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Traumatismes transgénérationnels

Le traumatisme transgénérationnel se transmettrait à travers les générations et pourrait avoir des


répercussions durables sur la santé mentale et sur le bien-être des personnes touchées. Causés
généralement par des facteurs violents ou stressants, il convient donc de s’interroger sur l’existence
de ce traumatisme, ses origines, son fonctionnement et les impacts potentiels qu’il peut avoir.
Mais comment quelqu’un qui n’a pas vécu directement un événement traumatique peut-il être
affecté par les mêmes répercussions que l’individu ayant subi personnellement le traumatisme ?
Tout en prenant en compte que cela peut sauter d’une à plusieurs générations ? Pour répondre à
cette question, il semblerait que ce traumatisme pourrait se transmettre par des facteurs
génétiques et environnementaux :
- Les gênes
L’ADN subirait une altération, une vulnérabilité génétique du génome, qui peut augmenter le risque
de troubles mentaux et/ou de maladies physiques
- L’environnement
Un membre de la famille ayant vécu un événement traumatique peut voir apparaître des
comportements agressifs, de fuite, ou de désordres psychologiques, qu’il peut transmettre à ses
enfants ou petits-enfants
Une détresse psychologique liée à un traumatisme pourrait donc se répercuter sur nos propres
enfants, voire sur les générations qui vont suivre. De manière générale, chacun d’entre nous
pourrait être susceptible d’être sujet à un traumatisme intergénérationnel, mais certaines familles
sont plus impactées que d’autres. Nos ancêtres qui ont vécu des guerres, des persécutions, des
actes violents, des abus sexuels ou des délocalisations forcées, pourraient ainsi voir ces expériences
traumatisantes perdurer durant des années et affecter plusieurs descendants de leur famille dans la
manière de penser et de se comporter. Les sévices et exploitations répétés seraient suffisamment
choquants pour provoquer des altérations génétiques.
Que peut engendrer le traumatisme intergénérationnel ?
Nous l’avons vu, les déclencheurs de parents à enfants pourraient continuer d’affecter toute une
descendance, et sur plusieurs générations.
Les chercheurs ont découvert que les réactions au traumatisme de la première génération auraient
été transmises aux générations suivantes à travers des récits, des comportements et des croyances.
Plutôt que de surmonter autrement ces expériences difficiles, il serait devenu primordial de les
maintenir dans la mémoire. Ainsi, cela aurait conduit les générations ultérieures à éprouver leurs
propres symptômes de stress post-traumatique.
Parmi les tragédies qui peuvent entraîner un traumatisme transgénérationnel, voici celles qui
bouleversent suffisamment une vie pour avoir impact sur l’existence des enfants, petits-enfants
et/ou arrières petits-enfants :
- les violences familiales
- les crimes violents, les agressions, les abus sexuels
- les actes terroristes, les génocides, les guerres
- l’extrême pauvreté, les catastrophes naturelles…
Les traumatismes transgénérationnels peuvent inclure les symptômes suivants que ce soit chez un
enfant, un adolescent ou un adulte, ces derniers variant d’une personne à l’autre :
- Manque d’estime de soi : sentiment d’inutilité, jugement personnel très négatif
- Troubles de l’humeur : irritabilité, frustration, colère, instabilité émotionnelle et dépression
- Troubles mentaux : blocages émotionnels, trouble du stress post-traumatique, troubles de la
personnalité
- Problèmes de santé : maladies auto-immunes, maladies chroniques, douleurs récurrentes
- Autodestruction : addictions, troubles alimentaires, comportements suicidaires
- Problèmes relationnels : hypervigilance, difficulté à établir des liens stables et durables, état
fusionnel ou d’évitement avec les autres…

Troubles possibles liés à un traumatisme transgénérationnel :


