative de néo-nationa-

281
lisme » (Raoul Girardet)^® dont les Cercles de la Nation
française se font l’écho.

En revanche, l’esprit de modernité est fort éloigné


des considérations de Jean Ousset qui fonde le 26 juillet
1946 la Cité catholique dont le président sera le comte
Amédée d’Andigné, camérier secret de Pie XII. De
même inspiration que la Sapinière, la Cité diffuse dans
ses « cellules d’études et d’action » un national-catholi-
cisme, conjonction étroite entre « un nationalisme le
plus sourcilleux et la version contre-révolutionnaire de la
droite » (René Rémond)^^. Œuvrant pour la formation
d’une élite contre-révolutionnaire, la Cité s’organise
selon une structure complexe, véritable toile d’arai¬
gnée, avec des réseaux, des secrétariats, des bureaux
annexes... — et se dote d’un organe. Verbe, dont le
tirage sera de 7 000 à 8 000 exemplaires^^. Au nom du
« droit naturel et chrétien », Jean Ousset présente dans
ses ouvrages — Une Doctrine catholique de l’action
politique et sociale et Pour qu’il vive — une version à
peine renouvelée de l’intégrisme d’avant-guerre et
entend modeler la société en fonction de principes
sectaires et rétrogrades.

Pour ceux qui s’interrogeraient sur la survivance ou


la disparition du fascisme, la réponse est donnée quand
paraissent dès 1946 deux bulletins : Le Drapeau Noir,
« organe des anciens combattants de l’Europe » re¬
groupés dans le Front noir ; le Combattant Européen
(ancien organe de la LVF) qui véhicule l’idée de
« l’unité de la lutte contre le capitalisme international
servi par le Juif et le stalinien internationaux », de
« l’épuration de la race française » et de «- la construc¬
tion du Parti de la révolution socialiste nationale »^^.
Collabore au Combattant Européen, René Binet,

282
« infatigable néo-fasciste » (J. Algazy)^"* dont l’influence
sera prépondérante. Né en 1914, René Binet milite de
1930 à 1934 dans les rangs des Jeunesses communistes
du Havre, puis s’engage durant la guerre dans la
division SS-Charlemagne. Trois ouvrages publiés sous
sa signature — Théorie du racisme, Contribution à une
éthique raciste, Socialisme national contre marxisme —
explicitent sa conception de « l’inégalité des races
humaines » et du « social racisme ».
Au nom d’un « sentiment intérieur de supériorité, une
foi dans la puissance du sang Binet se fait le chantre
de la défense de la race afin « de ramener au jour les
vestiges d’une ancienne noblesse raciale Puisque « la
race détermine l’être mais l’être consciemment, crée la
race >P, il convient selon Binet d’éliminer « l’esprit
d’anarchie communisante du sémite Dès lors, « un
ordre mondial conséquent, une hiérarchie des races
s’établira par la force des choses comme une hiérarchie
sociale se sera établie au sein de chaque race « Nous
savons », poursuit Binet, que grâce à ce retour à « une
santé raciale », « les nomades sémites retourneront peu à
peu à leur nomadisme et que les Mongols retourneront à
leur yourte. Nous n’avons rien à craindre de cette
délimitation nette des domaines de chaque race. Elle sera
au contraire le moyen de manifester plus nettement que
jamais la supériorité de l’Occident »^°. Binet tire de ce
credo du « génie de la race blanche »^^ une éthique
fondée sur « l’esprit des races européennes, esprit
d’ordre, de hiérarchie, d’unité »^^ qui s’oppose à « la
parodie immonde qui, sous prétexte d’amour de l’huma¬
nité, annihile l’homme le meilleur et le prive de tout ce
qui ferait sa force et sa valeur »^^. Binet parle même
d’une « religion de la race »^^ qu’il qualifie de « reprise
de conscience d’un sentiment que des siècles de soumis¬
sion au dogme de religions négatives, de corruption

283
faussement égalitaire, d’humanitarisme vide, avaient
étouffé et parfois presque détruit
Toute cette argumentation sert d’étayage à la
construction d’une pseudo-doctrine politique : « le
socialisme raciste », « revendication de la prédominance
absolue du facteur racial dans toutes les manifestations
de la vie des hommes et des peuples »^^. Faut-il préciser
que, pour Binet, « la pensée socialiste doit être dégagée
de sa gangue sémitique, mongoloïde ou négroïde ?
La guerre ayant permis « un brassage énorme dans les
peuples européens » et l’établissement de « rapports
nouveaux de race à race Binet pense que les racistes
de toute nationalité doivent s’unir en une Internatio¬
nale. Il participe aux travaux de la conférence de
Malmô (mai 1951) qui fonde le Mouvement social
européen (MSE). Binet brosse le portrait du militant
idéal, « individu plus fort et plus complet, plus sain, qui
fera éclater les limites de la société étriquée et « prêt à
s’opposer par tous les moyens aux facteurs de corruption
et de dégénérescence Guidé dans son action par
« les impératifs actuels d’une lutte pour le Sol et le Sang,
pour la race ce militant est au service d’un « Parti
de la race qui « devra réunir autour de lui les
organisations sociales d’entr’aide, syndicales et de
jeunesse (...), créer les cadres nécessaires à ces diffé¬
rentes organisations et veiller à ce que des cours de
formation, de véritables séminaires, donnent à tous les
adhérents, les moyens de se guider dans leur combat
Pour que se réalisent un jour ses rêves totalitaires,
Binet conclut par une prière ;

« Esprit de notre Race ! et Esprit de notre


Sang ! Sois en nous-mêmes et en notre peuple !
Pénètre nos esprits et nos cœurs ! Anime nos
pensées et nos actes en ce jour et dans les jours à

284
venir ! Car c’est toi, Esprit de notre Race et
Esprit de notre Sang, qui as fait la grandeur et
la puissance de notre Peuple. C’est toi qui as
fait naître en lui les Combattants et les Conqué¬
rants. Fais de nous aussi. Esprit de notre Race
et de notre Sang ! des Combattants fidèles et des
Conquérants du Monde nouveau. Toi qui as
fait la Culture et le Rayonnement de l’Occident,
donne-nous la force de lutter et de vaincre !
Fais de nous les champions du Sol et du Sang,
du Parti et de la Liberté !

Jusqu’à sa mort en 1957, les activités de Binet


témoignent de son inlassable volonté de mettre en
pratique de telles convictions : 1946, Parti républicain
d’union populaire (PRUP) qui fusionne en 1947 avec
les Forces françaises révolutionnaires et le Rassemble¬
ment travailliste français— 1948, Mouvement socialiste
d’unité française (MSUF) dont l’insigne est la roue
solaire et l’organe L’Unité — 1948, La Sentinelle,
journal où collaborent G. Amaudruz, Pierre Morel
(secrétaire de l’Union des Intellectuels indépendants)
et Maurice Achart — 1950, Le Nouveau Prométhée
dont le mot d’ordre est « Pour la défense de la culture »,
du moins celle représentée par Céline, Brasillach,
Bardèche ou Paul Rassinier. En 1952, Binet participe
au Mouvement national progressiste (groupe Nation et
Progrès) de Charles de Jonquières au sein duquel nous
trouvons des « nationaux progressistes », adeptes eux
aussi d’un Etat fort, rattaché au « sol, au sang, aux
traditions »‘^^

Dans la même mouvance que Binet, nous placerons


Charles Gastaut, dit Charles Luca (neveu de l’épouse
de Déat) pour qui « le siècle que nous vivons sera celui
du Fascisme C’est Luca encore qui écrit : « la tâche

285
profonde d’un socialisme européen, c’est de forger un
TYPE d’homme nouveau libéré de la tyrannie de l’or
comme de la psychose marxiste (...) Cet homme doit
s’appuyer sur les forces communautaires du Sang et du
Sol. Il doit être assaini par une politique biologique et
culturelle, ce qui lui permettra, à lui, homme blanc, de
reprendre sa mission civilisatrice et impériale
Sur cette dernière notion de « mission impériale »,
Luca s’étend longuement et, à travers sa défense de
rAlgérie française, table sur « la réalisation d’une
dictature blanche sur un grand espace eurafricain (...)
Eurafrique nationale et impériale, fédérative et raciste,
surgissant entre les deux colosses américain et soviétique,
à la place de la IIP force de Bandoeng, comme facteur
civilisateur face à la barbarie montante des bas-fonds de
l’humanité
En 1947, Luca est l’instigateur d’une formation de
préparation militaire, « les Commandos de Saint-
Exupéry », animés de « l’esprit combattant de la pureté,
de la primauté de l’idéal, du service de l’ordre et de la
discipline, de la fidélité jusqu’aux sacrifices de chaque
jour et jusqu’au sacrifice suprême Dissous en
novembre 1949, ces commandos sont reconstitués sous
le nom de Mouvement national Citadelle^” dont la
publication Fidélité est rédigée par Luca, Raymond
Foucher (ancien Franciste) et Victor Lardineaux.
L’objectif de Citadelle est « de promouvoir l’école du
Racisme, par le moyen de la lutte des classes, un peuple
nouveau de générations révolutionnaires (...), rassem¬
bler pour cette lutte une élite révolutionnaire dont le seul
critère sera la valeur biologique. Pas de dégénérés, pas
de compromissions avec l’ennemi de la Race
En 1951, Luca retrouve Binet à Malmô puis lance en
1953 le Parti socialiste français qui axe son discours sur
« la primauté du travail », sur « une société sans classe

286
mais hiérarchisée » et sur « l’élaboration d’un front
national populaire ». En 1955, le PSF devient la
Phalange, puis en 1958 le Mouvement populaire
français. C’est à l’été 1960 que le MPF sera interdit. De
retour en France après un séjour à l’étranger de
quelques années, Luca ne parviendra jamais à regagner
une quelconque audience.

Les nouveaux horizons

C’est parce que l’époque est porteuse d’événements


conflictuels que les années cinquante vont être propices
à l’émergence d’individualités d’extrême-droite qui,
faisant jouer en leur faveur les difficultés du moment,
sauront se faire entendre.
A la rupture du tripartisme succède la faillite de la
troisième force, faillite significative du grippage du
système : instabilité ministérielle, incapacité des gou¬
vernants, échec du parlementarisme rationalisé enté¬
riné par la révision de la constitution.
Dans le même temps, alors que l’on assiste à une
expansion économique doublée d’une modernisation
du tissu industriel, on voit se développer un méconten¬
tement chez ceux qui jugent mal répartie cette
croissance. « La société française est saisie par cette
combinaison d’injustice ancienne et de demandes nou¬
velles qui entretiennent la grogne » (Jean-Pierre
Rioux)^^.
Mais ce qui sera le véritable bouleversement de cette
décennie viendra d’outre-mer. La défaite indochinoise,
mal digérée par une partie de l’opinion et de l’armée,
rend plus sensible encore le problème de la Tunisie et

287
du Maroc, et c’est dans un ciel déjà si peu serein
qu’éclate le 1" novembre 1954 l’orage algérien.
Dien Bien Phu, Suez, Alger, autant de mots d’ordre
autour desquels s’opère la jonction entre les anciens et
les nouveaux militants d’extrême-droite.

Les relèves

Militant exemplaire de la vieille génération, Jean-


Louis Tixier Vignancour sent bien que l’heure de la
bataille a sonné, lui qui a été déjà de toutes les
aventures. Rappelons que, né en 1907, il a fait de brefs
passages à l’Action française, aux Jeunesses Patriotes et
au PPF de Doriot. En 1940, il se rallie à Pétain et
devient l’un des responsables de la propagande du
gouvernement de Vichy. Privé à la Libération du droit
d’exercer son métier d’avocat et frappé d’inéligibilité
pour plusieurs années, Tixier Vignancour crée le
Rassemblement national (RN) qu’il veut « lieu de
rencontre de tous les Français animés d’une volonté
d’action ». Dans un manifeste publié le 31 mars 1954, il
fait état des principaux points de son programme parmi
lesquels on relève la « lutte contre le système pourri,
incapable de remédier à la décadence intérieure comme
de défendre le pays à l’extérieur »^^. A ces arguments se
joignent la défense de l’Empire et la construction de
« l’Europe des patries qui ne soit pas un mélange
cosmopolite privé d’âme et de traditions L’ambition
de Tixier Vignancour est alors de fédérer autour de ces
quelques thèmes forts les diverses composantes de
l’extrême-droite. C’est ainsi qu’aux meetings du RN se
trouvent notamment à ses côtés Jean Ebstein (de
Paroles Françaises), Paul Estèbe, P. Taittinger, Hubert
Saint Julien, Michel Trécourt (ancien directeur de

288
France Réelle), J. Ybarnégaray et J.M. Demarquet.
Mais l’espoir soulevé par l’élection de six candidats en
janvier 1956 sera de courte durée quand, dès 1958, la
concurrence de l’UDCA et de Jeune Nation contraint à
la dissolution de ce parti.
Tixier Vignancour n’en quitte pas pour autant la
scène politique et pose sa candidature aux présidentiel¬
les de 1965^^. Il lance sa campagne — que dirige Jean-
Marie Le Pen — par un meeting à la Mutualité, tandis
que des « Comités Tixier » s’organisent dans toute la
France. On verra même une « caravane TV » sillonner
les plages... Mais tout ce déploiement ne sera pas à la
hauteur du résultat : 5,27 % des suffrages au lieu des
15 % escomptés. Au second tour, Tixier Vignancour se
désiste en faveur de François Mitterrand, puis fonde
une éphémère Alliance républicaine pour les libertés et
le progrès (ARLP)^^.
Un ancien gaulliste, l’avocat Biaggi, s’empare lui
aussi des mêmes thèmes pour fonder après les émeutes
du 6 février 1956 à Alger un groupe de « Volontaires
pour l’Union française ». Tentative rapidement avortée
puisque le Parti patriote révolutionnaire (PPR) qui
succède à ce groupe disparaît en 1958.

En revanche, le mouvement Jeune Nation créé par


Jacques et Pierre Sidos, le 23 mars 1950, sera promis à
une plus longue carrière. Fils d’un inspecteur général
adjoint des Forces de maintien de l’ordre du gouverne¬
ment de Vichy fusillé à la Libération, les frères Sidos
entendent « rendre à la France sa place de grande nation
pour l’instauration de l’Etat populaire et l’accomplisse¬
ment d’une seconde révolution française, selon les
principes d’autorité, de responsabilité et de hiérarchie
— la première révolution étant bien entendu celle de
1940.

289
s

Ce n’est pas tant par son programme que Jeune


Nation se distingue des autres groupements activistes
qui pullulent durant cette période. La dénonciation de
« la démagogie parlementaire », de «■ l’invasion des
parasites métèques » ou l’idéal d’un Etat fort dirigé par
« une hiérarchie de responsables désignés en fonction de
leurs capacités et non élus » appartiennent au registre
classique. L’originalité de Jeune Nation tient plutôt à la
violence dont font preuve ses militants qui ne se
contentent pas de peindre des croix celtiques sur les
murs de Paris et d’Alger ou de diffuser le bulletin,
Peuple de France et d’Outre-mer. Lors d’une manifesta¬
tion à l’Etoile en avril 1954, ils molestent Joseph Laniel
(président du Conseil) et René Pleven (ministre de la
Défense). Quelques mois plus tard, un commando met
le feu à une camionnette chargée d’exemplaires de
L’Humanité-Dimanche, le PCF étant la cible privilégiée
de Jeune Nation.
A partir de 1954, Jeune Nation est à la pointe du
combat en faveur de l’Algérie française et organise en
1958 un meeting réunissant près de 2 000 personnes sur
le thème « Aujourd’hui, Orléans c’est Alger ». Ses
dirigeants — Pierre Sidos, Albert Heuclin, Jacques
Wagner, Jean Marot et Dominique Venner — exigent
que soient donnés à l’armée « les moyens de remplir sa
mission guerrière et d’éducation de la jeunesse »^®. Le
mouvement se développe en Algérie où il se distingue
lors des troubles du 13 mai 1958, et pour cette raison se
voit interdit par le gouvernement Pflimlin. Jeune
Nation se reconstitue en février 1959 sous le nom de
Parti nationaliste, également interdit à la suite des
émeutes provoquées à l’occasion de la visite de Michel
Debré à Alger.
Survit à la disparition du parti la revue Jeune Nation
dont le premier numéro date du 5 juillet 1958 (jour

290
anniversaire de la prise d’Alger par l’armée française en
1830) et dont les articles seront signés J. Ploncard
d’Assac, Hubert Saint Julien, Paul Ottaviani, Tixier
Vignancour ou P.A. Cousteau. Mensuel dès janvier
1959, Jeune Nation concentre ses attaques sur le général
de Gaulle et multiplie les appels à l’armée qui « doit
être en mesure d’assurer un étroit encadrement de la
nation pour lui permettre de survivre et de grandir, face
aux immenses périls qui menacent la civilisation blanche
européenne et française : bolchevisme, xénophobie,
racisme de couleur
Le mouvement, qui compte entre 3 000 et 4 000
adhérents, ne renonce pas à la violence et participe en
1960 à la semaine des barricades. D. Venner est arrêté
le 19 avril 1961, P. Sidos le 13 juillet 1962. L’arrestation
de ces leaders ne consomme pas pour autant la
disparition de Jeune Nation. On retrouvera certains de
ses membres dans l’OAS.

Pierre Poujade et l’UDCA

« Tout a commencé le 22 juillet 1953 ». Ce « tout »


désigne la croisade de Pierre Poujade, le papetier de
Saint-Céré qui se signale pour la première fois le jour
où il est nommé président du « comité de défense » des
commerçants de l’endroit, réuni à l’annonce d’une série
de contrôles fiscaux par les inspecteurs des contribu¬
tions.
Fils d’un architecte maurrassien mort en 1928, Pierre
Poujade naît le Y' décembre 1920 dans une famille de
sept enfants. Il revendiquera toujours son apparte¬
nance modeste jusqu’à dédicacer son ouvrage J’ai
choisi le combat (1955) de la sorte : « Que le peuple des
petits dont je suis me conserve son amitié et sa

291
confiance. » A 16 ans, il couvre Aurillac d’affiches à la
gloire de Doriot puis se rallie à Vichy en 1940 et du
maréchal écrira bien des années plus tard : « Pétain
nous a épargné le pire. C’est un devoir de reconnaissance
qui nous lie à lui, car il s’est employé par tous les moyens
à limiter les dégâts »^. En novembre 1942, Pou jade part
rejoindre l’armée d’Afrique du nord, via les Pyrénées,
mais se retrouve dans les prisons franquistes. Libéré, il
aboutit dans les stages de formation de la RAF. A la fin
de la guerre^\ il renoue avec les milieux maréchalistes
et est élu en 1952 au conseil municipal de Saint-Céré en
tant que candidat RPF sur une liste radicale.
C’est là que son combat va débuter quand le comité
devient en octobre 1953 le Syndicat indépendant de
défense professionnelle des commerçants et des arti¬
sans du Lot, puis en novembre, l’UDCA (Union de
défense des commerçants et artisans).
A sa création, l’UDCA n’est qu’un rassemblement
de mécontents venus de tous les horizons politiques —
PCF compris — regroupés là par une haine commune
vouée aux polyvalents. Les préoccupations de l’UDCA
tournent autour de l’égalité fiscale des commerçants et
des artisans avec les grosses sociétés, l’égalité de tous
les travailleurs dans les droits sociaux et l’imposition
unique à la base. L’antifiscalisme est peu à peu
complété par la critique du système lui-même. Pou jade
dénonçant le dirigisme étatique, la bureaucratie tenta¬
culaire et l’incapacité des politiciens. L’UDCA se
présente alors comme « la révolte des petits contre les
gros », contre « les intellectuels fatigués (...), contre les
corrompus du régime, les députés de la trouille ou de la
haine. Contre la presse [qui l’ignore] et les groupements
professionnels. Contre les forces de corruption économi¬
que, politique, intellectuelle Autant qu’une réaction
corporative, le poujadisme exprime le ressentiment

292
diffus de tous ceux qui se sentent maintenus à l’écart du
progrès économique et qui tentent de « détourner le
cours de la modernité » (J.-P. Rioux)^^. L’UDCA
incarne également « un nationalisme de repli que le
sentiment de décadence rend agressif, nationalisme
d’humeur et de combat qui tourne vite au chauvinisme, à
la xénophobie et à l’anti-communisme » (R. Rémond)^"^.
Poujade accusera Mendès France de n’avoir « aucune
goutte de sang gaulois dans les veines », désignant à la
vindicte de ses troupes « l’armée de métèques parasites
qui campent sur notre sol et qui, avant d’avoir souffert,
parlent de nous dicter la loi »^^. C’est sur ce terrain
labouré de rancœurs et de frustrations que vont germer
les premières semences de ce populisme vindicatif.
La lutte se traduit dans les faits par l’opposition à
l’amendement Dorey (loi spéciale de finances du 14
août 1954 permettant de poursuivre toute personne
refusant un contrôle fiscal), par l’hostilité à Mendès
France, qui s’est attaqué aux privilèges des bouilleurs
de cru et que Poujade accuse d’avoir bradé l’Indochine.
Mouvement politique « apolitique », l’UDCA tient
son premier congrès national à Alger en novembre 1954
et trouve dans la défense de l’Algérie française une
opportunité qu’il saisit et qui va lui permettre d’élargir
son audience. Mais reste Paris à conquérir. La chose
semble facile à Poujade et à ses sympathisants, animés
de certitudes et portés par la conviction d’être les
héritiers des sans-culottes. Le ton de Poujade reflète
bien cette mystique révolutionnaire quand il écrit :
«■ Car un jour de magnifique colère, des hommes de chez
nous, des petits, des sans-grades, se sont dressés, se sont
unis. Comme jadis à Valmy, comme hier sur les
barricades, ils n’avaient pour arme que leur courage ; ils
n’avaient pour force que le droit ; ils n’avaient pour idéal
que la liberté

293
A partir du mois de janvier 1955, l’UDCA multiplie
les pressions sur le pays légal. Des délégués poujadistes
remettent aux groupes parlementaires un questionnaire
sur la réforme fiscale puis 150 000 militants débarquent
dans la capitale pour se réunir au Palais des Expositions
de la Porte de Versailles. Le 14 février 1955, un
meeting au Vel’d’Hiv rassemble près de 500 000
participants, ce chiffre prouvant bien que l’UDCA a
pris une ampleur nationale. La chute de Mendès en
mars et l’abrogation de l’amendement Dorey ne
peuvent que satisfaire Pou jade qui envisage alors de se
lancer dans la bataille électorale.
Entre-temps, le mouvement a consolidé ses struc¬
tures avec la création de diverses filiales dont l’Union
de défense des travailleurs français (UDTF), l’Union
de défense de la jeunesse française (UDJF), présidée
par Jean-Marie Le Pen jusqu’en octobre 1956, l’Union
de défense des professions libérales et intellectuelles et
l’Union de défense des Agriculteurs de France
(UDAF) qui s’unira en 1957 avec la Défense paysanne
de Dorgères et le Parti paysan de Paul Antier pour
constituer le Rassemblement paysan. En janvier 1955,
le bulletin Union et Défense est remplacé par Fraternité
française, « tribune de Pierre Poujade », dont les
principaux collaborateurs sont Camille Fégy (ancien
rédacteur en chef de La Gerbe), Claude Jeantet (ancien
rédacteur du Petit Parisien), René d’Argile et Yves
Dautun (alias R. Cluny du Cri du Peuple).
En janvier 1956, l’UDCA obtient 2 500 000 voix —
11,5 % des suffrages — et Poujade se flatte de pouvoir
compter sur près de 435 000 adhérents. Suite logique à
l’élargissemçnt de sa base, le groupe UDCA devient
l’Union et Fraternité française (UFF). En marge,
s’ouvrent une école de cadres, dirigée par Paul
Chevallet, et un bureau d’études mené paf Serge

294
Jeanneret (ancien AF et rédacteur du Cri du Peuple de
1941 à 1944).
Mais « l’art de faire de la politique en la niant ou si
l’on préfère, la science du camouflage » (S. Hoffmann)
ne devaient pas porter leurs fruits et l’UDCA se perd
dans les sables mouvants de l’Assemblée. L’indigence
du programme se révèle au grand jour. Ajoutons à cela
les dissensions entre le conseil national et certains
députés UFF dissidents, la démission de Jean-Marie Le
Pen, celles de Dides et de Demarquet^^, et l’échec de
Poujade lors d’une élection partielle à Paris en janvier
1957 — autant de facteurs qui laissent augurer du déclin
de rUDCA. Concurrencé par Jeune Nation alors en
plein essor, le mouvement se raccroche à l’espoir que
son combat pour la défense de l’Empire va lui
permettre de se maintenir et il n’est pas surprenant de
trouver, en mai 1958, des poujadistes aux premiers
rangs, avant que le retour du général de Gaulle ne
parachève l’éclatement du parti. En juin 1958, le
groupe UFF se désagrège, les poujadistes favorables au
général se constituent en Union et Action libérale et
sociale (UALS) tandis que Poujade choisit l’anti-
gaullisme. L’épopée poujadiste tourne à la déconfiture
mais l’esprit qui présida à la création de ce front du
refus n’est pas près de s’éteindre.

Les « endoctrinologues »

En cette fin de IV' République, rares sont ceux qui


pensent que la France est bien portante et chacun veut
y aller de son remède. Certains en particulier décou¬
vrent avec effarement qu’un mal nouveau gangrène la
moribonde, résultat des séquelles indochinoises et du
désarroi devant la guérilla algérienne. Leur diagnostic

295
est le suivant : la France n’est plus l’épée flamboyante
de l’Occident, et il est évident que le communisme peut
révéler toute sa nocivité, non plus en théorie mais dans
la réalité. Il convient donc de trouver un antidote en
forgeant un système de valeurs qui puisse à la fois
légitimer l’action de la France outre-mer et barrer la
route à la sédition marxiste-communiste.
Archétype du missionnaire national-catholique,
Georges Sauge est un de ceux qui amalgament défense
de l’Empire et croisade pour la chrétienté. Né en 1920,
cet ancien militant des Jeunesses communistes fonde
après la guerre, avec le père Filières, le Mouvement
pour l’unité, organisme lié aux revues L’Homme
nouveau et la Cité des jeunes. Ne voyant dans les crises
de décolonisation qu’un affrontement entre la civilisa¬
tion chrétienne et la « barbarie marxiste », il déclare
« la guerre sainte aux communistes et fonde le
Centre d’études supérieures de psychologie sociale
(CESPS). Présidé par le général Weygand, ce centre
forme des « cadres anti-marxistes » selon une pédagogie
appropriée ; « L’enseignement du premier degré a pour
but de démasquer les courants de désagrégation. C’est
pourquoi on y étudie particulièrement la doctrine et la
stratégie du Parti communiste (...) Les sessions du
second degré sont réservées à l’étude de la doctrine
chrétienne dans ses applications historiques, juridiques
et sociales, mais aussi à l’étude des théories psycho¬
techniques utilisées par les socialo-communistes pour la
conquête des masses. L’enseignement du troisième degré
a pour objet — dans un but d’action — l’étude de la
sociologie, de la philosophie, de la pédagogie collective,
de l’art oratoire...
En 1958, Sauge publie Echec au communisme, puis
en 1959 l’Armée face à la guerre psychologique, écrivant
dans ce dernier ouvrage qu’en dotant l’armée « de

296
droits en matière de guerre psychologique, quelque
chose de nouveau existera dans le monde ; la sécurité, la
liberté, la dignité de l’homme seront sauvegardées (...) et
Dieu, Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs, sauvera
l’humanité
Parallèlement au CESPS naissent sous l’égide de
Sauge les Comités civiques pour l’ordre chrétien —
regroupés dans un Centre national de liaison des
comités civiques — et le Comité de défense des
persécutés du communisme. On note la présence, aux
sessions du CESPS, de Pierre Juhel, Pierre Debray,
Dorgères, Isorni, Poujade, Le Pen. Mais les activités de
Sauge le conduisent à avoir des démêlés avec les
autorités. Arrêté une première fois le 28 janvier 1960 à
la suite des événements d’Alger, il le sera de nouveau le
22 mars pour avoir manifesté contre la visite de
Khrouchtchev à Paris. Ayant formé bon nombre
d’ultras qui combattront dans les rangs de l’OAS, le
Centre ferme ses portes peu après l’indépendance
algérienne.

De moindre portée que le CESPS, on notera pour


mémoire d’autres centres de réflexion telle l’Associa¬
tion nationale contre-révolutionnaire (ANCR) dont
l’objectif sera de <•< promouvoir et d’animer un ordre
social chrétien sur le plan des institutions nationales et
internationales Quant au Club Patrie et Progrès,
apparu en mai 1958, il rassemble des officiers et des
technocrates — gaullistes à l’origine — << convertis au
socialisme par l’étude des statistiques et des mécanismes
économiques, et par solidarité de salariés contre les
privilèges et les injustices S’inspirant de certaines
méthodes du communisme afin de mieux le combattre,
ils mêlent dans le même chaudron un projet de
« socialisme patriotique et viril », antisoviétique et anti-

297
s

américain, le culte de l’armée, la vision de l’Empire


colonial transformé en une « Union des Républiques
socialistes françaises » et une xénophobie prononcée.
Tous ces cercles de pensée n’auront pas vraiment le
temps de mesurer les résultats de leur réflexion
puisque, bien vite, l’heure n’est plus aux spéculations
doctrinales. Les événements commandent. Le temps de
l’action est venu.

Le grand tumulte

Algérie Française ? Ce qui pouvait être une interro¬


gation devient un mot d’ordre, le cri de ralliement.
Le 13 mai 1958, les foyers que l’on a vainement tenté
de circonscrire s’embrasent, et cette déflagration se¬
coue les apathies ou galvanise les énergies des esprits
militants.
Les ténors de l’opposition nationale, les exaltés de
Jeune Nation, les poujadistes, les cagoulards, tous
s’enflamment et jouent avec insistance de la fibre
patriotique.
Porté au pouvoir par la crise, de Gaulle hérite d’une
France malade de l’Algérie et, en « sismologue appli¬
qué » (E. Berl), va provoquer des ondes de choc entre
Paris et Alger. De lui, on attend qu’il dise clairement
« Algérie française » mais il crie « Vive l’Algérie avec la
France >P tout en travaillant à la manière de trancher le
nœud gordien.
Quand il deviendra évident que l’on s’achemine vers
ce que redoutent les activistes — « l’espérance trahie »
de Soustelle devenant le lot de tous — les formations
ultras se multiplient : l’inflation algérienne suscite

298
l’inflation de la propagande puis, escalade prévisible,
celle de l’engagement, pour en arriver à l’OAS qui
pratiquera un terrorisme du désespoir.

La contribution étudiante

Chasser le marxisme des universités et soutenir


l’action des défenseurs de l’Algérie française, telle est
l’ambition des jeunes militants qui, dans le contexte de
« l’après-mai », se lancent à l’assaut du régime. Le
mouvement étudiant est confronté à ce que Raymond
Aron appelait en 1957 dans La Tragédie Algérienne, le
« dilemme tragique » ; et si certains se solidarisent avec
la cause FLN qu’ils estiment légitime et s’émeuvent au
récit des tortures infligées aux musulmans, d’autres se
crispent sur le maintien de la souveraineté française et
le mythe de l’intégration. André Ligueras ne va-t-il pas
jusqu’à proposer qu’Alger, escale obligée sur la ligne
Dunkerque-Tamanrasset, devienne capitale de la
France 7^"^
A la fin d’avril 1960, au terme du congrès de l’Union
nationale des étudiants de France (UNEF), la majorité
des délégués se prononce en faveur du dialogue avec les
« rebelles » des bleds, décision qui provoque le départ
des plus fervents défenseurs de l’idée impériale. Les
activistes de Jeune Nation et d’autres extrémistes
fondent le 1" mai la Fédération des étudiants nationa¬
listes (FEN) avec Pierre Poichet, Georges Schmelz,
Jacques Vernin, François d’Orcival (Amaury de Chau-
nac-Lanzac) et Fabrice Laroche (Alain de Benoist).
Adeptes d’une « conception spiritualiste de l’exis¬
tence », les membres de la FEN rédigent un document
intitulé le « Manifeste de la classe 60 » dans lequel ils
rejettent « la conception démocratique de l’homme,

299
V

individu anonyme qui abdique sa personnalité et sa


valeur devant l’absurde et injuste loi égalitaire par
laquelle un Bigeard est rabaissé au niveau du dernier
balayeur de quartier, un Pasteur à celui d’un analpha¬
bète originaire du Congo... De même, la concep¬
tion marxiste ravale l’homme « au rang de machine un
peu plus perfectionnée que d’autres, motivé par des
forces économiques plus ou moins obscures, balloté
dans le cours d’un ‘'sens de l’histoire” dont il ne serait
pas le maître, esclave d’un ‘ matérialisme histo¬
rique”...
Sur le chapitre de la décolonisation, les auteurs du
Manifeste exhaltent la mission historique de la France
qui n’est rien moins que la défense de la prééminence
européenne, de la supériorité de l’homme blanc sur les
peuples dits inférieurs. Peu enclins aux nuances, ils
décrivent les aspirations indépendantistes comme « la
révolte des peuples de couleur contre la souveraineté
ordonnatrice et impériale de la civilisation blanche,
poussée en sous-main par le communisme et les maîtres
de la haute finance et du grand capitalisme apatride >>’’’.
Face au danger de la sécession, la jeunesse doit par
son « dynamisme viril réaliser ce que les générations
précédentes, « tombées dans la somnolence, le doute et
la résignation ont été incapables de mener à bien :
l’instauration par une élite révolutionnaire d’un Etat
autoritaire et corporatif, basé sur « les conceptions
nationalistes de l’existence et décidé à mettre un
terme à « l’état de guerre permanent engendré par le
déclenchement en chaîne des séparatismes Ces
doctrinaires de « l’éthique nationaliste, éthique de
l’homme debout, éthique de l’honneur conçoivent la
politique comme un combat et « la force du glaive
comme la solution du problème algérien — d’où un
soutien sans faille accordé à l’OAS, non seulement dans

300
FEN-Presse et Les Cahiers Universitaires^'^, mais aussi
sur le terrain.
Après la guerre, une des principales activités de la
FEN sera d’organiser des camps-écoles pour former des
cadres d’élite, rompus à la discipline et répartis en
commandos baptisés du nom d’un « héros » tel Bona¬
parte ou José Antonio. Et si ce scoutisme para-militaire
prend fin en 1967, ce n’est pas faute de combattants
mais plutôt faute de vrai combat.

Les formations ultras

Si elle laissait place au doute dans ses débuts, la


politique de de Gaulle, au fil des mois, tend à
ressembler à une suite de coups de pieds dans une
fourmillière. Chaque ébranlement provoqué par les
prises de position toujours plus fermes et moins
équivoques du général met toute l’Algérie en efferves¬
cence. Les Européens qui ont salué avec enthousiasme
le retour de celui qui, croyaient-ils, les avait compris, se
sentent abandonnés par la Métropole. Ce désarroi est
entretenu par les activistes en mal d’activité, les
cagoulards en mal de complot et les putschistes en mal
de coup d’Etat. L’excitation gagne l’armée pour qui
« cette guerre en Algérie est devenue à la fois son
combat, son honneur et son avenir » (J.P. Rioux*^).
Dès 1957 apparaît le Front national des combattants
(FNC) de Jean-Marie Le Pen et Jean-Maurice Demar-
quet®^, qui se signale par l’organisation de réunions
itinérantes auxquelles assistent J. Gautrot (président de
l’Association générale des étudiants d’Algérie), Jean
Dides, Frédéric-Dupont et Biaggi. Avec l’Organisation
pour le renouveau de l’Algérie française (ORAF) de
Kovacs et le Mouvement des jeunes agriculteurs (MJA)

301
de Watin, le FNC préfigure ce que seront toutes les
formations qui fleurissent au lendemain du 13 mai 1958,
date symbolique pour d’aucuns.
Robert Martel, le « Chouan de la Mitidja », et le
général Chassin®^ fondent le Mouvement populaire du
13 mai (MP 13) qui succède à l’Union française nord-
africaine®^. D’inspiration nationale catholique®^, le MP.
13 est violemment hostile à la politique du général de
Gaulle qui, selon Martel, engendre une « désintégra¬
tion » que rien ne pourra arrêter, hormis une « contre-
révolution » basée sur « un christianisme national ».
S’élevant contre « le nationalisme athée », Martel
considère que « toute société humaine qui exclut Dieu de
sa constitution se rend indigne et porte en elle un principe
de mort »^®. Il entend lutter contre « ce régime des Sans-
Dieu, source de perversion ou plus prosaïquement
pour le renforcement de l’exécutif, l’organisation de
corps intermédiaires, le rétablissement des commu¬
nautés naturelles et, il va de soi, pour le maintien de
l’Algérie française.
Surtout implanté dans l’ouest algérien, le MP 13
compte près de 10 000 adhérents répartis en neuf
délégations (une par région militaire) dirigées par une
Délégation nationale exécutive^^. Sa propagande et son
action sont renforcées, d’abord par l’hebdomadaire
Salut Public de l’Algérie française, ensuite par les
Comités d’action pour l’Algérie française et le Comité
national pour la justice scolaire.
Le MP 13 n’hésitera pas à exercer des représailles
contre la population musulmane. Martel déclarant :
« C’est un droit de légitime défense que nous accorde le
préambule de la constitution. Notre complot est public.
Il a pour nom : ici la France »^®.
En novembre 1958, le patron de la « Brasserie du
Forum », Joseph Ortiz — ancien responsable avec

302
Goutailler de la section UDCA d’Alger et signataire du
Manifeste des 14^'^ — lance le Front national français
(FNF) avec le docteur J.C. Ferez et J.J. Susini. Ce
dernier prend le contrôle de l’Association générale des
étudiants d’Algérie (AGFA) puis est nommé secrétaire
du Comité d’entente des mouvements nationaux^^.
Le FNF noyaute également le 5‘ Bureau dirigé par
Jean Gardes et chargé au sein de l’armée de l’action
psychologique, et les Unités Territoriales (UT) mises
en place par les autorités militaires en 1956.
Les dirigeants du Front rêvent d’un second 13 mai
qui ne serait pas détourné par les gaullistes et à cette fin
confient au capitaine Marcel Ronda la tâche de
développer une organisation para-militaire clandestine,
l’Organisation politique de l’action subversive. Fort de
ses 10 000 adhérents, le FNF est au cœur des manifesta¬
tions du 24 janvier 1960 qui tournent à l’émeute. Le 1"
février, Susini, Ronda et Lagaillarde se rendent après
une semaine de résistance — Ortiz préférant la fuite —
et quelques jours plus tard, le mouvement est frappé
d’interdiction.
Cet échec des barricades ne décourage pas les
extrémistes puisque naissent deux nouvelles forma¬
tions : le Front de l’Algérie française (FAF) et sa filiale
métropolitaine, le Front national pour l’Algérie fran¬
çaise (FNAF). Le premier est dirigé par le « maître de
l’Ouarsenis », Saïd Boualan, et recrute en quelques
mois 100 000 adhérents dont une partie intègre l’aile
clandestine du FAF contrôlée par l’instituteur Zattara.
Bénéficiant de la caution politique de Bidault et
Soustelle (le leader de l’USRAF), le FAF noue des
contacts avec certains officiers dont Pierre Sergent,
Roger Degueldre, Salan et Jouhaud — dans l’espoir de
convaincre les cadres de l’armée de se rallier aux
activistes.

303
Quant au FNAF, il est animé par Jean-Marie Le Pen
et le colonel Jean-Robert Thomazo (surnommé Nez-
de-cuir).
En décembre 1960, une manifestation du FAF est
débordée par une contre-manifestation musulmane, et
tandis que la peur s’installe peu à peu, le FAF et le
FNAF sont interdits. Entre-temps, Salan a quitté la
France pour l’Espagne, rejoint par Lagaillarde et
Ronda qui ont profité d’une mise en liberté provisoire
pour franchir les Pyrénées.

