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MEULEMANS Bénédicte — LECLERCQ Charlotte TRAD-B4001

BASTIN Maryse — HIJAZI Nadine

Descriptive Translation Studies : Les normes de traduction


« La traductologie se trouve de la sorte positionnée en regard ou en parallèle d’une pratique, celle de la
traduction, qu’elle se donne pour tâche de décrire, non pas dans la perspective d’apporter un savoir
supplémentaire mais plutôt d’élaborer des concepts clés permettant […] de la verbaliser et de la conceptualiser »
(Plassard, 2006)

Introduction
L’étude de la traduction puise ses origines des milliers d’années avant notre temps et pourtant, elle n’a
été reconnue que bien plus tard sous sa terminologie actuelle, comme l’a souligné Lance Hewson en
2018 lors d’une conférence à l’Université de Genève. La première mention du terme francophone
« traductologie » remonte à 1973, dans un ouvrage de Brian Harris. Il serait, par ailleurs, insidieux,
voire complètement erroné, d’utiliser le seul terme « traductologie » pour se référer aux recherches
menées entre les années 1950 et les années 1970, tant elles étaient perçues comme intrinsèquement
liées à la linguistique, à la psychologie et à d’autres sciences sociales (Hewson 2018). Encore
aujourd’hui, la traductologie se veut interdisciplinaire (Hewson 2018). Si certaines de ses évolutions
ont été acceptées et adoptées par la majorité des chercheurs, elle reste « tout sauf un domaine d’étude
homogène » (Hermans 1996). Il faut également garder à l’esprit que la traductologie est une science
relativement nouvelle et que les moyens de communication étaient moindres au moment-clé de son
essor. De ce fait, il n’est pas rare de trouver des théories à la fois synchrones et contradictoires ou
répétitives, même dans des zones géographiques proches (Hewson 2018). Pour ces raisons, il est
difficile de déterminer l’épicentre de la traductologie ou de créer une ligne du temps claire de
l’évolution de la pensée des traductologues.

Malgré la nature hétérogène de la traductologie, James S. Holmes s’est donné pour tâche de la
catégoriser. Il a présenté le résultat de ses réflexions lors d’une conférence à Copenhague en 1972. Son
modèle a ensuite été repris par Gideon Toury sous forme de schéma dans deux de ses ouvrages (1991,
181 ; 1995, 10). Holmes a divisé la discipline en deux branches principales : d’une part, la recherche
appliquée et, d’autre part, la recherche pure qui, à son tour, est divisée en deux sous-branches : la
recherche théorique et les études descriptives.

Représentation visuelle de la catégorisation de la traductologie de James S. Holmes (Toury, 1995 : 10)

Nous porterons ici notre attention sur la traductologie descriptive et les normes de traduction, et ce
autour d’une théorie en particulier : celle de Gideon Toury. La raison de notre choix repose sur le fait
que Toury « est incontestablement le chercheur qui a dominé le débat sur les normes en traduction
pendant plus de 25 ans » (Trandem 2003, 7). Nous évoquerons les théories qui ont permis
l’élaboration de ces normes, telle que la théorie des polysystèmes d’Itamar Even-Zohar (1978 ; 1990),
nous définirons les différents types de normes établies par Gideon Toury mais aussi celles relevées par
Andrew Chesterman (1997) et enfin, nous apporterons quelques nuances aux réflexions de G. Toury
en nous appuyant de critiques émises par d’autres traductologues.

Les origines de la traductologie descriptive (TD)


Comme l’a rappelé Anthony Pym lors d’un cours donné en 2022, trois écoles de pensée se sont réunies
vers la fin des années 60 pour former l’École de la Manipulation. Le nom renvoie au recueil d’essais
qu’ils ont publié une vingtaine d’années plus tard : The Manipulation of Literature.

