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Que sais-je ?

COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT

Pierre Feuga, Tara Michaël, Le yoga, no 643.


Jean-Jacques Tschudin, Daniel Struve, La littérature japonaise, no 710.
Michel Vié, Histoire du Japon, no 1328.
Jean-Luc Toula-Breysse, Le zen, no 3786.
Marianne Plouvier, Bruno Gérentes, Le tai chi chuan, no 3943.
ISBN 978-2-13-079034-1
ISSN 0768-0066

Dépôt légal – 1re édition : 2017, janvier

© Presses Universitaires de France, 2017


6, avenue Reille, 75014 Paris

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


« Le shiatsu est une forme de manipulation qui utilise les pouces et les
paumes des mains, sans aucun instrument mécanique ou autre, pour
corriger, en appliquant une pression sur la peau, le mauvais
fonctionnement interne, favoriser et maintenir la santé et traiter les
maladies spécifiques. »
Définition du shiatsu par le ministère
de la Santé du Japon (1955)

« Le diagnostic en shiatsu s’appelle le setsu shin. Par cette forme de


diagnostic, nous ne recherchons pas une maladie particulière mais
nous essayons plutôt de comprendre le patient autant
psychologiquement que physiquement. »
Shizuto MASUNAGA
Introduction

Dans le paysage français des médecines douces, le shiatsu est une


technique un peu à part. Son seul nom évoque un certain exotisme, associé
la plupart du temps à quelques moments de détente vécus dans un spa ou
lors d’un voyage en Orient. Mais bien peu d’entre nous connaissent
vraiment cet art du soin venu du pays du Soleil-Levant. Il s’agit pourtant de
la deuxième médecine officielle du Japon, un pays « moderne » de
130 millions d’habitants !
Le shiatsu est également l’une des huit médecines dites « non
conventionnelles » ayant été jugées dignes d’intérêt lors des travaux d’une
résolution du Parlement européen, le 16 mars 1997 (rapport Lannoye
& Collins). Il apparaît enfin dans une étude de l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) menée de 2002 à 2005, selon laquelle la place et le recours
à ces médecines sont essentiels, au-delà de leur caractère ancestral et
traditionnel, et sont une composante majeure des soins dans le monde. Cette
étude a été suivie d’un nouveau rapport sur la « Stratégie de l’OMS pour la
médecine traditionnelle pour 2014-2023 » qui pose le principe d’une
validation devenue indispensable des tradi-médecines (plantes, médecines
énergétiques, techniques corporelles, etc.), que ce soit en termes d’efficacité
démontrable ou en termes économiques.
C’est ce qui conduit d’ailleurs le docteur Margaret Chan, directrice
générale de l’OMS, à écrire dans le préambule de ce rapport :
La MT/MC [médecine traditionnelle / médecine complémentaire]
constitue un pan important et souvent sous-estimé des soins de
santé. Elle existe dans quasiment tous les pays du monde, et la
demande de services dans ce domaine est en progression. La MT,
dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont avérées, participe à la
réalisation de l’objectif d’accès aux soins universel […]. Les pays
sont de plus en plus nombreux à accepter progressivement la
contribution que la MT/MC peut apporter à la santé et au bien-être
des individus, ainsi qu’à la complétude de leur système de santé.
Les pouvoirs publics et les consommateurs ne s’intéressent pas
uniquement aux médicaments à base de plantes : ils commencent à
se pencher sur certains aspects des pratiques de MT/MC et à
s’intéresser à certains praticiens et se demander s’ils ne devraient
pas être intégrés à l’offre de services de santé.

Ces propos sont clairs, précis, et démontrent l’indéniable intérêt de ce


que l’on qualifie en Europe de médecines non conventionnelles, dont le
shiatsu fait partie. Mais alors en quoi consiste cette « médecine » ? À quoi
correspond-elle ? Quelles sont ses références ? Quelle rationalité est la
sienne ? Que peut-on traiter et quels résultats obtient-on grâce à elle ? Vers
qui peut-on se tourner pour bénéficier d’une bonne pratique ou pour se
former à cette approche ? Autant de questions que cet ouvrage va tenter
d’élucider.
Il est d’autant plus important et nécessaire d’y répondre que de plus en
plus de personnes, en France et partout dans le monde, se tournent vers les
médecines douces, soit pour des raisons de « confort », soit parce qu’elles
sont à la recherche de soins véritables. Or, dans ce domaine, on peut
rencontrer le meilleur comme le pire, le plus sérieux comme le plus
folklorique, le plus rationnel comme le plus exotique.
Dans la plupart des sociétés occidentales, les comptes sociaux et les
différentes caisses prenant en charge tout ou partie des frais de santé, ou
plus exactement des « frais de maladie », accusent de sévères déficits.
Recourir plus systématiquement aux techniques de soins alternatives et
complémentaires pourrait en partie contribuer à rétablir l’équilibre de ces
comptes sociaux.
Dans ce cadre, le shiatsu est une technique particulièrement intéressante
parce qu’elle est fonctionnelle, rigoureuse et adossée à une tradition et à une
rationalité qui puisent leurs racines dans des siècles de pratique et dont les
résultats se mesurent à l’aune du temps et des centaines de millions de
patients qu’il a permis de traiter avec succès.
CHAPITRE PREMIER

Qu’est-ce que le shiatsu ?

Le shiatsu ( 指 圧 ) est une technique manuelle japonaise qui se donne


pour but de rétablir la libre circulation de flux vitaux dans le corps.
L’étymologie est particulièrement claire et explicite : en japonais, shi veut
dire « doigt » et atsu « pression » ou « appui ». Le shiatsu est donc une
technique qui consiste à utiliser les doigts pour exercer des pressions sur le
corps. À l’instar de toutes les pratiques traditionnelles de massage, il
s’inscrit dans une histoire pluriséculaire, particulièrement importante en
Orient.
L’idée fondamentale qui sous-tend les techniques du shiatsu, c’est que
le corps humain emmagasine des tensions qui, si elles ne sont pas évacuées,
vont a minima causer de l’inconfort, voire devenir pathogènes ou
accidentogènes. De ce fait, toucher le corps, pétrir les zones tendues, masser
et relaxer les articulations douloureuses sont autant de gestes qui, en Orient,
paraissent aller de soi pour tout un chacun, tant sur le plan physique que sur
le plan mental (émotionnel ou psychique). À ce titre, Tokujiro Namikoshi,
l’une des figures de référence du shiatsu au Japon, déclarait, en parlant des
effets :

Le shiatsu donnera une vitalité nouvelle à l’employé de bureau et


stimulera en lui l’esprit d’entreprise […]. Il permettra à l’enseignant
de transformer des cancres en élèves très doués et à l’épouse d’avoir
un mari heureux et en bonne santé.

Nous voyons bien là, au-delà du caractère un peu suranné du propos,


combien dans l’esprit des maîtres contemporains du shiatsu la pratique ne
se contente pas d’agir sur la seule tension physique. Manifestement, ses
effets dépassent la dimension corporelle, même pour les tenants du shiatsu
purement physique. Ils ne sont pas moins indéniables aux niveaux
psychologique et comportemental.
Dans la pratique, les zones tensionnelles et les points précis qui leur
correspondent ont été répertoriés, codifiés et sont présentés sous forme de
planches du corps humain. Selon le style de shiatsu pratiqué, ces
cartographies représentent soit des lignes de points situés sur les bras, les
jambes, le buste et le dos (style « ostéo-articulaire », tel le courant dit
« Namikoshi »), soit des trajets de méridiens énergétiques (style
« énergétique », tel le courant dit « Masunaga »).
Dans le courant ostéo-articulaire, ces points sont appelés tsubos et
peuvent présenter des caractéristiques particulières de « plein » (jitsu en
japonais) ou de « vide » (kyo). Les pressions exercées sur ces points doivent
permettre à la personne de retrouver un état d’équilibre se traduisant par un
état de détente, un retour à l’homéostasie, sensation de bien-être qui peut
aboutir à la disparition d’un symptôme.
Dans le courant énergétique, les lignes sur lesquelles travaille le
praticien (shiatsuki) correspondent à des trajets de méridiens établis par la
médecine traditionnelle chinoise et connus en acupuncture. Les points
spécifiques qui sont utilisés dans ce cas, en complément ou non du travail
portant sur les méridiens précités, correspondent à des points précis
d’acupuncture.
La particularité de la plupart des techniques de massage venues d’Orient
réside d’ailleurs dans ce paradigme « vibratoire » ou énergétique. En effet,
selon ces traditions, et en particulier selon la médecine traditionnelle
chinoise, la vie est la résultante de la libre circulation et de l’équilibre de
deux forces, inverses et complémentaires, différentes et synergiques,
connues sous le nom de Yin et de Yang.

Symbole du Tao

Selon les principes de cette philosophie, le Yin et le Yang sont en


synergie permanente, comme deux forces inverses, non antagonistes et
complémentaires, organisantes et structurantes du chaos originel. Elles ont
produit le ciel et la terre, le dense et le subtil et, au niveau humain, le corps
et l’esprit. Ils déterminent le vivant et tout notre univers, dont les équilibres
dépendent de leur bonne interaction et de leur bonne circulation. Il en va
ainsi pour tout le vivant et en particulier dans l’être humain. Le moindre
obstacle à la circulation de ces flux vitaux engendre une tension qui, si elle
dure ou augmente, finit par produire un déséquilibre profond dans le corps
ou dans l’esprit, terrain favorable au développement de la maladie ou à
l’adoption de comportements à risque.
Le shiatsu « énergétique » se réfère à cette conception et, dans cette
logique, considère qu’à toute zone de plénitude ou de tension correspond
nécessairement une zone de vide ou de faiblesse. Le travail consiste alors,
par des pressions successives sur des trajets ou des points précis et selon un
principe de « vases communicants », à recharger les zones « vides »
d’énergie tout en déchargeant les zones « pleines » ou en excès d’énergie.
Ainsi, le flux vital momentanément « bloqué » se trouve rétabli. L’équilibre
ainsi restauré permet d’obtenir l’état d’harmonie, de bien-être, de santé.
C’est ce qui conduira, dès lors, à la disparition des symptômes physiques ou
psychiques, ou ce qui évitera leur apparition.
Quel que soit le style pratiqué par le praticien, il est fondamental qu’il
sache bien repérer les déséquilibres chez le patient. De là découlera son
choix des lignes et des points à utiliser. Pour ce faire, un certain nombre
d’outils de repérage sont traditionnellement à sa disposition comme le
repérage par
l’observation du patient (le bo-shin) ;
le son, la voix (le bu-shin) ;
l’entretien, le questionnement (le mon-shin) ;
le toucher, la palpation, la prise des pouls énergétiques (le setsu-shin).
Nous voyons combien le shiatsu, à l’instar des approches thérapeutiques
orientales, se place d’abord et avant tout dans une logique « préventive »,
puisqu’il cherche à libérer « la tension en devenir », avant qu’elle ne prenne
un caractère « néfaste ». C’est en cela une approche « hygiéniste ». Mais
nous voyons également qu’il contribue à soigner un déséquilibre (maladie,
douleur, etc.) non pas en s’opposant à lui, mais en favorisant sa disparition
par la restauration de l’équilibre.
C’est pourquoi, au Japon, on a généralement recours au shiatsu, soit
comme à une pratique « hygiéniste » (pour entretenir son état de santé, par
confort personnel, en vue de préparer l’entrée dans l’hiver, ou encore au
printemps, pour démarrer l’année en forme, etc.), soit comme à une pratique
« thérapeutique », fréquemment utilisée en parallèle avec la médecine
classique, allopathique, phytothérapeutique ou post-traumatique. Dans ce
cas, les séances sont prescrites par le médecin traitant du patient, le shiatsu
étant une pratique réglementée au Japon. Les séances ont lieu dans des
« cliniques de shiatsu » ou en cabinet individuel. Nous verrons plus loin
quel est le statut du shiatsu en France et en Europe et quelles peuvent être
les conditions du recours à cette technique.
CHAPITRE II

Un peu d’histoire

Le shiatsu plonge très profondément ses racines dans l’histoire du pays


qui fut son creuset, le Japon. C’est ce qui a déterminé ses caractéristiques si
particulières en regard d’autres techniques corporelles orientales.
On ne peut pas comprendre l’histoire et la culture du Japon si l’on ne
tient pas compte du fait que le pays est une île et que les fondements de sa
culture sont « animistes » et « martiaux ». Comme n’importe quelle autre
puissance, le Japon a eu à défendre son intégrité face aux visées
expansionnistes de certains peuples voisins mais aussi, et peut-être surtout,
face à des éléments naturels, parfois imprévisibles et « irrationnels »
comme les tempêtes, les éruptions volcaniques ou les tremblements de
terre.
Cet état permanent de danger, qu’il soit « humain » (envahisseurs) ou
non humain (phénomènes naturels imprévisibles et inexpliqués) a conduit le
peuple japonais à développer une conscience de groupe extrêmement forte
et particulièrement structurée, organisée, ritualisée. C’est ainsi que le
bushidô a construit ses racines martiales, et le shintô ses racines spirituelles.
L’art de la guerre fut élaboré pour défendre le territoire, c’est-à-dire la
dimension terrestre et matérielle (Yin), alors que la pensée animiste fut
développée pour donner du sens à des phénomènes non explicables et ainsi
protéger, défendre la dimension subtile qui semble animer le vivant (Yang).
De fait, dans la pensée et la culture japonaises, la « matière » et le
« subtil » ne sont jamais dissociés et, dans chaque chose, chaque objet ou
chaque geste, l’esprit qui les anime est aussi important et digne
d’observation et de respect que l’objet, l’animal ou l’individu en lui-même.
Cette culture, nourrie en particulier par l’insularité, a fait que le Japon, qui
s’est beaucoup enrichi culturellement de ses voisins et notamment de la
Chine, a toujours transformé, épuré, sophistiqué toutes les influences qui le
pénétraient. Les maîtres mots de la culture japonaise sont d’ailleurs très
clairement « épure » et « sophistication ».
Le shiatsu ne fait pas exception. Il trouve ses origines historiques dans
la médecine traditionnelle japonaise : le kampô. À l’instar du terme
« shiatsu », le terme « kampô » est très signifiant. En japonais, kan vient de
Han, nom de la dynastie chinoise qui a régné en Chine de 206 avant J.-C.
jusqu’en 220 après J.-C. Par extension, il signifie « chinois », « qui vient de
Chine ». Pô veut dire « méthode ». La médecine traditionnelle japonaise fut
baptisée ainsi par opposition au ranpô, nom de la médecine occidentale,
venue au Japon par l’intermédiaire des marins hollandais, des ran
(Hollandais).
Le kampô procède donc très explicitement de la médecine traditionnelle
chinoise. Celle-ci fut introduite au Japon dès le VIe siècle par les marchands
coréens, qui commerçaient en effet beaucoup avec la Chine et étaient au
centre des échanges culturels et commerciaux entre les deux pays. Cette
médecine était très complète, car elle englobait l’ensemble des thérapies.
Naturellement, le kampô, qui s’en inspirait, comprenait également de
nombreuses approches thérapeutiques (plantes, ventouses, moxibustion,
diététique, massages, hydrothérapie, etc.). L’une des techniques de massage
appartenant au kampô, appelée anma (ou amma), fut à cette époque (du VIe
au XVe siècle), une véritable technique thérapeutique complète, comprenant
diagnostic et traitement.
Pendant toute une période de son histoire, le Japon, sous la férule de la
dynastie Tokugawa (1600 à 1860 environ), se ferma au monde et refusa
toute relation avec l’extérieur. La conséquence en fut que de nombreux
domaines de sa culture se figèrent. Le massage thérapeutique anma ne fit
pas exception. Coupé de ses racines, il se dévitalisa pour ne devenir
progressivement qu’une simple technique corporelle, et populaire. Elle fut
très fréquemment pratiquée par des aveugles, dont la qualité de toucher était
très appréciée et recherchée, au point même qu’à la fin du XIXe siècle le
terme « anma », désignant le massage, servait également à désigner les
aveugles. La réouverture du Japon vers l’extérieur, à partir de la fin de ce
e
XIX siècle, permit aux techniques occidentales de massage de faire une

entrée remarquée et d’autant plus privilégiée qu’elles étaient reconnues


comme « médicales ». Le anma perdit alors ses lettres de noblesse.
Il fallut attendre le début du XXe siècle pour que la tradition retrouve son
essence la plus noble et connaisse un regain d’intérêt dans de nombreux
domaines comme les arts martiaux et les techniques thérapeutiques. En
1930, le ministère de la Santé japonais recensa officiellement trois cents
techniques thérapeutiques différentes, dont le shiatsu.
Dès le début de son existence connue, vers le VIe siècle, le kampô, en
cohérence avec la culture où il a vu le jour, s’est révélé une médecine certes
complète, mais aussi épurée. Alors que les plantes et les références qui
étaient utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise se comptaient par
milliers, elles n’étaient « que » quelques centaines dans le kampô
(aujourd’hui seulement 380 plantes environ y sont officiellement
référencées). Tandis que le massage chinois fait appel à des techniques
multiples destinées à plusieurs effets (an mo, tui na, etc.), le shiatsu se
présente quant à lui comme une technique synthétique, globale et épurée.
Le plus ancien texte connu qui fasse référence au shiatsu est celui d’un
maître japonais, Shinsaï Ota, intitulé Zuku Ampuku et datant de 1827. Le
terme fut ensuite repris par Tenpeki Tamaï en 1920 dans Thérapie par
pression des doigts. Puis, dans les années 1930, Tokujirô Namikoshi,
fondateur du courant qui porte son nom, reprit le terme à son compte, si
bien que certains vont même, à tort, jusqu’à lui en attribuer la paternité.
Cela ne diminue en rien ses mérites : il fut l’un des précurseurs qui
contribuèrent au développement et à la reconnaissance du shiatsu au
e
XX siècle au Japon.
La réorganisation « officielle » de la médecine dans le Japon de l’après-
guerre eut de nombreuses conséquences pour les médecines traditionnelles.
Le kampô fut plus spécifiquement cantonné à la phytothérapie alors que les
techniques corporelles, et en particulier le shiatsu, devinrent autonomes et
obtinrent un statut et une reconnaissance propres. C’est ce qui conduisit le
ministère de la Santé japonais à officialiser le shiatsu comme « pratique
thérapeutique ». Il le définit en 1955 comme « une forme de manipulation
qui utilise les pouces et les paumes des mains, sans aucun instrument
mécanique ou autre, pour corriger, en appliquant une pression sur la peau, le
mauvais fonctionnement interne, favoriser et maintenir la santé et traiter les
maladies spécifiques. »
La définition est claire, et insiste sur le caractère hygiéniste, préventif,
mais également thérapeutique du shiatsu. Grâce à ce statut, il est
aujourd’hui pratiqué à travers tout le Japon et rencontre un écho toujours
aussi positif malgré les effets de la mondialisation qui nivellent les
différences culturelles et éloignent des traditions. Sa pratique y est
règlementée et fait partie des techniques de soin officiellement prises en
charge dans le cadre des assurances maladie, à condition que les séances
aient été prescrites par un médecin.
CHAPITRE III

