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VOYAGE

AU B R ÉS I L.

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!MPRIMEIUE DE COSSON, J\UE GARENCIERE, N° 5.
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VOYAGE '

AU BRÉSIL,

PAR S. A. S. MAXIMILIEN,
PRINCE DE WIED-NEUWIED;

TRADUIT DE L'ALLEMAND

PAR J. B. B. EYRIES.
eUVRAGE ENRICHl D'UN SUPERBE ATLAS, CO~IPOSÉ DE 41 PLA!iCHES
GIIAVÉES EN TAILLE-DOUCE, ET D E TRO!S CARTES.

N.D.S.-Petr ~ p e lis

TOME SECOND. Pensionnat

P.A.RIS,
ARTHUS BERTRAND, LIBRAIRE,
RUE HAUTEFEUILLE, N° 23 .

Jl:b.I.
TABLE' DÉS CHAPITRES

DU TOME SECOND.

Pages.
CHAPITRE IX.

SÉJOUR A MORRO D'AHARA, MUCURI, VIÇOZA


ET CARAVELLAS, JUSQU'AU DÉPART POUR
BELMONTE.

Du 5 février au •3 juin 1816:

Description de mon séjour à Morro d'Arara. - Parties


de chasse. -Les Mundéos. - Sejour à Mucuri;
. - à Viçoza; - à Caravellas. id .

CHAPITRE X.

VOYAGE DE CARAVELLAS AU RIO GRAND~ DE


BELMONTE . 3g

Rio et Villa de Alcobaça. -Rio et Villa do Pardo.


- Les Patachos.- Les Machacalis. - Comcchatiba .
- Rio do Frade. - Trancozo. - Porto- Ségmo.
-Santa Cruz. -Mogiquiçaba . - Belmontt'. ide
íj TABLE D~S CHAPITRES.
Pages.
CHAPITRE XI.

SÉJOUR SUR LE RIO -GRANDE DE BELMONTE


ET CHEZ LES BOTOCOUDYS. . 107

-Le quartel dos Arcos. -Les Botocoudys.- Voyage


au quartel do Salto. - Retour au quartel dos Arcos.
-Dispute et combat des Botocoudys.- Voyage à
Caravellas. - Les Machacalis dn Rio do Pardo,
- Retour à Belmonte. id.

CHAPITRE XII.

NOTICE SUB LES BOTOCOUDYS .

CHAFITRE XIII.

VOYAGE DU RIO-GRANDE DE BELMONTE AU


RIO-DOS-ILHEOS.

Le Rio-Pardo. -Canavieras, - Patipé. - Poxi. -Le


Rio-Comruandatnba. - Le Rio-Un a. - Les Riachos
Araçari. -Meço et Oaqu'i.-Villa-Nova de Olivença.
-Indiens qui l'habitent. -Frnit du Piaçaba. -Yilla
et Rio -dos - Ilheos. - Le Bio-ltahypé. ~Almada .
- Les Gherins , reste des anciens Aymores. id.

CHAPITRE XIV.

VOYAGE DE VILLA-DOS-ILHEOS A SAN-PEDBO


TABLE DES CHAl>ITR.ES. iij
Pages.
D'ALCAN'f ARA, DERNIER ÉT ABLISSEMENT EN
REMONTANT LE FLEUVE. 36i

Voyage à travers les forêts à San-Pedro.- Nuit passée


&ur le Reib eirao-dos-Quiricos avec le pont démoli.
- San-Pedro d'Alcantam. - Voyage en descendant
le fleuve à la Villa. - Semaine de Noel et fêtes . -
Retour à San-Pedro. -Préparatifs pour gagner le
Se1·tam à travers les forêtll. id.

FIN DE LA TABLE DU TOME SECOND.


' -- ~ · .. -----· - - - ----- - f ""-~,. ,, ,,,... __ _ ,-
VOYAGE
. ..
AU BR'ÉSIL.

CHAPITRE IX.

SÉJOUR A MORRO D'AHARA, MUCURI, VIÇOZA, ET


CARAVELLAS, JUSQU'AU DÉPART POUR BELMONTE!f
\ '
. Du 5 février au 23 jni~ 1816.

Descríption de mon sejour à Morro. d'Ara.r a. """'Parties de


chassc. - Les Mundeos .. --:- Séjour à Mucul'Í ; - à Viçoza;
- à Caravellas.

Pou~ se faire u9e idée de la vie . que nous


~1eni~ns à Morro d' Arara, il faut se figurer une
' ,~olitude dans laquelle une . réunion d'hommes
com pose un avant-poste isolé' qui est abon-
damment foul;'n~ par la nature de .-gibier, de.
poi~sons et d'eau douce, mais en même temps
absolurp~nt , borné.à lui-m~·me ·par .son, éloigne- ·
ment des lieux hahit~s, et obligé d'être toujours,.
H. 1
VOYAGE
' ''\

sur ses gardes contre les sauvages habitans des·


forêts.
Des Patachos et de~ Boutocoudys yenaient
tons les jours rôder autour de nous pour nous
observer; c'est pourquoi nous étions tous armés:
nous fot·mions une troup~ d'une soixantaine
d'hommes en état ·de combattre. Les abatti.s
d'arbrE}§ étaient-: déjà pomn~~ncés sur le flanc
d'une montagne au bord dn lac; ils étaient
couchés sur place sans 'aucun ordre, comme
s'ils eussent été renversés par un ouragan. Vingt-
quatre lndiens, qui sont particulieremen.t pro-
pres à cette sorte d'ouvp:)ge, partaient toas les
rnatins, les uns avec des haches, les autres avec
unfoucé ou croiss~nt emmançhé au bout d'une.
longue perche; les prerniers coupaientles grands
arbres, les autres les broussailles et le je~ne bois.
Quand un arbre de forte dimension tombait, il
en entra!nait avec lui une quantité de moins
gros ' tant les 1ianes ligneuses entourent et
rénnissent f@rtement entre eux tous les arbres
de ces forêts ; q_uelques-uns en bri~aient un(:}
quaqtité <l'autres :par leur chute ; des tro~cs
gigantesques restai~nt de bout com me des ; co-
lomqes ; des .végétàux épineux, entt·e autres le
~lmie·r a'iri, dont · la tig~ est cduverte d'ai- ·
AU BRÉSIL. 3
guillons, étaient étendus à terre de tons les

côtés, ef rendaient cet abattis ab5olument im--
pénétrable.
L'ouvidor •avait fait élever sur les bords du
lac une demi-douzaine de huttes, doüt les toits ·
étaient couverts de feuilles d'uricannas. Quatre
Indiens, qui, de même que la plupart de leurs
compatriotes , étaient tres-bnns chasseurs et
encore meilleurs pêcheurs, partaient tous les
matins pour pourvoir à la provision de la troupe,
et exaniiner les mundeos-, ou piéges à prendre} '
les quadro pedes: les soirs ils revenaient toujours'
chargés de gibier et de poissons, st1rtout de
pia banhas,' de tra'ivas, de piaux, de robals et ·
d 1autres especes. ·
Quand tout notre monde était réuni le..Soir L
nous n'avions plus à craindre une 'attaque ou:_
verte des sauvages; ils ;n'en essaien·t guere pen.:.
dant les ~11:1Íts obscures; ils préf.~rent les temps
de dair de lune, eomme cehli 'de l'époque dont'
je parle; ll1ais la viQitanc·e de nos .chiens· nous:
ptéservait de leurs irmptions soudaine~; le plus
alerte était un grand chien qui appartenait à'
l'ouv.idor; il semblait flairer'l'es. hommes quaúd
ils se glissaient le long de la montagne de l'auti·e
1
côté du lac; dans ce cas il 'se démenait' comme
,.
4· VOYAGE
un furieux , et hurlait sans interruption du côté
suspect. Sans dÓute les Patacbos, dans leu.rs
sombres repairés, ne nous regardaient pas sans
étonnement ·eí sans déplaisir ; et nos chasseur:i
avaient besoin de la plus grande cir.con.spection
pour ne pas s'en apprócher imprudemment:
Souvent ces sauvages contrefaisaient la voix
des chouettes; du capueira et d'autres oiseaux;
surtout de ceu'x qui ne la font ·entendre qué lé
soir: mais nos lndiens, non·moins babiles dans
cet ar,t, savaieht dis);inguer la voix imitée de la
voix naturelle; des hornrnes qui n'auraient pas
connu cette finesse se seraient peut-être eflorcés
d'attraper l'oiseau qu'ils entendaient; et les' fle-
ches des Tapouyas leu r auraient bientôt m0ntré
leur erreur.
Le soir quand nos lndiens dan,saient la ba- ·
duca au clair de la l11;il.e; .ils .marquaient toujoms
leurs pas d'ui::t claquement· de mains, indépen-
damment du son de la guitare qui l,es ac'cóm-
pagnait; les sauvages de l'autre cÓté du Iac
répétaie~Jt c~ claquement. L' ouvidor ,\oujou~s
o~cupé du- soin de gagner les sauvages ; essaya
souvent deles attired Iui; illeur criait dabs leu r'·
langue clzamanih (camarade) ou é apitam ney
( grand-~hef), etc. Toutes ses téntativ~s furent.

I .
'

AU BRltSÍ.L.
infwct!leuses, quoique nós Inâiens; dont la sa-
gacité et l' expérienc~ rendaient 'le coup ·d' reil
tres-sur, reconnusse:rit fréquernment aüx traces
des sauvages que pendant Ia ·nuit i~s ~\vaient,
rôa:é 'autom; de nos abattis, ,et observé' d~ tous
les côtés l'eni:.lroitounous nous tenions : Un,soir,
éraignav,t d'êtt·e attaqués à l'improvi~te, car Íms
chiens montraient une inquiétuae extraordi-
.. A • , 1;
nau·e ; nous restames constamment. sur nos 1

.gardes, et quand · on ·allait prendre de l' eau,


ramass~r du· bÓis, ou vaquer ~ toute autre ~e­
sogne ·dans la forêt, c'était toujours -Ies arP.Jes)
la maih~ ••
1
J

Nos 'collections d'histoire natmelle s'accru-


rent 'beaucópp à Morro d' Ar~ra , surtout eu
quadt\lp~des, gr~ce à no;:>·mun_de.os. Les Indiens
entenclent tres-bien l'a~t de dresser ces piéges:
on choisit pbur les 'placer 'le' voisinage du hord
·d'une riviere dan~ la forêt; on y ran'ge sur une
ligue, qui forme un angle droit avec la ri viei·e,
· des fascines faites de hranchages v.erts, et qui.ont
deux pieds et dep.1i à trais ·pieds de haut; à
chaque quinze ou vingt pas elles sont"séparées
par une'ou:verture dans laqUelle trais forts rriôr-
ceaux de bois sont placés en travers, 'et soutenus \.
dans un coin·par (le plus p etit S' m orc~aux . Lors.:...
I

- f) VOYAGE
_que les petits anifDaux vieunent, suivant leu r
~outume, . rôder le long du fleuve, ils cherçhent
y;n. pa~sage : trouvant une ouverture au-dessous
"des gros morceaux de ~ois, ils, s'y engagent et
marchent sur une claie de b,ranchag~s jí.celle-ci,
par le mouvement ,qu'ils .lui expriii1ent, fait
,tombcr sm leur dos Ia bascule cp.iÍ ·Ies-tue. On
dresse. trente, quarante, et mêtne plus de ces
,mund,eos .sur une ligne, et ·chaque , iou,r, on y
prend du gjJ?ier . .Souvent, et su:rtat!t. ap~:.es les
l}UÍts bien noires, naus y trouvi.onf? .c_iaq~ ou six
JÇtl)Írnau~ et même plus à la foi~: Jl 'est né-
1 ~ cessaire de visiter ces piéges une à d~~tx, fqi~
dans la journée; cat' dans les grapd~s, pl;!,al~urs
hs mo~ches et la _cor,ruption gât(mt 1l}ieb. •vi te
,les bêtes qui s'y .trouvent príses. i./ortvidor avait
fait dresser ces piéges dans,,deux endroits di~e­
rens .à Morro d~ Arara; ils é,taient 110tre princi-
pale ressource po1.1r nos rep~s, ~ar noqs étions
avec des gens qui ·se nourrissaient surtout de
poisson; et nous :mtres Européen.s naus .p.réfé...
rions la viande fra1che. Le. pa ~a ( ctelogenys
paca ) , l'agouti ( das,ypocta agouti) , le
macura ( tinamus brasiliensís ), et le tatou or-
diu::~ire..( tato-zt noir d' Azara ) , dontla chair est
blanche ·' tendre et savo~lreuse, étai,e nt les.
AP BRÉSIL.
á.pimaux que nous mangwns avec lé plus de
p~aisit·. "'
Un jour que nous étions p'artis pour aller
ex.aminer les piéges, nous notts trouvions suí·
le la c, qua:nd l'Indien qui conduisáit ;na pirogue
nous fi't to11t à coup apercevoir un tapir qui
éiait dans l'eau et nageait pour gagner le hord.
Nous tirârnes de la distance ·d'oit nous étions;
la plupart descoups ,!le porterent pãs, cependant'
l'aniinal finit par être blessé, lé~erementtoute­
fois, la dragée ne pouvant pas pénétrer bien avant
dans sa peau épaisse. Deljcendus à terre , nous
súivimes les traces de son sang; mais nous ab~n­
donnâmes bientôt notre poursuite à la vue d'un
extrême danger qúe mon lndien courut, s'étant
trop approché d'un jacarara, long de cinq pieds;
qúi était caché_dans des feuillages secs :' ée ,s.é r-
pent se redressa, montra ses armes redoutables,
et se disposait à mordre l'Indien ; un coup de
fusil que je tirai éttmdit mort ce reptile féroce,
et sauva le chasseur épouvanté (i).
~es Indiens.et même les Portugais qui cha ssei,IIi.

. .
( 1) Le jacarara, d'ont parlent les relr tions des Yoyages
modernes, est cité dans les systemes d' histoire naturelle sous
le nom de Pipera atra.t:. Ce reptile differe· p ~ urtant de$.
8 VOYAGE ·
vont toujours pieds nus ; les souliers · et les ' '
bas sont pour l'habita~1t de la campagne de ces
. contrées des objets rares et chers' 'aont il ne
f.:~it · ~sage qu'aux jours de fête; il esl par .consé-'
quent exposé à la morsure des serpens gui 's ou-
Vent se tiennent cachés dans Ies amas de feüilles
seches; .mais cet accident est :beaucoup -plus
rare qu'on nele c~oit. Toutefois l'on ' a dans· ce
pays une cr<1in~e et une horreur excessive des
serpens; les gens 'du conimUD; ont sur Ia nature
de c~s animaux m~e foule de préjugés; la plupart
ridicules; on cro~t par exemple qu'il existe des
ser-pens à deux têtes , · que d'autres sont attir'~s·
- · par la ~·Jmiere' et par le feu' et que les especes
dangereuses crachent lcur venin .quand elles
veulent boii·e.
Quelques jours apd~s on me donna une espece

viperes par l'ouverture des joues qui se trouve chez tous les
serpens venimeux: ~i e l' Amérique méridionale que j'ai eu
occasion d'exami'n er. On ' lit dàns le Magasin àe la socidti
d'/tistoire 1wturelle de Berlin ( troi&leme an~ée ,.. p. 85), un
Mémoire de l\1. H. Tilesius sur le jacarara , si , toutefois . ce
nom clésigue à Santa-Catalina le même nom que sur· la
térre-ferme. I.e jacarassu n'est qu'e ce -même re plile plus
âgé et lres-grand, don t la co uleur offre naturellcment quel-
que différence.
.AU BRÉSIL. 9
de serpent non malfaisante et tres-belle (i), dont
la· peau offrait alternativement · des anneaux
rouges de vermillon ' noirs et ve~d:1tres' et qui
par leur figure ressemblaíent assez à ceux du
serpent coraiJ (-cobra coraes ) ; mais ce sont
deux especes différentes·. ·
La ehasse était l' occupati~n la plu~ agréable,
la plus utile et même l'unique que nous eussions
dàns ceúe solitude' quoique le peu de sureté
des forêts nous. forçât de ne pas trop nous
écarter, et no~s flt une Ioi de ne sortir qu' en
compagnie suffisamli1ent nombreuse , nous
, reveriions toujours bien chargés. Des que·nous
mett1ons le nez hors de nos huttes le matin ,'
nous entendioris la voix ' forte de l'alouate ' ou
barbados , · é[ui faisàit a'utant 'd e · hruit qu'un
tan1bour, et les cris rauques du ;gigo, autre
"

(1) Coluberfonnosus. Es·p ece nouencoredécrite: longuenr,


trente-deux pouces cinq ligues, dont sept pouces poNr la
(iueue; deux cent d~ux à deu x cent tr~is pl aque~ ventralcs,
et soixante à s~ ixante-six plaq ues caud~Ie's ; ~ tête eouleur
orangée viYe; iris rouges de c1armin ; lá 'bouch e arm ée de
soixante-seize dents; rnoiti é an{érieure du corps, offrant altÚ-
Ii aüvem~nt <jes bandes t10ires · et jauues verdâ tnis pales ; la
moitié postér.ieute, alteruativement des hand es noires ,
et rouges d.e carroin larges. Tres- bel anim al.
lO VOYAGE
espececde singe non décr.i~e ( 1 ). A ce conoert
discordant , · dont les forêts retentissaiênt , · se
joignait la voix non moins crj.arde des araras
qui passaient aú-dessus de nos huttes par eou-
ples ~ ou .pa•r troupes de trais · à 'quinze. Nous
étions aussi assourdis par des volées d'autres
~speces de perroquets, tels q~e des chauas, des
ma'itacas , des curicas, des jurus (psittaaus
pulverulerttus, L.), et beaucoup d'autres.
lndépendamment de ia chasse , nos gens
s'occupaient aussi de fi.nir le toit de leurs c'a-
hanes. Le-? deux grands b:itimens dans lesquels
je demeurais avec I' ouvidor, les deux capitáines .
de vaisseaux et ,le mécanicieq allemand Kranfer; ,
avaient des tnurs en t~rre et des toits qui étaient·
achevés. On se sert ici pour couvrir les niaisons
de fe,u~lles d'uricanna, sorte :de palmier qui a
une tige. inio:ce et élastique; Ses grandes et belles

(I) Ca~litlú'i.'t 11zelanochir. Lougueur, ttértté-éirtq pouces


aix ligues·, la qneue 'c oruprise, qui a VÍngt-uti JlOUCeS dix
lígues; poils longs' touffus et doux} face et les qnatre mains-
noires; pelage mêlé ele noir et de blanc sále; ce qui le fait
paraitre g; is cendré ; elos brun m,a rron r ougeâtre ; queue
b! .. nchâtre, souvent presque bl1mchp, et q.uelquefois teini&
\ i! e jaune.
AU BRÉSIL. li

fepil~es ·p,ionées saos impaire sOiit disposées des


deuXJ côtés d'un long petiole'. On ~n fait plusieurs
paqúets : ces petiolés sout ro.ulés autour d'une
latte de bois de cocotier, et attachés en dessous
avec une liane ou·cipo verdadeira (bauhinia),
qui a"la longúeur nécessaire pour nouer les pa-
.quets qe feui.Iles les uns ant autres. Les lattes ei:
les feuilles que l'on a ainsi nouées. s0nt ~ttachées
les unes au-dessous des autres, de manier~ à ce
qu'elles se I;Ccouvrent réciproquement dans les
deux tiers de leu r largeur. L e comble ou le
faitier du toit se ·couvre avec d'autres feuilles;
notamJUent avec . les longs ' panaches .des cõ=-
cotiers ·, afin .de bo1,1cher cotnplétement tQUt@
entrée à l'eau. Un toit sernblable, que l'on fait
tres-bien ~áns ce .ca~lton, est léget et sur. Il ·
faut de temps ep. tel!lps aYoir la précautión d'y
.fc1ire .passer la furnéej oar autrement l~s insectes
roogeraient les feuilles desséchées.
On était aussi occupé à hâtir une grariçle ca-
hane, qui devait servi1· d'atelier hu forgeron;
, ca~ la dureté des bois qu'il falláit abattre êt
)

façonner était caúf.e qne l'on avait souvent


besoin d~ réparet· les brttils. -,_.e forgeron était
un habitant du canton baigné par I'Alcobaça;
l' ' ouvt"d or I'avmt. envoye' d:!iH~ cet en d I'Olt. en
12 · VOYAGE

.
punition d'un délit que cet homme avait. commis.
Pendant que l'ou travaillait encare à construire
les maisons , les ouvriers, qui abatt:aien~ le bois,
netioyerent l'emP,lacement oit l'on voulait éta-
blir Ia scierie.
, . Notre compagnie fut diminuée par le dé{mrt
de l' ouvid01~, · qui alia :passe r que,lque temps à
Caravellas avec plusie.urs de nos gens; mais
elle rie tarda , pas à recevoir un accroíssement
.considérable. Le capítam Bento Lourenzo avait
avec ses mine'ir:os, . continué sa nouvelle route
.si Íoin, .q\l'il était déjà : tn:.s-pres de .notresoli-
tude. Les Picadores, c'est ainsj. que l'on no14ime
les hmnmes ,qui devaneeut .la troupe, et -n1ar-
quent sur les árbres ]a direction que .doivent
suivre ceux qui font les abattis, 1:ious annon.:.
cerent par leur arrivée l'approche de leurs
compagnons . .Effectiver;nent naus · les vimes
parahre le lenden1ain au soie. Le capit:am avec
•ses quátre- vingt- dix hommes vint campet·
avec naus; le petit espace que naus occupions
fut si bien rempli que nous y étions '1 nn peu
ser rés . .Bientôt ~ Ia joie éclata, et le ·son de la
guitare, se fit <entendre jusque bien . avant dans
la núit; on . dansa la .haduéa, et d~ grands
feux firent disp.araitre l'obscnrité en portant

I
AU. BlÚ:SIL. t3
leur clarté sur nos abauis et jusqu'aux bords·
.9-u fac. ·'
La longueur de la route depuis Mucuri jus-
qu'à . Morro d'Arara est de 'sept à huit legoas.
A peu de distance d·e ce· dernier endroit les
mine'iros avaient ren~ontré un grand lac pois-
sonneux , ou les jacares étaient fort communs;
il avait fallu fait·e le tour ·de .ce la c, puis tra- '
vers~l' des nia.récages' opération qui' avec d'au-
tres obstacles qu même genre, avait beaucoup
· retardé leur ' travail La. diversi.té · des races 1
d'hommes qui composaient la · tr~upe du ca-·
pitam rendait l'aspect de· notre camp -sin-
guliei' · et pittoresque; Indépendamment .de
nous at'ltres Allemands et des Portugais, il
s'y trouvait des negres,. des eréoles' des . m~- -
lâtres ;, des mamelus, des lnd.iens côtiers, .un
Boutocoudy, un Malaly, quelques Maéonys;
des ·Capouchos ou Capochos·:, tous soldats de
la pt·ovince ·de -Minas-Geraes. 1

Le capi'tam .resta avec sa troupe quelques


jours à Morro d' Arara, afin de ' faire répárer
par nott·e forgeroh ·les outils d~ fer et les bat-
teries · des fusils. En attendant ses gens tra-
vaillerent· tous les · jdurs; ils firent pa~ser la
route pr~s de nos abattis, puis la continuerent


VOYAGE'
par-dessus le dos des montagnes, et ,tracerent
'un sentier ou picadé, depuis notre princrpal
derobade oq abattis fusqu'au nouveau chemin;
seJltier dont uous ·avo ris profité ensuite pour
chasser. Le 22 février la troupe du capitam
nous quitta pour continuer son travail 'dans les
{orêts ; quelques- uns des nôtres· l'accompa-
gnerent à une certaine distance. Avant de nous
séparer le capitaril prépara dans un couia l'es-
~

pece de boisson que l'on nomrne jacouba ~


que nóus' bumes en nous disant adieu; puis,
voulant nous rendre politessepour politesse, il re·
vint avec nous à Morro d' Arara. Le lendemain
il retourna vers sa troupe. Nous lui souhaitâmes
Ull plein SUCCeS dans son enfreprise pérJib}e ; à

cette ép'oque de l'approche de la saison des


pluies, qui engendrem si aisément des mala-
dies; obligci de se livrer à des travaux longs
~t difficiles au fond des forêts , le capitam
exécutait un projet accompagné de heaucoup
de dangers.
Morro d' Arara parut dése'rt; le soir quand·
les ouvriers revenaient au oamp no.qs n'éti<'ms
en tout que vingt-neuf; Cependant n~tre chasse
n'en souffi·it pas : on avait tendu de nouveaúx
~undeos, qui nous fourniren.t beaucoup d'áni..:
AU 13RÉS1L. ' '
mau,x ( 1); on en tua aussi plusieurs à coups de
fusil; il se trauva dans le nombre une trentaipe
de singes;
.
Ies petits dQ
,
quelques-uns de eeux-Ci
I
tomhenmt entre nos mains; Fnais ma1gré teus
:rlos soips il!i m0ur.ur.e nt hientôt, probahlement
pare~ que nous :q~ }WPvion.s pas leur dopn~r la
nourritUJ:e qui l~ur çonv~.nait.
Grà<;e à l'~ÇGHP~tiop. que lifle foumit l'étude

(1) Pour àonner' une idée de la quantité qe &ibier gue


fournissent les antiques forêts du Brésil, je joins ici une
liste des a~}m_sn~x tués ou ~ri~ 'lll pi~g!l 'c;ian~ un espace de
cinq seinaines à M-orro ,4'Arara.

5 ~apirs, ~ERFS; 1 guazupita; 2 gua?iubira,s; p pe.caris


{dicotyles labiatus, Cúvier).SINGES; 9 barbados; ~4mi<;os,
espece non qécrite ;· 10 gigos ,; 10 coa tis; 2 fourmiliers;
2 lo\)tres.; 4 ir!!.n!~ ( mustela); 4o mbar-aeay-as · (folís par-
dalis); 5 gattos-pintados tfolis tigni1a); 2 ~a~tos mur~scos
(felisyaguarundi); 5o tatous; 19 pacas ( crelogell:JS paca); .
46 coutias ou ago.~ti~ ( dasyp1:octa agouti ). ·

, Oiseau:r: ~!!!!S à m,anger.1


. \

8 mutums ( cra.1: alector, L .,) ; 5 jacutingas (penelope


leucoptera, L.); 8 jacupe.mba~. (.fen!?lope l}'Lq.,r~{l, L.) ;
1
macucas ( magoua, Buffo11 ); b, cbor~rào~ (#mpll-,f!,~ vqT.~Ij-:: ;
!)
gatus, Latham); 4 patos (anas moscha,ta, L).
En~ tout 18 r q!ladrupedes -mammi~er~ e.~ ~ gH~4 pisl!íl\1~·
bons à ma_nger.
VOYAGE
des productions de la nature, lé temps ne me
parut pas long da1~s cette solitude. De tous ~es
tinímaux que je tr~uvai dans ces forêts; je me
co~tenterai de nommer quelques :especes n<?n
encore .déçrites, entre autres le cotinga pou_r-
pré,( t); le sabiasicca, ·perroquet à voix éhan-
geante ;l tres-remarquable ( 2); le. ma1tad à tête
rouge, etc. On nous apportait le plus fr·équem-
ment. parmi les insectes· le -cerambix longi-
manus., ct parmi les reptiles le jab~ti ( tes.tudo
tabulat~ ).; . '
. Apres une ahsence d'à peu pres trois se-
maines l'ouvi~or . revint aveê ses pirogues et
beaucoup de monde.
' I
n
no~_s apportait une
' ~ \

triste nouvelle: le 28 février les ~auvages avaient.

(1) Ampelis atro-purpurea. -Longu,eur, sept pQuces neuf


ligues; plumage des vieu;c oiseaux, ;pourpre nç~irâtre, passant
au rou&e vif sur lé sommet de la tête; plumes •rect_rices blau-
ches; l'oiseau jeune est gris cendré avec les plumes rectl'icei '
blanches.
· (2) Psittacus Cy.anogaster. Plumage d'un beau vert foucé ;
tache l;lleu d'azur au ventre ;, be~ blanc , que~e un peu
allongée. On garde · volontiers c"et õiseau_dans les apparte"'
mens à ca-use de sa voix. ·
-/
ÁU BRÉSIL.
égorgé cinq personnés, tant hommes que fen,1i11es
ef enfans, à,peu pres à une legoa de Vil1a do
Port' Allegre ,- sur la nouvelle route ou verte p~r
le - capitam Bento Lourenzo. Quelques per-
sónnes, s'étant jetées dans le plus épais des bois
à l'instant ou clles aperçur.ent la troupe des Ta:-
pouyas qui venait les cernet·, avaient eu le_,_
bonheur d'éch<:~pper. Un homme du Mucuri
qui travaillait à son champ dans la for~t, à peu
de distance du lieu de l'assasinat, ayan.t entendu
les gémissemens des malhei.1~euses victimes ; prit
(

les armes a;vec son fils pour volér au seconrs· de.


ces infortunés: avant d'arriver à l'endroit ou les
sauvages commettaient leurs cruautés, le pere
tira un coup de fusil, ce qui mit ces barbares
en fuite. Il trouva les cadavres de ses compa-
triotes percés de plusieurs coups de fl~che-, ~t
coU:ve~ts d'un grimd nombre de petites blessures
faites avecla pointe de cette arme. Un eQfant, qui
s'était. des le premier instarJt caché derriere un ·
buisson, n'avait pas été aperçu par les sauvages:
ce fut de lui que l'on apprit tons les détails
de ce triste événemént .. Les -sauvages ne se
retirerent pas apres cet attentat; suivant leur
coutume, ils rôderent dans le voisinage des plan-
' '
tation.s de Mucuri. Les, habitans de cet établisse.:.
II. 2
t8 VOYAGE
meut, saisis d'etfrpi, s'enfuirent à la Villa. L'ou-
vidor donna sur-le,~champ des_ ordres de faire
·w~e battue ( cintradé), et de rassembfer à cet
eflet des _homn1es armés de San-Maú~o, de
Villa-Verde, de Porto -Seguro et d'autres en- .
droits; ensuite il était revenu au Morro d'At·ara.
Étant ali é avec une vingtaine de ses gens à 'la •
nouvelle route de Minas, il y resta deux jours
.dans la forêt pour niveler le courant d'eau né-
cessaire à la scierie. Les deux officiers de ma-
'rine venus avec lui remonterent le fleuve à
deux journées plus haut pour e~ relever le
cours , ju~qu'à une cataracte; ils y rencon-
,/ .
trerent le capitam Bento Lourenzo, qui, avec
• son monde, s'etait avancé jusqne dans ·ce canton.
Le 9 I' ouvidor reprit la ' route de la Villa, em-
menaut avec lui les hommes et les armes qui
]ui étaient nécessaires pour les ernployer pontre
les sauvages. La battue ne produisit rien ; on
. ne trouva pas les Tapouyas; ils étaient trop
prudens pour avoir attendu leurs erinemis. -
Je restai de nouveau seul avec le feitor de
la fazend~, mes deux Alli;!mands, cinq negres
et une d~mi-douzained'lndien s , qui continuaient
tout doucement le travail. Le clait· de lune ayant
eHipêché nos mundeos de· prendre beaucoup de
AU BRÉSIL. '9
gibier, on résolut d' en plí!.éer ,de nouveaux sur
une montagne au-del,à dela,nouvelle route; on
y arrangea trente piéges à bascule et deux
fosses ( fojos ). Malgré le tort fréquent · que
nous causaient les P atachos, car ils enleverent
quelques animaux pris au piége, ~t enfoncerent
la couverture d'une fosse, nous nous procw'Íons
toujours quelques pieces de gibiet·. Cela d.;ra
jusqu'au moment ou le cantou fut envahi par
des ouvrier~ envoyés de la Villa, qui se mirent
à abattre du bois pour la construction des
canots : les arbres qu'ils choisissaient~ tels que
le jiguitiba, l'oitiçica et le céd~o, sOI{t les
meilleurs pour_ la construction. On conçoit
que leur occupation b1-nyante mit eh fuite
~outes les bêtes sauvages.
Le mois de mars arri va; àlors commenca la.
saison froide, qui s'annonce ici par des pluies
abondantes. Le matin on éprouvait une grande
chaleur ,- vers midi un orage violent, ql!i sou-
vent durait deil'x jours, et envoyait sur la terre'
, de véritables torrens de pluie. C'était un triste
séjour . par un temps pareil que notre petite
vallée au milieu des forêts sombres: les vapeurs
s'élevaient comme d~s nuages épais du milieu
des grands bois humectés par .les plaies, ·et neus
.20 . VOYAGE
enveloppaient, d'un voile qui nous permettait à
peine d'apercevoir les pàrties touffues situées
vis-à-vis de nous. Cette température variable
et humide engendra beaucoup de maladies : les '
fievres , les n1aux de tête se manifestaient
fl'équemment. Les Indiens nés sous ce climat
n'en furent pas exempts; i'l fallut en envoyer
plusieurs à la Villa. Quant à nous ~ étrangers,
nous souffd:mes particulieremeót; nous man-
quions des médicamens nécessail'es ,, et surtout
de quinquina; qui est indispensable à tous Ies
voyageul's, s~rtout dans ces contrées chaudes.
La fievre avait aussi étendu ses rav~ges d?'ns
la troupe du capitaQJ. Bento Lourenzo; lui::-
même en fut attaqué, et hientôt affaibli à un
point extrême : l'habitude de dormir su~ la terr~
mouillée et dans l'atmosphere humide des fo-
rêts: le ma~qu~ de boissons ~piritueuses, l'usage
de l'eau seule, la privation complàte de médi-
camens convenables, toutes ces causes réunies
I

contribuerent à rendre ses gens si faibles, q u'il


fut obligé comme moi de les envoyer à la. Vi11a.
Il vint au Morro d' Azara, ou nous le soignãmes
pendant quelque temps, et il s'en· retourna Lm
peu rétabli. ·La fievrc ne voulant pas non· plus

\
"'
Atr BB.ÊSIL. 21

me quitter, je fis usage de l'écorce de quinqui-


na ( 1) indigene, que j'avais appris à connahre
ici de même qu'à Mucuri. Le capitam I'àvait
employée pour se rétablir. Les morceaux que
l'on m'en dónna• étaient tres-épais et ·encare
frais; en conséquence on ne pouvait pas ' les
hief:l pulvériser; nous les coupâmes en petits
morceaux, et m:ms en fimes ·une décoction tres-
forte, que nous humes. Ce ~emede· soulageait
les Portugais accoutm'nés •à ce climat; quant à
n0us 'autres Allemands, nous n ?er~ .éprouvâmes
qu'urr retárd daBs l'acd~s, qui Fêv'int ensuite
avec plus de violence. -Le défaut .d'une nourri-
ture convenable .ú ous devenant de pl us: en pli.1s
sensible dans ,cette déplorable situation , ' et
voyant, pour ce qui me 'concernait, que je. ne
pourrais pas· recouvrer la santé tant que je se-
rais réduit à manger des 'haricots . t:.~oirs et de Ia ·
.viande grasse ·ou sal ée , 'Ies seuls alimens dont
nous avions été obligés de nous contenter, je
résolús de retourner à la Villa , ce que j' effec-
tuai le 10 mars. '
Les vents imp~tueux, qui da~s cette .sa1son

(1) Voyez la npte à la fin du volume.

\ '
VOYAGE
regnent le 'Jong des côtes maritimes' sont heau-
coup plus supportables pour la santé ·que l'air
épais, humide et chf)ud des.forêts. Notre voyage,
en descendant le Mucuri, a été forL agréable,
parce qu'il n'a pas tombé -de plnie. La Villa
était, dé mêrne que la solitude au milieu des
forêts, dépourvue de provisions fralches, car ce
lieu est tres-pauvre ; il ne s'y trouvait que de
]a farinha, des haricots, et quelquefois un peu
de poisson; cependant nous pumes acheter des
poules ~ qui furent un aliment · tres-agréable et
tres-sain pour nous abtres malades. Le quin:...
quina du :grésil ne·nons procurant pas de sou-
lagement appanmt, .j'expédiai à Villa de San-
Mateo un expres, qui ine rap-porta de la véritable
écorce de quinquina du Pérou : elle ne tarda
pas à opérer notre guérison; mais il sé passa
CDCOI'e plusÍeurs semaines avant que nÓus .pus-
sions nous remettre de notre affaiblissement
.extrême.
Daris les premien'i ' jours de mai M. Freyress
aniva à Mucui·i avec le 'reste de notre troupe.~Il
avait fait: .un court séjour à Linhares su1·le Rio-
Doçe : les étal>lissemens n'y étaient plus dans le
même. état oú nous les avions vus lorsque nous
y étions ensemble. Les 'Bo.Utocoudys· s'y ét~ient
(
Atr BRÉSIL. 23 \
montrés plus hardis, plus féroces , et de nou.:.
veatl en tres-grarid nombr~; ils avaient égorgé,
t, l'on ajoutait , mangé trais soldats sur la rive
méridionale · du fleuve , à peu de distance du
quartel d' Aguiar., pres du lac dos Indios. Et'l
conséquence , on avait envoyé de Linhares
contre. eux tons les hommes que l'on avàit l~l'
rassembler, ce c1uifonnait une troupe de trente- ·
huit personhes armées : mais lá horde des sau-
vages était si forte que l'on jugea conforme à
la prudence· de-' fait•e retraite. Dans un seul de
/
leurs tocayas .( 1) ou trouva quarante hornmes
armés d'arcs .et prêt~ à tire r.. L'issue .de. cette
affaire avait répand!l une terreur panique à
Linhares : suivant le récit de M. Freyress,
les habitans de cet endroit le quittàient au. n«1m--
bre de quatre .et .de huit à la f@is, pour ne pas
être dévorés par les cannibáles,. La fàzenda de
M. Calmon était dans uae position extrême-
ment inquiétarrte et dangerease. Le guarda-
me>r, q'iw l'on r,etenait priso11.nier à Li11hares ,.

(1) Les tocayas sont .des lieux que les sauvages arr~nge1~t
~ dans les forêts pour y attendre leurs ~nnemis en em busca de:
l'ls en font ordinairement plusleurs dans des endl'oits dilfé-
r.ens. Jlaurai par la suíte occasiol); de revenir sur ce sujet.
. .YOYAGE '
s'était enfui à San-Mateo; le commandant d~
quartel de Porto-dec~ouza avait désert~. avec six ·
soldats ; en um mot tout annonçait la frayeur
1
générale; de· sorte que cet établisslmient, · situé
dans un cantou · extrêmement fertile , pour-:-
rait .bien être pres de sa fin· si le gouvemement
ne pre~d .pas des mesures' plus ·efficaces .
. Apres avoir· passé ,qU.elques serilaines. il Mu-
cnri av·ec M. Freyi·ess · pour atte~dre le réta-
blissement complet des malades., noús allân~es ·
à Vi:lla-Viçoza ' Oll 'nous fúmes· _'logés dans ' la
.casa da.Camara. Notre séjour ·y :fut ~isà pro-·
fit , et uou·~ parcourumes tout le te~;r.itoire·
V01Sll1.
Vi lia-Viçoza est un petit bourg t'res-agréa.:.:
blement situé, et entremêlé de touffes de co- .
cotiers. Il fait le c~:m1merce de farinha , qui
s'expédie le long de la . côte ··: l'exp01:tation
s'en est' montée l'année derniere à gooo · al-
queires , dont la valeur était de goo0 cruzades
(- 27 ,ooo francs ) . . Plusieurs habitans pnt · de
- petits lanchas , sur lesq~els on expéd~e'oau de-
hors les produits des plantation.s. U~l-· constmc­
teur de navirc, Allemand de' natiori, :jet~ sur
cette côte pat·le naufrage çl'un bâtiment anglais,
exerce sa profession à Villa-Viçoza : il . vi.nt

~. ·: '
AU BRESIL,.
nous vmr : mais il parlait bien mal sa langue
matemelle; on le prend dans le pays pom un '
Anglais.
Les propriétaires des lanchas sont les, habi..:
tans les plus riches et l~s,'·:P.lus ~onsidér'es de
Villa·-Viçoza : l'un d'eux ·, · M. Bernardo da
. Motta, se distingue ,par son c~aetet·e bienfai-
. sant et sa probité. La connaissance et une longue
expérience qu'il a acquise de plusiem'S maladies
du pays I' orit mis en ,é tat de rend're servi ce à
se~ concitoyens par ses cons~ls et par la dieytri-
hution de remedes éprouvés. Sous le climat
ardcnt du Brésil les hommes sont exposés à
des maux nombreux, surtout à di verses mala-
dies de peau et à des fievres tenaces : traitees
convenablement. par des médecins ou des chi-
rurgiens habiles , elles sont rarement dang~­
renses ; mais' faute de secom:s appropriés aux
circonstances et de traitement raisonnable, elles
enlevent beaucoup de monde. M. da Motta a
cherché :à ren)édier à ce gt·ave inconvénient
à Villa-Viçoza autant qu'illui a été possible :
quoiqu'il ne possede pas des connaissances théo-
riques. en .médecin<! , ~ on expérience lui a fait
1 ' connahre .plusieurs traiternens excellens; et la
modeste complais~nce avec laqu~lle il essaie
. VOYAGE
toútesles recettes bonnes et utiles qu'on luí com-
munique, ainsi que la reconnaissance qu?-il en.
témoigne, augmentent saus cesse la sphere de
sa science et de sa pratique généreuse.
Le plus gqmd bienfàit que le roi pourrait
accorder à, ses su jet& du Brésil ser~jt d' établir
dans les dir'férentes parties du pays des méde-
cins et des chirurgiens habiles, et de fonder de
bormes écoles publiques dans la campagne,
afio de faire dispartJltre peu à peu dans la classe
infé.1·ieure l'ignoranc~ grossiere et la supersti-
tion aveugle, sources de tant de misere et de
corruption. Ces établissemens d'instmction pu-
blique m_anquent entierement. Des ecclesias-
tiqnes présomptneux, dépourvüs des moyens
et de la volonté de travaiJier à l'instruction et
à l'édu,catio,n
. / .
dn peuple, contribuent au con-
t raire de tons· leurs elforts à étoulfel' sa raison
et ses facultés inte11ectnelles, et met.tent d.es ob-
sta eles . à la propagation d~un enseignemént ju-
. dicieux. Les gens dn commun joignent à~·lenr
grossiereté un orgueil et un amour-propre ex-
cessifs. Leur ignorance totale de l'état-;du reste
·du mbnde est, en grande ·partie, une consé-
quence du systÇme désastreux g:ue h~ gouver-
nement portugais suivait autrefois pour le BPé-
AU BRÉSlL. 2')

sil, qui ét~it de priver entierement ce pays de


communications au dehors. Un étranger y est
regardé com':ne u'ne espece de monstre, ou de
créature demi-humaine. Toutefois_le spectacle
de ces ténebres est bien moins affiigeant de-
puis que l' on perit ·espérer de les voir disparaitre
, par les effiwts du gouvemement actuel, com-
posé d'hommes amis des lull)ieres.
Le Péruip_é , qui est passablement large ,
foi·me avant de se jeter dans la mer deux em-
bonchures, dont l'une, notnmée Barra-J7elha,
.·est située sons les 18° de latitude sud; ses b01·ds
ne sout haLités qu'à peu de distance de la mer;
l'on a établi le quartel de Caparica, pour-dé-
fendre contre les Tapouyas les plantã'tions les
plus ·éloignées: Desbancs de sable situés devant
son embouchure rendent la navigation peri
surt· Durant,notre séjour un navire chargé de
f~1rinha y échoua _: quatre hommes perdirent la
vie dans cette -0ccasion. Les écueils connus sous
le nom 'd'abrolhos ,,/ et redoutés des naviga-
telll's , se trouvent au 1arge ' à peu pres entre
Caravellas et Vi lia-Viçoza, à peu de distance de
la cote. Les pêcheurs y vont avec leu~s piro...
gues' y restent 'plusieurs jours, et même pen-:
dant des semaines, pom y pêchei· dü p<:>isson et
. VOYAGE
de~ ~ortues qui y abondent. Ces Hes sont con-
vertes de buissons bas, dans lesquels uue mul-
titude d'oiseaux de mer, notamment de grapi-
ras (.lwlieus foificatus ) , font leur nid.
Les environs de Viçoza offrent une conti-
nuité de belles forêts, dont le sol était sous l'eau
par une suíte de l'abondance des pluies de la .
saisan. Des arbres majestueux y répandent une
ambre fraiche ;r naus y avans surtaut trauvé
beaucoup de cacatiers. La liste que j'en dorine-
rai plps bas ind~quera Jes especes cannues des
habitans. Quant aux palmie,rs en genéral, ja
vais présenter la natice de ceux que l'on con-
nait dans , le ·pays arrosé par le Mucui'i et le Pé-
rui pé : ils ont tons l'aspect du genre coco; ma·is
on ne peut pas dire avec cercitu'de que tous ·lu i
appattiennent réellement, car nous n'eúmes pas
toujours l' occasion d' examiner leurs fleurs ( 1 ).
Sans doute des abservatians exactes, faites ·p ar
les botanistes, naus fourniront bientôt des no-
tion~ plus . précises sur cet objet.

(1) On peut, au sujet de la difficulté d'examiner Ia fruc- '


tification des p'almiers, consulter ce que dit J.\11. de Humboldt.
J1nsiclllen der natur, p .' 245.
Taúleau.1: de la '!.a f!Lre ', tom. li, p. u8.
.,
AU .BRÉSI'L.

PALMIERS.

A. Non épineux:
1. Coco de bahia (cocos nucifera. L. ). Le
cocotier n'est point indig€me ; on.' le cultive de-
puis Mucuri, ou depuis les Ú~ de latitude sud
0

jus.qu'à Bahia et Pernambouc; il est tres-coo1:..


mun dans toute cette étendue de cÔles : plus au'
sud au contraíre, ainsi· que j,e l'ai déjà obser-
vé, il est tres-rare. On le rec~~nait dans sa jeu·
nesse par sa -tige renflée pres de terre.

2. Coco de in:tburi. Feuil~es étroites, de


longueur. médiocre, d'un blanc argenté en .des-
sous, d'un vert·br:Wtlant en dessus; produit une
grappe de petites noix dures qui ne sont man-
gées que par les sauvages.

5. Coco de pindoóa ( 1 ). Dépourvu de tige;

( 1) Dans les di verses especes de palmier dont je' fais men-


tion les épitbetes ajoutées au mot coco sont la · plupar.t les
vrais noms qu'ils avaient autrefois dans_ la langue des Tou:-
pinambas, et des nutres tribus de Tonpis, qui s'en rappro-
chent. C'est ainsi qJ'un de leurs chefs les plus célebres
se nommait Pindahousie ou le grand Palmier Pi~doha.
Sou.they. History. etc: , tom . I,, p. 288.

J
3o VOYAGE
du collet de la racine partent de longúes feuilles
fort belles; sa grappe de noix come~tibles pousse .
'
par consequent a' ra~ de terre.

4. Coco de pati. Forme une tige haute et


épaisse_, qui supporte !ies feuilles norübreuses,
fortes, .larges, colossales. L'aspect de cet a1:hre
est magnifique .; la grappe est tn'~s~grosse, et
c.omposée de beaucoup de petites noix dures.

5. Coco ndai'à assu. Tige haute et forte;


belles feuilles, pinnées, pétiole commun, ligneux,
folioles rapprochées , glabres unies, emieres ,
acuminées ; d'un vert foncé luisant en dess~s,
d'un brun clair lnisant en dessous; grappe des
fruits fort grosse; noix comestibles nombreuses,
longnes de cinq pouces : un homme ne peut
pas porter cette grappe. L'arbre est majestueux;
c'est un des plus beaux palmiers de ce pays'. Il
s'en trouvait quelques-uns de toute beauté le
long du la c d' Arara.

6. Coco de palmito, nommé coco de jis-


sara le long du Rio~Doçe et dans les .territoires
méridionaux au nord du Mncuri. Ce palmie'r
est le plus jpli " e~ le plus élégant de tous. Tige
tres- h;mte et svelte ; cime ornée seulement
AU BRÉSIL~
d'une dizairie de beiJes feuilles vertes, luisarrtes,
pinnées, dout les folioles sont rapprochées et
qui se com·bent comme des plumes d'autruche.
Au-dessous de la toutfe de feuillage, la tige
-d'un gris argenté offre un appendice vert, lui-
sant, long de trois à quatre pieds , qui est le
bourgeou renfermant les feúiUes et les fleun
no ri enc-ore développées; sa substancc est móel-
leuse; on lui donu.e 1~ nem de palmito , et 01;1
le mange. Entre la partie Jigneuse de I~ tige et
cet appendice sort le pédun,eule jaunâtre des
fleurs:. auquel succede une . pf!tite grapp~ de
noix noires, dont la grosseur égale à peine celle
d'une .poisette.

7. Coco de guriri 1 ( pissa~d(J des I ndiens ).


- Palmie•· nain qui cro'lt dans les sablcs de la
plage; feuilles lisses, pinnées, courbées, fo)ioles
un peu •·o~lées et d(:mLles. ll pousse à fleur qe
terre une grappe d~ petites noix un peu acú-
minées à leur partie inférieure , et revêtues
d'une pulpe douce d'un jaune ro_ugeâtre. On la
mange.

8. Coco de piassaba ou piaçaba. C'est l_lll


des plus utiles , des plus remarquahles , et. en
"
· . VOYAGE
même temps des plus beaux. Le fruit a la gros-
seur et la forme de célui du coco ndaia-assi1. On
commence à trouver ce. cocotier dans .les en-
virons de Porto-Seguro : à mesure qu' on avance
au nord il devient plus commun ; il abond~
surtout dans le comarca dos Ilheos. s'il tige
est haute et forte; les ·folioles des feuilles sont
un peu isolées ; le feuillage se redresse , et ne
se recourbe pas comme dans les autres coco-
tiers, ce q0;i J ui donne l'aspect de l'aigt'ette
de héron dont le tur:ban du grand-seigneNr est
-lorné. Le spathe des feuilles, quand il est flé-
tri, tombe en longs filamens ligneux et souples,
dont on fabrique des cordages pour les na-
vires. On travaille les no1x au tour püli;Í' en
faire des chapelets.

g. Coco de aricuri ou aracui. Palmier haut ,


de quinze à dix--huit pieds , , qui croit .dans le
sable le long de la côte de la mer d:,lns les en-
virons d' Alcobaça et de Belmonte ; il. a trais à
quatre feuilles ou un plus grand nombre ; leur
pétiole est mun~ des deux côtés d'excroissances
obtuses et épineuses. Quand le feuillage tombe
ce p'étiole reste , et forme une tige courte· et
tres-rude. Le feuillage est élégamme:ut arqué,
AU BRÉSIL. 33

d'un "ert brillant et bsse. La grappe porte une


quantité de fruits osseux ~e la grosseur d'un~
forte prune ·ronde, et revêtus d'une pulpe cou-
leur d'orange. On fait avec les feuilles des cha-
peaux ·de paille légers.

·B. - Epineux: :

10. Coco de ai"ri-àssu ~ ou le grand palmier


airi, nommé brejeuba dans- quelques cantons
de .Minas-Geraes. Tige moyenne·; n!aya.nt ,pa,s
plus de yingt à trente piecls de hatJt, . de cou-
leur brune noirãtre, et entierement converte de
longues épines br:unes noires disposies. en 'an-
·neaux. Grappe garnie de petiles iloix brunes
;noires' trks-dures' uú p~u pointues ' et de la
gros.seur cl'un~ prune. Dans lP.s endroits ou ces
palmiers soqt :, n?mb.re~x ils forment des hal-
liers impénétrables ; ils croissent dans ·les forêts
seches, Plus au no~d on neles rencontre point,
et je n~en ai plus vu dans le5 environs de
.J>orto-Seguro. Les Pourys, le~ Patachos et les
Boutocoudys qui·habitent le long du Rio~Doçe,
font leurs ares du bois ~e cet arbre, ~andis que
les tribus qui vivent plus au nord ~ même les
.Boutocoudys d~1 Rio-Grande de Beln1onte et les
II. . . 5
VOYAGE
Patachós du Rio-do-Prado, se serv~nt à cet ef-
fet du pao d'arco { bois a~ are :1 espece de bi-
gnonia ).

Coco de ai"ri mirim. Tige mince et épi-


1 ·I .
neuse; feuilles à l'extrémité et le long de la
~ige ; fmits petits : les ei;tfans les mangent.

12. Coco de tucum. Tige haute de quinze


·palmes ou er~npans. 11 croit dans les marais, tan-
dis qu'au contraire les palmiers airi préfereut
les terrains secs. Tige et feuiJles épineuses; noix:
petites et noir.es renfermant' une amande qui se
· mange. Quand on casse 1es pétioies on aper-
coit des flbres vertes et tendres qui sont tres-
f()rtes :~ et dont on fait des cord~ns; on en. fa.,.
brique du fil, que l'on emploie à faire des
filets à pêcher de eouleur verte, et d'imtres
objets.
Quoique tous ces palmim·s offrent aux yeux
des botanistes ,_des différences caractéristiq~es. ,
. tons ont une forme gétiéra:le qui leur est com-
mune; celle du genre coco : elle consiste en une
tige svelte, renflée chez les uns dans Ia· pal'tie
su.périeure , ehez les autres dans Ia. partie infé-
tieure, de grosseur égale chez quelques-uns;
AU BRÉSIL. 35
chez presque tous elle est obliquérnent angu-
leus~ et pourvue d'anneaux renflés; annelée ou
écailleuse dans la partie supérieure; feuiUes
pinnées comme des plumes d'autruche , et re-
courbées élégamment; folioles quelquefois fri-
sées' un . peu roulées erJ de~ans' quelquef<?is
roides : l'imburi fes' a frisées. et de teinte ar-
gentée ;· le jissara les a do~1cement reeourbé~s
com me des plumes; ell~s sont montantes, éten-
dues dans toutes les directions, · et pend~nttiS
jusqu'à 'terre dans le ndaia; verticale& et roides
dans le piassaba, etc.
On voit d'apres ce qui précede que la con-
_trée que j'ai parcouru~ est beaucoup moins ri-
che en p~lmiers que les régions du cpntinent de
l'Améi'ÍCJUe ·mér.i dionale, pJus -rapprochées de
l'équateur, ou M. de Hurnboldt a trouvé urle
quantité considérable de ces beaux arbres, qui ·
sontl'orgueil du regne végétal, et dont il donne
une descripti-()n . pleine de charmes dans son
e~cellent ouvrage des Tab!eaux dé la Na- -
ture (1).
Dans la haute région des ,Andes du Pérou

(1) Ansichten derNatur, p,. 245 :


Tahleaitx de la !'fature, tom. li, p. I' 18.

,-

•••• ot ••• - ·· ·" · ·~ ., ""'


. ..- ....... .-
36 VOYAGE
la forme des fougeres arbdrescentes se rattache
à celle des palmiers; c·es fouge-res rnangueht
sur la côte or·ientale du Brésil, quoique des
écrits modernes les y aient placées ' ce qui est
inexact. En revanche les especes les ·moins hau~
tes de cette famille de phntes sont .tres-nom~
-h reuses et tr'e s-muhipliées à terre et sur les
a_rbres; on remarque entre autres , Ie ·Iong du
Mucm~i et €lans les env.irons <ile ~Caravellas , le
I

mertensia <J,ichotoma, qui monle ass·ez haut sur


. I ' ' .. .
les arhres, ·et se fall "reco·ilnaltre à se~ branches
bifurquées. Les negres videni ses tiges lisses ct
d'un brun hrillant de la móelle qu;ellés con-
tiennint, ·et en font des 'tuy~ux de pipe nommés
canudo de samambaya.
Ce ne fut pas seulement t)QUr la hotanique
que les forêts de Viç.oza nous parurent intér-es-
santes; elles nous présentere.nt aussi des tré-
SOI'S en zoologie. -La saison froide fait sortir des

sertoes intérieurs une quantité d'óiseaux des


forêts, qui vont le long de la côte; c~est ce qui
procura à nos chasseurs un ricbe bu!in en per-
roquets, notamment en maitaccas ( p~ittacus
r,nenstruus. L . ) 1 en toucans, elt.:. Nous fUmes
. obligés d'en faire notre nourritvre. La chai.r
de perroque't fait d'eicellent bouillon ; ~1a1s )C

o-' ' ' • ... • -. , . ~ I .J


AU BRÉSIL.
n'ai ,pas vu qu'elle fút employée c,omJhe médi-
cament, ainsi que le dit Southey ( 1 ). Le ca-
tinga pourpré noirâtre ( ampelis ~tro- pur-
purea ) était commun dans ces forêts ; on
voyait plus rarement .sur le Mucuri le cotinga
h leu (kirozta ou crejoa; ampelis catinga. L.),
qu:i se distingue de tous les ~iseàux du Brésil
par son plumage d'un bleu brillant ; une ncm-
velle espece de perroquet (2), et d'autres oi-
seàux. Les religieuses de Bahia er,nploiept les
magnifiques plmnes du kiroua dans la compo-
sition de leurs bouquets de flem·s. On a .q uel-
quefois envqyé à la capitale des quantités con-
sidérables de peaux de cet . oiseau. Parmí les
petíts oiseaux ~ le grimpereau bleu ( nectarinia

(1) History of Brazil, tom. C p. 627 .


(2) Longueur cinq pouces neuf ligues, queue co une;
couleur verte; poitrine, ventre et côtés tirant sur le b!euàtre; (
dos noiràtre foncé, brun de café ou no ir de fumée; croupion
pre~que enlierement noir; les de 1x ~lumes du milieu de la
queue vertes, avec la moitié de leur racine rouge. ; les autres
d'un beau rouge avec une large pointe no ire. Dans Ie inuséum
de Berlin l'on a nommé cet oiseau Psittacus meLanonotus.
Le caractere principal de cette espece, mais qui ne se recop.-
nait que dans l'individu frais, est d'avoir une membrane
nue et rouge de yermillon autour des yeux.
38, VOYAGE
cyanea (1) ) et Ie spiza sont les plus .re-
marquables; ·on leur donne en généralle nom
de cai·.
Nous nous procurâmes aussi de beaux ser'"-
pens 1' entre autres plusieurs jararaccas, .et une .
• peau de jiboya ( boa constrictor. ·Daudin ). Ce
reptile n'habite pas l'Afri:que 'comme Daudirr
le prétend; c'est l'espece Ia plus corpmune du ·
gen:re au Brésil.
Le ·11 juin je quittai Viçoza pour aller à
ravellas ~ oú j'attendis l'arrivée du navire le
Casqueiro (.21 ~e Rio-de-Janeiro.

(1) Certltia cj anea., L.


.(1) On appelle casqueiro le lieu ou l'on écorceet équarrit
Ies arbres avant de les façonner. Ce nom vient de casca
écorce (E).
AU BRÉSIL: 3g

CHAPITRE X.

VOYAGE DE CARAVELLAS AU .RIO GRANDE DE


BELMONTE.

Rio et Villa de Alcoba~a. -Rio et Villa do Prado. - Les


Patachos. ~ Les Machacalis . - Comechatiba. - Rio do
Frade. - Trancozo . . - Porto-Séguro. -Santa Cruz. -
Mogiqniçaba . - Belmonte.

A;rR:Es un séjour de quati·e s_emaines à Ca-


ravellas naus vimes enfin arriver le Casquciro,
attend~l depuis si 1ong-temps : il naus apporta
de Rio-de-Janeiro plusieur.s choses dont naus
avions besoin, et em porta nos col~ections pour
les remettre à nos amis de la capitale. Lc capi-
tam Bento Lourenzo était aussi venu à ·Cara~
vellas apres avoir terminé la plus grande partie
du chémin. Il pArtit pour Rio, oi1, ainsi qu'il me
l'a mandé depuis, on ]e récompensa de sa per-
sévérance en le nor:nmant colonel, inspectem·
-du che'min du Mucnri, et chevalier d'un ordre.
Toutes nos occupations étant mises de côté, ie

/
4o VOYAGE
pourspivis mon voyage au nord le long de la
côte. M. Freyreiss resta avec son moude sur le
M.ucuri.
J e qui.ttai Caravellas le 23 j·lili.llet 1816 : quoi-
que l'on fút alors dans la saison Ia plus froide
de ce pays, la chaleur n'en était pas moi~s ac-
cabla'nte. Les habitans souffraient béaucoup de
catharres , de rhumes , de maux de tête _, ,car
ce temps, que l' on appelle froid, produit sur leurs
corps, acconturnés à la cbal~nr, le !llême effet
qui résulte chez nous des premieres gclées des
mois de novembre et de décembre. Plusiems
habitans de Caravellas étaient morts des mala-
dies prodnites par le changement de tempéra-
ture, tandis que nous autres éirangers nous n'en
souffrions pas beauconp:
La praírie ouverte .dans laquelle Ce~ravellas
est bâti est ~nvironnée de tons côtés de forêts
et de hoi.s, ou les plantations d~s habitans sont
éparses. Dans les aulres saisons cette forêt est
plus ag réalJl~ qu~ dans ce IU~1nent; eQ effét elle
me parul heancoup plus belle lorsque je la vi-
sitai de nouveau au mois de novembre suivant,
c'est-à-dire au commencement du printemps
de ces régions. Le. chant du sabiah ( turdus ru-
jiventris) retentissait sous l'ombrage épais deso
A U -BRESit. 4:x
cocotíei·s' : je trouvai un de ces at•bres que le
hasard avait fait pousser dans le ereux d'un <f~­
bre antique et colossal de cette forêt , et qui
était d éjà parve:qu à une hauteur assez grande.
O11 voyage a travers cette fiorel 1usqu a l'em,-
0 0
A )o

bouchure d1,1 Caravel1as, ou une douzaine de


cabanes de pêcheurs forment Qn petit povoaçao-,
L'emhouchure du fleuve est large et sure;
011 continue ensuite sa route le lm~g du rivage
plat et sahlonneux, conire Iequella me r, agitée
par le vent, poU5sait en .ce mome11t ses vagues
bruyarÍtes. Du côté de terre cette piage est bor-
née par des buissons épais r
que le vetH t\ent
tres-bas: ils sont composés d'arbres et d'arbris-
saux à feuilles d'un vert foncé, comme celles du
Jaurier; qnelques-uns sont. laiteux, pleins de
-sue, et roides com me les detn especes de clutia
à grandes et belles fleurs blanc.hes et rases, qui .
sont tres-communes Lout le long du ávage. lei,
de même que dans toule l'étendue de la côte
orientale , croit abondamment un arbrisseau
tres - aromatique dans toutes ses parties ; on
le nomme almeçiga ( icicà '- amj'ris. Aublet ).
11 en découle une résine · d'une odeur lres-
forte , dont on se sert à différens usages,
surtout\en guise de t;oudro11 ou de brai pour les
I
VOY.&GE
vatsseaux' et commé hau'me . et remede pour-
les plaies.
Les haUiersbas, pres de la mer, sont·princi-
palen~ent formés de deux especes de cocotiers
qui croiss·e nt ordinairement sur ia côte, et dm11J
j'ai parlé plus haut en décrivant mon séjour à
Mucuri ; ce so!lt le coco de guriri et le cocet
de aricuri : le premier était en fleur, et chargé
de grappes de fruits non encore murs; le second
est plusbea~, et s'éleve j~s-qu'à douze ou.quinze
pieds quand il n'est pas trop exposé au vent de
la mer; sur le rivage il est beaucoup plus pe-
tit. Son joli fruit rond, de coulel'lr orange, est
~gréable au go(lt, mais il passe ·pour ma:Isain.
Dans les endroits oú le sable est ferme, et ou
les flots de la mer, apres s'être brisés contre la
côte, ne parviennent pas, ranípe une belle ip()·
maea à fleurs pourpnáes ( ipomma littoralis),
à branches.alongées, d'un brun-:noirâtre, sem-; ,
blahtes à des cord~s , et à feuilles .épaisses ,.
oviformes, laiteuses :' nous l'avons trouv~e pres·
que partout ]e long de la côte, Otl el!~ retient le
sable. Deux arbustes de la Diadelphie, à fleurs·
jaunes, produisent le même effet ; l'un, qui est
bas, étalé à ·t~rre et porte un fruit artículé, est
une nouvelle espece de sophora ; l'autre est le
\
AU~RÉSIL . 43'
ehicot ( guilandina bonduc. L.), qui s'éleve
souvent à trois et quatre p{eds avec des pousscs
]arges ; courtes, garnies de forts piquans. A Ú
milieu de ces plantes croit partout en abon-
dance le remirea. littoralis, qui a des tiges et
des feuilles un peu piquantes.
Vers le soir nous somm.es arrivés à un cou...
rant . d'eau rapide nommé la Barra-Yelha;
c'est l'ancienrie embottchqre ·de l'Alcobaça, don t
nous n'avons pas tardé à atteindre les bords.
Tons ces petits com·ans d'eau qui coupe~1t la
côte maritime causent souvent de grands incon-
'Véniens au~ voyageurs , car ils peuvent le re-
tenir pendant six et même ~Ílit heures. Nous
parv~nmes sur les riv~s de la Barra:..Velha dans
un temps défavorable ; elle était extrêmement
.gonflée; je n'eus donc d'autre parti à prendre
que de faire Ôte1· l<l charge de mes mulets , et
de camper dans cet endroit. Nous n'appdmes
que plus tard qu'il se trouvuit des habitations
derriere les bois.
Une vieille souche abattue nous mettait à
l'abri du vent <;!e la mer, qui était perçant et. qui
chassait vers nous le sable du rivage de Ia côte;
nous_avons allumé un bon feu , et nous ·naus
sommes couchés en rond snr des couverture~
44 VOYAGE
et des manteaux qui ne nous préservaient pas
completement du vent froid. Nous d.ormimes
assez mal agres un repas tres-mince, et nous
attendimes impatiernment le ,:~tour.de 1'amore.
Ce ne fut qu'à dix héures que la marée fut
monté~ assez haut ,pour que nous pussions fair~
passer nos animaux à la nage; nos gens porte-
rent le bagagc sur leurs têtes. Duraut notre sé-
jour nous vimes une belle frégate. Cet oiseau
plane fréquemment en troupes de quatre à cinq
ct même plus , à une tres-gra.n de hauteur au-
dessus de la côte.
Nous n'avons pas taedé à arriver à l'embou-
chure de l' Alcob:;~ça, qui est assez fort en ~ntrant
dans l'Océan : ses rives, dans le voisinage de la
mer, sont . convertes de bois· touffus de man-
gliers, qui ne tardent pas à faire place aux forêts.
On a bâti sur la rive gauche ou septentrionale
du fleuve, à peu de distance de -son embou-
chure , Villa de ~lcobaça : elle est.s ituée sllt·
une plage de sable bl:mc, couvert,e d'un gazon
court, de mimosas rampantes , de dentelaires à
fleurs blanches, et de pervenche à fleurs cou-
leur de rose ( vinca ro.sea ). Álcobaça ren-
ferme à peu pres 2op maisons et goo habitans.
La plupart des maisons sont c~mvertes en tuiles;
.A.U B.RÉSIL. 45
l'église esi bâtie en pierres. On fait dans cet!e
ville , conime dans toutes cellés de Ia côte :. le
cornmerce de farinha ; Alcobaça en ex['>orte
4o,ooo Z~lquei1·.~ s , qui vont dans les vi11es les
'P
lus considérables et dans tons les endroits ou
cette denrée est moins abondante. -Ce commerée
.
s~ faít par que1ques lanchas, qui rapportent de
:Bahia d'autr·es 11narchandises. Ces petits bâti-
mens remonterut le fleuve assez haut jusqu'à la
plantation de M. Munis Cordeiro, un des prin-
cipatix habitans d' Alcobaça , et qui, par .son
caractere loyal, mérite la haute répútation dont
il jouit parmi ses concitovens.
L'Alcobaça , nornmé ·' Tani-an '. ou Ita;ian
( ltanhem) dans la 1angl·ie des indigenes : du
Br:ésil, est tres-poissorineux : on di r_, cp1e l'on y
a pris des lamanfins. Son embouchure a une,
haTre de sable sur laquelle l'eau est profonde
de douze à quatorze palmes; de grands sumacas
chargés peuvent la passer. Les·sertoes •ou .foi-êts
qui couvrent ses rives sont babitées)1 par les Pa-
tachos et les Machacalis, deux peu'plade-s sau-
vages dont j'ai souven1 parlé.·Dans ees quartiers,
etcplus au nord, eltes font de.s visites .paisibles -. ..
aux demeur:es des blancs, ,et .y éc~aqgeJlt quel-
q uefois de la·cire ou'des anl:r,nau:x. bons -à mauger
46 · VOYAGE
contre
• cl'autres . denrées. Ces sauvaues
o s'étant
aujourd'buí ' enfoncés plus profondément dans
' les grandes forêts, nous n'en avons v'a aucun.
Les forêts' de I' Alcobaca >
· renfem1ent une
quantité de bois' etde plantes utiles; on y trouve
· aussi le pao-brazil , et surtout beaucoup de ja-
caranda et de vinbatico, que l'on se procure
par les Indiens civílisés. Ce sont' eux qui ont
d'abord formé la population de Villa de Alc~­
haça; _ils ont ensuite été en grande partie rem-
placés í)ar les blancs et les negres.
La position d' Alcohaça est saine , l'air étant
constamment raf1~ichi par les vents de me r; ce-
pendant ces mêmes vents et les tempêtes sont
tres-désagréahlés pendant une grande partie de
l'année. A cinq legoas au nord de PAlcobnça
. est l'emboucbure clu Rio-do-Prado, nommé.
autrefois Sucurucu (1) par les indigenes de ce
cantou. La I'Oute pour y a1ler en suivant la côte,
passe sur une plage sablonneuse et ferme, contre
laqueiJe, la mer', agitée par un vent, tres-fcll't,
brisait ave~ furie. Les bosquets touffus de pal-
miers gu riri et a1;icuri, qui garnisaen t la côte et

. (1) La Corografia .brasilica écrit Jucurucà; les indigime~;


· prouoncent pomtanL tous Sucurucu.

~
li r

il
,AU BRÉSIL.
-cToissent à l'ombre de grands arbres qni res-
semblent au !aurier, sout fréquentés par une J

petite espece de penelopé qúi parait avoir.beau-


coup d'affinité -avec le parraqua (penelope par-
raqua. 'femminck); ou nomme c,et oiseau ara-
cuan (1) sar la côte orientale; et on Ie recherche
parce qu'il est tres-bon à manger. Par Ja gros-
seur et le gout il ressemble assez au fais\1-n.
Mon chien courant, qui fouillait constamment
les halliers, fit lever. plusieurs de ces oiseaux
qui s'envolaient tonjours par couple -et avec
grand bruit; d~ reste il n'était pas -aisé deles
.tirer, les halliers étant trop remplis et embar:-
rassés de plant ~s armées de piquans.
Vers midi nous sommes parvenus à une
.autre barra~ velha, ancienne enibouchure du
. Rio-do-Prado : nos mulets purent passer avec
Iem charge cette bouche. du· fleuve, parce que
c'était le moment du reflux. On voit sur le côté
.opposé des bois de manglier dans le voisinage

. .