On retrouve à la fois des symptômes de troubles post-traumatiques définis dans la classification
internationale (CIM-10) et des troubles non spécifiques tels que:
- Troubles anxieux
- Humeur dépressive
- Troubles du sommeil et difficultés de concentration
- Douleurs corporelles inexpliquées
- Maladies de la dépendance (toxicomanie)
- Baisse de la confiance en soi
- Troubles de l’identité et comportement social perturbé
-
Comment un traumatisme se transmet-il ?
Un traumatisme peut se transmettre sur plusieurs générations s’il n’a pas été traité ou seulement de
manière incomplète. On suppose que le stress psychologique d’une personne traumatisée a un
impact direct ou indirect sur sa façon d’interagir avec ses propres enfants. Ces influences et
pressions peuvent donner lieu à des conflits internes chez les enfants, qui peuvent à leur tour les
transmettre à leurs propres enfants. Les chercheuses et chercheurs ont en outre découvert que
l’épigénétique joue un rôle dans la transmission des traumatismes. En conséquence, des
expériences traumatisantes peuvent affecter le psychisme de plusieurs générations.
Le symptôme de l’enfant agit comme révélateur du traumatisme enfoui de son parent.
Ainsi, par le biais de son comportement symptomatique, l’enfant communique quelque chose de sa
souffrance à lui mais aussi très souvent de la souffrance plus ou moins enfouie d’un membre de sa
famille.
Quand un enfant trouve que quelque chose de bizarre se passe au niveau émotionnel chez son
parent, c’est insécurisant pour lui, quelque chose lui échappe, alors il peut répéter son
comportement, voire l’amplifier dans le but de mieux comprendre son parent. Donc, un
comportement au départ banal (avoir peur de recevoir une fessée) se répète, s’installe, se fixe et
finit par devenir symptôme car il est amplifié par les réactions de l’entourage, vu qu’il fait vibrer en
eux une corde sensible. C’est ce que G. Ausloos (1995) a appelé le processus de
sélection/amplification. « Quand on se fixe sur le symptôme, on contribue à fixer le symptôme. »
Imaginons une femme qui a été abusée sexuellement par son père dans son enfance. Elle se trouve
sur le canapé du salon, en train de regarder un film à la télévision, avec, à sa droite, son fils de 7 ans.
Survient une scène, anodine pour un spectateur ordinaire, où un père prend sa fille sur ses genoux,
ce qui pour cette femme rappelle les prémisses des situations d’inceste avec son père. Que se
passe-t-il pour son fils, assis à ses côtés, qui, lui, ignore le secret de sa mère ? Tout comme Jeanne
tout à l’heure, il sent soudainement sa mère dans un état bizarre : son attitude se modifie, elle
semble émue, et, même sur le plan corporel, il détecte une série de modifications chez elle. L’enfant
peut, dans le meilleur des cas, questionner sa mère « Maman, qu’est-ce qui se passe ?», mais
souvent il ne reçoit pas de réponse authentique ou sent bien que le parent ne veut pas en parler.
Alors, il se tait. Si le parent ne veut pas en parler, c’est en général, parce qu’il souhaite protéger son
enfant d’une charge émotionnelle qu’il imagine trop lourde pour lui, chose logique vu qu’il a lui-
même, enfant, été submergé par l’incident traumatique. Mais, vu le non-dit, l’enfant a du mal à
comprendre et à se représenter ce qui se passe pour son parent. Pour lui, c’est flou, comme le
contour des fantômes. L’enfant a affaire à une énigme, à un fantôme qu’il ne peut identifier mais qui
l’interpelle. C’est comme une énigme interdite d’élucidation. Il essaye alors tant bien que mal de
s’en faire une représentation intérieure dont il a besoin pour rendre intelligible le monde intérieur
de sa mère et le sien mais qu’il ne se sent pas trop avoir le droit de penser, vu l’interdit que le
parent pose plus ou moins explicitement. Parfois pour comprendre, il est amené à agir ce qu’il
devine être le secret de son parent. S. Tisseron (2004) montre bien que ce fantôme risque d’orienter
les goûts et les comportements de cet enfant plus tard, même s’il ne se souvient pas des situations
précises durant lesquelles ce fantôme s’est constitué. L’enfant agit le secret de son parent. Car le
secret suinte par tous les pores de la peau de son parent.
Clivage
Le clivage est un terme employé tout d’abord par Freud pour désigner un phénomène qu’il a pu
observer surtout dans le fétichisme et les psychoses. Le clivage consiste en la coexistence au sein de
la psyché, au sein du Moi, de deux attitudes à l’égard de la réalité extérieure. L’une tient compte de
cette réalité alors que l’autre la dénie et la remplace par une réalité produite par son désir. Ces deux
attitudes coexistent bien séparées l’une de l’autre sans s’influencer réciproquement. Ce mécanisme
de défense permet d’éviter la tension psychique que la prise en compte par la conscience aurait
provoqué. Le sujet se sépare lui-même inconsciemment d’une partie de ses contenus psychiques,
d’une partie des représentations gênantes.