Une philosophie

Ce qu’est le shiatsu est indissociable du creuset philosophique qui a été


et qui, pour une large part, est encore le sien aujourd’hui. Toute pensée, tout
système de connaissance et toute technique sont toujours imprégnés du
« parfum » de la culture philosophique, voire spirituelle, où ils sont nés et
qui les ont façonnés. Les paysages d’Europe de l’Ouest ne sont-ils pas
marqués par les cathédrales et les châteaux qui en disent long sur son
histoire ? L’inconscient collectif des Européens est imprégné de la pensée
judéo-chrétienne autant que de la pensée matérialiste. Le Japon, terre
d’origine du shiatsu, est quant à lui marqué par deux empreintes indélébiles,
deux piliers fondateurs que sont, comme on l’a vu, le shintô et le bushidô.

I. – Le shintô
Le shintô est une philosophie spirituelle de la vie. Il est d’ailleurs
souvent considéré comme une religion. Michel Random le qualifie de
« religion laïque 1 », ce qui semblerait plus exact, car il en va du shintô un
peu comme du bouddhisme : il est plus une philosophie qu’une religion à
proprement parler.
La pensée shintô est une pensée animiste, c’est-à-dire qu’elle place en
toute chose une essence subtile, spirituelle, une « âme ». Dans cette pensée,
tout élément qui existe dans notre univers, qu’il soit vivant (animaux,
humains, végétaux) ou non (montagne, rocher, chute d’eau, fleuve, etc.), est
« animé », porteur d’une âme propre pouvant s’élever jusqu’au « divin ».
On parle de kami, notion souvent rendue par le terme « dieu » mais qui
signifie plutôt « souffle » dans son acception philosophique.
Le souffle est présent partout et est l’essence même de toute forme de
vie belle, puissante, remarquable. Et c’est parce qu’elle émane de ce souffle
céleste qu’elle est vénérée. Un vieil arbre puissant aux formes harmonieuses
sera considéré comme « habité » par un kami. Un lieu important, d’où se
dégage quelque chose de particulier, de fort, sera sacré : on y accédera en
passant sous un tori, une porte servant à le délimiter et dont la couverture
du présent ouvrage donne un bel exemple.
Cette pensée animiste fait que tout Japonais, consciemment ou non,
considère naturellement que ce qui émane de toute chose et de tout être
vivant, de tout individu, est ce qui importe, bien avant la chose elle-même
ou l’individu lui-même. L’indéfinissable subtilité d’un art floral (ikebana),
d’une calligraphie (shodô) ou d’un cerisier en fleur (sakura) représente la
magnificence du souffle de vie et son indicible présence. La concentration,
la précision et l’épure des gestes d’un maître de cérémonie du thé (cha no
yu), d’arts martiaux ou de théâtre Nô sont l’expression de ce souffle et
signent leur présence à ce qu’ils sont et font. Elles font d’eux des « trésors
nationaux », des êtres respectés et vénérés comme tels.
Le geste shiatsu ne fait pas exception. Ce qui fait la force, la précision et
la pertinence de ce geste, c’est son âme, ce qui l’anime. C’est la présence de
celui qui le fait et le contenu de son intention. Dans l’art du tir à l’arc
(kyudô), la maxime traditionnelle « Un tir, une vie ! » résume ce principe
d’absolu censé habiter chaque geste, chaque action. Vaste philosophie,
n’est-ce pas ? Mais qui fonctionne, puisque les maîtres japonais, par
exemple, sont capables de tirer à l’arc, dans le noir ou sur un cheval au
galop, et d’atteindre, sans l’aide d’un viseur, le centre de la cible, qui, selon
leur enseignement, reste secondaire. Elle n’est qu’un « accident de
parcours » sur la trajectoire de la flèche. Le tir est juste parce qu’il a
respecté l’« âme du tir », parce que le tireur a visé l’horizon symbolique de
son intention de réaliser le tir parfait, dans le moment parfait et dans le
souffle parfait. Ce qui conduit alors le geste n’est plus la volonté mentale,
mais quelque chose d’autre qui a été poli par un entraînement incessant
ayant conduit à la non-intention. Le grand maître japonais de kyudô, Awa
Senseï, parlait en ces termes de son art :

Si vous voulez vivre dans l’accord du ciel et de la terre, accord qui


est la voie du tir, ne cherchez pas à atteindre le but. Ne recherchez
pas le plaisir du but, prenez le chemin de l’union entre l’âme et le
corps […]. Le kyûdô ou shadô est une épreuve de soi créée par la
relation qui existe entre la cible et le soi.

La portée philosophique est claire, et c’est parce qu’elle nourrit le geste


du tireur que ce geste devient la signature de son être. C’est précisément ce
qu’Awa Senseï répondit à l’un de ses élèves, le docteur Eugen Herrigel,
lorsqu’il lui déclara que son tir manquait d’efficacité parce qu’il n’était pas
spirituellement assez élevé 2.
Cet esprit, pour tous les maîtres japonais en shiatsu, doit nourrir le
geste, qu’il soit apaisant ou thérapeutique. Il exige de tout praticien du
meilleur niveau un placement, une posture et une attitude qui sont
obligatoirement empreints de spiritualité, de verticalité. Il n’est ici à aucun
moment question de religiosité : il est question de clarté d’âme, de
conscience et de respect de la vie et du vivant.
Dans cet esprit, tout praticien qui se respecte travaille sur lui et est
exigeant envers lui-même, en termes d’hygiène de vie comme de pensée. Il
ne commence jamais sa journée de consultation sans s’y être préparé. Il ne
la termine pas non plus sans en avoir fait le bilan et sans s’être « nettoyé »
(voir encadré, p. 54). Il doit être « droit » et solide s’il veut prétendre servir
de point d’appui momentané à un être dans une situation de fragilité, à
savoir son patient. Il a un véritable « devoir d’être » à son égard.

II. – Le bushidô
C’est ici qu’intervient le second pilier référentiel du Japon, le bushidô,
c’est-à-dire, très schématiquement, le « Code des samouraïs », un ensemble
de règles comportementales connu depuis longtemps dans l’histoire
martiale du Japon et dont les éléments essentiels sont encore présents et
respectés aujourd’hui dans le monde des arts martiaux. Ce code, à l’instar
du code de la chevalerie en Europe, est le fruit d’une lente élaboration. Au
e
XII siècle, c’est-à-dire au début de l’époque féodale, il était destiné à

encadrer une soldatesque dont les comportements n’étaient pas toujours


dignes ou respectueux des devoirs de la guerre. Lorsque la caste des
samouraïs se constitua, le privilège de porter des sabres, interdit au commun
des mortels, fut corrélé nécessairement avec une éthique. Le devoir majeur
de tout samouraï était de protéger et de respecter la vie, dans la mesure où
celle-ci était respectable. Il lui fallait donc être capable d’en juger et de
dépasser ses intérêts personnels. La loyauté envers son seigneur était
essentielle et la rectitude d’âme, une condition de base à ce statut certes
privilégié mais exigeant. Avec le temps, ce code « moral », qui n’était à ses
débuts qu’« oral », s’est affiné et enrichi pour devenir une véritable charte
déontologique.
Intimement lié au shintô, coloré de bouddhisme et de confucianisme, le
bushidô s’appuyait, à l’origine, sur trois valeurs fondamentales : la sagesse
(chi), la bienveillance (nin) et le courage (yu).
Ces trois grandes valeurs, nobles et universelles, sont aux racines du
système du bushidô. Elles induisent trois comportements : le respect de la
vie « respectable », la droiture (la fidélité aux engagements), la protection
du faible (esprit de bienveillance).
Ces comportements et ces valeurs sont constitutifs du code de conduite
du guerrier et sont notamment inscrits dans l’un des textes de référence du
bushidô datant du XVIIe siècle, le Budô Shoshinshû, de Daidoji Yukan (1639-
1730).
Ce sont eux qui ont conduit à l’établissement de ces trois piliers du
bushidô que sont Gishi (la rectitude), Giri (le devoir) et Nin (la
bienveillance).

Le sens des notions de Gishi et Giri, quoique assez proche, n’en est pas
moins très différent 3.
Gishi peut se résumer en deux mots : rectitude et droiture. Ce sont là les
qualités intérieures essentielles qui étaient demandées à un samouraï
(envers toute forme de vie, envers son seigneur ou envers les personnes
faibles ou dépendant de lui). Gishi signifie être droit, juste et vrai, sans
détour. C’est l’attitude d’âme, sans concession ni dissimulation, qui se
traduit par un comportement où chaque chose est faite « en son âme et
conscience » et rend l’être respectable et respecté.
La notion de Giri est assez proche de celle de Gishi puisqu’elle renvoie
à l’idée de « devoir ». Il ne s’agit plus là d’une attitude de l’âme mais d’un
comportement et de ses déclinaisons dans le champ social et familial. Giri
c’est le devoir de loyauté envers son seigneur, sa famille ou à ses
engagements. Giri est le lien d’honneur, ce qui doit être fait, en respect de
ce qui structure le groupe. Gishi crée le respect parce qu’on « est »
respectable. Giri crée le respect parce que l’on « pratique » le respect de la
parole donnée, de la hiérarchie, des ascendants.
Nin recouvre enfin la notion de « bienveillance ». C’est la déclinaison,
dans le rapport à l’autre, de Gishi et de Giri. La notion de bienveillance
dans le bushidô est très importante et plus large que l’idée occidentale que
nous en avons habituellement. La puissance du samouraï peut détruire. Il se
doit donc de la maîtriser et de l’utiliser de façon juste ; c’est pourquoi Nin
prend sa place. Le samouraï « juste et droit » n’abuse pas de sa puissance et
se montre bienveillant à l’égard du faible ou de toute autre forme de vie
« respectable ». La pitié n’y entre pour rien. Il s’agit de justesse, de gratuité,
de noblesse de l’intention. C’est aussi la raison pour laquelle le samouraï se
devait de connaître la poésie, la calligraphie, la musique et la philosophie,
arts sans lesquels il serait incapable d’élever la force brute et la puissance
au-delà de ce qu’elles sont. En les pratiquant, il cultive son intelligence de
l’instant, travaille à réagir de façon juste, protectrice et bienveillante certes,
mais exigeante et sans faiblesse, face à n’importe quelle situation.
Ces trois notions issues du bushidô s’appliquent totalement à la pratique
du shiatsu et à sa philosophie, à l’attitude du praticien et à son devoir de
respect du patient. Pour les maîtres japonais, il n’y a pas d’ambiguïté sur la
question, et même d’ailleurs pas de question du tout.
Cette évidence transparaît dans les propos ou les écrits de tous les
maîtres. Shizuto Masunaga disait souvent que « c’est le travail du praticien
d’être sincère en partageant sa connaissance avec ses patients. Il ne doit pas
critiquer la faiblesse de son patient mais, au contraire, compatir à sa
douleur ». Mais bien avant lui déjà, au XIXe siècle, Shinsai Ota écrivait dans
Ampuku Zuku (1827), à propos du shiatsu ampuku (shiatsu du ventre),
« qu’un shiatsu honnête, sincère, simple, est bien meilleur que la seule
technique shiatsu orientée professionnelle ».
Choisir de devenir praticien requiert de l’exigence, et bien pratiquer est
un devoir. Recevoir des patients qui souffrent impose une présence juste,
une « rectitude », une loyauté et une bienveillance sans faille. Toutes ces
conditions peuvent sembler subtiles, mais elles sont profondément
nécessaires et garantissent une pratique véritable du shiatsu, et ce, d’autant
plus qu’elle court toujours le risque de se « dévitaliser », de perdre sa
« moelle » avec la prévalence des écoles qui ne transmettent plus que la
technique. L’âme du geste va bien au-delà de la simple pression. C’est elle
qui donne au toucher une qualité sans pareille et fait que tout patient la
ressentira. C’est non seulement elle qui fait la différence entre les
praticiens, mais c’est aussi elle qui placera le shiatsu de demain au centre
des approches du futur paradigme de la santé (voir le chap. XII).

1. M. Random, Les Arts martiaux ou l’Esprit des budô, Noisy-sur-École, Budô Éditions, 1977.
2. E. Herrigel, Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, Paris, Éditions Dervy, 1997.
3. Pour en savoir plus, voir M. Odoul, Shiatsu fondamental, Paris, Albin Michel, 2015, t. III.
CHAPITRE IV

La théorie

I. – La théorie physique
La théorie qui sous-tend le shiatsu est de deux ordres. Le premier est
purement physique et relativement simple, et sert de référence au courant
ostéo-articulaire (de style Namikoshi). Dans ce style, on considère que le
corps emmagasine des tensions qui, si elles perdurent ou si elles sont trop
importantes, non seulement causent de l’inconfort mais peuvent également
être à l’origine de dysfonctionnements organiques ou de tensions
émotionnelles. En libérant les points qui, dans le corps, sont porteurs de ces
tensions, on redonne du confort et on rétablit un équilibre de vie
momentanément perdu. Nous sommes là dans une logique explicative et
une théorie biomécanique assez similaires à celles de la chiropractie ou de
l’ostéopathie.