De désenchantements en désillusions, de désillusions


en vaines révoltes, ceux qui croient encore à l’Algérie
française sont réduits à l’évidence que pour parvenir à
leurs fins, il faut désormais passer à la lutte armée. Les
résultats du référendum sur l’organisation des pouvoirs
publics en Algérie du 8 janvier 1961 les confirment dans
ce projet : 75,2 % des votants se déclarent favorables à
la politique d’auto-détermination.
Il n’y a plus rien à attendre de la Métropole et
aiguillonnés par cette idée, les activistes sont décidés à
durcir leur engagement. Simultanément, les troubles
dans l’armée ont pour conséquence qu’un « quarteron
de généraux » va faire sécession. Depuis quelques mois,
de Gaulle — « la Grande Zhora » — est devenu la bête
noire de certains officiers qui, depuis Paris, conçoivent
le projet d’un coup d’Etat en Algérie^^. Appuyés par
plusieurs cadres^^ et en particulier par le commandant
Robin du GCP (Groupement de commandos parachu¬
tistes de réserve générale), ces « courtiers du putsch »
contactent le général Challe qui accepte de prendre
avec Zeller et Jouhaud, la tête de l’opération. Déclen¬
chée le 22 avril 1961, celle-ci avorte au bout de quatre
jours en raison de l’opposition des légalistes et de la
détermination de de Gaulle. Challe et Zeller sont

304
arrêtés puis condamnés à quinze ans de détention,
Salan^® et Jouhaud (tous deux réfugiés chez R. Martel)
et d’autres conjurés militaires entrent dans la plus
célèbre des formations : l’Organisation armée secrète
(O AS).
Née de la fusion entre militaires et civils réunis dans
la clandestinité, l’OAS va mener jusqu’à l’octroi de
l’indépendance un combat d’arrière-garde, estimant
que « la dernière heure de la France en Algérie est la
dernière heure de la France dans le monde, la dernière
heure de l’Occident
Depuis le référendum, les ex-leaders des formations
ultras — Susini, Zattara, Martel, A. Canal dit le
« Monocle »... — ont reconstitué des réseaux, pre¬
mière version de l’OAS dont le sigle apparaît sur les
murs d’Alger le 6 mars 1961. L’arrivée des putschistes
qui apportent leur expérience de la « guerre révolution¬
naire » donne à l’OAS une autre dimension. Face au
constat que «• le FLN s’est imposé par la violence » et
qu’il est devenu « un interlocuteur valable pour le
gouvernement français », R. Degueldre exprime la
position adoptée par l’OAS : « Seule la violence nous
donnera la parole à présent
Avec à sa tête Salan secondé par Jouhaud, l’OAS se
dote de structures calquées sur celles du FLN. C’est
ainsi que nous trouvons trois branches distinctes :
1) l’Organisation des masses (OM), confiée à Jean
Gardes ; 2) l’Organisation renseignements-opérations
(ORO), menée par Pérez ; 3) l’Action politique et
propagande (APP), dirigée par Gardy et Susini. Ce
dernier développe un système de presse O AS (Appel de
la France, Les Centurions) avec l’aide du journaliste
Georges Ras. Aux côtés de Pérez, Degueldre rassem¬
ble les légionnaires déserteurs dans les commandos
« Delta », troupes de choc de l’organisation.

305
s

L’OAS étend ses ramifications jusqu’en Métropole


grâce à Sergent et Godot qui s’assurent du soutien de
militants venus d’extrême-droite et d’intellectuels
gagnés à la cause OAS tel Jules Monnerot (de La Lettre
Armée-Nation) ou les rédacteurs de la revue Esprit
Public.
Le colonel Argoud, établi en Espagne depuis le 11
juillet, met en place la section madrilène dont l’état-
major est composé de Lagaillarde, de P. Castille
(impliqué dans l’attentat au bazooka contre Salan en
janvier 1957), de Lacheroy, de Michel de la Bigne
(lieutenant déserteur du 1er REP), de J. Ortiz et de M.
Ronda.
Soudés par une même conviction, ces hommes ont
néanmoins des sensibilités différentes et, partant, des
objectifs qui ne peuvent être identiques. Les pieds-
noirs défendent avant tout leurs biens, les militaires « la
grandeur » de la France, et les activistes — qui n’ont
peut-être rien à défendre — réclament la mise à mort
du régime gaulliste.
L’arsenal déployé par l’OAS pour signifier son action
va du piratage des émissions de Radio-Alger ou des
concerts de casseroles et de klaxons, en passant par les
plasticages, jusqu’aux enlèvements et assassinats de
musulmans, de militants FLN et de Français, opposants
déclarés à leur cause.
L’épreuve de force s’engage tant avec le FLN qu’avec
les autorités gouvernementales, celles-ci ripostant par
la création de divers organismes chargés de réprimer le
terrorisme OAS. Mais plus que la répression dont elle
est l’objet, ce qui va condamner l’OAS à plus ou moins
brève échéance est son manque d’homogénéité et les
querelles de chefs. Les ordres de Salan et du Comité
supérieur d’Alger ne sont pas toujours suivis par les
dirigeants des sections oranaise et constantinoise, sans

306
compter les velléités d’indépendance de Lagaillarde et
la rivalité au sein de l’OAS-Métro entre Sergent et
Canal.
De plus, les excès des commandos « Delta », l’atten¬
tat contre de Gaulle en septembre 1961 — et qu’on lui
impute — la fusillade de Bab-el-Oued ou de la rue
d’isiyioi jettent le discrédit sur l’OAS et provoquent
la désaffection de la population.
Alors que les négociations entre le gouvernement
français et le FLN aboutissent à la signature des accords
d’Evian le 18 mars 1962 et au référendum du 8 avril
(90,7 % des votants sont favorables à l’indépendance),
rOAS se livre à des exactions aussi sanglantes que
désespérées^^^. La politique de la terre brûlée témoigne
de l’ampleur de la faillite. Les principaux chefs sont
arrêtés^®^ ou s’exilent^®'^.

Que le temps passe...

La France défaite en Algérie, voilà qui porte un coup


sévère à l’extrême-droite qui a soutenu ou s’est
impliquée directement dans la cause « Algérie fran¬
çaise ». Cette aventure qui devait la conduire à la voie
royale n’aura été qu’un long chemin, aux carrefours
mal indiqués, où se sont enlisés ses attelages. Tous les
mots d’ordre n’auront rien pu y faire : la citrouille n’est
pas devenue carrosse.
A bien y regarder, cette épreuve a été un test décisif
pour l’extrême-droite qui, une fois encore, s’est bercée
d’illusions, mais test décisif surtout pour de Gaulle qui
a confirmé son autorité et démontré la solidité des
institutions de la V' République. Quand l’occasion se
représentera-t-elle de trouver dans l’histoire un thème
aussi porteur que la défense de l’Empire ?

307
s

En 1962, l’extrême-droite a ainsi perdu le crédit


qu’elle avait eu tant de mal à regagner et entame sa
traversée du désert, avec pour seul viatique sa haine
pour de Gaulle.

Le reflux

Que reste-t-il après le grand naufrage dans lequel a


sombré l’extrême-droite ? Il y a ceux qui renoncent au
grand voyage, comme Lagaillarde qui déclare : « Seul
le destin de VAlgérie m’intéressait. Je n’ai aucune arrière-
pensée politique. J’abandonne toute idée de re¬
vanche — ceux qui se retrouvent en cale sèche et
qui n’ont plus qu’à attendre une loi d’amnistie, et ceux
qui sont prêts à reprendre la mer malgré la fragilité de
leur embarcation. Ces irréductibles se signalent par des
tentatives réitérées d’assassinat du Président de la
République, ou par la mise en place de groupuscules :
le Mouvement contre-révolution de Chateau-Jobert, le
Rassemblement de l’Esprit Public, le Mouvement
Jeune Révolution de Georges Kayanakis et Jean
Cannes...
Il devient évident que tant l’action que les moyens de
l’appliquer doivent être repensés. Illustrant cette
volonté de renouveau, deux mouvements ; le mouve¬
ment Europe-Action et Occident.

Une dijficile reconversion

Le « temps des léopards » (Y. Courtières) est achevé,


celui des doctrinaires commence. Leur support : le

308
mensuel Europe-Action dont le fondateur, Dominique
Venner — ex-compagnon de Pierre Sidos et engagé
volontaire en Algérie — avait publié en juillet 1962 un
manifeste intitulé « Pour une critique positive ». Ses
collaborateurs se recrutent parmi les anciens de la FEN
et de Jeune Nationet Europe-Action va servir de
point de rencontre entre de jeunes militants (François
d’Orcival, Fabrice Laroche, Gilles Fournier, J.-C.
Rivière... futurs dirigeants du GRECE) et l’ancienne
génération.
Selon D. Venner, il faut doter l’extrême-droite d’une
doctrine précise et adaptée au contexte des années
soixante, puisque « l’échec algérien a mis un point final
aux prétentions des politicards d’extrême-droite. Il a
montré la stérilité du seul activisme Il ne s’agit pas
de renier l’engagement tel qu’il fut vécu et Venner fait à
maintes reprises l’éloge des paras quand il évoque « le
rugissement des armes », « la chorégraphie de l’ordre
serré », « la tenue des guerriers », autant de « joies
fortes auxquelles un jeune mâle en bonne santé ne peut
résister »^°®. Mais plutôt que de s’éterniser sur une
époque révolue, les dirigeants d’Europe-Action veulent
se tourner vers l’avenir, avenir qui ne peut s’envisager
qu’au travers d’un élargissement et d’une modernisa¬
tion des conceptions nationalistes. Ne plus s’en tenir à
« la ligne bleue des Vosges » pour aller vers l’européa¬
nisme : « Français, Allemands, Belges, Portugais,
etc..., doivent être solidaires par-delà les différences qui
les caractérisent et qui constituent les aspects particuliers
d’un nationalisme commun aux Européens »^^^.
La « révolution nationaliste » à laquelle s’emploie
Europe-Action s’articule autour de quelques thèmes-
clés dont celui de la supériorité de l’Occident. Convain¬
cus que « la race est en tout cas la nouvelle patrie, “patrie
charnelle” qu’il convient de défendre avec un acharne-

309
ment quasi-animal les responsables d’Europe-
Action utilisent le racisme biologique afin de démontrer
cette supériorité de « la civilisation blanche » sur « les
races inférieures, c’est-à-dire incapables, de par leurs
caractéristiques psychiques héréditaires, d’accroître au-
delà d’une certaine limite leur emprise et leur domination
sur le milieu naturel En conséquence, ils se font les
défenseurs de l’apartheid, des mouvements racistes de
Rhodésie et du sud des Etats-Unis, tout en s’opposant
au métissage et à l’immigration nord-africaine : « la
politique de la porte ouverte aboutira, si elle triomphe, à
recouvrir la Touraine et la Toscane, le Sussex et la
Thuringe, le Vermont et la Crimée, d’une croûte de
hideuses paillotes, de gourbis et de cagnas
Collaborateurs d’Europe-Action, H. Coston, J. Plon-
card d’Assac, Maurice Ivon Sicard (sous le pseudonyme
de Saint Paulin) et le président du comité France-
Rhodésie, hagiographe de la LVF et des Waffen SS
français, Marc Augier (Saint Loup) reprennent ces
conceptions fortement teintées d’eugénisme.
Les priorités que se donne Europe-Action sont
« d’éliminer l’écume biologique, renvoyer les médiocres
de cette classe à leur rang et conserver l’élite valable
puis de « créer une puissante organisation nationaliste
ayant une totale discipline et une direction unique, parce
que la division voue à l’opportunisme et à la désintégra¬
tion
Dans cette optique de « révolution globale », Eu¬
rope-Action conçoit le christianisme comme un danger
pour la « communauté occidentale », religion sémite et
pervertie, « erreur aussi pernicieuse que celle du
matérialisme puisqu’elle provient de la fausse distinction
entre l’esprit et le corps »^^^. D. Venner lui oppose une
« éthique européenne » qui refuse tout à la fois le
conservatisme bourgeois, la technocratie, la démocratie

310
et le capitalisme libéral, mais exalte le culte de
l’honneur et de la jeunesse courageuse.
Autour d'Europe-Action — qui obtient un succès
relatif avec un tirage de 7 500 à 10 000 exemplaires —
gravitent quelques organismes annexes : le Centre
d’étude pour l’économie organique, le Groupement
d’étude des rapatriés et sympathisants, les comités de
soutien d'Europe-Action qui réunissent quelques cen¬
taines de volontaires. Implanté dans la région pari¬
sienne, à Marseille, à Lyon et à Toulon, Europe-Action
soutient en 1965 la candidature de Tixier Vignancour
qui rapidement déçoit D. Venner. Ce dernier lance en
mai 1966 un nouveau parti, le Mouvement nationaliste
du progrès (MNP), incarnation politique de la doctrine
d'Europe-Action. Aux élections de mars 1967, le MNP
présente 27 candidats sous le sigle « Rassemblement
européen pour la liberté » (REL) et recueille en
moyenne 2,5 % des suffrages. La médiocrité du score
ajouté aux querelles internes — certains dissidents
passent à l’extrême-gauche — provoquent la disparition
du MNP. Malgré sa brève existence, Europe-Action se
verra continuée dans les prises de positions de la
Nouvelle Droite.

Beaucoup de bruit pour rien

La rénovation doctrinale n’est pas vraiment le souci


premier du mouvement Occident, né en 1964, dont
l’absence de programme tranche avec l’intellectualisme
professé par l’équipe d'Europe-Action. Autour d’Alain
Madelin se rassemblent Alain Robert, Philippe Asse-
lin, Gérard Longuet et François Duprat (de retour du
Katanga où il dirigeait les services de propagande de

311
Tshombé sur Radio-Katanga) qui préconise l’utilisation
de la violence.
Les terrains de prédilection d’Occident sont les
lycées et les universités où la distribution de tracts
s’accompagne, comme à ta Sorbonne en mars 1966,
d’affrontements musclés. La guerre du Vietnam vient
opportunément prendre le relais de la guerre d’Algérie
et permet de reprendre le thème récurrent d’un
communisme endémique.
Jusqu’à sa dissolution le 1" novembre 1968 pour avoir
plastiqué une librairie maoïste. Occident s’agite, toni-
true, menace, appelle au meurtre, à la révolution. Le
résultat : 800 adhérents et une absence remarquée lors
des événements de mai 1968.

Sept ans après les accords d’Evian, l’extrême-droite


tient sa revanche. Les référendums se suivent et ne se
ressemblent pas, et si celui de 1962 sonne le repli des
ultras nationalistes, celui de 1969 provoque la chute du
général de Gaulle.
La partie n’est pas gagnée pour autant et si victoire il
y a, elle est plutôt amère. Depuis 1958, l’extrême-droite
a fait de l’anti-gaullisme une de ses obsessions, ce que
Maurice Bardèche explique en écrivant : « La politique
négative et purement sentimentale qui nous a amenés à
préférer n’importe quoi à la présence du général de
Gaulle avait sa source dans le mensonge historique que
celui-ci représentait et dans le danger permanent que
constituait la présence à la tête de l’Etat d’un homme qui
avait été un traître dans le passé et qui était un
déséquilibré dans le présent
Mais de Gaulle parti, l’extrême-droite perd avec lui
un de ses sujets de prédilection et il ne reste plus grand
chose pour réaliser l’unité entre les divers courants.
Dépouillée de ce qui avait été un des vecteurs de son

312
action, l’extrême-droite se retrouve nue, jusqu’à ce que
la Nouvelle Droite lui taille de « nouveaux habits » et
que le Front national de Jean-Marie Le Pen lui confère
une respectabilité toute neuve sous le travestissement
des fastes du parlementarisme.

313
FASCISME,
NEO-FASCISME ET
DROITES EXTRÊMES

Les leçons d’un échec

La nécessité d’une stratégie unitaire

Les mouvements d’extrême-droite abordent les an¬


nées soixante-dix en étant totalement inorganisés,
« incapables », selon F.Duprat, « d’une vision à long
terme de leur stratégie révolutionnaire », leur action
ayant pris la forme « d’un vague activisme, arrogant en
période de calme relatif (1966-1967) et inexistant en
période de véritable crise révolutionnaire (1968)
La mise à jour de cette faiblesse numérique et
doctrinale occasionne alors une remise en cause des
méthodes et amène plusieurs militants à repenser leur
engagement. Néanmoins, cette prise de conscience ne
sera effective qu’au terme d’une série de revers,
puisqu’il semble que toutes les tentatives opérées au
lendemain de la crise de mai aient été vouées à l’échec.

314
Il en est ainsi des groupuscules qui tentent de
combler le vide laissé par Occident, afin de contrer les
organisations dites gauchistes. Les membres d’Occident
trouvent dans les Jeunesses patriotes et sociales de
Roger Holeindre^ et dans le Groupe Union Droit
(GUD) d’Alain Robert de nouvelles structures d’ac¬
cueil. Le GUD s’implante dans les facultés de Droit, à
Assas en particulier où aux élections universitaires de
1969, il obtient 15 % des voix. Citons également
l’Action nationale de Jean-Gilles Malliarakis — pré¬
sente à l’Institut d’études politiques de Paris — et
l’Union lycéenne de Paris (ULP).
Formés de jeunes activistes dont la propagande
« coup de poing » vaut à certains quelques démêlés
avec les forces de police, ces groupes ont une audience
fort limitée. De plus, ils sont divisés et le projet de
R.Holeindre de fédérer les étudiants nationalistes au
sein du Parti National Populaire (PNP) tourne court^.
D’autres mouvements connaissent les mêmes vicissi¬
tudes : celui de l’Elite Européenne, animé par P.Asse-
lin et Joël Freymond"^, le groupe de Pour une Jeune
Europe, (P. Saint Bertais, Nicolas Tandler et Yann
Beuzec) qui jusqu’à sa disparition en 1971, se présente¬
ra comme l’héritier & Europe-Action et de la FEN.
Quant à l’Œuvre Française, fondée en avril 1968 par
Pierre Sidos pour succéder à Jeune Nation, elle est
affaiblie par des divisions internes, et hormis la croix
celtique, quelques slogans (dont certains ne tomberont
pas dans l’oubli, par exemple : « La France aux
Français ! »), et de vagues références, lors de ses
congrès, à Drumont, Maurras, Barrés, Alexis Carrel et
Brasillach, elle ne possède ni infrastructure ni véritable
influence. Pierre Sidos voit par ailleurs sa candidature
pour l’élection présidentielle écartée en 1969, en vertu
d’un décret du Conseil Constitutionnel selon lequel un

315
minimum de 100 signatures est nécessaire pour briguer
la présidence.
Lors de cette consultation des L' et 15 juin 1969, la
majorité de l’électorat d’extrême-droite soutient
Georges Pompidou, mis à part les anti-gaullistes les
plus intransigeants (Jacques Isorni) qui lui préfèrent
Alain Poher, et les monarchistes qui rejettent à la fois
« le syndic des gaullistes et celui des européanistes »^.
Tixier-Vignancour, pour sa part, souhaite que l’ARLP
soit le quatrième partenaire de la majorité, aux côtés de
l’UDR, des Républicains Indépendants (RI), et du
Centre Démocratie et Progrès (CDP). Mais ni Pompi¬
dou ni aucune composante de la droite ne désirent un
allié si encombrant.

La situation en 1969 n’est donc guère brillante pour


l’extrême-droite, ce qui explique la volonté de certains
militants de former un mouvement unitaire. Ordre
Nouveau, qui rassemble des membres du GUD et
d’anciens cadres d’Occident^.
Après des débuts tumultueux^. Ordre Nouveau tient
son premier meeting en mai 1970, sous le sigle « Unité des
Nationalistes » auquel assistent P.Asselin {Elite Euro¬
péenne), F.Duprat {Cahiers Européens), Camille Gallic
{Rivarol), François Brigneau {Minute), Massimo Ander¬
sen (MSI), Per Engdhal (Nouvel Ordre Européen), puis
présente en juin une candidate à l’élection législative
partielle dans le XIP arrondissement de Paris et un
candidat à Bordeaux. Bien qu’aucun ne soit élu. Ordre
Nouveau estime les résultats encourageants et, lors des
municipales de 1971, obtient 19 259 voix à Paris®.
Ordre Nouveau s’efforce d’élargir son audience avec
la création de l’Union lycéenne nationaliste (ULN), de
l’Union générale des travailleurs (UGT) et du mensuel
Pour un Ordre Nouveau^.

316
Fort de ses 4 700 membres^*^, Ordre Nouveau tient
son second congrès en juin 1972, et, en vue des
élections législatives de 1973, publie ses « Propositions
pour un programme de gouvernement nationaliste et
populaire ». Anti-libéral, anti-capitaliste et anti¬
marxiste, Ordre Nouveau définit son nationalisme
comme un humanisme qui « exalte ce qui est puissance
et grandeur de l’homme
Partisan d’une société hiérarchisée. Ordre Nouveau
préconise la reconstitution des corps intermédiaires,
l’établissement d’un régime présidentiel, la création de
communes urbaines et rurales, l’aménagement du
territoire et une réforme de l’éducation, axée sur
l’enseignement d’un esprit civique. En définitive, les
propositions d’Ordre Nouveau forment un tout hétéro¬
clite : le thème de la modernisation des circuits de
distribution voisine avec celui de la défense des artisans
et petits commerçants ; celui de l’industrialisation de la
France avec le soutien accordé aux paysans en lutte, et
la définition par l’Etat des grandes orientations écono¬
miques a pour corollaire le respect de l’initiative privée.
En politique étrangère. Ordre Nouveau a pour princi¬
pale préoccupation l’édification, sous l’égide de la
France, d’une Europe indépendante des Etats-Unis
comme de l’Union soviétique. A propos de cette
« union occidentale », Ordre Nouveau entend se
démarquer des courants nationalistes qui se réclament
de Binet ou des partisans du racisme européen, en
précisant que l’Europe ne doit pas « se figer dans des
concepts racistes du type de l’Occident blanc. S’il est
évident et souhaitable qu’un facteur racial commun soit
un ferment d’unité, il serait politiquement inepte de
ramener tout concept unitaire à un schéma de ce type
La participation d’Ordre Nouveau aux élections
oppose les militants hostiles à la transformation du

317
mouvement en parti politique, et ceux favorables à une
conquête du pouvoir par les urnes. D’autre part, les
dirigeants sont conscients que la campagne de leurs
adversaires sur le thème « Ordre Nouveau = Ordre
nazi » a nui à son image. C’est afin de remédier à cette
situation qu’est créée, le 5 octobre 1972, une Fédéra¬
tion nationaliste unitaire baptisée Front national, dont
les principaux animateurs sont Alain Robert (ON),
Roger Holeindre, François Brigneau, Pierre Bousquet,
Pierre Durand et Jean-Marie Le Pen. Sur la base de son
programme intitulé « Défendre les Français » dont
l’essentiel provient d’Ordre Nouveau, le Front national
entend regrouper l’ensemble de l’extrême-droite mais
ne réalise que partiellement cette ambition. En effet,
s’il bénéficie de l’appui des nationalistes révolution¬
naires et de plusieurs revues, dont Minute, il ne
parvient pas à rallier les groupuscules les plus extré¬
mistes ni à mordre sur la droite plus modérée. De plus,
les scores obtenus lors du scrutin de mars 1973 sont
décevants, le Front national ne recueillant en moyenne
que 2,3 % des voix dans les circonscriptions où il a
présenté des candidats^^. En dépit de cette faillite
manifeste, les responsables d’Ordre Nouveau décident
de poursuivre leur stratégie unitaire, objectif réaffirmé
au troisième congrès en juin 1973. Quelques jours plus
tard, la dissolution du mouvement prononcée en
Conseil des ministres met un terme à cette tentative^"*.

Le principal bénéficiaire de la disparition d’Ordre


Nouveau est Jean-Marie Le Pen, qui va reprendre
l’idée d’un rassemblement des forces d’extrême-droite
dans un parti capable de mobiliser l’opinion publique.
Il tire de l’échec d’Ordre Nouveau une double leçon :
d’une part, qu’un tel parti ne peut réussir à conquérir le
pouvoir que s’il évacue de son programme les thèmes

318
susceptibles de heurter l’électorat de la droite modé¬
rée ; d’autre part, que la propagande a d’autant plus
d’impact, si elle s’articule autour de quelques points
soigneusement sélectionnés, pouvant intéresser l’en¬
semble des électeurs, de droite comme de gauche.

La nécessité d’une rénovation doctrinale

La médiocrité des résultats enregistrés de la fin de la


guerre d’Algérie à la dissolution d’Ordre Nouveau, en
passant par le fiasco de Tixier-Vignancour puis de
D.Venner avec Europe-Action et le REL, imposent à
l’extrême-droite de reviser ses concepts en se situant
non plus sur le terrain stérile de l’activisme politique,
mais sur celui d’une réflexion approfondie des motifs de
cet insuccès. Constatant l’inanité des entreprises me¬
nées depuis plusieurs années, une nouvelle génération
de militants réalise qu’ayant fait l’impasse totale sur les
problèmes idéologiques, l’extrême-droite souffre d’une
stérilité doctrinale et donc d’une inefficacité tant
pratique que théorique.
C’est pour combler cette lacune qu’est fondé le
Groupement de Recherche et d’Etudes pour la Civilisa¬
tion Européenne(GRECE) dont les statuts sont officielle¬
ment déposés à la Préfecture des Alpes-Maritimes le 17
janvier 1969. Cette «• société de pensée à vocation
intellectuelle » émerge ainsi peu après mai 1968 et J.C.
Valla déclare à ce propos qu’il est « incontestable que la
fondation du crece, quoique procédant de motivations
différentes, a été aussi un effet de ce malaise de la fin des
années soixante En fait, si la première réunion
nationale des animateurs du GRECE a lieu les 4 et 5
mai 1968, la crise ne fait qu’accélérer la réalisation d’un
projet préalablement conçu'^.

319
L’objectif de cette « communauté de travail et de
pensée est d’élaborer un « corpus idéologique aussi
cohérent que possible une « nouvelle culture de
droite qui en rompant avec la « problématique
dominante permettrait d’offrir une autre vue du
monde (Weltanschauung). Le GRECE entend alors
œuvrer sur le plan « métapolitique », à savoir « le
domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au
sens traditionnel de ce terme, mais qui ont une incidence
directe sur la constance ou l’absence de consensus social
régi par la politique »^\ Cette stratégie culturelle doit
aboutir à un contre-modèle, susceptible de fournir une
alternative à « la pensée, la mentalité, l’anthropologie
égalitaires » dont le marxisme n’est qu’un aspect^^.
Convaincu que la meilleure tactique pour abattre un
adversaire est de retourner contre lui ses propres
armes, le GRECE adhère à des thèmes qui étaient
propres à la gauche tels que l’anti-totalitarisme,
l’antifascisme et l’anti-racisme, en démontrant que le
socialisme et le communisme constituent une menace
pour ces mêmes valeurs. D’autre part, à l’intérieur du
système de références bâti par le GRECE figure
Gramsci qui aurait « montré que la conquête du pouvoir
politique passe par celle du pouvoir culturel La
reprise de l’analyse gramscienne des erreurs et insuffi¬
sances de la droite française permet de stigmatiser
l’ancienne droite qui « s’est exclue elle-même du jeu
politique du fait de ses nostalgies infantiles et d’une
incapacité d’analyse qui la condamnaient à osciller
perpétuellement de l’intégrisme à l’activisme, d’un
fétichisme chrétien (désormais coupé de ses bases
sociologiques) à différentes formes et manifestations de
l’autoritarisme petit bourgeois Cette vieille droite,
qualifiée de réactionnaire^^, aurait été incapable de
définir une méthodologie appropriée, à l’inverse de la

320
nouvelle droite qui s’efforce de dépasser les conjonc¬
tures et les héritages historiques particuliers.
Ce dépassement implique la réactualisation des
valeurs les plus archaïques et la modernisation du
discours par la référence aux acquis les plus récents des
sciences de l’homme et de la nature. Tournée dans le
même temps vers le passé et l’avenir, la nouvelle droite
réalise la synthèse d’éléments antinomiques et présente
cette combinaison comme une troisième voie, définie
par le double rejet de l’individualisme et du totalita¬
risme. En ce sens s’éclairent les propos d’Alain de
Benoist ; « J’appelle conservatisme l’attitude qui
consiste à s’appuyer, dans la somme de tout ce qui est
advenu, sur le meilleur de ce qui a précédé la situation
présente, pour aboutir à une situation nouvelle. C’est
dire qu’à nos yeux tout vrai conservatisme est révolution¬
naire. Entre le ghetto néo-fasciste (ou intégriste) et le
marais libéral, je crois à la possibilité d’une telle
doctrine. Beaucoup n’y verront qu’une exaltation des
contraires. Ils n’auront pas tort. L’homme de l’avenir
sera le seigneur des contraires...

Le GRECE devra attendre quelques années avant de


récolter les fruits de cette stratégie métapolitique, et
c’est dans un anonymat quasi-total que la « Nouvelle
Droite », ainsi nommée par les média, a développé ses
activités.
Formé en majorité par des membres de Jeune
Nation, de la FEN, du MNP et du REL^^, le GRECE ne
regroupe en 1969 qu’une poignée de militants — ceux-
là même qui forment la rédaction de Nouvelle Ecole —

puis s’étend progressivement avec la multiplication


d’unités régionales, de délégations départementales et
de cercles correspondants^^. Ses principaux animateurs
sont Roger Lemoine, Dominique Gajas, Jean Mabire,

321
Jacques Bruyas, Michel Marmin, Jean-Claude Valla
(secrétaire général de 1974 à 1978)... et surtout Alain
de Benoist, doctrinaire et inspirateur de cette « société
culturelle », directeur de Nouvelle Ecole sous le pseudo¬
nyme de Robert de Herte, et éditorialiste d'Eléments^"^.
Chef de file de la Nouvelle Droite, il semble qu’on
puisse lui attribuer la paternité des principales orienta¬
tions du GRECE, dont il a façonné la doctrine au
moyen d’une relecture de Nietzsche, d’Occam, de
Maistre, de Heidegger, de Jünger et de bien d’autres
auteurs, Alain de Benoist retenant de ses lectures ce
qui peut conforter ses démonstrations^®.
Outre le GRECE, un Comité de liaison des officiers
et sous-officiers de réserve(CLOSOR) est fondé en
1975, qui se propose « de promouvoir l’idée de
Défense », de « réconcilier la nation avec l’armée » et de
« s’opposer efficacement aux entreprises de division et de
subversion Dirigé jusqu’en 1976 par P.Conrad, puis
par Eric Saint-Léger, le CLOSOR est secondé par le
Cercle Clausewitz (formé des officiers d’actives mem¬
bres du GRECE) et publie la revue Nation Armée.
En janvier 1976 apparaît le Groupe d’Etudes pour
une Nouvelle Education(GENE), groupe « de réflexion
et de propositions au service d’une philosophie de
l’homme et du monde »^^, avec pour but d’établir un
projet éducatif global « opposé à l’utopisme déréalisant
des pédagogies rétrogrades et pseudo-modernistes »^^, et
qui diffuse la revue Nouvelle Education.
Cette diversification des structures est complétée par
la création d’un Centre de Formation GRECE destiné
aux étudiants (novembre 1971), d’un ciné-club (novem¬
bre 1972), et par l’organisation d’universités d’été,
d’expositions et de fêtes du solstice.
Le GRECE dispose de plusieurs publications dont
Nouvelle Ecole et Eléments, bulletin confidentiel trans-

322
formé en 1973 en organe central du GRECE, dirigé par
M.Marmin, auquel succède en 1983 Pierre Vial (secré¬
taire général du GRECE de 1978 à 1984). Eléments
consacre des numéros spéciaux à des sujets fort divers
tels que l’avortement, le régionalisme, le Tiers-Monde,
le paganisme... et le même éclectisme guide le choix
des thèmes traités par les brochures du GRECE qui se
dote en 1974 d’une revue théorique. Etudes et Recher¬
chés. Enfin, plusieurs dirigeants du GRECE ont
constitué en 1976 les Editions Copernic^'*.

Cette ramification de la Nouvelle Droite a permis la


diffusion du contre-projet culturel du GRECE qui
s’ordonne autour de quatre grands principes.
En premier lieu, la Nouvelle Droite a formalisé une
conception élitiste de la société qui s’inscrit dans une
philosophie politique de l’inégalité, et au nom de
« ranti-réductionnisme », dénonce « l’érosion systéma¬
tique des différences, des personnalités, des identités
collectives »^^. Contre cette homogénéisation, Alain de
Benoist pose que « les différences entre les êtres ne sont
pas sommables » et que « la diversité engendre des
inégalités relatives La Nouvelle Droite se dresse dès
lors contre « les idéologies égalitaires niveleuses qui
ne peuvent conduire qu’à « une réduction progressive
de l’humanité à un type unique, à un mode de vie
unique, à un référent unique Partisan d’un « droit à
la différence », le GRECE évoque le << caractère
totalitaire des monothéismes, y compris sous leur forme
laïque . La première de ces « doctrines universa¬
listes »'*° est le libéralisme qui, pour Alain de Benoist,
<■< interdit la mise en œuvre de tout projet historial de
civilisation dans la mesure même où il repose sur
l’individualisme égalitaire, l’universalisme mar¬
chand »^^. Alain de Benoist fait ici référence au

323
« libéralisme bourgeois » et ^ atlantico-américain, dont
la sociale-démocratie n’est que l’un des plus dangereux
succédanés La seconde est le marxisme, qui
« reproduit sous une forme laïque la théorie chrétienne
de l’histoire Associant dans une même désapproba¬
tion les Etats-Unis et l’URSS, il conclut : « La vérité est
qu’il existe deux formes distinctes du totalitarisme, très
différentes dans leur nature et dans leurs effets, mais
l’une et l’autre redoutables. La première, à l’Est,
emprisonne, persécute, meurtrit les corps ; au moins
laisse-t-elle intacte l’espérance. L’autre, à l’Ouest, abou¬
tit à créer des robots heureux. Elle climatise l’enfer. Elle
tue les âmes »‘^. La dernière idéologie égalitaire est le
christianisme par lequel « l’individualisme fait son
apparition dans l’espace mental européen, de pair avec
l’égalitarisme et l’universalisme
En second lieu, cette antithèse universalisme/diffé-
rentialisme est renforcée par une apologie de l’enraci¬
nement, facteur de régulation qui assure la sécurité et la
mise en valeur du groupe et de l’individu. Ce dernier,
écrit Alain de Benoist, doit « s’identifier au sein de ce
groupe, c’est-à-dire, puisqu’il est à la fois semblable et
unique, déterminer sa place et sa personnalité »‘^^. Cette
opération n’est possible que dans le cadre d’une société
holistique, et pour cela « il faut balayer les abstractions
qui recouvrent la diversité et la richesse de la France. Il
faut partir à la recherche de l’homme réel(...), des
grands courants ethno-géographiques qui unissent de
façon charnelle la France à l’Europe L’alternative
identité/massification, qui suggère l’opposition entre la
pureté et le mélange des races, repose sur une
conception volontariste du monde qui « se présente
comme un chaos où seul l’homme a le pouvoir de mettre
des formes et de tenter de les faire durer'^^. De fait,
« l’homme se bâtit lui-même », de même qu’il << est seul

324
donneur de sens, seul fabricant d’une histoire-comme-
sens Le GRECE récuse ainsi le postulat d’une
histoire linéaire et l’idée d’un ordre naturel antérieur à
la société.
Lié à la critique du christianisme en tant que ferment
d’universalisme et à cette négation d’une ordonnance
naturelle du monde, le troisième thème développé par
la Nouvelle Droite est le paganisme, ou la supériorité
du polythéisme sur le monothéisme. Présenté par Alain
de Benoist comme « la religion originelle de l’Eu¬
rope le paganisme permet de se << rattacher au
passé(...) de se relier à l’éternel expression d’une
nouvelle spiritualité qui déduit « l’éthique aussi bien
que la religion d’une sublimation des activités hu¬
maines De plus, le paganisme est « conforme aux
lois générales du vivant >P, et évitant tout réduction¬
nisme, il est à l’inverse, « le choix délibéré d’un avenir
plus authentique, plus harmonieux, plus puissant — un
choix qui se projette dans le futur, pour des créations
nouvelles, l’éternel dont nous pro-venons
La dernière pierre de cet édifice conceptuel est le
recours à la science qui légitime en quelque sorte toutes
les autres propositions. De la génétique, Alain de
Benoist retient les travaux de Arthur R.Jensen et de
Hans J.Eysenck sur l’origine héréditaire de l’inégalité
entre les êtres humains. Il en déduit que « l’homme
n’échappe pas à la règle. Il a hérité de ses ancêtres
animaux certains schémas de comportements innés
Il précise que ces capacités ne sont que des potentia¬
lités : « Il n’y a donc pas d’incompatibilité entre une po¬
sition “héréditariste” et l’importance que l’on doit accor¬
der à l’apprentissage et à l’éducation La biologie
sous-tend la politique — « toute politique aujourd’hui
implique une biopolitique — et la morale qui
« résulterait d’un impératif biologique (...) ne serait

325
qu’un élément de plus dans la stratégie du gène en vue de
sa survie Elle démontre également l’excellence du
paganisme puisque les sociétés indo-européennes fonc¬
tionnaient comme des sociétés biologiques. Dérivant
peu à peu vers l’eugénisme, la sociobiologie est définie
comme « la science de l’optimalité du succès reproductif
et des rapports de parenté au service de l’évolution et
commande que les éléments pathogènes — qui appar¬
tiennent majoritairement au « peuple juif » ou à la
« race noire » — soient mis à l’écart^.

Au terme de cette présentation des structures et des


principaux thèmes de la doctrine de la Nouvelle Droite,
il convient d’examiner son influence sur les autres
composantes de la droite et de l’extrême-droite.
Dans le premier cas, on peut noter que le GRECE a
inscrit à son programme des questions telles que la crise
de l’éducation, l’immigration, les excès de l’Etat-
providence... qui figurent également dans les plate¬
formes des partis de droite, UDF et RPR. De plus, lors
des élections de 1974, le nouveau secrétaire général du
GRECE, Jean-Claude Valla, a demandé aux militants
de la Nouvelle Droite de voter pour Valéry Giscard
d’Estaing au second tour. Enfin, par le truchement du
Figaro-Magazine ou des publications de R.Bourgine —
qui quitte le GRECE pour le CNIP en 1973 — les
dirigeants du GRECE ont eu le loisir d’infléchir
sensiblement les positions d’une droite en quête depuis
plusieurs années d’un nouveau corpus idéologique.
Chiraquiens et Giscardiens ont pris soin, cependant, de
feutrer les propos de la Nouvelle Droite dont une partie
des thèses est tombée dans le domaine public, sous une
forme édulcorée.
Quant à l’ascendant du GRECE sur l’extrême-
droite, il se traduit par un renouvellement thématique

326
qui a permis à ce courant devenu ultra-minoritaire de
sortir des limites qui lui étaient jusque-là assignées. La
Nouvelle Droite se défend d’avoir exercé une quelcon¬
que autorité, P.Vial déclarant en 1979 que le GRECE
« ne se sent concerné, ni de près ni de loin, par les
agissements, manœuvres et intrigues du monde de la
politique politicienne Alain de Benoist affirme pour
sa part qu’il « ne pourrait exister la moindre relation,
même indirecte, entre les recherches effectuées sur le
plan culturel par ce qu’on a appelé la “nouvelle droite” et
les agissements politiques de groupuscules extré¬
mistes En dépit de ces protestations, motivées par
la volonté de ne pas être discrédité, la stratégie
métapolitique du GRECE a eu des adeptes, plus ou
moins convaincus, mais aussi des détracteurs :
— Dans le camp des laudateurs, on peut citer le PFN
qui jusqu’à sa disparition s’est réclamé du GRECE^^ ;
la FANE de Fredriksen et Militant de P.Pauty et
P.Bousquet après leur rupture avec le Front national ;
Jeune Nation Solidariste de Malliarakis...
— Dans celui des « sympathisants critiques » se
trouve M.Bardèche, qui tout en saluant l’apport de la
Nouvelle Droite écrit : « Cet apolitisme est son origina¬
lité et sa force(...) Mais le caractère intemporel de cette
méditation(...) me paraît un message incomplet»^. Il
ajoute : « Je ne puis m’empêcher toutefois de me
demander ce que vaut l’entrisme sans un dessein
politique ferme, ce que peut le bon sens sans les
structures qui lui permettent d’être efficace
— Les contempteurs du GRECE appartiennent
enfin aux cercles intégristes et monarchiques
d’extrême-droite qui ne peuvent admettre le néo¬
paganisme de la Nouvelle Droite^^.
Jusqu’en 1981, Alain de Benoist et ses collaborateurs
bénéficient d’une large audience, ce qui, loin d’affermir

327
la Nouvelle Droite, en précipite le déclin. En effet,
dépossédée par d’autres mouvements de sa doctrine,
elle périclite au moment même où sa conquête
culturelle des esprits devient effective. Lors du change¬
ment de majorité après les élections de 1981, plusieurs
adhérents vont rejoindre le CNIP ou le Front national,
tandis que le GRECE doit céder les éditions Copernic,
que la participation d’Alain de Benoist au Figaro-
Magazine est réduite et que la revue Eléments enregis¬
tre une forte diminution de son tirage^^.

