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INTRODUCTION

Le Dr MOUHAMMAD LÔ, Juriste du droit numérique, également titulaire d’une thèse sur
l’Administration électronique et de droit public à l’Université de Paris I Sorbonne et rédacteur
de la loi sénégalaise sur la protection des données à caractère personnel, a écrit  dans son livre
“La protection des données à caractère personnel en Afrique que :“les données sont à
caractère personnel dès qu’elles portent sur une personne identifiée ou la rendent identifiable
directement comme indirectement”.
Juridiquement, une donnée à caractère privé est considérée comme une
information qui permet d'identifier un être humain (personne physique), directement (par
exemple son nom/prénom), ou indirectement (par exemple son numéro de téléphone, son
numéro de contrat, son pseudonyme).
Cependant la protection des données personnelles est un droit pour tout citoyen et une
responsabilité de l'état. Ce dernier, gendarme de la protection des données personnelles est
tenu dans sa mission régalienne, d'assurer la sécurité et l'intégrité des personnes et de leurs
biens.
En effet, au Sénégal l'Assemblée nationale sénégalaise a adopté la loi sur la protection
des données à caractère personnel lors de sa séance du vendredi 30 novembre 2007 et le Sénat
l'a adopté le mardi 15 janvier 2008.
Pour le cas soumis à notre étude, Astou a partagé dans un groupe whatsapp ses données à
caractère privé . Par la suite, elle retrouve ces données sur d’autres plateformes.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si les données partagées dans un groupe
WhatsApp sont-elles de caractère privé ou public ? Autrement dit, quel est le régime juridique
des données à caractère privé, partagées dans un groupe ?
En l’espèce, Astou peut-elle prétendre à des sanctions à l’encontre de ces personnes qui ont
partagé ces dites données ?
C’est ce qui nous pousse à porter notre développement sur la position du droit par rapport à
cette question mais également ce qui peut réellement constitué de données à caractère privé.

I- LA POSITION MITIGÉE DU DROIT SUR LA QUESTION

«Mur des cons ». Cela pourrait être l’affiche d’un film de cinéma. Mais c‘est mieux que cela.
Il s’agit d’un tableau du syndicat des magistrats français sur lequel étaient affichées des
dizaines de photos de personnalité dont la quasi-totalité est de la droite française, avec des
annotations insultantes.

Jusque-là privée, l’affaire est devenue publique, lorsque l’existence de ce tableau a été révélée
par Atlantico, en avril 2013, par le truchement d’une vidéo tournée par un journaliste en visite
dans les locaux du syndicat.

Au finish, Françoise Martres, la présidente du syndicat à l’époque, a été mise en examen.


D’ailleurs, malgré qu’elle ait évoqué le caractère privé du mur, son jugement est prévu du 4
au 7 décembre 2018 pour injures publiques.

Cette affaire ressemble, à bien des égards, à l’affaire de Astou. Cette dernière a retrouvé sur
d’autres plateformes ses données personnelles qu’elle avait partagées dans un groupe
WhatsApp.
Pour certains praticiens du droit, les données partagées dans un groupe ont un caractère
purement privé, parce qu’ayant agi dans un cadre purement privé, partant d’une définition de
la vie privée. « La vie privée (du latin privatus séparé de dépourvue de) c’est le fait, pour une
personne ou pour un groupe de personnes, de s’isoler, afin de protéger leur intimité » .

En effet d’après une partie des juristes, « il faut distinguer la publicité d’une infraction
commise en privé, c’est-à-dire d’un message privé à un message public ?

Très catégoriques, ils soutiennent que «les groupes d’échange WhatsApp fermés entre amis,
ne peuvent être considérés comme publics. C’est plutôt un enregistrement destiné à un
groupe de personnes dans un cadre purement privé ».

Par contre, selon eux, «ce qui est condamnable, c’est le fait de sortir ce message privé et de le
rendre public».

Car disent-ils «la loi protège l’intimité de la vie privée et réprime la publicité qui a été faite
par la personne qui est l’auteur de cette publicité (…) En pareille circonstance, le diffuseur
pourrait être poursuivi pour avoir distillé l’enregistrement auprès du public et non, l’auteur
des propos, qui est au contraire victime, puisqu’ayant tenu des propos dans un lieu privé et
non pas dans une voie destinée à atteindre le public ».

