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quantique
« John Polkinghorne nous offre ici le fruit d’un excellent travail… On peut
regretter que de nombreux auteurs de livres « populaires » sur la physique
moderne aient pris la fâcheuse habitude de mélanger la science factuelle
avec la « science-fiction ». Polkinghorne ne commet jamais cette erreur :
il laisse toujours la vérité se défendre toute seule et démontrer sa propre
fascination. Je pense que c’est une excellente contribution à la documentation
sur la théorie quantique destinée au grand public. »
Chris Isham, Imperial College, Londres
Quantum Theory: A very short introduction, first edition was originally published
in English in 2002. This translation is published by arrangement with Oxford
University Press.
Quantum Theory: A very short introduction, first edition, a été initialement publiée
en anglais en 2002. Cette traduction est publiée avec l’autorisation d’Oxford
University Press.
Imprimé en France
ISBN : 978-2-7598-2571-4
Ebook : 978-2-7598-2572-1
Préface........................................................................................................................... 11
1. Les « fissures » de la physique classique................................................... 13
2. La lumière de l’aube apparaît.......................................................................... 27
3. Un horizon paradoxal qui s’assombrit........................................................ 51
4. Des développements supplémentaires..................................................... 71
5. Vers l’unité................................................................................................................... 91
6. Les leçons et leurs significations.................................................................... 97
Lectures complémentaires................................................................................ 109
Glossaire....................................................................................................................... 111
Annexe mathématique........................................................................................ 115
Index............................................................................................................................... 125
Préface
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La théorie quantique
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Les « fissures »
de la physique classique
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La théorie quantique
LA NATURE DE LA LUMIÈRE
Il s’avéra que ce n’est qu’au xixe siècle qu’il y eut de réels progrès
dans la compréhension de la nature de la lumière. Dès le début du
siècle, en 1801, Thomas Young présenta des preuves très convaincantes
que la lumière avait pour caractéristique un mouvement ondulatoire.
On notera qu’une hypothèse dans ce sens avait été faite plus d’un
siècle plus tôt par le contemporain néerlandais de Newton, Christiaan
Huygens. Les principales observations faites par Young portaient sur des
effets que nous appelons aujourd’hui des phénomènes d’interférence.
Un exemple typique est l’existence de bandes alternées de lumière et
d’obscurité, qui, assez ironiquement, avait été mise en évidence par Sir
Isaac lui-même dans un phénomène appelé « les anneaux de Newton ».
Les effets de ce genre sont caractéristiques des ondes et se manifestent
comme suit. La manière dont deux trains d’ondes se combinent dépend
de la relation entre leurs oscillations l’un par rapport à l’autre. S’ils sont
en phase (comme disent les physiciens), alors la crête de l’un coïncide
de manière constructive avec la crête de l’autre, ce qui donne un ren-
forcement mutuel maximal. Lorsque cela se produit dans le cas de la
lumière, on obtient des bandes de luminosité. Si, en revanche, les deux
ensembles d’ondes sont exactement décalés l’un par rapport à l’autre
(déphasés), alors la crête de l’un coïncide avec le creux de l’autre ce
qui conduit à une annulation mutuelle et on obtient une bande d’obs-
curité. Ainsi, l’apparition de motifs d’interférence alternant la lumière
et l’obscurité est une signature indubitable de la présence d’ondes. Les
observations de Young semblent avoir réglé la question. La lumière est
de nature ondulatoire.
Au cours du xixe siècle, la nature du mouvement ondulatoire associé
à la lumière devins apparemment claire. D’importantes découvertes de
Hans Christian Oersted et de Michael Faraday montrèrent que l’électricité
et le magnétisme, phénomènes qui, à première vue, semblaient très
différents, étaient, en fait, intimement liés les uns aux autres. La manière
dont ils pouvaient être combinés pour donner une théorie cohérente de
l’électromagnétisme fut finalement arrêtée par James Clerk Maxwell – un
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Les « fissures » de la physique classique
homme doté d’un tel génie qu’on pouvait le comparer à Isaac Newton
lui-même. Les célèbres équations de Maxwell, qui constituent encore
aujourd’hui la base fondamentale de la théorie de l’électromagnétisme,
furent exposées en 1873 dans son Traité sur l’électricité et le magnétisme,
l’un des livres de référence classiques de l’édition scientifique. Maxwell
se rendit compte que ces équations avaient des solutions ondulatoires et
que la vitesse de ces ondes était déterminée en fonction de constantes
physiques connues. Il s’agissait en fait de la vitesse de la lumière !
Cette découverte a été considérée comme le plus grand triomphe
de la physique du xixe siècle. Le fait que la lumière soit des ondes élec-
tromagnétiques était on ne peut plus solidement établi. Maxwell et ses
contemporains considéraient ces ondes comme des oscillations dans un
milieu élastique omniprésent, que l’on a fini par appeler éther. Dans un
article d’encyclopédie, il allait même avancer que l’éther était l’entité la
mieux confirmée de toute la théorie physique.
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La théorie quantique
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Les « fissures » de la physique classique
SPECTRES
Le premier signe de la révolution quantique, non reconnu comme
tel à l’époque, apparut en 1885. Elle naquit des gribouillages mathéma-
tiques d’un maître d’école suisse appelé Balmer. Il pensait au spectre
de l’hydrogène, c’est-à-dire à l’ensemble des raies colorées distinctes
que l’on voit lorsque la lumière d’un gaz incandescent est divisée en
passant à travers un prisme. Les différentes couleurs correspondent à
différentes fréquences (différents taux d’oscillation) des ondes lumi-
neuses impliquées. En jouant avec les chiffres, Balmer découvrit que
ces fréquences pouvaient être décrites par une formule mathématique
assez simple [voir l’Annexe mathématique, 1]. À son époque, cela pou-
vait être appréhendé comme une simple curiosité.
Plus tard, les scientifiques essayèrent de comprendre le résultat
de Balmer en fonction de l’image contemporaine de l’atome. En 1897,
J. J. Thomson découvrit que la charge négative d’un atome était portée
par de minuscules particules, que l’on nomma « électrons ». On suppo-
sait alors que la charge positive d’équilibre était simplement répartie
dans l’atome. Cette idée fut appelée « le modèle du plum-pudding »,
les électrons jouant le rôle des prunes et la charge positive celui du
pudding. Les fréquences spectrales devaient alors correspondre aux
différentes façons dont les électrons pouvaient osciller dans le « pud-
ding » chargé positivement. Il s’avéra toutefois extrêmement difficile
de faire appliquer cette idée de manière empiriquement satisfaisante.
Nous verrons que la véritable explication de l’étrange découverte de
Balmer a finalement été trouvée en utilisant un ensemble d’idées
très différentes. Entre-temps, la nature des atomes semblait proba-
blement trop obscure pour que ces problèmes suscitent une anxiété
généralisée.
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La théorie quantique
LA CATASTROPHE ULTRAVIOLETTE
Une autre difficulté, beaucoup plus évidente mais déroutante, fut mise
en lumière pour la première fois par Lord Rayleigh en 1900, et appelée
« la catastrophe ultraviolette ». Elle était née de l’application des idées
d’une autre grande découverte du xixe siècle, la physique statistique. Les
scientifiques tentaient alors de comprendre le comportement de sys-
tèmes très complexes, dont les mouvements détaillés pouvaient prendre
des formes très différentes. Un exemple d’un tel système pourrait être
un gaz composé de très nombreuses molécules différentes, chacune
ayant son propre état de mouvement. Un autre exemple serait l’énergie
rayonnante (ou radiative), qui pourrait être constituée de contributions
réparties entre de nombreuses fréquences différentes. Il serait tout à
fait impossible de suivre tous les détails de ce qui se passe dans des
systèmes de cette complexité, néanmoins, certains aspects importants
de leur comportement global pourraient être analysés et mis en équation.
Cela s’explique par le fait que le comportement global résulte d’une
moyenne grossière des contributions de nombreux états de mouvement
individuels. Parmi ces possibilités, l’ensemble le plus probable domine
parce qu’il s’avère être justement le plus probable. Sur la base de cette
maximisation de la probabilité, Maxwell et Ludwig Boltzmann ont pu
montrer que l’on peut calculer de manière fiable certaines propriétés
générales du comportement global d’un système complexe, comme, par
exemple, la pression dans un gaz de volume et de température donnés.