L’évolution du Front national

Quelques mois après sa création, le Front national


semble condamné à subir un sort analogue à celui des
organisations qui l’ont précédé, ce sentiment étant
renforcé par le piètre résultat de son leader aux
élections présidentielles de 1974 avec 0,74 % des voix.
Il parviendra néanmoins à réaliser son objectif initial en
devenant le plus important rassemblement d’extrême-
droite. Après une période dominée par des querelles
intestines, le Front national sort de sa marginalité, au
prix d’un opportunisme tactique et d’une modification
de son discours.

La guerre des chefs

La dissolution d’Ordre Nouveau permet à Jean-


Marie Le Pen de renforcer sa mainmise sur le Front
national et de marquer de son empreinte l’orientation
du parti. Né à la Trinité-sur-Mer en 1928^*, Jean-Marie

328
Le Pen abandonne après Mers-el Kébir le projet de
s’engager dans la Marine et en 1947 s’inscrit à la Faculté
de Droit de Paris. Président de la Corpo de 1949 à 1951,
puis sous-lieutenant au premier bataillon étranger de
parachutistes, il part pour l’Indochine d’où il revient
avec « la révélation concrète de l’ennemi communiste, de
ses méthodes terribles, de sa manière impitoyable de
liquider ses adversaires, de sa technique de guerre
psychologique . Dès lors, « l’humiliation indochi¬
noise et les premières meurtrissures de la guerre
d’Algérie le conduisent à l’UDCA. Elu député de la
Seine en janvier 1956, il rompt avec Poujade pour se
rapprocher du Groupe des Indépendants et Paysans.
Secrétaire général du Front des Combattants puis du
Front pour l’Algérie française, il s’oppose à la politique
d’auto-détermination du général de Gaulle. Après
avoir perdu son siège de député en novembre 1962, il
fonde avec Pierre Durand une société d’édition de
disques, la SERP, puis revient à la politique en tant que
secrétaire général du Comité Tixier-Vignancour. Le
Pen se brouille avec ce dernier et ne participera pas à
l’ARLP, pas plus qu’il ne sera membre d’Ordre
Nouveau.
Depuis son accession à la présidence du Front
national, Jean-Marie Le Pen a exposé, dans ses
discours et dans ses ouvrages, les principales proposi¬
tions de son parti, ainsi que des vues plus personnelles.
Désireux de se situer au-delà du jeu politicien, Jean-
Marie Le Pen décrit le Front national comme l’incarna¬
tion d’un véritable courant populaire national, « très
différent de l’opposition parlementaire marquée par des
années de conciliations, de compromissions et de
reculades A ses yeux, la politique n’est pas un
métier, mais un art, celui de « dire et de redire des
choses de façon incessante jusqu’au moment où elles

329
sont comprises et assimilées Maître d’œuvre de la
« renaissance nationale », Le Pen assigne à son parti la
tâche de lutter contre « la dégénérescence des esprits et
des cœurs, la décadence des volontés A cette fin, il
faut mettre un terme « au relâchement des disciplines
familiales, scolaires, sociales, légales », qui « libère le
flot des instincts antisociaux de l’homme »'^^, par la
réforme des esprits, et la disparition des idéologies
destructrices : le libéralisme — « perversion dangereuse
détruisant les principes moraux comme les groupes de
résistance »^^ ; « l’égalitarisme utopique » qui conduit
« soit à l’anarchie iconoclaste (...) soit à la dictature du
prolétariat >P^ ; le « cléricalisme marxiste »... ; en un
mot, toutes les doctrines supposées contraires aux lois
d’un ordre naturel dont Le Pen prône la supériorité sur
le modèle sociétal actuel. Sur la base du retour à l’ordre
et « des principes d’autorité, de fraternité, de pro¬
priété >P'^, il propose alors « d’aller hardiment dans la
voie de la liberté, de la responsabilité, du patriotisme et
de la tradition, entendue dans son sens le plus clair et le
plus noble comme la transmission du Beau et du
Vrai
Cette réforme intellectuelle et morale s’accompagne
de la désignation des maux qu’il convient d’enrayer, à
savoir le socialisme, le marxisme, le libéralisme, la
bureaucratie et l’Etat-providence, par l’instauration
d’un Etat fort, mais qui « soit à sa place, qui ait toute sa
place, rien que sa place dans les fonctions régaliennes de
Défense nationale, de police, de justice et de diploma¬
tie . Dans tous les autres domaines. Le Pen préconise
la suppression des. entraves à la concurrence et à la
libre-entreprise, ce qui l’amène à distinguer « une
certaine forme outrancière de libéralisme économique,
assimilée à la liberté du renard dans le poulailler » du
libéralisme « qui entend préserver au maximum les

330
libertés essentielles de l’homme Ce n’est que par
l’abolition de cet Etat « omnipotent, impotent et
totalitaire que la France pourra s’appuyer sur « la
synergie des forces spirituelles de la tradition et
amorcer une « réaction salvatrice
Le dernier axe du discours renvoie à la défense de
l’intégrité et de l’identité de la France puisque, formant
« une réalité solidaire le peuple de France est
menacé par l’arrivée massive d’étrangers. Ceux qui
soutiennent la thèse d’une France pluri-culturelle
vouent au pays, selon Jean-Marie Le Pen, « une haine
masochiste et se font les complices « d’une entreprise
de subversion et de submersion du continent européen et
de la France A l’inverse, le Front national entend
mener une action énergique contre ce phénomène qui
aurait des incidences sur l’état sanitaire et moral de la
société, sans compter que les immigrés aggravent
l’insécurité dans les villes, creusent le déficit budgétaire
et envahissent le marché du travail. A cette situation, il
n’est qu’une solution : « Réserver sur notre territoire
national le travail en priorité aux fils et filles de
France et ce au nom du droit de la « légitime
défense de notre peuple, de notre nation et de l’Eu¬
rope

Voici donc, brièvement énoncées, les principales


options de J.-M. Le Pen dont la politique de rassemble¬
ment des forces de droite va se heurter à quelques
difficultés.
C’est ainsi que dès 1974, le Front national est affaibli
par une scission provoquée par les cadres d’Ordre
Nouveau qui contestent le passage du parti sous la
totale domination de Jean-Marie Le Pen. Alain Robert
et F.Brigneau quittent le Front national pour former le
mouvement Faire Front, puis en novembre 1974 le

331
Parti des Forces nouvelles (PFN) que rallient plusieurs
militants d’extrême-droite comme José Bruneau de la
Salle, Thierry Buron, Roland Coguillot (R.Gaucher),
Gabriel Jeantet, J.F. Galvaire et Pascal Gauchon.
En dépit du soutien des nationalistes-révolution¬
naires, groupe animé par le journaliste et historien
François Duprat avec Alain Renault et Pierre Bous¬
quet®^, les résultats du Front national ne sont guère
probants, FN et PFN se livrant une guerre sans merci.
Cette rivalité se manifeste notamment dans les Univer¬
sités puisque le PFN a annexé le GUD qui forme avec
rUNL le Front de la Jeunesse, alors que le Groupe
Action Jeunesse (GAJ) de P. Janeau et de Bodin se
range aux côtés du Front national^®.
Sur le plan politique, les divergences s’accentuent
quand le PFN, à la recherche de nouveaux appuis,
opère un virage en direction de Jacques Chirac lors des
municipales de 1977, alors que Le Pen refuse pour sa
part toute alliance avec les chiraquiens. Ces élections se
soldent pour les deux partis par un score dérisoire^\ et
il en sera de même aux législatives de 1978^^. Devant
l’étendue du désastre, le PFN et le Front national vont
vainement essayer de conclure un accord en vue des
élections européennes de 1979, mais cette « Union
française pour l’Eurodroite des patries » est dissoute
avant même la fin de la campagne.
En définitive, ce n’est que par abandon du PFN que
cette querelle s’achève, l’organisation rivale du Front
national étant peu à peu abandonnée par ses adhérents,
avant de disparaître de l’échiquier politique.

332
Le nouveau visage du Front national

En 1981, le Front national est à son niveau le plus


bas : J.-M. Le Pen ne peut obtenir les 500 signatures
requises pour briguer la présidence de la République et
son parti ne remporte que 0,18 % des suffrages lors des
législatives. Puis, contre toute attente, se produit ce
que l’on nommera « l’effet Le Pen », qui se manifeste
par une percée électorale de 1983 à 1986, une trentaine
de députés Front national prenant place à cette date sur
les bancs du Parlement^^.
L’émergence du Front national sur la scène politique
a donné lieu à diverses études qui mettent l’accent soit
sur les données socio-économiques, soit sur la person¬
nalité de Jean-Marie Le Pen et les ressorts de sa
rhétorique démagogique^'^. Certaines combinent ces
deux approches et posent ainsi la délicate question des
concordances entre la crise actuelle et l’écho rencontré
par le « national-populisme » du Front national. En
effet, si l’on admet que l’apparition d’une force
politique ne relève pas du hasard et que la progression
du Front national n’est compréhensible que si l’on
prend en compte ce qui, dans son programme, traduit
et répercute les préoccupations de la société française,
obligation nous est faite d’examiner successivement le
contexte général qui a présidé au développement du
Front national, puis son évolution interne.

Dans la présentation des faits conjoncturels qui ont


eu une incidence sur la montée du Front national, deux
ensembles de facteurs peuvent être distingués.
Tout d’abord, il est certain que la permanence des
difficultés économiques a joué un rôle non négligeable
dans le processus de radicalisation d’une frange de
l’électorat. Quand il est apparu que la crise ne serait ni

333
provisoire ni soluble par la simple application de
théories dont la crédibilité est désormais sérieusement
entamée^^, le pessimisme ambiant a favorisé la diffu¬
sion des thèses lepenistes tel le slogan : « Trois millions
de chômeurs, c’est trois millions d’immigrés en trop ».
La complexité des problèmes économiques est alors
conjurée par le recours aux explications réductrices, qui
tranchent avec le « discours de nécessité, qui prêche la
résignation dans l’attente de jours meilleurs adopté
par les autres partis politiques. De plus, les arguments
du Front national tirent leur pouvoir de séduction de la
référence implicite faite à la hantise sécuritaire et aux
réflexes xénophobes, près de 73 % de ses électeurs
considérant l’immigration et l’insécurité comme priori¬
taires dans leur choix en faveur du Front national^^.
Cela explique la composition interclassiste de cet
électorat — Le Pen ralliant les catégories menacées par
la réduction du pouvoir d’achat et le chômage, mais
aussi les couches plus aisées — et son implantation en
milieu urbain, là où la présence des immigrés est la plus
manifeste^®. Rassemblement des mécontents qui « se
crispent sur leur identité en perdition »^^, le Front
national donne forme à « l’exaspération et aux décep¬
tions de couches d’origine très diverses en les intégrant
dans un système explicatif profondément réactionnaire,
à tonalité raciste, anti-syndicale et autoritaire
En second lieu, la progression du Front national est
liée à l’exercice du pouvoir par la coalition socialo-
communiste. En effet, c’est à partir de 1983 que le
Front national réalise sa percée, quand il devient
évident que le projet de nouvelle société avancé par la
gauche n’a pas plus de chance d’aboutir que le modèle
proposé par la droite. Faut-il en conclure que le Front
national doit sa fortune aux « déçus du socialisme » ?
Au regard de la composition politique de l’électorat, il

334
semble que l’apport de la gauche soit très faible^°\ En
revanche, on peut supposer que le Front national a
bénéficié d’une double évolution : d’une part, rendant
responsables les partis de droite du succès des socia¬
listes en 1981, certains électeurs RPR et UDF ont
reporté leurs voix sur Le Pen^®^ ; d’autre part, ces
mêmes partis ont dû se contenter jusqu’en mars 1986
d’une marge de manœuvre fort étroite, pris en étau
entre la nécessité — afin de reconquérir le quart des
électeurs de droite qui se sont abstenus en 1981 — de
rénover leur programme en y incorporant des thèmes
plus mobilisateurs (dont l’immigration) et le risque
d’une dérive extrémiste qu’ils tentent d’éviter. C’est
pourquoi, tout en condamnant Le Pen, la droite a dû
conclure dans certains cas des alliances locales avec le
Front national, situation dont Jean-Marie Le Pen a su
tirer profit.

— Parmi les méthodes utilisées par le Front national


pour sortir du cercle restreint dans lequel il s’est vu
confiné jusqu’en 1983, trois sont essentielles.
La première technique est, en complément de
l’exploitation politique du sentiment de «r crise d’iden¬
tité », la récupération polémique des valeurs nationales.
Les termes de patrie, de nation, de racines, jalonnent
les déclarations de Jean-Marie Le Pen qui déclare à
plusieurs reprises ; « J’aime mieux mes filles que mes
cousines, mes cousines que mes voisins, mes voisins que
des inconnus, et les inconnus que les ennemis ». Cette
« hiérarchie des sentiments »^®^ est placée sous le signe
d’un « droit à la différence », Jean-Marie Le Pen niant
toute accusation de racisme. Selon lui, ces distinctions
ne sont que « l’application du droit que nous avons
chacun d’être en France chez nous et du devoir que nous
avons de protéger d’abord les nôtres

335
— Cette stratégie discursive fondée suf l’euphémisa-
tion des propos racistes et sur l’utilisation des fantasmes
les plus archaïques, avec le SIDA notamment, s’accom¬
pagne de la conviction affichée par le Front national de
représenter l’opinion de l’ensemble des Français. Jean-
Marie Le Pen écrit par exemple : « Je crois que
l’immense majorité des Français, à 80 % à mon avis, se
retrouvent sur un grand nombre de consensus
consensus que seul le Front national peut exprimer au
grand jour, d’où le slogan : « Il [Jean-Marie Le Pen] dit
tout haut ce que vous pensez tout bas ». De fait, le Front
national s’auto-attribue le soutien de la société, ce qui
explique l’assurance de son leader qui affirme : « On
me dit, bien sûr, ce que vous faites est bien. Et quand on
vous entend, qu’on vous voit, qu’on vous lit, il faut
reconnaître qu’une espèce de bouffée d’air pur nous
arrive aux poumons et cela nous fait du bien
— Le troisième procédé se rapporte aux efforts
entrepris depuis quelques années pour étayer la
respectabilité du discours et la notabilité des cadres.
C’est ainsi que Le Pen se réclame de Reagan^®^, de Mac
Arthur et de Churchill. Par ailleurs, le Front national a
diversifié et élargi son recrutement, en accueillant dans
ses rangs des personnalités au profil fort honorable^®® et
en renforçant ses structures au niveau des instances
nationales, des fédérations départementales et des
sections locales. Cette mutation du Front national est
marquée également par le rapprochement avec les
catholiques intégristes groupés autour de Romain
Marie (Bernard Anthony), des Comités Chrétienté-
Solidarité et par le rôle croissant joué au sein de
l’appareil dirigeant par les transfuges du Club de
l’Horloge.
Cette association, créée en 1974 par Yvan Blot, Jean-
Yves Le Gallou et Henry Lesquen^®^ se définit comme

336
« un cercle de réflexion » qui « entend défendre les
valeurs républicaines en contribuant au renouvellement
de la pensée ». Le Club de l’Horloge est resté jusqu’en
1979-1980 dans l’orbite du GRECE, et certaines de ses
publications proposent des orientations idéologico-
politiques analogues. En particulier, l’ouvrage intitulé
La Politique du Vivant (1979), diffusé par la commis¬
sion « sciences de la vie », qui dénonce l’utopie
égalitaire et se réfère aux acquis de la science pour
souligner les différences entre les peuples et les
cultures. Mais, à la suite de la campagne de presse de
l’été 1979, le Club de l’Horloge a tenu à prendre ses
distances avec la Nouvelle Droite, et ses membres se
proclament aujourd’hui « nouveaux républicains »^^°.
L’objectif central du Club de l’Horloge est « d’élaborer
un projet politique de stratégie haute de contournement
du socialisme sur ses positions »^^^. A cette fin, le Club
de l’Horloge annexe les « valeurs républicaines » — « la
liberté, la sécurité, la propriété, la résistance à l’oppres¬
sion »^^^ — pour vaincre le socialisme, qui « sape les
capacités de résistance, matérielles et spirituelles, face au
danger extérieur »^^^. Le Club de l’Horloge oppose alors
terme à terme la liberté républicaine et l’égalitarisme
socialiste, la fraternité et ta lutte des classes, le
nationalisme et la désagrégation de la nation, l’huma¬
nisme et le totalitarisme... Il établit également une
distinction entre sa conception du libéralisme —
« tradition libertaire », décentralisatrice qui donne aux
citoyens « le droit de choisir librement l’affectation de
leurs revenus, et multiplier les possibilités de choix dans
le plus grand nombre possible de domaines »^^‘^ — et la
sociale-démocratie, qui conduit à l’Etat-providence, au
bureaucratisme et au fiscalisme. Ces thèmes sont
développés dans les ouvrages du Club de l’Horloge
dont la lecture nous indique le degré de parenté avec la

337
propagande lepeniste. Ainsi, la présence au sein du
Front national de Bruno Mégret (président des
CAR)“^ et de plusieurs autres adhérents du Club de
l’Horloge s’explique aisément du fait des multiples
convergences doctrinales entre les deux mouvements,
notamment en matière d’éducation, d’immigration, de
sécurité et de justice^
Ces adhésions apportent au Front national, déjà
converti au « national-libéralisme un surcroît de
nouveaux thèmes qui enrichiront son programme,
d’autant qu’il se présente, à l’instar du Club de
l’Horloge, comme le gardien de la République et de la
démocratie.
Enfin, la présence de Romain Marie aux côtés de
Jean-Marie Le Pen témoigne des liens qui se sont tissés
entre le Front et une partie du courant catholique
traditionaliste, via les Comités Chrétienté-Solidarité^^®,
les CAPS^^^ et la revue Présent^^^. Au nom du
« ralliement des énergies pour la chrétienté et des forces
de résistance au génocide et au totalitarisme », Présent
prône le rétablissement d’une société fondée sur les
principes de la Sainte Eglise catholique, apostolique et
romaine, l’abolition de la démocratie — « duperie
élevée à la hauteur d’une institution(...) régime immoral
et contre-nature — et l’organisation de l’économie
sur la base du corporatisme social conservateur.
Contestant la « vision d’une identité de tous les peuples
et de toutes les ethnies Présent opère la même
association que le Front national entre la présence des
étrangers en France et l’insécurité : « bonne affaire
pour certains exploiteurs », les immigrés le « sont
encore plus pour les révolutionnaires qui, nouveaux
négriers, voient en eux d’excellentes masses de manœu¬
vre pour leur sinistre révolution »^^^. Présent et le Front
national enfourchent les mêmes chevaux de bataille : le

338
communisme, l’avortement — qui officialise le « géno¬
cide anti-Français » — la « politique politicienne »,
l’affaiblissement des valeurs morales qui encourage
toutes les perversions dont l’homosexualité...

Ce renfort d’une fraction des intégristes et du Club


de l’Horloge a élargi la base du Front national, cette
diversification étant sans conteste un des facteurs de sa
réussite en mars 1986. Décrit par les rédacteurs de
National-hebdo^^^ comme l’un des meilleurs théoriciens
politiques du moment^^^, Jean-Marie Le Pen a annoncé
sa candidature au poste de Président de la République
en 1988, escomptant que son parti obtienne 20 % des
suffrages lors des futures législatives. Il serait sans
doute vain de tenter d’évaluer le bien-fondé de cet
optimisme. En revanche, on peut s’interroger sur la
signification de la percée électorale du Front national,
afin de déterminer si cette renaissance de l’extrême-
droite implique une fascisation du champ politique.

Néo-fascisme à la française ?

La multiplication depuis 1945 de mouvements d’ins¬


piration néo-fasciste témoigne de l’attrait qu’exerce
encore aujourd’hui le fascisme sur une fraction ultra-
minoritaire, mais qui n’en est pas moins active, des
forces politiques. Face à cette donnée, il convient de
chercher les facteurs de la pérennité d’une telle
influence, d’autant que les événements dont le fascisme
italien et le national-socialisme ont été responsables
durant la période la plus sombre de notre histoire
auraient dû discréditer à jamais un tel modèle. D’autre

339
part, le terme de néo-fascisme appelle quelques
précisions. S’agit-il d’une simple réminiscence d’un
passé révolu, le fascisme étant promu au rang de
mythe, d’archétype universel auquel se réfèrent les
nostalgiques du IIP Reich ? Ou bien le néo-fascisme
est-il une catégorie existant en soi, doté d’une essence
autonome et distinct de son prédécesseur par l’intro¬
duction d’éléments originaux^^^ ?
Il semble, au terme d’une recension des groupes qui
se réclament plus ou moins explicitement du fascisme,
que le néo-fascisme présente cette double dimension
puisque sa diffusion repose sur deux éléments. Le
premier est la stratégie poursuivie depuis la guerre par
certains représentants d’extrême-droite visant à rendre
acceptable la référence au fascisme. Le second réside
dans l’effort entrepris depuis quelques années pour
rénover le corpus doctrinal en enrobant cette référence
d’une enveloppe pseudo-scientifique et en usant de
métonymies au lieu de termes désormais bannis du
discours extrémiste.
Ainsi, l’étude du degré de fascisation de l’extrême-
droite actuelle comporte diverses difficultés qui tien¬
nent à la complexité du phénomène et à la variété de
ses manifestations. Ces difficultés ont dicté le plan de
cette analyse qui nous conduira tout d’abord à suivre le
cheminement du néo-fascisme et à rechercher les motifs
de sa permanence. Puis nous tenterons d’évaluer
l’apport de la Nouvelle Droite et son incidence sur
l’extrême-droite. Enfin, nous dresserons un panorama
des organisations, en prenant soin de distinguer les
différentes composantes de l’extrême-droite et en les
classant en fonction de leur plus ou moins grande
adhésion aux postulats fascistes.

340
L’ombre du passé

Le champ d’émergence de l’ensemble des formations


néo-fascistes a été préalablement délimité puis amé¬
nagé en fonction de trois impératifs : 1) conférer une
nouvelle légitimité au fascisme en dissociant la doctrine
des excès commis en son nom ; 2) opérer une relecture
du fascisme afin de démontrer que si autoritarisme il y
a, ce n’est pas à droite qu’il faut en situer l’origine ;
3) réinterpréter le fascisme en lui conférant une
dimension a-historique et en le transformant en une
sorte d’idéal-type susceptible d’être appliqué à tout
moment.
Ce travail de terrassement a été inauguré par
Maurice Bardèche qui s’efforce depuis la guerre de
réhabiliter l’idéologie fasciste en séparant théorie et
pratique. Dans son ouvrage Qu’est-ce que le fas¬
cisme .^(1961) il entend prouver qu’«r aucun lien logi¬
que, nécessaire, automatique, ne relie le fascisme au
racisme et déclare : « Le fascisme, en tant que
système politique, n’est pas plus responsable de la
politique d’extermination des Juifs que la physique
nucléaire, en tant que théorie scientifique, n’est respon¬
sable de la destruction d’Hiroshima Hitler s’est
situé « hors du contrat fasciste et doit être tenu pour
seul coupable de la solution finale. Cette argumenta¬
tion est reprise par H.Coston qui écrit : « Faut-il donc
juger une doctrine sur les excès ou les crimes que
commettent ceux qui veulent l’appliquer ? Croit-on que
les martyrs chrétiens mouraient pour la future Inquisi¬
tion ? Que les volontaires de l’an II mouraient pour la
machine du Docteur Guillotin ou les bateaux à soupapes
de Carrier
Ainsi épuré, le fascisme est doté de multiples qualités
qui ne peuvent être remises en cause par des résultats

341
« produits dans une période de fonctionnement anor¬
mal ce qui permet à Maurice Bardèche d’affirmer
que « le fascisme doit être uni dans notre pensée à une
idée dont il a été trop longtemps séparé, celle de la
tolérance
A cette dissociation succède la révision historique,
qui consiste soit à minimiser les crimes nazis, soit à les
nier totalement. Outre les thèses déjà citées de
Faurisson, de Paul Rassinier et de Serge Thion, on peut
évoquer la contribution de plusieurs auteurs étrangers
dont les ouvrages ont été diffusés en France par les néo¬
fascistes français : G.A. Amaudruz, H.Diwald, Thies
Christophersen^^'*...
Cette négation du génocide s’accompagne de la
réfutation de l’équation fascisme=totalitarisme, puis¬
que les néo-fascistes établissent une distinction entre la
nature autoritaire du fascisme et le caractère totalitaire
du marxisme. L’autoritarisme est selon eux la meilleure
garantie des libertés, « mystique de la réalisation
selon Bardèche qui ne repose pas sur la contrainte mais
sur « le courage, la discipline, l’esprit de sacrifice,
l’énergie, vertus qu’on exige des soldats au combat, des
pionniers, des équipages en péril De même,
Roland Gaucher, dans Le fascisme est-il actuel .^(1961)
écrit : « Peut-on faire au fascisme et à son chef le
reproche d’avoir constaté le triomphe des forts et
l’écrasement des faibles ?(...) On a présenté comme une
espèce de sadisme ce qui n’était qu’une leçon tirée de
l’histoire
Afin de prouver le bien-fondé de cette distinction,
R.Gaucher et M.Bardèche s’appliquent de concert à
souligner l’éminence du fascisme et son indiscutable
supériorité sur le communisme. Pour le premier, « le
bolchevisme fait table rase du passé. Le fascisme
respecte et consolide toutes les constructions histori-

342
ques Quant au second, il constate que « la
suppression de la liberté, les arrestations arbitraires, les
camps de concentration, la torture qu’on prétend rejeter
sur le fascisme sont tout aussi bien et tout aussi souvent le
propre des régimes dirigés contre le “danger fas¬
ciste”
Tactiquement dépouillé de tous les éléments qui
pourraient justifier sa mise en accusation, le fascisme
est enfin présenté comme une solution radicale aux
maux de la société française. Conjuguant avec bon¬
heur, selon les néo-fascistes, renaissance nationale et
renouveau spirituel, le fascisme aurait plongé ses
racines dans les idées-forces de notre civilisation.
Défini par M.Bardèche comme « une révolte contre le
conformisme, l’esprit de soumission et d’abandon, la
lâcheté morale qui endort nos nations le fascisme
est né dans un contexte de crise comparable aux
difficultés actuelles : faillite du régime politique et
social, néo-capitalisme de spéculation, système des
partis qui s’affrontent dans une lutte stérile, invasion du
territoire par des hordes étrangères, reconstitution des
monopoles judéo-maçonniques... Dès lors, le retour du
fascisme, « médecine empirique qui naît de la crise
est une hypothèse envisageable, même si M.Bardèche
et R.Gaucher admettent que cette entreprise pourrait
se heurter à quelques obstacles. Néanmoins, tous deux
posent qu’au prix de certains aménagements, le
fascisme serait le ferment d’une résurrection de la
France, R.Gaucher ajoutant qu’il « pourrait nuancer
utilement l’attitude d’un homme ou d’un groupement
dans l’arène politique

Telles sont donc les grandes lignes de cette stratégie


d’acceptabilité opérée par les néo-fascistes français
depuis 1945. Mais cette propagande serait sans doute

343
restée inopérante sans le secours de trois événements, à
savoir les remous provoqués par la décolonisation, les
difficultés consécutives aux mutations de l’économie
française et l’émergence de la Nouvelle Droite. A
propos de la décolonisation, il est fort instructif
d’examiner l’interprétation qu’en donnent les néo¬
fascistes, en particulier R.Gaucher qui écrit : « Dans la
crise européenne politique qui a suivi la Première Guerre
mondiale, les facteurs qui ont joué en faveur des
mouvements autoritaires sont nombreux, mais à l’ori¬
gine on trouve, en Italie comme en Allemagne un
phénomènej...) : la colère des combattants humi¬
liés^ Il poursuit : « Il n’est pas paradoxal d’avancer
qu un certain nombre de conditions de l’Italie d’alors se
trouvent maintenant réunies dans la France d’aujour-
dhui(...) La France a été contrainte d’engager les
meilleurs éléments de son armée dans une longue bataille
pour la défense de son empire qui s’est traduite jusqu’ici
par des revers et des retraites...
Quant à la Nouvelle Droite, en renouvelant le
lexique fasciste, elle va permettre la diffusion d’idées et
de propositions auparavant circonscrites dans le cadre
exigu de groupuscules et de publications clandestines.
Le racisme primaire de Binet ou la mystique celtique de
Pierre Sidos ne pouvaient atteindre qu’un nombre
insignifiant de jeunes militants qui ne retenaient du
modèle fasciste, surtout dans sa version allemande, que
l’apparat militaire, et qui avaient une vision pour le
moins simpliste du passé.

Les ambiguïtés delà Nouvelle Droite

Après avoir évoqué précédemment les circonstances


qui ont présidé à la création du GRECE et de ses filiales, il

344
convient à présent d’étudier non plus l’image que la
Nouvelle Droite donne d’elle-même, mais les coulisses de
son organisation et les équivoques de son discours.
Au regard de la composition du comité de patronage
de Nouvelle Ecole, on constate ainsi que la Nouvelle
Droite entretient des relations suivies avec des mouve¬
ments résolument et ouvertement racistes tels que la
Northern League, créée en 1957 par Roger Pearson,
qui préside également la World Anti-Communist
League. Plusieurs membres de ces organisations ou des
collaborateurs des revues qu’elles diffusent ont cau¬
tionné les thèses du GRECE^"^^ dont le projet métapoli-
tique n’est pas sans rappeler à bien des égards le
discours néo-fasciste. Cette remarque nous amène à
poser la question suivante : dans quelle mesure la
Nouvelle Droite peut-elle être considérée comme un
mouvement fasciste ?
De l’exploration des principales valeurs du GRECE,
il ressort que la doctrine de la Nouvelle Droite est un
syncrétisme d’influences diverses. Sa critique des
utopies libérales, sa conception de l’ordre et de la
hiérarchie s’apparentent par exemple au traditiona¬
lisme. De même, l’idée d’enracinement^"^^ rejoint les
préoccupations de Maurras sur la tradition et la
capitalisation. René Rémond note à ce propos : « Il
n’est pas jusqu’à la référence à la nature, avec le
biologisme, qui ne fasse songer à l’organicisme si
caractéristique de cette droite extrémiste . Le
GRECE et l’Action française ont d’autres points
communs ; l’anti-égalitarisme, l’élitisme, la référence à
la culture européenne et à la Grèce^"^®, l’anti-américa-
nisme 149 .
Cependant, la Nouvelle Droite récuse la conception
d’un ordre naturel, ce qui l’éloigne du courant contre-
révolutionnaire traditionnel. De plus, le biologisme

345
scientifique diffère du positivisme maurrassien et la
scientificité du GRECE repose sur un anti-christia¬
nisme virulent. En raison du paganisme professé par
Alain de Benoist, la parenté entre le GRECE et
l’Action française mérite d’être soulignée mais ne peut
être poursuivie.
Les références à l’indo-européanisme, aux mythes
celtiques, au « romantisme le plus éperdu, celui d’Os-
sian ou de la poésie germanique permettent-elles
alors d’assimiler grécisme et national-socialisme ? La
Nouvelle Droite s’indigne de ce rapprochement, qu’A-
lain de Benoist qualifie de « maccarthysme sa
vocation étant, selon elle, de créer de nouvelles normes
culturelles qui échappent à toute classification histori¬
que et même politique^^^. Elle se dit également opposée
au totalitarisme et critique la dérive d’Hitler, devenu un
chef plébiscitaire. De fait, si l’apologie des élites, du
dépassement de soi, le culte du héros viril renvoient à
1 idéal SS, l’aristocratisme du GRECE ne ressemble pas
à la rhétorique sociale et populaire du national-
socialisme, mouvement de masse qui ne correspond pas
exactement à l’image de la caste guerrière et intellec¬
tuelle prônée par Alain de Benoist. Plutôt que le IIP
Reich, la conception de la « communauté organique »
de la Nouvelle Droite reproduit le modèle de la Grèce
antique, complété par les principes de la Révolution
conservatrice de Moeller van den Bruck.
D autre part, la Nouvelle Droite n’est pas ou peu
nationale, et son européanisme aboutit, selon René
Rémond, à la dissolution de « la personnalité natio¬
nale » et de « l’histoire de France A l’inverse, le
national-socialisme défendait la supériorité des peuples
indo-européens et la nécessité d’une Europe raciale-
ment homogène, mais était également ultra-nationa¬
liste et s inspirait tout autant des théories sur la race

346
aryenne que du pangermanisme de Fichte.
Ces divergences ne suffisent pas néanmoins à écarter
la possibilité de voir dans le GRECE une résurgence du
fascisme, ou plus exactement du pré-nazisme. En effet,
ni Hitler ni Mussolini ne figurent dans le Panthéon de la
Nouvelle Droite, mais on y trouve Gobineau, Houston
Chamberlain, Vacher de Lapouge, Julius Evola, Hans
Günther... dont les thèses ont nourri le racisme
biologique et l’anti-humanisme fascistes. Certes, on
peut admettre avec Raymond Aron que « la biologie
n’appartient pas à Hitler et que la génétique ne conduit
pas au national-socialisme ou que le racisme n’est
qu’un aspect du nazisme. Mais il en a toutefois
constitué l’axe principal et l’euphémisation du discours
ne parvient pas à masquer cette filiation^^^.
Enfin, en dépit des déclarations d’Alain de Benoist
— «• il est parfaitement clair » dit-il « que les travaux
théoriques de la Nouvelle Droite ont précisément pour
objectif de constituer une alternative cohérente à l’inten¬
tion d’une famille d’esprit qui n’a que trop souvent été
séduite par les sirènes de l’extrémisme, de l’activisme, de
l’ordre moral, du christianisme et du racisme — il
est incontestable que le GRECE a contribué à la
diffusion du néo-fascisme en France. M.Bardèche
reconnaissait en 1961 que celui-ci manquait d’une
dialectique^^^. « L’alternative cohérente » de la Nouvel¬
le Droite a comblé ce vide en sophistiquant le contenu
de ce courant.

Les extrêmes-droites face au néo-fascisme

Tout essai pour évaluer le degré d’influence du


fascisme sur l’extrême-droite actuelle comporte deux
écueils : d’une part, accorder globalement l’étiquette

347
fasciste à toutes les composantes, au risque de confon¬
dre les situations et de gommer les spécificités ; d’autre
part, distinguer ce qui relève du fascisme de ce qui lui
est étranger, le danger étant dans ce cas que cette
présentation des nuances soit perçue comme une
volonté de nier les virtualités fascisantes de certains
mouvements.
L’une comme l’autre perspective ne sont guère
satisfaisantes, mais si nous voulons prendre la mesure
de l’imprégnation fasciste, nous sommes astreints à
établir une classification, dans le seul but de permettre
une appréciation plus exacte du phénomène étudié.