There is a conviction, shared not only by the Manipulation School representatives, but by professional translators as
well that both translators and readers are manipulated. Thus, they claim that from the point of view of the target
literature, all translation implies a degree of manipulation of the source text for a certain purpose. (Klimovich 2014,
244)

Comme le nom du recueil l’indique, ces chercheurs se sont appuyés des systèmes littéraires pour
développer leurs idées. Parmi les membres, on retrouvait : Itamar Even-Zohar et Gideon Toury (École
de Tel Aviv), Anton Popovic et Jiri Levý (École de Prague) ainsi que James S. Holmes, André
Lefevere, José Lambert, Theo Hermans et Raymond Van den Broeck (École des Pays-Bas). Ils
s’accordent à penser que la traduction est une discipline empirique et que la TD dépasse les limites de
la pédagogie et de la théorie (Pym 2022). Elle tend à observer les comportements d’un traducteur pour
pouvoir les prédire.
Empirical science has [for objective] to describe particular phenomena in the world of our experience and to
establish general principles by means of which they can be explained and predicted. (Hempel 1952, 1)

La TD a pour objectif premier non pas de prescrire un comportement à adopter en tant que traducteur
comme il en était question auparavant avec l’approche prescriptive (Hewson 2018), mais plutôt
« d’expliquer ce qu’est la traduction et comment elle fonctionne » (Lambert 1994, p.81).

L’approche descriptive fut attribuée principalement au chercheur israélien Gideon Toury après avoir
été formalisée dans son livre : Descriptive Translation Studies and Beyond (1995). Elle a été élaborée
en réponse aux théories d’équivalence qui voulaient que la traduction maintienne un haut degré de
fidélité au texte source. Les trois orientations de la traductologie descriptive adoptent une démarche
cibliste (target-oriented-approach) et Toury soutient qu’elles sont indissociables l’une de l’autre :

It is certainly true that three approaches — function-, process- and product-oriented — are not just possible, but
justified too, and that each one of them delimits a legitimate field of study of its own. To regard the three fields as
autonomous, however, is a sure recipe for reducing individual studies to superficial descriptions […] in fact, to the
extent that DTS aspires to offer a framework for individual studies of all kinds, at all levels, one cannot but proceed
from the assumption that functions processes and products are not just ‘related’, in some obscure way, but rather
form one complex whole whose constitutive parts are hardly separable from one another for purposes other than
methodical (Toury 1995, 11 ; original emphasis)

La théorie de Gideon Toury a été pensée parallèlement à d’autres, notamment à la théorie du skopos
(1996) de Hans Vermeer, mais dans des régions différentes du monde (en Israël et en Allemagne,
respectivement) (Pym 2022). Leurs paradigmes postulent que la traduction doit être étudiée dans un
contexte plus large, celui de la culture cible (Rosa 2016), et que le principe d’équivalence de
l’approche prescriptive ne suffit pas à produire une traduction de qualité.

Gideon Toury ne nie pas le principe d’équivalence ; il va plus loin et lui offre une dimension
descriptive en affirmant que les traductions présentent toujours une équivalence, bien que ce ne soit
pas systématiquement avec leur texte source (Pym 2022). Ce principe, que l’on peut qualifier
d’équivalence présumée, s’applique dans le cas des pseudo-traductions.

2
We assume they are translations […] we also assume there is an equivalence relation with an anterior text, even
when there is no anterior text, as is the case of pseudo translations. That is, translations presented as if they were
translations but they’re not. They’re original creations. A famous example is Don Quijote. (Pym, 2022)
Une approche socio-culturelle de la traduction

Dans ses théories et au moment d’établir ses normes, Gideon Toury puise dans les principes de la
sociologie : le traducteur est un agent social (Toury 1995). Un des prérequis pour être un bon
traducteur est d’assumer un rôle social et de respecter l’ensemble de normes propres au contexte social
de la culture réceptrice.

