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Symbole du Tao
Un peu d’histoire
Une philosophie
I. – Le shintô
Le shintô est une philosophie spirituelle de la vie. Il est d’ailleurs
souvent considéré comme une religion. Michel Random le qualifie de
« religion laïque 1 », ce qui semblerait plus exact, car il en va du shintô un
peu comme du bouddhisme : il est plus une philosophie qu’une religion à
proprement parler.
La pensée shintô est une pensée animiste, c’est-à-dire qu’elle place en
toute chose une essence subtile, spirituelle, une « âme ». Dans cette pensée,
tout élément qui existe dans notre univers, qu’il soit vivant (animaux,
humains, végétaux) ou non (montagne, rocher, chute d’eau, fleuve, etc.), est
« animé », porteur d’une âme propre pouvant s’élever jusqu’au « divin ».
On parle de kami, notion souvent rendue par le terme « dieu » mais qui
signifie plutôt « souffle » dans son acception philosophique.
Le souffle est présent partout et est l’essence même de toute forme de
vie belle, puissante, remarquable. Et c’est parce qu’elle émane de ce souffle
céleste qu’elle est vénérée. Un vieil arbre puissant aux formes harmonieuses
sera considéré comme « habité » par un kami. Un lieu important, d’où se
dégage quelque chose de particulier, de fort, sera sacré : on y accédera en
passant sous un tori, une porte servant à le délimiter et dont la couverture
du présent ouvrage donne un bel exemple.
Cette pensée animiste fait que tout Japonais, consciemment ou non,
considère naturellement que ce qui émane de toute chose et de tout être
vivant, de tout individu, est ce qui importe, bien avant la chose elle-même
ou l’individu lui-même. L’indéfinissable subtilité d’un art floral (ikebana),
d’une calligraphie (shodô) ou d’un cerisier en fleur (sakura) représente la
magnificence du souffle de vie et son indicible présence. La concentration,
la précision et l’épure des gestes d’un maître de cérémonie du thé (cha no
yu), d’arts martiaux ou de théâtre Nô sont l’expression de ce souffle et
signent leur présence à ce qu’ils sont et font. Elles font d’eux des « trésors
nationaux », des êtres respectés et vénérés comme tels.
Le geste shiatsu ne fait pas exception. Ce qui fait la force, la précision et
la pertinence de ce geste, c’est son âme, ce qui l’anime. C’est la présence de
celui qui le fait et le contenu de son intention. Dans l’art du tir à l’arc
(kyudô), la maxime traditionnelle « Un tir, une vie ! » résume ce principe
d’absolu censé habiter chaque geste, chaque action. Vaste philosophie,
n’est-ce pas ? Mais qui fonctionne, puisque les maîtres japonais, par
exemple, sont capables de tirer à l’arc, dans le noir ou sur un cheval au
galop, et d’atteindre, sans l’aide d’un viseur, le centre de la cible, qui, selon
leur enseignement, reste secondaire. Elle n’est qu’un « accident de
parcours » sur la trajectoire de la flèche. Le tir est juste parce qu’il a
respecté l’« âme du tir », parce que le tireur a visé l’horizon symbolique de
son intention de réaliser le tir parfait, dans le moment parfait et dans le
souffle parfait. Ce qui conduit alors le geste n’est plus la volonté mentale,
mais quelque chose d’autre qui a été poli par un entraînement incessant
ayant conduit à la non-intention. Le grand maître japonais de kyudô, Awa
Senseï, parlait en ces termes de son art :
II. – Le bushidô
C’est ici qu’intervient le second pilier référentiel du Japon, le bushidô,
c’est-à-dire, très schématiquement, le « Code des samouraïs », un ensemble
de règles comportementales connu depuis longtemps dans l’histoire
martiale du Japon et dont les éléments essentiels sont encore présents et
respectés aujourd’hui dans le monde des arts martiaux. Ce code, à l’instar
du code de la chevalerie en Europe, est le fruit d’une lente élaboration. Au
e
XII siècle, c’est-à-dire au début de l’époque féodale, il était destiné à
Le sens des notions de Gishi et Giri, quoique assez proche, n’en est pas
moins très différent 3.
Gishi peut se résumer en deux mots : rectitude et droiture. Ce sont là les
qualités intérieures essentielles qui étaient demandées à un samouraï
(envers toute forme de vie, envers son seigneur ou envers les personnes
faibles ou dépendant de lui). Gishi signifie être droit, juste et vrai, sans
détour. C’est l’attitude d’âme, sans concession ni dissimulation, qui se
traduit par un comportement où chaque chose est faite « en son âme et
conscience » et rend l’être respectable et respecté.