La première catégorie est formée des organisations


ayant pour ambition d’être la réplique, plus ou moins
fidèle, du parti national-socialiste allemand, ou qui se
réclament du fascisme, dans sa version originale ou
celle revue et corrigée par les néo-fascistes français.
Parmi les partisans les plus convaincus du nazisme se
trouvent Yves Jeanne, fondateur du Mouvement
national-communautaire et directeur de la revue
« ethniste-socialiste », Le Devenir Européen^^^, ainsi
que Jean-Claude Monet (petit-neveu du peintre),
« reconverti à la croyance extra-lucide, animateur de la
Grande Loge du Vril sous le titre de Karl Thor 99,
représentant de la Surface du Phosphoros-Lucifero,
seconde manifestation du Crocodile incommunicable,
souverain maître du Schamballah et chef suprême de la
race des Verts J.C. Monet, qui se déclare « natio¬
nal-socialiste, antisémite et raciste » a fondé en 1961 le
Parti national-socialiste ouvrier français (PNSOF) dont
l’organe Le Wiking reproduit le sigle de la croix
gammée. « Organisation druidique », le PNSOF de¬
vient le Breuziezh An Heraud puis l’Organisation
Swastiska (OSS). A la fin de la guerre d’Algérie, Monet

348
est à la tête d’un nouveau mouvement, le Parti
prolétarien national-socialiste, avec à ses côtés Charles
Luca (Commandos Saint Ex), Hermann Mollat (ancien
membre de la division Charlemagne) et Yves Calzi,
alors secrétaire international de la WUNS^^®. En 1975,
Monet lance le National-Socialisme international(NSI),
désireux de voir l’avènement d’un régime dictatorial
imité du nazisme et la formation d’une Europe des
ethnies consacrant la suprématie de la race nordique.
En marge de ces adeptes du IIP Reich existe le
courant néo-fasciste européen, lui-même divisé en deux
tendances depuis la scission en septembre 1951 du
Mouvement Social Européen né à Malmô en 1950. La
première est représentée par Maurice Bardèche et sa
revue. Défense de l’Occidenf^^ à laquelle a collaboré
F.Duprat. La seconde est celle du Nouvel Ordre
Européen d’Amaudruz dont font partie l’Action euro¬
péenne de P.démenti, disciple de Binet et directeur du
mensuel Combat Européen^^^, et le groupe Peuple et
Nation de Daniel-Louis Burdeyron^^^. Défense de la
race blanche, indépendance de l’Europe, antisémi¬
tisme, anticommunisme, dénonciation du « complot
anti-fasciste » et négation du génocide sont les thèmes
principaux de ces organisations qui, selon Peuple et
Nation, refusent « d’assumer les erreurs historiques »
qu’on attribue au fascisme, et qui n’écartent pas la
possibilité d’un recours à des méthodes violentes,
« propres à tout mouvement minoritaire souhaitant
s’exprimer dans un environnement hostile
Les Solidaristes constituent le troisième courant néo¬
fasciste en France, dont l’histoire est ponctuée de
ruptures et de rivalités. En simplifiant quelque peu, on
peut citer tout d’abord L’Œuvre française de Pierre
Sidos qui survit tant bien que mal depuis sa création en
1968165 piefj-e Sidos présente son nationalisme comme

349
« un humanisme, et cet humanisme est aujourd’hui le
garant de toutes les libertés face (...) à la tentation
d’hégémonie politique des Super-Grands ». De plus,
« la première urgence est d’œuvrer ardemment pour
délivrer la France et les Français d’un cosmopolitisme
idéologique et économique
Outre l’Œuvre française, est apparu le groupe Action
Jeunesse (GAJ) tandis que J.G. Malliarakis rompt avec
P.Sidos et quitte Le Soleil pour lancer sa propre
publication L’Action Nationaliste et le Parti Jeune
Nation solidariste^^^. Peu après, il rejoint le GAJ, ce
qui provoque le départ de plusieurs membres, dont J.P
Stirbois, qui adhèrent au Front national sous le nom
d’Union des Solidaristes^^*. De même, l’équipe de
Militant, revue dirigée depuis 1967 par Pierre Bous-
quet^^^, se sépare du GAJ pour se rapprocher de Jean-
Marie Le Pen, du moins jusqu’en avril 1980, date à
laquelle la rupture est rendue publique. Pierre Pauty,
rédacteur en chef de Militant, publie dans Notre Europe
(organe de la FANE) un article intitulé « le Front
national est mort » et depuis la querelle ne cesse de
s’envenimer. Militant reproche au Front national de
faire de l’électoralisme et d’avoir trahi les espoirs des
Solidaristes. Favorable à la préservation biologique de
la race européenne. Militant réclame par ailleurs
l’abrogation de la loi Pleven condamnant toute discri¬
mination, et celle portant sur l’imprescriptibilité des
crimes contre l’humanité^"^®.
La dernière composante néo-fasciste est celle des
nationalistes révolutionnaires, réunis autour de Fran¬
çois Duprat. Journaliste, historien et écrivain, Duprat a
participé à Jeune nation, à la FEN, à Occident et à
Ordre Nouveau, tout en développant un important
réseau de presse — avec notamment les Cahiers
Européens, les Dossiers nationalistes et la Revue

350
d’histoire du fascisme^^^ et en nouant des contacts avec
les mouvements extrémistes internationaux. Membre du
Bureau politique du Front national, il anime les Groupes
nationalistes révolutionnaires (GNR) qui poursuivront
leurs activités après son assassinat en 1978.
Défini comme « une tentative de prise en charge de la
crise actuelle de l’Occident, sur le plan d’une remise en
cause radicale de la dite Société le nationalisme
révolutionnaire se propose d’instaurer un « Etat-popu¬
laire » rassemblant les éléments spécifiquement fran¬
çais de la nation dans une structure homogène et
hiérarchisée. Excluant les étrangers qui colonisent la
France, « les profiteurs, les parasites l’Etat doit
être au service du peuple, être contrôlé par des citoyens
armés réunis en milice ou en Garde nationale, et
respecter « les principes de cohésion, de coopération
mutuelle entre les divers participants de ce groupement
historique
En matière économique, les GNR sont partisans
d’une redistribution des richesses nationales par la
remise d’actions et l’adoption d’un mode communau¬
taire de production.
Afin de mener à bien cette transformation de la
société, Duprat a conçu un plan en deux volets : 1) la
création d’une organisation militaire animée d’un
véritable esprit révolutionnaire ; 2) la participation aux
élections et l’alliance avec un parti chargé de représen¬
ter l’idéal nationaliste révolutionnaire auprès de l’opi¬
nion publique, les relations entre les cellules de combat
et la formation politique devant être à l’image des
rapports entre SA et NSDAP. Le Manifeste qui diffuse
ce programme est complété par une annexe dans
laquelle son auteur, D. de Poortere écrit : « “Le
Fascisme aujourd’hui est à l’ordre du jour.” Cette
phrase, prononcée par Mussolini en 1930, pourrait l’être

351
de nouveau en 1974(...) Quand nomb'reux sont ceux
dans un pays qui cessent de rêver pour agir, la condition
d’un fascisme surgit et les braises, qui ne se sont jamais
éteintes depuis 1945, allument une nouvelle flamme. Il
faut croire, obéir, combattre
Forts de ces convictions, les GNR vont tenter de faire
admettre leur point de vue au sein du Front national et
fusionnent avec la Fédération d’Action nationale et
européenne (FANE) de Marc Fredriksen^^^. La FANE
dispose d’une revue, Notre Europe, et d’un mensuel
polycopié, L’Immonde, ces deux publications étant
rédigées par la même équipe, en particulier Jacques
Bastide et Michel Faci. Pour ce dernier, « Userait temps
de s’interroger sur l’avenir de l’Afrique australe, sym¬
bole de la volonté civilisatrice de la race blanche, et d’en
tirer les conclusions nécessaires à la bonne orientation de
notre combat en Europe pour le patrimoine ethni¬
que Antisémiteet anticommuniste, la FANE
soutient Jean-Marie Le Pen jusqu’en 1979. Dissoute en
1980, elle s’est reconstituée depuis sous l’appellation de
Faisceaux nationalistes européens (FNE).
Quant aux GNR, ils se sont alliés avec le GAJ et les
GBR (groupés autour de La lettre NR-Hebdo d’Yves
Bataille) pour former le Mouvement nationaliste
révolutionnaire (MNR), qui a tenu sa première confé¬
rence nationale en février 1979. Les grandes lignes du
programme du MNR sont les suivantes : dénonciation
de l’américanisme des firmes multinationales et de la
finance cosmopolite, antisémitisme et anti-commu¬
nisme. Le MNR a élargi le champ de ses activités, par le
biais du Front des étudiants nationalistes (FEN) et de
l’Ecole des Cadres du Mouvement (1980). Enfin, le
MNR convie les mouvements d’extrême-droite à des
banquets unitaires, où l’on trouve Militant et l’Œuvre
française de Pierre Sidos.

352
Au-delà des divergences qui les opposent, toutes les
formations qui appartiennent à cette première catégo¬
rie ont pour point commun la faiblesse de leurs
effectifs, ce qui laisse à penser que « plus le néo¬
fascisme se veut authentique et doctrinaire, plus sa base
sociale est restreinte ». A l’inverse, « plus il mène une
politique d’ouverture, plus il récupéré de sympathie et
constitue un pôle d’attraction

L’évolution du Front national confirme ce théorème


puisque durant la période marquée par la prédomi¬
nance des nationalistes révolutionnaires, le parti de
Jean-Marie Le Pen végète et ne parvient pas à
convaincre l’électorat alors qu’il fait déjà campagne sur
le thème de l’immigration. En revanche, il obtient ses
premiers succès dès qu’il atténue la tonalité néo-fasciste
de son programme dont l’examen nous révèle le
caractère hétérogène. Aussi est-il nécessaire de déter¬
miner les différents apports et de préciser les héritages
autour desquels ils s’ordonnent.
Il semble, de prime abord, que le Front national n’ait
pas totalement rompu avec le néo-fascisme, même si
Jean-Marie Le Pen refuse tout rapprochement en
déclarant que « la revendication de l’autorité et de
l’ordre qualifiée si banalement de fascisme, de nazisme,
que sais-je encore, n’est que la revendication de la
défense des droits de tous Il est ainsi convaincu
qu’il y a « une persécution de la droite assimilée d’une
manière tout à fait abusive au national-socialisme
allemand et au fascisme italien, qui sont pourtant, de
manière évidente, deux phénomènes de gauche
reprenant par là l’argumentation des premiers néo¬
fascistes devenue depuis peu un lieu commun du
discours extrémiste^®^.
Cependant, les références au celtisme^®^, le culte du

353
chef — « le Français », écrit Jean-Marie Le Pen,
« quand il est tiré par de grandes idées et conduit par de
vrais chefs(...) va plus loin que tout le monde —,
l’ambiguïté des relations du FN avec l’extrême-droite
italienne ou espagnoleet l’attitude à l’égard des
régimes militaires d’Amérique latine, de l’Afrique du
Sud ou de l’affaire Roques^®^... sont autant d’éléments
qui donnent au Front national une coloration néo¬
fasciste^*^.
Néanmoins, force est d’admettre que cette influence
n’est que médiate, le Front national apparaissant
actuellement plus modéré que d’autres mouvements
d’extrême-droite, y compris la fraction intégriste
proche de Jean-Marie Le Pen puisque les articles de
Présent, notamment sur le « lobby juif » et l’affaire
Barbie, sont beaucoup plus engagés que ceux de
National-Hebdo^^^.
D’autre part, le Front national ne peut être stricte¬
ment identifié à un parti fasciste dès l’instant où
plusieurs points de son programme ne correspondent
pas, et sont même opposés au modèle fasciste. En ce
qui concerne le rôle de l’Etat, le Front national réclame
le renforcement de son pouvoir mais dans les seules
fonctions régaliennes, de même que dans le domaine
économique, il lutte pour la déréglementation, la fin de
l’interventionnisme, la suppression des « carcans bu¬
reaucratiques ce désengagement de l’Etat devant
s’étendre à l’Instruction, les familles ayant « la respon¬
sabilité première de l’éducation et de la formation de
leurs enfants Ses mots d’ordre sont : « Libérer
l’entreprise », « rétablir la libre concurrence », « en finir
avec l’inquisition fiscale », «favoriser la renaissance de
l’esprit d’entreprise » et réduire la domination excessive
de l’exécutif sur le Parlement, afin de « rendre la parole
au peuple ».

354
En définitive, si l’on écarte le non-dit, les accents
xénophobes et antisémites du discours de Jean-Marie
Le Pen, on constate que le Front national tend à
s’éloigner du néo-fascisme^^^
Du reste, d’autres filiations sont décelables dans
l’idéologie du Front national qui, dans la mesure où
l’idée de décadence, le refus de la politique politi¬
cienne, les appels au relèvement national et la distinc¬
tion entre « pays réel » et « pays légal rappellent les
propos tenus dans les années trente, peut être rattachée
à la tradition boulangiste du nationalisme français. Des
similitudes transparaissent par exemple entre le Front
national et les Croix de feu dont le leader, le colonel de
la Rocque, formulait des propositions proches de celles
de Jean-Marie Le Pen^^^. Mais les différences sont
toutes aussi nombreuses que les analogies qui, pour
séduisantes qu’elles soient, n’en demeurent pas moins
limitées. Le Front national a choisi l’option légaliste et
non l’agitation ligueuse pour conquérir le pouvoir, et
l’on ne trouve nulle trace d’une quelconque formation
para-militaire dans les structures du Front national. De
plus, le Front national a adopté le « national-libéra-
lisme » du Club de l’Horloge, situé aux antipodes de
l’anticapitalisme des ligues.
Le Front national peut-il alors être comparé au
mouvement poujadiste ? Jean-Marie Le Pen aborde
effectivement les thèmes de la pression fiscale, de
l’omnipotence de l’Etat, de la pesanteur bureaucrati¬
que et ressuscite le mythe des « petits » en lutte contre
les « gros ». Pourtant, en dépit des efforts du Front
national pour rallier les électeurs qui votèrent UDCA
en 1956, les deux partis n’ont pas la même assise
électorale.
L’hypothèse selon laquelle le Front national serait
l’héritier du courant contre-révolutionnaire n’est guère

355
plus probante. Si les concepts d’ordre moral, de
patrimoine et de tradition, ou l’éloge de l’humanisme
chrétien, peuvent suggérer une parenté, le caractère
populaire et populiste du Front national infirme toute
tentative d’assimilation. Certes, le Front national est
soutenu par une fraction des catholiques^^'* et la
présence de certains intégristes aux côtés de Jean-Marie
Le Pen n’est compréhensible que si l’on tient compte de
l’ultracisme inclus dans la propagande lepeniste. Néan¬
moins, le Front national se sépare de la tradition
contre-révolutionnaire sur bien des points, et Jean-
Marie Le Pen se réclame plus des conservateurs
reaganiens que de La Tour du Pin ou d’Albert de Mun.
En dernière analyse, il s’avère que le Front national
n’est réductible à aucune école de pensée, l’originalité
de son idéologie étant de réunir en un tout composite
les éléments empruntés çà et là aux diverses familles
extrémistes. Par ce travail de synthèse, le Front
national cherche tour à tour son ancrage dans le passé
et l’avenir, et associe des schèmes disparates, logique¬
ment inconciliables, afin de renforcer son argumenta¬
tion.
René Rémond note que le Front national « a déplacé
le centre de gravité du système politique et entraîné
l’ensemble du dispositif vers la droite Or, ce
phénomène peut, à terme, desservir le Front national
en ce sens que les formations de droite tendent à
s’emparer des ingrédients qui constituaient les meil¬
leurs atouts électoraux de Jean-Marie Le Pen. Pour
préserver son originalité, le Front national est alors
contraint de recourir à de nouveaux arguments.
Cependant, la concurrence des partis de droite restreint
les possibilités de choix, et face aux récentes déclara¬
tions de Jean-Marie Le Pen quant à la création de
« sidatoriums », on peut se demander si le Front

356
national n’est pas acculé aujourd’hui à se retrancher sur
des positions de plus en plus exiguës.

La troisième et dernière catégorie de cette classifica¬


tion comprend la mosaïque des groupements et des
publications d’inspiration monarchiste, catholique ou
d’obédience maurrassienne.
L’héritage officiel de l’Action française est, encore
de nos jours, revendiqué par la Restauration nationale
de Pierre Juhel et par l’hebdomadaire Aspects de la
France (dirigé par Pierre Pujo), qui entendent poursui¬
vre le plus fidèlement l’œuvre de Charles Maurras, à
l’inverse de Rivarol qui, depuis sa création, s’est
éloigné du nationalisme intégral pour se rapprocher du
courant néo-fasciste. Depuis la mort de René Mallia-
vin, Rivarol a été dirigé successivement par Pierre
Dominique, Maurice Gaït et Camille-Marie Gallic, et
demeure l’un des hebdomadaires les plus importants
d’extrême-droite.
La Restauration nationale, qui souffre encore de la
scission de La Nation française et dont l’audience est
fort réduite, traverse une seconde crise en 1971 :
plusieurs responsables de l’Action-Française Univer-
sité^^^ se séparent de la maison-mère pour fonder, sous
la houlette de Bertrand Renouvin, La Nouvelle Action
française (NAF)^^^. Cette nouvelle organisation sou¬
haite rénover la pensée maurrassienne et inclure dans
son programme des thèmes plus en accord avec les
préoccupations politiques de l’électorat. Candidat aux
présidentielles en 1974 — où il n’obtient que 0,2 % des
suffrages exprimés — Bertrand Renouvin fait ainsi
campagne, non pas sur l’idée de restauration de la
monarchie, mais aborde les questions d’indépendance
nationale, de décentralisation et de construction euro¬
péenne. Hostile aux thèses de la Nouvelle Droite dont

357
s

elle dénonce dès 1973 les virtualités fascistes, la N AF


prend également ses distances avec l’ensemble de
l’extrême-droite^^®, et B.Renouvin préconisera même,
lors du second tour des élections de 1981, le vote en
faveur de François Mitterrand.
La NAF ne rencontre guère plus d’écho que la
Restauration nationale, d’autant qu’en juin 1976 cer¬
tains de ses adhérents quittent le mouvement et fondent
le Comité d’organisation provisoire de coordination des
activités royalistes^^^. Dirigé par Fabrice O’Driscoll et
Philippe Lallement, le COPCOR a pour ambition
d’être une structure d’accueil pour les diverses compo¬
santes de la famille monarchiste, y compris la Restaura¬
tion nationale^®®.
A ces multiples divisions s’ajoute encore la querelle
entre la direction parisienne de la Restauration natio¬
nale et les cadres provinciaux qui décident, en mai
1983, de créer les Unions Royalistes, regroupées dans
la Fédération des Unions Royalistes de France (FURF)
qui comprend douze sections, pour la plupart situées
dans le Midi de la France^°^
Enfin, les monarchistes se séparent entre partisans
du Comte de Paris(RN, NAF, FURF) et les légitimistes
qui reconnaissent le duc d’Anjou et de Ségovie comme
seul chef de la Maison royale. A sa mort en 1975, son
fils Louis Alphonse duc de Bourbon est devenu le
nouveau prétendant. Depuis 1983, de jeunes légiti¬
mistes ont créé La Garde Blanche (revue : Ultra) dont
l’activité principale est d’organiser des camps d’été ou
des pèlerinages au Mont Saint-Michel.
Quant aux catholiques proches de l’extrême-droite,
ils sont répartis en deux courants : les intégristes et les
modérés. Dans le camp des modérés, on peut citer le
mouvement royaliste des Silencieux de l’Eglise (revue ;
Credo) dirigé par Pierre Debray et Michel de Saint

358
Pierre^^^. Parmi les intégristes figure la Contre-Ré¬
forme Catholique de l’abbé de Nantes qui a rompu en
1976 avec Mgr Lefèbvre. La Contre-Réforme catholi¬
que est violemment antisémite, anti-communiste, anti¬
libérale, et lors d’un meeting en 1976, son leader a salué
« les mérites du général Franco » et a fait part de son
désir de voir s’instaurer en France un régime dictato-
riaP°^. Jean Ousset, pour sa part, a transformé la Cité
Catholique en Office international des œuvres de
formation civique et d’action culturelle selon le droit
naturel et chrétien, puis en Institut culturel et technique
d’utilité sociale (ICTUS). Quelle que soit sa dénomina¬
tion, cette organisation a toujours pour objectif la
défense de l’ordre théocratique et de l’intégrité du
dogme chrétien. A cette fin, elle s’appuye sur un réseau
composé entre autres du Centre d’étude des entre¬
prises, de l’Action familiale et scolaire, et du Centre
d’étude et de recherche des cadres, et tient un congrès
annuel à Lausanne^®'^. Le mouvement intégriste est
aussi représenté par Mgr Lefèbvre, fondateur en 1970
de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X à Ecône, qui
com.pte près de 100 000 fidèles^°^. Aux côtés de Mgr
Lefèbvre se trouvent Mgr Ducaud-Bourget et l’abbé
Coache, qui ont organisé l’occupation de Saint-Nicolas-
du-Chardonnet où la messe est célébrée depuis 1977
selon les règles posées en 1563 par Saint Pie V.
Plusieurs revues appartiennent à cette nébuleuse
intégriste dont L’Homme nouveau de Marcel Clément,
la Pensée catholique. Tradition et Progrès, Lumière de
Robert Martel, le Combat de la foi. Présent, Itiné¬
raires^^.

Pour conclure cette présentation des courants roya¬


listes et catholiques, en apparence morcelés et éclatés
en tendances rivales, on peut souligner qu’ils se

359
réunissent en certaines occasions, en particulier lors de
la fête de Jeanne d’Arc^°^, des fêtes « bleu, blanc,
rouge » du Front nationaP^® ou des journées d’Amitié
française. Récemment, pour le dixième anniversaire de
l’occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, une cé¬
rémonie a rassemblé de nombreux représentants
d’extrême-droite, notamment Pierre Pujo {Aspects de
la France), François Brigneau {Minute), Pierre Sidos
{L’Œuvre française), Jean Madiran et André Figueras
{Présent) et Roland Gaucher {National-Hebdo).

360
CONCLUSION

Profusion de mouvements, pullulement de groupus¬


cules dont la fugacité va de pair avec la pugnacité de
leurs militants, constitution de multiples chapelles qui
semblent compenser la faiblesse de leurs effectifs par la
virulence de leurs discours... voilà ce qui ressort de
l’étude de cette famille politique d’extrême-droite, sans
cesse déchirée par des scissions nées de dissensions
perpétuelles entre ses membres.
Malgré la pérennité de certains thèmes — souci de
l’ordre, volonté d’un Etat fort, défiance pour la
démocratie parlementaire, rejet total du cosmopoli¬
tisme et xénophobie exacerbée — les points de
divergence excluent un langage commun.
Chaque fois portée par des crises à l’avant-scène,
l’extrême-droite n’a jamais vraiment pu bénéficier de
celles-ci, au point de devoir à maintes reprises retour¬
ner dans l’ombre, pour une durée plus ou moins
longue. De là, la tentation pour certains de conclure à
sa désintégration, conclusion hâtive s’il en était après

361
Vichy ou à la fin de la guerre d’Algérie.
C’est sans compter sur l’opportunisme de l’extrême-
droite qui, phénix renaissant à la lumière de chaque
nouvelle crise, démontre de la sorte son habileté à se
survivre. Elle puise ses vertus de régénérescence dans
l’élasticité des mythes qu’elle entretient — tel le
complot (juif, franc-maçon et autres) —, dans sa
manière de réduire à un schéma simpliste et volontiers
manichéen les données ou les enjeux des confrontations
politiques, et dans la virtuosité avec laquelle elle traduit
les difficultés sociales en termes de décomposition et de
décadence. Elle pratique aussi avec un art consommé la
stratégie d’inversion, et s’offre une virginité nouvelle
quand elle retourne les accusations portées contre elle.
Cela explique une grande capacité d’adaptation qui
se manifeste soit par de « légers changements de
maquillage » (Jean-François Revel), soit par des muta¬
tions plus sensibles.
Courant minoritaire que l’on aurait tort de croire
cantonné aux confins de l’échiquier politique,
l’extrême-droite a prouvé qu’elle réussissait parfois des
percées lorsqu’elle savait s’emparer d’un thème fort qui
pouvait être un dénominateur commun au plus grand
nombre. Hier, l’Algérie française ; aujourd’hui, l’im¬
migration.
Mais, parallèlement, l’extrême-droite aura donné la
preuve qu’elle était incapable de masquer la pauvreté
de ses propositions, indigence qui la conduit invariable¬
ment à la perte d’un électorat occasionnel.
Saura-t-elle à l’avenir, tirant les leçons de ses échecs
passés, se constituer en force politique homogène ou
bien, fidèle à ses comportements d’hier, se retrouver
quasi absente du jeu politique ?
La réponse à cette question n’est guère aisée mais on
peut toutefois s’aventurer à dire que les conditions de

362
sa réussite passent par l’apparition d’un tribun popu¬
liste, capable de réactualiser le discours d’extrême-
droite et sachant le mettre en adéquation avec les
préoccupations, les inquiétudes, voire les hantises de
ses contemporains. Pour peu que le terrain soit
favorable à l’épanouissement d’arguments démagogi¬
ques ou que les propositions de l’extrême-droite
apparaissent plus séduisantes que celles des autres
partis, on peut supposer une amplitude du mouvement.
A l’inverse, si des obstacles barrent sa route et
l’écartent de la scène politique, la contraignant du
même coup à un nouveau repli sur elle-même, il est
probable que l’extrême-droite se retrouvera dans le
champ clos de sa thématique. Lui resteront ses idées et
comme Maurras le disait : « On réprime une émeute, on
étouffe une conspiration. Mais quel canon tirer contre les
idées ? L’engin n’est pas fondu. »

363
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NOTES

Introduction

' Sur la notion d’organismes extérieurs, voir Duverger (M), Les


partis politiques, Colin, 1951 pour la première édition ; 1976 pour
la dixième édition.
^Divers portraits de l’homme de droite ont été établis. Voir en
particulier Plumyene (J) et Lassiera (R), Le complexe de droite,
Paris, Flammarion, 1969. Berl (E), « Portrait de l’homme de
droite », publié pour la première fois dans La Parisienne en
octobre 1956, in : Essais, Paris, Julliard, 1985. Plusieurs leaders
dits d’extrême-droite échappent à ces portraits. Sur le cas de
Doriot, Déat et Bergery, voir Burrin (P), La dérive fasciste, Paris,
Seuil, 1986.
^ A cet égard, il est significatif que l’analyse électorale soit ne prend
pas en compte l’extrême-droite, soit la classe parmi les divers,
catégorie qui regroupe les inclassables de tous bords.
“^Petithls (J.-C.), L’extrême-droite en France, Paris, PUF, 1983.
^Bergeron (F), Vilgier (P), Les droites dans la rue : nationaux et
nationalistes sous la troisième République, (introduction), Paris,
DMM, 1985. A propos de l’approche idéologique de l’extrême-

365
droite, il faut souligner que seuls les partisans de ce courant
définissent l’extrême-droite en fonction d’un contenu positif.
* Cette seconde démarche s’interroge sur la fonction d’un groupe¬
ment politique (approche fonctionnaliste). Sur la notion de
fonction, voir Alain Lancelot, « Partis politiques », in : Encyclo-
pédia Universalis, volume 12, p. 582 : « La sociologie moderne
prête au terme de fonction un sens bien spécifique. Les fonctions
n’ont de sens que par rapport à un système de référence :
rechercher les fonctions des partis, c’est, au-delà de l’étude de leurs
activités, s’interroger sur les contributions que ces partis apportent
ou non au fonctionnement du système dans lequel ils s’insèrent. »
’Borella (F), Les partis politiques dans la France d’aujourd'hui,
1973 pour la première édition, 1981 pour la quatrième édition,
Paris, Seuil.
^ Idem, p. 205.
®Sur la différence entre ligues et partis, voir Duverger (M), Les
partis politiques, op. cit., p. 35 : <•< Comme les partis, les ligues sont
des associations constituées dans des buts politiques (...) Mais elles
n’emploient pas les mêmes moyens pour atteindre ces buts. Les
partis agissent toujours sur le terrain électoral, sinon exclusivement,
du moins très largement ; au contraire, les ligues ne présentent pas
de candidats aux élections et ne cherchent pas à grouper des
députés : elles sont uniquement des machines de propagande et
d’agitation (...) Les phénomènes de la ligue traduisent une méthode
politique primitive. » Ce jugement doit être relativisé puisque
certaines ligues ont accepté de se présenter aux élections (voir
l’Action française et élection de L. Daudet).
Déjà se dessine une première division entre les aristocrates « à
l’ancienne » et les monarchiens, ces derniers étant les principaux
animateurs de la Révolution d’octobre et dont Clermont-
Tonnerre est un représentant. Sur ce point, voir Michel Vovelle,
La chute de la monarchie (1789-1804), Paris, Seuil, 1972, p 140-
141.
” Jacques Godechot dresse un portrait détaillé de ces hommes dans
son ouvrage La contre-révolution, (1789-1804), Paris, Presses
Universitaires de France, « Quadrige » ; Rééd. 1984, chapitre II
p. 32-36.
René Rémond, La droite en France, Paris, Aubier, 1968, Tome I,
chapitre IV, p. 124-126.
Le néo-royaliste Charles Maurras écrira en 1930 : « Notre haine de
l’Empire, fondée sur d’incontestables raisons, n’a d'égale que notre
sympathie pour eux (...) Tout ce que l’Empire eut de traditions saines
se retrouve dans notre conception de l’autorité ».{De Démos à César,

366
Paris, Ed. du Capitole, 1930, livre deuxième, p. 180).
R. Rémond, op. cit., p. 159.
Idem, p. 165.

Les grands traits de la doctrine

' Sur la doctrine des traditionalistes, voir Jean Touchard, Histoire


des idées politiques, 2, du XVIIP siècle à nos jours, Paris, PUF,
1981 pour la huitième édition ; Marcel Prélot et Georges
Lescuyer, Histoire des idées politiques, Paris, Dalloz, 1984 pour la
huitième édition ; Jacques Godechot, La contre-révolution,
(1789-1804), Paris, PUF/Quadrige, 1984 pour la seconde édition.
2 Rivarol, Ecrits politiques et littéraires, morceaux choisis présentés
par V.H. Debidour, Paris, Grasset, 1956, p. 112.
^Jacques Godechot souligne que les contre-révolutionnaires n’é¬
taient pas hostiles à toute réforme, et chacun tenta de définir un
programme de renouvellement de l’ordre politique. Voir J.
Godechot, op. cit., chapitre III.
"Rivarol, Ecrits politiques et littéraires, op. cit., p. 131.
^Ibid., p. 107.
^Ibid., p. 152.
^ Ibid., p. 117.
*J. Godechot, op. cit., p. 39.
®E. Burke, Réflexions sur la Révolution française, traduction de
Jacques d’Anglegan, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1912,
p. 54.
Ibid., p. 143.
” Ibid., p. 158.
Ibid., p. 148.
Ibid., p. 83.
Ibid., p. 303.
'5 Ibid., p. 123.
Louis de Donald, Théorie du pouvoir politique et religieux, réédité
par l’Union Générale d’édition, coll. « 10/18 », 1966, p. 30.
Ibid., p. 53.
■ Joseph de Maistre, Considérations sur la France, Genève, Edition
Slatkine, 1980, p. 63.
Ibid., p. 92.
20 Ibid., p. 95.
2‘ Ibid., p. 112.

367
Ibid., p. 114.
L. Pye, cité par Yves Schemeil, « Les cultures politiques », in
Traité de science politique, dirigé par J. Leca et M. Grawitz, tome
3, Paris, PUF, 1985.
^ E. Burke, Réflexions sur la Révolution française, op. cit., p. 96.
^ J. de Maistre écrivit à ce propos : « La constitution de 1795, tout
comme ses aînées, est faite pour l’homme. Or, il n’y a point
d’homme dans le monde (...) Quant à l’homme, je déclare ne
l’avoir point rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien à mon
insu », in : Considérations sur la France, op. cit., p. 123.
Rivarol, Ecrits politiques et littéraires, op. cit., p. 110.
En 1979, on peut encore lire, sous la plume de Romain Marie,
que les principes de 1789 sont responsables de « l’anarchie et de la
dictature », « fiction sanglante de la foi maçonnique ». Voir
R. Marie, « Pourquoi nous sommes contre les droits de
l’homme », Présent, n° 35, p. 1.
E. Burke écrivait déjà : « Massacres, tortures, potence ! Voilà vos
droits de l’homme ! Voilà les fruits des déclarations métaphysi¬
ques... », in : Réflexions sur la Révolution française, op. cit.,
p. 364.
M. Barrés, Scènes et doctrines du nationalisme, Paris, éd. Félix
Juven, p. 45.
Drieu La Rochelle, préface de Gilles, Paris, Gallimard, 1939, p. 9.
Ibid., p. 111.
Henri Massis, Défense de l’Occident, Paris, Plon, 1927, p. 9.
Ibid., p. 30.
Ibid., p. 132.
3'* Ibid., p. 211.
Ibid., p. 176.
^ Henri Massis, « Histoire de dix ans », in : L’Occident et son
destin, Paris, Grasset, 1956, p. 341.
Barrés, Le Jardin de Bérénice, 1891.
Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire : les origines françaises
du fascisme, 1885-1914, Paris, Seuil, 1978, p. 152.
Cité par Zeev Sternhell in : Maurice Barrés et le nationalisme
français, Paris, Cahiers de la Fondation nationale de science
^ politique. Colin, 1972, p. 46 ; Bruxelles, Complexe, 1985.
M. Barrés, Scènes et doctrines du nationalisme, op. cit., p. 56.
Sur 1 évolution de Barrés, voir Zeev Sternhell, Maurice Barrés et
le nationalisme français, op. cit.
H. Massis, Défense de l’Occident, op. cit., p. 42.
Ibid., p. 50.
Ibid., p. 35.

368
Ibid., p. 16.
En particulier « Germanité et nationalité », Action française, 25
novembre 1930. Voir également les articles réunis in : L’Alle¬
magne, tome II, Paris, Plon, 1939.
C. Maurras, De la politique naturelle au nationalisme intégral,
recueil de textes établi par F. Natter et C. Rousseau, Paris,
Librairie Philosophique J. Vrin, 1972, p. 114.
Ibid., p. 123.
Colette Peter Capitan écrit : « Se réclamant moins de la raison que
du savoir, le nationalisme intégral se donnait une doctrine où la
force des convictions devait trouver à s’investir et à s’organiser dans
un système rationnel. » In : Charles Maurras et l’idéologie de
l Action française ; étude sociologique d’une pensée de droite
Paris, Seuil, 1972, p. 21.
C’est un fait que l’extrême-droite compte peu de théoriciens, d’où
un vide doctrinal qui n’est pas sans poser des difficultés.
P. Poujade, J’ai choisi le combat, Paris, Société générale des
éditions et des publications Saint-Céré, 1955, p. 119-120.
Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, Paris, Carrère/Lafon
1984, p. 70.
M. Barrés, Scènes et doctrines, op. cit., p. 104.
Sur cet aspect du discours de l’extrême-droite, voir P.A. Taguieff,
« La rhétorique du national-populisme », MOTS, n" 9 1984
p. 113-138.
Voir la collection « Corps d’élite » dirigée par D. Venner aux
éditions Balland et Alain de Benoist, Vu de droite, Paris,
Copernic, 1977, p. 228.
L. Pauwels et Jacques Bergier, Le matin des magiciens, Paris,
Gallimard, 1961.
Madame Figaro, 31 mai 1984, n" 12311, p. 33.
Idem.
L. Pauwels, Monsieur Gurdjieff Paris, Seuil, 1954, p. 9. Pour un
aperçu de la doctrine enseignée par Gurdjieff, voir Ouspansky,
Fragments d’un enseignement inconnu, Paris, Stock, 1974 (qua¬
trième édition).
^ L. Pauwels, Monsieur Gurdjieff, op. cit., p. 9.
Madame-Figaro, op. cit., p. 35.
L. Pauwels, L’homme éternel, Paris, Gallimard, 1970, première
partie.
® Madame-Figaro, op. cit., p. 35.
^ L. Pauwels, L’homme éternel, op. cit., p. 8.
Ibid., p. 15.
^ Ibid., p. 85.

369
V

Ibid., p. 171.
^ Madame-Figaro, op. cit., p. 35.
Ces chroniques ont été réunies dans La liberté guide mes pas,
Paris, Albin Michel, 1984.
L. Pauwels, La liberté guide mes pas, op. cit., p. 12.
Sur ce point, voir Nathalie Krikorian, « Européanisme, nationa¬
lisme, libéralisme dans les éditoriaux de Louis Pauwels », MOTS,
12, 1986, p. 171-188.
Alain de Benoist, Nouvelle Ecole, n° 35, été 1979, cité par Marc
Beigbeder, in : La Nouvelle Droite, Paris, R, 1979, p. 22.
Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, Paris,
Le Labyrinthe, 1982, p. 27-28.
Jacques Madaule, Le nationalisme de Maurice Barrés, Paris, éd.
du Sagittaire, 1943, p. 116.
Sur l’emploi du terme, voir R. Girardet, Le nationalisme français
(1871-1914), Paris, Armand Colin, 1966 ; rééd. Ed. du Seuil, coll.
« Points Histoire », 1983.
Rivarol, Ecrits politiques et littéraires, op. cit., p. 158.
Joseph de Maistre, Considérations sur la France, op. cit., p. 102.
R. Girardet, Le nationalisme français, op. cit.
J.M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 68.
R. Girardet, Le nationalisme français, op. cit.
R. Girardet, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Cours
lEP, 1965-1966, p. 54.
Ibid., p. 80.
Joseph de Maistre, Considérations sur la France, op. cit., p. 69.
^ J.M. Le Pen, les Français d’abord, op. cit., p. 159.
Idem.
Renan, conférence de 1882 intitulée « Qu’est-ce qu’une na¬
tion ? », reproduite in : « Eléments pour une théorie de la
nation », Communications, 45, 1987, Seuil, p. 148.
Charles Maurras, Mes idées politiques, Paris, Fayard, 1968,
p. 173.
Idem.
Charles Maurras écrit : « Naître en France et de vieux sang
français, alors même qu’on y procède du dernier des déshérités,
c’est encore naître possesseur d’un immense capital et d’un privilège
sacré. C’est porter avec soi un titre d’héritage », in : Mes idées
politiques, op. cit., p. 275.
Jean-Marie Le Pen reprend cette idée : « A peine sortis du ventre
de votre mère, vous avez été, sans le savoir, de petits milliardaires
(...) Héritiers d’un patrimoine prestigieux : la Patrie et ses libertés,
la nation et son territoire, votre langue... » in : La France est de

370
retour, Paris, Carrère/Lafon, 1985, p. 172-173.
M. Barrés, « Le nationalisme implique la protection des ouvriers
français », in : Scènes et doctrines, op. cit., p. 457-476.
Barrés, cité par Zeev Sternhell, in : Maurice Barrés et le
nationalisme français, op. cit., p. 57.
^ Barrés, Le culte du Moi, examen de trois idéologies. Cité par Zeev
Sternhell, in : Maurice Barrés et le nationalisme français, op. cit.,
p. 52.
M. Barrés, Scènes et doctrines, op. cit., p. 17.
Ibid., p. 10.
Ibid., p. 107.
^ Ibid., p. 456.
Ibid., p. 63.
Ibid., p. 20.
^ C. MauiTas, Action française, 26.8.1942, in : De la politique
naturelle au nationalisme intégral, op. cit., p. 158.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 164.
C. Maurras, Votre bel aujourd’hui, cité in : De la politique
naturelle au nationalisme intégral, op. cit., p. 115-116.
Sur l’antisémitisme en France durant cette période, voir en
particulier Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme, tome 2,
Paris, Calmann-Lévy ; Michel Winock, Antisémitisme et fascisme
en France, Paris, Seuil, 1982 ; Béatrice Philippe et Annie Kriegel,
Etre juif dans la société française, Paris, Montalba, coll.
« Pluriel », 1979 ; Zeev Sternhell, « Les origines intellectuelles
du racisme en France », L’Histoire, n° 17, novembre 1979 ;
J. Isaac, La genèse de l’antisémitisme, Paris, 1956 ; P. Ganier
Raymond, Une certaine France : l’antisémitisme (1940-1944),
Paris, Balland, 1975.
Alain de Benoist, Qu’est-ce que l’enracinement, ouvrage collectif
du GRECE, 1972, p. 62.
Telle est la conception défendue par René Binet, cf. Contribution
à une éthique raciste, Montréal, Ed. celtiques, 1975.
Alain de Benoist, « Pour une nouvelle aristocratie », in : Des
élites, pourquoi faire ?, bilan du dixiéme colloque du GRECE,
1976, p. 82.
Ibid., p. 91-92.
Maurras présente ainsi Pétain ; « Un nouveau chef se permettait le
rare privilège de réunir aux grandeurs de l’âme l’ascendant des
supériorités de l’esprit (...) et cela nous tombait du ciel », in : La
contre-révolution spontanée - la recherche - la discussion - l’émeute
(1899-1939), Paris, H. Lardanchet, 1943, p. 242. Maurras déclare
également : « Notre rassembleur, notre unificateur de 1940 n’a pu

371
naître à la France sans apporter avec lui le faisceau des forces et des
sagesses qui la sauveront jusqu’au bout (...) le seul nom du chef
héroïque annonce, montre, dit que quelque chose a trésailli aux
entrailles de l’Etre et qu’un avenir est pensé, est préparé, organisé
en faveur de la France » (ibid., p. 244).
J. Bainville, Réflexion sur la politique, Paris, Plon, 1941, p. 53.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 124.
M. Barrés, Scènes et doctrines du nationalisme, op. cit., p. 91.
Idem.
Ibid., p. 499.
Alain Touraine, « Les classes moyennes », Encyclopedia Univer-
salis, vol. 11, p. 416.
Jacques Capdevielle, Le fétichisme du patrimoine, essai sur un
fondement de la classe moyenne française, thèse de doctorat
d’Etat en science politique, lEP, Paris, 1984.
Ibid., p. 284-285.
J. Gaillard, « L’héritage du XIXème siècle, les classes moyennes
traditionnelles (atelier, boutique) dans l’histoire des idées et de la
vie politique ; leur rôle entre la droite et la gauche de 1890 au
début du XXème siècle », in : Les classes moyennes et la
politique : enjeu, stratégies et mobilisation, table ronde de l’AFSP,
nov. 1980, 2 fascicules.
M. Barrés, in : Zeev Sternhell, Maurice Barrés et le nationalisme
français, op. cit., p. 306.
Zeev Sternhell, ibid., p. 306 et 308.
J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 167.
J.-M. Le Pen, La France est de retour, op. cit., p. 146.
La Sapinière se place sous le patronage de Pie V, Pape de la
dernière croisade et de la victoire de Lépante sur les Turcs en
1571. L’essentiel de son action résidait dans la lutte contre le
modernisme, mais elle fut dissoute en 1921.
La Sapinière fut fondée sous le pontificat de Pie X, violemment
anti-moderniste, qui condamna à plusieurs reprises les moder¬
nistes (Encyclique Pascandi de 1907, décret Lamentabiliti de
1907, condamnation du Sillon en 1910). En 1911, Mgr Benigni se
brouille avec son supérieur, le cardinal Merry del Val, et
démissionne de son poste de sous-secrétaire de la congrégation
des Affaires ecclésiastiques extraordinaires. Pie X lui confie alors
un poste honorifique, qui lui donne tout loisir de poursuivre son
combat intégriste. Le successeur de Pie X, Benoît XV, était
également anti-moderniste mais dut dissoudre la Sapinière après
la publication de certains documents de cette organisation par
l’historien Fernand Mourret.