Cela veut autrement dire que , les écrits contenus dans un groupe sont du domaine privé et
que le critère de publicité est requis à l’encontre de la personne qui a diffusé la publication à
l’insu de son auteur.

Dans le même sens, les groupes de discussion sont considérés comme des espaces privés ou
les membres bénéficient d’une liberté d’expression.

Toutefois, la liberté d’expression à ses limites, puisqu’il faut éviter de tenir des propos qui
peuvent heurter l’honorabilité et la moralité de ses destinataires.

« Si une discussion d’un groupe privé sort, c’est parce que l’un des membres a été déloyal,
mais le fait est qu’elle soit publique ou privée, lorsque le contenu se trouve sur la place
publique, c’est celui-ci qui est incriminé, même si la diffusion n’est pas volontaire « , dénonce
un juriste.

Contrairement aux autres juristes , l’argument selon laquelle les groupes fermés sont des
espaces privés reste discutable . «Il y a un caractère public dans un groupe WhatsApp. Vous
êtes exposé, car Internet est un outil mondial et une fois que vous êtes dedans, il y a une
éventualité que tout le monde puisse savoir ce que vous avez fait ou dit.

Quoi que vous faisiez pour la confidentialité, en y entant, du moment où on a décidé d’entrer
dans un groupe qui peut s’adresser à tout le monde, il n’y a plus de caractère privé ».

Encore que, le caractère privé est relatif dans un groupe, car tu peux avoir 10 personnes et si
chacun à la possibilité de le partager, c’est public.
Face à cette divergence de points de vue, la jurisprudence française a déjà tranché la question,
«celle-ci considère que si une personne envoie un mail à un groupe d’individus qui ne sont
pas liés par une communauté d’intérêt, c’est public ».

Par exemple, si un magistrat envoie un message diffamatoire à un groupe de maçons, c’est


public. « C’est de cette façon que le problème a été réglé », souligne-t-il avec insistance et
« ce n’est pas parce que c’est un groupe d’individus que c’est privé, car ce sont des
personnes issues d’horizons divers, dons, l’objectif de publicité est atteint ».

Etant donné que dans un groupe, les membres sont venus dans des horizons divers, différents
acteurs de la justice recommandent la prudence. « Quand vous écrivez, il faut prévoir que les
écrits peuvent être divulgués. C’est pareil pour les propos, vous pouvez critiquer mais éviter
les injures et porter atteinte à l’honneur de quelqu’un ».

Au-delà prudence, il faut plaider pour une démarche davantage accentuée sur la
sensibilisation. Cela d’autant plus que, « notre société a des problèmes comportementaux  ».
Pis, « il est difficile de circonscrire une conversation privé des gens, car l’Etat ne peut pas
être derrière chaque citoyen pour parer à toute dérive ».

Donc, même si « la répression doit être de mise, elle doit rester exceptionnelle ». Car la loi
ne s’adapte toujours pas aux contingences et aux faits. « Il n’est pas admissible que notre
mauvais usage des réseaux sociaux ne soit pas puni, mais de la même manière, il y a un
impératif de respect de la liberté individuelle et de la vie privée, ainsi que de l’intimité des
conversations qui est opposable à tous».

II- DONNÉES PERSONNELLES : DE QUELLE INFORMATION


S’AGIT-IL EXACTEMENT ?

Depuis la promulgation de cette loi, la définition du groupe de mots “données à caractère

personnel” est très recherché sur Internet. Quand est-ce qu’une donnée est dite personnelle ?

L’auteur du livre La protection des données à caractère personnel en Afrique, le Dr

Mouhammad Lô explique :“les données sont à caractère personnel dès qu’elles portent sur

une personne identifiée ou la rendent identifiable directement comme indirectement”, a

cherché à expliquer dans son oeuvre, “en quoi il est important que ceux qui utilisent et ceux

qui fournissent ces données aient une référence de la réglementation et de la régulation en

cours.”