II. – La théorie énergétique


Le deuxième ordre est celui qui constitue les bases du courant
« énergétique ». Dans ce style, la théorie fondamentale qui sous-tend le
geste shiatsu est celle de la médecine traditionnelle chinoise, reposant sur
les méridiens. Nous sommes là en présence d’une théorie extrêmement
élaborée et ancienne. Elle remonterait à 2 600 ans si on la date de la
première théorie écrite du Yin et du Yang (VIe siècle av. J.-C.), et à plus de
3 500 à 4 000 ans si l’on se réfère à des statuettes en os portant des trajets et
des points, ainsi que des aiguilles en os ou en bronze découvertes dans des
grottes.
On l’a vu, cette théorie considère que tout notre univers existe et
fonctionne grâce à l’interaction de deux forces complémentaires, le Yin et
le Yang (voir chap. I). De là est résulté, aux yeux des anciens Chinois, un
principe simple d’observation permettant de comprendre le monde et le
vivant. En observant l’infiniment grand (le macrocosme), perceptible par
les sens humains, on doit pouvoir déduire l’infiniment petit (le
microcosme), non perceptible par ces mêmes sens.
La première observation fut très basique sans doute, mais elle posa les
bases mêmes de la philosophie médicale qui sous-tend le shiatsu. Les
anciens Chinois constatèrent que lorsque le ciel (le Yang) et la terre (le
Yin), sont en équilibre, en harmonie, cela « produit », se traduit, par le beau
temps. Lorsque en revanche ils sont en dysharmonie, cela « produit » le
mauvais temps. Ils en déduisirent qu’il en était obligatoirement de même
pour toutes les manifestations de l’univers. De facto, lorsque le Yin et le
Yang sont en harmonie, ils engendrent un état d’équilibre, qui se traduit
pour l’être humain par l’« état de santé ». Lorsqu’ils sont en dysharmonie,
ils produisent l’état de déséquilibre, qui se traduit par la maladie. C’est sur
ce paradigme que s’est constitué l’esprit thérapeutique de la médecine
traditionnelle chinoise (et par extension du shiatsu), laquelle se préoccupe
avant tout du maintien de l’état de santé, par l’équilibre entre le Yin et le
Yang, plutôt que de la lutte contre l’état de maladie. Cette philosophie du
soin était d’ailleurs tellement évidente que, dans les villages de la Chine
traditionnelle, on arrêtait de payer le médecin quand des villageois étaient
malades. On recommençait de le payer lorsqu’il les avait guéris.
La seconde observation se concentra sur la nature. En fonction des
saisons et des territoires, on constata que des caractéristiques spatio-
temporelles propres permettaient de définir des grandes catégories
symboliques. Les cinq « éléments » référentiels de la médecine
traditionnelle chinoise, le Bois, le Feu, la Terre, le Métal et l’Eau furent
constitués et devinrent les cinq déclinaisons du Yin et du Yang sur la terre et
dans le ciel. Chacun est devenu un principe symbolique catégorisant toutes
les manifestations de l’univers, dont les caractéristiques propres leur étaient
associables. La biosphère, les saisons, les énergies climatiques, les moments
de la journée, les phases de vie, mais aussi les aliments, les saveurs, les
modes de cuisson, les organes, les émotions, tout pouvait être ainsi
catégorisé de façon cohérente. Par exemple, les plantes ont cinq parties, la
racine, la tige, la feuille, la fleur et le fruit, chacune d’entre elles étant
associable à l’un des cinq principes. Chacune de ces parties sera utilisée
pour traiter de façon spécifique l’organe associé au même principe. Ainsi, la
feuille qui correspond au Métal permettra de traiter le poumon, organe qui
lui est associé. Cette théorie des cinq principes est étonnamment complète
et pertinente. Elle reste aujourd’hui encore une codification sans pareille.
Le tableau ci-contre rassemble quelques éléments non exhaustifs de
contenus associés.
Une fois posées ces grandes catégories référentielles, les anciens
Chinois enrichirent leur observation du monde qui les entourait. Ils
constatèrent que ce qui produisait la vie de toute chose est un fluide, l’eau,
et que cette eau circule dans des lieux particuliers, les fleuves et les rivières.
Ils en déduisirent qu’il devait y avoir aussi dans l’être humain des fleuves et
des rivières où circule un fluide vital. Pour le visible (Yin), ils objectivèrent
les vaisseaux sanguins dans lesquels circule le fluide vital qu’est le sang. Ils
en déduisirent l’existence obligatoire de « fleuves subtils » (Yang), dans
lesquels devait circuler un fluide vital (l’énergie, voir chap. V), lui aussi
subtil. C’est de là qu’est née la théorie des méridiens, que l’on connaît par
l’acupuncture. Ainsi, les deux axes de travail de la médecine traditionnelle
chinoise furent établis, à savoir le sang et l’énergie.
Lorsqu’un vaisseau sanguin se rompt, c’est une perte de fluide vital et la
zone concernée est déséquilibrée ; de même lorsqu’un vaisseau se bouche.
Toujours dans un principe de logique et de cohérence, les Chinois
déduisirent que lorsqu’un méridien « perd » de l’énergie ou que la libre
circulation de celle-ci rencontre des obstacles, la zone dépendant de cette
énergie sera en déséquilibre. Le propos de la médecine traditionnelle
chinoise est alors de rétablir cette libre circulation momentanément
perturbée.
Nous mesurons par là la place et l’intérêt du shiatsu « énergétique ». Par
le travail de pression des doigts sur ces trajets particuliers que sont les
méridiens d’acupuncture, le praticien va rétablir la bonne circulation des
flux vitaux. Il dépasse en cela la seule manifestation de la zone tendue pour
aller à la cause même de cette tension. Pour ce faire, il prend toujours en
compte les liens et les interactions (voir ci-dessous) entre le macrocosme
(univers, contexte, etc.) et le microcosme (patient, organe, méridien).
Du macrocosme au microcosme
Telles sont donc les références théoriques qui permettent de comprendre
l’action et la pertinence du shiatsu du courant énergétique. Le dernier
élément qu’il nous reste à définir afin d’éclairer notre propos, c’est la notion
même d’énergie.
CHAPITRE V

L’énergie,
qu’est-ce que c’est ?

Le shiatsu fait partie des thérapeutiques orientales issues de la


conceptualisation énergétique de l’être humain. Qu’est-ce que ce concept
d’« énergie » qui nous est finalement assez étranger ?
Selon les philosophies orientales, notre univers n’est pas « matière », il
est « énergie ». Il existe parce qu’il est animé par un « souffle », terme sans
doute plus exact que « énergie ». Cette idée transparaît de l’idéogramme ki
ou chi.

Ki, l’énergie
Celui-ci est constitué de deux parties qui sont traditionnellement
« traduites » comme « la vapeur qui s’échappe du grain de riz cuit dont
l’enveloppe s’est ouverte ». Mais nous sommes là, selon moi, dans une
traduction de type « simplifiée ». Cet idéogramme symbolise « le souffle
qui émane du germe de vie caché dans le grain de riz ». C’est ce souffle qui
est l’essence même de la vie. Ses manifestations sont le Yin et le Yang, qui
forment et animent notre univers. L’énergie est l’essence même de la vie, en
ce sens qu’elle la « crée », l’ordonne, l’organise, la « nourrit », non
seulement lui donne une forme (par le Yin) mais également l’« informe » et
la féconde (par le Yang).
En clair : l’énergie, que l’on appelle Ki au Japon ou Chi en Chine, est
constitutive des deux champs vibratoires fondamentaux que sont le Yin et le
Yang. Toutes leurs « déclinaisons » en découlent, comme le corpusculaire et
l’ondulatoire (selon les principes de la physique quantique), la matière et
l’esprit, la substance et l’essence, le dense et le subtil, l’espace et le temps,
la terre et le ciel, etc. Cependant, déjà par la tentation de nommer, nous
sommes loin de tout ce qu’inclut la notion de Ki. L’idée principale à retenir
pour notre propos, c’est la place centrale que tient le Ki dans de nombreuses
techniques orientales, comme les arts martiaux ou le shiatsu. Étant dans le
corps et les organes, le Ki est dans l’esprit et le psychisme. Sous quelque
plan qu’on le considère, le déterminant premier sera toujours le subtil,
l’esprit. Les pratiques martiales l’illustrent bien. La puissance du coup porté
dépend de l’esprit de celui qui le porte et non de sa masse musculaire,
même si l’entraînement physique compte.
Selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise, le Ki circule
dans des fleuves appelés « méridiens » et anime ces deux dimensions du
vivant que sont le corps (Yin) et l’esprit (Yang). C’est par lui et à travers lui
que chaque pensée, idée ou volonté, se traduit dans le geste, consciemment
ou non. L’ébéniste ne pense pas son geste. Il ne le réfléchit pas. Il le fait. Le
samouraï n’a pas d’yeux dans son dos : il sait et sent la menace. C’est leur
connexion au Ki qui permet à tous ces êtres hors norme de réussir ou de
réaliser leurs prouesses. Bien entendu, le travail et la répétition des gestes
sans cesse renouvelés y participent, mais ils n’expliquent pas tout, sauf à
dire que ce sont l’os, l’articulation ou le muscle qui se souviennent.
C’est là que se situe la clé : le Ki est de facto un vecteur d’information.
C’est cette dimension qui permet de comprendre comment fonctionnent les
médecines énergétiques, et en particulier l’acupuncture et le shiatsu, ou
encore pourquoi, par exemple, de hautes dilutions homéopathiques soignent
alors qu’elles ne comportent plus aucune des molécules originelles de la
plante.
Veut-on une analogie ? À l’instar des flux électromagnétiques qui
irriguent un ordinateur, tant dans la gestion du travail en cours que dans
celui des périphériques qui affichent (écran) ou impriment (imprimante), le
Ki vectorise de l’information du « vivant ». C’est le souffle qui, par cette
information, crée la vie, l’organise, la dynamise.
Sur cette base se construit le paradigme qui utilise le Ki pour combattre
ou pour soigner. Si le Ki joue ce rôle, toute tension, tout déséquilibre, toute
pathologie ou tout trouble psychique signale en fait un dysfonctionnement
dans la transmission de l’information. Il ne joue plus correctement son rôle
« informant » à l’égard de telle ou telle fonction organique ou psychique. Il
y a sans doute un « bug informationnel ». En conséquence, rétablir le flux
du Ki, c’est rétablir d’office le flux informationnel et, par effet induit,
rééquilibrer la fonction organique ou psychique. Et c’est cela, la
préoccupation du shiatsu.
Or, qui dit « information », dit obligatoirement « conscience » ! En
réveillant la conscience « corporelle » du patient au moyen de pressions
exercées sur son corps, en réveillant sa conscience psychique grâce au sens
donné à ce qui lui arrive, le praticien recrée l’unité informationnelle, cette
base indispensable à tout équilibre vital. L’analogie informatique peut de
nouveau nous être utile. S’il y a un bug dans le programme, le calcul se fait
mal, ce qui sort de l’imprimante ou ce qui s’affiche à l’écran n’est pas
« bon ». Le bug informationnel peut être dû au système d’exploitation, à la
mémoire centrale de l’ordinateur ou au logiciel. En clair, si le psychisme de
l’individu est perturbé, son Ki informera « mal » le corps et les organes, et
l’individu tombera malade. Et, de même, si le câble de l’imprimante est
endommagé ou si l’écran dysfonctionne faute d’entretien, les données à
imprimer ou à afficher que les logiciels vont envoyer seront mal restituées.
Bref, si le corps de l’individu est malmené ou mal entretenu, le Ki circulera
mal et informera mal les organes.
Cette analogie nous permet de saisir pourquoi ce concept d’énergie
occupe une place si centrale dans les thérapeutiques orientales, et en
particulier dans le shiatsu. Le praticien de haut niveau le sait, et il comprend
la nécessité de l’intégrer dans son travail. Ce n’est rien d’autre que ce
principe qu’il faut comprendre dans la notion d’« intention », bien connue
dans le monde de l’énergie et souvent si mal comprise. Cette « intention »
n’est pas l’intention « qui veut faire du bien », c’est l’intention « qui
cherche à organiser ce qu’elle projette pour cibler au mieux l’effet du geste
qui la porte ». C’est elle qui va déterminer la qualité du geste et le champ où
il va produire un effet. Plus cette intention est non seulement « juste », mais
également précise et « claire » (connaissances anatomiques, énergétiques,
psychologiques, etc.), plus le geste du praticien sera lui-même précis et
efficace.
CHAPITRE VI

Le shiatsu aujourd’hui

Le paysage contemporain du shiatsu est très divers et, tant au niveau


japonais que mondial, dessine une constellation très vaste de maîtres et
d’enseignants, un peu comme celui des arts martiaux. Ces maîtres
transmettent et enseignent soit des styles « traditionnels » élaborés par des
fondateurs reconnus historiquement comme Tokujiro Namikoshi ou Shizuto
Masunaga, soit des styles personnels plus ou moins élaborés.
Il est donc difficile pour un néophyte de s’y retrouver et de savoir à qui
faire appel pour retirer de façon efficace et pertinente des bénéfices du
shiatsu. Surtout pour les néophytes non orientaux, car nous sommes tous, en
Occident, construits par la pensée cartésienne, dont l’un des principes
premiers est que « quelque chose ne peut pas être et être son contraire ». Ce
principe de non-contradiction induit des certitudes et des vérités uniques,
vision à cause de laquelle nous avons du mal à comprendre comment une
pratique de soin peut être multiple tout en restant fiable et crédible. La
pensée orientale est plus « poétique » et accepte fondamentalement que
« quelque chose puisse être et être son contraire ». Cela est manifeste dès
l’établissement des notions de Yin et de Yang : finalement, « tout est
relatif », circonstanciel et participe d’une logique selon laquelle « rien n’est
en soi ».
Une analogie peut nous permettre de désensibiliser la question.
Qu’attendons-nous d’une voiture ? Qu’elle nous transporte d’un point à un
autre. C’est bien ce que font toutes les voitures. Comme la voiture est un
moyen de transport, le shiatsu est un « moyen de soigner ». Pourtant, il
existe toutes sortes de voitures, de couleur, de taille, de performance, de
motorisation différentes, etc. Il existe différents styles de shiatsu. Et comme
les voitures ont toutes quatre roues, des portières, des ceintures de sécurité,
les styles de shiatsu ont des outils et des gestes communs.
On l’a vu dans les chapitres précédents, le shiatsu est un moyen de
rétablir des équilibres momentanément perturbés. Pour atteindre ce but, il y
a plusieurs techniques qui toutes suivent une trame essentielle et commune
à tous les styles, à savoir la pression des doigts.
Mais alors, que peuvent bien signifier ces différences de style ? Sont-
elles compatibles avec l’idée que nous nous faisons de ce que doit être une
science ou un art ? N’oublions pas que le shiatsu est une science du vivant
et du subtil, c’est-à-dire du mouvement et du mobile, de l’insaisissable, de
ce qui nous échappe lorsque nous croyions le tenir. Son propos est avant
tout de canaliser des flux plutôt que d’agir sur de l’organique. En cela, le
shiatsu est une pratique « vivante » et par essence mobile et évolutive. La
science occidentale a du mal à concevoir les choses ainsi, quoique, dans ses
protocoles expérimentaux, elle rencontre elle-même sans cesse des
différences fondamentales entre le in vitro (« au laboratoire ») et le in vivo
(« dans la vie »).
Précisément : dans le paradigme oriental du soin et de la médecine en
général, ce qui est l’objet du soin, c’est le « vivant ». On ne s’intéresse par
conséquent pas à la « maladie » mais au « malade ». Aucune pathologie
n’existe donc en tant que telle, et ne peut en tant que telle être ciblée par un
traitement spécifique unique. Elle doit toujours être remise dans le contexte
particulier qui a « organisé » son apparition, en l’occurrence le malade. Tout
malade doit être lui-même replacé dans le contexte de vie qui est le sien. Ce
qui signifie que, pour un même déséquilibre ou une même pathologie, les
réponses et les techniques des médecines orientales, et en particulier
« énergétiques » diffèrent en fonction de ce que le patient « amène comme
bagage contextuel particulier ».
Ainsi, traiter le « vivant » suppose que l’on puisse agir de différentes
façons, chacune adaptée au patient et implique que la réponse à une
pathologie ne soit pas unique. Le shiatsu contemporain répond à
cette logique et c’est pourquoi il est « multiple », c’est-à-dire qu’il peut
prendre des formes ou utiliser des techniques variées tout en produisant des
effets indéniables. Quels sont ces « courants », ces styles différents de
shiatsu ?
Quoique nombreuses, ces pratiques se répartissent en deux grands
courants « historiques », l’un dit « physique » que l’on peut qualifier
d’ostéo-articulaire, et l’autre, « énergétique », qui se réfère aux notions de
« méridiens d’énergie » connues en acupuncture.

I. – Le courant ostéo-articulaire
Le courant ostéo-articulaire se réfère à la théorie « physique » et
s’inscrit dans une logique de type ostéopathique ou kinésithérapeutique. Il
s’inscrit uniquement dans la dimension physique, tant au moment du
repérage des tensions qu’au moment où les pressions sont exercées.
L’action de pression sur les zones corporelles touchées, considérées comme
porteuses d’inconfort, voire davantage, parce que tensionnelles, est destinée
à les détendre. C’est le courant dit « Namikoshi », du nom de son fondateur,
Tokujiro Namikoshi (1905-2000), et de la dynastie de ses fils, Toru, et petit-
fils, Yuri. Représenté dans de nombreux pays du monde, il est dominant au
Japon. Les protocoles de cette véritable ostéopathie orientale se veulent
uniques et sont enseignés à partir des fondamentaux de l’école originelle de
Tokyo. Le traitement porte sur le corps physique, c’est-à-dire la dimension
« matérielle » de l’individu. De ce fait, l’action est simple et autorise
l’établissement de protocoles « mécaniques » et systématiques.
Cartographie Namikoshi
II. – Le courant énergétique
Le courant « énergétique » est plus « divers ». Connu en Occident
notamment à travers les écrits de Shizuto Masunaga, ce style revendique
totalement sa filiation à la médecine traditionnelle chinoise et la théorie des
méridiens, d’où il découle en droite ligne. Masunaga a d’ailleurs qualifié
son style de « shiatsu des méridiens ». Ce paradigme énergétique a vu naître
différents courants, construits autour des méthodes propres à différents
maîtres, praticiens et enseignants. Quel que soit le style « énergétique », ce
sont les flux énergétiques animant le corps qui sont au cœur de ce travail.
Toute tension physique ou psychique, toute pathologie, est le signe
d’obstacles empêchant la libre circulation des flux vitaux des méridiens. Le
praticien devra identifier ces signes et ces obstacles et établira des choix
d’action sur certains d’entre eux ou sur des points particuliers afin de
restaurer ces flux.
Le courant énergétique fait référence au subtil et au vibratoire. Il n’est
donc pas illogique que différentes écoles en découlent. La première est le
courant dit « Masunaga ». Ce style s’est élaboré au fil des recherches de
Shizuto Masunaga, ce qui l’a amené à élaborer sa propre cartographie de
méridiens.
Cartographie Masunaga

Dans ce courant, le travail en shiatsu consiste principalement à


enchaîner des pressions sur les trajets définis par Masunaga. Le but est bien
entendu de rétablir la libre circulation des flux vitaux. Ce courant, lancé par
Shizuto Masunaga (1925-1981), qui avait lui-même donné à son style le
nom de Iokaï (« de la médecine »), affichant ainsi clairement sa
revendication thérapeutique, est perpétué de nos jours par son fils, Haruhiko
Masunaga dans le cadre de l’école Iokaï à Tokyo. À propos de ce nom,
« Iokaï », il tient systématiquement à préciser que le courant qui se nomme
ainsi en Europe le fait selon lui indûment, et n’a rien à voir avec le Iokaï
originel. En dehors des livres de Shizuto Masunaga traduits dans de
nombreuses langues, le maître Suzuki (élève de maître Masunaga) donnait
des cours en anglais une fois par semaine qui ont contribué à répandre le
style Masunaga en Occident.
Le courant Masunaga de « shiatsu des méridiens » est enfin également
perpétué au Japon par Nobuyuki Fujisaki, dans le cadre de la Zen Shiatsu
Association de Tokyo. Tout en respectant l’enseignement transmis par
Shizuto Masunaga, Nobuyuki Fujisaki considère qu’il est nécessaire de
rechercher ce qui fait l’efficacité du shiatsu. Avide de comprendre ce qui
agissait dans ses gestes et devant le peu de réponses de ses maîtres, il finit
par constituer sa propre école. Il s’est alors donné pour objectif de
rationaliser le « shiatsu des méridiens ». Son cas témoigne de l’urgence
qu’il y a à comprendre, à partir d’une logique explicative et démonstrative,
les médecines douces en général et le shiatsu en particulier. Que cette
nécessité émerge dans le pays d’origine du shiatsu est un signe indéniable
de son universalité. De cette question découleront les questions du cadre à
donner à la pratique et des protocoles à observer. Aucune dimension ne
pourra être occultée, qu’elle soit physiologique, énergétique ou
psychologique. Nous y travaillons depuis de nombreuses années à l’Institut
français de shiatsu et avec le Japon.

