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Sujet : Apprend-on en

imitant en EPS ?

Raphaël LECA
UFRSTAPS Dijon Ecrit 2 CAPEPS
Mardi 6 novembre 2007
« Brain storming »
La réflexion préalable autour du sujet doit
toujours être conduite autour de deux grands
pôles :

Une réflexion de Une réflexion


« bon sens » « STAPS »
Préambule

Il s’agit d’accrocher l’attention du correcteur,


et simultanément d’ « amener » le sujet, c’est
à dire le contextualiser (si possible de façon
non parachutée et en évitant les poncifs).
Préambule 1

Très tôt, vers trois mois, le bébé se montre capable de


tirer la langue en écho, ou de reproduire les mimiques de ses
parents, ou de répondre à un sourire par un autre sourire.
Plus tard, l’imitation va permettre le passage aux jeux
symboliques : l’enfant joue des personnages, mime la réalité,
s’invente des histoires (J.Piaget, La formation du symbole chez
l’enfant, Delachaux et Niestlé 1968). Dans les théories majeures
du développement, aussi bien chez Piaget que chez Wallon,
l’imitation est associée au développement de l’intelligence en
tant que processus qui participe à ce développement.
Pour autant, et notamment depuis l’avènement des méthodes
dites « actives », l’imitation n’est pas toujours envisagée
avec bienveillance. On lui reproche notamment d’enfermer
l’apprenant dans la reproduction ou le mimétisme en faisant
de l’apprentissage une imprégnation passive et stérile.
Alors, est-il possible et légitime d’apprendre en imitant en
EPS ?
Préambule 2

Que ce soit dans le domaine industriel avec les


contrefaçons, dans le domaine scientifique avec les
copies, ou dans le domaine littéraire avec les plagiats,
l’imitation n’a pas toujours bonne presse. Depuis
l’avènement des méthodes actives, la méfiance qui
l’accompagne porte également sur la façon
d’apprendre : imiter nuirait à l’expérimentation, à la
créativité, bref à l’activité de celui qui apprend.
L’éducation physique et sportive a elle-aussi
stigmatisé l’imitation, sous prétexte d’incarner une
stérile reproduction du geste du champion. Cette
méfiance résiste-t-elle à l’examen critique ?
Autrement dit, est-il possible et légitime d’apprendre
en imitant en EPS ?
Définition des concepts clés

Il s’agit ici de définir deux concepts clés :


• imiter / imitation
• apprendre / apprentissage.

La définition de « éducation physique et


sportive » ne me semble pas
indispensable.
Définition des concepts clés
 l’imitation
Par imitation, on entend communément
l’établissement d’une correspondance entre des
perception actuelles ou représentées et des
productions motrices. Appartenant
traditionnellement aux paradigmes de
l’apprentissage social (Bandura, 1977) et de
l’apprentissage par observation (Winnikamen,
1982), elle suppose trois conditions : un modèle,
une observation, et une action. L’imitation fait
donc intervenir deux individus : un sujet modèle
et un sujet imitant. Elle permet finalement de
modifier et d’élargir les conduites déjà maîtrisées,
en empruntant à autrui des comportements
nouveaux.
Définition des concepts clés
 l’apprentissage
Selon J.-F.Le Ny, « l’apprentissage est une
modification stable des comportements ou des
activités psychologiques attribuable à l'expérience
du sujet» (Encyclopaedia Universalis, Paris, 1990). En
éducation physique et sportive, il permet au
collégien de construire des compétences
spécifiques, propres à un groupe d’activités, et
générale, et au lycéen de construire des
compétences culturelles et méthodologiques.
Définition des concepts clés

Le paragraphe consacré aux définitions doit


aussi être l’occasion d’’une analyse du sujet,
en effectuant les premières mises en relation
entre les concepts ( ici apprentissage et
imitation).
Définition des concepts clés
 l’apprentissage (suite = mise en relation
des deux concepts)