- (1). L'aracaan parait an prernier coup d'reil une nouvelle


.
- .
• variété de parraqua, tnais .il eu· forme certúnernent ~ne
es.p ece particuhere, _c aril est constamrne~t plus petit, et eu
cl iffere aussi n~ peu dans. la coul.e ur de sou plumage ;- i! me
semble que c'est le Pltasianus'garrutus de .111. de Humbolqt.
' / . .
r
48 . VOYAGE
du Rio-do-P1·ado; et sur une haute plaine sa~
h!onneuse, à sa rive septentrio~ale , s'eleve la
Villa. Nous attendir~ws long-~emps étendus sur·
la plage; · enfin des halJitans nous firent traver-
ser le fleuve dans leur pirogue. On nous' assigna
notre logement dans la Casa da Camara. '
Villa-do-Prado, d'abord habitee par des In-
.diens; est moins considerable qu' Alcobaça, car
l'on n'y compte qu'une soixantaine de maiso:ris
et six cents habitans. Une partie des maisoris
est alignee; l'autre est éparse dans la plaine. La
pervenche rase forme un tapis sur ce s'ol bru-
lant , ~i.1 nos bêtes de so~nme ne trouverent
qu'une nourriture mauvaise et peu abondante.
Cette petite Villa est encare plus dépourvue
qu'Alcobaça de heaucoup d'objets riécessaires.
Quelques lanchas entretiennent un petit com-
merce de farinha ; elles en exportent à peu pres
8ooo alqueires , avec un peu de sucre et d'au~
tres productions des forêts et des ·plantations
voisines. Le · fleuve est assez considérable et
poissonneux; la ?arre de l'embou?hure n'est
,pas incomrpode pour la navigation, . puisqut;
, les sumacas chargés peuventla p~sser.
Notre compatriote, M. Feidner, ingénieur
maJOr , avait · fait par ordre du gouvernement ·
AU BRÉSIL. ~9
un intrade ~u abattis dans ia direction du nm<d-
~yest, .p onr ·o!}vrir à travers 1es forêts 'un che-
íntin :júsqu'à Minas-Geraes. 11 •eut des ·contesta-
úohs ayec-M. MarceHi:n0-da-Gnnha~ 'fouviélor,
<fNi ne favorisa pas ' Ce ~p'rojet; 'et ·comme il dé-
.pendait ·cntim·emenlt des or~lres de ce fonction-
:nair~, l'entrep~1sé· m:a:nqua. 'M . Feldner., ob'ligé
~e -passei· quelqtre l'emps sm une ·lle, 'y fut tres-
~tnalade, ,et ·épl"onva · a:vec :Ies ~ens de sa suite
· ·tN.!l'e-telle disetrt.e, qn'.ils furent réduits à luet' un
,chien pour ~aiset· leur fain1. 'Un Boutocoud:r
·ci'Vilisé; mom•mé Simam ·, ·guérit ~M~ 'Feldm~r
d'une :fi@vre violente , avec une écuelle de miei '
.quli:l aBa llt!li d1ercher~JM. )FJêhÍner, aipr~s l'avoir
;prise, ent :orne sU'eur 'tres:-ábonaànte ·et 'fut dé-
. .bá:rra~sé ~de •son mal.
J;..es :chevauoc ·cl:es halí>itan:s 4e 'V illa-do-Praâo
.er.rent é.pars dans :les :forêts .d e Sucu~~cú. •Ces
. solitudes •renfe1•ment áússi:ull'e grande ·quant~té
>de gibiet·, ·de heaux bois, 'ét ·desJfruít~ sau'Vages..
·LG b0ís ·de 1Bresil y a·monde. JLes ' cdrdonniers
s'en, s.en1ent pour teindp~ :le cuir ·err-noir; rnai;;
· tsi 1\im .a,jo'Rfte' ·Ue >la 'ceni:!h·e 1à · ce~te couiem >
'"eUe ·clevieht ·rbúge Crecho ). ·Parmi les ois'éaux.
·qui anime:nt 1les1bocages -éles'·énVirons de Vina-
, •&o-Prado, ·l~t\>'ra6nan ·,est 'tres - -éommun. "~es
-u. 4
.5o .VQYAGE
habitans tue:ç~t une gvande qüantité de toucans et
de perroquets, et les mangent. aux jours de
fête comme des m~ts !friands, car la farinh~, ies
ha~·~cots noirs, la viande salée , et quêlquefois
urr peu de poisson , .form ~nt la nourriture or-
dinaire des Brésiliens, et il faut que l~s voya-
geurs·s'y accoutument. Parriii les ' désagré~nens
de.cet endroit, il faut compter surtout la chique
ou bicho do pe .( pulex penetrans '), qui est
extr~mement; multipliée dans~ le ·sable.de Ia côte;
ce petit insecte fourmille: de . m~me dans .les
mai~ons , ce qui oblige. de visiter .souvent ses
o

pieds. ·
1 • ~ lf

Un orage vi.ol~nt et. Ia fuite. d\m de nos iuu:..


lets m~obligerent de rester une couple de jours
dans ce triste pays sabionneux; mais le dernier
jour je fus amplement dédommagé de cette
contrariété p~r l'arrivée d'une troup~ de sau-
_vqges à la ViUa. Gétaient des Patachos, que je
n'avais p~s encoi·e ·vus, et que j'avais -depuis
long-temps. vaineOílen.t espéré de conna1tre. 'Ils
n' étaieut sorti~ de hmrs' (orêts qut; peu de jours
aul?a1:avant pour,veni:r aux plantations.lls étaient
co.mplét.ement nus,; ils .~ntrerent ainsi dans la
·viü;.' tenant l~urs ar.n~·es à la ~_ai~ ; une foule
.~onsidérabÍ~ ~'amassa ans~itôt autounl'eux. Ils
AU BRÉSIL. 51
app~rtaierit à vendre de grosses boules de cire
'· J:!OÍr.e ; ils · échimg~rent ·avec nous une quantité
d'a~cs · et de fleches co'ntre des ~outeaux e~ de
I

gros moucqoirs.lls n'avaient rien de remar.qua·


~le, n'étaient nipeints ui défigurésd'auc'u ne ma-
·nier~: les un~· étaient petits, la plupart de ciille
m~yenn~ , _assez élancés ;· ' ils avaient· Ia face
large ·et osseuse, et de gros traits. Bien peu. s'é- .
·tàient ·~ai.t des ceintures ~yec de .la toile qu' oii
~eur avait dorinée:, Leur f hef ;c. nemmé capitam
pnr.les Por~ugàis; ·et ·qui~ n'avait rien de bien
-distingi.1é., portait rin boimet..de .laine rouge .e t
des .culottt:is bleues dont Olil:Iui avait fait cadea~
_,. L,, · ~ . , 1:: ·fJ
I I
{}rieI que part. .
La pr.emiere·~chóse ..<;lont; ils s' 6ccu perent ; sé_-
/ rieusemenrfut de tilanget'; On leul- denna .de l~:t
fárinha et des ' co,c~s qu'ils·;ouvr.irent ;tres~adr.oi­
tement avec une · petite ~ haéh'é ·; 1et! aV.ec. leuts
-dents furtes .et saines ils jpr.Írent fam~nde. J'àà-
mir.ai leuth bon appétit. r · 1 •• J ; 1 J 1 • · • ! ·-

Quelqm!s-uns -mo'ntreredt heau€191ilp d'habi-


leté dans leu r 'Commerce d' échange ; ils recher-
-cháient pri~cipalement , les .. €@uteaux . ou les
haches. L'un d'erix se, Iaissa pourtant nouer un.
mouchoi'r · no~ge autour. d;u 'cou~ On plaça ~n
,coéo· acl ' haut ·d'une p~rche à quara'nte pas de
;

I I
·d istance ' ' et :On leur ·dit•de ti~l' à ce hl!l't 'a;vec
·.1eurs JJeches ~ ;ils ne :I e manq:uer.eín ;pas . .P1er-
"S'0 nne ne •strob:ant ]em.' l~ngiTe; i~!i n~ firent pas
-u n :lon~ séjoul' da:tíls 1a Villa, ~ .r.1tt6uttileNI.at
-chez <eltx. ·
Fo'llr .1les m~~nt connatitre. , je m'embar~ai
I
Je Sp 3uiUet· snr le Ri:o-·olo~P.mdo ~ ·que je !J'ijruon- 1

tài jusq_[u'à' l'eudroit ou. (Ce'S sauv.ages ::avlàj:ent


-ciT-es!'é ;leurs 'cahálnes; i e n;e les •tr0ulvai ·pl!is ~ ·Hs
:S'étaient .•t<na,m:sportés ~.plus lbin'._ fue)) fo~ts ·des
ika.rrls ~li ~suatitll'ué'u scHilt ~1abitées 'f1a1'' I{Igs Páta-
~ho~. et' des >Ma'ehaca~üs.; les ·deFniers ont ou-
j.@t:tils, -.3té plu-s 'enclms 'q_~m:é les _pte'miers: à viv-re
--..,_ en paix avec les blancs; car ce n'est ·que rlll·epuis
.- -trois ;ans\que :J'ón -á pu établida hont'le ~atelli-
;gence avec 1es P.atachos·.. Peu··de ; temps a!V-ant
·Cette ,ép'ó que, i1s avaient ·attaqué .dans·Jes tm·rê1!s
·des·habitans..de Villa-do·Prade.; l?eser.ivam a;va.i.t
-été blessé , plusieurs p.ersonnes a~aient p'erdu
la vie. On a· ensuite em.plQyé les .paisibles .Ma-
·chacaris r'!Otl'r
r '
conclure tiiiQC con;vent:ion .aY;CC. }es
Patacbos. ' -'
Les Patachos ressehlblelilt·heaucóup am·x R@!t:l~
1rys ·et aux Ma-ehacaris, _néatuDm~n·s ils 's01tt
plus grands que ·les if>remiets ; ·,ils ne détig~ttrent
'{las non plus •leur visage, et portent' de · in.ênnr

/
I
leurs che~eu:x pen$-ns náturel~menttautour _ de
Ia tête,;)ls les c0qpent s.~uleme1;3t à la n.uque e.t
au-dessus des yeu:x ;, q,u..elctlles-pn~ p.ou~tant s.e-
rasent toute la tê.te ,_ lai~sant. simplement un~.
petite tquffe devant etderr.i~.ue. On.er v.oit aussi
qui se per<~en,t la lev11e -infénieure ell le~ oc.eül,es ~
et inettent dans l'ouv,ePture tUl.,e h<\glileHe de re:-
s_eau cour.te et mi~ee. Le.s ho,mmes, ainsi ~ue.
ceu:x qe· toutes. les. p.e~pla.des d~ Ia côt~ o.tieQ-
tale, s.u11pendent leur Goutean: à un col{do:r;t pílss.é
autoun ~e leuv cou:,_' et por~nt de.la wêrn.e -ma-
~iere les chapelets q~'on.lem; cl0n:ne. Le c0,np,s
de êes, P atachoa se montrait dans sa cou,lelill" 'ii

naturelle, bru.u :rouge;hre.; il n'était nul\ement


p.ein,t. Le plus singtdier de.leulis ~sages- consis,toe:
à nouel' ayee . UIJ,e plante s_arri'lel\teuse la·peau
qui.reco,u:vrel'extrémüé d'une certaine partie de .
. leúr eorps, ce qui I-ui dom~ e nu aspect extrême-
Rlent hizarre.
_Leurs. armes s,oJ;lt génér,alement les. iJ;lê~llCS
que celles dq •·es.te des S1H!Iv,ages ;. cependant
-leqrs •ares sont plus grélllds. que ceux des. autres
peuplades des,Tapouyas : j?en ~1esurai un qu-i
é!Vait huit pieds neuf ponces et denii, mesure
anglaise, de hauteur; ils sont de bois d'a'iri ou
de pao-d'arco ( bignpnia ). Les :fleches dont ils.
VOYAGE
ont contun:ie de S'e servir à ]a chasse sont assez
courtes ; mais celJes dont iJs font 'usage à ~~
guerre sont vraisemblablement plüs longues , et
se rapprochent -airisi d~ c~lles des aul~es sau-
' vages. La parúe · inférie~re en est garnie .de
. plumes d'arara ' )de mutÚ:m-' o~:hien d' oiseaux
de pr0ie; la pointe en est armée de -taqu~rassu
ou d'uha ; je n'ai d'ailleurs vu·chez a:u~cune ,des ·
tribus de Tapouyas la c;~rde de l'arc faite de
boyaux oli de nei.fs d'animaux; comme lera- '
conte faJissement Lindley (1). Chaque homme
porte · une ·poche ' ou {ui s~te attaché ~uto~Ir du
• cou) et fait d'écorce ( embira) ou de ~ordoris
tr.esstfs; il y met di verses bagatelles.- Les femmes
ne se peignenl: 'pas ,non plus ' ' et vont toutes
1mes. I...es cabanes de ces sauvages different es-.
senl'iellement de celles d~s :Pourys que j'ai dé-
crites plus haut. Dés jeunes tiges ou des perches
fichées en terre sont courbées pat· Ie haut, liées
'ensembler, /et convertes' de Jeu\lles ·d e pattiopa
et de cocotien_; elles sont basses ~t ' ~platies.
On voit aupres de chacune un bane, qui con-
siste en quatre pieux fourchus fichés en terre ,
et sm· les.quels on pose _q uatre ·bâtons qui en

( 1) Natrative, etc. , p , ~. 2 .
AU BRÉSit.. 55
soutiennent une rangée d'autresrplacés transver-
salement; o~ y étend les animadx 'tués à · la
cbasse, pour .les · y .faire ·rôti.t· ou, g·riller. Lei
Pataçhos ressemblent, :à bien des égards, aux
Machacaris, ou Machacalis; leurs langages pré-
sentent aussi, 11>ne ·certaine affiriité , quoiqu'il's
different beaucoup· sons plusieurs rapports. ·
. Ces deux peuplades sont , dit-on , liguées
contre 1es Boutocoudys; il pat·a1t qu'elles rédui.:.
sent une partie de leurs prisonniers de guerre
en esclavage; car dernierement ellcs vihrent à
Villa-do-Prado offrir de vendt·e un jeune Bou-
tocoudy. L'on n'a jamais. cu de motif fondé
pour sur.poser que les Patachos mangent de la
phair humaine. Le caractere moral de' tottt.es ce&
tri.bus se rcssemhle heáucoup pat' les traits. gé-
néraux , mais cehd ~le chacune offre des parti-<
cularités bien marquées : . les Patachos , pat·
exernple, sont les plus · défians et les plus ré-
ser_vés; ils ont toujours l'air froid et sombre; ils
donnent tres-rarement leurs e,nfans aux blancs
pour qu'ils les élevent, ce que les autres tribus·
fontassez volontiers. o~s sauvages vivent erra~s;~
leurs troupes paraissent alternativement sm·
l'Alcobaça, à Prado, à Comechatiba, à Tt·an-
c.ozo, etc. Quand ils. y vfennent, on leu r donne:
I
56
qpelque chose à. maag.e r, on échamge avec eux
dtiverses. bag~telles ~ontre de 1a cire 01.1 d'autres
prodt;tctions des fmiêts, pu.is ils r.eteuraent dans
'leurs sol~tudes. .
Tr€s-satisfa1t d'avo~<r fait J.a connais~ance de
ces. sauv.a ges, ).e par.~is. de Vi.li.atde-:Prado, en
fai~ant diligence pmw Sl!Ü·v re Ines gens et mes
b etes~ d'e s0mm.e qu1• nil>
A ' avaumt
• . devance' . .LJa
J: A
cote,
en, se pr-ololilgeant au nord: de Vilbt.:.do.,-Prado ,
prend une. figure difféFente de eelle qn'eUe a
eue auparavanb- Le long de la mer s'élevent de
ha.utes parois d'argile·i·ouge ou d'autre couleUI',
qui· est ·eHtremêlée de co aches-de gres ferrugi-
neuses et de couleurs variées; des forêts couvrent
le· sorpmet de cette côte : eHe est coupée du
côté de la mer par d:es. vaHé€s ombragées de fo-
r~ts épaisses, demeures des Patachos; il· sort de
cha.cune. uFl misseau d·o nt l'emb6ucll.ure diins
h me r . est souv.eiilt wes-incoma1ode pour les
voyageurs. Les groupes de rochers qui du pied-
des· fa}aises s'a\:ancent eH mel' SÓnt Ull autre ~­
désagrément; de tner basse- on en fait le tour à
pied sec ~ mais ' quand elle est haute ' on ne
) peut pas les doubler, pat'Ce que les vagues, qui
v:ieanent s'y bt:iser eB groud'ant, et en lançant
· en l'air Iem écume, inondent la plage. Si l'on
AU BB.ÉSIL.
se trouve entll'e· deux de ces gt~oupes de-11o€hers
au·dessous de la falai-se, d~ns.:OO.temf'S oi:J.,.Ja mer
- rr:~:.onte, on est exposé.à un grand: danger, parce
que l' en ne peat pas év;isteu- ]a: manc'be 11apicle
de P~au : c'est po.~~quei il est nécessaire qu'un
V~yageuF s'inforfli.€ exactelíDC.t)t des. hahita~lS du
pay.s., de l'heur.e qa'il co!lilvient de eb:.oisir pout·
passer. ll faut qaelquefois attenelrepem<iant six
hellres le retour du reflux, quand on a lais&é
· passer le -moment opportml. Il m?:y a d'ailleurs
td~t le long de eette c@te d'autr.e che'!lin- par
terve qHe· ce1ui-là qui suit·le riv.age. Entre Prade
et Comechatiba. l' on _rencontre en tvois endreit~
différeHs~ de c'es 11(i)chers saillan-s ;· il n1~est aHiv·é
'd'.a,voir eu dans u,n de ces p>assages. de .1' eau jus-
qu'à la selie de mo:n• cheval; <li.x. mir.mtes phis
tar d , · J·.,aurms.
. ete
, ' ·obl".•Ige u_e.
f _:t.
retoul'ner· e H aF-
riere jusqu'à. un endroit o-ti la t::ôte aurait of- .
fert t:In espa€e plus large, et d'y attendre Flendaat
six heures que la mer se retirât. Déjà les va-
gues qui brisaient ccm1ire les r0chers ofFraient
UH aspéct menaçant : ne connaissantr pas la

route ,. nous n'osions pas poHsser nos ehevaux.


au milieu deS. flots écuma~s ' ·lo~sque deux ne-
gres d'une fazenda voisine allerent en a-vant à
~ travers les vagues, et. nous. :r;n~lí.ltrerent le che-
VOYAGE
min. Apres avoir passé sans accident, Eous
nous soh1mes dépêchés de sortir de eeltc plage
etroite' peu sure' Oll Vo~ ~st exposé à.la fu-
reur du plus redoutable des élémens, et nous
avo~s couru au grand galop.
·On trouve sur ces rochers, un pe:u plus
avant en mer, plusieur.s especes de mollusques
et deux especes d'oursins; les pauvres eu man-
gent une : elle est noire , hérissée de ltings
piquans; l'autre est blancbâtre, hérissée de ·
piquans blancs; ces rochers sont aus~i couverts
de coquillages qui .donnent. une li quem pour-
pr~e. Ils sont surtout communs dans le ,yoisi-
·nage de Mucuri, Yiçoza , Comechatiba, Rio-
do.:... Frade, etc. M. Sellow eut l'occasion, d~ns
un de scs voyages, de faire quelque's observa- .
tions sur cet objet; Mawe en parle aussi (1 ). ,
Quelques-une.s des vaUées latérales de cette
côte escarpée renfermcnt d~s plantations, eiitre
;mtres celle du. 5enhor Callisto, qui m'avait'mon-
tré beauooup d'obligean<:e à Villa-dv-Prado.
Suivi de deux de mes gens à cheval, j'arrivai
à' la pointe de terre de Comcchatib;:o , que les
indigenes nomrpent Currubichat,iba. La lune
J
{I) Voyages, p. 54 (tom. I, p. 90 }.
AU BRÉSIL. 5g
dans son plein se refléti;\it sur . la surface ·de la
rner, et éclairait les ·cabanes isolées de ,quelqueS.
InQ.iens côtiers, réveillés: pade passage ·de nos ·
mulets de bagage ' marêhant en ávant de nous. ,
A quelque distance de ces cabanes se: trouve la
fazenda de Caledonia, établie il y a sept aris par
M, .Char1es·l?razer, Écossais, qui a parcouru
une grande partie du globe. Il acheta trente •ne-
gresrobustes pour cultiver sa fazenda. Les In-
diens qui vivaient dali51e voi.sinage travaillerent
plusieurs ann~es à son ser'Vice , écláircirei:Jt-Ies
hauteurs qui s'étendent le long de la côte, y'
abattirent les bois , et aider'ent à la .culture.' Il
fi.t planter une gra~de quantité de cocotier.s le
long de la mer ; sa maison fut Mtie en térre et
converte en chaurne. Sur la même ligue s'éle~ I \

verent des casés pom ses negres' une grande fa-


brique de farinha, et ·un magasin; L é ,premier
de ces bâtimens tombait en· ruines. On y voyait
encore huit à dix. grandes chaudieres en terre
pour faire séche~ la farinha, . ~ais une partie
était brisée. •· ._
La situation, de cette fazenda est stiperhe : des
caBines verdoyantes et convertes de bois s'éle-.
vent du bord de la mer; le sol est ex.cellent; on
avait déjà défriche une grande étendue de forêfs:
6o 'VOYAGE.
mais il pau;;1tt q:ue l'o.Ó. n'~ntendait pas gran.d
chose: à la maniêre de teUÍt: les negres daN.s,
• Ietaumt
l ' ordve : 1ls. , • ..1
uans , Q • • ,
UR etat · e. mut1ue.ute ;

ils etuplG>)Iaient Ji>OUr eux-même~ les pre>.duitS;


de la eultuue, refusaient sa.twent la tâ..:he qu'on
leur imposait , et allaient ch.asser dl;lns le& forêt-s,
vo1sines ott: y prendre. de.s l;lllÍnlimx aui piége~.
M. Ft:azer s.e tro,uvait en ee moment à Bahia; ih
a.vait penda.n.t son absenee ca.nfi.é le soin de. s~
fàzeada à un Po.11tugais de V.illa-do-Prado~ J0
fus re~u pali ee feitor : les negres' qui s'étai.enl:
rassemblés. pom dans.e r au son .de leur tam.hour,
' árrivêrent atlssit0t pour regarder l'étranger. La
ohaJnbre fut• bientôt remplie d'esclaves jeunes,
bien faits, et la plupar.t grands et. robustes. Le
feÜt!U' n'av;ait pas! assez d'autp,rité Sl:lr CtiX pour
me débanasser de cette co.mpag.nie fort à charge
à. un voyageun fati'gué. Je passai quelques joms:
dans ce lieú, e't j~eus oceasion de visiter dans
les forêts les.cabanes des Patachos qu'ils avaient
abandonnées p~u de joms aupara:vant. D.~s ln-
diens de Comechatiba m'.y cot?duisirent.
La met: forme en _..:e lieu un bon port , pro-
tégé contre la-lame par un récif de rochers , qui -
pourtant ne le défendent pas bien du. vent; le
m011jllage y est hon, et soa entrée offre l'av:an~
AlJ ~lü:i:StL.
tage de poav0it· êtt•e 'rcc'omnue •dês ma:tihs pa'1·
u'ne 1llal'fille ttles...:faeiJe à :distiügt!ler. Les va-gues
j~nent 'S'úl'h côte u1ne -gr:mde- ~autité d'·especêt
de goémons, de sertulaires ·et 1d'a<!ll:tres zgo.-..
phytes, ·e t 'se'dlem·ent quel'qã'es coql'lillag_es. Le
soi-r-, pendant Je cré:pusc:ule:. •em voy.ait 'des vo·-
lées~d.~·ga:a·t~diras ou ~liahds vampiJi·es·(-p'kyl'o<s-
tointt"'S ·spec-'brÍ!tm ) • on·'pélt!J:'t ·'àisém~nt' fquand
i1s .f:endeht f.ai<r ., les prend:re rpout de petité5
~ho'uet1fes. · Ges at1'Ír:B1aux 'bfe'Ssel'·ent quelq,ifes-l!ln5
de mos -rni1l~s ·de 1b'agã:ge €fui .púdit:errt hea'u'Coup
· de ·sa~~g. 'Oette fac.uh-é dt<rs grandes 1cliauveS:-sou-
1'Ís de la Mi'l'e t:0rride·, ·de suce:de 's àng des ani-
me.ux (i), s'<élend, •dit dn ,;àHBrésil., auxpetites
-especes cle ce'ge\ir~ -; ~1ais je iile ctois.tJ::)s ·q_u'·eUes
nti~sent -de la mêr'iü~~t:ná:nitll~e 'à )'Jh'<!>m·me; comme
·oo. ·lei'raconte; · 'et je -De oehnáis pas d'e fait :qtmi
le p'rôüve.. ·
! -Les Inc!lioors ·'qui demeln~e:r:tt 'en· aet enduo1t
wve-n t ·do produi t ·de ieu.vs ·plantatiçm·s' d<e la
chass-e:, et Stlllrt1;}'itt '-cle la p~che. Qu:and le:temps
·ést trá'íl{fl~i'He, !O':Pl. il'ê$, vo:i:t fh~quemment pa:r-'-
coürit ia :surfae·e ;de lá ·n1e·l' dans ·l~urs pirogues:
>'
..; , _..
._; '"' •~ ' •. -1 - - ,_ , I .,. ,

(1) AnsicA.tetí' àer 'Nãiu'i·, p. ~3~. ( · ,) 1


·Tableau:T:.)dHa ·Nã'tU/ê, 1to~. I, p. 47. é ..
<
.· VOYAGE
ils rapportent une grande quantité de poissôn;
tout autour de ll'lurs .cabanes soilt épars des ca-
rapaces, des cranes et des os de la grande tor-
tue ou tartaruga.
Au nord de Comechatiba la côte offre de nou-
veau des falaises et des rochet•s : ils s'avancent
tellement en mer dans un endroit, que l'on est
.obligé de prendrc un détour sur les hauteurs,
ou il y a une plaine nommée lmbàssuaba. C'est
/un campo environné de forêtS ~ et couvert de ·
beau gazon ainsi que d'une quantité de p.lant~s
qui étaient nonvelles pour· D0\1S : aussi furent-
eHes les bieu-venues · dans nos herbiers. On
voyait sur la terfe, à l'Qmbre d~s~ arbres, le li-
chen des rcnnes ( líchen ran_giferinus, L. ) : il
y était tres-abo:ndant. Cette plante., qui .dans.,Ie
nord .forme la principale riourritn;re des reu-
nes, occupe une tres-grande étend_u~ sur la
surface du globe. Revenus bientô.t sur le bord
de ]a mer, ·uou.s sommés arrivés , : apres -avoír
parcourumne.legoa et demie.:depuis_ Cpmechã-
tiba , surles bords du Cahy que l' on peut pas-
se r de mer h asse. No tis étio ris 1 ar!IÍV~S trop tard;
heureuseme.nt les n~gres .et le~. Indien~ de la fa-
zend~, qui connaissaient parfai~~ment le chemin
à iravers le fleuve, le passerent ·~ g~{, et por-

/
AU BRÉSIL.
terent no'tre bãgage sur leur .tête et sur leu.t·s
épa~les) il parvint de l'autre côté sans av.oir été
mouillé. L e Cahy qui, · de même que tous les,
autres fleuves de cette côte' sor(des forêts, est
peu de chose de mer hasse , ,mais pendant le (

flux il est rapide, impêtueilx et tunuiltueux.


A trois o ti quatre legoas plus au nord, nous
avons . rencontré. le Corumbao , imtre fleu,ve
plus considér.able. Le flux no~s incommoda un
peu pendant cette · pnrtie de la roote ; et une
.chaleur accablante t\endit encore cet inconv,é-
.nient plus dé&agréapl,e. La côte était quelquefois
. ha~1te et même ~s.e11r.pée, .. quelquefois basse e:t.
.converte d'.a rbres touff.us analognes aux_lauri~rs.
Le palmier aricui·i .étáit commun sur le rivage;
nous y ~ ~vqns apêrçu a_ussi be.auc()up de belles
:espece~ de- gran},inées et d~ rosea4'JL , J.l.ouvellês.
·p üt)r nous. Les petites vallées qui ~'qu,vrent du
.côté de la mer ~ont en partie rempli-es de la'-
. gimes pittoresqu~s; q~atid ~lles peuv.ent se frayer
:une issu.e pans . I<!. w~r , elles y · por~~nt let;~,rs
eaux: eLJes sont ol·dinaii·ement f>~eines .de plan~es .
_'/-nal og ue~ aux . rosea~x. -La mer m<;>~ta, jusgue

-
vers n1idi; et comme .des.at:bres ,abattus naus
j • j \ ' • ' • '

J bfi~·r \úent le_chemin en plusieurs en4r,o.\t~ ,, . n ç>u.s


fíuues · obligé~~)Ae . ·tr31ver~er . ,~es · vagu~s assez
.64 VOYAG-lt
haútes; cependant nous parvh'lmes heureuse-

· mentà l'embo'l!lch:u'r'e duOorum'bao, &ituée soús
les 17° de lat-itude meridional-e. On ·dit <'JUe 4es
i·.ives f.ert-iles ·de c·e petit :f!lefive saiu' ·edu vertes
de t'i~es-heau'X. bois ·eroítt ofi -ne 'tire auc·uné uü-
lité. Plusieúi·s illes de saple formen't à' son em-
.houdmré ~Iie bà1r.Pe:; :stt-'t lacftltléqiJ!e }e 'fli!li elevait
'en 1e'é m.ument &oes .Ja1n'tes tres:..fo'Hes. A droite ·et
.f:l. ra~:mC'h~ 1•e tiv6~é Úblonn-é~"· ·du · 'inah~tageux
b ' ' b
1
e'St 'ombragé ipar ·dé's Ià'atrgliers ~ on' n'y vo'i't ph'ts
-qué â:es Íherons, >eles '"an'à'eaüx·~ tles ;!Jleruêttoes
diépJiis qlt!ie les i:Pt.Uptiem's ·et· }é's ·cruauttis 'eles
·Â.y·rnores<eu iBa~ocm1dys· e'n :ont 'ehassé l~s ha-
~Ytans. A pe:U 1de ~dist:àífl~e de la li'ive 'septe't'i""'
:tri'ona~e derilM.ré uhelfám~Fle tle Vilh-'do-Prado
-~ -I'óàvid&r av-óit enve>yée •ici poqr faire t:las""' ,
, ser 'lé f.bm·ve -aúX: voyageurs ; •..Cés ;gefl's v~váien't
1d:e leu r :pêché-· 'rila~s •iiómhie ·dál'Ys.·ces S'olituélí:is
' ' .
inhabitées il 'esi ~mpbssih}e··ti?é:tetcer une sJ:!r-
'v>eiHan:ce ' edn'stante i -ils li:í'-orit pas·!far'dé 'p ar Ja
;'süi'te à ahàn'ddn:Ber ce tarita'a . JeJtrcm'va~ aans
'leür bàhane(
ul~e q·uan'tlié
~
d::e •t'ndi'ssb'ri
/
da'n t ·une
'patt:il3 verràit a~iê'tre pris., ,'et 'n'o us ·.e'n fimes une
1Jtovisidri''ftóri+ '1~ ·soir ' : '}e tout ·rut payé tre-s- '
l..c Mreutelit.V;oií vou"..uhirer '~ván't:ige de'Ú.t faim
''diévi01•âdte 'de' 'voya'geui;s- "é~rtisé~· ·~de 'ch'a1e'u'r ,
1
ÃtJ BRÉSIL.
lem·s regards trahissaient leur besoin de man-
·~er ; et on exigea ir~is fois plus que le' poisson
·n e vabit.
Depuis ce·t endroit le pays s'ouvre un .Iieu;
on suit le riv'age : les rnonticules de sable aride
y sont couverts de cactus à cinq et à six ~n­
gles , ~ont les piquans aigus menacenti sans
cesse les pieds des chevaux et des muleú. A un~
legoa et den1ie au nord du Corumbao, lé Cra.:
menoan se jette dans l'Oééan. Avant d'arriver
sur ses bords ' 011' traverse une 'vaste plainé
converte de graminées analognes ·au ·t•oseáu ,_. de
pàliniers aricuri et guriri n:;tins et de jolis ar-
bustes, parmi le~quel~ on distiógue une c.litó-
ria frutéscente à belle fleur viol~tte, et don't Il
tige s'éleve du mili'eu des endroits mar~~cag~ux :
A ·gauche, d~ CÔté de la terre, l'on jouit d'un~
belle vue qú~ s'etend ~jusqu'aux montagnes de
Minas-Geraes'; .plus pres o'n remarq~e le Mo!'ro
de Pascoal , hauté montagne dans le voi;inage
de la catar~C~e du Rio-Prado; elle sert de poiní
de recon~1ai~sànce ~ux navigateurs, .et fait par..::
tie de la Serra-dos-Ayamores·. •
La plai:Ae que nous pa1·courions offre aux
botanistes ·une· 'úccupation· agréable et une ré-
colte abondante ..
li. 5
66 VOYAGE
Le soir nous sommes arrivés à Crameno,an,
petit village indien qui a été bâti par ordre de
l'ouvidor sur une co1line au bord du fleuve ,
pour servir con)me. poste militaire, sons Ie nom
de Quartel da Cunha , à la sureté de .ce can,-
ton. Les Indiens ne fm·ent pas peu smpris d~
voi~· auiver si tard une tropa dans ce coin soli-
taire m\ il n'en vient pas souvent; ils se pres-
serent auto:ur (Je ' UO?S pour faire Ia COI).versa-
tion, pendant que nos gens allumaient du feu
dans une cabane abandonnée. Ces lnd\ens vi-
vent de Ieurs plantations et de la pêche dans Ia
rivie1·e et dans Ia mer; ils font ·aussi de l'étoupe
et eles cordcs d'écorce d'arbres·, _qu'ils vont
vendee ,à Porto-Seguro. La •- poudee et le plomb
a' tirei'
. '
etant '
extl'emement rares _et ch.~rs dans
cette partie de la côte, ils vont à la clu~ss~ avec
des ::~rcs et eles fleches qu'ils achetent à leurs
voisins les Patachos, ct leu r donnent en échange
des couteaux. lls ont été placés .\dans cet en-
droit par J'ouvidoe pour faire pa·s&er le fleuve
aux vo'yageu~s, mais cet arra,ngement _n e leu r
plali pas, et ils demeurent la· pJupart sur leurs
plantation~ qui sont dans· le voisinage. Ce sont
eles hom1~1es fo1·Ls et robustes , . rp.ais si indÓlens
que, quand il fait mauvais temps, ils aiment
.

,AU BRÉSIL.
mieux rester · couchés dans leu•~s cal)anes· sans
manger que de travailler d' une maniere incom-
mode. Ils nous approvisiounerent de p9isson,
et nous donnerent aussi de petits gâteaux de fa-
rinha qu1ils av~ierÚ en réserve. lls ont conserv'é
les dilférens mets de farinha · usités chez · Ieurs
ancêtres les Toupinainbas et les autres tr.ibus· de
Ia Lingoa-Géral. Les bords du Ct·am'enoan, à son
embouchure, sont ombragés par des mangliers
( rhizophora, conocarpus ) , qui donnent asile
à des curicas ·ou perroquets am'azones (psitta-
cus amazonicus , Latham , ou ochroceph.a-
lus, Lin. ). Cet oiseau niche volontiet·s dans ces
bois de mangliers , et à la fra!cheur d~ rnatin
ils retentis~ent de sa voix.
· Quand toute notre tropa eut passé à Ja rive
septent~ionale du Crameooan, nous ·suivime&
la plage converte de buissons épais , bornée à
droite par la rner , et à gauche dans le lointain
par des hfiuteurs. Bient~t nous atteignimes 1'ex-
'trémité de ce terrain plat; il faHut gravir les
falaises escarpées; parce que les ]ames qui vien-
nent frappet· leur p~ed ernpêche•nt de passer le ·
long du rivage. Les parois de ces falaises offrent,
cornme celles que nous ,avions vue~ p1;écédem-·
ment, de. l'argile et ~9 ,gres.
'<· ' ..
G8 VOYAGE
Arrivés par un sentier tres-roide au som~et
de ces falaises ou barrei"ras 1, nous avons trouvé
une .plaine aride, ou campo, appelé le Jaüas,-
sema ou Juassema, suivant la tradition eles
habitans. Il y a eu ici , dans les premiers temps
de l'établissement eles Portugais., une ville de
même nom; elle s'appelait aussi , Insuacome.
Elle était grande et bien peuplée ; mais , de
~me que San-Amaro, Porto"Seguro et d'a'utres
villes, elle a été détr.uite par les Abaquiras 01,1 ·
Abatyràs; peuple guerrier , cruel et anthropo-
phage. Cette tradition a sans doute pour f~nde­
ment les dévastations commises par les Aymores
~u Boutocoudys, ·dans la capitainel'ie de Porto-
Seguro , lorsc1u'ils y firent une incursion en
I56o ( 1 ). Ils détruisirent aU$SÍ alors les établis-
semens du Rio dos Ilheos ou San-Jorge; enfin le
gouverneur Mendo de Sa les repoussa. .On dit
que l'on trou~e encare à Jaüassema eles mor.;.
ceaux de briqnes, de métaux, et divers objets:
ce sont les plus anciens monumens de l'histoire
du Brésü, car on ne ·~encontre rien snr ,cette
côte qui rappelle les _temps anté:rieurs à l'établis-

(r) Soutbey, History of Brazil, e tia Coro31Yzjia Brasiiica


donnent les détails de cet événement:
AU BltÉSIL. fig
sement des Enropéens dans ce páys. Ses hahi-:-
tans, grossiets et faroiiches, n'ont pas laissé,
comme les Toulteqqes et les Azteqnes aú Mexi-
que.et au Pérou, des monumens qui, apres des '
milliers d' années, occupent la postérité. Quand
le corps nu ·du ~attvage tapouya a été enterré
par son frete , sa mémoire disparah de dessus i~
terre, et il est indifférent pour les races futures
qu1uti Boutocoudy ou une bête aient vécu dans
le même déset·t.
-' Je trouvai à Jaüassénia le piassaba, espece
particuliere de palmier, dorit j'aurai souvent .
occasion de parler par la suíte ; il se distingue
par son feuillage, qui s'éleve en l'a:it comme un-
pana:che. Nous rt'avions pa:s encore renco~tré
cet arbte. Un petÍtíí€imbre de plantes étaient en
fleur en ce moment. Mai:s ay.a nt parcouru de
nouveau ce cantou au mois de iiovembre' je vis
plttsieurs belles plantes en' fleur, entre autres
un magnifiqtie épidend1;um. à spathes d'ün
rouge éclataHt : cette .espece crolt sur toutes les
parties de la côte mari:time.
Le coup d' ceil dont on jouit en parcourant
cette plaine haute est majestueux et bien
propre à inspirer des .i·éflexions sérieuses áu
voyageur. La côte, découpée profondément',
VOYAGE ·
s'aperçoit jusque dans lé lointain azm:é; les fa-
laiRes rougcs et escarpées sont entrécoupées de '
vallées sombres, convertes, de même que les
hauteurs, de forêts .d'un .vert foncé ; l'Océan
roule avec un bruit sourd ses flots qui viennent
en rejaillissant cçmvri1: d' écume les rochers des
r~~ifs; ]e fracas continuei et monotone des'la- .
mes qui battent sans cesse ]e rivage retentit au
loin dans cette contrée déserte, oi1 il n'cst ja-
mais inte~rompu par ]a vqix d'un être 'vivant.
Elle est · grande et profonde l'im:pression que
produit cette scene sublime' quand 011 réfléchit
à sa durée uniforme à travers toutes les vicissi-
tudes des siecles.
Nous sommes revenus sur le bord de la mer,
et , vers midi, nous avons atteint un endroit ou
]es 1ames, élevées par la mer haute, frappaient
· contre.les rocbers et fermaient c01i1plétement
le passage. ll était absolument impossible de
gravir· les hauteurs avec qes mulé.ts chargés ; il
fallut donc se résigner à la patience. On Ôt•.1 la
charge des mulets, et on alluma du f eu pres d'tm
petit carrego d'eau fraiche. Des couvertures et
des peaux de bceufs naus défendaient un peu de
la fr:.tkl•eur du vent , qui était perçante. On mit
au feu la m.armite qui renfermait l}Otre d~ner
AU BRÉSIL. ']l
. fi·ugal. Des · forêts sombres entouraie.n t de tous
côtés la petite prairie ou nos mulets paissaient.
Le guit-guit sucrier ( nectarinia flaveola; cer-
thia jlaveola, L. ) et la f~uvette trichas ( ~ylr;ia
trichas) voltigeaient dans les buissons en ga-
zouillant. Le caracara (falcó crotophagus) ar-
riva l?ientôt, et se percha sur le dos eles mulets
pour le's débarrasser eles insectes qui les ~our­
mentaient; ·ces quadrupedes semblent prendre'l
plaisir à la visite de ce siii gulier oiseaude proie,
ils se tiennent tranquilles·quand il para!t et vole
autour d'eux. A~ara en parle, sous le nom de
chimachima , clans son Histoire naturelte des
oiseaztx du Paragztay.
Nous avons quitté ce lieu solitaire et roman-
tique lorsque la pleÍl1e lune s' est montrée; alors
les ro.chers ont été assez libres pour pouvoir
les passer. ll n'y a pas long-temps que cétte
cÔLe, depuis le Río-clo-Prado jusqu'au Rio-do-
Frade, était regarclée comme tres-dangereuse ,
à cause eles sauvages; personne n'osait y vo:ya-.
ger seul. Lin<lley le dit aussi ( 1) ; mais actuelle-
ment, que les Portugais vivent en bonne intel-·
genceavec les Patachos, l'onn'a plusdecraintes;

( 1) Page 228.
VO_YAGE
cependant, comme il ne faut pas trop se fie r à
eux , il est bon ele ne voyager qu' eB troupes assez
nol~lb i.~ euses. Ayant fait la même, :route au mois
de n,owmbre de cette année, je trouvai, de tner
passe , de grands banes de rochers de gres et
calcaires qui s'ét,e ndent au loin en mer,. et qui
qnt du ~tre en g,rande p.artie l'ouvrage des ani~
. ma1cules d1! corail. ~eur surface est partagée en
ligues régulieres paralleles. Les troQs que l'eau
remplit son,t habités par des crabes et d?autr~s
animaui marins ; une masse verte, analogue au
byssus , t!lpisse en partie la silperficie de ces
banes. '
La mer continuant à descendre , nous avons
passé pres de plusieurs promont?ires rocailleux,
dont nous 11'aurions pas pu approcher dans le
ten1ps du flux. La. vaste surface d€ l'Océan ré-
fléchissait en brillant la lumiere de la hme.
Au rnjlieu de la nuit nous nol!ls som_mes trou-
vés sur les borqs, du Rio-do-Frade, "petit fleuve
qui a reçu so:n nom, de ce qu'un-missionnaire
franciscain s' est !loyé dans ses eaux. Son em-
bouchure est navigable pt.HiH' de gFandes pi.ro-
gues; on peut le remonte-r à deux joum.ées de
route ; ses rives sont .fertiles. L e mont Pascoal
se montreà douzelieuesde distance dans l'ouest.
/

AU BRÉSIL.
D~ l'autre côté du fleuve habitent, par ordre de
rouvidor, quelclues fami1les chargées de passer
les voyage~rs. On a d01mé à ce poste le. nom de
Quctrtel de Linhar§s, quoiqu'il ne s'y tro:_uve
pas de solda.ts. Les plantations des ga'rdes sont
éparses dans les bois voisins; ils y ont aussi leurs
demeures, afin d' être un peu abrités du vent de
me.r; mais en ce mome~1t ils logent dans-une ·c,a-·
bane qui est située &ur la. plage sablonneuse, et
qui par conséquent est mal défendue du vent et
du mauyais temps.
Accoutumé à marcher toujours en avant de
notte troupe, je descendis à terre pres du fleuve, -
qui est trop profond pour pouvoiT être t.raversé
à cheval, et je lai:ssai ma, moríture, qui paraissait
être rendue de fatigue. Mais cet animal, impa-
tient d'a~river aux maisons situées· de l'autFe
côté du fleuve , rrl échappa, se mit à la n_age et
fut suiv,~ par la pÍupart des bêtes de somme.
Lesl1ndiens nons fireDt bonaccuea dans leurs
capanes·, mais elles étaient ~i miséra"bles , qu' a-
, _] • A
p-res notre voyage cre • nmt p.ous :r1e tronvames
pas à U0HS y reposer comrnodémemt. Nous éteri-
dim.es totlt autou.r d€ m:ous nes vêteme-ns mo'lilil-
lés , pour les fai:r€ s~cher au vent de me'r qui
sol!l:íJlatt de tol!l!t@S parts d1lllls la cahoo1€ n11al f er--

•)
VOYAGE
mee' , pms• nous nous couc11ames A
sur ·nos cou-
vertures étalées surle sable. Le froid nous in-
commoclait beaucoup. Les habitans ele la maison
étaient à clemi nus clans leurs ·hamacs, ou le feu
qni brulait constamment ne pouvait cependant
pas les échauffer. Le soin de tenir le feu allmr1-é
. appartenait au_x femmes. Le fils de la maison ,
déjà adulte ' criait de te~ps eu temps à sa mere
de ne pas négliger sa besogne.
Des le point clu jonr nous avou"s empaqueté ,
nos vêtemens mouillés , et nons nous sommes
mis en route pour Trancozo. Lá iner en se re-
tirant avait laissé à clécouvert une vaste étendue:,
de banes de rochers plats. Des Indiens qui ha-
bitent le long de cette ·côte , dans des cahanes
· éparses au milieu eles bois, cherchaient sur ces
banes _eles mollusques ponr les .manger. Ils se
nourrissent dGplusieurs especes de ces animaux,
et snrtout de l'oursin noir.
Au hout de trois legoas, naus sommes ar'rivés
à un endroit ou un petit ruisseau se jette dans .
lamer ;on l'appelle orclinairement Rio-de-Tran-
cozo' mais sou norn dans l'ancienne langue'·clps
incligenes est lia pitanga ( fils de la pierre ), vrai-
semhlablement parce qu'il . sort de · montagnes
piet?reuses. Il · coule dans une vallée assez pro-
AU .B'RESIL.
fonde', ehtourée ~e hauteurs avec 'de grandes
plaines. Sur la rive h1éridionale on aperçoit déjà,
du fond de la côte maritime ~ les cimes des co-,
cotiers , ainsi que le toit e L la cr.oix du cou.vert
des jésu1te~ de Trâncozo. Des hommes dépêchés
en avantnóus fircnt gravir un chemintr~s~roide
I
pour arriver à la viHa ~ ou nous primes 119tre ghe
pour cette nuit dans la Casa da Camara.
Trancozo est-une .villa d'Indiens , bâtie en
carré long. Au éentre s'éleve la Cas·a da ·camúa,
et à l'extrémité v-oisine de la me r, l'église , qui
était autrefois un couvent de jésuites. Depu~s
l'expulsion de cet ordre, le couvent a été démoli
et la bibliotbeqi:le dispersée. En 181 3, Trancozo
renfermait cinquante maisons et cinq cents ha-
bitans presqtÚ~· tous indiens ; leur teint· est d'un
brun fonG.é -; on n'y ·voit qu'un petit nombre
de familles portugaises , auxquelles appartien-
nentle curé,l'eserivam et un marchand en dé-
ta~. La plupart des maisons été).ient vides, pan:;e
que . les babit\t1s den1eurent sur leurs planta-
tions; ils ne viennent à la villa que pour faire
, . .a'l''egl'1se. T rancozo export e.en-
leurs _d evotwns
viron mille alqueres de farinha , du coton , des
plancbes, des gamclles, des pirogues , un peu
d'embira et d'estoppa. La valeur de ces·diffé-

..
VOYAGE.
rens objets fut , e11: I8i5 , de 55g,520· reis'
(5,572 fr.)
Les plantations des Indiens sont assez bien
tenues; ils cultivent principalement des racines
comestibles , telles que les patates, le mangara-'
nito( a rum esculentum), le cara, 1'aypi~u'manioc
doux, etc., et vendent ces végétaux. La pêche
est de même une de leurs occupations; quand
le 'temps est beau, ils vont assez loin en mer
avec leurs pirogues ; on fait aussi le long de lá
côte maritime des corales ou camboas dont il
a été questwn plus haut. Sur les plaines élevées
des environs de Trancozo on éleve' un peu de
bétail : I'escrivam surto~ possede un troupeau
c.onsidérable ; mais cette branche d' économie
rurale est soumise dans ce canton à. de grands
Ínconvéniens. Le campo offre un p:hurage sec
tres-substantiel ; le bétail y 'engraisse en tres-
peu de temps , mais si o:n ne le ~ene pas tout
de suit~ apres dans.--des prairies frakhes et hu~
mides, ildépérit tout d'un coup. jour éviter ce
désagrément, on envoie de temps en temps les
troupeaux au Rio-do-Frade·. Ce changement
de pâturages doit se répéter plusieurs fois dans·
I'année ,- et il est sans doute cause de la petite
quantité de lait que dol'l:nent les vaches.
AU BRÉSIL. 77
. Qu&nd je revis ce canton au mois de no-
vembre suivant", un jaguar monstrueux y avait
étabÍi sa deQieur~ , et v.olait chaque jour aux ha-
bitans de la yille q,uelque piece de bétail. On
dressa des piéges; ~qn eut le bonheur de tner 1es
petits de la bête fé roce ,- mais elle courai~ encore
le pays , et, pend:mt toute la nuit 7 'remplissait
l'air de ses cris plaintifs. Enfm des lnd~ens eu-·
rent l'idée de placer dans un sentier fréquenté
:rar le jaguar, des fusils avec des appareils pour
les fillre partir ; cet exp~dient eut un plein sue-:
cés. Le jaguar resta sur le coup ': j'achetai sa
pêau à Trancozo, et je reconnus qu'il appartenait
à la variété nommée capgussu ·dans le· sertam
de la capitainerie de Bahia;- elle se distingue
par le nombre plus considérable de petites
taches.
de
. La situation Trancozo est tres-:-agréable. A
l'extrémité de la ha_uteur escarpée , pres de l' é~
glise , nous jouissions d'q.ne vue magttifique ;
l'~il se promenait sur la surface tranqtiille .de la
.mer qui au Ja.rge ét:ait d'un bleu· foncé·: la
j.onction de ses eaJix,, d'uneeouleur verte le long
de la côte, avec celles du fleuve qui étaient d'·u n
noir foncé, dm).nait un Gbarme particulier à la
pel'spective ; le.s cimes éléga1~tes des. cocos flot-


'···
;8 :VOYAGE .
taient majestucusement an-dessus des humhles )

cahanes des Indiens ; tout autour de nous ·S' é- .


tendait la surfaceverdoyante du campo. ·Toutes
ces plaines hautes sont coupées par de profondes
, vallées en partie assez larges ; vu de son cenÚ·e,
le piateau ·semble continu} ce n' est que ·sur les
~.ords que l'on distingue les coupures. Au fond
des vallées coulent des ruisseaux qu~ vont joindre
l'Itapitanga·. La vallée au pied du cotea.u de
Trancozo offre tme belle prairi.e ent~emêlée de
bocages dans lesquels le pucaca ou cacaroba ,
beau pigeon du pays, est commun ( columb;_
rufina ). Des bois et de hautes herbes analogues
au roseau garnissent lcs bords dtr petit ruisseau,
sur l~sí1ue's on construisait un lancha. Les
forêts qui s'élevent au loin dans le fond , du
paysage sont habitées .•par les Patachos.. Le
padre Ignacio ~ curé du lieu, vieillard respec-
table, me. raconta que ces sauvages viennent
souvent à la villa ; ils sont complétement nus;
quand il nouait un morceau de toile atltour
de la ceinture des femmes , elles ne tardaient
, pas .à l'arracher.
· Là· route de Trancozo à Porto-Seguro offre
peu de variété. De hautes falai.ses, formées d'une
\ AU BR.ÉSIL. - . ·79
substaAçe blanche bleuâtrc, rouge óu violeite ( 1 ),
\

) et (tui ressemble à l'argile ' bordent la me r ; la


plaine haute otlre des fazendas ombragées par
des cocotiers dont la cinie est agitée par le vent.
On passe le Rio-da-Barra surun pont de bois qui
mérite d' être cité comme une curio1?ité. Il. faut
so.uvent gravir le long des falaises:, et puis en des·-
cendre quand la route au inilieu des rochers
du rivage devient impraticable. Une de · ces
montées é~ait si roide que nous fú~es obligés
de décharger nos mu~ets , et de faire glisser l'un
apres' l'autre nos coures
rr. .
1usqu ' en b i!S··
Nous avons trouvé sur le sable au bord de I~
mer tme_quantité de bea1;1x: gàemons et quelques.
coquillages. · On rama~sait ~n ce moment des
oursins sur les banes de rochers laissés à·dé.,..
co:uvert~p~r le reflux.
, .A pre~ avoir parcouru trois. l~goas' ~ nous,nous
sommes ~ ~rouvés '~ au sortir d'un pet~t :bois , sur
les bords du Rio . . .q.o-Por.to-Seguro; la paytie
basse de la ville de .même . nom -se.montre à la
rive .septentrionale , avec ses toits de tuiles
;ro~ges, ombragés par des cocotiers.. Là partie
' ; '
\

-·· ( 1) J'ai parlé 1llus haut de cette substa'nce minérale en


d~crivaut la c4te_située entre l'Itabapua:na et l'I~;~'pàmir.im ~
8o
. VOYAGE
haute est un peu plus loin sut nne hauteur, et
l'on n'y -remarque -que le .fatte du couvent des
jésuit~s. Je passai aussitôt le fleuve, et je pris
mongtte dansla Casa da Câmara de la ville haute.
Porto-Segure , la premiere villa du Comarca
de même nom, par le rang, mais moins consi- ·
dérable que C:iravellas, est une petite ville de
qu.atre cent vingt maisons, b:1tie en plusieurs
parties un peu séparées les unes eles autres. La
principale n'~st pas grande; elle est composée
d'un petit nombre de rues ou l'háhe croit, et
bordées de ~naisons basses, la plupart :ri'ayant
qu'un rez-de-chaussée ; il y·en a bien peu à un
.étage. C'est là que se trouvent 1'église , I'ancien
couvent eles jésuites, aujourd'hui habité par le
professeUF de langue latine ; la Càsa da Camata
et la prison. La plus grande partie des hàbitans
a quitté la hla uteur pour descendre à une autre
partie de la ville plus pres du fl:euve; pa'rce
qu'elle .estmieux située polir le commerce; on
la nomrneOs Marcos; elle est la plus considé-
rable ; les maisons en sont éparses' sans régulal_
rité, géné~;alement basses, entour'ées de bosquets
d' orangers et d~ bananiers. C' est là qqe demeu-
rent les habitans , les plus riches, les proprié- .
taires de .oavir.es, qui fent le commeree ·d e
AU BRÉSIL. 81
_Porto-Seguro. La troisieme partie de la ville est
située plus ba:;, à l'embouchure·du fleuv.e : ()~
1

la nomme Pontinha ou Ponta-d~Area. I~dé­


penaam~ent de qúelques vendas , on y trouve ·
de petites maisons·éparses au milieu des coco-
tiers, et habitée,s par des· pêcheurs .ou des mate-
lots.·La ville haute est -ordinàirement déserte et
morte : plusieurs maisons sont fermées et tom..:
,bent en ruines ; car 'elle' n'eit fréquentée que
les dimanehes et les jours de fê te; alors elle est J.
' animée. par- la réunion d'hommes en habits de·
parúre. Les Pprtugais ne manq•~ent pas volon~
tiers la roesse ; et ehacun y parait avec ses plus
' . .
beaux habits. Tel qui dans l;t semaine couvre à
peine sa nudité, semontréle·dimanchevêtu tres-
proprement. J'ai déjà fait ~bserver que lê~ Bré~
siliens de to_u tes les classes sont tres-propres· et--
tres-soignés dans leur ~~e ; c'est 'une justice
qu'il faut le-gr rendre. .
linmédiatement au-dessus de la montée, qui
est assez roide; s'éleve le couvent des jésuites,
grand .bâtiment massif. M: Antonio Joachim
Mor.reira de Pinha,:professeur de langue latine,
mereçut de la manj.ere la plus amicale. Nous
j~uimes' de ses fenêtres , de. la vue <;le la mer ,
alors. péJ:rfaitement tranqi.ülle : nos regards sui-
n. 6
VQYAGE
vaient au loin j~squ' au~ hornes de l'h_orizon les
vaissem.~x à la voil~, .et 110~. pen,sées l~s accom..,.
pagnaient jusque d1!ns notre patrie ; des deux
. , s,,etend"l
cotes . mt a cote, c.ontre Iaque111'0'
A
. e c.· cean
~'oule cpntinuellemen.t ses vagues avec un fr~cas
sourd et constamment
. uniforme.-
. Dans les vas.tes ~alies de cet ancien bâtiment,
QU les jésuitefexerçaient autrefois leur ~mtorit~,
e~ qh aujourd''tmi l'on n'ente~d d'autre bruit
· qu~ le !liffie~~ent des venls·~ combien .l'on sent
vivement . les vicissitudes
. des siecles.
, Les cel-
lules, anim~es autrefois par des Jiornm~s actifs
et occu.pé~, !?Ont aujourd'hui d~sertes ,_· et les
cqa-qy~-:-souri~ h<!bitent dans leur enceinte. Ce
co~vent a:v,ait 1-1111:: l)ibliotheque nombreuse; on
11'en; qp~rç<;>it plus le IUQinqre yestige. .
L~ Rio, do, Porto-Seguro, nommé, Burankem
( BÇJuranljiem) d~:p.s l'ancien lm1gage des In..,.
diens , a une excellente barra ou embouchure ,
abritée par lHJ. I'écif qui s'avance e~1 me r; le fond
e~t p~erreux : ell.e · forme ainsi un port tres-sur- .
et tre~-fl:lvo,r:ahle au çommercede cette ville, qui
en ~ ti_re son· now. Il s~y tro,uv.ait en çe moment
\J:lle qn~i"a._I~t<\h1e dy lanchas , petits navires à
deux mât~; ils vont à la pê-Ehe du garupa et du
:rn,e.r9, -denl.· bçmnes especes de poissoqs , et
Alr BRÉSIL.
restent souvent quatre à"six semaines en roer. ils
reviennent alors chargés chacun d{quinze cents
à deu:x. mille poíssons salés. La villa ert exporte ~n­
nuellernent quatre-vingt-cl.ix mille à c"ént mill€,
qui sontcxpédiés aBahia'et ~ d' autres endroits. Le
reste se consornrne dans lá ville et aux énvirons.
...
Le príx rnoyen de chaque poisson étant de 16o
à 200 reis ( l fr. à l fr. 25 cent. ), il en résulú~ un
bénéfice considérahle pour la .villa. Cependant,
parmi les deux mille six cents hahitans qu' ellé
renferme , il en est peu de riches, parce que la
plupart rnanquent de l'activité et de l'intelli-
gence nécessaires pour ~ccroitre leur bien-être.
lls échangent ord,inaitement leurs póissons à
Bahia et ailleurs contre -d' autres IÍlar~handises.
I .

Comme c'est aussi le fond de leur nourriture ,


on trouve dans cette viHa heauconp de gens at- .
taqués du scorhut, et le voyageur,. quand il y ar-
rive, est assailli d'üqe .foule de rnalades pauvres.
Peud'habÚansont d.espl'a.ntation~, ets'óccupent
d'agriculture. La plus grande partie de la fa-
rinha dont on a hesoin se ti te de Santa - 'C ruz;
Le couvent de San:~Bento de Rio-de-Janeiro
possede· clans lé .voisinage une grosse· fazenda
dirigée par un ecdésiastique. .
. Les hahitaJ).S de Port0-='eguro ontla réputation

- -----....,.......____
84 VOYAGE
d'êtr.e d'excellens marins._ Les relations avec
Bahia sont tl:es-actives ;· aucun autre port de la
côte n'offre des.occasíons aussi fréquentes d'aller
dans cette ville. ·Les na~ires employés à cette
navígation SQnt de petítes lanchas·garupeiras tres-
bonnes voiliere s, et qui surtout marchent tres- ·
bíen de vent contraíre. Le m<tt de l'arriere est
le plus court ; le grand mât a une grande voile
carrée , le m<tt d'arriere une petíte · voíle
triangulaire : on peut les orienter de telle ma.:..
niere que le bâtímei:lt marche par le vent le plus
contraíre qui empêche les autres navíres de na-
VIguer. .
Les pr~míers temps de l'hístoire de Porto-
Seguro offrent plusíeurs événemens remarqua-
bles. Durant la guerre des Hollandais au Brésil
ce lieu n'~vaít pas plus de cinquame habítans.
Trois víllages indíens étaíent sítués· dans les
environs. A c.e tte même ,époque Caravellas. ne
comptait que quarante Portugaís. ~Dans la der-
niere moÍtÍé du X~Ile sieéle quelques·TeStes
des Toupinambas ,et des Tai"?-OJ.ÓS se réunirent
à leurs. ellll.emis les. Aymores ou Botocoudys,
contre les Portugais. -Les Toupiniquins étaient
alliés de ceux-ci; mais leurs ei1Í1emis comrimns'
étant b\en supéríeurs en nombre , dé~rriisirent
85
Porto-Seguro, San-Amaro et Santa.:..Cruz. Dans
le premier de ces endroits ils surprirent les ha-
bitans à la roesse, ainsi que le raconte S9i1-
they ( 1 ). On dit qu' alors Porto-~egnro éta:it plus
considérabl~ qu'aujourd'hui: on dit qu'un chef
(fes Tapouyas du l).io San-Antonio, nómrn'é Ta-
teno, défendit la villa cont~e ses compatriotes ,
et la sauva de sa ruine totale (2). Il n'existe "' de
to).ls les villages indiens de ce cantou , dorit il a
Jté fait mention, que celui de Villa-Verde, situé .
à une petite journée de route en r_e montant l~
fleuve. Il n'est V uplé que d'lndiens. Le vicaire
et l'escrivam ·seuls soni .Portriga'is. ·La plupart
des lndiens. demeürent de .côté et d'autre ' dans
leurs plantations , · et ne viennent à la villa que
les dimanches et les· jours de fêtes. O:ri trouve en
ce Iieules ruinesd'un couventde jésuites. Onse
sert encore 'deleur église.La villa renferme mie
cinqliantaine de maisons et cinq cen,ts habitans ;
elle exporte mille alque~es de farinha et quel-
q.fucs' plãnches. L'ouvid~r a · établi un peu plus
· haut le destaca~ent de Agui~r, óu vivent '.Six

- (1) History ofBràzil, tom. H ; p. 665.


··:, (2).. Corografia 'Brasilica, tom. li, p. Si.
86
·. , VOYAG.E
' '
Indien!) qui, çlit-on, exportent déjà- cinq cents
alqwh·es de- farinha. _ .
Plusieurs petites rivieres, entre a1,1tres le Pa:...
tatiba ;_se joignent au Rio do Porto-Seguro , ou
Buranhem, que l'on appelle aussi Rio da Caxo~
e1ra. Depuis cette jonction jusqu'à la Barr·a ; qu:i
en est éloignée de trois legoas , on le nomme
.Am1ms as agoas; . .
Nous avons passé quelque temps à PCirto-Se~
guro pour conna1tre. ce lieu et ses environs ; p~is
noU:s avons cont.i nué notre voyage au nord le
long de la côte ; car auçim.e r~te Iie passe par
l'intérieur du pays. Notre uop~. traversa à gué
plqsieurs petits fleuves qui sont .ipsigp.ifians
quand la roer est basse ,, mais que l' on ne peut
fr~nchi,r: de .la même maniere dans le teinps du
fl ux. Ils sqnt connus s~u.s les noms de Rio das
mangues (fleuve des mangliers) et .de Barra de
Mutari. Du côté de terre l'horizo!l est borné ·
par des collines couve.rtes de forêts ,sombres d~
:rnilieu desqu.elles s' ~~an~eqt d es 'bosquets de
COCOtiers q!li indiqqent les habitatiO,llS placées
sous leur ombrage.
Les habitans de ce cantou parle.qt encare de
l'attaqtie tentée· il y <!· yingt-de1,1x an~ par deux
frégat~s françaises. :Les équipa.ges .desçendir;eni
A.U BRÉiSIL.
1 terre p·our. piller: un déta:chem:ent, Ie dráptlau
en tête , marcha sur Santa-Cruz ;· mais les llà.'-
bitans, s?étant armés à 1a Mte :, se jeterent der-
riere les buissons lé lofig de la côte ; leur f'eu
bien dirigé tU:a riusiéurs e~pemi's ' d'autres fu-
rent blessés : álQ'rs ta troupe se rembarqua à la
hâte , apres avóir mis à mort par vengeartêe úú
voyageur isolé qui marchai( sans s-e défier de
nen.
,L es banes' de sable dé I?embó'uchtltê du: Mü-
tari éiaient cbuverts c!le canatds à face blà.íiclie
( afta-$ _virbiata) i .heh oiseau qtt~ noüs avio:i:is
souvent tiré plus áu sutl, I:nais· qb.e nous·n'a-
percevions plus depuis un certain temps. Ntls
chassep'rs éurerlt b_ea~t use r de précaution .p bur ·
s'appt'ocher ~out douc:errient·, i:ls n'en putent
faire tomber un sepl. L0rsque je visitai de nou..:.
veau ce .c antou quelques mois ·plus tard je
trouvai sur cette côte beauooup de restes d~
, baleines, ce q;ui me donna lieu de supposér qu~
l'on y faisait une pêche·abondante de cêS cé-
tacés. De ·noml>reu~e.s vblées d~urribus ou vau!..
tours noirs dévoraient ces·débris, quiempestaient
la côte à. u11e distan~e considérable: .
. Le Rio da.Sa:nta-Crux se jett~ dans la mer à
ci:qq legoas du Rio do Porto-Seguro ; il est plus
8R VOYAGÊ
étroit; sa barra est êgalement sftre et défendue
· pa:t; un récif de •rochers contúd'impétuosité de
la lame. Santa-Cruz est le plus ancien établisse-
m.e ntdes Portugaisau Brésil.,C'esrlà que Pedro
Alvarez Cabral débarqua -le 5 mai I5oo, et fut
reçü amicalement par les indigenes. On planta
une croix, on céléhra la premiere roesse et qn
donna au canton le nom qu'il porte encare au-
jourd'hui ; le fleuve le plus voisin au sud fut
nommé. Porto-Seguro à. cause de la sureté de
1'.entrée : on a plus · tard placé la paroisse à
Santa-Cruz, qui porte encare aujourd'Jhui le
nom de .Freguesia de Nossa ósnhora da
Bella-Cruz.
Villa da .Sànta-Cruz .est située à Ia rive mé-
ridionale de l'embouchure ·du fleuve. L'église et
unepartiede la viHa sont sur une hauteur; deux
cocotiers en re:rident la position tres-reconnais-
sable ; le reste est au pied de l'éminence : ée r ·

sont des maisons basses' eparse~ ·au milieu de


bosquets d'orangers et de cocotiers. L'aghcul-
ture est plus florissante à Santa...:.Cruz qu'à Porto-
Seguro;, cette ville approvisionne de farinha ce
portet d' autres endroits de la côt:e orientale : l~s
habitans ont d' ailleurs la répu:tatlon d' être tres-
paresseux', · et ne travaillent pas beauc~mp; Lá·
\ .

AU BRÉSIL. ,.r
'
pêche du garupa occupe qu~lqu~;Js..navires; dan~.
('

ce moment l'on ne compte que quatre lanchas


qui s'y livrent. Santa·Cruz est. beaucoup moins
important que Porto-Seguro. On dit qu'autre-
fois ce. lieu était plus florissant; mais les ,plus
riches habita:ris soni tnorts. ·
Le Rio da Santa-Cruz. prend sa source à un
petit nomhre de journées de rm~te de la villa ; il
sortde deux sources principales qui se réunissent,
puis coulent vers la roer. Elles SOI!t si proches du
·Rio-Gr.and,e de Bélmonte, que si l'on ~Ir~;) un cm;tp
'de fusil dans leur voisinage ' 'il est entendu des
_bords de ce fleuve, uu peu a,u -dessus . d'Ilha-
Grande, dont je parlerai plus tarci. Un peu plus·
·bas le Rio-Grande de Belmonte prend une di-
rection plus méridionale. ..
. La partie supérieure du Rio da Santa-Cr~z
estvisitéepar'lesBo.tocoudys. En se rapprüchant
. de la côte, ée fleuve forme '
la limite . entre le
ÚJrritoir-e de ces
. sauvages et celui des Pata~hos
~

'et des.Macha~alis, qui errent sur sa. rive méri-


diona~e. Les plantations sit~éesl~long dn fleuve
~en . remontant 'ont ' été .détruites depnis peu· de
·temps ppr .lesJ,•Botocoudys, de. mêriie que la
-yilla fut rav~~gée al;l.trefois par l~s Ahatyras et les
.Aymores ou ·Bótpcou<fys; il y a: environ deux .
go VOY:AOE
ans que l'ouvider fut obligé de fonder Ie destà-
cament de Aveiros, ou se sont déjà formées
quelques plantations~ Le territoire de Santa-Cruz
est tres-propre à, la cultu're de ,plusieurs plantes
utiles ; cependant le pao brasil y est moins com-
mun qu' autour de Porto7Seguro .
. Je fis pl'Omptement passer le Rio da Santa-
Cruz à ma tropa; et j'allai faire halte au po-
voaçao de· S~n·André, situé àpeude distance de
la rive septentri<:male du fleuve. On nbus y ac,_
Ctleillit tres- amicalement : . plusieurs malades
atriverent aussitôt; car dans ce pays l'on prend
tous les voyageurs étrangers pour des médecins .
. La plupart étaient attaqués de la fievre, maladie
a.ssez· commune dans ces cantons ; pa·r bonheur
j'avais du vrai quinquina que je pus leur donner.
Notre logement était dans une position extrê-
mement agréable ; le petit nombre ~e maisons
qui compàserít le povoaçao de San-André ~st
dispersé au: n_iilieu de l?ocages pittóresques de
cocotiers crui s'<:!lancentau-dessus dJ1 sol tapissé
d'une pelouse verdoyante : ce s'éjo~r . fut salti>-
taire à nos aiiimaux, qui purent 's'y reposer "et
s'y délassér à la fraicheU:r clu soir, apres· 'Up.e
marche pénible dans les sables brôlans le long
de la côte. Parmi les.arbres qui·entouráient les
AU ·BRÉSfL.
plantatioãs, se distinguait" un gaineleira colossal~
espece de figuier qHi ~te~dait horizontale:rllent
au loin ses branches g-igantesqués : son trone
peu élevé , mais extrêm.ement gros, était . cou-
rónné d'une eime _riiajestueuse; · es feuilles
ovo'id~s et roides sont larges et d~un vert foncé;
les rameaux so~t laiteux. Le tr~nc et les· bran-
ches de cet :arbve offraient une riche collection
de plantes;. 011 y voyait réunies plusieurs especes
~e bromdia' un beau cactus' eles plantes· grim-
pantes ., des mousses , des 1ichens, indépen-
damment d'nne- quantité d'autres végétaux de
diverses sortes qui c'rois~aient en compagnie sous
l'ombre épaisse de ce figuier.
Plus áu sud, l'e long de cette c6te) on: donne
le nom de gameleira à. un ~arbre absolume.n t
différen t; mais les gameleiras . preta et branca
c!tés par Koster ( 1) semblent appartenir à celui
dont je paFle. tes sauvages se: ser~.ent quelque-'
fuis du bois 'de .ganíeleira pour allumer le feu,
en· le faisant tôurner ~vec vitesse dans un.- m:or~
cea~ d'un ~utre bois. I:/~cajou à pomme ( ana_~
eardium occidentalé' ·~.) était extr~mement

(1) Pag. 5o3., tom'. H, p,. J.65 ..


