Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
VOYAGE
AU B R ÉS I L.
r . ,.. "·
·-~ ·
. . . .. ·, ,.-,.- . , • y.: ....-~.'~"-
/
!MPRIMEIUE DE COSSON, J\UE GARENCIERE, N° 5.
..
' .,
VOYAGE '
AU BRÉSIL,
PAR S. A. S. MAXIMILIEN,
PRINCE DE WIED-NEUWIED;
TRADUIT DE L'ALLEMAND
PAR J. B. B. EYRIES.
eUVRAGE ENRICHl D'UN SUPERBE ATLAS, CO~IPOSÉ DE 41 PLA!iCHES
GIIAVÉES EN TAILLE-DOUCE, ET D E TRO!S CARTES.
N.D.S.-Petr ~ p e lis
P.A.RIS,
ARTHUS BERTRAND, LIBRAIRE,
RUE HAUTEFEUILLE, N° 23 .
Jl:b.I.
TABLE' DÉS CHAPITRES
DU TOME SECOND.
Pages.
CHAPITRE IX.
CHAPITRE X.
CHAPITRE XII.
CHAFITRE XIII.
CHAPITRE XIV.
CHAPITRE IX.
I .
'
AU BRltSÍ.L.
infwct!leuses, quoique nós Inâiens; dont la sa-
gacité et l' expérienc~ rendaient 'le coup ·d' reil
tres-sur, reconnusse:rit fréquernment aüx traces
des sauvages que pendant Ia ·nuit i~s ~\vaient,
rôa:é 'autom; de nos abattis, ,et observé' d~ tous
les côtés l'eni:.lroitounous nous tenions : Un,soir,
éraignav,t d'êtt·e attaqués à l'improvi~te, car Íms
chiens montraient une inquiétuae extraordi-
.. A • , 1;
nau·e ; nous restames constamment. sur nos 1
- f) VOYAGE
_que les petits anifDaux vieunent, suivant leu r
~outume, . rôder le long du fleuve, ils cherçhent
y;n. pa~sage : trouvant une ouverture au-dessous
"des gros morceaux de ~ois, ils, s'y engagent et
marchent sur une claie de b,ranchag~s jí.celle-ci,
par le mouvement ,qu'ils .lui expriii1ent, fait
,tombcr sm leur dos Ia bascule cp.iÍ ·Ies-tue. On
dresse. trente, quarante, et mêtne plus de ces
,mund,eos .sur une ligne, et ·chaque , iou,r, on y
prend du gjJ?ier . .Souvent, et su:rtat!t. ap~:.es les
l}UÍts bien noires, naus y trouvi.onf? .c_iaq~ ou six
JÇtl)Írnau~ et même plus à la foi~: Jl 'est né-
1 ~ cessaire de visiter ces piéges une à d~~tx, fqi~
dans la journée; cat' dans les grapd~s, pl;!,al~urs
hs mo~ches et la _cor,ruption gât(mt 1l}ieb. •vi te
,les bêtes qui s'y .trouvent príses. i./ortvidor avait
fait dresser ces piéges dans,,deux endroits di~e
rens .à Morro d~ Arara; ils é,taient 110tre princi-
pale ressource po1.1r nos rep~s, ~ar noqs étions
avec des gens qui ·se nourrissaient surtout de
poisson; et nous :mtres Européen.s naus .p.réfé...
rions la viande fra1che. Le. pa ~a ( ctelogenys
paca ) , l'agouti ( das,ypocta agouti) , le
macura ( tinamus brasiliensís ), et le tatou or-
diu::~ire..( tato-zt noir d' Azara ) , dontla chair est
blanche ·' tendre et savo~lreuse, étai,e nt les.
AP BRÉSIL.
á.pimaux que nous mangwns avec lé plus de
p~aisit·. "'
Un jour que nous étions p'artis pour aller
ex.aminer les piéges, nous notts trouvions suí·
le la c, qua:nd l'Indien qui conduisáit ;na pirogue
nous fi't to11t à coup apercevoir un tapir qui
éiait dans l'eau et nageait pour gagner le hord.
Nous tirârnes de la distance ·d'oit nous étions;
la plupart descoups ,!le porterent pãs, cependant'
l'aniinal finit par être blessé, lé~erementtoute
fois, la dragée ne pouvant pas pénétrer bien avant
dans sa peau épaisse. Deljcendus à terre , nous
súivimes les traces de son sang; mais nous ab~n
donnâmes bientôt notre poursuite à la vue d'un
extrême danger qúe mon lndien courut, s'étant
trop approché d'un jacarara, long de cinq pieds;
qúi était caché_dans des feuillages secs :' ée ,s.é r-
pent se redressa, montra ses armes redoutables,
et se disposait à mordre l'Indien ; un coup de
fusil que je tirai éttmdit mort ce reptile féroce,
et sauva le chasseur épouvanté (i).
~es Indiens.et même les Portugais qui cha ssei,IIi.
. .
( 1) Le jacarara, d'ont parlent les relr tions des Yoyages
modernes, est cité dans les systemes d' histoire naturelle sous
le nom de Pipera atra.t:. Ce reptile differe· p ~ urtant de$.
8 VOYAGE ·
vont toujours pieds nus ; les souliers · et les ' '
bas sont pour l'habita~1t de la campagne de ces
. contrées des objets rares et chers' 'aont il ne
f.:~it · ~sage qu'aux jours de fête; il esl par .consé-'
quent exposé à la morsure des serpens gui 's ou-
Vent se tiennent cachés dans Ies amas de feüilles
seches; .mais cet accident est :beaucoup -plus
rare qu'on nele c~oit. Toutefois l'on ' a dans· ce
pays une cr<1in~e et une horreur excessive des
serpens; les gens 'du conimUD; ont sur Ia nature
de c~s animaux m~e foule de préjugés; la plupart
ridicules; on cro~t par exemple qu'il existe des
ser-pens à deux têtes , · que d'autres sont attir'~s·
- · par la ~·Jmiere' et par le feu' et que les especes
dangereuses crachent lcur venin .quand elles
veulent boii·e.
Quelques jours apd~s on me donna une espece
viperes par l'ouverture des joues qui se trouve chez tous les
serpens venimeux: ~i e l' Amérique méridionale que j'ai eu
occasion d'exami'n er. On ' lit dàns le Magasin àe la socidti
d'/tistoire 1wturelle de Berlin ( troi&leme an~ée ,.. p. 85), un
Mémoire de l\1. H. Tilesius sur le jacarara , si , toutefois . ce
nom clésigue à Santa-Catalina le même nom que sur· la
térre-ferme. I.e jacarassu n'est qu'e ce -même re plile plus
âgé et lres-grand, don t la co uleur offre naturellcment quel-
que différence.
.AU BRÉSIL. 9
de serpent non malfaisante et tres-belle (i), dont
la· peau offrait alternativement · des anneaux
rouges de vermillon ' noirs et ve~d:1tres' et qui
par leur figure ressemblaíent assez à ceux du
serpent coraiJ (-cobra coraes ) ; mais ce sont
deux especes différentes·. ·
La ehasse était l' occupati~n la plu~ agréable,
la plus utile et même l'unique que nous eussions
dàns ceúe solitude' quoique le peu de sureté
des forêts nous. forçât de ne pas trop nous
écarter, et no~s flt une Ioi de ne sortir qu' en
compagnie suffisamli1ent nombreuse , nous
, reveriions toujours bien chargés. Des que·nous
mett1ons le nez hors de nos huttes le matin ,'
nous entendioris la voix ' forte de l'alouate ' ou
barbados , · é[ui faisàit a'utant 'd e · hruit qu'un
tan1bour, et les cris rauques du ;gigo, autre
"
.
punition d'un délit que cet homme avait. commis.
Pendant que l'ou travaillait encare à construire
les maisons , les ouvriers, qui abatt:aien~ le bois,
netioyerent l'emP,lacement oit l'on voulait éta-
blir Ia scierie.
, . Notre compagnie fut diminuée par le dé{mrt
de l' ouvid01~, · qui alia :passe r que,lque temps à
Caravellas avec plusie.urs de nos gens; mais
elle rie tarda , pas à recevoir un accroíssement
.considérable. Le capítam Bento Lourenzo avait
avec ses mine'ir:os, . continué sa nouvelle route
.si Íoin, .q\l'il était déjà : tn:.s-pres de .notresoli-
tude. Les Picadores, c'est ainsj. que l'on no14ime
les hmnmes ,qui devaneeut .la troupe, et -n1ar-
quent sur les árbres ]a direction que .doivent
suivre ceux qui font les abattis, 1:ious annon.:.
cerent par leur arrivée l'approche de leurs
compagnons . .Effectiver;nent naus · les vimes
parahre le lenden1ain au soie. Le capit:am avec
•ses quátre- vingt- dix hommes vint campet·
avec naus; le petit espace que naus occupions
fut si bien rempli que nous y étions '1 nn peu
ser rés . .Bientôt ~ Ia joie éclata, et le ·son de la
guitare, se fit <entendre jusque bien . avant dans
la núit; on . dansa la .haduéa, et d~ grands
feux firent disp.araitre l'obscnrité en portant
I
AU. BlÚ:SIL. t3
leur clarté sur nos abauis et jusqu'aux bords·
.9-u fac. ·'
La longueur de la route depuis Mucuri jus-
qu'à . Morro d'Arara est de 'sept à huit legoas.
A peu de distance d·e ce· dernier endroit les
mine'iros avaient ren~ontré un grand lac pois-
sonneux , ou les jacares étaient fort communs;
il avait fallu fait·e le tour ·de .ce la c, puis tra- '
vers~l' des nia.récages' opération qui' avec d'au-
tres obstacles qu même genre, avait beaucoup
· retardé leur ' travail La. diversi.té · des races 1
d'hommes qui composaient la · tr~upe du ca-·
pitam rendait l'aspect de· notre camp -sin-
guliei' · et pittoresque; Indépendamment .de
nous at'ltres Allemands et des Portugais, il
s'y trouvait des negres,. des eréoles' des . m~- -
lâtres ;, des mamelus, des lnd.iens côtiers, .un
Boutocoudy, un Malaly, quelques Maéonys;
des ·Capouchos ou Capochos·:, tous soldats de
la pt·ovince ·de -Minas-Geraes. 1
•
VOYAGE'
par-dessus le dos des montagnes, et ,tracerent
'un sentier ou picadé, depuis notre princrpal
derobade oq abattis fusqu'au nouveau chemin;
seJltier dont uous ·avo ris profité ensuite pour
chasser. Le 22 février la troupe du capitam
nous quitta pour continuer son travail 'dans les
{orêts ; quelques- uns des nôtres· l'accompa-
gnerent à une certaine distance. Avant de nous
séparer le capitaril prépara dans un couia l'es-
~
\
"'
Atr BB.ÊSIL. 21
\ '
VOYAGE
regnent le 'Jong des côtes maritimes' sont heau-
coup plus supportables pour la santé ·que l'air
épais, humide et chf)ud des.forêts. Notre voyage,
en descendant le Mucuri, a été forL agréable,
parce qu'il n'a pas tombé -de plnie. La Villa
était, dé mêrne que la solitude au milieu des
forêts, dépourvue de provisions fralches, car ce
lieu est tres-pauvre ; il ne s'y trouvait que de
]a farinha, des haricots, et quelquefois un peu
de poisson; cependant nous pumes acheter des
poules ~ qui furent un aliment · tres-agréable et
tres-sain pour nous abtres malades. Le quin:...
quina du :grésil ne·nons procurant pas de sou-
lagement appanmt, .j'expédiai à Villa de San-
Mateo un expres, qui ine rap-porta de la véritable
écorce de quinquina du Pérou : elle ne tarda
pas à opérer notre guérison; mais il sé passa
CDCOI'e plusÍeurs semaines avant que nÓus .pus-
sions nous remettre de notre affaiblissement
.extrême.
Daris les premien'i ' jours de mai M. Freyress
aniva à Mucui·i avec le 'reste de notre troupe.~Il
avait fait: .un court séjour à Linhares su1·le Rio-
Doçe : les étal>lissemens n'y étaient plus dans le
même. état oú nous les avions vus lorsque nous
y étions ensemble. Les 'Bo.Utocoudys· s'y ét~ient
(
Atr BRÉSIL. 23 \
montrés plus hardis, plus féroces , et de nou.:.
veatl en tres-grarid nombr~; ils avaient égorgé,
t, l'on ajoutait , mangé trais soldats sur la rive
méridionale · du fleuve , à peu de distance du
quartel d' Aguiar., pres du lac dos Indios. Et'l
conséquence , on avait envoyé de Linhares
contre. eux tons les hommes que l'on avàit l~l'
rassembler, ce c1uifonnait une troupe de trente- ·
huit personhes armées : mais lá horde des sau-
vages était si forte que l'on jugea conforme à
la prudence· de-' fait•e retraite. Dans un seul de
/
leurs tocayas .( 1) ou trouva quarante hornmes
armés d'arcs .et prêt~ à tire r.. L'issue .de. cette
affaire avait répand!l une terreur panique à
Linhares : suivant le récit de M. Freyress,
les habitans de cet endroit le quittàient au. n«1m--
bre de quatre .et .de huit à la f@is, pour ne pas
être dévorés par les cannibáles,. La fàzenda de
M. Calmon était dans uae position extrême-
ment inquiétarrte et dangerease. Le guarda-
me>r, q'iw l'on r,etenait priso11.nier à Li11hares ,.
(1) Les tocayas sont .des lieux que les sauvages arr~nge1~t
~ dans les forêts pour y attendre leurs ~nnemis en em busca de:
l'ls en font ordinairement plusleurs dans des endl'oits dilfé-
r.ens. Jlaurai par la suíte occasiol); de revenir sur ce sujet.
. .YOYAGE '
s'était enfui à San-Mateo; le commandant d~
quartel de Porto-dec~ouza avait désert~. avec six ·
soldats ; en um mot tout annonçait la frayeur
1
générale; de· sorte que cet établisslmient, · situé
dans un cantou · extrêmement fertile , pour-:-
rait .bien être pres de sa fin· si le gouvemement
ne pre~d .pas des mesures' plus ·efficaces .
. Apres avoir· passé ,qU.elques serilaines. il Mu-
cnri av·ec M. Freyi·ess · pour atte~dre le réta-
blissement complet des malades., noús allân~es ·
à Vi:lla-Viçoza ' Oll 'nous fúmes· _'logés dans ' la
.casa da.Camara. Notre séjour ·y :fut ~isà pro-·
fit , et uou·~ parcourumes tout le te~;r.itoire·
V01Sll1.
Vi lia-Viçoza est un petit bourg t'res-agréa.:.:
blement situé, et entremêlé de touffes de co- .
cotiers. Il fait le c~:m1merce de farinha , qui
s'expédie le long de la . côte ··: l'exp01:tation
s'en est' montée l'année derniere à gooo · al-
queires , dont la valeur était de goo0 cruzades
(- 27 ,ooo francs ) . . Plusieurs habitans pnt · de
- petits lanchas , sur lesq~els on expéd~e'oau de-
hors les produits des plantation.s. U~l-· constmc
teur de navirc, Allemand de' natiori, :jet~ sur
cette côte pat·le naufrage çl'un bâtiment anglais,
exerce sa profession à Villa-Viçoza : il . vi.nt
~. ·: '
AU BRESIL,.
nous vmr : mais il parlait bien mal sa langue
matemelle; on le prend dans le pays pom un '
Anglais.
Les propriétaires des lanchas sont les, habi..:
tans les plus riches et l~s,'·:P.lus ~onsidér'es de
Villa·-Viçoza : l'un d'eux ·, · M. Bernardo da
. Motta, se distingue ,par son c~aetet·e bienfai-
. sant et sa probité. La connaissance et une longue
expérience qu'il a acquise de plusiem'S maladies
du pays I' orit mis en ,é tat de rend're servi ce à
se~ concitoyens par ses cons~ls et par la dieytri-
hution de remedes éprouvés. Sous le climat
ardcnt du Brésil les hommes sont exposés à
des maux nombreux, surtout à di verses mala-
dies de peau et à des fievres tenaces : traitees
convenablement. par des médecins ou des chi-
rurgiens habiles , elles sont rarement dang~
renses ; mais' faute de secom:s appropriés aux
circonstances et de traitement raisonnable, elles
enlevent beaucoup de monde. M. da Motta a
cherché :à ren)édier à ce gt·ave inconvénient
à Villa-Viçoza autant qu'illui a été possible :
quoiqu'il ne possede pas des connaissances théo-
riques. en .médecin<! , ~ on expérience lui a fait
1 ' connahre .plusieurs traiternens excellens; et la
modeste complais~nce avec laqu~lle il essaie
. VOYAGE
toútesles recettes bonnes et utiles qu'on luí com-
munique, ainsi que la reconnaissance qu?-il en.
témoigne, augmentent saus cesse la sphere de
sa science et de sa pratique généreuse.
Le plus gqmd bienfàit que le roi pourrait
accorder à, ses su jet& du Brésil ser~jt d' établir
dans les dir'férentes parties du pays des méde-
cins et des chirurgiens habiles, et de fonder de
bormes écoles publiques dans la campagne,
afio de faire dispartJltre peu à peu dans la classe
infé.1·ieure l'ignoranc~ grossiere et la supersti-
tion aveugle, sources de tant de misere et de
corruption. Ces établissemens d'instmction pu-
blique m_anquent entierement. Des ecclesias-
tiqnes présomptneux, dépourvüs des moyens
et de la volonté de travaiJier à l'instruction et
à l'édu,catio,n
. / .
dn peuple, contribuent au con-
t raire de tons· leurs elforts à étoulfel' sa raison
et ses facultés inte11ectnelles, et met.tent d.es ob-
sta eles . à la propagation d~un enseignemént ju-
. dicieux. Les gens dn commun joignent à~·lenr
grossiereté un orgueil et un amour-propre ex-
cessifs. Leur ignorance totale de l'état-;du reste
·du mbnde est, en grande ·partie, une consé-
quence du systÇme désastreux g:ue h~ gouver-
nement portugais suivait autrefois pour le BPé-
AU BRÉSlL. 2')
PALMIERS.
A. Non épineux:
1. Coco de bahia (cocos nucifera. L. ). Le
cocotier n'est point indig€me ; on.' le cultive de-
puis Mucuri, ou depuis les Ú~ de latitude sud
0
J
3o VOYAGE
du collet de la racine partent de longúes feuilles
fort belles; sa grappe de noix come~tibles pousse .
'
par consequent a' ra~ de terre.
·B. - Epineux: :
,-
CHAPITRE X.
/
4o VOYAGE
pourspivis mon voyage au nord le long de la
côte. M. Freyreiss resta avec son moude sur le
M.ucuri.
J e qui.ttai Caravellas le 23 j·lili.llet 1816 : quoi-
que l'on fút alors dans la saison Ia plus froide
de ce pays, la chaleur n'en était pas moi~s ac-
cabla'nte. Les habitans souffraient béaucoup de
catharres , de rhumes , de maux de tête _, ,car
ce temps, que l' on appelle froid, produit sur leurs
corps, acconturnés à la cbal~nr, le !llême effet
qui résulte chez nous des premieres gclées des
mois de novembre et de décembre. Plusiems
habitans de Caravellas étaient morts des mala-
dies prodnites par le changement de tempéra-
ture, tandis que nous autres éirangers nous n'en
souffrions pas beauconp:
La praírie ouverte .dans laquelle Ce~ravellas
est bâti est ~nvironnée de tons côtés de forêts
et de hoi.s, ou les plantations d~s habitans sont
éparses. Dans les aulres saisons cette forêt est
plus ag réalJl~ qu~ dans ce IU~1nent; eQ effét elle
me parul heancoup plus belle lorsque je la vi-
sitai de nouveau au mois de novembre suivant,
c'est-à-dire au commencement du printemps
de ces régions. Le. chant du sabiah ( turdus ru-
jiventris) retentissait sous l'ombrage épais deso
A U -BRESit. 4:x
cocotíei·s' : je trouvai un de ces at•bres que le
hasard avait fait pousser dans le ereux d'un <f~
bre antique et colossal de cette forêt , et qui
était d éjà parve:qu à une hauteur assez grande.
O11 voyage a travers cette fiorel 1usqu a l'em,-
0 0
A )o
~
li r
il
,AU BRÉSIL.
-cToissent à l'ombre de grands arbres qni res-
semblent au !aurier, sout fréquentés par une J
. .
pieds. ·
1 • ~ lf
I I
·d istance ' ' et :On leur ·dit•de ti~l' à ce hl!l't 'a;vec
·.1eurs JJeches ~ ;ils ne :I e manq:uer.eín ;pas . .P1er-
"S'0 nne ne •strob:ant ]em.' l~ngiTe; i~!i n~ firent pas
-u n :lon~ séjoul' da:tíls 1a Villa, ~ .r.1tt6uttileNI.at
-chez <eltx. ·
Fo'llr .1les m~~nt connatitre. , je m'embar~ai
I
Je Sp 3uiUet· snr le Ri:o-·olo~P.mdo ~ ·que je !J'ijruon- 1
/
I
leurs che~eu:x pen$-ns náturel~menttautour _ de
Ia tête,;)ls les c0qpent s.~uleme1;3t à la n.uque e.t
au-dessus des yeu:x ;, q,u..elctlles-pn~ p.ou~tant s.e-
rasent toute la tê.te ,_ lai~sant. simplement un~.
petite tquffe devant etderr.i~.ue. On.er v.oit aussi
qui se per<~en,t la lev11e -infénieure ell le~ oc.eül,es ~
et inettent dans l'ouv,ePture tUl.,e h<\glileHe de re:-
s_eau cour.te et mi~ee. Le.s ho,mmes, ainsi ~ue.
ceu:x qe· toutes. les. p.e~pla.des d~ Ia côt~ o.tieQ-
tale, s.u11pendent leur Goutean: à un col{do:r;t pílss.é
autoun ~e leuv cou:,_' et por~nt de.la wêrn.e -ma-
~iere les chapelets q~'on.lem; cl0n:ne. Le c0,np,s
de êes, P atachoa se montrait dans sa cou,lelill" 'ii
( 1) Natrative, etc. , p , ~. 2 .
AU BRÉSit.. 55
soutiennent une rangée d'autresrplacés transver-
salement; o~ y étend les animadx 'tués à · la
cbasse, pour .les · y .faire ·rôti.t· ou, g·riller. Lei
Pataçhos ressemblent, :à bien des égards, aux
Machacaris, ou Machacalis; leurs langages pré-
sentent aussi, 11>ne ·certaine affiriité , quoiqu'il's
different beaucoup· sons plusieurs rapports. ·
. Ces deux peuplades sont , dit-on , liguées
contre 1es Boutocoudys; il pat·a1t qu'elles rédui.:.
sent une partie de leurs prisonniers de guerre
en esclavage; car dernierement ellcs vihrent à
Villa-do-Prado offrir de vendt·e un jeune Bou-
tocoudy. L'on n'a jamais. cu de motif fondé
pour sur.poser que les Patachos mangent de la
phair humaine. Le caractere moral de' tottt.es ce&
tri.bus se rcssemhle heáucoup pat' les traits. gé-
néraux , mais cehd ~le chacune offre des parti-<
cularités bien marquées : . les Patachos , pat·
exernple, sont les plus · défians et les plus ré-
ser_vés; ils ont toujours l'air froid et sombre; ils
donnent tres-rarement leurs e,nfans aux blancs
pour qu'ils les élevent, ce que les autres tribus·
fontassez volontiers. o~s sauvages vivent erra~s;~
leurs troupes paraissent alternativement sm·
l'Alcobaça, à Prado, à Comechatiba, à Tt·an-
c.ozo, etc. Quand ils. y vfennent, on leu r donne:
I
56
qpelque chose à. maag.e r, on échamge avec eux
dtiverses. bag~telles ~ontre de 1a cire 01.1 d'autres
prodt;tctions des fmiêts, pu.is ils r.eteuraent dans
'leurs sol~tudes. .
Tr€s-satisfa1t d'avo~<r fait J.a connais~ance de
ces. sauv.a ges, ).e par.~is. de Vi.li.atde-:Prado, en
fai~ant diligence pmw Sl!Ü·v re Ines gens et mes
b etes~ d'e s0mm.e qu1• nil>
A ' avaumt
• . devance' . .LJa
J: A
cote,
en, se pr-ololilgeant au nord: de Vilbt.:.do.,-Prado ,
prend une. figure difféFente de eelle qn'eUe a
eue auparavanb- Le long de la mer s'élevent de
ha.utes parois d'argile·i·ouge ou d'autre couleUI',
qui· est ·eHtremêlée de co aches-de gres ferrugi-
neuses et de couleurs variées; des forêts couvrent
le· sorpmet de cette côte : eHe est coupée du
côté de la mer par d:es. vaHé€s ombragées de fo-
r~ts épaisses, demeures des Patachos; il· sort de
cha.cune. uFl misseau d·o nt l'emb6ucll.ure diins
h me r . est souv.eiilt wes-incoma1ode pour les
voyageurs. Les groupes de rochers qui du pied-
des· fa}aises s'a\:ancent eH mel' SÓnt Ull autre ~
désagrément; de tner basse- on en fait le tour à
pied sec ~ mais ' quand elle est haute ' on ne
) peut pas les doubler, pat'Ce que les vagues, qui
v:ieanent s'y bt:iser eB groud'ant, et en lançant
· en l'air Iem écume, inondent la plage. Si l'on
AU BB.ÉSIL.
se trouve entll'e· deux de ces gt~oupes de-11o€hers
au·dessous de la falai-se, d~ns.:OO.temf'S oi:J.,.Ja mer
- rr:~:.onte, on est exposé.à un grand: danger, parce
que l' en ne peat pas év;isteu- ]a: manc'be 11apicle
de P~au : c'est po.~~quei il est nécessaire qu'un
V~yageuF s'inforfli.€ exactelíDC.t)t des. hahita~lS du
pay.s., de l'heur.e qa'il co!lilvient de eb:.oisir pout·
passer. ll faut qaelquefois attenelrepem<iant six
hellres le retour du reflux, quand on a lais&é
· passer le -moment opportml. Il m?:y a d'ailleurs
td~t le long de eette c@te d'autr.e che'!lin- par
terve qHe· ce1ui-là qui suit·le riv.age. Entre Prade
et Comechatiba. l' on _rencontre en tvois endreit~
différeHs~ de c'es 11(i)chers saillan-s ;· il n1~est aHiv·é
'd'.a,voir eu dans u,n de ces p>assages. de .1' eau jus-
qu'à la selie de mo:n• cheval; <li.x. mir.mtes phis
tar d , · J·.,aurms.