Rayleigh appliqua ces techniques de physique statistique au problème
de la répartition de l’énergie entre les différentes fréquences dans le cas
du rayonnement des corps noirs. Un corps noir est un corps qui absorbe
parfaitement toutes les radiations et qui les réémet ensuite toutes. La
question du spectre des radiations en équilibre avec un corps noir peut
sembler assez originale, mais il existe en fait d’excellentes approximations
des corps noirs. C’est donc une question qui peut être étudiée aussi bien
de manière expérimentale que théorique, par exemple en étudiant les
radiations à l’intérieur d’un four spécialement préparé. La question a été
simplifiée par le fait que l’on savait que la réponse ne devait dépendre
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Les « fissures » de la physique classique
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La théorie quantique
L’EFFET PHOTOÉLECTRIQUE
L’avancée suivante fut accomplie par un jeune homme qui avait du
temps devant lui puisqu’il travaillait comme examinateur de troisième
classe à l’Office des Brevets de Berne. Il s’appelait Albert Einstein. En
1905, annus mirabilis pour Einstein, il fit trois découvertes fondamentales.
L’une d’entre elles s’est avérée être l’étape suivante dans l’histoire de la
théorie quantique. Einstein réfléchissait aux propriétés étonnantes mises
en évidence par les recherches sur l’effet photoélectrique [2]. Il s’agit d’un
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La théorie quantique
L’ATOME
Pendant ce temps, l’attention se détourna de la lumière vers les
atomes. En 1911, à Manchester, Ernest Rutherford et quelques collègues
plus jeunes commencèrent à étudier le comportement de certains petits
projectiles à charge positive, appelés particules-α, lorsqu’ils atteignaient
une fine pellicule d’or. De nombreuses particules-a passaient à travers
sans subir d’effet mais, à la grande surprise des chercheurs, certaines
étaient sensiblement déviées. Rutherford a déclaré plus tard que c’était
aussi étonnant que si un obus naval de 15 pouces avait reculé en heurtant
une feuille de papier de soie. Le modèle de l’atome en plum-pudding ne
pouvait avoir aucun sens à partir de ce résultat. Les particules-a auraient
dû passer à travers comme une balle au travers d’un gâteau. Rutherford
comprit vite qu’il n’y avait qu’une seule issue au dilemme. La charge
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Les « fissures » de la physique classique
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La théorie quantique
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Les « fissures » de la physique classique
la formule de Balmer pour les raies spectrales. Après presque trente ans,
cette mystérieuse formule numérique est passée d’une bizarrerie inex-
plicable à une propriété intelligible de la nouvelle théorie des atomes. La
netteté des raies spectrales était considérée comme le reflet de la nature
discrète qui commençait à être reconnue comme une caractéristique de
la pensée quantique. Le mouvement en spirale continue auquel on aurait
pu s’attendre sur la base de la physique classique avait été remplacée
par un « saut quantique » fortement discontinu d’une orbite d’un rayon
autorisé à une orbite d’un rayon autorisé mais inférieur.
L’atome de Bohr fut un grand triomphe. Mais il était né d’une sorte de
« bricolage » inspiré de ce qui était encore, à bien des égards, de la phy-
sique classique. Le travail de pionnier de Bohr correspondait, en réalité,
à une réparation substantielle de l’édifice sérieusement endommagé de
la physique classique. Les tentatives d’extension de ces concepts se sont
rapidement heurtées à des difficultés et à des incohérences. La « vieille
théorie quantique », comme on a fini par appeler ces essais, était une
combinaison difficile et inconciliable des idées classiques de Newton
et Maxwell avec les formulations quantiques de Planck et Einstein. Les
travaux de Bohr constituaient une étape essentielle dans l’histoire de la
physique quantique, mais ils ne pouvaient être qu’une étape sur la voie
de la « nouvelle théorie quantique », un compte rendu totalement intégré
et cohérent de ces étranges idées. Pour en arriver là, il fallait découvrir
un autre phénomène important qui soulignait encore plus l’inévitable
nécessité de trouver un moyen de faire face à la pensée quantique.
EFFET COMPTON
En 1923, le physicien américain Arthur Compton étudia la diffusion
des rayons X (rayonnement électromagnétique à haute fréquence) par
la matière. Il découvrit que la fréquence des radiations diffusées était
modifiée. Sur un diagramme d’onde, cela ne pouvait pas être expliqué.
L’idée était que le processus de diffusion serait dû au fait que les électrons
des atomes absorbent et réémettent l’énergie des ondes incidentes,
et que cela se produirait sans changement de fréquence. En revanche,
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La théorie quantique
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La lumière de l’aube
apparaît
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La théorie quantique
Fig. 2 Le grand et le bon de la théorie quantique : le congrès Solvay de 1927. © International Institutes of Physics &
Chemistry, Bruxelles.
La lumière de l’aube apparaît
LA MÉCANIQUE MATRICIELLE
L’un d’eux était un jeune théoricien allemand, Werner Heisenberg
qui travailla avec acharnement pour comprendre les détails spécifiques
des spectres atomiques.
La spectroscopie joua un rôle très important dans le développement
de la physique moderne. L’une des raisons en est que les techniques
expérimentales de mesure des fréquences des raies spectrales sont
capables d’une grande précision, de sorte qu’elles donnent des résultats
très fins mais qui, en même temps, posent des problèmes très précis
aux théoriciens. Nous en avons déjà vu un exemple simple dans le cas
du spectre de l’hydrogène, avec la formule de Balmer et l’explication
donnée par Bohr, en fonction de son propre modèle atomique. À partir
de ce moment, les choses se compliquèrent et Heisenberg mena une
attaque beaucoup plus large et ambitieuse des propriétés spectrales en
général. Alors qu’il récupérait d’une grave crise de rhume des foins sur
l’île de Helgoland dans la mer du Nord, il fit sa grande percée. Les calculs
semblaient assez compliqués mais, lorsque la complexité mathématique
se dissipa, il apparut que ce qui avait été impliqué était la manipulation
d’entités mathématiques appelées matrices (des tableaux de nombres
qui se multiplient ensemble d’une manière spéciale). C’est pourquoi la
découverte d’Heisenberg a été connue sous le nom de « mécanique des
matrices ». Les idées sous-jacentes réapparaîtront un peu plus tard sous
une forme encore plus générale. Pour l’instant, notons simplement que
les matrices diffèrent des nombres simples en ce sens qu’elles ne com-
mutent généralement pas. C’est-à-dire que si A et B sont deux matrices,
le produit AB et le produit BA ne sont généralement pas les mêmes.
L’ordre de multiplication importe, contrairement aux nombres, où 2 × 3 et
3 × 2 font 6. Il s’est avéré que cette propriété mathématique des matrices
a une signification physique importante liée aux q uantités pouvant être
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La théorie quantique
LA MÉCANIQUE ONDULATOIRE
Cette deuxième approche et explication de la théorie quantique fut
appelée, à juste titre, la « mécanique des ondes ». Bien que sa version
complète fût découverte par le physicien autrichien Erwin Schrödinger,
un pas dans la bonne direction avait été fait un peu plus tôt dans les
travaux d’un jeune aristocrate français, le prince Louis de Broglie [5].