VOYAGE
commun dans ces ~nvirons; on mange généra-
lement son fruit , que Fai déjà déerit : err ee ,
moment il était en fleur.
O:n, fabriquait à San-André des eor?es minces,
et qu:;~.nd e s étaient ·finies on , les frottait avec
, . l'éeoree fr~ichc' -de l'aruei:ra ( sclzinus molle),
dont le .sue résineux les revêt d'un vernis d'un
brun noir brillant, et, en les pénétrant, em-
pêche l'eau de ies gâter. On n'emploie au reste
ce procédé que pour les eordes de tueum, qui ,
enduites de eette ·manjere , se vendent bien à
Bahia. Les eordes de gràvata ( bromelia) óu de
eoton se frottent avee ies feuilles de manglier
( rhizophora ). Les Indiens emploient a~ssi le
sue d' aruelra dans les maladies des yeux ; mais
ils n'emploient alors que le sue verdâtre des
jeunes branehes. .
. Le temps venteux et désagréable s'ét~nt up
peu adouei, je pris,eongé d~ nioh, hôte a~ San-
Andr,é, afin d'arriver le même jolir-au Rio Mo-.
giquiçab~, appelé Misquiçaba 1par les habitap.s
du v.oisinage. La côte jusque là est de mer basse
fort belle, et uni~ eóm~e l'aiz:f1 d'urie grange;
des goémons et des eoquillages sont épars _sur le
sable: j'y trouvai aussi un -petrel bleu étendu
mort; il ~tait encore en bon ét~t , et· a;ait pro-
g3
bablement été victi1:ne de la derniere tempête.
Le crahe, . tiómmé ciri · par les Po~tugais , est
tres-commun sur cettc côte unie et.sablo?:neuse;
ce singulier crustacé ale C()rps gris hleu:hre .,
les pattes et le dessous du corps d'un blanc jau-
nâtre. pâle. Il se creuse des trous dans le sable
amolli et humecté par les vagues, et s~y cache
pour échapper aux dangers qui ~e menacent. Si
fon s'en approche , il se met en/posture , ouvre
ses serres déployées,
• .
!et cdurt .de/f "c ôté vers lanier-
/
avec la vitesse d'un trait. Grillé au feu ou cuit
à I'eau, ce crabe ~st de tres-·bon gout; il a· aussi
de l'utilité en médecine , ca~ lorsqu~on l'.écrase
sàn sue est employé comme un remede efficace
contre les hémorro'ides. -
Le Rio San-Antonio est un petit flettve qui.,
de ~er basse, est peu profond à son embou-.
chure, n~ais au temps du flux on ne peut pas le
passer , car il se rend à la mer par plusieurs
branches, et forme des lames tres-grosses. Les
Botocoudys ont récemment encore commis
des hostilités un peu au-dessus de ce lieu , et
· égorgé tous les habitans d'mie maison. Un jeune
Botoco,u dy que I'on élevait dan~ cette famille
l'avertit de l'approche de ses compatriotes, mais
· ,on. ne fit aucun cas de ses avis.
94 . VOYAGE -
, J e trouvai 'SUr le sable , de l'autre côté du Rio
San-Antonio, t;tne grande quantité de squelettes
d' une espece
' d' oursm . (-ech"znus pentaporus ) , .a'
cinq ouvert~res elliptiques ( 1 ). Ils sont extrê- ·
memeni friables ' et génétalement mêlés à eles
coquilles communes. Les bois le long de cette
partie dela côte sont entémrés de large§ ha~es
d'uba, espece de roseau qui forme UR bel éven-
1:ail, au-dessus duquel s'éleve la'longue hampe
qui porte les fleurs. Des ~hevaux et eles breufs
paissaient çà et b. Quelques familles se sont éta-
blies sur le bord .de la Barra de Guya, petit
ruisseau qui porte ses eaux à la mer , et y ont
formé un petit povoaçao.
- -~

Je ne tardai pas à arriver aux bords du Mo-


giquiçaba, fleuve moins cónsidérable que le Rio
da Santa-Cruz. Sur la rive méridioha:le, pres dé
son embouchúre , s~ trouve uhe fazenda qui ap-
partient à l'ouvidor de ce ·comarca ; elle ne ren-
ferme qu'un pet'it nornhre de mechantes ca-·
banes, et n' est destinée qu'~ élever du bétail.
Une- eles occup~tions eles clix-huit negres qm

l - '
( 1) C' es t proba blemen t l' espece représentée par Bru guieres,
fig. 3, pl. 14g, et par Bosc, l'listoire natureÚe cdes Pers• ,
tom. l[, fig. 5, pl. I lf.
I AU BRÉSIJ:. g5
'
l'habitent est de fabriquer- des corqàges pour l~s
navires avec les fibres du coco de Piassaba .,
cocotier. qui croit; dans ce canton , et devient
commun.e n aliant plus au nord. Ces fibres sont
tirées des spathes des feuilles, qui ont quatre à
Ginq pieds d~ long, SOllt Seehe~ 'et f~rtes, et tom-
bent (J.'elles-mêmes; alors onles recueille soigneu-
sement , et , par une préparation particuliére ,
on en fahPique des co~des qui sont tres-dura-
bles, et se conservent bien . dans l'eau, máis
sont un peu rudes, et désagréables à manier. On
en expéclie beaucoup à Bahia, ou on les eniploie
P?ur le~ n' vires. Le fruit de cet arbre est une
noix oblongue, terminée en pointe , d'un brun
noir et tres-dure , longue de trois à quatre pou-
ces. Je cr.ois l'avoir vue dans les cab~net;s d'his-
toir.e naturelle' ou elle est désignée sous le nom
de coco lapide a .. Cet arbre ne crolt pas au súd
de Santa-Cruz.
Au reste , le pays autour de Mogiquiçaba
n' offr~ pas be\ uooup de choses I:emarquables: il:
e presque entierement couvert de forêts·; m.t
petit n.o mbre d'homme; seuleme;nt s'est établi
· un peu au-dessus de la fazenda Je l'ouvidor.
Laúviere est poissonneuse, et fournit aux colons
une partie considérable de leur subsistance. Les
VOYAGE
forêts qui CO!J-vrent les bords du fleuve en re-
montant sont peuplées par des TapoU:yas;. mais
ces sauvages 11e se montrent pas à son embou-
chure; on dit que ce sont tous des Botocoudys.
C' est en ce lieu que commen~e la route ouverte
le long du Belmonte pour aller jusqu'à Minas :.
· mais elle est encore ~res-imparfait~_, et en partie
impraticable.
Nous avons trouvé à Mogiquiçaba un mets de '
notre pays, mets bien agréable et dont nous
étions privés depuis bien long~temps ·' du lait. ·
Les vaches que l'onéleve en ce lieu sont belles
et grasses ; cepend~nt elles ne donnent pas tant
de lait que celles d'E urope, .e t il n' est pas si bon,
ce qui vient peut-être de.l'aridité du sol. Tous
les soirs on Jàit entre r le troupeau dans un co-
ral ou pare 'carré, et aussitôt I'on sépaFe le veau
de sa mere quand on veutla traíre le lendemain.
. Il y avait dans la cabane ou nous avons passé
la nnit une vieille négresse eselave.appart(m:mte.
à I'ouvidor .. Le peuplc du Brésil ~egard~ géné-
ralement c~s vieilles négresscs cm~nme des sor-
cieres ouftiticeiras. Elle avait fermé soigneuse-:
ment sa chambre, et eut l'air de tres-mauvaise.
humeur de ce que l'on cherchait à. ouvrir son
sanctuaire pour avoir un peu de feu. Mais
AU BRÉSIL. 97
~omme le vent froid et pénétrant ,de la mer ne
nous perme'ttait pas de passer la nuit sans feu ,
i.I fallut ouv rir par force la porte de la ·vieille si-
bylle. '
Mogiquiçaha est séparé du Rio-Grande de
Belmonte par une plaine de cinq legoas d' éten-
due. A peu pres à moitié chemin l;on arrive ,à
un endroit oi.1 un bras du fleuve avait son embou-
chure dans la mer. Maintenant elle.est ensahlée .
. Ce lieu porte encore le nom de Barra velha ,
ou Ia vieille embouchure. La route le long de
la côte passe sur une plage sablonneuse, uni~ et
f~rme , mais un sentier plus coftrt conduit à
tr avers tme prairie .converte d'une herbe courte'
.et parsemée çà et Ià de groupes d'aricaris et de
guriris. Ma tropa s'y égara; nous nous embar-
rassâmes au milieu d'une quantité de fossés ma-
récageux, de mares et de bourbiers; notre ba-
gage faillit à s'y enfoncer. Cependant nous en
sort!mes plus heureusement que nous n'avions
os~, l' esperer,
, et nous revmmes
A ' Ie ( Iong de1 Ia
côte, ou la mer brisait avec une violence extra-
ordinaire ; elle y avait jeté dans la matinée et
brisé une lancha sortie de Belmonte ; I'équi-
page avait ité sauvé. Enfm, apres une marche
tres - fatigant~ ei tres - pénihle' par r exce~ .de
a 7
gS VOYAGE
la chaÍeur , sur des sables arides et Úrúlans ,
nous avo:rís aperçti , 'le soir, à notre gráilde
joie , les cimes ondoyantes des bocàges de
palmiers , sous lesq11els est bâtie Villa dé Bel-
monte.
C'est une petite ville ehétive et en partie rui-
né~ ; elle fut fondee íi y a une soixantaine d' an-
nées par les lndiens, dont il n'y reste aujour-
d'hui qu'un petit noinbre. Là casa da cairlara,
·~onstruite en terre et eil bois ' était prête à
s'ácrouler entierement : il y manquait déjà 1m
rnur tout e11,t ier, de,- sói~e qúe l'intérieur était
coínpletement exposé aux regards. Cetté villa
form'e un carré comp.os'é d~une ·'soiximtáine de
maisons, êtrenferme envirori six cents hàbítaüs.
i: église est située à I'extrémit'é. Les ·h1aisons
sont des cábanes en terre, fort basses. Celle du
capitam mor est un peu plus con'sidérable ;
quant à célle de l'ouvidor, ou 1'ün in'âssigna
mon logement , elle ne valait g~1êre mieux que
les autres. L'aspect de toutes ces huttes, géné-
ralenlent couvértes en chaume, et celui · eles
- rues irrégulieres
r
et couvertes d'he1~i~• font res- ..
sembler la villa à ll11 de nos pfus l'iiéchans vil-
lages.Soi:t seul ornement consiSte dàns 'la <:{Uanti'té
de cocotiers qui, ·s ur cette :plaine sablónheuse , .
I

AU BRÉSI·L. 99
entourent de toutes :parts les habitatious ;. et par
)a réunieri. de leurs cimes o_ndoyantes forment
une espece de forêt. Ces arbres sont ici tres-
féconds ; on croit contribuer à les rendre~ tels
en perçant un trou dans leur tr·o nc ;- tJ.n plm au-
desslis de ter r e.
Tout pres de la villa, le Rio-Grar;tde de Bel-
inonte , fleuve con.sidérable, ·a .son embouchure
dans la mer, sous les 15• 4o 1 de láiitude aus-
trale ; íl a sa source dans· le's h:autes rrrontagn·és
de Mimas-Geraes :~ ·e t né prend le nom ·de Rio-
Grande ·p e Belmonte que dans Minas·N<:>'vas, à'u
poin.Hrul' Araçuahy et le .fiquitinhonha joignent
leurs eaux. C' est cette derniere . riviere qui
traverse le distriet de l'o r et des· diamans:
M. Mawe ·, dans la relation ·de sem. voyage que
j'ai déjà citée plusieurs fois ; a décrit les 'é:Xiptó'l-
tations ·qui ont lien sur ses hord·s.
Dan.s les temps des hautes eaux,le Rio-Grande
· de Belmonte est impétueux; son embouéhure
est toujouFs mauvaise et périlleuse par les nom-
h:r;eux banes de sable qui s'y trouvent. En· ce .
moment oi1 la mer était basse ; on les voyait
distinctement; ils sont dangereux mêm:e de mer
haute, et ont causé la perte·de plusieursÍarichas.
Belmonte possede à peu pres quàtre de ces
100 VOYAGE
hâtimens qui entretiennent un mince commerce
de fariáha , de coton , de riz et de .bois ave c
Bahia. L'exportation annuelle 'consiste en müle
) . .
alqueres de farinha, a:utant de riz, deux mille
alquet:es' de ma'is et.un peu d' eau-de-vie : ü n'y
a que deux moulins à sU:cre dans les environs.
-Un Ecossais qui habitait cette ville faisait 1m
· commerce de ·cotou assez consl.dérable ; mais
l'infidélité d'un capitaine de navirelui avait fait
per:dre ·à peu pres lá totalité d'unc cargaison.
. Cette pauvre villa vient d'obtenir quelques
av:antages par la route de communication que
l'on a . ouverte le 1ong du fleu~e avec Minas-
Novas, dans la capitainerie de, Minas,-Geraes ;
cependant les provisions y sont enco"re tres-ra- .
res. Nous n'aurions pu rien trouver à manger
pour notre argent si quelques habitans de notre
coU:naissance ne nous avaient procuré les choses
. dontnous avions besoin ..Les Mineiros apportent
néanmoins de temps en' temps dans·leurs canots
du ma'is, du lard, de la viande salée., de la
_poudrc à .tirer, du cotou et d'autres .objets, et
approvisionnent ainsi cette côte miSérable : une
. se c.onsomme sur les· 1·1eux, I'autre s' ex-
part1e
péqie à Porto-Seguro et à Bahia.
Les forêts traversées par le Rio -'G'rande · de
AU BRÉSIL. !OI

Belmonte sont ]a demeure principale des -Bo-


tocoudys; aussi ne ~ouvílit-on précédemment
naviguer sur ce fleuve sans danger. Des aventu-
I'iers li~rdis SC SOllt, il est vrai; hasar~és jadis à
le remonte r en pirogues de bois de barrigoudo; -
mais le capitam mor Joào da Sy1iwa-Santos a été
le premier qui, en I8o4, ait 0sé aller par eau
jusqu'à Villa do Fanado dans Minas-Novas. li a
écrit une relation de ce voyage. Le capitam
Simplicio José da' Sylveyra, escrivam de Bel-
:niwnte, l'accompagnait dans cette course. li y a
trois ans fouvidor Marcelino da Cunha recut -
de M. le comte· dos Arcos , gouverneur de la
.
capitainerie de Bahia, l'ordre de conclure un
traité avec les Botocoudys. Les voies avaient
été préparées par la ' conduite sage· et paeifiqU.e·
que I'on avait tenue envers ces sauvages; il fut
aisé d'en·venir à un arrangement: depuis cette
époque les hostilités ont cessé eles deux côtés. ~
Un seul chef, nommé Jonué, et que ses com-
patriotes ~ à cause de' son' esprit turbulent' ont .
surnommé Jonué lacuam(Jonue' le belliqueux),
ne s'est pas encore conformé à cette invita- -
tion ; il rôde avec son monde sur le haut
Belmonte, dans le voisinage de la chute ou
Caxoe1ta do Inferno, et tire sur les pirogues
I02 VOYA&E
qui passent; il esi même en guer.re contl'ê ses
compatriotes qui ont fait h~ paix avec les Por-
tugais. Pour gagner les Botocoudys on leur
avait apporté dcs couteilu:x:, des haches. et d'auM
tres instrumens de fer, ainsi que des toiles , de~
honnets, des ~~choirs, etc. , mesure qui avait
parfaitement produit I'effet que l'on s'en pro-
mettait. Le capitam Simplicio a sur.tout montré
une grand~ activité dans cette affaire. Une·
preuve de l'harmonie qui regne maintenant '
c'est que p1usieurs Portugais compre~ment déjà
un peu la langne des sauvages.
L'obstacle que l'on redoutait de la part des
Botocoudys , écarté de cette maniere , on a
commencé à percer le long de la rive méridio...,.
nale du tleuve une route à tràvers les forêts
jusqu'à Minas-Novas; elle est entierement ter-
minée , et serait praticable si tout ce que l'on en
a dit était exact. Mais l'on n'a pas construit de.
ponts sur les ravines profondes
.
ou "~ coulent
.
' des
torr~ns ou corregos , et qui coupent la route en
plusieurs endroits , par conséquent les mulets
chargés ne peuvent pas franchir 'ées endroits:
on dit aussi que, dans .quelques parties de la fo-
rêt continue que l'on est obligé de traverser, il
croh des herbes ·nuisibles qui font mourir. Jes
. AU BRÉSIL. J,03_

anin~a~~·; , Pl~in de confianc~ dan,s c~ que: l'on


racontait du bqn état de cette route, qn Minei~o
essaya de la suivre ~vec une ~ropa considér~ble
chargée de C{)ton; il y perdida plupart de Se$
mulets. On prétend que par imprudence il f>' e~t ':
en grande partie ~ttiré son triste ~c~ident; ma~
cette te~tati vemalheureuse en a eftrayé d' a~t~·es:
de sorte q~e personne ne fréquente plas la partie
~nfér~eu~e' ~e cette . -route. Au reste, j'ai eu l'oc-
casion de me convainçre qu' elle mérite pe'jl tous.
les éloges que j'en ai entenqu faire. On a çom-
mencé depuis à l'améliorer, et 1\>:q. a p; is Ún
tres-bon parti, car lorf>qu'.elle sera ~n bon ét~t
elle procurera ·de grands avantages à ce pays.
c En ~ttendant, Jes communications ont, lieu
bien plus facile~ent
. par les p~rogues qui mon-
~

,tent ef descendent le fleuve . .T~ms les ans il en


arrive plusieurs cb.argées de productions de Mj_-
nas : el1es s'en retournent ordinairement ~vep
du sei et d'autres objets, et rp.~ttent vingt jours
pour arriver jusqH'au premier,end~oit qahité de
JY.linas; voyage pénible ,' et SUl~ lequetM. Ma~e
s' est exprimé un peu trop légerem,ent ( 1 ). Pour

(1) Pag . .2Go, to!'~• li; P• U7•

I'
VOYAGE
protéger cette cm~.munication contre :les sau_;
vages qui n'ont pas encore IJlOntré des disposi-
tions pacifiques, on a établi·six postes militaires
jusqu~àMinas, qui sont les quartels•dosArcos,do
Salto, do Estreito, da Vigia , de San-Miguel et ,
de Tuca'ihos .de Lo rena: Le premier porte Ór-,
dinairement le n~m_ de Caxoe'irinha ; il le tire
de petites 'cascades fo'rmées dans les, environs
par des rochers qui traversent le lit du fleuve.
'Cette naviga~ion procure quelquesmoyens d' e :Xis~
t;ence à Villa de Belínonte : ses habitans, qui sont
tous pêcheurs ' de rnême que la plupart des
campagnards de, ce royaume·, sont tres-habiles
,. à conduire une pirogue.
On voit encare à Belmonte une race pàrti-
culiere d'lndiens chrétiens et civilisés ; que I'on
nomme Meniens, et qui se donnent à eux-
mêmes le no~n de Camacan. Les restes de leur
langage, quoique extrêmement corram pu, an-
noncent le11r véritable origine, qu'ils connaisse:ri.t ·
bien. Ja<;lis ils habitaient plus haut le long du
Rio deBelmonte; lesPaulistes les enchasserent,
et en massacren~nt. un grand nombre. Ceux qui
échapperent se réfugierent vers le bas du fleuve;
et se fixerent à I'endroit ou est aujourd'hui la
villa. lls ont graduellement·abandonné .Jeur an· ·

AU BRÉSIL Io5

cienne maniere de vivr~, et n' on!. rien conservé


des mreurs des sauvages; les unssont mêl~s aux
negres , et servent comme soldats, ou bien sont
pê.c heurs et travaillent.à la terre'. li n'y a plus que
quelques vieillards qui comprennent encare uil
petit nomhre· de mÓts de leur ancienne langue.
lls solit tres-adroits à tous les travaux manuels ;
ils fabriquent des nattes de ro.seaux (esteiras)
si bien fi:tites, qu'à l'extérieur o~ ne distingue
pas les brins entrelacés, des chapeaux de paille,
des corbeilles, des filets à pêcher et d'autres
plus petits pour prendre des écrevisses ( 1) : ils
sont d' ailleurs bons chasseurs comme tous les
lndiens; mais ils ontdepuis long-temps échangé
l'are .et les fleches contre le fusil.
Je séjournai quelque temps à Belinonte pour
faire reposer mes gens ainsi que mes chevaux et
mes mulets. Cependant le climat n' e'st pas tres-'
sain ; il y regne souvent 'd~s fievres et des ca-
tarrhes: l'on se plàignait que cette année (18 i 6)
l'épidémie avait été extraordinairement forte.
Une des grandes incommodités de ce pays est:

(r) Ce filet, nommé puça, est un sac tressé et tr'és-fort que


deux hommes promlment su1•le fond de l'eau.
VOYAGE
'l!'
t

l'énorn1e quantité de mpustiques, llQ~amme}lt


de l'espece que l'0~1 no.m me .vincu_c1,o. On dit
que dans les g1·andes ~haleurs ils d,eviennent si
insupport~bles dans l'iqtérie~r eles maisons, que
les habitaris se réfugient avec leurs ham~Cs sur
• le bord de la me r pour trouver dans l'air frais
de lá mer un peu d~ relâcl~e contr~ les attaques
de cet insecté.
,. I
;'

' I
Ali BRÊSIL.

CHAPITRE :X:I.

~ÊJOUR SUR LE ~10-GR~NDE._ DE BJi:.LMO~'_ÇE ~,'!'
CHEZ LES BOTOCOUDYS.

-Le quartel dos Arcos. :- L~s Botocoudys. ,...Voyage au


quartel do Salto. - Rctour au q.uartel dos Arcos.- Dispute
et combat des Botocol\d_ys. = V;oyage à Ca;-avellas;. -Les
Machacalis du Rio do Pra~o . .,-RetotJr à Belrno.nte .

.
ÁFIN de connahre les belles et ihtéressantes
solitudes arrosé€s par le Rio-Behnonte, je ré-.
solus de passer quelques mois dans les Sertoes ;
et même s'il était po~sible de remonter le flcuve
jusqu'à Minas. Je pris donc à la villa deux pi-
rogues; je les fis monter par cinq homines, et j'y
chargeai mes gens et mon bagage•· Le '1 7 aoút
. m'mb
1e e arqua1''Bla e mon t e avec Ia maree
' mon-
tante, e~ traversant un petit canallatéral, j'en-
trai dans le fleuve qui en~ cet endroit est tres-
large, et remp1i en pattie de banes de sable•
(corroas). ·
ll ressemhle beaucoup au. Rio-Doce, mais il
1-08 VOYAGE
n' est pas à beaucoup :pres si considérable; sa
largeur peut être de cinq ~ six cents pas. ·Des
forêts et des buissons, de grands · roseaux de
l'espece nommée uba ou cnnna brava, cou-
vrent ses hord~; et sont interrompus de temps
en temps par des fazendas et ·par des planta- ·
tions. Nous vimessurle bord desbancs de sabl~ ·
le bec-en-ciseaux (rynchops ni!Jra, L.), qui ·se
tenait inpnobile, et le grand carao ( numenius .
carauna, Latham. ), qui se promenait en regar-
. dant d'un air craintif auiour de lui. Cependánt
avec un peu de peine nous réusstmes à tuer un
de ces oiseaux circonspects.
Je m'arrêtai quelque temps à la fazenda d'I-
pibup, qui appartient aux héritiers du feu capi-
tam mor de Belmonte : je voulais y prendre
quelqnes .provisions dont 'j'avais besoin , e,t ·sur-
tout m'y pourvoir d'eau-de-vie ~ si nécessaire
contre la ·fievre: Cette fazenda possede le seul
moulin à sucre . qui se trouve le long du Rio-
Belmonte ; il n' a pas travaillé depuis. quelque
temps, mais il parait, commé on me l'a dii,
qu'il va être remis en activité. L'on y 'fabriquait
aussi du tafia ou eau-de-vie' commpne desucre
( agoa ardente de canna ).
·. Les deux rives du fleuve offrent ün tres-h~au
(

AU BRÉSIL. 109

.coup d' reil. Le grand roseau uba .déploie dan~


les endroit~ fermés ses flems en panicule, et ses
feuilles disposées en éventail; au-'dessus s' éleve,
comme en second degré, une rangée de coule-
quins (cecropia) à tiges argentées et cannelées;
le fond est formé d~ la maniere la plus. pitto-
resque, par la fqrêt_~ombre et touffue, dont le
feuillage d'un vert .foncé et de teintes · diverses
s'élance au-dessus des arbres moins_gra~ds qui
l'entourent. Le rivage même offre des toufies
épaisses de ,toutes sortes de plantes entrelacées
de liserons à fleurs d'un bleu blanchâtre ou d'un
~iol.et clair , de ib~lles graminées, et smtout des .
soucbets remplissent le reste de 1'espace. .
V ers le coucher du soleil nous avons dé-
harqué sur un co~roa dans ~e voisinâge dipibura,
oi1.q uelques maisons épa~ses sonthabitées sur:toQt
par: des Indiens Meni~ns. J'y achetai la peau d'un
jaguar tu é depuis peu, et j';;turais v~lontiers fait
l'acquisition du squelette de cet animal, ou du
:inoins joui de sa vue; mais l'homme qui I'avait
túé à la chasse me dit qu'il l'avait laissé tres-
avant dans la forêt; cependant.ü m' assura que
j'en trouverais le crâne sur le corro·a de Ti;-
niicui, situé un peu plus paut, et ou I'on a aussi
l'habitude de s'arrêter. Des pêcheurs qui ayaient
110 VOYAGE
dressé leurs cabanes à Ipibura noÍts donne"- ·
.rent des reufs de t<1rtue fluviatile , qui sont en-
tierement sphériques, de la dimension d'un.e
grosse cense , et revetus d'une eca
• A ' Ie dure d' un
·blanc luisant. Ils n'<?nt pas le gout désagréfl.ble
de poisson que l'on trouve aux reufs des tortues
_ de roer , et sont un mets tres-savoureux. Nous
... au" cómmencement
étions .
de 'la saison ou les
tortues les pondent. On en rencontre des quan-
tités enfoncées dans les banes de sabie ; les pê-
cheurs les recherchent avec soin ( 1). · ·
La nuit nous amehá une ph\.ie ·~h'ohdante q*""i
noas forÇa de nou's réfugier dans de vieille·s. cà:...
banes' de pêchéu:rs ·, i:onstruites en feuilles de
palmier, et qui étáient ·á.ba'ndonnees. Les .'r'uces
et les éhiques dont eHes ·ét"óient réinplies ti-o'u -
hlerent notre sonlineil. Les moU:stiques vin!·eht
aussi n0us y tournienter ; la fum:ée de n'o tre feü
put seule nou's delivrer en partie de ieurs at-
taques. Ces insectes étaie'nt surtbút insuppor:....

(1) Ces reufs sont de la même tort.ue que uous avious


pêchée à la•ligne dans le Mucuri. Il parait qu'elle est d'une
espece encore in:connue qui.se distingue par deux appenqices
barbus d courts sous la mâchoire, ainsi que par un carapaée
· ext'rêmement aplati. __...
AU BRESÍL. 111'

tables sur ie b;rd de la fdrêt ·, 'o u nous v1més


aussi voltiger le vampi1·e ( pihyUostoin:tcs spec-
.trum.). Péndánt tdute la nuit no tis elimes l'reil
sü,r Iiós pirogliês '; à'ussi fumes-;-lÍOtlS t oús Bieh
mouillés' et obligés de r.ester tout le _~:emps avec
nos habits tre'riipés par la pluie.
Le ,Jendeinain niatin notre grahtle piroglie
était à moiti'é remplie d'·eau '· et hotre bagàge
tmft mottillé : ndh~ avions eu bien de la peine à
tenir SeGhes dans les huttéS Ii'ÓS arJb'es et llQtre
poudre. On se dép&hâ d'e· vid'er l'a pirogue, et,
à notre gra'rlO.Oe jóie; le soi'eii, perçant Wpaisseur
des huag·es' 'eu-t bientôt réchaüffé et s'éehé nos
m~inbres engoúrdis; alors nous p9ursuiv1mes
' ).. • f ' ,. : • ~ } • ' .

gaunent notre vbyage.


· De n\.ême que sur les' bords dt( Rio- Doce
l'oú. .entendáit le 'cri des singes 'nqtammeht dês
.guaribas e't·deà sauassus ; de même ici les fo'rêts
rétentissirient d~ 'lá voíx pe'rÇà'nte des àr~ras. ~ des
·ama'can (psittacus severus, b.) et de plusieU:rs
autres perroquets. La surfacéd'es bàncs de sàble ,
laissée eu 'c'e nl:oment à se'c par Íe fleuve -dórrt
~es eaux étarent basses , était converte d 'hiron.::
·delles de mer à bec jaune ( sterria flaviroUris)
:qui s' y pron~enaierit deux ~ ·deux ; c'et oiseau
plane en l' air, puis fond p·erpendrculairemell. t
. II2 VOY,A GE
sur le5 poissons qu'il aperçoit dans l'eati : si I'on
s'apprqche du lieu oil il se tient,' il fond de .la
même maniere sur les hommes ,, ·c omme s'il
voulait leur percer le cr:ine; les ,Brésiliens lui
en supposent l'intention.
V ers midi nous sommes ~rrivés à l'embou-
chure de l'Oba , petite riviere qui app_orte le
tribut de ses eaux aú B~lmonte : à peu de dis-
tance dans l'intérieur on trouye un povoaçao
de même no:m,, q~ renferm~ un peu plus d'úne
.douzaine de ~na~ons. On y cultiye beaucoup d·e
mànioc , de riz, de ma'is, et quelques çannes à
sucre; ces de~rées .se transportent à Ía villa. 11
n'y a pas de moulin à sucre à Oba. On exprime
les ·cannes entre deux ro~eaux minc~s, et I'on
obtient ainsi le sirop dont .on a besoin pour ]a
. conso:rnmat~(m. L'embouchure .d~ la petite ri-
viere se nomme Eocca d)Obu; vis-à-vis est
située une ile nommée en conséquence Ilha da
Bocca d)Obu. Je fis arrêter mes canots à l'em-
bouchure de la riviere, afin de pro~urer ·à mes
gens la farinha .d ont ils avaient besoin po,ur la
contÍnlfation du voyage, et j ~ prófitai ~e l'oc-
casion pour parcourir la forêt voisine. Une pi-
rpgue qui arrivait en ce inomerit d'Obu cha~gée
de cette denrée nous mit en état de terminer
. AU BRESIL.
de · stii:te notre affaire, et nous ríous éloignâme~
de terre.
: Dar,s tm eudroit ou le fleuve étai~ tres~large
nous ·aperçúmes dans le coin d'un corroa 'ime
r
troupe e canards dont Ii.ons ne connaissions pas
erícore l'espece, et c{ui se distinguaient par leur
plumage jaune-hrLmâtre · (1 ). Ils s' envoMrent li
notre approehe, décrivirent un' cercle tre.s -
étendu, pnis retomheren~ dan~' l'eau. Nous tour-
noy::true.,; long temps avec ~ux; enfin il~ se réfu-
gi(·renl' derriere urw''élévation du rivll'ge. Aiors
nous ftmes descehdr~ à terrc un ·chasseur qui
se glissa tout doucement pres de ces oiseaux,
et ·en 'tua deux d'un 'c oup, 'ce qui nous pro.c ura
un hon souper. I
:Nous avons passé la soirée sU:r lc corroa de
Pii·anga, et nous y àvons retiré du sable ctes
reufs de tor·tue. Les traces des tapirs et des
jaguar·s se croisent dans toiltes les directions.sur
ce saLle profoncl, ou ces anii11a-u'x viennent rôcler

(1) A nas rirgata, espece nouvelle, pluimtge' )a une d'é


ronille; ·l'i_ntéri eur eles ailes noi·r, prem ieres plumes rectrices
à tuyau blanc; pas de plaslron : plurues du côté du corps ··
marcjuées d'une ta'che bliiuc-jaunàtr~ allongée; longueur du.
mâle , dix-sept pouces ueuf ligues. · ··
li. 8
'l'OYAGE
pend!lnt là- nuit: Nous n'y avons trouvé d'a1l·
leurs d' autres créatures vivantes que des· hirm_i.,.
deites de me:r , qui, dans leur inquié:tude pour
leur proaéniture , fondaiç,nt en crian:t- sur les
étrang:ers qu,i s'en appFochai~mt. Nous nous
somtpes M.ti en ce lieu de petites. huttes _de ·
feuilles de cocotier, e.t nous y avons passé la
nuit. Le lendemain nous avons continué notr.e
route par un t;es-beau temps. Nous n'~vions pas
encore vu le rivage couvert d.'une si grande
quantité de belles plantes; 011, y distinguait entre
_autres un magnifique arbuste tres-voisin qes bi-
gnonias , et qui , orné de .grandes fl~urs : d'u:n
rouge ardent; brillait à l'ombre des arbres.
Partout les plantes et les ·arbriss~aux grunpans
s'entrelaçaient autoür des arbres les plus hauts,
et formaient un tissu impénétrable ; le feuilláge
tendre et rosé du quatélé ornait la partie -la plus
avancée de ~a rive, ou les troncs de coulequin
éHmdaient au loin, comme des girandoles, leurs
branches à feuilles palmées, et ou les hautes
touffes dre f uba Se balançaÍeht én Sõftánt du~abJe.
Pres ·d'une plantation abandonnée , nous ·
sonnnes arrivés à l'elnboúchure du Rio da Salza
ou· Peruaçu, peiite riviere -qui unit le Rio-
Grande au Rio-Prado. La barra · du Rio-Bel-

/
AU. BRÉSIL.
monte n' étant.pas ·tres...favorable ·à la nâVÍgatión,
on a for.mé le plan de rén:dre ce canal de com~
municlJ.tion; Ol!lvigable pour les pirogues ·en le
débarrassant; des obstacles qui s'y · tremvent, et
notarrune~t de.s trones. d~arbres qui l'encom-
hrent. Qn di:t, que dans la saison seche ee canal
est tres-has, et qu'au e0n11raife dans la saison des
pluies il est u:es..,.ptafo;nd. ·
Les «ria des araras , que nous entendions
sortir des forêts voisine&-, nous insp~e.rent na-
turelle:went le; désir el"aller à la chasse de :ces
. oiseaux; naus mimes dane qitelques chasseurs à
têrre, et cette fois naus eiunes à -naus féliciter
de notre<tentative. Un chasseur se glissa pres de
ees beal;lX perraquets, et d'un coup qui retentii
al;lloin en abattit deux. Nous fumes surpris ezi
<;e lieu. par une troupe de petits sahuis (jacchus
pen.icillatus, Geaffioy), ~ais alissi agiles que
les écureuili ; .ils grimperent aux- cimes des ar-
bres, ei s'enfuirent trap vite paur qu'on put les
vise r. Cette petite espece de singe est tres-cam-
mune dans les · farêts du Brésil : une autre ,
be.a ucaup plus cannue, est le simia jacchus de
Linné , que I'an trauve un p8u plus au nard ,
dans le voisinage de Bahia.
· Le~ magnifiques araras ·et les aytres heaux
u6
p~rroquits qui ·s'en' approchent' font i'ornem,ent
de c~s forêts sombres, dont: les itrbtes sont
si variés. Une volée d'une '·vmgtaine, comme
nous en · avo~s aperçu 'dans eet 'e ndroit, · per- ·
chée sur un arbre d'im vert btillant, et éclairée .
. " . I

pa,r un rayori du soleil, offre un· superb'ê coU:p .


d' reil; il faut l'avoir vu pou r s'enfaire une juste
idée. lls. grimpent tres-adroitement le long des ·
cipos }.et tournent fierement de toÜs les · côtés
leur corps avec sa :longue queue ·veis les ràyons
du. sole:i.l. Actuellement iis se tenaient en ~granel
/ nomhredanslapartie moyenne etinférieure.d'un ·.
arhuste rampant et épineux ·que Ton nornnl:e
ici spinha , et qui est 'peut-'-êtni un sniilax ;, ils
en aimentheaticoup le fruit' qui murissait en'ce .
moment; en effet nous en trouvions toujóursles
gr11-~nes blanches dans le jabot · des ararás· ·q ue ··
D.ous venions de tuer~ Cette saison est par ·con-
séquent celle ou l'on peut les abattre 1e'plu's ai-
1
sément ' pare e que dans les autres temps ils ne
cherchent 1eur nourriture que sur la cime des · ·
arbr~s les plus hauts. . -
. Tres-satisfaits du succes de Ía premiere teri.::
·tative d'une chas~ aux araras, nous·avons pour-
suivi notre navigation>et passé le corrõa da Pàlha;
ou Ie· riacho da Palha, petit ruisseau, se j~tte
AU,I~RÉ;SIL. • ~'~7
.
_d ansle R,io-;B.elmoJ?.t~, et le s_qir. notis.~ senu.;nes
'\
arrivés'
au corroa
. . . .de Timicui
'. ou des
.. .. . cabaaes1 de.
_pêcht;urs . abÓndonnées no~s; ont .~ervi ..de gite
po~~ la nuit. C'éjtaitl~ .qt;te je devais ,trouver.Je
· _cr~e _du ,gr.and et beau jaguar dop.t .j'av.ais
:acheté la peí,iu à Ipibura, et qui -.avait été, tué
:un~. huitaine ~e jours auparavant. Dans la forêt,
. asse~ pres de l'endroit -ou nous étions, deux
chasseurs qui la parc9uraient avec quelques
. ~hiens, p~ur chasser les cerfs et d' autres ani...!
maux, avaient rencontré ,par hasard le jaguar
. à peu de distance dU: fleuve et pre~ d'un petit
riacho; l~s chiens se mirent à I e .poursuivre, et
le forcerent , corn.me cela .arrive ordinairement;
,d e grin:~,per s:u r .un ,arbre dont le tronc s'élevait
,ohli~em,ent, . et oq Ü.reçutLun coup mortel: ü
..ven,~t ~ependan t de saísir un .chien ave c .une de
ses· gri:ffes, quand , un. second .coup ~ la nuqú(}
r
: '•
étend{t
. ·'
~ort.' "'
Je .trouvai. effectivement le crâne
()Ur lt~· baQ!c _de sable pres de nc,>tre cabane; mais
~alhemeusement il était d.éjà cassé e~ endom~
mag1~ • • Les dents, molair.es ,. que la superstiti0n
_d e ce .pays reg~rde comtpe un remede . efficace
contre _plusie";u·s malad~es , ,avaient été en1por:-
tées poup en;faire des _ a:çnule~tes. La peau de ce
jagll;ar. ~~~it ~-;tr~qJ.ement ·belle ; eHe avait cinq
1 ~8 VdY:À.GE
). d s d e Iong J'llsqu
1)re . · ''a 11'a narssance
• .
·d e 1a queue ,
4.rt cependant il'~tait ~s ~e1le d'un ·des grands
1
individus de cétl.e espece. Le jaguar, le tigre
nair et le çuçuararltla ou cougoqar (Jelis con-
color, L.) ·sant tres:..communs dans les far"êts
haignées par le Rio-'.Beltnotíte ; ·mais on ·ne les
' inquiete guere, pa·rce que ·rún n'a pas ·dans ces
cantans de chiens prapres à cette chasse. · Sur
taus les bord.s dü fleuve on trauve des traces
nambreuses de ces ariima:ux, et dans le silence .
de la nuit on ·entertd fréquemment leurs l~ur..:.
lemens. ·
Les nombreux vestige-s d'a.nin1aut. qae -j'a-
percevais me décide·r ent à pà:sser le lend~tnaiQ.
à Timicui , afin. de faire fouiller dans 't€;utes 1es
directions les forêts voisines. Le temps .naus
était extrêmementfavara:hle: cependant not'ls ne
pumes ,tuer aucun quadrupMe b0u à 'inanger ;
en revanche , naus fu:me·s ;plus heu.reux pout 'les
aiseaux ; I'an m'apparta entre autr~s -un canatd
musqué, un. ·jacüpemba (pe-n efope marail, L.},
un arar-a et cinq ~llYpueilla:s {pe'rdi?t grlianinsis,
Latham ; ou perdix den'6ata; 'f.elillninck), qui
naus firent 'un han Sb'l'l~er. Ilne 1ne Tes'tait·de '
mes chiens couchans '<fll'Hn'e fém'elle qrii'futtres-'
utile paur la chasse des éapu~iras 'ou perdrix des
' .
AU :13RÉSIJ..,.
f<i>r.ê ts; dle tr.@n:va .!JiiEOmpteme.n.t la compagnie,
qui ,à l'instant _se dispe1:.sa .de itou.s · l~s .côtés , . e.t
les p.erdrix .se p€Jt0her.ent sur l~s ~rb.r.es: ~m
·~ha.s.se-ªr .q:ut :a. le r.e.gan:l "!:l:n ·pei.I. ~;l;~r,cé · le.s. ·~
d6ca:uvJI:e ;J.ÍS.~~aJ , .et }~s ·ti·re ·Ç.(i))iJlQJ.e n.os ~.j.,.
aottf!_S.• .Ma chiel)Jile ·aJJr;!.ph:a ~d~ de!i.S!lS -un tr(j);I}Ç
_~'~rhr@ liUl g~mha{&ar:ig~e ) qui p@.ll!r X~Yite.r ·y ­
gr.~:m.;pait ' rm~i.s eiiJ.e ~~ 1e prit q\1'-aveç le rh9.!!t
de §es d.e:n-ts .à ~al!~e. ~e . Ja 'maQlVili&e pile~ ,dg
cet anrma. "' I , et I e secoua JUsqu
. ''a ce qu'il.'ll!J:!:.'Ql9J't,
r.•

~~s :a:rar_as., td~ .roêm~ .qu~ le_s .aut:;r.es pex;roq11ets,


J1ilous .fi.rent UFle h€Uilllle s(jmp~ ~ lJl ,~hÇtj,r de.§ ·.p,::e,;
mie.r..,s est ;assez ,.gr.ossj.~_re ., J'V.!l~ FJ.OJ;J.r.ri~&fhl.l•t.e ~
.a.ss.e~ .s€:1;1;1-\>)ªhle ,à .J.~ ,c}J.air :de h.!!;m.(.
En -f;e-v~e:uant ,clêJil -chasse, :~ J a hr.lJIIJ.e,, IJ.OlJ.s
~1mes \lllle <q1'larntit~ cle ,gr.os.s~s ,~h;:t~ve-sou.t.!fo
~i ;vpl.~geaient te:at rpr~~ .de Jii.surfaGe.d!'ll~efiU,·
O.n -c;ha.r.g~a les ·_.a::r;:FP-es .il'Vieç -!ile ~P. p~~dr-ée p.~l~r
le.s·!').Í:&eaux' !~t rQn ~lJ. :6-t :LQmb~:r ,q~~qól!\e~-~~ji.
En :les .eJ;a:r:ninant a:V:!'JC -att~ntion on ,necon'!lll.t
·qll~elles a-p,part~Baient ,a u ,geJire .de:S no~tiliqns:
;~eur Jp,el age , eta:~;t
' · ' d'·Ull ·I'OlilX r1:1:Ull9J"f!:le; -.d''autr~S
'
1 ·r

;al:l .eonlir.a-ive,;waient l:1;Ji),e Jjg.~e 'ji!wlâtre hlan<::h.~


to\lt Ie.JQng :dt,l .dQs. ,Je,p'ai •VR ,n:ulle :part ·-<~et~
~ .l>.elle -cháJJ.V;e-s~:ud:S . a~.si ;C§.ltm:nune ,q:ue · Cl>ttJ~
~~ ;Cauton.

_,.---· . ··· ...


120 VOYAGE
· , Les deux hommes qúe nous avion'> laissés sm;
.r .
I e .corr-oa puur·•·Iíúre ] . •
a cmsme : fi.urent tres-
r,

,contens lorsqu'ils virent notre cb~sse : de .leur


côté .ils ayaient trouvé pl.usieurs cl oses intétes-
·sa:ntes dans lcmr voisinage. Ré.11ms antow· · du
:feu:,.• nous nous racontâmcs:- Juutuellement' les
· ave;l\ures de la •journée, tandis que la solitude
autour d-e nous retentissait du cri ·p erçant d.u
capneira, , du ehoralua et du bacarau ·( capri-
mulgus ). , · · ·
, < Le. 21 .nous avons quiué Timicui de bonne
henre, en côtoyant une longue tle nommée
1/hacGrande;· elle est.c ouverte de grandsarbres
et inbabitée: aulrefois il s'y trouvait une planta·
tion que les habita:ns de Belrrionte avàient éta-
hlie. N(ms étioi1s encore avec notre · pirogue
vis-à-vis -de la rive septeiltrionale de cette lle
quand :nous fumes su:rpris ·p ar un viole~ t grain de
pluie qui obscurcit tellemennout le voisinage,
que n'ons ponvions à peine reconnahre la forêt
voisiue;, N 0 us étadl arrêtés pour lai~ser passer
l'orage, nous entendimes tont à coup tout ·pres
de nous les .cris d'une troupe de peca1'Ís qui n'oús
avaient vus .et s' ~nfuyaient. ·Aussitôt quelques'-
'tms de nos ·marins ·sauter.ent à terre avec leurs
armes malgr.é la pluie, poursuivirent ·Ia ba.n de;,

~-------· · -----
AU BRÉSIL. J21

et au bout d'une demi-he~re revinrent avec t~


· pecari qu'ils avaient tu é. A l'instant oú ·ils ren-
, traient dans la pirogue avec' leur chasse rin gros
jacaracca se montra · dans les herbes hautes du
rivage ; il :\út de même tué et apporté ·à bord.
Mes chasseurs échapperent réellement à un grand
danger ; çar ce ne fut que par un hasard heu-
re.u x qu'il ne marchereilt pas ·sur ' le serpent
·couché
'
dans l'herbe : certainement s'il eut été
\

touché, il aurait mordu les pieds :nus de nos


negres.
- L ' orage passe' , nous nous soJllffies rem1s. en
route. Le flet1ve •est en cet endr-oit large et fort
b~au : on rencontre de temps én temps l:e long
· de la rive des banes de sable· sur lcsquels s'éle-
vent.' des huttes éparses de feuilles de cocotier;
elles servent d'asile aux habitans de Belmonie
lorsqu:ils remontent le fleuve· pour chasser ou
'pour pêcher. Nous avons fréquemment vu dans
ce cantou l'anhinga (plotus) et le' ·canard IDlJS-
qué ; quelquefois nous apercevions le matin
·des yolées entieres de ce dernier. Le sair · noüs
·ayons débarqué · sur "!lll cm~roa du voisinage,
nemmé as barreiras qui est un lieu excellent
·p our la chasse, et presqne l'unique súr le Bel-
;mont_e inférieur, oú l'on rencontr:e Je grand 1
122 'V;QYAGE -
.
smge .grts-Jaunatr.-e-:pa'le, ·a' _:_q lil. 1'-on .donne W\
• • • • Á .. ·te
nom de miriki.(,ateles ).
· Le ·2 .2 .n ous aVQns quitté le .co~roa .a;vant ie
jo~r, -e t nous aYions déjà parcom·u u.Re-eertaiue
1
distance., lorsque le seleil se leva dans ~ou.t -son
éclat. Les.coups d'avirons et les ccis de -n es con..:- .

d ucteurs .d· e ptrogues, qut. s ' eúorçm.ent
Jr •
a' JI1'-env·l•
de .gagner le prix •q ue j'a"V-ais pl\emis aux tplus e:K-
pédiiifs, :mirent :tous les .e.nvirons en rumenr.
Dam.s leur frayel'l!r, .d.es itJFGlil!pes -de ·c:mar.ds mus-
ques, s' envoI'erent.
:IDes :Ia veille nous ·avions aperÇn ,d evant nous
des montagnes-daas 1le 1oiutain; e'tles .furent pl us
visibles ·aujourd~ll'l!li ·: elles pertent ~e nom de
Senr.a das ·Guari'bas. Cette -eháine <trav'6rse !les
fonêt:s <clans •la direction dnsud au •ner-d : -elle ne
me par.ut pas t•r es ihaate, q:w.eiqae ,nous :n~en :fus-
sions ·pas tres-éloignés. A rfendr-eit •oi1 tJ<lOl:ls
éti0ns les rives .du fleuve ~oommene:erent-, à-s~­
le;v:er insensiblement. Plas :loi:n ·par.aissent ~~
rn@ntagnes iC0u:\!er..t~s de tforâts. ~omhr-es .: -des
pierres et .des 4éb:r.is de -rooher-s annencent )le
voisiriage de montagnes··primitives, 'Ct :}es ·cor-
roas .ou ~banes -d-e .sa:ble rc!leviennent plas •mres -â
mesure que -le Jitdu :fleuve tse ·rétrécit-et·deVie:rtt
plus pr.efond. Souvent •sa ,surface -sorrlb~e, -mais
AU BRÊSIL.
hrillartte' est resserrée entre des mont'agnes
escarpées; cependant il conserve t<>Ujon.rs une
largeur considérahle.
lNous a_;vons vu ~t en1iendu les araras pres du
rivage. Póur la ·pr.emie·re fois un -au~re oiseau
rema:r.quable s'est 'Olfert à nos regards ; 'c'était
l'a:nhima ou karn:i:chi '(ptstlamedea cm:nuta ),-qui
est -r.a-re à . cette distance ·de l'emhouchure du
fleu:\l"e. ·Ge ibei @isea:a, ·de b force·d:'une grosse
oie, ·est ·plus haut su.r -jam:bes ; -et a le -cou .Jon-g ;
sur sem fron.t s'éliwe une corne poi:ntue 1longne
de quátre à cmq: peuces ,-·et ·chaque àilérem est
ármé ·de denx !fa-rts aiguillons 'trian·g uiai·res. Cet
eiseau ·est timide, mais -i1 'Se trahit bientôt par ·sa
voix éolatante ;'dont 'les ·m0dulations ressernhlent
-assez à •ceUes . du pigeon cramier , quoique plus
-fgrtres cet ·p lus so:nol>es -, et accompagnées de
'Singuliers 'C'0'UtpS éJ:e.'gOSÍer ~ ·cette 'V'OÍ'X hat:"fte Pe-
<tehti:t âu loi:n dans :J.a 's·olit'llde ; ·elle nolis promit
une ndu.velle t>cc'apa:tion. ~Plusieurs de· oes oi-
·seal!lx , effrayés par le 1bruit €te nos avir0ns , s'en-
fuiren"t •dans 1a fO'rêt.; ·ids •ressemblaient dans :lear
v0li l'wruhl!l { vulliur -am~a, L.j .
. Vaprês-midi.nousvenibns â~alJ:1river à tm coude
rlu fleu!Ve-, quan:d . rr@tts ·ffmres assaillis •par un
·:era'ge atfreux, a:cc-ompagnê •de pluie ; •il agit:a
VOYAGE
. . r
violemment notre grande pirogue converte;
inàis ~1 eut bie~tôt passé ' et lorsque l'horizon se
fut de :ri'ouveau éclairci nous aperçumes. à peu
de distance devant nom l'He de Cachóeirinha ,
sur laquelle on a bâti le quartel dos ·Arcos. Ce
poste m.ilitaire fut fondé il y a deux ans d'apres
· les 01~dres du comte d' Arcos par.M. Marcelino
da Cunha, ouvidor du Comarl?a· On avait d'a-
hora "établi ·u:n destacamento d'une soixantaine
de soldats à tré;is jours de route plus haut ,' dans
un endroit · nommé le Salto ; mais les . soldats
indiens qUi le formaient marqu;;l.ient un grand.
mécontentement : on les fit replier sur l'He ·Ca-
choeirinha, et Ie. capitaine, Juliào Frz Leao,
commandant le c1uarlel de Minas-Novas, les
· remplaça par une .do;uzaine d'hommes qui for-
ment ·encare le quartel do.Salto. Quelques, ca--
hanes en terre..et convertes de chaume ont, été
élevées sur la partie antérieure. de litle qui est à
iuoitié débarrassée de forêts ' et convertie en
plaritations. .J,.~a partie inférieure .·eSt· encOI:e
converte de bois. On voit dans l'autre d~s· plaii­
tations de rnanioc' et l'on a entouré les hâti-
mens d.e papayers et de hananiers, dont .les
fruits servent fréquemment de nourriture aux
Botocouç:lys, à qm onles donne volontiers pour
. . . ' '
.•.
)

AU BRÊSIL. a5 ' l
ne pas troublér iá borme i~t~lligence. Entre l'Ue ·.
et la rive septentriOI~ale le fleu~e a peu d~ lar~
geur; il n'avait·pas en ce moment assez de prÓ-
fo:ri'déur' p~ur qu' on ne pút pas le passe r à ·gué :
il est plus l~rge de fautre cô'té le lorig de la rive
mé~d.ionale·: M. F arya, ecclésiastique de Minas,
y ~ ré~eminent ét~bli ' . vis-à-vi~ de l'tle ; des
plàntations assez ~onsidÚables de mais , de ma-
nioc , de · ~iz, de .c oton, etc: Son habitation est
coinpléteuient isolé~ ; la route de Minas passe
to:ut auprck
I . .
·
Le destacamento dos Arcos f ut occupé par un
a1feres ou énseigne et virigt soldats ; mais la dé-
., sertion a gradueUement réduit ce n~mbre à dix,
la phipart ·hommes de couleur, indiens ou mu-
lâtres. lls'menent une vie misérable; leur solde
est muice-; ils sont obligés de travailler eux-mê-
m~s à se procurer leur nouhiture ·, qui consiste:
en haricots, farinha et viande salée. La provision
de ce 'qu~rtel en poudre et en bailes va rare-;-
m~rit à une livre;; les armes sont vieilles, il n'y
en' a qu'un petit nombre en état de serv,ir ; ~ri
cas· d'attaq1-1e, la garnison serait fortembarrasée.
Ces soldats so'nt ~ussi ~hargés de transporter
sur le fÍeuve' soit ~n montant' soit en descen-
dant, les voy~geurs et leur bagage; par consé-
u6 •VOYAGE
quent ils sont tres-expérimentés dans cette. na-
vigation , ~t quelques~uns peuvent passer pour
d'excellens conduct~urs de pirogues.
L'alferes, qui . était parti •peu de temps
avant notre arrivée, avait laissé le commande-
ment pendant son ahsence à un sous-offiçier.
Celui-ci ayant infligé une punition à un Boto-
coudy qui avait commis un exces' tous les mem-
bres de la tribu du coupable , qui résidaient or-
dinairement ici en grandnombre, se trouverent
offensés , et se retirerent dans les forêts. L'offi-
cier, voyant à son retour le quartel entierement
abandoriné par les · Botocoudys , et apprénarit
la cause de.leur départ, leur envoya un jeune
homme de sa suite nommé Francisco, qui était
de leur tribu, pour les engager à revenir.
Les Botocoudys qui demeurent ordinaire-
ment dans le voisinage du <p.1arlel composent
quatre troupes dont chacune a son -chef parti-
culier, auquel les Portugais donneht le titre de
capitam. On savaitque le capitam June, nommé
K ere_ngnatnouck parmi 1es sauvages, était ave c
sa bande à trois journ~es de route plus haut ,
pres du Salto; mais on ignorait dans quelle partie
des forêts les trois autres s'étaient retirés. La
rniSSIOll .;!e Francisco ne produisit pas tout de
AU BRÉSIL. 127

suíte l'effetí qu' on en attendait :. je déterminai


·done le commandant à expédier pour le même
objet plusieurs .aatre& jeunes Botocoudys qui
venaient de revenir de Ria de Janeiro, ou I'ou-
vidor les avait envoyés. ,
. )
Mes lettres de recommandation pour le com-
mandant du quartel 1ue procurerent un bon
accueil, et je m'y trouvai tres-bien. On manque,
il est vrai, dans cette solitude de heaucoup de
choses. de premie1·e nécessité , et peur la nour-
ritur.e on est réduit au poisson salé , à la fari-
'"nha et aux haricots : le poisson est d'une es-
pece tres-commune dans le fleuve; en revanche,
le naturaliste-voyageur, accoutumé aux priva-
tions, trouve dans ce ~anton rme occupation
ahondante· et les distractions les plus agréahles.
Tous les jours nous faisions des parties çle chasse ·
dans .les forêts qui s'étendent jusqu'aux hords
du fleuve, et le soir nous en revenions si fati-
gués, qu'il nous restait à pein,e as~ez de force et
de t~mps pour écrire les observations que nous
avions.faites. ·
Je ·profitai surtout de .fabsence des Boto-
coudys pour visiter:etexaminerattentivementles ·
'huttes qu'ils venaient de quitter, et qui. étaient
situécs. à une assez bonne distance du fleuve ,
YOYAGE .
.. '
dans·m1e
.
.. solitude bien fermée. Je les décríraí
plus tard. Assez pres de ces huttes se.troúvaitle
tombemJ, 'd'un homme que j'e~sayai de fouiller.
li était dans m1 petit espace ouvert, au-dessous
d' au_tres tres-hauts, et couvert de búches co]lrtes 1,
m~is . ép~isses : quand elles eurent été enlevées
n~-{:.s vimes la fosse remplie de terre , ou nous
n'qperçuines pas ~utre chose que ·les ossemens.'
Un jeune Botocoudy nommé Burnetta, qui
nous avait indiqué le.tombeau, témoigna hau-
tement son.déplaisir quand nous touchâmes les
os : on abandonna donc la recherche, et 1'on ·
retourna au quartel. . ,
.Toutefois, jene renonçai pas au projet d'exa:-·
miner le tombeau, et ·au bout de quelques jours
j'y retournai dans l'espoir d' effectu~r mon des-
, seip avant l'arrivée des sauvages . .Nous nous
étions pourvus en conséquence d'une hache, in-
dépendamment de nos armes de chasse. Notre
plan était de terminer la recherçhe avec· la plus
grande promptitude , mais dans les· sentier.s
étroits qui serpentent entre les arbres gigan-
. tesg~eS de cette forêt , Ulle fou~e d' oise~llX in-
téressans retarda notre marche : nous en tu,âmes
quelques-uns, et je me pré parais à en .ràmasser-, ..
un, quand une voix rauqu@ m'appela d'.u n ton
AU BRÉSIL .
..
bref e~ dur; je me retournai à finstant, et que
l'on juge de ma surprise quand je vis derriere ·
_ moi plusieurs Botocoudys nus et bruns comme ·
les animaux des forêts, ayant ,tous de grosses
'\ plaques de bois blanc dans les oreilles et dans
la levre inférieqre ; je conviens que je restai un
peu s~upéfait; s'ils ·avaient eu des intentions hos~ ·
tiles, j'aurais été -percé de fleches avant d'avoir
pu deviner qu'ils étaient si pres de moi. Alors
je m'avançai hardiment vers eux, et je leur dis .,
le peu de mots de leur langue que je savais; ils
me serrerent contre leur sein' à la maniere des
Portugais ;· me frapperent sur l'épaule , et me
parlerent avec un son de voix tres-haut et tres-
rude. En apercevant un fusil à deux coups ils
répéterent plusieurs fois avec l'accent de I'é-'
tonnement : Pun uruhu ( plusieurs fusils ).
Bientôt arriverent successivement des femmes
chargées de sacs pesans. Elles me regarderent
avec beaúcoup de ,~uriosité, et se communi-
querentmutuellementleurs observations. Tous,
hommes et fémmes, étaient complétement nus ;
les hommes étaient de .- t aille moyenne, forts,
musculeux, bien faits, cependant la plupart un
.peu minces : les plaques de bois qu'ils avaient
aux oreilles et à la Ievre inférie-qre les défigu..:
I. 9
VOYAGE
:r~ient singulierement. Ils portaient· sous leurs
pras des paquets d'arcs et de fleches, et quel-
ques-uns. aussi des vases de taquarussu qui úen-
~ent l'eau. Leurs cheveux étá1e:nt ras.é s, à l'ex-
ception d'une couronne ronde au sommet de la
tête ; il en .était de même des enfans , que les
femmes portaient sur le dos, ou menaient par
la main. Georges, un des·hommes de l)la suite,
qui parlait laJangue de ces sauvages, éta!it ar-
rivé sur ces. entrefaites, fit la conversation ave c
'
eux, ce qui ]eur Ínspim toutde suiteUJ)e grande
confiance. l]s s'informerent de leurs compatrio-
tes que l~uvidor avait envoyés à Rio, et furent
tres-contens
. •en apprenant qu'ils le.s trouveraient
.
au destacament; leur impatience s'accrut m,ême
fi un tel point qu'ils s'en allerent à la hâte.
, En ce moment je me félicitai du délai que
m'ava1t occasionné la chasse en venant dans cet
endroit; si les sauyages dont la route passait di-
rectement à côté du tombeau nous avaient
surpris occupés à Íe fouiller, leur mauvaise hu-
meur aurilit aisément pu nous faire courir des
da11gers ( J ). J e remis donc l'exécutioh de mon

(1) Les n onvelles que j'ai ensu ite r eçu es du Brt!sil ' p1r
}il._p;l-ey'ress m'ontprouvé gue les craintes que j'avais oonçu,es
' .
AU BRÉSIL.
plan à un temps plus favorable. J'avais à peine
faitquelques pas que le chef de la troupé, lê ca-
pitani Juné, homme âgé, d'un extérleur fa-
rouche, mais . d'un h on caractere,
' s'avança tout·
à coup vers moi, et nous salua de la même ma-
niere que s~s compatrioles. L'aspect de ce sau-
vage éta~t encore plus extraordinaire que le leur.
Les plaques qu'il portait aux oreilles et à la
bouche avaient quatre pouces quatre lignes de
diametre. Il était de même robuste et muscu-
leux, mais l'âge lui àvait déjà imprimé des rides.
Ayant laissé sa feriúne en arriere, il portait sur
le dos deux sacs pleins et fort lourds, et un gros
paquét de fleches e~ de roseaux. ll avait de la
peine à respirer sous ce fardeati , et en outré
courait av~c vitesse' le corps courb~ en avant. 1l
comll).ença, de même que ses compatriotes; par
ine de1nander si ses camarades étaient revenus
de Rio de Janeiro : quand je lui eus répondu·af-
firmativement, toute sa figure exprinía lá- joie la
plus vive . .

d'une rencontre av~c les sauvages dans le moment ou j'~urais


été occupé à ouvrir un tombeau..Jl'étaient pas fondées; car ce
savant en ouvrit plusieurs, elle~Botocoudys mirent la maia
à l'ouvrage pour l'aider.

l'
VOYAGE
. Etant peu detemps apres revenu au quartel,
j'y trouvaí Úl} grand nombr~ de Botocoudys
couchés sans gêne . dans toutes les chambres de
la maíson. Quelques-tms , assís pres du féu ,
'•
fais~ient griller des papayes; d'autres rnangeaient
de la farinha que le commandant du poste leur
avait donnée, et plusieurs étaient occupés à re-
garder avec. étonnement mes gens, dont la figure
leur paraissait étrange. Ils ne revenaient pas dé
leur voir la peau blanche , les yeux bleus ei
les cheveux blonds. lls fureterent dans tous
les coins de la maison pour chercher .des
vivres; ieur áppétit était toujours tres-vif; ils
grimperent à tous · les pap!fyers, et des que la
couleur verte d\m fruit annoncait , un com-
m~ncement de maturité ., ils le cueillaient; ils
en mangerent plusieurs qui n' étaient pas murs '
apres les avoir rôtis sur des charhons ou faít
houillir.
)
Je commençai aussitôt un ·commerce d'é-
change avec ces sauvages, et je leur donnai des
couteaux, des ni ouchoirs rouges , de la verro-
terie et d'autres bagatelles pour des armes, des
sacs et d'autres ustensiles. Ils préféraient les ou-
tils de· fer ; De m~me que tous les Taponyas de
la côte oríen,tale, ils attacherent tout de ·suíte à
'

un · ·cm·don suspendu à leur ·cou les couteaux


qu'ils venaient de trafiquer.
Une scen~ inté.ressante pour nous fut celle de
l'ae~ueil que reçurent de leurs compatriotes et
de leurs parens les Botoc~udys qui étaient allés
à Rio ave c l'ouvidor, et qui vinrent les uns apres
les autres. L'entrevue fut tres-affectueuse. Le
capitam Juné chanta une chanson pour témoi-
.gner sa joie , et quelques-uns .d e nous préten-
.dirent même l'avoir vu pleurer de plaisir. Des
.auteurs et d' autres personnes racontent que les
L
Botocoudys, pour se souhaiter le bonjour, · se
flairent mutuellement l'articulation de la main;
M. Sellow entr~ autres dit qu'il a eté témoin du
fait ; mais malgré mes longues et fréquentes vi-
sites à-ces s~uvages, et quoique je les·aie souvent
vus se dire bonjour, je ~'ai jamais rien observé
de semblable, et je n'en ai pas même entendu \
parler.
Le vieux capitam s'était logé avec ses meil-
)eurs amis dans le hangar ouvert de tous les
côtés et si:mplement couvert en chaume qui
était destiné à la fa~rication de la farinha. A.yant
allumé un grand feu pres de la roue à broyer le
inanioc et du four qui sert à faire sécher la fa- -
rinha, ils s'étaient couchés à l'entour, enveloppés
t34 YOYAGE
d'une fumée épiiÍsse ~ et ét~ndu~ sur la cendrc,
qui donnait une teinte grise à une partie de leur
p~au brune. Souvent le capitam se levait, de-
mandait rudemt(nt et brusquement tfDC hache,
et allait cherçher du bois; d~ temps en ~emps il
ven3;it 9-emander de la far.inha a,ux Pertugais o_á
,à n?qs, ou bien secouait les papayers pour avo ir
leqrs f:r:uits.
Ce~t Bot~cou9ys_ quis.e montren~ des ennemis
s~implacables sur les hords du Rio-Doce, sont si
peu redoutés s.u r ceux du. Belmonte, que f on
s' e~t déj,à hlitsa.rdé à a.ller avec eux à la chasse dans
les forêts, à plusie.u.rs jóurnées de route, et que
I'm~ y a dormi ÇtVCC eux dans leurs cabanes. Ce-
pendant ces .es.s.ais. n~ som pas encore tres-fr:é-
quens, ca:r: la m~fiance qu'ils inspir_ent ne sé perâ
pas ·:ú&ément;,. Mais ce: n'~st pas seulement cette
méfiance ct la crainte de ·tomper mi pouvoir des
sauvages qui éloigne les Européens d~ ces course~
d.án:5 le~ fc;>,rê~ e? CQ:r:a:tpagnie des B.otocoudys,
ç'es,t la vig11eur incro.yabl~ de ces honímes de la
natur.e, qui ne se fa.tigue1;).t pas camme lesblancs.
' E:r;t effe~ , · J!OS. gens revenaient toujóurs épuisés
de . l;issitud~ .apr;e~. letu:s course.s dans~ les forêts
1

aveç l~s 13otocot.Idys.. La force musculaire . de


ceux-çi \~~ ren<;\ ca.p!Wl.~s. de gravir et de des-
AU BRÉSIL.
cendre les montagnes avec une promptitude et
une agilité extrêmes par la plus grande chaleur ;-
ils pémhrent dans les for~ts les plus touffues et
·'
les plus impraticables, rien ne les arrê.te ; ils
passent à la nage ou à gué les fleuves quand il!;i
ne sont. pas trop rapides. Entierement nus, par
conséquent exempts de l'embarras d~s vêtemens,
ils ne transpirent pas; ne portant que leurs ares
et lears fleches à la main , ~ils peuvent se pe~eher
avec fa~ilité ; ' leur peau endurcie ne redoutant
ni les piqitres des épines ni les acciden~ du
même genre' ils se glissent par les plus petites
ouver.tures. des buissons.,. et clans· rm jolll' par-
courent de .tres-longs espaces.
· Mes chasseurs.eurent entre autres une preuve
de cette supér.iorité physique des Botocoudys,
dans un jeune .h omme de cette nation, nommé
Ju'rerâcke. Il avait appris à tres-bien tirer un1
coup de fusil,, et était en ou\re,un archer tres-
disti®gué. le l'envoyais quelquefois dan;s.les .fo-
rêts av(O)c·, d' al.ltlies Boto.cpuc{ys. p.pnJi ehasser.; ces~
hommes Yí ·restaient qJ.lehJ~lefoi~ un, jour ,entier·,,
et je leur·donnais,pour leur peine un·peu de f~-.
ril).ha. et d'e11u-de-:vie, ce . ·qu\ Je!> • sati~?faisait,
J' aimais s:nr:tPUt a\ employer~,J lfl'erâcke·, , parce .
q1.l'il. éta_it . {o~,:tr - ad_r.oit, __ e} m,ç:int~/Üt, ~e;mcoup

!
r36 'VOYAGE
d'agilité à tous les _exercices du cor.ps. Mes chas-
seurs accompagnerent d'l\bord les Botocoudys,
mais bientôt 'ls se plaignirent de leur trop
grande célérité à la course, et les laisserent aller
- seuls.
La chasse nous occupait tousles jours dans les
environs du quartel. Ordinairemept les araras
se montrent peudansce canton quand ils voient
les sauvages , parce que ceux-ci les inquietent
toujours. Ils étaient revenus pendant l' absenc~
des Botocoudys; bientôt ils trouverent qu'avec
nos armes ele chasse nous etions des enp.emis
non moins formidables. Nous en tuâmes beau-
coup_, ce qui nous fit un double-plaisir, car tout
I~ voismage était absolument dépourvu d'aut~e
, gibier, -et les vivres que l'onnous fournissait du
quartel étaie~t souvent Ú1es1_1rés avec tapt de par-
~imonie que nouS souffrions presque de la faim.
On continuaaussi à pêcher. Peu de temps apres
notre arrivéeGn prit plusieurs espadartas OU pois-
sons scie (pristis serra) dontl;;t chair nous parut
de tres-bon gout. On n'attrape ici au filet qu'un
seul poisson; le crumatan ; mais on en prend
plusieurs à l'hameçon , tels que le ,r obal , le pia-
banha, Je .pia ce, le jundiah (silurus), le cassao
(sq ualus)., l' espadarta ; le çucurupara (sq ualu s),
AU BRÉSIL.
-le curubi, le camurupi et d'autres. Le cru-
matam est un poisson mou et rempli d'arêtes;
les sauvages le tuent à coups de fleches.
Les principaux ustensiiés de pêche e,mployés.
- ·s ur le Rio-Belmonte sont, indépendimunent
du camboa ou du coral, le taraffa , grand . filet
· rond que l'on jette comme l'épervier, et plu-
siei'lrs petits paniers, tels qne le paca, fait de brins
. de bois fendu ou de. roseaux tressés ; il est un
peu plat et recourbé , avec une ouverture dàns
la partie concave et intérieure ; le jiquia ; long
panier conique fait de ~armens de cipo fendus,
et tenus intérieurement à distance l'unde l'autre
par des cerdes de la même plante; le musuà ,
semblable aux précédens, mais: de fopme ·c ylin-
drique , pourvu d'tme · entrée aux deux extnf-
mités, et· fait .de mo·rceaux minces de canna
br-ava. Les ouvertures de tous ces pímiers , sur-
:tüut celles des deux extrémités du dhnier, sont
- garnies de pe~ites bague tes pointues , disposées
en cône et dirig€es vers l'intérieur, de manie1~e
que le poisson peut entrer, mais qt\'il_lui est im-
possible de sor.tir. On prend_principalement dans
ces corbeilles le camarao, grosse éc revisse orange-
brun<hre et rayée de noir, que nous avons aussi
trouvée dans de petits .IUÍsseaux de l'intérieur
r38 VOYAGE
eles forêts. On .d onne à ces ustensiles quatre à
I

cinq empans d e long. On se sert aussi de fuets,


de cordes qui souvent occupent un grand es-
pace, et avec lesquels plusieurs personnes pê-
chent dans eles canots difterens. Ün' fait encare
1;1sag~ du ciripoia, qui consiste en un sac de filet
.attacllé autour d'un cerceau; les enfans l'em-·
ploient dans les ports :pour prendre eles crabes et
ele petits llomards. Enfmle t~ pasteiro e.st un filet
fixé à quatre morceaux de bois disposés en croix
que I'on prom~me dans les ports au {on(J. de la
mer, également pour prenclre des crabes et eles
hq1nards; le pêcheur entre dans I'eau jusqu'~
la ceinture , . et marche à reculons. Il porte sus-
pendu à son cou \lll vase dans leque! il met ce
qu'il a pris. ,- i
.Les B~toeoudys, qvlÍ se. tiennent, v.olontiens
dans le voisinage des Européens ,. Faree qu'ils y
trouveJ.iÍ.t lf ur intérêt , av.aient de même que
nous.. fait .J;expérience que les, quartels. man-
quent quelquefois. de provisions ;. quelq:ues;un.s
avaient donc.étahli eles plan.tations ;,..on en voyait
une sur la rive septentrionale du fleuve -, vis-à,.
vis du quarte1. ·n y avait quelquM cabanes pres _
desquelles i,Ls avaient .plant,é des b.ananier:s .. lls .
ont ensuite abandonné les . cab~anes apces y avoiu
J.3g
· enterré quelqtj,es.,-u~s des leurs, et à le"Qr- Pet0ur.,
quand j'étais d~ns ce eanton, ils les :brúlerent ;
mais il~ ont so~gneusement conserv~ l~s bana....
niers à ca:qs~ d~ leur frqit. Quelques:Bot.ocoudys
fJ' étaient ~t~}>lis p)us haut le l<mg du fl {êuv~ ,
d:ms un ca.Jjlton du t;erritoire de Mi~as.,-Nov.as ,
et y avaient l!ussi for1né des plantations; ils
~' ont pas tard~ à reto.urmer dans les fo:rêt.s, et
les Macba~~lis ont formé sur le même emplace-
ment u_h gran.d rancharia 011 village. Ces exem-
ples prouvent' q~e les B.otocoudys commencent
réellement à s'approcher de la civilisation, mais
en même temps qu'il leur. sera tres-difficile de
r.enoncer entierement à la vie errante de chas-
seurs , naturelle à leur tribu, puisque · pour y
retourner ils quittentsi aisément les plflntations
qu'ils ont ·établies. L'accroissement de popula-
tion d:es Européens, et l'e. resserrement · des li-
n1ites du, terFa> i n ou ils. chassent pourront seuls
les déterminer gradaeHe;Uient à changer. leur
:rp.aniere de.VÍY·Ii'Q·
Les Botocoudys.vivant soas le. mê~e toit que
nous nous pr.oc;:uraie;nt ampl'e matiere à obser-
vations. et souvenli <il:es.s.d mes i.ntéressantes. Un
iour le viem:.capitam, de:t:!,t·Fa:vaisacheté Farc.et
l_e~ fJe.cb,es. , vÍnt me tr.OU.V,e r flOUI" me les em-
VOYAGE
prunter, parce._qu'il prétendait ~e pouvoir s'en
passe r pour chasser; je Jui accordai sa demànde,
mais I'époque à laquelle il avait promis de me
les rendre arriva, et je neles revis pas; je ne les
aperçus pas non plu~ dans les mains du sau.;..
vage. J e lcs ]ui demandai amiealement, ce fut
.inutile. Enfin j'appris qu'il ies avait cachées dans
la forêt; il se passa bien du temps avant que mes
réclamations série uses, appuyées par le com-
mandant du quartel, pussent décider le vie~x
sauvage à alie r chercher ces fleches et à .me les
rendre. Les haches, qu'ils nomment dans leur
langue carapo, et les couteaux ont à leurs yeux
la plus 'g rande valeur; ils se servent des pre-
mieres surtout pour fendre ~e pao d'arco ( bi-
gnonia), arbre dont le bois est tres-compact et
dont ils font leurs ares. Ils prennent ces deux
objets enéchangede leurs ares etdeleursfleches,
mais ils ont un si grand appétit ~ qu'ils donnent
les couteaux pour un peu de farine, de manioc.
L':tle sur · laquelle le quai'tel est 'hllti n'est,
eomme je l'ai dit plus haut , dégarnie de forêts
que dans sa partie supérieu;e et inférieure ; c'est
là qu~ ~' on a établi le~ plant~tion~ dont la gar-
nison et les Botocoudys tirent leu:r subsistance.
L'intérieur , est en partie encore couve1·t de
AU BRÉSIL.
broussailles ( capueiras ) et de forêts, oiJ. l'on
n'a pas ouvert de route; il en est de même des
bords du fleuve dans le voisinage. A l'exception
de la route de Minas sur la rive méridionale,
on ne trouve dans toute cette forêt quedes. sen-
tiers étroits pratiqués ·par les Botocoudys ou par
les bêtes féroces : voilà pourquoi nous faisions
presque toutes nos parties de chasse en pirogues,
nõus m~mtions ou nous descendions le fleuve jus-
qu'à une certaine distance; nous mettions pied
~ terre , puis nob.s nous enfoncions dans les fo-
rêts. Quelques-unes de ces excursions étaient
tres agréables, surtout en remontant le fleuve.
Cachoe1rinha, qui donne son D.om au cantbn,
e_st un lieu qui mérite une mention particuliere ;
il est situé à une demi-lieue ou trois quarts de
lieue au-dessus de l'ile dq. quartel; on arrive de.
Cachoe'irinha en un quart d'heure, parce. que
l'on est aidé par le courant. Le lit du fleuve y
est resserré entre de grandes md:ntagnes , et sa
surface ombragée par des forêts non interrom-
J?ues. Parées en çe moment des couleurs vives
du printeJ.?lpS, elles offraient un aspect ravissant;
le jeune feuillage_gris cendré , vert clair, ou
foncé, jauné vert, brun rougeâtre ou rose ; les
fleurs blanches, jaune foncé, violettes ou roses,
VOYA:GE
rivalisaient pour ajouter à leur magnificen~e.
límnédiatement au pied de · ces -montagll'es des
rochers baignés 'par I e fleu ve , les uns tres-gros
' .
et de figure singulier~ , fot:ment la branche
avancée du terrain montagneux de Minas, qui
commence en cet endroit ; . car plus bas l'on
(

n'ape~çoit pas de blocs de rochers dansle fleuve.