372
Le courant intégriste était composé dans les années soixante de la
Cité catholique (revue Verbe) créée par Jean Ousset, dirigeant de
l’Office international des œuvres de formation civique et d’action
doctrinale selon le droit naturel et chrétien.
Jean Madiran fonda en 1956 Itinéraires avec Henri Charlier, Louis
Salleron, Marcel Clément et Henri Pourrai. Parmi les collabora¬
teurs de cette publication figurent l’Amiral Auphan, Henri Massis
et Jean de Fabrègues.
J. Madiran, L’intégrisme, histoire d’une histoire, Paris, Nouvelles
Editions Latines, 1964, p. 221-222.
Idem.
J. Touchard, La gauche en France depuis 1900, préface de
R. Rémond, Paris, Seuil, 1977, p. 10.
M. Winock, « Les affaires Dreyfus », XXème siècle. Revue
d’histoire, n° 5, janv.-mars 1985, p. 20.

U extrême-droite face aux crises


ou les crises de Vextrême-droite

' Michel Winock, La fièvre hexagonale, les grandes crises politi¬


ques, I87I-I968, Paris, Calmann-Lévy, 1986.
^Jean-Pierre Azema, Jean-Pierre Rioux, H. Rousso, « Les guerres
franco-françaises », XX‘ siècle. Revue d’histoire, n° 5, janvier-
mars 1985, p. 3-5.
Maurice Bardèche reconnaîtra « l’impossibilité pour le fascisme de
se développer hors des périodes de crise. Parce qu’il n’a pas de
principe fondamental. Parce qu’il n’a pas de clientèle naturelle. Il
est une solution héroïque : là où il n’y a pas d’occasion d’héroïsme,
il dépérit » {Qu’est-ce-que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs,
1961, p. 93).
^ Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la
Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1986, p. 13.
En particulier les objections soulignées par Raymond Aron dans
Introduction à la philosophie de l’histoire ; essai sur les limites de
l’objectivité historique, Paris, Gallimard, 1933 ; rééd. coll.
« Tel », 1981.
® R. Starn, « Métamorphose d’une notion », Communications,
n” 5, Paris, Seuil, 1976. L’extrême-droite donne ainsi à la notion
de crise une dimension dramatique, proche de la conception
théâtrale et hippocratique de Thucydide.

373
® Joseph de Maistre, Considérations sur la France, op. cit., p. 103-
104.
^ Mircéa Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963, chapitre
IV, p. 83-86.
® Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil,
1986, p. 51.
® Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.
Léon Poliakov, La causalité diabolique, essai sur l’origine des
persécutions, Paris, Calmann-Lévy, 1980.
Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française (1870-
1914), Paris, Presses Universitaires de France, 1959.
Voir également : Eugen Weber, Fin de siècle ; la France à la fin
du X1X‘ siècle, Paris, Fayard, 1986 (pour la traduction française).
E. Weber écrit : « Un des thèmes de ce livre sera le décalage entre
l’obsession de la décadence (morale, matérielle, sociale) des classes
dirigeantes et les améliorations réelles du niveau de vie, des
instruments intellectuels et des possibilités sociales que les masses
commençaient à percevoir et parfois même à goûter » (p. 23).
Les chiffres relatifs à l’évolution de la population sont tirés des
ouvrages de André Armengaud : La population française au
X1X‘ siècle, Paris, PUF, 1976 (pour la seconde édition) ; La
population française au XX‘ siècle, Paris, PUF, 1977 (cinquième
édition).
La Rocque, Service public, Paris, Grasset, 1934, p. 31.
Léon Daudet, L’agonie du régime, Paris, Nouvelle Librairie
nationale, 1925, p. 203.
Léon Daudet, L’avant-guerre, études et documents sur l’espion¬
nage juif-allemand en France depuis l’affaire Dreyfus, Paris,
Nouvelle Librairie Nationale, Avant-propos, p. XII.
André Reszler, Mythes politiques modernes, Paris, PUF, 1981,
p. 70.
Thierry Maulnier, La crise est dans l’homme, Paris, Librairie de la
Revue française, 1932, p. 18.
Ibid., p. 147-148.
Lucien Rebatet, Les Décombres. Première édition en 1942
(Denoël). La pagination correspond à la réédition, sous le titre :
Mémoires d’un fasciste, deux tomes, Paris, Pauvert, 1976, p. 54.
Ibid., p. 107.
E. Drumont, La fin d’un monde, Paris, Nouvelle Librairie
Parisienne, 1889, p. IL
Ibid., p. III.
Ibid., livre I, p. 1.
2“* Ibid., p. 263.

374
Ibid., p. 263.
L. Daudet, L’agonie du régime, op. cit.
Ibid., p. 31.
Ibid., p. 146.
L. Rebatet, Les Décombres, op. cit., p. 9.
Idem.
Drieu La Rochelle, Gilles, Paris, Gallimard, 1939, p. 5.
Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, Paris, Plon,
1938, p. 333.
La Rocque, Service public, op. cit., p. 33.
T. Maulnier, La crise est dans l’homme, op. cit., p. 18.
Ibid., p. 194.
Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, Paris, Carrere/Lafon,
1984, p. 20.
Ibid., p. 68.
Idem.
Colonel Argoud, La décadence, l’imposture et la tragédie, Paris,
Librairie Arthème Fayard, 1974. Voir Présent, 28 février-l" mars
1983, p. 4.
^ Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 73.
Idem.
Présent, n° 59, mai 1981, p. 4.
Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, Paris,
Le Labyrinthe, 1982, p. 53.
Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, op. cit., p. 55.
Michel Winock, « La causalité diabolique », L’Histoire, n° 32,
1981, p. 94-95.
Serge Berstein, « L’affrontement simulé des années 1930 »,
XX' siècle. Revue d’histoire, n° 5, janvier-mars 1985, p. 39-53.
Pour une étude psychologique du complot juif, voir en particulier
Imre Hermann, Psychologie de l’antisémitisme, Paris, Ed. de
l’Eclat, 1986 (pour la traduction française). Imre Hermann
analyse notamment les phénomènes de recherche d’un bouc
émissaire, la projection collective des fantasmes et frustrations...
Sur la version allemande du complot juif, voir les études de
S. Friedlànder, L’antisémitisme nazi, Paris, Seuil, 1971. Michel
Herszlikowicz, Philosophie de l’antisémitisme, Paris, PUF, 1985.
Léon Poliakov, Le mythe aryen, Bruxelles, Complexe, 1987,
p. 15.
J. -M. Roberts, dans son ouvrage La mythologie des sociétés secrètes,
Paris, Payot, 1979 (pour la traduction française) cite quelques
ouvrages anti-maçonniques : Samuel Pichard, Masonry dissected
(1730) ; l’abbé Larudan, Les Francs-Maçons écrasés (1747).

375
V

De cette époque, datent également les premières condamnations


pontificales : In Eminenti de Clément XII en 1738, Providas de
Benoît XrV, et plus tard, Humanum Genus de Léon XIII (1884).
VIII. 44 ; cité par Jules Isaac, Genèse de l’antisémitisme, Paris,
Calmann-Lévy, 1956, p. 141.
Barruel, Mémoires, op. cit., p. 254.
Cité par Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme, tome II,
Paris, Calmann-Lévy, 1981 (pour la troisième édition).
Sur les rapports entre marxisme et judaïsme, voir L. Poliakov, De
rantisionisme à l’antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 1969 ;
Annie Kriegel, Réflexion sur les questions juives, Paris, Hachette,
1984 ; A. Kriegel, Les Juifs et le monde moderne, Paris, Seuil,
1977 ; Robert Misrahi, Marx et la question juive, Paris, Galli¬
mard, 1972.
J.-M. Roberts, op. cit., p. 153.
En revanche, Joseph de Maistre était lui-même franc-maçon.
Sur le rôle de la Franc-Maçonnerie en 1789, voir G. Gayot, « la
Franc-Maçonnerie a-t-elle inventé la Révolution ? », L’Histoire,
n° 49, octobre 1982.
La haine de Barruel envers la Franc-Maçonnerie s’expUque peut
être en partie par le fait que jésuite, Barruel fait subir aux Francs-
Maçons le même sort que la Compagnie de Jésus. Sur le mythe du
complot des jésuites voir, Catherine-Laurence Maire, « La légen¬
de noire des Jésuites », L’Histoire, n” 84, déc. 1985, p. 39-45.
Ran Halévi, « La naissance de la Franc-Maçonnerie », L’His¬
toire, m 49, octobre 1982, p. 12-21.
Serge Berstein, « La Franc-Maçonnerie et la République (1870-
1940) », L’Histoire, n° 49, octobre 1982, p. 28-37.
^ E. Drumont, La France juive, essai d’histoire contemporaine,
p. 12.
E. Drumont, Les Héros et les Pitres, cité par M. Winock in : « La
causaüté diabolique », art. op. cit., p. 94.
“ Charles Maurras, De Démos à César, Paris, Ed. du Capitole,
1930, deux tomes, p. 33.
^ Francis Bergeron, Philippe Vilgier, Les droites dans la rue, op. cit.
^ Dominique Rossignol, Vichy et les Francs-maçons, Paris,
J.C. Lattès, 1981 ; « La Franc-Maçonnerie accusée et dissoute
(1940-1944) », L’Histoire, n° 49, octobre 1982, p. 38-43.
“ D, Rossignol, art. op. cit., p. 43.
Alain Guichard, « Le nouveau visage de la Franc-Maçonnerie »,
L’Histoire, n° 49, octobre 1982, p. 44-51.
Gygès, Les Israélites dans la société française, 1956 ; Réédité sous
le titre les Juifs dans la France d’aujourd’hui. Documents et

376
Témoignages, Paris, la Librairie française, 1965.
Henry Coston, La haute banque et les trusts, Paris, la Librairie
française, 1958 ; Le retour des 200 familles, Paris, Documents et
témoignages, la Librairie française, 1960 ; L'Europe des ban¬
quiers, Documents et Témoignages, la Librairie française, 1963.
Saint Pastour, La Franc-Maçonnerie au Parlement, Documents et
Témoignages, la Librairie française, 1970.
« Pétain toujours présent », numéro spécial des Lectures fran¬
çaises, dirigées par Henry Coston, juin 1964.
« Onze ans de malheur », numéro spécial des Lectures Françaises,
avril 1970.
Henry Coston, La fortune anonyme et vagabonde, publications
H. Coston, diffusion la Librairie Française, 1984, p. 167.
Henry Coston, Les 200 familles au pouvoir, publications H. Cos¬
ton, diffusion la Librairie Française, p. 58.
Saint Pastour, op. cit., p. 8.
Jacques Ploncard d Assac, « Reprendre l’histoire » in : Les
causes cachées de la Seconde Guerre mondiale, numéro spécial des
Lectures françaises, mai 1975, p. 16.
J. Bordiot, « De l’affaire des Sudètes aux Accords de Munich »,
in : Les causes cachées de la Seconde Guerre mondiale, op cit
p. 95.
Drumont, La France juive, op. cit., p. 19.
Ibid., Introduction, p. 6.
Ibid., Livre IL
Pierre Pierrard, « Le complot juif selon Drumont », L’Histoire,
n” 84, décembre 1985, p. 32-37.
Drumont, La fin d’un monde, op. cit., p. XVII.
Idem.
^ Drumont, La France juive, op. cit., p. 103.
Drumont, La France juive, op. cit., p. 324
Ibid., p. 405.
N. Cohn, Histoire d’un mythe, la « conspiration » juive et les
protocoles des Sages de Sion, Paris, Gallimard, 1967 (pour la
traduction française).
U. Gohier, cité par M. Winock in : « La causalité diabolique »,
art. op. cit., p. 95.
Drumont, La France juive, op. cit., p. 351.
Ibid., p. 377.
Drumont, La fin d’un monde, op. cit., p. 209-210.
^ Gygès, Les Juifs dans la France d’aujourd’hui, op. cit.
Michel Winock, Edouard Drumont et de, antisémitisme et
fascisme en France, Paris, Seuil, 1982.

377
Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 66.
L. Daudet, L’avant-guerre, op. cit., p. IX.
L.Rebatet, Les décombres, op. cit., p. 79.
Louis Darquier de Pellepoix, condamné en 1939 pour ses articles
antisémites dans La France enchaînée, fonda dès août 1940
l’Union française pour la défense de la race, nouvelle version de
son Rassemblement anti-juif d’avant-guerre.
^ Philippe Ganier Raymond, Une certaine France, l’antisémitisme
(40-44), Paris, Balland, 1975.
^ L. Rebatet, Les Décombres, op. cit., p. 64.
Rebatet, Je suis Partout, 1" juin 1941, cité par P. Ganier
Raymond, op. cit., p. 66.
^ Cité par P. Ganier Raymond, op. cit., p. 77.
Gygès, Les Juifs dans la France d’aujourd’hui, op. cit., p. 86.
Ibid., p. 77.
Ibid., p. 79.
Ibid., p. 81.
J. Bordiot, « Ceux-là aussi voulaient la guerre », in : Les causes
cachées de la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 17-47.
H. Coston, « On croit mourir pour la patrie » in : Les causes
cachées de la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 101.
René d’Argile, « L’affaire Herschell Feibel Gynszpan ou le
tournant décisif vers la guerre », in : Les causes cachées de la
Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 181-222.
Portrait de maître Badinter dans un article signé M. Cruz ;
« L’oeil charbonneux et brillant, le sourcil en virgule, la bouche
tordue par la levée de sang noir, Badinter règle ses comptes (...)
par héritage, il est pour le nomade contre le sédentaire. Pour le
cosmopolite contre l’indigène. Pour le manouche voleur de poules
contre la fermière qui les élève au grain. Pour le marginal contre la
société (...) pour l’assassin contre l’assassiné, parce que, pour
Badinter, la vraie victime, c’est l’assassin... », Présent, n° 368, juin
1983, p. 4.
Présent, 27 janvier 1983, p. 4.
Xavier Vallat, Le nez de Cléopâtre, souvenirs d’un homme de
droite, (1918-1945), Paris, Editions « Les quatre fils Aymon »,
1957, p. 220.
Ibid., p. 221.
Jean Touchard, Histoire des idées politiques, tome II, op. cit.,
p. 552.
Drumont, La France juive, op. cit., p. XVI.
Charles Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 207.
Ibid., p. 55.

378
115
Toussenel, Les Juifs rois de l’époque, Paris, Librairie de l’Ecole
sociétaire, 1845.
A. Hamon, Les maîtres de la France, Paris, Editions sociales
internationales, 3 tomes, 1936.
H. Coston, Le retour des 200 familles, op. cit.
H. Coston, Les 200 familles au pouvoir, op. cit.
H. Coston, La fortune anonyme et vagabonde, op. cit.
H. Coston, Les 200 familles au pouvoir, op. cit., p. 7.
Ibid., p. 37.
Ibid., p. 15.
H. Coston, La fortune anonyme et vagabonde, op. cit., p. 7.
H. Coston, Les 200 familles au pouvoir, op. cit., p. 252.
Jean-Pierre Rioux, « Les deux cents familles », L’Histoire, n° 84,
décembre 1985, p. 21-22.
Drumont, La fin d’un monde, op. cit., livre 4.
Ibid., livre 5, p. 172.
Ibid., p. 173.
Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 258.
Manifeste des Croix de feu, 1936, p. 5.
Action française, 9 janvier 1934 ; cité par Maurice Charvadès, in :
Une campagne de presse : la droite française et le 6 février 1934,
Paris, Flammarion, 1970, p. 26.
Ibid., p. 28.
Ibid., p. 37.
H. Béraud, Gringoire, 12 janvier 1934, cité par Michel Winock,
in : La fièvre hexagonale, op. cit., p. 203.
X. Vallat, Le nez de Cléopâtre, op. cit., p. 109.
Ibid., p. 118.
Idem.
M. Winock ; La fièvre hexagonale, op. cit., p. 203.
H. Massis, Défense de l’Occident, op. cit., p. 129.
Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 231.
Manifeste des Croix de feu, op. cit., p. 4.
Ibid., p. 15.
Ibid., p. 5.
Cité par P. Ganier Raymond, in : Une certaine France, op. cit.,
p. 81.
R. Gaucher, Présent, n° 50, mai-juin 1980.
Maurice Bardèche, Lettre à François Mauriac, Paris, La Pensée
Libre, 1947, p. 13.
Ibid., p. 113.
Ibid., p. 116.
Ibid., p. 117.

379
s

Ibid., p. 119.
Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 20.
Ibid., p. 115.
Raymond Aron, L’opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy,
1955, p. 204.
Ibid., p. 210.
L’extrême-droite n’est pas la seule à soutenir les thèses révision¬
nistes. Une partie de la gauche y souscrit également, de même
que certains Juifs (Noam Chomsky, J.G. Cohn-Bendit, Jacob
Assous, Denis Authier...) ; voir A. Kriegel, Réflexion sur les
questions juives, op. cit., p. 84.
M. Bardèche, Lettre à F. Mauriac, op. cit., p. 13.
Ibid., p. 12.
158 Ibid., p. 35.
15® Maurice Bardèche, Nuremberg ou la terre promise, Paris, Les
Sept Couleurs, 1948, p. 14.
1“ Ibid., p. 23.
1*1 Ibid., p. 17.
1“ Ibid., p. 146.
1*5 Ibid., p. 188.
1*’! Ibid., p. 189.
1*5 Ibid., p. 150.
1** Paul Rassinier, Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs
incorrigibles, Paris, Les Sept Couleurs, 1962.
1*’ Ibid., p. 79.
1** Ibid., p. 112.
1*® Ibid., p. 40.
1’* Robert Faurisson, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, Paris, La
Vieille Taupe, 1982 (seconde édition augmentée ; cf. art. « Le
mythe des “chambres à gaz” entre en agonie »).
l’i Serge Thion, Vérité historique ou vérité politique ? Paris, La
Vieille Taupe, 1980. Cette maison d’édition proche des commu¬
nistes « hbertaires » était à l’origine une librairie diffusant des ou¬
vrages dont les thèmes étaient proches de ceux de la revue Socia¬
lisme et Barbarie. P. Guillaume donna ainsi aux « historiens »
révisionnistes un moyen de faire connaître leur version du
génocide.
Sur le révisionnisme, voir : Alain Finkielkraut, L’avenir d’une
négation, réflexion sur la question du génocide, Paris, Seuil, 1982 ;
A. Kriegel, « Vérité historique et mensonges politiques », Com¬
mentaires, n° 12, p. 551-558 ; reproduit in : Réflexion sur les
questions juives, op. cit. ; P. Vidal-Naquet, « Un Eichmann de
papier », Esprit, septembre 1980.

380
G. Wellers, « La solution finale de la question juive et la
mythomanie néo-nazie », supplément au n° 86 du Monde Juif,
avril-juin 1977, revue du centre de documentation juive contem¬
poraine de Paris.
Le premier directeur de thèse de H. Roques était Jacques
Rougeot, ancien président de l’Union nationale universitaire
(UNI). Parmi les membres du jury, on trouvait Jean-Claude
Rivière, proche du GRECE et membre du comité de rédaction de
la revue Nouvelle Ecole. Sur l’affaire Roques, voir Le Monde, 25-
26 mai 1986, p. 1-7 ; Libération, 24-25 mai 1986, p. 12-13 ; Le
Matin, 24-25 mai 1986, p. 2-4.
H. Kéraly, « Un bourreau peut en cacher un autre », Présent, 7-8
février 1983, p. 1.
Idem. Voir également Présent, 24 mars 1983, « Le Sturmfüher
Gerstein, espion de Dieu », « Dommage que Faurisson n’ait pas
été invité », article de M. Cruz qui écrit : « Une grande campagne
d’intoxication s’orchestre actuellement autour des crimes contre
l’humanité », p. 4.
Voir aussi « L’histoire fabriquée », par M. Cruz : « J’ai vécu une
falsification historique : celle du drame de l’Algérie française (...)
Pour mieux s’assurer l’avenir, la gauche s’applique avec une
opiniâtreté extraordinaire (...) à fabriquer le passé ou à occulter
dans ce passé des réalités qui la gênent », Présent, 23 avril 1983,
p. 4.
M. Bardèche, Lettre à François Mauriac, op. cit., p. 142.
Pétain, document écrit dans la cellule du fort de Montrouge,
reproduit in : Pétain toujours présent, op. cit., p. 47.
Ibid., p. 54.
J. Ploncard d’Assac, « Reprendre l’histoire » article op. cit., p. 7.
Ibid., p. 9.
M. Bardèche, Lettre à François Mauriac, op. cit., p. 58.
Ibid., p. 193.
Ibid., p. 190.
Jacques Isomi, « Le procès du Maréchal » in : Pétain toujours
présent, op. cit., p. 9.
M. Bardèche, Lettre à François Mauriac, op. cit., p. 17.
Ibid., p. 31.
Idem.
F. Brigneau, « Barbie tombe à pic », Présent, février 1983, p. 1.
M. Winock, « Les affaires Dreyfus », XX^ siècle. Revue d’histoire,
n" 5, janvier-mars 1985, p. 23.
M. Bardèche, Nuremberg ou la terre promise, op. cit., p. 239.
M. Dobry définit la mobilisation en ces termes : « On ne parlera

381
de mobilisation que lorsque des ressources données s’inséreront
dans une ligne d’action, ou mieux, un coup (move), et ce
uniquement dans un contexte conflictuel », in : Sociologie des
crises politiques, op. cit., p. 21.
B. Brigouleix, L’extrême-droite en France, Paris, Fayolle, 1977,
p. 37.
S. Berstein, « L’affrontement simulé des années 1930 », art. op.
cit., p. 42.
S. Berstein, Le 6 février 1934, op. cit., p. 23.
Ibid., p. 41.
Le Réveil du contribuable, cité par M. Chavardès, op. cit., p. 22-
23.
Ibid., p. 23.
C. Maurras, Enquête sur la monarchie, op. cit., p. 568.
S. Berstein, « L’affrontement simulé des années 1930 », op. cit.,
p. 48.
M. Winock, La fièvre hexagonale, op. cit., p. 198.
R. Rémond, Les droites en France, op. cit.
S. Berstein, Le 6 février 1934, op. cit., p. 152.
M. Pujo, « Pourquoi le 6 février a été stérile », in : Maurras, La
contre-révolution spontanée, op. cit., appendice II, p. 254-255.
X. Vallat, Le nez de Cléopâtre, op. cit., p. 114.
A. Chebel, mémoire DEA de science politique, « L’idée de
nation en France en 1946 et l’attitude face aux nationalismes
d’outre-mer », lEP, 1984.
R. Girardet, La crise militaire française, (1945-1962), Paris,
Colin, 1964.
M. Winock, La fièvre hexagonale, op. cit., p. 285.
^ Serge et Merry Bromberger, Les 13 complots du 13 mai ou la
délivrance de Gulliver, Paris, Fayard, 1959, p. 122.
A. Laurens, Le Monde, 3 mars 1965.
Ils formèrent, en dépit de cette dispersion, le Conseil National de
la Révolution (CNR).
En particulier l’attentat du Petit-Clamart, le 22 août 1962.
Ce Front est issu de l’Association France-Sud Vietnam créée par
R. Holeindre en 1964.
M. Bardèche, Lettre à François Mauriac, op. cit., p. 183.
Au second tour, F. Mitterrand sera le principal bénéficiaire du
report des voix, les rapatriés d’Algérie préférant encore le
candidat de la gauche au général de Gaulle. Cette pratique de la
« politique du pire » se révélera particulièrement stérile.
M. Winock, La fièvre hexagonale, op. cit., p. 311.
Voir J. Touchard et P. Beneton, « Les interprétations de la crise

382
de mai-juin 1968 », RFSP, juin 1970, p. 503-544.
Sur cette réforme, voir l’analyse de R. Aron, « Le Plan Fouchet
et l’enseignement du second degré », Le Figaro, 4 juin 1967, in :
Histoire et politique, textes et témoignages. Commentaires, Paris,
Julliard, février 1985, n“ 28-29, p. 466-467.
La crise scolaire sera analysée par R. Boudon, in : L’inégalité des
chances, deuxième partie (l’inégalité des chances dans l’enseigne¬
ment), Paris, Colin, 1979 pour la troisième édition.
Etudiants devient en 1950 La Contre-Révolution. Dans le cadre de
la Restauration Nationale, un autre mensuel est lancé en 1955,
Les Amitiés Françaises Universitaires.
M. Winock, La fièvre hexagonale, op. cit., p. 319.
Aux élections de juin 1968, le groupe des divers, compiosé du
Mouvement pour la réforme. Technique et Démocratie et
l’extrême-droite, n’obtient que 0,6 % des voix au premier tour.
Sur le résultat de ces élections, voir J. Chapsal, La vie politique
sous la cinquième République, Paris, PUF, 1981, p. 705.
Alain de Benoist, « La révolution conservatrice », Eléments,
février-avril 1977, p. 3.
Maurice Duverger, Introduction à la politique, Paris, Gallimard,
1964, p. 241.
F. Borella, Les partis politiques dans la France d’aujourd’hui, op.
cit., p. 205.
Idem.

Présentation des extrêmes-droites (1900-1945)

’ René Rémond, La droite en France, de la première Restauration à


la V République, Paris, Aubier, 1968, p. 159.
^ Mosei Ostrogorski, La démocratie et les partis politiques, Paris,
Editions du Seuil, 1979, p. 37.
^ Henri Martin meurt le 14 décembre 1883.
Les sociétés de tir et de gymnastique constituent l’armature
principale de la Ligue des Patriotes.
^ Raoul Girardet, « La Ligue des Patriotes dans l’histoire du
nationalisme français, 1882-1888 », Bulletin de la Société d’histoire
moderne, vol 57, n° 6, 1958.
® Déroulède rend régulièrement hommage à Gambetta, et écrit lors
de la mort de ce dernier : « Le représentant de la Défense
nationale, le gardien de l’Honneur français, le Champion de
l’Indépendance et de la Délivrance de la Patrie n’est plus. » Cf

383
Déroulède, Qui vive ? la France !, « Quand même », notes et
discours, 1883-1910, Paris, Bloud et Cie éditeurs, 1910, p. 2.
^ Déroulède compare plusieurs fois Boulanger à Gambetta dans ses
discours et dans ses articles du Drapeau.
® Sansboeuf et Deloncle fondent l’Union patriotique de France qui
reprend le programme initial de la Ligue des patriotes. Cf Zeev
Sternhell, La droite révolutionnaire, les origines françaises du
fascisme, 1885-1914, Paris, Seuil, 1978, p. 95.
®Sur les détails de cette évolution, cf. Z. Sternhell, La droite
révolutionnaire, op. cit., p. 94 et suivantes.
Déroulède, notes et discours, op. cit., p. 307.
“ Déroulède, meurt en 1914.
Z. Sternhell, La droite révolutionnaire, op. cit., p. 134.
Manifeste de la Ligue de la Patrie française, reproduit in : Jean-
Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme. La ligue de la Patrie
française, 1899-1904, Paris, Editions Beauchesne, 1977, p. 11.
Ibid., p. 111.
Ibid., p. 20-30.
Ibid., p. 30.
’’ La ligue de la Patrie française fonde en 1910 son propre organe,
une revue bi-mensuelle intitulée Les Annales de la Patrie
française.
Jean-Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme, op. cit., p. 58.
Michel Winock, Edouard Drumont et Cie, antisémitisme et
fascisme en France, op. cit., p. 53.
Z. Sternhell, La droite révolutionnaire, op. cit., p. 215.
Ibid., p. 205.
22 Outre le journal de Drumont, cette période est caractérisée par la
multiplication des revues antisémites. Citons par exemple l’Anti-
Youtre de Gallian, futur syndicaliste jaune ; l’Anti-Juif de, Guérin,
fondé au moment où ce dernier reprend la ligue de Drumont ;
l’Indépendance de Sorel, l’Intransigeant de Rochefort et la Croix.
2^ Personnage pittoresque, Morès était le chef d’une bande de forts
des Halles et de bouchers de la Villette, qui suivront son
succésseur, Guérin. Un des premiers organisateurs du socialisme
national, il a également entretenu des relations avec les milieux
anarchistes. En 1883, il tenta de fonder un journal, la Délivrance,
en faisant appel à des socialistes. Parfait symbole de cet
antisémitisme de masse qui se développe alors en France, et
auteur d’un ouvrage intitulé Rotchschild, Ravachol et Cie (1892),
il se fit remarquer pour son goût de l’aventure et ses duels avec
Arthur Meyer et Armand Mayer. Il collabora à La Cocarde de
Barrés. Succédant à Drumont, il préféra l’Afrique où il meurt

384
assassiné par son escorte de touaregs en 1896.
Ces divers points sont compris dans les statuts de la ligue. Cf. Z.
Sternhell, La droite révolutionnaire, op. cit., p. 221.
Z. Sternhell, op. cit., p. 221.
Sur le mouvement Jaune, cf. Z. Sternhell, op. cit., chapitre VI et
VII.
Ce terme a été inauguré par Barrés dans un discours en mai 1898 ;
^cf. Z. Sternhell, op. cit., p. 34.
Ces syndicats doivent leur nom à la couleur du papier mis aux
fenêtres par les mineurs afin de remplacer les carreaux brisés par
leurs assaillants.
Sur les effectifs, cf. Z. Sternhell, op. cit., p. 249-250.
Pierre Biètry, Les Jaunes de France et la question ouvrière, Paris,
Librairie Paul Paclot et Cie, 1906.
Ibid., p. 61.
Ibid., p. 62.
Ibid., p. 43.
Ibid., p. 81.
Ibid., p. 81.
Ibid., p. 95.
Ibid., p. 105.
Ibid., p. 112.
Z. Sternhell, La droite révolutionnaire, op. cit., p. 299.
Vaugeois et Pujo rompent alors avec l’Union pour l’action morale
de Paul Desjardins, fondée en 1892 et qui regroupe des
catholiques, des protestants, des universitaires, des aristocrates.
Lyautey en sera membre également. En 1910, Desjardins
inaugurera les « Décades de Pontigny » auxquelles participera
l’équipe pionnière de la NRF.
Maurras raconte sa jeunesse dans son ouvrage intitulé Au Signe
de Flore, souvenirs de la vie politique, l’Affaire Dreyfus, la
fondation de l’Action Française, 1898-1900, Paris, Grasset, 1933.
Maurras, Au signe de Flore, in : De la politique naturelle au
nationalisme intégral, recueil de textes, op. cit., p. 47-48.
Maurras, Enquête sur la monarchie, Paris, Librairie A. Fayard,
1925 pour l’édition définitive, p. 118.
Barrés, in : Enquête sur la monarchie, op. cit., p. 134-135.
Maurras, De Démos à César, op. cit., p. 82.
Charles Maurras, Enquête sur la monarchie, op. cit., réponse à
Paul Bourget, p. 118-119.
Charles Maurras, La contre-révolution spontanée, op. cit., p. 73.
Ibid., p. 76.
Eugen Weber, l’Action française, Paris, nouvelle édition Fayard,

385
1985 (pour l’édition française), p. 19.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 33.
Ibid., p. 35.
Ibid., p. 42.
Ibid., p. 207.
C. Maurras, De Démos à César, op. cit., p. 19.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 227.
R. Rémond, La droite en France, op. cit., p. 182.
Ibid., p. 181.
C. Maurras, Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France, Paris,
Plon, 1953, in : De la politique naturelle au nationalisme intégral,
op. cit., p. 79.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 178.
^ C. Maurras, La politique religieuse, Paris, Nouvelle Librairie
Nationale, 1912, in : De la politique naturelle au nationalisme
intégral, op. cit., p. 79.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 178.
Idem.
C. Maurras, Au Signe de Flore, in : De la Politique naturelle au
nationalisme intégral, op. cit., p. 48.
^ C Maurras, Enquête sur la monarchie, réponse à Jacques
Bainville,
“ C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 110.
Ibid., p. 111.
Eugen Weber, L’Action française, op. cit., p. 74.
Ibid., p. 82 et suivantes.
Ibid., p. 80-81.
C. Maurras, La contre-révolution spontanée, op. cit., p. 114.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 53.
Ibid., p. 55.
Ibid., p. 225.
Ibid., p. 258.
Ibid., p. 130.
Ibid.,.p. 258.
C. Maurras, Kiel et Tanger, in : De la politique naturelle au
nationalisme intégral, op. cit., p. 170.
Eugen Weber, L’Action française, op. cit., p. 102.
André Armengaud, La population française au XX‘ siècle, op.
cit., p. 24.
André Nouschi et Maurice Agulhon, La France de 1914 à 1940,
Paris, Nathan, 1974, p. 30
Ibid., p. 39.
Antoine Prost, Les anciens combattants et la société française.

386
Paris, Presse de la Fondation Nationale de Science politique,
1977, tome I, p. 7.
Ibid., p. 53. Outre l’UF et l’UNC, les autres principales
associations sont : l’Association générale des mutilés de guerre
(AGMG) ; l’Union nationale des mutilés et des réformés
(UNMR) ; la Fédération nationale des associations françaises des
mutilés réformés et veuves de guerre (FN) ; la Fédération
nationale des combattants républicains (FNCR) ; la Fédération
ouvrière et paysanne (FOP) ; l’Association républicaine des
anciens combattants (ARAC). Il faut ajouter à cette liste une
multitude d’associations spécialisées comme les Mutilés des yeux,
les Gueules Cassées... En 1927, tous ces organismes se réunissent
dans une Confédération nationale des anciens combattants et
victimes de la guerre (CNACUVG) mais l’UF n’y participe pas.
^ Sur les effectifs, cf. A. Prost, op. cit., tome II, p. 59 et suivantes.
A. Prost, op. cit., tome I, p. 111.
En février 1934, le slogan de l’UNC était le suivant : « nous
voulons que la France vive dans l’honneur et l’honnêteté ». Dans
son appel, l’UNC déclarait : « Il faut à la France et à la
République une force nouvelle : qui n’ait pas été compromise dans
la politique des partis, qui ne soit pas usée par l’ambition,
l’égoïsme, l’esprit de combine les maquignonnages », in :
A. Prost, op. cit., tome I, p. 163.
A. Prost, op. cit., tome III, p. 221.
Serge Berstein, in : Pierre Milza, De Versailles à Berlin, 1919-
1945, Paris, Masson, 1980, p. 61.
W. Churchill, in : Paul Johnson, Une histoire du monde moderne,
tome I : La fin de la vieille Europe (1917-1945), Paris, Laffont/
l’Express, 1985 (pour la traduction française), p. 25.
^ A. Prost, Les anciens combattants et la société française, op. cit.,
tome III, p. 151.
A. Prost, ibid., tome III, p. 119.
Les chiffres concernant la crise des années trente proviennent de
plusieurs ouvrages. Cf. en particulier, A. Nouschi et M. Agulhon,
op. cit. ; Maurice Niveau, Histoire des faits économiques
contemporains, Paris, PUF, 1979 (pour la cinquième édition) ;
Henri Dubief, Le déclin de la IIP République, 1929-1938, Paris,
Seuil, 1976.
Cf. Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des
années trente, une tentative de renouvellement de la pensée
politique française, Paris, le Seuil, 1969.
’’’ J.-P. Maxence, Histoire de dix ans (1927-1937), Paris, Gallimard,
1939. Cité par Jean Touchard, in : « L’esprit des années trente :

387
une tentative de renouvellement de la pensée politique fran¬
çaise », in : Tendances politiques dans la vie française depuis 1789,
Paris, Hachette, 1960, p. 98.
Ibid., p. 98.
Les principales revues qui reflètent cet esprit des années trente
sont : Les Cahiers, Réaction, La Revue Française, La Revue du
Siècle, Combat, Esprit, Réaction, Plans...
^ Jean de Fabrègues, L’Aube, 13-14 août 1933, in : J.-L. Loubet del
Bayle, op. cit., p. 293.
Henry Coston, Partis, journaux et hommes politiques d’hier et
d’aujourd’hui, numéro spécial des Lectures Françaises, décembre
1960, p. 49.
^ La Volonté Nationale sera par la suite remplacée par Brumaire,
fondé en 1931 par René-Louis Jolivet, membre des Etudiants
bonapartistes.
Sur les effectifs, cf. J.-C. Petitfils, L’extrême-droite en France, op.
cit., p. 31. Henry Coston indique que les Croix de feu comptent
alors 12 000 membres dans la région parisienne et 50 000 en
province. Cf. H. Coston, op. cit., p. 68.
La Rocque, Service public, Paris, Grasset, 1934, p. 113-114.
Ibid., p. 37.
Ibid., p. 92.
Ibid., p. 116.
Ibid., p. 113.
Ibid., p. 198.
Ibid., p. 98.
Ibid., p. 151-152.
Ibid., p. 158.
R. Rémond, La droite en France, op. cit., p. 216.
La Rocque, Service public, op. cit., p. 117.
Idem.
R. Rémond, La droite en France, op. cit., p. 222.
Jean Mermoz meurt en 1936.
La Rocque, Manifeste Croix de feu pour les élections législatives de
1936, p. 63.
Ibid., p. 6.
P. Rudaux, Les Croix de feu et le PSF, Paris, Ed. France Empire,
1967, p. 118.
La Rocque, Service public, op. cit., p. 179.
Un procès opposera en 1937 le duc Pozzo di Borgo au leader du
PSF qu’il accusera d’avoir reçu des fonds secrets de la part du
gouvernement. Tardieu confirmera ces révélations, mais La
Rocque y répondra par un démenti formel.

388
La Rocque revendique quant à lui près de trois millions de
membres.
Le PSF compte à son actif, selon P. Rudaux, 11 députés, 198
conseillers généraux, 344 conseillers d’arrondissement, 2 692
maires et 10 527 conseillers municipaux.
Sur les détails de l’organisation et des effectifs, cf. J. Philippet,
Les Jeunesses Patriotes et Pierre Taittinger, 1924-1940, mémoire
lEP, Paris, 1967.
Les Phalanges Universitaires sont créées en 1926 par Roger de
Saivre, Jacques Martin-Sané et Pighetti de Rivaso.
R. Rémond, La droite en France, op. cit., p. 211.
Cité in : J. Philippet, op. cit., p. 162.
Idem.
Taittinger, L’Echo de Paris, 7 février 1934. Cf. M. Chavardès,
op. cit., p. 90.
Cité in : H. Coston, Partis, journaux et hommes politiques, op.
cit., p. 138.
C. Maurras, La contre-révolution spontanée, op. cit., p. 176.
L. Daudet, L’agonie du régime, op. cit., p. 19.
Ibid., p. 34.
Ibid., p. 31.
Soit 45 000 abonnements et 45 000 exemplaires vendus ; cf. E.
Weber, L’Action française, op. cit., p. 211-212.
Ibid., p. 212.
J.-C. Petitfils, op. cit., p. 27.
E. Weber, op. cit., p. 374.
Bainville, L’Action française, 8 mai 1919 ; cf. L’Allemagne, Paris,
Plon, 1939, tome II, p. 2.
Ibid., tome I, p. 126.
Bainville, Heur et malheur des Français, Paris, Nouvelle Librairie
Nationale, 1924, p. 14.
C. Maurras, Mes idées politiques, op. cit., p. 62-63.
E. Weber, op. cit., p. 157.
C. Maurras, L’Allemagne et nous, déclaration à la Cour de Justice
du Rhône, les 24 et 25 janvier 1945, Paris, Vérités Françaises,
1945, p. 29.
C. Maurras, Action Française, 18 février 1939 ; in : De la politique
naturelle au nationalisme intégral, op. cit., p. 124.
C. Maurras, L’Allemagne et nous, op. cit., p. 9.
E. Weber, op. cit., p. 462.
Colette Peter Capitan, Charles Maurras et l’idéologie de l’Action
Française, étude sociologique d’une pensée de droite, Paris, Le
Seuil, 1972, p. 167, note 36.