“translatorship” amounts first and foremost to being able to play a social role, i.e., to fulfil a function allotted by a
community - to the activity, its practitioners, and/or their products - in a way which is deemed appropriate in its
own terms of reference. The acquisition of a set of norms for determining the suitability of that kind of behaviour,
and for manoeuvring between all the factors which may constrain it, is therefore a prerequisite for becoming a
translator within a cultural environment (Toury 1995, 53 ; original emphasis).

Pour mieux comprendre la démarche sociologique de Gideon Toury et l’accent qu’il met sur la culture
cible, il faut se pencher sur d’autres travaux qui lui sont contemporains et qui, eux aussi, relève
l’importance des structures socio-culturelles dans la pratique de la traduction et, surtout, dans le choix
de textes à traduire.

La théorie des polysystèmes, Itamar Even-Zohar (1978 ; 1990)

Dans sa théorie des polysystèmes, qui a influencé une grande partie des travaux de traductologie
descriptive, Itamar Even-Zohar illustre sous forme de réseau de systèmes la relation dynamique entre
les différents domaines de la société tels que la littérature, l'économie, la politique, ou encore la
linguistique. Le terme « polysystème » peut être compris ici comme synonyme de « culture »
(Pym 2022). Les différents domaines de la société interagissent entre eux, un phénomène
particulièrement observable dans le domaine littéraire où les individus et leurs idéologies influencent
la production littéraire (1) mais sont aussi influencés par cette dernière (2). Par exemple :

(1) Le mouvement féministe a bouleversé le domaine littéraire et a permis d’y intégrer la question de
la condition de la femme. Un des ouvrages féministes les plus connus est celui de Simone de Beauvoir,
Le Deuxième Sexe.

(2) Les idées de Montaigne et d’Erasme, entre autres, ont largement contribué à la diffusion des
principes de l’Humanisme. L’homme a commencé à être considéré comme entité autonome, non-
soumise aux dogmes d’une religion.

Even-Zohar s’est interrogé sur la place de la traduction au sein d’un polysystème, et sur les raisons qui
motivent le choix des textes littéraires à importer dans une culture cible.

The texts are chosen according to their compatibility with the new approaches and the supposedly innovatory role
they may assume within the target literature (Even-Zohar 2009, 242).

Selon lui, trois situations peuvent être considérées comme favorables à l’importation de traductions
littéraires:

(1) Les systèmes littéraires du polysystème cible sont relativement nouveaux. Pour trouver leurs
marques et enrichir leur répertoire littéraire, ils s’inspirent de modèles extérieurs, et donc de systèmes
littéraires qui sont, quant à eux, bien établis. Exemple : À partir de la première moitié du XX e siècle, le
Cap-Vert s’est lancé en quête d’une identité propre pour créer une rupture culturelle avec le
colonialisme portugais. Pour ce faire, les auteurs capverdiens se sont inspirés du modèle brésilien.

On observe chez ces auteurs l’influence primordiale de la littérature brésilienne du Nordeste […] Baltasar Lopes,
lui-même reconnaissait que le Brésil fut le « catalyseur » de l’identité culturelle capverdienne et que « la

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thématique de sa littérature nous intéressait car nous y voyions beaucoup de nos problèmes déjà résolus ».
(Stoenesco 2000)

(2) Les systèmes littéraires de la culture cible sont « périphériques » (1990, 47) ou « faibles » (1990,
47) et empruntent des genres et styles littéraires qui n’existent pas dans leur culture.

(3) Les différents domaines de la culture cible sont en phase transitoire, parfois à la suite d’une crise.
La littérature doit être adaptée pour refléter les nouvelles préoccupations et / ou idéologies de la
communauté. Pour que cela se fasse, il faut parfois passer par des textes traduits. Cette période peut
être plus ou moins longue.

