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18/01/2024 20:25 Mobilisations féministes sur Facebook et Twitter

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Technologie de l'information, culture & société

127 | 2020
Les groupes minoritaires et/ou marginalisés à l’ère numérique
Les groupes minoritaires et/ou marginalisés à l’ère numérique

Mobilisations féministes sur


Facebook et Twitter
Le cas du mouvement #StopCultureDuViol au Québec
Feminist Mobilizations on Facebook and Twitter: The Case of #StopRapeCulture in Quebec

Lena A. Hübner and Anne-Marie Pilote


https://doi.org/10.4000/terminal.5764

Abstracts
Français English
Cet article explore les usages des médias socionumériques par des collectifs féministes québécois
pour combattre les violences sexuelles. Il analyse précisément les pratiques militantes déployées
autour du mot-clic #StopCultudeDuViol dans la foulée de la vague d’agressions dans une
résidence de l’Université Laval et de l’affaire Paquet-Sklavounos survenues en octobre 2016. À
partir d’une observation ethnographique menée dans les comptes Facebook et Twitter de sept
collectifs, suivie d’entretiens compréhensifs avec les porte-paroles désignées des collectifs
retenus, nous montrons que les féministes québécoises se sont pleinement appropriées le langage
numérique. Images, vidéos et mots-clics habillent et complètent leurs discours militants, leur
permettant efficacement d’informer, de venir en aide, de prendre position et de faire événement.
Il se produit une performativité des actions en ligne qui reconfigure les formes du militantisme
féministe et conduit à l’activation d’un « espace de la cause des femmes » autour de la culture du
viol.

The article examines the use of social media by Quebec feminist groups in the fight against sexual
violence. It analyzes the activist practices deployed around the hashtag #StopCultureDuViol after
a wave of assaults in Laval University dorms and the Paquet-Sklavounos case in October 2016.
Based on ethnographic observations of the Facebook and Twitter accounts of seven groups,
followed by comprehensive interviews with their designated spokespersons, we are able to show
that Quebec feminists have fully embraced digital language. Images, videos and hashtags dress
and complement their activist discourses, allowing them to effectively organize, inform, support,
and take a stand. There is a performativity of online actions that reconfigures the forms of
feminist activism and creates a "space for the cause of women" defying rape culture.

Index terms

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Mots-clés : féminisme en ligne, violences sexuelles, répertoires d’actions collectives, Facebook,
Twitter
Keywords: Online Feminism, Sexual Violence, Collective Action, Facebook, Twitter

Author's notes
Les auteures sont classées en ordre alphabétique, chacune ayant effectué 50 % du travail.

Full text

Introduction : #StopCultureDuViol,
mouvement et mot-clic à la fois
1 En octobre 2016, deux scandales sexuels ont secoué coup sur coup le Québec. Le
premier est survenu dans les résidences de l’Université Laval le 15 octobre, alors que
deux individus se sont introduits dans près d’une dizaine de chambres déverrouillées,
touchant ou agressant des étudiantes au passage. Lors de la vigile de solidarité
organisée le 21 octobre sur le campus pour soutenir les victimes, une jeune femme
nommée Alice Paquet a affirmé devant la foule avoir été violée par le député provincial
libéral Gerry Sklavounos, déclenchant un second scandale (Porter et Bélair-Cirino,
2016). La séquence des événements a par ailleurs coïncidé avec le triste premier
anniversaire de la diffusion d’un reportage de l’émission Enquête (Radio-Canada, 22
octobre 2015) où plusieurs femmes autochtones de Val-d’Or en Abitibi-Témiscamingue
ont témoigné à visage découvert d’agressions et d’abus sexuels subis par des agents de
la Sûreté du Québec1. En octobre 2016, les deux seuls dossiers – sur les 37 déposés –
ayant mené à des accusations criminelles faisaient toujours l’objet d’une enquête
chapeautée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)2.
2 Exaspérée devant cette vague de violences sexuelles, la militante féministe et poète
autochtone Natasha Kanapé Fontaine a décidé de réagir en initiant quelques jours plus
tard le mouvement #StopCultureDuViol. Prenant la forme d’un mot-clic3, le
mouvement a été officiellement lancé le 24 octobre sur Facebook et Twitter. Utilisé de
façon soutenue par une dizaine de collectifs et groupes féministes aux horizons variés, le
mouvement/mot-clic #StopCultureDuViol a permis de propulser la banalisation du
harcèlement et des violences sexuelles dont les femmes sont victimes au cœur du débat
public. La mobilisation 2.0 de ces associations s’est traduite en une action concrète le 26
octobre 2016 alors que des marches de protestation rassemblant des milliers de
Québécois.e.s ont été organisées simultanément dans les rues des grandes villes de la
province : Montréal, Québec, Gatineau, Sherbrooke et Saguenay.
3 Malgré la suppression de la page Facebook du mouvement au lendemain de ces
manifestations, le mot-clic a continué à être exploité. Il a notamment refait surface de
façon plus intensive après la décision du DPCP de ne pas porter d’accusation contre
Gerry Sklavounos en février 2017. En solidarité avec Alice Paquet, des vigiles ont été
organisées la semaine suivante (15 février) à Montréal, Québec et Sherbrooke afin
de dénoncer l’incapacité du système judiciaire à rendre justice aux victimes d’agressions
sexuelles. Peu après ce deuxième rassemblement, la ministre québécoise de
l’Enseignement supérieur, Hélène David, se disant « habitée par un sentiment
d’urgence » et désirant « amorcer un changement de culture » (Nadeau, 2017) a
annoncé l’adoption d’une future loi-cadre pour contrer les violences sexuelles dans les
campus des institutions d’enseignement supérieur4.