L’apprentissage dépend d’un ensemble de


processus renvoyant au fonctionnement interne
du sujet, et désignant les mécanismes (ou
opérations) observables et inobservables que le
sujet met en œuvre pour satisfaire aux
exigences d’une situation d’apprentissage, c’est
à dire pour atteindre le but de la tâche (ou un
autre but qu’il s’est fixé).
Reste à savoir si l’imitation constitue un
processus d’apprentissage efficace et utilisable
en EPS.
Définition des concepts clés
Faut-il définir l’éducation physique et sportive ?
 Je ne le pense pas !
Pour autant, pour les « irréductibles », voici cette
définition récente donnée par A.Hébrard :
« L’EPS est faite d’un ensemble d’enseignements
d’activités physiques sportives et artistiques qui
visent la transmission d’une culture et le
développement des conduites motrices que les
valeurs admises conduisent à considérer comme
souhaitables et susceptibles de procurer le bien-
être » (EPS interroge Alain Hébrard, in Revue
EPS n°312, 2005).
Questionnement
Principales qualités des questions :
• elles sont pertinentes par rapport au sujet,
et surtout par rapport au développement (des
éléments de réponse doivent pouvoir être apportés
dans la suite du devoir),
• elles s’enchaînent, du général au particulier,
• elles « préparent » (= circonscrivent) la
problématique,
• les réponses ne semblent pas, a priori,
évidentes.
Questionnement

L’imitation confine-t-elle l’apprenant


dans la passivité, comme ses
détracteurs l’ont souvent proclamé ?
Questionnement

Faut-il définitivement la rejeter ? Faut-il


systématiquement la privilégier ? Ou son
efficacité est-elle soumise à des
conditions, à des circonstances ? Quand
alors l’utiliser ? Pour quels types
d’apprentissage ? Pour quels élèves ? A
qui profite-t-elle ?
Questionnement

Avec quels autres processus


d’apprentissage inspirant d’autres
procédures d’enseignement l’imitation
est-elle complémentaire en EPS ?
Problématique
Qualités d’une bonne problématique :
• claire = compréhension à la première
lecture,
• pertinente = permet de traiter la question
posée par le sujet ,
• heuristique = non réductrice c-a-d ouverte
vers la recherche de nombreuses idées
intéressantes,
• originale = hypothèse créative, mais
surtout pas au détriment de la pertinence.
Problématique 0
Partant du principe que l’imitation est un
processus à ranger aux archives de l’EPS, en
raison de ses racines béhavioristes et en raison
de la passivité dans laquelle elle laisse
l’apprenant, nous montrerons qu’il existe
d’autres façons d’apprendre en EPS, des façons
plus « cognitives » et plus « écologiques ».

 Malgré la clarté de la formulation, cette


problématique est irrecevable car en se
centrant exclusivement sur d’autres
processus que l’imitation, elle tend vers le
hors-sujet.
Problématique 1
Nous expliquerons dans quelle mesure
l’imitation permet d’apprendre en EPS, c’est
dire permet de construire de façon active
des compétences.
 À peine recevable (très basique) car
il ne s’agit que d’une paraphrase du
libellé du sujet (mais au moins elle est
claire et évite le hors-sujet).
Problématique 2
Nous émettrons l’hypothèse selon
laquelle l’imitation permet d’apprendre en EPS,
en facilitant la construction de compétences
culturelles, mais aussi la construction de
compétences méthodologiques, surtout lorsque
le rôle du modèle est assuré par les élèves
eux-mêmes.

 Recevable et plus évoluée que la


précédente car elle évoque l’impact
possible de l’imitation sur celui qui imite,
et sur celui qui est imité.
Problématique 3

Nous défendrons l’idée selon laquelle


contrairement aux idées reçues, « l’imitation
est une activité cognitive complexe »
(F.Winnikamen, 1991) profitant aussi bien au
sujet imité qu’au sujet imitant pour les aider à
construire leurs compétences. Pour autant,
l’imitation n’est pas un processus exclusif pour
apprendre, et souvent, l’enseignant lui
préfèrera des modalités de résolution de
problème ou des modalités écologiques.
Problématique 3

 plus évoluée car cette problématique


remet en cause l’idée préconçue selon
laquelle imiter = passivité.
Elle évoque aussi les effets possibles sur
celui qui imite et sur celui qui est imité.
Enfin, elle relativise sa sollicitation puisque
d’autres modalités pour apprendre existent.
L’hypothèse de réflexion nous invite donc à
situer l’imitation vis-à-vis de ces autres
modalités et à examiner les conditions de
son efficacité didactique.
Remarque à propos de la
reformulation
La problématique peut être reformulée
afin de rendre sa compréhension plus
facile pour le correcteur. Il s’agit de
reprendre l’hypothèse, sous une autre
forme rédactionnelle.
Un inconvénient : alourdir le
paragraphe,
Un danger : créer de l’ambiguïté,
de l’incompréhension ou du paradoxe,
si la reformulation évoque une autre
idée.
Problématique
 reformulation
En d’autres termes, l’apprentissage par
observation/imitation constitue un mécanisme
d’apprentissage actif et souvent efficace mais
qui présente aussi des limitations : c’est
pourquoi l’enseignant choisit de le solliciter
selon ce qui est à enseigner, les circonstances
et le contexte, les caractéristiques du sujet
apprenant, et les relations entre les
partenaires.
Plan 1 : entrée par la nature des
apprentissages

