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Lycée Louis-Le-Grand, Paris

MPSI 4 – Mathématiques
A. Troesch

Problème no 7 : Fonctions dérivables par morceaux

Problème 1 –

Notations et rappels

• On dit qu’une fonction f définie sur [0, 1] est continue par morceaux s’il existe une subdivision de [0, 1], donnée
par des réels :
0 = x1 < x2 < · · · < xN = 1,

telle que f soit continue sur chaque intervalle ]xi , xi+1 [, i ∈ [[1, N − 1]], et telle que f admette en tout xi ,
i ∈ [[1, N ]] des limites à droites finies si i 6= N , et des limites à gauches finies si i 6= 1. On pourra remarquer
que la valeur de f en un des xi peut être différente à la fois de la limite à droite et de la limite à gauche en ce
point.
• On appellera dans ce cas subdivision subordonnée à f la partition {0 = x1 < x2 < · · · < xN = 1} décrite
ci-dessus. Il s’agit formellement d’un sous-ensemble de [0, 1] constitué de N valeurs numérotés dans l’ordre
croissant.
• Dans tout le problème, on notera C l’ensemble des fonctions réelles sur [0, 1] et continues par morceaux sur
[0, 1].
• On dit qu’une fonction f est de classe C 1 par morceaux sur [0, 1] s’il existe une subdivision de [0, 1] : 0 = x1 <
x2 < · · · < xN = 1, telle que f soit continûment dérivable (c’est-à-dire de classe C 1 ) sur tous les intervalles
]xi , xi+1 [, i ∈ [[1, N − 1]], et dérivable à droite en tout xi , i ∈ [[1, N − 1]] et à gauche en tout xi , i ∈ [[2, N ]] ; de
plus f ′ doit admettre en tout xi une limite à droite et une limite à gauche finies.
• Nous appelerons également dans ce cas subdivision subordonnée à f la subdivision {0 = x1 < x2 < · · · < xN =
1.}
• On notera D l’ensemble des fonctions de classe C 1 par morceaux sur [0, 1].
• On note D0 = {u ∈ D, u(0) = u(1) = 0}.
• On admet que toute fonction continue par morceaux sur [0, 1] est intégrable sur [0, 1].
• On admet que si f et g sont deux fonctions continues par morceaux sur [0, 1], qui coïncident sur [0, 1], sauf en
Z 1 Z 1
un nombre fini de points, alors f (x) dx = g(x) dx
0 0 Z 1
• On admet enfin que si f est une fonction positive de C telle que f (x) dx = 0, alors f est nulle, sauf
0
éventuellement en un nombre fini de points.
• Évidemment, tout cela peut se généraliser à des fonctions continues ou de classe C 1 par morceaux sur tout autre
segment que [0, 1].

Partie I – Préliminaires
Cette partie a essentiellement pour but de vous familiariser avec les notions introduites.
1. Soit f ∈ C, et S = {0 = x1 < x2 < · · · < xN = 1} une subdivision subordonnée à f . Montrer que tout
sous-ensemble fini S ′ de [0, 1] tel que S ⊂ S ′ définit une subdivision subordonnée à f
2. (a) Montrer que toute fonction continue sur [0, 1] est continue par morceaux.
(b) Donner un exemple de fonction croissante sur [0, 1] et non continue par morceaux.
(c) Montrer que toute fonction de D est continue sur [0, 1].

1
3. Parmi les fonctions suivantes, définies sur [0, 1], lesquelles sont continues par morceaux, lesquelles sont de classe
C 1 par morceaux. Justifiez vos réponses. On représentera sommairement le graphe de ces fonctions, sans en
faire une étude poussée.


1

1

x si x ∈]0, 21 [ 
1 si x 6= 0 et ∈N 2x2 − x si x ∈ [0, 12 [

x 2
f1 : x 7→ f2 : x 7→ si x ∈ [ 21 , 1] f3 : x 7→
sinon. x 1
si x ∈ [ 21 , 1]

0 ln x +
 2
0 si x = 0


 
1
f4 : x 7→ Arcsin 1 − x − f5 : x 7→ x · ⌊4x⌋
2

Partie II – Dérivée d’une fonction de classe C 1 par morceaux

1. Soit f ∈ D, {0 = x1 < x2 · · · < xN = 1} une subdivision subordonnée à f , et g0 la fonction définie sur [0, 1]
par : 
f (x) si x 6∈ {x1 , . . . , xN }
 ′

g0 (x) = fd′ (x) si x = xi , i ∈ [[1, N − 1]]


fg (x) si x = xN .
 ′

(a) Montrer que g0 est dans C.