La notion de Giri est assez proche de celle de Gishi puisqu’elle renvoie
à l’idée de « devoir ». Il ne s’agit plus là d’une attitude de l’âme mais d’un
comportement et de ses déclinaisons dans le champ social et familial. Giri
c’est le devoir de loyauté envers son seigneur, sa famille ou à ses
engagements. Giri est le lien d’honneur, ce qui doit être fait, en respect de
ce qui structure le groupe. Gishi crée le respect parce qu’on « est »
respectable. Giri crée le respect parce que l’on « pratique » le respect de la
parole donnée, de la hiérarchie, des ascendants.
Nin recouvre enfin la notion de « bienveillance ». C’est la déclinaison,
dans le rapport à l’autre, de Gishi et de Giri. La notion de bienveillance
dans le bushidô est très importante et plus large que l’idée occidentale que
nous en avons habituellement. La puissance du samouraï peut détruire. Il se
doit donc de la maîtriser et de l’utiliser de façon juste ; c’est pourquoi Nin
prend sa place. Le samouraï « juste et droit » n’abuse pas de sa puissance et
se montre bienveillant à l’égard du faible ou de toute autre forme de vie
« respectable ». La pitié n’y entre pour rien. Il s’agit de justesse, de gratuité,
de noblesse de l’intention. C’est aussi la raison pour laquelle le samouraï se
devait de connaître la poésie, la calligraphie, la musique et la philosophie,
arts sans lesquels il serait incapable d’élever la force brute et la puissance
au-delà de ce qu’elles sont. En les pratiquant, il cultive son intelligence de
l’instant, travaille à réagir de façon juste, protectrice et bienveillante certes,
mais exigeante et sans faiblesse, face à n’importe quelle situation.
Ces trois notions issues du bushidô s’appliquent totalement à la pratique
du shiatsu et à sa philosophie, à l’attitude du praticien et à son devoir de
respect du patient. Pour les maîtres japonais, il n’y a pas d’ambiguïté sur la
question, et même d’ailleurs pas de question du tout.
Cette évidence transparaît dans les propos ou les écrits de tous les
maîtres. Shizuto Masunaga disait souvent que « c’est le travail du praticien
d’être sincère en partageant sa connaissance avec ses patients. Il ne doit pas
critiquer la faiblesse de son patient mais, au contraire, compatir à sa
douleur ». Mais bien avant lui déjà, au XIXe siècle, Shinsai Ota écrivait dans
Ampuku Zuku (1827), à propos du shiatsu ampuku (shiatsu du ventre),
« qu’un shiatsu honnête, sincère, simple, est bien meilleur que la seule
technique shiatsu orientée professionnelle ».
Choisir de devenir praticien requiert de l’exigence, et bien pratiquer est
un devoir. Recevoir des patients qui souffrent impose une présence juste,
une « rectitude », une loyauté et une bienveillance sans faille. Toutes ces
conditions peuvent sembler subtiles, mais elles sont profondément
nécessaires et garantissent une pratique véritable du shiatsu, et ce, d’autant
plus qu’elle court toujours le risque de se « dévitaliser », de perdre sa
« moelle » avec la prévalence des écoles qui ne transmettent plus que la
technique. L’âme du geste va bien au-delà de la simple pression. C’est elle
qui donne au toucher une qualité sans pareille et fait que tout patient la
ressentira. C’est non seulement elle qui fait la différence entre les
praticiens, mais c’est aussi elle qui placera le shiatsu de demain au centre
des approches du futur paradigme de la santé (voir le chap. XII).
1. M. Random, Les Arts martiaux ou l’Esprit des budô, Noisy-sur-École, Budô Éditions, 1977.
2. E. Herrigel, Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, Paris, Éditions Dervy, 1997.
3. Pour en savoir plus, voir M. Odoul, Shiatsu fondamental, Paris, Albin Michel, 2015, t. III.
CHAPITRE IV
La théorie
I. – La théorie physique
La théorie qui sous-tend le shiatsu est de deux ordres. Le premier est
purement physique et relativement simple, et sert de référence au courant
ostéo-articulaire (de style Namikoshi). Dans ce style, on considère que le
corps emmagasine des tensions qui, si elles perdurent ou si elles sont trop
importantes, non seulement causent de l’inconfort mais peuvent également
être à l’origine de dysfonctionnements organiques ou de tensions
émotionnelles. En libérant les points qui, dans le corps, sont porteurs de ces
tensions, on redonne du confort et on rétablit un équilibre de vie
momentanément perdu. Nous sommes là dans une logique explicative et
une théorie biomécanique assez similaires à celles de la chiropractie ou de
l’ostéopathie.