Les normes de traduction


Le dictionnaire francophone Le Robert définit le concept de norme comme un « état habituel,
conforme à la majorité des cas » et donne l’exemple des normes sociales et des normes linguistiques.
Le dictionnaire de l’Université de Cambridge ajoute à cette définition la notion de « prédictibilité »
dans les comportements, ce qui concorde avec l’approche descriptive en tant que discipline empirique,
comme nous l’avions exprimé plus haut à travers la citation de Carl Hempel. Une autre définition
proposée par l’Université de Cambridge fait écho à la notion d’acceptabilité, essentielle à la théorie
des normes de Gideon Toury : « an accepted standard, or a way of behaving or doing things that most
people agree with. » Ainsi, les normes sont comparables à des directives qui découlent des valeurs
partagées par une communauté. Elles permettent de déterminer comment un membre de la
communauté devrait se comporter selon les différents cas de figure.

Anthony Pym (2022) estime que l’intérêt porté aux normes de traduction provient, notamment, d’un
petit ouvrage publié en 1968 par Théodore H. Savory : The Art of Translation. Dans son livre, Savory
lamente les dissidences entre les traducteurs en ce qui concerne les comportements à adopter :

Extrait d’une présentation d’Anthony Pym (2022)

Les normes selon Gideon Toury (1995)

Gideon Toury affirme que la traduction est une « activité régie par des normes » (1995, 56). En effet,
la double existence d’une traduction dans un polysystème cible (en tant que « nouveau » texte mais
aussi en tant que reflet d’un texte préexistant) représente un dilemme pour les traducteurs qui ne peut
être résolu qu’en établissant des normes (ou régularités) plus ou moins variables (Lavault-Olléon &
Allignol 2014). Les normes sont « instables, des entités changeantes » (Toury 1995, 62) et sont un
entre-deux ; elles se déplacent entre deux extrêmes, à savoir les idiosyncrasies et les règles absolues.

some are stronger, and hence more rule-like, others are weaker, and hence almost idiosyncratic […] Each of the
concepts, including the grading itself, is relative too. Thus, what is just a favoured mode of behaviour within a

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heterogeneous group may well acquire much more binding force within a certain (more homogeneous) section
thereof, in terms of either human agents (e.g., translators among texters in general) or types of activity (e.g.,
interpreting, or legal translation, within translation at large). (Toury 1995, 199)
Les normes sont le produit d’une préoccupation commune aux traducteurs, celle de l’acceptabilité.
Élisabeth Lavault-Olléon et Claire Allignol (2014) soulignent que « la difficulté consiste à évaluer le
niveau de contrainte porté par les usages dominants, parfois implicites, voire inconscients, qui
déterminent souvent les stratégies de traduction. » L’acceptabilité d’une traduction dépend de sa
compatibilité avec les normes du polysystème cible, elles-mêmes déterminées par les intérêts et
idéologies de ce dernier (Even-Zohar 2009). En utilisant les mots « translations are facts of target
culture », Toury suggère que la culture cible n’est pas simple réceptrice de textes ; elle détermine aussi
l’importance qu’elle leur accorde.

Translators may be said to operate first and foremost in the interest of the culture into which they are translating
[…] the extent to which features of a source text are retained in its translation (or even regarded as requiring
retention, in the first place), which, at first sight, seems to suggest an operation in the interest of the source culture,
or even of the source text as such, is also determined on the target side, and according to its own concerns: features
are retained, and reconstructed in target-language material, not because they are ‘important’ in any inherent sense,
but because they are assigned importance, from the recipient vantage point (Toury 1995, 12 ; original emphasis).

La première norme mentionnée par Toury est la norme « initiale » (1995, 56). Elle prend effet avant le
début de l’activité de traduction à proprement parlé et oppose les deux approches que nous avons
évoquées plus tôt, à savoir, la traductologie prescriptive et la traductologie descriptive. Le traducteur
doit faire le choix soit d’être fidèle au texte source et à ses normes (principe d’équivalence), soit de se
plier aux normes en rigueur dans le polysystème cible (Toury 1995, 56). La seconde approche vise
l’acceptabilité plutôt que ce qu’il appelle « adéquation » (1995, 56) malgré les « sacrifices
inévitables » (1995, 56) que ce choix entraîne vis-à-vis du texte source. Le second type de normes
dont il parle sont les normes dites « opérationnelles » (1995, 58). Elles régissent les décisions prise par
le traducteur pendant son activité de traduction (1995, 58). Ces normes définissent à la fois la matrice
d’un texte (la présence d’additions et/ou d’omissions, l’ordre des éléments) et le choix des éléments
linguistiques utilisés en remplacement de ceux du texte source (1995, 58-59).

