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CYBERSÉCURITÉ

Cours Magistral de L. RAIMONDO


Année 2023-24 ; Semestre 1 ; Master RID
INTRODUCTION
Notes sur le doc. « Nothing to Hide », 2017, production indépendante ‘’Deepdocs Films’’.
Écrit et réalisé par Marc Meillassoux
Invités interviewés (par ordre d’apparition, le temps de parole étant très inégal) :
- Alison Macrina, activiste Internet, co-créatrice du Projet « Tor ».
- Jérémie Zimmermann, hacker, co-fondateur de « La quadrature du Net »
- Louis Pouzin, développeur du Datagram (« Le grand-père d’Internet)
- Stephanie Hankey, directrice du « Tactical Technology Collective »
- William Biney, ex-directeur technique de la NSA
- Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL
- Fabrice Epelboin, professeur à Sciences-Po Paris
- Claudio Agosti, hacker, co-fondateur de GlobaLeaks
- Pete Fussey, professeur de sociologie à l’Université d’Essex
- Thomas Drake, lanceur d’alerte de la NSA, ancien analyste de l’US Army
- Jennifer Schulte, chercheuse en droits fondamentaux, surveillée en Egypte et Ethiopie
- Klara Weiand, analyste de données
- Vera Lengsfeld, activiste berlinoise dans les années 80s, surveillée par la Stasi en RDA
- Hubertus Knabe, Directeur du mémorial de la Stasi
- Giovanni Buttarelli, Superviseur pour la Protection des Données en Europe (EDSP)
- Joël Domenjoud, militant écologiste surveillé par les services français jusqu’en 2015
- Anne Roth, politologue surveillée par les services allemands

Définitions préalables (non-formelles, je les ai écrites moi-même si jamais c’est utile) :


- Métadonnée : Information servant à encadrer ou définir une donnée précise, quel qu’en
soit le support. Exemple : la géolocalisation d’une photo ; l’heure d’envoi d’un SMS ;
la durée de visionnage d’une vidéo…
- Tracker : Entreprise ou institution publique collectant des données, avec ou sans le
consentement de l’utilisateur, par n’importe quel intermédiaire (navigation web,
applications…). Facebook et Google sont les deux plus gros trackers connus.
- Profiling : Construction d’un schéma personnalisé d’un individu grâce à l’analyse de
ses données collectées.

Résumé du documentaire, explications :


Aux débuts d’Internet, certaines entreprises comprirent que les métadonnées des utilisateurs
valaient bien davantage que la seule vente en ligne de services 1. La mise à profit de ces données
est appelée chez certains activistes « le péché originel de l’Internet ». Rapidement, après les
attentats du 11 septembre 2001, les services de renseignement américains ont récolté ces
données à des fins de surveillance de masse. De même, après les attentats de Charlie Hebdo en
France, de nombreux pays européens ont modifié leur législation pour augmenter le pouvoir

1
Le documentaire explique qu’il ne faut pas se leurrer : la collecte de données personnelles date de bien avant
internet, avec l’exemple pris de la Stasi en RDA dans les années 1980 (cf. témoignages de V. Langsfeld et H. Knabe).
Seulement, Internet a ajouté un intérêt très commercial à cette collecte, jusqu’alors principalement politique.
des services de renseignement en matière de sécurité intérieure. Pourtant, très peu nombreuses
sont les attaques déjouées grâce à cette surveillance informatique. Si elle est discrète et massive,
force est de constater qu’elle est aussi dangereuse et inutile. En réalité, selon des activistes, la
surveillance de masse, sous couverture de sécurité intérieure, a surtout été utilisée afin de
contrôler et interdire des manifestations dans des pays occidentaux (Occupy Wall Street à New
York ou la manifestation à l’occasion de la Cop 21 à Paris), ou surveiller et neutraliser des
minorités et opposants politiques (écologistes, marxistes-léninistes, membres de commissions
d’enquêtes…).
Selon S. Hankey, le téléphone portable est l’objet le plus dangereux, sur le plan de la protection
des données, puisqu’il permet aux services de renseignement mais aussi aux entreprises
(choisies ou non : « trackers »), de réaliser un « profiling » extrêmement précis des utilisateurs
(capital économique, culturel, orientations politique, sexuelle, activités, loisirs, « graphe
social »). Le documentaire nous le démontre par l’intermédiaire d’une mise en scène
« expérimentale ») où les données d’un utilisateur vont être collectées (via téléphone et
ordinateur) pendant 5 semaines. Au bout de cette période, on constate qu’un profil très précis
de l’individu a pu être construit (avec le nom, l’âge, les coordonnées, les mouvements, les
contacts, le capital estimé, la santé, les habitudes, les loisirs, les orientations…).
Du point de vue des utilisateurs, l’idée qui revient régulièrement (et qui est à l’origine du
documentaire) est que « Je n’ai rien à cacher, ma vie privée n’intéresse personne ». Cette
conception est naïve, puisqu’en réalité, les données de tout le monde sont valorisables (sur le
plan pénal, puisque tout le monde commet des infractions ; sur le plan médical, puisque les
données sur la santé sont particulièrement sollicitées ; sur le plan économique, puisque la
solvabilité d’un individu peut être calculée à partir des données ; sur le plan personnel, puisque
les données permettent d’entrer dans l’intimité des personnes).
En conclusion, chaque utilisateur qui se pense à l’abri de la surveillance de masse n’est en fait
qu’une cible facile pour cette même surveillance. Ainsi, de nombreuses entreprises ou
institutions s’enrichissent et gagnent du pouvoir à récolter nos informations, anticiper nos
actions, encadrer nos modes de vie. Toutefois, « la lutte n’est pas vaine » et « l’ennemi n’a pas
encore gagné », bien que l’avenir semble encore plus propice à ce genre de contrôle de masse.

Citations intéressantes :
« Arguing that you don’t care about privacy because you have nothing to hide is no different
than saying that you don’t care about freedom of speech because you have nothing to say ».
– Edward Snowden, lanceur d’alerte poursuivi par le gouvernement américain depuis 2013.
« Collect it all to know it all ».
– Keith Alexander, directeur de la NSA de 2005 à 2014
« Those who would give up essential Liberty, to purchase a little temporary Safety, deserve
neither Liberty nor Safety ».
– Benjamin Franklin, père fondateur des Etats-Unis

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