389
Idem.
E. Weber, op. cit., p. 299-300.
Le tirage passe de 60 000 à 40 000 exemplaires ; cf. E. Weber, op.
cit., p. 278.
C. Maurras, La contre-révolution spontanée, op. cit., p. 203.
L. Rebatet, Les Décombres, op. cit., p. 62.
Ibid., p. 116.
Ibid., p. 133.
Le Progrès Agricole de l’Ouest a été créé en 1925 par René
Biffeaux, un agent de publicité parisien.
Cf. P. Ory, Henry Dorgères et « la Défense Paysanne », op. cit.,
p. 53.
Ibid., p. 60.
En particulier Le Cri du Sol, Le Progrès Agricole de l’Ouest, Le
Cri du Paysan, la Provence Paysanne et Le Paysan du Centre-
Ouest.
Cf. P. Ory, op. cit., p. I70.
Raoul Girardet, « Notes sur l’esprit d’un fascisme français, 1934-
1939 », Revue Française de Science politique, vol. V, n° 3, juillet-
septembre 1955, p. 529.
R. Rémond, La droite en France, op. cit., p. 215.
Pierre Milza, Les Fascismes. Paris, Imprimerie Nationale, 1985,
p. 290.
Ibid., p. 289.
R. Girardet, « Notes sur l’esprit d’un fascisme français », op. cit.,
p. 530.
Ibid., p. 533.
Valois, L’Homme qui vient, in : Yves Guchet, Georges Valois.
L’.^tion française, le Faisceau, la République syndicale, Paris,
Edi^Albatros, 1975, p. 53.
Cité in : H. Coston, Partis, journaux et hommes politiques, op.
cit., p. 11.
Sur les effectifs et la répartition géographique du Faisceau, cf.
Z. Sternhell, « Anatomie d’un mouvement fasciste en France. Le
Faisceau de Georges Valois », Revue Française de Science
politique, vol. 26, n“ 1, février 1976, p. 25-26.
G. Valois, Le Fascisme, Paris, Nouvelle Librairie Nationale,
1927, p. 24.
Ibid., p. 30.
Ibid., p. 23.
Ibid., p. 73.
Ibid., p. 63.
Ibid., p. 74.

390
Ibid., p. 16.
Ibid., p. 95.
Sur la composition sociale du Faisceau, cf. Zeev Sternhell, art.
op. cit.
E. Weber, l’Action française, op. cit., p. 219.
Cité in : H. Coston, Partis, journaux, hommes politiques, op. cit.,
p. 61.
Zeev Sternhell, Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France
(nouvelle édition), Bruxelles, Editions Complexe, 1987, p. 44.
Sur la doctrine du francisme, cf. A. Jacomet, « Les chefs du
franeisme : Marcel Bucard et Paul Giraud », Revue d’histoire de
la seconde guerre mondiale, n” 97, janvier 1975, p. 45-65.
Paul Giraud, fils du rédacteur en chef de La Croix, a adhéré au
Francisme en février 1935. Devenu le théoricien du mouvement,
il a tenté de faire du Francisme un fascisme authentiquement
socialiste. Cf. A. Jacomet, op. cit.
H. Coston, Partis, journaux et hommes politiques, op. cit., p. 137.
Cité in : P. Vilgier et F. Bergeron, Les droites dans la rue, op. cit.,
p. 159.
Nous utilisons le terme de « menace fasciste » en nous référant
aux conclusions des prineipales études dont le PPF a été l’objet.
En effet, le PPF est souvent qualifié de parti faseiste :
Cf. R. Rémond (La droite en France, op. cit., p. 225) : « S’il
existe alors des fascistes, on les trouve alors à coup sûr au Parti
Populaire français ».
Cf. J. Plumyène et R. Lassiera (Les fascismes français 1923-1963,
Paris, Seuil, 1963, p. 225) : un fascisme français spécifique, qui
n’était ni exactement le fascisme italien, ni le national-socialisme
allemand, mais bel et bien la manifestation française de même
conception ».
Cf. J.P. Brunet (« Un fascisme français : le Parti Populaire
français de Doriot », 1936-1939, RFSP, vol. 33, avril 1983, n° 2,
p. 255-280).
Cf. P. Milza (Les fascismes, op. cit., p. 294) : « le seul grand parti
fasciste de masse qui se soit jamais développé en France ».
Cf. G. Allardyce (« Jacques Doriot et l’esprit fasciste en
France », Revue d’histoire de la seconde guerre mondiale, n° 97,
janvier 1975, p. 31-44).
Néanmoins, il semble que la nature fasciste du PPF renvoie à un
phénomène complexe souligné dans la récente étude de P. Burrin
sur la dérive fasciste de Déat, Doriot et Bergery, à savoir « les
limites et la nature de ce processus de fascisation » (La dérive
fasciste, Paris, Seuil, 1986, p. 279). De fait, P. Milza note qu’il

391
« s’agit non moins sûrement d’un fascisme seconde manière, déjà
dépouillé de ses aspects les plus révolutionnaires » (p. 299).
Cf. J. Plumyène et R. Lassiera qui écrivent qu’à la veille de la
guerre, «• Doriot s’éloigne du fascisme spécifique qui était le sien
jusqu’alors pour se confondre avec Vextrême-droite “réaction¬
naire”. L’idée fasciste se dégrade à mesure qu’elle s’efforce de
gagner en extension » (p. 135).
Cf. J.P. Brunet qui reconnaît également que « le fascisme de
Doriot n’a pas réalisé le plein de potentialités dont il était porteur »
(p. 273-274).
G. Allardyce, op. cit., p. 34.
Après la victoire, Doriot sera envoyé en Hongrie, lors de la
révolution de Bêla Kun, puis à Fiume et en Albanie.
Sur la composition détaillée du PPF, cf. H. Coston, Partis,
journaux et hommes politiques, op. cit., p. 122 et suivantes.
Selon J.P. Brunet, le chiffre de 15 000 est sans doute plus
vraisemblable.
Ibid., p. 278.
P. Milza, Les fascismes, op. cit., p. 298.
Ibid., p. 296.
Programme du PPF, l’Emancipation nationale, n“ spécial juin
1936, in : Coston, op. cit., p. 119-120.
Doriot, « Front de la liberté », L’Emancipation nationale,
27 mars 1937, in : P. Burrin, op. cit., p. 285.
P. Burrin, op. cit., p. 291.
Doriot, « l’Allemagne et nous », L’Emancipation nationale,
23 sept. 1938, in : P. Burrin, op. cit., p. 300.
Doriot, L’Emancipation nationale, 1er sept. 1939, in : P. Burrin,
op. cit., 310.
P. Burrin, op. cit., p. 24.
Sur la personnalité de Déat, cf P. Burrin ainsi que S. Grossman,
« L’évolution de Marcel Déat », Revue d’histoire de la Seconde
Guerre mondiale, n° 97, janv. 1975, p. 3-25.
B. Montagnon, discours du 15 juillet 1933, in : B. Montagnon, M.
Déat et A. Marquet, Néo-socialisme ? ordre, autorité, nation,
Paris, Grasset, 1933.
M. Déat, Néo-socialisme ?, op. cit., p. 97.
Ibid., p. 93.
Déat déclare lors du congrès : « Nous nous tromperions du tout au
tout si nous nous imaginions que le mouvement fasciste n’est pas
autre chose qu’une espèce d’entreprise de mercenaires au service
des intérêts du grand capitalisme qui veut se maintenir et se
défendre. Si le fascisme n’avait été qu’un mouvement de merce-

392
noires (...) ni en Italie ni en Allemagne, il n’aurait développé dans
le peuple en désarroi le dynamisme, le mouvement d’idéal que nous
sommes bien obligés de reconnaître qu’il a suscité >■ (op. cit.,
p. 76).
203 P Burrin, op. cit., p. 253-254.
M. Déat, « Le planisme et la tradition française », L’Homme
nouveau, 2 janv. 1935, in : S. Grossman, op. cit., p. 17.
Cf S. Berstein, Histoire du parti radical. II : La crise du
radicalisme, 1929-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1982.
206 ç-f p Burrin, op. cit., p. 95.
Le Front aurait regroupé environ 5 000 membres selon Galey.
208 p Burrin, op. cit., p. 95.
J.M. Dioudonnat, Je Suis Partout, 1930-1944. Les maurrassiens
devant la tentation fasciste, Paris, 1973, p. 84.
L. Rebatet, Les Décombres, op. cit., p. 46.
Ibid., p. 158.
Ibid., p. 65.
213 Brasillach, Je Suis Partout, 22 avril 1938, in : P. Vilgier et F.
Bergeron, op. cit., p. 154.
Parmi les mouvements moins connus, on peut citer :
- les Francistes ; organisation créée en juillet 1933 et dirigée par
H. Coston (de la Libre Parole), René-Louis Jolivet, J. Ploncard
d’Assac... Les Francistes furent dissous en novembre 1934 ;
- le Mouvement national-populaire, créé en 1933 par Debu-
Bridel (ancien secrétaire délégué à la propagande du Faisceau de
Valois) ;
- le Parti national prolétarien de Eugen Napoléon Boy, fondé en
1933 (organe : Le gant d’Acier) ;
- le Parti socialiste national de France de Maurice-Christian
Dubernard, lancé en 1935 ainsi que la revue Le Siècle Nouveau ;
- le Parti français national-communiste, créé par Pierre démenti
en février 1934 (organe : Pays Libre). Ce parti disparaît en 1937 ;
- le Front Blanc de Jean Boissel, fondé en 1936 (organe ; Le
Réveil du peuple) ;
- l’ensemble des organisations antisémites ou anti-maçonniques
tels que le Rassemblement anti-juif de Louis Darquier de
Pellepoix, le Centre de documentation et de propagande de
Flenry Robert Petit...
2'^ X. Vallat, Le nez de Cléopâtre, op. cit., p. 185.
2'® Rebatet, Les Décombres, op. cit. p. 54.
2’2 Ibid., p. 532.
2'* Idem.
2'® Idem.

393
Pétain, déclaration à la presse américaine, 22 août 1940.
Stanley Hoffman, « Aspects du régime de Vichy », RFSP, vol VI,
n” 1, janvier-mars 1956, p. 46. Pour tout le chapitre, voir M.
Cointet-Labrousse, Vichy, un régime fasciste ?, Bruxelles, Edi¬
tions Complexe, 1987. (Collection « Questions au 20' siècle »).
Pétain, message du 11 octobre 1940.
R. Rémond, Les droites en France, op. cit., p. 230.
Ibid, p. 237.
^ Pétain, message du 30 octobre 1940.
Pétain, message du 11 octobre 1940.
Pétain, message du 8 juillet 1941.
^ Pétain, message du 4 juin 1941.
Le ministre de l’Education est alors Jacques Chevalier, professeur
de philosophie à l’université de Grenoble et filleul de Pétain.
Pétain, Revue des Deux Mondes, 15 août 1940.
231 Idem.
232 Idem.
233 Pétain, message du 11 juillet 1940.
23“ Pétain, message du 25 avril 1941.
233 La loi du 2 avril 1941 interdit le divorce pendant les trois
premières années du mariage.
233 Parmi les principales mesures : avantages accordés aux pères de
familles nombreuses, qui ont accès à divers organismes dont la
Commission budgétaire ; rélèvement des prestations familiales ;
avantages fiscaux... Sur les détails de cette politique, cf. Aline
Coutrot, in : Le gouvernement de Vichy (1940-1942), colloque de
la FNSP, Paris, A. Colin, 1972.
232 Pétain, discours du 8 juillet 1941 lors de la séance d’ouverture de
la Commission du Conseil national pour la réforme constitution¬
nelle.
23* Pétain, message du 1" juin 1941.
233’ Pétain, message du 11 octobre, 1940.
2“® Pétain, message du 6 juin, 1941.
2“3 Les lois de mai 1938 permettaient déjà l’internement des
étrangers indésirables en France, et la création des premiers
camps d’internement fut présentée comme un moyen pour lutter
contre le chômage.
2“2 Pétain, message du 11 juillet 1941.
2“3 La révision des naturalisations remontait jusqu’en 1927. 15 154
réfugiés se virent retirer la nationalité française, dont 6 307 juifs.
Cf. Robert O. Paxton, La France de Vichy, Paris, Seuil, 1973,
p. 169.
2““ L’ordonnance du 3 octobre 1940 sera modifiée par la loi du 2 juin

394
1941 qui ne mentionne plus les exemptions pour les titulaires de la
carte de combattant ou les titulaires de la légion d’honneur et de
la médaille militaire.
Les fonctions et mandats dont l’accès ou l’exercice sont interdits
sont : a) Chef de l’Etat, membre du gouvernement, magistrats ;
b) Préfets, sous-préfets, police... ; c) Gouverneurs, inspecteurs
des colonies... ; d) Membres des Corps enseignants ; e) Officiers
Terre, Mer, Air ; f) Exercice des professions libérales ;
g) Presse ; h) Cinéma, théâtre, spectacles, radio.
Loi du 4 octobre 1940 ; 1) les étrangers de race juive pourront
être internés dans des camps spéciaux ; 2) les Juifs étrangers
pourront en tous temps se voir assigner une résidence forcée.
Pétain, message du 20 août 1941.
J. Carcopino, cité par Henry Rousso, in : « Vichy, le grand
fossé », XXè siècle, Revue d’histoire, janvier-mars 1985, n” 5,
p. 61.
Pétain, message du 11 juillet 1940.
Pétain, message du 13 août 1941.
S. Hoffman, art. op. cit., p. 62.
Message du 12 août 1941, cité par J.P. Azéma, in : De Munich à
la Libération (1938-1944), Paris, Seuil, 1979, p. 191.
Pétain, message du 30 octobre 1940.
Pétain, message du 12 août 1941.
Pétain, lettre du 21 octobre 1941 ; citée par Henri Michel, in :
Pétain, Laval, Darlan trois politiques ? Paris, Flammarion, 1972,
p. 143.
Pétain, message du 30 octobre 1940.
Pétain, message du 12 août 1941.
S. Hoffmann, art. op. cit., p. 46.
Cité in : H. Coston, Partis, journaux et hommes politiques d’hier
et d’aujourd’hui, op. cit. p. 131.
L. Rebatet, Les Décombres, op. cit., p. 542.
P. Costanini, tract de la Ligue française, cité par P. Ganier
Raymond, in : Une certaine France, Paris, Balland, 1975.
P. Costantini, « Judaecus ex machina », L’Appel, in : Ganier
Raymond, op. cit.
L. Rebatet, « L’étoile jaune », Je Suis Partout, T'juin 1941 ; cité
in : Ganier Raymond, op. cit., p. 67.
J. Méricourt, Le Pilori, in : Ganier Raymond, op. cit., p. 76.
R. Brasillach, in : Ganier Raymond, op. cit., p. 123.
Pétain, message du 1er mars 1941.
Dirigé par H. Lebre, Le Cri du Peuple a pour principaux
collaborateurs : Charles Lesca, L. Rebatet, F. Bacconnier, J.-P.

395
Aimot et Marcel Guitton. Ce dernier quitte le PPF en mai 1941
puis est assassiné en juin 1941.
Le PPF ne sera officiellement reconnu qu’en décembre 1941.
J. Doriot, Le Cri du Peuple, 5 juillet 1941.
La LVF ne répondra pas aux espoirs de Doriot. Outre des
difficultés de recrutement, elle sera peu efficace sur le terrain et
sera utilisée essentiellement pour des actions de police dans les
territoires occupés. Reconnue « d’utilité publique » par le
gouvernement Laval après l’échec de la Légion tricolore et de la
Phalange africaine (11 février 1943), elle sera intégrée début 1945
à la division SS-Charlemagne.
Lors du congrès PPF de novembre 1942, 7 200 délégués seront
présents, mais 4 187 viennent d’autres organisations.
Sur détails composition du PPF, cf. Pascal Ory, Les Collabora¬
teurs (1940-1945), Paris, Seuil, 1976, p. 113-114.
Rapport reproduit en annexe de l’article de J.P. Cointet,
« Marcel Déat et le parti unique (été 1940) », Revue d’histoire de
la seconde guerre mondiale, 91, juillet 1973, p. 17-22.
Cité in : Coston, op. cit., p. 141.
Déclaration de M. Déat lors du congrès de juin 1941. Brochure
diffusée par le RNP, p. 18.
Cf. P. Burrin, La dérive fasciste, op. cit., p. 409.
Le Front national révolutionnaire (FRN) est constitué au début
de l’année 1943. Il regroupe le RNP, le MSR, le parti Franciste,
les Jeunes de l’Europe Nouvelle, les Comité d’action anti¬
bolchevique, les Jeunes de France, les Groupes Collaboration et
le Front social du travail. Le FRN tient sa première réunion le 28
février 1943, salle Pleyel, sous la présidence de H. Barbé (RNP),
avec Claude Panson (Parti franciste), Francis Desphilippon
(Front social du travail) et Georges Soulès (MSR). Imitant la
Milice de Darnand, les partis du FRN fondent la Milice
révolutionnaire nationale afin de lutter contre « le péril menaçant
du bolchevisme, allié au grand capital international >■ (cité, in :
Coston, op. cit., p. 148). Dirigé par un comité directeur de huit
membres (H. Barbé, M. Déat, Paul Chack, A. de Chateaubriant,
F. Desphilippon, Dr. Rainsart, G. Soulès, L. Rebatet), le FRN
ne résiste pas aux tensions entre les divers leaders extrémistes et
disparaît peu après sa création.
M. Déat, Le National Populaire, 25 juillet 1942.
P. Ory, Les Collaborateurs, op. cit.. Annexe IV, p. 223.
Créée en 1938, l’Agence Inter-France est dirigée par Dominique
Sordet (ancien critique musical de l’Action française) avec Michel
Alerme (président du conseil d’administration), Marc Pradelle,

396
Xavier de Magallon, Georges Ricou et Henri Caldairou. En 1941,
Inter-France fonde un service de dépêches téléphonnées et
télégraphiées, Inter-France Information. Elle dispose également
d’un service d’édition dirigé par Maurice Bex.
Cité par J.P. Azéma, op. cit., p. 118.
Cité par Fred Kupferman, in : Laval (1883-1945), Paris, Balland,
1987, p. 327-328.
S. Hoffmann, art. op. cit., p. 267.
Pétain, document rédigé à Fort-Montrouge, in : « La pensée
politique du Chef de l’Etat français », numéro spécial des
Lectures Françaises, juin 1964, p. 45.
C. Maurras, L’Allemagne et nous, op. cit., p. 68-69.
F. Kupferman, op. cit., p. 266.
Darlan rencontre Hitler le 11 mai 1941 et tente de négocier un
assouplissement du régime d’occupation, en échange de ces
propositions. De retour à Paris, il se heurte au général Weygand
puis au refus du Conseil des Ministres. Cet échec des Protocoles a
pour conséquence la détérioration des relations avec l’Allemagne
et précipite le renvoi de Darlan.
M. Winock, La fièvre hexagonale, op. cit., p. 255.
288 p Kupferman, op. cit., p. 169.

F. Kupferman, op. cit., p. 231.


Laval, discours au Sénat le 16 mars 1939, cité par F. Kupferman,
op. cit., p. 199.
Cité par J.P. Azéma, op. cit., p. 206.
Entretien Hitler-Mussolini, 28 octobre 1940, cité, par H. Michel,
op. cit., p. 126.
Laval, déclaration du 22 juin 1942, citée par F. Kupferman,
op. cit., p. 337.
2^'* Lettre de Laval à Ribbentrop du 12 mai 1942, citée par F.
Kupferman, op. cit., p. 333-334.
Cité par F. Kupferman, op. cit., p. 349.
Ibid., p. 434.
Ibid., p. 419.
J.P. Azéma, op. cit., p. 220.
299 Q p Kupferman, op. cit., p. 332-333.
P. Ory, op. cit., p. 248.
301 Ibid., p. 249.
30^ Message de Darnand au SOL le 4 octobre 1942, in : Coston,
op. cit., p. 83.
303 Cité par F. Kupferman, op.cit., p. 427. Pétain ne désavouera la
Milice qu’en août 1944.
30'* Statuts de la Milice, in : Coston, op. cit., p. 82.

397
Cité par F. Kupferman, op. cit., p. 436. ^
F. Kupferman, op. cit., p. 437.
Cité in : J.P. Azéma, op. cit., p. 225.
Le dernier convoi de déportés partira le 15 août 1944. Durant
cette période, près de 75 000 Juifs français et étrangers furent
déportés, dont plus de 10 000 enfants de moins de dix-huit ans.
Seuls 3 % survécurent (cf. J.P. Azéma, op. cit., p. 138). Quant
aux déportés non raciaux, leur nombre s’élève à 63 000 personnes
dont 41 000 résistants (cf. J.P. Azéma, op. cit., p. 189).
Cité par Jean Lacouture, De Gaulle, Tome I : Le rebelle, Paris,
Le Seuil, 1984, p. 802.
Ibid., p. 834.
Cité par F. Kupferman, op. cit., p. 459.
Ibid, p. 477.
Cité in : Pierre Assouline, L’épuration des intellectuels, Bruxelles,
Complexe, 1985, p. 74.
Le Comité National des Ecrivains (CNE) fut fondé dans la
clandestinité durant l’occupation. Parmi ses membres, Jean
Paulhan, François Mauriac, Albert Camus, J.P. Sartre, Jean
Guéhénno, Edith Thomas, Simone de Beauvoir, Eisa Triolet,
Aragon, Vercors...
Cf. Henri Rousso, Pétain et la fin de la collaboration, Sigmaringen
(1944-1945), Bruxelles, Complexe, 1984, in : P. Assouline, op.
cit., p. 157.
L. Rebatet, Les mémoires d’un fasciste, op. cit., p. 20.
Le recrutement des Waffen-SS français a été autorisé par le
gouvernement Laval le 22 juillet 1943. En janvier 1944, 2 480
volontaires français sont engagés aux côtés des troupes alle¬
mandes Cf. P. Ory, op. cit., p. 266.
Cité in : P. Assouline, op. cit., p. 16.
Cité in : J. Lacouture, op. cit., p. 754. L’exécution de Pierre
Pucheu, ministre de la Production industrielle puis ministre de
l’Intérieur à Vichy, le 20 mars 1944 illustre la volonté du général
de Gaulle de ne « pas passer l’éponge ». Refusant la grâce de
Pucheu, de Gaulle déclara : « si je l’avais gracié, les criminels de
cette nature prendraient tous le chemin d’Alger. Nos prisons se
rempliraient et leurs locataires attendraient paisiblement la fin de la
guerre et l’oubli >■ (cité in : Lacouture, op. cit. p. 757).
Cité in . Jean Lacouture, De Gaulle, tome II ; le politique, Paris
le Seuil, 1985, p. 137.
Au total, 10 000 Français furent victimes de l’épuration dont 767
exécutions après verdict des cours de justice. 75 % des exécutions
sommaires ont lieu avant le 6 juin et pendant la libération du

398
territoire. Cf. J.P. Azéma, op. cit., p. 335-336 ; J.P. Rioux, La
France de la quatrième République, tome I : L’ardeur et la
nécessité (1944-1952), Paris, Seuil, 1980, p. 49-67. Sur l’attitude de
De Gaulle face à ce problème, voir J. Lacouture, tome I, p. 128-
153.
H. Béraud bénéficie le 5 janvier de la grâce présidentielle. La
veille, F. Mauriac avait publié dans Le Figaro un article
dénonçant l’iniquité de la sentence.
Cité in : P. Assouline, op. cit., p. 160.
Cité in : P. Assouline, op. cit., p. 83.
Lectures Françaises, juin 1964, p. 48.
J. Isorni, « Le procès du Maréchal », Les Lectures Françaises, op.
cit., p. 7 et 9.
Discours de Laval du 9 novembre 1943, in F. Kupferman, op. cit.,
p. 416.
Le matin même. Laval avait tenté de se suicider. Dans sa lettre
d’adieu, il écrivait : « Je n’ai maintenant aucun doute sur le sort
qui m’attend. Le général de Gaulle n’hésite pas à ordonner mon
assassinat. Ce n’est pas une exécution puisque l’arrêt qui me frappe
n’est pas un jugement. On m’a fermé la bouche à l’audience, on
veut éteindre ma voix pour toujours (...). J’adresse mon dernier
salut à la France que j’ai servie. Ma dernière pensée est pour elle >■
(in : F. Kupferman, op. cit., p. 509-510).
Henri Rousso, « Vichy, le grand fossé », XXème siècle. Revue
d’histoire, janvier-mars 1985, p. 76.
Ibid., p. 61.
Marcel Giroux, dit Marcel Guitton, ancien député de Saint Denis,
rallié au PPF en 1940, sera assassiné en 1941 par des résistants
communistes.
Durant l’occupation, l’économiste F. Delaisi est membre de la
Ligue de la pensée française de René Chateau, puis membre du
RNP ; il collabore à L’Atelier et à La France au Travail que René
Chateau dirige à partir de 1941. Ludovic Zoretti appartenait
avant-guerre à la fraction pacifiste de la SFIO. Leader de la
tendance dite du « Redressement nationaliste », opposée à la
tendance Blum, Zoretti déclara en 1938 : « On ne va tout de
même pas faire la guerre pour 100 000 Juifs polonais ! >■ Quant au
philosophe Félicien Challaye, il est rédacteur à La France
Socialiste, et collabore à plusieurs revues dont Aujourd’hui,
L’Atelier, Germinal...
Cité par Henri Coston, in : Partis, journaux et hommes politiques,
op. cit., p. 77.
Plusieurs responsables du PPF furent également déportés dont

399
Pierre Le Tanneur qui prit la succession de la Rocque pendant
quelques mois, après l’arrestation de ce dernier. Noël Attavi,
déporté au camp de Sanbostel, y mourut en avril 1945.
P. Ory, Les collaborateurs, op. cit., p. 271.
Lucien Rebatet écrit : <•< Pourquoi nous affirmions-nous fas¬
cistes ? Parce que nous avions pris en horreur la démocratie
parlementaire, son hypocrisie, ses impérities, ses lâchetés. Parce
que nous étions jeunes, que le fascisme représentait le mouvement,
la révolution, l’avenir, qu’il régnait dès avant la guerre sur les deux
tiers de l’Europe. Parce qu’il fallait des régimes forts pour lutter
contre le communisme, ce fascisme rouge, et qu’ils s’alliassent
contre la lllème internationale / (in : Mémoires d’un fasciste, op.
cit., p. 53).
P. Ory, Les collaborateurs, op. cit., p. 272-273.
Déclaration de Maurras au chanoine Aristide Cormier, cité par E.
Weber, op. cit., p. 251.

De la reconstruction à la régression (1945-1968)

^ H. Rousso, art. op. cit., p. 67.


^ P.E. Flandin, Le Monde, 10 février 1948. Cité par H. Rousso, art.
op. cit., p. 67.
^ Selon J.P. Rioux, en décembre 1948, 69 % des condamnés ont été
libérés. Les cours de justice disparaissent dans l’indifférence
générale en janvier 1951. Lors du vote de la loi d’amnistie de
1953, moins de 1 % des condamnés sont encore détenus. Cf. J.-P.
Rioux, La France de la quatrième République, tome II, op cit
4P-57. ^ ■’
J. Plumyène et R. Lassiera, Les fascismes français, op cit
p. 183.
^ Le premier numéro de Questions Actuelles paraît le 16 décembre
1944, précédé de peu par une brochure intitulée Perspectives,
publiée par Pierre Morel et René Malliavin.
®Cf. H. Coston, op. cit., p. 177.
Parmi les publications qui ont eu une existence éphémère figurent
plusieurs bulletins de tendance royaliste (Force populaire.
Courrier 48, Le Nouveau Régime, Lys Rouge, L’Etendard...) ou
socialiste (La Lutte, La Victoire). Sans compter les organes des
mouvements aux effectifs insignifiants tels le Mouvement d’action
universitaire et culturel (L’Occident), le Mouvement des étu-

400
diants patriotes (Etudiants et Contre-Révolution), le Parti travail¬
liste français (L’Appel) et les Equipes de France (Contact). Cf.
H. Coston, op. cit., p. 177-179.
^Paroles Françaises, 30 décembre 1950-12 janvier 1951. Cité par
J. Algazy, in : La tentation néo-fasciste en France (1944-1965),
Paris, Fayard, 1984, p. 68.
Ibid., p. 69.
France Réelle est remplacée en 1954 par L’Heure Française qui,
en raison du départ de Christian Wolf, connaît de graves
difficultés financières et disparaît en 1956.
" Cité par J. Algazy, op. cit., p. 70.
Contre, numéro 1, 2 mai 1951. Cité par Fl. Coston, op. cit.,
p. 183.
Rivarol succède à La Fronde, revue fondée en novembre 1949 par
Marcel Laignoux, Maurice Gaït et Julien Guernec.
Tract diffusé par le Parti républicain et social de la réconciliation
française en août 1945. Cité par Fl. Coston, op. cit., p. 79.
Idem.
R. Girardet, « L’Héritage de l’Action française », RFSP, vol VII,
n° 4, octobre-décembre 1957, p. 161.
La revue Aspects de la France a été précédée par Les Documents
Nationaux, qui paraissent de septembre 1944 à février 1947. En
1946, A. Blondin et P. Boutang ont également lancé La Dernière
Lanterne.
Une seconde revue d’inspiration maurrassienne apparaît en 1946,
L’Indépendance française, avec pour principaux rédacteurs Jean
Madiran, A. Blondin et Julien Guernec. En 1950, L’Indépen¬
dance française fusionne avec Aspects de la France.
Cité par H. Coston, op. cit., p. 40.
R. Girardet, op. cit., p. 769.
R. Rémond, Les Droites en France, op. cit., p. 253.
Cf. H. Coston, op. cit., p. 511.
Cité par J. Plumyène et R. Lassiera, op. cit., p. 199.
J. Algazy, op. cit., p. 83.
R. Binet, Contribution à une éthique raciste, Montréal, Ed.
Celtiques, 1957, p. 27.
“ Ibid., p. 21.
Ibid., p. 27.
Ibid., p. 43.
Ibid., p. 82.
Ibid., p. 82.
Ibid., p. 40.
Ibid., p. 43.

401
Ibid., p. 34.
^ Idem.
Idem.
Ibid., p. 62.
Ibid., p. 73.
Ibid., p. 48.
Ibid., p. 21.
Ibid., p. 66.
Ibid., p. 123.
Ibid., p. 193.
‘*3 Ibid., p. 100.
Ibid., p. 139.
Cité par H. Coston, op. cit., p. 540.
Fidélité, décembre 1952. Cité par J. Algazy, op. cit., p. 99.
Documents du premier congrès du MPF, Fidélité, février 1959.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 145.
Fidélité, avril 1959. Cité par J. Algazy, op. cit., p. 144.
Cité par H. Coston, op. cit., p. 222.
Les jeunes de Citadelle sont regroupés dans les Jeunesses
Phalangistes, groupe qui adhère en 1957 au Kameradshaftsring
Nationaler Jugendverbün (KNJ), associant tous les mouvements
de jeunesse fasciste.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 99.
J.-P. Rioux, La France de la IV‘ République, op. cit., p. 248.
Cité par H. Coston, op. cit., p. 201.
Idem.
Tixier-Vignancour affronte lors de ces élections P. Marcilhacy,
J. Lecanuet (soutenu par J. Isorni et le leader paysan Paul
Antier), F. Mitterrand et le général de Gaulle.
L’ARLP sera déchirée par des querelles internes et en 1971 des
dissidents fonderont l’Alliance républicaine indépendante et
libérale (ARIL) qui connaît le même échec que l’ARLP.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 118.
Jeune Nation, 4 octobre 1958. Cité par H. Coston, op. cit., p. 213.
Jeune Nation, mai 1959. Cité par H. Coston, op. cit., p. 166.
^ P. Poujade, A l’heure de la colère, Paris, Albin Michel, 1977,
p. 51-52.
Entre-temps, Pierre Poujade s’est marié avec une infirmière qu’il
a connue en Algérie. J.-P. Rioux note que « déjà s’observe chez
lui le goût du syncrétisme. Milieu familial ennemi de “la Gueuse”,
et mariage avec une fille de communiste, patriotisme vichyste et
fierté de résistant, dégoût des collabos et des maquisards de la IF
heure, amour d’une République au service des petits et sens de

402
l’ordre >. Cf. J.-P. Rioux, « La révolte de Poujade », L’Histoire,
n" 32, mars 1981, p. 8.
“ Cité par J. Algazy, op. dt., p. 128.
J.-P. Rioux, art. op. cit., p. 14.
^ R. Rémond, Les droites en France, op. cit., p. 252.
** P. Poujade, J’ai choisi le combat, Paris, Société générale des
Editions et des Publications Saint-Céré, 1955, p. 231.
Ibid., p. 228.
Au terme de leur engagement militaire. Le Pen et Demarquet
participent à l’éphémère Mouvement national de l’action civique
et sociale (MNACS) de Louis Allouin, formé pour l’essentiel
d’anciens poujadistes.
^ Cité par J. Algazy, op. cit., p. 184.
Tract CESPS. Cité par H. Coston, op. cit., p. 2fl7.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 187.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 191.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 175.
Discours de de Gaulle à Tiaret le 25 octobre 1958. Cité par
J. Lacouture, op. cit., tome II, p. 606.
A. Figueras, Algérie française, Paris, Ed. A.F., 1959.
Cahiers-Universitaires, septembre-octobre 1962. Cité par J. Alga¬
zy, op. cit., p. 194.
Idem.
Ibid., p. 195.
Ibid., p. 198.
Ibid., p. 196.
Idem.
Ibid., p. 195.
F. Laroche, « Pour une éthique nationaliste », Cahiers-Universi¬
taires, décembre 1962.
Manifeste de la classe 6tJ. Cité par J. Algazy, op. cit., p. 196.
Fondés en février 1961, Les Cahiers Universitaires ont pour
principaux collaborateurs François d’Orcival (rédacteur en chef),
Christian Gave, Dominique Venner, Fabrice Laroche, Henry
Coston, Maurice Bardèche, Jacques Ploncard d’Assac, Lucien
Rebatet et Jean Mabire. Ce dernier est un admirateur de Drieu et
lui consacre en 1963 un ouvrage intitulé Drieu parmi nous.
** J.-P. Rioux, La France de la quatrième République, op. cit., tome
II, p. 162.
^ Le Pen et Demarquet sont rejoints par Yves Colmant, J.P. Re¬
veau et René Mantel. L’organe du FNC, L’Unité, disparaît en
1958.
Le générai Chassin quitte le MP 13 peu après sa création.

403
Candidat aux élections de novembre 1958', il sera battu par
Jacques Chaban-Delmas.
L’UFNA a été créée le 25 avril 1955 par R. Martel, Boyer-Banse
et Reygasse. Présente lors des manifestations du 6 février 1956
contre Guy Mollet, elle est dissoute le 5 juillet 1956. Lui succède
pour peu de temps le Comité pour la renaissance française (CRF).
Le sigle du MP 13 est l’emblème du Sacré-Cœur surmonté d’une
croix, repris de la Vendée contre-révolutionnaire.
^ R. Martel, lettre du 13 mai 1958 au général Massu (président du
CSP Algérie-Sahara). Cité par H. Coston, op. cit., p. 218.
Idem.
^ Cette Délégation nationale est présidée par Joseph Bilger avec
Maurice Crespin, Paul Moreau, R. Parachini et Marcel Scham-
bill.
Cité par H. Coston, op. cit., p. 219.
En juillet 1958, 14 membres du Comité de salut public d’Alger
signèrent un manifeste hostile au général de Gaulle et réclamant
l’instauration en Algérie d’un ordre corporatif Outre Ortiz,
Crespin, Goutailler et Schambill, le docteur Lefèvre fut un des
signataires. Fondateur du Mouvement pour l’instauration d’un
ordre corporatif (MPIOC), le docteur Lefèvre publie en 1959 un
ouvrage intitulé Sur les chemins de la restauration, dans lequel il
expose sa conception « d’un ordre corporatif illuminé par les
principes de la civilisation chrétienne >■ (Cité par H. Coston, op.
cit., p. 228). Arrêté en janvier 1960, il participe en 1961 à la
tentative de putsch puis se réfugie dans la clandestinité. Dans son
livre L’Occident en péril (1960), il fait part de ses sympathies pour
Hitler et Mussolini, et de ses espoirs de voir se former « une
grande croisade anti-bolchevique * (Cité par J. Algazy, op. cit.,
p. 232).
Le Comité d’entente des mouvements nationaux regroupe
l’Association générale des étudiants, le Comité d’entente Anciens
combattants, le Mouvement démocratie chrétienne et musul¬
mane, le FNF, le MP 13, le MPIOC, le Mouvement nationaliste
étudiant, le Rassemblement pour l’Algérie française.
^ Parmi les comploteurs figurent Argoud (ancien chef d’état-major
de Massu), Godard (ancien directeur de la Sûreté), Broizat
(ancien commandant du 1er RCP), Chateau-Jobert, Jean Gardes,
P. Sergent, DegUeldre. Tous se réunissent dans le bureau de
Lacheroy (ancien responsable de l’action psychologique en
Algérie) à l’Ecole militaire.
^ En particulier le colonel de la Chapelle (commandant du P' REC
en poste dans le Constantinois), le colonel Brothier (Légion), le

404
général Gardy, le général Bigot (commandant de la cinquième
région militaire), le général Nicot (major-général dans l’armée de
l’air)...
Salan, de retour d’Espagne, s’est joint à Challe, Zeller et Jouhaud
le 23 avril.
Tract OAS, 1961. Cité par Slimane Chikh, L’Algérie en armes ou
le temps des certitudes, Paris, Economica, 1981, p. 208, note 6.
Cité par S. Chikh, op. cit., p. 208.
En réponse à la proclamation du cessez-le-feu, l’OAS réplique en
transformant le 22 mars 1962 le quartier de Bab-el-Oued en zone
interdite à l’armée. Pour déloger les militants OAS, celle-ci doit
entrer en force, d’où de lourdes pertes. Quelques jours plus tard,
le 26 avril, une fusillade rue d’Isly se solde par 50 morts et près de
200 blessés.
Parmi les dernières actions de l’OAS, citons l’explosion d’un
camion piégé dans le port d’Alger (63 morts), l’incendie de la
bibliothèque universitaire le 8 juin, et l’incendie du port d’Oran.
Salan est arrêté le 20 avril 1962 et condamné à la prison à
perpétuité le 15 mai. Jouhaud, condamné à mort le 13 avril, sera
grâcié. Degueldre, condamné à la peine capitale, est exécuté le
7 juillet.
Susini se réfugie en Italie. Gardes en Argentine. P. Sergent en
Belgique. Bidault (au Brésil), Argoud (en Allemagne) et
Curutchet (au Sénégal) tentent de poursuivre l’action de l’OAS
en formant le Conseil national de la Révolution.
Cité par Rémi Kauffer, in : L’OAS, histoire d’une organisation
secrète, Paris, Fayard, 1986, p. 305.
Parmi les collaborateurs à’Europe-Action se trouvent D. Venner,
Pierre d’Arribière, Antonio Lombardo et Jean Mabire.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 267.
D. Venner, « Pas de défense sans esprit militaire », Eléments,
n° 10, mars-mai 1975.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 265.
P. Lamotte, « Avenir sombre pour les Etats-Unis », Europe-
Action, n° 2, février 1963.
Cité par J. Algazy, op. cit., p. 270.
Ibid., p. 274.
Ibid., p. 274.
Ibid., p. 268.
Europe-Action, n° 5, mai 1963.
M. Bardèche, Défense de l’Occident, n" 67, novembre 1969. Cité
par Serge Dumont, in : Les Brigades noires, Bruxelles, EPO,
1983, p. 123.