. ete
, ' ·obl".•Ige u_e.
f _:t.
retoul'ner· e H aF-
riere jusqu'à. un endroit o-ti la t::ôte aurait of- .
fert t:In espa€e plus large, et d'y attendre Flendaat
six heures que la mer se retirât. Déjà les va-
gues qui brisaient ccm1ire les r0chers ofFraient
UH aspéct menaçant : ne connaissantr pas la
/
AU BRÉSIL.
terent no'tre bãgage sur leur .tête et sur leu.t·s
épa~les) il parvint de l'autre côté sans av.oir été
mouillé. L e Cahy qui, · de même que tous les,
autres fleuves de cette côte' sor(des forêts, est
peu de chose de mer hasse , ,mais pendant le (
-
vers n1idi; et comme .des.at:bres ,abattus naus
j • j \ ' • ' • '
,AU BRÉSIL.
mieux rester · couchés dans leu•~s cal)anes· sans
manger que de travailler d' une maniere incom-
mode. Ils nous approvisiounerent de p9isson,
et nous donnerent aussi de petits gâteaux de fa-
rinha qu1ils av~ierÚ en réserve. lls ont conserv'é
les dilférens mets de farinha · usités chez · Ieurs
ancêtres les Toupinainbas et les autres tr.ibus· de
Ia Lingoa-Géral. Les bords du Ct·am'enoan, à son
embouchure, sont ombragés par des mangliers
( rhizophora, conocarpus ) , qui donnent asile
à des curicas ·ou perroquets am'azones (psitta-
cus amazonicus , Latham , ou ochroceph.a-
lus, Lin. ). Cet oiseau niche volontiet·s dans ces
bois de mangliers , et à la fra!cheur d~ rnatin
ils retentis~ent de sa voix.
· Quand toute notre tropa eut passé à Ja rive
septent~ionale du Crameooan, nous ·suivime&
la plage converte de buissons épais , bornée à
droite par la rner , et à gauche dans le lointain
par des hfiuteurs. Bient~t nous atteignimes 1'ex-
'trémité de ce terrain plat; il faHut gravir les
falaises escarpées; parce que les ]ames qui vien-
nent frappet· leur p~ed ernpêche•nt de passer le ·
long du rivage. Les parois de ces falaises offrent,
cornme celles que nous ,avions vue~ p1;écédem-·
ment, de. l'argile et ~9 ,gres.
'<· ' ..
G8 VOYAGE
Arrivés par un sentier tres-roide au som~et
de ces falaises ou barrei"ras 1, nous avons trouvé
une .plaine aride, ou campo, appelé le Jaüas,-
sema ou Juassema, suivant la tradition eles
habitans. Il y a eu ici , dans les premiers temps
de l'établissement eles Portugais., une ville de
même nom; elle s'appelait aussi , Insuacome.
Elle était grande et bien peuplée ; mais , de
~me que San-Amaro, Porto"Seguro et d'a'utres
villes, elle a été détr.uite par les Abaquiras 01,1 ·
Abatyràs; peuple guerrier , cruel et anthropo-
phage. Cette tradition a sans doute pour f~nde
ment les dévastations commises par les Aymores
~u Boutocoudys, ·dans la capitainel'ie de Porto-
Seguro , lorsc1u'ils y firent une incursion en
I56o ( 1 ). Ils détruisirent aU$SÍ alors les établis-
semens du Rio dos Ilheos ou San-Jorge; enfin le
gouverneur Mendo de Sa les repoussa. .On dit
que l'on trou~e encare à Jaüassema eles mor.;.
ceaux de briqnes, de métaux, et divers objets:
ce sont les plus anciens monumens de l'histoire
du Brésü, car on ne ·~encontre rien snr ,cette
côte qui rappelle les _temps anté:rieurs à l'établis-
( 1) Page 228.
VO_YAGE
cependant, comme il ne faut pas trop se fie r à
eux , il est bon ele ne voyager qu' eB troupes assez
nol~lb i.~ euses. Ayant fait la même, :route au mois
de n,owmbre de cette année, je trouvai, de tner
passe , de grands banes de rochers de gres et
calcaires qui s'ét,e ndent au loin en mer,. et qui
qnt du ~tre en g,rande p.artie l'ouvrage des ani~
. ma1cules d1! corail. ~eur surface est partagée en
ligues régulieres paralleles. Les troQs que l'eau
remplit son,t habités par des crabes et d?autr~s
animaui marins ; une masse verte, analogue au
byssus , t!lpisse en partie la silperficie de ces
banes. '
La mer continuant à descendre , nous avons
passé pres de plusieurs promont?ires rocailleux,
dont nous 11'aurions pas pu approcher dans le
ten1ps du flux. La. vaste surface d€ l'Océan ré-
fléchissait en brillant la lumiere de la hme.
Au rnjlieu de la nuit nous nol!ls som_mes trou-
vés sur les borqs, du Rio-do-Frade, "petit fleuve
qui a reçu so:n nom, de ce qu'un-missionnaire
franciscain s' est !loyé dans ses eaux. Son em-
bouchure est navigable pt.HiH' de gFandes pi.ro-
gues; on peut le remonte-r à deux joum.ées de
route ; ses rives sont .fertiles. L e mont Pascoal
se montreà douzelieuesde distance dans l'ouest.
/
AU BRÉSIL.
D~ l'autre côté du fleuve habitent, par ordre de
rouvidor, quelclues fami1les chargées de passer
les voyage~rs. On a d01mé à ce poste le. nom de
Quctrtel de Linhar§s, quoiqu'il ne s'y tro:_uve
pas de solda.ts. Les plantations des ga'rdes sont
éparses dans les bois voisins; ils y ont aussi leurs
demeures, afin d' être un peu abrités du vent de
me.r; mais en ce mome~1t ils logent dans-une ·c,a-·
bane qui est située &ur la. plage sablonneuse, et
qui par conséquent est mal défendue du vent et
du mauyais temps.
Accoutumé à marcher toujours en avant de
notte troupe, je descendis à terre pres du fleuve, -
qui est trop profond pour pouvoiT être t.raversé
à cheval, et je lai:ssai ma, moríture, qui paraissait
être rendue de fatigue. Mais cet animal, impa-
tient d'a~river aux maisons situées· de l'autFe
côté du fleuve , rrl échappa, se mit à la n_age et
fut suiv,~ par la pÍupart des bêtes de somme.
Lesl1ndiens nons fireDt bonaccuea dans leurs
capanes·, mais elles étaient ~i miséra"bles , qu' a-
, _] • A
p-res notre voyage cre • nmt p.ous :r1e tronvames
pas à U0HS y reposer comrnodémemt. Nous éteri-
dim.es totlt autou.r d€ m:ous nes vêteme-ns mo'lilil-
lés , pour les fai:r€ s~cher au vent de me'r qui
sol!l:íJlatt de tol!l!t@S parts d1lllls la cahoo1€ n11al f er--
•)
VOYAGE
mee' , pms• nous nous couc11ames A
sur ·nos cou-
vertures étalées surle sable. Le froid nous in-
commoclait beaucoup. Les habitans ele la maison
étaient à clemi nus clans leurs ·hamacs, ou le feu
qni brulait constamment ne pouvait cependant
pas les échauffer. Le soin de tenir le feu allmr1-é
. appartenait au_x femmes. Le fils de la maison ,
déjà adulte ' criait de te~ps eu temps à sa mere
de ne pas négliger sa besogne.
Des le point clu jonr nous avou"s empaqueté ,
nos vêtemens mouillés , et nons nous sommes
mis en route pour Trancozo. Lá iner en se re-
tirant avait laissé à clécouvert une vaste étendue:,
de banes de rochers plats. Des Indiens qui ha-
bitent le long de cette ·côte , dans des cahanes
· éparses au milieu eles bois, cherchaient sur ces
banes _eles mollusques ponr les .manger. Ils se
nourrissent dGplusieurs especes de ces animaux,
et snrtout de l'oursin noir.
Au hout de trois legoas, naus sommes ar'rivés
à un endroit ou un petit ruisseau se jette dans .
lamer ;on l'appelle orclinairement Rio-de-Tran-
cozo' mais sou norn dans l'ancienne langue'·clps
incligenes est lia pitanga ( fils de la pierre ), vrai-
semhlablement parce qu'il . sort de · montagnes
piet?reuses. Il · coule dans une vallée assez pro-
AU .B'RESIL.
fonde', ehtourée ~e hauteurs avec 'de grandes
plaines. Sur la rive h1éridionale on aperçoit déjà,
du fond de la côte maritime ~ les cimes des co-,
cotiers , ainsi que le toit e L la cr.oix du cou.vert
des jésu1te~ de Trâncozo. Des hommes dépêchés
en avantnóus fircnt gravir un chemintr~s~roide
I
pour arriver à la viHa ~ ou nous primes 119tre ghe
pour cette nuit dans la Casa da Camara.
Trancozo est-une .villa d'Indiens , bâtie en
carré long. Au éentre s'éleve la Cas·a da ·camúa,
et à l'extrémité v-oisine de la me r, l'église , qui
était autrefois un couvent de jésuites. Depu~s
l'expulsion de cet ordre, le couvent a été démoli
et la bibliotbeqi:le dispersée. En 181 3, Trancozo
renfermait cinquante maisons et cinq cents ha-
bitans presqtÚ~· tous indiens ; leur teint· est d'un
brun fonG.é -; on n'y ·voit qu'un petit nombre
de familles portugaises , auxquelles appartien-
nentle curé,l'eserivam et un marchand en dé-
ta~. La plupart des maisons été).ient vides, pan:;e
que . les babit\t1s den1eurent sur leurs planta-
tions; ils ne viennent à la villa que pour faire
, . .a'l''egl'1se. T rancozo export e.en-
leurs _d evotwns
viron mille alqueres de farinha , du coton , des
plancbes, des gamclles, des pirogues , un peu
d'embira et d'estoppa. La valeur de ces·diffé-
..
VOYAGE.
rens objets fut , e11: I8i5 , de 55g,520· reis'
(5,572 fr.)
Les plantations des Indiens sont assez bien
tenues; ils cultivent principalement des racines
comestibles , telles que les patates, le mangara-'
nito( a rum esculentum), le cara, 1'aypi~u'manioc
doux, etc., et vendent ces végétaux. La pêche
est de même une de leurs occupations; quand
le 'temps est beau, ils vont assez loin en mer
avec leurs pirogues ; on fait aussi le long de lá
côte maritime des corales ou camboas dont il
a été questwn plus haut. Sur les plaines élevées
des environs de Trancozo on éleve' un peu de
bétail : I'escrivam surto~ possede un troupeau
c.onsidérable ; mais cette branche d' économie
rurale est soumise dans ce canton à. de grands
Ínconvéniens. Le campo offre un p:hurage sec
tres-substantiel ; le bétail y 'engraisse en tres-
peu de temps , mais si o:n ne le ~ene pas tout
de suit~ apres dans.--des prairies frakhes et hu~
mides, ildépérit tout d'un coup. jour éviter ce
désagrément, on envoie de temps en temps les
troupeaux au Rio-do-Frade·. Ce changement
de pâturages doit se répéter plusieurs fois dans·
I'année ,- et il est sans doute cause de la petite
quantité de lait que dol'l:nent les vaches.
AU BRÉSIL. 77
. Qu&nd je revis ce canton au mois de no-
vembre suivant", un jaguar monstrueux y avait
étabÍi sa deQieur~ , et v.olait chaque jour aux ha-
bitans de la yille q,uelque piece de bétail. On
dressa des piéges; ~qn eut le bonheur de tner 1es
petits de la bête fé roce ,- mais elle courai~ encore
le pays , et, pend:mt toute la nuit 7 'remplissait
l'air de ses cris plaintifs. Enfm des lnd~ens eu-·
rent l'idée de placer dans un sentier fréquenté
:rar le jaguar, des fusils avec des appareils pour
les fillre partir ; cet exp~dient eut un plein sue-:
cés. Le jaguar resta sur le coup ': j'achetai sa
pêau à Trancozo, et je reconnus qu'il appartenait
à la variété nommée capgussu ·dans le· sertam
de la capitainerie de Bahia;- elle se distingue
par le nombre plus considérable de petites
taches.
de
. La situation Trancozo est tres-:-agréable. A
l'extrémité de la ha_uteur escarpée , pres de l' é~
glise , nous jouissions d'q.ne vue magttifique ;
l'~il se promenait sur la surface tranqtiille .de la
.mer qui au Ja.rge ét:ait d'un bleu· foncé·: la
j.onction de ses eaJix,, d'uneeouleur verte le long
de la côte, avec celles du fleuve qui étaient d'·u n
noir foncé, dm).nait un Gbarme particulier à la
pel'spective ; le.s cimes éléga1~tes des. cocos flot-
•
'···
;8 :VOYAGE .
taient majestucusement an-dessus des humhles )
- -----....,.......____
84 VOYAGE
d'êtr.e d'excellens marins._ Les relations avec
Bahia sont tl:es-actives ;· aucun autre port de la
côte n'offre des.occasíons aussi fréquentes d'aller
dans cette ville. ·Les na~ires employés à cette
navígation SQnt de petítes lanchas·garupeiras tres-
bonnes voiliere s, et qui surtout marchent tres- ·
bíen de vent contraíre. Le m<tt de l'arriere est
le plus court ; le grand mât a une grande voile
carrée , le m<tt d'arriere une petíte · voíle
triangulaire : on peut les orienter de telle ma.:..
niere que le bâtímei:lt marche par le vent le plus
contraíre qui empêche les autres navíres de na-
VIguer. .
Les pr~míers temps de l'hístoire de Porto-
Seguro offrent plusíeurs événemens remarqua-
bles. Durant la guerre des Hollandais au Brésil
ce lieu n'~vaít pas plus de cinquame habítans.
Trois víllages indíens étaíent sítués· dans les
environs. A c.e tte même ,époque Caravellas. ne
comptait que quarante Portugaís. ~Dans la der-
niere moÍtÍé du X~Ile sieéle quelques·TeStes
des Toupinambas ,et des Tai"?-OJ.ÓS se réunirent
à leurs. ellll.emis les. Aymores ou Botocoudys,
contre les Portugais. -Les Toupiniquins étaient
alliés de ceux-ci; mais leurs ei1Í1emis comrimns'
étant b\en supéríeurs en nombre , dé~rriisirent
85
Porto-Seguro, San-Amaro et Santa.:..Cruz. Dans
le premier de ces endroits ils surprirent les ha-
bitans à la roesse, ainsi que le raconte S9i1-
they ( 1 ). On dit qu' alors Porto-~egnro éta:it plus
considérabl~ qu'aujourd'hui: on dit qu'un chef
(fes Tapouyas du l).io San-Antonio, nómrn'é Ta-
teno, défendit la villa cont~e ses compatriotes ,
et la sauva de sa ruine totale (2). Il n'existe "' de
to).ls les villages indiens de ce cantou , dorit il a
Jté fait mention, que celui de Villa-Verde, situé .
à une petite journée de route en r_e montant l~
fleuve. Il n'est V uplé que d'lndiens. Le vicaire
et l'escrivam ·seuls soni .Portriga'is. ·La plupart
des lndiens. demeürent de .côté et d'autre ' dans
leurs plantations , · et ne viennent à la villa que
les dimanches et les· jours de fêtes. O:ri trouve en
ce Iieules ruinesd'un couventde jésuites. Onse
sert encore 'deleur église.La villa renferme mie
cinqliantaine de maisons et cinq cen,ts habitans ;
elle exporte mille alque~es de farinha et quel-
q.fucs' plãnches. L'ouvid~r a · établi un peu plus
· haut le destaca~ent de Agui~r, óu vivent '.Six
AU BRÉSIL. ,.r
'
pêche du garupa occupe qu~lqu~;Js..navires; dan~.
('
l - '
( 1) C' es t proba blemen t l' espece représentée par Bru guieres,
fig. 3, pl. 14g, et par Bosc, l'listoire natureÚe cdes Pers• ,
tom. l[, fig. 5, pl. I lf.
I AU BRÉSIJ:. g5
'
l'habitent est de fabriquer- des corqàges pour l~s
navires avec les fibres du coco de Piassaba .,
cocotier. qui croit; dans ce canton , et devient
commun.e n aliant plus au nord. Ces fibres sont
tirées des spathes des feuilles, qui ont quatre à
Ginq pieds d~ long, SOllt Seehe~ 'et f~rtes, et tom-
bent (J.'elles-mêmes; alors onles recueille soigneu-
sement , et , par une préparation particuliére ,
on en fahPique des co~des qui sont tres-dura-
bles, et se conservent bien . dans l'eau, máis
sont un peu rudes, et désagréables à manier. On
en expéclie beaucoup à Bahia, ou on les eniploie
P?ur le~ n' vires. Le fruit de cet arbre est une
noix oblongue, terminée en pointe , d'un brun
noir et tres-dure , longue de trois à quatre pou-
ces. Je cr.ois l'avoir vue dans les cab~net;s d'his-
toir.e naturelle' ou elle est désignée sous le nom
de coco lapide a .. Cet arbre ne crolt pas au súd
de Santa-Cruz.
Au reste , le pays autour de Mogiquiçaba
n' offr~ pas be\ uooup de choses I:emarquables: il:
e presque entierement couvert de forêts·; m.t
petit n.o mbre d'homme; seuleme;nt s'est établi
· un peu au-dessus de la fazenda Je l'ouvidor.
Laúviere est poissonneuse, et fournit aux colons
une partie considérable de leur subsistance. Les
VOYAGE
forêts qui CO!J-vrent les bords du fleuve en re-
montant sont peuplées par des TapoU:yas;. mais
ces sauvages 11e se montrent pas à son embou-
chure; on dit que ce sont tous des Botocoudys.
C' est en ce lieu que commen~e la route ouverte
le long du Belmonte pour aller jusqu'à Minas :.
· mais elle est encore ~res-imparfait~_, et en partie
impraticable.
Nous avons trouvé à Mogiquiçaba un mets de '
notre pays, mets bien agréable et dont nous
étions privés depuis bien long~temps ·' du lait. ·
Les vaches que l'onéleve en ce lieu sont belles
et grasses ; cepend~nt elles ne donnent pas tant
de lait que celles d'E urope, .e t il n' est pas si bon,
ce qui vient peut-être de.l'aridité du sol. Tous
les soirs on Jàit entre r le troupeau dans un co-
ral ou pare 'carré, et aussitôt I'on sépaFe le veau
de sa mere quand on veutla traíre le lendemain.
. Il y avait dans la cabane ou nous avons passé
la nnit une vieille négresse eselave.appart(m:mte.
à I'ouvidor .. Le peuplc du Brésil ~egard~ géné-
ralement c~s vieilles négresscs cm~nme des sor-
cieres ouftiticeiras. Elle avait fermé soigneuse-:
ment sa chambre, et eut l'air de tres-mauvaise.
humeur de ce que l'on cherchait à. ouvrir son
sanctuaire pour avoir un peu de feu. Mais
AU BRÉSIL. 97
~omme le vent froid et pénétrant ,de la mer ne
nous perme'ttait pas de passer la nuit sans feu ,
i.I fallut ouv rir par force la porte de la ·vieille si-
bylle. '
Mogiquiçaha est séparé du Rio-Grande de
Belmonte par une plaine de cinq legoas d' éten-
due. A peu pres à moitié chemin l;on arrive ,à
un endroit oi.1 un bras du fleuve avait son embou-
chure dans la mer. Maintenant elle.est ensahlée .
. Ce lieu porte encore le nom de Barra velha ,
ou Ia vieille embouchure. La route le long de
la côte passe sur une plage sablonneuse, uni~ et
f~rme , mais un sentier plus coftrt conduit à
tr avers tme prairie .converte d'une herbe courte'
.et parsemée çà et Ià de groupes d'aricaris et de
guriris. Ma tropa s'y égara; nous nous embar-
rassâmes au milieu d'une quantité de fossés ma-
récageux, de mares et de bourbiers; notre ba-
gage faillit à s'y enfoncer. Cependant nous en
sort!mes plus heureusement que nous n'avions
os~, l' esperer,
, et nous revmmes
A ' Ie ( Iong de1 Ia
côte, ou la mer brisait avec une violence extra-
ordinaire ; elle y avait jeté dans la matinée et
brisé une lancha sortie de Belmonte ; I'équi-
page avait ité sauvé. Enfm, apres une marche
tres - fatigant~ ei tres - pénihle' par r exce~ .de
a 7
gS VOYAGE
la chaÍeur , sur des sables arides et Úrúlans ,
nous avo:rís aperçti , 'le soir, à notre gráilde
joie , les cimes ondoyantes des bocàges de
palmiers , sous lesq11els est bâtie Villa dé Bel-
monte.
C'est une petite ville ehétive et en partie rui-
né~ ; elle fut fondee íi y a une soixantaine d' an-
nées par les lndiens, dont il n'y reste aujour-
d'hui qu'un petit noinbre. Là casa da cairlara,
·~onstruite en terre et eil bois ' était prête à
s'ácrouler entierement : il y manquait déjà 1m
rnur tout e11,t ier, de,- sói~e qúe l'intérieur était
coínpletement exposé aux regards. Cetté villa
form'e un carré comp.os'é d~une ·'soiximtáine de
maisons, êtrenferme envirori six cents hàbítaüs.
i: église est située à I'extrémit'é. Les ·h1aisons
sont des cábanes en terre, fort basses. Celle du
capitam mor est un peu plus con'sidérable ;
quant à célle de l'ouvidor, ou 1'ün in'âssigna
mon logement , elle ne valait g~1êre mieux que
les autres. L'aspect de toutes ces huttes, géné-
ralenlent couvértes en chaume, et celui · eles
- rues irrégulieres
r
et couvertes d'he1~i~• font res- ..
sembler la villa à ll11 de nos pfus l'iiéchans vil-
lages.Soi:t seul ornement consiSte dàns 'la <:{Uanti'té
de cocotiers qui, ·s ur cette :plaine sablónheuse , .
I
AU BRÉSI·L. 99
entourent de toutes :parts les habitatious ;. et par
)a réunieri. de leurs cimes o_ndoyantes forment
une espece de forêt. Ces arbres sont ici tres-
féconds ; on croit contribuer à les rendre~ tels
en perçant un trou dans leur tr·o nc ;- tJ.n plm au-
desslis de ter r e.
Tout pres de la villa, le Rio-Grar;tde de Bel-
inonte , fleuve con.sidérable, ·a .son embouchure
dans la mer, sous les 15• 4o 1 de láiitude aus-
trale ; íl a sa source dans· le's h:autes rrrontagn·és
de Mimas-Geraes :~ ·e t né prend le nom ·de Rio-
Grande ·p e Belmonte que dans Minas·N<:>'vas, à'u
poin.Hrul' Araçuahy et le .fiquitinhonha joignent
leurs eaux. C' est cette derniere . riviere qui
traverse le distriet de l'o r et des· diamans:
M. Mawe ·, dans la relation ·de sem. voyage que
j'ai déjà citée plusieurs fois ; a décrit les 'é:Xiptó'l-
tations ·qui ont lien sur ses hord·s.
Dan.s les temps des hautes eaux,le Rio-Grande
· de Belmonte est impétueux; son embouéhure
est toujouFs mauvaise et périlleuse par les nom-
h:r;eux banes de sable qui s'y trouvent. En· ce .
moment oi1 la mer était basse ; on les voyait
distinctement; ils sont dangereux mêm:e de mer
haute, et ont causé la perte·de plusieursÍarichas.
Belmonte possede à peu pres quàtre de ces
100 VOYAGE
hâtimens qui entretiennent un mince commerce
de fariáha , de coton , de riz et de .bois ave c
Bahia. L'exportation annuelle 'consiste en müle
) . .
alqueres de farinha, a:utant de riz, deux mille
alquet:es' de ma'is et.un peu d' eau-de-vie : ü n'y
a que deux moulins à sU:cre dans les environs.
-Un Ecossais qui habitait cette ville faisait 1m
· commerce de ·cotou assez consl.dérable ; mais
l'infidélité d'un capitaine de navirelui avait fait
per:dre ·à peu pres lá totalité d'unc cargaison.