Z x
(b) À l’aide de la relation de Chasles, montrer que : ∀x ∈ [0, 1], f (x) = f (0) + g0 (s) ds.
0
(c) Montrer que toute autre fonction g de C vérifiant :
Z x
∀x ∈ [0, 1], f (x) = f (0) + g(s) ds (1)
0

coïncide avec g0 sauf éventuellement en un nombre fini de points (on pourra considérer, après avoir justifié
son existence, une subdivision subordonnée à la fois à g et à g0 ).
Pour f ∈ D, on appellera dérivée de f toute fonction g de C vérifiant la relation (1). On notera, par abus, f ′
une dérivée arbitraire de f . On remarquera que cette notation n’est pas bien définie, puisqu’on n’a pas unicité
de la dérivée, mais elle est seulement définie « à un nombre fini de points près ».
2. Réciproquement, soit g ∈ C. Montrer que la fonction f définie par
Z x
∀x ∈ [0, 1], f (x) = g(s) ds
0

est un élément de D.
Autrement dit, g est une dérivée de f , donc toute fonction de C est primitivable au sens de la notion de dérivation
introduite dans la question précédente.
3. Montrer que si f et g sont deux fonctions de D, alors f g est dans D, et pour toute dérivée f ′ de f et toute
dérivée g ′ de g, f g ′ + f ′ g est une dérivée de f g.
4. En étudiant le signe du polynôme en λ suivant :
Z 1
λ 7→ (g(x) + λ)2 dx,
0

montrer que pour tout g de C, on a


Z 1 Z 1 2
2
g(x) dx > g(x) dx .
0 0

Montrer qu’il y a égalité si et seulement s’il existe une constante C telle que g(x) = C sauf éventuellement en
un nombre fini de points x de [0, 1].

2
5. Soit g ∈ C. Montrer que la fonction f défini par :
Z x Z 1
∀x ∈ [0, 1], f (x) = g(s) ds − x g(s) ds,
0 0

appartient à l’ensemble D0 .
6. Soit g ∈ C, démontrer que g vérifie
Z 1
∀θ ∈ D0 , g(s)θ′ (s) ds = 0
0

si et seulement s’il existe une constante C telle que g(x) = C sauf éventuellement en un nombre fini de points
x de [0, 1].
7. Soient f, g ∈ C vérifiant
Z 1
∀θ ∈ D0 , (f (s)θ′ (s) + g(s)θ(s)) ds = 0
0

Montrer qu’alors il existe f˜ ∈ D telle que f coïncide avec f˜ sauf éventuellement en un nombre fini de points, et
que Z x
∀x ∈ [0, 1], f˜(x) = f˜(0) + g(s) ds.
0

Observer que si de plus g ∈ C ([0, 1]), alors f˜ ∈ C ([0, 1]).


0 1

Partie III – Minimisation d’une expression intégrale


Pour tout u ∈ D0 et tout λ ∈ R∗+ , on note
1 1
1
Z Z
λ
Eλ (u) = (u′ (x))2 dx + (1 − u(x)2 )2 dx.
2 0 4 0

1. Montrer que Eλ (u) est bien définie pour u ∈ D0 et qu’en particulier sa valeur ne dépend pas du choix de u′
parmi les dérivées de u.
À partir de maintenant, et jusqu’à la fin du problème, on admettra que pour tout λ ∈ R∗+ , le problème de minimisation :

min Eλ (u), (2)


u∈D0

a au moins une solution, que l’on notera uλ . Ainsi, uλ vérifie



u ∈ D
λ 0
∀v ∈ D0 , Eλ (v) > Eλ (uλ ).