Partie I : Imiter et la construction d’habiletés fermées

Partie II : Imiter et la construction d’habiletés


ouvertes

Partie III : Imiter et la construction de compétences


méthodologiques

 Chaque partie devra envisager les


possilités offertes par l’imitation, mais
aussi les insuffisances et les limites.
Plan 2 : entrée par les théories qui
envisagent différemment l’imitation

Partie I : l’imitation et l’apprentissage pour la théorie


béhavioriste
Partie II : l’imitation et l’apprentissage pour la théorie
cognitiviste et socioconstructiviste
Partie III : l’imitation et l’apprentissage pour les
théories écologiques
 Le choix de ce plan suppose une grande
maîtrise des présupposés théoriques et
des connaissances scientifiques avérées.
Plan 3 : plan dialectique

Partie I : thèse = l’imitation permet d’apprendre


Partie II : antithèse = l’imitation ne permet pas
d’apprendre au sens devenir compétent ;
l’apprentissage nécessite d’autres mécanismes
Partie III : synthèse = à quelles conditions et pour
quels types d’apprentissage l’imitation est efficace
 Le plan dialectique ne consiste pas à affirmer
quelque chose puis son contraire ; il souligne la
complexité des questions et permet de considérer
une pluralité de points de vue (en envisageant par
exemple plusieurs théories de l’apprentissage).
Plan détaillé autour de la
proposition n°1

4 à 5 arguments sont proposés par partie


 un devoir d’écrit 2 se compose idéalement de 3
arguments,
 à vous de « retravailler » les arguments
proposés pour ne retenir que ceux qui vous
semblent les plus pertinents,
 travail complémentaire : proposer une
illustration concrète.
Partie 1

L’imitation permet d’apprendre


Argument 1.1
Pour F.Winnikamen (EPS interroge une
psychologue, in Revue EPS n°232, 1991), l’imitation
n’est pas une imprégnation passive, mais « une
activité intelligente », grâce à laquelle, à partir d’une
démonstration (ou plus généralement de façon
informelle à partir des conduites d’autrui), l’apprenant
sélectionne des informations et les traite, ce qui lui
permet de construire une représentation de l’action.
L’apprentissage par observation s’inscrit donc dans
une perspective cognitiviste et permet, à partir d’un
modèle, de construire une représentation symbolique
de l’habileté et de réduire les tâtonnements,
notamment dans les tâches nouvelles.
Argument 1.2
Plusieurs études ont montré que l’information
visuelle, c’est-à-dire la démonstration, est plus efficace
que les instructions verbales (Resier & Gagné, 1982 ;
Burwitz, 1981). De leur côté, R.A.Magill &
B.Schoenfelder-Zohdi (1995) ont montré que l’imitation
d’un modèle facilite le développement des patrons de
coordination, notamment lors des premières étapes de
l’apprentissage moteur (Fitts, 1964 ; Adams, 1971 ;
Gentile, 1972) : « les débutants utilisent les
informations provenant d’un modèle pour développer la
coordination nécessaire à la réussite de l’habileté ».
Mais cette étude montre également que ces effets
positifs ne s’appliquent qu’aux tâches de coordination,
pas aux tâches de contrôle.
Argument 1.3
Rizzolatti et al. (1996) ont montré qu’il existe des
neurones « miroirs » qui accréditent l’existence d’une activité
cérébrale partagée entre la perception et l’exécution des
mouvements (ces recherches ont mis en évidence chez le singe des
neurones dont la décharge est influencée aussi bien par l’exécution par
l’animal de mouvements de doigts ou de la bouche que par l’observation
de ces mêmes mouvements exécutés par un congénère ou par
l’expérimentateur). Les travaux en neurophysiologie suggèrent
donc qu’il existerait un niveau de codage commun entre
exécuter une action, la préparer, la simuler, ou l’observer
(codage commun entre ses actions et celles d’autrui). En
revanche, d’autres régions cérébrales semblent spécifiques et
donc non partagées. Ces recherches plaident en faveur de
l’apprentissage par observation/imitation, dont les neurones
« miroirs » représenteraient un des fondements (M.Desmurget,
Imitation et apprentissages moteurs : des neurones miroirs à la pédagogie
du geste sportif, Solal, Paris, 2006).
Argument 1.4
Apprendre en imitant peut également agir favorablement
sur les compétences méthodologiques, notamment celles
permettant de « se confronter à l’application et à la construction de
règles de vie et de fonctionnement collectif » (Programme de la classe
de seconde, 2000). Selon F.Winnikamen (Apprendre en imitant, PUF,
Paris, 1990), l’apprentissage par imitation-modélisation et
l’apprentissage par guidage-tutelle sont des formes d’acquisition
utilisant simultanément l’imitation et les interactions sociales.
Dans cette perspective, en EPS, l’enseignant peut envisager des
modalités de travail associant un sujet-modèle et un sujet-
observateur, ou mieux encore, des modalités d’imitation croisée.
Ces modalités d’interaction impliquent les élèves en les rendant
véritablement acteurs de leurs apprentissages. Elles profitent à
l’observateur, qui apprend mieux grâce au modèle, mais aussi à
l’imité, qui peut modifier sa démonstration pour la rendre plus
explicite, sur la base de l’observation de la production du sujet
apprenant.
Partie 2