. Cette pauvre villa vient d'obtenir quelques
av:antages par la route de communication que
l'on a . ouverte le 1ong du fleu~e avec Minas-
Novas, dans la capitainerie de, Minas,-Geraes ;
cependant les provisions y sont enco"re tres-ra- .
res. Nous n'aurions pu rien trouver à manger
pour notre argent si quelques habitans de notre
coU:naissance ne nous avaient procuré les choses
. dontnous avions besoin ..Les Mineiros apportent
néanmoins de temps en' temps dans·leurs canots
du ma'is, du lard, de la viande salée., de la
_poudrc à .tirer, du cotou et d'autres .objets, et
approvisionnent ainsi cette côte miSérable : une
. se c.onsomme sur les· 1·1eux, I'autre s' ex-
part1e
péqie à Porto-Seguro et à Bahia.
Les forêts traversées par le Rio -'G'rande · de
AU BRÉSIL. !OI
I'
VOYAGE
protéger cette cm~.munication contre :les sau_;
vages qui n'ont pas encore IJlOntré des disposi-
tions pacifiques, on a établi·six postes militaires
jusqu~àMinas, qui sont les quartels•dosArcos,do
Salto, do Estreito, da Vigia , de San-Miguel et ,
de Tuca'ihos .de Lo rena: Le premier porte Ór-,
dinairement le n~m_ de Caxoe'irinha ; il le tire
de petites 'cascades fo'rmées dans les, environs
par des rochers qui traversent le lit du fleuve.
'Cette naviga~ion procure quelquesmoyens d' e :Xis~
t;ence à Villa de Belínonte : ses habitans, qui sont
tous pêcheurs ' de rnême que la plupart des
campagnards de, ce royaume·, sont tres-habiles
,. à conduire une pirogue.
On voit encare à Belmonte une race pàrti-
culiere d'lndiens chrétiens et civilisés ; que I'on
nomme Meniens, et qui se donnent à eux-
mêmes le no~n de Camacan. Les restes de leur
langage, quoique extrêmement corram pu, an-
noncent le11r véritable origine, qu'ils connaisse:ri.t ·
bien. Ja<;lis ils habitaient plus haut le long du
Rio deBelmonte; lesPaulistes les enchasserent,
et en massacren~nt. un grand nombre. Ceux qui
échapperent se réfugierent vers le bas du fleuve;
et se fixerent à I'endroit ou est aujourd'hui la
villa. lls ont graduellement·abandonné .Jeur an· ·
'í
AU BRÉSIL Io5
' I
Ali BRÊSIL.
CHAPITRE :X:I.
•
~ÊJOUR SUR LE ~10-GR~NDE._ DE BJi:.LMO~'_ÇE ~,'!'
CHEZ LES BOTOCOUDYS.
.
ÁFIN de connahre les belles et ihtéressantes
solitudes arrosé€s par le Rio-Behnonte, je ré-.
solus de passer quelques mois dans les Sertoes ;
et même s'il était po~sible de remonter le flcuve
jusqu'à Minas. Je pris donc à la villa deux pi-
rogues; je les fis monter par cinq homines, et j'y
chargeai mes gens et mon bagage•· Le '1 7 aoút
. m'mb
1e e arqua1''Bla e mon t e avec Ia maree
' mon-
tante, e~ traversant un petit canallatéral, j'en-
trai dans le fleuve qui en~ cet endroit est tres-
large, et remp1i en pattie de banes de sable•
(corroas). ·
ll ressemhle beaucoup au. Rio-Doce, mais il
1-08 VOYAGE
n' est pas à beaucoup :pres si considérable; sa
largeur peut être de cinq ~ six cents pas. ·Des
forêts et des buissons, de grands · roseaux de
l'espece nommée uba ou cnnna brava, cou-
vrent ses hord~; et sont interrompus de temps
en temps par des fazendas et ·par des planta- ·
tions. Nous vimessurle bord desbancs de sabl~ ·
le bec-en-ciseaux (rynchops ni!Jra, L.), qui ·se
tenait inpnobile, et le grand carao ( numenius .
carauna, Latham. ), qui se promenait en regar-
. dant d'un air craintif auiour de lui. Cependánt
avec un peu de peine nous réusstmes à tuer un
de ces oiseaux circonspects.
Je m'arrêtai quelque temps à la fazenda d'I-
pibup, qui appartient aux héritiers du feu capi-
tam mor de Belmonte : je voulais y prendre
quelqnes .provisions dont 'j'avais besoin , e,t ·sur-
tout m'y pourvoir d'eau-de-vie ~ si nécessaire
contre la ·fievre: Cette fazenda possede le seul
moulin à sucre . qui se trouve le long du Rio-
Belmonte ; il n' a pas travaillé depuis. quelque
temps, mais il parait, commé on me l'a dii,
qu'il va être remis en activité. L'on y 'fabriquait
aussi du tafia ou eau-de-vie' commpne desucre
( agoa ardente de canna ).
·. Les deux rives du fleuve offrent ün tres-h~au
(
AU BRÉSIL. 109
/
AU. BRÉSIL.
monte n' étant.pas ·tres...favorable ·à la nâVÍgatión,
on a for.mé le plan de rén:dre ce canal de com~
municlJ.tion; Ol!lvigable pour les pirogues ·en le
débarrassant; des obstacles qui s'y · tremvent, et
notarrune~t de.s trones. d~arbres qui l'encom-
hrent. Qn di:t, que dans la saison seche ee canal
est tres-has, et qu'au e0n11raife dans la saison des
pluies il est u:es..,.ptafo;nd. ·
Les «ria des araras , que nous entendions
sortir des forêts voisine&-, nous insp~e.rent na-
turelle:went le; désir el"aller à la chasse de :ces
. oiseaux; naus mimes dane qitelques chasseurs à
têrre, et cette fois naus eiunes à -naus féliciter
de notre<tentative. Un chasseur se glissa pres de
ees beal;lX perraquets, et d'un coup qui retentii
al;lloin en abattit deux. Nous fumes surpris ezi
<;e lieu. par une troupe de petits sahuis (jacchus
pen.icillatus, Geaffioy), ~ais alissi agiles que
les écureuili ; .ils grimperent aux- cimes des ar-
bres, ei s'enfuirent trap vite paur qu'on put les
vise r. Cette petite espece de singe est tres-cam-
mune dans les · farêts du Brésil : une autre ,
be.a ucaup plus cannue, est le simia jacchus de
Linné , que I'an trauve un p8u plus au nard ,
dans le voisinage de Bahia.
· Le~ magnifiques araras ·et les aytres heaux
u6
p~rroquits qui ·s'en' approchent' font i'ornem,ent
de c~s forêts sombres, dont: les itrbtes sont
si variés. Une volée d'une '·vmgtaine, comme
nous en · avo~s aperçu 'dans eet 'e ndroit, · per- ·
chée sur un arbre d'im vert btillant, et éclairée .
. " . I
~-------· · -----
AU BRÉSIL. J21
AU BRÊSIL. a5 ' l
ne pas troublér iá borme i~t~lligence. Entre l'Ue ·.
et la rive septentriOI~ale le fleu~e a peu d~ lar~
geur; il n'avait·pas en ce moment assez de prÓ-
fo:ri'déur' p~ur qu' on ne pút pas le passe r à ·gué :
il est plus l~rge de fautre cô'té le lorig de la rive
mé~d.ionale·: M. F arya, ecclésiastique de Minas,
y ~ ré~eminent ét~bli ' . vis-à-vi~ de l'tle ; des
plàntations assez ~onsidÚables de mais , de ma-
nioc , de · ~iz, de .c oton, etc: Son habitation est
coinpléteuient isolé~ ; la route de Minas passe
to:ut auprck
I . .
·
Le destacamento dos Arcos f ut occupé par un
a1feres ou énseigne et virigt soldats ; mais la dé-
., sertion a gradueUement réduit ce n~mbre à dix,
la phipart ·hommes de couleur, indiens ou mu-
lâtres. lls'menent une vie misérable; leur solde
est muice-; ils sont obligés de travailler eux-mê-
m~s à se procurer leur nouhiture ·, qui consiste:
en haricots, farinha et viande salée. La provision
de ce 'qu~rtel en poudre et en bailes va rare-;-
m~rit à une livre;; les armes sont vieilles, il n'y
en' a qu'un petit nombre en état de serv,ir ; ~ri
cas· d'attaq1-1e, la garnison serait fortembarrasée.
Ces soldats so'nt ~ussi ~hargés de transporter
sur le fÍeuve' soit ~n montant' soit en descen-
dant, les voy~geurs et leur bagage; par consé-
u6 •VOYAGE
quent ils sont tres-expérimentés dans cette. na-
vigation , ~t quelques~uns peuvent passer pour
d'excellens conduct~urs de pirogues.
L'alferes, qui . était parti •peu de temps
avant notre arrivée, avait laissé le commande-
ment pendant son ahsence à un sous-offiçier.
Celui-ci ayant infligé une punition à un Boto-
coudy qui avait commis un exces' tous les mem-
bres de la tribu du coupable , qui résidaient or-
dinairement ici en grandnombre, se trouverent
offensés , et se retirerent dans les forêts. L'offi-
cier, voyant à son retour le quartel entierement
abandoriné par les · Botocoudys , et apprénarit
la cause de.leur départ, leur envoya un jeune
homme de sa suite nommé Francisco, qui était
de leur tribu, pour les engager à revenir.
Les Botocoudys qui demeurent ordinaire-
ment dans le voisinage du <p.1arlel composent
quatre troupes dont chacune a son -chef parti-
culier, auquel les Portugais donneht le titre de
capitam. On savaitque le capitam June, nommé
K ere_ngnatnouck parmi 1es sauvages, était ave c
sa bande à trois journ~es de route plus haut ,
pres du Salto; mais on ignorait dans quelle partie
des forêts les trois autres s'étaient retirés. La
rniSSIOll .;!e Francisco ne produisit pas tout de
AU BRÉSIL. 127
(1) Les n onvelles que j'ai ensu ite r eçu es du Brt!sil ' p1r
}il._p;l-ey'ress m'ontprouvé gue les craintes que j'avais oonçu,es
' .
AU BRÉSIL.
plan à un temps plus favorable. J'avais à peine
faitquelques pas que le chef de la troupé, lê ca-
pitani Juné, homme âgé, d'un extérleur fa-
rouche, mais . d'un h on caractere,
' s'avança tout·
à coup vers moi, et nous salua de la même ma-
niere que s~s compatrioles. L'aspect de ce sau-
vage éta~t encore plus extraordinaire que le leur.
Les plaques qu'il portait aux oreilles et à la
bouche avaient quatre pouces quatre lignes de
diametre. Il était de même robuste et muscu-
leux, mais l'âge lui àvait déjà imprimé des rides.
Ayant laissé sa feriúne en arriere, il portait sur
le dos deux sacs pleins et fort lourds, et un gros
paquét de fleches e~ de roseaux. ll avait de la
peine à respirer sous ce fardeati , et en outré
courait av~c vitesse' le corps courb~ en avant. 1l
comll).ença, de même que ses compatriotes; par
ine de1nander si ses camarades étaient revenus
de Rio de Janeiro : quand je lui eus répondu·af-
firmativement, toute sa figure exprinía lá- joie la
plus vive . .
l'
VOYAGE
. Etant peu detemps apres revenu au quartel,
j'y trouvaí Úl} grand nombr~ de Botocoudys
couchés sans gêne . dans toutes les chambres de
la maíson. Quelques-tms , assís pres du féu ,
'•
fais~ient griller des papayes; d'autres rnangeaient
de la farinha que le commandant du poste leur
avait donnée, et plusieurs étaient occupés à re-
garder avec. étonnement mes gens, dont la figure
leur paraissait étrange. Ils ne revenaient pas dé
leur voir la peau blanche , les yeux bleus ei
les cheveux blonds. lls fureterent dans tous
les coins de la maison pour chercher .des
vivres; ieur áppétit était toujours tres-vif; ils
grimperent à tous · les pap!fyers, et des que la
couleur verte d\m fruit annoncait , un com-
m~ncement de maturité ., ils le cueillaient; ils
en mangerent plusieurs qui n' étaient pas murs '
apres les avoir rôtis sur des charhons ou faít
houillir.
)
Je commençai aussitôt un ·commerce d'é-
change avec ces sauvages, et je leur donnai des
couteaux, des ni ouchoirs rouges , de la verro-
terie et d'autres bagatelles pour des armes, des
sacs et d'autres ustensiles. Ils préféraient les ou-
tils de· fer ; De m~me que tous les Taponyas de
la côte oríen,tale, ils attacherent tout de ·suíte à
'
!
r36 'VOYAGE
d'agilité à tous les _exercices du cor.ps. Mes chas-
seurs accompagnerent d'l\bord les Botocoudys,
mais bientôt 'ls se plaignirent de leur trop
grande célérité à la course, et les laisserent aller
- seuls.
La chasse nous occupait tousles jours dans les
environs du quartel. Ordinairemept les araras
se montrent peudansce canton quand ils voient
les sauvages , parce que ceux-ci les inquietent
toujours. Ils étaient revenus pendant l' absenc~
des Botocoudys; bientôt ils trouverent qu'avec
nos armes ele chasse nous etions des enp.emis
non moins formidables. Nous en tuâmes beau-
coup_, ce qui nous fit un double-plaisir, car tout
I~ voismage était absolument dépourvu d'aut~e
, gibier, -et les vivres que l'onnous fournissait du
quartel étaie~t souvent Ú1es1_1rés avec tapt de par-
~imonie que nouS souffrions presque de la faim.
On continuaaussi à pêcher. Peu de temps apres
notre arrivéeGn prit plusieurs espadartas OU pois-
sons scie (pristis serra) dontl;;t chair nous parut
de tres-bon gout. On n'attrape ici au filet qu'un
seul poisson; le crumatan ; mais on en prend
plusieurs à l'hameçon , tels que le ,r obal , le pia-
banha, Je .pia ce, le jundiah (silurus), le cassao
(sq ualus)., l' espadarta ; le çucurupara (sq ualu s),
AU BRÉSIL.
-le curubi, le camurupi et d'autres. Le cru-
matam est un poisson mou et rempli d'arêtes;
les sauvages le tuent à coups de fleches.
Les principaux ustensiiés de pêche e,mployés.
- ·s ur le Rio-Belmonte sont, indépendimunent
du camboa ou du coral, le taraffa , grand . filet
· rond que l'on jette comme l'épervier, et plu-
siei'lrs petits paniers, tels qne le paca, fait de brins
. de bois fendu ou de. roseaux tressés ; il est un
peu plat et recourbé , avec une ouverture dàns
la partie concave et intérieure ; le jiquia ; long
panier conique fait de ~armens de cipo fendus,
et tenus intérieurement à distance l'unde l'autre
par des cerdes de la même plante; le musuà ,
semblable aux précédens, mais: de fopme ·c ylin-
drique , pourvu d'tme · entrée aux deux extnf-
mités, et· fait .de mo·rceaux minces de canna
br-ava. Les ouvertures de tous ces pímiers , sur-
:tüut celles des deux extrémités du dhnier, sont
- garnies de pe~ites bague tes pointues , disposées
en cône et dirig€es vers l'intérieur, de manie1~e
que le poisson peut entrer, mais qt\'il_lui est im-
possible de sor.tir. On prend_principalement dans
ces corbeilles le camarao, grosse éc revisse orange-
brun<hre et rayée de noir, que nous avons aussi
trouvée dans de petits .IUÍsseaux de l'intérieur
r38 VOYAGE
eles forêts. On .d onne à ces ustensiles quatre à
I
'·
AU BRÉSIL.
qui remplissent les forêts donf il est entouré ·,
je .!De mis en route pour le quartel d~ Salto :1
é1oigné de celui dos Arcos d'une dolizaine de
lieués par terre :1 mais de trais jour,nées de route
par eau : quatre hommes dans une pirogue char-
gée peu pesamment sont obligés ·de prertdre
beaucoup de peme pour effectuer le voyagc
dans ce délai. Mon canot, qui était assez léger,
avait pour çonducteurs quatre nillriniers ou
canoeJros :J qui connaissaient parfaitement le
· ,fleuve : je partis du quartel à' midi, et je n'dlai
dans cette journée ·qu'au-delà du Cacqoeirinha
ou de la partie mférieure du fleuve. Je franGhis
]a cataracte. ·Les banes de rochers qui resse.rrent
]e Rio - Belmonte remplissent son lit ; à dix
minutes de distance , il tombe en écuma~ar..
dessl,ls cet obstacle :J qui gê:ne beaucoup la
navigation ,' quand on descend le fleuve ,- les
roçhers saillans et les canaux sinueux qui les
séparent rendent le passage dangereux pour les
pirogues à cause de l'impétuosité de la chute
de l'eau. Avant d'arriver auCachoé'irinha, nous
nous so;mmes arretes • , < •
a sa nve men' 'd'tonale, afi n
AU BRÉSlL.
l'oéhers (1). Dans le sertam de .Bahia . on le
·n omme gibao d'e couro ou jaquette de cuit·. Il
se trouve dans Minas et même sur la côte orien-
tale, mais plus rarement, et se . tient ·surtout
dans les tas de pi~rres, Ó~ sur les toits .des mai-
sons. -On le voit souvent dans les rochers du '
Belmonte, perché sur la poiilte d~ blocs, voler
apres les i1isectes, en s'élevant directement en
I'air , puis revenir à sa place.
T outes les plantes que j' avais récemment trou·
vées danseet endroit tleurissa~ent actueUement,
de même que plusieurs especes de hignonias ,
tlont les fleurs roses ou violettes paraissent avant
les feuilles, mais malheureusement passent et
tombent trop vite.
Quand mes canoeiros eurent franchi les cata·
:ract~s ~u Cachoelrinha, Ie jour touchait à sa fin:
En c~nséquence nous pdmes le 'parti de passer
la nuit sur un bane de sable pres du rivage, au•
,·
)
t54 ·· VOYAGE:
-yiolettes, blanches· et jaunes. Dans cette sa.isÔil
il serait presque impossible à un peintre de pay-
sage de représenter fidelemenda diversité et ·le
mélange .des couleurs des cimes gigantesques
de ces forêts antiques, et quand même il y ré~s
sirait·; quiconque n'a pas vu les contrées équa-
toriales , regarderait son tableau coÍnme une
.pure fantaisie de son imagination. ' '
Nous avons eúcore été obligég,d'employer les
moyens pénibles décrits plus haut pour nous tirei· .
du milieu des rochers, et traversee les courans:
souvent les hommes qni tiraient la pirogue tom~
baient dans l'eau j usqn' au cou, mais"sans làiss.ee
échapper la corde qu'ils tenaient à la main. ·
La chaleur était forte, des nuées de mohs-'
tiques:'nous tourmentaietit :j on d~t qu'elles· sorit
encore plus insupportables à I'époque des hautes
eaux·. Le sóir du seconcl jour ·nons avons encóre
nllumé·le feu sur un bane de S(lble~ la lune nou§
éclairait, et nous annonçait dn bean temps pour
le lendeniain. Le matin toute la vallee du Bel~
monte fut v9ilée d'un brouillard épais, mais ilne
tarda pas à·tombee; le ciel s'étant éclairci,_nóus
-.imes . une troupe nombr€1use de grosses hiron--
delles ,de la ·famille eles cypselus; 'c'étaifune
nouvelle espece, clont le plumage noir ele suie
/.-- -
AU BRÉSIL.
·n' avait rien ·de . reinarqu~ble :·leu r v0l extrême-
ment précipité nous empêchà d' en tuer aucune. __./
· En continuant notre navig~tion nous avons
passé de.vant de· _ gr~ndes masses ·de. rochcrs,
. .·. .. ;. , ' . ,
pms nous sommes arnves a une cataracte tr~s-
forte; nous l'avons franchie. de même que les
autres #i l'aide du régeira, sa~s décharger not~e
canot: Nous ~võiis ensu~te atteint un lieu ou le
fleuve c"ouie as;éz également et 1~' a pas beaucoup ·
de cot;trant. A la rive septentrionale ~n ~-ocher
s'éleve 'en saillie au.:...dessus du fleuve, et offre à
sa base l.me espece .de cave:rne. Ce lieu porte fe
nom de 'Lapa dos ininei'ros ({votte des mineurs),
mais ce n'est qu'ún recoin formé par la sai).lie
des rochers et couvert , 6u les voyageurs ont
coutume de passer la 'nuit quand elle les sur..:..
prend dans ce canton , parce· que le feu qu'ils
allument ·est parfaiteni~t à l'abri du vent et de
la pluie. ·
Derriere cet endroit les montagnes qui ren-
ferment la riviere se resserrent; ses bords sont
couverts ·de gros blocs de rochers ; nous avons
fait halte un instant sur les bords d'un corrego
ou petit ruisseau. Mes canoeiros desc~ndirent à
terr e póur :chercher des pierres à aiguiser; tous .
les cailloux róulés ·de ce petit courant d'eau
I 56 VOYAGE.
offraient les différentes especes de roches de
Min~s, m.êlées ·à béaucoup de niica. Mes gens,
parmi lesquels il y·avait un mineur expérimenté,
prétendaien t que souvent l'on trouvait íci de l'or,
et que, d' apres l'aspect des caillop.x, ori pouvait
juger avec certitude de la présence dl.l métal. Le
lit de ce tonent bruyimt, ·qui trayerse 4es çan-
.tons absolument inhabités par les hommes, nous,
a offert des vestiges de tapirs et de pécaris, pai-
sibles habitans de ces solitudes, Le cOJ·rego leur
fournit, même dans la saison des pluies , de
l'eau claire et limpide , et le desert qui les en-
toure leq.r assure une retrai te commode et sure.
Nous avons encore· franchi plusieurs petites
cataractes, ou nous avons eu beaucoup de peine
~ faire avancer notre piFogue à cause du peu
de profondeur de l'eau. Le soir nous avons
campé sur une plage sablqnneuse le long du ri-
vage entre des rochers , dans un endroii oú le
fleuve est tres-resserré. Deux çougouars avaient
récemmeut rôdé dans les environs; ltmrs traces .
étaient encore fra!chet> ;_nous étions occupés à'
]es examiner lorsquc notre a\tention fut attirée
par une t:ompagnie de loutres qui descendaient
le fleuve en prenant du poisson. Elles levaient
assez souvent leurs têtes au-dessus de l;eau, et
' \
AU BRÉSIL.
l'eniflaient fortement. Malheureusement elles
étaient trop éloignées pour qu'nn coup de fusil.
pút les atteindre. Cet animal dévore dans les ri-'
vieres une grande quantité de poissons, doat o11
t'rouve les restes surles rochers; j'y rencontrai
souvent la tête et les arêtes du cou d'une es-
pece de silure jaune brun, à taches _noites et
r.ondes (1): ces,partie1ldu:res semblent répugnet
à la loiltre, qui les laisse de côtê. ·
. .
Plusieurs autres animaux se montrerent
.
aussi
.
dans le voisinage de notre campement ; les ara~
ras se faisaient entendre dans le haut des forêts,
et de grosses chauve-souris volaient au...:dessus
de nos .têtes lotsque le jour coinmenç~it -~
baisser. Apres que la tmit eutéten~ht ses dmh~es·
sur tout le pays, nos oreille,s furent frappées de
voix singulieres et inconnues de chouettes · et
d'engoulevens.
Le lenden1ain matin un .broU:illard épais en~
veloppait encore tout le voisinage; il n'était pas
ft·oid ; mais. il était fort htunide
. : bientôt la cha-
leur du soleil du tropique le dissipa'· et nous
. ·voYAGÉ
resiée, lorsque Ie reste de la camp~gnie partit .
paur le Cachoe1rinpa. Indépendamment de «étte
femnle extrêmemen't .laide., ii:y en av:ait d'au:_
•
tres tres7bieri faites .: l,a, plup.art é.taient pem·t~p
à Ieur maniere. Les.unes avaient láissé au carps
Sa cau}~UI; natur~llf, ; }çur vi.s~ge sew, dçptÜS
._,
Atr BRÉSIL. t63
r-'
n'lens du desbcament; à commence~ de ce lieu
elle est prati~able' et tres-bonQ.e de ce côié; tan-
dis . · · à Belmop.Íe l'ori ne pe~t enc~~e en
"'""''"'"'" ~insi . que je l'ai ohiervé p,l~s haut. .
, ·jours· auparav~nt une tropa de mu- .
lé~ chargé~ ·de ' coten~ était ,ill'rivée d~ Minas-
NéJvas ; elle ·-avait prig en retour d.u. sei; denrée
qUi rhanqué:da~Jés pays haó.r-s. Des .mineiro!?-, ~
que -u~-· comniercé avait' appelé~ en ce Úeu', s_e .
.-.- plaignaient ·.heau'co:ttp de . l'a'Hanâon. áuquel on
livrait, dap.s la p~rtie inférieure· du cours du
fl~uve ·, .ce\te1 róü.te si : vante~. Q~arid iÍs-la p;r-
cour~nt, ~s ~onne,:rit:~o~ Ies }~~s à ~~~rs ~~
l~):s un mélange d líüil:e et · de ·pcj5 udre a t1rer ;
il,s disent que c'est un-excellent pikervatif contre·
les mauvaiS effetS d~s pâti.ú·~ges mill'aisa~ qne' .
ron -rencóntré en quel«[ues éndroits : on 'a aussi .
ce
dans cas l'us~ge_ Jde leur domier un peu de
sei: Si cette route était 'réellement aussi bonne
qu'on ·l'a dépeinte, il- s'·étahlirait· en peú . de
temps un colhmerce considérable avec lV.P.n,a~ ,,
pa~ce que· le transport des inarchandises· .par
eau, dépu~s Salw est <acco~1pag~é· de h~~U,c0up
de: difficúhés·, et que ; de· plus , ort n~-' peut les.
amener' qu'avec des peines exir~ordió:aires du
lieu de déoarquement au quartel: U serait fort
).
