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Préparer son dossier :

Première partie : l’introduction

- Présenter le sujet en croisant avec les lectures, poser la question recherche

Seconde partie : la méthodologie, approche réflexive du recueil de données

1.1 Présenter la manière dont on entend répondre à la question de recherche

Sélectionner les interviewés

Pour définir un profil pertinent d’interviewés, les étudiants se sont appuyés sur une typologie
des trois acteurs historiques du quartier. La typologie est justifiée ainsi : « La Villeneuve a été
conçue au début des années 1970 sous l’impulsion du maire socialiste de l’époque: Hubert
Dubedout. C’est un écoquartier (on n’y circule qu’à pieds), qui repose sur un certain nombre
de principes fondamentaux constitutifs de son identité particulière : l’écologie, la mixité
sociale, l’autonomie en termes de services, une pédagogie éducative expérimentale, et la
participation des habitants à la conception de ce quartier, en lien avec la municipalité.

C’est donc la coopération de trois acteurs qui a contribué à la naissance de la Villeneuve.


Notre corpus est constitué de représentants de ces acteurs ; c’est pourquoi nous allons
d’abord tenter de déterminer ce qui les anime encore aujourd’hui, et quel regard ils portent
sur la Villeneuve, et sur eux-mêmes. »

1.2 Présenter une analyse réflexive

Accéder au terrain

Voici en quels termes les étudiants ont posé le problème de la prise de contact et de la relation
de confiance avec les interviewés. L’immersion accompagnée d’observation participante a
constitué pour eux une voie d’accès privilégiée au terrain :

« Compte tenu des événements de cet été et de l’effervescence médiatique qui s’est
concentrée à la Villeneuve, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la prise de
contact et l’établissement d’une relation de confiance avec les enquêtés soient délicats.
D’autant plus que (…) le début de nos enquêtes coïncidait avec la diffusion du magasine «
Pièces à conviction » sur France 3, intitulé « Enquête au cœur de l’ultraviolence », consacré
en partie à la Villeneuve, et qui a suscité la colère des habitants du quartier. Nous avons
donc du nous adapter à ce contexte particulier, et élaborer des stratégies d’approche du
terrain.

Pour éviter d’être assimilés à des journalistes, nous avons pris le parti de nous fondre dans le
quartier, en assistant à des événements associatifs – qui ne manquent heureusement pas à la
Villeneuve – et en rencontrant directement les habitants plutôt qu’en les contactant
indirectement.

Cette méthode s’est avérée efficace, car elle privilégie la participation active à la vie du
quartier plutôt que le rapport distant. Or la notion de participation a une histoire dans le
quartier de la Villeneuve, et fait partie de son identité profonde, comme nous l’avons constaté
dans nos entretiens. De plus nous avons ainsi noué le pacte d’enquête sur une base concrète
de don / contre-don. En effet nous avons d’une part prouvé par notre présence et notre
participation à certaines activités la sincérité de l’intérêt que l’on porte au quartier – à un
moment où les militants associatifs apprécient la venue de personnes extérieures. Et d’autre
part les enquêtés ont trouvé un intérêt à réaliser l’entretien, soit parce que nous avons conclu
un « deal » avec eux (faire de la com’ pour certains événements associatifs), soit parce que
notre démarche leur semblait motivée par de bonnes intentions.

Notre présence était dans les deux cas perçue et voulue comme un gage d’honnêteté vis-à-vis
des enquêtés. Le fait que nous nous soyons immergés dans le quartier n’est peut-être pas non-
plus étranger au succès de nos demandes d’entretiens : l’un des enquêtés pensait même que
nous habitions le quartier (il s’est étonné que nous n’ayons pas le badge pour entrer dans
l’immeuble où devait avoir lieu l’entretien), ce qui peut être un critère de confiance. »

Tenir un journal de bord

Il est toujours utile, à la manière du carnet de terrain tenu par l’ethnographe, de constituer un
journal de bord. L’enquêteur y consignera un ensemble d’éléments factuels ou d’observations
à caractère ethnographique susceptibles de l’aider à raffiner ses analyses ultérieures, et
notamment à enrichir son interprétation des entretiens.

Voici le journal de bord tenu par les étudiants (plusieurs noms et lieux ont été anonymisés
pour préserver l’anonymat des interviewés). On y voit un effet « boule de neige » dans la
prise de contact : les entretiens avec le régisseur de quartier et l’ancien conseiller municipal
sont négociés sur le terrain grâce à l’interconnaissance des interviewés.