Ce dernier avait audacieusement suggéré que si la lumière ondulatoire
présentait également des propriétés semblables à celles des particules,
peut-être fallait-il s’attendre à ce que des particules telles que les élec-
trons présentent aussi, par analogie, des propriétés ondulatoires. Ainsi,
de Broglie donna à cette idée sa forme quantitative, en généralisant la
formule de Planck. Ce dernier avait rendu la propriété particulaire de
l’énergie proportionnelle à la propriété ondulatoire de la fréquence. De
Broglie suggéra qu’une autre propriété des particules, leur « moment »,
c’est-à-dire la quantité de mouvement (une quantité physique significa-
tive, bien définie et correspondant approximativement au « moment »,
c’est-à-dire la quantité de mouvement persistant que possède une
particule), devrait être liée de façon analogue à une autre propriété
ondulatoire, la longueur d’onde, la constante universelle de Planck étant
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La lumière de l’aube apparaît
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La théorie quantique
LA MÉCANIQUE QUANTIQUE
Il était clair que Heisenberg et Schrödinger avaient réalisé des
avancées impressionnantes. Pourtant, ils présentèrent leurs nouveaux
travaux d’une manière différente qu’il ne fut pas aisé de savoir s’ils
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La lumière de l’aube apparaît
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figure de diffraction
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La lumière de l’aube apparaît
PROBABILITÉS
C’est Max Born à Göttingen qui, le premier, souligna clairement le
caractère probabiliste de la théorie quantique, une réalisation pour
laquelle il ne reçut son prix Nobel bien mérité qu’en 1954. L’avènement
de la mécanique ondulatoire avait soulevé la fameuse question des
ondes, mais quelles ondes ? Au départ, on supposa qu’il pouvait s’agir
d’ondes de la matière, de sorte que c’était l’électron lui-même qui se
déployait de cette manière ondulatoire. Born se rendit vite compte que
cette idée n’était pas satisfaisante. Elle ne pouvait pas s’accommoder
des propriétés particulaires. L’équation de Schrödinger décrit plutôt des
ondes de probabilité. Ce développement ne fut pas accepté par tous les
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La théorie quantique
OBSERVABLES
(Avertissement au lecteur : cette section comprend quelques idées
mathématiques simples mais qui nécessitent un effort pour les assimiler,
et de la concentration pour les digérer. C’est la seule section du texte qui
ose proposer une rencontre avec les mathématiques. Cela risque d’être
un peu ardu pour le non-mathématicien, je m’en excuse).
La physique classique décrit un monde qui est clair et déterministe. La
physique quantique décrit un monde qui est nuageux mais approprié. En
ce qui concerne le formalisme (expression mathématique de la théorie),
nous avons vu que ces propriétés découlent du fait que le principe de
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La lumière de l’aube apparaît
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La théorie quantique
vecteur d’état ont des effets identiques, de sorte que l’ordre de l’opérateur
n’a pas d’importance. En d’autres termes, les mesures simultanées ne
peuvent être mutuellement compatibles que pour les observables qui
correspondent à des opérateurs qui commutent entre eux. Dans l’autre
sens, les observables qui ne commutent pas ne seront pas mesurables
simultanément.
Nous voyons ici se manifester à nouveau la « nébulosité » familière
de la théorie quantique. En physique classique, l’expérimentateur peut
mesurer ce qu’il veut, quand il le veut. Le monde physique est présenté
sous l’œil potentiellement perçant et avisé du scientifique. Dans le monde
quantique, en revanche, la vision du physicien est partiellement voilée.
Notre accès à la connaissance des entités quantiques est épistémologi-
quement plus limité que ne le supposait la physique classique.
Notre « flirt » mathématique avec les espaces vectoriels est terminé.
Les lecteurs un peu déroutés doivent simplement retenir qu’en théorie
quantique, seuls les objets observables dont les opérateurs commutent
entre eux peuvent être mesurés simultanément.
LE PRINCIPE D’INCERTITUDE
Ce que cela signifie fut considérablement clarifié par Heisenberg
en 1927 lorsqu’il formula son célèbre principe d’incertitude. Il se rendit
compte que la théorie devait préciser ce qu’elle permettait de savoir par le
biais de mesures. Le souci d’Heisenberg ne portait pas sur les arguments
mathématiques du type de ceux que nous venons d’examiner, mais sur
des « expériences de pensée » idéalisées qui cherchaient à explorer le
contenu physique de la mécanique quantique. L’une de ces expériences
de pensée a consisté à étudier le microscope à rayons γ.
En principe, l’idée est de découvrir avec quelle précision on pourrait
mesurer la position et la quantité de mouvement d’un électron. Selon les
règles de la mécanique quantique, les opérateurs correspondants ne se
déplacent pas. Par conséquent, si la théorie fonctionne réellement, il ne
devrait pas être possible de connaître les valeurs de la position et de la
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La théorie quantique
d’une note, il faut analyser la fréquence du son et, pour cela, il faut
écouter une note pendant une période qui dure plusieurs oscillations
avant de pouvoir faire une estimation précise. C’est la nature ondulatoire
du son qui impose cette restriction, et si les questions de mesure de la
théorie quantique sont discutées du point de vue de la mécanique des
ondes, des considérations exactement similaires ramènent au principe
d’incertitude.
L’histoire humaine derrière la découverte de Heisenberg est inté-
ressante. À l’époque, il travaillait à l’Institut de Copenhague, dont le
directeur était Niels Bohr. Bohr aimait les discussions interminables et
le jeune Heisenberg était l’un de ses interlocuteurs préférés. Au bout
d’un certain temps, les interminables ruminations de Bohr poussèrent
son jeune collègue presque à la distraction. Heisenberg était heureux
de saisir l’occasion offerte par l’absence de Bohr pendant ses vacances
au ski pour se consacrer à son propre travail et terminer son article sur
le principe d’incertitude. Il s’empressa ensuite de le publier avant que
le vénérable et vénéré Bohr ne revienne. À son retour, Bohr détecta
une erreur que Heisenberg avait commise. Heureusement, l’erreur put
être corrigée et cela n’affecta pas le résultat final. Cette petite erreur
concernait le pouvoir de résolution des instruments optiques. Il se trouve
qu’Heisenberg avait déjà rencontré des problèmes à ce sujet auparavant.
Il avait fait ses travaux de doctorat à Munich sous la direction d’Arnold
Sommerfeld, l’un des principaux protagonistes de l’ancienne théorie
quantique. Brillant théoricien, Heisenberg ne s’était pas beaucoup pré-
occupé des travaux expérimentaux qui devaient également faire partie
de ses études. Le collègue expérimentateur de Sommerfeld, Wilhelm
Wien, l’avait remarqué.
Comme il avait pris en grippe l’attitude cavalière du jeune homme,
il décida de la lui faire payer lors de l’examen oral. Il demanda alors à
Heisenberg de préciser par déduction le pouvoir de résolution de ses
instruments optiques ! Et ce dernier n’a pas su répondre. Après l’examen,
Wien affirma que cette lacune ne permettait pas à Heisenberg d’obtenir
son diplôme.
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Sommerfeld, bien sûr (et à juste titre), plaida pour l’obtention de son
doctorat et au plus haut niveau (summa cum laude). En fin de compte, il
fallut trouver un compromis et le futur prix Nobel obtint son doctorat,
mais au niveau le plus bas possible.
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La théorie quantique
COMPLÉMENTARITÉ
Au moment de ces merveilleuses découvertes, Copenhague était
le centre des évaluations et des verdicts rendus sur ce qui se passait.
Niels Bohr n’apportait alors plus de contributions détaillées aux pro-
grès techniques. Il restait cependant profondément intéressé par les
questions d’interprétation et c’est à son intégrité et à son discernement
que les jeunes effrontés, qui étaient en fait les auteurs des documents
pionniers, ont soumis leurs découvertes. Copenhague était la cour du
philosophe-roi, à qui les travaux intellectuels en mécanique quantique
de la nouvelle génération de scientifiques étaient présentés pour être
évaluées et reconnues.
Outre ce rôle de figure paternelle, Bohr offrit un aperçu perspicace de
la nouvelle théorie quantique, sous la forme de qu’il a appelé la notion
de complémentarité. La théorie quantique offre un certain nombre de
modes de pensée alternatifs. Il y avait les représentations alternatives du
processus qui pouvaient être basées sur la mesure de toutes les positions
ou de tous les moments ; la dualité entre la pensée en termes d’entités
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La théorie quantique
LA LOGIQUE QUANTIQUE
Il est bien possible que la théorie quantique ait modifié de façon frap-
pante nos conceptions de termes physiques tels que position et moment.
Il est encore plus surprenant qu’elle ait également affecté notre façon de
penser des petits mots logiques tels que « et » et « ou ».