L’énergie,
qu’est-ce que c’est ?
Ki, l’énergie
Celui-ci est constitué de deux parties qui sont traditionnellement
« traduites » comme « la vapeur qui s’échappe du grain de riz cuit dont
l’enveloppe s’est ouverte ». Mais nous sommes là, selon moi, dans une
traduction de type « simplifiée ». Cet idéogramme symbolise « le souffle
qui émane du germe de vie caché dans le grain de riz ». C’est ce souffle qui
est l’essence même de la vie. Ses manifestations sont le Yin et le Yang, qui
forment et animent notre univers. L’énergie est l’essence même de la vie, en
ce sens qu’elle la « crée », l’ordonne, l’organise, la « nourrit », non
seulement lui donne une forme (par le Yin) mais également l’« informe » et
la féconde (par le Yang).
En clair : l’énergie, que l’on appelle Ki au Japon ou Chi en Chine, est
constitutive des deux champs vibratoires fondamentaux que sont le Yin et le
Yang. Toutes leurs « déclinaisons » en découlent, comme le corpusculaire et
l’ondulatoire (selon les principes de la physique quantique), la matière et
l’esprit, la substance et l’essence, le dense et le subtil, l’espace et le temps,
la terre et le ciel, etc. Cependant, déjà par la tentation de nommer, nous
sommes loin de tout ce qu’inclut la notion de Ki. L’idée principale à retenir
pour notre propos, c’est la place centrale que tient le Ki dans de nombreuses
techniques orientales, comme les arts martiaux ou le shiatsu. Étant dans le
corps et les organes, le Ki est dans l’esprit et le psychisme. Sous quelque
plan qu’on le considère, le déterminant premier sera toujours le subtil,
l’esprit. Les pratiques martiales l’illustrent bien. La puissance du coup porté
dépend de l’esprit de celui qui le porte et non de sa masse musculaire,
même si l’entraînement physique compte.
Selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise, le Ki circule
dans des fleuves appelés « méridiens » et anime ces deux dimensions du
vivant que sont le corps (Yin) et l’esprit (Yang). C’est par lui et à travers lui
que chaque pensée, idée ou volonté, se traduit dans le geste, consciemment
ou non. L’ébéniste ne pense pas son geste. Il ne le réfléchit pas. Il le fait. Le
samouraï n’a pas d’yeux dans son dos : il sait et sent la menace. C’est leur
connexion au Ki qui permet à tous ces êtres hors norme de réussir ou de
réaliser leurs prouesses. Bien entendu, le travail et la répétition des gestes
sans cesse renouvelés y participent, mais ils n’expliquent pas tout, sauf à
dire que ce sont l’os, l’articulation ou le muscle qui se souviennent.
C’est là que se situe la clé : le Ki est de facto un vecteur d’information.
C’est cette dimension qui permet de comprendre comment fonctionnent les
médecines énergétiques, et en particulier l’acupuncture et le shiatsu, ou
encore pourquoi, par exemple, de hautes dilutions homéopathiques soignent
alors qu’elles ne comportent plus aucune des molécules originelles de la
plante.
Veut-on une analogie ? À l’instar des flux électromagnétiques qui
irriguent un ordinateur, tant dans la gestion du travail en cours que dans
celui des périphériques qui affichent (écran) ou impriment (imprimante), le
Ki vectorise de l’information du « vivant ». C’est le souffle qui, par cette
information, crée la vie, l’organise, la dynamise.
Sur cette base se construit le paradigme qui utilise le Ki pour combattre
ou pour soigner. Si le Ki joue ce rôle, toute tension, tout déséquilibre, toute
pathologie ou tout trouble psychique signale en fait un dysfonctionnement
dans la transmission de l’information. Il ne joue plus correctement son rôle
« informant » à l’égard de telle ou telle fonction organique ou psychique. Il
y a sans doute un « bug informationnel ». En conséquence, rétablir le flux
du Ki, c’est rétablir d’office le flux informationnel et, par effet induit,
rééquilibrer la fonction organique ou psychique. Et c’est cela, la
préoccupation du shiatsu.