405
Fascisme, néo-fascisme et droites extrêmes

* F. Duprat, Manifeste nationaliste révolutionnaire, n° spécial (46)


des Cahiers Européens-HebdolNotre Europe.
^ Roger Holeindre, ancien membre de l’OAS, a créé en 1964
l’Association France/Sud Vietnam qui devient en janvier 1968 le
Front uni de soutien au Sud Vietnam. Ce Front regroupait
Occident, le mouvement Jeune Révolution (MJR) de Nicolas
Kayanakis, le REL et l’Association des Combattants pour
l’Union française (ACUF).
^ R. Holeindre tente par la suite de lancer en 1969 le journal Le
Contre-Poison (devise : « ordre et patrie ») auquel collaborent
F. Brigneau et Roland Gaucher. En 1970, le Contre-Poison est
remplacé par V Unité française, organe du PNP, qui disparaît aussi
rapidement que le parti et l’Union pour le Progrès et les Libertés
de Yvan Anchier (ex-ARLP).
L’Elite européenne, fondée en novembre 1968, cesse sa publica¬
tion dès avril 1971. En novembre de la même année, J. Freymond
fonde L’Observateur européen qui n’a guère plus de succès.
^ Cité par R. Chiroux, op. cit.
Sur ces élections, cf. Alain Lancelot, « Comment les Français ont
voté en 1969 », Projet, sept-oct. 1969.
* Parmi les principaux animateurs d’Ordre Nouveau figurent ;
Maître Calvaire (ex-Alliance Républicaine), Hugues Leclerc
(GUD), Alain Robert (GUD), M. Nourry (ex-Occident), J.G.
Malliarakis (solidariste), F. Duprat, Gabriel Jantet (ancien
directeur de Fraternité Française, organe de l’UDCA de Pou-
jade), Pierre démenti (fondateur en 1940 du Parti national
collectiviste qui fusionna avec les Gardes françaises de Charles
Lefèbvre et le Jeune Front de Robert Hersant, démenti sera
également membre de la LVF en 1943 puis du REL en 1967).
^ Ordre Nouveau doit ainsi annuler sa première réunion prévue
pour le 9 décembre 1969, le local ayant été détruit par une
explosion peu avant l’heure fixée. La seconde réunion, en février
1970, et à laquelle sont invités des représentants du MSI
(Movimento Sociale Italiano) et du NPD (National Kratische
Parte!) est interdite par la Préfecture de Police.
®Sur les détails de ces élections, cf. S. Dumont, Les Brigades
Noires, op. cit., p. 132-133.
® Pour un ordre Nouveau devient hebdomadaire en 1972. Outre cette
publication, l’ULN et l’UGT, Ordre Nouveau s’appuie sur une or¬
ganisation clandestine, le Groupe Intervention Nationaliste (GIN).

406
Ordre Nouveau est composé en majorité de jeunes, les 18-25 ans
représentant 50 % des effectifs. 37 % des militants sont étudiants
et 17 % lycéens. Le mouvement est surtout implanté en région
parisienne. Cf. S. Dumont, op. cit., p. 129-131.
" Ordre Nouveau, Ed. Pour un Ordre Nouveau, in : S. Dumont, p.
126.
Pour un Ordre Nouveau, n° 9, mars 1972.
Jean-Marie Le Pen n’obtient que 5,2 % des suffrages. Quant à
l’Union pour la majorité présidentielle de Tixier-Vignancour, elle
ne totalise que 1,59 % des voix.
Le Conseil des Ministres a pris cette décision, le 28 juin 1973, en
raison de l’agitation entretenue par le GUD et les mouvements
gauchistes, et des incidents consécutifs à un meeting d’Ordre
Nouveau consacré à « l’immigration sauvage ». La Ligue commu¬
niste est dissoute le même jour.
Jean-Claude Valla,« Pour une renaissance culturelle ».In :Dixans
de combat culturel pour une renaissance, GRECE, Paris, 1977,
p. 59-60. J.-C. Valla poursuit : «•< ceux qui ont pris cette initiative
étaient désireux, devant la remise en question générale à laquelle ils
assistaient, d’engager un processus de clarification des idées ».
Dès 1965, des membres de la FEN et d’Europe-Action ont créé les
Groupes de recherche et d’études pour la communauté euro¬
péenne (GRECE). De plus, un secrétariat provisoire de l’actuel
GRECE a été établi en janvier 1968 à Nice, et le premier numéro
de Nouvelle Ecole est daté de février-mars 1968.
Dix ans de combat culturel pour une renaissance, op. cit., p. 61.
Alain de Benoist, « Ce que nous disons », Le Monde, 29
septembre 1979, p. 2.
Pierre Vial « Le GRECE et la Révolution du XXP”' siècle », Le
Monde, 24 août 1979.
^ Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, Paris,
Le Labyrinthe, 1982, p. 27.
J.-C. Valla, « Pour une renaissance culturelle », op. cit., p. 73.
Ibid., p. 69. J.-C. Valla poursuit : « Le marxisme n’est concurren¬
tiel que parce que personne ne s’oppose à lui sur son terrain pour
lui disputer le monopole dont il jouit (...). La vérité est que la
formulation d’un corpus idéologique susceptible de fournir une
alternative au marxisme (...) est la seule façon d’engager une lutte
efficace. »
^ Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, op. cit.,
p. 12. Voir également : « Pour un gramscisme de droite », Actes
publiés par le GRECE, Paris, avril 1982.
Cette récupération du gramscisme est étudiée par :

407
- Vito Carofiglio et Carmela Ferrandes, « Les aventures de la
droite française et les avatars de Gramsci », MOTS, n° 12, mars
1986, p. 191-201 ;
- Pierre André Taguieff, « Le retournement du gramscisme »,
Politique Aujourd’hui, 1, juillet-septembre 1983, p. 75-92.
Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, op. cit.,
p. 24.
Alain de Benoist écrit : « J’appelle réactionnaire l’attitude qui
consiste à restituer une époque ou un état antérieur. » Alain de
Benoist, Les idées à l’endroit, Paris. Editions libres-Hallier, 1979,
p. 75.
^ Idem.
Les fondateurs du GRECE sont issus de la mouvance d’Europe-
Action, tel Alain de Benoist qui a collaboré à la revue de D.
Venner Cahiers Universitaires, de même que Pierre Vial (anima¬
teur du cercle Galilée — unité régionale du GRECE dans la
région lyonnaise — et de la commission des traditions).
Tel qu’il est présenté dans l’ouvrage Dix ans de combat culturel
pour une renaissance, le GRECE compte 7 unités régionales, 4
délégations et une vingtaine de cercles correspondants (dont un à
Strasbourg, le cercle Erwinde Steinbach ; et un à Johannes-
bourg : le cercle Villebois-Mareuil).
Organisé suivant une stricte hiérarchie qui distingue les membres
fondateurs, les membres assistants et les membres associés, le
GRECE est dirigé par un conseil d’administration, assisté par un
secrétariat administratif et financier (SAF) et un secrétariat
Etudes et Recherches (SER). En 1975 apparaît le Club des Cent,
formé des militants dont les cotisations sont les plus élevées. Au
total, il semble qu’à la fin des années soixante-dix, le GRECE
regroupait environ 1 000 à 2 000 membres.
Né en 1943, Alain de Benoist a participé aux activités de la FEN
en dirigeant le secrétariat de rédaction des Cahiers Universitaires,
puis suit Dominique Venner, Jean Mabire et François d’Orcival à
Europe-Action pour devenir en 1964 le rédacteur en chef
d’Europe-Action Hebdomadaire. Peu après, il est membre du
conseil national du REL et collabore à la revue de M. Bardèche,
Défense de l’Occident, à Valeurs Actuelles et au mensuel
Spectacles du Monde de Raymond Bourgine. En 1978, Louis
Pauwels lui ouvre les colonnes du Figaro-Magazine, où en
compagnie de Yves Christen, de C. Durante, d’Alain Lefebvre,
de Michel Marmin, de G. Pons, de P. de Plunkett et de J.C.
Valla, il expose les principales idées du GRECE.
Cf. P.-A. Taguieff, « Alain de Benoist philosophe », Les Temps

408
Modernes, février 1984, n° 451, annexe 1 : « L’itinéraire person¬
nel d’Alain de Benoist : un journaliste passé du nationalisme
révolutionnaire à la Révolution conservatrice », p. 1464-1470.
P.-A. Taguieff, « Alain de Benoist philosophe », art. op. cit. p.
1439-1464.
Dix ans de combat culturel pour une renaissance, op. cit., p. 30.
Ibid., p. 36.
Idem.
Alain de Benoist dirige aux Editions Copernic deux collections
(« Théoriques », « Factuelles ») où il publie les ouvrages de Louis
Rougier (Celse contre les chrétiens), d’E. Renan, d’O. Spengler,
une présentation de Julius Evola...
Alain de Benoist, « Ce que nous disons », art. op. cit., p. 2.
Idem.
Dix ans de combat culturel pour une renaissance, op. cit., p. 182.
Alain de Benoist, « Ce que nous disons », op. cit., p. 2.
P. Vial, « le GRECE et la Révolution du XXP”' siècle », art. op.
cit.
Alain de Benoist, « Ce que nous disons », op. cit.
Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, op. cit.,
p. 19.
Ibid., p. 35.
Alain de Benoist, Nouvelle Ecole, n° 33, été 1979.
Alain de Benoist au quinzième colloque du GRECE, Le Monde,
20 mai 1981.
Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, op. cit.,
p. 36.
Alain de Benoist, « Réflexions sur l’enracinement », in : Qu’est-
ce que l’enracinement ? GRECE, 1972, p. 60.
J.C. Valla, in : Qu’est-ce que l’enracinement ? op. cit., p. 32.
Alain de Benoist, « Ce que nous disons », art. op. cit., p. 2.
Idem.
Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?, Paris, Albin
Michel, 1981, p. 11.
Ibid., p. 27.
Ibid., p. 98.
Ibid., p. 251.
Ibid., p. 30.
Alain de Benoist, « La biopolitique », in : Vu de Droite, Paris,
Ed. Copernic, 1977, p. 148.
Robert de Herte, Eléments, n° 13, déc. 1975-févr. 1976, p. 2.
Alain de Benoist, Vu de Droite, op. cit., p. 144.
Alain de Benoist, Figaro-Magazine, 30 juin 1979.

409
Idem.
^ Dans un ouvrage intitulé Race et Intelligence (Ed. Copernic, coll.
« Factuelles »), on peut lire que selon la thèse du Dr. Carothers,
« les Noirs correspondraient à des Européens leucotomisés ».
Cf. Albert Jacquart, « La génétique contre la nouvelle droite ».
Droit et Liberté, n" 388, septembre 1979, p. 10.
P. Vial, « Le GRECE et la Révolution du ?OCIème siècle, » op. cit.
Alain de Benoist, lettre adressée au journal Le Monde, 6 juillet
1980.
Pascal Gauchon a ainsi déclaré que le PFN et le GRECE
appartenaient à la même famille et à la même génération. Selon
G. Saize (membre du conseil national du PFN), « le grand mérite
du GRECE est d’avoir répandu en France des théories nouvelles
(...) le débat actuel montre qu’il existe aussi, aujourd’hui, des
intellectuels de droite qui ne sont pas honteux de se dire de droite ».
Cf. Alain Rollat, « Le PFN et la nouvelle droite », Le Monde, 29
juillet 1979.
^ Maurice Bardèche, « La Nouvelle Droite », Défense de l’Occi¬
dent, n° 167, juillet-août 1979, p. 13. M. Bardèche écrit
également, à propos du biologisme du GRECE : « Ce ne sont pas
là des découvertes sensationnelles, le simple bon sens les
reconnaissait depuis longtemps comme des vérités évidentes : mais
cette réhabilitation du bon sens eut pour effet de détruire en se
référant à des travaux scientifiques objectifs les constructions
idéologiques qui prétendent substituer à la nature des choses une
certaine manipulation des individus et des collectivités fondées sur
le postulat de l’égalité absolue des hommes et des ethnies » (p. 6).
On note que la campagne de presse contre le GRECE, durant
l’été 1979, a modifié le jugement de certains. Par exemple, J.
Faure écrit dans Présent : « Elitisme, culte des héros, reconnais¬
sance de l’inégalité des hommes, là est mon camp et non celui qui
proclame sa passion pour la démocratie et son attachement aux
droits de l’homme » (J. Faure, « Pirou », Présent, oct. 1979, p. 3-
4). Quelques mois plus tard, Romain Marie déclare : « Pourquoi
tairions-nous aussi la peine qui depuis longtemps était la nôtre de
voir qualifier de Nouvelle Droite un mouvement politique situé sur
des points essentiels aux antipodes de toutes les valeurs que nous
savions être celles des hommes se réclamant depuis toujours de la
droite » (R. Marie, « La résurrection du nazisme ou les grosses
ficelles d’une grossière intox pour faire échec à la renaissance de
notre droite : la vraie nouvelle droite », Présent, n° 52, juillet-
août 1980, p. 2).
M. Bardèche, op. cit., p. 15.

410
^ Paul-Maison Blanche écrit dans Royaliste : « L’entreprise des a-
ristocrates de l’angle facial s’accommode mal de la lumière (...) Rai¬
son de plus de continuer à faire autour de ces pêcheurs en eaux trou¬
bles le maximum de publicité » (Le Monde, 18 juillet 1979, p. 7).
Alain Rollat, « Où est donc passée la Nouvelle Droite ? ». Le
Monde, 17 novembre 1984, p. 11.
A la mort de son père, Jean-Marie Le Pen devient Pupille de la
Nation. Il éerit à ce propos : « J’ai toujours considéré que cette
adoption me donnait à la fois des droits et des devoirs
supplémentaires. J’étais Français plus que les autres, puisque je
l’étais à double titre » (Les Français d’abord, Paris, Carrère/
Laffon, 1984, p. 34).
J.M. Le Pen, Les français d’abord, op. cit., p. 43-44.
Ibid., p. 45.
J.M. Le Pen, La France est de retour, Paris, Carrère/Laffon, 1985,
p. 19.
Ibid., p. 82.
Ibid., p. 55.
J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 118.
J.-M. Le Pen, La France est de retour, op. cit., p. 183.
Ibid., p. 188.
Ibid., p. 191.
J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 13.
J.-M. Le Pen, La France est de retour, op. cit., p. 58.
Ibid., p. 80.
J. M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 13.
Idem.
Ibid., p. 72.
J.-M. Le Pen, La France est de retour, op. cit., p. 218.
Ibid., p. 242.
Ibid., p. 86.
Ibid., p. 51.
Ibid., p. 171.
Sur le programme des nationalistes-révolutionnaires, ef. infra,
chapitre III.
^ En riposte au Front de la jeunesse, le FN crée le Front national de
la jeunesse. Par ailleurs, afin de supplanter le Front national, le
PFN lance dans le premier numéro d’initiative Nationale, un appel
rédigé par un comité de soutien à l’armée, signé par le sergent
Dupuy de Méry. Le PFN fonde également une Association pour
le syndicalisme libre (ASL) qui échoue rapidement.
Les deux listes présentées par le FN à Paris n’obtiennent que
1,86 % des voix.

411
s

J.-M. Le Pen, dans le septième arrondissement de Paris, ne


recueille que 3,9 %. Les scores de F. Duprat (Seine-Maritime),
J.-P. Stirbois (Eure et Loir) sont respectivement de 0,74 % et
2,02 %. Au total, l’ensemble de l’extrême-droite, toutes ten¬
dances confondues, ne réalise que 0,9 %.
En mars 1983, J.-M. Le Pen obtient, lors du renouvellement des
conseils municipaux, 11,26 % de suffrages dans le vingtième
arrondissement de Paris. En septembre, à la suite d’une
annulation de scrutin à Dreux, J.-P. Stirbois réalise 16,72 % puis
en novembre, la liste FN conduite par Guy Viarengo obtient
9,32 % des voix. En décembre de la même année, Jean-Marie Le
Pen décide de se présenter aux élections législatives dans la
deuxième circonscription du Morbihan et totalise 12,02 % des
suffrages au premier tour, ce qui est néanmoins insuffisant pour se
présenter au second tour.
En juin 1984, la liste FN recueille aux européennes 10,95 % des
voix et dix de ses candidats sont élus : J.-M. Le Pen, Michel de
Camaret, J.-P. Stirbois, Gustave Pordéa, Olivier d’Ormesson,
Romain Marie, Dominique Chaboche, J.-M. Le Chevallier,
Martine Lehideux, Michel Collinot. Le FN s’allie avec les cinq
députés néo-fascistes du MSI et avec le député grec de l’EPEN
pour former le groupe des droites européennes.
En 1985, la progression du FN semble se ralentir, mais le parti de
Jean-Marie Le Pen consolide ses acquis en mars 1986 avec
2 701 701 voix, soit 9,8 % des suffrages exprimés.
Pour les études qui privilégient le contexte, cf. Jean-Marie
Vincent, « Pourquoi l’extrême-droite ? », Les Temps Modernes,
avril 1985, n° 465, p. 1773-1779.
Sur le discours de Jean-Marie Le Pen, cf. P.-A. Taguieff, « La
rhétorique du national-populisme », MOTS, 9, 1984, p. 113-138 ;
Jean-Paul Honoré, « Jean-Marie Le Pen et le Front national :
description et interprétation d’une idéologie identitaire », Les
Temps Modernes, n° 465, avril 1985, p. 1843-1871.
Tant la théorie de l’offre et ses avatars (monétarisme, néo¬
libéralisme) que les théories d’inspiration keynésienne se sont
révélées inaptes à résoudre une crise qui, en raison de sa
complexité, a mis à rude épreuve la belle assurance des tenants de
l’école de Chicago et a conduit les socialistes français à l’éehec en
1981-1982.
^ J.-M. Vincent, art. op. cit., p. 1776.
^ P. Perrineau, « L’électorat du Front national », intervention au
colloque AERIP, janvier-février 1986, p. 25.
Selon Monica Chariot (« L’émergence du Front national »,

412
RFSP, vol. 36, n° 1, février 1986, p. 14-30), l’électorat du FN est
issu très largement de la France « aisée », comprenant les
personnes à revenus supérieurs (10 %).
En mars 1986, la répartition par catégorie professionnelle est la
suivante (SOFRES, Seuil, 1986, p. 114) :
agriculteur : 15 %
artisan, commerçant, chef d’entreprise : 15 %
cadre, prof, intellectuelle supérieure : 7 %
profession intermédiaire et employé : 10 %
ouvrier ; 11 %
inactif : 9 %
De plus, 17 % des électeurs FN sont au chômage et 15 %
travaillent à leur compte.
Enfin, l’électorat du FN est essentiellement urbain, les zones où il
remporte le plus de succès étant le Sud-Est (23 %), grâce à
l’appui d’une partie des rapatriés, puis la région parisienne
(18 %), du fait de la concentration des immigrés, et enfin, l’Est et
le Nord (14 %), deux régions touchées par la crise.
J.-M. Vincent, art. op. cit., p. 1776.
Ibid, p. 1777.
Selon Jérôme Jaffré (SOFRES, 1985), 18 % des sympathisants
FN en 1984 avaient voté pour un candidat de gauche au premier
tour des présidentielles de 1981, et 22 % pour F. Mitterrand au
second tour. Quant à l’apport communiste, il avoisine les 1 %.
En 1986, les transferts de voix des législatives aux régionales se
répartissent ainsi :
Vote aux élections régionales Vote aux élections législatives

Liste
Liste Liste Liste Liste Liste Liste
Liste RPR
PS écolo¬ RPR UDF divers Front
PC UDF
MRG giste séparé séparée droite national
unis

Liste du Parti communiste .. .. .... 88 3 3 _ _ — — 1


Liste d’extrême gauche. .... 1 1 — — — — 1 —
Liste Parti socialiste-MRG.... .... 6 88 7 2 1 1 6 2
Liste divers gauche. .... - 1 5 1 — 1 1 —
Liste écologiste. .... 1 3 68 — — 1 2 1
Liste RPR-UDF unis..... .... 1 1 1 87 — — 13 5
Liste RPR séparé . .... - — 1 — 73 8 7 3
Liste UCF séparée. .... - 1 5 — 16 80 9 3
Liste divers droite. .... 1 1 — 5 3 4 52 3
Liste Front national. .... - — 1 3 4 3 4 79
Blanc ou nul. .. - — 4 — — — 2 1
Sans réponse. .... 2 1 5 2 3 2 3 2

100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

Sondage Isoloir-SOFRES du 16 mars 1986, réalisé pour TFl, EUROPE 1 et L’EXPRESS.


Source : SOFRES, 1986 (p. 115)

413
102
On peut citer également le cas des transfuges RPR ou UDF qui
sont maintenant candidats sur des listes FN, notamment en 1986
F. Bachelot et B. Chauvière.
Cf. J.P. Honoré, « La hiérarchie des sentiments. Description et
mise en scène du Français et de l’immigré dans le discours du
Front national », MOTS, n“ 12, mars 1986, p. 129-158.
J.-M. Le Pen, La France est de retour, op. cit. p. 171.
J.-M. Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 172.
Ibid., p. 57.
Voir en particulier l’article intitulé « Le Pen, un Reagan
français ? », National-hebdo, n° 13, juin 1980.
On trouve ainsi, aux côtés de militants d’extrême-droite, des
représentants de diverses catégories socio-professionnelles. Par
exemple, P. Descaves, ancien vice-président du SNPMI ;
P. Forestier, ancien secrétaire général du CID-UNATI,'
A. Arette-Landresse, ancien président de la Fédération française
d’agriculture... Ce recentrage a été facilité par la création en 1985
de l’Association « Entreprise moderne et libertés » qui recrute
des adhérents dans les milieux du commerce, de l’artisanat et du
patronat. Cf. G. Birenbaum, « Front national : les mutations
d’un groupuscule », Intervention, n“ 15, janvier-mars 1986
p. 25-32.
J.-Y. Le Gallou, ancien élève de l’ENA, était chargé de la
promotion de Nouvelle Ecole et appartenait au comité de
rédaction de cette publication du GRECE sous le nom de Michel
Norey.
Yvan Blot, ancien élève de l’ENA, est président du Club de
l’Horloge. Henry Lesquen, ancien élève de l’ENA et de l’école
Polytechnique, est vice-président.
Le Club recrute la majorité de ses adhérents parmi les
fonctionnaires issus des grandes écoles.
Selon Michel Bauchot ; « Notre objectif au club de l’Horloge est le
débat d’idées. Et les nôtres ne sont pas conformes à celles que l’on
regroupe à tort ou à raison sous le titre de Nouvelle Droite. S’il
fallait une étiquette (...) c est celle de nouveaux Républicains que
nous choisirions », Le Monde, 19 juillet 1979.
Club de l’Horloge, Echecs et injustices du socialisme, suivi du
Projet républicain pour l’opposition, Paris, Albin Michel 1982
p. 153.
Le Club de l’Horloge distingue trois types de stratégie : 1) une
stratégie d’opposition systématique, peu efficace ; 2) une straté¬
gie de compromis, également écartée ; 3) une stratégie de
rassemblement des Français « autour des valeurs inexpugnables.

414
d’où l'on pourra attaquer l’adversaire, en montrant que son
idéologie et son action contredisent ces valeurs » (p. 206).
Echecs et injustices du socialisme, op. cit., p. 152.
Ibid., p. 205.
Ibid.,p. 214.
Les Comités d'Action Républicaine (CAR) ont été créés en 1982
et ont formé en décembre 1984 avec d’autres clubs la Fédération
pour l’avenir et le renouveau (FAR). Les CAR sont dirigés par
Bruno Megret, candidat FN dans l’Isère en 1986.
Selon J.-Y. Le Gallou, « la distinction entre le national et
l’étranger est légitime dès lors que la nation l’est. Elle ne peut
s’exprimer que par des droits et des devoirs inégaux, c'est-à-dire en
termes de préférence » (J.-Y. Le Gallou, La préférence nationale :
réponse à l’immigration, Paris, Albin Michel, 1985, p. 61).
Le FN a repris ces propos dans le Programme FN pour les
élections législatives de mars 1986 : Pour la France, Paris,
Albatros, 1985 (en particulier dans le chapitre intitulé « Immigra¬
tion : la préférence nationale », p. 110-124).
P.A. Taguieff, « La rhétorique du national-populisme », art, op.
cit. « Les droites radicales en France : nationalisme-révolution¬
naire et national-libéralisme », Les Temps Modernes, n° 465, avril
1985, p. 1780-1841.
Dirigés par Romain Marie, les Comités chrétienté-solidarité
organisent les journées d’Amitié française auxquelles participent
le FN, la Fédération catholique des étudiants de France, Aspects
de la France, Ecrits de Paris, Itinéraires, Rivarol, les éditions
Chirié, les éditions Dominique Martin Morin...
Les Comités d’action politique et sociale (CAPS) ont été créés à
Castres en 1975 sur l’initiative de Romain Marie. Le centre de
coordination des CAPS regroupe le comité de libéralisation du
travail, le comité pour la justice dans l’Eglise, le comité pour le
renouveau de l’armée et le comité pour le renouveau de
l’enseignement.
Mensuel jusqu’en 1982, date à laquelle il devient hebdomadaire.
Présent est à l’origine l’organe des CAPS. Jean Madiran est
directeur politique et F. Brigneau rédacteur en chef et directeur
de la publication. Présent représente, en plus des CAPS, le Centre
Flenri et André Charlier, fondé en 1980, dont la principale
activité est l’organisation d’universités d’été à Franjeux, dans les
locaux des dominicaines enseignantes.
« Les idéologies : les ferments de mort », Présent, n” 10, 15 avril
1976.
Jacques'de Chambon, « L’avortement et l’immigration », Pré-

415
sent, n° 43, octobre 1979, p. 4.
Dans ce même article, J. de Chambon déplore les injections
répétées de sang étranger » car « modifier les composantes
ethniques d’un peuple aboutit à modifier profondément le
comportement intellectuel, artistique et moral de ce peuple ».
Présent, n“ 10, 15 avril 1979, p. 7.
Catholiques intégristes et FN célèbrent ensemble la fête de
Jeanne d’Arc et participent aux journées d’amitié française qui
débutent le plus souvent par une messe en latin à l’Eglise Saint-
Nicolas-du-Chardonnet, bastion des intégristes depuis son occu¬
pation en 1977 par Mgr Ducaud-Bourget et les abbés Coache et
Serralda.
Front national, créé en 1973, a été remplacé dès 1974 par Le
National. En 1980, Le National devient RLP-hebdo, dirigé par
Michel Collinot. Depuis 1984, l’organe du FN est National-
Hebdo. J.-M. Le Pen en est le directeur politique, et la direction
de la publication est confiée à Roland Gaucher.
NationaLHebdo, n° 98, 5-11 juin 1986, p. 6.
Tel est le point de vue de Joseph Algazy qui écrit ; « Nous
aspirons à montrer que le néo-fascisme est un phénomène nouveau
de l’après-guerre qui comporte, à côté d’éléments inédits et de
changements, un héritage du passé et des gages de sa continuité »
(La tentation néo-fasciste en France, Paris, Fayard, 1984, p. 15).
M. Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ? Paris, Les Sept
Couleurs, 1961, p. 53.
Ibid., p. 53.
Ibid., p. 44.
H. Coston, Partis, journaux et hommes politiques, op. cit., p. 9.
M. Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit., p. 25.
Ibid., p. 55.
Sur le phénomène révisionniste, cf. P.-A. Taguieff, « L’héritage
néo-nazi. Des nouvelles droites européennes à la littérature niant
le génocide », Les Nouveaux cahiers, n° 64, printemps 1981, p. 3-
22 ; cf. J. Authier-Revuz et L. Romeu, « La place de l’autre dans
un discours de falsification de l’histoire », MOTS, 8, 1984, p 53-
69.
M. Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit., p. 187.
*3® Ibid., p. 192.
R. Gaucher, Le fascisme est-il actuel ?, Documents et Témoi¬
gnages, Paris, la Librairie Française, 1961, p. 52.
'3* Ibid., p. 48.
M. Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit., p. 163.
Ibid., p. 97.

416
Ibid., p. 175.
R. Gaucher, Le fascisme est-il actuel ?, op. cit., p. 117.
Ibid., p. 108.
Ibid., p. 109.
La Northern League a été créée en 1967 par Roger Pearson
(Président), avec Hans F.K. Günther (auteur en 1922 de
Rassenkunde des deutschen Volkes). Pearson est membre de la
World Anticommunist League fondée en 1967, et du Comité de
patronage de Nouvelle Ecole. Il dirige plusieurs revues dont le
Journal of indo-european studies, the Mankind Quarterly (où il
succède à Gayre of Gayre). Plusieurs collaborateurs de MQ
appartiennent au comité de patronage de l’organe du GRECE
(dont D.-J. Hofmeyr, fondateur de la société sud-africaine de
génétique, Louis-Claude Vincent, qui a diffusé le Message
d’Uppsala en France...).
Cf. « L’internationale raciste », Le Droit de Vivre, n° 471,
septembre 1981, p. 13-15.
Cette influence apparaît quand A. de Benoist parle de l’enracine¬
ment en ces termes : « C’est bien une partie de nous-mêmes qui
passe à nos descendants, et c’est bien une partie de nos ancêtres que
nous avons reçue » (A. de Benoist, Qu’est-ce l’enracinement ?,
op. cit., p. 64).
R. Rémond, « Nouvelle droite ou droite de toujours ? », Le
Monde, 20 juillet 1979, p. 10.
Cf. Les droites en France, Paris, Aubier Montaigne, 1982, p. 284-
289.
J.C. Valla précise ; « Nous avons voulu, par le biais de ce sigle,
évoquer notre intention de nous placer sous le patronage spirituel
de ce monde grec antique, de ce “miracle grec” qui fut l’un des
berceaux de notre culture » (« Pour une renaissance », Dix ans de
combat culturel pour une renaissance, op. cit., p. 62.
T. Maulnier écrivait déjà en 1932 que la civilisation américaine était
« la plus ennemie de l’homme que l’homme ait jamais montée » et
dénonçait le « conformisme froid et sans âme du catéchisme
puritain » {La crise est dans l’homme, op. cit., p. 56 et 61).
R. Rémond, art., op. cit., p. 10.
A. de Benoist, lettre adressée au journal Le Monde, 6 juillet
1980.
A. de Benoist refuse d’être considéré comme appartenant à
l’extrême-droite. Il écrit : « Pour l’heure, les idées que je défends
sont à droite : elles ne sont pas nécessairement de droite. Je peux
même très bien imaginer des situations où elles pourraient être à
gauche » (Vu de Droite, op. cit., p. 15).

417
R. Rémond, art., op. cit., p. 10. '
Raymond Aron, « La Nouvelle Droite », L’Express, 21 juillet
1979, p. 46.
Cf. Gillian Seidel, « Le fascisme dans les textes de la Nouvelle
Droite », MOTS, n“ 3, octobre 1981, p. 47-58.
Alain de Benoist, Le Monde, 6 juillet 1980.
M. Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit., p. 120.
Yves Jeanne, ancien militant monarchiste, a été membre du PPF.
G. Pons, Les rats noirs, Paris, J. Simoëns, 1977, p. 245.
L’Union mondiale des nationaux-socialistes a été créée en 1962
par Lindon Rockwell et Colin Gordon.
M. Bardèche anime cette revue jusqu’en 1982.
démenti a fondé en 1934 le Parti français national-communiste
plus connu sous le nom de Parti français national-collectiviste. En
1940, avec la collaboration de Robert Hersant, il dirige le
Rassemblement anti-juif et anti-maçonnique, puis s’engage en
1943 dans la LVF. Dans les années soixante, on le retrouve au
REL puis à Ordre Nouveau.
Peuple et Nation quitte le Nouvel Ordre Européen en 1975.
165 Nation, février 1976. Cité par G. Pons, op. cit., p. 223.
Ordre Nouveau organise depuis 1978 des « cours politiques
théoriques et pratiques » dont la direction a été confiée à
Dominique Perrin.
Pierre Sidos, Le Monde, P' avril 1976.
J.G. Malliarakis a dû abandonner la croix celtique à la suite des
protestations de Pierre Sidos qui en revendique l’usage exclusif.
Aussi, l’emblème de JNS est-il un trident.
Né en 1945, J.P. Stirbois déclare avoir toujours appartenu à la
droite : « J’ai toujours été de ce bord (...) Enfant, la défaite de
Bien Bien Phu a été ma première crise de conscience politique. Le
combat pour l’Algérie française m’a définitivement ancré dans mes
convictions » (Le Point, n“ 706, 31 mars 1986). Membre à 21 ans
du conseil national de Jeune Alliance, il entre en 1967 au
Mouvement Jeune Révolution, puis participe à la création du
GAJ.
Né en 1919, Pierre Bousquet a milité dans sa jeunesse dans le
mouvement franciste de Bucard qui lui confie en 1941 la direction
du bureau de commandement de la Jeunesse française. Il entre
également dans les Waffen-SS puis dans les années soixante,
participe aux activités de Jeune nation et suit D. Venner au
Mouvement nationaliste pour le progrès.
P. Pauty, Le Monde, 12 février 1986, p. 10.
A propos des publications de la Librairie des Cahiers Européens,

418
René Monzat note que 19 titres exaltent les combattants du
IIP Reich, en particulier les Waffen-SS. Le catalogue comporte
d’autre part une brochure intitulée ; « Six millions de morts. Le
sont-ils vraiment ? ». Cf. R. Monzat, « Voyage au sein du Front
national », Cahiers Bernard Lazare, n” 106, janvier 1984,
p. 40-41.
François Duprat, « Manifeste nationaliste révolutionnaire »,
Cahiers Européens HebdoINotre Europe, n° 46.
Idem.
Idem.
Idem.
Né en 1936, Marc Fredriksen a participé à la Restauration
Nationale (1952-1956) puis au Front de l’Algérie française et à
Action-Occident. En 1966, il forme la FANE qui regroupe trois
mouvements : Action-Occident, le Cercle Charlemagne et le
Comité de soutien à l’Europe réelle.
Michel Faci, Notre Europe, novembre 1978. Cité par Stéphane
Mayreste, Droit et Liberté, n° 376, janvier 1979.
Selon la FANE : « N’importe quel jardinier le sait, sacraliser toute
forme de vie, c’est détruire l’ordre naturel. Il existe des corps
étrangers, dont l’élimination est vitale (...) La loi nous autorise à
écrire que le sionisme est une forme de parasitisme ». De plus, <■< la
propagande anti-nazie qui étouffe l’humanité tout entière depuis
1945, est un tissu de mensonges », Notre Europe, octobre 1984 ;
Cf. Le Monde, 22 janvier 1985.
J. Algazy, La tentation néo-fasciste, op. cit., p. 140.
Jean-Marie Le Pen, La France est de retour, op. cit., p. 105.
Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 70.
Selon J.-Y. Le Gallou : « Le socialisme est le tronc commun des
grandes doctrines qui ont dominé et qui dominent encore le XX‘
siècle, qu’il s’agisse du fascisme, du communisme ou de la social-
démocratie ». Cf. J.-Y. Le Gallou, « L’opposition n’a pas de
leçons de morale à recevoir des socialistes », in : Le Club de
l’Horloge, Socialisme et fascisme, une même famille ?, Paris,
Albin Michel, 1984, p. 122.
Jean-Marie Le Pen dédie son ouvrage La France est de retour à sa
« lignée de celtes d’Armorique » tandis que François Brigneau
(Minute) le décrit comme « le frère des grands orateurs irlandais
dont il a la puissance d’évocation, le souffle, la générosité et le don
inné des cadences incantatoires ». Pour Jean Marcilly, « Le Pen a
foi en lui car il a foi en ses idées et ses idées sont aussi droites que le
sillon du bon laboureur, aussi profondes et aussi vieilles que la
Celtie. Elles viennent de la nuit des temps, elles nous enseignent ce

419
que nous étions hier encore. La tradition orale des druides est
parvenue jusqu’à lui ». Cité par Alain Rollat, colloque AERIP,
op. cit., p. 23.
Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, op. cit., p. 25.
Pour Le National, Franco «- est un homme supérieur (...) une âme
d’élite, qui se préoccupait moins de sa propre image que de l’avenir
de son pays ». (Le National, n° 19, décembre 1975, p. 1).
National-Hebdo dénonce les agissements des communistes en
Afrique du Sud et la propagande organisée par la presse. Selon
cette publication, «r la revendication-symbole de la lutte anti¬
apartheid est la libération de Nelson Mandela, militant communiste
et terroriste (...) Mandela le bolchevique balaiera Tutu-menchevi-
que quand l’évêque aura fini d’être utile » (National-Hebdo,
n° 101, 26 juin-2 juillet 1986).
Interrogé sur l’affaire Roques, Jean-Marie Le Pen répondit :
« Les âmes vertueuses disent que certaines thèses sont insoutena¬
bles. Fort bien mais lesquelles ?(...) Quant aux chambres à gaz, je
m’en tiens aux historiens officiels qui pensent aujourd’hui qu’elles
n’ont fonctionné qu’en Pologne » (National-Hebdo, n“ 98, 5-11
juin 1986, p. 6).
On décèle d’autre part une certaine analogie entre les propos
d’Alain de Benoist et ceux de Jean-Marie Le Pen. Pour le
premier, « on ne peut pas dire qu’il y a des races supérieures et des
races inférieures. Il n’y a que des races différentes » (Vu de droite,
op. cit., p. 179). Quant au second, il reprend cette « hiérarchie
des sentiments » en écrivant : « dans ce monde où il existe des
races différentes, des ethnies différentes, des cultures différentes je
prends acte de cette diversité et de cette variété mais j’établis bien
sûr une distinction à la fois entre les êtres et entre les peuples et les
nations ». Il poursuit : « Je ne peux pas dire que les Bantous ont les
mêmes aptitudes ethnologiques que les Californiens parce que cela
est contraire à la réalité » (Les Français d’abord, op. cit., p. 67 et
168).
Selon Jean Faure, l’existence des chambres à gaz est <? un vague
murmure qui parcourt les ondes depuis 35 ans » et « les épigones
gaulliens laissent loin derrière eux les fameux bourreaux SS »
(Présent, n" 57, mars 1981, p. 12).
Lors de l’arrestation de K. Barbie, Présent a souligné l’irrégularité
de la procédure et Hugues Kéraly écrivait alors : « Il ne m’est pas
difficile de comprendre pourquoi les nombreux juifs qui nous
gouvernent dans les ministères et les rédactions cherchent à
monopoliser l’indignation nationale sur un passé révolu (...) Le
mythe de la renaissance du nazisme est nécessaire à la progression

420
du communisme dans l’esprit français » (H. Kéraly, « Un bour¬
reau peut en cacher un autre », Présent, n“ 327, 23 avril 1983,
p. 4).
Programme du FN pour les élections de mars 1986, op. cit., p. 6.
Ibid., p. 144.
Alain Duhamel rappelle très justement que cette conclusion « ne
signifie en rien qu’il faille banaliser » les propos de Jean-Marie Le
Pen, <? passé maître dans l’art d’exploiter l’irrationnel, de flatter la
subjectivité, de canaliser les fantasmes, de ressusciter les mytholo-
gies (...) Il y a là toute une orfèvrerie ciselée avec une inquiétante
subtilité » (A. Duhamel, « Le Pen, l’idéologie de la rumeur », Le
Point, n° 764, 11 mai 1987, p. 68).
Alain Rollat aboutit à la même conclusion : « Il apparaît que le
Front national combine quelques-uns des “ingrédients” du fascisme
(...) mais pas tous, car son antiparlementarisme n’est pas
systématique, sa dévotion à l’Etat n’est pas absolue, la dictature du
parti ne figure pas à son programme, le corporatisme n’y est pas
sérieusement préconisé. » A. Rollat précise également que « le
syncrétisme idéologique qu’incarne aujourd’hui Jean-Marie Le
Pen n’est assimilable (...) à aucune des expériences fascistes vécues
par l’Europe, bien qu’on y retrouve les éléments d’un pré-fascisme
rampant » (A. Rollat, Les hommes de l’extrême-droite, Paris,
Calmann-Lévy, 1985, p. 137 et 139).
Enfin, René Rémond, commentant l’ouvrage d’A. Rollat écrit :
« J’adhère tout à fait à la démonstration d’Alain Rollat qui récuse
toute identification du fait Le Pen à l’une quelconque des
expériences qu’on regroupe sous le vocable de fascisme (...) Le
Front national est-il une extrême-droite ? C’est assurément une
droite extrême. De ce qu’il se situe topographiquement à un
extrême, s’ensuit-il que ce soit un extrémisme dans son comporte¬
ment et dans les idées qu’il professe ? Les faits sont ambigus »
(R. Rémond, Le Monde, 16 avril 1985).
De l’avis du FN, «• au cours des dernières décennies, la démocratie
a été confisquée (...) Le résultat est là : c’est le fossé qui sépare le
peuple de son actuelle représentation politique » (Programme FN
pour les élections de mars 1986, op. cit., p. 35).
La Rocque dénonçait par exemple « l’ingérence de l’Etat dans
l’éducation » (Service public, op. cit., p. 113), <■< La stérilisation
par l’étatisme », « l’afflux incontrôlé, massif, pléthorique d’immi¬
grations perpétuelles » (Ibid., p. 158) et <? l’abolition de la
personnalité sous la tyrannie économico-marxiste, avec retour à la
barbarie ancestrale et suppression du bonheur humain » (Ibid.,
p. 114).