Problématique : Des mots-clics contre


les violences sexuelles
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4 La place centrale qu’a occupé #StopCultureDuViol en tant que moyen d’expression
des luttes féministes québécoises contre les violences sexuelles dans la foulée des
scandales d’octobre 2016 s’inscrit dans une mouvance internationale de campagnes
féministes 2.0. Ces luttes s’appuient largement sur les potentialités offertes par les
médias socionumériques, notamment le mot-clic, pour libérer la parole des femmes
victimes d’agressions, pour mobiliser les citoyen.ne.s et faire pression sur l’élite
politique (Khoja-Moolji, 2015, p. 348). Natasha Kanapé-Fontaine a elle-même expliqué
s’être inspirée de la vague #agressionnondénoncée5 qui a déferlé sur Twitter en 2014
lors du lancement de son mouvement6. Depuis le début des années 2010, les campagnes
de mots-clics (p. ex : #BalanceTonPorc et #Metoo à l’échelle planétaire) se multiplient à
un tel rythme que plusieurs chercheuses spécialistes des questions de genre dans les
médias parlent désormais d’un « féminisme de mot-clic » (Khoja-Moolji, 2015 ; Keller,
Mendes et Ringrose, 2018).
5 Mais au-delà du « féminisme de mot-clic », il nous paraît important de documenter
les pratiques numériques réalisées par les associations et militantes luttant contre les
violences sexuelles. Si les mots-clics se veulent des « ancrages » (Millette, Milette et
Proulx, 2012) autour desquels s’organise la mobilisation, peu d’études montrent quels
usages en sont effectués. De quelles façons les militantes se servent-elles des mots-clics
pour libérer la parole des femmes ? pour mobiliser les citoyen.ne.s ? pour faire pression
sur l’élite politique ? quelles actions privilégient-elles ? comment leurs arguments se
déclinent-ils ? leurs publications sont-elles enrichies d’autres éléments de forme tels
que des images, des vidéos, des hyperliens ? comment le numérique s’articule-t-il à la
mobilisation hors-ligne ? Autant de questions qui méritent réflexion à l’heure où les
féministes investissent de plus en plus la toile pour porter un discours critique sur les
violences de genre et provoquer des changements législatifs (Bergès, Binard et Guyard-
Nedelec, 2017).
6 Alors que des études américaines (Keller, Mendes et Ringrose, 2018) et françaises
(Jouët, Niemeyer et Pavard, 2017 ; Paveau, 2017) commencent à apporter de précieux
éléments de réponse à ces interrogations, les travaux qui creusent le sujet sont rares au
Québec. Lessard (2017) a étudié les aspects judiciaires de campagnes comme
#AgressionNonDénoncée, Aurousseau et Thoër (2018) se sont penchées sur les
témoignages de victimes d’agression sexuelles en ligne sans toutefois cibler un mot-clic
ou une plateforme en particulier, alors que Paquette (2018) a étudié le mouvement
#moiaussi dans une perspective historique. Bien que Rentschler (2015, 2014) examine
le féminisme canadien sur le web 2.0 dans une perspective communicationnelle, ses
études de terrain ne concernent toutefois pas l’espace numérique francophone. À notre
connaissance, aucune recherche ne s’est concentrée sur les stratégies de mobilisation et
de communication d’un tel mouvement social numérique au Québec.
7 À partir du cas du mouvement #StopCultureDuViol initié par Natasha Kanapé
Fontaine, notre étude vise à combler ces manques dans la littérature scientifique
québécoise, et plus largement, à décrire des pratiques où des groupes minoritaires sont
acteur.rice.s de changement technologique (Dagiral, 2006). Certes, les femmes ne sont
pas numériquement « en minorité », mais peuvent être sociologiquement considérées
comme telles, en tant qu’elles s’insèrent dans des rapports de pouvoir vis-à-vis d’un
groupe dominant (Bereni et Lépinard, 2004, p. 83). Le cas des violences patriarcales est
un exemple flagrant de ces rapports de force (Ricci, 2017, p. 19).
8 Suivant une perspective cyberféministe (Plant, 1996 ; Wajcman, 2002) issue du
champ des Science, Technology & Society Studies (STS) et une approche
communicationnelle qui croise les apports théoriques et empiriques des études de genre
en sciences de l’information et de la communication (Jouët, Niemeyer et Pavard, 2017 ;
Keller, Mendes et Ringrose, 2018) et en linguistique (Bottini et Julliard, 2017 ; Paveau,
2017), l’étude présentée dans cet article poursuit un double objectif : 1) analyser en
détail les usages militants du mot-clic #StopCultureDuViol effectués sur Facebook et
Twitter par les collectifs féministes québécois ayant participé à cette initiative et 2) jeter
un regard critique sur le rôle joué par le numérique dans les luttes de ces groupes pour
amorcer une réflexion collective sur la culture du viol.
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Cadre théorique

Cyberféminisme : la militance 2.0


9 Parmi les pratiques numériques alternatives (Landry, Sénécal, Aubin et George,
2014) déployées sur le Web 2.0 par des groupes minoritaires ou marginalisés pour
introduire des formes de résistance aux relations de pouvoir et de domination, le
militantisme féministe occupe désormais une place de choix. Couramment appelé
« cyberféminisme », ce mouvement émerge en parallèle de la troisième vague du
féminisme à l’orée des années 1990 qui considère Internet et les technologies comme de
nouveaux moyens de diffusion et d’engagement des femmes (Haraway, 1991 ; Gardey,
2003)7. Tel que défini au départ, le cyberféminisme renvoie à un amalgame de
pratiques motivées par la nécessité de faire valoir l’existence des femmes et des
minorités sexuelles dans l’espace numérique (Plant, 1996).
10 Les théoriciennes féministes des STS (Plant, 1996, puis Hawthorne et Klein, 1999)
œuvrent par la suite à élargir le sens et la définition du mouvement. Leurs recherches
révèlent et problématisent des pratiques féministes 2.0 visant à lutter contre le sexisme
et le racisme encodés dans les structures informatiques et revalorisent la capacité
d’action (agency) des femmes en appelant à l’appropriation des techniques pour
subvertir les dominations existantes. La technophobie8 propre aux travaux féministes
antérieurs fait ainsi place à un cyberféminisme qui adopte les nouvelles technologies
comme « source de pouvoir pour les femmes » (Wajcman, 2002, p. 70). Pour les
adhérent.e.s de ce courant de pensée, encore peu nombreuses, l’exploitation des
opportunités offertes par les technologies doit non seulement permettre aux femmes
d’être présentes sur Internet, mais aussi, et surtout, de renverser la dynamique des
rapports sociaux de sexe en venant troubler et remanier les dictats patriarcaux et
hétéronormatifs qui sont à l’œuvre en ligne comme hors-ligne par des pratiques
innovantes, militantes et/ou artistiques.
11 Les années 2000 voient le cyberféminisme se développer sur plusieurs fronts : les
visages, les voix, les causes et les discours féministes sur le Web 2.0 augmentent et se
renouvellent (Lalonde, 2012). Les raisons sont multiples et imbriquent à la fois
technologie, histoire et société. Au premier chef d’entre elles, on retrouve l’accessibilité
grandissante des outils de création et de diffusion du Web 2.0 (Paveau, 2017) qui
permet à des individus et des collectifs, sans expertise technique pointue ni position
d’influence dans le champ médiatique et politique, mais avec un minimum de littératie
numérique (Landry, 2017), de diffuser leurs propos librement et gratuitement sur
Internet. La structure réticulaire du Web 2.0 favorise en outre le recrutement d’allié.e.s
et de militant.e.s et la mise en relation entre groupes et courants différents. Les
évolutions démographiques et culturelles (accès à l’université d’étudiant.e.s de première
génération et/ou issus de l’immigration) ainsi que les évolutions sociales et politiques
(visibilité accrue des questions liées au racisme et au harcèlement sexuel, progression
des droits LGBTQI) figurent également au nombre des explications (Paveau, 2017). Se
multipliant et se déployant dans toutes les sphères du Web 2.0, les initiatives
cyberféministes sont toutefois principalement mises en œuvre sur les plateformes
propriétaires où les utilisateur.rice.s sont les plus nombreux.euses, c’est-à-dire sur
Facebook et Twitter. Selon De Grosbois (2018), cela relève, entre autres, du fait qu’elles
sont encore très peu nombreuses à être impliquées dans la conception et le design de
tels dispositifs.

