Vous êtes sur la page 1sur 4

CONSEILS :

COUP DE FOUDRE EN HAUTE MONTAGNE : HISTOIRE D’UN DÉSAMOUR

C’est le danger le plus redoutable, le plus sournois et le plus imprévisible en montagne.

La foudre ne tue pas toujours, mais elle laisse rarement indemne.

Conseils pour l’éviter.

Texte : Dr Emmanuel Cauchy

de l'IFREMMONT (www.ifremmont.com)

La foudre fait peur et surtout en montagne. C’est normal, le ciel est en colère
et vu les charges électriques qui sont mises en jeu, mieux vaut filer doux ! La
première chose à faire pour éviter de se retrouver dans un orage apocalyptique
est de prendre connaissance des prévisions météorologiques. Consulter la
météo est une chose, mais savoir regarder le ciel en est une autre, tout aussi
préventive. Sachez repérer les fronts orageux qui viennent vers vous et sachez
repérer les cumulo-nimbus, ces gros nuages en formes d’enclumes,
annonciateurs de gros orages. N’oubliez pas de regarder le sens des vents
d’altitude en regardant les nuages et rappelez-vous que le temps qui sépare un
éclair d’un coup de tonnerre, divisé par trois, vous donne la distance en
kilomètre qui vous sépare de cet orage. Par exemple, si vous comptez dix
secondes avant d'entendre le tonnerre, l'éclair est tombé approximativement à
3 km de vous (sans prendre en compte l'altitude et le vent qui modifient la
propagation du son). Pour vous rassurer quand même, sachez que peu de gens
se font occire par la foudre. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, 70 %
des victimes de fulguration s’en sortent et seulement 20 à 30 personnes par an
en décèdent. Pourtant, aucun alpiniste pendu dans son baudrier, en pleine
montagne, ne fait le malin quand le tonnerre gronde.

COMMENT SE FAIT-ON FOUDROYER ?

Les accidents directement causés par la foudre sont le fait du passage inopiné
dans le corps d’un courant de brève durée mais sous très haute tension. Cette
décharge est induite par la différence de potentiel que génère le nuage orageux
(jouant le rôle de condensateur) par rapport au sol. Le courant choisit de passer
par le chemin de moindre résistance (pointe des rochers ou arbres isolés,
câbles conducteurs). Quand, par malheur, il décide d’utiliser le corps d’un
randonneur pour se décharger, il peut passer soit en surface, soit en
profondeur. On dit que la présence sur le corps d’éléments métalliques
(mousquetons, pitons…) l’incite à privilégier la surface. Quel que soit le trajet,
le passage du courant dans le corps provoque avant tout des brûlures ou des
arrêts cardiaques.

QUELS SONT LES EFFETS DE LA FOUDRE SUR LE CORPS ?

On peut subir les effets de la foudre de différentes manières.

• Par contact direct : pour annuler la différence de tension qui existe entre
l’orage et le sol, le corps est utilisé comme circuit électrique et le courant passe
par lui au même titre qu’il passerait par un fil électrique.

• Par arc électrique : c’est un courant qui se forme entre deux objets chargés
de potentiel différent sans qu’ils aient besoin de se toucher. Si vous êtes dans
le champ, vous pouvez être brûlé sans que vous n’ayez touché ces objets.

• Par flash électrique : c’est un éclair qui se produit entre deux corps chargés.
Cet éclair émet une chaleur importante qui peut vous brûler. Le courant ne
rentre pas dans le corps mais touche la peau, entraînant des brûlures
superficielles et des brûlures cornéennes (oeil).

• Par brûlures électrothermiques qui se produisent au contact des objets


touchés. Le courant rentre dans votre corps (par la main ou la tête) et ressort
par le pied provoquant des points d’entrée et de sortie visibles sur la peau (voir
photo). Il est fort possible dans ce cas que le trajet passe par le coeur et
provoque un arrêt cardiaque.

En fait quand un alpinisme reçoit la foudre il fait souvent l’objet de nombreuses


blessures car il peut être à la fois… électrisé, blasté, brûlé et choqué !

