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La construction des idées

Fabriquer un objet dans le monde concret demande des outils, des matériaux et de l'effort.
li en est de même de la construction des idées. Les outils que nous utilisons pour édifier
notre compréhension sont nos notions préalables ou antérieures, c'est-à-dire les connais-
sances que nous possédons déjà. Nos matériaux sont ce que nous voyons, entendons ou
touchons, c'est-à-dire les éléments de notre environnement physique. Parfois, ces maté-
riaux seront nos idées et nos pensées, soit les idées que nous avons déjà et les pensées
qui serviront à modifier certaines d'entre elles. Enfin, l'effort à fournir est une pensée
active et réfléchie. Il ne peut y avoir d'apprentissage efficace sans que notre esprit soit
engagé dans une démarche de réflexion.
Pour comprendre ce que signifie la construction d'une idée, examinons la figure 1.1.
Supposons qu'elle représente une infime partie des connaissances d'un élève relative-
FIGURE 1 .1 Â
ment à un ensemble de notions interreliées. Les points gris sont les connaissances que
Nous utilisons des idées l'élève possède déjà. Les lignes pleines qui joignent certains d'entre eux représentent
que nous avons déjà (points
gris) pour construire une des liens entre ces connaissances. Chaque idée ou élément de connaissance que possède
nouvelle idée (point blanc), une personne est lié d'une manière ou d'une autre à un autre élément. Aucune idée
tissant ainsi un réseau n'existe isolément.
de liens (ou de concepts)
Supposons maintenant que cette personne essaie de comprendre, d'apprendre ou
entre elles. Plus les idées
sont utilisées, plus ces de donner corps à une nouvelle idée - représentée par le point blanc dans la figure 1.1.
liens deviennent nombreux, Les outils disponibles pour construire cette idée sont précisément les idées connexes que
et meilleure est notre cette personne possède déjà. Au fur et à mesure que les idées antérieures communiquent
compréhension . un sens à une nouvelle idée, de nouveaux liens se forment - les lignes pointillées dans
la figure 1.1 - entre la nouvelle idée et les anciennes. Plus les idées antérieures contribuent
à donner un sens à la nouvelle idée, et plus il se forme de liens, ce qui entraîne une meilleure
compréhension de la nouvelle idée.

La compréhension
On peut affirmer que nous connaissons une chose ou que nous ne la connaissons pas.
Autrement dit, la connaissance e:<iste ou 11'existe pas. La co111prélle11siv11 peut donc se définir
comme la mesure de la qualité et de la quantité des liens qu'entretient u'ne idée avec les
idées antérieures. La compréhension n'est jamais une proposition absolue. Elle varie en
fonction de l'existence d'idées appropriées et de la création de nouveaux liens (Backhouse,
Haggarty, Pirie et Stratton, 1992; Davis, 1986; Hiebert et Carpenter, 1992; Janvier, 1987;
Schroeder et Lester, 1989). Par exemple, la majorité des élèves de quatrième et de cin-
quième année ont acquis des connaissances sur les fractions. Tous, ou presque, lisent
correctement la fraction ~ et disent que 6 et 8 correspondent respectivement au numé-
rateur et au dénominateur. Certains peuvent expliquer ce qu'indiquent les nombres 6
et 8 au sujet de la fraction, et d'autres pas. Plusieurs élèves savent que ~ est plus grand
que ! . D'autres considèrent que c'est une «grosse» fraction parce que le numérateur et
Je dénominateur sont passablement grands, comparativement à ceux des fractions comme
*
} ou t. La plupart des élèves de cinquième année comprennent que et t sont des frac-
tions équivalentes. Cependant, tous les élèves ne donnent pas la même signification à
l'expression "être équivalent à». Certains savent qu'en simplifiant *, on obtient 1. sans
*
nécessairement comprendre que 1 et sont des fractions équivalentes. D'autres pensent
qu'en simplifiant *' on obtient un nombre plus petit. Ceux qui ont une meilleure
*
compréhension sont capables d'expliquer pourquoi et t représentent la même quan-
tité en se servant de divers modèles. li vous vient certainement à l'esprit d'autres idées,
exactes ou erronées, que les élèves associent souvent à leur propre concept de fraction .
En fait, chaque élève arrive avec son bagage personnel d'idées (son propre «ensemble de
points ») liées aux fractions et sa compréhension personnelle des fractions.
Une autre façon d'envisager la compréhension d'un individu est de la représenter
au sein d'un cv11ti111111111 (figure 1.2). L'une des extrémités montre un ensemble très riche