Les normes selon Andrew Chesterman (1997)

Parmi les théoriciens qui ont évolué aux côtés de Gideon Toury et qui ont eux aussi relevé différents
types de normes, nous retrouvons Andrew Chesterman, principalement connu pour sa fonction de
professeur de Multilingual Communication à l’Université de Helsinki et pour ses travaux en
traductologie (Aarhus University 2023).

Chesterman a écrit plusieurs livres, dont Memes of Translation, publié en 1997 aux éditions
Benjamins. Il a consacré ses travaux à l’analyse contrastive, aux théories de la traduction, aux normes
de traduction et à la méthodologie de recherche. Dans son livre (1997), il développe ses normes en
partant des normes opérationnelles de Gideon Toury mentionnées auparavant. Il considère la
traduction comme produit ou processus et la met en valeur. Il évoque l’importance de la révision et de
la multiplication de traductions d’un texte en fonction des attentes des lecteurs. Cette idée se retrouve
dans les « normes d’expectative » (Lavault-Olléon & Allignon 2014, 5) : le produit final doit
correspondre aux attentes des lecteurs, que ce soit au niveau du sens, de la langue, du registre ou
encore du style. En effet, les lecteurs ont tout un ensemble d’attentes en ce qui concerne les textes
originaux dans leur langue (qui est la langue cible du traducteur) et les traductions se doivent de
répondre à ces mêmes attentes (Lavault-Olléon & Allignol 2014). Par exemple, un texte littéraire ne
peut pas être traduit de la même manière qu’un règlement de jeu de plateau. Les attentes de l’un ne
sont pas celles de l’autre. Chesterman met également en avant les « normes professionnelles » qui ont
pour but de contrôler le travail des traducteurs. Elles sont créées en fonction des usages. Il en existe
trois types qui ont été repris par Élisabeth Lavault-Olléon et Claire Allignol :

(1) Une traduction et son processus doivent répondre à une « norme de responsabilité » qui sert de
référentiel commun à tous les traducteurs et est déterminée par des organisations professionnelles

5
telles que la Chambre belge des traducteurs et interprètes, par exemple. Elle sert aussi un but
pédagogique car elle est d’usage pour la formation des nouveaux traducteurs. (2014, 5)
(2) La fonction primaire, et sans doute la plus importante d’une traduction, reste la communication. En
effet, un texte traduit doit permettre à différents acteurs de communiquer entre eux de façon optimale,
sans perte de sens. La « norme de communication » (2014, 6) est donc primordiale. Elle s’appuie sur
les connaissances et les compétences, tant linguistiques que pragmatiques, du médiateur qui se trouve
être le traducteur dans ce cas-ci (2014, 6).

(3) Il doit absolument y avoir une ressemblance pertinente entre le texte source et le texte cible
(2014, 6). Nous ne parlons pas que de ressemblance formelle. Elle peut aussi se traduire par une
équivalence d’effet, comme dans une publicité par exemple (2014, 6). Ces normes permettent aux
traducteurs d’avoir un cadre de travail et de faire les meilleurs choix possibles.