III. – Le courant Nakazono


Pendant que Shizuto Masunaga élaborait sa propre cartographie de
méridiens, d’autres maîtres shiatsu ont continué de respecter et de se référer
spécifiquement à la cartographie et aux principes issus de la médecine
traditionnelle chinoise. Ce fut par exemple le cas de Masahiro Nakazono
(1918-1994), dont le style m’a nourri et qui était également enseignant en
acupuncture.
Toute sa vie, maître Nakazono, également maître international d’aïkido
(art martial japonais élaboré par maître Ueshiba), pratiqua la « médecine
des corps et des âmes ». Les résultats indéniables qu’il obtint par ses
techniques de soin lui causèrent quelques soucis en France, où il eut maille
à partir avec les instances médicales. Il partit donc s’installer aux États-Unis
pour continuer d’exercer librement. La qualité exceptionnelle de sa pratique
le fit très vite reconnaître dans ce pays, où il bénéficie d’une vraie notoriété.
La ville de Santa Fe lui décerna même, à la japonaise, le titre de « Trésor
vivant » et l’État du Nouveau-Mexique, à le distinguer pour « réalisation
exceptionnelle », en particulier pour sa participation active à l’adoption
d’une loi sur l’acupuncture.
La technique de Masahiro Nakasono, « médecine du corps et de
l’âme », était complète. De là sa force. Sa parfaite maîtrise de la médecine
traditionnelle chinoise et sa profonde connaissance de ses arcanes les plus
subtils lui permettaient de maîtriser ses choix thérapeutiques. Sa capacité à
comprendre les liens transverses du corps et de l’esprit l’a conduit à saisir
l’« âme des points d’acupuncture » et le souffle du geste. Cette incroyable
richesse cognitive s’est construite à la faveur des rencontres qu’il fit tout au
long de son parcours quasi initiatique et n’a malheureusement été comprise
que par très peu des élèves qui croisèrent son chemin, en aïkido comme en
shiatsu.
Cinq rencontres majeures façonnèrent et polirent l’âme de Masahiro
Nakasono. Maître Ueshiba eut sur lui une influence durable : grâce à
l’aïkido, il cultiva des qualités qui lui furent utiles dans sa pratique du
shiatsu. Art martial hors normes, le dernier à exclure toute compétition,
l’aïkido nourrit en profondeur celui qui le pratique. Ses fondamentaux
peuvent sembler troublants pour un art martial : absence de « lutte contre »,
instantanéité du jugement, « respiration » du geste, inscription de l’intention
dans une dimension universelle. Ce sont pourtant eux qui font la puissante
beauté et l’efficacité de cette technique dont la finalité, selon maître
Saotome, un autre grand maître international, « n’est pas de vaincre l’autre
mais de conquérir son cœur ». Ils ont nourri la « terre première », les
références profondes de maître Nakasono. Et ce sont également les
principes-clés d’une « bonne pratique » en shiatsu.
La deuxième rencontre fut celle de Koji Ogasawara, qui enseigna à
maître Nakasono le kototama, une technique secrète de sons. Le kototama,
qu’il avait déjà connu dans sa pratique avec maître Ueshiba (qui ne voulait
pas l’enseigner), a nourri sa connaissance du souffle et du « son créateur ».
Il comprit la force du champ vibratoire et la façon dont il pouvait le décliner
en énergétique. La troisième rencontre fut celle de Georges Oshawa qui lui
enseigna la macrobiotique, une technique diététique bien connue dans le
monde des médecines douces. Juzo Motoyama lui enseigna quant à lui
l’acupuncture et maître Sakaï, homme très secret et détenteur d’une
connaissance « cachée », lui enseigna une technique de soin
particulièrement subtile et puissante, le te a te ou l’art du « soin par la main
de l’esprit ».
Ces multiples influences expliquent pourquoi le shiatsu de maître
Nakazono ne pouvait qu’être complet, dans le sens où aucune dimension du
vivant et de ses équilibres n’y était « oubliée ». Bien au-delà de la simple
question de la « pression des doigts », il est une thérapeutique naturelle
transverse dont l’efficacité dépasse la simple action biomécanique ou
fluidique exercée sur des zones particulières du corps. Il est une présence
qui touche à la globalité de l’individu (corps et esprit), pour aller jusqu’à
« soigner l’âme en touchant le corps ». Ses références explicatives
fondamentales puisent dans les principes de la médecine traditionnelle
chinoise la plus classique, celle qui traite les déséquilibres dans leur cause
et non dans leur manifestation. Et c’est sa connaissance, imprégnée de
shintô et de budo, qui a fait de son shiatsu une véritable thérapeutique
globale.
Cartographie Nakasono
IV. – Un tronc commun
Ces différents styles de shiatsu pourraient donner l’impression qu’il est
difficile d’en réglementer la pratique et l’enseignement. Il n’en est rien au
Japon. La formation y est organisée autour d’un tronc commun, agrémenté
des caractéristiques propres à chaque courant. Le département de la santé de
l’université impériale de Kyoto forme en trois ans des médecins
traditionnels qui obtiennent un diplôme d’État
reconnu, incluant une option shiatsu, pharmacopée et médecine chinoise.
Des écoles privées sous contrat (Namikochi, Masunaga, Fujisaki…)
forment également des praticiens reconnus, mais uniquement en shiatsu.
Leur enseignement théorique est moins important que dans le cursus
universitaire, excepté pour Senseï Nakazono qui, étant issu de l’université,
enseignait beaucoup la médecine chinoise.
En dehors de l’université de Kyoto, la pédagogie repose sur le rapport
entre maître et élève que l’on retrouve dans les arts martiaux. Souvent, les
maîtres communiquent peu et distillent leur enseignement au compte-
gouttes. L’enseignement est d’abord technique et il n’est d’ailleurs pas
question d’étudier la théorie avant six mois de pratique et, quand on est
autorisé à pratiquer, on doit parfois attendre et observer pendant parfois
trois mois avant de donner son premier shiatsu.
En tout état de cause, le shiatsu, au Japon (où il est une pratique
réglementée), jouit d’un statut particulier et la formation s’inscrit dans un
cadre officiel commun. Celle-ci, dispensée durant trois années au sein d’une
école reconnue, repose sur un tronc commun comportant un certain nombre
de matières obligatoires (anatomie, pathologie, psychologie), à quoi
s’ajoute l’enseignement de la technique shiatsu propre à l’école. Il impose
également de suivre des modules de formation dispensés dans d’autres
écoles, également reconnues, mais transmettant un style différent. Cela
permet au praticien ainsi formé de connaître et de respecter les autres styles,
de comprendre le travail qui a pu être effectué par un autre praticien sur le
même patient et d’enrichir sa propre connaissance du geste shiatsu.
Chaque école peut prolonger l’enseignement du tronc commun selon les
caractéristiques propres à son style, ses protocoles ou ses exigences
(technique pure, connaissances philosophiques ou culturelles
connexes, etc.). Cette exigence n’est pas anodine, car, au Japon, on
considère que le premier devoir de tout praticien est moins de maîtriser la
technique pure que de témoigner de sa qualité d’être. Il doit donc en
permanence entretenir « son corps et son âme » et ne commencera jamais
une journée de consultations sans s’y être préparé par des exercices et des
rituels particuliers, propres à chaque style ou école.
Le protocole de préparation « Misogi »
enseigné à l’Institut français de shiatsu
Dans la pratique du shiatsu développé par Nakasono Senseï, que j’enseigne et pratique,
l’état d’être, physique et psychique du praticien sont fondamentaux. Pour ce maître, en
effet, il était inconcevable qu’un praticien démarre sa journée de consultation sans s’y être
préparé comme il convient. Son parcours en aïkido et l’influence
des différents maîtres qui l’ont formé y sont sans doute pour beaucoup, mais c’est
également l’état d’esprit que j’ai découvert chez tous les maîtres japonais, tous styles
confondus, que j’ai pu rencontrer.
Le premier travail de préparation s’appelle misogi (misogi haraï, « nettoyage »,
« purification »). Cette préparation, issue directement de la pensée shintô et du bushidô, est
également pratiquée en aïkido et consiste en un enchaînement de cinquante mouvements
destiné à harmoniser les différents flux énergétiques et à « purifier son âme » (calmer
l’esprit, chasser les soucis, la fatigue, les intentions « parasites », etc.).
Puis le praticien poursuit sur un travail de chinkon, c’est-à-dire de « centrage », de
placement physique et psychique dans l’« ici-et-maintenant », de présence à soi et à
l’autre. Il utilise pour ce faire des techniques de respiration, des mouvements et des
visualisations, à l’instar de celles qu’utilisent de nombreux champions sportifs.
Il termine enfin sa préparation par la pratique du kototama, sorte de yoga des sons, qui
vient ponctuer toute cette préparation.

En dehors et au-delà de cette préparation qui se fait au début de la


journée de consultation (voire comme une pratique quotidienne), après
chaque séance, le praticien réalise un « mini-misogi » : il se lave les mains
et les avant-bras en les passant copieusement sous l’eau. Cette pratique,
selon les principes shintoïstes, « lave » le praticien (tant pour lui-même que
par respect pour le patient suivant), des « énergies perverses » (tensions,
stress, humeurs, énergies déséquilibrées, etc.) éventuellement accumulées
au cours de la séance précédente. Cela évite leur accumulation et le ressenti
d’une fatigue importante en fin de journée.
Quelles sont les grandes « références » du shiatsu japonais ? Elles sont
trop nombreuses pour être toutes passées en revue. Celles qui sont citées ci-
après sont les plus connues et ne concernent que les maîtres japonais qui ont
créé ou développé des styles propres et internationalement reconnus. Afin
de ne pas induire de notions de valeur, je vais les citer par ordre
alphabétique : Endo Ryokyu, Namikoshi Tokujiro, Masunaga Shizuto,
Nakazono Masahiro, Ohashi Wataru. De nombreux autres enseignants
existent, bien évidemment, mais n’ayant pas eu la possibilité de connaître
leur travail, je ne saurai dire s’ils sont des maîtres ou non.
À ce titre, une précision s’impose sur l’emploi du terme « maître ». Il
s’agit ici d’un mot utilisé fréquemment par les Japonais (senseï), dans son
acception connue en Occident dans le compagnonnage et les confréries
professionnelles (maître d’œuvre, maître tapissier, etc.). Le maître est celui
qui « maîtrise » son domaine, qui le transmet et qui en est le référent. Cela
est un peu troublant pour nous qui avons perdu ce sens et n’y mettons plus,
la plupart du temps, que la notion péjorative de « dominant ». Je suis
d’ailleurs moi-même gêné de me voir qualifié ainsi, en France comme au
Japon.
Dans le reste du monde, de nombreux professionnels pratiquent et
enseignent avec passion et respect le shiatsu qui leur a été transmis. Ils
forment la communauté des nombreux praticiens qui, pour la plupart, sont
très compétents. Il existe malheureusement aussi de nombreux « maîtres »
ou « créateurs de styles », parfois autoproclamés, qui nourrissent
notamment une abondante littérature sur Internet. À leur égard, la prudence
s’impose. Un critère ne trompe pas : si le professionnel critique les autres
formes et prétend que la sienne est supérieure, il est très éloigné de l’âme
même du shiatsu.
CHAPITRE VII

La technique

Le shiatsu est une thérapie manuelle corporelle qui consiste à exercer


des pressions sur des zones, des lignes ou des points du corps, au moyen
des doigts, des mains, parfois des poignets, des coudes, des genoux, voire
des pieds (on « marche » alors sur une partie du corps). La palette des
gestes à la disposition du praticien est complète et n’est en rien comparable
avec ce que nous connaissons du massage en Occident. Il ne s’agit pas ici
de pétrir, de palper le muscle, la peau, ni de faire jouer les articulations. Il
ne s’agit pas non plus de magnétisme ou d’un rite d’imposition des mains !
Le shiatsu est énergétique en ce que la pression ainsi exercée sur des
méridiens ou des points d’acupuncture n’a pas pour but d’« envoyer » ou de
transmettre une énergie quelconque venant du praticien et transmise par lui
au patient. Cette précision est essentielle et nécessite que la notion
d’énergie, propre aux médecines orientales, soit clairement comprise (voir
chap. V).

I. – Le geste
Les gestes techniques de base peuvent être effectués avec les doigts ou
la main entière, parfois le coude ou le genou. Quel que soit ce geste, la main
qui le fait doit être détendue, souple. C’est là la condition pour que les
pressions exercées soient pénétrantes sans être dures.

Les différentes positions des mains permettent d’exercer des pressions


plus ou moins prononcées, que ce soit pour détendre une zone ou pour
palper, ressentir comment un point particulier du corps « répond » à la
pression.
Au niveau dorsal, les mains peuvent être à plat et côte à côte, à plat et
parallèles ou croisées l’une sur l’autre comme illustré ci-après.
Mains côte à côte

Mains parallèles
Mains croisées

Au niveau abdominal, elles peuvent être positionnées l’une sur l’autre


ou décalées afin d’exercer une palpation et des pressions progressives et
respectueuses de cette zone souple. La pression s’exerce alors
principalement avec les phalanges, celles-ci étant relâchées (voir ci-
dessous).
Mains l’une sur l’autre

Mains décalées
Lorsqu’elles « saisissent », les mains sont détendues. Les doigts,
toujours souples, et la paume sont en contact avec la partie du corps saisie.