Genre, technologies et outils technodiscursifs


12 Les travaux de Wajcman (2004, 2013) sont à l’origine d’un important courant de
réflexion sur les rapports entre genre, féminisme et technologies, dont le

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cyberféminisme se veut le pan numérique. Ce courant s’appuie sur la théorie de la
construction sociale de la technologie, selon lequel la technologie est à la fois une source
et un effet des relations de genre (Wajcman, 2004). Pour Wajcman (2013, p. 434), les
relations de genre « peuvent être considérées comme matérialisées dans la technologie,
de même que la masculinité et la féminité acquièrent à leur tour leur signification et
leur caractère par leur inscription et leur intégration dans les machines de travail »
(traduction libre). En ce sens, le militantisme féministe et l’univers numérique associé
au Web 2.0 s’élaborent dans un rapport réciproque. Paveau (2017, p. 4) souligne avec
justesse que « si les médias socionumériques semblent transformer les modalités
d’accès aux discours féministes et ses dispositifs formels, en retour et en même temps,
les pratiques militantes féministes transforment le Web 2.0 ».
13 En France, une enquête menée par Jouët, Niemayer et Pavard (2017) auprès de
collectifs féministes qui procèdent à des usages militants sur Facebook et Twitter
illustre bien ce dernier point. Les chercheuses montrent que l’immédiateté et la
visibilité offertes par les médias socionumériques ont conduit les collectifs féministes à
les investir en parallèle aux campagnes qu’elles mènent sur le terrain. Y publicisant
leurs actions (manifestation, pétitions, intervention en commission parlementaire),
elles adoptent un comportement discursif spécifique à Facebook et Twitter. Leurs
tweets et leurs messages Facebook témoignent d’une grande variété de ce que Paveau
(2017) appelle les « outils technodiscursifs ». Ces outils génèrent une richesse et une
souplesse d’usage qui modifient la grammaticalité des messages transmis sur les deux
plateformes et renforcent la nature des arguments avancés (Bottini et Julliard, 2016).
Parmi ceux-ci, on retrouve notamment le mot-clic (#), l’hyperlien, l’adressage (@),
l’intégration des contenus multimédias (photos, vidéos), les émoticônes et la limitation
en nombre de caractères dans un message (250 caractères au maximum dans le cas de
Twitter). Les publications analysées par Jouët, Niemeyer et Pavard (2017) montrent que
les militantes féministes responsables – souvent les plus jeunes – de la gestion des
comptes Facebook et/ou Twitter des collectifs manifestent une véritable habileté
pratique, technique et artistique à exploiter ces outils. Vidéos prises sur les lieux d’un
événement féministe, image détournée d’une publicité stéréotypée, création de mots-
clics dénonçant l’absence de femmes dans des activités grand public diverses ; les outils
technodiscursifs mobilisés complètent et habillent leurs discours militants. Il se produit
une performativité des actions en ligne qui reconfigure les formes du militantisme
féministe et qui peut conduire à l’activation de l’« espace de la cause des femmes ».
14 Forgé par Laure Bereni (2015), le concept d’« espace de la cause des femmes » se
distingue de la notion classique de « mouvements de femmes » dans la mesure où il ne
se réduit pas aux associations féministes autonomes. Il traverse au contraire plusieurs
univers sociaux où les investissements pour la cause des femmes sont – à des degrés
divers – institutionnalisés. Ainsi, les associations féministes – aussi diversifiées soient-
elles – constituent, selon Bereni (ibid.), l’un des « pôles » de cet espace, aux côtés du
pôle « partisan » (commissions femmes des partis politiques), du pôle « académique »
(études féministes ; groupes universitaires) et du pôle étatique (instances
bureaucratiques de droits des femmes). Plus opératoire que « mouvement de femmes »
− perçu trop souvent comme un bloc monolithique −, le concept d’« espace de la cause
des femmes » rend mieux compte des mobilisations plurielles autour de la cause des
femmes en reconnaissant les forces d’éclatement qui divisent les acteur.trice.s des
différents pôles (Bereni, 2012, p. 32). Il met cependant aussi l’accent sur les forces de
convergence (par exemple les manifestations, la multipositionnalité militante et les
emboîtements organisationnels). Selon Jouët, Niemeyer et Pavard (2017, p. 44), le Web
joue le rôle de « témoin » et de « catalyseur » de ces forces de convergence9 qui rendent
possibles, dans certaines conjonctures, des mobilisations transversales entre les pôles et
donc la mise en mouvement de l’espace de la cause des femmes.
15 L’étude menée par Keller, Mendes et Ringrose (2018) montre que les campagnes
féministes de mots-clics contre les violences sexuelles sont des exemples éloquents de
l’usage de Facebook et Twitter comme outils privilégiés de l’activation de l’espace de la
cause des femmes. Les mots-clics proposés par les militantes et collectifs agissent non
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seulement comme marqueur de position et comme système d’indexation original
(Bottini et Julliard, 2017), mais sont repris par toute une communauté féministe
(émanant de divers horizons) qui génère ensuite des contenus, usages et pratiques
spécifiques autour de la question des violences de genre. Selon Granjon, Venetia et
Tuncel (2017, p. 81), les mobilisations sociales numériques font naître, à l’instar des
luttes de contestation menées sur le terrain, un « ensemble de ‘routines’ […] plus ou
moins rigides, par le biais duquel les mouvements sociaux investissent l’espace public ».
En s’inspirant du sociologue Charles Tilly, Granjon, Venetia et Tuncel (2017)
introduisent la notion de « répertoires d’action collective » dans le but de catégoriser
ces routines, une notion qui s’avère fort utile pour identifier et analyser en détail les
différents contenus, usages et pratiques féministes issus du Web 2.0.