Le but du problème est d’étudier uλ , et en particulier son comportement lorsque λ tend vers +∞.
2. (a) Soit ψ ∈ D0 . Montrer que
1
Eλ (uλ + tψ) − Eλ (uλ )
Z
lim = u′λ (x)ψ ′ (x) − λ(1 − uλ (x)2 )uλ (x)ψ(x) dx.
t→0 t 0
t6=0

(b) En déduire que uλ vérifie


Z 1
∀ψ ∈ D0 , u′λ (x)ψ ′ (x) − λ(1 − uλ (x)2 )uλ (x)ψ(x) dx = 0. (3)
0

(c) À l’aide de la partie II, montrer que u′λ coïncide avec une fonction continue sauf éventuellement en un
nombre fini de points. En déduire que uλ est en fait de classe C 1 , et que sa dérivée au sens classique vérifie
encore (3). Montrer enfin que uλ est de classe C 2 et vérifie l’équation différentielle

−u′′ (x) = λ(1 − u(x)2 )u(x), (4)

sur ]0, 1[, puis que uλ est de classe C ∞ sur ]0, 1[.

3
(d) Montrer qu’il existe une constante Cλ ∈ R telle que

λ
∀x ∈]0, 1[, (u′λ (x))2 = ((uλ (x)2 − 1)2 − Cλ ).
2
(e) En se souvenant que uλ ∈ D0 , montrer que Cλ > 0, puis que Cλ ∈ [0, 1].
(f) En admettant que pour tout x0 ∈]0, 1[ et tout (y0 , y1 ) ∈ R2 , l’équation différentielle (4) admet une unique
solution u définie sur ]0, 1[ telle que u(x0 ) = y0 et u′ (x0 ) = y1 (ce qui découle du théorème de Cauchy-
Lipschitz), montrer que :
∀x ∈ [0, 1], uλ (x)2 < 1.

3. (a) En considérant, pour 0 < ε < 12 , la fonction v(x) définie par :



x

ε
 si x ∈ [0, ε]
v(x) = 1 si x ∈]ε, 1 − ε[,

 1−x

ε si x ∈ [1 − ε, 1],

montrer qu’il existe une constante C indépendante de λ telle que pour tout λ suffisamment grand,

Eλ (uλ ) 6 C λ.

(b) En constatant que pour tout u ∈ D0 , Eλ (u) = Eλ (−u), en déduire qu’il existe λ0 > 0 tel que pour tout
λ > λ0 , la solution du problème de minimalisation (2) n’est pas unique.
4. (a) Montrer que si l’on pose ϕλ = u2λ , alors
Z 1
lim (ϕλ (x) − 1)2 dx = 0.
λ→+∞ 0

(b) Soit µλ = max |uλ (x)|. Montrer que


x∈[0,1]

Z 1
(µ2λ 2
− 1) 6 (ϕλ (x) − 1)2 dx,
0

puis que lim µλ = 1.


λ→+∞


Partie IV – Minoration des réels C tels que Eλ (uλ ) 6 C λ
Dans cette partie, on considère une famille de fonctions (vλ )λ>0 de D0 vérifiant :

∃C > 0, ∀λ > 0, Eλ (vλ ) 6 C λ.

1. Justifier le fait qu’une telle famille existe.


2. Montrer que pour tout (x, y) ∈ R2 et tout ε > 0,
1
εx2 + y 2 > 2xy.
ε
r Z 1
λ
En déduire que : Eλ (vλ ) > |v ′ (x)(1 − vλ (x)2 )| dx.
2 0 λ
3. On pose ηλ = sup |vλ (x)| et on définit la fonction F de R+ dans R+ par :
x∈[0,1]

θ3
θ −
3 si 0 6 θ 6 1
F (θ) =
4 + θ3
3 3 −θ si θ > 1.

(a) Justifier l’existence de |ηλ |, et l’existence d’un point xλ de [0, 1] tel que vλ (xλ ) = ηλ .

4
(b) En constatant que F est de classe C 1 sur R+ et que

∀θ ∈ R+ , F ′ (θ) = |1 − θ2 |,

montrer que : Eλ (vλ ) > 2λF (ηλ ).
4. Déduire des questions précédentes que

Eλ (uλ ) 2 2
lim inf √ > .
λ0 →+∞ λ>λ0 λ 3

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