La logique classique, telle qu’elle est conçue par Aristote et « l’homme
de l’omnibus Clapham » (à savoir, le quidam raisonnable, le citoyen éclairé,
représentatif), est basée sur la loi de distribution de la logique. Si je vous
dis que Bill est roux et qu’il est soit à la maison soit au pub, vous vous
attendrez à trouver un Bill roux à la maison ou un Bill roux au pub. Cela
semble une conclusion assez inoffensive à tirer, et formellement, cela
dépend de la loi aristotélicienne du milieu exclu : il n’y a pas de terme
intermédiaire entre « à la maison » et « pas à la maison ». Dans les années
1930, les gens ont commencé à se rendre compte que les choses étaient
différentes dans le monde quantique. Un électron peut non seulement
être « ici » et « pas ici », mais aussi dans un certain nombre d’autres états
qui sont des superpositions de « ici » et « pas ici ». C’est un moyen terme
qu’Aristote n’aurait jamais imaginé. La conséquence est qu’il existe une
forme spéciale de logique, appelée logique quantique, dont les détails ont
été élaborés par Garret Birkhoff et John von Neumann. Elle est parfois
appelée logique à trois valeurs, parce qu’en plus du « vrai » et du « faux »,
elle prend en compte la réponse probabiliste « peut-être », un concept
avec lequel les philosophes ont joué de manière autonome.
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Un horizon paradoxal
qui s’assombrit
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La théorie quantique
PROBABILITÉS
Les probabilités ont leur place également en physique classique, leur
origine résidant dans l’ignorance de certains détails de ce qui se passe.
Un exemple de ce paradigme est le tirage au sort avec une pièce de
monnaie. Personne ne doute que la mécanique newtonienne détermine
la façon dont la pièce doit atterrir après avoir été jetée – il n’est pas
question d’une intervention directe de Fortuna, la déesse du hasard –
mais le mouvement est trop sensible aux détails précis et infimes de la
façon dont la pièce a été lancée (détails dont nous ignorons l’existence)
pour que nous puissions prédire exactement ce que sera le résultat.
Nous savons cependant que si la pièce n’est pas truquée, les chances
sont égales, 1/2 pour qu’elle tombe pile et 1/2 face. De même, pour un
dé non-pipé, la probabilité qu’un nombre donné se termine face vers le
haut est de 1/6. Si l’on demande la probabilité de lancer un 1 ou un 2, il
suffit d’additionner les différentes probabilités pour obtenir 1/3. Cette
règle d’addition est valable parce que les processus de lancement qui
mènent à 1 ou à 2 sont distincts et indépendants l’un de l’autre. Comme ils
n’ont aucune influence les uns sur les autres, on additionne simplement
les cotes qui en résultent. Tout cela semble assez simple. Pourtant, dans
le monde quantique, les choses sont différentes.
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Un horizon paradoxal qui s’assombrit
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La théorie quantique
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Un horizon paradoxal qui s’assombrit
DÉCOHÉRENCE
Un aspect des problèmes que nous examinons dans ce chapitre peut
être formulé en se demandant comment il se fait que les constituants
élémentaires du monde physique, tels que les quarks, les gluons et les
électrons, dont le comportement est nuageux et approprié, peuvent
donner naissance au monde macroscopique de l’expérience quotidienne,
qui semble si clair et si fiable. Un pas important vers une certaine com-
préhension de cette transition a été franchi grâce à une évolution qui a eu
lieu au cours des 25 dernières années. Les physiciens ont pris conscience
que dans de nombreux cas, il est important de prendre en compte, plus
sérieusement qu’auparavant, l’environnement dans lequel les processus
quantiques se déroulent réellement.
La pensée communément admise avait pris cet environnement
comme un vide, à l’exception des entités quantiques dont les inte-
ractions faisaient l’objet d’une considération explicite. En réalité, cette
idéalisation ne fonctionne pas toujours, et là où elle ne fonctionne
pas, des conséquences importantes peuvent en découler. Ce qui avait
été négligé, c’était la présence quasi-omniprésente des radiations. Les
expériences se déroulent dans un océan de photons, certains prove-
nant du Soleil et d’autres du rayonnement de fond cosmique universel
qui est un écho persistant de l’époque où l’univers avait environ un
demi-million d’années et venait tout juste de devenir suffisamment
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Un horizon paradoxal qui s’assombrit
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La théorie quantique
(1) La non-pertinence
Certains tentent d’analyser finement à l’extrême le problème, en
avançant qu’il n’est pas pertinent. Un argument en faveur de cette
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Un horizon paradoxal qui s’assombrit
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La théorie quantique
plus en plus hauts est tourné à l’envers. Ces effets sont liés à la deuxième
loi de la thermodynamique, qui stipule que, dans un système isolé, l’en-
tropie (la mesure du désordre) ne diminue jamais. La raison en est qu’il
y a beaucoup plus de façons d’être désordonné que d’être ordonné, de
sorte que le désordre l’emporte haut la main. Il suffit de penser à votre
bureau, si vous n’intervenez pas de temps en temps pour le ranger.
Or, la mesure est l’enregistrement irréversible d’un signal macros-
copique de l’état des choses dans le micro-monde. Elle intègre donc
une direction intrinsèque du temps : avant il n’y avait pas de résultat,
après il y en a un. Il est donc plausible de supposer qu’une compréhen-
sion adéquate des grands systèmes complexes qui explique pleinement
leur irréversibilité pourrait également fournir un indice précieux sur la
nature du rôle qu’ils jouent dans la mesure quantique. Dans l’état actuel
des connaissances, cependant, cela reste un vœu pieux plutôt qu’une
réalisation réelle.
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(4) La conscience
Dans l’analyse de l’expérience Stern-Gerlach, le dernier maillon de la
chaîne corrélée était un observateur humain qui entend le compteur qui
émet des « clic ». Chaque mesure quantique dont nous connaissons le
résultat a eu comme dernière étape la prise de conscience du résultat par
quelqu’un. La conscience est l’expérience mal comprise mais indéniable
(sauf par certains philosophes) de l’interface entre le matériel et le mental.
Les effets des drogues ou des lésions cérébrales montrent clairement que
le matériel peut agir sur le mental. Pourquoi ne pas s’attendre à ce qu’un
pouvoir réciproque du mental agisse sur le matériel ? Une telle chose
semble se produire lorsque nous exécutons l’intention volontaire de lever
un bras. Peut-être, alors, est-ce l’intervention d’un observateur conscient
qui détermine le résultat d’une mesure. À première vue, la proposition
a un certain attrait, et un certain nombre de physiciens reconnus ont
adhéré à ce point de vue. Néanmoins, elle présente également de très
graves difficultés.
À la plupart des époques et dans la plupart des endroits, l’Univers
a été dépourvu de conscience. Doit-on supposer que dans ces vastes
étendues d’espace et de temps cosmiques, aucun processus quantique
n’a eu de conséquence déterminante ? Supposons que l’on mette en
place une expérience informatisée dont le résultat est imprimé sur un
bout de papier, qui est ensuite automatiquement stocké sans qu’aucun
observateur ne le regarde avant six mois. Serait-il possible que ce ne
soit qu’à ce moment-là (six mois plus tard) que l’on considère qu’il y a
une empreinte définitive sur le papier ?
Ces conclusions ne sont pas absolument impossibles, mais de nom-
breux scientifiques ne les trouvent pas du tout plausibles. Les difficultés
s’intensifient encore si l’on considère la triste histoire du chat de Schrö-
dinger. Le malheureux animal est emmuré dans une boîte qui contient
également une source radioactive ayant une chance sur deux de se
désintégrer dans l’heure qui suit. Si la décomposition a lieu, les radiations
émises déclencheront la libération d’un gaz létal qui tuera instantanément
le chat. L’application des principes conventionnels de la théorie quantique
63
La théorie quantique
64
Un horizon paradoxal qui s’assombrit
(6) Déterminisme
En 1954, David Bohm publia un article sur la théorie quantique entiè-
rement déterministe et qui donnait exactement les mêmes prédictions
expérimentales que celles de la mécanique quantique conventionnelle.
Dans cette théorie, les probabilités découlent simplement de l’igno-
rance de certains détails. Cette découverte remarquable a conduit John
Bell à réexaminer l’argument de von Neumann selon lequel cela était
impossible et à exposer l’hypothèse erronée sur laquelle cette conclusion
erronée également avait été fondée.
65
La théorie quantique
66
Un horizon paradoxal qui s’assombrit
façon dont l’onde guide les particules. Si B est fermée, la plupart d’entre
elles sont dirigées vers l’endroit opposé à A ; si B est ouverte, la plupart
seront orientées vers le point au milieu de l’écran du détecteur.
On aurait pu supposer qu’une version déterminée et imaginable (au
sens « image ») de la théorie quantique aurait un grand attrait pour les
physiciens. En fait, peu d’entre eux se sont ralliés aux idées bohmiennes.