2 ChApitre 1 1L~ tontl<.'ments d'un en\eignement tenlre \Ur l'eleve


compréhension compréhension FIGURE 1.2 ....
relationnelle instrumentale La compréhension est la
mesure de la qualité et de
la quantité des liens entre
une nouvelle idée et des
idées antérieures. Plus les
liens sont nombreux dans un
réseau d'idées et meilleure
de liens unissant l'idée comprise à des idées préexistantes et formant un réseau significatif est la compréhension.
de concepts et de procédures. Hiebert et Carpenter (1992) parlent de «toiles,, d'idées
liées entre elles. Notre objectif est que chaque enfant comprenne les nouvelles notions
mathém~tiques et les intègre dans la mesure du possible à une riche toile d'idées mathé-
matiques connexes.
À l'autre extrémité du continuum, les notions sont complètement isolées ou presque.
Ce sont les idées apprises par cœur. Ces idées éparpillées et mal comprises s'oublient faci-
lement et sont peu utiles pour en construire de nouvelles.
Pour illustrer cette affirmation, prenons Je concept de «division» tel que Je construit
un élève de quatrième année. Il est fort probablement relié d'une manière ou d'une autre
à la multiplication, et l'élève sait probablement qu'il doit utiliser la multiplication pour
vérifier Je résultat d'une division. Ce lien entre division et multiplication peut être
conceptuel et riche de sens, ou représenter seulement un fait dont il se souvient parce
que l'enseignante lui a dit d'employer la multiplication pour vérifier le résultat d'une
division. Dans une relation conceptuelle, 42 -:- 6 fournit ce qui manque dans chacune des
équations suivantes: D x 6 = 42 (combien de 6 faut-il pour faire 42 ?) et 6 x D = 42
(6 ensembles de combien d'objets font 42 ?). Les mêmes idées peuvent servir à relier la
division à l'addition et (ou) à la soustraction. Autrement dit, la division 42-:- 6 indique
combien de 6 il faut additionner pour obtenir 42 ou, de façon analogue, combien on
peut soustraire de 6 de 42. Il est aussi possible de relier ces idées indépendantes de tout
contexte à des situations de la vie réelle, comme celles dont il est souvent question dans
les problèmes en contexte tels que celui-ci: Si un ballon coûte 0, 19 $, combien Samuel
peut-il en acheter avec 2,50 $? Étant donné que la multiplication peut prendre d'autres
formes, il en est de même pour la division. Par exemple, si la crèmerie offre 42 sortes de
coupes glacées comportant 6 garnitures différentes, combien de saveurs différentes de glace

aussi possible d'établir un lien entre la division et les fractions. La fraction*


utilise-t-elle? On peut également répondre à cette question en divisant 42 par 6. li est
est simple-
ment une autre forme d'expression de 42-:- 6. Au fur et à mesure qu'il approfondit sa
compréhension des fractions, l'élève peut aussi établir des relations avec la division.
Dans Je domaine du calcul, on peut établir d'autres relations, par exemple entre
l'algorithme traditionnel «diviser, multiplier, soustraire, abaisser,, et les concepts sur la
multiplication et la valeur de position. L'algorithme appliqué à 367 -:- 8 vise à répondre
à la question: 8 ensembles de quelle grandeur sont proches de 367? Mais d'autres
méthodes font appel à des concepts différents . Voici un exemple de procédé non systé-
matique permettant de diviser 367 par 8: 10 huit font 80; puisque 4 x 80 est égal à 320,
alors 40 huit font 320; il reste donc 47 huit; 6 huit font 48, mais on a 1 unité en trop;
il faut donc prendre 5 huit, et il reste 7 unités; cela fait donc en tout 40 et 5, soit 45, et
il reste 7. Dans ce cas, les relations avec la valeur de position et d'autres techniques de
calcul sont évidentes.
Nous ne pouvons évidemment pas «Voir» un élève en train de comprendre. Nous
pouvons seulement déduire en quoi consiste cette compréhension. Si on propose des pro-
blèmes aux élèves sans leur donner de directives quant à la manière de les résoudre, on
suppose qu'ils utiliseront les concepts qu'ils maîtrisent, quels qu'ils soient. Quant aux
règles de calcul traditionnelles, il y a toujours un risque que les élèves les appliquent cor-
rectement, sans comprendre pourquoi elles donnent de bons résultats, ou en ne compre-
nant que très partiellement. Les conclusions qu'on tire au sujet de la compréhension des
élèves risquent alors d'être erronées.

CkApitre 1 Le\ fondement~ d'un cmcignement centré 'ur l'élève 3

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