Main qui saisit

Pour les techniques d’étirement et de relâchement articulaires, comme


les techniques de mains et de pieds, l’idée de pétrissage est structurée
autour d’un travail particulier, comme si le praticien « ouvrait un éventail »
(voir ci-dessous).
Mains « ouvrant l’éventail »

Les positions des doigts enfin sont destinées à exercer des pressions
plus spécifiques que celles des mains, en particulier sur des points appelés
tsubos ou sur des points d’acupuncture. Ces positions sont de quatre ordres
et se font principalement avec les pouces, les index et l’extrémité des
phalanges. Les pouces peuvent être placés côte à côte, espacés de quelques
centimètres (deux largeurs de pouce) ou alors un seul pouce est placé en
regard d’une main à plat (voir ci-après).
Pression des deux pouces
Pression pouce et paume

Les pouces peuvent également être utilisés avec l’index replié, laissant
entre les deux points d’appui (pouce et index), un espace de deux largeurs
de pouce. La pression est généralement répartie de façon égale entre le
pouce et l’index. Cependant, l’index peut également être utilisé pour
exercer la pression principale, comme c’est le cas dans les techniques
Masunaga de travail sur le trajet d’un méridien.
Pression pouce et index

Le pouce peut enfin exercer une pression associée aux quatre autres
phalanges repliées, la main étant écartée d’une largeur de main. Ce type de
pression s’utilise principalement dans les techniques abdominales (voir ci-
après).
Pression pouce et phalanges repliées

D’autres gestes peuvent enfin être utilisés, comme ceux qui utilisent les
poings, les coudes ou des torsions. Ils sont donc plus puissants, plus
intrusifs et, pour ne pas être désagréables, demandent un toucher de
professionnel. Ce sont toujours des gestes qui doivent être réalisés
progressivement et selon la respiration du patient et du praticien. Leur
action est principalement ostéo-articulaire. Ils détendent la zone, étirent les
muscles ou le membre travaillés et peuvent être une excellente préparation
au travail énergétique spécifique (voir ci-contre).
Pression du poing

Pression du coude
Rotation du bras

II. – Pratique et respiration


La seconde particularité de la technique shiatsu est qu’elle se pratique
au sol, sur un tatami (tapis en général de 2 m × 1 m, en mousse ou en paille
de riz), sur un futon (matelas en coton d’une épaisseur allant de 4 à 12 cm)
ou directement à même le sol. Par conséquent, on ne peut parler de shiatsu
si le travail s’effectue sur une table de massage. Une seule exception :
l’anma, qui est une pratique sur chaise appartenant au shiatsu dit « de
confort ». Elle est plus facile dans le cadre d’un simple travail de détente, la
plupart du temps dans un lieu public (aéroport, métro, lieu de travail, etc.),
et elle ne vise aucune finalité thérapeutique. Cependant, elle peut être
utilisée avec des personnes qui éprouvent de la difficulté à s’allonger au sol.
Travail au sol

La nécessité du travail au sol se justifie par le fait que, dans l’exercice


des pressions sur les points ou les zones corporelles, les muscles ou la force
du praticien ne doivent pas agir. C’est le transfert progressif du poids du
corps du praticien qui agit et transmet la pression, lui permettant ainsi de
maîtriser parfaitement son geste. De plus, la posture « assis à genoux » du
praticien lui permet de bien mieux maîtriser sa respiration, son souffle, tout
en lui donnant systématiquement le bon angle d’appui sur la zone
corporelle, ce qui n’est pas possible par exemple avec une table de massage.
Travail sur chaise

Étirement dorsal

Cette particularité est très importante, car le but des pressions n’est pas
de forcer la tension du point traité mais de la révéler et de la faire
disparaître par le relâchement qui s’ensuit.
Détente épaules

J’ai parlé de la respiration, et il est important de s’arrêter sur ce point,


tant du point de vue du praticien que de celui du receveur. On considère en
effet, comme dans de nombreuses autres thérapeutiques « globales », que le
lien synchronique entre le soignant et le soigné est fondamental. La
cohérence et l’accord respiratoires entre l’un et l’autre rendent le geste du
praticien puissant, pénétrant et juste tandis que le receveur peut dès lors
l’accueillir plus facilement et de façon proactive. C’est ce qui fait la qualité
du geste du praticien. Celui-ci doit être certes pénétrant mais toujours
respectueux de la tension qu’il rencontre. Il ne doit pas être douloureux. Le
shiatsu est en cela tout contraire à d’autres techniques de massage,
orientales ou non, dont on ressort en ayant l’impression d’être « passé sous
un rouleau compresseur ».
Selon les écoles et les styles, les protocoles sont plus ou moins
systématiques et complexes. Il n’est pas nécessaire de les décrire tous dans
le cadre de cet ouvrage. Le geste technique pur est en revanche commun à
tous les styles, même si tous les types de pressions ne sont pas utilisés par
tous les courants. Les techniques de coudes, de genoux ou de marche sur le
corps, par exemple, qui sont plutôt intrusives, sont peu utilisables avec les
Occidentaux, dont le rapport à la douleur ou le niveau d’ostéoporose sont
assez différents de ceux des Orientaux.

III. – Comment fonctionne la technique ?


Le patient est allongé au sol, face contre le futon ou bien allongé sur le
dos, selon le protocole. Le praticien va exercer des pressions progressives
qui vont soit cheminer sur un trajet particulier de méridien énergétique, soit
travailler sur un ou plusieurs points précis.
Pression d’un pouce sur un trajet de méridien avec contact d’ancrage de l’autre main

Pression simultanée des deux pouces sur un trajet de méridien


Pression du pouce sur un point d’acupuncture

Le praticien opte pour telle et telle action après avoir préalablement


repéré chez le patient des déséquilibres au moyen d’outils adéquats. Ainsi
que je l’ai évoqué précédemment, ces outils sont de différents ordres et
c’est l’ensemble cohérent des informations récoltées qui permet au praticien
d’élaborer des choix d’intervention :
observation du visage et de la posture ;
écoute de la voix ;
observation de l’œil ;
entretien ;
prise des 12 pouls énergétiques ;
repérage des zones réflexes dorsales et abdominales.
Autant de champs informationnels que le praticien professionnel doit
prendre en compte.
Prise des pouls énergétiques
Prise des pouls énergétiques (détail)

À partir de ce repérage, le praticien va faire une synthèse des


informations recueillies et les organiser selon les principes soit de la
connaissance physiologique (courant ostéo-articulaire), soit de la médecine
traditionnelle chinoise (courant énergétique). Selon ces derniers principes,
chaque méridien énergétique a des relations précises avec certains autres
méridiens et chaque point d’acupuncture permet d’agir sur la quantité et la
qualité de l’énergie qui circule dans le méridien en question. La bonne
connaissance de ces principes, acquise en formation, lui permet d’établir
son protocole d’action avec la pertinence et l’épure nécessaires. Plus il est
compétent, plus ses repérages et ses choix seront précis. Cela n’est pas
anodin, non seulement parce qu’il convient de ne pas commettre d’erreurs
mais également pour que le travail se révèle efficace. En effet, il en est de
l’énergie comme de toute chose : plus elle est sollicitée dans des directions
ou des endroits différents, plus elle se disperse, plus elle se dilue et moins
elle est efficace. La synthèse et l’épure des choix d’intervention sont donc
essentielles. C’est pour cette raison qu’en médecine traditionnelle chinoise
par exemple, on dit qu’un « bon acupuncteur » ne met jamais plus de quatre
à six aiguilles à son patient.
En dehors de ce travail, dans le style Nakasono que j’enseigne, la
séance démarre toujours par un travail général sur le dos du patient, afin de
rééquilibrer le terrain. Les pressions successives sont exercées sur des
points particuliers, situés de chaque côté de la colonne vertébrale, appelés
en médecine traditionnelle chinoise des « points d’assentiment » (points Yu
ou également points Shu). Ces points ont la particularité d’être des sortes de
points « vannes », permettant de restaurer l’ensemble des niveaux
énergétiques, selon le principe des vases communicants. Une fois le
rééquilibrage de base effectué, les actions portant sur des points ou des
méridiens spécifiques trouveront un « accueil » plus favorable, gage d’une
meilleure efficacité.
Les points d’assentiment

Le déroulement d’une séance,


selon le style Nakazono
Une séance de shiatsu, qui dure environ une heure, suit un déroulé bien précis.
Dès que le patient est accueilli, il entre dans la première phase, qui est celle du recueil des
informations. Le praticien regarde son patient et note sa posture physique et sa typologie
générale (est-il grand, petit, gros, mince, etc. ?).
Dans le cabinet de consultation, le praticien conduit un entretien préalable avec son
patient. Après avoir recensé les informations « administratives » (âge, situation familiale,
antécédents et présents médicaux, etc.), le praticien conduit son entretien selon un
protocole précis qui lui permet de réunir les informations essentielles à son repérage de
déséquilibre. « Pourquoi êtes-vous venu ? Quelles sont les éventuelles manifestations,
physiques ou psychiques, de votre souffrance ? Avez-vous subi des chocs émotionnels
importants ? Quel est votre mode de vie (alimentation, sommeil, stress, travail, pratique
physique, etc.) ? Quand observez-vous une “aggravation” ou une “amélioration” de votre
état ?, etc. » Autant de questions qui permettent au praticien d’investiguer, avec justesse,
prudence et respect, dans les domaines les plus variés de la vie de son interlocuteur.
Pendant le temps que dure cet entretien, le praticien observe le visage de son patient, ses
yeux, et note tout ce qui s’en dégage de significatif pour lui, selon les principes du
diagnostic shiatsu.
Après cette phase qui peut durer jusqu’à trente minutes, le praticien analyse, synthétise les
éléments qui vont lui permettre d’établir une stratégie d’action et de faire ses choix. Il peut
alors demander à son patient de s’installer au sol, sur le tatami ou sur le futon et, si
nécessaire,
compléter son diagnostic shiatsu en prenant le pouls énergétique, en observant les zones
dorsales ou en palpant les zones abdominales. Il précise alors à son patient en quoi va
consister la séance et peut commencer à appliquer le protocole qu’il a choisi de pratiquer.
CHAPITRE VIII

Le shiatsu, pour quoi faire ?

Autant les raisons pour lesquelles on peut faire appel à l’ostéopathie ou


à la kinésithérapie sont relativement claires pour tout un chacun, autant
celles qui peuvent conduire à consulter un praticien en shiatsu le sont
moins.
Quand on parle de shiatsu, on pense spontanément à « confort ».
Beaucoup d’entre nous ont d’ailleurs déjà croisé, voire bénéficié d’une
séance de shiatsu dans le hall d’un aéroport. D’autres ont pu y avoir accès
dans un spa, un centre de bien-être ou en vacances et, dans ce cas-là, ils
l’ont fait allongés, sur un tapis, voire sur une table de massage. Dans tous
les cas, ces séances de shiatsu étaient des séances dites de « confort », de
détente. Mais rares sont ceux qui ont pu bénéficier, en France, d’un
véritable shiatsu « thérapeutique », c’est-à-dire revendiquant une action sur
le corps et ses tensions. La raison en est simple : le cadre légal interdit aux
médecines douces de revendiquer toute finalité thérapeutique !
En France, l’absence de statut et de réglementation des médecines
douces les cantonne au domaine du bien-être. Cette situation, totalement
déconnectée des préconisations de l’OMS et de ce qui se fait dans la plupart
des pays du monde, maintient ces pratiques dans un brouillard néfaste et
contre-productif, nébuleuses faciles à critiquer et à montrer du doigt,
n’aidant en rien, voire ne respectant pas, ceux qui souhaitent faire appel à
de telles approches.
La société civile, plus en prise avec le réel et moins arc-boutée sur la
défense des prérogatives territoriales corporatistes ou économiques, a déjà
largement passé le cap. Nombre de mutuelles prennent en charge, en tout ou
partie, des séances de shiatsu. De nombreuses entreprises font appel à des
praticiens shiatsu, pour intervenir en interne ; des médecins, de leur propre
chef, travaillent en bonne intelligence avec des praticiens compétents, etc.

I. – Le cadre du confort
Dans le cadre et le respect de la législation française, le recours au
shiatsu ne doit donc se faire que dans le domaine du confort, du bien-être,
de la détente. Et nombre de praticiens n’exercent que dans ce cadre, la
plupart du temps avec la compétence requise. Par conséquent, lorsque l’on
est fatigué, stressé, tendu, on peut faire appel au shiatsu et on en retirera un
bénéfice certain. Deux à trois séances maximum seront nécessaires et une à
deux séances annuelles d’entretien peuvent être conseillées.
Étant donné ce cadre de confort et la formation généralement moins
poussée des praticiens, des proscriptions formelles s’imposent. Elles
doivent nécessairement faire partie des premières questions que tout
praticien de confort qui se respecte posera à son client. Ces proscriptions
concernent les usagers atteints de :
phlébite ;
calculs rénaux ;
fièvre importante ;
anévrismes aortiques ;
cancers déclarés ;
psychopathologies graves (troubles bipolaires, schizophrénies, troubles
psychotiques, épileptiques, etc.).
Le shiatsu est également déconseillé :
pendant la grossesse ;
aux enfants de moins de 7 ans ;
aux personnes ayant subi des opérations ou des blessures récentes.
Les raisons de ces interdits sont multiples et tiennent à la fois au risque
lié à la pratique même, qui consiste à détendre l’organisme (au risque de
libérer un caillot de sang ou un calcul, par exemple), qui fait circuler des
fluides (au risque de faire migrer des cellules cancéreuses par le sang ou la
lymphe), qui dynamise les énergies (pouvant déclencher des crises ou des
décompensations chez les personnes sensibles et « limite ») ou qui exerce
des pressions réelles devant être particulièrement maîtrisées (rupture
d’anévrisme, blessure des structures fragiles comme chez les enfants ou les
personnes fortement atteintes d’ostéoporose).

II. – Le cadre professionnel


Il en va différemment avec les praticiens professionnels, dans les pays
où la revendication « thérapeutique » est autorisée, associée ou non à une
prescription médicale. Leur formation professionnelle, plus longue et plus
complète, leur donne des connaissances et une maîtrise des techniques qui
font d’eux des praticiens compétents et responsables. Faire appel au shiatsu
pour des raisons notamment thérapeutiques ne dispense pas de consulter un
médecin, bien au contraire, et à plus forte raison si le trouble est important
ou s’il dure. Ce conseil de pure évidence est valable partout.
Les revendications « thérapeutiques » du shiatsu peuvent être de deux
ordres : d’une part d’ordre fonctionnel ou organique ; d’autre part d’ordre
« mécanique ». Dans les deux cas, ces revendications ne sont pas absurdes
si l’on en juge par les effets connus et reconnus des techniques énergétiques
comme l’acupressure ou l’acupuncture. C’est dans ce cadre et par ces effets
que le shiatsu est officiellement intégré aux approches thérapeutiques
officielles au Japon et fréquemment prescrit par des médecins et pris en
charge par les assurances sociales.
Les troubles fonctionnels, souvent associés à une dimension
psychosomatique, sont un domaine d’application évident du shiatsu, par
exemple en cas de troubles digestifs ou de transit, de palpitations, de
vertiges, de migraines, de troubles du sommeil, de dérèglement du cycle
chez la femme, etc. Le shiatsu a beaucoup de réponses à apporter à ces
situations. Parfois même il « fait des miracles ».
En cas de troubles « mécaniques », le shiatsu peut également se révéler
tout à fait pertinent. Douleurs au dos, tensions physiques diverses,
essoufflements, crampes, troubles musculo-squelettiques, etc., sont autant
de manifestations de tensions corporelles que le shiatsu traite avec efficacité
et de façon durable.
Le shiatsu excelle enfin à traiter les pathologies liées au stress, qui
peuvent se traduire soit par des troubles fonctionnels, soit par des troubles
mécaniques, soit les deux. Il est dans ce cas un outil incontestable de
relâchement, de libération du stress emmagasiné, mais également un
remarquable outil de prévention. Il peut en effet agir de façon hygiéniste,
avant que les troubles ne prennent de l’ampleur et deviennent organiques ou
psychiques. Aux yeux des sociétés occidentales, grandes génératrices de
stress, cette vertu n’est pas la moindre du shiatsu. Le coût social de ces
pathologies (qui se traduisent par de l’absentéisme ou des prises en charge
diverses, voire des suicides) est colossal, et cette seule question devrait faire
réfléchir à la pertinence d’approches comme le shiatsu.
Jean-François est venu me voir en consultation parce qu’il traversait une phase
professionnelle difficile. Surchargé de travail, il terminait sa journée de travail de plus en
plus tard, rentrait stressé à son domicile, peinait à trouver le sommeil et constatait qu’il se
réveillait de plus en plus fatigué. Bref, le tableau clair et précis d’un burn-out en
préparation.
La première partie de la consultation consista à « évaluer les dégâts ». Il est en effet
important d’identifier les risques éventuels de décompensation brutale qui peuvent se
produire dans de tels cas. L’intérêt du travail en shiatsu et en énergétique réside dans le fait
que, lorsque l’on a correctement identifié les structures en déséquilibre, on va pouvoir
travailler à redonner à la personne les moyens de rééquilibrer l’ensemble plutôt que de
s’opposer à ce qui se manifeste (stress, sommeil, etc.).
Dans le cas de Jean-François, le bilan (entretien, prise de pouls énergétique, observation du
visage et des yeux, écoute de la voix, attitude posturale, etc.) fit très vite apparaître que la
clé de son problème résidait dans sa
difficulté à « dire stop » ou non face à toutes les sollicitations professionnelles. Il était
incapable de « définir un territoire », de poser des limites aux autres, au point de s’oublier
et de ne plus faire la différence entre le territoire personnel et le territoire professionnel. La
situation en était arrivée à un point où Jean-François n’était plus capable de fermer la porte
de son bureau, dans lequel n’importe qui entrait n’importe quand.
Au-delà de l’évocation de cette question lors de l’entretien, le travail en shiatsu a consisté
en deux interventions. La première a été de réaliser un rééquilibrage général des flux
vitaux perturbés en utilisant l’ensemble des points d’assentiment, qui par un système de
vases communicants permettent de faire circuler les « pleins » énergétiques vers des zones
de vide. La deuxième a été de renforcer les énergies de constitution et de défense du
territoire qui sont celles du méridien énergétique du poumon (Jean-François fumait
beaucoup), dont la fragilité avait d’ailleurs été confirmée par une prise de pouls
énergétiques.
Dès la première séance, Jean-François a retrouvé le sommeil et, dès la deuxième, il m’a
confié avoir naturellement et sans véritablement s’en rendre compte, fermé la porte de son
bureau… Le reste fut à l’avenant.