La théorie est certes instructive et intelligente, mais beaucoup pensent
qu’elle est bien trop intelligente pour être vraie. Il y a un air d’artifice dans
cette théorie qui la rend peu attrayante. Par exemple, l’onde cachée doit
satisfaire une équation d’onde. D’où vient cette équation ? La réponse
franche est de nulle part ou, plus exactement, de l’esprit de Schrödinger.
Pour obtenir les bons résultats, l’équation de la vague de Bohm doit
être l’équation de Schrödinger, mais cela ne découle d’aucune logique
interne de la théorie et il s’agit simplement d’une stratégie ad hoc conçue
pour produire des réponses empiriquement acceptables. Il existe éga-
lement certaines difficultés techniques qui font que la théorie n’est pas
totalement satisfaisante. L’une des plus ardues concerne les propriétés
probabilistes. Je dois admettre que, par souci de simplicité, je ne les ai pas
tout à fait énoncées correctement jusqu’à présent. Ce qui est exactement
vrai, c’est que si les probabilités initiales relatives aux dispositions des parti-
cules coïncident avec celles que la théorie quantique classique prescrirait,
alors cette coïncidence entre les deux théories sera maintenue pour tous
les mouvements ultérieurs. Cependant, il faut bien commencer quelque
part. En d’autres termes, le succès empirique de la théorie de Bohm
exige soit que l’Univers ait démarré avec les bonnes probabilités (quan-
tiques) intégrées au départ, soit, si ce n’est pas le cas, qu’un processus de
convergence l’ait rapidement conduit dans cette direction. Cette dernière
possibilité n’est pas inconcevable (un physicien l’appellerait « relaxation »
sur les probabilités quantiques), mais elle n’a pas été démontrée et son
échelle de temps n’a pas été estimée de manière fiable.
Le problème de la mesure continue de nous inquiéter alors que
nous contemplons la gamme étonnante de propositions, au mieux
partiellement convaincantes, qui ont été faites pour le résoudre. Parmi
67
La théorie quantique
68
Un horizon paradoxal qui s’assombrit
69
4
Des développements
supplémentaires
L’EFFET TUNNEL
Les relations d’incertitude du type Heisenberg ne s’appliquent pas
seulement aux positions et aux moments. Elles s’appliquent également
au temps et à l’énergie. Bien que l’énergie soit, au sens large, une quan-
tité préservée dans la théorie quantique – tout comme dans la théorie
classique – elle ne l’est que jusqu’au niveau de l’incertitude pertinente. En
d’autres termes, la mécanique quantique offre la possibilité « d’emprun-
ter » de l’énergie supplémentaire, à condition qu’elle soit « remboursée »
avec une rapidité appropriée. Cet argument quelque peu original (qui
peut être rendu plus précis et plus convaincant par des calculs détaillés)
permet à la mécanique quantique de réaliser des choses qui seraient
rigoureusement interdites en physique classique. Le premier exemple de
processus de ce type à être reconnu concernait la possibilité de creuser
un tunnel à travers une barrière potentielle.
Le prototype est décrit dans la figure 7, où la « colline » carrée
représente une région dont l’entrée nécessite le paiement d’un tarif
énergétique (appelé énergie potentielle) équivalent à la hauteur de la
colline. Une particule en mouvement emportera avec elle l’énergie de
71
La théorie quantique
72
Des développements supplémentaires
STATISTIQUES
En physique classique, des particules identiques (c’est-à-dire deux de
la même espèce comme, par exemple, deux électrons) se distinguent
néanmoins l’une de l’autre. Si, dans un premier temps, nous les désignons
par les étiquettes 1 et 2, ces marques de discrimination auront une signi-
fication durable lorsque nous suivrons les trajectoires des particules. Si
les électrons finissent par émerger après une série d’interactions com-
pliquées, nous pouvons encore, en principe, dire lequel est étiqueté 1 et
lequel 2. Dans le monde quantique flou et imprévisible, en revanche, ce
n’est plus le cas. Comme il n’y a pas de trajectoires observables en continu,
tout ce que nous pouvons dire après une interaction, c’est qu’un électron
a émergé ici et qu’un autre a émergé là. Tout étiquetage initial que nous
aurions choisi ne peut être suivi. Dans la théorie quantique, les particules
identiques sont également des particules impossibles à distinguer.
Comme les étiquettes ne peuvent pas avoir de signification intrin-
sèque, l’ordre particulier dans lequel elles apparaissent dans la fonction
d’onde (ψ) doit être sans importance. Pour les particules identiques,
l’état (1,2) doit être physiquement identique à l’état (2,1). Cela ne signifie
pas que la fonction d’onde est strictement inchangée par l’échange, car il
s’avère que les mêmes résultats physiques seraient obtenus soit à partir
de ψ, soit à partir de -ψ [11]. Cet argument, bien qu’un peu rapide, nous
conduit à une grande conclusion. Le résultat concerne ce que l’on appelle
les « statistiques », c’est-à-dire le comportement de divers ensembles de
particules identiques. En mécanique quantique, il y a deux possibilités
(correspondant aux deux signes possibles du comportement de ψ dans
le cadre de l’échange) :
les statistiques de Bose-Einstein, dans le cas où ψ est inchangée dans le
cadre de l’échange. Cela indique que la fonction d’onde est symétrique,
73
La théorie quantique
avec échange de deux particules. Les particules qui ont cette propriété
sont appelées bosons.
La statistique de Fermi-Dirac s’appliquant au cas où ψ change de signe
avec l’échange. C’est-à-dire que la fonction d’onde est antisymétrique
sous l’échange de deux particules. Des particules qui ont cette propriété
sont appelées fermions.
Les deux options donnent des comportements qui sont différents des
statistiques des particules classiquement distinguables. Il s’avère que les
statistiques « quantiques » entraînent des conséquences importantes
tant pour la compréhension fondamentale des propriétés de la matière
que pour la construction technologique de nouveaux dispositifs. (On
avance que 30 % du PIB des États-Unis proviennent des industries basées
sur les quanta : semi-conducteurs, lasers, etc.)
Les électrons sont des fermions. Cela implique que deux d’entre eux
ne peuvent jamais se trouver exactement dans le même état. Ce fait
découle du raisonnement selon lequel l’échange ne produirait aucun
changement (puisque les deux états sont les mêmes) et, en même temps,
produira un changement de signe (en raison des statistiques sur les
fermions). La seule façon de sortir de ce dilemme est de conclure que
la fonction d’onde à deux particules a en fait la valeur nulle. (Une autre
façon d’énoncer le même argument est de souligner que vous ne pouvez
pas faire une combinaison antisymétrique avec deux entités identiques.)
Ce résultat est appelé le principe d’exclusion et il fournit la base qui permet
de comprendre le tableau périodique (la table de Mendeleïev) en chimie,
avec des propriétés récurrentes d’éléments apparentés. En fait, le principe
d’exclusion est à la base de la possibilité d’une chimie suffisamment
complexe en fin de compte pour soutenir le développement de la vie
elle-même.
L’histoire de la chimie se déroule ainsi : dans un atome, il n’y a que
certains états d’énergie disponibles pour les électrons et, bien sûr, le
principe d’exclusion exige qu’il ne peut y avoir plus d’un électron qui
occupe chaque état. L’état énergétique le plus bas et stable de l’atome
correspond au remplissage des états les moins énergétiques disponibles.
74
Des développements supplémentaires
75
La théorie quantique
LA STRUCTURE EN BANDES
La forme de matière solide la plus simple à imaginer est un cristal,
dans lequel les atomes constitutifs sont ordonnés selon le schéma d’un
réseau régulier. Un cristal macroscopique – significatif à l’échelle de
l’expérience quotidienne – contiendra tellement d’atomes qu’il peut
être traité comme étant effectivement infiniment grand du point de
vue microscopique de la théorie quantique. L’application des principes
de la mécanique quantique à des systèmes de ce type révèle de nou-
velles propriétés, intermédiaires entre celles des atomes individuels et
celles des particules en mouvement libre. Nous avons vu que dans un
atome, les énergies électroniques possibles se présentent sous la forme
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Des développements supplémentaires
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La théorie quantique
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Des développements supplémentaires
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La théorie quantique
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Des développements supplémentaires
LA DÉCOHÉRENCE (SUITE)
Les effets environnementaux des rayonnements omniprésents qui
produisent la décohérence ont une signification qui va au-delà de leur
pertinence partielle pour le problème de la mesure. Une évolution
récente importante a été la prise de conscience qu’ils ont également
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La théorie quantique
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Des développements supplémentaires
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La théorie quantique
84
Des développements supplémentaires
d’une manière moins pittoresque mais aussi moins bizarre puissent être
conservés. Entre-temps, le travail avec le concept de la mer d’énergie
négative a conduit Dirac à une découverte de première importance.