Le clivage fonctionne en association avec le déni en ce qu’il permet de maintenir le contact avec la
réalité d’une partie du Moi pendant que l’autre partie du Moi, clivée reste détachée complètement
de la réalité. Il s’agit en fait d’une vraie déchirure du Moi. Le mécanisme de clivage peut être très
efficace dans ses fonctions défensives de réduction de l’anxiété et de maintien de l’estime de soi.
Mais le clivage implique toujours une distorsion, et c’est là son danger.
Le clivage du Moi
Le clivage du moi est un processus défensif puissant qui domine la vie psychique d’une phase de vie
archaïque, pré-verbale. A cette période de la vie, l’enfant ne parvient pas encore à concevoir que les
personnes qui s’occupent de lui aient tantôt de bonnes et tantôt de mauvaises qualités. En
conséquence, il ne peut accepter de ressentir lui-même de l’amour et de la haine pour un même
objet. Autrement dit il n’a pas encore accès à l’ambivalence qui implique des sentiments opposés
envers un objet appréhendé comme permanent. Il clive les aspects de lui qu’il ressent comme
hostiles et donc dangereux envers les personnes aimées. Ces aspects clivés de son moi peuvent être
temporellement ou définitivement perdus.
La fragmentation de la personnalité
Les enfants ont besoin d’organiser leurs perceptions en attribuant des bonnes et des mauvaises
valences à tout ce qui les entoure (« gentil » ou « méchant »). Cette tendance, ainsi que celle
d’opposer le « grand » et le « petit » en référence aux adultes versus enfants, est l’une des
principales façons dont les jeunes êtres humains organisent l’expérience. Elle est d’ailleurs renforcée
par les adultes : « sois gentil ».
Faute d’appréhender l’objet comme permanent et ne pouvant pas accepter l’ambivalence, le sujet
se vit comme tout bon ou tout mauvais.
L’avantage psychique illusoire du clivage est l’économie du déplaisir qui résulte de la mise en
évidence du conflit intérieur. En abandonnant la cohérence entre les éléments du conflit subjectif, la
personnalité se divise en deux parties qui ne veulent rien savoir l’une de l’autre.
Le clivage de l’objet
Le clivage de l’objet, décrit par Mélanie Klein, est un procédé permettant de scinder l’objet en « bon
» et « mauvais ». L’objet étant corrélatif de la pulsion, en ce qu’il permet de satisfaire le désir
pulsionnel, ou l’objet de l’amour (ou de la haine). Il peut s’agir d’un objet réel ou fantasmatique,
d’une personne ou d’un idéal.
Le premier objet ainsi clivé décrit par Klein est le sein maternel. L’enfant le perçoit subjectivement
comme « le bon sein » ou « le mauvais sein » selon si son expérience du sein est satisfaisante ou
pas.
Le sujet attribue à l’objet la qualification de « bon » ou de « mauvais » en fonction de son caractère
gratifiant ou frustrant mais aussi en fonction de productions fantasmatiques que le sujet projette
sur l’objet. Il s’agit donc du clivage des imagos de l’objet fabriquées par le sujet et non pas du clivage
de l’objet réel.
Ce procédé constitue le premier mode de défense contre l’angoisse provoquée par l’ambivalence
intrinsèque à l’homme. Il empêche toute émergence de conflit psychique intérieure protégeant
ainsi le sujet du sentiment d’angoisse.
Le clivage dans la société occidentale contemporaine
Dans la vie quotidienne des adultes, le clivage reste un moyen puissant pour donner un sens à des
expériences complexes, en particulier lorsqu’elles sont déroutantes ou menaçantes. Les visions
manichéennes du bien contre le mal, du monde libre contre les terroristes haineux, des vaccinés
contre ceux qui font un autre choix, etc., ont imprégné la société occidentale contemporaine. Des
images comparablement divisées et associées à une grande inflexibilité peuvent être trouvées dans
les croyances organisatrices de toute société. Elles sont plus particulièrement assorties à toute
forme d’autoritarisme qu’il soit de gauche, de droite ou libéral. Ces systèmes divisent en deux
camps opposés des familles, des amis, des groupes sociaux…

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