Andrew Chesterman n’est donc pas entièrement opposé aux théories de Gideon Toury. Il propose un
axe différent où le traducteur joue un rôle déterminant dans le processus de traduction grâce à sa prise
de décision individuelle (Geçmen 2022, 86 ; 93). Le libre-arbitre de chacun influence le travail d’un
traducteur. D’autres théoriciens de la traductologie rejoignent Andrew Chesterman et reprochent aux
théories de Gideon Toury un grand manque d’attention au traducteur et à son libre-arbitre. Anthony
Pym, Daniel Simeoni, Reine Meylaerts et Denise Merkle mentionnent tous les quatre ce problème
(Geçmen, 2022). De nombreux commentaires soulignent que Gideon Toury écarte l’impact de la
créativité individuelle et de la variabilité sur le travail d’un traducteur. Nous pouvons également lire
que les théories proposées par Toury ignorent le tournant sociologique pris par la traductologie qui
place les agents de traduction au centre du débat.
Variations and evolutions in their profile and choices are linked to the individual’s dynamic and varying
internalizations of the norms and structures of the source and target fields and of their intersection.
(Meylaerts 2008, 100)

Conclusion
La traductologie est passée par différentes écoles, dont l’École de la Manipulation qui a largement
contribué au développement de l’étude descriptive de la traduction. Les contextes socio-culturels ont
progressivement été privilégiés, au détriment du principe d’équivalence. Gideon Toury, parallèlement
à la théorie du skopos de Hans Vermeer, s’est inspiré de modèles sociologiques et les a appliqués à la
traduction descriptive. Il a établi un système de normes variables pour guider les traducteurs dans leurs
choix. Son modèle a pour base la théorie des polysystèmes d’Itamar Even-Zohar et vise à ce que les
traductions adhèrent davantage aux normes et idéologies des cultures cibles. D’autres théoriciens, tel
qu’Andrew Chesterman, ont relevé une série de normes qui s’inspirent de celles déjà proposées par
Toury et viennent les compléter. La théorie de Gideon Toury n’est cependant pas exempte de critiques.
En effet, de nombreux théoriciens lui font le reproche collectif de ne pas assez considérer le traducteur
comme un individu doté de libre-arbitre, décentralisant ainsi le rôle du traducteur. Malgré ces
critiques, il est indéniable que les travaux de Gideon Toury ont servi de tremplin pour les études
descriptives de la traduction et pour une approche plus cibliste de la traductologie.

6
Bibliographie
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https://conferences.au.dk/est/keynote-speakers/andrew-chesterman

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Historical Reader, Daniel Weissbort & Astradur Eysteinsson eds. Oxford: Oxford University Press, pp. 429-434. [Reprint of
Even-Zohar 1990]

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empirical science, Vol. II. No. 7. Chicago, IL, US: University of Chicago Press.

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édité par Roman Alvarez et M. Carmen-Africa Vidal, 25-51. Multilingual Matters. https://doi.org/10.21832/9781800417915-004

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https://www.youtube.com/watch?v=qTb8VGvcF5g

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Klimovich, Natalya V. 2014. « Manipulation in Translation (Exemplified by the Intertextual Elements’ Translation) ».

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https://dictionnaire.lerobert.com/definition/norme

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Vermeer, Hans J. 1996. A Skopos Theory of Translation: Some Arguments for and Against. Heidelberg.

7
Notions

Traductologie descriptive Approche de l’étude de la traduction qui se veut


descriptive et non prescriptive. Intérêt particulier
pour l’étude des textes déjà traduits (approche
cibliste).
Polysystème Réseau de systèmes qui interagissent entre eux
et s’influencent l’un l’autre. Les cultures sont
des polysystèmes.
Normes Directives qui guident les traducteurs dans leurs
choix et sont basées sur des régularités de
comportement. Elles varient avec le temps et
s’appliquent dans des contextes bien précis.
Dans l’approche descriptive de Gideon Toury,
elles dépendent souvent des intérêts de la culture
cible.
Équivalence Principe qui veut qu’une traduction reste la plus
fidèle possible au texte source. Les
manipulations de textes, pour qu’ils s’insèrent
plus facilement dans un nouveau contexte
socio- culturel, ne sont donc pas encouragées.
Théorie du skopos Théorie qui insiste sur la nécessité de se pencher
sur la fonction d’une traduction, sur son utilité.

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