I
I
VOYAGE :
aisé d' établir au }uoins ·t,m chemj.n praticable ·
p~m l_es yoitt~re~. dep~s Salt~ j~squ'au li$u - d~.
débarqueme_nt, ·et l'oh chargerait les m~rchan- ,
. t •
I
AU BRÉSIL. 165
.
\
166 VOY-'}GE
. levre inférieure avait non-seulement déracine
, les dents de la rna~bqire d'en bas; elle avait aussi,
. dans ce . crâne . d'un: homrne encore )eune,
.comprimé e~ .oblitéré entieremend.es alvéoles,
.ce qui n'a ordii1a~rement lieu que chez ,les
individus tres-âg.és. Azara dit, dans son Foyage
de f4m.eriqlil~ meridirmale, q~e ~es os des In·
di~ns ~e co~v.ertissent plus proinptementen terre
que cep.x des·Européens(I). Cette" as~ertion ne
.s'ac·corde pas a:vec le pa~sage d'Oviedo rapp()rté
~ par, Soutbey. (2.), suivant lequel les épées .des
.Espagnols ne po~vaient pas entamer les crfules
des lndiens parce qtiils ét&ient trop durs : peut·
être . ces deux opinions sont-·elJes égalém(mt
.mal fopd~es: .
Malgré mes précau\ions ·p our tenir secrete la
fouille,du tombeau, le hruit ne tarda .p~s à s'en
, r.épan~r_e áu qnartel, et·exci1a une grande ru-
meur parmi les sa~vages; poussés par la curio....:.
.sité ~êlée à une horreur secrete,. plusieurs vin-
rent à I~ porte de mon loge,m ent, et demande- _
rent à voir .la têie; je I'avais cachée dans mon
~offre,·et je cherchais à I'envoyer le.plus tôt pos---
"
AU BRÉSIL.
sible à Villa de BehiJ,Onte. Cepend.a nt, eo~e
j~ l'ohseryai. en cette occasion, les Botócçmdy~
ae I;QOnt~erent tnoin·s licandalisés de mon entre-
prue que· nefavaient été les soldatsdu·quartel,
car quelques-uns de ceux~ci a'Vai(:Jnt re,fo.Sé de
m' a~d~r à fouill~r- le tómheau.
A yant te.rmipé 1but ce que } avais à faire dans.
cet endroit i:ntéres~ant ,_ je retõ.urnai au -port ,.
et je m'y emha~qtiai. . .La nav.igation . en desceu.·
dant le fleuve est tres_.promptê. Qn ~rrive en
rm jour à, l'lle Cachoe·irinha; nous francMmes.
la catar~_cte·de ce nom sans être obligés de chàn-
ger. la pirogue' et saJis· éprouver de grands ob-
SiaÇles. La pirogue, qui était tres-grande, em-
:barqua cepe dant bea11:coup d'eau , lorsqu'en
descendant .du haut des .rochers son avimt
plongea dans les vagues agitées par leur ehute.
Nous fumes tons mouillés , et im • petit Boto-
coucly que· .j'avais pris avec moi ; fut si alarmé
q':l'il versa des- torrens de ·Iarmes. L:.t pirogue
glis~a non moins ·heureusenient sur t~utes. ]'cs.
cataraetes.
. ' /
. Dans lcs .environs. du Lópa dos Mineiros,,,
nous vimes à la ,riv~méridionale d~s Botocoudys
oecupés à tuer des poissons. à coups de fleches • .
Celui qui était lc plus pres de nous. tit< aussitôt;
•.
VOYAGE
signe ave·c la main de l'aller chercher et de .h~i
dónner à mãnger. V oulant ·r examiner de plus.
pres; eÍ échanger avec lui se~· armes", je fis·
naviguer de son côté; mais poussé par son' ap-
pétit Ü' ' n'attendit pas J;J.Otre arrivée ; il se pré-
cipita dans. la riviére jusqu'a:u cou, et arriva
moitié nageant , moi ti é passadt 'à gué, ·e t tenant
ses armes en l'a.ir, jusqu'à un rocher situéassez,
'> avant dans le fleuve ou il s'arrêta, et nou~ donua
des marques d'un~ impatience excessive. ·En
approehant nous vimes que c'était un homrne
grand et robuste , do1;1t tous les gestes annon-
çaient la plus grande rudesse . . ll ()u:vrait une~
bouche énorme, hurlant ces mots :. nuncut ( à
manger)' on lui jeta quelques r i gnées de-fa-
rinha dans le gosier; p~ndant qu'ü. les àvalait..
avec une avidité extrême, un de nos ·gens-·qui
parlait un peu la langt;e de' ces sauvages sauta
s~r le rocher , prit les anpes du Botocoudy et
les apporta dans la pirogue par m'~sure de su-
nhé, nous disant.que cet hmnme était si farou-.
che ,~ qu'il fall~it se -défier de. lui; en même
temps il ficha un couteau dans la pointe de s.on
aviron, et le tendÚ au sauvage qni pamt con--
tent de cet ·é.change ; puis·nous no~s laissâme~
-alie r ~u.. coura.nt de 1'eau.
AtJ. ;BRÉS1L.
Le Botocoudy:, dont.la .faimn'éLait pas enccire ·
apaisée, ne perdait pas l'espoir de rejoindre de•
nouvemi notre· pirogU.e ·,-·il. courut long~témps
apres nous le_ \ong du :rivage en•c:riant , · 's;mta'
ele · rocher err rocher , nagea; marcha dans·
'l'eau; enfin voyant que naus· étions trop · éloi-
gnés pour. qu'il put rit>us. rattrapper , il se re-'
to urna ele mauvaise hurneur, · et rentra··dan's .la·
forêt.
• · Un peu plus loin naus re~contr.imes ,? 'eux'
aut~es :sauvages qui naus ·parle~·ént et nous d.é-·
manderént aussi à manger; mais ri'ayánt pas
de temps à perdre' naus ne ;voullúnes pas ilülis
a'rrêter pout faire la conversation avec eux. Le·
sair notre pirogue, en descendant l~ Cachoei..:
rinha, toucha contre les· roch'ers·, · et y rest'a
s·oudaineine'rit fixée. J'en éúis sorti un peu
auparavant et je gravissais à pied les rocht\rs le,
long de la · rive, parce que ne sachant pas n;a -
gei' je nevoulais pas m'exposer au danger d'ur(
I , . '
bam· désagréable. Je me félicitai clone de iie
.. .I
contempler que de l0111 · le choc qm re_nver·sa·
tout mon m(:H1de dans 1a · pirogue ;· l'éatt y· était
·e ntrée, ede petit Botocblllly ayait I'ecóm:rilenc'ê
., à pleúrer à chaudes larmes ; êet acciclent n'etÍt
. pas de suit:es fâcheuses, et ·avànt le ·couché!· du
17o VOYAG:t
soleil no:us, arrivâmes heure~ement au quartel
dos Arcos.
J'y trouvai .u n de mes_gens.Jl.l;alade de la fie-
vre, ce qui m'.obligea .d 'y rest~r quelques. jours.
Je lui domiai.de bon quinquina, il fut bien
vite gu~ri. : Ensuite, accompagné de quelques ·
cha.sseurs ,je ~e rendis .à !'ilha do Chave, si-
tüée à plusieurs legoas plus bas., et ou, cl.'apres
ce que I'o:o, nous avait dit, nous espérions ttou-
v~n~ beaucoup de kamichis. En ·route nous avons
tué quelques araras. Le rivage ,était or.né d'qn,
. ~ . .
grand no~bre d .arhnsseaux en fleun; on re-
marquait .surtout, dans les parties touffues ·dela
:forêt, le je1;1ne ·feuillage couleur ·de rose du
quatelé , et le petrrea · volubilis avec ~es lon-
gues· grappes de fleurs azurées. '
. Nous sommes arrivés fort tard, et1 par une
pluie tres-fo~te, à file qui était le but de notre
excursion. A I'entr~e -de la nQit, la pluie diminua
un peu~, mais il .n'y avait pas àcoinpter sur un
gite se~ et trànquille.· ComplétellJ,ént mouillés,
nQus.nous sommes réfugjés dàns de vieillesc~
hanes de pêcheurs · dépouillées depuis long-
tempsdes feuilles qui les couvràient.Nous avons
cherché avec des couvertures et des ·cuir.s de
breufs, à nous mettreU'abri dela pluie, etnous
AU BRÉSIL• .
avqns allumé du feu pour .nous chauffer et nous
sécher; mais comme elle ne cessait pas de tom-
. ber, .nqus a~mns eu beaucoap de peine à: Je ;.te-
··· nir allumé ; ·n0us ~ttendions avec impaflience)a
. fm _de la nuit qui nous par.at bien .longue.
Le lendemain matin j'envoyai tout d~ suite
- une pirogU.e avec des hommes à la forêt pour y
·· c'ouper du bois à br.Uler, .et y i'am~~r ·des
• feuilles de palmier, des perches et des lianes afin
de constr.uire sur-..:Ie-charnp une grande cabane.
Le temps fut un peu plus beau; cependant: ·des
oridées fréquentes interrompl.r~nt notre travail,
qui ne p~t être achevé que le .lendemain.·
J'~tais dans cette tle avec quatre de mes gens
. et UI!- Botocoudy.nomm6 Aho, qu~ m'avai a-c-
·compagné pourchasser.De1:1x-hemmes restaient
.toujours à la cabane pour faireJa garde et vei1-
ler à.)a c~ine , les autres a1laient ~n pirogue à
la forêt pourchasser ..
Un jour le bateau venait d~ partir pou11 un~
. de ces _excursions, lorsque j'entendis .deux coups
. de fusil et en même temps je vis .revenír mes ,
chasseurs. Ils avaientvu sortir. de I'caules qu.atre
.pattes d'"tll <\nimal qu'ils prirent pour un pé-
c~u;i .mor.t ; niai.s en approchant, ils aperçurent
uil s.erpent colossal q.ui avait entouré un cahiai
t']'3 VOYAGE
de ses replis et l'avait tué. Ils 'tirerent atissitôt
deux coups de fusil au reptile , _et leBotocoudy
, lui clécocha une fleche au ventre. Ce ne fut
. qu'alo'rs qu'il· quitta sa proie, et malgré ses bles-
sures s'enfuit avec vitesse, comme. s'il ne Íui
, était rien aúivé. Mes gens tirerent de I' eau le
cabiaiqui 'étaitencore tout frais et viÍlreritm'an-
. noncer cette nouvelle. Gomme il était extrême:_
ment important pour moi d'avoir ce serpent
remarquable , je renvoyai aussitôt les chasseurs
pour. le chercher; toutes leurs peines furent
inutiles. Le g.ros plomb avait p~rdusa force dans
I'eau; !la fleche
.
fut trouvée hrisée sur le ri vage
ou le serpent s'en était débarrassé par.Ie frotte-
. J1?: nt de son corps contre la_terre. Ses blessu:.. ·
r~s étant peu dangereuses , il s'était · prompte-
ment éloigné à une distance si considérabl~ '
qu'à mon grand chagrin il fut impossible de
Ie retrouver.
Ce reptile, que l' onnpmme suczÚ·iuba sur le
Rio Belmonte, et sucuriu à Minas-G'eraes, .e st
·le plus gra~1d se1·pent du Brésil, du moins· dans
-les cantons dont je viens de parler. Les natura-
listes qui l' ont décrit ·ont coinmis des erFeurs ,
et l'ont confondu avec 'd'autres. Daudin llli a
donné le nom de qoa anac,ondo. Il est répandl!t
AU BRÉSIL
d:ms touté l'Amerique méridiónale~ et parvient
au-x; dimensions énormes , de, toutes les especes .
de ce genr~ dans c~tte partie du monde. Toutes
Jles dénominations qt~i ont rapport au sejour des
boas dans 1'eau s'appliquent à ce s'erpent ; c~r
les autres especes du genre ne vivent que sur ·
terre. Le sucuriu ou sucuriuba au contraíre cst ·
constainment.dans l'eau, et paP conséquent un
amphibie dans tou.te l'acception du mot. Il n'a ·
pas des couleurs hrillan.tes; sop. dos est d'un ;
olive noirAtre foncé , traverse.dans toute sa lon-
gueur par deux lignes de taches noire~, ro~de-s,
disposées par paives d'une maniere asséz ré-
guliere ..Dansles lieux solitaires que l'ho~me ne.
é
fréquente pa!l ' il parvient à une longueur ae
vingt à ·trente· pieds , et même plus. Da.udin,
dans son histoire naturelle des:reptiles, regarde ~
comrríí:l habitant l'Afrique ·Ie serpent qu'il
nomi'Il:ê le :vérii~ble boa ceÍzslriétor; Mafs -cette :
espece, si elle appattient aussi. à. l'Afrique , S!;
trouyç_partout auBrésil; .elle y est leboa: le plus.
~ommun et connu par~ttt sÇ~us le nQm de R-
boya .
. · L e Belmeínte est le plus mérl(l.iónal des fleuves
• J. ' •
de la éôte orienta\e . d~ns lequel_9n ~t:ouve d~s.
spc)I~iuba~; plus_ ~u nord on }~- .réncontre ·pax:- -
1~4 .
tou~.- On a Jdonné des descripiions fabulehse-s
des moours ·de ce reptile colossal •; et dans lés ;
oavtages modemes on a copié ce qlie l,es' an:.. .
ciens-, etr av:aient dit;· ce que l'on raco:itte' de
sGnsonu~:u~ü p.enda)lt l'hbver n'est pa&._assez po-
si.~~f~ n p.aratt. c·e pendant certain que dans la sai-"
s@n de ·b -;séqheresse ü . reste.e:ngourdi dans les;
flaqJI~s-~récageuses des llanos (1); mais cet·
en:gollll',dis.sementn'a p.as lleu · a.u D'ü ~res · ou ' les·
vallé:es -boisécs sent tÇ>uj~Hírs abend.antes en eau; ·
et ou ces. serp~ns ' vi:yent non :dans des marais ;
mais1 dans de-vastes lacs-, de& ra>Vines) ~es rivie..
res-, qes ruisseaux: ~oujour.s Jru,Inides, dônt les:
hp:vds sont-inces~~P.lllen~ ~afJJ~éhis par·I'onilire
, .
epaiSse- des-.•qrets
~ • -ant1ques
. •..
:be:-joür .d e · la cha'SSJ! malencontrel1Se au ser-
pénv, , mes· g~nsv ;:~.yaient' tué plusieurs oiseaur
iht_éressans: ; •, «ilfltli~ aJi1tres U.n petit ài:gle : ·brun~'
noir;ttre n,on· ~nc~r.e dé~~it' ,; qui; à·.ime. ai:grette ·
d!lrrierela.~êtt; (~) L~e.s arara~,, · e~·uriJ,grand· h oco:
. . .
~u(se recóuvrent·l'utie l'alÚre; e't'cache~lt-la· coul~tir blánche;
le r~st~ du pltllna'ge·brÜil-noÚ' '; grlmdes plumes·dés Çou'vei-
tures d~ Yiiile ruarqnées de blanc1; plumes re'ctrice~ •tràyéi's~Íes
de quelques, bandés g:is-btull '':már,b!ées-:e~ foncées; c,~.n~11e
l~rge !lt forte , traversée de b~nd~' b!anc},I.Ã.tres .marbrée~. en
gr{s~b~un; plÚÍne.s des cuisses. d_~~sou~ ~u corps' et derriere
d'un !Jrun-noir anc de's lignes'tralÍ$vefs~Ie:l'blibléJíeà; étrOitea;
piéda ;pluméa juallu.'au.s.e rra,
pbur ~mpêcher ces -~nimáux d'e ·gagiu·r· l~ur re~
pa-ire; .Cétte· 1nanreu'vre eut -tm p'lein sricées; ces
tapir~' vóya;lt que la retr~itê.leur éÍait coap'ée;
se· jetermit' à l'eau êt chertli~rent ~ ·âtt~indte'·iíi .
, •·
y
rtve .oppósé~~ ·mais notre pirogue ,lês p~é~int:
i
Un . des deux arriva sur Hlé en revênant, et
aurãit été blessé d~une 1 fleche ;àú côté pát un·de
riles Botocôudys: · sila cm•de de l?ai·c de -êelui-ci
.ti~ 's\ê~Ít' pas ~ éassée- , ee qtiiide'Ffna au·;ta.piHe
térnps
. -de : -sé ·sauvéFi•
'
-L'autre · 1•écut. plusieurs
,) ~
/
\
, AU BRÉSIL. 1 77
pourtant qu"av_eç de ladragée ~t non avec eles
bailes; ,mais ils se servent toujours d.e.lçmgs fu- '
sil.s .auxquels il~ mettent une charg~ tres-forte
de g.ros ploi.n h , ;et aiment mie,u x tirer av:ec de
la dragée douze à seize coups sur .un tapir que
de cha.rger leur arme .de halles.
Les Brésiliens ne se servent .que . de gros
plomb pour la chasse de tontes sortes d'animaux, 1
et ~e cette ma.niere tuent également un jacu-:-
tinga (penelope ) , un pécari, ou un tapir. On
poursuit aussi ce dernier pour . sa chair ' et les'
chiens facilitent beaucoup cette chasse. On ren-:_
·contrt;ordin_a irement le tapir, le matin et le soir,
dans les rivieres, ou il se baigne volontiers pour
se rafralehir; .quarid il est fortement blessé et
qéj~ fatigué, les Brésiiiens,l'attaquent souvent à
la nage av'ec le coutean à la main, et cherch~nt
à l'en- frapper. Ils suivent d'ailleurs l'usage de
leur nat~on .~e porte r .constamment un stylet ou
un couteau ~ 'a ceinture ; les ecclésiastiques
même s~ conforment souvent à ce.tte,mode, qui
donne lieu à beaucoup de meurtres.
. La éhasse au tapir nous avfl.it tant retardé, que
nous ne débarquâmes que bien a~ant dans la nuit
au destacament. Le lendemain je fus éveillé
de honrie heure par des Botocoudys nouvelle-:-
II. 1.2
.\
.VOYAGE
ment arrivés, qui étaient impatiens de connahre
l'étranger. Us frapperent bren fort à ma ·porte
JUsqu a ce q~ elle s' ouvnt, et m accah ..:erenta l ors
0
1
'' ' A ' ''
'
180 VOYAGE
sert aux sauvages pour s'appeler les uns les au-
tres dans ·les forêts.
Sur la ri ve septentrionale du fleuve ~ vis-à-vis
le quartel, était situé uú champ de bananiers,
cultivé par des Botocoudys; on y voyait quel-
ques c abanes abandonnees, ou ils avaient en-
terré deux femmes. A l'arrivée du 'capitam,
ces huttes furent brU.lées , parce qu'ils ne de-
meurent plus dans éelles oúest lé tombeau d'un
.mort. On en éleva ph1-sieurs nQuvelles tout. pres
de là, et biéntôt la pl'us grande activité régua
dans la forêt, car lesnouveaux venuss'yétablirent
I
AU B:RÉSIL.
à voir leur compatriote Jucakemet , q'u'Üs
croyaient d~ns ce poste; mai~, ain~i que je I'ai dit
plus haut , ir changeait alternativement entre
ce lieu et Salto. Gipakeiu resta quelques jo~rs
avec son monde dans le voisinage .d u quartel ,
et ensuite
" . s'enfonca. dans les forêts de la ' rive
,) .
septentrionale pour y cueillir le~ fruits mur5.
C'est la coutun~e de tous les sauvages ; ils con-
naissent l'époque de la matü.rité de chaqne . es,
pece de fruit, et il n' est pas possible de les re-
tenir quand elle approche. C'était en ce .mo~~I;t
celle des liane~ ou cipos qu'ils nommeilt -~t
clia (1). lls 1font des paquets.. de sarmens · v~rts
de ce végétàl,,et les emportent da~s. leurs c~:_
banes , ou iL les font rôtir et les man·g~nt; ces ·
sarmens cÓntiennent une moelle tres-nourris-
sante , qui a le go~t .de- l~ pomrii~de-:terre.
A yant, comme je le désirais, fait la connais-
sance des ·Botocoudy~ a~rivés au quartel', je rê-
tournai à l'ilha do Chave, ou mes gen~ m'àtten~
daient. lls avaient aperçu _ des ce~fs sur une
P-etite tle voisine, converte de halliers é pais, et
séparée du continent par un canal étroit et peu:
AV BRÉSIL. t83
le 'grand ·engoulevent blanchâtre mêlé , dont
le siffiement aigu retentissaít au loin dans les
.somhr.r.s solitudes de ces forêts, etd'autresbeawx:
.~)isea)llx:, l1.0•t amment le colibri noir à queue hla;n-
che, J'lOn. encoo·e décrit(1 ). On avait au.ssi tué
:plusieut;_S g.ros kamichis~ .c 'est dans ce ·c antoi1
·que at;:s oiseamc. fqnt leur principale demeure ·;
presque tons lés . jotlrs nous entendi<:>ns lelilr
voix fort-e; à <Cettemasiqt~e singHliet·e m:es c1las-
seur.s preRaient aussitô:t les armes. · ·
Le 25 septembre je quittai l'}le, et je retour-
nai au qua·r tel avec tou t·mmi monde. En chemin
je rencontrai une tr'oupe de Botocolildys éouchés
autour de leur feu ; íls étaíent ele la hord~ d'n
{
AU BRÉSIL.
part au combat, et s'était toujours tenu en ar-
riere. A n,otre tour nous avons tous quitté le
lieu ?e l'actiun parsemé de bâtons cassés et de
plaques d' oreilles, et nous sommes retournés au
quartel. Nous y avons trouvé nos anciens amis
Jul{erecke, Aho, Medcann et d'autres, coü-
verts de . contusio'ns douloureuses ; mais leu r
contenailce montrait 1iusqu'à quel point.l'homnie
peut s' end urc1r
. contre Ia peme,
. car aucun d' eux·
n'avait I'air •de.. faire la moindre altention à ses
meurtrissures ; ils s'assirent aussitôt sur leurs
balafres en partie ouvertes, et mangerent avec
plaisir la farinha que le commandant leur donna.
· Dura~1t le compat, les ares et les fleches des
sauvages étaient restés appuyés contre 'Ies arbres
voisins, et personne n'y avait toucbé; on dit
pourtant que dans des circonstances semblahles
on en vient qnelquefois des bâtons aux armes,
c' est pourquoi les Portugais n' aiment pas l:íeau-
coup que ces baiteries · ient lieu dans leur voi-
sinage. Je n'appris que plus tarcl la cause du
combat dont nous avions été spectateurs. Le ca-
pitam June avait avec son monde chassé et tué
eles pécaris dans la réserve du Juparack; ce-
lui-ci regarda cette concluite comme une oftense
grave , car les Botocoudys respectent plus ou
. 190 VOYAGE
moins les limites d'une réserve .de chasse et ·ne
les franchissent pas volontiers : des insultes d~
ce genre causent ordinairement leuts querelles
et leurs guerres. Un seul combat singulier,
semblable à celui que je viens de raconter, s'é-
tait donné peu de temps auparavant dans le
voisinage du destacament dos Arcos. Ce.fut donc
un heureux. hasard pour woi de pouvoir' du-
rant mon séjour à ce quartel, ·être témoin de
ce spectade , car il arrive rarem~nt aux voya-
geurs d'avoir l'occasion d'y assister : comme il
est intéressant pour bieu connaitre le caractere
des sauvages, je me félicitai de l'avoir vu. Peti
de temps apres mon départ du quartel, il s'y
livra' un combat plus sérieux, qui fut occa-
sionné par le retour du capitarn Gipakeiu, allié
de June.
Différentes atlàires m'oblig:eant de retourner
sur les borcls du Mucuri, je quittai l'He Ca-
choeYrinha vers ]a finde septembre, et je m'em-
barquai pour Vil! a de Belrnon te. N ousnaviguâmes
d'abord un peu lenternent parce que l'eau était
fort. bas.s e, mais la chasse et ]a cóntemplation
eles singularités de la naturc jeterent de la va-
riété et de l'agrément Slll41 notre voyage. Les
rives du fleuve étant décou·tçrtes, j'y remarquai
I ÁU BRÉSIL.
des trous creusés par le cachimbo ou cachim-
bao, nommé acari le loi}g de l'Ilheos, etJua-
cani par Marcgraf qui l'observa pfeS de Per-
namhouc : c'est le loricaria plecostomus de
Linné. C'est dan,s €es troas creusés le long du
hord que C'e poisson se refugie pour se reposer
~~ l'époque eles hautes · eaux, lorsqu'il veut se
mettre à l'abri de la force· du courant. Les pê-
cheurs prétendent qu'il frappe de sa têt<:; contre
les fonds eles pirogues , quand il est occupé à
manger la vase et les plantes aquatiques qui s'y
amassent.