Un ilot situé pn~s du rivage ei- tout composé
de · blocs rocailleux est rémarquable .pàr 1a
quantité de nid.s d'oiseaux dont sorit ahargés
quelques arbres tortus •q ui y croisseht. L'oiseau
qui fabrique ces nids en fornie de bourse, avec
les fibres du tillandsia, est le japlii ( cassicus
oriolus ).à plumage noir et ja.une; i1 a de l'affi-
IÍité avec les loriots. Je ne I'ai pas trouvé ali sud
du Belmonte. li vit en société ; de même (ple
tous leS' cassiques , il se eonstruit un nid eii forme
de bourse, qu'il suspend à un rameau mince, et
y pond deux reuf~: ces nids étaiefit vides en ce ·
. moment. La ponte ayant lieu en novembre , eá
décembre et en janvier, lés pêoheurs preiment
les petits , , et s'en servent en guise d'app~t pour
lems hameçons. Les loriots noirs voltigeaient
en petites troupes sur les rochers voisins dti-
fleuve, etle tijé-piranga (tanagra brasilia, L.)
à plumage rouge de sang était tres-commun en
AU B..,RÉSIL.
ce lieu, de mê~e que dans tous. les buissons
Hmffus des borqs des rivieres.
, On arrive dans ce trajet à un coude ou le
Belmonte se resserre, et ou son lit est si rempli
de rochers, qu'il ne·reste au milieu qu'un canal
€ti:oit pour les pirogues ; le fleuve y çoule av~c
impétuosité, puís tombe doucement par-dessus
la surface plate des ~ocs. C'est cet endroit_que
I'on no~rue cachoe'irinha ou la petite cascade.
Le rejaillissement de l'eau a creusédans les.ro-
chers des trous ronds en forme d'entonnoir et
la plupart d'um~ régularité surprenante. J'avais
une grande ·pirogue conduite par deux Boto-
couJys, Jurerâcke et Rhà, ainsi que par un
de mes' gens ; mais le courant , était si violent
dans cet endroit, que ces trois hommes ,ne fu-
rent pas capables d' approcher le b~teau de la
chute autant que jç le désirais. Quand.on remonte
le fleuye on tire les pirogues à t~rre, ici ~idans tous
les endroits semblables .; mais ·e.n le descendànt,
0n les y fait passer, avec l' aide .de soldats des
quartels qui; en connaiss~nt bien la navigation.
Dans le temps. des hautes eaux on franchit
m~me presque sans risque et avec beauco].Ip de
promptitude des obstacles· qui clans les ·eaux
hasscs font courir des danger.$ aux manmers
)
t44 VOYAGE
les plus exp,éri!llentés. Dans-le moment actuel,
ou les pointes des rochers s'élevent au-dessus
de la surface de 1'eau, ce canton r~ppelle des
scenes pittoresques du même genre que 1'on v9it
en Suisse.
Plusieurs plantes intéressantes croissent ,ici ,
entre autres le ciriba, arbrisseau qui r:.essemble
à I'osier ; c'est probablement une espece de cro-
ton; Ü pousse des branches longues et souples
qui se,.rvent aux navigateurs à se retenir· pour
résister surement à un courant modéré; ce v~­
gétal parait être le seul qui rempl~ce le saule
sur la côte orientale du ·"Brésil; du {noins je ·
n'ai pas trouvé une seule espece de cefte famille-
dans toute la partie que j'ai parcourue. Ce lieu
produit encore un arbrisseau à b.ouquets ~e fleurs
blanches qJi exhalent. une Ddeur d'reillet tres~ -
agréable, et une autre plante,tres-jolie qui parait
avoir çle 1'affinité avec les scabieuses , et dont
les .fleuts couleur de rose parent l€s flancs gris
et nus des roches primitives. Plusieurs bignonias
qui penchaient leur cime au-dessus du fleuve
étaient en ce moment chargés de leurs belles et
grandes fleurs violettes qui s'.épanouissaient ;
elles· paraissent avant les feuilles.
Les seuls êtres vivans que l'on aperçoive en
AiJ BRÊSiL.
cet endro~t sont plusieurs especes d'hirondelles
qui volent apres des insectes à la fra-icheur du
tourbillon du fleuve. Mais j'observais entte des
morceaux de rochers, sur le sable, les traces des
Botocoudys, ína!tres de cette solitude ; l'ein-
preinte était d'autant plus pure et plus parfaite;
qu'aucune chausstire n'a en les comprimant dé~
figuré leurs pieds. Nous avons visité des cab:mes
vides, élevées par des minéiros qui voyageaient,
puis nous sommes revenus au quartel.
Durànt cette navigation nous avons tué un
beau myua ou anhinga ( plotzts anliinga, L.):
cet oiseau est tres-farouche; il faut pour l'attra-
per être familiarisé avec la maniere de le chasser;
et s'y prendre avec beaucoup de précaution. On
laisse à cet effet la pirogue dériver le long du bord
du fleuve; on tient son arme prête à tirer, eton
ne perd pás l' oiseall de vue; des qu'il comnlence
~ .Iever les ailes, il faut lâcher son coup; car·
ensuite on ne peut . plus s'en approcher. Mes
!Botocoudys se ·tinrént tres-tranquilles; je m'étais
couché ~d'avant de la pirogne, et je tirai; l'oiseau
toffiha aussitôt dans le fleuve; et alia au fond
sons le canot; mais· J urer~cke le retir.a tres-
~dr.pitement.
A notre retour au destacarnent Cili y man'-
n. 10
VOYAGE
' quait de.vivres, parce que la pêche n'avait pas
été heureuse. Eu conséquer:{ce' nous fimes 9es-
cendre le fleuve à nos -chasseurs dans deux pi-
rogues pour essayer ·d' avo ir du gibier. Ils fu-
rent plus· heureux qu'à I'ordinaire; car apres
trente-six heures ils revinrent le soir' rappor-
tànt vingt-un pécaris ( dicotyles labiatus~ 'C u-
vier).Jls avaient rencontré quatorze troupes de
ces animaux: l'onpeut, d'apres ce fait, sefigurer
la quantité prodigieuse qui ·habite dans les .fo-
rêts du Brésil. Les sauvagesleur font une chásse
assidue; c'est ave c les singes ceux qu'ils préfe-
re:t;l~ ~ tous les autres.
L'arrivée de . nos chasseurs 'avec les pirogues
chargées de denrées si précieuses fut tl'es-agré~ble
non-seulement à nous ·autres Européens affamés,
mais aussi à la troupe des Botocoudys, qui s~m­
blaient avec leurs regards avides dévorel' tout
~e gibier. Ils niontr~rent sur-le-champ unea?ti-
Nit~ extraordinaire) et offrirent de la maniere Ia
plus pressante de flamber et d'accom,moder ces
p.écaris si no.us voulions leur en çlonner' un peu.
Comme ils : sont tres-habiles ~. celte. besogne ,
nous consentlines- à leur démande; et aussitô.t
jeunes et vieux mirent la n;tain à l'ouvrage s_ils
allumerent en un clin d'reil p\usieurs_fGtlx., -Í~a~-·
A tT 'BRÉSIL.
serent les pécaris.à h ílamme' en brulerent les
poils ~ les raclerent· complétement; les vid~rent,
et 1es la'verent à la riviere; on' leur donna pour
leur peine la tête et les intestins. · Ens.uite les
. soldats dépecerentcesanimaux, et les couperent
en .- peths :morceau:x polir les saler, ce qui nous
procura des vivres pour quelque temps .
. · · indépendamn1ent de ce gibie~, qui s~rvit à
sa:tisfáir·e un besoin pressant, me~ chasseur·s
ava:ient aussi rap'porté diver; ·objet.s d'histoire
naturelle trc.~~s-intéressans, entre autre un ãn-
~ima ou kamichi, qu'il n' est pas facile de tire r.
En ayant ·aperçu un' · sur un - bane de sáble;
ils s' en appróc.herent t~:mt dçmcêment, et d'un
coup de . fusil Iui cass·e rent .I'aile. On puÍ le
garder envie pendant quelque'temps·, et j'eus ie
loisit·. de l'Óbservet·. Buffon l'a décrit avec 'assez
d' exactitude. Celui que ·favais était un mc1le'; il
av.ait ~ sur.>le f'ront une corne assez grande·, iin-
plantée sur la peau . et' par conséquent mobile :
la femelle · en a une· pareille. Les Botocoudys,
animés . par notre zele pour la chasse ' firent
aussi des excursions dans .les forêts; ils en rap-
porterent des c~rfs, des agoutis et d'autres·arii-
ma!lx qu'ils · mangerent presque tous à l'instant
:mêm~. lls rôtirent la· chair; c'est ce que J?on
VOYAGE
app.elle boucaner ou muquiar, et firent séehcr
e,e qu'ils ne eonsommerent pas tout de smte. '
Aho , mon aide·ehasseur, tua tm jour du haut-
d_''Qll arbre plusieurs pieees de gibier, et les · .
apporta tout joyeux; apres une ehasse heureuse
il en parLageait toujours le produit avec ,ses
compatriot,es .
. Plusieurs Botocoudys 'étaient allés darts les
forêtsavee deshaehes qu'ils avaient empruntées,
~fin de fabrique r de nouvelles fleches et de noq-
veaux ares pour remplaeer eeux . qu'ils nous
avaient vendus. Le tapieuru ou pao d'areo, q.ui
leur sert à .faire ces armes, . est un arbre dur;
eompaet, qui dans les mois d'aout et de sep-
tembre polisse de beiJes feuilles bruh rouge ,
et porte ensuite· de grandes fleurs jaunes. Son
bois. est blanebâtre ; le ereur en est jaune de
soufre; c'est avee cette partie que les sauvages-
du Belmonte et des pays plus au nord fl!>nt leurs.
ares. Ce tr~vailleur co~te beap.eoup de peine;
c'est pourquoi ils le redoutent: ils aimai'eilt miem~
nous emprunter des ares que d'en faire ; quel-
ques-~s même eberehaient à nous les en-
lever.
Ayant tout le loisir de remonter le Belmonte
en pirogue pour connaitn;; . mieux les animaux


AU BRÉSIL.
qui remplissent les forêts donf il est entouré ·,
je .!De mis en route pour le quartel d~ Salto :1
é1oigné de celui dos Arcos d'une dolizaine de
lieués par terre :1 mais de trais jour,nées de route
par eau : quatre hommes dans une pirogue char-
gée peu pesamment sont obligés ·de prertdre
beaucoup de peme pour effectuer le voyagc
dans ce délai. Mon canot, qui était assez léger,
avait pour çonducteurs quatre nillriniers ou
canoeJros :J qui connaissaient parfaitement le
· ,fleuve : je partis du quartel à' midi, et je n'dlai
dans cette journée ·qu'au-delà du Cacqoeirinha
ou de la partie mférieure du fleuve. Je franGhis
]a cataracte. ·Les banes de rochers qui resse.rrent
]e Rio - Belmonte remplissent son lit ; à dix
minutes de distance , il tombe en écuma~ar..­
dessl,ls cet obstacle :J qui gê:ne beaucoup la
navigation ,' quand on descend le fleuve ,- les
roçhers saillans et les canaux sinueux qui les
séparent rendent le passage dangereux pour les
pirogues à cause de l'impétuosité de la chute
de l'eau. Avant d'arriver auCachoé'irinha, nous
nous so;mmes arretes • , < •
a sa nve men' 'd'tonale, afi n

d'aller couper dans la forêt de longues perches


( varrú) de bois dur et souple , donf on se sert
pour fuíreavancer la pirogue. Nous avons c011pé
aussi de long cipos : on fit avec trois ou '.quatre
de ces tiges fortes et ligneuses une corde :sblide
( regeira) qui fuúttachée à l'avant de·b pi-.:ogue
pour la haler. Ces préparatifs terminés, nous
avons en~repris la t:khe difficile de remonter
le Cachoe"irinha. Deux matélots qui tantôt mar-
chaient dans l'eau jusqu'aux hanches., tantôt
sautaient de rocl~er en rocher , et qüelquefois
tombaieri:U:hms la riviere j usqu' au cou, entre les
ble-c·( de pierre, 'tiraient apres eux les pirogues
vides que le~ aut; es personnes poussaient par
derrierc· Quant àmoi je grimpai avecmes arnies
le long clu rivage sur les rochers.
Je tuaí dans cet endroit une espece d'hiron-
delle à queue fourchlie que je ne connaissais pas
enc, e ( 1) , d'autres especes, la blanche et la
jaune, et l'hirondelle à gorge rousse (2), y volti-
geaient en grandes troupes. U n gobe-mouche
àplma nge en partie roux niche· aussi dans ces

(1) Ilirundo _melanoleuca queue fourchue , dessus du


•corps no ir, dessous blanc, bande trausversale no ire sous
le gosier; longueur totale cinq pouces quatre lignei et demie.
(!!) Himndo leucoptera etirregularis:.la ,derniere, à gorge
roux clair, et à ventre jauuâtre blanc, est prob~blement
l'hirondelle à ventre jaunâtre d' Azara. royages., . tom. IV,
pag. 101j
\

AU BRÉSlL.
l'oéhers (1). Dans le sertam de .Bahia . on le
·n omme gibao d'e couro ou jaquette de cuit·. Il
se trouve dans Minas et même sur la côte orien-
tale, mais plus rarement, et se . tient ·surtout
dans les tas de pi~rres, Ó~ sur les toits .des mai-
sons. -On le voit souvent dans les rochers du '
Belmonte, perché sur la poiilte d~ blocs, voler
apres les i1isectes, en s'élevant directement en
I'air , puis revenir à sa place.
T outes les plantes que j' avais récemment trou·
vées danseet endroit tleurissa~ent actueUement,
de même que plusieurs especes de hignonias ,
tlont les fleurs roses ou violettes paraissent avant
les feuilles, mais malheureusement passent et
tombent trop vite.
Quand mes canoeiros eurent franchi les cata·
:ract~s ~u Cachoelrinha, Ie jour touchait à sa fin:
En c~nséquence nous pdmes le 'parti de passer
la nuit sur un bane de sable pres du rivage, au•

(1) Muscicapa rupestris, Nouvelle . espece, longueur six:


pouces o~e ligues; tout !e dessus dit corps gris fonté brun;
le dessous de même que la queue. rou~ ela ir; plurnes de la
queue rousses à larges_pointes d'un brun no ir; plumes dll
tlessus de l'aile bnm noir· avec deux: raies transversa!ea
irrégu Iieres rousses.
. VOYAGE
dessus de -la chute. Ce lieu s'appelle Raçasei'ro.
Le·soleil nons éclairait encore, etil faisait déjà
uuít dans la forêt ·v.oisi:rie. La voix rauque des
11raras retentissait de tous Ies côtés. Comme le
temps était beau et · s~rein, noús avons passé la
nuit à la belle étoile pres d'uil bon feu: j'étais
envél0ppé d1une grosse couvcrture de·I;úne; les
canoe'i ros s'étaient mis à l'abri d'une natte de
paille (esteira), une gtandé péau·de breuf set;he,
étendue à terre' nous servait de tapis ..
Le lendemain matin nous avons continué
notre navigation. A partir de' cet endroit la
pente du- fleuve devi(mt moins considéi·able _;
mais son aspect ne change pas·;- son lit, ~uoins
profond, était entrecoupé de gros blocs de gra..:
nit, dont le nombre augmentait en se rappro..,
chant du rivage ;. ils 'étai~nt de plus f0rte di~
mension sur le bord de la forêt, et extrêmement
serrés le.s uns contre les autres. Ces 1:~chers, qui
partagent la riviere en plusieurs canaux' indi-
quent par leur nature que ses eau~ vienl.1ent d~s
hautes mon~gncs de Minas. Plusieurs renfer~
ment une grandelq1lantité de mica, et r on trouve,
~ans tons les rtússeaux que le fleuve reçoit, de
l'or et même des pierres précieuses. L'eau d'U
J3elmonte, ja'Unâtre et trouble ~l' époque du gon~
. AU BRÉSIL.
flem~nt des rivieres, était en ce moment claire
et limpide , ce qui nous ,donn'ait la facilité d' é-
viter les rochers qui se trouvaient au-dessolis de
sa surface. Les x:ivages rocailleux de cette vallée
-s'élevent brusquement avec les forêts qui les
couvrent , et les gros .blocs de rochers se pro,-
longent .jusque dans la forêt. Plt]sieurs especes
d'arbres perdant leurs feuilles à cette époque,
et d'autres en plus grand notnbre restant tou-
)ours verts , la-forêt paraissait ici moitié verte et
moitié grise. ~n allant vers Minas, ce phénomene
tJst encore bien plus frappant, ' et même dans
plusieurs cantons les feuilles tembent entiere-
ment. Cependant la variété .du jeune feuillage
qui poussait en ce moment, commençait à
donner au paysage une vie e' un charme n~u...,
veau : le tapicura ( bignqnia) était conv~rt d~
l
ses belles feriilles naissantes rouge bru~âtre ;
les quateles ou sapucayas é.talaient lems çimel!
çouleur de rose : la buginvillea brasiliensis
entourait en serpentant lefaite d'ar).:we~dont un.e
l

partie ~'était pas éJcore en feqilles , et les re 7


çc;mvrait de scs fleurs d'un rose foncé, epfin plu-
sieurs especes de bignonias, les unes à tige droite,
les ,autres rampantes à terre' les autres grim-
pantes, étalai~nt la variété de leurs fleurs roses,

)
t54 ·· VOYAGE:
-yiolettes, blanches· et jaunes. Dans cette sa.isÔil
il serait presque impossible à un peintre de pay-
sage de représenter fidelemenda diversité et ·le
mélange .des couleurs des cimes gigantesques
de ces forêts antiques, et quand même il y ré~s­
sirait·; quiconque n'a pas vu les contrées équa-
toriales , regarderait son tableau coÍnme une
.pure fantaisie de son imagination. ' '
Nous avons eúcore été obligég,d'employer les
moyens pénibles décrits plus haut pour nous tirei· .
du milieu des rochers, et traversee les courans:
souvent les hommes qni tiraient la pirogue tom~
baient dans l'eau j usqn' au cou, mais"sans làiss.ee
échapper la corde qu'ils tenaient à la main. ·
La chaleur était forte, des nuées de mohs-'
tiques:'nous tourmentaietit :j on d~t qu'elles· sorit
encore plus insupportables à I'époque des hautes
eaux·. Le sóir du seconcl jour ·nons avons encóre
nllumé·le feu sur un bane de S(lble~ la lune nou§
éclairait, et nous annonçait dn bean temps pour
le lendeniain. Le matin toute la vallee du Bel~
monte fut v9ilée d'un brouillard épais, mais ilne
tarda pas à·tombee; le ciel s'étant éclairci,_nóus
-.imes . une troupe nombr€1use de grosses hiron--
delles ,de la ·famille eles cypselus; 'c'étaifune
nouvelle espece, clont le plumage noir ele suie

/.-- -
AU BRÉSIL.
·n' avait rien ·de . reinarqu~ble :·leu r v0l extrême-
ment précipité nous empêchà d' en tuer aucune. __./
· En continuant notre navig~tion nous avons
passé de.vant de· _ gr~ndes masses ·de. rochcrs,
. .·. .. ;. , ' . ,
pms nous sommes arnves a une cataracte tr~s-
forte; nous l'avons franchie. de même que les
autres #i l'aide du régeira, sa~s décharger not~e
canot: Nous ~võiis ensu~te atteint un lieu ou le
fleuve c"ouie as;éz également et 1~' a pas beaucoup ·
de cot;trant. A la rive septentrionale ~n ~-ocher
s'éleve 'en saillie au.:...dessus du fleuve, et offre à
sa base l.me espece .de cave:rne. Ce lieu porte fe
nom de 'Lapa dos ininei'ros ({votte des mineurs),
mais ce n'est qu'ún recoin formé par la sai).lie
des rochers et couvert , 6u les voyageurs ont
coutume de passer la 'nuit quand elle les sur..:..
prend dans ce canton , parce· que le feu qu'ils
allument ·est parfaiteni~t à l'abri du vent et de
la pluie. ·
Derriere cet endroit les montagnes qui ren-
ferment la riviere se resserrent; ses bords sont
couverts ·de gros blocs de rochers ; nous avons
fait halte un instant sur les bords d'un corrego
ou petit ruisseau. Mes canoeiros desc~ndirent à
terr e póur :chercher des pierres à aiguiser; tous .
les cailloux róulés ·de ce petit courant d'eau
I 56 VOYAGE.
offraient les différentes especes de roches de
Min~s, m.êlées ·à béaucoup de niica. Mes gens,
parmi lesquels il y·avait un mineur expérimenté,
prétendaien t que souvent l'on trouvait íci de l'or,
et que, d' apres l'aspect des caillop.x, ori pouvait
juger avec certitude de la présence dl.l métal. Le
lit de ce tonent bruyimt, ·qui trayerse 4es çan-
.tons absolument inhabités par les hommes, nous,
a offert des vestiges de tapirs et de pécaris, pai-
sibles habitans de ces solitudes, Le cOJ·rego leur
fournit, même dans la saison des pluies , de
l'eau claire et limpide , et le desert qui les en-
toure leq.r assure une retrai te commode et sure.
Nous avons encore· franchi plusieurs petites
cataractes, ou nous avons eu beaucoup de peine
~ faire avancer notre piFogue à cause du peu
de profondeur de l'eau. Le soir nous avons
campé sur une plage sablqnneuse le long du ri-
vage entre des rochers , dans un endroii oú le
fleuve est tres-resserré. Deux çougouars avaient
récemmeut rôdé dans les environs; ltmrs traces .
étaient encore fra!chet> ;_nous étions occupés à'
]es examiner lorsquc notre a\tention fut attirée
par une t:ompagnie de loutres qui descendaient
le fleuve en prenant du poisson. Elles levaient
assez souvent leurs têtes au-dessus de l;eau, et
' \
AU BRÉSIL.
l'eniflaient fortement. Malheureusement elles
étaient trop éloignées pour qu'nn coup de fusil.
pút les atteindre. Cet animal dévore dans les ri-'
vieres une grande quantité de poissons, doat o11
t'rouve les restes surles rochers; j'y rencontrai
souvent la tête et les arêtes du cou d'une es-
pece de silure jaune brun, à taches _noites et
r.ondes (1): ces,partie1ldu:res semblent répugnet
à la loiltre, qui les laisse de côtê. ·
. .
Plusieurs autres animaux se montrerent
.
aussi
.
dans le voisinage de notre campement ; les ara~
ras se faisaient entendre dans le haut des forêts,
et de grosses chauve-souris volaient au...:dessus
de nos .têtes lotsque le jour coinmenç~it -~
baisser. Apres que la tmit eutéten~ht ses dmh~es·
sur tout le pays, nos oreille,s furent frappées de
voix singulieres et inconnues de chouettes · et
d'engoulevens.
Le lenden1ain matin un .broU:illard épais en~
veloppait encore tout le voisinage; il n'était pas
ft·oid ; mais. il était fort htunide
. : bientôt la cha-
leur du soleil du tropique le dissipa'· et nous

( 1) Ou le nomme ici roncad~r : a.u sud de Villa de


Victoria on donne ce nom à un ~~;utre poisson. Je n'ai pas
i;U l'occasioir de· voit le ptem'er tt>Ut entier.
t58 ..VOYAGE
eut promptement séchés. Nous. continuâmes en..;
suite à nayiguer jusqu'à la ca"tar~cte la plus con-
sidérable que nous eussions encore eu à.franehir.
n fallut déposer la cargaiso~ de .la p,irogue sur
une lle rocailleuse , et .chacun mit la main à
l'ouvrage pour élever l'embarcation au-dessus
~'une roche haute de trois. pieds , .hesogne que
le courant de l'eau rendai4 encore plu~ 4ifficile.·
.
L e transport de la p1rogne sur ,l'tl'l'
e~ - _
,.,
extrermte
de laquelle on avait pl~cé la cargaiso:r:t çoflta des
peines infinies; en~uite il falhlt la vider., la ,
charger de nouveau et la remettr~ à.flqt.
Tandis que mes gens étaient occupés avec, la
pirogue, je jetai par. hasard ,les yeux sur 1'aÚLre
. . ' . "
nv~, et a ma surpnse extreme . 1 aper_
.,
çus un
grand et vigoureux Botocoudy ,assis les . jambes
croisées. · ll s'appelait Jukakemet; me.s gens:le
com1aissaient bieu, mais ne l'ayaient p~s , re-,
marqué. ll avait été spectateur de notre: tra-
vail sans,donner le moindre signe ,q'e:;is~enç,e:
ce corps nu gris brun ne se distinguait pas hea}l-
coup sur le fond gris des ·r ocher.s .i c'est p,our-
quoi ces sauvages peuvent s'approcher beau'-
coup sans être aperçus, et les soldats qui, dans
d' autres cantons , leur font la guerre , ne sau-
raient trop se tenir sur leurs gardes. Nous avqJ?.~
AU BRESIL.
pcié le Botocoudy sol~ta'ire de venir nous trou-
ver à .la l)ag~; . ilnous fit ent~ndre que la ri-
viere était trop rapide, qu'il allait retourner au
qua1:tel do. Salto , qui n' était. pas tres-éloigné ,
et qu'iliJÓus. y ~ttendr.ait. ·
·Naus avons vu aussi à la áve septentrionale
des BotOcoudys qui allaient à la chasse avec un
soldat . dn quartel ; ceux-ci ne ·voulurent pas
non. plus nous accostcr. Apres avoir passé de-
vant un,:pan . d~ rocher:s, . tr€s-haut, noirâtre; et
traversé de veines de quartz jaune ,-noas somines
arriv:és au port -du qua;rtel. do Salto. La riviere
cessant, à cáuse d'une .chute considérable, d'être
navigable .dans . Ie voisinage . de ce poste mili-
taire, on est obligé d~ débarquer .avant d'arri-
ver. à, cet endroit, : et de faire le . chemin par •
t~rre en fra~cbissa:nt une montagne; puis on se'
r:~mbarque au-de!à .d u quartel dans d'autKes pi-
rogues. J e .fis 1 décharger 'mon bagage, que I'on
porta au quartel, · oi.1 I'on arrive par un .sentier
. tres-roide : . on a bâti sur la hauteur 1m petit
hangar. pour y..déposer;, les ·. marchandises :qui
vont J Minas .
.L' o~ e,ntre en haut da.ns une grande forêt
oi1.le$ bromélias fonnent à la sur~ace de la terre
.u n hallier impénétrable , et ou des . begonias
VOYAGE
hauts de sÍx ~ huit pieds , avec leurs grandes
feuilles ( 1), crois~ent en ahondance. On y voyait
· le fromager ventru ( bombax ventricosa. Ar-
1ruda) d'une dimension gigantesque; son tronc,
mince pres de terre et à la cime ' est renflé au
milieu; ce qui lui fait donner par les Portugais
le nom de barrigudo. n y a plusieurs variétés
de ce fromager : I'une a une écorce lisse, seu-
lemeilt un p;;u froncée ; une ~utre a la tige
munie de piquans courts, robustes, émoussés;
les feuilles solitaires de la cime peu touffues
sont palmées ; dans quelques variétés elles sónt
à deux ou à trois lobes , et dans d' autres en-
tieres. Les fleurs sont grandes, belles, de cou-
leur blanche ; en .se flétrissant , elles tombent
et couvrent ]aterre. Le tronc énorme de cet ar-
bre est pl~in d'une moelle jutéuse et mollc;
I'on y trouve plusietirs grosses larves d'insectes'
que les Botocoudys recherchent, qu'ils font rô-
tir 'à des brochettes de bois , et qu~ils mangent
avec avidité. Si I'on perce I'arbre, il en découle
u·n sue tres-visqueux ou une sorte de résine.
Un petit sentier solitaire conduisait d'un

(r) Les especes de begonia sont tres·nombreuses au llrésfl;


quelques-unes deviennent extrêmement hautes et f~rtes·,
A'0: SR.ÉSIL. r6r
-cóté.au sop1met des hauteurs ou une horde de
·. Boto,êoudys · s'est établie : plusieurs d' entre eux
. vi~Íte~t .soU:v,e nt ,le destacament, et y travaillent
·pend.ant un certain tep1ps; pour leur._ peine, on
leur donne; à mangei·. · .
On a à peu pres uiie defui,legoa à fair,e ·par
·terre: jtisqt1'au quartel. Le ch~min va en mon-
;Íant ·et .en.deséendant à travets la for~t, cé qui
rerid ·extr~men:tent pénihle le .transp~tfldes ina~
·chandises, que .i'on est obligé de porter tôuies à
bras ,d'ho:rnme.· · Le . qu~rtel do ·SllÚo est sitrlé
..Sul: lé fleuve dans uir enrl.roit oir la vallée s'éiar·
-git -un p1eu, et 'oi1 dahs le te~ps "des basses
~aux. ori apérçoit de chaque p.ôté, du;fleuye 'll,n
Jemplacement . couvert l de cai).loux roules. ~es
.. bãtii:Ú_ens ,sont en tE}rré' et couv~rts de grands
• • • 1 • t ~ . , •
'!í\'.fôreeanx d'éçorce qe pad d'a'f'co .. Le comman-
·darttJ qui était un·sous-officier (cabo) ei·homme
·de~cóu.leur•, · m'accueillititres-hien , -et me con-
·duisit dáns une· chambre; : il n!avait avec ]ui
·que:·.deux' soldats , ·l~s . aÜtres. étaient alié~ à.Mi-
nas·en -pirogue. En. revan.e~e toutes les cham-
_)lres--étaíent. plemes :de Botocoudys, au~quels
·on .avait permis d'y .demeurer.· afin de faire I~
paix avec eux. J'y trouvai la vieille femme du .
· capitanl June , .. aussi _n ue que lui ;-, ellé y était
· rL 11
I

. ·voYAGÉ
resiée, lorsque Ie reste de la camp~gnie partit .
paur le Cachoe1rinpa. Indépendamment de «étte
femnle extrêmemen't .laide., ii:y en av:ait d'au:_

tres tres7bieri faites .: l,a, plup.art é.taient pem·t~p
à Ieur maniere. Les.unes avaient láissé au carps
Sa cau}~UI; natur~llf, ; }çur vi.s~ge sew, dçptÜS

le haut jusqu'~ Ia ®uch~, .était ~~d)Ítté .dç ·,,


rauge ·avec Ie: r<?-cou ;, ,d'au~r~s ;aYJl}~ni le .c 9r.pfo
peint.en
\
.nair ., maiS le'S mains ., . les. pieds. -
,et,Ie
' visag~ é~ent dép<?ur.vus de . CE).t ~rn~m~p.t . .
• .;J'uhleinet pa:r:ut auss\. : c~étJ).i..t; . JID ~es ,pllis .
grahds BótQcóudys .q~e-. j'~ie vQs .; il, ayaj.{ au~
oreil):es_ et ·,à:Ia' J?o.ucneudes. plaques tres-,grandes.
On me raconta que peu de temps auparavant
ii ávait .eu une .dispute.:Vialente .avec lê' cap~tam
. ' ' ' ;
Gipak~iri ., chef dAne autre~troupe,_, et. qu ay~t
parté Jes mains .stJ,r Jui., ce d~rni~r Juj, avro.t tÍr_é
une fl ech e qut• l'av:a\~
l • 1'egerement hlesse' :ao., coú.;.
I

Jukiike.met naus :en ·:mohtrll, la cic!ltrice: il _éVi-:-


~tait soigneuséme:ilt ·tons le~ . canto~ dan5 .les...
quéis rodait le.. cap.i!mn.Gipafeiu, :qui, en. <1e
. mame~~~' se tr.ouvait. sur .la _rive. septentcionaie
.du fle~':e, q~its le vaisu1~ge .dú~q~ar.tel dos .Ar-
ca,s , accupé : à la cbassé des .-P.écaris dans les
gnandés far~ts ..
La .roüte de Minas ,passe tout prês des hâti-
(

._,
Atr BRÉSIL. t63
r-'
n'lens du desbcament; à commence~ de ce lieu
elle est prati~able' et tres-bonQ.e de ce côié; tan-
dis . · · à Belmop.Íe l'ori ne pe~t enc~~e en
"'""''"'"'" ~insi . que je l'ai ohiervé p,l~s haut. .
, ·jours· auparav~nt une tropa de mu- .
lé~ chargé~ ·de ' coten~ était ,ill'rivée d~ Minas-
NéJvas ; elle ·-avait prig en retour d.u. sei; denrée
qUi rhanqué:da~Jés pays haó.r-s. Des .mineiro!?-, ~
que -u~-· comniercé avait' appelé~ en ce Úeu', s_e .
.-.- plaignaient ·.heau'co:ttp de . l'a'Hanâon. áuquel on
livrait, dap.s la p~rtie inférieure· du cours du
fl~uve ·, .ce\te1 róü.te si : vante~. Q~arid iÍs-la p;r-
cour~nt, ~s ~onne,:rit:~o~ Ies }~~s à ~~~rs ~~­
l~):s un mélange d líüil:e et · de ·pcj5 udre a t1rer ;
il,s disent que c'est un-excellent pikervatif contre·
les mauvaiS effetS d~s pâti.ú·~ges mill'aisa~ qne' .
ron -rencóntré en quel«[ues éndroits : on 'a aussi .
ce
dans cas l'us~ge_ Jde leur domier un peu de
sei: Si cette route était 'réellement aussi bonne
qu'on ·l'a dépeinte, il- s'·étahlirait· en peú . de
temps un colhmerce considérable avec lV.P.n,a~ ,,
pa~ce que· le transport des inarchandises· .par
eau, dépu~s Salw est <acco~1pag~é· de h~~U,c0up
de: difficúhés·, et que ; de· plus , ort n~-' peut les.
amener' qu'avec des peines exir~ordió:aires du
lieu de déoarquement au quartel: U serait fort

).
I
I
VOYAGE :
aisé d' établir au }uoins ·t,m chemj.n praticable ·
p~m l_es yoitt~re~. dep~s Salt~ j~squ'au li$u - d~.
débarqueme_nt, ·et l'oh chargerait les m~rchan- ,
. t •

dises sur des charrettes att~lées de ·


dans ces déserts ~Í'ind~strie des llOJPlffi€!~
pas si loin. lf f~u~ espérer ,qtt,_<t le~ plaiht~s d!!-:-
j ' ' -

vexmes.'' récenune~t· si . ~ives · et . s~ : gén~~a]e~ _sur·


V\
le ma tivais état (l'u~e gra~1d~ Hat~tie. de cette·
"route., donnerÓnt Íie_u. } ún' e~·amen
.. ~
soigneux,et
. . '
à une réparation complete .de cet ohjet.
Jerestaile jour·suivant à, Salto, _et ,de bon
matin je fis une .p romenade, Sau aut., qui n'est
p~s éloíg~é. ·L e ))~u~t qu'il fªit l'annonce_ de l9in :,
ll fimt g•:imper sÚr d'Jno'rmes rochers entassés
confusémm;t _les ~ up.s sar ·les imtres ' , pour jouir
de, ' . la vue de cette chute.' Le fleU:ve resserré se
~· -
précipite 1avec grand frac~s et~ en éc~mant par-
(J.essus la barriere que I ui ópposent les rochers ;
lç rejailli~sement de ses ea~x· p~Ç>duit un brouil- .
l~Fd blanchâtreet une' pluie. extr~~ement firie;
nn peu plus bas _i). .fait une._seconde cln:;te plus:
ç_onsidé·r~ple. Je m~ . rape)~Í .~!VCC . plaisir · en_
~-e mo~e1~t )que huit, .ânl> . aupáravaÍlt . j'av.ais.
0

joui"e n ~ Suisse du coúl) d' reil de c:isc·ades bien


ph.1s con~~dérable~; plusieursAéle celles;·du Bel.:..
n~~nte, nota~m.ent 'les _Çaehoe'ira do Inferno,

I
AU BRÉSIL. 165
.

. . dóivent ressen:ibler en petit au randal d:' Attires


I
...
et ,de MaypouresdontM. deHurhboldt a don.p:é
une description si intéressante (1); mais elles
ne sont peut-être pas si res~errées ni si: rapproéhées
lés unes des autres que celles du ·colossal OrériC?-
que. Sur les blocs de. rQchers humectés par h.t
pluie du ,rejaillissement du saut croissent de
.:jolis arbrisseaux, ·entre a:Utres un myrte tt feu:iUés
étroites qui en~ce moment éLait e:h. fleur;
Un autre motif qui m'avàit engágé à rester u11
, jour de plus ·en ce 1ieu était 1'espoir de in~ prÓ-
cure r un crline de Botocoudy : j'avais été e:m.:...
. pêché de fouiller enti~rement un tomheau pres
· d!.l quartel dos Arcos, pour m'en pro~urer un ·;
je fus ·plus heureux ici. .A quelq~e di~tance d'Íl,
·quartel , on avait enterre daris 1~ forêt, au-des-
\ ' ' l .

sol!-s · de plantes grimpantes· chargées· de fleurs


magnifiques, un jeune 'Botocoudy ~gé d'U:ne
treritaine .d'aiinées, et .un des guer1·ier'~ les plus
turbulens de sa tribu. M unis de pioches, naus
-!iommes allés au toinbeâU: et n'ous avons · enlevé ·
lé· cdne; a~ premie r c<;mp d' reil il m'offrit urie
singularité d'ostéologie. La plaque de bois· de b

(1) An~ichten det· .Natu.r, p. :;J L


Tab,leau:r: de la Nature, tom. li, .p. 3::> 8.

\
166 VOY-'}GE
. levre inférieure avait non-seulement déracine
, les dents de la rna~bqire d'en bas; elle avait aussi,
. dans ce . crâne . d'un: homrne encore )eune,
.comprimé e~ .oblitéré entieremend.es alvéoles,
.ce qui n'a ordii1a~rement lieu que chez ,les
individus tres-âg.és. Azara dit, dans son Foyage
de f4m.eriqlil~ meridirmale, q~e ~es os des In·
di~ns ~e co~v.ertissent plus proinptementen terre
que cep.x des·Européens(I). Cette" as~ertion ne
.s'ac·corde pas a:vec le pa~sage d'Oviedo rapp()rté
~ par, Soutbey. (2.), suivant lequel les épées .des
.Espagnols ne po~vaient pas entamer les crfules
des lndiens parce qtiils ét&ient trop durs : peut·
être . ces deux opinions sont-·elJes égalém(mt
.mal fopd~es: .
Malgré mes précau\ions ·p our tenir secrete la
fouille,du tombeau, le hruit ne tarda .p~s à s'en
, r.épan~r_e áu qnartel, et·exci1a une grande ru-
meur parmi les sa~vages; poussés par la curio....:.
.sité ~êlée à une horreur secrete,. plusieurs vin-
rent à I~ porte de mon loge,m ent, et demande- _
rent à voir .la têie; je I'avais cachée dans mon
~offre,·et je cherchais à I'envoyer le.plus tôt pos---

(1) History, of Brasil, tom. C p. 63o.


(:1) Tom. li, p. 5g. /

"
AU BRÉSIL.
sible à Villa de BehiJ,Onte. Cepend.a nt, eo~e
j~ l'ohseryai. en cette occasion, les Botócçmdy~
ae I;QOnt~erent tnoin·s licandalisés de mon entre-
prue que· nefavaient été les soldatsdu·quartel,
car quelques-uns de ceux~ci a'Vai(:Jnt re,fo.Sé de
m' a~d~r à fouill~r- le tómheau.
A yant te.rmipé 1but ce que } avais à faire dans.
cet endroit i:ntéres~ant ,_ je retõ.urnai au -port ,.
et je m'y emha~qtiai. . .La nav.igation . en desceu.·
dant le fleuve est tres_.promptê. Qn ~rrive en
rm jour à, l'lle Cachoe·irinha; nous francMmes.
la catar~_cte·de ce nom sans être obligés de chàn-
ger. la pirogue' et saJis· éprouver de grands ob-
SiaÇles. La pirogue, qui était tres-grande, em-
:barqua cepe dant bea11:coup d'eau , lorsqu'en
descendant .du haut des .rochers son avimt
plongea dans les vagues agitées par leur ehute.
Nous fumes tons mouillés , et im • petit Boto-
coucly que· .j'avais pris avec moi ; fut si alarmé
q':l'il versa des- torrens de ·Iarmes. L:.t pirogue
glis~a non moins ·heureusenient sur t~utes. ]'cs.
cataraetes.
. ' /
. Dans lcs .environs. du Lópa dos Mineiros,,,
nous vimes à la ,riv~méridionale d~s Botocoudys
oecupés à tuer des poissons. à coups de fleches • .
Celui qui était lc plus pres de nous. tit< aussitôt;

•.
VOYAGE
signe ave·c la main de l'aller chercher et de .h~i
dónner à mãnger. V oulant ·r examiner de plus.
pres; eÍ échanger avec lui se~· armes", je fis·
naviguer de son côté; mais poussé par son' ap-
pétit Ü' ' n'attendit pas J;J.Otre arrivée ; il se pré-
cipita dans. la riviére jusqu'a:u cou, et arriva
moitié nageant , moi ti é passadt 'à gué, ·e t tenant
ses armes en l'a.ir, jusqu'à un rocher situéassez,
'> avant dans le fleuve ou il s'arrêta, et nou~ donua
des marques d'un~ impatience excessive. ·En
approehant nous vimes que c'était un homrne
grand et robuste , do1;1t tous les gestes annon-
çaient la plus grande rudesse . . ll ()u:vrait une~
bouche énorme, hurlant ces mots :. nuncut ( à
manger)' on lui jeta quelques r i gnées de-fa-
rinha dans le gosier; p~ndant qu'ü. les àvalait..
avec une avidité extrême, un de nos ·gens-·qui
parlait un peu la langt;e de' ces sauvages sauta
s~r le rocher , prit les anpes du Botocoudy et
les apporta dans la pirogue par m'~sure de su-
nhé, nous disant.que cet hmnme était si farou-.
che ,~ qu'il fall~it se -défier de. lui; en même
temps il ficha un couteau dans la pointe de s.on
aviron, et le tendÚ au sauvage qni pamt con--
tent de cet ·é.change ; puis·nous no~s laissâme~
-alie r ~u.. coura.nt de 1'eau.
AtJ. ;BRÉS1L.
Le Botocoudy:, dont.la .faimn'éLait pas enccire ·
apaisée, ne perdait pas l'espoir de rejoindre de•
nouvemi notre· pirogU.e ·,-·il. courut long~témps
apres nous le_ \ong du :rivage en•c:riant , · 's;mta'
ele · rocher err rocher , nagea; marcha dans·
'l'eau; enfin voyant que naus· étions trop · éloi-
gnés pour. qu'il put rit>us. rattrapper , il se re-'
to urna ele mauvaise hurneur, · et rentra··dan's .la·
forêt.
• · Un peu plus loin naus re~contr.imes ,? 'eux'
aut~es :sauvages qui naus ·parle~·ént et nous d.é-·
manderént aussi à manger; mais ri'ayánt pas
de temps à perdre' naus ne ;voullúnes pas ilülis
a'rrêter pout faire la conversation avec eux. Le·
sair notre pirogue, en descendant l~ Cachoei..:
rinha, toucha contre les· roch'ers·, · et y rest'a
s·oudaineine'rit fixée. J'en éúis sorti un peu
auparavant et je gravissais à pied les rocht\rs le,
long de la · rive, parce que ne sachant pas n;a -
gei' je nevoulais pas m'exposer au danger d'ur(
I , . '
bam· désagréable. Je me félicitai clone de iie
.. .I
contempler que de l0111 · le choc qm re_nver·sa·
tout mon m(:H1de dans 1a · pirogue ;· l'éatt y· était
·e ntrée, ede petit Botocblllly ayait I'ecóm:rilenc'ê
., à pleúrer à chaudes larmes ; êet acciclent n'etÍt
. pas de suit:es fâcheuses, et ·avànt le ·couché!· du
17o VOYAG:t
soleil no:us, arrivâmes heure~ement au quartel
dos Arcos.
J'y trouvai .u n de mes_gens.Jl.l;alade de la fie-
vre, ce qui m'.obligea .d 'y rest~r quelques. jours.
Je lui domiai.de bon quinquina, il fut bien
vite gu~ri. : Ensuite, accompagné de quelques ·
cha.sseurs ,je ~e rendis .à !'ilha do Chave, si-
tüée à plusieurs legoas plus bas., et ou, cl.'apres
ce que I'o:o, nous avait dit, nous espérions ttou-
v~n~ beaucoup de kamichis. En ·route nous avons
tué quelques araras. Le rivage ,était or.né d'qn,
. ~ . .
grand no~bre d .arhnsseaux en fleun; on re-
marquait .surtout, dans les parties touffues ·dela
:forêt, le je1;1ne ·feuillage couleur ·de rose du
quatelé , et le petrrea · volubilis avec ~es lon-
gues· grappes de fleurs azurées. '
. Nous sommes arrivés fort tard, et1 par une
pluie tres-fo~te, à file qui était le but de notre
excursion. A I'entr~e -de la nQit, la pluie diminua
un peu~, mais il .n'y avait pas àcoinpter sur un
gite se~ et trànquille.· ComplétellJ,ént mouillés,
nQus.nous sommes réfugjés dàns de vieillesc~­
hanes de pêcheurs · dépouillées depuis long-
tempsdes feuilles qui les couvràient.Nous avons
cherché avec des couvertures et des ·cuir.s de
breufs, à nous mettreU'abri dela pluie, etnous
AU BRÉSIL• .
avqns allumé du feu pour .nous chauffer et nous
sécher; mais comme elle ne cessait pas de tom-
. ber, .nqus a~mns eu beaucoap de peine à: Je ;.te-
··· nir allumé ; ·n0us ~ttendions avec impaflience)a
. fm _de la nuit qui nous par.at bien .longue.
Le lendemain matin j'envoyai tout d~ suite
- une pirogU.e avec des hommes à la forêt pour y
·· c'ouper du bois à br.Uler, .et y i'am~~r ·des
• feuilles de palmier, des perches et des lianes afin
de constr.uire sur-..:Ie-charnp une grande cabane.
Le temps fut un peu plus beau; cependant: ·des
oridées fréquentes interrompl.r~nt notre travail,
qui ne p~t être achevé que le .lendemain.·
J'~tais dans cette tle avec quatre de mes gens
. et UI!- Botocoudy.nomm6 Aho, qu~ m'avai a-c-
·compagné pourchasser.De1:1x-hemmes restaient
.toujours à la cabane pour faireJa garde et vei1-
ler à.)a c~ine , les autres a1laient ~n pirogue à
la forêt pourchasser ..
Un jour le bateau venait d~ partir pou11 un~
. de ces _excursions, lorsque j'entendis .deux coups
. de fusil et en même temps je vis .revenír mes ,
chasseurs. Ils avaientvu sortir. de I'caules qu.atre
.pattes d'"tll <\nimal qu'ils prirent pour un pé-
c~u;i .mor.t ; niai.s en approchant, ils aperçurent
uil s.erpent colossal q.ui avait entouré un cahiai
t']'3 VOYAGE
de ses replis et l'avait tué. Ils 'tirerent atissitôt
deux coups de fusil au reptile , _et leBotocoudy
, lui clécocha une fleche au ventre. Ce ne fut
. qu'alo'rs qu'il· quitta sa proie, et malgré ses bles-
sures s'enfuit avec vitesse, comme. s'il ne Íui
, était rien aúivé. Mes gens tirerent de I' eau le
cabiaiqui 'étaitencore tout frais et viÍlreritm'an-
. noncer cette nouvelle. Gomme il était extrême:_
ment important pour moi d'avoir ce serpent
remarquable , je renvoyai aussitôt les chasseurs
pour. le chercher; toutes leurs peines furent
inutiles. Le g.ros plomb avait p~rdusa force dans
I'eau; !la fleche
.
fut trouvée hrisée sur le ri vage
ou le serpent s'en était débarrassé par.Ie frotte-
. J1?: nt de son corps contre la_terre. Ses blessu:.. ·
r~s étant peu dangereuses , il s'était · prompte-
ment éloigné à une distance si considérabl~ '
qu'à mon grand chagrin il fut impossible de
Ie retrouver.
Ce reptile, que l' onnpmme suczÚ·iuba sur le
Rio Belmonte, et sucuriu à Minas-G'eraes, .e st
·le plus gra~1d se1·pent du Brésil, du moins· dans
-les cantons dont je viens de parler. Les natura-
listes qui l' ont décrit ·ont coinmis des erFeurs ,
et l'ont confondu avec 'd'autres. Daudin llli a
donné le nom de qoa anac,ondo. Il est répandl!t
AU BRÉSIL
d:ms touté l'Amerique méridiónale~ et parvient
au-x; dimensions énormes , de, toutes les especes .
de ce genr~ dans c~tte partie du monde. Toutes
Jles dénominations qt~i ont rapport au sejour des
boas dans 1'eau s'appliquent à ce s'erpent ; c~r
les autres especes du genre ne vivent que sur ·
terre. Le sucuriu ou sucuriuba au contraíre cst ·
constainment.dans l'eau, et paP conséquent un
amphibie dans tou.te l'acception du mot. Il n'a ·
pas des couleurs hrillan.tes; sop. dos est d'un ;
olive noirAtre foncé , traverse.dans toute sa lon-
gueur par deux lignes de taches noire~, ro~de-s,
disposées par paives d'une maniere asséz ré-
guliere ..Dansles lieux solitaires que l'ho~me ne.
é
fréquente pa!l ' il parvient à une longueur ae
vingt à ·trente· pieds , et même plus. Da.udin,
dans son histoire naturelle des:reptiles, regarde ~
comrríí:l habitant l'Afrique ·Ie serpent qu'il
nomi'Il:ê le :vérii~ble boa ceÍzslriétor; Mafs -cette :
espece, si elle appattient aussi. à. l'Afrique , S!;
trouyç_partout auBrésil; .elle y est leboa: le plus.
~ommun et connu par~ttt sÇ~us le nQm de R-
boya .
. · L e Belmeínte est le plus mérl(l.iónal des fleuves
• J. ' •
de la éôte orienta\e . d~ns lequel_9n ~t:ouve d~s.
spc)I~iuba~; plus_ ~u nord on }~- .réncontre ·pax:- -
1~4 .
tou~.- On a Jdonné des descripiions fabulehse-s
des moours ·de ce reptile colossal •; et dans lés ;
oavtages modemes on a copié ce qlie l,es' an:.. .
ciens-, etr av:aient dit;· ce que l'on raco:itte' de
sGnsonu~:u~ü p.enda)lt l'hbver n'est pa&._assez po-
si.~~f~ n p.aratt. c·e pendant certain que dans la sai-"
s@n de ·b -;séqheresse ü . reste.e:ngourdi dans les;
flaqJI~s-~récageuses des llanos (1); mais cet·
en:gollll',dis.sementn'a p.as lleu · a.u D'ü ~res · ou ' les·
vallé:es -boisécs sent tÇ>uj~Hírs abend.antes en eau; ·
et ou ces. serp~ns ' vi:yent non :dans des marais ;
mais1 dans de-vastes lacs-, de& ra>Vines) ~es rivie..
res-, qes ruisseaux: ~oujour.s Jru,Inides, dônt les:
hp:vds sont-inces~~P.lllen~ ~afJJ~éhis par·I'onilire
, .
epaiSse- des-.•qrets
~ • -ant1ques
. •..
:be:-joür .d e · la cha'SSJ! malencontrel1Se au ser-
pénv, , mes· g~nsv ;:~.yaient' tué plusieurs oiseaur
iht_éressans: ; •, «ilfltli~ aJi1tres U.n petit ài:gle : ·brun~'
noir;ttre n,on· ~nc~r.e dé~~it' ,; qui; à·.ime. ai:grette ·
d!lrrierela.~êtt; (~) L~e.s arara~,, · e~·uriJ,grand· h oco:

(1) · Ansíé'htéh a~,•~Nátur,: p: 5o et:s~­


Tableau."C de la Nature, tom. I, p. 44 et 4g.
(~) , Palco Tr1~.nus mâl~ : lqngJleUI\,. -vingt-siJ!:· p.oucea
aept lignes; ·pl~m~s d u dêi-riere de la_tê te ~Úongées , et re-
dre'ssées; dérriirê de la iê'te 'et 1dil' cou, côté du cou ~·t dess~s
clu -doa , couverta de plumea blanclles à poiutea noiree , ma'i~·
f...; à
I. '

riiutum ( crax alector, L. ) qui fit grand hien-


à notre cuisine. L'aigle était sur le point ,de
pr~ndre un Íl:IP.1:lti ( s~rigue) lorsqu'il fut tué. Son
air, a~pnçait _l'at1;da~e et le courage; .son re~ .-
6t~it # et ardent , et les longues phpnes de sa
tête _l'emhe;t.Iissaien' si1;l~~ren:tent~ '
. L~~ :plui~s .co_I;l~nu.ell~s- no_~ empêchànt sou.;
:vent d'·allev à l_à· chasse ?' e~ sur~outtde .pouvoir
C!J:Q.Ye!lal:>l~went ~p\e; lt;s .~ami.ch~ ,. j~· profitai
d~. c~ t,emps p(j)UJ; .aller au~ q:qartel ~s Ar~o.s.,
-oit ' p~n~t q,J.6D ab~:qce ;. i1 était arriyé . ime
nouvelle hor-dé .d,e ;Boto,coudys .conduite par sog:
, cl~efMak~engi«mg.,. que.Jes P,ort~gais nommaient
~pi~m Gipakeiu ( le-w:ap.~lcap!tªine ). 11 étaii ·
dé}~- .tard quanÃ, à peu d~ c;li$t:t~ce dú destaéa-
me.n t., j'aperçus .deux tapir~ sur un -bane de
SaPle. Me prome~ta'Q.~) UA~ , ~h~sse .h~ureuse j'a-
, \ v~is ~nwy~ mon..B'QtaçoJI4y Ah9.~ans _la .forêt 1
'
, I J ,_.. "· ~ -

. . .
~u(se recóuvrent·l'utie l'alÚre; e't'cache~lt-la· coul~tir blánche;
le r~st~ du pltllna'ge·brÜil-noÚ' '; grlmdes plumes·dés Çou'vei-
tures d~ Yiiile ruarqnées de blanc1; plumes re'ctrice~ •tràyéi's~Íes
de quelques, bandés g:is-btull '':már,b!ées-:e~ foncées; c,~.n~11e
l~rge !lt forte , traversée de b~nd~' b!anc},I.Ã.tres .marbrée~. en
gr{s~b~un; plÚÍne.s des cuisses. d_~~sou~ ~u corps' et derriere
d'un !Jrun-noir anc de's lignes'tralÍ$vefs~Ie:l'blibléJíeà; étrOitea;
piéda ;pluméa juallu.'au.s.e rra,
pbur ~mpêcher ces -~nimáux d'e ·gagiu·r· l~ur re~
pa-ire; .Cétte· 1nanreu'vre eut -tm p'lein sricées; ces
tapir~' vóya;lt que la retr~itê.leur éÍait coap'ée;
se· jetermit' à l'eau êt chertli~rent ~ ·âtt~indte'·iíi .
, •·
y
rtve .oppósé~~ ·mais notre pirogue ,lês p~é~int:
i
Un . des deux arriva sur Hlé en revênant, et
aurãit été blessé d~une 1 fleche ;àú côté pát un·de
riles Botocôudys: · sila cm•de de l?ai·c de -êelui-ci
.ti~ 's\ê~Ít' pas ~ éassée- , ee qtiiide'Ffna au·;ta.piHe
térnps
. -de : -sé ·sauvéFi•
'
-L'autre · 1•écut. plusieurs
,) ~

· Mups d:e- fu'sil· ~ il'plóngea lon'g-lenips',-et enfirt


moüh'á ~dé nó'uveàtÍ ·sa têi:e a-d..:..àessus ' d~ l'eau
poÜ.r re'spirer.; 'mais notre plomb éiait-tr~p menu
potlr · iir~t de si loiú a:vecAsucces i naus n'av~ohs
<

pás de ·:bailes, et riotre· pirog~e Jtait ti·~p lourdé


· pÓUr avanc·ér ' assez pronipterhént: à. la,-:ranie. ll
nc faut tire r ces 'animaux qüe ·lórsqu'o'ri ape'l~ç&it
lehr •rmis'êau au-de&sus 1 dê 1 f~ati pres de la ;pr-
.r.~gue ;__~lar~ - o~ l~_s vise à ,I:oreipe~. :t;:~.,!2pir
blessé. perdit beaucoup de. sang; cependant
• I f • ,

.il>naJIS, éçh~ppa, ce :<[PÍ .,:r1e serait 1 ,p~s arriv:~


,si. naus · aV~ions eur; -des <chiens av:ec·· naus ..
'l}àdresse et 'la légêreté.rdú tapir ·à : nager Iúi
~~ÍÍ~ tres_:Útlies quaiid bn Íe· éhasse. ' Q~oiqú'il
~\.t .six à sept pieds qe lo.Qg, ;et soit protég~ par
une peau tres-épaisse, les Portug?is nele: ~uent .

/
\
, AU BRÉSIL. 1 77
pourtant qu"av_eç de ladragée ~t non avec eles
bailes; ,mais ils se servent toujours d.e.lçmgs fu- '
sil.s .auxquels il~ mettent une charg~ tres-forte
de g.ros ploi.n h , ;et aiment mie,u x tirer av:ec de
la dragée douze à seize coups sur .un tapir que
de cha.rger leur arme .de halles.
Les Brésiliens ne se servent .que . de gros
plomb pour la chasse de tontes sortes d'animaux, 1
et ~e cette ma.niere tuent également un jacu-:-
tinga (penelope ) , un pécari, ou un tapir. On
poursuit aussi ce dernier pour . sa chair ' et les'
chiens facilitent beaucoup cette chasse. On ren-:_
·contrt;ordin_a irement le tapir, le matin et le soir,
dans les rivieres, ou il se baigne volontiers pour
se rafralehir; .quarid il est fortement blessé et
qéj~ fatigué, les Brésiiiens,l'attaquent souvent à
la nage av'ec le coutean à la main, et cherch~nt
à l'en- frapper. Ils suivent d'ailleurs l'usage de
leur nat~on .~e porte r .constamment un stylet ou
un couteau ~ 'a ceinture ; les ecclésiastiques
même s~ conforment souvent à ce.tte,mode, qui
donne lieu à beaucoup de meurtres.
. La éhasse au tapir nous avfl.it tant retardé, que
nous ne débarquâmes que bien a~ant dans la nuit
au destacament. Le lendemain je fus éveillé
de honrie heure par des Botocoudys nouvelle-:-
II. 1.2

.\
.VOYAGE
ment arrivés, qui étaient impatiens de connahre
l'étranger. Us frapperent bren fort à ma ·porte
JUsqu a ce q~ elle s' ouvnt, et m accah ..:erenta l ors
0
1
'' ' A ' ''

de marques d'anaitié. Le capitam G~pakeia aN:ait


co:n~ubeàucoup d' aífection pour.mQi, patce qu' on,
lui avait dit que j'avais une grande estime.p our
~es Botocoudys, et que je brulais-d'il'llpatience
de voir le grand chef. ll était de Íaille moyenné,
robuste et musculenx ; it avait de grandes pla-
ques de bois aux oreiJ:les-et à la levre inférie-ure_.
Son visage était peint de rouge depuisle haut jus-
qu'à la bouche , et une raie noire· allait d'une de
ses oreilles à l'auti'e en passant sous le nez; tout
sem (!'orps conservait d' ailleurs sa couleur natu-
relle. Ilmontrait de la franchiseetdebonnes dis-
. positi~ms enve~s les Portugais, etl'on n~avaitp~s
encore eu à se plaindre de lni. Qnoique rien ne
le Jistinguât à l'extérieur des autres membres
de sa tribu, cepelidant ses compatrioteslui té-
moignaient bea~coup de respect, c'e qui le ren-
dait parfois tres::::,ltile aux Fortugais.'
On en vit uli exemple la premiere .foi~ qu'ils
se r~pprocherent· amicalement des Botocoudys.
Un autre_ chef arriva au quartel et demanda
brusquement une grande quantité d'ustenciles
ele fer. Le destacament n'ayant en ce inoment
AU BRÉSIL.
qu,une faihle garnison et éÚnit d'ailleurs entouré
de beaucoup de sauvages, on fut obligé de sa-
tisfaire à sa demande. Bie11tôt arrive le capi-
tam Gipakeiu ; on lui! porte des plaintes de
ce qui s'est passé ; il court dans la forêt , ~t
force l'autre cheí à rendre plusieilrs des outils
qu'on lui avait donn6s. Il mé pressa plusiettrs
fois contre son sein, à là maniere des Portugai~;
et notre entretien fut tres-'siügu1ier , car nous
ne nous compre~ions' pas mutuellement. Cepen-
dant le capitam ne tarda pas à me faite entendre
qu:i:I avait grand appétit; et qu'il attendait de
moi les moyensâ.e I'àpaiser; c'est toujóurs pour
eux l'affaire la plus pressante de satisfaire leur
faim désordonnée .. Je lui donnai de la farinha:
et encore autre chose qui lui fit grand plaisir;
"""" alors il envoy~ chercher à sa càbane, dans la fo-
rêt, quelques objets pour les échaüger ãvec
moi ; je remarquai dans le nombre un petit
porte-v:oix ou coúntchoun.-cocanri (1) fait de
l'e~veloppe de la queue du gratid ,tatou (2). ' Il

(1) Le~ Cocoados déjà plus civi!Ísés qui habite11t .Minas'~"


Geraes se servent d'une come de breuf; ( Jouma/ ~Jan Bra-
silierz, cahier '. )
(2) Essai sur l'histoire naturelle des ~uadrupedes ,du
Paraguay, par Azara, tom. Ir, Jl. !52,

'
180 VOYAGE
sert aux sauvages pour s'appeler les uns les au-
tres dans ·les forêts.
Sur la ri ve septentrionale du fleuve ~ vis-à-vis
le quartel, était situé uú champ de bananiers,
cultivé par des Botocoudys; on y voyait quel-
ques c abanes abandonnees, ou ils avaient en-
terré deux femmes. A l'arrivée du 'capitam,
ces huttes furent brU.lées , parce qu'ils ne de-
meurent plus dans éelles oúest lé tombeau d'un
.mort. On en éleva ph1-sieurs nQuvelles tout. pres
de là, et biéntôt la pl'us grande activité régua
dans la forêt, car lesnouveaux venuss'yétablirent
I

de même que sur les bords du fleuve. On voyait


une foule de jeunes gens occupés les uns à se
baigner dans les eaux , les autres à fabriquer
des ares et des fleches; à cueillir les fruits des
arbres, à tuer les poissons à coup de fleches, etc.
La forêtétait remplie d'hommes qui s'appelaient
lesunslesautres, ramass~ient du bois, ~nfin tra-
vaillaient de toutes les manieres. On avait sou~
les yeux l'im~ge. d'une république de sauvages
qui se forme, et l'on observait avec plaisir l' ac-
tivité qu'ils montraient tous.
Le capitam Gipakeiu était venu avec ses
gens au quartel, chacun portait deux longues
perches ; ce qui signifiait qu'ils demandaient
)

AU B:RÉSIL.
à voir leur compatriote Jucakemet , q'u'Üs
croyaient d~ns ce poste; mai~, ain~i que je I'ai dit
plus haut , ir changeait alternativement entre
ce lieu et Salto. Gipakeiu resta quelques jo~rs
avec son monde dans le voisinage .d u quartel ,
et ensuite
" . s'enfonca. dans les forêts de la ' rive
,) .
septentrionale pour y cueillir le~ fruits mur5.
C'est la coutun~e de tous les sauvages ; ils con-
naissent l'époque de la matü.rité de chaqne . es,
pece de fruit, et il n' est pas possible de les re-
tenir quand elle approche. C'était en ce .mo~~I;t
celle des liane~ ou cipos qu'ils nommeilt -~t­
clia (1). lls 1font des paquets.. de sarmens · v~rts
de ce végétàl,,et les emportent da~s. leurs c~:_
banes , ou iL les font rôtir et les man·g~nt; ces ·
sarmens cÓntiennent une moelle tres-nourris-
sante , qui a le go~t .de- l~ pomrii~de-:terre.
A yant, comme je le désirais, fait la connais-
sance des ·Botocoudy~ a~rivés au quartel', je rê-
tournai à l'ilha do Chave, ou mes gen~ m'àtten~
daient. lls avaient aperçu _ des ce~fs sur une
P-etite tle voisine, converte de halliers é pais, et
séparée du continent par un canal étroit et peu:

(1) C'est vraisemblablement une espece de begouia: elte


grimpe, autour des arbres, ·
VOYAGE
profoúd. Ils tuerent un de ces animaux; c~est
cel~i qui.a été décrit par Azara &ous le nom de
· guazoupita ( 1 ); . ç' ~;;~ le plus ço~mp.qn l,l.l,l Bré-
sil , ou on le trot;~.ve partollt. La chair de · cet
animal . ne vaut pas celle de notre chevreuil
d'Europe; elle est pe1;1 savoureuse, tres-rnaigre,
seche, et si füandre1l~(j: qu'on,. peut à pe~ne . la
compare r à celle d\tJ;le vieille vache; m;;lis cornrne
· dans ces solitudes le choix des m,ets est ext rê-
mement borné , toqt animal mangeable 1;10Us
faisait pJaisir.
·, ;N'qvs passcimes·encore quelqqes ~eJD.~ines ~>uí·
cett~ ae, malgr~ la, plwe .continu,éUe. Je fus
dédommag~ de cet incon,v.éiJ.ient pa.:r diverª 9b-
. jc ts curÍ~UX do;nt 111es chasseurs enrÍchirent Q;J.e.S
collections. Une grande cqouette faisait régu-
liere:rp.ententeridre sa v9ixfor\elerr.wtin etle snir.
A pres bien des tentat~ves in~niles nous parvin-
mesa'1'avmr.. 'Elle pannt appartemr . a une . es~
A • • '

pece non ençore décríte ( 2); :qou~\eumes aussi

(1) Histoire n-atur~Zie des quadrupBdes drt Paraguay ~


ton1. I, p. !j9, ' :
( 2) Stri.r: pulsat1i.r:, nommée aihsi à cause d~ sa voix qui
·ressemble au bruit produit par le frappement d'un batail de
doche. Longneur d u mâl!l, d ix-sep't pouces ·qnatre ligues ;
l&rgeur,qnnirtpouces n euf ligues; pluma-ge en grande r!!it'i-e
, I

AV BRÉSIL. t83
le 'grand ·engoulevent blanchâtre mêlé , dont
le siffiement aigu retentissaít au loin dans les
.somhr.r.s solitudes de ces forêts, etd'autresbeawx:
.~)isea)llx:, l1.0•t amment le colibri noir à queue hla;n-
che, J'lOn. encoo·e décrit(1 ). On avait au.ssi tué
:plusieut;_S g.ros kamichis~ .c 'est dans ce ·c antoi1
·que at;:s oiseamc. fqnt leur principale demeure ·;
presque tons lés . jotlrs nous entendi<:>ns lelilr
voix fort-e; à <Cettemasiqt~e singHliet·e m:es c1las-
seur.s preRaient aussitô:t les armes. · ·
Le 25 septembre je quittai l'}le, et je retour-
nai au qua·r tel avec tou t·mmi monde. En chemin
je rencontrai une tr'oupe de Botocolildys éouchés
autour de leur feu ; íls étaíent ele la hord~ d'n

d'une jolie couleur gris clair,brun roug~â{re; táche blauche'à la


gorge; plumes scapulaires marbrées agréable~ent eu couleur f
'pltls foncée·; 'de même que les ailes et 'la queue; ·p iumes
· r!'!ct•rice~ trav.ersées :par .des !bandes·plús:claires et plus Jon-
céés; toutes les .parúes inférietues jaune .clair, Eassant au
jaune rougeâtre sur la..poitrine et Je ventre ..
(1) T:·~chil~s ater. Nouvell~ espece de . colibri -ilo~1t le
' \1 • . . • ..)
plumage n'a r'ien il'agréable : longueur ilu mâle cinq pouces;
J,ec ~i'es-p:en courbé; corps presque uoir, bleu d'acier ·et ve1' t
cuivré , ;brillaut Íen quelqu.es ,end~oitR; côtés · dess.ous l·es
ail ~s, .derriere et queue •b]anc~e; extrémité des. plu1!1es de
. ]a queue terminée par une bordnre violelte; plnmes rl u
inilieu vert et ·bJen fonc'é chatoyant. '
VOYAGE
capitam Gipakeiu, avaient passé à gué le fleuve
dans cet endroit oilil est petl profo'nd, et contre
·I eur coutume s' eta1ent
' • an·etes a a nve septen-
A f ' ] •

.trionale. Plusieur~ de leurs jeunes gens .saute-


rent .dans notre pirogue pom: nous accompa-
gner au destacan1ent. Nous venions d'y arriver
·quand il y entra une · autre troupe de sauvages
de la rive méridionale. C'était ]a borde du ca-
pitam Jéparack que je,n'av;lÍS pas encóre VUC.
C'était un singulier spectacle de voir tous ces
hommes bruns~ tenant ·leurs ares et leurs fle-
ches en r~ir' traverser le fleuve á• gué; le bruit
occasionné par leur marche dans .};eau pouvait
s'entendPe de loin. Tous portaient sur l'épaul~
un p;tquet de pe1·ches longues de six à huit
pieqs, pour se battre avec les capitams Jun,eet
Gipakeiu et avec leurs hordés ; mais ce de'r-
nier s'était enfoncé dans la profondeur des fo-
' I'êls, et Jnne avec son monde av~it quitté le
quartel. Les sauvages coururerit avec empres-
s ~ment dans ·t outes les chambres du ·quartel pbur
d1er~her leurs t~ivaux ; n'y trou~;:mt personnei]s ,
laisserent leurs perches au qué;l.rtél pour marquer
]e but de leur visite, ~t le soir i]s s'en aW·re~~t.
Le lendemain pom;tant ils entretinrent · une
communi.catiori continuel.le e~1tre ies deu:x rives.
Al1 BRÉSIL. I85
.c onformément à leur usage quand le fleuve est
h as .
. Le .28le capitam Jéparack revint au quartel
avec sa troupe, tous avaient encore de lon-
gues perches de combat; ils demanderent le
capitam Gipakeiu qui était encore absent. Mais
comme i]s ne s' é1oigncrent pas du voisinàge. ils
trouverent enfin 1'occasion de satisfaire leur désir
de se battre. Le capitamJune avec ses trois fils
et le reste de son 'monde , tenaht le parti du ca-
:p itam Gipákéiu, avait accepté le déf.i, ·
Un dimanche matin·, par un temps c]air et
serein, tous les Botocoudys du quartel, ayant le
visage peint de rouge et de noir ' sortirent et
passerent à gué à la rive septentriona~e du fleuve;
chacun avait sur 1'épaule un paquet de bâLOns .
.Bientôt on vit sortir. le capitam Jm1e et sa troupe
de la forêt Otl une quantité de femmes et .d' en-
fans_s' étaient réfugiés dans de grandes cabanes.
La nouvelle du combat qui allait avoÍI,' lieu s'é-
tant
.
répandue, une foule de 1
&peétateurs,'
panni
.
lesquels se trouvai~nt les soldats du quartel , un
_prêtre·de Minas,, et plusieurs étrangers dont je
faisais partie, se transpor.ta .au lieu du combat.
Chacm1 de ·nous avait par prée.aution un pisto-
let qq. n.n· qout;eau ., sous •son hab,t ·, · Çlans; ]e cas
t"86 VOYAGE
ou les armés des· c~mbattallS se tourneraient
contre nous. Arrivés à l'autre rive clu fleuve .,
noJUs trouv.âmes tons les sauvages debout etser-
rés en masse; nous formâm~s un cercle tont à
l'eutour.
Le combat commença aussitôt. Les gueJ:-
rier;; des deux partis se flrent d'abord des défis
mutuels d'une voix rauque et en peu de mots ,
tournerentde côté et d'aut1~es com1~e deschien&
enragés, ' et préparerent leurs bâtons. Ensuit:e
le capitam Jéparack s'avança, passa, et repassa
au milieu de ses bommes , regarda devant lni
les yeux bien ouverts et fixes et d'un air sérienx,
puis d\me voix trembla.nte entonna une longue·
chanson qui avait probablement rapport à l'of-
f(;nse qu'il avait reçae. Les parLis opposés s'é-
tant ainsi échau.ffés de plus en plus, on vit un
homm.e de chaque "côté s'élanc:er tout à coup.
l'un. contre l'at'l.tre, se frapper mutuel1eme!1t Ia
poitrine ave c les bras, et si fort qu'ils chance-
lerent cn arriere, puis prendr.e leurs bâ:tons·.
L'un fray>pa S'Ón adver.saire de toutes· ses fo~ces .
sans exm:n:irier oú ses coup·s portaient ;, celui-ci
soutint tr:ancpllil1ement et gravemeni cette pre-
miere attaq:u(!., :sans ch.anger .d<! contenance;
ensuite il frappá à son -toúr , et tótiS deux con-
AU BRÉSIL.
tinuerent à se donner des coups si. violens que
l'on en vit long-temps apres des marques sm·
leurs corps nus qui étaient couverts d' enflures.
Corp.me il restait souvent aux bâtons des chi-
.cots pointus provenans de la branche de l'ar-
bre dont on les avait coupés, plusieurs sau-
vages n' ~n furent pas quittes pour des cicatri-
ces ; .le sang leur ruisselait de la tête. Quand
deux antagonistes s'étaient ain si compléteinent
róssés, deux; a1,1tres prenai~nt leur pl~ce; quel-
quefois plusfeurs cemples se battaient à la fois ;
jamais ils ne se saisissaient avec les :mains.
Quçmd les comhats singuliers eurent duré un
certain' temps' les sauvages recommencere'n t à
se défier lesuns les atures d'una.i r réfléchi, l'en-
thousiasme héro'ique les saisit .de nouveau, et les
bâtons recommencerentà jouer. Les femmes de
leur c6té montraient 1,m.e humeur non rrioins
ehevaleresque, c'était avec des hurlemens ~t
des pleurs continueis qu' elles se p•'enaient aui
çheveux, se donnaient eles coups de poing, s'é- .
gratignaien,t, . s'arrachaient mutuellement des
le.Nres·et des oreilles les plaques de boi's, qui cou-·
vr-irent le champ de bataille comme autant de.tro-
phées. Si I'une jet<JiÚa ri vale L terre, une 'troi-
.si{nne venait · dérvie,~e
., elle , lui ·empoignait 1a
VOYAGE
jambe et la ten:assait à·son tour, et ainsi éten-
dues elles se tiraiH~ient à qui mieux nlieux.
Les hommes ne s'abaissaient .pas au point de
frapper les femmes du parti opposé, ils :se con-
tentaient de les pousser avec le bout de leur
bâton , ou bien leu r appliquant le pied eontre
les côtes, ils · Ie~ faisaient rouler hien loin. On
entendait enfin eles cris et eles lamentations sor-
Ür eles c.abanes ou étaient les femmes et les en-
fans, ce qui ajoutait aI'effet de ce spectacle ex-
trao~c}.inaire. ·Le c<:_>mb~t dura à peu pres úne
heure ; qüand ta.ilt le monde pan1t fatigué ,
quelqués sauvages firen~ parade de courage et de
constiJ.nce en s'adressant de nouvea.ux défis. Le
capitam J éparack tint bon jusqu'aubout, com~e
chef du parti ofti:nisé; tout le Juonde paraissait
épuisé et abattu, lui seul ne montrait aucune
dispQsition à fairela paii, il continuait son chant
ele guerre et encourageait ses gen~ au combat'?
enfin noüs sommes allés à Iui , nous I ui avon~
frappé sur l'épaule, enlui disant qu'il était un
brave guen·ie~·, mais qu'il était ·temps ele faire
la paix. ,AU:ssitôt il quitta brusque'ment le cbamp
de bataille, traversa le :fleuve et.éo\1-rut au quartel.
Le capitam June n'a~ait : pas montré autant
d'é111ergi~ ' : ~omUle il était âg'ê , il n'avait pas pfis.