Si une quantité suffisante d’énergie était fournie, par exemple, par un
photon très énergétique, il serait possible d’éjecter un électron à énergie
négative de la mer, le transformant en un électron à énergie positive de
type ordinaire. Que faire alors du « trou » que ce processus aurait laissé
dans la mer négative ? L’absence d’énergie négative est identique à la
présence d’énergie positive (deux « moins » font un « plus »), de sorte
que le trou se comporterait comme une particule d’énergie positive. Mais
l’absence de charge négative est identique à la présence d’une charge
positive, de sorte que cette « particule trou » serait chargée positivement,
contrairement à l’électron chargé négativement.
Dans les années 1930, la manière dont les physiciens pensaient les
particules élémentaires était assez conservatrice par rapport à la liberté
spéculative qui allait suivre. Ils n’aimaient pas du tout l’idée de sug-
gérer l’existence d’un nouveau type de particule, jusqu’alors inconnu.
Au départ, on supposa que cette particule positive dont Dirac parlait
pourrait simplement être le proton bien connu, chargé positivement.
Cependant, on se rendit compte vite que le trou devait avoir la même
masse que l’électron, alors que le proton est beaucoup plus massif. Ainsi,
la seule interprétation acceptable proposée conduisit à la prédiction
– quelque peu refoulée – d’une toute nouvelle particule, rapidement
baptisée positron, de masse électronique mais de charge positive. Son
existence fut bientôt confirmée expérimentalement par la détection
des positrons dans les rayons cosmiques. (En fait, des exemples avaient
été vus beaucoup plus tôt, mais ils n’avaient pas été reconnus comme
tels. Les expérimentateurs avaient du mal à voir ce qu’ils ne cherchaient
pas réellement.)
On s’est rendu compte que ce jumelage électron-positon était un
exemple particulier de comportement répandu dans la nature. Il y a à la
fois de la matière (comme les électrons) et de l’antimatière chargée de
façon opposée (comme les positrons). Le préfixe « anti- » est approprié
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La théorie quantique
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Des développements supplémentaires
87
La théorie quantique
cela, le pendule quantique doit être en mouvement léger même dans son
état d’énergie le plus bas (près du fond et presque au repos, mais pas tout
à fait). Le frémissement quantique qui en résulte est appelé mouvement
du point zéro. L’application de ces idées à l’ensemble infini d’oscillateurs
qu’est un champ quantique implique que son vide est un bourdonnement
d’activité. Des fluctuations ont lieu en permanence, au cours desquelles
des « particules » transitoires apparaissent et disparaissent. Un vide
quantique ressemble plus à un plénum qu’à un espace vide.
Lorsque les physiciens en sont venus à appliquer la théorie quantique
des champs à des situations impliquant des interactions entre champs,
ils se sont heurtés à des difficultés. Le nombre infini de degrés de liberté
avait tendance à produire des réponses infinies pour ce qui aurait dû
n’être que des quantités physiques finies. L’interaction avec le vide, qui
fluctue sans cesse, a joué un rôle important dans ce processus. Finale-
ment, on a trouvé un moyen de produire du sens à partir du « non-sens »,
c’est-à-dire de l’absurdité. Certains types de théories des champs (appe-
lées théories « renormalisables ») ne produisent que des types limités
d’infinis, simplement associés aux masses de particules et à la force de
leurs interactions. Le simple fait de supprimer ces termes infinis et de les
remplacer par les valeurs mesurées finies des quantités physiques perti-
nentes constitue un protocole qui définit des résultats significatifs, même
s’il ne s’avère pas être exact, d’un point de vue purement mathématique.
Il en résulte également qu’elle fournit des expressions finies qui sont en
accord stupéfiant avec l’expérimentation. La plupart des physiciens sont
satisfaits de ce succès pragmatique. Dirac lui-même ne fut jamais aussi
heureux. Il désapprouvait fortement les tours de passe-passe douteux
avec des quantités formellement infinies.
Aujourd’hui, toutes les théories des particules élémentaires (comme
la théorie des quarks qui composent la matière) sont des théories des
champs quantiques. Les particules sont considérées comme des exci-
tations énergétiques du champ sous-jacent. (Une théorie des champs
appropriée s’avère aussi pouvoir fournir la bonne façon de traiter les
difficultés de la « mer » d’électrons d’énergie négative.)
88
Des développements supplémentaires
LE CALCUL QUANTIQUE
Récemment, la possibilité d’exploiter le principe de superposition
comme moyen d’obtenir une puissance de calcul considérablement
accrue a suscité un intérêt considérable.
L’informatique conventionnelle est basée sur la combinaison d’opéra-
tions binaires, exprimées formellement par des combinaisons logiques de
0 et de 1, mises en évidence, en termes matériels, par des interrupteurs qui
sont soit allumés soit éteints. Dans un appareil classique, bien sûr, ces der-
nières sont des possibilités mutuellement exclusives. Un interrupteur est
soit allumé, soit éteint. Dans le monde quantique, cependant, l’interrupteur
pourrait être dans un état qui est une superposition de ces deux possi-
bilités classiques. Une séquence de telles superpositions correspondrait
à un type de traitement parallèle totalement nouveau. La possibilité de
maintenir simultanément un nombre important de billes en l’air – comme
un jongleur – pourrait, en principe, représenter une augmentation de la
puissance de calcul que l’ajout d’éléments supplémentaires multiplierait
de manière exponentielle, par rapport à l’augmentation linéaire dans des
circonstances conventionnelles. De nombreuses tâches de calcul, telles
que le décodage ou la factorisation de très grands nombres, deviendraient
réalisables, chose impossible avec les machines actuelles.
Ce sont des possibilités passionnantes. (Leurs partisans se plaisent
à en parler en termes de mondes multiples, comme si le traitement
avait lieu dans des univers parallèles, mais il semble qu’en réalité, seul
le principe de superposition lui-même soit à la base de la faisabilité de
l’informatique quantique.) La mise en œuvre effective, cependant, sera
une entreprise nettement délicate, avec de nombreux problèmes qui
restent à résoudre. Nombre d’entre eux sont centrés sur la conservation
stable d’états superposés. Le phénomène de décohérence montre à quel
point il peut être problématique d’isoler un ordinateur quantique des
interférences nocives de l’environnement. L’informatique quantique fait
l’objet de sérieuses considérations technologiques et entrepreneuriales,
mais en tant que procédure efficace, elle reste actuellement au niveau
d’une lueur d’espoir dans l’œil de ses partisans.
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Vers l’unité
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La théorie quantique
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Vers l’unité
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La théorie quantique
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Vers l’unité
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6
Les leçons
et leurs significations
POSITIVISME ET RÉALISME
Les positivistes voient le rôle de la science comme étant une récon-
ciliation de données d’observation. Si l’on peut faire des prédictions qui
rendent compte de manière précise et harmonieuse du comportement
de l’appareil de mesure, la tâche est réussie. Les questions ontologiques
(qu’y a-t-il vraiment là-dedans ?) ne sont pas pertinentes, mieux vaut s’en
débarrasser. Le monde du positivisme est peuplé de contre-indications
et d’impacts visibles sur les plaques photographiques.
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La théorie quantique
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Les leçons et leurs significations
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La théorie quantique
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Les leçons et leurs significations
101
La théorie quantique
parfois comme des ondes et parfois comme des particules. Cette prise
de conscience s’est imposée à la communauté des physiciens par la
nécessité de disposer d’une expérience empirique réelle. Comme Bohr
l’a dit un jour, le monde n’est pas seulement plus étrange que nous le
pensions, il est plus étrange que nous pourrions le penser. Nous avons
noté précédemment que même la logique doit être modifiée lorsqu’elle
est appliquée au monde quantique.