Le printemps avait déj:\ commencé, et nous
entendions fréquemm.ent tetentir dans les fo-·
rêts la voix sourde du hoco mutum ( crax alec-
tor, L. ) , qui, en s'étemlant au loin dans €es
bois soli~aires , facilite bea;m.coup la chasse de
ce granel et bel oiseau. 11 -se mmí1tre principa-
lenJ.ent à l'époque ou les ri vieres se, gonflent.
Nous avons passé deux ·nuits sur 1es c·orroas
au milieu du fleuve , ce ' qui nous procura
l'occasion de tuer plusieurs araras- et d' autres
beaux oiseaux. Sur un de ces bans; clans le voi-
si.nage de l'e1nbouchure de l'Obu, nous avons
trouvé beaucoup de singes macacos ou micos,
parmi lesquels une espece
/ ..
se distingue
.
par sa
rg2 · VOYAGE
poÍtrine jaul'!e OU }a nomme lCl macaco di
bando (1). ,
Le 28 septembre j'entrai à Villa de Belmonte;
aussitôt je fis les préparatifs de mon voyage au
Mucuri ; · je me mis en route par un tres-mau-
vais temps, et j'eus beaucoup de difficultés à
combattre. Je fus obligé ·de traverser à cheval
le Corumbao et le Cahy, qui étaient extrême-
ment gonflés , et ensuite de continuer . tout
mouillé ma course le long de la côte. Des Po~
tugais que je rencontrai me raconterent qu'ils
avaient vu des Patachos sur les bords du Cahy ,
mais de l'autre côté. Nous n'aperçúmes pas du
tout ces sauvages , et dans les circonstances ac-
tuelles, au milieu de ces déserts écartés, j'en fus
tres-content. Apres bien des fatigues , cepen-
dant sans avoir.éprouvé d'accident considérable,
j'at·rivai à Cara-vellas et à Mucuri, ou je passai
trois semaines avec MM. Freyreiss et Sellow,
ensuite je retournai à Belmonte . .
AU BRESIL.
qU.i appartiennent ·à 'la serra _ do~ Aymores·',
cha1ne de montagnes 'éloignée à peu pres : de
quat~·elieues de la côie ,, et à peu ~de distance de.s
cataractes du fleuve, ;ou f.on dit que la chasse.et
la.pêche sont tres·-abondantes. Le Sucuruc~ di-
:.:ninue tres-proYlptement d~. gr_os~e.J;I.r · qQa.n d on
le r~monte yers s,es , squrc~s.,. ce qui prouye que
soncoursn'est pas d'une longueur consid_éra,l:>le.
~ peu de distance de I'end~oit oú je me trouvais,.
les deux branches se réunissent pour forl'll:er:·le
fleu'\{e , et au-des~us cessent tous les établisse-
inens européens ; çar I'on n' en trouvJ aucllll
sur le Rio-do-Norte, ét qn'un seu.Í. sur le Rio-
dci~Súl, immédiatement au-dessus de Ia'j?n~tion
des deux· bras: · · ·
· Ap1;es avoir long-t~mps joui'de la perspe~
tive agreste que favais sous 1es ye~x, - j~ me.
rendis sur le ·bord du fleuve aux cabanes des
lndiens.-J'e lrouvai par~i eúx une femhie de la
trihú ·'des Machacal's; qui, ce ·que l'on voit
tres-rarenient, parlait parfàitement la langne des
Patachos; ceux-ci éi:lint les plus défians et·les-
. plus circonspects des ·sauvages' il est·tres,;,diffi-
cile ~ ·qnelqu'un qui n'est pas de leür tribú d'ap-
prendre leur la:ngue. Valdea ·ou · village des--
Machacalis·est un peu ·plus.,loin ·dans la-fo.rêt-s;
tg8 ' VOYAGE
Ç~. m'en ava.it -~ouvent parié, : Ü ne s'y' trouv~
ph.1s ql;l6l quatre familles de ces Indiens réunies
dans I~ mêm~ maison. Tres-empressé de co~
naitPe aussi ·cette horde, j'allai à l'alde·a avec
quelques Indiens. Le chemin était tres-inç_(i)m-
mede, c ar n.ous fl\.n::ies pendant une demi:.lieue
ob~jgés de ITIJl.rcher dans les . marais et dans
l'eau, et de éimper-par-dessus des arbres ren- .
'
verses.
, .
'l'ous les Iridiens hâbitaient ensemble. dans
une maison assez vaste : Üs y demeurent depuis
une dizaine 4'années, et sont passablement civi-
lisé,s. Les un~ se montrerent doux et .d 'un acces
facile, d'autres au coniraire farouches et so-q.p-
i
çonneux quel<p,.~es-uns parlent un peu le P?r-
tug_ais , mais entre eux Üs ne se ser~en~ . que ·de
leur 'íai~gu~ 'materné!J.~. ,lls cultiyen.t . du m~
nio.c , du I:Ua1s e,t du · eot<m -pour .leurs besoins.
L'Ol;lvidor l~ur a donné un m.oulin pour couper
les. racines de man!o.c. D'apres l'usage antique
de l.e ur' tri;b,~· '· ~ s~ _Rrocure:p.t une g:an,de par-
tie Q,e lj:):q.r. sJ1Psi~~c,e JlP,.r . hu~4~-~~~.:- .V~rc et
le~ :&Ççh_~~ sp~\ ~:gcgr,e \e!l;~S éil:f:~~t> or~inaires ;
quelCf~le.~~-g:p.s ~êV~!lJ.> l,l;~Si . :.;nanier tr~s-adroite
ment 1~ fl.lllil.. L_~,s ªll«iS! ~les -~a..chacalis different
AU BR.ÉSIL.
un peu de ée1,1x des autres trih~ ; ils offrep.t
une longue rainure dans laquelle, avant de ti-
rer une fleche·' iÍs ~n mettent vne autre ; :de
sorte qq'ils en.ont une seconde toute prête, sans
être, comme les m~tres lndiens, obligés de _la
ramasser à t~rr~ (1). Je vis dans cet e~àwit u~
tres-grand et bel are de pao d' arco , po-q.rvu à
.sa partie supérieur~ d:un crofhet _ quies~ tr~s::
U\Üe · pour attacher la. cor.~_e. L~s a,rcs et les
fleçhes .de.cette tribu sont façom;:~,és.aveo beau-
coup. de soin; la pointe des -~eêhes es.t gárnie
de boi&, du.~ ,: et.la hampe · se prolo~g1e e~ b~~
au~del~ des plu:mes. Au reste ils ont, de mê:r:ne
que tou\:.es les trihus· ?e la côte ori-entale, trois
especes de :fl~ches- que j'a} décrite.~ en parla_n,t
·des Pourys. . , ... , . : ·,
Les Machaéalis-ont
- ' ' . . le~
·" • ' . mêmes saes tressé~
' ' .
j
AU BRÉSIL. r :w3
'défrichê la forêt, et oP. l'olJ. éleve .un peu de
bétail. L'on a aussi pl;u].té }leaucoup d'orangers
pres des, maisons. '!'
. Surpris par un or~~e tres-violent, je retour-
nai à la villá ; puis je contirluai mon voyage à,·
Comechatiba. La mer avait récernment jeté sur
- la côte dans les envir-ons un grand canot ou se
trouvaient si~ hommes n0yés.; preuve nouvelle
que ces parag~s sont d~nger~u~ pour les naviga-
teUI'S. L'on n'en-a ,pas de carte ·bien faite~ et l'on
n'emploie pour le cahbtage que des hê1timens
lége~s. e'est pourquoil'on ne saurait êt:re trop
r.econnaissan t erivers le monarque qui fait rele-
ver -en ce moment et déterm~ner ave~ exacti-
tude toute cette çôte; et rend par là un service
sigrialé à són pays. _
. ' M. Charles Frazer· me re~ut ,de la ma~iere -
r O
AU BRÉSIL. io5
t,e ..28: dé.cembre je rentrai à Villa de Bel-
lP,Qr!t~, ou je fis . ~es 'préparatifs pour.eonti:muer.
J)'lon voy~ge. au .nor.d le_lollg de la côte; . . Mes
, ç!'>lleç~ions, c,l'histoire naturdle avaient p~n<;Ian!.
trois m()is e~ dewide séjour.à Be~monte été aug\
J;De!ltées d' objetsI tres-intéressans
- 'I
recueillis soit
~
'.
·'
' '
AtJ BR~SIL .
CHAPITRE XII.
VO'YAGI!:
mais sommairement (1). Jadis on les connais-
sait .sous les noms suivans : Aymores, Aimbo-"
res ou Amboures. Mawe se bor~e à indiquer
sur sa petite .carte le · pay,s qu'ils . habitent · par
ces mots : demeure dés Indien-s anthropoplza-
ges. Corrnne les habitans de la province de
Minas-Geraes, dans laquelle il demeura, étaient .'
' I
en état d'hostilité avec les Boiocoudys, il n' a pas
pu observer ces sauvages·, ni en,donner une
notice exacte et détaillée.
Autrefciisles Botocoudys étaient extrêmement
redoutábles pour les étabii'ssemens portúgais'
encore faibles; mais dans les temps modemes,
on h!s a attaqué$ avec vigueur, et 011 les a re-
poussés dansleurs forêts. L'históry of.Brazilde
Sóuthey :et la Corographia brasilica racontent
les dévastations 'commises par ces sauvages à
divetses époques et dans difleren~ imdroits, 1sui'·
tout àPorto.:_Seguro, à San-Amaro, à llheos,,etc.
Il n'e:Xiste plus qu'un reste des Ayinortkqui ha-
·b iterent jas.lis sur les bords du Rio-dos.:..Ilheos ;
ce sorit quelques ~ieillards'· qui sou~ le nom de·
·Gherins vivent sur les bords de Flt,ahypr ou
Taipé. Cependant le nom d'Aymores ou Boto-
' I '
. AU BRÉSIL;
coudy-s réveille toujours chez les ·colons euro-
péens des sentimens d'horreur et d' épouvante ,
parce ~{Ue ces sauvages passent gênéralement
pour anthropophagés. Ils doivent le nom de Bo-
tocoudys aux grosses plaques . de bois dont ils
remplis;entles trous qui défigurent leurs oreilles
et leu(bouche; car hotoque signifie en Po~tu
gais le tampon d'une barique: Le nom qu'ils ~e
donnent à eux-~êmes est·Engerecmoung, ce-
lui de Botàcoudys le~r dépla1t beaucoup. Quoi-
qu!ils aient été chassés de la côte maritime ,
illeur -restaii encore une vaste étendue de fo-
rêts impén~trables qui leur formait U:n asile súr
et tranquille. A présent i1s habitent I'espace qui
s'étend parallelement à la côte orientale depuis
le I5e jusqu'au 19e degré et demi-de latitude
aU:strale; ou enÚe le Rio-Prado et le Rio'-Doce.
.
Ils entretiennent U:ne communication
' ..d'unr
"
de
ces fleuves à l'autre le long des frontieres de ·
Minas-Geraes. Plus pres des côtes on: rencon-
tre quelques autres tribus telles que les Patachos,
les Mlitchacalis, etc. Les Botocoudys s'étertdent
à.I'ouest jusqu'aux cantons. habités de Minas-
Geraes. Mawe transporte leur habitation la plus
reculée jusqu'à San-Jose da Barra-Longa, pre;
des sources du Rio-Doce. Dans Minas-Geraes,
II. 14
2.10
.
. V oilà-les çantons. ba.bi;tés aujourd'hui par les
Botocoudys i South.ey à ré uni dans son Mis;...
tory qfBraziltoutes les notices relatives.à l'his-
toire an~ien~e - de ces sauvages" qui se"trou.vent
dans l~s ou.vrages. des jésuites et d'autres écri-
v.ains.Elles.pro-u;veot qri'ils ont toujours été regar-
dês, comm~ les_plus farouches, les plus grossier.s
et les plus terribles_des Tapou.yas , , opinion qui
existe eqcore aujourd'hui dans toute sa force.
La :natlll~e. a doué les Botoeoudys d'un exté-
>
I
Al:Y :BRÉSIL. 2'.1 I
' '
J~.U -BRÊSIL.
dents antéri-eurcs de la màchoire iúférieure ,
• I
ceHes--ci tombent d~ b'@nn.e heui"'e; p'ar -exé!h =- ' · ·
ple des la vingtieme ou la ti"en~i'ethe áiln~é, óü
bien sont mal faites et d-éfangées. J'~ dépos~
dans ~e célebre cahinet antbropologiqU'é de M. le \
ch6valier Bl~menhach de Grettiágen le -cr~ne
d'un Boto(:oudy âgé de vingt à !rente ál'lS ; ' t'esl:
un!'! véritahle euriosite d'ostéologie: On rec0n.:.. -
nah sur. cette tête que la botoque a déjà f-ait wm--
ber les d~nts antlfri~ures dê la 'Inâchoire inili-
rietire, ,~ten m€me teiD,ps il comprimé'si fortemem
les os maxillaires, que les alvéoles â.es dents ont L
entierem.ent disparu, et que la fnâclíoire est da tis
cet endroit devepue aüssi aigue qu'un cbu-
teau (1.). L~ botoque gê~e ~xtrêmeípent 1es Bo-
~o~ouSIJ;s , f:l9an.d ils mangent; il en résulte na-
turellement l:IDe gt·aTJde malpropreté (.2). Qtiand
-----------'-~'"7-- .. .,, ........ ..
I'
(,1) Ce cd,ull ,a ensui-te é.té représen~é · et átcornpilgné dés
ex.plications nécessaires dans le !ime .ça hi ~ r des .flecades
Crarüorum.-r- de-M.--Blumenbach-;
t.•
(2) Ils
· •
no,us
,._ I
vemjaient
.\. '
ces ornemens-sa'I}S ani!U!le ' rlifficilJté.
~ous. <?~ ~~r.~~~·~•,e& ;\ ce suj~t · que cenx. <J;Ui ._connaissaient la
valeu r de l'argent. u6' savaien b pourtaut pas distinguer ]e,
1· • • - li '1 :;:·1 r ~ • .
p.i~ces d'aprils leu r valeux;; ils prenaien! celles qu'on lem·
•• j l<! f-i J f 'i ' l
4l•l ' • p..
offrâit 'fioul'v'u qu eles fusse.nt rondes. Ils donnaient à toutes
C'e~ m'ó'rl nâ ies ~Ht'{{tgalses lé nó iíi de Pâtacl.:s, ,qui est .cedn~
ct'une piec e cl ' un floriu ( 2 fr. 2fi cent. ).
·VOYAGE
nous leur achetions les plaqÜes de leurs oreilles;
ils suspendaietit 'à _ia partie superie~ue ~ela con-
que le· bord .du lobe resté .vide· (1). Les femmes
, ont aussi la bot<?.que ·mais elle est plus petite ·et
plus élégaJ).te. que celle des hommes.
Cette mutilaiion horrible parait extrào:rdi-
I
AU BRÉSIL.
usage (i). 11 di~ que les Aguitequedichagas por-
·tent au oreilles un morc~au de bois rond; il
en est
.
de même des .
Lengoas qui en. garnissent
Je~ trous de plaques.de deuxpou.c~s de diame-
. .
tre. Ces peuples mettent aussi dans' leur levre
inférieu:re un morceav- de bois , ~ais comme il
a la f~rme d'une langue, il défigure moins que
_celui des Botocoudys. Azara trouva le même
. usage chez les Charrv.as. La Condamine ' vit sur
bord~ du Mara~hâQ. des s~ilvages qui avaieilt ·
les Í obes des t>reilles d'une extension mon-
strueuse. « Nous avonsétésurpris de voir ,dit-
- il, de ces bouts d'oreille longs de quatre à .cinq
.pouces et perces ' d' un. trou de G·
u1x-sept a' d'IX-
huit lignes de dian?-etre; ils agrandissent ce trou
jusqú'à ce que }e bout de l'oreille letir pende ·s nr
les .épaules .. Leur g~aJ:!.de parure est de remplir
ce troti d.'un gros bÓÜ.q1,1et, .ou d'un~ touffe
d'herbe et de fl!!urs qui l'eur sert de pendant
. d'oreille (2). >> .
On retrouve des usag~s pareils dans ·les tles
de la mer des Indes et dans celles du grand
' Océan. Plrexemple, àManghi danslesud-ouest
I •
(1) . Yoyage, tom. JI, p .' 83; ibid. , ·p. 149; ibid., p. 11 .
(2) YoJ'age de la rifJih·e·des Amazones, p. 85.
V<WAGE
des Hes de la Société. Les habitans du Prince
Williams Sound, sur la côte nord-ouest d' A mé-
riqu~ , . et ceux d'Ounalachka pm:tent des bà-
. guettes d'os .dav.s la u~vre inférieure ( 1); La Pé-
rouse représente les habitans du Port des Pran-
çais avec une oU:verture ~ la Ievre inférieure ( 2 );
.suivant Quandt, les Car·ai:bes 'et les Ouar:wns
de la Guiane mettent dans les grandes fentes .
des l~bes de leurs oreilles leurs aig'uilles et lettrs
épingles. Les Gamellas, sur les bords dü. ,Ma-
ranhâo, portaient de grosses plaques de bois à
leur levre inférieure, de même que les Botó....
coudys, etc. (3).
Il résulte de tous ces faits que l'usage de se
percer les oreilles et la· Mvre inférieure, et de
g~rnir cette f ente d'ornel?ens ' . est commun
aux sauvages de toutes les partie·s du globe ;
mais q1:1e I'on trouve ,dans I' Amérique m~ r·idio
nale les modes les plus surprenantes de se dé-
figurer de cette maniere, et que dáns ce genre
les Botocoudys semblent avoir poussê áu plus
.,
(.2) Blumenbach , _De certeris humani 11arietate nati1ld,,
wnfirme cette assertion.
. '
AU :BRÉSIL. 221
· ·. (t) .Blumenbach, L. C.
(2) Voyoges, tom. li, p. 5g.
VOYAGE
leur ·corps, ifs. se bor-FJ.eat- à le pêindre. ' M:ái~
chez aucune des· peu.plades de la côte oriental'é·
du Brésil• on ne. tr-ouve u.!1·tatouage alissi artis'- _
tement fait qu'à -l'lle de· Noulmhiva'. -lUnê-petite;
figure tracee- sàr le ~isage dJun lndiemGoropo ·
est le seul dessiw de ce genre qui ait-frappé ma·
· vue (1 ): ~es coulell:rs cli:>nt I:es, :Be>toeoudys••,-
ainsi que tems les T'a poli;ras· d u :mrési.l~, fo 1'1 t lisa ge-
pour p~indr.e leur corps, se til'eRt du. fr.uit du
rocouyer, tres; commun· cUms· toat~s· le_s' forêts,
et de celui du genipayer. J;..e .p remie r donne
u'1 rouge jaunâtr~ at·dent; la pa~tie coloranté ·
est contenue dans la• membuane qui renferme
les gr~ines; on extrait du second un noir bleuâtre
tres.,.durable ; quiireste visible sur la peau. pen-
dant huit et' même quatorze' jours;, .· et avec le:-
qucl les lndiens chr.étiens qui hahitent le long
du fleuve des: Amazones peignerit sur leurs
_éto.ffes. des figures du soleil, de la .Iune , . des
éto,i les, et de toutes sorte& d' imimaux· (2 );_A vec ·
le rocou qui fl effàce aisément·, ik s"e peignent
principalement .le visage depuis la ~01;-che jus-
AU BRÉSIL.
soignei~sement cet instrm~ent , il est · touíours
extrê~:n€~~n~ tranchant. ·
. Leurs êhêfs ~e distít;~guaíent quelquefoil? j)ar
eles phunes :·_~_l'oiseaux attachées -~, leur tê te ou it
d'au;res pa-rlie~· d~ leur _porps. 'A-utrefois Hs sé
.pa:raient.au'ssi av.ec·\HÍ diademe de douze -à quinze
qú même un ph1~ ~~~riçl. nóinbre 'de p1umes jau~·
ne~.de la .queue .d~~fipu ( cassicus eristatzts)'
. , , - • ' ,i· v ·. •
qu'ils fixaíent- dans ld\ c}).evelure . du dev,a nt de
' - . . . .,' )
:· (1) (_)-rt <· ~o:it · çette panÍrc''eh plulnes rcpi·és~ritée · sÚr1 l t~
f•.raf et de Pisou.
_·,
" !'i
-
l>lá n che 'lln titre de l"·Histoú·e natzdelfe· CZ.u B"résil de ' l\'Tarc;,.
• h
~ ).
.. ' \. (,_ ..
~ ,, ··~
V.OYA~E
f
,I
AU BRÉSIL.
lls n'publient pas aisément un bon traitcment,
com111e Ct;!l.a est or.dinaire chez les homn1es de
la nature nowcorrompus. Daps le vcii~inage de
$anta..:.Cr~; sur la petite ri'vier~ de.San-Antonio,
à h~it mi]les de Belmqnte , wvait 11;11e 'fami1le
qui recevait fréq.uem!pent un, jeun.e . Boto-
cbudy, e.t le trai:tait toujours. am.icalem.e nt . .S.és
c01p.patriotes faisaien:t ,quelq-qefois des incur-:-
sions dans le Cíl:q:ton en ennernis. Un jour · le .•.
j~une sauvage· acco"Q.rut tout essouffié. à la m.ai-
son, ct ·d pnna à .ep.tendre par: des..signe.s d'in- ·
quiétJJde qu'il: (~ll.ait se sauver, par.~e que ses
cornpa:triotes. s'approç]iaient. On ne fit . aucun
ças de .ses avertisseme~s; mais ·bi~ntôt parut ef-:-
feçtivement une tro;upe· de Botocoudys qni
assassinerent presque· tous les habitans de la
• I' • . • ..
PJ;aiSOll.
.,
AU lJRÉSIL. , 235
dans lequel tourne ·Ia p~inte du p~emier, d'au- '
tres femmes tie~nent étendue de l'étonpe fai:te
de I'écorce de l'arbre' nommé en conséquence
par Íes Po1·tugais P ao a~estopa ( lecjthis) : les
brins épars prennent feu et allwnent les fibres
de l'écorce. L'effet de cet instrtuhent, nommé
nom-nan par les Botocoudys, est sfrr, mais il
coute be·a ucoup de tfmÍps et (l' efforts (I): 11 est
três-fatigant de faire tourrier le bois, et sou"-
veut il faut que plusieur~ femmes se relaient
d:üis cet exercice. Q'uelquefois les Portpgais
dims leurs excursions au milieu des for~ts se
·s~rvent de cetté n:la:niere de faire le feu' quand
ils•n'ont pas d~autres instrúmens. On y eníploie
deux sortes de bois ; l'un est généraÍeníê:h.t: un
gameleira (ficus ), et l'autre un imbauba ( ce-
cropia).
Des que le feu est allumé; les :femmes , se
inettent a,lissitôt à c.o nstruire les cabanes, cou-
pent les _grandes feuilles des c?c9tiers S~iQvages ,
et les fichen.t en terre_, les l:lnes à côté .des au-
tres, de maniere que leurs sommités supé-
/
2.36 ·VOYAGE
rieures, nat~rellement souple~· , se penchent
vers le centre de. i'enceinte les unes au-dessus
des autres et forJ\lent ainsí une vqúte. Ces ca-
hanes &i sÍn.iplês sont ordin~irement de figure
allongée, quelquefois rondd; · ~l.ll' milieü il- y a
des· pierres . qui. servent à entourer le feú, ou à
. ca~ser les petits ·~ocos sauvage_s qu'ils nomment
oraro., Plusieurs. familles vivent ordinairem~nt
ens~mliJe dàns une de ces cabanes; une' r.éunion
de ca'b~nes semblables porte chcz 1es Portugais
le nom ·de R'ruicharía. Si lP.sBotoeoudys restent
long-temps dans un endroit, ils perfectionnent
lem démeure, ils ajóutent àl'entour des pieux; et.
des branchages, ~t' au toit d' autre.s branches, du
chaume et de grandes 'f~uilles depattioba (1),
ce qui lui donne une bonne épaisseur. Tpus lês·
usú~nsiles du méilf!ge . sont éparpiUés à. terre
.
;
ils sont ~r~s-simples , mais plus no~~reux - que
............. '
AU BRÉSIL.
ceux des Pourys à San-Fidélis ~ ce sont ég~le
~ênt· 1es femmes qui' fabriquent la plupart des
ustensiles. Ces sauvages ont, . pour cuire ·.Jes
viaades, des pot.s faits d'une argile grise qu1 ont
pa~sé au .feu ; tons les Botocoudys .ne s'en ser-
vent' pas. · Pour garder l'eau et pour boire ils
~ont gé1iér~lement usage d; écales de góHFdes ~
et.(l{U:and il y a d~s habitations eur0péennes da~s
leur vois~nàg~ .ils' . emploient · quel(juefois le
f~·uit· 'd u cal<:<bassier .( crescentia cujete, , , L. ) ·~
qans lei> forêts iJs SC servent. de longs lll0fC€~U~ '
du roseau nommé 'taquarassu ( grand roseati.)
dans· la··lingoa •geral des .tribus de Toupinam-
h~s :au·j01trçl'hui ~ívilisées. · C est u,rre espece de '
· bambwsa ~ qu~ i ainsi·que je I'ai d~jà dit, s' éleve
jtisciu'à ·~r.ente et qnarante pieds ·· ele · haut , · et,
par.tieri't à. la gms~em du bras .. Pour se faire ·un
gol5elet, les ,Botoe(!nl.dys; coupen!t u'n' morceau
de1!a tige Hti ·rosea'n; ·le:nreud>:qui reste.-·au. mor- '
c.e3!U: forme ·le ;fond: . Ce~te · sorte de va's e, •l,iom. .~
mée. kêkrock, ayam upe. longueur. de :trois •à '
quatre pieds, contient beaucoup d' e~u 1 mais
éclate aisém._ent_: J~s.. s.au~ages en boucheni les
• • ~. • • - t • I • I
;
238 VOY!A.GE
· cabanes , . font des lignes ~ pêcher avec le pal-
mier tucum ' et des cm·dons tres-fot·ts avec les
fibres des feuilles d'une espece de ·bromélia (1),
nommée orontionarick, ainsi qu'avec i'embira
ou écorce d' avb~·e, (!_{Ui lem; fournit aussi des
cordes pom leurs àrcs. Pour tirer les fib~es ·
desfeuilles,on Jaisse macérer la partie charnue,
et OD enleve ensuite la membrane extérieuFe.