Mais la présence aux réunions de quartier n’a pas simplement facilité la rencontre avec de
nouveaux interviewés. Elle a également aidé les apprentis enquêteurs à préciser leur
hypothèse de départ sur la surmédiatisation des émeutes et la manière dont cette question était
prise en charge par les acteurs locaux.

L’immersion dans la vie du quartier a ainsi permis aux enquêteurs de forger certaines des
grilles de lecture qu’ils ont ensuite appliquées aux entretiens. On voit par exemple se dessiner
un clivage interne au quartier entre d’un côté les habitants « ordinaires » plutôt démobilisés, et
d’un autre côté les acteurs associatifs ou militants impliqués dans la vie locale et fortement
investis ici dans une entreprise morale de réhabilitation de l’image du quartier. La bonne
acceptation des enquêteurs sur le terrain tient sans doute en partie au rôle de relais d’opinion,
de porte-parole qu’ils sont susceptibles de jouer pour les acteurs locaux.

« 1er contact : Mercredi 20 octobre 2010, 19h, nous nous rendons à la réunion de rentrée de
la MDH (Maison des Habitants), dans le but de rencontrer le président de l’association, que
nous avions pu écouter une première fois dans le cadre d’une conférence organisée par (…).
Lors de cette réunion nous constatons plusieurs choses :

- d’abord, la moyenne d’âge des personnes présentes (environ 20) est élevée: lorsqu’elles se
présentent, on s’aperçoit qu’il s’agit principalement de retraités, habitants du quartier, déjà
impliqués dans le milieu associatif (…), ou ayant exercé une profession dans le domaine
éducatif ou social (enseignants, travailleur à Pôle Emploi, médecin…). Certains intervenants
déclarent être revenus sur le quartier une fois à la retraite, car ils y sont fortement attachés et
en gardent un bon souvenir.
- les seuls « jeunes » qui assistent à la réunion sont quasi-exclusivement venus de l’IEP (…),
donc extérieurs à la Villeneuve, sauf un : Arthur, étudiant en (…) et habitant du quartier, qui
veut faire partie du CA.

- lorsque le président de l’association présente les projets pour cette année, il évoque le
« repas de Noël » qui aura lieu en décembre. Il est repris par un des participants qui corrige:
« repas de fin d’année ». Le président de l’association reconnaît son erreur et convient de
cette appellation. Le but étant bien sûr de rassembler tous les habitants, donc toutes les
cultures, lors de cet événement.

- les débats se focalisent principalement sur les événements de cet été – qui témoignent selon
eux d’une dégradation des conditions de vie – et la nécessité d’animer le quartier, de
proposer des activités en permanence, de solliciter au maximum la population – et surtout les
jeunes, dont on parle beaucoup, et qui constituent une population fragile selon les
intervenants.

-les habitants semblent sensibles à l’image de la Villeneuve véhiculée dans les médias. La
conversation s’oriente à un moment vers le reportage diffusé sur France 3 quelques jours
auparavant (le 18 octobre 2010): il s’agit du magasine « Pièces à conviction », ce jour-là
consacré à « l’ultra-violence ». Les habitants sont révoltés, dénoncent une caricature et un
travail honteux du journaliste. Ils opposent ce reportage au travail d’enquête d’Hervé
Bienfait, qui a recueilli de nombreux témoignages d’habitants pour en faire un livre :
Villeneuve de Grenoble: la trentaine, paroles d’habitants (2005). On nous recommande de le
lire, de l’emprunter à la bibliothèque de l’Arlequin. Les intervenants sont soucieux du fait
que l’on comprenne bien de quoi et de qui il s’agit, car nous ne connaissons pas la
Villeneuve. Ils trouvent très positif que des jeunes de l’extérieur s’y intéressent.

Sauf quand, à la fin de la réunion, nous discutons avec une dame de notre projet, et nous
avons le malheur de parler d’ « interview ». D’emblée nous expérimentons le phénomène d’«
encliquage », puisqu’elle se braque et nous dit qu’elle en a assez des journalistes qui disent
n’importe-quoi.

Après nous être défendu en expliquant que notre travail était de nature scientifique et qu’il
avait vocation à mieux comprendre, nous allons nous adresser le président de l’association
pour lui demander un entretien: il nous donne rendez-vous le 15 novembre 2010, 16h00,
Place des Géants.