L’imitation ne permet
pas d’apprendre
(au sens devenir compétent)

L’apprentissage nécessite
d’autres mécanismes
Argument 2.1
Apprendre en imitant peut conduire à un montage artificiel
et sclérosant de la technique corporelle, si celle-ci est vue comme
un modèle impératif à reproduire. L’imitation risque en effet de
servir une conception formelle d’une technique qui s’acquiert « à
vide », sur le seule base de l’observation et l’imitation d’un modèle
gestuel externe. L’important dans la technique en effet, ce n’est
pas tant l’imitation que la fonction. Cette conception fonctionnelle
de la technique lui permet de ne pas être « décontextualisée de ses
conditions d’émergence » (N.Gall, 1997). Dans cette perspective,
la technique est moins à imiter qu’à expérimenter : elle est une
production et non un simple produit. Les procédures choisies
mettront l’accent sur les contraintes environnementales censées
faire « émerger » les techniques efficaces dans des situations
ouvertes, et seront préférées à l’observation/imitation d’un modèle
technique « juste ». A cette condition seulement les techniques
permettront de construire des compétences, c-a-d des pouvoirs
utilisables au-delà de leur contexte spécifique d’appropriation.
Argument 2.2
L’imitation est parfois « parasitée » par des représentations
sociales construites en dehors de l’école et alimentées par les images
médiatiques des pratiques et des champions sportifs. Il n’est pas rare
en effet que ces modèles extrascolaires que l’apprenant imite soient
contradictoires avec la logique de la progression. Ici, l’apprentissage
exige d’abord une déconstruction : il s’agit de rompre avec les
représentations préalables qui orientent les imitations de l’apprenant
vers une impasse. Selon A.Giordan, « la conception initiale ne se
transforme que si l’apprenant se trouve confronté à un ensemble
convergent et redondant qui rend cette dernière difficile à gérer » (De
l’usage des conceptions dans les apprentissages, in Enseigner l’EPS.
Clermont-Ferrand, AFRAPS, 1993). Face à cette exigence, l’imitation,
même avec un modèle compatible avec la progression attendue, est
peu opérante : elle ne suffit pas à renverser des représentations déjà
bien installées. Le principe sera plutôt de confronter l’élève à des
situations suffisamment contraignantes (grâce à des obstacles
didactiques) l’invitant, pour réussir, à modifier ses manières habituelles
de faire.
Argument 2.3
Apprendre, en EPS, c’est souvent expérimenter de nouvelles
solutions motrices. Face à cela, l’imitation est peu judicieuse,
puisqu’elle donne la solution « toute cuite », interdisant à l’élève la
possibilité de la trouver lui-même, et neutralisant toute activité
personnelle de recherche. Or depuis C.Rogers, il semble avéré que « le
seul apprentissage qui influence réellement le comportement d'un
individu est celui qu'il découvre lui-même et qu'il s'approprie » (Liberté
pour apprendre. Dunod, Paris, 1971). Par ailleurs, imiter ne semble pas le
meilleur moyen pour développer des compétences générales portant
sur les démarches autonomes d’apprentissage. D’obédience
cognitiviste, les situations de résolution de problème (SRP) sont
certainement plus efficaces : elles autorisent la construction individuelle
des réponses, en sollicitant une activité autonome de recherche
associée à des processus de connaissance des résultats, en vue de
stabiliser les réponses « qui marchent ». Simultanément, les SRP
guident l’élève vers « un engagement de plus en plus réfléchi dans ses
apprentissages » (Programme de la classe de troisième, 1998) en lui
permettant d’être « le propre architecte de son savoir » (E.Cauzinille
Argument 2.4
Le paradigme écologique de l’apprentissage moteur minore le
rôle joué par l’imitation, au profit de celui joué par le milieu et ses
contraintes. Selon cette approche en effet, « l’enseignant privilégie
les aménagements susceptibles de solliciter directement des
adaptations comportementales » (J.J.Temprado, G.Montagne, Les
coordinations perceptivo-motrices, A.Colin, Paris, 2001). Selon la
théorie de la perception directe (Gibson, 1986), apprendre consiste à
développer la capacité à détecter l’affordance adéquate. Grâce au
principe du couplage perception-action, et notamment dans les
activités où l’objectif est de s’adapter aux contraintes de
l’environnement (par opposition aux activités où l’objectif est de
produire une forme), l’aménagement du milieu permet d’optimiser
l’apprentissage moteur en rendant l’information du milieu perceptible
et donc utilisable. Il ne s’agit plus d’imiter un geste démontré, il
s’agit d’interagir avec un milieu qui va permettre de faire émerger
certains des comportements attendus, comportements qui ne
correspondent pas un à un geste idéal, mais à un geste optimal ou
efficient, compte-tenu des propres capacités physiques et des
caractéristiques anthropométriques (poids, taille) des élèves.
Argument 2.5
Toujours dans une perspective écologique, la théorie des
systèmes dynamiques postule que « le comportement d’un
système complexe émerge de l’interaction des contraintes qui
pèsent sur lui » (D.Delignières, Apprentissage moteur, quelques idées
neuves, in Revue EPS n°274, 1998). Là encore, l’imitation est peu
efficace pour aider l’élève à apprendre. Cette théorie lui préfère
largement l’aménagement du milieu, dont les contraintes vont
permettre de « limiter les degrés de liberté du système, c’est à
dire ses possibilités d’action » et de « canaliser la dynamique du
comportement en restreignant l’étendue des possibles » (ibid.).
Les contraintes inhabituelles (par rapport à la motricité ordinaire)
portées par l’aménagement du milieu vont permettre de modifier
le paysage des attracteurs, c-a-d les coordinations spontanées ou
préférentielles, en agissant sur les paramètres de contrôle du
système. Ce sont ces paramètres qui, lorsqu’ils évoluent au-delà
d’une valeur critique, modifient le paysage des attracteurs
(exemple donné par Delignières du paramètre de contrôle vitesse pour
installer la roue comme nouveau attracteur du système).
Partie 3