Or, qui dit « information », dit obligatoirement « conscience » ! En
réveillant la conscience « corporelle » du patient au moyen de pressions
exercées sur son corps, en réveillant sa conscience psychique grâce au sens
donné à ce qui lui arrive, le praticien recrée l’unité informationnelle, cette
base indispensable à tout équilibre vital. L’analogie informatique peut de
nouveau nous être utile. S’il y a un bug dans le programme, le calcul se fait
mal, ce qui sort de l’imprimante ou ce qui s’affiche à l’écran n’est pas
« bon ». Le bug informationnel peut être dû au système d’exploitation, à la
mémoire centrale de l’ordinateur ou au logiciel. En clair, si le psychisme de
l’individu est perturbé, son Ki informera « mal » le corps et les organes, et
l’individu tombera malade. Et, de même, si le câble de l’imprimante est
endommagé ou si l’écran dysfonctionne faute d’entretien, les données à
imprimer ou à afficher que les logiciels vont envoyer seront mal restituées.
Bref, si le corps de l’individu est malmené ou mal entretenu, le Ki circulera
mal et informera mal les organes.
Cette analogie nous permet de saisir pourquoi ce concept d’énergie
occupe une place si centrale dans les thérapeutiques orientales, et en
particulier dans le shiatsu. Le praticien de haut niveau le sait, et il comprend
la nécessité de l’intégrer dans son travail. Ce n’est rien d’autre que ce
principe qu’il faut comprendre dans la notion d’« intention », bien connue
dans le monde de l’énergie et souvent si mal comprise. Cette « intention »
n’est pas l’intention « qui veut faire du bien », c’est l’intention « qui
cherche à organiser ce qu’elle projette pour cibler au mieux l’effet du geste
qui la porte ». C’est elle qui va déterminer la qualité du geste et le champ où
il va produire un effet. Plus cette intention est non seulement « juste », mais
également précise et « claire » (connaissances anatomiques, énergétiques,
psychologiques, etc.), plus le geste du praticien sera lui-même précis et
efficace.
CHAPITRE VI
Le shiatsu aujourd’hui
I. – Le courant ostéo-articulaire
Le courant ostéo-articulaire se réfère à la théorie « physique » et
s’inscrit dans une logique de type ostéopathique ou kinésithérapeutique. Il
s’inscrit uniquement dans la dimension physique, tant au moment du
repérage des tensions qu’au moment où les pressions sont exercées.
L’action de pression sur les zones corporelles touchées, considérées comme
porteuses d’inconfort, voire davantage, parce que tensionnelles, est destinée
à les détendre. C’est le courant dit « Namikoshi », du nom de son fondateur,
Tokujiro Namikoshi (1905-2000), et de la dynastie de ses fils, Toru, et petit-
fils, Yuri. Représenté dans de nombreux pays du monde, il est dominant au
Japon. Les protocoles de cette véritable ostéopathie orientale se veulent
uniques et sont enseignés à partir des fondamentaux de l’école originelle de
Tokyo. Le traitement porte sur le corps physique, c’est-à-dire la dimension
« matérielle » de l’individu. De ce fait, l’action est simple et autorise
l’établissement de protocoles « mécaniques » et systématiques.
Cartographie Namikoshi
II. – Le courant énergétique
Le courant « énergétique » est plus « divers ». Connu en Occident
notamment à travers les écrits de Shizuto Masunaga, ce style revendique
totalement sa filiation à la médecine traditionnelle chinoise et la théorie des
méridiens, d’où il découle en droite ligne. Masunaga a d’ailleurs qualifié
son style de « shiatsu des méridiens ». Ce paradigme énergétique a vu naître
différents courants, construits autour des méthodes propres à différents
maîtres, praticiens et enseignants. Quel que soit le style « énergétique », ce
sont les flux énergétiques animant le corps qui sont au cœur de ce travail.
Toute tension physique ou psychique, toute pathologie, est le signe
d’obstacles empêchant la libre circulation des flux vitaux des méridiens. Le
praticien devra identifier ces signes et ces obstacles et établira des choix
d’action sur certains d’entre eux ou sur des points particuliers afin de
restaurer ces flux.
Le courant énergétique fait référence au subtil et au vibratoire. Il n’est
donc pas illogique que différentes écoles en découlent. La première est le
courant dit « Masunaga ». Ce style s’est élaboré au fil des recherches de
Shizuto Masunaga, ce qui l’a amené à élaborer sa propre cartographie de
méridiens.