Méthodologie
16 Au regard de notre appareillage conceptuel, il nous apparaît indispensable d’analyser
finement les pratiques de mobilisation générées à partir du mot-clic
#StopCultureDuViol sur Facebook et Twitter, mais aussi de procéder à un examen plus
ample des significations des usages effectués (Vidal, 2012 ; Jouët, Niemeyer et Pavard,
2017) par les associations féministes pour mieux saisir les finalités poursuivies et le sens
que ces groupes de femmes confèrent à la mobilisation en ligne dans leurs actions
quotidiennes. Notre méthodologie10 se veut donc double, impliquant dans un premier
temps une observation ethnographique en ligne, suivie d’entretiens semi-dirigés.
Comme dans l’ethnographie traditionnelle, l’observation ethnographique en ligne
(Jouët et Le Caroff, 2013) implique l’immersion du ou de la chercheur.e dans son
terrain. Seule une présence prolongée sur la plateforme lui permettra d’en acquérir une
compréhension approfondie (architecture, espace de discussion, caractéristiques des
participant.e.s). Il s’agit précisément d’observer directement les usages visibles et les
interactions cadrées entre les membres de dispositifs spécifiques de participation en
ligne.
17 Dans cette optique, nous avons choisi d’étudier l’ensemble des publications Facebook
et Twitter comportant le mot-clic #StopCultureDuViol des collectifs féministes qui ont
participé au mouvement lancé par Natasha Kanapé-Fontaine le 24 octobre 2016. Au
total, une dizaine de groupes féministes québécois ont répondu à l’initiative de la poète
innue. Nous avons décidé de retenir ceux qui ont utilisé le mot-clic #StopCultureDuViol
de façon continue sur leur page Facebook et/ou leur compte Twitter, c’est-à-dire au-
delà de la première semaine d’activité du mouvement. Sept groupes/collectifs
composent ainsi notre échantillon. Cinq d’entre eux appartiennent à ce que Bereni
(2012) désigne comme le pôle associatif : le « mouvement Stop à la Culture Du Viol »
bien sûr, mais aussi le Réseau québécois des centres d’aides et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel faites aux femmes (RQCALACS)11, Les folies passagères12,
la Fédération des femmes du Québec (FFQ)13 et Je suis indestructible14. Le Groupe
d’Actions Femmes de l’Université du Québec à Trois-Rivières (GAF UQTR)15 et Québec
contre les violences sexuelles (Québec CVS)16 relèvent quant à eux tous les deux du pôle
académique.
18 Sur une période prolongée s’étalant du 21 octobre 2016, jour du lancement du
mouvement Stop à la culture du viol et de son mot-clic, au 22 février 2017, soit sept
jours après les dernières manifestations du mouvement qui se sont déroulées le 15
février, nous avons collecté l’ensemble des publications Facebook et Twitter des
associations sélectionnées qui contenaient le mot-clic #StopCultureDuViol à l’aide du
logiciel ASPIRA17. Au total, 364 publications ont été récoltées. À partir de ce corpus,
notre objectif était d’appréhender thématiquement (Jouët, Niemeyer et Pavard, 2017) et
linguistiquement (Paveau, 2017) comment et à quelles fins le mot-clic
#StopCultureDuViol a été utilisé dans la lutte commune de ces groupes contre les
violences faites aux femmes. Nous avons analysé finement les pratiques militantes et
artistiques déployées, de même que les outils technodiscursifs privilégiés, et ce, afin de
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dresser une typologie des répertoires d’action (Granjon, Venetia et Tuncel, 2017)
observés.
19 Des entretiens semi-dirigés d’une durée moyenne de quarante-cinq minutes ont
ensuite été menés au printemps 2017, au gré des relances et des opportunités, avec les
responsables des médias socionumériques des groupes féministes ciblés ou toute autre
porte-parole désignée jouant un rôle précis au niveau de l’alimentation des comptes
Facebook et Twitter. Le choix d’interroger ces répondantes est lié à la connaissance
approfondie qu’elles ont des fonctionnalités et des codes des plateformes Facebook et
Twitter de même qu’au rôle central qu’elles jouent dans l’établissement et l’application
de la stratégie de mobilisation sur le Web 2.0 de leur association. Pour des raisons de
confidentialité et de sécurité – les militantes féministes faisant partie des femmes qui
sont le plus à risque d’être victimes de cyberharcèlement (Statistique Canada, 2018) –
les répondantes ont gardé l’anonymat.
20 L’analyse thématique des entretiens avait pour objectif de mieux comprendre les
logiques d’action et les perceptions (Roginsky, 2015) qui se cachent derrière les usages
que les groupes féministes font des médias socionumériques pour prévenir et contrer la
culture du viol. À elle seule, l’observation ethnographique ne nous permettait pas de
saisir les dimensions voilées de pratiques numériques témoignant d’une volonté de
transformer les rapports sociaux de sexe. C’est pourquoi nous avons trouvé important
de nous intéresser 1) à leurs motivations à utiliser des médias socionumériques dans
leurs luttes sociales, 2) aux raisons qui expliquent qu’elles se servent de Facebook plutôt
que de Twitter (ou vice versa), 3) à leur impression sur le rôle qu’a pu avoir l’usage
intensif du mot-clic #StopCultureDuViol dans le succès populaire des manifestations du
26 octobre 2016 et du 15 février 2017 et qu’il pourra exercé sur les futures politiques
gouvernementales visant à enrayer les violences sexuelles, et enfin, 4) à la façon dont
leurs pratiques militantes et répertoires d’action se transforment par le biais des médias
socionumériques.

Résultats
21 Lors de notre observation ethnographique, nous nous sommes d’abord intéressées
aux thématiques abordées dans les publications récoltées. Sur l’ensemble des
publications, tant Facebook que Twitter, nous avons dégagé quatre « répertoires
d’action collective » (Granjon, Venetia et Tuncel, 2017) déployés autour de
#StopCultureDuViol. Trois d’entre eux sont conformes à ce que Granjon, Venetia et
Tuncel ont observé dans les mobilisations activistes sur le Web : documenter la cause ;
organiser la participation aux événements de protestation et influencer le
gouvernement/opinion publique. Un autre semble propre aux actions féministes 2.0
contre les agressions sexuelles : relayer des témoignages de solidarité et offrir un
soutien psychologique.

Les répertoires d’action des collectifs féministes


québécois
22 Un premier répertoire d’action regroupe les publications qui visent à documenter la
culture du viol. Nous y trouvons de nombreux partages d’article démontrant, chiffres à
l’appui, l’existence de la culture du viol à l’échelle provinciale (voir Figure 1,
RQCALACS) et des publications de textes expliquant comment les stéréotypes sexuels
font en sorte que les individus en viennent à banaliser et même à excuser les agressions
sexuelles (voir Figure 2, Ariane Litalien, fondatrice de Québec CVS).

Répertoire d’action #1 – Documenter la cause

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Figure 1 : RQCALACS

Figure 2 : Ariane Litalien

23 Un deuxième répertoire d’action relevé dans notre analyse concerne l’encouragement


à la participation aux manifestations et l’information sur leur déroulement. À titre
d’exemple, à peine plus d’une heure après le lancement du mouvement, Nellie Brière,
figure importante du mouvement #StopCultureDuViol, était la première à utiliser le
mot-clic pour inciter ses abonnés à participer aux manifestations du 26 octobre (voir
Figure 3). Quelques mois plus tard, le RQCALACS encourage la communauté Facebook
à participer aux manifestations du 15 février en partageant un article du Journal Métro
donnant des détails sur les manifestations et revenant sur l’abandon des accusations
contre Gerry Sklavounos (voir Figure 4).

Répertoire d’action #2 – Organiser, encourager la participation


aux manifestations et informer sur leur déroulement
Figure 3 : Appel à manifester

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Figure 4 : L’abandon des accusations

24 Un troisième répertoire d’action observé vise à influencer ou à donner son avis sur
l’action gouvernementale/institutionnelle. Je suis Indestructible a notamment partagé
la vidéo d’une étudiante de l’Université du Québec à Montréal (voir Figure 5) ayant subi
une situation de harcèlement sexuel et qui dénonce le processus de plainte de son
établissement. L’objectif est de montrer que ce processus est parsemé d’embûches et
comporte trop de failles pour être mené en bonne et due forme. De son côté, GAF UQTR
a annoncé la mise en place d’une future loi-cadre pour prévenir les agressions sexuelles
sur les campus universitaires et a demandé d’être partie prenante des réflexions sur la
question en commission parlementaire (voir Figure 6).