421
La part du vote catholique est de 11 %, mais le FN séduit plus les
catholiques non pratiquants (12 %) que les catholiques prati¬
quants (8 %). Cf. SOFRES 1986, op. cit., p. 115.
R. Rémond, Le Monde, art. op. cit.
L’AF-Université apparaît en 1969, la RN souhaitant développer
ses activités en milieu universitaire et limiter la pénétration
d’Ordre Nouveau. En 1970, elle fonde l’Union nationale des
lycées d’action corporative (UNLAC).
Outre B. Renouvin, les principaux scissionnistes sont G.-P.
Wagner, Yves Lemaignen, Jean Toublanc et Arnaud Favre.
En 1978, la NAF devient la Nouvelle Action Royaliste et ne se
réfère plus à l’Action française.
Le COPCOR devient peu après le Mouvement Royaliste français.
Depuis la mort de Pierre Juhel, il semble qu’un rapprochement se
dessine entre la RN et les transfuges de la NAF.
La FURF connaît elle aussi des difficultés puisque peu après
l’arrivée de Jean de Beauregard à la direction, la Fédération du
Centre se retire. En 1976, la FURF se transforme en Fédération
des Unions royalistes d’Action française, tandis que les relations
avec la RN s’améliorent quelque peu.
Michel de Saint Pierre tente vainement en 1978 de fonder l’Union
française pour l’Eurodroite des Patries (UFEP) afin de concur¬
rencer l’Eurodroite, créée à Rome en avril 1979 (en vue des
élections européennes de 1979) et qui rassemble le MSI (Italie),
Fuerza Nueva (Espagne), le PFN, le Rassemblement national
(Grèce), Forces Nouvelles (Belgique) et le FN (Portugal).
Jean-Marie Le Pen avait pour sa part formé l’Union des patriotes
français en Europe (UPFE).
S. Dumont, Les brigades noires, op. cit., p. 12.
L’organisation de Jean Ousset possède une maison d’édition, le
Club du livre civique, qui édite des brochures antisémites et
hostiles aux principes de 1789.
Ancien Archevêque de Dakar, ancien évêque de Tulle, Mgr
Lefebvre devient en 1962 supérieur général de la Congrégation du
Saint Esprit, mais démissionne en 1968 afin de marquer son
désaccord avec l’évolution moderniste de l’Eglise. Refusant les
mesures prises lors du Coneile de Vatican II, Mgr Lefebvre se
heurte au Pape Paul VI qui fait condamner la Fraternité. En dépit
de 1 interdiction pontificale, Mgr Lefebvre ordonne des prêtres et
apparaît comme le chef de file du mouvement intégriste français.
Aujourd’hui la Fraternité Saint Pie X a considérablement élargi
ses activités. Présente dans dix-huit pays, elle a des séminaires en
Suisse, en RFA, aux Etats-Unis, en Argentine... En France, elle

422
anime le Mouvement de la Jeunesse catholique et a fondé
plusieurs instituts universitaires (Paris, Dijon, Flavigny).
La revue Itinéraires a été fondée en 1956 par Jean Madiran (ex¬
militant de l’Action française et membre du comité A. et H.
Charlier dirigé par Romain Marie) avec notamment Henri
Charlier, Louis Salleron, Marcel Clément, Henri Pourrat, Henri
Massis, et Marcel de Corte.
Participent à la fête de Jeanne d’Arc le FN de Jean-Marie Le Pen,
la RN, La Contre-réforme catholique. Présent, le comité A. et
H. Charlier...
Participent à ces manifestations les intégristes, Rivarol, Ecrits de
Paris...

423
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Présentation de l’Extrême-Droite

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Sternhell (Zeev) — La droite révolutionnaire. Les origines
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— Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France. —
Bruxelles : Complexe, 1987 (seconde édition).
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Etude de la doctrine

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Ouvrages

Dimier (Louis) — Les maîtres de la contre-révolution au XIXème


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Godechot (Jacques) — La contre-révolution. 1789-1804. — Paris :


Quadrige/PUF, 1984 (2ème édition).

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Rivarol — Ecrits politiques et littéraires. — Paris : Grasset, 1956


(morceaux choisis par V.H. Debidour).

L’extrême-droite sur l’échiquier politique

Sur le concept de crise

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1975.
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Girardet (Raoul) — Mythes et mythologies politiques. — Paris :


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PoLiAKOV (Léon) — La causalité diabolique. Essai sur l’origine des


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Evolution de l’extrême-droite
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Ed. Complexe, 1985.

Burrin (Philippe) — La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery. —


Paris : Seuil, 1986.

Capitan Peter (Colette) — Charles Maurras et l’idéologie de l’Action


française. Etude sociologique d’une pensée de droite. — Paris ■
Seuil, 1972.

CosTON (Henry) — Partis, journaux et hommes politiques d’hier et


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Paris : La Librairie Française, 1960.

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Deniel (A.) — Bucard et le francisme. — Paris : Ed. Jean PicoUec,
1979.
Dioudonnat (Pierre-Marie) — Je Suis Partout (1930-1944). Les
maurrassiens devant la tentation fasciste. — Paris, 1943.

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française. 1899-1904. — Paris ; Ed. Beauchesne, 1977.

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— Mes idées politiques. — Paris : A. Fayard, 1968 (rééd.).
— La contre-révolution spontanée. — Paris : H. Lardanchet,
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Vallat (Xavier) — Le nez de Cléopâtre. Souvenirs d’un homme de
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— L’Europe païenne.—Paris : Seghers, 1979.
— Comment peut-on être païen ? — Paris, Albin Michel, 1981.

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Le retour des 200 familles. — Paris : Documents et
Témoignages, 1960.
— Les 200familles au pouvoir. — Paris : La Librairie Française
1977.
— La fortune anonyme et vagabonde. — Paris : La Librairie
Française, 1984.
— Les juifs dans la France d’aujourd’hui. — Paris : La Librairie
Française, 1965.

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Grece^— Dix ans de combat culturel pour une renaissance. — Paris,

Pour un gramscisme de droite. — Paris, 1982.


Qu’est-ce que l’enracinement ? — Paris, 1972.
— Des élites, pourquoi faire ? — Paris, 1976.

Griotteray (Alain) — Les immigrés. Le choc. — Paris : Plon, 1984.


Club DE l’Horloge — Les racines du futur. — Paris : Masson’ 1977.
Rééd. en 1984, Albatros.
— La politique du vivant. — Paris : Albin Michel, 1979.
—défi démographique. — Paris : Ed. du Club de l’Horloge,

^80^^^”^ — Paris : Ed. du Club de l’Horloge,

Le grand tabou. L’économie ou le mirage égalitaire._Paris ■


Albin Michel. 1981.

432
— Echecs et injustices du socialisme. — Paris : Albin Michel,
1982.
— Socialisme et fascisme, une même famille ? — Paris ; Albin
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— Un nouveau printemps pour l’éducation. — Paris : Ed. du
Club de l’Horloge, 1982.

Le Pen (Jean-Marie). — Les Français d’abord. — Paris : Carrere/


Laffon, 1984.
— La France est de retour. — Paris ; Carrere/Laffon, 1985.

Marcilly (J.) — Le Pen sans bandeau. — Paris : P. Jacques


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Massis (H.) — L’Occident et son destin. — Paris : Grasset, 1956.

Ordre Nouveau — Pour un ordre nouveau. — Paris, juin 1972.

OussET (J.) — Pour qu’il règne.

St Pastour — La Franc-Maçonnerie au Parlement. — Paris :


Documents et Témoignages, La Librairie Française, 1970.

Pauwels (L.), Bergier (J.) — Le matin des magiciens. — Paris :


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Pauwels (L.) — L’homme éternel. — Paris : Gallimard, 1970.


— Monsieur Gurdjieff. — Paris : Seuil, 1954.
— La liberté guide mes pas. — Paris : Albin Michel, 1984.

PoujADE (Pierre) — J’ai choisi le combat. — Paris : Société générale


des Editions et des Publieations Saint-Céré, 1955.
— A l’heure de la colère. — Paris ; Albin Michel, 1977.

Rassinier (Paul) — Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs


incorrigibles. — Paris : Les Sept Couleurs, 1962.
— Les responsables de la Seconde Guerre mondiale. — Paris :
Nouvelles Editions Latines, 1967.

Ouvrages

Sur les Catholiques et les monarchistes

Figueras (André) — De Laënnec à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le


combat de Monseigneur Ducaud-Bourget. — Paris : Ed. du
Chiré, 1977.

433
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1983.
— Le combat de Monseigneur Lefebvre. — Paris : Ed. du Chiré,
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Gaucher (Roland) — Monseigneur Lefebvre, combat pour l’Eglise.
— Paris, Ed. Albatros, 1976.

Madiran (J.) — L’intégrisme. Histoire d’une histoire. — Paris ;


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Sur le mouvement Pou jade

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Hoffmann (Stanley) — Le mouvement Poujade. — Paris : A. Colin,


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Surl’OAS

Kauffer (Rémi) — OAS. Histoire d’une organisation secrète. —


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Sur le Front national

Rollat (Alain) — Les hommes de l’extrême-droite. Le Pen, Ortiz et


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Rollat (Alain), Plenel (Edwy) — L’effet Le Pen. — Paris : Le


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Roussel (Eric) — Le cas Le Pen. — Paris : J.-C. Lattès, 1985.

Zeug (Yves M.) — Retour du Front : à la rencontre des enfants de


Jeanne d’Arc et de Jean-Marie Le Pen. — Paris : Barrault, 1985.

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Sur la Nouvelle Droite

Beigbeder (Marc) — La Nouvelle Droite. — R, 1979.

Vous avez dit fascismes ? — dirigé par Badinter (R.) — Paris : Ed.
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Brunn (Julien) — La Nouvelle Droite. Le dossier du « procès ». —


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Périodiques

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Pétain toujours présent. Le procès du Maréchal présenté par Jacques
Isomi. La pensée poUtique du chef de l’Etat. Juin 1964.
Onze ans de malheur, avril 1970.

Ont également été consultés : Présent et National-Hebdo.

435
s

INDEX

Noms cités

Abetz (O.), 72, 242, 255, 258. 343, 347, 349.


Amaudruz (G.A.), 342, 349. Barrés (M.), 16, 31, 34, 36-39,
André (S.), 197. 44-46, 48, 49, 53, 54, 56,
Antier (P.), 294. 88, 134-136, 142, 146, 147,
Antraigues (Comte), 14. 151, 178, 196.
Argile (R. d’), 85, 294. Barrés (P.), 197.
Argoud (colonel), 117, 306. Barruel (abbé), 14, 20-23, 46,
Arrighi (P.), 111. 73, 74.
Arthuys (J.), 195, 197. Bastien-Thiry (colonel), 118.
Asselin (P.), 311, 315, 316. Benigni (Mgr), 57.
Attavi (N.), 176. Benoist (A. de, alias F. La¬
Augier (M.), 310. roche, R. de Herte), 42,
43, 50, 52, 72, 299, 309,
321-325, 327, 328, 346,
Bacconnier (F.), 156, 281. 347.
Bainville (J.), 39, 46, 53, 153, Benoist-Méchin (J.), 258, 277,
185. 278.
Barbé (H.), 208. Béraud (H.), 92,220, 267,275.
Bardèche (M.), 92-99, 115, Bergery (G.), 216, 217, 218,
117, 279, 285, 327, 341- 240.

436
Bernanos (G.), 70, 153, 190. Challe (général), 304.
Bernard (L.), 203. Chamberlain (H.), 249, 347.
Biaggi (J.B.), 111, 112, 278, Chassin (général), 111, 113.
289. Chateau (R.), 245.
Bidault (G.), 117, 303. Chateau-Jobert (colonel), 113,
Biétry (P.), 141-144, 154. 308.
Bilger (J.), 191, 193. Chateaubriant (A. de), 245,
Binet (M.), 260. 246.
Binet (R.), 282-286, 349. Chirac (A.,), 86, 139.
Blond (G.), 246. démenti (P.), 220, 245, 249.
Blot (Y.), 336. Combelle (L.), 246.
Boissel (J.), 82, 220, 245, 271. Comte (A.), 49.
Bonald (L. de), 14, 16, 20, 28- Coppée (F.), 134, 135.
30, 91, 147. Costantini (P.), 83, 84, 237,
Bonnard (A.), 197, 261, 262. 240, 245, 272.
Bordiot (J.), 79, 85. Coston (FI., alias Gygès), 77,
Boulanger (général), 128, 132, 78, 83-85, 111, 115, 220,
133, 136. 278, 310, 341, 342.
Bourget (P.), 196. Coty (F.), 103, 173, 195, 197,
Bousquet (P.), 318, 327, 350. 201, 202, 204.
Bout de l’An (F. de), 260. Courtine (R.J.), 246.
Boutang (P.), 281. Cousin (docteur), 76.
Brasillach (R.), 190, 219, 220, Cousteau (P.A.), 220, 246,
222, 237, 246, 267, 271, 260, 279, 291.
285, 315. Crespin (M.), 114.
Brigneau (F.), 99, 279, 316,
318, 331, 360. Darlan (amiral), 240, 251, 252,
Brinon (F. de), 261, 262, 263, 258.
270. Darnand (J.), 243, 259, 260,
Bucard (M.), 103, 172, 195, 261, 263.
203-205, 244. Darquier de Pellepoix (L.), 82,
Burdeyron (J.L.), 349. 83, 250, 271.
Burke (E.), 14, 20, 24, 25, 35. Daudet (F.), 277.
Daudet (L.), 67, 69, 82, 106,
141, 146, 153, 158, 183,
Calzant (G.), 281. 184, 198.
Carbuccia (Fl. de), 76, 220, Dausset (L.), 134, 135, 138.
. 278. Déat (M.), 102, 103, 213-217,
Carcopino (J.), 233, 278. 239. 240-244, 246, 258,
Castelnau (général de), 62, 262, 263, 271, 285.
172, 178, 181, 182. Debray (P.), 297, 358.
Céline (L.F.), 219, 265, 285. Degueldre (R.), 303, 305.
Chack (P.), 245, 267. Deloncle (E.), 205, 206, 236,

437
240, 242, 244. Filliol (J.), 206, 244.
Deloncle (H.), 206. Flandin (P.E.), 275, 278.
Demangeon (A.), 68. Fleurant-Agricola, 192.
Demarquet (J.M.), 110, 111, Franco (général), 266.
115, 289, 295, 301. Fredriksen (M.), 117, 327,
Déroulède (P.), 45, 128, 131, 352.
132-134, 136, 137, 140, Fromentin (J.), 201.
151.
Dides (J.), 295, 301.
Galvaire (J.F.), 332.
Dimier (L.), 153, 189.
Gallian, 82.
Ditte (J.), 201, 271.
Gardes (J.), 303, 305.
Dominique (P.), 115, 197.
Gaucher (R.), 332, 342, 343,
Dorgères (H.), 191-194, 294,
360.
297.
Gauchon (P.), 332.
Doriot (J.), 179, 190,195, 207-
Gaulle (général de), 262, 263,
209, 210-212, 216, 239,
266-268, 275, 291, 295,
241, 258, 264, 269, 272,
298, 302, 304, 308, 312,
288, 292.
329.
Drieu la Rochelle (P.), 36, 70,
Gautailler, 113, 114.
208, 211, 219, 246, 267,
Gaxotte (P.), 281.
271.
Giard (A.), 135.
Drumont (E.), 49, 69, 75, 80-
Giraud (P.), 204, 244.
82, 86, 88, 89, 111, 138-
Gobineau (J.A.), 249, 347.
140, 142, 315.
Gohier (U.), 81, 83, 201, 246.
Dubois (M.), 135.
Griotteray (A.), 111.
Duprat (F.), 311, 314, 316,
Guérin (J.), 82, 128, 140, 141.
332, 350, 351.
Durand (F.), 318, 329.
Dusseigneur (général), 206. Hamon (L.), 87.
Hartoy (M. d’), 173.
Estèbe (P.), 279, 288. Henriot (P.), 76,179,182, 219,
220, 260, 261, 264.
Fabre-Luce (A.), 208, 211. Herder (G.), 20, 25, 26.
Fabry (J. de), 220. Hérold-Paquis (J.), 264.
Faci (M.), 352. Hervé (G.), 195, 202-204.
Faure (P.), 278. Hitler (A.), 52, 248-250, 254,
Faurisson (R.), 95, 342. 255, 263, 266, 341, 346,
Faÿ (B.), 76, 77. 347.
Fayard (A.), 220, 221. Holeindre (R.), 315, 318.
Ferrand (comte), 14, 20, 23, Humières (A. d’), 197.
74.
Fichte (J.G.), 27, 39. Isorni (J.), 98, 115, 267, 277-
Figueras (A.), 281, 299, 360. 279, 297, 316.

438
Japy (G.), 196. Lesca (C.), 246, 260.
Jeanne (Y.), 348. Lesquen (H.), 336.
Jeantet (C.), 208, 245, 294. Lhérault (J.B.), 203, 204.
Jonquières (C. de), 278, 285. Longuet (A.), 311.
Jouhaud (général), 118, 303, Lousteau (R.), 208.
305. Luca (C.), 110, 285, 286, 349.
Jouvenel (B. de), 208, 211. Luchaire (J.), 246, 264, 270.
Juhel (P.), 281, 297, 357.
Mabire (J.), 321.
Kayanakis (G.), 308. Madelin (A.), 311.
Kéraly (H.), 96. Madiran (J.), 58, 260, 277.
Kerdavid (G.), 114. Mahy (F. de), 135, 145.
Kerillis (H. de), 178, 179. Maistre (J. de), 14, 16, 20, 28-
Kovacs (docteur), 111, 301. 30, 44, 46, 74, 147, 249.
Mallet du Pan, 14, 20, 25.
Lafitte (P.), 203, 204. Malliarakis (J.G.), 315, 327,
Lagaillarde (P.), 111, 113-115, 350.
303, 304, 306-308. Malliavin (R.), 277, 279, 357.
Lanoir (P.), 141, 142. Man (H. de), 214.
La Rocque (colonel de), 67, Marie (R.), 336, 338.
70, 92, 104-107, 173-177, Maritain (J.), 153, 190, 197.
190, 201, 206, 211, 241, Marion (P.), 208, 211.
269, 270, 280, 355. Marmin (M.), 322, 323.
La Rocque (G. de), 280. Marquer (A.), 103, 214, 215.
Lasserre (P.), 153. Martel (R.), 111-115, 194, 302,
La Tour du Pin (marquis de), 305, 359.
53, 153, 154, 188, 356. Martin (docteur), 111, 113,
Laval (P.), 236, 239-241, 251- 206, 207.
268. Massis (H.), 37, 39, 46, 91,
Le Bon (G.), 38, 138. 153, 197, 278.
Lefebvre (Mgr), 359. Massu (général), 113, 115.
Lefevre (docteur), 111, 113, Mathon (E.), 196.
114. Maulnier (T.), 68, 69, 70, 190,
Le Gallou (J.Y.), 336. 220, 281.
Lemaître (J.), 135, 138, 153. Maurras (C.), 16, 30, 31, 40,
Lemoine (R.), 321. 45, 47, 49, 50, 53, 56, 58,
Le Pen (J.M.), 41, 57, 71, 92, 70, 75, 82, 88, 91, 104, 106,
. 110, 111, 115, 124, 279, 146-151, 154-157, 182-190,
281, 289, 294, 295, 297, 195, 197, 198, 206, 251,
301, 304, 313, 318, 328- 267, 273, 315, 345, 357,
336, 338, 339, 350, 353- 363.
356. Maxence (J.P.), 168, 220.
Le Play (F.), 53. Mégret (B.), 338.

439
\

Méricourt (J.), 84, 237. 342.


Message (C.), 245. Réal del Sarte (M.), 153.
Michelet (J.), 45, 147. Rebatet (L.), 69, 83, 190, 220-
Monet (J.C.), 348, 349. 223, 236, 237, 246, 265,
Montagnon (B.), 214, 215. 271, 275, 279.
Montesquieu (L. de), 146, Renan (E.), 16, 45, 47, 49,
154, 182. 249.
Moreau (L.), 153. Renaud (D.), 117.
Morès (marquis de), 82, 111, Renaud (J.), 201, 202,
139. Rendu (A.), 196.
Mun (A. de), 52, 254, 347. Renouvin (B.), 357, 358.
Mussolini (B.), 52, 254, 347. Rivarol, 14, 20, 22, 44, 74.
Mutter (A.), 277. Rivière (J.), 153.
Robert (A.), 311, 315, 318,
Nantes (abbé de), 359. 331.
Ronda (M.), 303, 306.
Orcival (F. d’), 209, 306. Roques (H.), 95, 354.
Ortiz (J.), 113, 302, 303, 306. Roujon (J.), 201.
Ousset (J.), 282, 359.
Saint Julien (H.), 288, 291.
Pauty (P.), 327, 350. Saint Pastour, 78, 79.
Pauwels (L.), 42, 43, 281. Salan (R.), 112-115, 303-306.
Pemjean (L.), 76, 83, 246, 270. Salleron (L.), 281.
Pétain (maréchal), 52, 78, 96, Sauge (G.), 296, 297.
224-228, 230, 232-241, 244, Sérant (P.), 281.
247-249, 252-253, 259, 263, Sergent (P.), 303, 306, 307.
264, 266-268, 277. Sidos (P.), 289, 290, 291, 309,
Petit (H.R.), 76, 246. 315, 343, 349, 350, 352,
Perez (J.C.), 303, 305. 360.
Ploncard d’Assac (J.), 76, 78, Sorel (G.), 38, 41, 56, 158,
79, 96, 97, 291, 310. 196, 200.
Poujade (P.), 41, 89, 110, 115, Soury (J.), 38, 49, 138.
276, 279, 291-297. SousteUe (J.), 298, 303.
Poulain (H.), 246. Spengler (O.), 25, 39, 68.
Pozzo di Borgo (duc), 201, Stirbois (J.P.), 350.
206. Suarez (G.), 197, 260, 267.
Pucheu (P.), 208. Susini (J.J.), 303, 305.
Pujo (M.), 96, 106, 145, 146, Syveton (G.), 134, 135, 138.
154, 205, 267, 281.
Pujo (P.), 357, 360. Taine (H.), 16, 31, 45, 249.
Taittinger (P.), 62, 76, 172,
Rainsart (docteur), 204. 178-181, 197, 198, 202,
Rassinier (P.), 95, 99, 285, 219, 277, 288.

440
Thibon (G.), 281. Valla (J.C.), 319, 322, 326.
Thion (S.), 95, 342. Vallat (X.), 76, 83, 85, 90,107,
Thomazo (colonel), 114, 304. 181, 197, 223, 241, 277,
Tissier (E.), 203. 281.
Tissot (N. de), 260. Valois (G.), 62, 153, 157, 188,
Tixier-Vignancour (J.L.), 111, 195-201, 204, 269.
117, 118, 122, 278, 288, Vaugeois (H.), 134, 135, 145-
289, 291, 311, 316, 319, 147.
329. Venner (D.), 116, 290, 291,
Toussenel (A.), 74, 187. 309, 310, 311, 319.
Tridon (G.), 139. Vial (P.), 323, 327.

Vacher de Lapouge (G.), 138, Ybarnégaray (J.), 76,176,178,


147. 179, 280, 289.
Valentin (F.), 219.
Zeller (général), 304.

Mouvements
et Organisations

Action française (AF), 16, 49, Association nationale contre-


56, 58, 61, 103, 105, 107, révolutionnaire, 297.
135, 144-146, 148, 149,
151-158, 165, 172, 182, Cagoule (La), 11, 195, 205,
183, 184-190, 194-198, 200, 206, 259.
201, 205, 206, 227, 259, Camelots du roi, 106, 152-154,
281, 288, 345, 346. 183, 184, 198.
Alliance républicaine pour les Centre d’action et de docu¬
libertés et le progrès mentation (CAD), 77, 78.
(ARLP), 122, 289, 316, Centre de documentation et de
329. propagande, 76.
Association bonapartiste des Centre d’études antibolchevi¬
anciens combattants, 172. ques, 245.
Association des combattants Centre d’études supérieures
pour l’Union française de psychologie sociale
(ACUF), 117. (CESPS), 296, 297.
Association nationale pour dé¬ Cercles de la nation française,
fendre la mémoire du ma¬ 282.
réchal Pétain (ADMP), Cercle Proudhon, 157, 198.
279. Charlemagne (brigade puis di-

441
s

vision SS), 283. Fédération nationale catholi¬


Citadelle (mouvement natio¬ que, 62, 76, 172, 181, 182,
nal), 110, 286. 198.
Cité catholique, 282, 359. Fédération nationale des
Club de l’Horloge, 336-339. Jaunes de France (FNJF),
Club Patrie et Progrès, 297. 142, 144.
Collaboration (groupe), 254. Fils et filles Croix de feu, 103,
Comités Chrétienté-Solidarité, 174.
336, 338. Franc-Garde, 260.
Comité d’action antibolchevi¬ Fraternité sacerdotale Saint
que, 245, 267. Pie X, 359.
Comités d’action républicaine Front blanc, 220, 245.
(CAR), 338. Front commun, 217, 218.
Comité d’études des questions Front de l’Algérie française
maçonniques, 75. (FAF), 303, 304, 329.
Comité d’honneur pour la libé¬ Front de ta liberté, 177, 179,
ration de Pétain, 279. 210.
Comité secret d’action révolu¬ Front national (FN), 44, 46,
tionnaire (CSAR), 205, 48, 313, 328, 329, 331-336,
206. 338, 339, 353-356, 360.
Commandos Saint Exupéry, Front national des combattants
286, 349. (FNC), 110, 111, 301, 303.
Contre-réforme catholique, Front national français (FNF),
359. 303.
Croisade française du national- Front national ouvrier paysan,
socialisme, 245. 78.
Croix de feu, 103, 104, 172, Front national pour l’Algérie
173, 176, 179, 184, 194, française (FNAF), 303,
201, 270, 355. 304.
Front noir, 282.
Faisceau (Le), 62, 188, 195, Front paysan, 192.
197, 198, 201, 204. Front révolutionnaire national
Faisceaux nationalistes euro¬ (FRN), 240, 243.
péens (FNE), 352. Front uni de soutien au sud-
Fédération d’action nationale Vietnam, 117.
et européenne (FANE),
117, 327, 350, 352. Grand O (Organisation), 113
Fédération des étudiants natio¬ Grand Occident de France,
nalistes (FEN), 119, 299, 128, 140.
309, 315, 320, 350. Groupe Action Jeunesse
Fédération des unions roya¬ (GAJ), 332, 350, 352.
listes de France (FURF), Groupe des Sept, 113.
358. Groupe Nation et Progrès,

442
285. 131-133, 140, 172, 178,
Groupes nationalistes révolu¬ 198.
tionnaires (GNR), 351, Ligue des volontaires natio¬
352. naux, 103, 174.
Groupe Peuple et Nation, 349. Ligue franc-catholique, 75.
Groupe Union Droit (GUD), Ligue nationale anti-maçonni¬
315, 316, 352. que, 75.
Groupement de recherches et
d’études pour la civilisation Main bleue, 204.
européenne (GRECE), 50, Milice française, 247, 258-262,
56, 124, 309, 319, 320-323, 265.
325, 326-328, 337, 344-347. Milice socialiste nationale,
203, 204.
Jeune nation (JN), 110-112, Milices révolutionnaires natio¬
115, 289-291, 295, 298, nales, 243.
309, 315, 321, 350. Mouvement contre-révolution,
Jeune Nation solidariste, 327, 308.
350. Mouvement des jeunes agri¬
Jeunesses Patriotes (JP), 62, culteurs (MJA), 301.
90, 103, 105-107, 172, 178- Mouvement des silencieux de
180, 194. l’Eglise, 358.
Jeunesses patriotes et sociales, Mouvement Europe-Action,
315. 308.
Jeunesses royalistes, 154. Mouvement Jeune Révolution
(MJR), 117, 122, 308.
Légion des combattants, 241, Mouvement national commu¬
259. nautaire, 348.
Légion des volontaires français Mouvement nationaliste du
(LVF), 240, 265, 282, 310. progrès (MNP), 311, 320.
Ligue anti-juive universelle, Mouvement nationaliste révo¬
82. lutionnaire (MNR), 352.
Ligue antisémitique, 82, 131, Mouvement populaire du 13
139, 140. mai (MP 13), 194, 302.
Ligue de la défense paysanne, Mouvement populaire français
191. (MPF), 287.
Ligue de la patrie française, Mouvement social européen
131, 134-138, 144, 145, (MSE) , 11, 284, 349.
. 151. Mouvement social français
Ligue de la pensée française, (MSF) , 176.
245. Mouvement social révolution¬
Ligue des contribuables, 103, naire (MSR), 236, 242,
105. 244.
Ligue des Patriotes, 44, 128, Mouvement socialiste d’unité

443
française (MSUF), 285. (PRL), 277.
Parti républicain d’union po¬
National socialisme internatio¬ pulaire (PRUP), 285.
nal (NSI), 349. Parti républicain et social de la
Nouvel ordre européen réconciliation française,
(NOE), 349. 280.
Nouvelle Action française Parti républicain national et
(NAF), 357, 358. social (PRNS), 179.
Parti républicain syndicaliste,
Occident, 117, 119, 122, 123, 200.
308, 311, 312, 315, 316, Parti social français (PSF),
350. 177, 179, 190, 269, 280.
Œuvre française, 315, 349, Parti socialiste national, 203,
350. 220.
Organisation armée secrète Phalange française, 110, 287.
(OAS), 116, 118, 123, 299, Progrès social français (PSF),
300, 305-307. 269.
Organisation pour le renou¬
veau de l’Algérie française Racisme international fasciste,
(ORAF), 111, 301. 220.
Organisation Swastiska, 348. Rassemblement de l’esprit pu¬
Ordre Nouveau (ON), 316- blic, 308.
319, 328, 329, 331, 350. Rassemblement européen
pour la liberté (REL), 311,
Parti de l’appel au peuple, 172. 319, 321.
Parti des forces nouvelles Rassemblement national
(PFN), 327, 332. (RN), 111, 288.
Parti français national-collecti- Rassemblement national po¬
viste, 220, 245. pulaire (RNP), 252, 244,
Parti franciste, 103, 172, 195, 258.
203-205, 244. Restauration nationale, 281,
Parti frontiste, 218. 357, 358.
Parti national socialiste ouvrier
français (PNSOF), 348. Service des sociétés secrètes,
Parti patriote révolutionnaire 77.
(PPR), 111, 289. Service d’ordre de la Légion
Parti populaire français (PPF), (SOL), 252, 259.
179, 190, 195, 207-211, Solidarité française (SF), 103,
239, 240, 244, 259, 269, 105, 107, 172, 195, 201,
288. 202.
Parti prolétarien national so¬ Solidatium Pianum (Solidarité
cialiste, 349. Saint Pie V ou Sapinière),
Parti républicain de la liberté 57, 58, 282.

444
Union antimaçonnique, 76. Union des nationaux indépen¬
Union de défense des commer¬ dants et républicains
çants et artisans (UDCA), (UNIR), 279.
110, 276, 289, 292-295, Union française nord africaine
303, 329, 355. (UFNA), 111.
Union de la jeunesse bonapar¬ Union paysanne, 191, 193,
tiste, 172. 194.
Union des comités d’action Union réaliste, 278.
défensive (UCAD), 206. Union socialiste et républi¬
Union des intellectuels indé¬ caine (USR), 215.
pendants, 278.

Revues

Action française (L’), 76, 89, Cahiers du cercle Proudhon


90, 163, 184, 189, 205, 219, (Les), 157, 196.
245. Cahiers européens (Les), 316,
Action nationaliste (L’), 350. 350.
Aiglon (L’), 172. Cahiers franco-allemands (Les),
Alerte (L’), 245. 270.
Ami du peuple (L’), 201, 202, Cahier jaune (Le), 83, 84.
204. Cahiers universitaires (Les),
Antijuif (L’), 82, 140. 119, 301.
Antisémitique (L’), 82, 140. Candide, 220, 245.
Antiyoutre (L’), 82. Centurions (Les), 305.
Appel (L’), 83. Chantiers coopératifs (Les),
Aspects de la France, 116,190, 200.
281, 305, 360. Cité des jeunes (La), 296.
Atelier (L’), 246. Cocarde (La), 89, 146.
Autorité (L’), 172, 204. Combats, 260.
Combat européen (Le), 349.
Combat de la foi (Le), 359.
Bulletin d’information antima¬ Combattant européen (Le),
çonnique, 77, 78.
282.
Contre, 279.
Cahiers de l’ordre (Les), 76, Contre-révolution (La), 78.
78. Credo, 358.
Cahiers des Etats généraux Cri du peuple (Le), 239, 294,
(Les), 196. 295.

445
Croix (La), 128, 219, 245. Gaulois (Le), 201.
Gazette de France (La), 146,
Défense de l’Occident, 349. 147.
Devenir européen (Le), 348. Gerbe (La), 245, 246, 294.
Documents maçonniques (Les), Germinal, 246.
77. Gringoire, 76, 83, 90, 92, 220,
Dossiers nationalistes (Les), 245, 267.
350. Guerre sociale (La), 202.
Drapeau (Le), 134, 178.
Drapeau noir (Le), 282. Flomme nouveau (L’), 296,
359.
Echo de Paris, 182, 219.
Ecrits de Paris, 277, 281. Illustration (L’), 77, 246.
Eléments, 322, 323, 328. Insurgé (L’), 220.
Elite européenne, 316. Intransigeant (L’), 220.
Emancipation nationale (L’), Itinéraires, 58, 359.
208, 239.
Esprit, 218. Jaune (Le), 143.
Etudes et Recherches, 323. Je Suis Partout, 69, 76, 83,
Etudiants, 119. 187, 220, 221, 222, 237,
Europe-Action, 309, 310, 311, 245, 246, 271.
315, 319. Jeune Nation, 290.
Jeunesse 39, 219.
Journal (Le), 219, 245.
FEN-Presse, 301.
Fidélité, 286.
Lectures françaises (Les), 78,
Figaro (Le), 201, 245.
85.
Figaro-Magazine (Le), 326,
Lettre NR-hebdo, 352.
328.
Libre Parole (La), 76, 81, 89,
Flambeau (Le), 174, 219.
140, 153, 220.
Flèche (La), 218.
Lumières, 359.
France (La), 265.
Lutte (La), 76, 78.
France au travail (La), 77, 246,
269.
Maréchal (Le), 279.
France d’abord, 219.
Matin (Le), 83, 203, 219, 246.
France enchaînée (La), 76, 82.
Militant, 327, 350, 352.
France réelle, 278, 289.
Minute, 316, 318, 360.
France socialiste (La), 246.
Francisme (Le), 204.
Nation-Armée, 322.
Fraternité française (La), 294.
Nation française (La), 281,
Front (Le), 218.
357.
National (Le), 178, 179, 219.
Gant d’acier (Le), 220. National-hebdo, 339, 354, 360.

446
Notes d’actualité politique, Questions Actuelles, 277.
280.
Notre Combat, 246. Réalisme, 278.
Notre Europe, 350, 352. Réveil du contribuable (Le),
Nouvel Age (Le), 200. 104.
Nouvelle Ecole, 321, 322, 345. Réveil du peuple (Le), 220.
Nouvelle Education, 322. Révolution (La), 244.
Nouveau Prométhée (Le), Revue d’histoire du fascisme,
285. 351.
Nouveau Siècle (Le), 196,197, Revue internationale des so¬
201, 204, 219. ciétés secrètes, 75.
Nouveaux Temps (Les), 77, Rivarol, 276, 279, 281, 316,
245. 357.
Rouge et le bleu (Le), 246.
Œuvre (L’), 218.
Ordre Nouveau (L’), 240, 246, Salut public de l’Algérie fran¬
269. çaise, 302.
Sentinelle (La), 285.
Paris-Soir, 245. Siècle Nouveau (Le), 220.
Paris Toujours, 77. Soleil (Le), 350.
Paroles françaises, 277, 278,
288. Temps (Le), 201, 219, 245.
Pays libre (Le), 220. Tradition et Progrès, 359.
Pensée catholique (La), 359.
Péril social (Le), 88, 139.
Unir, 279.
Petit Journal (Le), 177, 219.
Unitaire français (L’), 205.
Petit Parisien (Le), 219, 245,
Unité (L’), 285.
265, 294.
Peuple de France et d’outre¬
Verbe, 282.
mer, 112, 290.
Victoire (La), 202, 204.
Pilori (Le), 76, 83, 84, 237,
Vie socialiste (La), 213.
246.
Voix française (La), 144.
Planète, 42.
Volonté nationale (La), 172.
Pour un ordre nouveau, 316.
Présent, 71, 85, 96, 338, 354,
359, 360. Wiking (Le), 348.
Achevé d’imprimer
en décembre 1987
sur les presses
de 1 imprimerie Scorpion
en Belgique (CEE).
Couverture :
Maya Tell-Nohet.

ISBN 2-87027-240-.5
D/1638/1988/2

© Editions Complexe, 1988


SPRL Diffusion Promotion Information
24, rue de Bosnie
1060 Bruxelles
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.BISHOP’S UNrVEft’siTY UBRARY


DC 369.C5141988
L'extr eme-droite en France ;

3 1843 00162530 6

Parce qu’il n’existe pas une extrême-droite unique et homogène mais des
extrêmes-droites, Ariane Chebel d’Appollonia examine les grands traits
de la doctrine, en distinguant les héritages successifs et les thèmes qui
unissent les divers courants afin de dégager, au-delà d’une unité
apparente, les différentes branches de cette famille politique.
L’auteur s’attache à mettre en évidence la coïncidence entre l’émergence
de mouvements d’extrême-droite et les contextes politiques de crise :
6 février 34, crise indochinoise, guerre d’Algérie, mai 58, mai 68.
Esquissant les principales composantes de l’extrême-droite, l’auteur
établit les filiations et les ruptures entre les mouvements et les époques
et présente un bilan de l’évolution de l’extrême-droite depuis 1900, pour
aboutir aux enjeux et aux objectifs actuels du Front national de Jean-
Marie Le Pen : renouveau ou non de l’extrême-droite ?

Diplômée de l’Institut d’Études politiques de Paris, Ariane Chebel d’Appollonia est


spécialiste en Histoire contemporaine. Ses recherches ont pour objet les questions
touchant au nationalisme, au totalitarisme et à l’extrême-droite.

QUESTIONS AU XXes
ISBN 2-87027-240-5

9 Vol. G

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