Dans le cadre d’un soin ou d’un accompagnement thérapeutique,


plusieurs séances (de 3 à 6, voire 8) à la suite, à quelques jours d’intervalle
(une semaine environ) peuvent être nécessaires. Le praticien professionnel
sera capable de définir le besoin et le précisera clairement à son patient.
Dans le cas d’environnements personnels ou professionnels
particulièrement lourds ou pathogènes, le recours « régulier » au shiatsu
(une séance mensuelle par exemple) se révélera pertinent.
Dans tous les cas de figure, le praticien doit être en mesure de conseiller
son patient sur les soins complémentaires qu’il jugerait nécessaires ou
judicieux de le voir suivre et en aucun cas il ne devra lui suggérer d’arrêter
de prendre un traitement médicamenteux ou prétendre que lui seul ou le
shiatsu peuvent le soigner. Le shiatsu n’a jamais prétendu tout régler ni tout
traiter. Au moment où le patient prend rendez-vous, le praticien doit
d’ailleurs énoncer clairement sa capacité ou non, partielle ou totale, à
apporter du mieux-être à son patient.

III. – Les conditions matérielles


Une dernière question se pose maintenant, celle des conditions
techniques et matérielles. Celles-ci sont un peu différentes selon les
pratiques. Dans le cadre de la pratique dite de « confort », la séance de
shiatsu dure entre 45 minutes et une heure. Elle est principalement
organisée autour d’une pratique générale lors de laquelle le praticien va
travailler sur l’ensemble du corps, sans rechercher spécifiquement des
déséquilibres particuliers. Au cours de l’entretien préalable à la séance, le
praticien se contente d’identifier le besoin du client et s’assure que rien ne
s’oppose à la pratique du shiatsu, pratique qui pourra se faire soit sur chaise,
soit au sol. Le tarif de la séance se situera, selon la région (principalement
en raison des loyers), entre 40 et 60 € pour une heure.
Dans le cadre de la pratique « professionnelle », la séance dure une
heure pleine. Elle est constituée d’une première partie au cours de laquelle
le praticien s’entretient avec le patient. Il va également, s’il a appris à le
faire, le conduire à faire des liens entre ses tensions et ses modes de vie,
certains chocs émotionnels ou comportements pathogènes, etc. Ce type
d’entretien demande, de la part du praticien, une vraie méthode, qui ne
s’improvise pas. À partir de ces éléments, il identifie le type de déséquilibre
à traiter et détermine ses choix d’action. Il déploie alors les techniques les
plus adaptées aux besoins et au patient et les applique avec la plus grande
précision. Il détermine également le nombre de séances qui lui semblent
nécessaires pour répondre au besoin du patient et lui en fera part. Le travail
se fera toujours au sol. Dans le cadre de la pratique professionnelle, le tarif
d’une consultation se situera, selon la région, l’expérience ou la renommée
du praticien, entre 60 et 100 € environ.
La question des tarifs a besoin d’être évoquée. Régler entre 50 et 100 €
pour une séance de shiatsu peut sembler beaucoup, voire énorme pour
certains. Oui, ces tarifs ne sont pas négligeables, mais soyons clairs : par
rapport à quoi ? Par rapport aux soins de la médecine allopathique qui « ne
coûtent rien » parce qu’ils sont entièrement pris en charge ? Certes, mais
voyons un peu plus loin, en dehors même de cette « gratuité » que nous
payons très cher dans nos comptes sociaux.
Tout d’abord, ainsi que je l’évoquais précédemment, de nombreuses
mutuelles françaises prennent en charge, en tout ou partie, un certain
nombre de séances de shiatsu (ou d’autres médecines douces) dans une
année. D’autre part, le budget « shiatsu » peut être comparé avec bien
d’autres dépenses beaucoup plus élevées dans une année et que nous faisons
sans sourciller (tabac, alcool, sodas, forfaits téléphoniques, jeux, Internet,
etc.). Pourtant leurs montants cumulés sont sans commune mesure avec
quelques séances de shiatsu. Et que dire par exemple du tarif horaire que
demande le garagiste pour réviser notre voiture (entre 80 et 100 € HT
environ) ? Ou du « forfait » d’intervention d’un plombier ou d’un
réparateur en électroménager (150 € environ) ? L’entretien de notre corps,
de notre bien-être et de notre santé serait-il tellement moins important que
l’on trouve onéreux de s’en occuper ? N’oublions pas que la santé n’est pas
un dû. C’est un état qui se travaille, s’entretient et se conquiert. Sinon, la
facture qui arrive avec le temps sera bien plus élevée.
CHAPITRE IX

Le statut du shiatsu en France


et en Europe

Quel est le statut du shiatsu aujourd’hui, en France et dans les autres


pays européens ? Aucune étude n’ayant réellement été menée, j’ai
personnellement réalisé, dans le cadre de mon institut de formation
(l’Institut français de shiatsu), une enquête sur la question. Il en est ressorti
on ne peut plus clairement que le shiatsu, en dehors du Japon qui est son
pays d’origine et où il est considéré comme la seconde médecine, ne
bénéficie d’aucune reconnaissance « officielle » dans aucun des pays
étudiés (en dehors du statut particulier qui est le sien en Allemagne). Il jouit
en cela de la même absence de considération que toutes les autres pratiques
« non conventionnelles ». Ce constat est a priori navrant, surtout si l’on
prend en compte le fait que l’amendement européen le jugeant « digne
d’intérêt », au même titre que sept autres approches alternatives, date de
1997. Par conséquent, vingt ans après le vote de ce texte, pratiquement rien
n’a changé, en tout cas au niveau des instances politiques des pays membre
de l’Union européenne, et en particulier en France.
Les raisons sont suffisamment évidentes pour qu’il ne soit pas besoin
d’épiloguer sur la question, et les arguments avancés au nom de la
protection des individus ne tiennent pas. Au contraire même : l’absence de
règlement peut permettre de faire n’importe quoi et ouvre la voie à tous les
excès. Prétendre préserver les utilisateurs des approches alternatives ne peut
donc pas consister à rejeter purement et simplement ces approches ou à les
diaboliser ; cela signifie au contraire qu’il faut les évaluer au terme de
protocoles scientifiques rigoureux.
De plus, cet état d’esprit fait fi de l’opinion des utilisateurs, qui sont de
plus en plus nombreux à faire appel à elles. Or, il faut se rappeler que les
approches alternatives ont fait l’objet d’un rapport officiel de l’OMS, que
j’ai évoqué dans l’introduction du présent ouvrage. On y insiste sur la
nécessité à les étudier et les valider selon leur efficacité en termes de
risques et de bénéfices éventuels. C’est ce qui avait déjà été préconisé dans
un premier rapport « Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle
pour 2002-2005 » et c’est ce qui a été répété et précisé encore plus
fortement dans un second rapport « Stratégie de l’OMS pour la médecine
traditionnelle pour 2014-2023 ». Les chiffres montrent qu’en Europe, plus
de 50 % de la population en moyenne a fait appel au moins une fois dans sa
vie aux médecines alternatives complémentaires. Ils montrent aussi que,
dans les pays où leurs répercussions économiques ont été évaluées, une
diminution de plus de 24 % des frais par rapport à une prise en charge
médicale classique (étude de la région de Lombardie, Italie, 2012).
On peut estimer que les praticiens professionnels en shiatsu exerçant en
Europe sont entre 6 000 à 10 000, alors qu’au Japon, on recense plus de
50 000 cabinets de consultation. En se fondant sur une moyenne
hebdomadaire minimale de 25 consultations (certains font beaucoup plus,
d’autres un peu moins) pour 45 semaines annuelles de travail (là aussi un
minimum), nous obtenons par exemple pour 8 000 praticiens un nombre
estimé de 9 000 000 de consultations par an en shiatsu, en Europe. Ce
chiffre peut sembler faible comparé au nombre des consultations médicales.
Il n’en est pas moins intéressant. Il montre que le shiatsu est une pratique
qui intéresse beaucoup de monde, et qu’il est, de plus, une pratique « sans
risque » s’il est pratiqué par des professionnels. En effet, autant de
consultations sans qu’aucun scandale ait jamais éclaté – certains n’attendant
que cela – démontrent, s’il en était encore besoin, que le shiatsu n’est pas
une pratique à risques.
Bien entendu, il n’est pas ici question d’occulter les risques que font
courir des praticiens incompétents, et nous verrons plus loin combien une
formation professionnelle rigoureuse est nécessaire. Les risques rares sont
toujours le fait d’individus mal formés ou même qui s’autoproclament
« praticien en shiatsu ». Mais l’incompétence de quelques-uns ne doit pas
entacher la réputation et le sérieux de tous les autres. La plupart des
dommages qui ont lieu dans le cadre de la médecine officielle sont le fait
d’individus isolés et il ne vient pourtant à l’idée de personne de remettre en
cause la médecine elle-même. Par conséquent, la pratique amateur ou peu
scrupuleuse de certains individus, manquant de formation et de
professionnalisme, et les risques qui en découlent ne doivent pas servir de
prétexte pour remettre en cause le shiatsu. En revanche, il est évident que
l’absence de cadre officiel favorise la médiocrité, l’amateurisme et
l’irresponsabilité de ces praticiens. Il serait souhaitable que la pratique
puisse être validée par des protocoles adaptés, et non selon des « protocoles
de laboratoires » qui lui sont inapplicables. Cette évaluation pourrait, dans
un premier temps et a minima, se faire à partir de critères stricts encadrant
le contenu des formations qui initient à la pratique professionnelle. C’est
déjà le cas dans quelques pays phares, où l’idée de reconnaissance fait son
chemin. En France, seuls importent les critères définis par les écoles ou les
formateurs, qui garantissent la qualité de la formation. La loi ne définit rien.
Elle se contente d’interdire au praticien de poser un diagnostic, de faire des
prescriptions, des manipulations, etc. Et en dehors de cela, le flou règne car
tout ce qui n’est pas interdit, est permis !

I. – La situation en Europe
L’enquête que nous avons menée en Europe et au Japon fait ressortir
quatre catégories de pays où la situation du shiatsu diffère.
1. En Allemagne et en Suisse. – Ces deux pays sont, à l’échelle
européenne, les deux seuls à conférer un statut officiel à certaines approches
alternatives, dont le shiatsu. En Allemagne, c’est par le biais du statut de
Heilpraktiker (« praticien de soins, de santé »), unique en Europe, voire au
monde, que l’on peut officiellement exercer, entre autres, le shiatsu. Ce
statut est particulièrement clair et professionnalisant. Le diplôme officiel
correspondant est délivré par le ministère de la Santé et sanctionne une
formation reposant sur un tronc commun exigeant, principalement clinique.
Il donne un statut « médical », dont les implications sont nombreuses. Il
offre non seulement des avantages fiscaux (exonération de TVA), mais il
permet d’exercer dans une perspective thérapeutique. Le praticien peut
donc procéder à un diagnostic, prescrire des préparations non allopathiques
et traiter. Il peut le faire en utilisant les techniques qui sont les siennes et qui
sont annoncées comme étant sa spécialité. Il peut revendiquer officiellement
jusqu’à trois spécialités (par exemple Heilpraktiker spécialisé en
phytothérapie, réflexologie et shiatsu) et traiter, sans prescription médicale,
de nombreux symptômes, dans la limite de certains interdits (liés aux
pathologies graves ou dangereuses). Ce statut, en définissant ce qui est légal
et ce qui est illégal, clarifie totalement le paysage de la santé en Allemagne.
En ce qui concerne la Suisse, le statut des médecines douces a
également beaucoup évolué ces dernières années. À la suite de la
« votation » (référendum) du 17 mai 2009, les Suisses ont décidé, à plus de
60 % des votants, d’intégrer les médecines douces (dans un premier temps
cinq d’entre elles) dans leur Constitution et leur système de santé officiel.
Depuis 2012, elles sont prises en charge par l’assurance maladie. À l’avenir,
d’autres approches actuellement en phase d’évaluation et de validation
(dont le shiatsu) le seront également. L’évolution de ce statut est majeure,
car elle a déjà conduit les cinq premières médecines douces intégrées à un
« principe de confiance » qui révolutionne leur position. En effet, ce
principe de confiance place ces médecines douces au même niveau que la
médecine officielle. Cette situation a pour conséquence légale d’« inverser
la charge de la preuve » à l’égard de l’efficience de ces approches
alternatives. C’est maintenant à ceux qui les contestent d’apporter la
démonstration de leur inefficacité… Ce n’est plus à elles de devoir prouver
qu’elles sont efficaces.
2. Au Royaume-Uni. – Dans les pays anglo-saxons, la reconnaissance
dépend d’instances nationales. Les approches alternatives, dont le shiatsu,
peuvent y être pratiquées sans contrôle particulier. Seule contrainte légale :
« ne pas nuire à l’intégrité de la personne ». Pour accéder à une éventuelle
reconnaissance, les instances nationales demandent aux professionnels de
s’organiser. Une organisation professionnelle capable d’être un
interlocuteur unique et responsable permettra d’entamer des négociations. À
charge pour cette organisation de définir des critères clairs et précis
concernant l’action et l’efficacité de la méthode et de professionnaliser
l’existant. Toutes ces approches peuvent remercier le prince Charles qui est
un ardent défenseur des médecines douces…
3. En Autriche et bientôt en France. – En Autriche, la reconnaissance
se fait dans le cadre du champ économique. C’est le ministère de
l’Économie et du Travail qui a donné un statut aux praticiens en shiatsu,
régulant ainsi une situation et une réalité économique que l’on a accepté de
voir en face. En effet, il a été décidé d’accorder un statut officiel à la
profession dans la mesure où de très nombreuses personnes avaient recours
au shiatsu et où de nombreux praticiens intervenaient déjà en milieu
clinique ou hospitalier (notamment psychiatrique). Cette mesure a été prise
au niveau national.
Depuis 2015, la situation évolue en France. À travers l’attribution d’un
numéro de certification au Registre national de certification professionnelle
(RNCP), c’est, comme en Autriche, l’aspect « métier » et le champ
économique qui sont reconnus. Cette certification, limitée au cadre du
« bien-être », est une validation du respect « formel » des normes et des
conditions d’accès à la formation de praticien. C’est déjà un premier et
grand pas, même si elle ne certifie en rien que le contenu et la formation
délivrée soient pertinents et de qualité. Il reste beaucoup à faire avant que le
statut n’évolue vers une reconnaissance de ce qu’est vraiment le shiatsu, à
savoir une pratique d’hygiène et de santé.
4. En Espagne et en Italie. – Dans ces deux pays la mise en œuvre de
la « reconnaissance » est le fait, non pas d’instances nationales (Grande-
Bretagne, Irlande) ou économiques (Autriche), mais d’instances régionales,
dans le champ de compétence de la santé. En Espagne par exemple, la
région de Catalogne a voté une loi réglementant la pratique du shiatsu,
incitant en cela le gouvernement à se préoccuper de la question. En Italie,
plusieurs régions, dont la Lombardie, ont présenté des propositions de lois
visant à conférer un statut aux approches alternatives et en particulier au
shiatsu. Pour l’instant, et contrairement à ce qui s’est passé en Espagne,
aucune n’a abouti, notamment parce que certains dossiers ont été considérés
comme insuffisants ou pas assez professionnels.

II. – La nécessaire professionnalisation


Ce dernier point est crucial. En effet, c’est à travers la
professionnalisation que la reconnaissance pourra se faire au niveau
européen. Dans les pays où des études ont été réalisées ou sont réalisées en
milieu « officiel » (cliniques, hôpitaux, cabinets médicaux, etc.), la
reconnaissance existe ou est en passe de l’être, grâce au professionnalisme
dont témoignent les praticiens. C’est en Allemagne, en Espagne, en Grande-
Bretagne, en Italie et en Suisse qu’ont lieu ou qu’auront lieu les avancées
les plus significatives. Un certain nombre de ces pays a d’ailleurs participé
à une étude clinique menée en Grande-Bretagne, à l’université de Leeds,
dans le cadre de la faculté de médecine et de santé. Cette étude, intitulée
The Effects and Experience of Shiatsu : A Cross-European Study, a été
conduite sous l’égide de la Fédération européenne de shiatsu (ESF) et a fait
l’objet d’une publication en 2007.
Il est indéniable que l’évolution du statut du shiatsu, en France, se fera,
du moins pour le shiatsu considéré comme une pratique de santé, du fait de
celui qui est reconnu au niveau européen. Des protocoles médicaux ne
seraient pas adaptés. En revanche, il est nécessaire d’élaborer des standards
de formation (comme c’est par exemple déjà le cas pour l’ostéopathie) et de
sanctionner les formations par la délivrance d’un diplôme. Enfin, de
véritables organisations professionnelles seraient les bienvenues. Par la
suite, au-delà de ce premier niveau de structuration, des études et des
analyses statistiques permettront sans doute d’évaluer les résultats obtenus
par le shiatsu. Elles devront être effectuées auprès de panels représentatifs,
selon des critères élaborés par les professionnels du domaine et selon une
rationalité « scientifique » clairement définie. Dans ce cadre, les techniques
utilisées aux États-Unis en neuro-bio-immunologie par exemple (PET-scan)
pourront se révéler d’une indéniable utilité. Toutefois, étant donné le coût
d’utilisation de ce type de matériel, une telle démarche ne pourra être
engagée que dans le cadre d’un protocole hospitalier ou universitaire.
CHAPITRE X

À qui faire appel ?


Pourquoi ?