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Répertoire d’action #3 – Influencer/donner son avis sur l’action


gouvernementale/institutionnelle
Figure 5 : Vidéo d’une étudiante

Figure 6 : GAF UQTR

25 Enfin, un quatrième et dernier répertoire d’action déployé en ligne a pour objectif de


relayer des témoignages de solidarité et d’offrir du soutien psychologique aux victimes
d’agressions sexuelles. Il s’y trouve des publications comme celle du groupe Je suis
Indestructible (voir Figure 7) qui mobilise le mot-clic #StopCultureDuViol afin de
renvoyer les victimes (et autres internautes) vers une page Web où des témoignages de
solidarité de personnalités publiques leur sont destinées. Nous avons également observé
que le mot-clic est utilisé pour offrir une aide téléphonique ou par clavardage aux
victimes, comme l’illustre le tweet du groupe « RQ CALACS » (voir Figure 8). Ce
répertoire d’action paraît caractériser les pratiques déployées sur le Web pour contrer
les violences sexuelles. Keller, Mendes et Ringrose (2018) ont relevé ce même climat de
sororité (recours aux témoignages, partage de lignes-ressources d’écoute et
d’accompagnement) dans leur documentation des usages du numérique pour freiner le
harcèlement de rue.

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Répertoire d’action #4 – Relayer des témoignages de


solidarité et offrir un soutien psychologique
Figure 7 : Le groupe « Je suis Indestructible »

Figure 8 : Le groupe RQ CALACS

26 L’exercice de catégorisation en répertoires d’action montre que le mot-clic fonctionne


ici comme un référent social, un « ancrage » (Millette, Milette et Proulx, 2012), autour
duquel se construisent les discours 2.0 des militant.e.s. En plus de permettre d’indexer
les publications dans un même fil de discussion, le mot-clic permet de structurer et
d’entretenir la polémique en question autour des thématiques reliées à la violence
sexuelle envers les Québécoises (Bottini et Julliard, 2017). Notons que de l’ensemble des
répertoires d’actions identifiés, « Organiser, encourager la participation aux
manifestations et informer sur leur déroulement (#3) » est celui qui revient le plus
souvent (dans 40 % des quelque 360 publications analysées). Les autres répertoires
d’actions ont été observés dans des proportions similaires (autour de 20 % du corpus).
Comme l’ont montré Jouët, Niemeyer et Pavard (2017), Facebook et Twitter sont ainsi
principalement utilisés par les collectifs féministes comme outils de coordination
événementiel. À ce titre, notre corpus laisse voir que les deux périodes où les collectifs
ont généré une concentration plus importante de publications qu’à l’habitude
coïncident avec la tenue des manifestations du 26 octobre 2016 et du 15 février 2017. Un
blitz de messages Facebook et de tweets visant à planifier et structurer en temps réel ces
deux événements a été relevé 72 heures avant et le jour même de leur déroulement.

Outils technodiscursifs et pratiques innovantes


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27 Notre observation ethnographique laisse également voir qu’outre le mot-clic
#StopCultureDuViol, les collectifs féministes font un usage quasi-systématique et
diversifié d’autres outils technodiscursifs18. Images, vidéos, hyperliens, adressage (@),
émoticônes et mots-clics supplémentaires habillent et complètent leurs discours
militants. Les militantes valorisent les habiletés techniques en vue de capter l’attention
des internautes. La publication Facebook du groupe Je suis Indestructible (voir Figure
9) en est un exemple éloquent. Alimenté par une photographie représentant des
membres du collectif, la publication informe sur le déroulement de la manifestation du
26 octobre 2016. L’action est située (participe à un évènement), des participantes et le
lieu sont identifiés (Place Émilie-Gamelin), plusieurs mots-clics sont mobilisés
(#OnVousCroit, #Jesuisindestructible, #JSIQc19), un signe de cœur est présent en guise
de solidarité et, enfin, certains mots sont écrits en majuscule (TOUTES et NOUS
SOMMES INDESTRUCTIBLES !) pour souligner la force du nombre et la résilience des
femmes.

Figure 9 : Le mot-clic #Jesuisindestructible

28 Parmi les outils technodiscursifs exploités, ce sont les mots-clics qui ont été le plus
souvent utilisés, et ce, mis à part le #StopCultureDuViol20. En effet, si
#StopCultureDuViol s’est révélé un « ancrage » (Millette, Milette et Proulx, 2012) à
partir duquel les collectifs ont organisé le mouvement contre les violences sexuelles,
plusieurs autres mots-clics ont accompagné leurs publications. Le tableau 1 présenté ci-
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dessous répertorie tous les mots-clics utilisés durant la période analysée et les divise par
catégorie. On relève des mots-clics qui renvoient aux lieux des manifestations (p. ex :
#Sherbrooke), certains qui font référence aux médias ayant parlé du mouvement (par
exemple : #Radio-Canada), d’autres qui visent à indexer la publication dans les
principaux fils thématiques politiques du Québec et du pays (p. ex : #assnat) et, enfin,
une majorité qui s’insèrent dans la mouvance 2.0 contre les violences sexuelles
(par exemple #onvouscroit). Dans cette dernière catégorie, les collectifs reprennent des
mots-clics associés à des mouvements planétaires antérieurs contre les agressions
sexuelles (#agressionnondénoncée), mais elles usent aussi des possibilités
« scripturales et créatives » (Paveau, 2017) offertes par les mots-clics pour prendre
position et alimenter le débat sur la question de la culture du viol (#justicemaintenant ;
#onauneface ; #nonàlavictimeparfaite).

Tableau 1 – Mots-clics utilisés durant la période analysée

29 Plus encore qu’un usage habile et judicieux des mots-clics, les collectifs féministes
font preuve d’une grande créativité en accompagnant certaines publications
d’illustration graphiques créées par une militante de leur groupe. À ce titre, les dessins
numériques produits par le groupe « Les Folies passagères » reposent sur une mise en
scène esthétique et symbolique de femmes qui font un pied de nez aux agresseurs (voir
Figures 10 et 11). Évocateurs et à l’opposé des normes de féminité prescrites par la
société (femme grande et mince, sans poil, blonde, etc.), ils renvoient à un processus de
« conversationnalisation de l’image » (Gunthert, 2014), soit une façon d’utiliser l’image
comme un item conversationnel aussi fort qu’un élément langagier.