{
AU BRÉSIL.
part au combat, et s'était toujours tenu en ar-
riere. A n,otre tour nous avons tous quitté le
lieu ?e l'actiun parsemé de bâtons cassés et de
plaques d' oreilles, et nous sommes retournés au
quartel. Nous y avons trouvé nos anciens amis
Jul{erecke, Aho, Medcann et d'autres, coü-
verts de . contusio'ns douloureuses ; mais leu r
contenailce montrait 1iusqu'à quel point.l'homnie
peut s' end urc1r
. contre Ia peme,
. car aucun d' eux·
n'avait I'air •de.. faire la moindre altention à ses
meurtrissures ; ils s'assirent aussitôt sur leurs
balafres en partie ouvertes, et mangerent avec
plaisir la farinha que le commandant leur donna.
· Dura~1t le compat, les ares et les fleches des
sauvages étaient restés appuyés contre 'Ies arbres
voisins, et personne n'y avait toucbé; on dit
pourtant que dans des circonstances semblahles
on en vient qnelquefois des bâtons aux armes,
c' est pourquoi les Portugais n' aiment pas l:íeau-
coup que ces baiteries · ient lieu dans leur voi-
sinage. Je n'appris que plus tarcl la cause du
combat dont nous avions été spectateurs. Le ca-
pitam June avait avec son monde chassé et tué
eles pécaris dans la réserve du Juparack; ce-
lui-ci regarda cette concluite comme une oftense
grave , car les Botocoudys respectent plus ou
. 190 VOYAGE
moins les limites d'une réserve .de chasse et ·ne
les franchissent pas volontiers : des insultes d~
ce genre causent ordinairement leuts querelles
et leurs guerres. Un seul combat singulier,
semblable à celui que je viens de raconter, s'é-
tait donné peu de temps auparavant dans le
voisinage du destacament dos Arcos. Ce.fut donc
un heureux. hasard pour woi de pouvoir' du-
rant mon séjour à ce quartel, ·être témoin de
ce spectade , car il arrive rarem~nt aux voya-
geurs d'avoir l'occasion d'y assister : comme il
est intéressant pour bieu connaitre le caractere
des sauvages, je me félicitai de l'avoir vu. Peti
de temps apres mon départ du quartel, il s'y
livra' un combat plus sérieux, qui fut occa-
sionné par le retour du capitarn Gipakeiu, allié
de June.
Différentes atlàires m'oblig:eant de retourner
sur les borcls du Mucuri, je quittai l'He Ca-
choeYrinha vers ]a finde septembre, et je m'em-
barquai pour Vil! a de Belrnon te. N ousnaviguâmes
d'abord un peu lenternent parce que l'eau était
fort. bas.s e, mais la chasse et ]a cóntemplation
eles singularités de la naturc jeterent de la va-
riété et de l'agrément Slll41 notre voyage. Les
rives du fleuve étant décou·tçrtes, j'y remarquai
I ÁU BRÉSIL.
des trous creusés par le cachimbo ou cachim-
bao, nommé acari le loi}g de l'Ilheos, etJua-
cani par Marcgraf qui l'observa pfeS de Per-
namhouc : c'est le loricaria plecostomus de
Linné. C'est dan,s €es troas creusés le long du
hord que C'e poisson se refugie pour se reposer
~~ l'époque eles hautes · eaux, lorsqu'il veut se
mettre à l'abri de la force· du courant. Les pê-
cheurs prétendent qu'il frappe de sa têt<:; contre
les fonds eles pirogues , quand il est occupé à
manger la vase et les plantes aquatiques qui s'y
amassent.
Le printemps avait déj:\ commencé, et nous
entendions fréquemm.ent tetentir dans les fo-·
rêts la voix sourde du hoco mutum ( crax alec-
tor, L. ) , qui, en s'étemlant au loin dans €es
bois soli~aires , facilite bea;m.coup la chasse de
ce granel et bel oiseau. 11 -se mmí1tre principa-
lenJ.ent à l'époque ou les ri vieres se, gonflent.
Nous avons passé deux ·nuits sur 1es c·orroas
au milieu du fleuve , ce ' qui nous procura
l'occasion de tuer plusieurs araras- et d' autres
beaux oiseaux. Sur un de ces bans; clans le voi-
si.nage de l'e1nbouchure de l'Obu, nous avons
trouvé beaucoup de singes macacos ou micos,
parmi lesquels une espece
/ ..
se distingue
.
par sa
rg2 · VOYAGE
poÍtrine jaul'!e OU }a nomme lCl macaco di
bando (1). ,
Le 28 septembre j'entrai à Villa de Belmonte;
aussitôt je fis les préparatifs de mon voyage au
Mucuri ; · je me mis en route par un tres-mau-
vais temps, et j'eus beaucoup de difficultés à
combattre. Je fus obligé ·de traverser à cheval
le Corumbao et le Cahy, qui étaient extrême-
ment gonflés , et ensuite de continuer . tout
mouillé ma course le long de la côte. Des Po~­
tugais que je rencontrai me raconterent qu'ils
avaient vu des Patachos sur les bords du Cahy ,
mais de l'autre côté. Nous n'aperçúmes pas du
tout ces sauvages , et dans les circonstances ac-
tuelles, au milieu de ces déserts écartés, j'en fus
tres-content. Apres bien des fatigues , cepen-
dant sans avoir.éprouvé d'accident considérable,
j'at·rivai à Cara-vellas et à Mucuri, ou je passai
trois semaines avec MM. Freyreiss et Sellow,
ensuite je retournai à Belmonte . .

(1) Cebus Xantlwstemos, espece nouvelle: membres forts,


d'un noir brun ; queue prenante, gro~se tête, barbe no ire
brune.; corps brunâtre, póitrine el dessous du cou jaunâtres;
longueur total e, trente-deux pouces huit ligues, dout dix-
sept ·pouces sept ligues pour la qneu e.
AU BRÉSlL.
, Dans . ce voyage je fis connaissance sur le
Rio-do-Prado ou Sucurucu .avec les.Machaca-
lis, d~nt j'ai déjà souvent parlé. Quittant la fa-
zenda ou , dans ]e mois de juillet précédent,
j'avais cherché vainement les Patachos, je re--J
montai le fleuve. On distinguait parfaitement le
long dt{ ses. bords les diff~rentes couches ile.
sable, et j'observai qu'à dix pieds au-dessous de
la superficie du sol une quantité . considérable
d'eau sortait d'entre les Gó'uches,. et ~e jqign~it
à· celle du fleuve. On peut facilement expliquer
par ces grands amas d' eau intérieurs la cr~e ra-
pide des rivietes dan,s ces pays éqq.atqriaux à
l'époque des pluies; nous étions alors .f!n ,no-:
vembre, temps oü elles sont le plus fortes dans
ce pays ,e t ou tous -les lacs sont pleÍJ?.s.
· En ,.remontant le fleuve .on rencontte su~
·ses bords des points de vue tres-pittoresques; on
peut surtout mettre de ce nombre le cantou
nommé Oiteiro ( l'éminence) , et situ~ . à la rive
gauche; .des coUines ondoyantes et ombragées
·de cocotiers y .·sont convertes de fazen~as,
toutes :dans des sites charmans.
Le retour de I'été parait les bords d~1 fleuve
de beiJes fleurs, de toutes . sOI~tes _ d~arhres' et
d'arbrisseaux; on y adrnii:ait le vi~mia, do~t le
li. ' 13
VOYAGE
I

dessous des feuilles est soyeux et d'un- roi:u~


éclatant ; le rhexia à grandes Oeurs violettes ;
des mélastomes à feuilles d'un blanc argenté
en dessous ; les bignonias , qui de leurs tiges
sarmenteuses gar.nies de belles fleurs ornaient
les }Juissons; du milieu de ces groupes de ver-
dure s'élançait le genipayer avec ses grandes
fle'Q.rs blanehes .
.La couleur naturellemen~ foncée des forêts
du Brésil était animée en ce moment par · les
jeunes· pousses jaunes verdâtres ou rouges du
branch,age. Les buissdns procuraient une ombre
épaisse tres-agréable dans la grande chaleur;
J~ais les troupes jnnombrahles de moustiques
qu' elle att.irait la rendaient insupportable aux
voyageurs. Une amaryllis à étainines pourprées
croissait pre~que au bord de 1'eau, dont la cou- .
]eur était poircie par celle• des r~sseaux sortis
des forêt:S , eles marécages et des montagnes; sa
surface formait une véritable chambre obscure
qui répétaít d'une hlaniere admirable l'nn·age
des arbrisseaux avec leurs .fleurs. Cette surface
offrait aüssi des ~passes flottantes de pontederia,
sur lesquels se promenaient des jacanas do:nt la
voix , semblable au rire de l'homme , ·annon-
çait .au loi:n la prés_ence.
AU BRÉSIL. xg5
J'arrivai à un endroit ou 1'orl construisait un
lancha. Les ouvriers nous dirent que les forêts
du Sucurucu ne contená:ient plus beaucoup de .
bois de construction. On y trouve encore ·de
gros arhres ·ptopres à faite des pii·ogues , mais
on peut employer · áiissi à cet usage des bois
plus mous. '
On aperçoit le long du rivage de petits ~il­
foncemens remplis de roseaux , de . joncs et
d'herbes, et que I'on avait fermés avec·des tiges
de roseaux. pour y prendre du poisson. A cet
effet on ouvre cette haie lorsque la marée
monte , afm que·le poisson y entre; ensuite on
la ferme, et lorsque l'eau se retire le poisson
se trouve pris. L,e soir ma navigatio:ri fut ei-
trêmemeiit agréahle ; les cigales et les-grillons ,
ayant ,cessé de se faire entendre , le silen.ce de
la vaste solitude qtrl: nlent(:mrait ne fut plus trou•
blé que par la voix singuliere de la raine , qui
imite le hruit d'un inarteaú (1), par le siffiement
luguh:r-e d.u m~ndalua ( caprimulgus g~andis' );
et par l~s c;is plaintifs des chouettes. J'artivai

(1) Cette grenouW.Je est ptobablement~la même que l"an


nomme sapo marinhero à Víçoza et. aiHeurs .
196 , VOYAGE
assez avant dans la nuit au destacament de V.i-
mieyro, oú ~a maison et les plantations de M. Ba-
langueirá, juiz de Villa-do-Prado ·, sont situé~s
~ur \m 'c oteau qui se prolongele .l<».ng .qu.fle~we.
M. Balanguei1:a était absent, mais il avait laissÇ
des ordres pour que je fusse bien reçu , et ,ils .·
fureni suivis ponctuellem~nt. J' entendis reten-
tit· dans le voisinage les instrumens au son .des-
quels dansaiênt les lndiens ·: ils habitent autour
'de ' ce qu_artel au nombre d'!-me dizaine de
familles.
La clarté .du jour me fit apercevoir u~ be_a u
paysage dU:._genre agreste. Aus'si loin qu~ .la vHe
·pouvait attiúndre on ne découvrait .que · d~s
c_li1~e~ d'arbr~s ·d'un vert sombr~b qui, serréesles
unes contre les autres, form~nt . U!le solitude
impénétrable et cl'une. étend,J.e . immen~e ; .les
Patachos et les Machacalis s'en partagent la sou-
veraineté avec les jaguars· et Ies coliguars ..Depx
espa~es aplatis, au milieu desquel~ s'éleve une
colline , indiquent Ies endroits oi1 coulent Ies
deux bras du SU<~uru cu ou Rio-do-Prado, l' un
~~:nant d~ nord, I'autre du sud; le p;emier
s'appelle en conséquence Rio-do-Norte, lese-
cond Rio-do-Sul. On distingue dans le lointain
les serras de Joào, de Leào et de San-ÁI;Idré,
/

AU BRESIL.
qU.i appartiennent ·à 'la serra _ do~ Aymores·',
cha1ne de montagnes 'éloignée à peu pres : de
quat~·elieues de la côie ,, et à peu ~de distance de.s
cataractes du fleuve, ;ou f.on dit que la chasse.et
la.pêche sont tres·-abondantes. Le Sucuruc~ di-
:.:ninue tres-proYlptement d~. gr_os~e.J;I.r · qQa.n d on
le r~monte yers s,es , squrc~s.,. ce qui prouye que
soncoursn'est pas d'une longueur consid_éra,l:>le.
~ peu de distance de I'end~oit oú je me trouvais,.
les deux branches se réunissent pour forl'll:er:·le
fleu'\{e , et au-des~us cessent tous les établisse-
inens européens ; çar I'on n' en trouvJ aucllll
sur le Rio-do-Norte, ét qn'un seu.Í. sur le Rio-
dci~Súl, immédiatement au-dessus de Ia'j?n~tion
des deux· bras: · · ·
· Ap1;es avoir long-t~mps joui'de la perspe~­
tive agreste que favais sous 1es ye~x, - j~ me.
rendis sur le ·bord du fleuve aux cabanes des
lndiens.-J'e lrouvai par~i eúx une femhie de la
trihú ·'des Machacal's; qui, ce ·que l'on voit
tres-rarenient, parlait parfàitement la langne des
Patachos; ceux-ci éi:lint les plus défians et·les-
. plus circonspects des ·sauvages' il est·tres,;,diffi-
cile ~ ·qnelqu'un qui n'est pas de leür tribú d'ap-
prendre leur la:ngue. Valdea ·ou · village des--
Machacalis·est un peu ·plus.,loin ·dans la-fo.rêt-s;
tg8 ' VOYAGE
Ç~. m'en ava.it -~ouvent parié, : Ü ne s'y' trouv~
ph.1s ql;l6l quatre familles de ces Indiens réunies
dans I~ mêm~ maison. Tres-empressé de co~­
naitPe aussi ·cette horde, j'allai à l'alde·a avec
quelques Indiens. Le chemin était tres-inç_(i)m-
mede, c ar n.ous fl\.n::ies pendant une demi:.lieue
ob~jgés de ITIJl.rcher dans les . marais et dans
l'eau, et de éimper-par-dessus des arbres ren- .
'
verses.
, .
'l'ous les Iridiens hâbitaient ensemble. dans
une maison assez vaste : Üs y demeurent depuis
une dizaine 4'années, et sont passablement civi-
lisé,s. Les un~ se montrerent doux et .d 'un acces
facile, d'autres au coniraire farouches et so-q.p-
i
çonneux quel<p,.~es-uns parlent un peu le P?r-
tug_ais , mais entre eux Üs ne se ser~en~ . que ·de
leur 'íai~gu~ 'materné!J.~. ,lls cultiyen.t . du m~­
nio.c , du I:Ua1s e,t du · eot<m -pour .leurs besoins.
L'Ol;lvidor l~ur a donné un m.oulin pour couper
les. racines de man!o.c. D'apres l'usage antique
de l.e ur' tri;b,~· '· ~ s~ _Rrocure:p.t une g:an,de par-
tie Q,e lj:):q.r. sJ1Psi~~c,e JlP,.r . hu~4~-~~~.:- .V~rc et
le~ :&Ççh_~~ sp~\ ~:gcgr,e \e!l;~S éil:f:~~t> or~inaires ;
quelCf~le.~~-g:p.s ~êV~!lJ.> l,l;~Si . :.;nanier tr~s-adroite­
ment 1~ fl.lllil.. L_~,s ªll«iS! ~les -~a..chacalis different
AU BR.ÉSIL.
un peu de ée1,1x des autres trih~ ; ils offrep.t
une longue rainure dans laquelle, avant de ti-
rer une fleche·' iÍs ~n mettent vne autre ; :de
sorte qq'ils en.ont une seconde toute prête, sans
être, comme les m~tres lndiens, obligés de _la
ramasser à t~rr~ (1). Je vis dans cet e~àwit u~
tres-grand et bel are de pao d' arco , po-q.rvu à
.sa partie supérieur~ d:un crofhet _ quies~ tr~s::­
U\Üe · pour attacher la. cor.~_e. L~s a,rcs et les
fleçhes .de.cette tribu sont façom;:~,és.aveo beau-
coup. de soin; la pointe des -~eêhes es.t gárnie
de boi&, du.~ ,: et.la hampe · se prolo~g1e e~ b~~
au~del~ des plu:mes. Au reste ils ont, de mê:r:ne
que tou\:.es les trihus· ?e la côte ori-entale, trois
especes de :fl~ches- que j'a} décrite.~ en parla_n,t
·des Pourys. . , ... , . : ·,
Les Machaéalis-ont
- ' ' . . le~
·" • ' . mêmes saes tressé~
' ' .

(1 ) La patt'ie· ilupéYillrlre d;u Rio'-Bhi1monte din:is Mfua's


N'Ovás ·renTerMn'llne!ile-; Ilha'-do"-Pâo (; iJ1i d'li pai.n ), inHes
r/ ~ ~

Machacatis, les Panhamis·et d'autreJI .tri:?,~s'f~unjes se2sont


fi:x!ées, et ont établi des pJantati,Qns. Les arm tts· d~s Maçha-
calis qu~ j'ai reçues de ce't endroit sont ''ábsol~m~nt ' les
m ê m~s que cen'es de cette.,tribu, qui demej.t're· súr'- rê Suéu~
rucu. 'i •at aussi trouve chez les Botocoudys d~ ces- ares et
d:e ces· fleél1es dés Ma e:hacal~5.·
20'0 'VOYAGE
que j'a'vais' YUS aúx Patachos-' auxquels ils.
ressemblent d'ailleurs · à beaucoup d' égards,
notamment' par la structure du corp~; ils·sont' un
-peu plu~ gros que les Botocoudys , et gériérale-
·mtmt grarids, rohustes et c:irrés. Ils défigu'rent
peu lem~ corps; ils nouent'commeles Patachos
·Iéurs parties sexuell~s · avec mi liane. ·La pl:u-
pari se percent un petit ' trou a'la' levre mfé-
rieur~, et y passent une peti.!e'haguette der6-
seau; ilsse co1:1pe~ t les cheverix en roiid ~u~dessus
'de: la m~qtle; quelqdés-uns se rasent la tête
eomme'les'Patachos : on dit qu'ils co:dstruisent
let{rs
.
cahanes·
. . d~ .u·· niên~e ·maniere. · D'ailieurs
.
ces · déux· tribus different beaucoup par la· lan-
gue , ainsi qu'on-~e ~erra par' les exemples 'que
je citerai à la fin de ma relation. Elles font cause
commU:ne cémtre les Botocoudys-· plus :nóm-
hreu~, mais souvent elles ont entre elles des.
disputes ·et même des guerres. J'échangeai avec
ces Machacalis des couteaux contre des armes ;
ils me,iégalerent ·d e cáouy, h•'euvage fav.ori de
tou_s i~~ ' lndiens' qui' de mêmé que
tons les
l?euples sauvages, aiment heaucoup Ies bois~~ns
; fortes. Les Brésiliens s'en pvocurent en faisant
fermentér la racine du manioc ;,Jes Guaranys la
.AU ;B:RÉSIL. 201

Vemplaceht par Je SÚC ;du palmier 'maÚ:riti~ (1) j


le's insulaires' ·du · Grand-O~éan pa/ I'ava ; les
~almouks par le koumis·; etc.. '
La m·aison 'des Machacali~ est située dans une
véritable solitude ; on y entend tÕ~t pres de
soi les voix d'es ~inges et d'autr~s animau~ sa~­
yages ; ces Indiens ont abattu ·le ·bois. tout ,a~:­
tour d'eux , I'ont brúlé , puis ont cultivé cet
espace. Apres un coU:~r séíour au milieu d'eú.x
je me· suis rerú~~rqu6 ~ur · ~~; S~éurucu. '
Dura:r;tt les"' gr~çies chaleurs . du mü~eu du
j9u~ je me proménais ?ans les sentiers ombra-
gés de ·Ia forêt .qu~ conduisent aux habitatio:.:s
des Indiens ·ép~rs_es 'Ie Íong du fleuve. Plusieurs
ele ces Indiens côtiers t~availlent . chez les plan-
te~rs portugais· moyemiant un salaire ', . et de
plus cultivent leur~ p~opr~s champs; d'autres,
notamment_les jeunes gens, s'embarquent comme
matel~ts sur' les · la~chas dé la villa.
·: ée.,canto~ offr~ aússi des. '. poi~t~. .de vue cJ~a~:...
.. ~

m:;tns. On ~lé~ix:erai~ _qu'ils fussent r~prod~~ts

(l) ' AnsiclttenderNatur, pag. 27 .


· '' · Tabl~an de la-natii·re,, p. 4o.
202 VQYAGE
par le pinceau d'tm peintre distingué , afin de
s'~n rappeler plus vivementle souvenir. Je vis.
un vieux tronc d'a~br.e qui, pen'?hé au-dessus
du fleuve, offrait une vétitable collection de
hótanique. A son extrémíté croissaient le cac-
tus pendulus et le phyllanthus , dont les
hranches pend~ient comme des cordes ; au mi-
li:eu c'étaient des caladium et des tillandsia , qui
s'élevaient du ~ilieu d~s mou.sses ; ·à sa base \
_.serpentaient des fougeres ·et _d'autres plantes.
Les bra'nches de cet arbre singulier étaient
toutes convertes de nids de guach ( oriolus
haemorrhous, L. ) , qui , de r:nême qu~ tous
les cassiques, niche toujours en compagni~. Ces
nids sont en forme de poche. C'est ainsi que
partout, et sous les formes les plus variées , la
vie répand son activité dans les climats équa~ ~
\ '
toriaux.
Un grand nombre de niissea.U.x ombragés
viennent daris ce canton 'apporter leurs eaux a
fleuve ; · on rencontre fréquemment sur leurs
borqs .1' aninga ( arum liniftrq,m , Arruda ) :
s.a tige conique, épaisse par le-bas, menue au
so'mrriet, s'éleve jusqu'à si:x: et huít pieds. On
voit ici plusieurs fazendas pres desquelles on à

j
AU BRÉSIL. r :w3
'défrichê la forêt, et oP. l'olJ. éleve .un peu de
bétail. L'on a aussi pl;u].té }leaucoup d'orangers
pres des, maisons. '!'
. Surpris par un or~~e tres-violent, je retour-
nai à la villá ; puis je contirluai mon voyage à,·
Comechatiba. La mer avait récernment jeté sur
- la côte dans les envir-ons un grand canot ou se
trouvaient si~ hommes n0yés.; preuve nouvelle
que ces parag~s sont d~nger~u~ pour les naviga-
teUI'S. L'on n'en-a ,pas de carte ·bien faite~ et l'on
n'emploie pour le cahbtage que des hê1timens
lége~s. e'est pourquoil'on ne saurait êt:re trop
r.econnaissan t erivers le monarque qui fait rele-
ver -en ce moment et déterm~ner ave~ exacti-
tude toute cette çôte; et rend par là un service
sigrialé à són pays. _
. ' M. Charles Frazer· me re~ut ,de la ma~iere -
r O

la pl~s amicale à sa faze~da de Caléd~nia ; j'y


tro~~vai. -à ma grande satisfaction' de~ gazettes
d~_u,rope. . ·
. Etant iJr~ivé sur les bords du Corumboa au ·
temps du reflux ., je fus oblig.é . d'y .passe r une
nuit fort. triste, et qui me p!lrl!t bien longue. I~
plut . continuelletpent ;- il n'y avait pas ~u~yen
de songer à construire une cabane , car nous.
·VOYAGE
n'avions ni br~nch~ge~ ni feuill!l.ges; ~ou;s e~­
mes beaúcoup de peiri.e â enttet:enir ún feu bien
faible. Le lendemain matin I'lou.s ·nbüs mimes 'à
chercher des crabes ciris qui soüt:três-comrimns
dans la riviere ·et dans le' lac voisin. Üh 'r en-
contre ·ici deux especes, de ·ces crustacés , I'une
qui vit dans Ia mer, I'autré dans ' les : rivieres.
Ayant pêché une grande méduse E'medzisa pe- '
lagica, Base.) que la roer ball~tait, naus avons
tiré de son estomac . un petit crabe blarrchâtre
qui était encare en, vie. ' .
~ I . .

J'observai une g~ande quantité d'urúbus, ·q ui


souve~t se per~haient tous·e'ns~!ll:Plê sur le n:iên:íe
arbre; des compag~ies -~~ m~uettes volaient en
criant autour de I:embouchure , du , fleuve, -et
le balbuzard (falco haliretus, L.) planait au-
dessus de .' la mer en g~eltt~nt av.idement, les
poissons. J'avais souvent vu ce bel oiseau de
proie, mais il avait toujours été trop.fxn pour mes
chassenrs. Amon arrivée à Belmonte je Ie trou..
vaidan.s les'wllectionsque mes gens avaientf~ites
penélant món .absence. I~ re,ssemble en tout au
balbÚZárd d'E'!lwpe , et se~ble. , de même que
quelques autres oiseaux, concouridi. réfutet I'o-
piniowqu'aucun ali.imal du _nouveau monde n'a:
ricn de·commím avec ceux del'ancien.
.

AU BRÉSIL. io5
t,e ..28: dé.cembre je rentrai à Villa de Bel-
lP,Qr!t~, ou je fis . ~es 'préparatifs pour.eonti:muer.
J)'lon voy~ge. au .nor.d le_lollg de la côte; . . Mes
, ç!'>lleç~ions, c,l'histoire naturdle avaient p~n<;Ian!.
trois m()is e~ dewide séjour.à Be~monte été aug\
J;De!ltées d' objetsI tres-intéressans
- 'I
recueillis soit
~

dans le sertam plus haut sur le fleuve , soit lé


lohg d'tm grand lac qui est voisin de la villa
et qui porte lenom dé _braço (bras), probable-
mentàcause de!,!a lo;ngueur, qui est de plusieurs
lieues ; car sa largeur est en cõmraraison pe'Q.
considérable. On y ~encontre une grande quan-
tité d' oiseaux aquatiques, surtoút des canards,
des harles, des n10uettes, des hérons, des jabims
ou touyouyous , des vanneauJ!:, etc. Mes chas-
seurs n'y manquaient pas de gihier frais' tandis
qu'à la yilla l' on souffrait de la faim. Ce lac
ahonde aussi en poissons, et les habitans des
environs s'occupent beaucóup de la pêche;
il est éntouré de pâtu~ages qui ont cinq lieues
d'étendue, et oi.1 l'on nourrit beaucoup ~ bé--.
tail. On y comp~ait d'abord plusieurs milÚers
~ de têtes, mais ce nombre a be:mcoup diminué.
Un gros jaguar qui rôdait dans les e'nvirons
avait causé. de grands ravages parmi les trou-
peaux : il se contentait de sucer le sang des
2.06 V0YAGE
breufs sans · toucher à leur chair. L'apparition
de cette bête féroce avait d'ailleurs rendu la
· chasse tres-difficile, et 1'9n manqriait de chiens
propres à l'all~r relancer dans son repaire. Ce-
. pendant le jaguar tuait toutes .les nuits un ou
deux breufs, etl'on restait tranquille spectateur
de ce dégât.

'.

·'

' '
AtJ BR~SIL .

CHAPITRE XII.

NOTICE SUJl. LES BOTOCOUDYS.

P~RMI les triàus des h~bitans indigenes · du


Brésil, il en existe encoie plusieurs dont on
connah à peine le nom en Europe. Depuis Ia
côte orientale jusqu'aux montagnes de Minas-
Géraes , dans la vaste étendue de forêts com-
prise entre Rio-do-Janeiro et Bahia de T~d.os
os Santos .ou entre Ies I3 et Ies 2 5 degrés de lati-
e,
tude austral vivent diverses tribus errantes de
ces peuples sauvages sur lesque\les nous n'avons
su jusqu'à présent que peu de chose.
'· .
Les Botocoudys se distinguent surtout parmi
ces dernieres par des différences tres-caract:é-
ristiques. Aucun voyageur n'a encorc donné
des détails exacts sur cette t.ribu. Blumenbach en
a; f~it mention dans. son traitt) De generis hu-.
mcmi varie-tate na#vá ; Mawe en parle aussi,
• /

VO'YAGI!:
mais sommairement (1). Jadis on les connais-
sait .sous les noms suivans : Aymores, Aimbo-"
res ou Amboures. Mawe se bor~e à indiquer
sur sa petite .carte le · pay,s qu'ils . habitent · par
ces mots : demeure dés Indien-s anthropoplza-
ges. Corrnne les habitans de la province de
Minas-Geraes, dans laquelle il demeura, étaient .'
' I
en état d'hostilité avec les Boiocoudys, il n' a pas
pu observer ces sauvages·, ni en,donner une
notice exacte et détaillée.
Autrefciisles Botocoudys étaient extrêmement
redoutábles pour les étabii'ssemens portúgais'
encore faibles; mais dans les temps modemes,
on h!s a attaqué$ avec vigueur, et 011 les a re-
poussés dansleurs forêts. L'históry of.Brazilde
Sóuthey :et la Corographia brasilica racontent
les dévastations 'commises par ces sauvages à
divetses époques et dans difleren~ imdroits, 1sui'·
tout àPorto.:_Seguro, à San-Amaro, à llheos,,etc.
Il n'e:Xiste plus qu'un reste des Ayinortkqui ha-
·b iterent jas.lis sur les bords du Rio-dos.:..Ilheos ;
ce sorit quelques ~ieillards'· qui sou~ le nom de·
·Gherins vivent sur les bords de Flt,ahypr ou
Taipé. Cependant le nom d'Aymores ou Boto-
' I '

(1) P . , 71 1 tom .:!, pag. SS8.


.

. AU BRÉSIL;
coudy-s réveille toujours chez les ·colons euro-
péens des sentimens d'horreur et d' épouvante ,
parce ~{Ue ces sauvages passent gênéralement
pour anthropophagés. Ils doivent le nom de Bo-
tocoudys aux grosses plaques . de bois dont ils
remplis;entles trous qui défigurent leurs oreilles
et leu(bouche; car hotoque signifie en Po~tu­
gais le tampon d'une barique: Le nom qu'ils ~e
donnent à eux-~êmes est·Engerecmoung, ce-
lui de Botàcoudys le~r dépla1t beaucoup. Quoi-
qu!ils aient été chassés de la côte maritime ,
illeur -restaii encore une vaste étendue de fo-
rêts impén~trables qui leur formait U:n asile súr
et tranquille. A présent i1s habitent I'espace qui
s'étend parallelement à la côte orientale depuis
le I5e jusqu'au 19e degré et demi-de latitude
aU:strale; ou enÚe le Rio-Prado et le Rio'-Doce.
.
Ils entretiennent U:ne communication
' ..d'unr
"
de
ces fleuves à l'autre le long des frontieres de ·
Minas-Geraes. Plus pres des côtes on: rencon-
tre quelques autres tribus telles que les Patachos,
les Mlitchacalis, etc. Les Botocoudys s'étertdent
à.I'ouest jusqu'aux cantons. habités de Minas-
Geraes. Mawe transporte leur habitation la plus
reculée jusqu'à San-Jose da Barra-Longa, pre;
des sources du Rio-Doce. Dans Minas-Geraes,
II. 14
2.10

de m_êú:J.e qp.e sw· les, hor.cls du RiQ,-Doc.e , ' on


leur fai_t l.a. guer('e. J~di&> les P,aulist.és . étaien.t
leurs enJ;J.em:is les plu&. impl~cables-. On tro,u ve
le long d1;~, Rio-Grande ele ~elmpnte j,q.sqn;à-Mi-
nas ·No vas eles h o reles de Botocoudys q_1ai y vi-
v~nt fo~t tranqtiillement. Chaque ti:oupe ~ son
chef, nommé capitam·par les..Por.tugais, ql:l~ est:
plus· ou moins considé~é suivant ses qu,qJités
bel)jqueuses. A u nord; sur la rive diiOÍte du.BiQ,-
Pr.ado , il.s mOI).trent de~ dispositions hostiles-;
mais leur hahita6on prll;tcipale est dans l~s v:as:-
t~s soliu~des q~is' étendent. sur les ·deux r.ives des.
l:).~p-l)oce et 'Bel:r:Qonte. lls. erren~ tr-anquille-
ment dans ces forêLs et le long clu San-Mateo ;·
ils font. quelqnefois des excursions j4-s.qp'à la
c.ôt~ J;ll.aritime ..

.
. V oilà-les çantons. ba.bi;tés aujourd'hui par les
Botocoudys i South.ey à ré uni dans son Mis;...
tory qfBraziltoutes les notices relatives.à l'his-
toire an~ien~e - de ces sauvages" qui se"trou.vent
dans l~s ou.vrages. des jésuites et d'autres écri-
v.ains.Elles.pro-u;veot qri'ils ont toujours été regar-
dês, comm~ les_plus farouches, les plus grossier.s
et les plus terribles_des Tapou.yas , , opinion qui
existe eqcore aujourd'hui dans toute sa force.
La :natlll~e. a doué les Botoeoudys d'un exté-

>
I
Al:Y :BRÉSIL. 2'.1 I

rieur avantageux,. em' ils sont m.ieuX.· fairs· et phrs·


beau:x: que les autres 'F~pm~yas. lls sonr générá;
lement d~ taiUe moyenne , quelques·\UTIS· même
deviennenttr-es-g:rands; ils· sont robastes ;·Ghar.:...
nus' muscu.leu~' ont: généralement ]ü· poitT.:in~
et les ·épaules larges, et cependanti sonl bien prd
portionnés; ils ont les pieds et n~s maihs jolies.
De même que les autres· tribus d'lndiens, ilS>ont~
les traits du·vis-age forts) et gé11J.éralement lesos
des joues larges, 'la< face quelqmifois 1U:n peu'
aplatie mais assez souvent·réguliere. La· ~)1upart.
Ont Jes yéux petits, les autres les ont g1rands,
généralem.ent :noirs et vifs:. Les levres et le nei
sont souvent un peu épais·. On dit que l'o,u ren-
contre quelquefois parmi eux des yeux hleus· ;:
on citait à c e súj.e t la femme d'un chef du:- Bel-
monte. qui· passait' parmi ses • compatl::iotes. pom•.
un~ bea:ute· distinguée. Barbo prétend· que la
plupart des- femmes chez-les Gàlibis ontles yeux ·
bleus , ce qui n~e.st · pas vraisemblable ( 1 ). Les~
Bótocoudys ont ]e· nez fort, généralementdroit~
et legerement recourb'e,, court; tr ês,-souvent;
f I

avec les narincscun peu larges; bien plus: ra:r·e..:.

(1) Relation ofthe province of Guiana. Barrere . ne fait


pas ment'ion de ·c ette particularilé.
212 VOYAGE
ment tres-sajíllant. Au reste 1'on trouve parmi
êux des diff(é rences de figu~e aussi nómhreuses
et ,áussi pqononctfes qut> parmi nous, quoique
les traits f fondamentaux soient géné~aiement
semhiah1es; l'inclinaisonI du fronten arriere n'est
pas un caractere distin~tif. tres-súr (1 ) ; ~eur
i un h run rougeatre,
cou1eur e:st . • tantot• plus cImr'"
A 11 f' , I d" "d
tantot p ps IOnce; que quesm IVI us sontmeme
o A

presque /complétement hlancs, avec un~ teinte


rouge~tçe sur les joues; je n' en ai d'ailleurs vu
aucurr 4vec la peau aussi foncée que le disent
queiqu~s écrivains; elle est plus sonvent d'un
hrun j~unl1tre. lls ont le-s cheveux forts, noirs
t!omme du charhon, durs et)isses ;· les poils du
reste du Gorps sont c~air scmés et égal~ment
roided. Chez les individus hlai).châtres, les .che-
veuxl>ont d' un,h rtm •n.O.iratre
• : pl us~eurs
. s' arra-.
., chent les sourcil~t la harhe, d' autres la Iaissent
r '
croitre,ouhien se contentent de la couper. Les
fenunes ne souffrent pas un poil sti-r Ieur .corps.
lls ont les dents belles et blanches. -lls se fen'-
dent le lobe de l' oreille et Ía levre in fét1Íeure, et
élargissent ces ouvertures en y mettant des pia-

(1) V ater Mithridates, 5cr Theil., ~te Abtheilueg, p._5u . ·


.ÃU BRÉSIL:
ques cylindriques faites d' un bois léger (1), puis
l€s preiiant graduell~ment pins grandes. Etrange
parure qui rend :leur visage ~:Fune laideur re-
poussante. Comme cette hórrible mutilation
distingue les Botocoudys d'une ma~iere si frap ...
pante, il m'a semhlé ímportantde prendre à ce
sujet âes,·informations détaillées, et ·je vais e~
conséquenc.eco~munique'r au ~~·cteurceque j'ai
appris tantparmesohservations.que par lesrécits
de gens dignes de fói.
La volonté du pere détermine . I'époque de
faire l'opération et de donner à son erlfant la
singuliere parure de s.a 1tribu ; c' est ordinaire-
ment à l'âge de sept à1huit ans, etsouventmême
plus tôt.On étend à cet effet1es lobes de I'oreille et
la levre irtférieure; on y perce des trous ~vec un
morceau de. bois pointu, et I'on ~ plaçe dessus
l'ouverturé 'd'abord de petits inorceaux de bois,
puis successivement de· plus grandsqui finissent
par donner ' aux• oreilles et à la levre une exten-
sion prodigieuse. J' ai mesuré une de ces plaques
cylindriques qui tenait à I'oreille ~u chef Ke-
rengnatnouck; elle av_ait qualr~ pouçes quatre

(1) Ils .nomment la plaque des levres gnimato, celle des


oreilies 11:ouma. ·
Fgn~s ·d~. dian~ettrc: .sJ:tr u.!le ~:_Qaisseur ·de .di;x-
P,.uit lig:nes. Qr1- le~ fait a:vec le hois dn barri-
gudo ( bombax ?e,nt.rjcoS;a.), qui ·e&t plus léger
çp.~e le liége et tresr blaf!.c ;-il .acqtP:ert !lette cou-
hmr en le · faisant ,.sqignel!isement sécher au:feu,.
' .s',
;p.§trce que ]a seye .,e;v.a1p0re pa<~' .ce mpyen; Q.uOl-.
g:ue ces plague.s soif!nt extrêmement l~ger-es , .
eHes abaissent la leVJre des vieilla.r.ds, celle des
j~~~s gens e~t ~ll col~tr~ire horizontale, ou. UJ'I-
peu relevée. Cette cc:mt~me hizarr.e qffr.e une
pr.euve frapp.ame -qe l'exten~ilité ext:raordi-
:p~ir.e de 1a -Gbr~ JlfHSCU,lai.re, C:tr ia Jevr:e infé-
.
neure na' l' aftp~r.enc~ gue .~.J? un anneau mmce •

placé aU\OUr de la plaque, il en est de même


<iles lobes des oreilles qui t:les~e:Qde;llt, presqu.e •
jq'$q~'~.u~ épaules. On peut B.ter' le~ pl~ques
aussi ·souvent qu'on le désh1e, l!lers le .b,€J,rd de-ia.
Ievre .tom.he ~ plat, et les dents in.fér\el.Jres sont
•, .J, L'
~~t;t~rei;Uent l~ftcp~vgrtes .... ou;ver.tur.e · 1:1;ugme.:nt~

avec les annét!s;- et devient.q~eJquefqis si cQI;l&Í-


dér~ble f:l:~lele ~o~e~ulaJev.;~=~ ·sedéç~itent,i. alprs.
-~ ~t~a04e l'}lt~; à·I:a,utr~ le& deu~ ~pne!'l~u~ áv13ç
~n. .l'WU<'J cy'l'qn JtetaJoJ
, 1..1'~~ (U'QSl
. . I' ~noeílU· ,._,a
.T
p Iu~
part des gens âgés ont un~ oreill~ t:>.U les. deux à la
fois déchirées de celte mani~re .. La plaque d~ h
levre pressant et 'frottant continu~l.lexAént · ·]es,

' '
J~.U -BRÊSIL.
dents antéri-eurcs de la màchoire iúférieure ,
• I
ceHes--ci tombent d~ b'@nn.e heui"'e; p'ar -exé!h =- ' · ·
ple des la vingtieme ou la ti"en~i'ethe áiln~é, óü
bien sont mal faites et d-éfangées. J'~ dépos~
dans ~e célebre cahinet antbropologiqU'é de M. le \
ch6valier Bl~menhach de Grettiágen le -cr~ne
d'un Boto(:oudy âgé de vingt à !rente ál'lS ; ' t'esl:
un!'! véritahle euriosite d'ostéologie: On rec0n.:.. -
nah sur. cette tête que la botoque a déjà f-ait wm--
ber les d~nts antlfri~ures dê la 'Inâchoire inili-
rietire, ,~ten m€me teiD,ps il comprimé'si fortemem
les os maxillaires, que les alvéoles â.es dents ont L
entierem.ent disparu, et que la fnâclíoire est da tis
cet endroit devepue aüssi aigue qu'un cbu-
teau (1.). L~ botoque gê~e ~xtrêmeípent 1es Bo-
~o~ouSIJ;s , f:l9an.d ils mangent; il en résulte na-
turellement l:IDe gt·aTJde malpropreté (.2). Qtiand
-----------'-~'"7-- .. .,, ........ ..
I'
(,1) Ce cd,ull ,a ensui-te é.té représen~é · et átcornpilgné dés
ex.plications nécessaires dans le !ime .ça hi ~ r des .flecades
Crarüorum.-r- de-M.--Blumenbach-;
t.•
(2) Ils
· •
no,us
,._ I
vemjaient
.\. '
ces ornemens-sa'I}S ani!U!le ' rlifficilJté.
~ous. <?~ ~~r.~~~·~•,e& ;\ ce suj~t · que cenx. <J;Ui ._connaissaient la
valeu r de l'argent. u6' savaien b pourtaut pas distinguer ]e,
1· • • - li '1 :;:·1 r ~ • .
p.i~ces d'aprils leu r valeux;; ils prenaien! celles qu'on lem·
•• j l<! f-i J f 'i ' l
4l•l ' • p..
offrâit 'fioul'v'u qu eles fusse.nt rondes. Ils donnaient à toutes
C'e~ m'ó'rl nâ ies ~Ht'{{tgalses lé nó iíi de Pâtacl.:s, ,qui est .cedn~
ct'une piec e cl ' un floriu ( 2 fr. 2fi cent. ).
·VOYAGE
nous leur achetions les plaqÜes de leurs oreilles;
ils suspendaietit 'à _ia partie superie~ue ~ela con-
que le· bord .du lobe resté .vide· (1). Les femmes
, ont aussi la bot<?.que ·mais elle est plus petite ·et
plus élégaJ).te. que celle des hommes.
Cette mutilaiion horrible parait extrào:rdi-
I

n~ire · ínême au.x autres Tapouyas qui habitent


le long ·de la côte ~ car elle le~r sert de- marque
distin.ctive pour désigner les Botocoudy~ C'c;!St
· · ainsi que les · Malalis , reste de leur tribu ~ qui
· viventsous Ia protection du quartél de Passanha,
· le long du Rio-Doce supérieur; les nomment
Epcoseck; c'est-à-dire grande oreill'e.
Au r~ste la c~utume de se percer la levre
inférieure . regne chez beaucoup de. peupla~es'
américaines. Les íribus des Toupinamhas, ~lir
lacôte du Brésil, portaientdes pierresnéphr~tes
vertes à'Ialevreinférieure. Azara nous apprend '
que les sauváges d~ Paraguay o~t le même

(1) Cette "coutume regne aussi à l'ile de Pâques .• l: Les


. . (( . ';
honimes et les femmes, dit Cook, ont aux oreilles âe tres-
. . ' ,., ' .
:grauds trous ou plutôt des fentes dont la longueur est de
. '
:.p res de trois pouces; quelquefois ils fendent la partie,supé-
rienr~J , et alor s on croirait q11e la cc;mque es,t . cou.pée.
( 2• Voyage. ·l
I

AU BRÉSIL.
usage (i). 11 di~ que les Aguitequedichagas por-
·tent au oreilles un morc~au de bois rond; il
en est
.
de même des .
Lengoas qui en. garnissent
Je~ trous de plaques.de deuxpou.c~s de diame-
. .
tre. Ces peuples mettent aussi dans' leur levre
inférieu:re un morceav- de bois , ~ais comme il
a la f~rme d'une langue, il défigure moins que
_celui des Botocoudys. Azara trouva le même
. usage chez les Charrv.as. La Condamine ' vit sur
bord~ du Mara~hâQ. des s~ilvages qui avaieilt ·
les Í obes des t>reilles d'une extension mon-
strueuse. « Nous avonsétésurpris de voir ,dit-
- il, de ces bouts d'oreille longs de quatre à .cinq
.pouces et perces ' d' un. trou de G·
u1x-sept a' d'IX-
huit lignes de dian?-etre; ils agrandissent ce trou
jusqú'à ce que }e bout de l'oreille letir pende ·s nr
les .épaules .. Leur g~aJ:!.de parure est de remplir
ce troti d.'un gros bÓÜ.q1,1et, .ou d'un~ touffe
d'herbe et de fl!!urs qui l'eur sert de pendant
. d'oreille (2). >> .
On retrouve des usag~s pareils dans ·les tles
de la mer des Indes et dans celles du grand
' Océan. Plrexemple, àManghi danslesud-ouest
I •

(1) . Yoyage, tom. JI, p .' 83; ibid. , ·p. 149; ibid., p. 11 .
(2) YoJ'age de la rifJih·e·des Amazones, p. 85.
V<WAGE
des Hes de la Société. Les habitans du Prince
Williams Sound, sur la côte nord-ouest d' A mé-
riqu~ , . et ceux d'Ounalachka pm:tent des bà-
. guettes d'os .dav.s la u~vre inférieure ( 1); La Pé-
rouse représente les habitans du Port des Pran-
çais avec une oU:verture ~ la Ievre inférieure ( 2 );
.suivant Quandt, les Car·ai:bes 'et les Ouar:wns
de la Guiane mettent dans les grandes fentes .
des l~bes de leurs oreilles leurs aig'uilles et lettrs
épingles. Les Gamellas, sur les bords dü. ,Ma-
ranhâo, portaient de grosses plaques de bois à
leur levre inférieure, de même que les Botó....
coudys, etc. (3).
Il résulte de tous ces faits que l'usage de se
percer les oreilles et la· Mvre inférieure, et de
g~rnir cette f ente d'ornel?ens ' . est commun
aux sauvages de toutes les partie·s du globe ;
mais q1:1e I'on trouve ,dans I' Amérique m~ r·idio­
nale les modes les plus surprenantes de se dé-
figurer de cette maniere, et que dáns ce genre
les Botocoudys semblent avoir poussê áu plus

(1) Couk; 3• ~oyage.


(2) Vo_yageautouTdumonde·, tom. li, p. 2o t.
Voyez aussi le Voyage de Dixon. .
(~) Nachriclteten von Surinam, p. ;~ 46.
~~ut ·degr,é les re.ch~~ches de l'art; ca-r Azara
:ti'a ohservé au~ oreill.es des sauvages du Para-
guay qu'une fe;nte de deux pouces ~ tandis qu'à
C!flles des Botoçoud;rs.du iBelmoüte j'en ai vuqui
av<itient quatr,~ po·ric,es ·lfuatr,e ligaes, m.es:ure an:-
glaise; ~:nai:~ cc, p:euplese .~fi:gure aussila.bouche
geçett~ mru.ÚeFe .dégo,Utante. ,Gumilapa.rl~néan­
mGins d'-q.~e peuplade qai l'emporte t:ertaine-
ment s1!.Lr l~s Botocoudys,- :pour la singularité de
l'OI':nement ·des oreilles.. Si toutefois l'i0n .doit
.s'.en rappor-ter à s~líl réclt, les G1.11:amos qu'il vit
sur l' Ap<'~lllrii ·et la Sara ré se fendent l'oreHle à
un tel point <qu'elle le1:1.r sert de poche et de pe-
t.ite besace (r). L.il sépa<ration de tout 1e bord de
l'orei.Jle,ÚJile qu'on raohservée ahez~es peuples
de f.Améll'iqp:e septentJ-.ionale (2)' .appartient
au~si mu éca'nts les plns ·rema1•quables de l'ima-
:grNation et ,~fun gout de parnre. b.a-~·bare.
. Un autr.e or.nement extér.ieur chéri des ' Bo-
.tocoudys est la .<wiffure. Tous · se rasent en-
íierement le devriere de .Ia" tête j-usqn'à trois
doigts ou plus hll!ut au..,dessus .des 0reilles, de

( 1) I-listo ire rtaturellf!_, cil,ile et géograpldque de l'Oréno ·


.q'ue·, tom. I; 1'· J·g?··
(!.J) Voyage de Carf.ler.
220 VOYAGE
sorte qu'il ne leur reste qu'une petite touffe sur · '
le sommet du·crâxie, qui les distingue de toilS' ·
leurs compatriotes de la côte orieptaÍe; Ils se
~ervent, pour couper leurs cheveux, d'un·mor.-
ceau de roseaq (taquara) qu'ils fendeni. et ~i­
guisent d'un côté; Cette sorte de couteau ·coupe
tres· bien et enleve parfaitement les cheveux ;
actuellement ils les ont en partie remplacés par
des ciseaux d'Europe. On voit dans l'ouvrage
de Southey que-des les premiers temps de la
découvertn "lu Brésil la inode de se cotiper les
cheveux, à I' exception de ceux du sommet de la
tête, régnait chez les Aymores ( 1 ). J' ai déjà dit
que les Botocoudys s' arrachent . généralement
les_ poils du corps. Quoi qu' en aient dit plusieurs
auteurs, il est faux que les Américains soient'
sans barbe; on en voitbeaucoup qui l'ont passa-
blement forte, mais la plupartn'ont qu'un cércle
de · poils clair-semés autour de la bouch~ (2).
On voit même chez les Botocoudys'· des enfans
qui ont les bras tres-velus; c'est ce ·que , j'ob-
servai entre autres chez le fils d'un certain-chef

.,
(.2) Blumenbach , _De certeris humani 11arietate nati1ld,,
wnfirme cette assertion.
. '
AU :BRÉSIL. 221

du Rio-Grande de Belmonte. Ils , n'aim~nt pas


quelecorps soit ainsi couvertdepoils, et lesar-
raphent soigneusement. On a déjà remarq11é que
'chez tous les peuples indigimes .de l' Amérique
méridionalé les ·parties sexuelles des hommes
ne &ont jamais que d'une grandeur médiocre;
'ils difterent' à cet égard des peuples africains
de race éthiopienne, ainsi que M. Blumenbac~
l'a dit avec beaUCO:!IP de raÍSOll.(l)., Quant à l':lS-
sertion d' Azàra Sllr les parties sexuclles .des
femmes indiennes du ··Paraguay (2)_, je ne puis
I'affirmer, car ce que j'ai raconté des hommes
peut aussi leur être appliqué. Chez les Bo-
tocoudys les hommes cachent leurs parties
sexuelles dans une gah~e tre&sée avec des feuilles
. seches d'issara. Ils donnent à cet étui le nom
de giucann et les Portugais celui de tacanhoba
( tacanioha) .. Çette coutume regne aussi chez
les Camacans, dont j'aurai occasion de parler.
par la suite. Chaque foís qu'un Botocoudy veut
satisfaire u,n besoin naturel, il faut qu'il ôte ce
fourreau ; puis il le remet so~gneuserpent.
Au reste les Botocoudys ne mutilent pas

· ·. (t) .Blumenbach, L. C.
(2) Voyoges, tom. li, p. 5g.
VOYAGE
leur ·corps, ifs. se bor-FJ.eat- à le pêindre. ' M:ái~­
chez aucune des· peu.plades de la côte oriental'é·
du Brésil• on ne. tr-ouve u.!1·tatouage alissi artis'- _
tement fait qu'à -l'lle de· Noulmhiva'. -lUnê-petite;
figure tracee- sàr le ~isage dJun lndiemGoropo ·
est le seul dessiw de ce genre qui ait-frappé ma·
· vue (1 ): ~es coulell:rs cli:>nt I:es, :Be>toeoudys••,-
ainsi que tems les T'a poli;ras· d u :mrési.l~, fo 1'1 t lisa ge-
pour p~indr.e leur corps, se til'eRt du. fr.uit du
rocouyer, tres; commun· cUms· toat~s· le_s' forêts,
et de celui du genipayer. J;..e .p remie r donne
u'1 rouge jaunâtr~ at·dent; la pa~tie coloranté ·
est contenue dans la• membuane qui renferme
les gr~ines; on extrait du second un noir bleuâtre
tres.,.durable ; quiireste visible sur la peau. pen-
dant huit et' même quatorze' jours;, .· et avec le:-
qucl les lndiens chr.étiens qui hahitent le long
du fleuve des: Amazones peignerit sur leurs
_éto.ffes. des figures du soleil, de la .Iune , . des
éto,i les, et de toutes sorte& d' imimaux· (2 );_A vec ·
le rocou qui fl effàce aisément·, ik s"e peignent
principalement .le visage depuis la ~01;-che jus-

(1) Vou Eschwege-. Joumal von ·Brasilien, tom. I, p. 1:'í7.


( 2) Vou Murr. Reisen einiger missionaJT:e dergesellSchaft
.TeSil', p. 5~8 .
,.

' Ali BRÉS1L.


qH'en haut; ains1 barbomtlé ,, il a l'air extrêrne-
mement far.ouche et comrne enflammé. ll's se·
peignent ord1naireme.nt }e corps en: lil0Íir ., à
l'qx.eep.tion du v.isage, de l'a.vant,-hras , et des
jamhes depnis l€s ,m;llets. jusq.u'en has ; mais
dans €.e tte derniere partie. il8 séparent pa~r nne
raie, ·rouge la1pa·nÜe pein.te de celle q.ui Ne l'es:t
pas. D'ímtres parctageNt leuF coFps em delilx du
haut en bas , lai:ssent _u·n e· moitié d>OO.s son état
natm:el et peignent l'autr.e en n@in, ressernblant
ainsi à un genre. de m.asífJle nommé da:ns cer-
t~ns. pays jour et n·u it ;,_ d' alibtres. ne se ·peignent
que le visage ell! r.ouge ar-dent. Je n'ai observé
chez eux que c;:es trois sontes d'e pein.ture.
Quand ils se narb('milient Ie corps de noir ,
ils ornent ordinairemenf lem· visage rou~ d?une
raie· noire , qui , semblable à une moustache ,
va d'une oreille a.: l'aut:re en passant sous le nez . .
Enfi.n quelques-uns , ·qui se· peignent de noir .
tout le corps jusqul.aux. pieds., n'appliquent. pas
de· couleur à la partie ~oy{mne. Ils braient;.
leur. eouleur d:ans le· carapace d':une tortue ,
qu'ils .joigncmt quelquefois au reste de leur ba-
gage. Ainsi hàrbouillé·, le Botüeoudy u'est: ce-
pendant pas encore ·assez paré à son<gré, illui ,
fàut un coltier de graines noires ou de ..noyaux
VOYAGE
de certains.fruits, enfilés à un cordon; Le long
du Rio-Uoce ces sauvages font ces colliers :;
qu'ils nomment pofzuit, avec des graines dures·
et noires, au centre tlesquelles sont placées des.
dents de singe . ou de bêtes carnassieres , pa-
i'ure que 'portent aussi les Pourys et la pÍupart
. des periples indigenes du Brésil. 11 paratt que
dans la contrée arrosée par le Belmonte ils n'ont
pas ces fruits noirs , car ils emploient de .petits
noyaux d'un brun jaunâtre et luisans. L'usage
de ces colliers est tres-commun chez les femmes
et.les enfàns ; au contraíre les hommes , i chez
les Botocoudys , s' en sêrvent fort peu ; · cepen-
dant j' en rencontrai quelques-uns qui en avaient
. plusieurs noués aulour du front. On a souvent'
vu le long du Rio-Doce des chefs qui avaient
une quantité de ces cordon~, auxquels étaient
suspendues beauco,up de dents ·d'animaux.
Ces s<;1uvages ont cóutume de J)Orter dans
leurs marches. une. certaine quantite. de dents,
afin de s'en pa•·er à l'oc.casi0n. Chaqite homme
porte autour du cou, attaché À un tort. cordon, •
son joyau le plns précieux , un couteau. Ce
\
n ' est ~ouvent qu' nn morceau d e fier a1gmse,
. . , ou
une la me dont, à force de servir, il ne reste plus
qu'une tres-petite partie. Comme ils rep~ssent
"

AU BRÉSIL.
soignei~sement cet instrm~ent , il est · touíours
extrê~:n€~~n~ tranchant. ·
. Leurs êhêfs ~e distít;~guaíent quelquefoil? j)ar
eles phunes :·_~_l'oiseaux attachées -~, leur tê te ou it
d'au;res pa-rlie~· d~ leur _porps. 'A-utrefois Hs sé
.pa:raient.au'ssi av.ec·\HÍ diademe de douze -à quinze
qú même un ph1~ ~~~riçl. nóinbre 'de p1umes jau~·
ne~.de la .queue .d~~fipu ( cassicus eristatzts)'
. , , - • ' ,i· v ·. •
qu'ils fixaíent- dans ld\ c}).evelure . du dev,a nt de
' - . . . .,' )

la tête avec 'de la: cíi·e, ptiÍs les attacha:~ent àvec'


uí) ;ctn~;lon:, La. ~oule\u· j aü~e formait ·un cmi-·
trasi~ ;a~~~-<:-ngreable'· avec la noitíceur ·dcs· che-''
veúx:. vll{4~~;~ent- à: ces diaden1es de plumes
le . nom â.e~~·hú.çc4rtcann ou -jakeráiunn~-o~â:
Il paraZt qi.í~ ~:~Ià mode '. e~ est pãs~ée de[)).ris'
~u_elqu~ ternps , 'car le long du Belmonte. j,e
:r/én ai -vu, que dans les cab<Ínes. D'alJÚes chef:>
se pâraient siniplemeniavec deux plumes d'o!-·
seau, ·généraleinent de pet~~-ócpiet, qu"ils a~t[i­
?haien~ snr 1 le devant du front ·avec un coi·-
don · ( 1 ). '.:Un . ~h~f,_:~ tué dans · une ' attaq\li~ 1t
Linhàr~s sur le Bio-Doce au moís d'aoút 1816,-
r.

:· (1) (_)-rt <· ~o:it · çette panÍrc''eh plulnes rcpi·és~ritée · sÚr1 l t~­

f•.raf et de Pisou.
_·,
" !'i
-
l>lá n che 'lln titre de l"·Histoú·e natzdelfe· CZ.u B"résil de ' l\'Tarc;,.

• h

~ ).
.. ' \. (,_ ..
~ ,, ··~
V.OYA~E

était tres-'paré. Il portah à la paí'iie supêrieufe


et inféi'Ieuré de·s b-ras , aux cuisses, et a:ti.x,
mollets, ·des êordons de plui:Iies d'~rara rouge
~ '• ;'

1oncé (i) ; des nouquets de plm:n'es órange foncé


de gorge de toucan ( l'af!Zphastos dicolor!!ks) ,
ornaient les deux boüts de son are. ii ~st ée~
pei1dant t~es-i·âre qP.e les Botocoudys, pour se
parer, fassent usage des plumes d?oiseaux, car
la plupart de leurs éhef's vont gértéraléinent
nus, et ~ont peints eo:hinie tou~ .ies áutres: Lé'
long du Rio-~randé .de Belmdíite ·, oil, gr.1ces,
aux dispositions pátáfiques. qui .y.. t'Jgnept; i:Ís.
ont ócêasioii de f a~re riri .c~:Hrilh~:téf5 Wécl~a~igés,
ils se sont prót:ur~ des mquchoirs et d'a~tres,
ohjets ; rn:].is )e né les ai jamais v$ e~ pç>rtei'.
Les feiiil:ri~s âirttént la: paru r e , éÜes . rech.é.r -
ch~ient surtout les chapelets, ' les mouchoirs
rouges et le~ petits ~ii·oirs; lés hminües préfé-
r.aient les haches, les couteaux, ou_d'autres
outils én fer. Les Botocoudys ne J.noiltrent au-
cun gout dans les oi·neiilens qu'ils se font ; au
contrairé d' auh~es tribus , telles que les Cama..:.

( 1.} Les Botocoudy' nomment .ée !beau, perroquet Hatarat
et ajp.u tent à ce m:ot celui de gipakeiu:·(gros .ou grand) pour
le distingher d'un autre plus petit. _v

_ _j ' ' ' " _/' ·· · -


... ... _... -
' ,..;. ....... ... --... ,.
AU BRÉSIL. 22)

cans, dansle sertam de la ·capitainerie ,d'e Ba-


hia, fabriquent de tres-jolis ouvr.ages. Les tribú:s
indigenes du Mexique -e i: du Pérou, notamme'nt
les peuples qui h~bitent les horcls du M<~nan~
hàJ, sont hie:n supér.ieurs aux Bo:tocottdys et
aux autres Tapouyas ,cl.e la' côte , car ils ;font
' . '"\ '
de tres-jolis ouvrages en plumes qllli se distin-
gHeU:t surtout pàr de belJes ~ouleurs eclatan tes.
On voit dans le ,c.abinet royal d!histoire naiu-
relle de LishOl'lllC une C0llection. eitrêrneme'nt
iíitéressanté de1ces· parur.es, quí, ;p au r fart -C tl~
délicatesse du •tray.ail, approchef.lt beaucQu'p de
celles des Hes Sandwich. Les femmes, _q ui SOlfS
to'tls his dirpats olil..t ;plus ·de vanité et ·de ·gôut
-p~J.lr la parure·, Femportent peu .à 'CCtJéga>rd sar
les hommes dans les ·forêts ant~ques. !cl:u Bré-sil;
el)es se peignent le c@rps ·des inêmes ·e'11mleur.s
êt de la mên~e manier~ q~e_les hom'Jilles., :por-t~ri.t
des colliers .semblables· aux leút•s ,; . e~ ~ên> otitiie
un joli co1:don d,e toucoum,. Elles oni la lBou'eb.e
et les p,reilles é,galément ornées de la botoque ;
'elles se distingu~ntseulen1ent en entourantlelll's
jambes, .au-dessous cl.u genou et ~u-dess~s Q:e
la cheville, de cordons d'é~orce ougrcwatJza,
p~r les_conserver fines.'
' :iYai~~:u1·s les .TapÓuy~~ de;· l~ ·c9te; 9r~entai~
• ,. ' ' .. ~ • b o ...li ,
VOYAGE '
ne défigurent pas leu~s ·corps ;' on ne rencontre
- chez ~ux ni l'usage d'es Omaguas, ou_dcs Com- .
hera·s; qui, pour rend.re le visage de leurs enfans
.·:;,. seüihlahles à la . pl~·ine. lune, leur apiatissent
le frónt entr~: deu:X: morc~àux de.bois, ( 1); ni la
coutume d'aplailr le 1iez (2) ,_ dont les ~ieux
voyageurs français parlent en faisaút méntion
des •ronpi:nambas ;· mais 011 n' en t_rçmye plus au-
cune trace' chez ces peuples aujourd'hui civili-
sés. Les 'e'nfans de·s Botoco{idys sont;'quélcíuefois
tres'-jolis ; Ms I'âge le plus tendre une petite
c.o uronne ·de cheveux orne leur tête.
Si les diverses tribus' .des peuples .du Brésil
se.resseinblênt p~r iet~r fo'r me .extérieure ; elles .
ontles mêmes i·apports ·entr~ eÚes par le car;tc-:- .·
tere moral. Leui·s fàculté~ intellectuelles 'soÚt
dominées par la sensualité .la plus . grossi~r.e;
cepei!dant Oll aperçGi:~ SOUVC11t cbez CUX• des
prenves .d'un jügerr1ent tres :~ain, . et mê1ne d'un
esprit'fii:i. Ceúi qui ~ont amenés chez les blâncs

(1) _Le nom if'Omaguas, que leur donnent les Espagnols, )


siguifie tête plate dans la langue du Pérou , a·insi que
Com~era, que lenr dounentles Portugais çlu Par'!- ·, da,ns la
langue du Brésil. V oyez la Co1Idamii1e, p. 7 2 , et la Coro-·
grafia Brasilica, _LO I'!_!· ll , p. 326. ' ·
.(?) Az'ài'a, royriges,- LQ~;U. 'll, p. 6o;
AU BRÊSIL. 229

ohse.rveht avec 'soin ~t;~~t· ie 'q~'iis voient' imi-


teht -àvec les ges.tes ies piu~:comiqu~s: ,~t d'une
1

ínaniêr~ si frapparlte t~ ' qui 1eur' selllhk 'ri:di-


crtle ~ que pers~nne :ne pe~\'t se.;11ép.rei).dr~ -~ let~r
pantÕhlin~·e : Ils conip:reiln ~nt dd ;u~hne facile-
rll:ent; bt .apprem.ien{pto:rÍipten~eut i~s ' ~rts · d'~::.
grémént et cl'adrésse ~- '~reis qU~ la:·~~~lsi'qu~, 'ia
danse, ·hc. MaiS'b'étá'nt hi gui:cÍés~pat' d~s . .
p-;~n-
. .. t .
cipes· moraúx ' . ni retei:ms par .eles lois .dans le~
bornes· âe·l'órdr-e · so·ci~l, é'es 'hbnii~~~s grcissi~-~
suiventles pench'abs!lde leJl; 'in.stin~t 'd.e leui:s·
- ' ~
. '" ' 1 . ~- f'
et
c.. '
i ' j \

sens; ·Cdmme 1es' jàgU.ars eles forêts. Le,s exp1o"7


sions effrertées ·d'e létirs passións !farÓucf~es~ stir~
toút··de la vcngeance· ét â'e' ]a jaio~s~e ·, i so~t
. ., · •r l J'
J · • ' ~ f

chez·eux: d'autant plus-'recloiltables qu't!lles sont


promptes et :1,:uême ísubi:t~s~' Tdute'fdis :ils diffe-
rent' souvent ]a satisfaction de 1eur pas~ion jus-
qu'à · une -ér1ocrue ' f:avo·rai) le::, ·hléih .iJ;s. 'aüiidéni'
·u:n· pleifl. esso'i··à ·]ei:Í.e verigea:riée. ·Cê sali.vàge n~~
manque jamais cFei1 tirer :ttnt! dertóuil àfi(;nse
qui l~i ,a' été·faite~ 'ét 'c"esí\in gt'ànd 'bóíih~tir ~·ii
ne rend pas plus qu'il n'a reçu : . ils sotíf de'
même impétueux ·darls l'emporten'leni a~ la'Jco-
·lêre. Un · :Botocoudy, · d:àns ·. ]~. vois'iiiage d'liú. ·
quàrtel S1Jr le -Béh11onte ,"uia par jalorisie une 1Üe
ses' femmes q~i était plus belle et plus spirituelle
YOYA:GE
que les autres. La·moindre pffense les.irrite; Un .
soldatmulâtre alia un jour avec quelques Boto;-
coudys pour cbasser dans les forêts duBelmonte.
Un Je ces sauvages, qui étaient tous des <gens
tres-pacifiques, pria Ie: m'ulútre de lui prêter son
couteau : celui-ci le lui ayant ref~é, Íe sau-
yage essaya de s'en erhparer par force. Le solr
dat fit un ge&te de menace coinme pour frar,per
le sauvabo·e;
. à l'instant ce dernier Ie· to.a d'un
~

coup de flecl~e. Un jour plusieurs Bot.ocou-


dys furent insultés par un sous-officier an qmH'-
tel dos Arcos ,, pendant l'wbsence de J:officiér;
ahl.Ssit.ôt ils ~':én firent une affa,i re · co~nmune ,
et s'ert allerent tous ensenible. Ce ne fnt qu'a-
pres beaucoup d'etfcirts et' ele bonnes paroles
pour conserve r ]~ paix ave c eui. q11'on parvint
à les rappeler. Lorsque , dans des occasions
scinblables qui lcs concernent tous, iis veuient
se rassembler, .ils se· servei1t poÚr .s'appeler dans
les bois de yot:te~voix faits de la dépouille ex-
. térieure de Ia queue clu gt'and· tatou ( dasypU's
gigas; Cüvier ) : iis Ies nommént kou.ntchoung-
cocan.
Quand on Ie;ir montre de la franchise et de
Ia bienveillance, ils y ~·époiiclent .souvent par de
labonté, même dela fid~lité et de l'attachement.

f
,I

AU BRÉSIL.
lls n'publient pas aisément un bon traitcment,
com111e Ct;!l.a est or.dinaire chez les homn1es de
la nature nowcorrompus. Daps le vcii~inage de
$anta..:.Cr~; sur la petite ri'vier~ de.San-Antonio,
à h~it mi]les de Belmqnte , wvait 11;11e 'fami1le
qui recevait fréq.uem!pent un, jeun.e . Boto-
cbudy, e.t le trai:tait toujours. am.icalem.e nt . .S.és
c01p.patriotes faisaien:t ,quelq-qefois des incur-:-
sions dans le Cíl:q:ton en ennernis. Un jour · le .•.
j~une sauvage· acco"Q.rut tout essouffié. à la m.ai-
son, ct ·d pnna à .ep.tendre par: des..signe.s d'in- ·
quiétJJde qu'il: (~ll.ait se sauver, par.~e que ses
cornpa:triotes. s'approç]iaient. On ne fit . aucun
ças de .ses avertisseme~s; mais ·bi~ntôt parut ef-:-
feçtivement une tro;upe· de Botocoudys qni
assassinerent presque· tous les habitans de la
• I' • . • ..
PJ;aiSOll.

Malgré ~es t_raits de pon caractere , iJ est tou-


'ÍOl!I'S dangereux de se tr:ouver dans leurs forêts
ay~.c les meilleurs d'.e;ntr.e .eux ; car au.cune lo~
. '
ni inté'r.ie:ure ni ,ex_térie.ure ne ,le~ arrête' de
sorte qtJ\m incident insignifiant eu lui-mêrne
pe11t leur inspirer des disposi~ions hostiles ; il
est par conséquent beaucoup plus sur' d' éviter
tout ~approehement avec eux. Sur le Rio-
Grande , ils s.o nt aüjourd'hui .persuadés .des
VOYAGE
bom1es intentions des Portugais à leur égard;
on peut dpnc dans ces cant.o ns aller avec eux
dans les forêt;s et mên1e à la ' cha_?>e, et cepen~
dant il est toujours nécessaire dans ces occasions
d'user Çl'une certai.}\é prl!ªenee et de circon-
~ spection.
La paresse est aussi un ?es principaux traits ~ ­
du c'arac.te~e dé ce peuple. Dominé par son in-
dolence n~turell.e ~ le Botocoucly · reste inaetif
dans sa cabane' jusqt{t ce ,que le hesoin de
m~uiger l'en .fa~se sortir. Mais alors même.il
àgit ~e mo~ns q~'ii pcut et e1ercc dans toute-son.r
ét,en~ue ]~ droit du plus fort, caril fait exécu-
i.er íJaJ' ses fenimes et ses enfal.1s la plupart eles
trav~nx. L'indolence, ele~ Botocoudys n'est poúr-
1ant pas aussi grande qué celle eles Guaranis,
telle q~' elle a été depe~nte par Azara ( 1) , car
ils sont gais' fac~~ieux' et parlent avec ·plaisir.
Quand on leur promet un peu de farinha et un
eoup d' eal!-·de-vie, ils :iccompagnent volontiers
pcndant t~ut~ une journée les blancs _à la ,clJas~e.
11 üitÚ que la _fem?ne o1Jéisse servilement à son .
ma,ri , les nombrcuses-e icatricés dont son corp.s
<:;stconvel't .indiquent tout ce qu'e11e a à craindr~

(•) VOJ' ages, etc-., tom. TI , .l' : 6o.