La première fois que l’on souhaite faire appel à un praticien en shiatsu,


on se demande souvent vers qui se tourner. Rien n’est plus compréhensible,
car on ne souhaite pas confier son corps aux mains du premier venu, à plus
forte raison si ce corps souffre. Le bouche à oreille peut être un bon critère,
mais il suppose que l’on connaisse quelqu’un qui ait déjà eu recours au
shiatsu. Dans ce cas, nous bénéficions de l’expérience de celui qui nous
conseille ce praticien (dans la mesure où nous lui faisons confiance !).
La plupart du temps, une recherche sur Internet s’impose. On peut aussi
être tenté par une annonce affichée chez le commerçant local, prendre
contact avec un praticien que l’on aura rencontré lors d’un salon de bien-
être ou à l’occasion d’une intervention ponctuelle dans un cadre public
(travail, voyage, animation locale, etc.). Dans tous ces cas de figure, le
choix risque d’être un peu plus aléatoire. C’est pourquoi il peut être
intéressant de prendre en compte quelques critères.

I. – Pour quel besoin ?


C’est la première des questions qu’il faut se poser. Pourquoi ai-je envie
ou crois-je avoir besoin de consulter un praticien en shiatsu ? Généralement
deux motivations se font jour : soit j’ai besoin de me détendre, de me sentir
bien ; soit j’ai besoin de traiter un mal plus précis (mal de dos, trouble du
sommeil, stress, etc.).
Dans le premier cas, je peux faire appel à un praticien de « confort ».
Formé en six à dix-huit mois, celui-ci connaît les techniques générales du
shiatsu de détente, au sol ou sur chaise. Son travail sera global et suivra un
protocole général appris dans ce but. Il est judicieux de compter une à trois
séances avant de ressentir véritablement du bien-être (les tarifs alors
praticables sont évoqués p. 86-88). Il est bon de vérifier auprès du praticien
qu’il en est ainsi et qu’il a suivi une formation adéquate pour cela.
Dans le second cas, on doit se montrer plus exigeant dans sa recherche.
En effet, le praticien se devra d’être un vrai professionnel du shiatsu. Il aura
suivi une formation d’au moins quatre à cinq années obéissant à des critères
bien précis (voir chap. XI). Il devra être capable de conduire un entretien
fouillé et complet et avoir à sa disposition une palette de techniques
différentes et complémentaires qu’il saura utiliser selon la nécessité. Il
devra énoncer clairement à son patient ce qu’il pense faire, jusqu’où il
pense pouvoir l’aider et de quelle façon. Pour ce faire, il proposera un
certain nombre de séances et définira l’objectif à atteindre. Le patient devra
rapidement se sentir en confiance et le praticien se montrer d’emblée
compétent, dès les premières séances. Les tarifs devront être clairement
énoncés. Le praticien doit toujours être capable d’expliquer son travail dans
des termes simples et précis. Il faut toujours se méfier des discours
« magiques », ésotériques ou plus ou moins fumeux qui, la plupart du
temps, ne font que trahir l’« à-peu-près », voire la médiocrité de la pratique,
qui en tout cas n’est en rien professionnelle.
II. – Dans quel environnement et quelles
conditions ?
En dehors de ce qui précède et dans tous les cas de figure, que ce soit
pour une pratique de confort ou professionnelle, le lieu de consultation doit
être clair, propre, lumineux. Les conditions d’hygiène, que ce soit pour le
lieu (propreté du futon ou du tapis de sol, alaises jetables ou serviettes
changées à chaque séance, bonnes odeurs, etc.) ou pour le praticien (tenue
vestimentaire, hygiène corporelle, mains propres et lavées, etc.) doivent être
irréprochables. Les tarifs doivent être affichés et un reçu établi chaque fois
que souhaité.
Pour ce qui est de la pratique elle-même, le shiatsu est une technique
manuelle. Par conséquent, le praticien shiatsu de confort n’utilisera que ses
mains. Le praticien professionnel pourra se servir de moxas, en particulier
s’il appartient au courant énergétique et qu’il a à travailler sur des points
d’acupuncture spécifiques. Les moxas sont des bâtonnets d’armoise que
l’on allume et que l’on approche du point à traiter afin de le stimuler par la
chaleur ressentie. Il n’est jamais mis en contact avec la peau.
Technique de moxa

Au niveau vestimentaire, la pratique du shiatsu n’exige aucun


« uniforme » particulier, sinon des vêtements souples qui facilitent les
mouvements du corps. Porter un kimono n’est donc d’aucune utilité et rien
ne le justifie. L’habit ne fait pas la qualité du praticien. Il participe sans
doute plus de son folklore… Aucun des maîtres shiatsu que j’ai pu
rencontrer, au Japon ou en France, ne pratiquait ni n’enseignait en kimono.
Pour ce qui est de l’usager, il pratiquera toujours le shiatsu de confort
habillé, alors que dans le cadre de la séance professionnelle il sera en sous-
vêtements. Le praticien a en effet besoin de pouvoir observer les zones
corporelles, sentir les trajets des méridiens, travailler directement sur la
peau et les points d’acupuncture, soit avec les doigts, soit à l’aide des
moxas, étirer les zones articulaires ou dorsales en tension, etc.
Zones dorsales Masunaga
En ce qui concerne le lieu de consultation, et en dehors des conditions
précitées, celui-ci doit être aussi sobre que possible. Une décoration
orientalisante trop caricaturale, des fumées d’encens ou une musique
lénifiante ou New Age n’apportent rien, bien au contraire. Le shiatsu se
pratique dans le silence et l’apaisement des sens. Toute sollicitation de l’un
d’entre eux (odorat avec l’encens, ouïe avec la musique, vue avec le décor,
etc.) sera plutôt préjudiciable à la totale détente et disponibilité du receveur.
Sur le plan administratif, dans le cadre du respect de la législation
française, le praticien en shiatsu doit être officiellement déclaré auprès de
l’Urssaf, au regard de laquelle il existe un statut de « praticien shiatsu », et
auprès des services fiscaux puisqu’il exerce une profession indépendante
non réglementée. Il est soumis à la fiscalité de ces professions et en
particulier à la TVA (si son chiffre d’affaires dépasse 32 000 € annuels).
Selon le statut choisi, le praticien dépendra d’une caisse de retraite
particulière.
Zones abdominales Masunaga

III. – Trouver un praticien sur Internet ?


Cette question est épineuse, car il n’existe pas de répertoires certifiant
de façon officielle des praticiens en shiatsu. Il existe principalement deux
types de listes, celles qui sont proposées par des sites indépendants de
médecines douces ou alternatives ou celles qui sont proposées
éventuellement par des écoles. Les listes publiées sur les sites de médecines
douces sont, dans la quasi-totalité des cas, des listes qui recensent tout
praticien quel qu’il soit, à partir du moment où celui-ci cotise pour être
présent. Ces sites ne prennent donc aucune responsabilité à l’égard des gens
qu’ils référencent. Ils ne contrôlent ni ne vérifient leurs compétences. Sans
cette garantie de compétence ou de formation, de mon point de vue, la
prudence s’impose.
Dans le cas des sites d’école, il peut en être différemment. Certaines de
ces listes recensent tous les praticiens formés, sans distinction de niveau ou
de date ou sans préciser les critères de référencement. Cela est même le cas
de certaines « fédérations ». Ici aussi, à mon sens, la qualité du
référencement est insuffisante.
D’autres écoles en revanche réclament des praticiens souhaitant figurer
sur leurs listes qu’ils répondent à des critères précis et rigoureux (années de
formation, contenu, exigence, etc.). C’est par exemple le cas de celle qui est
proposée par l’Institut de formation que je dirige (www.shiatsu-institut.fr).
Les praticiens qui y sont référencés sont tous diplômés de l’Institut et
classés selon leur pratique (confort ou plus). Ils sont obligatoirement et
officiellement installés et déclarés, détenteurs d’une formation aux premiers
secours (FPS), d’une assurance « responsabilité civile professionnelle » à
jour et d’un casier judiciaire vierge. Ils doivent enfin signer une charte de
déontologie et d’éthique de la pratique et faire valider à l’Institut le
maintien à jour de leur compétence, au moins une fois par an. Ce sont les
conditions qui, à mon sens, garantissent au mieux la rigueur de la pratique
revendiquée.
Par conséquent, si l’on recherche un praticien sur un site Internet, il est
essentiel de vérifier la façon dont il a été référencé (exigences, niveau
minimal, assurances, expérience, etc.). S’il s’agit du site d’une école ou
d’une fédération (il y en a quatre en France, et un syndicat), il est bon de
s’assurer quelle est sa formation et quelles sont les exigences de l’école en
matière de référencement et d’engagement moral.
CHAPITRE XI

Comment se former ?

Ainsi que nous avons pu le constater dans les chapitres précédents, la


question de la formation des praticiens est centrale. En effet, on ne saurait
prétendre agir sur le corps d’une personne qui souffre sans avoir acquis les
connaissances qui s’imposent et sans un grand sens de la responsabilité.
Soigner n’est pas un jeu. Il ne suffit par pour cela d’adopter une posture ou
d’agir en dilettante. Ceux qui le croient sont les pires représentants des
médecines douces et ceux qui leur font le plus de mal. On ne se déclare pas
praticien de shiatsu après deux ou trois journées de formation. Dans les
pays, au Japon y compris, où il existe des formations professionnelles,
celles-ci durent de quatre à cinq ans minimum et couvrent l’ensemble des
domaines nécessaires à une bonne pratique. C’est ce critère qui d’ailleurs
est le plus pertinent pour choisir une formation (pour ceux qui souhaitent se
former) ou pour sélectionner un praticien (pour ceux qui souhaitent se
soigner). Car la valeur du diplôme est aujourd’hui uniquement déterminée
par la réputation de l’école qui le délivre.
Quels contenus de formation sont pertinents ? Il suffit pour cela
d’étudier ce qui se fait dans les pays phares des approches alternatives.
C’est ce que j’ai fait pour conduire au meilleur niveau les standards de
formation de mon Institut. C’est également ce qui fait qu’il entretient
d’ailleurs les meilleures relations d’échange avec les maîtres japonais du
shiatsu des courants énergétiques.
De nos jours, se former à la technique seule n’est plus suffisant, surtout
dans les domaines qui touchent à la santé. Toute méthode de soin doit faire
preuve de lisibilité et de pertinence, dans son propre champ et dans celui de
la science actuelle. C’est pourquoi le contenu des formations en shiatsu doit
répondre à cette exigence, a minima au « niveau » de praticien
professionnel.

I. – La formation technique
En raison même de la nature technique du shiatsu, le praticien doit
suivre des modules de formation techniques, pratiques, afin de s’approprier
le bon geste. Complet, ce geste s’exerce sur des zones qui peuvent être
sensibles, la qualité de l’apprentissage est primordiale. Le praticien doit
adopter les bonnes postures, apprendre à synchroniser son geste et sa
respiration, à travailler au sol et à s’y déplacer avec aisance. Il doit ensuite
se familiariser avec les protocoles techniques, les enchaînements qui
conviennent, etc. Il faut du temps pour maîtriser le geste shiatsu. Il l’est si le
praticien dépasse l’acte en lui-même et y investit une présence qui fera
toute la différence. Cela aussi s’apprend. La concentration et la présence à
ce que l’on fait ne sont ni un don ni un talent mais un acquis qui résulte de
la motivation du pratiquant.

II. – La formation théorique


La technique, toutefois, ne suffit pas. Le praticien a aussi le devoir de
« comprendre » ce qu’il fait, ce que signifie son geste, ce qu’il implique et
ce qu’il induit. Par conséquent, une bonne formation en shiatsu comporte
toujours un volet théorique largement aussi important et complet que le
volet technique. L’enseignement du shiatsu énergétique doit en outre inclure
des modules de formation aux fondamentaux de la médecine traditionnelle
chinoise. Ceux-ci apporteront une rationalité et donneront une logique au
geste pratiqué. Les pressions ne seront plus la simple récitation d’un
protocole asséné par un maître. Elles prendront du sens et de la validité.
Leur action s’inscrit dans une perspective et une cohérence qui respectent
l’essence philosophique de la pratique. Car le shiatsu est un art du soin et
son geste n’est rien s’il est vide de toute référence culturelle. Pour
développer toute sa portée, il a besoin de connaître ses racines. Rien de plus
naturel pour un praticien japonais, dont c’est la culture. Rien de plus
impératif pour un Occidental. Les notions de Yin et de Yang sont autre
chose que de purs concepts intellectuels. Ce sont des structures qui sont
chargées d’une signification phénoménale. Connaître et comprendre ce
qu’elles sont, ce qu’elles engendrent et leurs interactions, tel est le
paradigme que le praticien doit nécessairement s’approprier et maîtriser,
a minima le temps de la consultation. C’est à ce niveau qu’il peut renouer
les liens disjoints entre le corps et l’esprit, liens qu’un Oriental n’a pas
besoin de nommer. C’est à ce stade que les prémices de la question du sens
sont posées comme une référence obligée.

III. – La formation en anatomie


Au-delà de ce champ théorique « oriental », toute bonne formation
professionnelle en shiatsu doit proposer également des modules d’anatomie,
de physiopathologie, voire de neurologie. Il ne s’agit pas de former des
médecins mais des personnes qui sachent comment est fait ce corps avec
lequel elles vont travailler. Une bonne connaissance anatomique donne de la
dimension au geste, puisque le praticien sait ainsi sur quoi il travaille. Les
données de physiopathologie lui apporteront une connaissance des
pathologies les plus fréquentes et le familiariseront avec leurs signes
cliniques. Le praticien pourra ainsi être capable d’identifier les éventuelles
proscriptions, d’anticiper des risques éventuels, redirigeant vers le bon
interlocuteur tout patient ne répondant pas à sa technique ou lui conseillant
d’éviter des comportements pathogènes. Ainsi formé, à l’instar des
Heilpraktiker allemands, il gagne en compétence et se sent investi d’une
responsabilité « médicale », gage indéniable d’une pratique sérieuse. Il
acquiert une connaissance des fonctionnements organiques qui nourrit son
geste d’une intention plus précise. Il comprend ce qui fait l’action du geste
shiatsu dans sa dimension physique. Il sent combien la respiration juste
pacifie le corps en calmant le système neurovégétatif et combien le toucher
respectueux détend, par exemple par la sécrétion d’ocytocine.

IV. – La formation à la diététique


Toujours dans cet esprit de formation à la fois transverse et complète,
tout enseignement en shiatsu se doit de comporter un volet traitant des
fondamentaux de la diététique. Shizuto Masunaga le précise clairement
lorsqu’il écrit :

L’alimentation est la base d’une bonne santé, car c’est la nourriture


qui alimente la vie. Aussi la connaissance de ce qu’est
l’alimentation équilibrée est fondamentale pour se maintenir en
bonne santé. Afin que le corps puisse bénéficier de cette
alimentation équilibrée, il est important que la nourriture soit
absorbée dans un état détendu qui est le prélude à une bonne
digestion. La façon dont nous mangeons et digérons nos aliments est
grandement influencée par notre environnement social 1.

Cette diététique est la diététique énergétique chinoise, composante


essentielle de la médecine orientale. Son intérêt ? Une transversalité
particulièrement pertinente, qui prend en compte les données occidentales
et biomécaniques connues tout en les associant aux principes orientaux. Au-
delà de la question de la teneur des aliments en glucides, lipides et protides,
elle accorde une grande importance aux saveurs, aux modes de préparation
et à la variété des nutriments, la plupart du temps considérés comme des
« alicaments ». Cette connaissance permet au praticien shiatsu ainsi formé
de repérer les comportements alimentaires déséquilibrants et de procurer les
conseils judicieux dont son patient peut avoir besoin.

V. – La formation à la psychologie
Le dernier champ théorique qui devrait obligatoirement être défriché au
cours de la formation du praticien en shiatsu est celui de la psychologie. Il
n’est ni judicieux ni pertinent aujourd’hui de vouloir recevoir en
consultation un patient sans prendre en considération sa dimension
émotionnelle et psychique. La plupart du temps, il consulte parce que son
mode de vie le soumet au stress, à l’origine de tensions ou de pathologies
fonctionnelles. Un praticien qui a une bonne connaissance des arcanes de la
psychologie se dote d’un atout majeur. Cette évidence est partagée de par le
monde, au point qu’au Japon les écoles du courant ostéo-articulaire elles-
mêmes, qui enseignent un shiatsu purement physique, comme le Japan
Shiatsu College fondé par Tokujiro Namikoshi, ont intégré dans leurs
cursus des modules de psychologie. En France, par exemple, ce sont même
de grandes écoles d’ostéopathie, agréées par l’État, qui me demandent
d’intervenir dans le cadre de leur cursus afin de former leurs praticiens et
élèves. Pour tenter de comprendre l’être humain, on ne peut se cantonner à
la seule compréhension de ses systèmes et fonctions biologiques. On
n’observe pas le vivant d’un point de vue purement mécaniste, comme on le
ferait d’organes « morts ». Ce qui est en jeu n’est rien de moins que les
interactions et les intrications du corps et de l’esprit.