A quelles conditions l’imitation


permet d’apprendre ?
Argument 3.1
L’imitation n’est efficace pour apprendre qu’à la condition
d’être associée à d’autres processus d’apprentissage. Le premier
d’entre eux est la répétition : « la répétition constitue le moyen par
excellence pour maîtriser les habiletés motrices » (J.Buekers, 1995).
Ces répétitions permettent notamment d’optimiser d’autres processus
d’apprentissage surtout mis en valeur par le modèle cognitiviste : la
connaissance des résultats (satisfaction du critère de réussite), et la
connaissance de la performance (critères de réalisation mis en
œuvre). Si l’imitation permet d’apprendre, c’est rarement « d’un
coup » : ce sont les répétitions qui permettent de corriger ses erreurs
et d’affiner ses essais successifs sur la base de la connaissance des
résultats et de la performance. L’enseignant dispose de très
nombreuses procédures pour favoriser ces autres processus. Pour les
répétitions, il s’agit de maximiser le temps d’engagement moteur
dans la séance (organisation de l’espace, du matériel, des groupes,
format pédagogique choisi, situations « fil rouge », routines
pédagogiques…). Pour les informations consécutives au mouvement,
l’enseignant communiquera des feedback, ou pourra envisager des
modalités d’enseignement mutuel, organiser des évaluations
formatives et formatrices…
Argument 3.2
La qualité de la démonstration agit-elle sur l’efficacité
didactique de l’imitation ? Les résultats de Pollack et Lee
(1992) semblent confirmer l’idée selon laquelle la justesse
du modèle n’influence pas l’apprentissage de façon décisive.
Parfois même, l’observation de modèles novices produit de
meilleurs résultats (Weir et Leavitt, 1990) : « apparemment,
l’observation des novices permet aux sujets de mesurer les
problèmes que les joueurs inexpérimentés rencontrent et, ce
qui ce qui est encore plus important, de voir comment ces
problèmes peuvent être résolus » (J.Buekers, L’apprentissage
et l’entraînement des habiletés motrices et sportives, in J.Bertsch,
C.Le Scanff, Apprentissages moteurs et conditions
d’apprentissages, PUF, Paris, 1995). Dès lors, si l’enseignant
veille sur le principe à proposer des démonstrations
techniquement justes, il n’accordera pas d’importance
particulière à la qualité des modèles gestuels, notamment
lorsque ceux-ci émanent des élèves eux-mêmes (par
exemple dans le cadre d’un travail en groupes restreints).
Argument 3.3
D’après Gould & Roberts (1982), si la démonstration
représente une procédure de guidage efficace dans un
nombre important d’apprentissages (et notamment ceux
impliquant des habiletés fermées), deux conditions
s’appliquent à l’efficacité didactique du processus
d’imitation. Selon le premier, il est préférable de distribuer
la démonstration dans le temps lorsqu’il s’agit d’une tâche
complexe. Selon le second, l’observation du modèle est
optimisée si l’enseignant guide l’observation en focalisant
l’attention du sujet sur les éléments pertinents ou critiques
de l’habileté (points clés de la technique, principes, traits