Cartographie Masunaga
La technique
I. – Le geste
Les gestes techniques de base peuvent être effectués avec les doigts ou
la main entière, parfois le coude ou le genou. Quel que soit ce geste, la main
qui le fait doit être détendue, souple. C’est là la condition pour que les
pressions exercées soient pénétrantes sans être dures.
Mains parallèles
Mains croisées
Mains décalées
Lorsqu’elles « saisissent », les mains sont détendues. Les doigts,
toujours souples, et la paume sont en contact avec la partie du corps saisie.
Les positions des doigts enfin sont destinées à exercer des pressions
plus spécifiques que celles des mains, en particulier sur des points appelés
tsubos ou sur des points d’acupuncture. Ces positions sont de quatre ordres
et se font principalement avec les pouces, les index et l’extrémité des
phalanges. Les pouces peuvent être placés côte à côte, espacés de quelques
centimètres (deux largeurs de pouce) ou alors un seul pouce est placé en
regard d’une main à plat (voir ci-après).
Pression des deux pouces
Pression pouce et paume
Les pouces peuvent également être utilisés avec l’index replié, laissant
entre les deux points d’appui (pouce et index), un espace de deux largeurs
de pouce. La pression est généralement répartie de façon égale entre le
pouce et l’index. Cependant, l’index peut également être utilisé pour
exercer la pression principale, comme c’est le cas dans les techniques
Masunaga de travail sur le trajet d’un méridien.
Pression pouce et index
Le pouce peut enfin exercer une pression associée aux quatre autres
phalanges repliées, la main étant écartée d’une largeur de main. Ce type de
pression s’utilise principalement dans les techniques abdominales (voir ci-
après).
Pression pouce et phalanges repliées
D’autres gestes peuvent enfin être utilisés, comme ceux qui utilisent les
poings, les coudes ou des torsions. Ils sont donc plus puissants, plus
intrusifs et, pour ne pas être désagréables, demandent un toucher de
professionnel. Ce sont toujours des gestes qui doivent être réalisés
progressivement et selon la respiration du patient et du praticien. Leur
action est principalement ostéo-articulaire. Ils détendent la zone, étirent les
muscles ou le membre travaillés et peuvent être une excellente préparation
au travail énergétique spécifique (voir ci-contre).
Pression du poing
Pression du coude
Rotation du bras
Étirement dorsal
Cette particularité est très importante, car le but des pressions n’est pas
de forcer la tension du point traité mais de la révéler et de la faire
disparaître par le relâchement qui s’ensuit.
Détente épaules
I. – Le cadre du confort
Dans le cadre et le respect de la législation française, le recours au
shiatsu ne doit donc se faire que dans le domaine du confort, du bien-être,
de la détente. Et nombre de praticiens n’exercent que dans ce cadre, la
plupart du temps avec la compétence requise. Par conséquent, lorsque l’on
est fatigué, stressé, tendu, on peut faire appel au shiatsu et on en retirera un
bénéfice certain. Deux à trois séances maximum seront nécessaires et une à
deux séances annuelles d’entretien peuvent être conseillées.
Étant donné ce cadre de confort et la formation généralement moins
poussée des praticiens, des proscriptions formelles s’imposent. Elles
doivent nécessairement faire partie des premières questions que tout
praticien de confort qui se respecte posera à son client. Ces proscriptions
concernent les usagers atteints de :
phlébite ;
calculs rénaux ;
fièvre importante ;
anévrismes aortiques ;
cancers déclarés ;
psychopathologies graves (troubles bipolaires, schizophrénies, troubles
psychotiques, épileptiques, etc.).
Le shiatsu est également déconseillé :
pendant la grossesse ;
aux enfants de moins de 7 ans ;
aux personnes ayant subi des opérations ou des blessures récentes.
Les raisons de ces interdits sont multiples et tiennent à la fois au risque
lié à la pratique même, qui consiste à détendre l’organisme (au risque de
libérer un caillot de sang ou un calcul, par exemple), qui fait circuler des
fluides (au risque de faire migrer des cellules cancéreuses par le sang ou la
lymphe), qui dynamise les énergies (pouvant déclencher des crises ou des
décompensations chez les personnes sensibles et « limite ») ou qui exerce
des pressions réelles devant être particulièrement maîtrisées (rupture
d’anévrisme, blessure des structures fragiles comme chez les enfants ou les
personnes fortement atteintes d’ostéoporose).