AU BRÉSIL: . 2.33

des explC-'sipns faci1e~ de sa coler~ .. Tou.t ce qui


ne concerne pas 1a.ehasse et ]a guerrc est du r.es~
sort des femmes; Elles construise)lt · les ca-
banes, chcrchen\ lcs fruits pour -la' nour.r iture ,
et dans les voyages elJes sont chargées comme
des bêtes de somme. Ces t:ravaux multipliés_et
pénibl~s ne 1eur pe11~f::ttent ' pfs de heaucoup
's'inquiéter de leurs enfans. Tant qu'ils so'n t
petits elles ]es portent cqüstamment sur . leur
dos; quand ils sont ~n ··p eu plu&_.grands, on les
aha~1donne à .eux: mêmcs , et ils . apprennent
promptement à fair;e ;l~S'élge de lenrs fon~es. Le ,
jeune Botocoudy sa tra1rie sur ]e sable juscnl'2t
ce qu'il puisse tendre un petit are; alors í1 COJ11-
mence à s' exercer, et il ne lui faut plus pour se
forme r qu~ ·les ieço~s de ]ll . nature r:L'a~10m
d'une vie libre, g1~ossiere ~t i~1dépendante s'im-
prime profondément dans son esprit des · son.
plus je{mé ige, ·et dure tant qu'il existe. Tous
les' s.ah~~g~~ qu~ l'on a ' ti1·és. de leurs forêts na-
tives 'p~u} Íes éÚver dans I~ so~iété des Euro·- ·
' • j ~
l • (' ~ ( ' .- ' ' t ' • ' r ~

péens ont penda11t rin temps. supporté cette


gêne ; ~ai_s ils ' so~pi~:~nt toujours apres ·le lieu
de :leur naissance, et s'enfuient souvent lorsque
1'011 11,,ecoute
· . pas I eurs' d''
esus. A u reste que1, est
l'honún e C{l~Í ne COl;~alt pas' Pn ttr~it pmssant
234 VO'tAGE
'
du sol pater.ael e.t de J:;t premie1·e maniere de
v1vre.
Mais n' en est~il pas de même d~ tout ·chas-
seur hal;>itué des :la jeu,nesse à p;~.r~ourir les fo-
rêts ou il jouit des beautés de la na~ure? qu'on
le transporte au midieu du :trimulte ·et dp..fracas
de.s grandes cités , il so:upi11e apres .ses bois. Les
sauv:ages élevés parmi les blancs, et .q~i .se .sorit
ens;uite enf.uis, ont. sou;vent ren.du .des .s~rvices
aux étahlissemens européens, lor~qu'iJ.s av.a ient
été bien tra:ités; pendant la g.lJerre ;m ~ontraire
:ils ont fréq.uemnie~lt fait bea'!-1-coup de tort ,
parce qu'ils connaissaient les côtés · f.'~ihles des
colonies..
Lorsqu' une ho.Pde de Botocoudys arnve dans
une forêt ou c::lle .veut s'arrê~er, les f~T,nnies
aHument aussitôt du feu à la manier.e d~ la plh-
part. des peuples sauvages ; e'lles pre.:ónf(bt 1m
niorceau de b0is lon,g .e t cr.cusé de ,plusieurs ca-
vités sur lesquelles on E:'I} pbce pe~p.endicul~i­
teinent un autre : on attáche .SOl}VeJ{t à 'l'extré-
mité supéri~ure de celui-ei M;:tt <q!Or,e~au d,e
fleche pour l'aHonger et ·pouvoit :t:nJeux le sái-
_s ir; on lé pre'n d entre les pal..Jmés .des mains
éiendues, et oi1 le fait tourner avec ·,ra,pidité.
Au-dessous du· morceau de b'ois ho.rizo~tal ,

.,
AU lJRÉSIL. , 235
dans lequel tourne ·Ia p~inte du p~emier, d'au- '
tres femmes tie~nent étendue de l'étonpe fai:te
de I'écorce de l'arbre' nommé en conséquence
par Íes Po1·tugais P ao a~estopa ( lecjthis) : les
brins épars prennent feu et allwnent les fibres
de l'écorce. L'effet de cet instrtuhent, nommé
nom-nan par les Botocoudys, est sfrr, mais il
coute be·a ucoup de tfmÍps et (l' efforts (I): 11 est
três-fatigant de faire tourrier le bois, et sou"-
veut il faut que plusieur~ femmes se relaient
d:üis cet exercice. Q'uelquefois les Portpgais
dims leurs excursions au milieu des for~ts se
·s~rvent de cetté n:la:niere de faire le feu' quand
ils•n'ont pas d~autres instrúmens. On y eníploie
deux sortes de bois ; l'un est généraÍeníê:h.t: un
gameleira (ficus ), et l'autre un imbauba ( ce-
cropia).
Des que le feu est allumé; les :femmes , se
inettent a,lissitôt à c.o nstruire les cabanes, cou-
pent les _grandes feuilles des c?c9tiers S~iQvages ,
et les fichen.t en terre_, les l:lnes à côté .des au-
tres, de maniere que leurs sommités supé-

(1.) L~~ G_roenl~ndai~ ,, les G.alip,is • les Ounalach'kali~ns, ­


ies Kamtchada!es' les Taltiens,, les sauvages de la N6!1Velle-
Hóllande fonfle feu de la même maniere.

/
2.36 ·VOYAGE
rieures, nat~rellement souple~· , se penchent
vers le centre de. i'enceinte les unes au-dessus
des autres et forJ\lent ainsí une vqúte. Ces ca-
hanes &i sÍn.iplês sont ordin~irement de figure
allongée, quelquefois rondd; · ~l.ll' milieü il- y a
des· pierres . qui. servent à entourer le feú, ou à
. ca~ser les petits ·~ocos sauvage_s qu'ils nomment
oraro., Plusieurs. familles vivent ordinairem~nt
ens~mliJe dàns une de ces cabanes; une' r.éunion
de ca'b~nes semblables porte chcz 1es Portugais
le nom ·de R'ruicharía. Si lP.sBotoeoudys restent
long-temps dans un endroit, ils perfectionnent
lem démeure, ils ajóutent àl'entour des pieux; et.
des branchages, ~t' au toit d' autre.s branches, du
chaume et de grandes 'f~uilles depattioba (1),
ce qui lui donne une bonne épaisseur. Tpus lês·
usú~nsiles du méilf!ge . sont éparpiUés à. terre
.
;
ils sont ~r~s-simples , mais plus no~~reux - que

(1) f.:es , Roqug~is no.mm~ntfolha de pattioba; d'apres' la .


lingoa geral, les feuiiles du coco de patti, espece de pàlmier,
. ' ·. .
quand elles vieunent de sortir de terre. TQUS ces. beaux végé-
taux 'pousseut d'abord de terre des feuilles plissée~,. iarges de
quatre à cinq pieds; leurs folioles sou t alors eri.core réuni~~ .
eu une ~arge surface; daus cet état leur parenchyme co~ia~e
foui·nit pour les toils une excellenle ' couvêrture qui les mel
à l'abri de la plnie : ' -' . ·

............. '
AU BRÉSIL.
ceux des Pourys à San-Fidélis ~ ce sont ég~le­
~ênt· 1es femmes qui' fabriquent la plupart des
ustensiles. Ces sauvages ont, . pour cuire ·.Jes
viaades, des pot.s faits d'une argile grise qu1 ont
pa~sé au .feu ; tons les Botocoudys .ne s'en ser-
vent' pas. · Pour garder l'eau et pour boire ils
~ont gé1iér~lement usage d; écales de góHFdes ~
et.(l{U:and il y a d~s habitations eur0péennes da~s
leur vois~nàg~ .ils' . emploient · quel(juefois le
f~·uit· 'd u cal<:<bassier .( crescentia cujete, , , L. ) ·~
qans lei> forêts iJs SC servent. de longs lll0fC€~U~ '
du roseau nommé 'taquarassu ( grand roseati.)
dans· la··lingoa •geral des .tribus de Toupinam-
h~s :au·j01trçl'hui ~ívilisées. · C est u,rre espece de '
· bambwsa ~ qu~ i ainsi·que je I'ai d~jà dit, s' éleve
jtisciu'à ·~r.ente et qnarante pieds ·· ele · haut , · et,
par.tieri't à. la gms~em du bras .. Pour se faire ·un
gol5elet, les ,Botoe(!nl.dys; coupen!t u'n' morceau
de1!a tige Hti ·rosea'n; ·le:nreud>:qui reste.-·au. mor- '
c.e3!U: forme ·le ;fond: . Ce~te · sorte de va's e, •l,iom. .~
mée. kêkrock, ayam upe. longueur. de :trois •à '
quatre pieds, contient beaucoup d' e~u 1 mais
éclate aisém._ent_: J~s.. s.au~ages en boucheni les
• • ~. • • - t • I • I

feü.lés), yec <}.e .I~ . :cir;e. '" · ~ .: ·:


' ,·v c ' r • . . . . ·. -
Le~ f~~pes. e.tle~enfans vont ehercber l'eau, .
· parce ;<in:i!.faut, qu?il y én ait toujours dans le.$

;
238 VOY!A.GE
· cabanes , . font des lignes ~ pêcher avec le pal-
mier tucum ' et des cm·dons tres-fot·ts avec les
fibres des feuilles d'une espece de ·bromélia (1),
nommée orontionarick, ainsi qu'avec i'embira
ou écorce d' avb~·e, (!_{Ui lem; fournit aussi des
cordes pom leurs àrcs. Pour tirer les fib~es ·
desfeuilles,on Jaisse macérer la partie charnue,
et OD enleve ensuite la membrane extérieuFe.
Les matériáux pour faire .des cordes .ne man-
quent pas dans ces antiques for.êts américaines;
le pao . d? estopa ( lecythis) , le pao d'e~bira ,
l'embira brama, le barrigÚdo ( hombax) , et
d'autres .a rbres en f(imrnissent err'í abondance.
C'est avec le pao d'estopa, dont les Portugais
ewploicnt fi·éqtàemment l'écorce molle décou-
pée . en .grandes lanieres., que ces sauvages fo1,1t
leur lit ' car ils ne ; donuent pas dans des ha"" ·
macs ou ,des fue.ts suspenclus, comme font les
Pourys et la. plupa.rt des peuples de l'Amérique ·
méridionale. Un morceau d'estopa; étendu -à
tern:, leur sert de couche. Çette écotce parait

·. . i !_ • •• ' .·,:

(1) Au Paraguay, cette plante se nomme caraguata, et à.


lii côte orieutale du Brêsilgravata. Voye'lo Azara, r'oyages, ·
tom. I, p. 135, _et (Arruíla, supplémeilt au voyage de
Ko!Ker.

I
AU llB.ÉSIL .
.awír d~ !f!ffini~é avec celle que les Indierts En-
çabe.Uadas sur le Río-Napo emploient po11:r
~quveJ!lUre et pour lit, et f!Ominent jancha'ma.
Les peuples des bord~ du Mara~hào, ne s'en
seÍ'veilt généralenient que pout couverture de
lit ou po~r 1ápía. Des fruits et toutes s.ortes d~
P,TQ.visions, )es .apnes, les provisions de ·boi~ et
de ·pluínes, c?mpóse:nt I e reste des objets qui
remplissentles c'abánes des Botbcoudys.
' Le pre:Q1i.Ç.r b~soin des saúvages, quand ils
so~t installés, est -la Iiourtiture : leuv app_é,tit
ne col'inait pas de horhes, ils m:mgent avec beau- .
coup d'avidité, et pendant le repás sont sourds
·e,t mu(lts po11r ~(',)~t;tte aqtre. chose. Si 1\ m rem-
plit bien letir ventre., Fon, a ttóuvé la voie la
plus su.i'e de gagrrex: leàr amítié ' et si aú régal
·on ajoo.i:e . quelq~1e présent, oli est ~sstiré de
leur attachemen~, ·
La nafúr.é quia assigné,à l'homme sauvage les
·animâux d·es forêts pour apaisér sa faim, lui:
a fait ·inventer dans ptesque tous les pays du
glob~ les m,ê1pes armes grós~iei:~s, l'arc et la
,fleche. Les· Ettropéens, les·Asiatiques, les Afri;.
cains et les Américains ·s'eri servaieüt. ~utre­
fois, et quelqu~s-~ns en ,fOnt eúcore us,age. r
L' Asiatique et fAfricain p~rtent des m~ssues· ,
" .ri _
(

VOYAGE
des zagaies et des arçs ; l' Américain' des mas-
sues ( 1) , eles ares , eles sarbac·anes (2) , des
l-ances (3) ; le sauvàge .. du Grand:_Océan des
massues, des lances et son arme à feu.
(

·. (IJ Quoique les tribus des Tapouyas · du Brésil oriental


n 'a ient' pas de massues, on tro nve cependarlt cette ··arme
r.hez celles qui dans lcs provin ce> de 'C uiába et de 1\laho-
Grosso com~Jalten s 8ontre les Portvgais; de ce uornbre sont
le.s Ma bayas et les Bayaguas. Voyez Azara., tom. II, p.109 et
1 ~· Les sauvag-es du Maranhàô, les Toupinamb<ts. a~jour­

d'hui c ivili-sés~~t les tribns qui s'en rapprocheut, avaien-t des


massues de b.ois pesantd lourd, de mêll;ie que les peuples de

. · , J~:.~ Guiane.
. ' ' '
.. - (2) La ~onda mine a décrit les sarbac~nes ( ewra!Jatanas
o'u esgat'aratànas) des peupfes de l'Amazoue '( p. -6·7 ). « Ils
y ajusleat, dit-il·; de l)etites tlecl;es de bois de palmicr qu'il~
g_a.rnissent, au li eu de p~Ümes , ,d' un p elit bourl et ele c'otol\ qui
remp\it e:-;:acte.~,entle vi c] e. du tuyau ; i~s les- lp nceiJl avec !e
so,uffle à tréute etq ~~rante pas, et n e manq ue~.t presque jamais
leu r coup... Ils trenipent la póinte de ces ·peütes fleches,
ait;·si qüe éelles', lle' leutS a~~s, ·d~ns un po'Íson si actif, qu e
q uand :iL esl r éc~ nt i l tu e eu nwips d'une demidpiti~t.e .J',ani~
mal à qui la .tJ.ecb,e ~ tiré du sanp. " l\L .de ~umbo!dt p_ar le
aussi ·a~ sarbacanes f.a.ites ·par les Indi~·ris de l'Oréii.oque a·vec
deschaliÍmeaux. de.graminées gigautesques, qui d'uÍinool\d à
llaulre ónt des articulations longues -cl.e dix.~sept pieds. ,.
.Ansicltfen .d er Natur, p. 2~tl. ,

!" Tableau.~ de la Nature, tom. II, .P· 1.8o. '


(5) La lance est u ~e ar'me ti-es-rare ' ~be'z les penples de
. ~ t!
r Amérique. Cepeudan t l'es ltrdiens du P·araguay et tous
·f

De toutes les armes des peuples sauvages ;


l'arc colossal des Brésiliens et la fleche de gran-
deur proportionnée semblent être Jes plus re-
dm,Itables. Un Botocoudy trapu et rob'uste ,
à ]a vue perçante et aux bras nerveux, exercé
des sa jeunesse à tendre le bois roide et ferme
de son are gigantesque , est dans les solitudes
des forêts sombres et touffues un véri;table ob-
jet de terreur. Les armes de toutes les tribus
sauvages du Brésil se ressemblent parfaitement ,
dans I'objet principal; mais on remarque chez
chacune de petites différences qui tiennent en
pa•.,ie à des causes locales. BeaucÓup se servent
pour lcurs fleche's d'une espece de roseau (ta-
quara) qui croit prês de lenr demeure , et
pour leurs ares d'un bois fort et élastique; celles:
qui vivent le long de la côte orientale , et dans
la capitainerie de Minas-Géraes, les font avec
le bois dq palmier - ai ri épineux ; noinmé à

ceux qui out des chevam• s'en servent; eU e a dix pieds de


longueur. _Celle des peuples de l'Amazone et 'de la Guiane
est au contraíre courte et o,rnée-de plumes; c'est leu r arme
de vQyage Ia. plus ordinaire. Voyez la Condamine. Le
cabiuet 0 royal d'histoire naturelle de Lisbonne, t>ffre une
collection curieuse d'armes de ces peuples, ornées de plumes
.H • I •
u m~e beauté admuable. ' ·
li. 16
l\iinas brejuba, et par ~es: tribus toupinamhtit
a'iri assu. Ce , bois fibreux est e:xÚêmemenf
compact}élastique,et,surune épaisse~r propor-
tionpée-, difficile à ployer; cependant il se brise
quand on le_1nanie avec trop de fo1•ce. Les Pou-
rys et la plup.art des habitans de la côte orien_;
tale , de même qu'une gra,nde parti.e des. Boto-
coudys du Rio-Doce, en font aussi le même
.usage : mais il paralt que ce palmier ne cro1t
pas au nord. C'est pourqnoi les Patachos, les
Machacalis et les Botocoudys, qui habitent en-
core plus aunord sur le Rio-Grande de Behnonte,
emploient le heirang, arbi·e nommépao a~qrco
( bois d'arc) par les Portugais. C'est une es-
pece de bignonia tres-haute, àbelles fleurs jaunes;
le bois en est solidP-, élastique , blanc , avec le
creur jaune éitron ; mais quarid on l'a travaillé ,
il devient d'un rouge brunâtre (1). Le bóis
d'a'iri est d'un brun noir brillant~ e,t quand il

(1 ~ Le. pao d'arco montre au commencement du printemps,


c'est-à-dire à la fin d'aoút et daus les premiers jours.de
se_ptem bre , sou jeune feuillacge, d'un beau rouge brunâtre ,
qui donneun aspect bigarré aux forêls ou il est tres-commun.
Ses grandes et helles fleurs , d' un jaune foncé, sont nom-
breuses et couvrent 1'<1-rbre; on coupe l'écorce de cet arbre eu
g~andes plaques et l'on en touvre les. mai~ons.
AU BRÉSIL.
est hien p0li~ fournit une arme agréable à l~ vue.
La plus grande force de cet are réside dans le
milieu ; il va en dftninuaJ)t insensiblement vers
les deqx extrémités. Les hommes robus'tes ónt
des ares longs .d e six pieds et demi ~ 'sept pieds;
j'en ai même ·v u un chez les_Patachos· dÕnt la
longeur était de huit pieds neuf pouces et demi.
• les fibres )du gravatha la corde
On fait avec ' àe
çes ares, qu~ doit aussi être t.res-furte.
·: Pour la fl~che; gui est s<mvent longue de' six
píeds, les Botocoudys qui viveni le long du Rio-
Doce prennent deux especes de roseaux, l'uba
et le éannachuba , qui e~t lisse et dépourvu: ele
nreuds, etse distingue du pnimier par sa moel1e.
D~ns les pays arrosés par le Behnonte; au con-
t raíre , ils ne se servent orclinaireme.nt ·que de
l'uba, qüi y crott ~res-abopcl~mment; mais ils a~
portent de cantons ~loignés d'auttes especes de
roseaux auxquels ils attachent un granel prix.
La partie inférieure de la fleche, qui appuie _sur
la corde de l'arc, est garnie eles larges plnmes
de la queue du irnhum ( crax alector; L.),
du jacutinga (penelope leucoptera), _du jacu-
pemba (penelope marail, L; ), de l'arara, etc.
ul~e de ces plumes .est attachée dans le sens de
sa longueur; de chaque côté de la fleche, avec

I
,\
1.
~
VdYAGE
une écorce de liane. Les Portugais nomment
cette plante grimpante imba , d'apt:es la liggoa .
geral, et les Botocoudys mefi. .
On distingue trois sortes de fleches qui dif-
. ferent par la pointe, savoir la fleche de guer~e,
ouagickd com'!t, la fleche barbelée, ouagické
nigméran, et la fleche .pour la chasse des f>etits
ariimaux, ouagické bacannumock. La premiere
a une pointe allongée ou elliptique, tres-aigu~,
fa,ite d'un morceau de roseau taqu:;trassu. On
brUle le roseau pour le rendre plus. dur , on le
racle et .on le taille pour que les bords en soient.
aussi tranchans que ceux d'un couteau , et la
pointe aigue~Çomme celle d'une aiguille. Cette
espece de fleche fait les plus grandes blessures, .
êt s'emploie par conséquent à la gu~rre et à
la cl?asse des plus g~os animaux. Le roseau étant
. creux, le .sang coule le long du eôté concave
de la pointe, de sorte que l'anill:':al qui a été
frappé saig~e beaucoup. .
La pointe de la fleche barbelée, qui est lon-
gue d'un .pouce ou d'un pouce et demi , est
faite. du même bois que l'arc, soit d'ai:ri,
soit de pao d' arco. Elle est mince, tres-aigue;
et a d'un côté huit à douze entailles obliques,
dirigées en arriere, qui forment le harpon. Cette

I
AU nR.'ESIL
.fleche s'emploie à lá chasse des grangs_et petits
ani~aux, ai1,1SÍ qu'à la guerre, et fait une plaie
da~gererise : cmhme la disposition des entailles
el!- rend ~' extraction difficile, ori. tâche, quand
cela est possible, de la faire passer entierement
à travers les chairs; alors ori brise la pointe,
_püis on retire en arriere la hampe en I~ tour-
nant entre ·les deux mains ouvertes.
La troisieme espece _de fleche ne sert qu'àl a
chassc des petits animaux : OIJ. prend une bran-
che pourvue de nceuds, et on.I'arrange ae ma-
-~ere que l'arme, au líeu d'avoir une pointe à
SOJ1.ex~rémitf , ait quatre à cinq nceuds disposés
en forme de _' rosace , et -coupés tres-courts.
La han;tpe ,de. la fleche des · BoÍocoudys n' a
pas de n.reP;_9-s, c e qui la ,distingue des autres:
~ .P01u: donner plus -de- force et de solidité
, a:t~x deux premieres .sortes ·de fleches, les sau-
..vages les frottent a:v-ec de la cire pui~ les pas-
sent au feu popr qu' elle y pénetre mieux; ils
font sul:lird a mêrúe opération aui ~rcs. Lespeu;-
ples -du 'Marânhão ont.aussí à leurs lances des
po~J)tes de bo~ . dur, mais ·eeüx du Rio-Napo
~es 'mq._nisse~t d~ pointes de· gr:os roseaUX; . Les
sauvages de la côte orientale du Brésil ne con-
. naissen~ pas Jes .
carquois; leurs fleches·
. sont
, trop

l
\
VOYAGÉ
longues; c'est pourt{uoi iiS les portent toujouts
à la main. Les .peuplades amérieaines orit gér
néralement des ares ét des fU~éhes d'une lo'n...
gueur considérable,. en quoi elles different des
p~uples d'Asie et d'Afrique. Cepertdant, qttel-
qués nations de 1'Arn:érique :méridion:de se ser-
J • •
vent Ç.e fleches courtes,. et les pol'tent dâns des·
carquois; mâis ellés' sontpresque toujours à che-
val, par exemple les Charrtlas et les Iy.linuanes
du ParagnâJ {1). , · ·· ·' '
, Les:Tapouyas de lá côte·: orientàle du :Brésil
ne font pas. u·sage de fleches efupciisoiiné'és; 'on
en trou.ve chez les -peuples des bórt:l:s du ffeüve
des Amazones. Pour ápprendre·à 'se· servir con-
venahlem:e:ntde I'ate, les petits garçons s'y exêr-
çent de bO!'l"lle' 4eme ; ils font usagé' àccet e:ffet
de fle~he:;· et- d'ares lég.ers. Naus avons:,. dans .
les lieux bas; et su_r l~s nombreux banes de sa-:.
hle du ~elminte,. été · souvent t.àln@ins· de~ ces
- exel'cices ,: et· nops avons· vu ces· jeu'nes; gens ti-
re r leurs fleche~ ·perpendiê"tlla-irernent··à une
tres-grande hauteur en rair, pirlsda: relart~er· de
nouveau; L€s :par.<fns les encoura:gent à ·ces e~ er.:.
cices, et Ià-jeunctsse y fait des; pr-0gres· rapide.s;

.~
\
AtÍ BB:ÊSIL.
d~ sôttequede-s jeunes g~ns de quatorze à qúinzé
afis peil.vefit prendrepa;•t aux parties de chasse .
.I Le tegne àuimâl fotirfiit dans ces imm!':nses
féfrêts; qui se süivetlt sátis itttertu~tion , · tinij
provisióh ã1díitlahw áltx sauvn~es; 'et la n'ature
:ií~á páS'~té moiris ptóâigtte dãns l~s mets délicats
~t savoureüt qu'ell~ - á ptoduits· dáns I~ regne
végetal :pc:H.ti"léhrs gtJsiers grossicrs. Ainsi elle a
pdüfv'u à t0tls leurs · besoi~is, et éll~ a eu d'au~
Mnt plus de raisbn (te le faire, qu'ils ne corinaisJ..
s~ht pàs Íe sotí.ci du lendemiin. Ils pehve~t ·;:
d~s Vh eâs de nécessitéf st1pp0Ftcr b faim pen'-
dànt lôrtg'~tempsJmáis en revanche ils iliaügent
IÍnmodér'éilient. Sile has~rd léur amené Úil.gro§
àni:i:tiàl, tons y prenrie:nt ·p art également, et é:tt
peil. dé temps une provision ocmsid~rabie
es~ consommée. Ou lesa sotlveilt vns, apres :s'ê..
tre surchargés f estoiriac , sé foulet mutuelle·~
ment le v'éntr~. Lá modératión léur est .totale-
fueht étrangêrl:l,. voila P,~ürqtl.oi I'ea.U:-de-vie et
tóhtes lés boissoils fortes SOJ:lt si d~rngereusés
póur êux; n·e .sachatit P'as· r6primet leüTs pas~.
siàns_,f tÍiême..qullnd ils: so:tit sbbtes, ·des dispu-"
tês sa~glaiites s' élevel'lt trop aisément parmi e~x
lorsqu'ils- sont ivres. ' .·
· Les ·Botocoudys sóht tres-adroits et-tres-'
VOYAGE
habiles dans leur principale occupation, qui est
la chasse; ils suivent les·animaux à la piste avec
une sureté étonnante; etleurs sens ~~trêmement
fins les ·aident merveilleuscment. Ils connais-
sent toutes les traces et savent pa.rfaitement les
suivre' même ]orsque nos yeux n:apercevraient .
plus rien; enfin Üs s'entendent tres-bien à imi-
ter tous ·Ies cris d' appel des animau~ : c'est à
s'y méprendre. Leur .córps endurci ~uppor~e
toutes les inco~modités , la chaleur .<Ju jour
1

conime l'humidité froide de la nuit. Obligés . d~


dormir sans cabanes dans · les forêts , , ce qm
. . I •
leur arrive souvent, ils folit un grand feu; au
re,ste ils -ne le laissent jamais éteindre dans lem:
cabane pendant la nuit. Quand les mousbiques
tourmentent let~r corps nud, .il~ le frappentavec
mi. gránd bruit pour les tuer. On· a dit '· ce qui
est tres-stwprenant, que ces insectes altérés de
sa;ng attaquent plutôt les étrangers que les in-
t '
digenes. · Plusieurs écrivains prétendent qu'en
se fr ottant le .corps avec de certaines huiles .ou
des substances od0rantes , on se préserve de
la piqure de tous les insectes : mais quoiqu'il se
v·ouve certainement dans ces · contrées beau-
coup de substances désagréables pour .les ip-
sectes, il ne para!t pas que les Botocoudy,s,aient
AU ·BRÉSIL.
faif cette expérience, car ils vont ordinaire-
ment de côté et d'a~tre sans peindre leur
corps.
L'eau ne manque pas facilement aux sauvages
dans· leurs parties de chasse ; indépendamment
des petits ruisseaux qui murmurent de tons côtés
dans les forêts dont les rochers et les mon-
tagnes soni couverts, on y rencorítre une infi-
nité de . plantes qui ont . ün sue .rafratchissant ' .
par exemple le taquarassu. En coupant sés jeunes
'tiges il en découle, ainsi q17e je. l'ai dit plus
haút , une eau fra1che dont le gout est d'une
douceur un peu fade : il s'en trouve de même
entre les feuilles roides des tiges _de bromélia . .
Les sauvages, et même les enfans des deux
sexes, nagent avec beaucoup d'adresse; ils
grimp~nt avec facilité aux arbres les plus élevês;
les Poury~ se nouent à cet effet les deux pieds
ave c un liane ; les Botocoud ys n' emploient pas
le même procédé. lls vont à la chass~ , soit iso-
lément, soit par ·t'roupes ; lf!urs chefs sont or-·
dinai~ement les tireurs ~''àtcs et les chasseurs
les .plus habiles·!; ·. aussi ' jouisse~t- ils d'uné
grande considér~ti9n. P'our êtré' prêt à tirer de
I'are·, le .B~to~oudy a:· toujqfÍ's Je· c~·eui _de 'Ia
main gauche enveloppé ·d'ün' cot don' ' ' afin de
VOYAGE
n~être pas blessé par la corde de 'I'ate quand il
fait partir la .fleche. Les Pcmty~ ' n'ont pas c€t:
usage. Au lieu de eordon d' ~mbira , les Bota"'-'
co11dys emploient aú.jourd'hui _un:e 1-igne à pê-
cher, qui leu r sert par conséq~ent à deux .fins ..
Ils achetent le!lrs h~meçons .aux Portugais par
échange.
Les sauvages cherchent à cerne r ·Ies trouees
de gros animal."!x ; tels que · les pé caris qu'ils
nonnrient loouraok , et ,les tapir~ ( holohme- _
~ reng ). Quand ils y réussissertt, ils ' se hâtent d~ ­
percer le corps de ces animaux d'un aussi•grànd ·
nombt·e de fleches qu'ils peuvent; car ces couP'&
de fleche tuent tres-promptement. lls niangent
jusqu'à la peàu du tapir, et n'en laissent qt'te
les os les plus gros. La fl_ech,e est une tres:....
bonne arme po\li' la chasse eda guerre dans les
forêts, et quoiqu'elly n'ait p<:l~ _ l'efficaeité d'une
baile de fusil ou de carabine? ~lle, atteint pour-
tant aussi loin que le plus -gros plomb , et en
01,1tre . est ..bea\lCO~lp plus _súre. ,Le coup part
tra,nquillement, n'.çst ~ccoUJ.pagné, d' a~cun 'hrui~,
et n' en e_st qúe plus dangereux ? l'humidité n_y
cause auGun inc;onvénient à cette arme, et I'are
ne, rate_pa~ .c;'!_m~~ ~os arme~ ~- f.eu. Co~bie~
de fois l' été,tt cly , l'atmosphere p.'a-t-il pas été.
AU BRÉSIL.
nuisible aux ~onquérans emopéens da~s les_fo-
rêts du Brésil ! ·Quand leurs armes étaient hu-
mides ,. les sauvages les égorgeaient ·sans peine.
L~ ~e.che sort avee rapidité de la masse touffúe
des. forêts ,, saas que I'Ofi: aperçoive d' ou elle
est partie : aussi les sauvages peuvent-ils tuer
plusi~urs animaux d'une troupe sans que les
aut,res le remarquent et cher:chent à s'enfuit.
Mais. à,.côté de ces avantages, cette mà~iere de
~~asser a: aussi ses inconvénietis, car la longué
fleche que le.: sa;q\mg'e lapce en l'air contre les
, oiseaq:)( reste souvent suspendue dans la touffe
ser:r;~~ ,que forme; rentrela:CCJl!.(i!llt des cÍpos avec
les ~im,eli des arbres- : il f~ut, al01~s que le chas-"
sem~ y .grimpe. Jl<>mt la· r~tir<;!r. Les , sauvag~s que
nous chargi?ns dans ,nQS parties ,d e çhasse de
tuer des ,oiseaux pour nos collections, se ·dé.,-
barrassaient dans.ces .Gas-lá de t<;>us leurs vête...
mens, p~rce qu'ils grinipent plus f.l~sé:ment q~and
ils sont,tout nus. Ils appliquent leurs d~lilx pieds
à urie hautell.r égale eowtre Uin arbre,<ile · gro.s-
seur m€diocre; <'lt ltJ! serrent avéc la plante·qu'its
frottent,-de le11r salive; puis•s' élevent ainsi &vep
promptitude; à peu pr.e s à la·manikre ·des gre-
u~niUes, ca:i' on peut ,dans ·cette position les
.VOYAGE
coniparer à ces amphibies quand ils se dépêchent
d' avancer dans les marais. . ·
Lo·r squ'un Brésilien se prépare à tirer ) il
place tciujours la fleche .du côté gauche de l'arc,
la tenant ferme av.ec l'index de la main gauche,
·tandis que les deu~ premiers doigts de la droite
tirent la corde en arriere; les trois autres doigts
de cette. main sont simplement pósés su~ I~
corde pour aider à la tire r. L' reil se place ''en
ligne avec la fleche ' mais rarc' se tient toil:-
jours ·e n position perpendiculaire. H est indi~­
pensable que Ia fli~che soit bien dróite ét· d'mí
poids égal dans toutes ses parties: Pour 's'assu.:.:
rér ··de Ia prerilie~e qualité , les Indien·s l'ap..:-
pliquent en longueur 'pres dé I'reü , ~t la' fótrt
tourner avec promptitude entre le ··pouce et
l'index. li importe aussi beauco?p que :les plu~
mes de la partie inférieúre de · la fleche:csoiçnt
sur le même , plan' ·que la Iafge1.~r ele 'Ia'1:idinte
de taquara dont ·1'autre·, extrémité ·est ariuêe.
C~s .sauvages ne pol'teni pas ordinairerile~t ·plus
de quatre ·à six fleches :. elles · sont: si ·iongues , ·
qu'un plus gTand :l10mhre.les gêliefáit: La gran.:."
deur colossale de l'arc. "et la longueur.t de· 'la
fl~che. rendent les ,coups de cette árme plus

AU :aRÊSIL.
forts et plus dangereux que ceux d'une fleche
plus pe~ite. ·
· Lés sauvages regardent le sil}ge comme. le
gihier le plus délicat. Lorsqu'ils aperçoivent
quelques-uns d€ ces animaux sur ~n arbre
élevé ' ils r entourent et guettent .attentivement
de quel cô~é ils cherchent à s'échapper. Si I'arbre
est tres-haut, le chasseur monte sur un autre
qui ne soit_ pas tres:..éloigné' et de ce point essaie
de tirer une fleche. Les Botocoudys m,angent
presque toutes les especes d'animaux; mêm~
celles du genre folis ou chat , qu'ils désignent
par le nom général de couparack. Le ja-
guar ou yagouareté porte par prééminence dans
leur- langue le nom de co1-t,parack gipakei'u
( grand chat ). Ces sauvages mangent même le
g~and tamanoir (1)'; ils ne dédaignent p~s non
,Plus la chair du jacaré ( àocodilu's scie-
rops ) , tres-coinmun dans ·toutes les , rivieres.
De tous les serpens, qu'ils détestent ·générale-
ment et qu'ils tuent quand ils péuvent, ils ne
mangent que le kitomeniop, nommé sucuriu
ou sucur~uba par les Portugais d'apH~s la lin-

(1) ' Les Hottentots man'gent aussi la chair du fout'milier


ilu Cap '(orycteropus).
/

goa geral : ·ç'est la plus grande espece du genre


boa; ils guettent le mornent ou ce reptiie ' est
endo~mi, et _ t âchent de lui tirer une fleche
barbelée dans . la tê te afi,n de · ne pas .le ,-nan-
f{ller; m<~,is ils ne peuvent le , perc~r. .de cett~
maniere que lorsqu'il est jeune. O:n, dit qil'ils
le recherchent principalement ~ .cause de sa
graiSse. ,-
Ainsi que je l'ai dit plus haut, le singe est
l'a,nimal que les Botocoudys mangent lê · plus
volontiers : or .comme pa1· sa struc~ure' et son
squele\te il ressemble beaucoup à un homme ,
il est possible que les Européens qui trouverent
les reste§. d~s repas de ces sauvages, les aient
par méprise a?cusés d'aimer surtout à se nour-
. rir de cbair humaine, Au reste si, comme je le
moutrerai d·an.s la suite·, les Botoeoudys ne
peuvent pàs être justifiés du reproche d'anthro-
pophagie , il para1t" pourtant çertain que ce
n' est point par go11t qu'ils se rendent coupables
de cet exces révoltant ,-mais ql?-e dest seulenient
pour satisfaire leur soif de vengeance , et eu ....·
core s'y livrent-ils assez rarement. o~ pr€tend
que les Tapouyas préferent la chair des negres
à toutes les autres : je ne puis rien décider à cet
égaFd : cependant ·on raconte aussi qu'ils·Tegar-
. d.ent les l}egr~~>- çomme une espece de singe , et
J~s ;omp1ent singe~ de terre, - ·
~.es femmes pr~rment -les animaux destinés
à être m<mgés, l~& fl&mbent, et les embrochent
~ l!-ll b<ttou 6ché debout en terPe pres du feu.
- ~'animal 'est ~ ptiine. un peu rôti qu'on· le dé~
çhire avec les mains et .les dents, et on le dé....
vore ai)asi à moitié cru et quelquefois encare
s~ign~ut· On ne jette pas ·les intestins que l'on
· ,_;,t d'abord ôtés du eor.ps; on les presse entve les
doigts pour les vide r, on les rôtit, puis on les
mange. Les têtes sont rong.ées de telle maniere.
que les os les plus durs sont brisés et sucés; en
un mot les Botocoudys ne laissent rien perdve.
Ils sont tres-friands de grosses larves d1in-
sectes qui se trouvent dans le bois. Le tronc du
bàrrig-qdo (bombax ventricosa) receie par-exení- '
ple la larve du priorie cervicorne (prionis cerr-
vicornis), }<;m gue de pres d'un doigt, et d'au- .
tres encare. Pour tirer ces larves de l::t moelle
de l'arhre, les Botocoudys coupent des baguet-
tes, les aiguisent par .un bout, et en ·percent l'in-_
secte; ils en embrochent plusieurs à. un mer-
ceau de bois, les font rôtir et les mangent; e'est
le h::~sard seul qui leur procure ce metS , .car ils
11' ont pas d'instrumens pour fen~re les grandi

·-I
· ' VOYAGE
arhres. lls.se: :r_:égalent plu~ fr-équeni'ment ·~e·lar­
ves plus petites, par exemple de ·éelles dú cha-
rançon palmiste (curculio palma rum) ; ils sont
, tres-:adroits tJ. trouver les reufs d' oiseaux, 'shttout
ceux des différentes especes d'inambous ou 'ti- ·
namous ( crypturus) , telles que le rhaeouca, le
sabélé, le chororon et autres qiú dépose:nt leurs
ceufs à terre.1~our prendre le poisson; ils font,
comme je 1'ai. déjà dit, de pe;!tits ares -longs de.
trois pieds à trois pieds et demi, avec · l'es côtes .
des feuilles d:u coco de Pàlmitto nommé issara
sur le Belínonte; ils les fendent et y adaptent
des fleches de grandeur proportiorinée , non
harh~lées ni empeJJ.nées , et dont Ia. pointe es't
lisse. Ilsçommençentpar jeter dans les endr-oits
.oul'eau est profonde une racine d'arhre éci::a.sée
afin d'attirer ou 'd'assoupir le poisson. Ils man-
quent rarement le ,poisson ·dahs 1'ea:u; je les· ai
même souvent .yus le frapper av-éc leur.s ·g1:an:.
·des fleches de chasse. Les enfans ~urtout s'ex e r- .
cent à tirer ·sur les poissons. Ils .aiment ·beau-
coup la pêche à lá ligne, qu'ils ont apprise des
Portugais, et un hameçon est le présent le plu8
ágr~ahle qu'on puisse leur faire.
Le regne yég,étal ne .fournit pas moins ah6n-
damment que le regne animal à la ~ourriture
AtJ BRESaL.
des habitans de ces solitudes. Les fÓrêts ren- ·
ferment mie si· grande divetsité de pl~ntes,
qu'un botaniste serait obligé d'y pàs'ser toute sa
vie pour les bien connahre. Il y_crblt' une ~an"""
tité de fruits arorÍlatique's, dont plusieu~s, cul-
tivés dans les jardip.s·; d.eviendraient plus gros;
plus succulens, plus savourettx. Leshomhreuses
especes de cocotiers sauvages prodiguent ieurs .
fruits. L'issara ou p,almito dortn~ le chou p~-­
miste, qui est lâ téunion des fleurs et des· feuilles
non encore développées; eHes so:iit cachées sbus
les feuilles au haut de.b tige. Les chasseurs et
les voyageurs portúgais mangent aussi ée ·mets • f

agréable auquel ils ajoutent un pet1 de.sél; lés


sauvages ne le fcint pàs cuire. Les Tapóttyas ont
appris. des Européens l'usage du -sei: on :rh'a
assuré au .Brésil qu'il a beaucoup diminué le
nombre d~s indig~nes. Azara pens.e que les Jn, .·
diens qui: n'emploieil~ pas le.sel·y suppléent par
d'autre~ alimens· salés, par exemple; parle harro
ou glaise salée q~'ils mangent.abondamment (1) :
mais éelle du Brésil n'a pas le gout : salin, .et je
;n'ai rencontré chez les habitans indigelies de
ce pay~ aucun mets.salé.

(r) Yoyages, tom. I, p. 55.


li.
. VOYAGE
~ ' _.._
~ ..... '