Figure 10 : Dessin n°1 du groupe « Les Folies passagères »

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Figure 11 : Dessin n°2 du groupe « Les Folies passagères »

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30 Indissociables du mot-clic #StopCultureDuViol, les illustrations proposées


accompagnent tant des publications encourageant à participer à des manifestations
(voir Figure 12) que des publications plus littéraires, voire poétiques dénonçant
l’inaction gouvernementale (voir Figure 13). Les figures en appui montrent bien que les
potentialités techniques du Web 2.0 amènent les collectifs à produire des discours
enrichis d’éléments graphiques inédits qui participent à l’invention de postures
numériques militantes propres aux féministes.

Figure 12 : Le mot-clic #StopCultureDuViol

Figure 13 : Des éléments graphiques inédits

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Figure 14 : Dénonciation de l’inaction gouvernementale

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Facebook et Twitter, espaces de mises en visibilité


31 Interrogées sur les raisons qui les ont poussés à investir les médias socionumériques
pour contrer la culture du viol, les porte-paroles des collectifs de notre corpus ont
unanimement répondu que « pour obtenir une visibilité suffisante pour alerter les
médias sur ce qui se passe au Québec, il fallait que notre action passe par Facebook et
Twitter » (entrevue #4, avril 2017). Insistant sur l’effet boule de neige (Jouët, Niemeyer,
Pavard, 2017) qu’entraînent les médias socionumériques – les publications des
collectifs étant relayées par d’autres associations féministes, des personnalités
influentes, des politiques, des journalistes – cette même répondante a souligné que
#StopCultureDuViol relevait presque davantage d’une campagne de communication
que d’une lutte sociale :

« C’est un heureux mix des deux je dirais. Même si le côté communication prend
souvent le dessus. Bien sûr l’idée c’est de sensibiliser, d’aider, de recueillir des
témoignages. Mais l’idée est aussi que ce mouvement d’appui soit assez fort pour
obtenir une invitation à la télévision et à la radio pour parler de la manifestation
qu’on organise dans la rue et des changements qu’on souhaite obtenir. C’est là que
c’est payant parce que ç’a met la pression sur le gouvernement. »

32 Conscientes de l’impact que peut avoir une mobilisation en ligne savamment


orchestrée et largement reprise par les internautes, les répondantes ont également
indiqué varier leurs usages selon la plateforme utilisée ; sur Twitter, elles interpellent
davantage les dirigeant.es et les médias alors que sur Facebook, elles s’adressent de

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façon générale au grand public21.
Une participante a notamment expliqué que « Twitter,
c’est court, il faut synthétiser, faire un message d’opinion punché qui devient viral. C’est
une plateforme que les gens de pouvoir22 occupent, alors c’est important d’y être »
(entrevue #2, mai 2017). Une autre a précisé que Facebook laisse plus de place aux
détails : « C’est un outil communautaire, qui ressemble à un gros carrefour militant. Le
message est souvent le même que sur Twitter, mais en plus long, en moins formel. Nous
l’utilisons beaucoup aussi pour coordonner les manifestons et animer des chats »
(entrevue #6, mai 2017). S’articulant les unes aux autres, ces tactiques sont
consciemment employées pour activer l’espace de la cause des femmes (Bereni, 2015) :

« on mobilise nos compétences numériques pour que #StopCultureDuViol trouve


un écho auprès des diverses associations féministes du Québec, des victimes, des
chroniqueuses vedettes, des députées. On a quand même réussi à créer un
mouvement d’appui, de solidarité très fort autour des femmes victimes de
violences sexuelles qui a conduit à l’annonce d’une loi-cadre sur les campus. On a
pas eu tout ce qu’on voulait23, mais c’est déjà ça » (entrevue #1, mai 2017).

33 Les répondantes ont insisté sur la variable de l’âge pour expliquer leur habileté à
jouer avec les médias socionumériques. Toutes âgées de 35 ans et moins, sauf une, elles
ont dit avoir grandi avec Facebook et Twitter et appris à manier efficacement les outils
technodiscursifs. « Pour moi, le langage des réseaux sociaux, ça va de soi. C’est comme
naturel », a souligné l’une d’entre elles, se revendiquant d’une « nouvelle génération de
féministes fières de son bagage informatique » (entrevue #3, avril 2017). Une autre a
insisté sur le fait que les collectifs féministes québécois sont actuellement portés par ce
renouveau générationnel qui passe par le numérique : « On est des jeunes femmes
autochtones, non autochtones, blanches, noires, qui arrivent, qui savent comment ça
marche, qui sont éduquées et créatives, qui portent les luttes sociales sur le Web. On se
trouve rapidement à occuper des postes d’avant-plan dans nos groupes » (entrevue #7,
juin 2017). Ces témoignages semblent confirmés, au Québec du moins, que la vague 2.0
du féminisme est intimement liée à l’arrivée de jeunes militantes dans les collectifs et à
l’adoption d’une approche intersectionnelle (Pilote et Hübner, 2020).
34 Si les porte-paroles interrogées sont résolument optimistes quant aux potentialités du
Web 2.0, elles s’empressent de mentionner que les pratiques déployées sur le Web pour
contrer la culture du viol ne sont pas une alternative au militantisme classique de
terrain. Le numérique ne supplée pas aux manifestations, ni au support psychologique
de victimes d’agressions sexuelles, il vient s’ajouter aux moyens déjà existants : « Le
hors-ligne et le en-ligne cohabitent. Si le numérique prend de plus en plus de place, le
cœur de l’action féministe reste l’action de rue. Facebook et Twitter sont d’une grande
aide dans l’organisation quotidienne du terrain », a déclaré une répondante (entrevue
#5, avril 2017). Questionnant les temporalités des initiatives lancées sur Internet, cette
participante a aussi évoqué qu’il faut faire attention au caractère éphémère des mots-
clics : « Tout miser sur des campagnes comme #StopCultureDuViol24 est risqué, car
l’effet médiatique s’essouffle vite. Il y a un momentum qui cesse et qui projette une fois
de plus nos luttes dans l’ombre ». À ce titre, la plupart d’entre elles se sont montrées
réticentes à employer l’expression « féminisme de mot-clic » (Khoja-Moolji, 2015 ;
Keller, Mendes et Ringrose, 2018) : « Le féminisme 2.0 c’est plus que des mots-clics ».
Évidemment, « c’est lui [le mot-clic] qui propulse nos combats dans l’espace public,
mais après, c’est la diversité des autres actions menées en ligne qui fait la différence »
(entrevue #4, avril 2017).