Les matériáux pour faire .des cordes .ne man-
quent pas dans ces antiques for.êts américaines;
le pao . d? estopa ( lecythis) , le pao d'e~bira ,
l'embira brama, le barrigÚdo ( hombax) , et
d'autres .a rbres en f(imrnissent err'í abondance.
C'est avec le pao d'estopa, dont les Portugais
ewploicnt fi·éqtàemment l'écorce molle décou-
pée . en .grandes lanieres., que ces sauvages fo1,1t
leur lit ' car ils ne ; donuent pas dans des ha"" ·
macs ou ,des fue.ts suspenclus, comme font les
Pourys et la. plupa.rt des peuples de l'Amérique ·
méridionale. Un morceau d'estopa; étendu -à
tern:, leur sert de couche. Çette écotce parait
·. . i !_ • •• ' .·,:
I
AU llB.ÉSIL .
.awír d~ !f!ffini~é avec celle que les Indierts En-
çabe.Uadas sur le Río-Napo emploient po11:r
~quveJ!lUre et pour lit, et f!Ominent jancha'ma.
Les peuples des bord~ du Mara~hào, ne s'en
seÍ'veilt généralenient que pout couverture de
lit ou po~r 1ápía. Des fruits et toutes s.ortes d~
P,TQ.visions, )es .apnes, les provisions de ·boi~ et
de ·pluínes, c?mpóse:nt I e reste des objets qui
remplissentles c'abánes des Botbcoudys.
' Le pre:Q1i.Ç.r b~soin des saúvages, quand ils
so~t installés, est -la Iiourtiture : leuv app_é,tit
ne col'inait pas de horhes, ils m:mgent avec beau- .
coup d'avidité, et pendant le repás sont sourds
·e,t mu(lts po11r ~(',)~t;tte aqtre. chose. Si 1\ m rem-
plit bien letir ventre., Fon, a ttóuvé la voie la
plus su.i'e de gagrrex: leàr amítié ' et si aú régal
·on ajoo.i:e . quelq~1e présent, oli est ~sstiré de
leur attachemen~, ·
La nafúr.é quia assigné,à l'homme sauvage les
·animâux d·es forêts pour apaisér sa faim, lui:
a fait ·inventer dans ptesque tous les pays du
glob~ les m,ê1pes armes grós~iei:~s, l'arc et la
,fleche. Les· Ettropéens, les·Asiatiques, les Afri;.
cains et les Américains ·s'eri servaieüt. ~utre
fois, et quelqu~s-~ns en ,fOnt eúcore us,age. r
L' Asiatique et fAfricain p~rtent des m~ssues· ,
" .ri _
(
VOYAGE
des zagaies et des arçs ; l' Américain' des mas-
sues ( 1) , eles ares , eles sarbac·anes (2) , des
l-ances (3) ; le sauvàge .. du Grand:_Océan des
massues, des lances et son arme à feu.
(
. · , J~:.~ Guiane.
. ' ' '
.. - (2) La ~onda mine a décrit les sarbac~nes ( ewra!Jatanas
o'u esgat'aratànas) des peupfes de l'Amazoue '( p. -6·7 ). « Ils
y ajusleat, dit-il·; de l)etites tlecl;es de bois de palmicr qu'il~
g_a.rnissent, au li eu de p~Ümes , ,d' un p elit bourl et ele c'otol\ qui
remp\it e:-;:acte.~,entle vi c] e. du tuyau ; i~s les- lp nceiJl avec !e
so,uffle à tréute etq ~~rante pas, et n e manq ue~.t presque jamais
leu r coup... Ils trenipent la póinte de ces ·peütes fleches,
ait;·si qüe éelles', lle' leutS a~~s, ·d~ns un po'Íson si actif, qu e
q uand :iL esl r éc~ nt i l tu e eu nwips d'une demidpiti~t.e .J',ani~
mal à qui la .tJ.ecb,e ~ tiré du sanp. " l\L .de ~umbo!dt p_ar le
aussi ·a~ sarbacanes f.a.ites ·par les Indi~·ris de l'Oréii.oque a·vec
deschaliÍmeaux. de.graminées gigautesques, qui d'uÍinool\d à
llaulre ónt des articulations longues -cl.e dix.~sept pieds. ,.
.Ansicltfen .d er Natur, p. 2~tl. ,
I
,\
1.
~
VdYAGE
une écorce de liane. Les Portugais nomment
cette plante grimpante imba , d'apt:es la liggoa .
geral, et les Botocoudys mefi. .
On distingue trois sortes de fleches qui dif-
. ferent par la pointe, savoir la fleche de guer~e,
ouagickd com'!t, la fleche barbelée, ouagické
nigméran, et la fleche .pour la chasse des f>etits
ariimaux, ouagické bacannumock. La premiere
a une pointe allongée ou elliptique, tres-aigu~,
fa,ite d'un morceau de roseau taqu:;trassu. On
brUle le roseau pour le rendre plus. dur , on le
racle et .on le taille pour que les bords en soient.
aussi tranchans que ceux d'un couteau , et la
pointe aigue~Çomme celle d'une aiguille. Cette
espece de fleche fait les plus grandes blessures, .
êt s'emploie par conséquent à la gu~rre et à
la cl?asse des plus g~os animaux. Le roseau étant
. creux, le .sang coule le long du eôté concave
de la pointe, de sorte que l'anill:':al qui a été
frappé saig~e beaucoup. .
La pointe de la fleche barbelée, qui est lon-
gue d'un .pouce ou d'un pouce et demi , est
faite. du même bois que l'arc, soit d'ai:ri,
soit de pao d' arco. Elle est mince, tres-aigue;
et a d'un côté huit à douze entailles obliques,
dirigées en arriere, qui forment le harpon. Cette
I
AU nR.'ESIL
.fleche s'emploie à lá chasse des grangs_et petits
ani~aux, ai1,1SÍ qu'à la guerre, et fait une plaie
da~gererise : cmhme la disposition des entailles
el!- rend ~' extraction difficile, ori. tâche, quand
cela est possible, de la faire passer entierement
à travers les chairs; alors ori brise la pointe,
_püis on retire en arriere la hampe en I~ tour-
nant entre ·les deux mains ouvertes.
La troisieme espece _de fleche ne sert qu'àl a
chassc des petits animaux : OIJ. prend une bran-
che pourvue de nceuds, et on.I'arrange ae ma-
-~ere que l'arme, au líeu d'avoir une pointe à
SOJ1.ex~rémitf , ait quatre à cinq nceuds disposés
en forme de _' rosace , et -coupés tres-courts.
La han;tpe ,de. la fleche des · BoÍocoudys n' a
pas de n.reP;_9-s, c e qui la ,distingue des autres:
~ .P01u: donner plus -de- force et de solidité
, a:t~x deux premieres .sortes ·de fleches, les sau-
..vages les frottent a:v-ec de la cire pui~ les pas-
sent au feu popr qu' elle y pénetre mieux; ils
font sul:lird a mêrúe opération aui ~rcs. Lespeu;-
ples -du 'Marânhão ont.aussí à leurs lances des
po~J)tes de bo~ . dur, mais ·eeüx du Rio-Napo
~es 'mq._nisse~t d~ pointes de· gr:os roseaUX; . Les
sauvages de la côte orientale du Brésil ne con-
. naissen~ pas Jes .
carquois; leurs fleches·
. sont
, trop
l
\
VOYAGÉ
longues; c'est pourt{uoi iiS les portent toujouts
à la main. Les .peuplades amérieaines orit gér
néralement des ares ét des fU~éhes d'une lo'n...
gueur considérable,. en quoi elles different des
p~uples d'Asie et d'Afrique. Cepertdant, qttel-
qués nations de 1'Arn:érique :méridion:de se ser-
J • •
vent Ç.e fleches courtes,. et les pol'tent dâns des·
carquois; mâis ellés' sontpresque toujours à che-
val, par exemple les Charrtlas et les Iy.linuanes
du ParagnâJ {1). , · ·· ·' '
, Les:Tapouyas de lá côte·: orientàle du :Brésil
ne font pas. u·sage de fleches efupciisoiiné'és; 'on
en trou.ve chez les -peuples des bórt:l:s du ffeüve
des Amazones. Pour ápprendre·à 'se· servir con-
venahlem:e:ntde I'ate, les petits garçons s'y exêr-
çent de bO!'l"lle' 4eme ; ils font usagé' àccet e:ffet
de fle~he:;· et- d'ares lég.ers. Naus avons:,. dans .
les lieux bas; et su_r l~s nombreux banes de sa-:.
hle du ~elminte,. été · souvent t.àln@ins· de~ ces
- exel'cices ,: et· nops avons· vu ces· jeu'nes; gens ti-
re r leurs fleche~ ·perpendiê"tlla-irernent··à une
tres-grande hauteur en rair, pirlsda: relart~er· de
nouveau; L€s :par.<fns les encoura:gent à ·ces e~ er.:.
cices, et Ià-jeunctsse y fait des; pr-0gres· rapide.s;
.~
\
AtÍ BB:ÊSIL.
d~ sôttequede-s jeunes g~ns de quatorze à qúinzé
afis peil.vefit prendrepa;•t aux parties de chasse .
.I Le tegne àuimâl fotirfiit dans ces imm!':nses
féfrêts; qui se süivetlt sátis itttertu~tion , · tinij
provisióh ã1díitlahw áltx sauvn~es; 'et la n'ature
:ií~á páS'~té moiris ptóâigtte dãns l~s mets délicats
~t savoureüt qu'ell~ - á ptoduits· dáns I~ regne
végetal :pc:H.ti"léhrs gtJsiers grossicrs. Ainsi elle a
pdüfv'u à t0tls leurs · besoi~is, et éll~ a eu d'au~
Mnt plus de raisbn (te le faire, qu'ils ne corinaisJ..
s~ht pàs Íe sotí.ci du lendemiin. Ils pehve~t ·;:
d~s Vh eâs de nécessitéf st1pp0Ftcr b faim pen'-
dànt lôrtg'~tempsJmáis en revanche ils iliaügent
IÍnmodér'éilient. Sile has~rd léur amené Úil.gro§
àni:i:tiàl, tons y prenrie:nt ·p art également, et é:tt
peil. dé temps une provision ocmsid~rabie
es~ consommée. Ou lesa sotlveilt vns, apres :s'ê..
tre surchargés f estoiriac , sé foulet mutuelle·~
ment le v'éntr~. Lá modératión léur est .totale-
fueht étrangêrl:l,. voila P,~ürqtl.oi I'ea.U:-de-vie et
tóhtes lés boissoils fortes SOJ:lt si d~rngereusés
póur êux; n·e .sachatit P'as· r6primet leüTs pas~.
siàns_,f tÍiême..qullnd ils: so:tit sbbtes, ·des dispu-"
tês sa~glaiites s' élevel'lt trop aisément parmi e~x
lorsqu'ils- sont ivres. ' .·
· Les ·Botocoudys sóht tres-adroits et-tres-'
VOYAGE
habiles dans leur principale occupation, qui est
la chasse; ils suivent les·animaux à la piste avec
une sureté étonnante; etleurs sens ~~trêmement
fins les ·aident merveilleuscment. Ils connais-
sent toutes les traces et savent pa.rfaitement les
suivre' même ]orsque nos yeux n:apercevraient .
plus rien; enfin Üs s'entendent tres-bien à imi-
ter tous ·Ies cris d' appel des animau~ : c'est à
s'y méprendre. Leur .córps endurci ~uppor~e
toutes les inco~modités , la chaleur .<Ju jour
1
AU :aRÊSIL.
forts et plus dangereux que ceux d'une fleche
plus pe~ite. ·
· Lés sauvages regardent le sil}ge comme. le
gihier le plus délicat. Lorsqu'ils aperçoivent
quelques-uns d€ ces animaux sur ~n arbre
élevé ' ils r entourent et guettent .attentivement
de quel cô~é ils cherchent à s'échapper. Si I'arbre
est tres-haut, le chasseur monte sur un autre
qui ne soit_ pas tres:..éloigné' et de ce point essaie
de tirer une fleche. Les Botocoudys m,angent
presque toutes les especes d'animaux; mêm~
celles du genre folis ou chat , qu'ils désignent
par le nom général de couparack. Le ja-
guar ou yagouareté porte par prééminence dans
leur- langue le nom de co1-t,parack gipakei'u
( grand chat ). Ces sauvages mangent même le
g~and tamanoir (1)'; ils ne dédaignent p~s non
,Plus la chair du jacaré ( àocodilu's scie-
rops ) , tres-coinmun dans ·toutes les , rivieres.
De tous les serpens, qu'ils détestent ·générale-
ment et qu'ils tuent quand ils péuvent, ils ne
mangent que le kitomeniop, nommé sucuriu
ou sucur~uba par les Portugais d'apH~s la lin-
·-I
· ' VOYAGE
arhres. lls.se: :r_:égalent plu~ fr-équeni'ment ·~e·lar
ves plus petites, par exemple de ·éelles dú cha-
rançon palmiste (curculio palma rum) ; ils sont
, tres-:adroits tJ. trouver les reufs d' oiseaux, 'shttout
ceux des différentes especes d'inambous ou 'ti- ·
namous ( crypturus) , telles que le rhaeouca, le
sabélé, le chororon et autres qiú dépose:nt leurs
ceufs à terre.1~our prendre le poisson; ils font,
comme je 1'ai. déjà dit, de pe;!tits ares -longs de.
trois pieds à trois pieds et demi, avec · l'es côtes .
des feuilles d:u coco de Pàlmitto nommé issara
sur le Belínonte; ils les fendent et y adaptent
des fleches de grandeur proportiorinée , non
harh~lées ni empeJJ.nées , et dont Ia. pointe es't
lisse. Ilsçommençentpar jeter dans les endr-oits
.oul'eau est profonde une racine d'arhre éci::a.sée
afin d'attirer ou 'd'assoupir le poisson. Ils man-
quent rarement le ,poisson ·dahs 1'ea:u; je les· ai
même souvent .yus le frapper av-éc leur.s ·g1:an:.
·des fleches de chasse. Les enfans ~urtout s'ex e r- .
cent à tirer ·sur les poissons. Ils .aiment ·beau-
coup la pêche à lá ligne, qu'ils ont apprise des
Portugais, et un hameçon est le présent le plu8
ágr~ahle qu'on puisse leur faire.
Le regne yég,étal ne .fournit pas moins ah6n-
damment que le regne animal à la ~ourriture
AtJ BRESaL.
des habitans de ces solitudes. Les fÓrêts ren- ·
ferment mie si· grande divetsité de pl~ntes,
qu'un botaniste serait obligé d'y pàs'ser toute sa
vie pour les bien connahre. Il y_crblt' une ~an"""
tité de fruits arorÍlatique's, dont plusieu~s, cul-
tivés dans les jardip.s·; d.eviendraient plus gros;
plus succulens, plus savourettx. Leshomhreuses
especes de cocotiers sauvages prodiguent ieurs .
fruits. L'issara ou p,almito dortn~ le chou p~-
miste, qui est lâ téunion des fleurs et des· feuilles
non encore développées; eHes so:iit cachées sbus
les feuilles au haut de.b tige. Les chasseurs et
les voyageurs portúgais mangent aussi ée ·mets • f
I
AU BRÉSIL.
Lorsque la troupe, s'en va , les femmes met- r
'
Cat~Üuchos.'
Ces dernieres) étant plus faibles, se
sont réunies entre ~lles contre les Botocoudys .
.Les Tapouyas se livrent même des eombats
\ 7
VOY.AGE
terribles entre eux lorsqu'ils se rencontrent en
troupes. lls emploient dans ces occasions tout_
leur art pçmr la chasse et toute leur finesse, mais
i]i; sont naturellement phltÔt tro~npés par les
ruses de leurs compatriotes que par ce1le;;; eles
blancs. Ut:t combat furieux a lieu ordinaire-'-
~cl).t : chaque .parti tire toutes :se;;; fle,ches à
I'autre; ainsi le plns ~ombreux doit ~ dans
la regi e, restcr vai:pqueur. Un cri ho:rrible a c~
compagne ch;uiue auaque, et quand on en
vient aux mai.ns de plus pres, le~ ~ombattans se
servent de :leu_rs dents et de leurs ongle;;;. Lery
dqnpe da;ns ses figures en -bois un tableau rfra,p...,
pant d'un de ces combats entre les l'otwimn:p-
has et les Margayas ( 1) ; il est en.c? re, ti dele
aujourd'hui. Le parti vainqu~~1r ,po-qrs.l\it le.$
vaincns, et, du mo~ns ch~~ ies.'Bot~~oudys" fa~t
:rarement des pri~onn~ers. ; . on prétend cepen~
dant e~1 avoir vu quelques.,.uns, ;;;ur.. le Rio-Bel-.
monte, qui travilillaient comme ~scl~~e~; Quan,?
Ies Boto~oudys rencontrent les' Pata_chD~, 7 qu~ils
r:. ') ' I
A.U BRÉSIL.
f10rdes rôtissent et mangent Ia chair dés vain-
cus, à l'exception de la tête et dn ventre qu' ell~s
jett~nt. Les Botoco.udys que je vis Sur lê Bel-,
monte inférieur . m'assurerent que lorsqu.'ilH
tu.aient un Patacho· .grimpé sur un a~:bre ils ~~~
Jaissaient po:ur.r ir à terx~e o:U il tombait ; mais !.te
réoit: G\1 1jenne Quêck dément cette asse.rtiom.
Plusieu~s hordes de cette tri:bu er.rent Je long
du Rio-:Grande_de _Belmonte ·; quelques-,u~e'S :i/I
vent en t>aix. _:,1;vec les Portugais : telles sont ·, les,
bandes des càpita~s Gipakéiu '(Mariênghiê~g),
Jéparack, Jun,e (l)..erengnatnouék), et <!p!elques
autres, que· l'oli peut suivre sans crainte dans
les forêts. ! !
lls se plaigi1ent tons·d'uri certain éhef noiüm'é
Jonué .Iakiiam. Celái-oi erre. ordinairement sur
- -
Ja rive septentrienale du Rio-de-·Belmonte , ·à
peu pres à, huit jGurS de toute au-deSSUS de l'ile
Cachoe'iríinha, pres .du· Cachoeira-do-Inferno .
(saut.d?enfer ). 11 n'a jusqu'à pvé'sent vóulu.é'cou-
ter aucune•prbpositionl de.pai«. Ses compatriotes
l:om nommé Iakiiam· ( le belliqueux), à .cause
de . son caractere vaillant. Ses gen~ ont qü~l
-quefois fait signe aux canots qui passaient d~
s' approcher , puis les ont accueillis à coüps de
fleches~ Les Botoceudys paCifi<Íues qui .vive11t
VÓYAGE .
VOYAGE
Paul ; » mais on le trouva ensuife parmi ceux
qui étaient restés sur la place.
Lorsque Jes Tapouyas en ont le temps , i]s
chargent sur' 1eur dos leurs tués et leurs bles~
sés pour les ~ettre en súreté ; quelquefois
ce so~n les occupe trop long-temps, et beau..-.
coup perdent ainsi la vie. Les Botocoudys se pei-
gnent le corps en rouge et en noir pour com-
battre. Quiconque n'a pas ·été témoin d'un~
· sdme semblable doit éprouver une impression
de terreur .de voir ces sauvages faire leu r atta·
que en poussant des cris affreux , et le visage
barbouillé d'un rouge ardent. Ils tomberent
ainsi à l'improviste, il n'y a pas long-temps, sur
le quartel segundo de Linhares ; mais un mi-
ne'iro résolu , qui commandait en qualité de
sous-officier, les repoussa. Tout ce que je viens
de dire des guerres , de la chasse et des mreurs
des Botocoudys en général , s'applique plus ou
·1noins à toutes les tribus des indigenes de Ia
côte orientale du Brésil.
Tous les anciens voyageurs ont presque una--
nimement a€cusé la plupart des peuplt:(S du Bré-
sil d' antbropophagie ·; peut-être en ont-ils in-
culpé plusieurs à tort ; car, ainsi que je l'ai
observé plus baut, des memhres- de sm~res. b
AU BRÉSIL.
desséchés ressemblent beaucoup à ceux d'un
homme, et peuvent ainsi êtr.e comfondus avec
eux. Il en est peut-être de même de la chair
que V espuce trouva ~ans les caba!les des sau~
vages. Mais on a avec raison attribué cette cou-
tume barbare' à plusieurs tribus du Brésil. Les
Toupinamb~s et les autres sauvages de la côte~
qui sont ·de leur race engraissaient leurs pri-
sonniers, puis les tuaient ave c 1'ivéra-pemmé,
mas sue parée de ·toutes sortes d' or11emens (I).
Celui qui avait donRé le coup de la mo~t ét.ait
ensuite ob1igé de rester dans son hamac sans
rien faire , et afin que les bras qui. a:vaient
frappé conservassent leur dextérité , ils tiraient ,
avec de petits ares et de petites fleches contre
unemasse de cire(2). Auj.olll:nd'hui tou.tes les.tri.-,-
bus des Toupys sont civilisées; ainsi le repr.o-
che d'aothropophagie ne s'applique plus qu'à,
quelques tribus de Tapelilyas, _c'est-à-dire aux
l3otocoudys et aux Pourys. 11 e~t douteux qu?:ils
/
AU BRÉSIL.
leur c01:ps endurci support.e toutes les impres-
sions dt;! l'atmosphere, et leu r maniet;e de v.ivre
simple ·e~ uniforme les préserve des maux qui
sont un résultat inévitab~e de b çivilisation.
Des bains frêqu~ns et l' e~ercice contin~~l de
leurs forces donnentà le.._ur co~ps un degré de
perfection dont nous connaissons à peine le
. nom. L'expérience leur' a enseigné divers re-
n;tedes contre ' les blessures et , même contre
les maladi~ internes; la connaissance de ces ·
.remedes intéresserait peut-être ndtre pharma-
rt>pée: Les forêts du Brésil son~ ~emplies, de
plantes aroma tiques d'une vertu énergiqae; beau-
coup d'arbres produisentdes haumes. exéellens;
{Jal" exemple le c_9paier ou copa'iva, nomnié
copauba sur la côte orierrtale~ (coqaifora offici-
nalis) donne le batune de copahu, et Ie cabure!b~
, Dumirosperme péruvifere (myroxylori. pm;zwia-
num ) , le baume du Pérou ·; plu.sieurs fonr-·
nis.sent un sue laiteux employe soit comme poi-
son, soit co,mme re1nede. Des familles entieres
de plantes présentent des écorees salutaires; par
· exemple les di~érentes especes de cinchona,
dont plusieurs croissent peut-être dans ce pays.
On dit que les sauvages conhaissent toutes les ,
plantes qui agissent sl'ir l'économie ani1nale, et
VOYAGE
leU:r ont donnê 9-es noms. Le jugement des vi~il- ,
lards déeide surtout de leu.rs vertu.s. ·n. .n' est .
pas facile de connaltreles remedes des sauvag~s,
car·ils en fónt un · secret. Leur demancle-t-on
• 1 1 l •
.
Vó~AGE
qu' elle-prod.uit chez les' Brésiliens les mêmes ef..:.
fets .désastreux quel l'on a observés en Aft·ique
et dans les Indes orientales ( 1 ).
Les sauvages s'imaginerit .guérir Ies mauxde
_ventre en féottant cette partie avec les cara-
paces des tatous ei des tortues. Les défa~ts
de la vue sont trr!!s-c~mmuns chez les ii1dig(mes .
f du Brésil; il est rare d'en yoir une troupe dans
laquelle il ne_ se tmuve pas' au móins deux bor-
gn~s; ils ont souvent aussi des tai~s dans l'teil; _
mais je n'ai jamais vu clíez eux des yeux enfiam-
. més, atrophiés ou atteints d'une maladie queh
conque ~ ce qu'il fàut sans doute a ttribuer à la
seule habitude de toutendurer. Le grand nmn-
hr~d'arbres, d'a~bustes. épine~x qui rempljss~nt.
lesforêts, est sans dou te la cause d u grand nombre
de.borgnes; car le sauvage qui poursuit un ani-
mal .avec l'avidité d' un jaguar ne _fait atterition
qu'à sa proie, et ne vo.it pas toujours les pic.[Uans
qui men~cent sa vue. Quand il a percé· un pé-
. . ' .
cá ri, un singe, ou une autre bête qu1 souvent'
.
s'enfuit avec la fleche au travers du corps , il
~
•
AÍJ BRÉSIL. '2
' 97
]a perdre de vue, et ainsi se bliisse aisément.