Un slogan pour le physicien quantique pourrait bien être : « Pas de
tyrannie excessive du bon sens. » Cette devise transmet un message
dont la pertinence dépasse le seul domaine quantique. Elle nous rappelle
que notre capacité de prévision rationnelle est assez myope. La question
qu’un scientifique devrait poser instinctivement face à ce qui se propose
de rendre compte d’un aspect de la réalité, que ce soit dans le cadre de
la science ou au-delà, n’est pas « est-ce raisonnable ? », comme si nous
pensions savoir à l’avance quelle forme la raison allait prendre. La bonne
question est plutôt : « Qu’est-ce qui vous fait penser que cela pourrait
être le cas ? » Cette dernière question est beaucoup plus ouverte, car
elle n’exclut pas la possibilité d’une surprise radicale, mais insiste sur le
fait que ce qui est affirmé doit être étayé par des preuves.
Si la théorie quantique nous encourage à garder une souplesse dans
notre conception de ce qui est raisonnable, elle nous encourage éga-
lement à reconnaître qu’il n’existe pas d’épistémologie universelle, pas
de moyen souverain unique par lequel nous pourrions espérer acquérir
toutes les connaissances. Si nous pouvons connaître le monde quoti-
dien dans sa clarté newtonienne, nous ne pouvons connaître le monde
quantique que si nous sommes prêts à l’accepter dans son incertitude
heisenberguienne. Insister sur un compte rendu naïvement objectif des
électrons ne peut que conduire à l’échec. Il existe une sorte de cercle
épistémologique : la façon dont nous connaissons une entité doit se
conformer à la nature de cette entité ; la nature de l’entité est révélée par
ce que nous savons sur elle. Il est impossible d’échapper à cette délicate
circularité. L’exemple de la théorie quantique encourage la croyance que
le cercle peut être « bénin » et non « vicieux ».
102
Les leçons et leurs significations
103
La théorie quantique
(2) Économie
Plus une théorie est concise et parcimonieuse, plus elle paraîtra
attrayante. La théorie de Bohm est moins bien notée ici en raison de
son hypothèse de l’onde cachée en plus des particules observables. Cette
multiplication des entités est certainement considérée par de nombreux
physiciens comme une caractéristique peu attrayante de la théorie.
(3) Élégance
C’est une notion, à laquelle on peut ajouter la propriété de naturel,
qui résulte de l’absence d’artifice excessif. C’est pour cette raison que la
plupart des physiciens trouvent que les idées bohmiennes sont les plus
difficiles à mettre en pratique. En particulier, l’appropriation ad hoc mais
nécessaire pour accepter l’équation de Schrödinger en tant qu’équation
de l’onde bohmienne revêt un air opportuniste peu attrayant.
Ces critères ne se situent pas seulement en dehors de la physique
elle-même, ils sont tels que leur évaluation est aussi une question de
jugement personnel. Pour être convainquant, il ne suffit pas de suivre un
protocole formalisé. L’évaluation de ce jugement ne peut être déléguée
à un ordinateur. Le fait que la communauté de la physique quantique
soit en majorité en faveur de Bohr et contre Bohm est un exemple
paradigmatique de ce que le philosophe de la science, Michael Polanyi,
aurait appelé le rôle de la « connaissance personnelle » dans la science.
Polanyi, qui fut lui-même un éminent physico-chimiste avant de se
tourner vers la philosophie, souligna que, bien que le sujet de la science
soit le monde physique impersonnel, l’activité qui consiste à faire de
la science est inéluctablement une activité de personnes. En effet, elle
implique de nombreux actes de jugement qui requièrent l’exercice de
compétences tacites qui ne peuvent être acquises que par des per-
sonnes qui ont fait un long apprentissage au sein de la communauté
des scientifiques en quête de vérité. Ces jugements ne concernent pas
seulement l’application du type de critères métaphysiques dont nous
avons parlé. À un niveau plus quotidien, ils incluent des compétences
telles que la capacité de l’expérimentateur à évaluer et à éliminer les
104
Les leçons et leurs significations
HOLISME
Nous avons vu au chapitre 5 que l’effet EPR montre une non-localité
intrinsèque présente dans le monde quantique. Nous avons également
vu que le phénomène de décohérence a mis en évidence les effets
étonnamment puissants que l’environnement général peut exercer sur
les entités quantiques. Bien que la physique quantique soit la physique
des très petits, elle ne valide en aucun cas un compte rendu purement
atomiste de la réalité.
La physique ne détermine pas la métaphysique (la vision du monde
au sens large), mais elle la contraint certainement, plutôt comme les
fondations d’une maison contraignent – mais ne déterminent pas com-
plètement – l’édifice qui sera construit sur elles. La pensée philosophique
n’a pas toujours pris en compte de manière adéquate les implications
des aspects holistiques de la théorie quantique. Il ne fait aucun doute
qu’ils encouragent l’acceptation de la nécessité de parvenir à une repré-
sentation du monde naturel qui réussit à la fois à reconnaître que ses
éléments constitutifs sont effectivement des particules élémentaires et
que leur combinaison donne naissance à une réalité plus intégrée qu’une
simple image constitutive pourrait le laisser supposer.
LE RÔLE DE L’OBSERVATEUR
Un cliché souvent répété est que la théorie quantique est « créée par
l’observateur ». Une réflexion plus approfondie permettra de nuancer
et de réduire considérablement cette affirmation. Ce qui peut être dit
105
La théorie quantique
106
Les leçons et leurs significations
L’EXAGÉRATION QUANTIQUE
Il semble approprié de clore ce chapitre par un avertissement pour la
santé intellectuelle de chacun. La théorie quantique est, certes, étrange et
surprenante, mais selon elle, il n’est pas si étrange d’affirmer que « tout
est possible ». Bien sûr, personne ne conteste une telle désinvolture, mais
il existe une sorte de discours qui peut dangereusement se rapprocher
de cette attitude caricaturale. On pourrait l’appeler de « l’exagération
quantique ». Je souligne que la mesure et la sobriété doivent être de mise
lorsqu’on fait appel à la connaissance quantique.
Nous avons vu que l’effet EPR n’offre pas d’explication à la télépathie,
car son degré d’enchevêtrement mutuel ne pourrait pas faciliter le trans-
fert d’informations. Les processus quantiques dans le cerveau peuvent
éventuellement avoir un lien avec l’existence de l’esprit conscient humain,
mais l’incertitude subatomique aléatoire est en fait très différente de
l’exercice du libre arbitre d’un agent.
La dualité onde/particule est un phénomène très surprenant et ins-
tructif, dont le caractère apparemment paradoxal a été résolu pour nous
par les connaissances de la théorie quantique des champs. Cependant,
107
La théorie quantique
108
Lectures
complémentaires
109
La théorie quantique
110
Glossaire
111
La théorie quantique
112
Glossaire
113
La théorie quantique
114
Annexe mathématique
115
La théorie quantique
Einstein avait avancé que ces quanta avaient une existence permanente.
Si un rayonnement tombait sur un métal, l’un des électrons du métal pourrait
absorber un quantum, acquérant ainsi son énergie. Si l’énergie nécessaire à
l’électron pour s’échapper du métal était W, alors cette évasion aurait lieu si
hυ > W, mais elle serait impossible si hυ < W. Il y avait donc une fréquence
(υo = W/h) en dessous de laquelle aucun électron ne peut être émis, quelle
que soit l’intensité du faisceau de rayonnement incident. Au-delà de cette
fréquence, certains électrons seraient émis, même si le faisceau était assez
faible.
Une théorie des ondes pures du rayonnement donnerait un compor-
tement entièrement différent, puisque l’énergie transmise aux électrons
dépendrait alors de l’intensité du faisceau, mais pas de sa fréquence. Les
propriétés observées de l’émission photoélectrique concordent avec les
prédictions de l’image des particules et non avec l’image des ondes.