I. – La situation en Europe
L’enquête que nous avons menée en Europe et au Japon fait ressortir
quatre catégories de pays où la situation du shiatsu diffère.
1. En Allemagne et en Suisse. – Ces deux pays sont, à l’échelle
européenne, les deux seuls à conférer un statut officiel à certaines approches
alternatives, dont le shiatsu. En Allemagne, c’est par le biais du statut de
Heilpraktiker (« praticien de soins, de santé »), unique en Europe, voire au
monde, que l’on peut officiellement exercer, entre autres, le shiatsu. Ce
statut est particulièrement clair et professionnalisant. Le diplôme officiel
correspondant est délivré par le ministère de la Santé et sanctionne une
formation reposant sur un tronc commun exigeant, principalement clinique.
Il donne un statut « médical », dont les implications sont nombreuses. Il
offre non seulement des avantages fiscaux (exonération de TVA), mais il
permet d’exercer dans une perspective thérapeutique. Le praticien peut
donc procéder à un diagnostic, prescrire des préparations non allopathiques
et traiter. Il peut le faire en utilisant les techniques qui sont les siennes et qui
sont annoncées comme étant sa spécialité. Il peut revendiquer officiellement
jusqu’à trois spécialités (par exemple Heilpraktiker spécialisé en
phytothérapie, réflexologie et shiatsu) et traiter, sans prescription médicale,
de nombreux symptômes, dans la limite de certains interdits (liés aux
pathologies graves ou dangereuses). Ce statut, en définissant ce qui est légal
et ce qui est illégal, clarifie totalement le paysage de la santé en Allemagne.
En ce qui concerne la Suisse, le statut des médecines douces a
également beaucoup évolué ces dernières années. À la suite de la
« votation » (référendum) du 17 mai 2009, les Suisses ont décidé, à plus de
60 % des votants, d’intégrer les médecines douces (dans un premier temps
cinq d’entre elles) dans leur Constitution et leur système de santé officiel.
Depuis 2012, elles sont prises en charge par l’assurance maladie. À l’avenir,
d’autres approches actuellement en phase d’évaluation et de validation
(dont le shiatsu) le seront également. L’évolution de ce statut est majeure,
car elle a déjà conduit les cinq premières médecines douces intégrées à un
« principe de confiance » qui révolutionne leur position. En effet, ce
principe de confiance place ces médecines douces au même niveau que la
médecine officielle. Cette situation a pour conséquence légale d’« inverser
la charge de la preuve » à l’égard de l’efficience de ces approches
alternatives. C’est maintenant à ceux qui les contestent d’apporter la
démonstration de leur inefficacité… Ce n’est plus à elles de devoir prouver
qu’elles sont efficaces.
2. Au Royaume-Uni. – Dans les pays anglo-saxons, la reconnaissance
dépend d’instances nationales. Les approches alternatives, dont le shiatsu,
peuvent y être pratiquées sans contrôle particulier. Seule contrainte légale :
« ne pas nuire à l’intégrité de la personne ». Pour accéder à une éventuelle
reconnaissance, les instances nationales demandent aux professionnels de
s’organiser. Une organisation professionnelle capable d’être un
interlocuteur unique et responsable permettra d’entamer des négociations. À
charge pour cette organisation de définir des critères clairs et précis
concernant l’action et l’efficacité de la méthode et de professionnaliser
l’existant. Toutes ces approches peuvent remercier le prince Charles qui est
un ardent défenseur des médecines douces…
3. En Autriche et bientôt en France. – En Autriche, la reconnaissance
se fait dans le cadre du champ économique. C’est le ministère de
l’Économie et du Travail qui a donné un statut aux praticiens en shiatsu,
régulant ainsi une situation et une réalité économique que l’on a accepté de
voir en face. En effet, il a été décidé d’accorder un statut officiel à la
profession dans la mesure où de très nombreuses personnes avaient recours
au shiatsu et où de nombreux praticiens intervenaient déjà en milieu
clinique ou hospitalier (notamment psychiatrique). Cette mesure a été prise
au niveau national.