Discussion et conclusion
35 Cet article poursuivait un double objectif ; analyser d’une part les pratiques militantes
déployées par sept collectifs féministes québécois autour du mot-clic
#StopCultureDuViol et, d’autre part, réfléchir plus largement au rôle joué par la
mobilisation numérique dans la lutte sociale pour contrer les violences sexuelles. À la

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lumière de l’observation ethnographique et des entretiens conduits, il apparaît d’emblée
que les collectifs féministes québécois manifestent une véritable habileté pratique,
technique et artistique à exploiter Facebook et Twitter. Elles redéfinissent à leur façon
le discours public sur les violences sexuelles (Paveau, 2017) en orientant leur propos
autour de quatre répertoires d’action spécifique (documenter la cause, encourager la
participation à des événements, influencer les décisions gouvernementales et offrir de
l’aide aux victimes) et en les complétant par de nombreux outils technodiscursifs
(images graphiques, vidéos, hyperlien, mots-clics).
36 Cette agilité à exploiter les potentialités offertes par les médias socionumériques –
qui s’explique en partie par le jeune âge des responsables des comptes Facebook et
Twitter – a favorisé le développement d’une capacité d’agir (Wajcman, 2002) chez les
groupes féministes. Il s’est produit une « performativité » (Butler, 2004) des actions en
ligne qui a conduit à l’activation d’un « espace de la cause des femmes » (Bereni, 2015)
autour de la culture du viol. Faisant front commun – malgré leurs orientations variées
(féministe autochtone [Natasha Kanapé-Fontaine, leader du mouvement], féministes
du pôle associatif, féministe du pôle universitaires) – les collectifs de notre étude ont,
par leurs pratiques, contribué à rendre #StopCultureDuViol viral. Des victimes, des
citoyennes, des élues s’en sont emparées pour contrer les violences sexuelles. Cette
appropriation a propulsé la question de la culture du viol dans l’espace public, la presse
y accordant une importante couverture médiatique. La visibilité ainsi obtenue a permis
à toutes ces femmes de faire entendre leur voix jusqu’à l’Assemblée nationale du
Québec, la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, ayant annoncé la mise
sur pied une loi-cadre pour contrer les violences sexuelles dans les campus des
institutions d’enseignement supérieur, quelques jours après les dernières
manifestations associées au mouvement (février 2017).
37 Porteuse de solidarité, la mobilisation cyberféministe apparaît donc comme une
caisse de résonance essentielle aux luttes des collectifs féministes québécois. Avec
#StopCultureDuViol, Natasha Kanapé-Fontaine a généré un mouvement qui la dépasse
individuellement et a su se faire entendre en faisant converger les forces féministes.
Tout se passe comme si les mots-clics sont des moyens de faire corps, comme dans un
rassemblement. Cela étant dit, si #StopCultureDuViol s’inscrit dans la mouvance
globale du « féminisme de mot-clic » (Khoja-Moolji, 2015), le mouvement lancé par
Natasha Kanapé-Fontaine – et de façon générale les mobilisations féministes 2.0 – doit
être dépeint et analysé au-delà du mot-clic. Faisant face à des enjeux de temporalité
(#StopCultureDuViol a pratiquement cessé d’être mobilisé après les manifestations de
février 2017), les initiatives féministes menées sur Internet restent complémentaires
aux efforts de mobilisation hors-ligne. Les entretiens menés dans cette étude ont bien
montré que c’est l’enchevêtrement des pratiques qui permet le plus efficacement de
faire pression sur le politique. Cette imbrication d’actions en ligne et hors ligne
mériterait d’ailleurs d’être creusée davantage dans de futures études.
38 Pour reprendre les mots de Mabi et Theviot (2014), nous avons tenté de donner une
« densité sociologique au numérique » à cet article en posant la question de la place du
genre dans les usages militants d’Internet, en s’intéressant aux actrices et aux
représentations des pratiques numériques qu’elles déploient et en réfléchissant à la
(ré)organisation du mouvement féministe à l’ère des médias socionumériques. Même si
notre corpus reste modeste et restreint à l’espace francophone québécois, les résultats
dégagés sont potentiellement transférables à d’autres pays, régions du monde où des
initiatives similaires sont lancées. Pour aller plus loin, il aurait été intéressant de
s’interroger sur les modes d’engagement en lien avec l’appartenance générationnelle au
sein des collectifs québécois et de se pencher sur les relations, voire les tensions, entre la
nouvelle génération de féministes, qui semble fédérer les initiatives en ligne, avec la
génération précédente issue de la deuxième vague. Il aurait également été pertinent
d’étudier les publics, plutôt hétérogènes, que ces mouvements rejoignent ainsi que leurs
réactions (commentaires, partages, retweets) et de proposer une contextualisation
historique du mouvement en l’inscrivant dans la longue histoire des relations entre
féminisme et médias (Bard, 2017). Notons enfin que nous aurions pu étudier la
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couverture médiatique du mouvement dans la presse, la radio et les bulletins télévisuels
et mesurer ses effets sur la construction de l’opinion publique, les prises de position
politique et sur le système judiciaire. De telles recherches, dont nous encourageons le
développement, permettraient de dresser un panorama plus complet des luttes
féministes 2.0 contre les violences sexuelles au Québec.
39 Pour conclure, nous ne sommes pas sans savoir que les médias socionumériques ne
sont pas seulement des espaces d’émancipation sociale et politique. Ils sont aussi des
lieux où se déploient des propos sexistes et misogynes envers les féministes jugées
menaçantes au maintien des rapports de pouvoir (Bard, Blais et Dupuis-Déri, 2019).
Ayant brièvement effleuré les enjeux de la cyberviolence avec les répondantes, nous
avons été confrontées à des témoignages poignants sur les conséquences
psychologiques que peuvent causer les insultes et menaces de viol, parfois même de
mort, chez les militantes. Pour nos interlocutrices, la présence féministe sur le Web 2.0
est toutefois plus importante que les torts causés sur le plan émotionnel par la
cyberviolence. Elles abondent dans le même sens que Jouët, Niemeyer et Pavard (2017 :
52), qui soulignent à juste titre que la virulence de ces discours de haine est bien « le
signe que la parole des féministes qui se fait entendre dans l’espace numérique est au
cœur des transformations de la société et continue à faire trembler l’ordre établi ».

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Canada », Regards sur la société canadienne, n° 75.