S’en suit une conversation avec Arthur, qui s’étonne de voir tant de jeunes de l’IEP. Nous lui
expliquons le motif de notre présence, et il nous conseille de lire l’article de CQFD sur la
Villeneuve, ainsi que celui du Postillon, et d’écouter une émission: « Les murs ont des
oreilles ». Nous en prenons note, le président de l’association se joint à la conversation; lui
nous conseille « Les pieds sur terre », l’émission de France Culture: nous avons déjà écouté
ces émissions sur la Villeneuve et reconnaissons qu’elles sont justes. On prend le numéro
d’Arthur.

2ème rencontre : Le 6 novembre, on retourne à la Villeneuve, pour emprunter à la


bibliothèque de l’Arlequin le livre de Hervé Bienfait. Puis nous allons faire un tour sur la
place du marché, où nous rencontrons le coordinateur de régie de quartier, qui distribue des
tracts pour le Mois du développement durable et de la Solidarité à la Villeneuve. Il nous
invite à venir le 13 novembre participer à un Apéro « artistes en herbe » avec tous les
habitants du quartier. « Et si nous ne sommes pas du quartier? », lui demande-t-on. « C’est
encore mieux! » répondent à l’unisson le coordinateur de régie de quartier et un vendeur de
fruits et légumes Bio. On lui parle de notre travail: il nous dit que le 13 sera une bonne
occasion pour rencontrer des habitants, et prendre rendez-vous avec lui. On fait un « deal » :
en échange de cet entretien il nous engage à faire un peu de com’ sur le campus pour
l’événement. On repart avec un contact et plein de tracts en poches.

3ème rencontre : « Apéro partagé et artistes en herbe » – samedi 13 novembre, 11h, nous
nous rendons au Jardin des Poucets – l’un d’entre nous a amené sa guitare. Encore une fois,
la moyenne d’âge est élevée, et la diversité du quartier semble être mal représentée. On
prend conscience de la dimension « développement durable » comprise dans l’intitulé: nous
sommes dans un potager de quartier dont le composte est alimenté par les habitants et
entretenu par les membres de l’association des habitants de la Crique Sud. Le coordinateur
de régie de quartier prononce un discours ludique et métaphorique: pour faire un bon
composte il faut de la diversité (pelures de légumes, coquilles d’huîtres, racines de brocoli…)
– c’est comme le quartier.

Un accordéoniste et un percussionniste ont fait le déplacement. René est content que l’un de
nous ait amené sa guitare. On joue quelques morceaux, puis des membres d’une association
(« Les mères de famille ») nous racontent quelques histoires sur le thème de l’écologie.
Ensuite nous discutons avec les personnes présentes: l’une d’elles, séduite par notre
initiative, nous conseille de nous adresser à son mari, ancien conseiller municipal et ancien
président d’association. Nous obtenons son numéro de téléphone: il semble préoccupé par la
situation du Lycée Mounier. Nous rencontrons aussi Jacques Chignon, membre de
l’association ACT, qui nous invite à venir à un café-rencontre le 2 décembre. Une
conversation s’engage avec une habitante, et dévie sur la réforme des retraites. Une vieille
dame s’emporte contre « Sarko », et s’en va le poing levé en criant « il faut qu’on soit tous
contre Sarko ! ».

On constate que dans le petit comité que nous formons l’orientation idéologique est
clairement de gauche. On a le sentiment de retrouvé dans les associations présentes à la
Villeneuve l’esprit de Mai 68, d’autant plus que nous nous apercevrons plus tard que
beaucoup de ces personnes sont originaires de Paris et sont venues à la Villeneuve dans les
années 70-80.

4ème immersion : « Enquête au cœur du bastion soixante-huitard » – samedi 20 novembre,


11h, nous nous rendons au Broc’Echange, place du marché de la Villeneuve. C’est l’occasion
pour nous de rencontrer l’élue locale, puisque des élus ont été conviés. Nous pensons qu’en
négociant directement avec elle, nous obtiendrons plus rapidement notre entretien (ça fait 10
jours qu’elle nous a dit par mail que sa secrétaire se chargeait de trouver un créneau dans
son emploi du temps, sans nouvelles depuis).