Depuis 2015, la situation évolue en France. À travers l’attribution d’un
numéro de certification au Registre national de certification professionnelle
(RNCP), c’est, comme en Autriche, l’aspect « métier » et le champ
économique qui sont reconnus. Cette certification, limitée au cadre du
« bien-être », est une validation du respect « formel » des normes et des
conditions d’accès à la formation de praticien. C’est déjà un premier et
grand pas, même si elle ne certifie en rien que le contenu et la formation
délivrée soient pertinents et de qualité. Il reste beaucoup à faire avant que le
statut n’évolue vers une reconnaissance de ce qu’est vraiment le shiatsu, à
savoir une pratique d’hygiène et de santé.
4. En Espagne et en Italie. – Dans ces deux pays la mise en œuvre de
la « reconnaissance » est le fait, non pas d’instances nationales (Grande-
Bretagne, Irlande) ou économiques (Autriche), mais d’instances régionales,
dans le champ de compétence de la santé. En Espagne par exemple, la
région de Catalogne a voté une loi réglementant la pratique du shiatsu,
incitant en cela le gouvernement à se préoccuper de la question. En Italie,
plusieurs régions, dont la Lombardie, ont présenté des propositions de lois
visant à conférer un statut aux approches alternatives et en particulier au
shiatsu. Pour l’instant, et contrairement à ce qui s’est passé en Espagne,
aucune n’a abouti, notamment parce que certains dossiers ont été considérés
comme insuffisants ou pas assez professionnels.
Comment se former ?
I. – La formation technique
En raison même de la nature technique du shiatsu, le praticien doit
suivre des modules de formation techniques, pratiques, afin de s’approprier
le bon geste. Complet, ce geste s’exerce sur des zones qui peuvent être
sensibles, la qualité de l’apprentissage est primordiale. Le praticien doit
adopter les bonnes postures, apprendre à synchroniser son geste et sa
respiration, à travailler au sol et à s’y déplacer avec aisance. Il doit ensuite
se familiariser avec les protocoles techniques, les enchaînements qui
conviennent, etc. Il faut du temps pour maîtriser le geste shiatsu. Il l’est si le
praticien dépasse l’acte en lui-même et y investit une présence qui fera
toute la différence. Cela aussi s’apprend. La concentration et la présence à
ce que l’on fait ne sont ni un don ni un talent mais un acquis qui résulte de
la motivation du pratiquant.
V. – La formation à la psychologie
Le dernier champ théorique qui devrait obligatoirement être défriché au
cours de la formation du praticien en shiatsu est celui de la psychologie. Il
n’est ni judicieux ni pertinent aujourd’hui de vouloir recevoir en
consultation un patient sans prendre en considération sa dimension
émotionnelle et psychique. La plupart du temps, il consulte parce que son
mode de vie le soumet au stress, à l’origine de tensions ou de pathologies
fonctionnelles. Un praticien qui a une bonne connaissance des arcanes de la
psychologie se dote d’un atout majeur. Cette évidence est partagée de par le
monde, au point qu’au Japon les écoles du courant ostéo-articulaire elles-
mêmes, qui enseignent un shiatsu purement physique, comme le Japan
Shiatsu College fondé par Tokujiro Namikoshi, ont intégré dans leurs
cursus des modules de psychologie. En France, par exemple, ce sont même
de grandes écoles d’ostéopathie, agréées par l’État, qui me demandent
d’intervenir dans le cadre de leur cursus afin de former leurs praticiens et
élèves. Pour tenter de comprendre l’être humain, on ne peut se cantonner à
la seule compréhension de ses systèmes et fonctions biologiques. On
n’observe pas le vivant d’un point de vue purement mécaniste, comme on le
ferait d’organes « morts ». Ce qui est en jeu n’est rien de moins que les
interactions et les intrications du corps et de l’esprit.
VII. – Synthèse
Au vu de tout ce qui précède, il s’avère qu’un cursus de formation en
shiatsu doit représenter un minimum de 500 heures de face-à-face
pédagogique pur et de 500 à 1 000 heures de pratique personnelle,
l’ensemble étant validé par un véritable examen en fin de formation. Ce
sont là en tout cas les minima que j’ai instaurés dans mon institut de
formation, après avoir mené des enquêtes dans plus de vingt pays.