VI. – Le cadre déontologique et d’éthique


Enfin, la structure assurant la formation professionnelle du futur
praticien doit lui transmettre un cadre de déontologie et d’éthique, lui
suggérer d’adopter les bonnes attitudes et les bonnes postures sociétales
(quel comportement suivre à l’égard des autres praticiens de santé ?), lui
recommander une hygiène personnelle physique et psychique, le
sensibiliser aux conditions de son installation professionnelle, etc. Quel
statut peut-il choisir et pourquoi ? Comment se déclarer ? Quelles charges
prévoir et budgéter ? Quelles obligations sont liées à la pratique d’une
médecine douce en France, etc. ? Voilà autant de données que tout
formateur qui se respecte se doit de fournir à l’élève qui vient se former
chez lui.

VII. – Synthèse
Au vu de tout ce qui précède, il s’avère qu’un cursus de formation en
shiatsu doit représenter un minimum de 500 heures de face-à-face
pédagogique pur et de 500 à 1 000 heures de pratique personnelle,
l’ensemble étant validé par un véritable examen en fin de formation. Ce
sont là en tout cas les minima que j’ai instaurés dans mon institut de
formation, après avoir mené des enquêtes dans plus de vingt pays.
Pour faire la synthèse de ce qui précède en mettant au jour les bases
essentielles sur quoi fonder la bonne formation d’un praticien professionnel
en shiatsu, on dira que le futur praticien doit :
connaître les gestes techniques du shiatsu et les éventuels protocoles
propres au style qu’on lui enseigne ; il ne peut pas quitter la formation
sans connaître les trajets et les points d’action, énergétiques ou non ;
être formé à la théorie fondamentale du shiatsu, en particulier s’il
s’inscrit dans la lignée de la médecine traditionnelle chinoise ;
connaître, en théorie et en pratique, l’anatomie, la physiopathologie, et
même acquérir quelques notions de neurologie et d’endocrinologie ;
avoir appris à repérer des méridiens et des points d’acupuncture, et à
percevoir des flux énergétiques ;
s’être initié au shiatsu viscéral (ampuku) ;
connaître la diététique énergétique et les bons comportements
alimentaires ;
avoir suivi des formations au do in, do in an kyo et à la préparation du
praticien ;
avoir suivi des formations théoriques aux fondamentaux de la
psychologie, voire à la compréhension des liens entre corps et esprit ;
savoir dans quelles conditions s’installer et quels « bons
comportements » adopter ;
avoir été supervisé régulièrement par des praticiens ;
être formé aux gestes de « premiers secours » auprès de la Croix-Rouge
ou des sapeurs pompiers (certificat FPS).
Bien évidemment les formations pour la pratique du shiatsu de confort
seront moins exigeantes, tout en restant rigoureuses et adaptées. En
quelques points de synthèse, on peut dire que ce praticien aura suivi des
formations :
à la pratique technique des gestes shiatsu de base et des éventuels
protocoles propres à la détente (ces formations supposent une
connaissance précise des lignes de travail et des points d’action,
énergétiques ou non) ;
à la théorie fondamentale du shiatsu, en particulier pour ce qui concerne
la médecine traditionnelle chinoise ;
au travail sur chaise (anma) ;
aux gestes de « premiers secours » auprès de la Croix-Rouge ou des
sapeurs pompiers (certificat FPS).
Il doit également, au cours de sa formation, être supervisé régulièrement
par des praticiens et connaître aussi les « bons comportements » à adopter
en tant que futur praticien.

1. S. Masunaga, Zen shiatsu, trad. M. Jacquard, Éditions Guy Trédaniel, 1985.


CHAPITRE XII

Le shiatsu demain

Avec le temps, les sociétés occidentales ont pris conscience d’une


dérive culturelle dont le prix est devenu exorbitant. Le dogme du « toujours
plus, tout de suite » qui a progressivement envahi l’inconscient collectif
n’est que la signature de la prévalence du quantitatif sur le qualitatif. On a
oublié que nos actes et leurs conséquences s’inscrivent dans la durée. Sans
doute sommes-nous arrivés à un point critique, car, partout dans le monde,
des mouvements spontanés émergent. Souvent individuels au départ, ils
font valoir le nécessaire retour à un équilibre perdu. Le « commerce
équitable » ou le slow food en sont deux exemples qui ont fait la preuve de
leur réalisme et de leur pertinence. Le commerce équitable cherche à
réinstaurer des relations « qualitatives » entre producteurs et distributeurs
en responsabilisant les consommateurs. Et cela fonctionne sans mettre en
cause la notion de commerce en tant que telle. Seule l’éthique et les
habitudes changent. Avec le slow food (« nourriture lente »), mouvement
destiné à contrebalancer l’emprise du « fast-food », le lien à la nourriture
dans tout ce qu’il signifie (rythme, mode, origine, quantité, saveurs, etc.) est
totalement reconsidéré. Et cela fonctionne, sans remettre en cause la
consommation en tant que telle. Seules les modalités changent.
Il ne peut qu’en être de même avec la santé et le traitement de la
maladie. Le statut du patient dans la médecine officielle n’a-t-il pas déjà
changé ? Il a désormais accès à ses dossiers médicaux et ses relations avec
son médecin ont évolué. Il peut à présent discuter avec lui plus facilement
de son traitement ou de l’intervention qu’il doit subir. Le médecin, quant à
lui, a le devoir d’informer son patient sur son état de santé. Certains
mandarins archaïques vivent assez mal cette situation, mais l’évolution est
inéluctable.
Elle ira plus loin encore. À l’instar du mouvement slow food émergera
un mouvement que je qualifierais de « slow cure » ou « slow health ». Il
remettra en cause non pas la médecine, mais sans doute certains de ses
présupposés léonins. Car la notion de santé est un bien collectif. Dans ce
cadre, soigner ne peut plus être simplement synonyme de « faire taire »,
anesthésier ou enlever la souffrance, actions souvent nécessaires mais
amplement insuffisantes, surtout dans la durée. La puissance d’intervention
de la médecine chimique ou opératoire ne doit pas faire perdre de vue que
soigner, c’est aussi bien autre chose. Ici, les médecines complémentaires,
dont le shiatsu, trouveront toute leur place. Il ne s’agit pas là d’un simple
vœu pieux. C’est aussi celui de l’OMS dans les préconisations de son
dernier rapport.
Pour bien soigner, il sera sans doute nécessaire d’en revenir à des
pratiques chaque fois que possible globales et ayant démontré leur efficacité
et leur innocuité. Le shiatsu en fait partie, qui est une médecine complète et
pluriséculaire, fondée sur une bonne connaissance du corps dans sa
dimension mécanique mais aussi de l’homme dans sa dimension « subtile »,
en tant qu’il est animé de flux vitaux. Dans cette pratique où l’énergie, dans
son acception la plus noble, devient l’objet du traitement, les objectifs sont
doubles : traiter le désordre corporel et traiter la tension ou le vécu
particulier à son origine.
Pour ce faire, il faut être capable d’identifier un vécu, car c’est lui qui
peut donner sens à ce qui arrive au patient. Et c’est là que se situe l’enjeu
majeur du soin « moderne ».
La question du sens est-elle un défi d’avenir
pour la thérapeutique ?
La question est rhétorique, car la réponse est évidente. On ne peut plus aujourd’hui
considérer le patient comme une « victime », impuissante et passive, faisant l’objet de
soins dispensés par une tierce personne omnipotente et silencieuse. Il doit redevenir, et il
redevient acteur du soin qui le concerne. Mais pour se réapproprier cette place, il a besoin
de comprendre ce qui lui arrive et la part qu’il a prise dans ces événements. De facto, la
capacité du praticien à le guider dans cette voie produira cinq effets.
(1) En comprenant son vécu et en se réappropriant le sens du traitement qu’il reçoit, le
patient est replacé au centre du soin ; le soignant ne traite plus alors une maladie mais un
malade, et la différence est fondamentale.
(2) Replacé ainsi au centre du soin, le malade s’approprie le sens de son vécu initial, et
devient acteur de sa santé ; mieux informé, il accepte mieux les conseils ou les
prescriptions du soignant, qu’il suivra d’ailleurs plus volontiers.
(3) En découvrant le lien qui unit vécu et pathologie ou traumatisme, le malade est mis
devant un insight (une « révélation », une prise de conscience fulgurante), une
compréhension éclairante qui induit toujours une réaction corporelle, neurovégétative et
endocrinienne, qui favorise puissamment le soin.
(4) L’ensemble de ce qui précède relance, booste, dynamise le système immunitaire du
patient, participant ainsi d’une meilleure réponse face à la maladie ou d’une meilleure
consolidation ou cicatrisation.
(5) Cette dynamique recrée enfin l’unité en nous, nous aide à reconstituer le lien vital entre
corps et esprit, lien trop souvent brisé dans nos sociétés modernes. Un incroyable et
fabuleux programme !
Dans cette évolution, le shiatsu a un rôle majeur à jouer, en raison notamment de sa
dimension psychoénergétique, car il est bien plus qu’une simple technique manuelle de
soin. Il est, en raison de ses origines et de la culture où il a vu le jour, une véritable
philosophie de vie. La pensée animiste l’a nourri d’une conscience aiguë de l’importance
du subtil, de l’âme, des champs émotionnels et des liens de causalité. D’ailleurs, n’était-il
pas, pour maître Nakasono, une « médecine de l’âme et du corps » ? Des maîtres du
shiatsu japonais comme Shizuto Masunaga ou Tokujiro Namikoshi ne disent pas autre
chose. Certains pourraient s’en étonner. C’est qu’ils n’ont perçu du shiatsu que sa face
visible, le geste technique. Or sa face non visible, à l’instar de celle de l’iceberg, est bien
plus grande. C’est l’âme du geste, ce qui l’anime.
Conclusion

Véritable art du soin venu du pays du Soleil-Levant, le shiatsu est une


thérapeutique essentielle dont l’approche globale, l’épure et la rigueur font
une pratique d’avenir. L’exigence du geste shiatsu et la puissance de son
action l’ont hissé au rang des meilleures médecines douces. Au Japon, il est
même une « médecine reconnue ».
Parce qu’il est une pratique complète, tous ceux qui souhaitent
entretenir leur corps et leur esprit y recourront avec profit. Mais le shiatsu
est également une réponse thérapeutique complémentaire tout à fait
pertinente. Pratiqué par un professionnel responsable et correctement
formé, il se révèle efficace et donne des résultats rapides. Il se traduit
toujours par un ressenti de mieux-être indéniable.
Son champ d’action et sa préoccupation (rétablir des flux vitaux),
dépasse le symptôme pour restaurer un équilibre momentanément perdu. En
cela, le shiatsu ne s’oppose pas à ce symptôme. Il ne cherche pas à le traiter,
il le considère comme une information et permet de faciliter l’évacuation du
mal. Le shiatsu ne s’oppose donc à aucune médecine, bien au contraire. Il
vient en complément. Au Japon, il n’est pas pratiqué autrement.
De plus, bien au-delà du travail sur le corps, le shiatsu traite aussi
l’esprit, les émotions, le psychisme. Il libère le souffle et la respiration,
dénoue les tensions émotionnelles et les stress accumulés, détend le mental
et restaure le terrain du patient. Il est ainsi d’une efficacité incroyable pour
lutter contre toutes les tensions causées par les modes de vie actuels.
Alors : quel avenir pour le shiatsu ? À la fois préventif et curatif, fondé
sur une vision nouvelle et globale du soin et de la santé caractérisée par une
absence totale d’effets iatrogènes (effets néfastes consécutifs au traitement),
il est une thérapeutique qui redonne une place centrale au patient, et, en tant
que tel, il peut largement contribuer à diminuer les coûts sociaux de la
maladie. Mais pour ce faire, ses praticiens ne doivent pas hésiter à devenir
des professionnels responsables et compétents, formés non seulement à une
technique, mais aussi à un véritable état d’être. Un vaste programme, mais
réellement enthousiasmant !
LEXIQUE

BO-SHIN. – Technique de diagnostic par l’observation du patient.


BU-SHIN. – Technique de diagnostic par la voix et le son du patient.
CHI. – Sagesse.
GIRI. – Devoir.
GISHI. – Rectitude, droiture.
JITSU. – Se dit d’un point corporel en « plein ».
KAMPÔ. – Médecine venue de Chine.
KYO. – Se dit d’un point corporel en « vide ».
MON-SHIN. – Technique de diagnostic par l’interrogation du patient.
NIN. – Bienveillance.
QI (ou KI). – Énergie.
RANPÔ. – Médecine venue d’Occident, des Hollandais.
SETSU-SHIN. – Technique de diagnostic par la palpation du patient.
YU. – Courage.
BIBLIOGRAPHIE

Andrews S., Dempsey B., Odoul M., Shiatsu et réflexologie pour les nuls,
First, 2009.
Endo R., Tao pour le shiatsu, trad. A. Leibovici, Éditions Guy Trédaniel,
1999.
Goodman S., Shiatsu. Le manuel du praticien, trad. A. Leibovici, Éditions
Guy Trédaniel, 2004 (2e éd.).
Lundberg P., Le Livre du shiatsu, trad. F. Collet, Le Courrier du Livre,
1995.
Masunaga S., Zen shiatsu, trad. M. Jacquard, Éditions Guy Trédaniel, 1985.
–, Shiatsu et médecine orientale, trad. Y. Hanamura et J. Renaud, Le
Courrier du Livre, 2010.
–, Zen. Exercices visualisés, trad. M. Tordjman et I. Pellé, Éditions Guy
Trédaniel, 2005.
Namikoshi Tokujiro, Shiatsu, trad. A. Leibovici, Le Courrier du Livre,
2001.
Namikoshi Toru, Théorie et pratique du shiatsu, Éditions Guy Le Prat,
1980.
–, Shiatsu + streching, trad. D. Dussaussoy, Le Courrier du Livre, 1999.
–, Le Livre complet de la thérapie shiatsu, trad. A. Leibovici, Éditions Guy
Trédaniel, 1997.
Odoul M., Shiatsu fondamental. La technique. La théorie. La philosophie,
Albin Michel, 2014-2015, 3 vol.
–, L’Harmonie des énergies. Guide de la pratique taoïste et des fondements
du shiatsu, Albin Michel, 2004 ; rééd. J’ai Lu, 2015.
–, Shiatsu et réflexologie pour les Nuls, éditions First, 2009.
Ohashi W., Le Livre du shiatsu, trad. G. Boulad, Montréal, L’Étincelle,
1977.
Yamamoto S., Le Shiatsu aux pieds nus, trad. J. Vérillon-Hodges, Éditions
Guy Trédaniel, 1981.
Yamamoto S., McCarty P., Shiatsu, santé et vitalité pour tous, trad.
A. Leibovici, Éditions Guy Trédaniel, 1996.
ADRESSES UTILES

EN FRANCE

Institut français de shiatsu


www.shiatsu-institut.fr

Fédération française de shiatsu


www.ffst.fr

1
AU JAPON

Japan Shiatsu College, école fondée par Tokujiro Namikoshi


2-12-4 Koushikawa Bunkyo-ku Tokyo 112-0002
Tél. : 0081 3 3813 7354
Fax : 03 3816 3551
www.shiatsu.ac.jp

Centre de shiatsu Association IO-KAI (Rois de la médecine)


Centre de Recherche shiatsu Association IO-KAI,
fondé par Shizuto Masunaga
1-6-10 Higashiueno Taito-Ku, Tokyo 110-0015
Tél. : 0081 3 38322983
www.iokai.co.jp

Zen Shiatsu Association, fondée par Nobuyuki Fujisaki


603 Sepia Ikebukuro II Bldg.
2-55-12 Ikebukuro,
Toshima-ku, Tokyo 171-0014
Tél. : 0081 3 3985 1060
Courriel : info@zshiatsu.net
www.zshiatsu.net

1. Établissements agréés par l’État.


TABLE DES MATIÈRES
Introduction

CHAPITRE PREMIER - Qu’est-ce que le shiatsu ?

CHAPITRE II - Un peu d’histoire

CHAPITRE III - Une philosophie

I. – Le shintô

II. – Le bushidô

CHAPITRE IV - La théorie

I. – La théorie physique

II. – La théorie énergétique

CHAPITRE V - L’énergie, qu’est-ce que c’est ?

CHAPITRE VI - Le shiatsu aujourd’hui

I. – Le courant ostéo-articulaire

II. – Le courant énergétique

III. – Le courant Nakazono

IV. – Un tronc commun

CHAPITRE VII - La technique


I. – Le geste

II. – Pratique et respiration

III. – Comment fonctionne la technique ?

CHAPITRE VIII - Le shiatsu, pour quoi faire ?

I. – Le cadre du confort

II. – Le cadre professionnel

III. – Les conditions matérielles

CHAPITRE IX - Le statut du shiatsu en France et en Europe

I. – La situation en Europe

II. – La nécessaire professionnalisation

CHAPITRE X - À qui faire appel ? Pourquoi ?

I. – Pour quel besoin ?

II. – Dans quel environnement et quelles conditions ?

III. – Trouver un praticien sur Internet ?

CHAPITRE XI - Comment se former ?

I. – La formation technique

II. – La formation théorique

III. – La formation en anatomie

IV. – La formation à la diététique

V. – La formation à la psychologie

VI. – Le cadre déontologique et d’éthique

VII. – Synthèse

CHAPITRE XII - Le shiatsu demain


CONCLUSION

LEXIQUE

BIBLIOGRAPHIE

ADRESSES UTILES
www.quesais-je.com

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