'Cette çause bien naturelle ,m e semble .encare
confirmée par I'observation d' Azara, que les.peu~
plades qui habiteiltle~ plaii'les immenses et rases
9.u Paraguay n'ont pas de d~fauts dansles yeúx ..
Quand un Botocoudy a i·endu le dernier sou-
pir, on l'e1;terre dans 1sa cabane ou tout au-
pres ( 1); · tm abandonne· le lieu et I'on en . va
choisir un.autre. Les parens du défunt témoi~
gnent' leur affiiction. le premier jour . par des
hurlemens affreux; les femm:es . surtQU:t
'
ontl'air.
.
de foll(,}s en ceúe occasi<:m ; mais peut-être ces
cris ne sont-ils pas réellement des témoignages
· de <:J.ouleur, car le ler~demain tons s' ~n · vont et
contihue·n t leur traiu; d~ v:ie comme auparavant.
Sur le B€lmonte, les Botocoudys, apres avoir lié
ensemble ]lfs mains du défunt .avec un liarie,
I'étendent tout de son long dans une fosse ,
par conséquent ils ne le placent ~s dans une
posÍtion accroupie comme font d'autres. pcupla-
des d'Àmérique (2); dans d'auues endroits les
. '
302 VOYAGE
tón:r}erre taroudecouvoung; l'éclair tarouteme-
reng ; ]e vent t aroutatouo, etc. C'estla lunequi
dans Jeurs'idées do:tme naissance au tónnerre et
anx éclairs; ils croientqu'elle tomb"e qu~lquefois
súr la Ú~rre., ce qui cause la n~ort d'un granel ,
nombre d'hommes. Ils · lui atlribuent aussi la
mauvaise récolte de certains ·fruits et el'autr~~
elenrées , et ont là-dessus beaucoup d'idées
superstitieuses.
lls ont aussi, comme la plupart eles penples
de la terre, la tradition d'une grande inondation
On trouve dans Vasconcellos l'exposé des opi-
nions eles lndiens côtiers de la Lingoa- Ç-éral sm
c e sujet ( 1 ). Ils disent que.ia famille de Taman-
douaré ele Toupa,.vieillaFcl blanc, avait.seule été
avertie par l'Être suprêine de grimper sur eles
palmiers, · et d'y aUenelre l'inondation qui _fit
péri.r le gjlnre humain'.' Quand les eaux se fu-
rent écoulées, cette famille eles~ei1elit et repeu-
pla la terre. Au .reste les idées' religienses eles
Botocouelys ne sont p;.rs pli.1s ahsurdes que celles
eles colons portugais de la classe i:nférienre; car
ceux-ci, ele même que Je's Indiens de la côte ci.:..
vilisée , croient à un esprit eles forêts nommé ·
NOMS D'HOMMES.
N,OMS DE , FEMMES.
.
Enkepmêck , Maringjopou , Onevouck,
Champakhan, Poucat.
'
SUPPLÉMENT.
' I.
(1) La premiere leltre se-prononce comme
/
·;
AU BRÉSit. 3o5
·courir le reproc·h e de · chetcher à le blâm~r ·,
qQe le mérite de notre compatriote ne peut nuJ..
lement souffri~ de ma critíque. Le long séjour
cle M. d:Eschwége dans la capitail!erie de Mi-
nas-Geraes, si intéressante pour la mineralogie,
nous autorise à·attenâre de sa part--des obser-
vations tres-impQrtantes; car ses connaissances
ét la position favorable danslaquelle il se trouve
le mettent en état d' examiner ce pays et ses ha-·
bit~ns avec plus d'attention et plus en·détail que
ne pourrait le faire un voyageur qui pendimt·un .
·t:ourt séjour ne serait pas à même d~ s'instruire
aussi complétement de la langue, des mreurs
et des _!lsages des peuplades qui l'habitent. Mais
l'étude .des ~nçlig{mes dans. 'Cette capitainer'ie
dorme des résultacy moins curieux que dans
d.'autres moins cultivées ou moins habitées par
lés Européens ..D'ailleurs M. d'Eschwége n'ayant
pas vu les Botocol!dys et ayant par conséquent
été obligé de s'e~ rapporter à ce qu'on lui en
a rapporté, il ~elqu~fois reçu des infdrma-
tions peu exactes.- "
Un negre entre autres~ qui avait long-temps ·
..
vécu-parmi ce peuple, luien a' raconté des cho-
ses pêu vrai~emhlables _ : c~_e' certainement il
n'existe:pas plus un roi des Botocoudys qu'un~
lli. 20
~o6
(1) Mit'hridates 1 tpm . III, :1• part., p. ão9, 513. :\I. Thorn ,
-·
AU BRÉSIL.
désigne Ia éouleur des Américains par les nóms
de rouge cuivré ou de gris hrun, elle sera' tou-
jours celle qui distingue leur race dans les deux
parties du continent , avec cette seule' diffé-
rence que ]e froid -hlanchit la peau ( 1) , et que
partout on trouve une grande diversité de tein-
tes. Quêck prouve d'une maniere frappante
l'influence du clim:at sur la couleur de la peau
humaine ; car le teii_J-t de son visage, qui a été
passablement brun pendant I'été, hlanchit ' pen-
dant l'hiver à un iel point- qt\on pourrait le
prendre pour u~ Européen , et même ses jou~s
paraissent un peu colorées en rougc; je dois au
reste observer qu'il n'est pas de 1a tribu la- plus -
brune des Botocoudys. V olney trouva que les
parties du corps convertes' chez les Indiens de
1'Amérique septentrionale étaient beaucoup plus
,
,
VOYAGE '
claires que celles quirestaient exposécs à l'air ( 1 ) .
J e n'ai pas· vu .d'exemple de ce fait au Brésil.
Qu0iq1ie les lndiens civilisés y po'rtent eles che-
mises et eles culottes' leur corps êst · partout
I
égalemerit brun. ·· 1
I •
A U ' SRÉS.IL.
6 ·rési:l ~e.s .ch:ài_,i gemefls €1Ue ·sn-lidí. .r.eJ~il.atqi!l.,e chez
lGs ·piarlteurs :ae .J'Amériqtl.é -sept~ntrionále ~ et
r1u'il attrillte ·a:u 'dirna'li (1). 'Les t~ai:ts de Iear
• '.. r ' • '
pag. 7~· .
< '
(2) Tom.I, pág< 11f>. ·
•
3i2 VOY:A.GE
leurs êes considérations ne contredise1~t pa$
l'axio~e que ~es habitans des ~ontrées cl~aud~s
ont en g~nét·alle teint .plus foncé q . , celJ.x des
pays froids; et I~ gr;1nde variété d~ouleur,s des.
peuples de l' Amériqu~, dont oQ ne peut mécon.;;
:naitre l'affinité entre ·elle,s, semble favoriser l'p~
pinion qui les fait descendre d'une origine com- ·
mune. On peut con~Ulter l' éor~t ~ntére,ssan~ ,de
Sumner sur ce sujet'(I).
M;algré la r~ssemblai::tce qui e~i~te · entr~ le~.
Mongois, les M~ais et l<ts AméricaÍp.s, les péu,-
- J ...
..·
.~ • 1
I'
\ .·
,.
.~
,1 1r l_ • ;-r-.'• • -:I•J
'i
.'' ·r,.. ) )
/
AU BRÉSIL.
t.AI'tA·~"""""~INVt/""""~~""""~~~""""\NVIt
>
CHAPITRE -XIII.
'
Le Rio-Pardo. -Canavieras. -Patipé. - .Poxi. -Le Rio-
Comruandatuba. - Le ' Rio-Una. ,- ~es Riachos ..Araçari.
-Meço et Oaqui, - Villà-Nova de Olivença. -Indiens qui
\ J'.habitent. -Fruit du Piaçaba. - Villa et Rio-dos-Ilheofi!o
,- 'Le Rio-Itahypé. -Almada. - Les Gherins ·, reste des
anciens Aymores.
VOYAG~.
' .
'. AU BRÉSIÍ...
nom que 1\'L Merrem !ui a donné dans.son Systeme des Am-
phihies, p. I44. J'ai donné sur ce serpent, sur le précé-
·d·e-tit, ét stir l~s deux tou1eÜvres ·aorit i! est questi~n dans
.: le t_exte-, un·e 1petite notiiJe· qui 'Se trótiVe ·da)IS }e derniér·vo-
Ju,me ·des Méll!oires de l'AcadéQ'lie .impériàle ·híópoldiue-
caroline des curieuX: de la nature. J'y ai joint un dessin de
l'elàps ·co'hilli.
(1) 'Je l'ài · iJoriitíl!eé '•c6'l-ilber {JenuÚissi"fus. C'e's t la plus
:heHe"espece de ·coútetivre ; elle ressenlble beauceup · po'Ur la
co;terir'à:'l'-elá'ps ' ciirálti'nits, 'in ais ·sa t~:re ·estvplus 'la'rge, sa
gueut'e'fe'n 'due plus ·profo'ird·éme'nt; les 'd.e nfs tr.'~s'-'p1i\'ites sbnt
· ·:eriti'l::'r'exil'en t ceUes 'des'couleuvies :'plaqu'es abd'OiilÍnaies 2o·o ;
•"calt'dal'és"5t.·La' longueüríde ·la 'qu'e ue·surpa.sse 'de•pres d'm1
huilieme celle de l'animal: couleur du corps, ro'U'ge 'de ca·r-
" i:'nin, 'dbnt l'·écl'a t"ést•r-e·Ji>ãasséEpar!d es'•lú1-iiell·ú-x ·'l'i'dirs 'di's po-
- ~és'deux: à!deux, tt:es-rappr.o·chésol'linode' l'autre, ·ete!llourés
·exfér'ieür-einé-ilt ·;a r r ttn :>an ttéa'U" lltroit ··gris · blanc ·verdâtre.
ll''Ôutés' ll!s ' ilcaiHes ~ePta j:Ja~·rie~sili'êrieure • 'du cllrps, ·•rnê1ne
·ceHes!tles latges"õl.·~nllaux réug~s , t ént·u:ue:p.oi'ilte' ,'o~ire.
.tion recony.ah;au pr;e~~er ;~9~W ,d'9'!V qu'ikáp-
partiennent .à ,qua~re especes ditféx:e.r\tes.
1\i. ,l';reyrei_s_s, .qui rest11 plúsJong-te~ps da,ns
ce .cant~m , y _tro,uya _pa.;r hasard d;u~s J~s .. p!l.l:-
mier:s u:qe 1 e~pÇc,e sle ;Cb,a1J,v;e-.~O~IiÍS -;l:E;I_llarq11a-
.ble .et e:q.cq~e Í!1~onpt;re g~i 1pq!lrr:.ait .fqnp,er 1p1
ge~1re npu'\jeau (1). A,u;·li~u ge, au~~e elle.a deu.x ·
~ppendic~s .corn~s plâ<;ês "\lqr,~Ç>,:p,talementl'~n
a,1J,-;d~ssus çle 1l:autre, ~.le sup~rieur_ q~ ~~t.le. plus
gt~ap.Çl ,a,cinq ,lign~s de ~argeur; é' e~t el)._ }:{~eJqp.e
sqi)teun prQ}q.qg~rp.~n.t c;lef9,s de)aq\le:q.e qHi -~e
tern:tine de ,c~w:; rp~n_iere ; l~i\ppenf!içe _ipférie;Qr
est formé _par ~e r~plis :q_ue )a n}ep:1prqne jl~ _la
queuefait s11r elle-!Jlêm~· - ~e , P.e.l~_ge :9-~, ~vet
'_an.im~l ~s~:un: peu:Q.ocom,1el.:pl: ~t}l~ cqlli.~l!-d?!~p.
_çP,e,;,il ,se tienLcaché_ p~pdapt,le jour ~u. f;l?i~i~u
du feuillage_,cqlos:S~l de~ <~oco.r,iers, wü .~(;m~)e
long !1!'1 .,~ ett~ cq_te. :sqnt : P.~bités . et.·aÍ).in;l~~ par
les .r~I?-~~ra,s ·~r~. 'g'iis ,v~rt .hr~~~~t (2 ).
..
AU IUtÉSIL. 33.5
temens.;lls h e s'oc<;U:pent pas d.u tout de Ja chasse,
cp.li dans ·d' autres, endmits . -est ,un des .prin~i
paux pQsse"""temps .des iln<li.ens, . car -ils n' ont -ni
pouclre ni ,plomb., Objets que rl'on a l,'aFement
occasion d' ac heter àV·illa-clos-tlheos, et,que ;par
conséquent.il faut ·paym· .tres-cher . ·J]ne des
principales 'hranches d'industrie des habitans
d:Olivença esda fabt!ication des ch~pelefs. qu:ils
font avec les· .fruits du coco de .Biaçaba -et Jes
.carapaces :de ·la tortue caret · (tartaruga ,de
·P-endem).
rLa ·famille des.r palmiers est lllil•des ~présens> les
tiq.ue ( ~).. ·
.~ ' ' ' { ..
· (I) Le cabinet,;d'e 1\L Blúmeiíi'iach de Grettiugeu offre di.:._
ver$ éohanJ:ihhn~s : de ce•'fossile, qui vienneiÍ·t die FWe de
l~A~ censio.n . •NJ .. Cun.fiingJl,:a·ll~ l'a a.ussi décrjt .dans· les•Tr.w- ·
sactioni pliilosophiques, tom . XXI, p. 5oo. Les. cp.urans
m a'i-Wmes a1J poi· te1i. t .ce f~ssiie §Ur les côtes du Brésil., de
m~me -Citú~s po~sserit des graines d·e mimo~as' et d''hutres
v~g-~ ~au ~ d e~· tropiques;' sur l ~s. côles d' Angtéteri'e et- d'e
~~orvég? · ,.
Comme je s.uis sur~!l point de quiH~r li! côte dtJ. Bré.s il
rfo1ir ·m'enfÓ;1cer dans i'intéri~ur des'·terres ,_.je vais dénom-
,, I
br.el' ·sn'Ci: i!ncte,Ip.elH ·l'es; drveneh!specés de coquillages que
A!O BRÉSIL. 33g
....
,
~
' VOYAG:E
ment vide; il a déjà beaucbnp .d épéri ': en quel-
.ques endroits il .n'y .a plu~. c:le toit-: lês hmrs sont
en briques et en _pie.rres caJcaires ; les IlOm-
breuses coquillesrqui se .trouvént -d.ans eeBes-ci
indiquent leur o.rigine. On peuf co'm1!'1ier. aussi
parmi l es monum~ns de l'ordre un f:Jeaú puits
.solidel?J-Cllt bc'hi et couvert d'un 'toi·t. Malgré
· tout le mal '.que les . J ésuites· cmt' fait , on
doit .avouer :que la plupart dés étab1issemens
sages ·et ·hienfaisans d·e r Afné.rique méridio-
nalc leur sont dus. Villa-dos-llheos est com-
. posée de petites maisons c·oavert:es én; tuiles,
en partie mal Cfitl'€tehUCS ' Cfi àécadeJ1'Ce OU I
viçles; les rues sont · plus og moi:ds r<'g·u lieres,
convertes d'herbes; ce li'est que les dimanches et
les jours de fête que l'on y ·a perç'0it'du nilou-
yement ét de la vie ; OI:\ y voi~ · alors <iuel-
,ques .personnes ré~tnies parce <iJ.Ü~ ~.es habitans
.du voisinage y vierinent à Ia··messe. Il y a trois
églises. Cellede Nossa Se~hora da Victoria, ,si-:-
tuée dans uqe forêt, ainsi que je l'ai dit plus
haut, a, d'apres la tr::tdition sttperstitieuse de ce
lieu, ·été construi te pour conse'rver Ia mén'loire
.d'rin núracle. On voulait bâtir une église dans ·
/ ]a V1"}) a, et l'on avalt
. d ep,., 1açonne
r. ' ' '
a cet ~I
·euet
i une poutre colossale ; un :tnatin on découvrit
./
AU ·~lUi:SIL .
.
tout à «;dUfl Ce'tte én'i>rFIIe pÍ~Ce de "bois ~blT :}a
montagJ].e v0isine, ·e t qn 11eoonnut dal'ls ·ce ·pro-
dige un ·sigiiJ.C ce~r~ain de 'la -v6lon'té ·de N6t:re
Da me qui ~ésir.ait -a.Y.oir sbn église sur ·cette 'hau-
teur: on s"empressa ·d~ s'y ·oenfonner. 0n
. compte ·.trois ecclésiastiques da:ns Vil1a-:-dos-
llhe·os , le :pr..emier 'porte •Ie·tit(re de ·padre vi-
ga rio ~eraL 'p 'ili'J!Ili rles :m&numens de l'histoire
ancienne;d:Irrhf@bs on tteraartp'le quelques restes
clu :temps qu'e}le 'tlti~t ·pe>~~édêe par íles Ho'llan-
dais, en'llrc -autr-é's íl;t~~Ís re-doutes ·p·rês de l'eniré·e
du •povt, -et_,sa.:r 1lf. ~~i v age 1me grande ·pierre ele
gres ,e:lil forme •de •meuh~ qui a ·di:t-on servi ·à 'un
mou:li.n à })oudi'e~
Les rélations 'de ·cette ville avec les autres
por,L-s -du Rrésil sont peu importantes. Qu.el---
€j_l:l'eS lanôhas ou barcos font iínpetit commerçe
des prodnetions des plantat\ons ·et des i}rêts d~s
envir-(ims avec iBahia. /On cultive à peine assez
de manioc pour sulffi.re ·â la consommaiion des
ba;b itans; c~est ·p«;nH'C.fUOÍ lil :arrive q~elquefois
aux étrangérs de ne rien trouver à manger. On
y .a enc01~e ·moins c1ue dans les "\\Ílles situées
pb.ts au ·suEI. les ·moyens. d'apais e r sa faim, c ar
dans la saison chaude .le p'oisso~ rnême y est
, rare -; ·d.ans la saison froirie, c' est-à-tlire en
344. VOYAGE
avril, rnai, juin, juillet, aoftt .et sept~~bre,
les eaux sont plu!i 'productives. On exporte
d'llheos un peu de riz et une certaine.quantité
de bois, surtout de be ~u jacaranda (mimosa )
et dy. vinhatico. On voit peu de moulins à suere ·
sur le Rio-clqs-Ilheos; ceux qui Iie fabriquem
que de la mélasse ou melada et du tafia, et que
I'ón · nomme engenhocas sont plus communs ;
parmi les premiers, celui de ltt Fazenda de
Santa-Maria méritc d'être cité; cette Fazenda
possede un territoire de vingt lego~s de long ,
et a deux cent soixante..,-dix negres; elle appar-
tenait auxJésuites: lndépendamment du moulin
à ·sucre , on y voit des machines pour nettoyer
le riz et le coton qui sont mises en mouvernent
par I'ea~; on lcs a récemment- fait raccommo..,.
der par uri Anglais et on les a pourvue~ de
r~:mes horizontales. Il n'y a qu'un autre mou-
liú à sucre dans ce cantou· auquel $OÍt jointe
une machine-à ne.ttoyer le riz •.
Villa-clos-Ilheos, par la situation avantageuse
de l'embouchure du fie~ve , et par son port
bien abrité c1uoique petit, a les plus grandes k'l-
cilités pour , faire un comrperce tres-actif. Le
fleuve n' est pas tres-considérable,. sa source se
trouv~mt à peu de distance clans les g~·andes
/
AU BRÉSIL.
forêts: ~m p,eu au·dessus de la Villa il se partag~
en trois brarich~s. La plus septentrionale ~ nom'-
mée .Rio- do-Fundas, est la moins longue et la
moins forte ; la moyenne ou la princip~l!'l, ou t
le Rio-da-Cachoei"ra, vient des grandes forêts
qui couvrent l'intérieu~ du sertám de la capi-
tainerie de Bahia; la plus rnéridionale est la se-
. conde pour la ~~osseur. La fazenda da Santa-
Maria, située sur ses bord lui a fait do11ner
le norn de Rio-do-Engenho.
. Curie~x de connáZtre les' indigfmes du Rio-
. dos-Ilheos, je résolus de visiLer le Rio-Itahype,
nommé ordinaireme~lt Ta'ipe, qni a son em-
bouchure à un demi-mille at~ ·norcl de celle du
Rio-dos-Ilheos. On a depuis long-temps fait sur
ses bords un établissement pour .les Ghérins,
tribu. des Aymores ou Botocoudys; elle porte
le nom d'Almada. On y arrive en un jour en
remolitant le fleu ve depuis son embouchure;
la route est fort agréable, et procure beaucoup
• 'occupatwn
d • au chasseur. I
Le Tai-pe est d'abm:d tres-peu considérable, :
un •granel nombre de jolies fazendas· ornent ses
hords ; tou,tes sont ~nvironnées de cocotiers, et
plusieurs des plus considérables de bocages de
ces arbres. Les corales ou camboas sont la plu-
I
I
I
VOYAG-E
AU BRÉSIL.
· manioc, le riz, la canné à ~ucre; etc. ; mais ,
~irisi que je l' ai d.éj~ dit, 011 ne fait pas assez de
manioc pour pouvoit approvisionher Villa-dos-
llheos : preuve manifeste de l'ind0lence et du
peü d'industrie ·d es habitans. lls sont contens
quand~ils ont un peu de farinha , de poisson et ,
de viande ·salée, et q\lancl de temps en temps
ils trotwent eles crabes ( caranguejo ) ~ans les
buissons voisins. Il e11 est bien peu ·qui songent
à améliorér· leur ~tat ou à mieúx cultiver la
ter r e. Léu r non~halance ':va.· si loin, qu'illeur est
incli:fférent ·ele · pouvoie gagner ele l'argent. Le
-café vient tre~-bie11 sur les bords du fleqve' ce~
p~ndant . on le cultive peu. Le com~erc~ ele
cette clenrée (:!st insignifiant; et le café' si prisé;
si reéhe~·ché .chez noüs, · est à vil p1'ix à Villa...:.
dos-Ilheos.
· Les parties inférieures du fleuv'e · sont seules
ornées ele .fazendas et de rriaison( ; qna.ncl Ó11 a
remonté· plu5 ·haút ;. OJ111'aperçoit 'plu~ ·eles Q.eux
côtés que de hautes forêts; clans' les 'enclroiis
ilus le ~ivage offre · en général .une belle v,erc..
dure, et tantôt ·eles éminences 'coiJSidérables·,
tantôt de. jolies coÍlines. Du sei11 eles fot~êts les
plu~ hautes s' élancent les cimes eles cocotiers.
Une quantité ele plantes aquatiques forment sm
35q YQYAGE
cbaque rive nne haie épaisse, du milie~ de la·""' .
queHe .sort Faning;l!. ( ar~,tm liniferum,, Arr.uda )•
Ce v.égétal," ,av-ec·ses tiges Gén.iq:ues a:mincies par
en haut, qui 01~t sept à httit pieds de longueur,
et ses, grandes feuillcs sagittée&, ~qq1pose un
singuli€r . huisson. Pison l'a représenté. de 1~
maniere la ,plus· fidele <la:ns son trait~ !±e Facul-
ta,#bus sirnplicium ( 1,). ~
Plusieurs o1sea,ux vivent s-ql' ces pla.n ~es aq,ua-
, tiques , entre autres la grive à,cou jaune et . n~
( turdus brasilie.nsis, ), lCJ piacoça o'u jacana
( parra jacana, L. ) , et 1~ bdle,poule d?e.a u
bleue ( gallbn,tla martinicensis ) , etne· r.ous
n'avions pas. vue depuis long;~t~mps. Cet oiseatJ
a un _phu.nage ·n;~~gnifique, et. ress~nahle parf:;!i,...,.
te1'nen~, par sa n;J.anjere qe vivr:,e ,. à ·la pouJ~
d'eau d'Eurorie ( gallinula c7zloropus ) ; eUe
nage dG ,même t~es-bi~n , et s~Ut<f sur les. tiges
et les branches d~s· plames. ~quratique~. ~e. granel
myua ( plotu~ '.n elanogaster ) 'était commun
en çe lie"P., e~ mqins farouche ..que c;eiljx' des ri-
viere.s plus n1~ri:diçmales: nous en avons tué pJu.,..
~eurs, ail)si que le joli pic,apara ('plotus suri-
nar:zensis, L., ou podoa, Illiger), qui emporte
· VOYAGE
.
Eldora_do fabuleux, ou un pays dans lequel il
.
n' est pas né.ces.Saire de prendré beaucoup
de peine pour acquérir de grand~s richesses.
~..Jes aventuriers européens avides d' or, excités
par ces récits merveilleux, se sont hasardés dan~
toutes.les parties du nouveau monde.à cherchcr
çe paradis si ardelll,ment .dés~r-é;. ils ont. pour.le
trouver pénétr;é jt1sq.ue,dans Jes . forêts les plus·
•
!-
r
AU. BRÉSIL.
' • •'\. i . , j •
355
écartée& d.e. ce vaste comip~m., d~qQ. pluiseQrs ne.
sont jamais revenus.
C?est m~urtj:\p.~ à cett~ sgif d~s; Espagn_ols et
d~s . :J?oriq.gais pou.r l'o~ que nous ,devons. le peu
d,~ ·ngtion& iacompletes qu.e. nous avons súr l'é,...
ta~ et ht géographie .de ces/ solitud~s. de .Yinté.:..
ri~ur de 1~:1\mérjqueJI;l,~r;idionale. La p1upart, des,
qo:qt~ée!1 de ce c.o:ntinent ont une tradition d'un.