de structure de la forme gestuelle). Ces informations
surajoutées à la démonstration évolueront en fonction de
l’âge des élèves et du niveau de maîtrise de l’habileté :
rigoureusement sélectionnées chez les plus jeunes et en
début d’apprentissage, plus nombreuses chez les plus âgés
et les plus expérimentés.
Argument 3.4
Selon l’étude de Burwitz (1981), le temps entre la
démonstration et l’imitation, c’est-à-dire l’exécution du
mouvement, doit être restreint. L’important est surtout
d’éviter à une autre activité mobilisant la mémoire de
travail (Baddeley et Hitch, 1974) et sollicitant des
ressources attentionnelles de s’intercaler entre la
présentation du modèle et la réalisation gestuelle. C’est
pourquoi la démonstration interviendra
préférentiellement à la fin de la présentation de la tâche,
lorsque les autres informations relatives à la logistique,
à la sécurité, et à l’organisation auront déjà été
communiquées. Quant aux informations portant sur le
critère de réussite et les critères de réalisation les plus
importants, elles pourront « accompagner » la
réalisation de la démonstration, afin de respecter le
principe d’une focalisation de l’attention vers les
éléments pertinents de l’habileté.
Argument 3.5
Afin que l’imitation permette de construire des
techniques adaptables, c’est-à-dire utilisables en dehors de
leur contexte d’apprentissage, l’imitation portera
davantage sur les principes gestuels, les « traits de
structure » que sur l’habillage comportemental de ces
principes, les « traits de surface » (E.Cauzinille Marmèche,
Apprendre à utiliser ses connaissances pour la résolution de
problèmes : analogie et transfert, in Bulletin de psychologie
n°399, 1991). Pour l’enseignant, la solution est de proposer
différentes tâches reliées par un problème commun pour
les associer à des démonstrations apparemment
différentes, mais dont les principes de réussite sont les
mêmes. Après, une pratique en condition variable
(Buekers, 1995) sera recherchée car « les conditions
d'apprentissage qui réalisent une variabilité des conditions
d'acquisition imposent en quelque sorte de construire des
règles génériques et non pas des réponses spécifiques d'une
situation » (M.Durand, L’enfant et le sport, PUF, Paris, 1987).
Conclusion
Quatre paragraphes possibles
1. Eventuellement une citation comme préambule
pour relancer l’attention du correcteur
 FACULTATIF (ET ASSEZ RARE)
2. Un résumé des principaux arguments
 FACULTATIF SEULEMENT EN CAS DE CONCLUSIONS
INTERMEDIAIRES DE QUALITE
3. Une réponse à la problématique
 OBLIGATOIRE !
4. Une ouverture
 FACULTATIVE : ATTENTION AUX OUVERTURES « BATEAU » :
MIEUX VAUT S’EN PASSER !
Conclusion
Réponse à la problématique

Phase clé de la conclusion : le candidat revient sur


l’hypothèse formulée dans la problématique, et
propose un bilan général à la démonstration :
• revenir explicitement sur la problématique,
• mais sans pour autant la paraphraser,
• sans bien sûr remettre en cause son
hypothèse de départ,
• avec la possibilité pour le candidat de
s’engager.
Conclusion
Réponse à la problématique

Proposition de 3 axes de réponse.