Il nous apparaît clairement que lors de ces événements, nous recroisons toujours les mêmes
personnes. Par exemple, on retrouve l’ancien conseiller municipal, qui nous rappelle qu’on
doit se voir pour l’entretien. On retrouve Raphaël l’accordéoniste, qui regrette qu’on n’ait
pas amené la guitare. On retrouve aussi Jacques Chignon, qui nous donne des tracts et une
affiche pour faire de la com’ sur le campus, à EVE. Le milieu associatif, s’il est très actif,
semble être un cercle fermé: même les événements festifs qu’ils organisent n’attirent pas
l’ensemble des habitants. En même temps on constate que la Villeneuve, comme le dit le
président d’association dans notre entretien et dans les articles qu’il a publié, s’apparente à
un village, où tout le monde se connaît.

Le jeudi 25 Novembre, nous sommes allés à la Villeneuve dans la matinée pour chercher les
dernières personnes à interviewer. Après avoir demandé au collège, nous sommes allés à la
maison de retraite du quartier où la directrice nous a dit qu’il fallait l’accord du CCAS pour
interroger des retraités. Puis nous sommes retournés sur la place du marché où nous avons
demandé une interview au buraliste. Celui-ci a accepté dans l’après midi. Enfin, nous nous
sommes rendus à l’antenne de mairie et au centre social. Après nous être présenté auprès de
la gardienne, celle-ci nous a redirigés vers le responsable du CCAS dans le quartier de la
Villeneuve. Celui-ci nous a fortement déconseillé d’étudier la Villeneuve au motif que ce
quartier était déjà « surexploité » par les sociologues et que les habitants en avaient assez
d’être des « poissons rouges dans un bocal ». Il nous a toutefois donné des noms de
responsables d’association à contacter.

Il faut savoir que le jeudi matin se tient un marché un peu particulier à la Villeneuve, avec
des vendeurs de djellaba, d’objets religieux et d’alimentation halal. La plupart des
commerçants sur le quartier de l’Arlequin sont d’origine maghrébine et affirment leur
identité (« pizzeria halal » « bazar de Casablanca » etc.). Il semble donc que la notion de «
commerce ethnique » existe ici.

Le jeudi après-midi, l’un d’entre nous va réaliser l’entretien avec le buraliste, outre le fait
d’être une fois de plus confronté au phénomène « d’encliquage » en étant souvent pris pour
un journaliste par les personnes qui passent au bureau de tabac, il apparaît aussi que les
habitants de la Villeneuve ont des choses à dire, des choses sur le cœur suite à la vision que
les médias donnent de leur quartier, comme le prouve l’empressement d’une sexagénaire à se
joindre à l’entretien que nous réalisons avec le buraliste, comme si c’était un entretien
destiné à être diffusé à grande échelle.

Après l’entretien, l’un d’entre nous se rend au collège, comme convenu avec la concierge le
matin, pour rencontrer le proviseur, qui n’avait pu nous recevoir car il était occupé à réaliser
une interview avec deux journalistes. Finalement, c’est un adjoint qui se présente à nous et,
devant l’attention médiatique portée au personnel éducatif, il décide de prendre de son temps
pour répondre à notre demande. « L’entretien » a lieu dans son bureau. Cependant, il n’est
pas possible de l’enregistrer puisqu’il faut une autorisation du rectorat pour de telles
demandes. Un entretien de 40 minutes a toutefois lieu et de nombreux thèmes ont été abordés,
nous avons pris des notes. En sortant du collège, un surveillant semble s’intéresser à notre
démarche et vient discuter, après avoir appris quelques informations issues de son contact
quotidien avec les jeunes, nous décidons de prendre son numéro pour réaliser un entretien
avec lui par la suite. Malgré un emploi du temps chargé et après un rendez vous avorté, et
quelques coups de téléphone l’un d’entre nous se rend à son domicile, après la fin des cours
au collège à 17H, pour réaliser l’entretien le vendredi 25 novembre.

Mardi 30 Novembre, l’un d’entre nous a rendez vous avec l’élue locale. Il n’a pas été simple
d’obtenir cet entretien : après un échange de 6 mails, 4 coups de téléphones (on connait la
musique du standard de la mairie de Grenoble par cœur), nous avons finalement obtenu un
rendez-vous avant la mi-décembre (son agenda étant surchargé) d’autant plus qu’elle reçoit
tous les étudiants de Sciences Po travaillant sur le même sujet comme les autres adjoints plus
importants ont aussi un agenda très chargé et lui « refilent » les entretiens. Le 3 décembre,
nous tentons de faire un entretien avec le coordinateur de régie de quartier mais celui-ci est
très occupé et décide de remettre l’interview au lendemain à Alpexpo. Le lendemain, nous
finissons par réaliser l’entretien sur le stand de l’association de son association à Alpexpo ».

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