RilY!> de. l'intérieur tt;es-riche en or : La CoH-
d.apljqe. par,lc. : .d:Ql} D.oradó ou. d?une Lagoa ·d@
rad~ (I)-. l\1l·. d~ Ji[umh_oldt (2:) et d!autre~ écri-
v.a,in!'· en fpll.t; a;:ussi m~ntion ; m1e tradition
s.e·mb!ahle r:egne. sur les bo rds du Muc~ri: et-
d.i!l R·io-d.os-Ilheos. Cependant la. croyanc'e' à.
l~e~istence. de. c.tis,· pays. marveilleux, est l;>ien
tg;mhée aujoarcfhui che~ les planteurs de l':A.-.
, mérique méridionale , car Ja pauvreté or.-;.
dinaire· des mineiros qUi cherchent de. l?or
m~ne promptemen~ à la conclusion que la cul.:.
ture de. la terre d11ns ·ces pays. si favor.isés ~ par
ãe
... , . . . I t j
êt - 'p-·i:êt·rês "p·rédêlises:
J'
" I
' I
UHórizón
'
.
l
' au-él~Ià· ' tle
I
.
, I
·-
..
'
A1Jl-1311Ê~ÍL. 363
<JH.A:P.I!Jr'RiE XIV.
REMONTANT LE FLEUVE.
'[.) . ' .
v :oyàge 'à ;Úavers 'Iês fó~~ts ;à1 San!:'Pédro. ·..::...;Niíit'pa~sée 'stir Ie
· ·Riheirau"d·os-Qrririt'os á.~ede . pent itémui{ - · San.:.Pe'dvo
~. d':Alcantar(l.- Voy.ag\! çn ,desce:-ulant le fleuve ~à la . Vill~.
- Semaine de Noel et fêtes. '- Retour à San-Pedro. - ' Pre-
:jar:Üifs polir gaghef IÓ1Set tlnhlà trfivers>l~s 1 foté'ts.'
..
!:TE Jfus ' ti.'~~ L~i~n'<>.lêcueilli i Vlilta.;.:tlós..ol1:}:ie\Js
-par M. Ai'iiârál ·, ·]uiz "du 1lieu' j •éest • âu ''tes~
-\ in 'i:rvàiitage:dónr r'ávais jóü~ ~p'á r~ó.ut. rM. ''Km~-
ral ·mit' Jl,éaucoup ' tl!•émpr~ssement · à •m'óbliger,
. , ttte rn.oüs rénHre ' :tnoirls 'ls'éri'silile i~e
;th 'lie'ffórta
manque de :sühsistánces aont ~hufftàit' la'Viina;
·.:j} :>eut b;coclpl~isilice · ae ' faire ivenir d~ ''s afa-
"z'êiida, 'situé·e ·sur la 'grànde·lagÓ'a ~ i de •lif.Winba
.. ei H'~utres provisiôns' )?bti:r ·>tnes· ·gehs. ' . '
364 -'voYACE
.i '
M. FraseH, qui était venu de Belmonte avec
-moi, ayant trouvé llll navire prêt à faire voile
pour Bahia , en avait profité.
Le séjour de Villa-dos-Ilheos ne convenait
pas aux Bresiliens que. j'avais . pris pour ni'ac-
compagner dans Ies forêts; ils étaient tous
gr·ands buveurs d'eau-de-vie, et avaient occa-
sionné . plusieurs 'scenes désagréables. Je, me
d'écidai. en conséquence à pressyr, Ies prcipara-
tifs d.e mon voyage ~ et à le commencer aussi-
tôt que je le pourrais. Un mineiro qui se trou-
vait à Villa-dos-Ilheos raccommoda les bâts ou
ca~galhas de n1es mulets, le Iongvoyage par terre
· depliis · ~i?-de.:.Janeiro' jusqu'ici les ayant mis en
tres-:n~~uvais état; u,pe ~épa1:at~çm ~tait d'aut~nt
plus importante, que ces animaux allaient en-
treprendre avec une charge tres-pesante une
eourse-à ~rave'i'!' ,·eles- for~ts., e~tiê!'~mef!.t .inha-
.bitées .; . le~..c~i~ses e.t ,les .paqu.e\S: ;heurt~nt~ fr.é-
quemmen~ COf!.tre les trop,c ~ cl' arbres, .e t .ç_i!aque
fois ·.ce · choc,les compfip1e pu .:r;nê1~e les·écr:a.se
si· le b~t n' est pas ÜlQU e~ ~Í~fl 'P.ouplé; ,OU S,Í la
cJ:Ia~g~· n' e~t pas bien ~:g éqçilibre. .
.· Mais le · gr~nd voyage que j'alla.is .faire da~s
les :forêt~ ~~igeait e.n~ore quelquÇ,s· autres a.áaxt-
gernens. Cmn~;rui_ da-p.s 1!-?é cotme de qua~~te
365
legoas à·travers d~s c~ntons peu .fréquentés je
ne m'att~ndais pas à 'r~ncontrer u~e seul~ " habi
tatiori ·l~umainé, il fallait e~porter la provision_
de far~nha, ~~ viande salée et ~'ea~-~e-v.ie, né-
cessaire pour ina troupe. un· des _mulets f?-t en
conséguence chargé 'd'un baril de : cette li-
queur indispensable. ~ deux autres portaient les
vivres qúe l'on"avait ruis dans eles sacs de peau.
de breuf durcie ( boroacas ). · Enfin · cha.c un
dê mes Indiens avaii sur lé dos- sa provision de
farinha pour six à húit jours. !On m'avait pré-
venu qu_e dans cette routé embarrassée par .les
buissons et les lianes je ne ·pourrais i as avan-
cei' sans lé 'secours .des h~ches .e't des serpes '; . je
fis en con~equ~U:c'e f~briqlier plu~ietirs ' de ces
outíls d'U:ne bonne trempe ~ . et je les confiai . à
Hila~~o;· à Manoel ~t à Ignacio ' trois homrnes
que j'avais éngagés pour ce voyage: L~ premiei·
était un niamelus' lé second un ' ~ulâtre d'üne
force tres-rem~rquàble, e~durci à la fatigue· et,
accoutumé ~ parcou~ir les forcêts, et le troisi{niie
un Inàien~
I
· Ces:arrarigemens terininés, je fis charget· quel=·
ques grandes pirogues de notre bagage ~ :· e't je
partis de Villa...:cfos:.:. nh~os le 21; clécem.bre. La
rout~ de .Minas-Geraes ~ommence eles le bord
366 VOYAGE
de la .mer, ·suit le cours du .fleuve . en 1 ren!_Ol\~
tant, et.à.une.lieue et demi.d~ la Villa s'e:n,fQ)IGel
qans des forêts conti:nueUes~ Je-déhat;qpai le soir
à ,une ~apc:oda ou mes:.rqulets, ,que j'y a;vais. e:n,-
voyesqqe, 1ques Jaurra
. '1'avance.,. setaumtre;pose$,
,, . ,
~t ·av~i~qt r~pris des, f<?rcçs au.milieu d'excellens'.
J?,.âturages. Je: trouvai dans ce · l~~u un mine~ro 1
nqromé· J o~ Ca~.tano qui. faisait abattr.e du, boi~
\l;ms le.$- (orêts voisines e~ avait avec lui deq:x.
j~unes · sauvag((s de la t:rilm des Ca1p:ac~ns 01!
JY-[1!-ngqyos,- J~ aurai p.ar la suite occasion de p~u:
len de cet homme,qu(l je. pris.à ma solde p,e n-
qant quefu~ ten?ps. Conune :i:l m'apprit <W'un ·
pont de . cet~e route .était en si ma1,1vais état que.
l~ on ne p,ouvait y passe r.' · je dépêcha,i en, avant.
six de mes. gens avec des haches pour e~arr~i
ner cet endroit , et en cas de besoi,n établi~ un
p,ont provisoire ou un.plancher pour facilitei' I~
passage. Je chargeai en mên;w ~emps de1,1,x de
mes chass~urs de les a~compagner pom;, leur
procurer dU: gibier; je .demel.lr.ai avec le reste.. ·
de ma tropa à la fazenda d'un certaii].. Sirp.am , l
d'ou :nous fimes des exçursim;1s dans les forêts
VOlSlUeS,
.
(1) Muscicapa rivdlariS. Longueur, cinq pouces .troisligues; .
envergure des ailes, sept }Jouces trois ligues; front et côtés ·de
.
la tête gris cendré, les:dern_iers .un peu rnêlés de. blauchâtre ~
une ligue b'ianch:e jattriâ-tre au"-dessus des .yeux ;. gorge .jau-
nâtre blan~he; poitriue grise i;1uuâ~re, de. rnêll)e que !e
crouP.ion et les plumes du dessous de la quem~; tout le dessus
d·u corps vert olive ave c une forte nuance· de 'vert ~la ir. Cet
oiseau a b ma-n iere de yivre et lennmurs des fauveues.
368 VOYAGE
ches et de fruits. D'autres grands arbres' étaient
tellement surchargés de · nids de japuis ( cétssi-
. cus ·persiczts) qu' on en voyait · un ··suspendu ~t
chaquebranche.Ces cas~iqués faisaient entendre
sans yelâche leur_voix·rude; ,e t riwntr~ientcomme
nos .et0urneaux un talent singúlier à imiter Ia:
voix de tous les oiseaux qui se trouvaient ôans .
leur voisinage. Leur plumage·noir et jaune bien
tranché est magnifique; sUrtout · quand -I'oiseau
étale, sa,queue:, et grimpe en voletan t à son nicl
en forme .de .boursé. . f • - ;
.Mes gen~ · revinrent apres un jour et demi .
d'írbsence avec la nouvelle que le pont ne pou-
vait se réparer et que par conséquent le pas- ·
sage serait tres:_clifficile. Cependant je partis
le 24 décembre avec tori.te', ma tropa pour es-
sayer, · de le franchir ; · je trouvai la route ,en- .
core plus rnauyaise qu'onne IJ1e l'avait dépeinte.
·P artout les épines déchiraient la peau et les vê-
temens des voyageurs: il fallait constarnment s~
frayer , Uíl chernÍn avec la serpe; SOUVent d(\S'
hallie.rs touffus de banano. d~ mato ( heliconia)
avec lems lOiigues feuilles roides rendaient' à
cause de l'humidité de ·la rosée, la m:arche clans
les for~~s ,extrême~wmt ·pérÍible et désagréable.
La route monte et descend à travers des fof'·êts
AU _BRÉSIL.
i[l}me~ses et sombres, remplies d'arbré s gigan-
tesques qui · sont exGelle.ns P,our Ia' c!1arpente
et pourtoutes sortes de travaux. Des le premier
jour de notre· course dans ces solitudes , nous'
avons fran~hi plusieurs moutag,nes considéra-
bles; je -noterai entre autl:·es le miiiki, ainsi
nommé de la :g rande qumiiite de si'nges (ateles)
qu' on y â ' tróuvés' et ;le jacara:nda, ou la belle
espe~e demi:rhosaqui porte'ce nóm est extt·ême~
~ent ~omín:un ~. ·On á. sur· c~tte d.er'niere fr~'cé
le cheinih ~n-serpe1~ta'nt; riéanmoms' Fa'in9rlté~
rU:t extrê~eri;ent r..;,de i>émr hos -m t;'léts éUa~gés:
les 'p aüvres a~imauX: s'an;ê'taient souve,n t; ~é }e~
posaient, : 'pb.is s{! remet:tai{mt )(;lU . m'l~c'ne'.
I ' I
Les .
.vallées·•:solitair.es' ou' 'les· paln:iier·s" noíi1breux
font· su~ioui l'ornéme;nt 'd és bois touffüs, ·Üous
·présenterem ·d.e bieh plJs gr~hds- obstach!:·~; ·so-u . !.
vent nos ·ártimaux s'enfohçaient profmidé'ment
dans·un·sol m'arécageux ei ilioll· ~atol'rúrt:.!). Des
chasseuçs qui co:ánaissaient la ' rotite ohvraieilt
la ·marche;tils
I
avertissaierida
.
'lrópa
,
de ces. sor~
tes d'empêchemens;: alors on·· -fais-ait 'hahe ( les
1
' -- . .. f
·cayl!-'1-i'er;s des~en·dai'eiitl tl'e'cliêval; · les cHasseurs
posaient; leurs armes sur les ·arbres · voisi~ , on
1
I ,
V(lfAGE .
moi1~s gros, on les étendait sur le chemi~, 011
les rc.couvra~t de~ fe~illes de Pa:lmj~r et de brah-
chages, et on se fr~yait pa~ - ce mc:>yen un pa~
sage -artifiéiel.
.C'"~st ainsi q~e no~s . parvenion~ à avaiJ,çer ~
forc~ de ·travail pa~- la chaleur J iu jom~ ~n~is
souvent nous ne tardions pas ~ re~contrer d~~
arbres gigantesques éte.ndus en. trave_rs d~ .1&
roU~e, large de huit.~ dix pàs; il fall~i~:alois
absolument ouvrir m1 sentier l~téral dans l~
parti~ ~~ ··~lus ~ouffue du h9ÍS~; ét éviter de ,üett.e
maniere 1\)bs,tacle qui se présentait. Ces, djtp..:.;
cultés ,~. qui ar~·êtent ie voyageur ·d.a:QS ces soli-
Judes, im~,ense~ et retaFden~ singu}.j.~re~e:nt ~
marche, ne sont_nullement e:lfrayantes au coín-
mencement d~une t~ntative se~hlahle à la
~:nienne, quand Ja s;;tnt~ rt'en souff:r~ pas, et-.que
.I ' .
l ' q~ Ji~,,
· eprouvcr · pas
. L. • •
~ ma:gq1,1e ~ proVJ.sJ,Qns.
"on
,. ' . . l
l' voit alors des tiges colossale:> erttrel_acées
\ . '. ,.. ' .
l~s ~fnes. les -.a~l~r..es en . se. tenan): de~out ;' ,et
1 on devme alse:n1ent la çause d.e ce p;h.enqmene.
n serait bien difficilé de présent~r. fid~~eríl_é nt
AU . BRÉSIL. 3;3
l,e tableau de ces forêts; 'car l'art restera tou- •'
jours, en arriere pour lesdépeindre . .
•Le ,pt:emie.:r jour .j'ar~ivai: dans • la soirée à un:
.en:droit qHe 1 l'on> . ~ nmnmé:; Côra.Z-do-.faca-
raízda j t paTce .que :les , troupea~1x de breufs qni
venaient clu·ser.tam y. avaient jadis passé ]a nuit.
Les .bouviers (• vaqueiros) élevent un pare ou
~,OI:al en: coup,a nt des· perohes , . qu'ils ·attachént ·
horiz,ontalemen:t ·aux troncs des·arbres ass~z,for
temerit ·pour 'que les· bêtes à ·cornes ou les cbe-
v~~x puissent : pas s' échapper ·pendant ·· la
nuit. Ce Coral-do-Jacaranda était enfm'lcé"dans
tine partie de la forêt .si touffúe et si haute: qu'il
y fit sombre. de . tn~s-bonne - heure. N<ms avons
encore ·trouvé contre l'enceu)t(~ une couple de
vieilles c abanes ( ,ranchos ) constrnites fort .Ié- _
gerement comme celles que naus áVÍo~s· 9,ejà
vues ; elles consistent en une palissadé .de .per-
ches posées obliquement; et qu~ l' 01:1 couvre .de
pi:lttioba ou d'autres feuilles ·· pour se garantir
_de ]a pluie. Celles qui subsistaient encare ·en
cet endroit étaient si vieilles et en si mauvàis:
' J • • • .
I
)
V0 ·GE
\
AU BRESIL.
conque, ~ une petite ,élévation au-dessus de
,terre, leur niq, construit à Ia maniére de, celui ·
,eles guêpes. d'Europe : il consis~e de mê:m,e en
,une masse d'un gr~s blanc., semblable au pa-
pier , et a généralement une forme elliptique
p9~ntue aux deux ext!'émités : il est attaché par
sa partie supérieure ; à l'inférieure .il a une_
petite entrée ronde , quelquefois il est arl~oncl,i.
Ces habitations dangereuses sont souv(int fixées
_à la surface inférieure,d'tme .des grandes feuil-
les de l'héliconia; lorsqu'il arrive -~ un voyageur
de les toucher par hasard, même légerement,
les guêpes irritées en sortent à ·>l'instant en
foule pour se vengel'. Les -Brésiliens évitent
:fespectueusement ces nids quand ils ne peuvent
pas les déti;uire pro~ptement.
' A midi j'arrivai à Ull endroit de la forêt
ou le Ribeirão_:'dos-Quiricos, torrent profo.n dé-
ment encaissé.,- coulait -jadis sons un pont : il
n'y en avait plus; il était par vétusté tombé
daiJs feau. Cet aspect désagréable ll,OUS faisait
pr~s~entir le retard dont r{ous étions menacés;
en conséquence je me décidai à passer la nuit
dans ce! endroit, pou~ donner à mes gens le
tcmps d~ faire passer .la tropa. Pres du pont
nous avops trouvé· upe viei]le cabane d'Indiens.;
VOYAGE
le t:oit de feuilles de cocotier ·était en partie
pourri, cependant il nous procura eilcOI'é un
ab;i passable contre· l'humidité de la nuit. On
renc.ontr~ aussi pres dU: rancho quelques grils
'de sauvages faits de bâtoils courts ' ce qui faci-
lita -aux_ehasseurs dé l'avant-garde les moyens
de pourvoír à notre repas. Ils nous menerent à ·
leur cmnp ;· noU:s y vimes un' pécari, ttois sínges
1n~ri1Üs et uri. jacuting; étendus · 'su'r les grils ,
conp d' reil tres-satisfaitant pour des voyageurs,
affamês : nous nori:s assimes-tons autour -du feu,
ct l'on se .raconta :mutueHem(mt les a.yentures.
de la journée. Hilário, nn des chasseurs, àpres· ·
avoir tué le pécari ' ' l'avait laisse sur la place et
couvert de branchages pour venir le chercher ~
Je lendemain matin; mais lorsqu'il revint, un
gro~ ja~a1" avait dévoFé la meilleu\·e partie -de
l'animal. Le voyageur qui parcourt ces forêts.
itnmenses doit s'estimer heureux-de trouver de·
ep10i se sustenter ; aussi fumes-nous tres~atis
.laits de ce que le jaguar nous avait laiss'é q~el-
_que chose. ·
A pres qu'on eut repris des · for(~es , il fut
question de transporter ]e bagage de I'autre côté
du ·torrent, opération dans laquelle les lndiens.
montrerent be~ucoup d'habiieté e't d'adresse~
...
AU BRÊSIL.
Ayant po~é une poutre en travers , ils marche-
re~t dessus en portant une ea-isse pesante sur
~eurs épatil~s, et passerent ainsi tout le hagage
sans le plns petit accideni à la·· rive opposée.
Les mulets nous causerent ·plus 'de .difficult_é .
. Les. hords du torrent étaient hauts , escarpés ,
glissans , a:u.-dessous le terrain était bas ·et ma-
f
.récageux ; les , pauvres : animaux .eurent heau-
coup de peine ~i gravir la rive opposée, il.s en-
fonçaient dans le lit du torrent ; on fut obligé
d'y poser les débris du viêu.~ pont; grâc,e·s à ce
sea~urs on les amena tÚus de l'autre côté.
Cette .o'pération était à peine têrminée que
]a nuit nous surprit. C'était la saison des pluies :
d'épais nu ages. couvraient l'atmosphere ·, ce qhi
produisait dans la forêt tme obscurité incroya-
ble '; elle semblait ancore plus ·proí~nde à la
darté de notre feu . .Une· quantité innombrable
de grenouille~ faisa~eHt 'retentir - le~rs ·voix dü
milieu des touffus de bromelia ·qui eouvraient
]es cimes des . arbres; c'étai~nt· .autant de ééis
ditfé·r ens, les un~ étaient rauques et_ brefs,
d'autres ressemblaient à un instrument' qú'oll.
frappe; ce~x:-ci ~ un siffiement bref -et clair,
c.el!x-111 à nn c1aquement : des insectes luisans,
semhlable&à des étincclles, voltigeaicnt de tou.s
j.
'
3so VOYAGE '
( 1) P.ag. u8.
AU BRÉSIL.
charmante est .tres-.comnmne ; ceperidani on
la rechetche peu et.orr en tire rarement parti i
plusi~urs a:nim~ux , entre autres les rats et · 1~s ·
souris, dévoren.t avec une avidité singuliere ses
gousses encor_e vertes.
Les .nombreuses especes ·de fougeres cà-
cbaicnt le ~ol, .notammeilt sur l' ancien erupla-
ce.ment de la route ., et coÍnme elles avaient
souvent huit ~ dix pieds de hauteur; il fall-ait
se. frayer avec . beaucoup_ de peioo une issue .à
trawers leurs pan.âches -touffus~ Plusieurs espe-
ces sont pet:ites -et cherchent l'ombre·, . d'a~tte~
au ·c 0ntraire sont si fort-=:s q_u' elles peuv_é nt órn""'
brager. un homme à cheval. Je dois remar'quer
à ce sujet que l'on a déjà trouvé dtm~ ces
cantons ~eux genres d:e celite fàmille· qúi sont
épineux, et que l'on peui ranger parmi les fou~
geres arborescentes. .Egratigné . et décbiré par
les épines, trávei sé ·par la: plu.ie, épuisé. par la
transp\ration co'àtinuelle que ·cause la· chaleu:r,
le voyageur &e . sent néani.m;)ins ·transporté d'ad.._
mi,ration à la vq.e de cette magnifique végétation.
La pluie qui tombait pa·t· .tor:rens ·aUgfiltHltliit
pour nous les désagr.fmens de. la <rOute, tnái$
n' cmpêchait pas les habitans des for~ts de se -
faire entendre. Nous fU.J?,es tout à coup surpr~s
•
VOYAGE
par le ..cri singulier d'un oiseau de pjoie-· c{u~
nous n'avions pas encore .yu. Sa yoix, éta~t ex-:
" . .. . • ' f • •
trwnement perçante et retent1ssante .: c etalt un
cri pl~intif, fort, diminuant peu à peli; et pré-
eédé de quelques sons br-efs et di~tincis ; on
aurai~ dit du chant d'uúe poule qui pond. Cet õi-
seau; appelé par.les .habitansgaviào do sertàm,
est décrit par Butfon sous le nom de petit.aigle
d'.4mériqu.e ( falco nudicotlis. Daudin. ) ; iL
était pt;!rché sur les .cim(is des· arbres :1es plus
hauts. Je fis faire haltc ·à la tropa ;·:, deúx cbà~
seurs s'approclH~rent tout' doucenien~ ; • peine·
inutile ; la phlie avait .telJement mouillé leurs
arm~s qu'ils ne purerít pas s'en servir. Au-reste
les Óiseaux avaient fini par s'envoler ~pres que
'les armes eut·ent fait phisieurs fois long feu.
Nou~ , n'étions pas. éloignés' de San-Pedrp-
d'Alcantara , dernier , établissenrent que l~on
.rencontre en remontant le Rit>-dos-Ilheó.s , ca•'
l'apres-midi ·, en sortant de l'épaisseur des· fo-
rêts , l nous . entrãmés dan·s. les champs ~,.cu}tivés
· par les habitans·; ils,y avaient planté les.boÚtm:es
a·
de ,m;rd~oc 'entre:les troliés ar~i·es bi·ulés ( 1) :
bientôt
"' .
'
nous arrivâmes à lem;s·
.... .maisons.
~ -.---------·--
AU· BRÉSIL. 3.85
Quel misérable village! On y compte mi.e
dixaine de ché.tives maisons bâties en terre, et
'mie église qui n'est ·de même qu'úne espece·de
hangar. en··argile; cependant on a'"donné à ce
lieu le nom·de J7illa de San-Pedro •d~Alcan:..
tara'; quelquefois on !'indique sÍilipÍeme~tpar
· celuid'As Ferradas, parce qu'à peu de·distance
'le fleuve est travers1 par · un lit de rochers que
Ton appelle Ban_ca elas ·Ferradas. Ce villáge
fut fondé il y a deux ans lorsqu'on' eut ·aêhevé
la route de. Minas. '- On y rasse~bla ctes ·honi-.
mes ,de toutes sortes, quelques Espagnols, piu...: '-
sieurs familles ip.dien.nes , et des. gens de cDu-
leur ( pardos . ) ; enfin l'on tira âes . forêts
voisines- une trodpe · d'lndiens Camacans , qui
sont une -tribu. des 'Mongoyos. Ces lndiens :r:te
s;~tendent au sud qtie juscpi'au Rio-Pardo; et
au ·nord on. les ~rencontre jusqu'au-delà du
Rio-das-Corrias, mais ils y ont ehtierérrient re-
noncé à la vie sauváge. Ce n~est qu'ici ,~ dans· le
' . . . ~ ....
.'
386 VQY~GE
.....-~-
. . 38g
11
AU BRÉSIL.
élévations .de couleur grise et t;ouge clait·e '· qui parais-
seut être !es restes d'un épide1·me enlevé; c:est . pr~ba
·blcmen,t cel1:1i d'uu lichen , La cassure.de ce .quiuquina
. est inéga!e , un. peq brillante , e.t ne moutre presque
1
' • ' I I