Ces axes peuvent être combinés.


Conclusion
Réponse à la problématique 1
Au terme de cette étude, nous pouvons
réaffirmer l’idée selon laquelle l’imitation constitue un
processus efficace d’apprentissage. Les recherches en
neurobiologie sur les neurones miroirs lui confèrent
une crédibilité actuelle et renouvelée. Mais si nous
souhaitons la réhabiliter (alors qu’elle n’a jamais
disparu des pratiques quotidiennes d’enseignement),
nous rejetons aussi le mouvement de balancier qui
consisterait à réinstaller son hégémonie. Si l’imitation
est efficace, elle n’est pas la seule, et la recherche de
la plus grande efficacité didactique passe sans doute
par une complémentarité des procédures
d’enseignement et des processus d’apprentissage.
Conclusion
Réponse à la problématique 2
En réalité, la légitimité conférée à l’imitation dépend de la
conception théorique sous-jacente. Dans une perspective
béhavioriste, l’imitation n’est que la réponse à un stimulus
incarné par le modèle. Dans une perspective cognitiviste,
l’apprentissage par observation n’implique pas une passivité
du sujet, mais met en jeu des processus complexes de
sélection, de codage, et de rétention des informations
(Bandura, 1977 ; Winnykamen, 1990). Mais dans une
perspective écologique, « l’intérêt de la démonstration doit
être relativisé » (Cornu & Marsault, 2003). Retenons que la
démonstration est surtout profitable aux tâches de
coordination (Magill, 1995) et aux morphocinèses (Serre,
1984), et elle est surtout efficace dans la phase cognitive de
l’apprentissage (Feltz, 1982). Enfin, des consignes verbales
portant sur les aspects pertinents de l’habileté augmentent
son efficacité (Bandura, 1977).
Conclusion
Réponse à la problématique 3

Dans le contexte actuel plutôt favorable aux théories


écologiques, nous terminerons en évoquant cette
étude déjà ancienne de Famose, Hébrard, Simonet
et Vivès comparant, dans le cadre de l'apprentissage
d'habiletés techniques en ski et en athlétisme,
l'efficacité de méthodes basées sur la démonstration
et l'explication d'une part, et sur l'aménagement du
milieu d'autre part, et montrant clairement
l'avantage des secondes (Contribution de
l'aménagement matériel du milieu à la pédagogie des
gestes sportifs individuels, INSEP, Paris, 1979).
Ouverture
La conclusion peut se terminer par un
paragraphe élargissant les horizons du sujet, en
montrant que la réponse à la problématique ouvre la
perspective d’une nouvelle hypothèse qu’il semble
intéressant d’étudier. Le candidat montre ici que les
problèmes posés sont liés à d’autres, tout en ravivant
une dernière fois la curiosité du correcteur.
Ouverture
Ce dernier paragraphe n’est pas obligatoire :
mieux vaut s’en passer que de finir sur une mauvaise
impression ( = ouverture sans intérêt, « bateau », ou
mécanique et parachutée, c’est à dire plaquée
brutalement).
Ouverture
A l’école, l’imitation exerce aussi d’autres effets,
plus indirects, envers les apprentissages. Derrière
l’imitation se jouent en effet des phénomènes de
reconnaissance sociale, d’appartenance au groupe, et
de leadership. L’enseignant rencontre souvent des
élèves qui cherchent à imiter les actions ou les attitudes
en classe d’autres élèves au statut de leader. Parce
qu’ils émanent de leaders, ces comportements
deviennent socialement valorisés et sont alors
susceptibles d’être imités. Malheureusement, ce ne sont
pas toujours des comportements adaptatifs, c’est-à-dire
des comportements favorables aux apprentissages
scolaires. Parfois même, l’imitation peut être gagnée
par les surenchères, et mener à des conduites déviantes
ou dangereuses.
Questions ???
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