3. Le modèle d’atome de Bohr
Bohr a supposé que l’atome d’hydrogène est constitué d’un électron
de charge – e et de masse m parcourant un cercle autour d’un proton de
charge e. La masse de ce dernier est suffisamment importante (1 836 fois la
masse de l’électron) pour que l’effet de son mouvement soit négligé. Si le
rayon du cercle est r et la vitesse de l’électron est u, alors l’équilibre entre
l’attraction électrostatique et l’accélération centrifuge sera
e2 v2
= m , ou e2 = mv2r. (3.1)
r2 r
L’énergie de l’électron est la somme de son énergie cinétique et de son
énergie potentielle électrostatique, ce qui donne
1 e2
E = mv 2 − , (3.2)
2 r
lequel, partant de (3.1), peut s’écrire
−e 2
E= . (3.3)
2r
116
Annexe mathématique
117
La théorie quantique
118
Annexe mathématique
6. L’équation de Schrödinger
L’énergie d’une particule est la somme de son énergie cinétique
1 2 1 2
( mv = p /m , où p est mv) et son énergie potentielle (que, en général,
2 2
on peut écrire en fonction de x, V(x)). La relation de mécanique quantique
entre l’énergie et le temps, qui est l’analogue de (4.1), est
∂
E → iħ . (6.1)
∂t
La différence de signes entre (6.1) et (4.1) est due au fait que la dépen-
dance temporelle d’une forme d’onde se déplaçant vers la droite et corres-
pondant à la dépendance spatiale (5.3), est
e– i2πut, (6.2)
de sorte que le signe plus (6.1) est nécessaire pour arriver à E = hυ.
1
En utilisant (4.1) et (6.1) pour transformer E = mv 2 + V en une équation
2
différentielle pour la fonction d’onde de la mécanique quantique ψ, on obtient
∂Ψ ħ 2 ∂ 2
iħ = − + V (x) ψ (6.3a)
∂ t 2m ∂x2
119
La théorie quantique
∑ λ lα 〉 →∑ 〈α lλ
i
i i
i
i
*
i
(7.2)
120
Annexe mathématique
où les λi* sont les conjugués complexes des λi. (Les bras 〈 α | correspondent
évidemment aux fonctions d’ondes conjuguées complexes, ψ*). Un produit
scalaire peut être formé entre un bras et un ket (ce qui donne un « bra(c)ket »
[crochet] – Dirac aimait bien ce jeu de mots). Cela correspond, en termes
de fonctions d’onde, à l’intégrale ∫ψ1*ψ2dx. Elle est dénotée par 〈 α1 | a2 〉 et
elle a la propriété que
〈 α1 | a2 〉 = 〈 α2 | a1. 〉* (7.3)
Il découle de (7.3) que 〈 α | a 〉 est un nombre réel et, en fait, dans la
théorie quantique, la condition est imposée qu’il soit positif (il doit corres-
pondre à |ψ|2).
La relation entre un état physique et un ket est ce qu’on appelle une
représentation de rayon, ce qui signifie que | a 〉 et λ | a 〉 représentent le même
état physique pour tout nombre complexe non nul λ.
8. Vecteurs et valeurs propres
Les opérateurs sur les espaces vectoriels sont définis par leur effet de
transformation des kets en d’autres kets :
O| a 〉 = | a′. 〉 (8.1)
Dans la théorie quantique, les opérateurs sont la manière dont les quan-
tités observables sont représentées dans le formalisme (comparer avec les
opérateurs (4.1) agissant sur une fonction d’onde). Les expressions signifi-
catives sont les nombres qui apparaissent sous la forme de « sandwichs »
bras-opérateur-ket (appelés « éléments de matrice » liés aux amplitudes
de probabilité) :
〈 b | O| a. 〉 (8.2)
Le conjugué hermitien d’un opérateur, O , est défini par la relation entre
†
121
La théorie quantique
122
Annexe mathématique
123
La théorie quantique
124
Index
125
La théorie quantique
Einstein, Albert 11, 16, 20, 21, 22, 25, Inégalités de Bell 93
31, 73, 75, 91, 92, 93, 100, 110, 116 Intelligibilité 101
Électrodynamique quantique 51 Interprétation Bohmienne 66, 67,
Enchevêtrement 94, 95, 107 104
Épistémologie 102 Irréversibilité 61, 62
Espace de Hilbert 40, 117
Espaces vectoriels 39, 44, 120, 121 L
Exagération quantique 95, 107
Exclusion (principe) 74, 75, 76, 84, Laplace, Pierre Simon 13
107 Logique quantique 50
Expérience à choix différé 78, 79 Lumière 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22,
Expérience de la double fente 49, 78 26, 27, 30, 31, 40, 45, 75, 78, 94,
99, 115
F
M
Fermions 74, 75, 76, 113
Feynman, Richard 12, 34, 78, 80, Maxwell, James Clerk 14, 15, 16, 18,
81, 110 22, 25, 30
fonction d’onde 38, 59, 64, 73, 74, Mécanique d’onde 30, 32, 37
93, 101, 103, 112, 119, 120, 121 Mécanique matricielle 29, 32
Mécanique quantique (principes)
G 11, 30, 32, 33, 34, 44, 48, 53, 54,
60, 65, 68, 69, 71, 72, 73, 76, 82,
GRW (théorie) 62, 68, 69, 106 84, 86, 87, 91, 92, 93, 97, 107, 111,
117, 118, 119
H Mesures 16, 20, 37, 38, 42, 43, 44,
56, 57, 60, 62, 65, 69, 92, 103, 106
Hamilton, William Rowan 68 Métaphysique 11, 12, 65, 68, 94, 101,
h (constante de Planck) 20, 24, 60, 103, 105
76, 80, 82, 113, 115, 117, 122 Michelson-Morley (expérience) 16
Heisenberg, Werner 29, 30, 32, 42, Moindre action 80, 81
44, 45, 46, 48, 61, 68, 71, 82, 87, Mouvement du point zéro 88
91, 100, 101, 110, 117, 122, 123 Multi-mondes (interprétation) 68,
69
I
Incertitude (principe) 44, 45, 46,
68, 91
126
Index
N Q
Newton, Isaac 11, 13, 14, 15, 16, 19, Quanta 19, 20, 21, 24, 71, 74, 87,
25, 60, 66, 109, 110, 112 115, 116
O R
Observables 40, 42, 44, 45, 47, 68, Rayleigh, Lord 18
73, 76, 104, 113, 114, 121, 122, 123 Réalisme 97, 98, 99
Observateur (rôle) 16, 63, 64, 105, Rosen, Nathan 91
106, 122 Rutherford, Lord 22, 24
Onde 14, 15, 16, 17, 21, 25, 27, 30,
31, 37, 38, 43, 46, 47, 49, 56, 62, S
66, 78, 102, 111, 112, 116, 118, 119,
121, 124 Schéma de pensée orientale 107
Onde de guidage 66 Schrödinger (équation) 32, 37, 38,
Opérateurs 40, 41, 42, 44, 47, 117, 59, 67, 104, 106, 112, 117, 119,
121, 122, 123 120, 122
Schrödinger, Erwin 30, 31, 32, 38,
P 48, 63, 64, 67, 110, 112, 120, 122
Série de Balmer 17, 23, 25, 29, 32, 115
Pauli, Wolfgang 76 Sommerfeld, Arnold 46
Phénomènes d’interférence 112 Spectres 29
Planck, Max 16, 19, 20, 21, 22, 23, 25, Spin 57, 58, 76, 83, 92, 124
26, 27, 30, 45, 111, 115, 118 Spin et statistique 76, 83
Podolsky, Boris 91 Statistique 18, 37, 74, 113
Polanyi, Michael 104, 110 Stern-Gerlach (expérience) 57, 58,
Positivisme 59, 97, 99, 113 63
Potentia 100 Structure en bandes 76, 77
Pragmatisme 99, 113 Superposition( principe) 34, 36, 39,
Probabilité (amplitudes) 47, 53, 40, 43, 53, 56, 57, 64, 78, 87, 89,
56, 121 120
Probabilités 37, 47, 48, 52, 53, 54,
55, 56, 65, 66, 67, 103 T
Théorie quantique des champs 86,
87, 88, 107
Théorie quantique relativiste 83
127
Thomson, George 31 von Neumann, John 50, 55, 65
Thomson, Joseph 17, 31
W
V Wheeler, John Archibold 78
Valeurs propres 42, 43, 47, 121, 122 Wien, Wilhelm 46
Variables cachées 54, 55, 66, 69
Vecteurs propres 42, 43, 122 Y
Vide 55, 84, 87, 88
Young, Thomas 14, 22