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L’ÉTÉ NUCLÉAIRE NOTE DU PRODUCTEUR

En avril 2019, Pierre Murat dans Télérama découvrant le travail de Gaël Lépingle s’étonne que celui-ci ne
soit pas mieux connu tant il lui apparaît comme l’un des cinéastes les plus audacieux du cinéma français.

Gaël Lépingle est probablement le réalisateur le plus primé de l’histoire du FID (4 films, 3 prix dont 2
Grand Prix), il est également le grand redécouvreur de Guy Gilles, cinéaste sublime, avec Marcos Usal et
un auteur de référence concernant Otto Preminger.

Dans une industrie où les recettes (au sens de recettes de cuisine !), les franchises, le formatage généralisé
ou encore les films à message lourdement souligné, ont pris une place prépondérante il me semble essentiel
de donner les moyens à ce type d’auteurs de s’exprimer librement et de décloisonner les appartenances et
les genres.

Ainsi, j’ai été sensible au désir de Gaël, dont j’avais produit deux films, de réaliser un premier long
métrage de fiction et de se confronter à des enjeux de récit classique et à un rapport plus collectif à la
fabrication et à l’exploitation du film.

Toujours dans ses films, Gaël a été sensible à la jeunesse, aux élans des corps et des esprits, à cette
mélancolie légère attachée au zénith ; et à cette question bien faite pour les jeunes gens : rester ou partir ?
Il n’était pas possible d’imaginer en le tournant que le film résonnerait autant avec l’état d’esprit de la
jeunesse actuelle : enfermée, malade ou blessée, sans horizons et effrayée par le jour qui vient.
C’est cette vérité du temps, incarnée par des comédiens découverts à l’occasion - à l’exception de Shain
Boumedine révélé par Kechiche dans Mektoub my Love, qui donne cette étrange vibration à L’Été
nucléaire.

Aussi Gaël a su éviter, en cinéphile averti, cet écueil de la reproduction du style de récit dominant ou plutôt
hégémonique, popularisé par la multiplication des séries. Je pense ici au fait que dans ce type d’histoires,
on attend l’élimination, la destruction, que l’un s’en prenne à l’autre, que le huit clos ne soit qu’un prétexte
à un règlement sanglant des pulsions de la jeunesse.
Or ici, rien de tout ça, les choses sont à la fois plus tendres et plus tristes. Ce que révèlera la catastrophe –
la centrale a explosé ! – aux jeunes gens c’est que ce que leur seul espoir est dans cette forme d’oubli de
soi qu’est la coopération.
Point de vue humaniste et réaliste – en temps de crise les gens s’entraident plus qu’ils ne se déchirent, Gaël
Lépingle prend le risque de confronter le drame à l’harmonie des sentiments et le feu à la douceur.

***
J’ai entrepris la production de ce film avec comme seul soutien de la région Grand Est et du Pacte soit
335 000 euros. Ciné+ est intervenu alors que le tournage était terminé et pour un montant de préachat
particulièrement faible (50 000 euros).
J’ai tenu à ce que l’ambition du film n’en soit pas altérée, ainsi le choix de tourner en 35mm (Simon
Beaufils est le chef opérateur) n’a pas été remis en cause.

Ainsi alors que nous venons de finir le film, la perte totale, une fois le crédit d’impôt déduit, de
bathysphere s’élève à plus de 300 000 euros dont plus de 200 000 euros d’apport en numéraire.
J’ai l’habitude de ce type de situations, dans lesquelles je suis obligé de me mettre sauf à ne jamais
produire les films qui m’intéressent, et aussi de compenser par l’exploitation des films. A cet égard, je me
permets un détour : en faisant le point sur les cinq dernières années civiles d’activité il m’est apparu très
clairement que la société était viable uniquement par sa capacité à exploiter son catalogue – jusqu’à
200 000 euros par an.
Or la situation actuelle créé une immense incertitude sur les recettes que pourront générer les films pendant
deux ans, sans même parler de tous ceux qui ne sortiront même pas au cinéma !
Jamais l’avance après réalisation n’a été aussi importante pour bathysphere. Par le passé, nous avions pu
nous remettre de l’échec à ce dispositif des films de Abel Ferrara (Alive in France), Guillaume Brac (L’île
au trésor) ou même Emmanuel Gras (Bovines).
Mais la configuration actuelle est part trop différente, car même si nous avons grandement apprécié le
soutien à Louloute de Hubert Viel nous sauvant ainsi de la banqueroute immédiate, nous sommes face à
des difficultés durables qui remettent en cause pendant au moins un an ou deux notre modèle économique.

Pour toutes ces raisons, j’espère que vous serez sensibles à L’Été nucléaire et à la démarche de
bathysphere.
Nicolas Anthomé

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