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, il est devenu préférable de faire attention à toute

information que l’on communique sur une tierce personne. Par exemple, donner le nom d’une
personne peut être considérée comme divulguer un renseignement personnel. Car l’identité (le

nom et le prénom) est la donnée personnelle la plus évidente. Il en est de même que les

contacts, le numéro d’identification, la plaque d’immatriculation même l’adresse-email. Ce

sont des informations permettant d’identifier clairement une personne. A cela s’ajoutent les

données personnelles à caractère sensible. Ce sont toutes les informations relatives à la race,

l’état de santé, les opinions politiques ou religieuses et même le contenu du casier judiciaire.

Du côté du gouvernement, le développement de l’informatique dans l’administration a

entraîné la génération de beaucoup de données personnelles. Par exemple la numérisation du

fichier électoral, du permis de conduire et de la carte d’identité nationale. Pourtant la loi

n’avait fixé aucun cadre ou régime juridique pour protéger ces données. D’ailleurs, c’est pour

corriger cela que la loi N 2008 12 a été votée. Le législateur a désormais prévu une haute

protection lors de la récolte, le traitement, la transmission, le stockage et l’exploitation des

données personnelles. Prenant en compte "les principes de la réglementation des fichiers

informatisés contenant des données à caractère personnel édictés par l’ONU en 1990” et

surtout les exigences européennes en matière de transfert de données vers des pays tiers :

Règlement général sur la protection des données (RGPD ou GDPR) entré en vigueur depuis le

25 mai 2018. La loi sénégalaise met en place un dispositif permettant de lutter contre les

atteintes à la vie privée susceptibles d’être engendrées durant tout le processus. Elle veille à ce

que les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ne portent pas atteinte

aux libertés individuelles ou publiques, notamment à la vie privée.

L’ETAT, LE GENDARME DE LA PROTECTION DES DONNÉES


PERSONNELLES

Dans sa mission régalienne, l’Etat est tenu d’assurer la sécurité et l’intégrité des personnes et

de leurs biens. Cette loi ajoute ainsi à l’Etat le devoir de sécuriser les données personnelles de

la population, il est aidé en cela par des entités privées à travers la CDP. “Le gouvernement du

Sénégal va encourager activement la formation et la sensibilisation sur les problèmes de la


confidentialité en ligne, de la protection de la vie privée et plus généralement, de celle des

données personnelles des consommateurs”, disait le président de la République du Sénégal

Macky Sall. Cette déclaration montrant la détermination du Président est affichée en gros

caractère sur le site de la commission de protection des données (https://www.cdp.sn). Dans le

but de donner plus d’informations aux citoyens, la commission a mis en ligne une plateforme

informative. Les particuliers qui souhaitent en savoir plus sur leurs droits sont guidés. On peut

lire en descriptif sur cdp.sn, “Chaque personne dont les données à caractère personnel font

l’objet d’un traitement dispose d’un certain nombre de droits. C’est-à-dire d’un ensemble de

règles qui lui permettent d’exercer un contrôle sur l’usage qui peut être fait de ces données”.

La personne a droit à l’information lors de la collecte et du traitement de celle-ci. Elle peut

demander à y avoir accès pour la vérifier et même la rectifier. La personne a également le

droit de s’opposer à sa publication, mieux, elle peut demander la suppression de cette

dernière. C’est-à-dire qu’il est formellement interdit par exemple de filmer une personne à son

insu, le pire serait de diffuser les images sans son autorisation. D’ailleurs, dans chaque endroit

sous vidéo-surveillance, on doit prévenir en gros caractère : “sous vidéo-surveillance”. A

défaut de cela, les images produites ne seront pas recevables devant un tribunal en cas de

délit. 

Sur le site de cpd, une fenêtre guide également le particulier pour qu’il puisse exercer ses

droits. Plusieurs modèles de documents administratifs sont proposés pour les différentes

étapes de la saisine de la commission. A titre préventif, des fiches conseils sont proposées sur

le site dans le but de sensibiliser et d’orienter les citoyens.

CONCLUSION
Aujourd’hui, les citoyens de tous âges et de toutes catégories socioprofessionnelles sont
quotidiennement exposés au numérique. Les nouveaux usages induits par le digital, amènent
les consommateurs à diffuser, de façon volontaire ou non, de manière consciente ou pas,
des données à caractère personnel. La protection des données personnelles est un droit pour
tout citoyen et une responsabilité de l’état.

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