... , Ppt;JT o.h \enir Ie d:wu .palmis~, cpôls nomment


R9!~.~~4c - ~q?a, , l~s· ':8ot6co·u.dys .qui . ·possedent
flÇ~gºl-lÇr.:perg ,desJli~chés· ·á battent tle: · palmier,
' . '
opéJiatior.. dQnt les. f~I~es sont ordinairemen.t
d w..çgé~s. L'ó':oro, fnlit.du coco·de}mbu.ri, est
u~e. ~o~l ,obloNgue ét d1,.1.r$! .qni ·s~ casse ~avec de
~ (.; . '
gr:p~s~.~ , pier~es'; .le: ·hrJ.Iití ,q..ue. fon:t alors les Bota-
~~~qys a ~o1,1v,ent; tt al!i le·.&ecr.e t :d eleurs retrá~tes
a~x. sttlda.t;s , qui les cherch;tient. lPour _ e~ t::Í!rer
r~.l.1tu~np,e d~ _cpuleur,hlanche; ils'se ~eryent .des
.IJ~. çl~~ . jaguar~ et d' al!ltres ·grands tanimaüx de.ce
-ge~li~;,:,<e!.ontils çõup,ent óbliq~emeli1t l'ex:.fr.émité,
, .· ~ . . n . , 1 .
~ t 1l -?Ig:I)Is>ent ,Colillfle .un c1seaU!t , · ; Cf-~ .a e ta

[~~in~ o,d,'q.nq : ~ spcke de j•liane des utll'l.;}ercules


qu~b tire~t ·de tcrre et les ·rôt.issênt. L~s,;P@r '­
~1JgaÍA ·-'11 Q$.meJ(t o.e):te ,plante c@ra-.do. matf'J ,; qn
. ··u . . ., A .,
dJ.t·qRC .e' .f~urmt .un.mets Sl'\Voureux. wn trQliV'e _
dab s:"les : caban~s~;des sau.Yáges· ·ties· •r.'<!>ü.-l eaà'i:
.~r~e _esp.e pe~ d~ . plante " gr~nipante · ( hegónia 1
qm• s.. ' lace. •autour d es ·ar.b· reS
·ieiJ.tllej
' ;· 'les ) »oto..l.
'D !

c~~dy;s., apre.s> av:oirl rui$ 'les -~tiges · ~n rou1~:aux


i omJ::tlele, taoac, lés .font rÔU·r ;- ils les ,mâchent
ensuite: elle contient :une moelle nourrisanteet
de tres-bon gout ~ qui a entierement le gdút
des p_ommes de ter:!'~ : Les Bo~ocoudys nom-
ment. cette plante atcha.
Ali BRÉSlL.
Ils cherchent soi:gneusement pour sa moelle
douce et blanche la gousse de l'Inga·, arbre
tres-eommun -dáns ces forêts, -surtout le long
des rivieres;-les Européens airiierit aussi ce fruit
Ún ' autre a·r bre produit de mê~e une gousse
eontenant des feyes_qui, rôties, sçmt de tres-bon
gout; ce .fr.uit est nommé par les Povtugais
ftigáo do mato ( feves de forêts) , · ~t par · les
Botocoudys ouaab. Au reste les fdrêts pFo-
duisent en abondance d'autres fruits, tels qüe,le
maracuja (passijlom), l'araticuill, l'arãça; le
jabuticaba, l'imbu, le pitanga, le ·sapoacaya, etc!
Les Tapouyas· portent un grand préjudice aux
plantations des Européens, car ils volent, quand
iJs peuve~t, le mais ·que les Bot0coudys nom-
ment jadnirun, le manioc et autrt:s productions
semblables. Ils :aiment beaucoup les co urges
( abobara ) , les patat.es, les bananes,-les papayes
et autres fruits qu,e I'on cultive : ils font bouil~
lir, les , courges,, et cuisent les patat~s dans les
~endres chaudes.
Quand ils rendent visite aux Portugais dans
leur· quartel, ceu'x-ci les régalent de farinh~.
On aváit pla:n.té du tabac dans les environs du
quartel dos Arcos sur le Rio-Belmont~-, mais
les sauvages le volaient av~t la -récolte. lb
, VOYAGE
fument volontiers; et l'o:q, dit qu'ils ont appris
cet.usage ~~s Européens . . Cependant les ~ou­
pinambas de la côte orientale fumaient déjà
.des rouleaux de feuille~ , lorsque les Portugais
les visiterent pour la premiere fois (1 )~ On dit
que les Tapouyas mangent sans en .être incom-
modés la racine de mandioca brava , qui cause
:,m x Européens un vomissement violent; mais
on. ajoute qu'ils commencent par en . Ca!i_ser un
morceau , et humecter la cassure avec de la
salive; ils ne la mangent pas fraiche, .et la lais-
se~t repol!er p~ndant un jour : · p~ut-être perd-
elle, en se flétrissant , une partie .de ses effets
dangereux ..
I1 cro1t dans les forêts _du Brésil une quantité
de fruits sur des arbres tres-hauts , et <lont le
bois est' extrêmement dur. Lê petit .nombre de
haches que les Botocoudys se son~ procurées
par des échanges suffiraient à p~ine pour abattre
un seul de ces arhres ; · il faut .,donc qu'ils y
grimpent. Parmi les arbres les plus_hauts de ces
forêts se distingue le quatelé ou sapoucaya ( le-
cyfhis ollaria, L: ). Les :J;\otocoudys· no:pm:~.ent

(1) Le témoignage de Jean de Lery ~ ce sujet est positif~


Voyez SO'Íl royage' .P· li OO; ü ~ déjà été cité ÇE). '
AU BRÉSIL.
ha .son fruit ; qui ressemble à une ma.rinile et
renferme des amandes tendres et de hon goút.
Plusieurs ·animâux, entre autres les araras au
hec ·vigoureux et les singes, n'en s_ont pas moin!>
friands q'u e les sauvages : ceux-ci ne regardent
aucune peine co:gune trop grande pour se le
procurer, car autrement rien dans le monde'ne
pourrait _les exciter à gTimper à cet .a rbre si
haut. L'agilité avec laquelle, dans ces cas-là;
i1s parvi~nn'ent au smnmet ,_. est réellement in-
croyable. Le miei .sauvage est aussi fréquem-
ment que ce fruit l'objet pour lequel ils montent
aux arbres les plus' hauts. Au· reste Üs recqer-
chent dans cette occasion, non-seulement cette
production si ahondante dans ces forêts, mais
surtout la cire <f!Í · leur est indispensahle pour
plusieurs de leurs ouvrag~~- Les· espêces d'a- ·
heilles sauvages, dont quélques-unes n'ont pas
- d'aiguillon, soni ~xtrêmement nombreuses dans
les i~menses forêts de l'Amérique méridio-
nale -, et donn~raient heaucoup d'occupation à
un entomologiste. Le miei n'est pas si doux
que celui cl'Europe, mais le gout en est tres-
aromatique· ; il faut des instruineris aigU.s
pour le tirei' des br:mches. creuses des arbres
élevés.
VOYAGE
Quoique chaqúe horde de Botocoudys pos=-
sede aujourd'hui au moins une hache de fer '
ils se servent encare du caratoU: qui est uné
hache en :néphr.ite (1). Cette 'pierre est grise
ou verte, et tres-dure. Quand ils l'ont bien
aiguisée, ils peuvent avec son secours fendre
des branches et des troncs d'arbres médio-
érement durs; ils la tierment avec la main ,
?U bien ils 1'enduis-ent de cire ét la fixent
entre deux:. morceaux de bois qui la serrent
fortement, et forment ainsi un manche. Bar-'-
rere naus appnmd que les, Galibis de la Guiane
font' usage d~une hache setnblable: Les Bré~i­
liens nomment cette pierre corisco ( pierre de

f (1) La 'néphrite est .le jade ascien ou axiuien de MM.Haiiy


et Brongniart, qui l'ont 'nomrhé ainsi parce qu'il ne nous est
connu que spus la forme de casse-tête ou de pierre de hache
que lu i donneut les uaturels du pays ou ilse trouve : C'est le
bielstein des mi'n~ralogistes all~mands . C'est la pierre dont
Íes naturels de ·Tava/ PounalJIOU , une des deux 1les de Ia
Nouvelle-Zéfande, font leu~s haches, leJrs ciseanx, etc.,
et le tako~ral pour leqnel les naturels de la Guiane et
surtout les Galibis ont une si grande estime; ils priseiJt cette
p ierre plus que l'or à cause des vertus qu'ils lui attribuent.
M. de ·Humbold t pense que ces cailloux sont am enés de
l'intérieur dU: pays par le grand fteuve des Amazones qui Ies
eharrie jusqu'à sou embouchure. ' '
\
AU BRÉSIL. 263
tonnerre ) , parce qu'ils croient · que dáns 1es
orages .elle tombe du ciel :et ·s'enfónce profon-
dément en 'terre. · · ·. . · .
Enfin les ~otocoudys mangent une fourníi à
ventre extrêmement gros, nommée tanachb'ura
dans Minas-Geraes; í:ls fo~t griller cette' pa~.tíe ~
et la trouvent-de tres-bon goút. .
Tout ce ·que je viens de dire prouve qú.e les
Botocoudys, qui d'ailleurs .ne s:Ont pa{ três-
délicats , 'ne :doiven.t pas souvent souffiir· de la.
fC:Iim, surtout sachant t:res-bien -tirer. párti de_
toutes les positions oil ils se 'trouvent. Cepen-
dant leur appétit désordonné leu r ~ccasionne ·
c1uelquefois des disettes ; alors ilS vie1mentaux
étabiissemens •eH.ropéens -clemander des vivres ,
et c1uand on leur en refuse ils pillent les pia~_:_
tations. Leurs conipagnons de repas sont des'
chiens ~aigres que les Européens leurÓnt don-
nés ; ils les emploien.t fréquemmerit à la chasse,
mais les pourrissent mal : ces ani:maux sont gé-
néralement sournois et aboient fortement t\pres
les étrangers. Les sau:vages se servent surtout
de gros chiens pour la chasse des pécaris , tres-
nombreux dans ces forêts, et ·que 1'ou arr.ê.te
tres-aisément de même que les .sangliers d'Eu-
rope. Des que .le chien donne de la -voioc ; le
VOYAGE
~hasse*, ale temp~ d'arriver, de se bien pos~
ter, .et d~ tirer qne . fl~Qhe .à I'animal. ' Les gros
chiens qui. se trouvent aux destacan1ents sont
par conséquen,t u,ne des Ghoses que les Boto-
çoudys {mlevent de préf~rence,
Q~nd l1lle horde d(Ol ·Botocoudys a teUement
é~;uisé un pays par la ch asse' qu' elle ne peut
:plus ~'y procurer co:rnmodément de qnoi se
nourrir' elle ~bandqn,n,e tout à çoup jies cab;me~-r
~t va <:lans _un autre endroit, çomrhe font aússi
les aqtr~s sauvages. 11 ne · leu r en cm1te pas
heaucoup .pour se . ~é.parer de leur . demeure '
<;3;r il1t n'y Jai~sent rieri qp.i puisse les y ;1ttacher,
et ~ trouvent dans chaque endroit de la vaste
solit11d~ de .quoi satisfaire à leurs besoins. On ·ne .
. découyre d'autres I
traces des habitation~ qu'ils
QP.t ab;md~mnées qqe eles feuilles . de palmier·
dess~chées qui formaient les ·cabanes ; on y cher-,
ch~ vainemçnt eles ban;mrers et .des caleba'ssiers,
comn~e Jes lndiens d~ l'Amériqrte esp..,ag.nole ;
gont parle M. · de Humboldt dans son m~moire
intér~ssant sur les habitans.indigenes· de I'Amé...,
ri~rue et sur let~rs :rp.qnumens ( 1 ).

(1 ) Il se troqve dans le J~urnaÍ'allemand intitnlé Ne'uec.


!lflrlirtisçlw· Monathssçhr.ift, mars 1806 , p. ~ So. '

I
AU BRÉSIL.
Lorsque la troupe, s'en va , les femmes met- r

tent leurs meubles et leurs uste~isiles peu nom-


breux dans des sàcs de voyage faits de cordons
entrelacés; elles les portent_généralement sur
le dos, .au mqyen d'une bande qui passe SUl' }e
front , et leur poj.ds est souvent augmenté par
celui d'un enfant posé par:..dessus. Ils so~t rem_:
plis de morceaux de -taquara pour faire des
pointes de fleches , de boucliers de tatou, de
~a rapaces de tortues, de rocou pour· peindre ,
d'estopa -ou écorce d'arbre pour faire les cou:...
\.
chures, ·d'os d'animaux pour manger les cocos,
d'im ciseau gros et lourd pour les ·ouvrir , de
cordons de ' gravatha• et de tu cum, ·de cire ·en
grosses boUles, de colliers faits comm~ des cha-
pelets, de bois pour les botoques de ·la bouche
et -des oreilles, de vieux chiffons et d'autres ·
objets 'semblables. Je rencontrai un jour un de
leurs chefs ~~ voyage : chargé de de_u x .sacs
tres-pesans , il portait sous un- bras. un gros et
lourd páquet . de 'fleches , d'ar,cs ·, de roseaux
pour les fleches, et de gros gobelets de ~cpm­
~assu. Une troupe chargée de cette m~nierc, et
COJ?lposée d'hommes, de femmes et d' enfans ,
passa ;un bras du Rio-Belmonte dont l'eau al-
léJ.it jusqu'au~ hanches des grandes personnes,
VOYAGE
Une femm~ pesamment chargée portait sur ses
épaules un petit enfant, e.t . ep. menait par )a,
maip. tm plus .grand qui ~P. .avait '!J.n plus peÚt
·sur les ép~ules ; I'eau. Iui -a]laj.t .'j:\lsq!,ie là, de
sorte que les pieds de J'autre 'P~~it ;garçon y
~rempaieut.
Ik empor.t ent .àussi dans leurs voyages toutes
sortes de provisions, par exetnpfe, -des fr.uits et
de la viande. L'homme marche · à côté · de sa
femme , ne .tenant à la main que son are, et .ses
fleches. Lorsque .Ies rivieres ne sont-ni trop lar-
ges ni trop.r.api:des, ils les passent :sur des :ponts
de lianes tressées q:u'~ls ont-préparées expres dans
. chaque endroit : ces ponts ·sont.tres-simples, et
ne consistent·qu~en longs cipos tendus un peu U-
chement 'au~dessus de la surfacerde l'eau. Toute
la ·troupe, marehe .sur ce pont en se tenant par
la maim à une autr.e liane tendue un peu plus
ba~t (il ). Dans le voismage du qu3:rtel dos .:Ar-
cos, ou lá riviere décrit ph1sieu~s s~nuosités, se
trouve un bane de sable é.troit nommé coroa

(1) M. de Hurpbold a aus~i trouvé · cliez les Jndieus de


l'Orénoque des pónts faits avec des lianes.
Ansichten der Natur, p. 2g4.
Ta'hteaux de la Nature, tom. li, p. 1B6.
AU BRÉSIL.
do gentio (bane· des sauvages), sur lequelles
Botocoudys passem sans pont. Ils n'ont ni pi- -,
rogues ni .·embarc;:ations qnelcouques ·, tandis
que les Indiens côtiers en fabriquaient d' écorce
d'arbre des le temps de la découverte du Bré-
sil par Cabral. Avant que les Portugais eussent
établ:i des quartels ou postes militaires sur les
fle-uves de l'intérieur· , les :Bvtocoudys ne sa-
váient trav{m;er que ·les petit~s rivieres dans Ie~
endroits les plhs:étroits; ils pouvaieni les passer
à la nage, mais non pas avec leurs bagages : ils
ont depuis essayé de construire des_pirogues
sur le B.io:Doce .et sur le Belmonte; on les a
vus naviguer d'uri b~rd à l'autr·e de ces rivieres
dans des especes d'áuges creusées· dans des
troncs de barrigudo, qu'ils dirigeaieni avec un
~orceau de bois ; on dit même qu' on leúr a
'IVU sur la premiere de ·ces ri-vieres une pirogue

assez mal construite ; · cependant ils n' en pos-


sedent aucune: . . ; ..
·. ,TJn homme a ordinairement autant de fem-
mes .qu'il en · peut nourrir : leur nombre se
monte quelquefoi-s à douze ; je n' ai cependAnt
;pas vu d'homme qui ren eút plus de trois ou
quatre. Les mariages se contractent sa.ns la moin-
dre cérémonie; ·le consentement des époux et
VOYAGE
~elui des parens suffisent; mais íls se rompent
avec la même facilité. Une femníé peut, pen-
dant I'absence de· son mari, fréquenter un autre
homme qui aura fait une chasse ·abondante; cet
aband.on n'entralne pas pour elle de~ suítes dés- .
agréables; cependant si le mari rencontre un
autre homme chez sa femme , il se venge ordi-
dinai'r ement de cette infidélité enl'accablant de
coups' et dans sa colere saisit pour la battre le
premier obj'et qui lui tómpe sous la main; inême
un tison ardent·; le corps des femmes en ·offré
de nombreuses traces. Dans ces occasions ,-
beaucoup· d?hommes font usage de leurs cou-
teaux ' et déchiquettent les bras et les cuisses
des femmes·de tellc maniere que' plusieurs ari-
~lées apres, on y voit des cicatrices lorigues de
six à h ui~ pouces' larges d'un· pouce' et souve;nt
tres-rapprochées l'une ·de l'autre. Le capitam
Gipakeiu - coupa une ·fois ·à une de ses femmes
tout l~ tour ~e I'~reille , et la s~iUie de la f evre
prodmte par la botoque ; les dents de lá mc1-
choire inférieure de cette malheureuse resterent
ait\si -à découvet't ; et elle fut défigtírée d;une
maniere l10rrible.
Les mariages des Botocoudys sontque1quefois ·
tres-féconds. Ils aiment beaU:coup leurs ·enfa1;1s
AV BRÉSIL.
tant qu'ils sont petits, et en, ont un grand soin ..
Plusieurs auteurs, et surto:ut Azara, on~ attrihu~
aux peuples dei'Amérique méridionale -un usage
~'une cruauté qui révolte la nature, .et dont on,
ne trouve pas la moindre t1~ce chez les Tapouyas
de la côte orientale du Brésü, quoiqu'üs soient
encore au degré le' plus bas de la civilisation.'
Selon Azara les femmcs des Guanas enterrent
to~tes vives la plupart des filles dont elles vien-
nent d'acçoucher ( 1) :_les Botocoudys frém~­
se:pt d'horreur à la seule idée de cette action.
A dit encore que les femmes ·des Mbayas
ont adopté la coutuine barbaré · et presqüe in-
croyable ·de n'éleyer <:hacune qu'$ fils ou
qu'une filie et de. tner tous les autres enfans.
Pour se faire -ayo~er elles s'étendent .toutes
nues a' terre:;-et d' autres fiernmes leur app' 11quent
'\
sur le v«mtre 'de grands coups de poing jusqu'à
ee que le sang commence à sortir. (2 ) •. Ce pro-
cédé inhumain est entierement.inconnu des Bo-
tocoudys ; il ne souille pas léurs forêts. Azara
ajoute que les femmes des Guaicurus, .desLen-:
goas et des Machicuys ne conservaient que.leur

( J) royages, tom , n, l'· g5 ,


(li) lbid., P• 116.·
VOYAGE
' .
dernier enfant (1), et que de son temps il n'eri
existait plus qli'~n seul homme (2). QuoiqU:e je
ne regarde 'pas ces faits comme inventés à plai-
sir , il me semble pourtant qu'ils doivent êtré
fondés sur. des observation~ incomplete~ ou su~
des récits inexaéts; çar dans les forêts du Bré~il
oriental, par~iles sauvages les plus, farouche~ et
les plusinsensibles qui rôtissent et mangent avec
une indífleren~e complete la Ghair de leurs eni1e-
-mis, je n' ai ni observ~ ni, entend:u citer rien de
sembla,ble.
Les BotOCQudys donnent à leur~ enfans aes
noms tirés de q~alités phy,siques, d'animaux, de
plantes et autres ~hoses semblables : par exem-
ple ketom-koudgi (petit reil) , coupilik ' ( singé
harbu ). Ilsles traitent généralement avec bonté,
c'est-à-dire qu'ils leur laissent faire toutes leurs .
volontés ; toutefois si les ·c ris de oes marmots
les impatientent, ils les prennent ·'p.a r le .bras et
les poussent loin d'eux , ·et même les frappent
·avec la main ou a.vec un bâton. Les femmes,
comme toutes celles des sauvages-, accouchent

(1) Voyages, tom. II, p.I4.


(~) Ibid. ~ p •. I5~ et J56.
AU BRÉSIL,
tres-~isément ; o~ ne voit parmi eux aucun. in~
dividu contrefl:lit .
. Les Botoco~1dys 1;1e sont pas étrangers à là1
pitié pour . les orphelins ~t pour les vieillards
infirmes. A~quartd dos Arcos on a vu un je.u ne
homme de cette nat{on conduire avec une at-
tentio~ soigneuse son _vieux pere aveugle et ne
pas l'abandonn~r. lJn de l~urs chefs ~émoigna
!llle joie tres-vive de ce qu' on lui ramenait soÍl
fils âgé de dix-~uit ans qui avait . resté long-
t~mps chez les. Portugais; il le .Rressa eontre
~o:rt, sein et . :ve~sa ;même des lar:rp.es. J e n'ai pa~
remarqu~ d' aillears;·n.i en cette occasión ni dans
~' autres, <24ez· l~s ·~otocoudys 1 la COl!tUlne de.
~e t<:l.~er , réciproquement. le pouls du poign.e t,
comn:Je le racont@ M. Sellow. Les sauv,agessem-
h"lent, "moptre;r; : pl us d''IJJJd'll'.'
Iq.e rence pour lJes en-;
'
fan,s déjà.-u:n pe1.r gr n~s ; i'.e n ai cité un. e~ew­
ple fi ,~ ppan~. au _su,jet des Pourys de San-:fidclis·
~~1r lê Para~~a~; ce fait ·est parf~it~19-ent çon-
' (m~we , au caracte!'e ~~ ·, l'homme dans 1'état d~
nat~1re -bru~e, , e~,' les Botocoudys ne sont .p~s
~ussi sens~les que La Fiteau les, a êlépeints d~"!l~ ·
le J:écit d'un p~'Ís<;mn~er. ~u · Brésil (1). On né

{ 1) Southey, history of'Brazii , tom. I, p. 6h.


VOYAGE
itouv~ nulle part chez les sauvages des traces
d'uné sensibilité si exquise. li ne faut pas cher-
cher chez l'hcimme de la mitute ces émotions
Q.ouces, ces sentimens tendre~ qui soilt ch'e:i noús
le produit de la civilisatioÍ1 et · de l'édu~ation ~
mais il ne ~faut pas croii'e non plus que la "préro....
gative par laquelle la natureadistinguél'~ômme
de la brute puisse être entierement étouffée chet
les sauvages.
Dans lenrs n:i.O~en s de loisir' les Botocoudys se
divertis&,ent à chanter et à plaisanter ; c'est sur-
toút ce qui arrive apres une chasse abondánte
ou un combat heureux:. La musique est encore
au · berceau chez eux:. Le ~h~nt des hommes
ressemble à tfn bruit inarticulé qui monte et'
d<i!scend constamment sur trois ou quat'renotes
et sort du crêux de .la poitrine; ikse mettênt
le. bras gàuche sur la tête, ou bieri. sé b~u"chent
les deux oreilles avec les. doigts , surtout quand
il se trouve· des spectatéurs aritour d'eúx, et
ouv~ent démesurément ·lem· bouche défigurée
par . la botoque. Les f~~m~s chantent moins
haut et moins désagréablement , Jl}ais néfont
entendre -de même qu'u~ petit nómbre de tons
qui se répetent continuellement. On dit qu'ils
mettent. q~elquefois à leurs airs des paroles sur
AU BRÉSIL.
leurs guerres ou sur lenrs . c h asses ; mais tout
ce qn,e j'~i entendn ne ~'a semblé . êt~e qu'tm
bourdonnemc:mt sans paroles.
La lap.gue des Botocoudys differe beaucoup
de, celle de t(l)utes les tribus voisines. Le s9n
nasal y est. tres-~ommun ; elle manque du.' s~n
guttural : elle e5t pàuvre comine cellé de· tóus
les penples sai.wages; le mêin~ mot a plusieurs ·
significat!ons. V oici leu rs noms de nombre: m'o-
kfmam (un) hentiata (deux)oztroulzou (plus ou
plusielirs ) ( 1 ) ; ensuite ils s' aidênt d~s do~gts et
des oreilles. lls prononcent du nez beaucoup dé
sy Uabes, ·par exemple b.acan (ch~ir); an dans
ce IDOt SÇmJ?.e COnfusément dans }e palais COllllllC
qun, et l' n final ~e prononce 'à peu pres com me
.en francais.
, .
On dit que pour i'endre une fête complete les
hommes et les femmes se mettent en rond et
dansent; maisQuêck, inonBotocoucly, m'assU:ra

( 1) Chcz les Arouakanes de la Guiane cette idée s;exprime


par le Ihot oujouhou, qui ressemble à ourouhou. On re-
trouve en général sur la côte de la Cuiane un grand nombre
de mots brési\iens, parce que beaucoup d'Indieus de l'Amé~
~ique espagnole sesont retirés dans ce p<~ys. ( Voyez Relation.
de la F rance équinoxiale ~ par Barrhe.) '
Ill. 18
.VOVAGE
qp.'il n'avait jamais· assisté à ces sortes de dan-
ses. Au reste ils /Ollt d'autres jeux et d'autres
exercices; ils se ftmt quelquefois d~s flutes
de Taquara,. qui Olllt des trous à la pa.rt:i!e in-
f.ér!,e~re. Ce spnt les femmes qui en jouent; OIJ.
n ' a, plils observe'd' .
· autres mstrumens de musique
.
/
p~rm~ eux. L.e. rnissionnaire W eigl parle de .
fl~t~s semblables q,u'il a vues chez les peuples de
Mªy~as ; Barrere ·et Quandt les ont retrouvées
I en G.l!l!iane. Les enfans et les jêunes gens s'amu-
sem, ains~ - que je l'ai dit plus haut, à tirer de
l'a:ç<? ; on ap.e rçoit pa•r mi les hommes-faits des
traces de jen de baHon. Ils prennent la peau dtt
' paresseux, qu'its nemmént iho, eri retraridlent
la têt:e et les membres, cousent les· ouvertures,
etla rembourerit de mousse. L'assemblée se fornie
eJ.Ij cer.cle , et I'on ~e _pousse le·ballon les uns aux
~utr~s sans le laisser tomb:ev à. terre. Quelque-
fGis i.Ls_jouent dans. les rivieres . .\U~e doüzaine
ou un plus grand nombre de femmes luttent
en nageant avectroisà quatrehommes ettâchent
de' se faire mutuelleJ?lent plonger; on admire
dans cet exercice leur adr~sse à nager. Quoi-
~,ue la plupart des peuples sauvages ysoient tretr.r
~abiles ,_ il n'est ce.pendant pas juste de dÍ!re,_
comme le prétenci Azar~ eil parlant des Gua--
AU rBRÉSIL.
t'anis,-qu'il savent nager naturellement comme
ies quadrup,edes ( 1 ). Southey n'est pas plus fondé
à avancer qu~ les Aymores ne savaient pas na"'
ger ( 2 ). De toutes les tribus índigt!mes du Bré-
sil il n'y en a certainement aucune qui ne pos-
sede ce talent; il :faudrait pour qu' elle y fut
étrangete qu' elle vécut dans lin désert aride
et absolument dépourvu d'eau. L'opinion de
Southey, copiée dans d'autres auteur;, vient dê
c e que les Aymores, comme les autres . tribus,
. . -
i1' avaient pas de pirogues , ct qu'une riviere ra,""
pide mettait: ~· r àbri de lems attaques.
Je n'ai jamais vu les jeux des Tapoliyas don--.
iler nàissance à des disputes , :.~ des querelles ;'
· à des batteries~ Leurs combats e:ptre eux qnt
d'autres causes; j'ai parlé de celui dont je fus
témoin, et qui avait été occasionné par un em-
piétement s.u r uil territoire de cbasse , chaque
troupe ayant le sien. Des com.bats en, regie, te!&
que celui que j'ai décrit, et auxquels toute .la
borde ou la familie prend part , peuvent aus~i
avoir pour motif une iniure grave faite à un de
ses membres. Souvent d~s querelle~ doinesti-

(1) Yoyages, tom. li, p. 68.


(2) History of Brasil , tom. I, p. liS~,
VOYAGE
ques sont la cause eles batteries : les enfans, ·par
e~emple, ont faim et tourmentent par leurs c ris
et leurs pleurs la femme qui fait rôtir 1~ viande.
Le p~re arrive, les c ris l' ennuient, il bat les en-
fans; la mere les défend :. le ma ri se met en. .
colere, et dónne une volée de coups à sa femme;
les parens surviennent , se mêlent de la di.s pute,
et arrangent tm giacacoa ou combai à coups de ·
bâtons; souvent eles horcles ou des, tripus y pren-
nent part. La bataille tenninée , l'homme ~t la
femme se.séparent ; _ celle-ci garde les ~nfans , ·
et son pere Ia nourrit. Les hommes coleres re-
çoivent leur punition ;par leur défaut même ;
ils trouvent difficilement une femme. Ces co.m - ·
bats en entrainent soúvent d'autres à leur smte.
Des différencls plus imp.o rtans exigent que toute
la tribu s'en mêle, et il en résulte une guerre.
Les Botocouclys, tres-nomJ:?reu,x , ayant Ia
confiance de leur force, turbuleps, aimant Ia
Ii?erté, n' étaient jamais long-temps en paix ave c
leurs voisins. Des les premiers temps de la dé-
couverte clu Brésil on y trouva, de même que ·
dans tous les pays du monde, les tribus eles sauva-
ges continuellement en guerre les unes avec les
autres. Les Botocouclys viva.ient dans un état
d'hostilité pennanent avec leu'rs voisins, et ils
AU BRÉSIL.
avaient généralement l'avantage, parce qu'ils
étaient plus forts et que leur réputation de can-
nibales les rendait extrêmement redoutables ..
lls repousserent dans les hautes montagnes de
Minas- Geraes et de Minas- Nqvas . d'au-
tres bordes de sauvages qu'ils exterminerent ·
-pre~que enti~rement, entre autres les Ma1alis
dont - le reste 'se sauva sous la protection du
quartel de Passanha sur le Rio-Doce supérieur.
Les Maconis, assez nomL~eux, leu r opposerc;nt
plus d~ résistance; des hommes dignes de foi
m' ont assuré que cctte tribu a pris des' demeu-
res fixes et esf presque entierem~nt baptis~e ..
Elle passait po.ur un~ . des plus belliqueuses , et
sur le Rio-Dóce on 'doni::tait de grands éloges à- sa
y'
~r!lvoure; 01'1 rega rdáit ces l\'la~onís c~mme une
hr~nche,: des Botocoudys,. ~eqt,tin'~st pas exact,
c~r ils ~ en diflerent ab;solm~1ent p~r le langage.
' Le lÔng ele Ia· côt~ mar itime l~s· Botocoudys
spnt erÍ g~~~ne â.vec pl~sieurs peupl~des' surtout
·avec les Pptac~o's et'le~ M:~~hacalis; plus avant
· danslfintérieur a~ec les Pânhámis et quelques au-
tres 'q ui or~t eri partie diJparu' 'par exemple les
1

'
Cat~Üuchos.'
Ces dernieres) étant plus faibles, se
sont réunies entre ~lles contre les Botocoudys .
.Les Tapouyas se livrent même des eombats
\ 7

VOY.AGE
terribles entre eux lorsqu'ils se rencontrent en
troupes. lls emploient dans ces occasions tout_
leur art pçmr la chasse et toute leur finesse, mais
i]i; sont naturellement phltÔt tro~npés par les
ruses de leurs compatriotes que par ce1le;;; eles
blancs. Ut:t combat furieux a lieu ordinaire-'-
~cl).t : chaque .parti tire toutes :se;;; fle,ches à
I'autre; ainsi le plns ~ombreux doit ~ dans
la regi e, restcr vai:pqueur. Un cri ho:rrible a c~
compagne ch;uiue auaque, et quand on en
vient aux mai.ns de plus pres, le~ ~ombattans se
servent de :leu_rs dents et de leurs ongle;;;. Lery
dqnpe da;ns ses figures en -bois un tableau rfra,p...,
pant d'un de ces combats entre les l'otwimn:p-
has et les Margayas ( 1) ; il est en.c? re, ti dele
aujourd'hui. Le parti vainqu~~1r ,po-qrs.l\it le.$
vaincns, et, du mo~ns ch~~ ies.'Bot~~oudys" fa~t
:rarement des pri~onn~ers. ; . on prétend cepen~
dant e~1 avoir vu quelques.,.uns, ;;;ur.. le Rio-Bel-.
monte, qui travilillaient comme ~scl~~e~; Quan,?
Ies Boto~oudys rencontrent les' Pata_chD~, 7 qu~ils
r:. ') ' I

p.oniment N ampour.ouck , ou les Ma,chacalis


( Mavon), leurs ennemis , ils tuent tout, bom,
~ ' I I '

:p1es, femme;;;, et jusqu'aux ehf~ns. Quelques


I • H" , , ,. ~

( l) roye,z; p. ~09, el loutle clwpitre l;l v - i


I,
I

A.U BRÉSIL.
f10rdes rôtissent et mangent Ia chair dés vain-
cus, à l'exception de la tête et dn ventre qu' ell~s
jett~nt. Les Botoco.udys que je vis Sur lê Bel-,
monte inférieur . m'assurerent que lorsqu.'ilH
tu.aient un Patacho· .grimpé sur un a~:bre ils ~~~
Jaissaient po:ur.r ir à terx~e o:U il tombait ; mais !.te
réoit: G\1 1jenne Quêck dément cette asse.rtiom.
Plusieu~s hordes de cette tri:bu er.rent Je long
du Rio-:Grande_de _Belmonte ·; quelques-,u~e'S :i/I­
vent en t>aix. _:,1;vec les Portugais : telles sont ·, les,
bandes des càpita~s Gipakéiu '(Mariênghiê~g),
Jéparack, Jun,e (l)..erengnatnouék), et <!p!elques
autres, que· l'oli peut suivre sans crainte dans
les forêts. ! !
lls se plaigi1ent tons·d'uri certain éhef noiüm'é
Jonué .Iakiiam. Celái-oi erre. ordinairement sur
- -
Ja rive septentrienale du Rio-de-·Belmonte , ·à
peu pres à, huit jGurS de toute au-deSSUS de l'ile
Cachoe'iríinha, pres .du· Cachoeira-do-Inferno .
(saut.d?enfer ). 11 n'a jusqu'à pvé'sent vóulu.é'cou-
ter aucune•prbpositionl de.pai«. Ses compatriotes
l:om nommé Iakiiam· ( le belliqueux), à .cause
de . son caractere vaillant. Ses gen~ ont qü~l­
-quefois fait signe aux canots qui passaient d~
s' approcher , puis les ont accueillis à coüps de
fleches~ Les Botoceudys paCifi<Íues qui .vive11t
VÓYAGE .

, dans le voisinage du quartel dos ·Arcos craignent


extrêmement:ce cbef faroucbe: et intraitable ;
',-iJs disaient quelqucfois aux Portugais : <t Nous -
, :inangerons Jonué cjuand . on ·]e ttieta·; )) Íwo-
Jpos, qui ·prouvait 1eur baine: eóht~·e lui. Mais
·.Ke"rengmitnoud:. 'avait des motifs· particuhers ·d~
le ha!r; Jonué ·aya1:it-tué à cause -d';une hache
. un "d es freres de"celui-ci occupé li. recueilii:r elu
miei sur un ·granel arbre. Gr:lces ·aux mesures
r-'lages et hilmaines et aux-éfforts .du éomté d' Ar.:..
éo's, ·gçmverne uriele 'la capitàiriei'iê' de ·Bahia et
aujourd'hui tminisu•e ·de lá ·ma}·ine .; ;ll guerre a
.:cessé avec les Botocoüdys sur le Ri'o..:.Belruonte·;
ainsi. l'on peut en parcourir la plus grande' pa~-
. tie en toute sureté. 11 ri'.e n est pas dé mêm'e sur
le Rio-Dàce oú les sa·l}vages ont ·soU.v{mt été
défaits, et bn ncl~nmoins ils · ont;; de: notl.veau
menac~ et inqü~été .les. colQns ;eú 1.8 i 6~ ,
La guérre · con.tve··les · sauvage~> sé' fait par · les
_chasseurs et Jes· troú'pes l~gerés el,ans · les forêis.
' Üii défend une par~ie r des ;so-1dats ~contre leurs
. fleches, parles gihaos 'el'arm'as oucmrasses, que
j'ai déjà ·décrites.
· · Les- sens eles sauvages, ·exercés . constllm-
:rnent des l'enfance, sont d'une finesse extraor-
.dinairé, On elit qu'il& recon:naissent à leurs traces
AU BRÉ'SI~.
·les différeiltes peuplacles, devinent par I'odorat
le chen1in qu'elles.·ont pris, et se fraient en
·cons6quence des seÍltiers bien· eclaircis pour les
· atteindre. QU.and ils obse'r vent que des :eánemis
•t·ôdent dàns les environs ; com'm e font ordinai-
. rement les 'sold.ats des . desta'camens, ·ils plan-
tent quelcruefois de petits pieux aiguisés daris ce
·sentier ,. et restent d~rfiere ahx ·aguets ; ils se
tiennent 'de mên1e en embuscade derriere · des
: arbres abattus 'ou tout ·autre abri : le voyageur
· qui passe tranquiUenierít .son · cl,1 emin sans se
· doutér du danger- ·est, dans ce ·cas, irífaillible-
. ment p'ercé de leurs fh~ches. Quand ils. ~nt tenté
une attaqlie ' contre les postes militaires _o u les
éti!b}issemens eu~opé~ns' oú~ lâisse ·ordinaire-
, ment passer trois' à · quatre ·jours ~vant de rien .
~entre prehdí·e contre eux ;· ils · prenn~nt ainsi
1

: ime certaine iàssúra'nce qui~ do~me Ia" facilité de


· tomber su• eux:·avec 'J!llus de cÚtitude. Les: sol-
. dats --q:Ui· niarche:J.Jn:iónti't; ' ~ux · dans les forêt's
- réç0ivent' une livre' de poudr'e "eÍJ quatn~ livres
' de gros ploinh ·, .:cár on· tire 'raremenf a'·b ailes;
ils bnt uri fusil sans baionnette ; et110rdiüaire:.... ·
ment:awcÔté"Ul1C :gtaÍ1de serpe-( façirci';), Stir' }e
; rlos,un-long havresac .qui contient -ün quart ct·
<deiüi. de · farinhà, :un· ·gros moi~c\?:\\1 de rapa-
dm:u· a, ou sucre brun et grossier ; douze livres
de viande salée : çette p,rovision est poilr douze
;jour~>. La troupe, marchant avec pr~caufion et
sui~ant les ·tr3;Ges des sauvages, s~appr.oche peu
.à peu du lieu de le}1r .dememe. Quànd on a
découvert leurs cabanes, qui sont souvent en
.assez grand .n ombre pres les .Qnes des a\ltres,
.on les .entoure, surtout si c' çst le soir, ptiis on
se repose et on attend , sans faire le ·moindre
bmit, le retour du jour; on a surteut, en f!lisant
ce blocus, à se garder des chiens et -des péca-
r~~ apprivoisés que lés sauvages , pour leur su-
reLé, attachent à des arbr-es à une certàine clis-
tance de lelll'S cab~nes. Les chiens aboient, les
pécaris grognent . de toutes leurs forces quand
ds éventent qudque cbose d'étrang~r. Des -que
le jour commence à ,poindre , les soldats se
.poslent deux .à deux el} cercle,, autant qu'ils le
peuvent der.l'Íeve de gros -arbres, 14tt attendent
. qu'il fasse assez dair pom· p0.uvo~r viser avec
sureté; ensuite ceux qui ont des cuirasses s'a-
-vancent et commeRce.n t 1,attaq,ue. 8''1 .
·i s arnvent
.aux cabanes sans av0ir été,aperçus, ils font feu
-S.ur les ·sauv.ages ·enàonmis ·; aux p'remiers coups
tou:t est cl,an.s I'alarme, les cris, les •hhrlemens
se font entendre : hommes, femmes, enfans ;
AV BRÉSIL.
-tout est tué iQ:J.pitoy.ablement sans distinction
d'âge rii de sexe. Les hommes saisissent quand
íls le peuvent leurs ares et leurs fleches pour s"
défendre ; mais ils succombent généralenient
par l'inégalité de's armes. L'air épais et bumide
produit par la rosée de la nui~, et entreteim par
les buis~ons vçisins, empêcbe la fumée de la
poud_re de s'élever, de sorte qu'elle enveloppe
au loin la forêt d'un gros nuage .
.L~ cruauté des soldats dans ces rencontres
surpasse tout ce qu'on peut imaginer. Dans la
derniere attaque qui avait précédé :mon arrivée
~t Linhares , une fe:mme .ne voulut p~s se ren-
dre; eJle cherchait à se défendre en :mm~dant et .
en égratignant. Un soldat lui fendit le crâne
d'"un ·coup de façao, qui blessa aussi à la tête le
pe~it enfant qu'elle~portait sur le dos. _Cepen-
ll~nt on cpnser.va celui-çi, et naus le vtmes à
. '
Linhares chez. ;M .. Joào Filippe Calmon. Áq
reste l'issue de ces rencontres n' est pas tou...,
jours favorable .aux soldats. A I'avant-derni~re
attaque, au ~ois.-d'octobre 1816, pres Lin.,.
l;~ares, , quel le gparda 1\{or entreprit .avec trente
soldats, la· pluie empêcha les armes de partir;
plusieurs - Botocou~ys s'échapperent, et trois
-~ºlÇlatsr, malgré leuts cuirasses, fnrent blessé&
VOYÀ.GE
aux mains et aux bras qui n' étaicmi pas côuverts,
mais un granel nombre de fleches rebonclirent
·contre. cette anhure'. On tua en cette occasimi
une dixaine de sauv<!ges, parilii lesquels setrouv~
lçur chef' reconnaissable à ses corclons de .plu-
nies. Qum~d lcs ~oldais sont Vflinqueur~ et les
sauvages en fuite , on co~pe Ies oreilles aux
'niorls: trophée barbar.e, qui, stiivant ,ce que l'on
no:us raconta; avait récemment ~té envoyé au
·souve·rneur à Villa-tl.e~Victoria; on y avaif joint
beaucoup ·d'ú~s · :et' 'éle fledJeS ran:lassé's ~ur . Ie
'ehamp de hataille. . .
1
S1. les sauvages . sont
' . . a' l'avance
mstnitts cle
·fapproche eles solcÍats , les choses s~ ·pá~sent
d'une ·manier~ Üiern 'pil~e pour ceux-ci / c'à} jls
~ tombent ai~éií1ént dans les embuséades qui ~eur
·sont tenduc-;s.' Les 'sauvages, cachés derriere eles
ahanis ·clu'ils nónime~t-tôéfryas ~ peb:vent 'voii~
et tirer de ··tous~~ ciltes ; · ils aharigent ·. Ínêine le
feuillage de 'telle sorte . que leur? . guer~iú~ · se
~ placent par·•derr;iere. en°plusie~1rs ti'óupes, ·et
·sont c,:.. v~rtspar lés· Lronc(d~s arbres. Les s~u­
vages ne combaueút jamais ' 'é n rase é~mpagr;e;
ils n~ont pas le vrai courage; ' ils i{obtienneht
1

'lerir vict0ire i:f~e par ]a rúse ·et la supé1'ib~·ité du


.·nombre. On frémit d'horreur à la ·seúle idée
AU BRÉSIL.
de tomber ent1'e les mains· de ces bm·bares im-
pitoyables, qu'un désir ·de vengeailce juste ct
.inimodéré rend ~nco're p~us fqrieux ; ils décou-
pent la ch~ir de leurs eJinemis, la foílt cuir'e
dans des marmites óu bien rôti.r ; ils flcbent la
tête au bout d~un pieu, et dansent à l'entonr en
chantant et hurlant en signe de réjoui.ssance.
Apres avoir ·n ettoyé his os de lel.us ennemis, ils
les suspendem quelquefois à leurs cabanes' e.n
signe de triornphe, conn~e Barn~re 1íous l'ap~
prend des peuples de la Guiane.
Les Européens sont encot·e trop faibles .dans
les imi11enses solitudes de la côte orientale ; si
les sauvages étaient unis entre eux, s'ils joignãient
leurs forces pour repousser l'e1memi ·commun,
toute cette étendue de pays ne tarderait pas - à.
tomber de nouveau dans lcms mairl.s , . surtout:
plusieurs d'entre eux s'étant échappés eles villes
oú ils ont été élevés; et con;Jáissant bien l~ 1:letit
nombre des Erimpéens. · En voici un exemple :
un :J?.otocoudy -qui v:ivait dans les forêts voisines'
de Linbares avait été élevé chez les· Portngais
sons le nom de PauL UtT jour que les soldats
attaquaient·les cabanes de ses compatriotes ' il
cria :iux premiers en portngais : C( Ne tuez 'pas
\

VOYAGE
Paul ; » mais on le trouva ensuife parmi ceux
qui étaient restés sur la place.
Lorsque Jes Tapouyas en ont le temps , i]s
chargent sur' 1eur dos leurs tués et leurs bles~
sés pour les ~ettre en súreté ; quelquefois
ce so~n les occupe trop long-temps, et beau..-.
coup perdent ainsi la vie. Les Botocoudys se pei-
gnent le corps en rouge et en noir pour com-
battre. Quiconque n'a pas ·été témoin d'un~
· sdme semblable doit éprouver une impression
de terreur .de voir ces sauvages faire leu r atta·
que en poussant des cris affreux , et le visage
barbouillé d'un rouge ardent. Ils tomberent
ainsi à l'improviste, il n'y a pas long-temps, sur
le quartel segundo de Linhares ; mais un mi-
ne'iro résolu , qui commandait en qualité de
sous-officier, les repoussa. Tout ce que je viens
de dire des guerres , de la chasse et des mreurs
des Botocoudys en général , s'applique plus ou
·1noins à toutes les tribus des indigenes de Ia
côte orientale du Brésil.
Tous les anciens voyageurs ont presque una--
nimement a€cusé la plupart des peuplt:(S du Bré-
sil d' antbropophagie ·; peut-être en ont-ils in-
culpé plusieurs à tort ; car, ainsi que je l'ai
observé plus baut, des memhres- de sm~res. b
AU BRÉSIL.
desséchés ressemblent beaucoup à ceux d'un
homme, et peuvent ainsi êtr.e comfondus avec
eux. Il en est peut-être de même de la chair
que V espuce trouva ~ans les caba!les des sau~
vages. Mais on a avec raison attribué cette cou-
tume barbare' à plusieurs tribus du Brésil. Les
Toupinamb~s et les autres sauvages de la côte~
qui sont ·de leur race engraissaient leurs pri-
sonniers, puis les tuaient ave c 1'ivéra-pemmé,
mas sue parée de ·toutes sortes d' or11emens (I).
Celui qui avait donRé le coup de la mo~t ét.ait
ensuite ob1igé de rester dans son hamac sans
rien faire , et afin que les bras qui. a:vaient
frappé conservassent leur dextérité , ils tiraient ,
avec de petits ares et de petites fleches contre
unemasse de cire(2). Auj.olll:nd'hui tou.tes les.tri.-,-
bus des Toupys sont civilisées; ainsi le repr.o-
che d'aothropophagie ne s'applique plus qu'à,
quelques tribus de Tapelilyas, _c'est-à-dire aux
l3otocoudys et aux Pourys. 11 e~t douteux qu?:ils

(1) Voyez la relation d' I-Ians-Staden, cxxvnt. Les femmes


jouaient )e principal rôle daus ces occasions·. Barrilre' racont~ ·
que les femmes. de la Guiaue ne se conduisaient pas de
même, car elles témoiguaient lenr déplaisir quandles bommes,
s·erepaissaient de ces mets horribles, p. 17~.
(·2) Haus-Staden, Ihid.
VOYAGE
dé~orent la chair humaine par · goút, comme · .
l'ont prétendn quelqlies auteurs, puisqu'ils laís...
sent vivre des prisonniers. Mais il est de même ·
tres.- certain que par un cJ.ésir de vengeance fé-
roce ils mangent la chair de leurs ennemis tués
dans le comhat; l'exclmnation de ceux .qui en
voulaient à Jonué . .prouve suffisamment_ ce
fait.
Quand .on questionnait les Botocpudys ou
Belmonte sur cet usage horrible , ils répon~
daient toujours qu'il ne régnait pas .chez eux ,
mais ils avouaient que plusieurs de leurs com-
patriotes, et entre autres Jonué, le pratic1uaient.
encore : en effet que serait devenue le chair des~
parties qu'ilsavaient soigneusementcoupées aux. ·
corps des ennemis qu'ils avaient tués? Au reste,
je I'ai déjà dit, tous mes doutes à cet égard ont
été levés par Quêck, le jeune Botocoudy que
j'avais emmené avec moi. li avaít long-temps .
hésité à m'avouer la vérité; mais il fii?:it pat en
convenir quand je lui assurai que je savais que
sa horde, sur le haut Behnonte, avait depuis
long-temps Tenoncé à cet usage. Alors il me ra-
conta ce que je vais répéter d'apres lui, .e t on .
peut d'autant .moins douter de la v~rité de son
1

récit , qu'il a été plus difficile de la . Iui arra-


AU BRÉSIL. )

çher. Le ch~f Jonué Coudgi, fils du fameux:


Jonué Jal~iiam, avait fait.un Patacho prisonnier.
Toute la ,bande se rassemblà, le Patacho · fut
amené. les Jnain~ liées, et Jonué Coudgi ~tU tir~
da11s la po,i trine mie fleche qui le iua. 'Ün alluma
dti f~u _, on· coupa les cuisses, les brás, et toutes ,
les parties chamue~ du corps, on . les fit rôtir, )>

tous les _Boto~ouP.ys en mangerent, puis se ill:i-


reht à danser et à chanter. La tête fut suspendti'~
à im · pieu-par un · coi·don qu:~ , êntrant par les
ore illes et sortapt par )a bouche ,. 4:omiait la
facÍ'lité de la hausser et dé la bài~ser; ensuite les
jeunes gens tirêre,ntcohtrece·bu't aveb leurs fle-
.ches. On l,a·Iaissa sécher ãpres en avoir enlevé
. les yeux et coupé les êheveux à l~exception
d'une touffe sur lesÓmqietdu crânê'(I). ~uêck - '
me r~conta aussique Macann; Botocoudy tr~s­
connu, ayant tué un Patacho, celui-ci avait été
dévoré. ·
.La maniere dont ces sauvages , dans leurs
fetes de cannibales, suspendent la t~te de leurs ·
.ennemis morts, fournit ·des éclaircissemens sur

( 1) Les peuples i! e la Guiane mettent la tête des principaux


prisonuiersen hant du Karbet, comme un tropbée de gue)'re.
. . ' f
;Barrere, p. 171.
' 19 (I
/
290 VOY,AGE
la destination de celle qui se trouve dans la ,col-
lection' de M. Blun}enhâch. J'ai déj~ parÍé de
de cette ~nomie àh sujet des ouvrages en plu;ne
- des sauvag~s da Brésil. Il para!t qu' elle a été ,
dans :une fête semblable, suspendu:e 'à ' un cor-
d~n -qui pass~it. par . la houche et les oreiUe.~.
: Plusieurs de ces -peuplades, q'ui autrefois dé-
voraient hardiment le torps de leurs . ennernis
. l ·. .
morts; ont renqncé ~~ cêtte ·cóutume barbare,
surtout dai1S les endroits ou ell~s vivent en.paix
' avec 'les Européens. L'opiniâtreté ave c l~quclle
. .
les Botoc?udys du Belmonte repo-ussent/ le re..::
prochede manger de la chair humaine, adres~é
a' l eur h otd e , pr<?uve meme qu''I
A
1 s .011 t· sentu;n-
.
fin combien cet , usage .. a troce était dég·t'a-
dant. Onpeut clone se flat~er de l'espoir de voir
ces .indigenes de l' Amérique méridionale, qui
nous ont montré l'bomme dans l'éÚ1t de la bat··
harie ~a plus grossiere et au deg:é Je plus bas
·de l'état . so<:ia1, faire gracluel1emen t des pro-
gres vers ]<J. óv~lisation. .
Les n101ladies sont extrêmement rares parmi
les Tapouyas. Nés au grand air, élevés sans
vêtémens; accoutumés à toutes les variations du
'-
climat éqtÍator~al, àla chalenr brúbnte des jours,
au froiçl et à l'humidité eles forêts et_eles nuits ,

/
AU BRÉSIL.
leur c01:ps endurci support.e toutes les impres-
sions dt;! l'atmosphere, et leu r maniet;e de v.ivre
simple ·e~ uniforme les préserve des maux qui
sont un résultat inévitab~e de b çivilisation.
Des bains frêqu~ns et l' e~ercice contin~~l de
leurs forces donnentà le.._ur co~ps un degré de
perfection dont nous connaissons à peine le
. nom. L'expérience leur' a enseigné divers re-
n;tedes contre ' les blessures et , même contre
les maladi~ internes; la connaissance de ces ·
.remedes intéresserait peut-être ndtre pharma-
rt>pée: Les forêts du Brésil son~ ~emplies, de
plantes aroma tiques d'une vertu énergiqae; beau-
coup d'arbres produisentdes haumes. exéellens;
{Jal" exemple le c_9paier ou copa'iva, nomnié
copauba sur la côte orierrtale~ (coqaifora offici-
nalis) donne le batune de copahu, et Ie cabure!b~
, Dumirosperme péruvifere (myroxylori. pm;zwia-
num ) , le baume du Pérou ·; plu.sieurs fonr-·
nis.sent un sue laiteux employe soit comme poi-
son, soit co,mme re1nede. Des familles entieres
de plantes présentent des écorees salutaires; par
· exemple les di~érentes especes de cinchona,
dont plusieurs croissent peut-être dans ce pays.
On dit que les sauvages conhaissent toutes les ,
plantes qui agissent sl'ir l'économie ani1nale, et
VOYAGE
leU:r ont donnê 9-es noms. Le jugement des vi~il- ,
lards déeide surtout de leu.rs vertu.s. ·n. .n' est .
pas facile de connaltreles remedes des sauvag~s,
car·ils en fónt un · secret. Leur demancle-t-on
• 1 1 l •

s'ils p~uvent guérir telle o~tellemáladie, ((. viens:


- dans nos forêts, répon9ent-ils, nous ~ssa~~-:
rons. )} V oici un fait dont qn m'a à plusieurs
reprises tlttesté la véri'ié, Un Indien qui_demeU:~
rait à .Trancozo souffrait beaucoup d'une des-
' cente ; les Patachos l'çmmenerent d~ms leurs fo_-
rêts, et le guérirent radicalement ~n trois m?is. Il.
m'a raconté que ces .sauvages lui placer~nt •la
têÚ~ da~s m:le fourche d~ bois, et apr~s , lui .
avóir reniis les intestins if leur place, ils pose-
. rent sur la partie malade le, sue d'une C~[tttine
plante bouillie à consistance d' écume, et tirerent

un de ses pieds de côté. Apres qu'il e:ut passé
quelque temps dans cette position gênante, ils
le coucherent alt ernaÚ'vement sur le dos et sur
le ventre, e~· lui ap~liquerent pend~nt long-
temps des compresses de . la même plante.
Quand ils veulent tirer du sang d\me partie rna- ..
lade, ils la frapp ei1t avec le cançançao (j~tro~ '
pha ·urims) qu'ils nommer1t giacoutactac, ou
avec une espece cl' ortie , pour y produire une
inflanunaÍion; puis ils font avec une pierre o~
AV BRÉSIL.
• t •• • ( I I
un couteau un grand nombre d'incisions d' du
sort beaucoup de1sang.
Dans un v~yage ~e M. F;eyreiss 'f it ·à Mi-
n~s-Geraes , · il observ-a chez les Coroados une
maniere tres-remarquable de saigne~. Le mé-
decin' s~ servit -d'un are et d'une fleche de tres-
p~tite dimension et aqnée d'un~ pointe de v~rre
q~'il avàit enveloppée de coton (1) , il n'en·
avait laissé sortir que ce qu'il fallait pbur péné·
trer dans la· veine; il l'ouvrit par iln coup de
fl'eche· (2 ). M. Freyreiss vit aussi gué~ir par
Ü mêm:e occasion une 'i,eune· filie qui proba--
ble~ent · souffrait. des suites d'un refroidisse-
ment. On avait fait ro-qgir une grosse pie'r re ,
et · ~ti ·v~rsait cont~nuellement de 1'eau dessus.
La malade se plaça aussi pres qu'elle put au-
dessus· de l'e.-droit échauffé , ne tarçl.a ' pas à
transpirer fortement p~r l'effGt de la vapeur
qu'elle r~cevait, et recop.vra.la santé '(5). ·
Les Tapouyas
\
guérissent les blessures.
.
exter-'
nes tres-surement etavec heaucoup d' adresse' en .

. (1)' Joúrnal von Bra~ilien, tom. I, p. 2. ,


(2) ;Lionel W afer décrit la níaniere dont se fait celte
I . • ,
opération. Voyage, p. 29. ' . .
(3) Journal f'on Bras,ilien, tom. I; p·. ' 1o6 ~
. ~94 VOYAGE
mâchant ~ertaiÍH~S plantes et les a ppliquant sut'
la plaie; mais lenrnature saine etla forc'e de.leurs
m'uscles doiyent:-cÓntrihuer le plus à la guérison.
Un le1Jne Maqhacaliquiappartel1aità M~, Marcelin
d:a Cu~ha, ouvidor de Carav~llas, m' ofti·it l'~xem­
ple d'u,ne plaie rei~1{tr-quabl~ tres-bien guérie. Un
tapir bless~ par lessauvages avait passé devant le·
j eúne hopun.e qui l'irrita davantage par un couP'
de flecl1e, alprs, l'ànimal_le poursuivit, le saisit
~yec les dents, et lui déchira tout le yÔté. La bles-:
sure cprpmençait aumilie~ de la poitrine, et se
pr~longeait tout antQur de · l'o;noplate jusqu'au
dos; eÜe avait été recq'!).sue, ~t les chairs avaient ·
bie1~ r~pris~ ·
· On dit qqe }fs sauvages guéfissei_i~ tres-bien
.
Jes morsures d. ~s' ~et'pens, et ,l'on :rp.' a JI).eme a~-
A

suré que p~rmi eu~ p~ttsonne ne weurt de çet


accid~nt .. Le jeune Quêck n' é(4it p~s d'acçord
sur ce poilJ.t avec·les Portqg~is, ~ar ü préten-
dait qu~ les Botocçudys q:u Belmonte· ne cQn.:.·
naissent
' . aucun
' . remede '
contre
. cette
.. morsure
' ' et
que ~eaucoup en meiuent. Selon lui, leur seul
expédient e1;1 ce cas est de faire avec un pohuit
ou cbllier une ligature autour ele la pat~tie mor-
due,. qui est or<Íinairement l'e pied. · .
Par~i les maladies eles· enfans il faut surtOat
AU BRESIL.
faire mention des résultats de la manie de lllail~
ger de la terre. , Quelquefois la fai:q1 les oblige
à mettrinle la glaise dans leur bouche et ·à I'a..:..
Vqler; les parens le~ punissertt quand ils les sur-
prennent, mais les enfan~trouvent l'occasion de
satisfàire en secret cet app~tit dépravé. Ils ont
alors le ~eint d'un jaune sale, le corps máigre,
le Bas ventre tres-groso et généralement n~
poussent pas leur carriere bien loin-.- La glaise
qu'i1s mangeát est . ordinairement rouge, _ja~:..
nâtre ou gr~se. Elle doit différe~ beaúcóup de
la terre que M. de Humboldt trouva chez les
Ottomaques et dont ce peupl<:J se nourrit habi-
tuellement. A la Concef!úon di Uruana, frere
· -RamonBueno, 'm9ine tres-intelli:gent qui avait
~écu douze ans parn;ti cés Índiens, assura à ce
célebre voyageur qu'il n'ava~t rem~rqué áucune
altération dans leur santé pendant to~t le te~ps .
qu'ils mangeaient de la terre_, quoique· .dans la
saison des pluies elle fút leur principal ali~
ment(1}. Cependant M. de Hm:nboldt eroit que
cette nourriture est nuisible, et je puis ássurer

- (1) AnsichtenderNatur, pag.- I43.


Tahleau de la nature ;'tom. I, p. 4o et I!P. -
I

.
Vó~AGE
qu' elle-prod.uit chez les' Brésiliens les mêmes ef..:.
fets .désastreux quel l'on a observés en Aft·ique
et dans les Indes orientales ( 1 ).
Les sauvages s'imaginerit .guérir Ies mauxde
_ventre en féottant cette partie avec les cara-
paces des tatous ei des tortues. Les défa~ts
de la vue sont trr!!s-c~mmuns chez les ii1dig(mes .
f du Brésil; il est rare d'en yoir une troupe dans
laquelle il ne_ se tmuve pas' au móins deux bor-
gn~s; ils ont souvent aussi des tai~s dans l'teil; _
mais je n'ai jamais vu clíez eux des yeux enfiam-
. més, atrophiés ou atteints d'une maladie queh
conque ~ ce qu'il fàut sans doute a ttribuer à la
seule habitude de toutendurer. Le grand nmn-
hr~d'arbres, d'a~bustes. épine~x qui rempljss~nt.
lesforêts, est sans dou te la cause d u grand nombre
de.borgnes; car le sauvage qui poursuit un ani-
mal .avec l'avidité d' un jaguar ne _fait atterition
qu'à sa proie, et ne vo.it pas toujours les pic.[Uans
qui men~cent sa vue. Quand il a percé· un pé-
. . ' .
cá ri, un singe, ou une autre bête qu1 souvent'
.
s'enfuit avec la fleche au travers du corps , il
~

Ia súít Ies yeux fixés sur elle atin . de ne pai.-

C1) Mémoire de M. Osi'an~el' d~hs !e journal iutituu; ;


Neuer hanno Peri.sclte 1/Iagazin ~ 1)1!1rs 1818, ll· -26 et ~'f..·


AÍJ BRÉSIL. '2
' 97
]a perdre de vue, et ainsi se bliisse aisément.
'Cette çause bien naturelle ,m e semble .encare
confirmée par I'observation d' Azara, que les.peu~
plades qui habiteiltle~ plaii'les immenses et rases
9.u Paraguay n'ont pas de d~fauts dansles yeúx ..
Quand un Botocoudy a i·endu le dernier sou-
pir, on l'e1;terre dans 1sa cabane ou tout au-
pres ( 1); · tm abandonne· le lieu et I'on en . va
choisir un.autre. Les parens du défunt témoi~
gnent' leur affiiction. le premier jour . par des
hurlemens affreux; les femm:es . surtQU:t
'
ontl'air.
.
de foll(,}s en ceúe occasi<:m ; mais peut-être ces
cris ne sont-ils pas réellement des témoignages
· de <:J.ouleur, car le ler~demain tons s' ~n · vont et
contihue·n t leur traiu; d~ v:ie comme auparavant.
Sur le B€lmonte, les Botocoudys, apres avoir lié
ensemble ]lfs mains du défunt .avec un liarie,
I'étendent tout de son long dans une fosse ,
par conséquent ils ne le placent ~s dans une
posÍtion accroupie comme font d'autres. pcupla-
des d'Àmérique (2); dans d'auues endroits les

(~) Ce faít ·· montre combien Ies usages eles indigeues du


Brésil ressemblent à ceu ~ des lJidie.us de la Guiane: Yoyez
Barrere, 1), 227, 23I, et autres voyageurs ..
' (2) Plusieursa.utres peuplades américaine.s cnterrentle.nrs
mor,ts de cette man.iere, par e~emple les ancieus Cauadieus,
. VOYAGE
fosse~ so~t mn:des. Le long du Rio-Belmonte il~
, n' enterrent rien ave c le mort, ainsi qt~e le prou-·
vent les tombeaux q!le nous avons fouil}é~ ;:
l\'I. João Filippe Calmo~1 i~'a dit avoir trouvé
dans les t?mheaux le long. du Rio· Uoce des . ar~ ,
mes et des vivres pour les défunts; .-cependant
.cette ·asset:tion étant CQUtraire ap1es obset~vation~­
me parait peu vraisemblable. Dai1s pl:usie11rs de·
ces tombeaux au milieu des fm:êts, je n'ai ren-
C011tré que des ossemens, et j'ai r~connu que·
la fosse ayait été remplie d<t terre; 0~1 v-o yait à
sa sürface extéheure de g-ros bâtons courts, ou:
• v _j .
des morceaux de _bots ronds et de longuem--
égale, couchés tout pres les uns des autres. Je
tmuvai encare pres de ces tomheaux les. eaba-·
ne.s qui avaient été ~bandoni1ées. -
Apres la mort d'un Botqcoudy o, entretient
pend.ant quelqHe t.emps du. fe~1 c1e chac1ue côté~­
de -son tomheau afin d' en écarte11 le diable , 1
\

"Lorsqu'ilsont.rendu !e dernier so~pir· ,. dí t.Ie P.. Pucrel!x-,.


on met'tont d!l suile )e corps dtt défunt e~ rond ·,. afin qn 'il•
se repose daus le tombeau de la même ma-uiere qJI'il étoit
dans le sein de sa mere. , . (I-listaria canadensis.) p. 92 ).
Les Caralbes, les C h iliens et les Hottent,ots onl !e même!
tJsage. On d.it que le~ Botocoudyi le. pratiqueut a usei. dane;
q uelq_u~s endroit~. . ·
AU BRÉSIL.
opération pom laquelle les parens vicnnent quel-
quefois d'un lieu tres:-élóigné. Si le défunt s'est
acquis l'afiection de ses proches, on éleve snr.
sa fosse une cabane de feuilles de cocotier. Les
Botos;oudys n'att:achent pas ·t oujours epsemhle
les 'bFas des morts avec un liane ; iis ne se d '-
chiquettent nine se mutilentle corps pour n:?l- -
nifester leur ·douleut·. Azara nous apprend que
l'usage de se . couper un doigt dans çette occa-
sion regne che.z les Charruas ( 1); on sait qu'il '
existe aus,si chez.plusieurs insulait·es du Grand•
QGêan. M. Calmon m'a qit que le long du Rio-
Dqce, les femmes se coupaient les eheveux ,cn
signe qe douleur, usage que l' on ren,contre
fréquemmen~ chez les Américains, mais. il est
inconmj. le long du Rio Bélmonte , et je trouve
I)CU vraisemblable qu'on l'ait observé chez les
Botqcoudys.11Ine s~mble au rest~ qt~.'on a a~­
tribllé ~ ceux du Rio-Doce beaucoup d'usage~
qu'ils n'ont pas; soit parce que l'o1~ n' ose-pas
les aller examiner de pres, etque par conséquen1;
· .o n !.!eles connatt qu;à 'moitié , , soit parce que ,
dans tout l'univers on est cnclin à chercher dans
les choses· 'frappantes par leur . singularité plus

(1) royage , tom. JI, .p.25.


3oó VOYAGE
d'extraordinaire et de merveilleux qu'il n'y en '
a réellement. On trouve da1~s la maniere dorit
les Botocoudys enterrent léurs'morts b~aucoup
de ressemblance av·ec celle qui était eli usage
parmi les To~pina:mbas et les autres Indiens de
la côte qui sont de la même race; ceux..:éi éle..:
vaient aussi une Ji>etite cabane de feuilles· de'
cocotier sur le tombeau' mais ils plaçaient le
corps debput .dans la fosse, et lui Iiaie~lt en- ,
semble les mains et les pieds , c0mmé on le
voit dans Léry ( 1 ).
M. Walckenaee dit avec beatrc4(up -de jus-'
' tesse, dans sa teaductioü des Yoyages a~ Azara7
que tous les peuples de lfl .t erre ont certaines
idées,religieuses; ·et Azara a certainement com-
mis une erreur en d{sant que les: Charruas·n'on~:
au~une religion , et ne connaissent ni jeux ~
ni danse, ni musique (2 ). Eschwége confirme.
l'opinlO:Q. que les Gua'icurus ont.des idées reli-
gieuses (3). Les grossiersBotocoudys ont même'
une quantité d'opinions étranges sm les mau-
vais esprits ; pour les · bíen· connatt1·e il faudeait.

(1) JToyage· , p. 34!1·• .


(ll) Ibid., tom. li, p. I4.
{5) :Joumal .Pon Brasilien ., tom. I, p;. 265 ~
AU BRÉSIL.
·posséder parfaitement Ja langue. de ce peuple •.
Ils craignent de plauvais. esprits noirs ou des
·diables qu'i]s nomment Janclwn; il y en a de
grands, J anchon Gipakeiu, ainsi que des pe-
tits, Jan~hon Coudgi. Quapd le granddiable
se montre, et traverse
.
leurs cabanes, tons ceux
I
qui l'aperçoivent ne peuvent échapper à la
mort; ses appari.fions ne durent pas long temps;
mais s~s visites' cau.sent toujours le trépas .de
beaucoup de monde. So,u vent il saisit un mor-
ceau de bois et batles chiens jusqu'à les tuer ..
Quelquefois il fa~t moU:rir les enfans' que l'on
a envoyés chercher . de l'eau; dans ce ·cas. on
trouve l'eau répandue de côté et d'autre. , On
peut regarder ce diable comme ayant une grande
analogie avec l'Aygnan ou_ l'Anhanga eles
Toupina;mhas. La crainte de ce diable empêche
les sauvages de passer seuls la nuit dans les· fo-
rêts; i]s. ne s'y décident pas 'iolontiers, et pré- •
ferent de marcher plusie ~ rs. ensemble. La : lune
(ta~ou) paratt être ,de tous les corps célestes, ce~
lui pour lequel les Botocouclys ont le plus de
vénération ; car ils )ui attribuent la plupart
des phénm,nenes de la . nature. On retrouve
son nom dans celui d'un granel nombre de
météores. 'Le soleil se nomme . taroudipo ; le

. '
302 VOYAGE
tón:r}erre taroudecouvoung; l'éclair tarouteme-
reng ; ]e vent t aroutatouo, etc. C'estla lunequi
dans Jeurs'idées do:tme naissance au tónnerre et
anx éclairs; ils croientqu'elle tomb"e qu~lquefois
súr la Ú~rre., ce qui cause la n~ort d'un granel ,
nombre d'hommes. Ils · lui atlribuent aussi la
mauvaise récolte de certains ·fruits et el'autr~~
elenrées , et ont là-dessus beaucoup d'idées
superstitieuses.
lls ont aussi, comme la plupart eles penples
de la terre, la tradition d'une grande inondation
On trouve dans Vasconcellos l'exposé des opi-
nions eles lndiens côtiers de la Lingoa- Ç-éral sm
c e sujet ( 1 ). Ils disent que.ia famille de Taman-
douaré ele Toupa,.vieillaFcl blanc, avait.seule été
avertie par l'Être suprêine de grimper sur eles
palmiers, · et d'y aUenelre l'inondation qui _fit
péri.r le gjlnre humain'.' Quand les eaux se fu-
rent écoulées, cette famille eles~ei1elit et repeu-
pla la terre. Au .reste les idées' religienses eles
Botocouelys ne sont p;.rs pli.1s ahsurdes que celles
eles colons portugais de la classe i:nférienre; car
ceux-ci, ele même que Je's Indiens de la côte ci.:..
vilisée , croient à un esprit eles forêts nommé ·

(1) Noticias curiosas·do Brazil, p. 5J.


A:U BRÉSIL. 3o3

caypora; ils disent qu'il elileve les enfalis et le~


jeunes gens, les cache dans le creux eles arbres
' les y nourrit.
et
. Telles sont.les observations que j'ai faites dn-
rant mon court-séjour dans les forêts. La po-
pulation tonjours croissante dela côte orientale
repousse colitinu~llement les Botocoudys clans
leurs forêts; et il n' est pas clomeux non plns que
lawcivilisation '~e finisse par pénétrer chez eux;
cela n'aura pas lietJ de sitôt parce que l'on ne-
. -~onnait ph~_s au Brésil l'art avec leqnelle_s jé-
suites' abstraction Jiiite de l~lusieurs ele leurs
institutions vraíment nuisibles, .et clu mal -ré-
sultant de leur domination; savàient instruire
les tribus sauvages des - indige~es. Le voya-
geur qui veut bien conna1tre les tribus eles Bo-
tocouclys clans leur é.tat naturel cl<?it les obset'-
ver sur le h01:d du Rio-Grande de ~e~onte ;
car jus~ru'à présent l'on n'a pas pu eopununi-
quer avec ceuxjlu Rio-Doce. .
Afin de donner cl' avance au leeteur une iclée
sommair.e ele la langue de ces sau.vages, je vâis ·
citer quelques~uns de.leurs noms. Je réserve .
une nOTne:ncl~ture plus étendue, et un vocabu-
laire comparé, pour la fin de·mon ouvrag~. ·
3o4 VOYAGE

NOMS D'HOMMES.

Jncakemet, Cupilik, Juk.erêcke (1), Ma-·


niua, Mêca'll;n, Makiêngjêng , Aho ,' Keren-
~ . g~atnauck. . '

N,OMS DE , FEMMES.

.
Enkepmêck , Maringjopou , Onevouck,
Champakhan, Poucat.
'

SUPPLÉMENT.

ÁPRES. avoir écrit mes obser"Vations sur ·Ies


Boto.coudys, j'ai eu connaissance des détails
donnés par M. d'Eschwége, colonel au service
du roi du Brésil, et deineurant à Villa-Rica,
sur les indig{mes de la capitainerie de Minas-
Geraes : il se trouve dans le Journal von Bra~
sílien qúe j'ai cité plúsieurs fois.
Quoiql{e j'aie été ~ssez heurenx po~r que mes
idées fussent d'àccord avec celles de M. d'Esch-
wége, je ferai néanmoins eles remarques sur
quelques endroits de son ouvrage. Je crois pou-
voir d'autant mieux meles permettre, ,-sans en-

' I.
(1) La premiere leltre se-prononce comme
/
·;

AU BRÉSit. 3o5
·courir le reproc·h e de · chetcher à le blâm~r ·,
qQe le mérite de notre compatriote ne peut nuJ..
lement souffri~ de ma critíque. Le long séjour
cle M. d:Eschwége dans la capitail!erie de Mi-
nas-Geraes, si intéressante pour la mineralogie,
nous autorise à·attenâre de sa part--des obser-
vations tres-impQrtantes; car ses connaissances
ét la position favorable danslaquelle il se trouve
le mettent en état d' examiner ce pays et ses ha-·
bit~ns avec plus d'attention et plus en·détail que
ne pourrait le faire un voyageur qui pendimt·un .
·t:ourt séjour ne serait pas à même d~ s'instruire
aussi complétement de la langue, des mreurs
et des _!lsages des peuplades qui l'habitent. Mais
l'étude .des ~nçlig{mes dans. 'Cette capitainer'ie
dorme des résultacy moins curieux que dans
d.'autres moins cultivées ou moins habitées par
lés Européens ..D'ailleurs M. d'Eschwége n'ayant
pas vu les Botocol!dys et ayant par conséquent
été obligé de s'e~ rapporter à ce qu'on lui en
a rapporté, il ~elqu~fois reçu des infdrma-
tions peu exactes.- "
Un negre entre autres~ qui avait long-temps ·
..
vécu-parmi ce peuple, luien a' raconté des cho-
ses pêu vrai~emhlables _ : c~_e' certainement il
n'existe:pas plus un roi des Botocoudys qu'un~
lli. 20
~o6

forme de gouveEne'ment mc>narehique pàriJ;!i ,ces


hommes .grossiers; i} n'eSt, pas pFôbabJe 11011
pius que ce sc>it dans 'Une assem;hlée générale
que les Ievre~ et les o~eillt:;s soient Jl>er~ées. Mais
quand ce raêm~ negre pÇl·J!}e des traitem:~IJ.S· cruels
que les i.ndigenes ont à esl>hy€r d~s çpnqJiérans
de leurs f9rêts pourvus..d'at'me& à. feu, Ofl re-
comlalt la véri.té,des faits que l'O li. v.oúdt·ait voit·
supprimer" L€ ·gou<vernemeht a rendu des or-
donnan'çe& en ·fa;veut·· til€s• liildiens ;i par naalhe~r
I
elles sont mal ohservéesi .
. On a quelqu.efois, •:nommé 1 les Bci(tocoudy.jii,
Ghérins' .ce llOp;ll ~st. encwre e:p. usage sur I:lta:....
hipé. Les Portügais édivent Çefens, mais' non
pas Grens.Qua'r1tauií0mil/A.tariq:ue·M.d'Escl~·
wége leur attribúe:atissi, ii p~raft .n'chre 'Cõrin~t
que . dans la Gapitainerie de Minas-Gera·es , c~ r
sur le Rio.,.·D0ce <inféi'~eur ~t· sur , 'le :B,io-Bel~
monte je ne· l'ai , pa:s ·entendb; et~ je n:~ l'ai pas
trouvé non plus da:il& les diffétert~ autew:s (p.ii
ont ~rit sur J:e Brésil. Le~ mreurs et 'le11. Hsa;.. .
ges de ces sauvages doivent êtrel les mêmes sur·
le Rio-Doce que sur le Behn onte, je In'en suis
conva:incu suffisafument. Je ne puis donc croire
, :\la COI).struction de ·cab.am!s ornée~ de phunes,
destii'l.ées à y enterre r 'les· morts , et oú .ils cé,I e-
.A:U BRÉSIL.
hrent tous les. ans une fête ' en leur honneur.
Mes questions sur c~ sujet m' ont prouvé que
trop ~ouve~t ui1e cop.naissance imparfaite des
faits, surtout dans les e1~droits JQu les sauvages
:vivent en été!-t .d'hostiiité avec le~ .Européens,
donne li~u aux réeits les moins conformes à
la vérité.
l\I. d~Eschwége pense que I'on . compare à
tort la couleur des Indiens à celle du cuivre.
Je conviens que ces peuples offrent de nofubreu-
ses variétés de couleur : quelques-uns s~nt d'un
brun foncé, d' autres d' un brun jaune , et d'au~
. tres d'un rouge de cuivre. Tous ont une teinte
brun gris , ou brun jaune rouge~tre; et mes
observations me donnep.tlieu·de croire que les .
enfans :ne naissent pas parfaitement- bla:n'cs
~omme 'notts autres Européens (1}. . spnt Ils
j'a unâtres et ne tardent pas à devenir h runs. J ' en
ai vu beaueoup 'encore tres-petits , et -dont la,
couleur étaitbrun foncé. Mais l'on trouve, 9insi
que je l'ai dit plus haut, une variété parnu
les Botocoudys, qui a un peu de rouge snr le
dos ~ et s~ul'ement les · €heyeux noll's ; il · est

(1 ) Ou lro uve Úne <ionfirmation de ce fait dans !e vopige


de !\L de 1-Iumboldt. R elatiçm histo;iqu'e , lom. I., p . fio o.
VÓYA(j.E
possible que les enfa~s de cette race soient
complétement blancs en naissant. .
La couleur de la peau et ·certains tt~its ci:l.-
ractéristiques sen;1.blent prop1:_es à. touté la race
américaine ; mais ils varient à ~!:ipfini chez les-
nombreuses peuplades du nouveau continent,
et different chez chaque individu : il en est
de même de la stmcture osseuse ; elle offre la
même diversité que chez nous. J'ai vu des Bo-
, tocoudys avec le front large et haut, chez çl'au-
. tres il é~ait étroit et bas. Les uns sont grands ~
les autres petits. Je conviens pourtant que plu-
·sieurs tribus se distinguent des autres par cet-'-
tains traits communs.
PJusieurs écrivains ont sou1enu que les ha..-.
bitans de I'Amé_rique septentrionale et de l'Amé~
rique méridionale n'appartenaient f>as à lamême
race; cependant des hornmes ins~ruits m'ont
assuré que la·physionomie et la couleur des Bo-
t ' toc~udys et des autres ,tribus du' Brésil étaient
absolument les mêmes que celles des Chei:oky.i
ele la Caroline septentrionale.· Le jeune Boto-
couclyQuêck, que j'aiamené enEurope,a clonné
lieu à cette comparaison (1):1 Ainsi_, c1ue,l'.on

(1) Mit'hridates 1 tpm . III, :1• part., p. ão9, 513. :\I. Thorn ,

AU BRÉSIL.
désigne Ia éouleur des Américains par les nóms
de rouge cuivré ou de gris hrun, elle sera' tou-
jours celle qui distingue leur race dans les deux
parties du continent , avec cette seule' diffé-
rence que ]e froid -hlanchit la peau ( 1) , et que
partout on trouve une grande diversité de tein-
tes. Quêck prouve d'une maniere frappante
l'influence du clim:at sur la couleur de la peau
humaine ; car le teii_J-t de son visage, qui a été
passablement brun pendant I'été, hlanchit ' pen-
dant l'hiver à un iel point- qt\on pourrait le
prendre pour u~ Européen , et même ses jou~s
paraissent un peu colorées en rougc; je dois au
reste observer qu'il n'est pas de 1a tribu la- plus -
brune des Botocoudys. V olney trouva que les
parties du corps convertes' chez les Indiens de
1'Amérique septentrionale étaient beaucoup plus

lieútenant-c-olonel anglais, l).omme imtrnit qui a long-


temps demeuré dans l'lnde, m'a ~ppfi~ ,. à ma grande sa.-
tisfaction, que la 'pl:iysionomie de mon Botocoudy r'e~sem-"
blait parfait~meni à celle des Malais. Cette assertiou a été
confirmée par la comparaison que M. Blumeubacli a. falte
des crânes que j'ai apportés avec, ceux des Malais ..
(1) 'Les freres Moraves' assureut que les enfa~I& des Eski-
·.ma~x naissent entierement blancs; plnsieurs écrivains ont .
dit la mêmg. ch.ose des autres peuples d~ l' Amériqne se.r-
tentriona.Ie.

,
,
VOYAGE '
claires que celles quirestaient exposécs à l'air ( 1 ) .
J e n'ai pas· vu .d'exemple de ce fait au Brésil.
Qu0iq1ie les lndiens civilisés y po'rtent eles che-
mises et eles culottes' leur corps êst · partout
I
égalemerit brun. ·· 1

Il semble résulter de l'observatioü de Volney


que les parties convertes et plus claires du corps
des Jndiens de l'Amé1~ique septehtrionale dói-
vent être regardées comme cêlles· dont ia peau a
sa couleur naturelle , et qli.e par · conséquen't
celle eles peup.l;ldes du nord est .moins foncée
que 'celle eles pe:uplades dumidi. Mais les deux
parties de ·ce continent offrent des exéeptions ..à
cette regle' car on cünna1t dans le nord eles
·penples dont la couleur est tres--fonc~e , et dans
le sud eles Bótocóudys ·blancs H d' autres peu-
plades au teint claii•. 'Si le climat seul ét::Ht la
cause de la couleur brune çles Amêricains, les
Portugais áliraient clú, ap>fes plusieurs générà-
tÍOI~S , prendi' e aussi cet'te .coul(mr , et cepen-
cla~t il est ce'rt(lin qt~'i~ ont·ia ,mê~e ·q!le leurs
áncê tres tontes les fois qúe 1eur- sà:Frg· n'est pas
n1.êlé avec celui eles negees ou des Indiens.
Je n'ai pas obseevé chez les Portugais du

(2) 1'ablea11 des .Etats- Únis d' Amérique, p. 435.

I •
A U ' SRÉS.IL.
6 ·rési:l ~e.s .ch:ài_,i gemefls €1Ue ·sn-lidí. .r.eJ~il.atqi!l.,e chez
lGs ·piarlteurs :ae .J'Amériqtl.é -sept~ntrionále ~ et
r1u'il attrillte ·a:u 'dirna'li (1). 'Les t~ai:ts de Iear
• '.. r ' • '

v~sage, -n\')IY p~· "c'b angé ;, 1leúrs chev-eux son t


i·estésb(')"ucle5, :et i:eiir çou:iel(l';·~~~iert,t'a:P'ement
te Tiié'lâng·é:tfe>iibé ode 'CeÍF~ ·;des · ülàien's~· ·n ·est
v=fài qu'a~ lBfesif-les descénÜàrls d~s Portugais
·ú·àvaiUen{ 'ra;e~e1t~ dan~ lleurs -plalíltat~Óns ; ·ils
la~s~ent ~~ ~?;i~' à?~u~s ~~e.ée.~~~~:tn_àis ·n s \rorit~tr'es­
souvébea la ··cl):rsse e't 'a ; ia• ~eche, et s.lnt par
cun,s~qhefrt ~tiffi.~an;mel;t ex·p~s:J; iux rayói.1s.·du
SÓ'Jt:;ii•; 'lelft' té\Jnft~en ·d-evÍê'I;t·i plus' jahhâ tre , ·et
11~:Ó.I ~a~lfli·:H g'ri~ bhtn sÚohcé I C{~lé 'Cehli de la
p1frp.afi ~>lÍes 'Iiiüi~hs:•· !Au . ·re'st~ }e -renvoie le
· ~} ·rr ., , ~ l,· '; ~}' ~ · · '
&. \ft ( • • ..... ·) ·
icctht t a unl.Jassage' de· · B fSstusur Za NowtJelle-
JÍJSp~gfle ;, cpa~ IMr·de "'Hrini%:&Mt ; • ou ce 'sujct
"esh>P~i~~ 1d_le 1láifrlàliiêi·é la'fi·lus · inté~essante -(-2 ).
~o~s Eáus~s híé~ieu~es ·ont 1'b&á1.'l : rend:~·e l~ ~ou-
1eht5'ci~ nd&tre :·l.'ácê~lplus·· fóa~ée , 1e' fontl ·l'este
totij6t\rs brlí't1:1tr~·'et) ain~i (é_fu-e' M. <:l',:FJsth.W:égc
l' ~bsé'r~e'"'af~é ::tá,fsan:, <·âeVienf. _; -clans ies ·útahi-
dies; iij'l:l'i{j ~ári& ·plale, -'stt~t~·~t ai{ -~isage. D'aiil -
. 'J·~i>:·1::. -, /,_ ~ ,.,~) ~ Í 1. ' I l1:· . •

pag. 7~· .
< '
(2) Tom.I, pág< 11f>. ·

3i2 VOY:A.GE
leurs êes considérations ne contredise1~t pa$
l'axio~e que ~es habitans des ~ontrées cl~aud~s