Notes
1 La Sûreté du Québec est le corps policier national au Québec.
2 En novembre 2016, le DPCP a annoncé qu’il ne déposerait aucune accusation contre les
policiers visés par des allégations d’agressions sexuelles, faute de preuves suffisantes (La Presse
Canadienne, 2016).
3 Ce terme est utilisé au Québec en lieu et place du mot « hashtag ».
4 La loi 151 pour contrer les violences sexuelles sur les campus universitaires québécois a été
adoptée le 8 décembre 2017.
5 En 2014, les journalistes canadiennes Antonia Zerbisias et Sue Montgomery ont attiré
l’attention du monde entier en lançant sur les médias socionumériques le mouvement
#AgressionNonDénoncée (#BeenRapedNeverReported) après les allégations d’agressions
sexuelles impliquant l’ex-animateur vedette de la Canadian Broadcasting Corporation Jian
Ghomeshi.
6 Voir le communiqué de presse officiel : https://www.newswire.ca/fr/news-
releases/stopcultureduviol---un-renouveau-de-solidarite-des-luttes-des-femmes-et-des-victimes-
de-violences-sexuelles-598755561.html.
7 La première vague est associée au mouvement des suffragettes (1850-1940) alors que la
deuxième vague fait référence au mouvement de libération des femmes (politisation de l'intime,
visibilité des questions sexuelles, légalisation de la contraception, égalité dans le monde du
travail) qui se déploie entre 1960 et 1980 (Lamoureux, 2016 : 191-193). La troisième vague, qui
émerge dans les années 1980, est une critique des femmes de couleur, des immigrées latino-
américaines et des féministes lesbiennes qui ne s’identifient pas aux féministes de la deuxième
vague (« nous, les femmes »). Elle a pour dénominateur commun la diversité : « diversité des
acteurs (mixité et ouverture aux personnes trans), diversité des enjeux (intersectionnalité) et
diversité des stratégies » (Lamoureux, 2016 : 193). La diversité des stratégies se manifeste, entre
autres, par un recours accru aux technologies numériques.
8 La majorité des féministes radicales des années 1970 rejettent les technologies reproductives
qu’elles perçoivent comme une forme d’exploitation du corps des femmes, mais aussi comme des
menaces envers leur « nature » et source de pouvoir, la maternité (Dalibert, 2016). Le courant
écoféministe qui domine à la même époque considère la technologie comme le produit d’une
culture occidentale patriarcale, raciste et violente qui vise à dominer les femmes, la nature et les
peuples non-blancs (Wajcman, 2013).
9 Au-delà des différents politiques, la logique d’abonnement en masse prévalant sur Facebook et
Twitter semble s’imposer entre militantes et collectifs féministes qui ont tendance à se suivre
mutuellement (multipositionnalité militante). L’emploi d’outils technodiscursifs particuliers
conduit de plus en plus les militantes et collectifs féministes à se regrouper, à parler d’une seule
voix, pour une cause en particulier (emboîtement organisationnel).
10 Ce projet a obtenu l’approbation du Comité institutionnel d’éthique de la recherche avec des
êtres humains (CIEREH) de l’Université du Québec à Montréal (# du certificat : 2246_e_2018).
11 Présent dans 16 régions du Québec, le RQCALACS offre des services d’aide individuels et des
rencontres de groupe de soutien aux victimes d’agressions sexuelles.
12 Les folies passagères est un collectif prônant un féminisme inclusif et dont l’objectif est de
démolir par l’art les tabous, les préjugés et le manque de diversité.
13 La FFQ est un organisme non partisan de défense collective des droits des femmes. Il offre aux
féministes un espace démocratique de militantisme et d’action, d’analyse et de réflexion, de débat
et de formation sur différents enjeux, dont celui des violences sexuelles.
14 Je suis indestructible est une association qui permet aux survivant.e.s d’agressions sexuelles de
témoigner et d’extérioriser leurs émotions de façon créative, et ce, sous divers médiums
artistiques (poésie, peinture, slam, vidéo ‘vlog’, lettre, etc.).
15 GAF-UQTR est une association ayant pour mission la vigilance pour un milieu universitaire
sain en dénonçant la banalisation du viol.

https://journals.openedition.org/terminal/5764?lang=en 22/25
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16 Québec CVS est un mouvement formé de survivantes qui réclament une loi-cadre dans les
institutions d’enseignement supérieur pour s’assurer que ces établissements encadrent
équitablement les plaintes des étudiant.e.s pour agression sexuelle.
17 Développé par le Groupe de recherche en communication politique (GRCP), Aspira utilise l’API
de Twitter pour recueillir et d’archiver la majorité des éléments constitutifs – texte rédigé par
l’utilisateur, hyperliens contenus dans les messages, @usagers cités, mots-clics utilisés, etc., – de
discours diffusés sur le média socionumérique. Les photos et les vidéos intégrées aux
micromessages ont été manuellement recueillies à l’aide de captures d’écran.
18 98 % des publications analysées contenaient au moins un autre outil technodiscursif que le
#StopCultureDuViol.
19 Pour Je Suis Indestructible Québec.
20 Des mots-clics supplémentaires ont accompagné les publications #StopCultureDuViol dans 3
cas sur 4.
21 Les publications récoltées dans l’observation ethnographique corroborent leurs propos.
22 La recherche scientifique (Dolbeau-Bandin et Donzelle, 2015 ; Richaud, 2017) montre que
Twitter connecte essentiellement des acteur.rice.s de pouvoir qui sont déjà en relation (élus,
journalistes, personnalités d’influence) sans forcément susciter un nouvel espace conversationnel
entre ces acteur.rice.s et les citoyen.ne.s ordinaires.
23 Plusieurs collectifs de notre corpus ont jugé que la nouvelle loi-cadre ne va pas assez loin dans
l’encadrement des relations intimes dans les établissements (entre un.e étudiant.e et une
personne en position d’autorité), dans les sanctions prises contre les violences à caractère sexuel
et dans la reddition de comptes.
24 Après les dernières manifestations liées au mouvement #StopCultureDuViol, le mot-clic n’a
presque plus été utilisé, ni par les collectifs féministes de notre corpus ni par les internautes.

List of illustrations
Title Figure 1 : RQCALACS
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Title Figure 2 : Ariane Litalien
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Title Figure 3 : Appel à manifester
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Title Figure 4 : L’abandon des accusations
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Title Figure 5 : Vidéo d’une étudiante
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-5.png
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Title Figure 6 : GAF UQTR
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-6.png
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Title Figure 7 : Le groupe « Je suis Indestructible »
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-7.png
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Title Figure 8 : Le groupe RQ CALACS
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-8.png
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https://journals.openedition.org/terminal/5764?lang=en 23/25
18/01/2024 20:25 Mobilisations féministes sur Facebook et Twitter

Title Figure 9 : Le mot-clic #Jesuisindestructible


URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-9.png
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Title Tableau 1 – Mots-clics utilisés durant la période analysée
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Title Figure 10 : Dessin n°1 du groupe « Les Folies passagères »
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Title Figure 11 : Dessin n°2 du groupe « Les Folies passagères »
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Title Figure 12 : Le mot-clic #StopCultureDuViol
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-13.jpg
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Title Figure 13 : Des éléments graphiques inédits
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-14.jpg
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Title Figure 14 : Dénonciation de l’inaction gouvernementale
URL http://journals.openedition.org/terminal/docannexe/image/5764/img-15.png
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References
Electronic reference
Lena A. Hübner and Anne-Marie Pilote, “Mobilisations féministes sur Facebook et
Twitter”, Terminal [Online], 127 | 2020, Online since 20 April 2020, connection on 18 January
2024. URL: http://journals.openedition.org/terminal/5764; DOI:
https://doi.org/10.4000/terminal.5764

This article is cited by


Rouillard, Carol-Ann. Khouiyi, Al Hassania. (2023) Proceedings of the 2022
International Conference on International Studies in Social Sciences and
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About the authors

https://journals.openedition.org/terminal/5764?lang=en 24/25
18/01/2024 20:25 Mobilisations féministes sur Facebook et Twitter
Lena A. Hübner
Université du Québec à Montréal, Faculté de communication,
hubner.lena_alexandra@courrier.uqam.ca

Anne-Marie Pilote
Université du Québec à Montréal, Faculté de communication, pilote.anne-
marie@courrier.uqam.ca

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