Pour faire la synthèse de ce qui précède en mettant au jour les bases
essentielles sur quoi fonder la bonne formation d’un praticien professionnel
en shiatsu, on dira que le futur praticien doit :
connaître les gestes techniques du shiatsu et les éventuels protocoles
propres au style qu’on lui enseigne ; il ne peut pas quitter la formation
sans connaître les trajets et les points d’action, énergétiques ou non ;
être formé à la théorie fondamentale du shiatsu, en particulier s’il
s’inscrit dans la lignée de la médecine traditionnelle chinoise ;
connaître, en théorie et en pratique, l’anatomie, la physiopathologie, et
même acquérir quelques notions de neurologie et d’endocrinologie ;
avoir appris à repérer des méridiens et des points d’acupuncture, et à
percevoir des flux énergétiques ;
s’être initié au shiatsu viscéral (ampuku) ;
connaître la diététique énergétique et les bons comportements
alimentaires ;
avoir suivi des formations au do in, do in an kyo et à la préparation du
praticien ;
avoir suivi des formations théoriques aux fondamentaux de la
psychologie, voire à la compréhension des liens entre corps et esprit ;
savoir dans quelles conditions s’installer et quels « bons
comportements » adopter ;
avoir été supervisé régulièrement par des praticiens ;
être formé aux gestes de « premiers secours » auprès de la Croix-Rouge
ou des sapeurs pompiers (certificat FPS).
Bien évidemment les formations pour la pratique du shiatsu de confort
seront moins exigeantes, tout en restant rigoureuses et adaptées. En
quelques points de synthèse, on peut dire que ce praticien aura suivi des
formations :
à la pratique technique des gestes shiatsu de base et des éventuels
protocoles propres à la détente (ces formations supposent une
connaissance précise des lignes de travail et des points d’action,
énergétiques ou non) ;
à la théorie fondamentale du shiatsu, en particulier pour ce qui concerne
la médecine traditionnelle chinoise ;
au travail sur chaise (anma) ;
aux gestes de « premiers secours » auprès de la Croix-Rouge ou des
sapeurs pompiers (certificat FPS).
Il doit également, au cours de sa formation, être supervisé régulièrement
par des praticiens et connaître aussi les « bons comportements » à adopter
en tant que futur praticien.
Le shiatsu demain
Andrews S., Dempsey B., Odoul M., Shiatsu et réflexologie pour les nuls,
First, 2009.
Endo R., Tao pour le shiatsu, trad. A. Leibovici, Éditions Guy Trédaniel,
1999.
Goodman S., Shiatsu. Le manuel du praticien, trad. A. Leibovici, Éditions
Guy Trédaniel, 2004 (2e éd.).
Lundberg P., Le Livre du shiatsu, trad. F. Collet, Le Courrier du Livre,
1995.
Masunaga S., Zen shiatsu, trad. M. Jacquard, Éditions Guy Trédaniel, 1985.
–, Shiatsu et médecine orientale, trad. Y. Hanamura et J. Renaud, Le
Courrier du Livre, 2010.
–, Zen. Exercices visualisés, trad. M. Tordjman et I. Pellé, Éditions Guy
Trédaniel, 2005.
Namikoshi Tokujiro, Shiatsu, trad. A. Leibovici, Le Courrier du Livre,
2001.
Namikoshi Toru, Théorie et pratique du shiatsu, Éditions Guy Le Prat,
1980.
–, Shiatsu + streching, trad. D. Dussaussoy, Le Courrier du Livre, 1999.
–, Le Livre complet de la thérapie shiatsu, trad. A. Leibovici, Éditions Guy
Trédaniel, 1997.
Odoul M., Shiatsu fondamental. La technique. La théorie. La philosophie,
Albin Michel, 2014-2015, 3 vol.
–, L’Harmonie des énergies. Guide de la pratique taoïste et des fondements
du shiatsu, Albin Michel, 2004 ; rééd. J’ai Lu, 2015.
–, Shiatsu et réflexologie pour les Nuls, éditions First, 2009.
Ohashi W., Le Livre du shiatsu, trad. G. Boulad, Montréal, L’Étincelle,
1977.
Yamamoto S., Le Shiatsu aux pieds nus, trad. J. Vérillon-Hodges, Éditions
Guy Trédaniel, 1981.
Yamamoto S., McCarty P., Shiatsu, santé et vitalité pour tous, trad.
A. Leibovici, Éditions Guy Trédaniel, 1996.
ADRESSES UTILES
EN FRANCE
1
AU JAPON
I. – Le shintô
II. – Le bushidô
CHAPITRE IV - La théorie
I. – La théorie physique
I. – Le courant ostéo-articulaire
I. – Le cadre du confort
I. – La situation en Europe
I. – La formation technique
V. – La formation à la psychologie
VII. – Synthèse
LEXIQUE
BIBLIOGRAPHIE
ADRESSES UTILES
www.quesais-je.com