• Electrisé… c’est le fait de recevoir une énorme intensité d’électricité dans son
corps. Cette électricité peut passer de différentes manières, soit en suivant les
contours, par les zones de moindre résistance (exemple, quand l’alpiniste porte
des objets métalliques sur lui, soit en le traversant par le trajet des gros nerfs et
des gros vaisseaux (voir photo, point de sortie sur le pied). Dans le premier cas,
il va provoquer des brûlures plutôt superficielles, dans le deuxième, il risque de
passer par le coeur et provoquer un arrêt cardiaque. Le passage de ce courant
par les axes nerveux provoque aussi des dégâts qui entraînent les effets
secondaires variés comme des fourmillements, des troubles de la sensibilité
dans les membres, des paralysies transitoires, des pertes de la vue ou des
épisodes de surdité brutale. Heureusement ces signes ne durent généralement
pas trop longtemps.

• Blasté… c’est le fait de subir l’onde de choc, exactement comme si vous vous
trouviez à quelques mètres d’une explosion. Cette onde de choc est tellement
importante qu’elle peut vous percer les tympans, vous éclater les poumons et
même vous projeter dans le vide. C’est la raison pour laquelle beaucoup de
foudroyés sont aussi victimes de blessures traumatiques.

• Brûlé… les brûlures peuvent être superficielles et reproduire le trajet qu’a


suivi le courant lors de son passage ou être profondes en carbonisant les
muscles sans que cela ne se voie à l’extérieur. Ces brûlures profondes ont
l’inconvénient de détruire des cellules musculaires qui déversent dans le sang
des toxines entraînant un blocage des reins.

• Choqué… l’effet de la décharge entraîne une fulguration du système nerveux


ce qui a pour effet de provoquer à la fois une sensation d’étourdissement et
des signes de désorientation accompagnés de perte de mémoire. Outre cet
aspect, les vaisseaux et les nerfs se trouvent déprimés, ce qui peut conduire à
une baisse de tension sanguine générale pouvant également entraîner le décès.
Des perturbations psychologiques de longue durée ont déjà été décrites.

COMMENT SE PROTÉGER DE LA FOUDRE EN MONTAGNE ?

• Ne pas se mettre à l’abri sous un arbre, de manière générale sous aucun objet
ou édifice présentant un risque d’attirer la foudre par leur pointe. Sinon, la
probabilité d’être foudroyé est 50 fois plus élevée que si l’on reste à terrain
découvert et debout !

• Rester situé à au moins 50 mètres au-dessous d’un sommet pointu. Lorsque


l’orage s’annonce et que le champ électrique atmosphérique s’intensifie, le
sommet est le siège de l’effet « couronne » caractérisé par un ronronnement
annonciateur.

• Mettez-vous rapidement à l’abri si vous entendez les “ abeilles ”… la foudre


n’est pas loin !

• Ne pas porter d’objet pointu dont la pointe dépasse la hauteur de la


personne (ski sur le

sac, piolet, parapluie)

• Restez à l’écart de ses compagnons de cordée (plusieurs mètres) afin que,


s’ils sont foudroyés, l’on ne risque pas soi-même d’être dans la zone
d’amorçage d’un éclair se propageant sur le côté.

• Ne pas téléphoner par temps d’orage.

• Tenir compte de la tension de pas : ne pas courir, marcher par petits pas ou
mieux, rester les pieds joints.

• Rester dans un refuge s’il est en métal. Il protège par effet de cage de
Faraday.

• On a déjà vu qu’il faut se protéger dans un creux plutôt que sur une bosse,
celui-ci pouvant être dominé par une corniche. La corniche doit être au moins à
20 mètres au-dessus de vous.

• Si l’on se réfugie dans une grotte, éviter de rester debout à l’entrée


(amorçage possible entre la voûte et le sol) et contre les parois : mieux vaut se
tenir abaissé au milieu et rester loin des parois.

• Éviter aussi de rester coincé dans une fissure.

QUECHUA MAGAZINE 20

Vous aimerez peut-être aussi