ont en g~nét·alle teint .plus foncé q . , celJ.x des
pays froids; et I~ gr;1nde variété d~ouleur,s des.
peuples de l' Amériqu~, dont oQ ne peut mécon.;;
:naitre l'affinité entre ·elle,s, semble favoriser l'p~
pinion qui les fait descendre d'une origine com- ·
mune. On peut con~Ulter l' éor~t ~ntére,ssan~ ,de
Sumner sur ce sujet'(I).
M;algré la r~ssemblai::tce qui e~i~te · entr~ le~.
Mongois, les M~ais et l<ts AméricaÍp.s, les péu,-
- J ...

ples de cette dernÍere faCf; S~~blent avoÍr en


comiJlun certains traits car~ctéri~tigues,. Qu,el-
ques Botocoudys O:Q;t co~pléteJ,nen~ Ja physto-
nomie mongol e,. sans s'éloigner, 1cr eendant du,
type propre à leur race. Les visages d'Esqui-
maux représentés dan.s·la.rebt}on du .voyage ~·~
capitame Ross au pôle nord, different be~ucoup
de ceux des 13résilierrs ; et les n;tissionnaires de
Nain, qü.i ont examiné Quêc.k , }o_nt:.itr~:t:tvé la
même dissemhlance ; en sprte qu'il, l e,s t e-xtrê~
ro~ment difilcile d: éclaircir ~es té~ebres qui nou~
cachent I~origine des pe1.1ples de I' Ám,érique . .
On- ne peut pas donner le ~o.~ de caci<]ues.

.( 1) A Treatise O(l the records ofi çréation, etc~ .


AU BRÉSIL. ' ,3t3

aux chefs des Tapouyas; ce mot a une signifi-


cation bien plus relé'vée , <lar les chefs des tri-
bus du Brésil né se dis~inguent en rien de leurs
compatriotes;, qu~ ne' Jeu'r témoignent pas même
beaucoup de respe.c t; ils· n~ont d'autre privilége
que de s'être .distingués par plus de pruderrce,
d'expérience ou de bravoure; c'est ce qui leur
dorme voix décistve dans la borde. On .nom-
maít caciques les chefs puiss'áns des peuples ci-
vilisés du Nouveau-MonÇI.e, tels que les Mexi..:.
cains, les Pén;viens et quelques autres chefs
qui , par leur influe~lCe et quelqlfefóís leur au-
torité absolue ét étendue au loin , s'opposer,ent
avec vigueur aux conquêtes des Espagnols. Ce~
péuples possédaien~ 4e grandés richesses et un
degré de cwilisation dont les restesv frappent
encare d'admiration les voy~geurs ; M. de Hum-
boldt~ nous a doimé à ce stijet les détails les
_plus intêressans ( 1 ). Combien l'habitant g~ossier
des fó~êts du ~résil est en arriere de ces peu- "'
pie-s! L'égalitê physique-y regue .entre .tons les)
l1ommes : Ia' seule distinction est' celle qm ,
~
. '
I '

, ( 1) V oyez sa Relation historiq ue , ses ·Manu!Ízens améri-


ea,ins et les Tahlf!aux de la Nature ; aius-i que V ater, t. HI,
JJ• p'lriÍ\l ·des Mithridates.
3r4 YOY.AGE .
s'obtient par la force eles ibwa,s• . Au m:ili;_t}l,.l :de$'
rochers et eles arbr.es' g.igalllte~ques• ele oes foi:.êts
qui défient les si€des ~ il rie se trotl.:ve pas .t!l'hié-
rogl:ypQ:es in i aucune · esp'êce ele sigt;res · gfavés
·s ur la ·p ierre ·: les seuls I'nonmnens ·de(O'es ·hor.lll.-
mes de' la natm:e 1Sont sur hr sm:fae·e ,de- la' terre
eles <!:aba~es ·cle. Jeuill~.~e ,q~li illl!~ ·• ctur~t ·p.at~
• SJX .lílíi.OIS.
., J.

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AU BRÉSIL.

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>

CHAPITRE -XIII.

VOYAGE DU RIO-GRANDE DE ' BELMONTE AU


RIOrD OS-ILHEOS.

'
Le Rio-Pardo. -Canavieras. -Patipé. - .Poxi. -Le Rio-
Comruandatuba. - Le ' Rio-Una. ,- ~es Riachos ..Araçari.
-Meço et Oaqui, - Villà-Nova de Olivença. -Indiens qui
\ J'.habitent. -Fruit du Piaçaba. - Villa et Rio-dos-Ilheofi!o
,- 'Le Rio-Itahypé. -Almada. - Les Gherins ·, reste des
anciens Aymores.

MoN séjour sur ]es bords du Rio-Belmonte et


dans' les fo~êts· habitées par les :Botocpu,dys
m'avait inspiré le ' désir ele. cherclu~r un no1~.:..
:YeaÜ théâtre à mes ·obser~ations. On fit en con-
·séquence les préparatifs nécessaires pour 'con-
•tirruer Ie·voy·age au nord, et cói1foni1é~ent à
'mon' 'plan , · pour pénétrer à \I~avers 1es for'êts
jus1qú'à Mi' ';l.Geraes. J'éus 1;our 1-ü:1e partie de
·mOl{ voyage un compagnon ;ctont Ih sdciété
J

VOYAG~.

me fut l?i~n agréable, M. Charles Frazer, qm


ainsi que inoi allait jusqu'à llheos.
Le Rio-Grande de Belmonte, se jetant dans
la mer à peu. de distance de Villa de Belmonte,
est tres-large et sóuvent · tumultueux devant
cette ville. J~ pris donc de grandes pirogues
pour le ,traverser ; mes nmlets et mes chevaux
l'avaie~t passé la yeille à la :page. Q11and les
pirogues arrivent à la rive opposée elles · en-
trent.dans une 'c;ique étroi~e entourée de buis·
sons de mangliers, et ou l'eau êst extrêmement
tranquiHe: elle portele nomde .EJarra das Pa-
rirzha,s. Probablement cette crique ou ce canal
·était autrefois un bras du fleuve dont ~em­
bouchure s'est peu à peu ensablée; on Iui don11;e
. aussi quelquefois le nom de B.arra Telha.
A yant chargé n'otre tropa, nous . avons mar-
ché pendant une legoa et, deruie jueyqu'à l'em-
bouchure du Rio-Pardo, fleuve con!)idé~able. ·
On suit une côte déserte_et sablonneuse ou tous
les arbres et les arbrisseaux sont courbés et mu-
tilés par la fréquence des vents de mer et des
tempêtes. Je .trouvai dans cet endroit des os de
tortue de iner épars ; cet amphif e ,est ici une
rareté, tandis qu'i). est plus commún au sud, sur

' .
'. AU BRÉSIÍ...

les rivages voisins du Rio-Doce, qui soht aussi


solitaires et tranquilles ( 1).
Le Rio-Pardo forme la limite entre le Co-
IQarca de Porto-Seguro ~t celui d'Ilheos ; il
se jette dans la me r par plusieurs pras; le plus ,
mér~dional, qui a son embouchure à Canavieras,
se nommaitlmbuca du temps des Indiens. A la
rive méridionale de la barra nous avons trouvé
une petite maison habitée par tm gardiett de
bestiamt qui passe les voyageurs àla grande tle
slir laquelle est bâtie Canavieras entre deux bras.
dufleuve. Jem'embarquaile soir dans tmé piro-
gue petite' étroite ' peu sure ; la marée mon-
tante et les lames extrêmement grosses la pous-
saient de ~Óté et d'autre et la b~llottaient ave c une
viol'ence' ~xtrêm_e, de sorte que ma travet,séefu~
pénible et dangereuse. Cependant, grâées à

(1) Dans la premiere par'tie de ce JToyage, j'ai ·dit que la


grande toriue d_e ~e r était le testudo midas >" Ia posititm dans
laquelle je me 'trouvais alors sur le Rio-Doce m'empêcha
de faire une descripl[oú de cet amphibie; j'espérais en nm.:.
contrér rl'autres, mais je n'en vis aucun; cependant j'ai un
~ràue com plet de cette tortue, et so?- exameu fera conuaitre
si elle appartient. aux -especes connues, ou bieu eu forme une
uou ~elle. J e m'en ol!c uperai dans~es ·Memoires . sui· J'His-
lfJire naturel/e du Biésit.
318 VOYAGE
l'adresse du canoeiro, qu~ évitait soigneus~mept
ele présenter le côté .d e I'embarcation Ua lame,
nons sommes arrivés sans accident:
• ' I I

J'observai dans les buissons de mangliers qui


co,u vraient les rives du canal une quantité pro~
cligieuse d'hirondelles; elles avaient toutes ·Je
plmnage.roux. Quoiq~.,l'il me fút impossible.·de
les examiner de plus pres, je snpposai cy:,e c'était:
l'espece nomJnée lârUtndo pelasgia. Elles s'é:-
~ai,ent rassembl~es dans cet endroit pour y pas-:-
s~r la n.uit, ~ependant elles s'élevaient quelq.le.- .
fois en troupes no,mbreuses ~une tres-grande hau-
teur, et retombaient aussitôt dans les buissons,
• , • ' I >' .. '

auxquels la qp.antité pr,odigie(lse de ces oiseaux


donne une tein,te noirâtre.
Je trouvai M. Frazer, quiavait passé le:Qe).we
avant moi ' établi dans une grande maison ;
nous nous y chauff~mes ;mp1·es d' un . bon .feu
avec la famille du propriétaire. Nous . alh'lmes.
ensuite nous coucher sur des'. lits de planchcs
qtte 1'on avait placés dans · le grand apparte-
ment. Ce fnt la .couchure d''un~ partie des ha-
bitans de la maison.
Canavieras est une villa ou aldea assez con-
• - r •
sidérable , dont les maisons jOl~t disp~rs<!es ;
elle a urie église. On y cultive . principalement
AU BRÉSlL.
du manioc et du riz. Les habitans sont la plu-
part blanc~ et pa1~dos, c'est-à-dire issus .ci'hdl'llo:-
me's .d e. diflerens . degrés de couletir produits
pai· le mélange ave~ le's negres; ces pardos for-
ment sur cette côte le fànds-·de -la populatio~.
Comme ü dy a en ce lieu ni_iuiz ni auqm ·
ch~f délégt~é par le roi , il n' existe ._ pas du
t~ut de, police, et Canavieras es~ connu dans
toude pays pour la liberté et _mêrr,t,e- l'état un
peu sauvage ~e ses habitans. lls ne yeule;lt pa,s
de juiz, disant qu'ils peuvent se gouvel'ncr ~ux...: '
mêmes, et ne doivent payer que 'peu · d':imppts.
D'ai1leurs leur caractere /est jovial, ils ~e diver- .
tissent quelquefois plu.sieurs jours, de suüe à
faire de la musique, à danser,, à jouer aux car-
tes, amusemens qui tres-souvent e?tralnent des
\ '
e_xces.
L' emhou~hure du fleuve étant meilleure que
eelle du Rio-Grande de . Belmonte, on y ·con-
struit quelques lanchas qui servent à cmmhercer
avec Bahia .et d'autres villes de la eôte. Le
• '· f '

Rio-Pardo traov~rse les forêts , dans, lesquelles


les Botoc~~dys se montrent en ennemis, 'tan-
dis qu\ls SOnt paisihles, .du moÍÚ.S.e1i parlie, SU('
les bords du Rio Belmonte. Récemmént encore
t • ' l

ils avaient tué. plüsieurs; pers,onnes , et 1'01 )


('
-
320 VOYAGE
suppesait que les roeurtriers ét.aient de ltt hande
du1 capitam Jéparack. Auparavantils avaient
détruit plusieurs plantations des Pottugats. Ort
les attàqua; ils essuyerent mie défaite considé~·
rable ; cinqtiailt.e de leurs guerriérs futent tués
dans cette renêontre. lls se sônt· vengés par la
mort de quatre personnes; et l'ôn a été obligé
d'àbandonner· les plantations Stlr la partie su-
périeure du fleuve, parce qu'ils les dévastaient
,ou les nienaçaient. On dit q,!!'ils ne vont pas
an-delà du Rio-Pard<?, car on ne les a pas en-
core vus à Commandatpba. Quelques hordes de
Patachos errent sur les bords de ce fleuve et
dans les forêts,. de la barra de Poxi~ ' ,.. ,
A p'e u de ~istance de Canav~eras , un bras
du.Rio-Pardo, nommé Rio da Salsa, s'en déta-
che et va joindce le R"io-Grande de, Beli1;lqnte~
Je vis à Cahavieras un homme que Ie comte
· d' Arcos y avait envoyé de Bahi~ pour . travailler·
à rêndre le Rio-da-Salsa navigâble·. On se pro~
mettait de l'exécution de cette .entreprise de
grands avantages pour le commér<;e avec Minas
.p ar le Rio-Belmonte; onserait entré dansceder-
. nier fleuve par le canal dt1 .Ric~da-Salsa, en par-
tant du Rio-Pardo dontl'embouchure e~t meii-
leure pour les navires .qne celle du. Rio- Belmonte.
AU BRÉSIL.
Ne vouÍant pas laisser passer la saisoo favo-
rable pour voyager dans les forêt:S , je ne res-
tai pas long-temps à chasset· à Canavieras : il
est vrai qu'il s'y trouvait peu de .choses inté-
ressantes r;our nos collections. Cependarit il y
a toujours quelque chose de nouveau dans cha-
que canton. Ainsi dans le voisinage du Rio-Bel-
monte et du Rio-Pardo habite un·tres-beaú Pep-
tile qui es1; probablement celui que Marcgr~f:a
décrit soÜs I~ nom d'ibibob~ca. Ce serpent (~)
ressemble beaucoup pom· la distribution des
couleurs ·au' serpent corail; - car les anneaux
-rioirs, verts , blanchãtr~s, et rouge d~ carmin, .
alternent sur son corps de la maniere ' Ia plus
agréable. Le serpent corail (2) ;, la couleuvrt: à

( 1 )Elapt> MarcgrafJii. M. 1\'lerrem a reconnu cette ~ 0 uleuvre

que j'ai apportée en Europe pour l'ibiboboca de 1\lar.c graf,


et cela est tres-vraisemblable. Russel se trompe donc quand
Üla prend pour son kalla-jin d~ l'Inde~ M. _·Merrem en a
donné une description abrégée dans son Systeme des Am- I
phibies, page 142 , ou il en parle sous le nom d'elaps
ihi.IJohoca. . '
(~) Elaps comlltnus. Dansle premier volume de ce Voyage
j'ai pris ce serpent pour le coluber fulPius de Linné, et j'en
a.i. parlé sous ce nom. Mais une comparaison attentive m'a
appris depuis qu'à la vérité illui ressemble beaucoup, mais
qu'il doit eii être triis-différent; c'est pourquoi j!.adopte le
li. 21
YO'Y.í\.GE
tête oí:angée . (colul!er forinosus), l'ibihoboca ,
et un quatrieme ( 1) 'encore plus :beau. qú'e les a'il-
tres, 'Se 'ress,ériililent tellement p·ai~ •la natu te ·et
-la disposition de 1eur's couleurs ·:, ~e ii~s Bré-
siJ:iens les corifondent -sous ;Je nom lgéher.á:l de
·.cobr-a coralouréoràiis; car ils •6nt: ~oús r]es qua-
··tre'·des anneaux rde ;cha:cune -dés -c0uléur.:S :que
je •viens d'indiquer, =dispôsés àlter-nativ_!:imenl;
·m:ris ·Ie natm:aliste qui les observe avec •alte-n-

nom que 1\'L Merrem !ui a donné dans.son Systeme des Am-
phihies, p. I44. J'ai donné sur ce serpent, sur le précé-
·d·e-tit, ét stir l~s deux tou1eÜvres ·aorit i! est questi~n dans
.: le t_exte-, un·e 1petite notiiJe· qui 'Se trótiVe ·da)IS }e derniér·vo-
Ju,me ·des Méll!oires de l'AcadéQ'lie .impériàle ·híópoldiue-
caroline des curieuX: de la nature. J'y ai joint un dessin de
l'elàps ·co'hilli.
(1) 'Je l'ài · iJoriitíl!eé '•c6'l-ilber {JenuÚissi"fus. C'e's t la plus
:heHe"espece de ·coútetivre ; elle ressenlble beauceup · po'Ur la
co;terir'à:'l'-elá'ps ' ciirálti'nits, 'in ais ·sa t~:re ·estvplus 'la'rge, sa
gueut'e'fe'n 'due plus ·profo'ird·éme'nt; les 'd.e nfs tr.'~s'-'p1i\'ites sbnt
· ·:eriti'l::'r'exil'en t ceUes 'des'couleuvies :'plaqu'es abd'OiilÍnaies 2o·o ;
•"calt'dal'és"5t.·La' longueüríde ·la 'qu'e ue·surpa.sse 'de•pres d'm1
huilieme celle de l'animal: couleur du corps, ro'U'ge 'de ca·r-
" i:'nin, 'dbnt l'·écl'a t"ést•r-e·Ji>ãasséEpar!d es'•lú1-iiell·ú-x ·'l'i'dirs 'di's po-
- ~és'deux: à!deux, tt:es-rappr.o·chésol'linode' l'autre, ·ete!llourés
·exfér'ieür-einé-ilt ·;a r r ttn :>an ttéa'U" lltroit ··gris · blanc ·verdâtre.
ll''Ôutés' ll!s ' ilcaiHes ~ePta j:Ja~·rie~sili'êrieure • 'du cllrps, ·•rnê1ne
·ceHes!tles latges"õl.·~nllaux réug~s , t ént·u:ue:p.oi'ilte' ,'o~ire.
.tion recony.ah;au pr;e~~er ;~9~W ,d'9'!V qu'ikáp-
partiennent .à ,qua~re especes ditféx:e.r\tes.
1\i. ,l';reyrei_s_s, .qui rest11 plúsJong-te~ps da,ns
ce .cant~m , y _tro,uya _pa.;r hasard d;u~s J~s .. p!l.l:-
mier:s u:qe 1 e~pÇc,e sle ;Cb,a1J,v;e-.~O~IiÍS -;l:E;I_llarq11a-
.ble .et e:q.cq~e Í!1~onpt;re g~i 1pq!lrr:.ait .fqnp,er 1p1
ge~1re npu'\jeau (1). A,u;·li~u ge, au~~e elle.a deu.x ·
~ppendic~s .corn~s plâ<;ês "\lqr,~Ç>,:p,talementl'~n
a,1J,-;d~ssus çle 1l:autre, ~.le sup~rieur_ q~ ~~t.le. plus
gt~ap.Çl ,a,cinq ,lign~s de ~argeur; é' e~t el)._ }:{~eJqp.e
sqi)teun prQ}q.qg~rp.~n.t c;lef9,s de)aq\le:q.e qHi -~e
tern:tine de ,c~w:; rp~n_iere ; l~i\ppenf!içe _ipférie;Qr
est formé _par ~e r~plis :q_ue )a n}ep:1prqne jl~ _la
queuefait s11r elle-!Jlêm~· - ~e , P.e.l~_ge :9-~, ~vet
'_an.im~l ~s~:un: peu:Q.ocom,1el.:pl: ~t}l~ cqlli.~l!-d?!~p.­
_çP,e,;,il ,se tienLcaché_ p~pdapt,le jour ~u. f;l?i~i~u
du feuillage_,cqlos:S~l de~ <~oco.r,iers, wü .~(;m~)e
long !1!'1 .,~ ett~ cq_te. :sqnt : P.~bités . et.·aÍ).in;l~~ par
les .r~I?-~~ra,s ·~r~. 'g'iis ,v~rt .hr~~~~t (2 ).

(I) J'ai donné uue notice de cet animal remarquable


dans 1' Isis, année 181g, 1o• cahier, pag. ; 65o.
(2) Cet ois~~ u a ;ét~ t:~garqé , ju~q~'à. pr~s~nt, cq!l!me, la, ~e­
melle pe r~Yêf!Ue _( ta~qgra ,l~pisçqeus) > et,M. Desmarest .fa
~guré com~ne - tel. C'est une ,e rreur, .c;tr le tanqgra t;pi~co­
JJ,US ou ~e. ~~ya~a, le sa~yacu des Br~siliens ,de la cílte ·\)f~~n­
tale , es t tJ:es-djlféren t ,de ~a. pré\epq ~e f~~~.l~e }; /l~US_ ílV~llS
I.
VOYAGE
Q~elq~'ti~l qui aurait du l~isir et sera-it favo-
risé par le 'b:eau temps pourrait fairé à Ca1~avie-,
ras des observati0ns intéres.santes sur les pois-
sons id.u fleuve et ·ceux de la mer. On y trouve
en général les mêmes especes qui fréquenterit
lá pa-rtie pltis méridionale de la côte. A Espi- ·
rito:-Santo · on · I>~end fréquemment le cataria
( p f!.rca punctata ), poisson · d'un ·rouge foncé ,
· parseriié' d'une ~ multitude de taches violettes ·;
plusieurs especes de scombres aux ;é·o uleurs
brillantes, le squale, le si:lure, les belles especes
de gra:mmistés ; le pe~ua ' ( balistes vetula ),
dorit le c'orps . est par- dessus d'un beau vert et
bleu de"Ciet ,. e i entouré de raies d'un jaurle
fon~é; e't beá~coup d'autres. Mais la mer à Ca-
navierâs était trop agitée par le vent pour que
les pêcheurs pussent rien1 prendre. · i
L~s ~oyágeu~~·. q~i dnt:'avec ~i1~ de's mulets
les font aller lt~ ·long de :la cõi~ 'niaritiine, et
'passer à la nage ·les différentes embouchures
.• J 1 • : . ,,

des' dessins des deux especes. qui ~ont tres'réssemblÍms·.' Ce


• I ' ~>.' ' '

aenli'er oiseau, reganlé oomme la femelle, eráuquel à cause


. de sou· séjour 'par!ÍI:i 'l!!s. palmiers j'ai donné 'Je nom de ta-
- nagra pabnaruin, 'se distingue éntierement du sanyacu par
l ' :ea voix qui est v:~ gazouillement tn)s-dot;x. .
AU BRESIL;
(barras) du Rio-:Pardo ; quant à eux ils ·s?em,-
barquent, et parcourent' pendant deux jo1,trs ,
avec que1ques interruptians, dans une pirog~ç,
une lagune qui . court parallellernent à Ja ~ôte ,
etdoit sa naissanceà plusiemsbrasduRio-P~rdo
et à Ja mer. Sqn eau est salée; elle monte et
bais~e comme la roer, dont elle est séparée par
une langue étroite de terre que coupent divél'-
ses bouches du Rio-Pardo.
. . '
Apres avoir parc~uru deux legoas, depuis la '
Barra de Canavieras, ~es mulets arrivent àla Bal'ra
de Patipé, ainsi nommée d'un .povoaçao situé
dans le voisinage sur une.lle fonnée par ces deux
barras. La navigation . su~· celte lagune salée est
agi:éable; des buissons touffu~ de mangliers cou-
vrent les rivages, au-delà s'éleventles forêts. De
temps en temps elle s'ouvre pour laisser un pas-
sage à des bras de la rivier~ qui sort de l'im-.
mense solitude.
On aperçoit suy le rivage des ruaisons isolées
qui s' annoncent toujours ~e· loin par un bocage
de cocotiers. '
L~ lagune salée se prolonge au-delà de la
Barra de Patip~ le long de la côte , et au bout
d'une legoa et demie ron arrive à la Barra
de Po:ú , autre embou~hure. I~ s'y trouvaít~
précédémm~íh queíque~ Ccíbanes de pêcheurs;
ils ont dépú.ís péu . de teriips qnitté ce lléu.
NÚrs avons eií f>eá~C'tup dk peine à' nous y
prÓcúrer de fê'a'u' potable' poiu' nos .mdlets'.
Dés végétaüx utiles et cultivés dâns tóus les
jardins ctoíssent' eócóré pres' .des màisons aban-
dorinéei,. entré autres· c_plelques arbres fruitiers,
et le pirlieÍiteirá ( capsicüriz ) , si recllerché par
les habitans de ce pays poür assài~óiuiér ' leurs
mets.
Quoi'qúe )~ nuíi f1ii. oràgéüse ' ' nous ' avons '
pré fé ré la pa·sser sur le sabÍé, le long de Ia m~r
pres .él.u Poxi , que aaíis les maisons abandon...:
nées ou nous" aü'rions étê devorés par lés in.:..
sectés: Une pitogue, que ie hasard nous fit dé-
coúvrir dàns le voi:sina·ge , rióus transporta 1e
lende:tnaiíi inâtin dé l'àutre côté de la Barra. 'il
n'y a'vaít pas en ce moíneni dê .passageiro ou
passeur' et en général dans ce•canton l'on ne
s'occüpe pas encore béàucoup Cles voyageurs.
Íl rfexiste aucune càrte . d~ pays' il faut' donc
s'en rapporter au hasard et aux re:b.s~igneniens
défeétueux des hahitans qúand _on veut suivre
cétte cbte. Un éhinirgien françáís nommé
Pétit s' était depüis peu de temps 'e't~bli sur une
hauteur à peu de disíàncé dáns·l'intérieur, lés
habit~l:tS du vo~si?ag,e r~coJ;J.~~lt ql.\~ ,; ~"!~9;~~.
de ·s,on hUUJ.~Ar qu,ereUe,ll~e ' · l~s p.êffheJN;~. 9H:
Po:xi aban,<;l<;>nneren.tleu,rs. d:emet~rc;:s. V 9;~~jo\W!r
di verses. particularités s:ur · se~ opiill,on~ B9.li,ÜJ!'
ques , qm. me parurent n'A.et~;e pas ext~emen~e~t:.\
goutées par les., .Po,rtu,gai~.
La ~gune qt~.i s'étef.l.d a,u. ·nGrd <ile la ~~rra de
Poxi es,t tres-pois~J(I:~n~qse ;, au pGi~t ~lil i?li\r
on voyai\. UJDe qu!la~it0 ~J1!J.Om~rahle d:e p;Q\SSO,I!l~
' h 1\Ut en;..l'~u;
sauter tres,.. . : on al.}J:i'\lt
. pu, ave,<:; un,
grand filet, (~i~e une. p~cla~ abottdJ!.n.te san~
beau~oup de peirie:
De ce lieu à l'emboU<~hune du Cornm.anda-~
tuba ·, la côte. ne change pas d'aspe·ct : touj.ours
un labyrinthe d'tles convertes de huissons de
mangliers.. Le meilleu.r temps p.o m navigue:r
dans ces eaux salées e$t celui · reflux. Ces
buissons servent. d'as.ile au pe:rroquet ama~one
ordinaire ( psittacus ockrocephal~:.ts ) , nommé
curica par les Indiens et les Po.rtugais; il semble
se plaire beaucoup dans c~s buissons, de sorte
qu'on pourrait I ui en denner le nem. On le
. trouve toujours sur les bords' et auX. emhGu-
chures des fleuves , ()U les autres per:roquets se
rencontrent . tres-rarement. ,Sil voix est tres-
forte, illa varie sur plusiell:rs tons, et a souv.ent
VOYAGE
l'air d'imiter d'autrés · oiseaux. On trouve fré-
quemment les ·nids de ces perroquets dans les
gros troncs de mangliers qui ont des trous. Les
habitans prennent les petits , Jes élevent et leur
apprennent à parler.
Le Commandatuba n'est pas hn flenve consi-
dérable. A peu de distance de son ·embouchure
on trouve sur sa rive méridionale, dont le sahle
éblomssant de blanche~1r offense les yeux 7
quelques cabanes de familles. indiennes qui ont
leurs planÚltions sur la rive septentrionale. Nous
avons passé le Commanda.tuba, et trojs legoas
plus loin nous sommes arrivés à 1'embouchure
de l'Una, fleuve plus grand. L'on n'y voit qu'un
petit nombre de maisons. Un riche planteur,
qui possede de va.stes propriétés sur l'Urta, a
construit une nda à ·son embouchure · : elle
comprend une grande cour entourée de coéo-
tiers. Ce bel arbre s'éleve à une tres.:..grande·
h~uteur sur ce sable blanc qui a l'air · stérile.
A sa septieme année, lorsqu'il est encore bas,
il produit déjà en abondance ses· ·fruits ,rafra~­
chissans. On cultive ici le manioc ei le ri~ ; le
café, le coton, et toutes les productions du cli-
mat équatorial y réussissent à merveille. Le
propriétaire.dont je viens de parler était ôccupé
AU BRÉSIL. .
à y établir des plantations derces ,végétaux ..J'y
ai aussi vu le chou bla_n c d' Europe , le chou-
rave, ainsi que Ia grosse rave pour les bestiaux;
j'y ai observé de!!, têtes de chou qui pesai~nt
quatórze livres.
L'Una se partage à son embouchure en deux
bras; le bras' gimche se nomme Rio-de-Mu-
ruim, le bras droit Rio-da-Cachoei'ra : CG der- -
nier a tiré cette dénomination de petites chutes
qu'il forme. On trouve à peu de distance en
. remontant l'Una de tres-belles esptkes de bois,
entre autres beaucoup de jacaranda (bois de
rose ). Ce fleuve est si bas dans Ie temps du
re'flux, que les mulets. peuvent le passer. Au-
delà on arrive . à trois ruisseaux : 1'Aracari , -'le
Meço et l'Oaki, qut:ll'on pe~lt de même passer
à cheval pendant le reflux ·; au contraire, pen-
dant le flux, de_u x de ces ruisseaux sont pro-
fonds et rapides.
Du côté de te~·re, ron a la vue de hauteurs
boisées qui se prolongent au nord , et qui for-
ment les rives du Rio-de-Muruim. On remar-
que sur ·ces collines un arbre ext~êmement haut
nommé le pao de Muruim; il s'aperçoit de
tres-loin en iner, et sert de point de reconnais-
s-ance aux marins.
33o VOYAGE
C'est depa.is,Jes bords.de l'li.Jna que l'em éon~-
mence1 a' trouver . 1'espece
' de n.avue. nomme'
jangada dont j'ai déjà parlé. Koster l'a déeri't
et ,dessiné. L'0n: s'en sert de mer ba:sse, clans
les endroits peu profonds, pour aller à la pêche;
on se hasarde même à naviguer au large sur les
grands jangadas·, et on les emploie à transpor-
ter.le long eles côtes différentes. Jnarchandises·.
Ces jangadas sont des radeaux , · dont la lon-
guel:l!I' moyenn.e est à peu pres de. vingt-eil!lq
pieds. Ils sont forrnés de sept pieces de bois· lé-
ger, ·dont cinq placées les unes à côté eles au:....
tFes ne sont maintenues que par les deux trans-
vcrsales. ·L es deux piecés de bois extérieures
sont un pen plus longues que Jes aut.res , elles
en supportent une troisieme, et sur. celles-ci
s'éleve le siége du timonier. Il n'entre pas un
seul morceau 'ele fer dans la cortstrnction cl'une
semblable embarcation. Les pieces de bois sont
liées et chevíllées ensemble , et taillées en bi-
seaux aux d~ux extrémi,t és; une pagai.e sert ele
gouvernail; elles ont une grande voile latine.
Elles portent souvent plusieurs homnies. Le
bois léger dont elles sont faites porté le nom de
pao ou bois de jang~da. Il est décrit par Arruda,
AlJI BiutSil.
soNs le rtorli d"apeióa cimb·alctria óu emhira·
jangade~ra (1). _
Les plus na'Biles condtreteurs de ces (ang:ada:s
'\ .
sorti Ies fndiéns côtiers civilísés- qui ont daris' ce
câiitb:ó. leU:rs ca-Im:ues ép'al'ses a'tl niilieu des
bois de la plagé. Chaqüe fa:tnille a son embatca-
tión posée sur le sable ; quand on veut s'en
servir il suffit de la ~etou"rner , et on la mét à
flot dans le temps du flm:. Plus au sad lés j.an~
gada·s disparaissent; .orr ne voit plus que despi-
r.ogues; ·plus au nord , au contraíre, celles:-ci
sont rates et les autres bi.en lllus communs.
Peut-être ce canton est-il le plus niéridional de
ceux oq croit le boi~ de jangada.
Aptes avoir quitté l'Una on ar.rive, au bolJt
de si~ lieues, à 01i~ença, villa habitée par des
Indiens. Durant la derniere moitié de cette dis-
tance, des collínes verdoyantes s'élevent du
côté de la terre : elles offrent une nouvelle cu-
rios~té en botanique. Le c6co de Piaçaba (2),

' (t) Voyage de Koster, p·. 48 3; tom. li, p. 184. Arruda


place cet arbr'e clans la polyandrie monogynie. Marcgraf le
décrit, et eu donne l a figure p. 12 3 et 124.
( 2) Un obstacle inattendu m'empêcha d'exami1ier assez
attentivement le palmier piaçaba dans les forêts d'llhéos ,
pour savoir si les longues fibres dont j'ai parlé uais~ent sue
VOYAGE
dont il a déjà été question en parlant de_lVIogi-
quiçaba , y croit en grande abondance. Son
feuillage, qui s' éh~ve pre~que perpencliculaire-
ment, ressemble à une aigrette; son tron<; est
haut et fort, pàrtout il se montre .fierement au-
dessus des autres arbres. Á lVIogiquiçaba on
fabrique des cordes avec les fibres de cet arbre;
à Olivenca
, l'on travaille son fruit.
Villa de Oliverlça est agréablement située sur
des collines assez hautes; des bois touflus l'en-
tourent. Le couvent des · jésuites séleve au-
dessus de cette muraille de verdure. La côte,
formée p~r des rochers ex.trênlCment piüores- '
ques qui s'avancent dans la mcr ,· est constam-
ment battue par lcs flotsbruyansquiremplisseht
toute la baie ele leur écume. ·Les Indiens vêtus
de ehemises blanches étaient occupés à pêcher
sqr le rivage. li 'Y avait parmi eux de tres-beaux
hommes. Leur aspect I=ue I:app~la la descrip-
tio~ que' Léry fait des To1:1pina1~bas leurs an-
eêtres. )) Les Tooup1nm1].baoults, dit_:il, n' étant
)) point plus grands, plus gros ou plus petits de

la grappe des fruits o~ sur les enveloppes des feuilles.


r espérais trouver ce bel arbre plus au nord ; je fus trompé
dam mon altentc .
AU BRÉSIL. 333
>> ·Stature que nous ne sommes en Europe, n' ont
>> le corps ni monstrueux ni prodigieux à notre
» égard : hien sont-ils plus forts, plus rohustes
>> et replets, plus dispos, moins sujets à mala-
» d.ie: et même il n'y a presqlie point de boi- ·
)) teux, de borgnes , contrefaits, ni maléficiés
>> entre eux ( 1). >> Lery a parfaitement raison, ces
hommes sont bien faits et élancés, ont les épau-
les larges, et sont de la taill~ moyenne eles Eu-
/I
ropé~ns. Ils ont malheureusement perdu leur
caractere originaL Je regreÚai ele ne pas voir
s'avancet' vers nous un guerrierToupinaJnba, le
. I
.fmntean de plume·s sur la tête, les panaches de
plumes sur les reins, les bracelets de plurries
bariolées au bras' l'arc et les fleches ala main.
Au lieu de cela les descendans de ces anthropo-
phages me sahierent d'un adeos portugais.
J'éprouvai ave c chagrin la vicissitude des cho-
ses d'ici bas, qui, en faisant perdre à ces peuples
leurs usages barbares et féroces , les a auss1
dépouillés de leur originalité' et en a fait de
pitoyahles êtres ambigus.
··- ViÜa-Nova de Oli~~nca est une 'ville d'In-
"
diens fondée par ·les jésuites il y a une cen-

(r) Voyage, pag. 101 .


VOY·AQE
taine d'.années. A cette époq~e on n~~nit des
lndiens du .Rio-dos-Ilheos ou San-Jorge poq.r
les amener ici . .La Villa .renfer.me aujourdthui
à peu pres 180 ·feux, et tqut son terri.toire à
·p eu_p1;es 1000 .h~bitans. A ,l'exc~pt~on d~. c~ré,
de 1'éscrivam et ·de .deux .D;J.arcbands, Olive!lça
.n e.compte pas,beaucoup.de Pbrtqg~i,s. Tous)tls
autres. h~bit;m_s sqntdesJndiens,quiont conservé
leurs tr.aits c.a.rê:\ctéris1-iqu:es rdans toute leu r ,p;u-
reté. J e vis par.mi eux 1plusieurs .per.sonn~s t:r;e.s -
âgées dont la physio11omie. , prouv~it ~a. salubrité
de ce Jieu, entre a'utres un }10mi~e qui se .spu-
veriait d'avoir vP. fon.der la ·v.\lle · .e t, construire
l'église il .y avait ·c ent . s~pt · a:ns. · Ses ~hev~.ax
étaient encore d':up_.:poir :d?é.Q~n,e, ce qui çl'::j.jl-
leurs est tres-com:m:un ·chçz l_es vitl,\lX ;lnd~«ms.
Ceí)endant les chevel.lx de q·\H~lq!Jes~uns .b,an-
chissent.avec l'âg~, n1ais ·~~~a ~q.~a ;pa:s ~qjlve~t
lieu chez ceux q1;1i :s0 nt .P,e :l)ace , pure e.t
exemptede toui mélange .av.e de s,a~g . negre ..l.res
rlndiens d 1Qlivença sont paJJ.v·r~s; ep., revan~be :ijs
ont peu de besoins; ll'in(lQleace·:.est .c.omme
dans tout le Brésil.l~ tr.ait ·distÍJ?.ctif,de leu r ;c a.:.
racú·ne . .Jls cultivem les dem:é.es nécessaires
pourlleu r entretien ; ils tissent eux-m:êmes les
toiles de coton légeres dont ils font leurs vê-

..
AU IUtÉSIL. 33.5
temens.;lls h e s'oc<;U:pent pas d.u tout de Ja chasse,
cp.li dans ·d' autres, endmits . -est ,un des .prin~i­
paux pQsse"""temps .des iln<li.ens, . car -ils n' ont -ni
pouclre ni ,plomb., Objets que rl'on a l,'aFement
occasion d' ac heter àV·illa-clos-tlheos, et,que ;par
conséquent.il faut ·paym· .tres-cher . ·J]ne des
principales 'hranches d'industrie des habitans
d:Olivença esda fabt!ication des ch~pelefs. qu:ils
font avec les· .fruits du coco de .Biaçaba -et Jes
.carapaces :de ·la tortue caret · (tartaruga ,de
·P-endem).
rLa ·famille des.r palmiers est lllil•des ~présens> les

plus•utiies que rla:Providence rait·faits aux!l:égicms


• ·é~ato-riales. L e:pia gaba .donne :un ~bóis ·excel-
Jellt:pouda :construciion, ses fibres 1fournissent
au~.marins ldes;.eorda-ges extr.êmement · durabl~s
•qui défiemt.égálemeN12lesltl~n1pê:tes 6t Fhumidité;
·son Jruit,nourrit .les <habitans de ·.p lusieurs .can-
,tonsrcle :~e.tte t côte. ;.L,e.:m.aar:icia 1pro.cm;e la.rle,-
menre et le logement. L'existence d'uné ttrihu
entiere, :~> les .Çuanani,s, est;attach.ée ;à .,l'éxi~tence
.. 9-e .<;e, ~ pàlmier, .suiv.ant .l'.e:;pressioJl , de .M. .€\e
flQnilio)<;lt,( 1 ).

'( 1) ':/lnslchten 'derNatur , ·-pag. ~7 ; ''Tablea~."C ·de la •N'Q-


.ti11·e, !.(o-'m.ll , lp .' 38tet' I75 -
'
336 · ·voYAGE
Le fruit que l'on rencontre. dans les .cabinets
d'histoh·e natur~lle sous le nom de coco lapidea
para1t être celui du piaçaba : il est long de
q~mtre à cinq pouces, droit, un peu pointu à
l'extrémité antérieure et d'une couleur brune
foncée. Sous la main du toumeur il prend u:n
tres-beau poli , ce qui a do11né l'idée d' en faire
des chapelets. Lamachine s'ur laquelle on tourne
les grains et tres-simple; mie corde~ attachée à
un are de bois fixé au plafond, tie11t de l'autre
bou t à un b11ton que l'011 met en mouvement
avec le pied, et qüi tient lieu de roue, 011 par-
tage la 11oix en petit . morceaux de dimension
convenable pour les grains , 011 les · perce puis· ·
on les arronelit. Un ouvrier peut faire dans u11
jour une ·douzaine ele chapelets qui ne coô.tept
que elix reis ( 7 ce-ntimes) la piece. En sortant
ele chez l'ouvrier ces chapelets sont d'un. jaune
-pâle; op. l~s envoie à Bahia . o~ ils sont teints
· e11 .no1r. \ , ·,
J'aliai voir les lndiens ·dans leurs cabÍmes ,
· la plupárt trav"aillaientà faire des chapelets. Leurs
maisons tres-simples ne differe11t pas de celles
que l' on rencontre partout le long de cette
côte, Les toits sont tous .en feuilles d'uricanna
4 ,. ~ _ .. , •

qui remplace le chaume. Au li eu . du :feuillage


AU BRÉSIL.
entier des COC0tiers dont on'couvre Je fátte pour
e~pêcher I'eau de pénétrer ' on ernploie .íci
les longues fibres du piaÇaba. Ces cabanes, ·dis- .
posées e.n ligues s~r le fla.nc d'une colline , sont
dans urie situa~ioi:t riante; .on y jouit de la:vu~ de
l'Océan. A une .petite distanee dans l'int€rieur 7
.o n arrive.à un ?ampo ( pla,teau sans arbres) ou
l'on; aperçoit dans.. le lointain la Serra de Mai-
taraca, chaine de montagnes qui, de même que
'
toutes celles de ce pays, rênferme dit-on be~m-
coup d' o r .et de ·p..ierres p,récieuses. ·
Le peu de goi1J des )ndiens d'Olivença pour
' la chasse.ne me laissant r.as lieu d' esp~rer. g..and
secours' de leur part po.ur mes .excursions d~ns
les fôrêts, je c,ontinuai mon voyag~ apres ·uil
court séjour:, et du bout de trois legoas j'arri.:_
vaiau Rio-dos-Ilheos. La route fnt fort agréa~le
par la frakhe~r . dn matin.:.ll . faut ,attendre .le
temps du reflux ponr p~rcourit:' la pláge sablon~
·neuse, qui 'est tÍnie et 'ferme; I'on y voyage ·fort
à son· aise. Ori rencontre. quelqu:es cabanes ;
les bocages de cocotif:rs dont elh;s sont en-
_tourées les font distingue r. au milieu des buis-
sons. A moitié cheii;lin on traver:se à gué u~
petit ruisseau qui porte le nom de Cururupé ou
Cururuipé. Cu;uru en vie\].X. la:pgage brstsilieu
II. 22
Y,O:Y,AGE ·
sign}fie Craptil·ud; .e:t; Cu;Mt:U.ÍJ]e, Cr.ap:a~clg:On-
jlé. .tine pe.inte. 4e· r0eher qu~ s' a..van<Çait e:p, mey .
, • ,or.nee'
eta1t , ..d'· u,n .J.!>QSOii):uena,
' '· . tr.es,.,.
' b CJ:'1..arJJ.J.:Isseatl·
L •

de six,à huit p.i~ds de· halllt, à feuille~ r0ides· ,


d:'un vei·t fqnc.é; ses· fl~t"trs bcl'(!)uantes Stl distin.~
gi.t~:p.t ~~r des;~Ql;o.l.lesr longttes ele .s~~-· pouces: .)e
n' ai p,as ohservé c<iltte plante plus · auc
sbtd!.- ILe
rivage de. ce ca,nt0n cst paNv.re.encoquillages;
Fa:p~rçus en q,u elques endn0its..de ·~ lil~l'Íts fbg-
m~ns à'u.n f-ossik~· Jé'ge1: ,. rQUSsâtr.e, spóng'i:e<t:l'Í)
roulés par les eait'tX cde h me r; · j?€n avais déjbJvu
plu-s a~ sud: dans.le voisina:g e de Pe.vt0·Seguro;
en l ' examinan:t
. p 1usattl1mtrv:ement,.Je
. . le r.ec®mms-
pour du tu~volcaQique. spongiel!l.Xl_,. a-vec un mé...:
la11g~: presq;ae_inpe:rcep~ible d'a·l~ph~bole· h asa_ll.. 1

tiq.ue ( ~).. ·
.~ ' ' ' { ..
· (I) Le cabinet,;d'e 1\L Blúmeiíi'iach de Grettiugeu offre di.:._
ver$ éohanJ:ihhn~s : de ce•'fossile, qui vienneiÍ·t die FWe de
l~A~ censio.n . •NJ .. Cun.fiingJl,:a·ll~ l'a a.ussi décrjt .dans· les•Tr.w- ·
sactioni pliilosophiques, tom . XXI, p. 5oo. Les. cp.urans
m a'i-Wmes a1J poi· te1i. t .ce f~ssiie §Ur les côtes du Brésil., de
m~me -Citú~s po~sserit des graines d·e mimo~as' et d''hutres
v~g-~ ~au ~ d e~· tropiques;' sur l ~s. côles d' Angtéteri'e et- d'e

~~orvég? · ,.
Comme je s.uis sur~!l point de quiH~r li! côte dtJ. Bré.s il
rfo1ir ·m'enfÓ;1cer dans i'intéri~ur des'·terres ,_.je vais dénom-
,, I
br.el' ·sn'Ci: i!ncte,Ip.elH ·l'es; drveneh!specés de coquillages que
A!O BRÉSIL. 33g

Apres 1a.voir- d0ublé une pointe. de táté 1toús


I lUmes a.gr,éát>lemenl Stirpfis par faspect · inat~
tendu· d~ jol'i! peti~ pePt- d'Ilheos. Le fleuve du
ín:ê~e nom. &'y jefte dans la me r apres avoir brns.!.
quenieni toiirné . au sud enti'e deux collines -ro-'
eailleuS'es et pitt!<;>resques &u:t iesquetles- crdissent
des cqeotiers. :neva.nt la.· boueb.e de ee fleuv~

)'ai rencontrées sur le sablé depuis Ri~-d'e-ia~1e\r~ · jusqu'à


I r • "
tlheos:, p<i!F CÓnsê'q uent ClltCe ·t e !l·3e el }e· l5c degrés de latl-
t;Ud,C su,d. Quelques eoqui'tles•.. tluviatiles se· trouvent aus&i
~~ns le nombre . .
Lepas tintinnabulum; plwlas cand.ida.; tellina ros~ra,ta;
cardium jlavu!n; mactra striatula ; dona.r: denticulatq, ,
a. cuneáta; fJ~nus paphia' f'. 'galtina' v. lcéta : v. castred-
sis, v.. phryn~, v. offinis, v'. aonaenf.Pied·-' spondy.fus pÚ:-
catus__; ~;/lama gryplwi"des ;, q-rca IUJif., q. harba_tq,, ~- dccps,-
sa~a , a. _ "!q u~lf tera,, . a. indic.a ! p. rkollfb~idea; pst1:ea
edz!.fis ; m_ytilus edqlis ; pinna nohili~ ; c? nus stercus mul!-
caruni ·; cyprre'a carrieota· , c·. cai/rica; bulia iúnpulla,
b. vetlu(n.; .fl ot'uta áu!lis malohi', v . auris sileni, ·v. olü>â,
?· hiatulq,, .fJ , ispidula, v ..glfl:be[lo,, v , hyMal(L; huc.cinum
gal~a, h. tubçrgsurn , b . t!_ecifss~~;um, h: !tq~pq, ' · h:. 1uema1
tttoma, b. porcatum, b. flupiatiie ; s.trombus luclfer, s. hrio-
nya; mure.r: lbtori'um 1 m. morio, m. ll.:a pezium 1 m. alue;;
trocltus radiatus, t. distortus, t . americanus, t·. obliquá-
tu~ , tqr:6p · stellatus ; lteli,r: pellis s~!pentis ., li..· (J,lllpulla-
cea , ií: walis , · h. aspera ( Muller ) ; ner~ta. ca_qrenq, ;
. n.. mammilla' n. jluvüLtilis ' n. littoralis; pq,tellg. s~ccha~
rind:1 p. striatwla.
VOYAGE
on aperçoi( · de petits llots :rocailleux , dont le
cantou a pris le nom d' Ilheo'S •. Une pointe . de
terre fen:ne ce .p ort de chaqué côté ~ sur celle
dtt nord, entre le fleuve ella côte .de. la me,r; est
" située Villa-dos-llheos ou de · San-Jorge. Lp
fleuve y forme J.lll .b eau bassin bien tranquille et
bíen abvité, dqnt le coup d'-ceil pittoresque est
rehaussé par une enceinte de cocotiers. 'A u pied.
de ces arbres majestueux dont la cirne élé-
gante se balance agréablcmént da1;1s lesairs crois-
.s ent deux petitcs plantes, une ca1ceolaria·et rin·e
cophea inconlmes l'une etl'autre arix botaniste~~
Du côté óe tet're, · .s' él~vent des forêts épaisses,
et à côté de la Villa on aperçoit une colline
boisé.e. Dumilicn du .sombre feuillage quilacou-
vre ·sort l'église-de Nossa Seflhora da Victoria.
Du lü ut de cette , êi~iíiép:ce on ~écoU:fr~ , ·uú
des ~)lus beaux paysages ~l'i~.. soit possihl~ d'i-
magmer. Le coütraste de cette ,nature ga1e et
paisihle avec les flots-de 1'0céari , rdulant. sans
cesse avec un bruit soúr(l pom, veni~ . se' briser
en écq.mantcÓntrelesTochet'S, e~t d'uneffet ad-
mirahle. .
Villa-dos-Hheos'· est ·u\.úles plus a11cie~s· ·é ta-
blisserilen~ de la Çóte ,du_ Br.~.sii. '.A_Fres que 'Ca-
lmll eti.t fait CÍ1~n'~~r 'Ia p~;miêre _messe à Santa-
AU B'RÉSIL;
Cr~1~ et d~ba~qué à Porto-Seguro, on. fonda la
colonie deSan-Jorge·: Franciscó R~meiro jeta
en I54o les fondeníens de :la Villa-clos-llheos , .
·apres avoir conclu une convention amicale avec
les Toupiniquins hàbitans de cette contrée ( 1 ).
'La .colonie pÍ'Ít de l'accroissement et deviiit flo-
rissante; mais ·plus tard ' elle souffrit beaucoup
eles incursions eles Ay.mores que 1'on· connatt au-
jourd'húi sous lenon;t de Botoeondys .. En 1602
on fit dans l;:t capitainerie de Bahia la paiX.:avec
ce peuple. Le traité ne fut exécuté ll_heos 1
qu' en 16o3 ; conformément aux conditions ~ .
on bâtit à ces sauvages deux villages pour qu'ils
y fissent leur demeure. · 'L e ' reste de- ces In-
diens porte eil piutie le _nom ele G!zérins. 'L a
colonie 'décJina ensuite de plus en plus; de
sorte qu'en 1.685 elle était ex:trêm~ment déchue;
aujourd'hui ell~ offre à pe~né c.[Uelques vestiges '
Je son ancien éclat. Son dernier soutien ·dis-
parut avec l'o~dre eles jés1ütes; car ·c'est d'eux
que viennent tous les n\onumens de~ temps an-
ciens qui sl.1bsistent encore. Le couvent massif,
le bâtiment le plus considérable de la Villa, fut
construit en 1723 ;-. íl est aujourd'hui entiere..:

(1) Southey, history ofBrazil, tom. I, p . .41 •

....
,
~
' VOYAG:E
ment vide; il a déjà beaucbnp .d épéri ': en quel-
.ques endroits il .n'y .a plu~. c:le toit-: lês hmrs sont
en briques et en _pie.rres caJcaires ; les IlOm-
breuses coquillesrqui se .trouvént -d.ans eeBes-ci
indiquent leur o.rigine. On peuf co'm1!'1ier. aussi
parmi l es monum~ns de l'ordre un f:Jeaú puits
.solidel?J-Cllt bc'hi et couvert d'un 'toi·t. Malgré
· tout le mal '.que les . J ésuites· cmt' fait , on
doit .avouer :que la plupart dés étab1issemens
sages ·et ·hienfaisans d·e r Afné.rique méridio-
nalc leur sont dus. Villa-dos-llheos est com-
. posée de petites maisons c·oavert:es én; tuiles,
en partie mal Cfitl'€tehUCS ' Cfi àécadeJ1'Ce OU I
viçles; les rues sont · plus og moi:ds r<'g·u lieres,
convertes d'herbes; ce li'est que les dimanches et
les jours de fête que l'on y ·a perç'0it'du nilou-
yement ét de la vie ; OI:\ y voi~ · alors <iuel-
,ques .personnes ré~tnies parce <iJ.Ü~ ~.es habitans
.du voisinage y vierinent à Ia··messe. Il y a trois
églises. Cellede Nossa Se~hora da Victoria, ,si-:-
tuée dans uqe forêt, ainsi que je l'ai dit plus
haut, a, d'apres la tr::tdition sttperstitieuse de ce
lieu, ·été construi te pour conse'rver Ia mén'loire
.d'rin núracle. On voulait bâtir une église dans ·
/ ]a V1"}) a, et l'on avalt
. d ep,., 1açonne
r. ' ' '
a cet ~I
·euet
i une poutre colossale ; un :tnatin on découvrit
./

AU ·~lUi:SIL .
.
tout à «;dUfl Ce'tte én'i>rFIIe pÍ~Ce de "bois ~blT :}a
montagJ].e v0isine, ·e t qn 11eoonnut dal'ls ·ce ·pro-
dige un ·sigiiJ.C ce~r~ain de 'la -v6lon'té ·de N6t:re
Da me qui ~ésir.ait -a.Y.oir sbn église sur ·cette 'hau-
teur: on s"empressa ·d~ s'y ·oenfonner. 0n
. compte ·.trois ecclésiastiques da:ns Vil1a-:-dos-
llhe·os , le :pr..emier 'porte •Ie·tit(re de ·padre vi-
ga rio ~eraL 'p 'ili'J!Ili rles :m&numens de l'histoire
ancienne;d:Irrhf@bs on tteraartp'le quelques restes
clu :temps qu'e}le 'tlti~t ·pe>~~édêe par íles Ho'llan-
dais, en'llrc -autr-é's íl;t~~Ís re-doutes ·p·rês de l'eniré·e
du •povt, -et_,sa.:r 1lf. ~~i v age 1me grande ·pierre ele
gres ,e:lil forme •de •meuh~ qui a ·di:t-on servi ·à 'un
mou:li.n à })oudi'e~
Les rélations 'de ·cette ville avec les autres
por,L-s -du Rrésil sont peu importantes. Qu.el---
€j_l:l'eS lanôhas ou barcos font iínpetit commerçe
des prodnetions des plantat\ons ·et des i}rêts d~s
envir-(ims avec iBahia. /On cultive à peine assez
de manioc pour sulffi.re ·â la consommaiion des
ba;b itans; c~est ·p«;nH'C.fUOÍ lil :arrive q~elquefois
aux étrangérs de ne rien trouver à manger. On
y .a enc01~e ·moins c1ue dans les "\\Ílles situées
pb.ts au ·suEI. les ·moyens. d'apais e r sa faim, c ar
dans la saison chaude .le p'oisso~ rnême y est
, rare -; ·d.ans la saison froirie, c' est-à-tlire en
344. VOYAGE
avril, rnai, juin, juillet, aoftt .et sept~~bre,
les eaux sont plu!i 'productives. On exporte
d'llheos un peu de riz et une certaine.quantité
de bois, surtout de be ~u jacaranda (mimosa )
et dy. vinhatico. On voit peu de moulins à suere ·
sur le Rio-clqs-Ilheos; ceux qui Iie fabriquem
que de la mélasse ou melada et du tafia, et que
I'ón · nomme engenhocas sont plus communs ;
parmi les premiers, celui de ltt Fazenda de
Santa-Maria méritc d'être cité; cette Fazenda
possede un territoire de vingt lego~s de long ,
et a deux cent soixante..,-dix negres; elle appar-
tenait auxJésuites: lndépendamment du moulin
à ·sucre , on y voit des machines pour nettoyer
le riz et le coton qui sont mises en mouvernent
par I'ea~; on lcs a récemment- fait raccommo..,.
der par uri Anglais et on les a pourvue~ de
r~:mes horizontales. Il n'y a qu'un autre mou-
liú à sucre dans ce cantou· auquel $OÍt jointe
une machine-à ne.ttoyer le riz •.
Villa-clos-Ilheos, par la situation avantageuse
de l'embouchure du fie~ve , et par son port
bien abrité c1uoique petit, a les plus grandes k'l-
cilités pour , faire un comrperce tres-actif. Le
fleuve n' est pas tres-considérable,. sa source se
trouv~mt à peu de distance clans les g~·andes

/
AU BRÉSIL.
forêts: ~m p,eu au·dessus de la Villa il se partag~
en trois brarich~s. La plus septentrionale ~ nom'-
mée .Rio- do-Fundas, est la moins longue et la
moins forte ; la moyenne ou la princip~l!'l, ou t
le Rio-da-Cachoei"ra, vient des grandes forêts
qui couvrent l'intérieu~ du sertám de la capi-
tainerie de Bahia; la plus rnéridionale est la se-
. conde pour la ~~osseur. La fazenda da Santa-
Maria, située sur ses bord lui a fait do11ner
le norn de Rio-do-Engenho.
. Curie~x de connáZtre les' indigfmes du Rio-
. dos-Ilheos, je résolus de visiLer le Rio-Itahype,
nommé ordinaireme~lt Ta'ipe, qni a son em-
bouchure à un demi-mille at~ ·norcl de celle du
Rio-dos-Ilheos. On a depuis long-temps fait sur
ses bords un établissement pour .les Ghérins,
tribu. des Aymores ou Botocoudys; elle porte
le nom d'Almada. On y arrive en un jour en
remolitant le fleu ve depuis son embouchure;
la route est fort agréable, et procure beaucoup
• 'occupatwn
d • au chasseur. I
Le Tai-pe est d'abm:d tres-peu considérable, :
un •granel nombre de jolies fazendas· ornent ses
hords ; tou,tes sont ~nvironnées de cocotiers, et
plusieurs des plus considérables de bocages de
ces arbres. Les corales ou camboas sont la plu-

I
I
I
VOYAG-E

part sur le bord du ·fleuve : 'ce sont des enclos


} t:res-ingénieuserrient inventés pour prendre le
poiss0q .( 1 ). On pêche beaucoup dans ce can-
ton. ·L \ nvtere
· es tortues 1a-e .. , y ab·on d ent :· 1.,en at
déjà parlé a'u sujet du B·elmonte (2 ) •
.Nous avons entendu dans 1e's bois voisins le

( 1) L e camboa ou oo l est arrangé de la maniere sni'vante.


On fiche en terre, su !e 'bord du fleuve, une ligue de
r~seaux qui forment un mur et descendeu! ju ~qu'au fond
de 1'eau. · .L '-ex tremité -est assez éloignée du bord -du fleuve
pour que l'on pni~se 1 joindre t·rois compartimens ar-
rond is , en tou rés de ro ~eau:X:,.,. et disposés en sorte que )e pois-
son y p11isse enlrer aisément, et que, lorsqu'i'l se seu! en-
fermé, il ne tro·uve pas !'e moyeu de sortic V u à v oi d'oi~
seap , uu de ces co rales a la figure d' une feu-i.J.Ie ·de trefte do,l ll
le péti.ole ~s l peqlendi cnlai~e à la rive du fleu_ve ~
( Ces corales ressembl ent beaucoup à ce qu~ l'on uomme
eu Frauce des pa'rcs. ·Ou en v~it sur le rivage ·de 1a' mer,
dans !e départementt ·de la Seine-lnférieure , et a·~lleu1:s. E. )
'(-2)Je l'ainommt!e testudo depressa; M. Mer-rem ·l~1-i'a d·on-n é
)e nom d'émis -depFessa dans sou systeme d·es mn:phi-bies,
p. 22; c'est une espece entihement nouv,ell.e que je vais dé-
'
cri r e brievement. Corps tr,e s-aplati, le cou allongé ne,peut pas
.
·se reli rer, l'animalle place entre les boràs du carapace etce ux
dn plastrou; deux 'llarbi\.lons autour du meuton; 'le ·di~q"e
<lu carapace olfre t-rais plaques ,h e:::t'lgoues , bordées ·de dix
a111res plus grandes; celles d-es bords son.t au nombre d~
vingt-ciuq, dont l"antérieure. est étroité et allongée; le plas-
tron est composé d e: treize plaques, l'ouverture postérieuré
AÚ BRÊSIL.
siffle1nent doúx du petit ·:sabltli ( jacehus p(mi-
cilhdus, Geoffroy), ·qui le parcourt en tn:w1pe.
Les hahitaNs ·du voisioage é:levenl !fr.équerH:ment
' I

oc.cu·pe chez la-fem e'ile presque toute la longueur .de la queue


.q ui est tres-courte; ce\le dn mâle est Flus longne; les paltes
de devant.on'.l cin:q doigts réu.úis pa•r une membrane, .celles
de .derriere n'en ont que qnatre; tous sont armés d'on,gles
forts ·e t aigus . La coul~ur de cette t.ortue est olive noirâtre,
le dess:ous dn cou j'aimàtre 'pàle, avec eles taches et des raies
noi.ràtres clerriere';les ba-rhillons; il y eu a une qui a la forme
d'un fer à cheval. · Le .'cara.pace est . or.EI>Í>tlairement co·uvert
d'un byss·us vert noirâ,t.re fon e é ; quand on le nettoi'e , il
para1t brun avec des raies noires qui vont en rayons de l'ex-
trémité supérieure de cháque ;p.laq·ue à sou extrém'ité infé-
rieure ou anté-rieure; â la :partie ;m-térieure de chaqne patte
de derl:iere on voit devant .l'ar~iculatieu i.u.fÚieure .in~e a.po-
physe cornée .jaunâtre, se~·blable à un engle un .p eu com-
primé.
Je trouvai ·dans 1es ma:rais el ]e·s pt'airies inondées d'Es-
pirito-Santo une petite tortue qui ressemblait beauéoup à
ceile-Ji par les principaux caracteres; elle s'en distingue par
son carapace :ph:~s étroit ;moins aplati et un peu i'ele,·é sur
ll!s côtés·; les plaques du plas~ron s"on't traversées par des li-
gues ·p aralleles, Je déssous éli.1 cou est jauuâtre pâle, sans
.tache. Ces diffé'rences . sont si petites que je ne sais s'il faut
rega.rder cet-te lortue pour une espéce particuliere ou ·pouT
une -testudo depressa eilcore jeune. 11 est ·rem~rqt]able que la
plupar,t des tortues d'ean douce de 'l'Amérique méridiona'le
sem blent app<irtenir ·à Ia tli·v·ision íle ces animaux qui se dis-
tinguent par des barbillons ou <l})pendices membran·eux sbus
V,OYAÇ-E
les petits de ces animaux délicats ; quoiqu ~n
5

parvienne à les apprivoiser' ils conserve}1t pres-


que toujot~rs beaucou1:J de disposition à 'm ordre.
On les aimerait bea'ucoup en Europe, et on les
y apporter~it souvent s'ils potivaient supporter
le voyage par me r.
On voit sur le Ta1pe un moulin à s.ucre et
plusieurs guildivei'ies ou engenhocas. L'espece
la plus commune d'eau~de-vie de sucre porte
au Brésil le nom cl' agoa ardente _de canna;
celle qui est un peu mieux distillée s' appelle agoa
ardente de m el, et la meilleure, qui vien t de
Bahia, cachoza. On apporte d'Europe plusieurs
·especes 'de liqueurs fortes, par exemple 1'agoa
ardente do reino qui vient de Portugal, le ge-
nevre ou genievre de Hollande-, le r hum, etc . .
On cultive, dans lés fazendas clu Taipe, ]e

le meuton . Dans toute laJlartie du Br~sil que j'ai parcounfe


je n'a i trouvé que ile ces tortües d'eau ilouce. l\'L de Hum-
boldt semble dire la même chose des riviere.s situees plus au
nord. On peul cousulrer les détails iutéressaus qu:il donnc
sur la recherche des ceufs de tortne dans l'OréJloque, dans
le secoud volume de sa relation bistorique, p. ú5 de I'édition
in-t,o, li déc rit de·ux especes '!lOUVelles ,' le testudo arrau et
le testudo terestay, qui ressemblerít beaucou11 à celle que j'ai
trou vte.
/

AU BRÉSIL.
· manioc, le riz, la canné à ~ucre; etc. ; mais ,
~irisi que je l' ai d.éj~ dit, 011 ne fait pas assez de
manioc pour pouvoit approvisionher Villa-dos-
llheos : preuve manifeste de l'ind0lence et du
peü d'industrie ·d es habitans. lls sont contens
quand~ils ont un peu de farinha , de poisson et ,
de viande ·salée, et q\lancl de temps en temps
ils trotwent eles crabes ( caranguejo ) ~ans les
buissons voisins. Il e11 est bien peu ·qui songent
à améliorér· leur ~tat ou à mieúx cultiver la
ter r e. Léu r non~halance ':va.· si loin, qu'illeur est
incli:fférent ·ele · pouvoie gagner ele l'argent. Le
-café vient tre~-bie11 sur les bords du fleqve' ce~
p~ndant . on le cultive peu. Le com~erc~ ele
cette clenrée (:!st insignifiant; et le café' si prisé;
si reéhe~·ché .chez noüs, · est à vil p1'ix à Villa...:.
dos-Ilheos.
· Les parties inférieures du fleuv'e · sont seules
ornées ele .fazendas et de rriaison( ; qna.ncl Ó11 a
remonté· plu5 ·haút ;. OJ111'aperçoit 'plu~ ·eles Q.eux
côtés que de hautes forêts; clans' les 'enclroiis
ilus le ~ivage offre · en général .une belle v,erc..
dure, et tantôt ·eles éminences 'coiJSidérables·,
tantôt de. jolies coÍlines. Du sei11 eles fot~êts les
plu~ hautes s' élancent les cimes eles cocotiers.
Une quantité ele plantes aquatiques forment sm
35q YQYAGE
cbaque rive nne haie épaisse, du milie~ de la·""' .
queHe .sort Faning;l!. ( ar~,tm liniferum,, Arr.uda )•
Ce v.égétal," ,av-ec·ses tiges Gén.iq:ues a:mincies par
en haut, qui 01~t sept à httit pieds de longueur,
et ses, grandes feuillcs sagittée&, ~qq1pose un
singuli€r . huisson. Pison l'a représenté. de 1~
maniere la ,plus· fidele <la:ns son trait~ !±e Facul-
ta,#bus sirnplicium ( 1,). ~
Plusieurs o1sea,ux vivent s-ql' ces pla.n ~es aq,ua-
, tiques , entre autres la grive à,cou jaune et . n~
( turdus brasilie.nsis, ), lCJ piacoça o'u jacana
( parra jacana, L. ) , et 1~ bdle,poule d?e.a u
bleue ( gallbn,tla martinicensis ) , etne· r.ous
n'avions pas. vue depuis long;~t~mps. Cet oiseatJ
a un _phu.nage ·n;~~gnifique, et. ress~nahle parf:;!i,...,.
te1'nen~, par sa n;J.anjere qe vivr:,e ,. à ·la pouJ~
d'eau d'Eurorie ( gallinula c7zloropus ) ; eUe
nage dG ,même t~es-bi~n , et s~Ut<f sur les. tiges
et les branches d~s· plames. ~quratique~. ~e. granel
myua ( plotu~ '.n elanogaster ) 'était commun
en çe lie"P., e~ mqins farouche ..que c;eiljx' des ri-
viere.s plus n1~ri:diçmales: nous en avons tué pJu.,..
~eurs, ail)si que le joli pic,apara ('plotus suri-
nar:zensis, L., ou podoa, Illiger), qui emporte

( 1) Li v. ~~; C. LXX , p. 1 o3, de son ouvrage sur1'histoire


na~urelle· du Brésii. · · ·
AU~ B.RÉSIL. 35x
I
ses. petits, en. les eoavrant de· ses aites: comme
le ploNg.eoll: (podicepq ):
Les leutres pi:ocl.l>.t'ent aussi, sur ·c·e· ffeu~e · nn
pas.se-teinps ag;1·éable-an RaturaHste .. Elles -viv.en1l.
en société·, et· v.iemae.n t e:q n,ag_ea~t auteuF· des
cane ts j;Y,Sq~1'à port'<;ie de fusiJ ; quelq:ue.foi$ e1leS:
se''I'event
. au.:dessu.:P de 1'em!l ,_ Fespu:-~nt
. en re-
nilla,n,t ' f0rtement, et font , ~:a·tendre 11m brnit
sing,u lier. Qa~lquefeis-. elhts se wontrenili avee un ·
gc0s poisSOJílo ~la gueufe, c.orrimi! si 'elles: vo\L..;
laient faire. parade de leur. próie, puis rentFei,lt'
promp~ement dans l' eau. On. les · prend:_vàt:e-
.t;Ilent, [>are~ que le c_onp de fusil ne les bless~ht
pas mortellem<mt on ne. les revoit plns.
'Les b0rds de toutes ees rivieres hourrissen~
aussi des. e.abiais; m~is. ces animaux rl'y som
p,as aussi rto~Dbréax que dans les pay's situés plu.s.
pres de l'éqriateur; f:!iUOÍCfueM. de-Hmnboldtlea
trouvat tres-eommunement:sJll' l'A
A ' ' • ' ' . ' 1'0r~.;.;
· poureet
noqu:.e ·, m&me. par tFoupes dre soiJXante .à c~nt;
IY~pt:es le té:tnoignage.de cet illústr€ voy;ageur
le cabiais. ou·chigu~ré, nial1ge du poisson, asser-"'·
tion· dont·.je suis ohligé de douter (1 ). , ·
i •

(1) Voyéz Ybyage. au:r: ré'gions équa'torlales d~t noweau


.c.Óndinen·li , tom. FI, p:·-2.17 :
/

· VOYAGE

. . L'on a dans ce canton ou:vert à tra'ver~ la forêt


un petit carÍallatéral qui cóupe un.grand détou~
du fleuve, et .abrege par <;:onst>que.P.t la route pour
les pirogues légch·es; il est tres-bas dans le temps
du refhix>qui' se fait encore sentir 'tr_es-forte-
ment à cette distance, et quelquefois même on .
-ne peut pas y passer ; mais ·d.ans le temps du
flux·; .on - Iiéprà.uve pas la _moindr.e difficulté.
Plus haut le fleuve {!n~oie un br~s au norl.à .
un grand la c qui s'étm1d à deux :nrilles . eht:-re
de jolies montagi1es . .
Ce lac, qui n'est cOI1nu qué 'sous le noin gé.:..
néágue de Lagoa est tres-:fiuueux dans toud_ê'
vjlisinage pa:r.ce qu?il est tres-'poissonneux ; ~ il ·
s'y fait.quelquefois ·de gt'andes pê·c hes; plusietirs
habitan~ d'Iheos 0nt des plantations sur· ses
bords: il a ·à peu pres deu~ mil~es · d~Ailemàgne
-de longueur et un ~~;ille d~e ·la-tgeur. Les mon-
'l:
tagnes''hoisées et ·tÍ·es-piltoresq~es : qui e-ntou-~
rent ofirerit des pla~tations dan's quelques en-:-
dr.oits- dépoulllés de };!ois: ·Pendant 'le, jour une
. petite brise (viraçao) s' éleve sur la vaste siú·Jace
- de c~ lac, et en agit~ les eaux avec t;~mt de vio-
lénG@ _que les pi1::_~g_ues ,-cou~n!_ des dangers.
On dit qn'il. ,a jadis co:rp.muniqué avec la mer,
e~ q~i me paralt tres-vrais~~tih.lab]e. Un endroit .
AU BÍtÉSlL. 353
bas entre deux collines peu élevées, le long de
la rive touní.ée du côi.é de l'Océan, semble avoir
été le :point de la communication le plus tard
ensa-blé, ou la Barra.· On ajonte que les coquil-
lages de 'me r sont comrimns dans lela c, -et que
sur' certaine partie de ses bords o:ó. voit des
rochers 'percés dé trons rónds eten forme d'en-
tonnoir~· comm~ ceux.que les·brisáns de la mer· ,
, fqiment I e -Jóng de la côte : ·ces :trous' ;porte:pt
le .nom de caldeir.as ( chaudieres ). ; . · ·- · .
'- Dans-l'endroit ou 'le·Ta'ipé , entre daris 1e lac, ;
ses bords son't garnis , de grands huissçmsd'a-
ninga, sur les bra~ches desqu;els sont perchées
des troupes de petits .hé~OJ?S, ·de savacous (can-
croma coch!earia , L.) , et de cocobo'is (arde a
virescens ); ces oiseatJX . se tiennent suspendus
au-dessus de la sm;face de I'eau , pour f~t.Íre. Ja
cbasse aux poissons ou aux insectes et à leurs
- la.rves. lmmédiatement à I'entrée de la ''fiviere
paratt 'une ile fixe qui autrefois était' flottante
sút la sürface ,du lac : elle est for~ée de plantes
aquatiques, sur lesquelles a poussé une ~ouche
de gazo?- qui a donné naissance· à d'ant~és . vé-
gétaux·. Plusieurs eles grands lacs d'Em~ope .. of-
frent des phénomenes semblables. L'He dont je
viens de parler s' est _app:uyée ; à une rive du'
IL 25
VO,YAGE

lac pnbs. de I'eptréc ·du~ .Ta'ipé ét.s'y.est fixée. Les '


h~bitans de. Villa,dos-llheos, vienne~t · souven.~
metu·e à protit la richesse .d~ .c e. la c. en poisson; .
iJs passent plusieurs jours sur .ses bo_rds., puis,,
r.etour.ncnt che~- eu~ avecl 1.].!1C p~che abon-
da:pte.- .
La,beauté
. etTutilité de.ce.. laé.. fui
. . ont
. .donné.
une si grande. valeur: aux.yeux. des hablta:Qs .dq;
1
pay.s , qu«i!,c' est,un des -p remlers·
. . ob')Cts dont:.1·1s,·
parlent au:x.' .voyag.eurs qui arrivent ..Il se mêli;~,
àces récitsbeaucoup_deJables sur lelae,snr' son
origine-, sur. le <?antoR qui l'entoure, sur les-
,
ph e~omen· ' es ·qu''1 ,
1 J presente . , · .re-:-
; on exagere i!. '

que~ent sa grandeur et ses bi,enfa'its. ·on dit


que les; montagnes voisines sont riche~ en: · o r
et en pierres précieuses ; oR a ·niême plácé
au milieu des solitudes de ce.> montagnes un

.
Eldora_do fabuleux, ou un pays dans lequel il
.
n' est pas né.ces.Saire de prendré beaucoup
de peine pour acquérir de grand~s richesses.
~..Jes aventuriers européens avides d' or, excités
par ces récits merveilleux, se sont hasardés dan~
toutes.les parties du nouveau monde.à cherchcr
çe paradis si ardelll,ment .dés~r-é;. ils ont. pour.le
trouver pénétr;é jt1sq.ue,dans Jes . forêts les plus·


!-
r
AU. BRÉSIL.
' • •'\. i . , j •
355
écartée& d.e. ce vaste comip~m., d~qQ. pluiseQrs ne.
sont jamais revenus.
C?est m~urtj:\p.~ à cett~ sgif d~s; Espagn_ols et
d~s . :J?oriq.gais pou.r l'o~ que nous ,devons. le peu
d,~ ·ngtion& iacompletes qu.e. nous avons súr l'é,...
ta~ et ht géographie .de ces/ solitud~s. de .Yinté.:..
ri~ur de 1~:1\mérjqueJI;l,~r;idionale. La p1upart, des,
qo:qt~ée!1 de ce c.o:ntinent ont une tradition d'un.
RilY!> de. l'intérieur tt;es-riche en or : La CoH-
d.apljqe. par,lc. : .d:Ql} D.oradó ou. d?une Lagoa ·d@
rad~ (I)-. l\1l·. d~ Ji[umh_oldt (2:) et d!autre~ écri-
v.a,in!'· en fpll.t; a;:ussi m~ntion ; m1e tradition
s.e·mb!ahle r:egne. sur les bo rds du Muc~ri: et-
d.i!l R·io-d.os-Ilheos. Cependant la. croyanc'e' à.
l~e~istence. de. c.tis,· pays. marveilleux, est l;>ien
tg;mhée aujoarcfhui che~ les planteurs de l':A.-.
, mérique méridionale , car Ja pauvreté or.-;.
dinaire· des mineiros qUi cherchent de. l?or
m~ne promptemen~ à la conclusion que la cul.:.
ture de. la terre d11ns ·ces pays. si favor.isés ~ par

(:•) f7oyage à {a IÜ.1iere des Arnazones, ~: 9_~ et. 129~


(r) Ansichten der Natur, ~· 29/i.
Tableau."t de la ,Nature., to!ll, lÍ, p. 186. Arrowsmith a
'Placé sur la carte de l'Amériqué méridionale la Laguna dei
Dorado de l'Orénoque. ' . ' . ·
VOY:AC-E
la náture · e~t le · plus' su:r moyen d'arriver à
une richesse solide. ' .
·Nous so1nú1es revenús du .lac au Taipé do'nt
nous ~avons suivi le bras prin~ipal, en·remoh- ·
tant à l'ouest .sou cours ;sinueux au ttavers dés
forêts ~, jusqu'à un endroit' oi1 il dimimie 'cori->·
sidérablement. La nuiúppro'chÍlit, un gros oi-
seau, l'ibis verttbrillant ( tantalus 'cayenneiisis)
par~o~rait. les forêts en faisimt en:Ú~ildre sa ·voix,'
précisé,m ent comme les bécasses·dans les· for.êts
d'Europe. ; Sa :voix. forte · retentissait au · loin·
dans cette solitude tranquil'le. ll fáisait tout~à-·
fait sombre.quand j' arrivai à Almada,: derniere .
hab~tat~on que l'on rencontre en remontant le '
Taipé. J'y fus reçu de la .manierela plus ami- 1•
cale par M . .W eyl, propriétaire, arrivé depais
peu de Hollande. · · · .. ·~
· Almada ,n'indique en~<;>re que.l'endroitou, il.·
y a une soixantaine d'an11ées, 011 p.vai't essayé de '
fonder une . aldea.ou u11 village d'Indiens .. Une '
tribu de Ghérins, qui sont issus des Aymores ou
Botocoudys, consentit à former un établisse-
ment , à éondition qu' on lem· do11nerait du
terrain et des ma i sons. La proposition · fut
acceptée ; 011 construisit des cabanes et une
petite église ; u11 ecclésiastiqne et plusieurs
A:U llRÉSJL.
Indiens ._côtiers vinrent habit:er- l'alclen. Cet éta-
hli~.&y~ent ' a manqué. bes Gb.é.rins moururenr
t_9Wh ~ J'.~~ç~púon cl:1;1n :vieillard nonupé le capi·
- ta1.n Manoel, e~. de r.cl~ux, à troi~ vie{Ues. femmeSJ;
,ep.~11it~ on e1}lmen~ i les . fncliens cô,~\er.s .pour
·peuple~1 Villaide. San-:Pe<lro d'Alqa:ntai'a qui ;est
. d,e, P;lê1~e. bi~n pre.s de sa-fin.
PlusÍf!u~s ~crivain~ á,sst;tre:nt que les Ghé1·ins
o:nt été .réeU~meJ}t .d.~s- :Botgco.uçlys; la ,r~sem~
bla~ce parfait~ _du làngage de,ces. deu~ Penp)a:--
des. le. prouve . sa~s - répliquç., .,Des petsgnnes
:gui, le~ ,ont vus il:y .a trente· ans ; clis;ent E
rtf t:).lors
ils ~~~aient ·des plaques aux 'oreilles et à la.levre
.inf~rie.ure, et le_s .chev:etl-X coupés en .cçl!r.on:q,~
- ~!J91;I~e !~s - Botoéoudys. La ·l?ranche . d~s 4-.y-
:.Il'fW:es q~i . vers .!685 ch~sse~et;td~s ',fou,pin::~
.~pips il).8.igenes de la capitai~érie . de :Sahi~; , ,et
cl.ont u~1e ._partie dé~~sta llheos, Sa?-Áll1;;tro-et
:P~rto-S~guro, ~pparten:;tit aux .. Gh.~~iN.·· r ~ef
·uns son~ ~n:~~ite : reto~rnés, dap& leu:s.f.o~ê.ts~
les r~tres , <;>nt consenti à viyre .dans eles,demeu:..
r~s. fixe~ (1).' _ · . ., , · . '; . ,
V~f~érieurdt~ vieux capitan;t Manoel fait voir
qu\1 est d' origine botocoudye; mais il a ren0n~é

(.r) Soulhey, ..;;,..History of Brrtzit,:.tom. [[ ; p. _56,2. .


' I '
358
~dux orliemens carácté~istiques de dà <peú]f>lá{ie:;
ses oreilles·· et 's'es:U·vr-es .rl-e ~ont- pás Jd'éílgürées
par ·des ~ plaqrles de.hors, et il'lais$e"slis lcl:ieveuk
'croitre ·slir 1le · derrieF~ ;de la <tête. 'Ífoutêfqis :il
·:manifestait :be·aucoup dé prédtlêstidh póür tsà
.Jn:atío:p ;·il ieprcmva un ;plaisir . éxtr~íne qubnd •il
m'entendit pronon·é eriqúelques' Jtlbts àe! sa lfu'-
. ' J' . . . . . '
'gue. ex~ita1. en:core ·plus sa Jú1e et sa cuhos1té
' .
"'éfl'lhi 'dis:aút qüe-pa\Tais av'eG moi 'Uh'JI:Írliie Bo.!..
-u?l'éoúd'y qúi' n'e íhe~ qi:dttait pás;·ifregretta bêàu:_
'coUp âe Jne 'pas··I~ ~oir; éar ··je ;l'àváis 'laisse ' à
la Vtllà. 'Il 'eh parlait 'saris cesse. , Ge vie~\raid
'corÚ;~rve- toujóu~s ·sbn árc 'e t ses flê h1ies'éh 'rrle-
moih~ - de 1F:'u.icien 'terrf~s.1l dt 'eriHurêi 'à 'la' fa."'"
--d gué, ) énébre ' Vigbur~ux :et en ' ~taede ~ cHassér
uans ·'les 10rets
....:J '' lgte
c ,~ . ' ma· ., )són graíi
' d '' ~ge,.
. 1 .')11, • )Ji '
. · áime
-~l'eati-de-~e -par""';aessus tout. rr./at'Hv~e .tie
.M~. '... d ' ' . I , , . 'l " I' .
W eyl ahs ce ·cant:bn a e te pou\· · uf év~-
'neméni· Ie plus heurêux q\l'irpút stn-íhaiter.''ll
'rte-nÍa~liue jamais, o~hs 'la maisbn'de cet h-omíne-
l5iéiÍfaisà'rlt, l;li-eure ·ófion lui tiistribl.~e -géiíéte'ú-
sement cette boisson- divine. Jamais , 1e 'cápita!n
Man<J;l l'n')). 'Vu ,-ilh téihps plus ' hébte~x . à 1\J-
'mada. · '·
1\1:. Wey'l, qú.ía - t~"écerninent éhõisi e-e- lieu
pónr les plantations qu'il'a le 'dessein d'établir,
.Nu ·mü!;slL. '35g
est ~propriétaire . a' un terhiitJ. 'cFune' iíeue carrée
·qui 'avait été assigné aux Ghérin~ pour s'i fixer.
· N'~artt~ pas encore eü le te~ps He bíitir ·une
.·m.aison •pbrlrlui · ét-sa~famille, -il §'est·ser-Vi' d'une
'Cle 'celles-qui ·awtient ·ét'é·édÍtstruites--pôur'les:In-
diens.llven ·sübSiste·encoretrois, et c'·e shout ce
·qui-res'te -:de 'Villa·d·e 'i\Imáda. 'M . Vveyl ale
projet de fonder ici-u11e grande·fazend'a; toutes
les circonstaJices ;se-mblent le' favoriser. Il ·cul-
livera·principálernerrt'le café lét -~e cotdn' qui
·rt§ussissent ·patfaitem'ent dans 'ce cantou· oidà
iUupart·'!:J'es<Végé'taui ann:bpcentpar lêur crbis-
·sarrée ·v.igoHteps(:! l2 exc~llente quâiité Hu -sól 'é t
~ir ··clifuàt, ·"ee di1 · h~-s' }forêts s·onÚ"emplies des
I I '
pftts"l:>elles :..é.sp~~s d~ ' bdis. · · . ' · _
I• -·• ' 1
~ ~- t ' • I lo" '
"11énouveáu t&Ion êompre · se··.oârúüne·ni~úsôh
' '

e{iine':é~iíse ~süliu1ê'háuteur ·a•ou' lá 'vi:i~ ·"est


'á<:lfuiráble.' Dú~c'&tc'àh~íiórd. ·aá aperçoit le' làc
. . ... lu· .
el1tH~ oêux ·groúpes•'qe _êo _ines; noW!és·> etJtrés-
1 . • • , •

piitbrésqués 1; "d.~i~í~re ' s~éievf_~e iilm1t noh!tHié


1

O Queifiúido -~l~bf'íJJé)': ·~n : d~t' qtlé 'les '&irieirás


•' J J . ' .. '
én 'ónt · penôãntJüí:í temps ré'tíre.':Oearicó~p··a.'or
• ' r· c• . ;;

ãe
... , . . . I t j

êt - 'p-·i:êt·rês "p·rédêlises:
J'

" I
' I
UHórizón
'

.
l
' au-él~Ià· ' tle
I
.

~és ' 1h~1fl:'ê1Ú~s 'est' borné pár~:la GS<!rra.:.:::~rM.itlé ,.


- :. - . , r : .
diátne 'éle' 'mói\tagnes q11:t ~ se" ' p'í'oion'ge 'vérs.
-- · ·.. , " e-t •J•-
l a\ ' met -- i';--- ·'a' ' ']'
cacue ''-'; f1o
.. u.......:;l']'• . '', ~ cs. ··'i·ets
•_ I c!.' ue'

- Ilra--,
' "
36o - VOYAGE .
;verse le Rio-das-Contas. A gauche 011 aper 7 .
çoit au loin le Sertam qui confine .avec ~~inas­
.Gera!:!s; · çles montagnes ~oisées ~'élevent eles
.unes au-dessus eles autres dans, cette solit:u.de .
.C'estdans ces forêts ~usud-'ouestque passe la r.oute
ouverte. jusqu:à Minas-Geraes par le,liep.t~nant­
,colonel Filiberto.Gomes da Silva; ~t ,qt,.u:L j:ayais
.formé le projet .de p~rc~urir. · .. __- . .,_ . .
Les e~virpns ; d':AJmada so.n t aussi.tres-pitto-
resques : le . T~.'ipé s'y partage en ,plusieurs pe-
tits bras . qui lui apportent le.. ~óbut de · leurs
eaux en sortant; des yallées .sq~:nhre~, ,e~ se . pré~i,
p,i tent par-dessus) d~s rochers ~11· murnwrant 'e t
formant .de p,etites cascades. Au;- d<jsso_u~1duflanc
escarpé de la haute}lr -sp.r 1aquel)e.la ma.isoiJ.
sera bâtie, le Heuve·. s'élapce ep, 'grond~nt par-
de~sus le~ . obst.~cle~ q11eJ~s ~o_ç~ 1 ~1,1i ,oppÇ!swtí4
ct offre ainsi une petite cascade. L~ spectacle
de cette nature granqe, majest~~use et sau~age,
dédommagera .M. Weyl ,de]a r~solution coura- '
ge,use qúi lui a f~it. ~u"it:~fYI' ,sp_,; p~tr~~ pour venir
dans ce c9in éc~rté _ yivre . un,i_qu~ment_ avec sa,
famille •. fartpHt l'h0QJ.rile ,qui a de - l'~Q~t_ru~tÍQD;
t~ouve du déJ,assemen't ~t de l'océupation1; ;~ais
d<:\nS toutesle~ cl,asse~, ~'e.st a~lp.af,t;t~alistequ'ap­
p~rticnt ep c e genre .l'avan\~ge súr les aQ.tres: ~
AU BRÉSIL. ·
auel chan;~.p immense d'observations' quelle
so~rce inép~lÍsable . c!e jouissances; pu:r.es ne ,lu'i
'; o~Jhrait pas.cette demeure soli1aire à la nais-
sance du Ta'ipé,! - ,, .:: .. ;, ; ,
; - J e passai _à A hnada une journ,ée délicieuse
da11s la compagie de M.'W eylet de sa famille .
. En~uite je reto,u rnai, a Villa-dot>.7~lhees .OU· je
_fis , aussiLÔt les préparatifs · néc~s~aires pour par-
;, courir I~, sertam dct ~~UflS-Ç-era~~ par : 'l a. route
_o~ver~e it_. y a deu~ ansdepl.l;is , le port .., On a
J~eat,coup d~petisé _p our fr.ayerí Gette route à:tr,a-
, vers. les. fo)·~ts, et ,daüs,· ce court espace ·;de
temps , on. 'l'a . totalemenLnégligéé. ·Elle était.
d~stinée }à étabhr une, cqm:rp.uniçation, entre -.les
territoires intérirurs .de.s ,capi~ainerjes de 1\jliiWS-
G eraes et de Bahia et les ports de me r , pour
qu'ils Russent y transporter leurs 'p roductions,
et en .faire venir les marchandises dm~t ils
avaient besoin. Quelques marchands de_ bes-
tiaux arriverent effectivement du sertam à Vi1la-
dos-Ilheos avec des troupeaux de breufs oú
bÇ>iadas; mais il ne trou.v erent ni à les y-.;en-:
dre, ni à les embarquer pour Bahia. Ils furent
obl~gés de donncr leurs breufs à vil prix ~ En-
suite, comme ces animaux faisaient du tor,t áux
plaritations des lJabitans d'Ilheos, ceux-ci leur
·firent la . chrasse }-·et ·les ttle-tent <à éoups ~de ' fusil.
.' ,. , .. . . ,
ri_. ISSUe.desaval'ltà:geuse de•cet~e ~ eútreprlse• tle-
.:.

·tou r na les ·marchands. 'de ·he'sÜaux d'en •essayer


cl'autres. Depuis ce temps pers6nne ·ne ·fré-
quente plus cette ·route, ·qui est ''aujourd7hui
.tellemeilt embarrassée· de buissons, :d_?épin'es, de
lianes et de jeune bois, qu'un voyageur·-à che-
·valme. poilrfait-s'y 'f:rayer ·un· .passage ··sans la
h~ohe.; et 1~ < serpe; ·,par conséqrietit· des bêté's
de' somme ne pourraient·pas ·y marcher. Tou-
·tefois,. colil.V'.ain-eu qii.te• sur~les m.óntágnés tl:e l'in-
·térieur·de la capitainerie de:Bahia·je-trouvera•ts
'deslproductions de· }a natüte •entieré.'ri'ent 'dif-
:férente&dt! 'é~lles i de i}a•oôte,'je ~me <décidai ~
·entteprend~e 1t 'e ·:voyage ·pé~i.ble:. ·

, I

·-
..
'
A1Jl-1311Ê~ÍL. 363

<JH.A:P.I!Jr'RiE XIV.

' .~v-oY:AGE · DE ' VI1M;:.DQS-'lL'HEOS ·A rSAN• PEDRO


D1ALCANTARA, DERNIER ,ÉTABLISSEMENT :EN
, • ' ' • H /_ ;~ ' - .. ' I. J •

REMONTANT LE FLEUVE.

'[.) . ' .
v :oyàge 'à ;Úavers 'Iês fó~~ts ;à1 San!:'Pédro. ·..::...;Niíit'pa~sée 'stir Ie
· ·Riheirau"d·os-Qrririt'os á.~ede . pent itémui{ - · San.:.Pe'dvo
~. d':Alcantar(l.- Voy.ag\! çn ,desce:-ulant le fleuve ~à la . Vill~.
- Semaine de Noel et fêtes. '- Retour à San-Pedro. - ' Pre-
:jar:Üifs polir gaghef IÓ1Set tlnhlà trfivers>l~s 1 foté'ts.'

..
!:TE Jfus ' ti.'~~ L~i~n'<>.lêcueilli i Vlilta.;.:tlós..ol1:}:ie\Js
-par M. Ai'iiârál ·, ·]uiz "du 1lieu' j •éest • âu ''tes~
-\ in 'i:rvàiitage:dónr r'ávais jóü~ ~p'á r~ó.ut. rM. ''Km~-
ral ·mit' Jl,éaucoup ' tl!•émpr~ssement · à •m'óbliger,
. , ttte rn.oüs rénHre ' :tnoirls 'ls'éri'silile i~e
;th 'lie'ffórta
manque de :sühsistánces aont ~hufftàit' la'Viina;
·.:j} :>eut b;coclpl~isilice · ae ' faire ivenir d~ ''s afa-
"z'êiida, 'situé·e ·sur la 'grànde·lagÓ'a ~ i de •lif.Winba
.. ei H'~utres provisiôns' )?bti:r ·>tnes· ·gehs. ' . '
364 -'voYACE
.i '
M. FraseH, qui était venu de Belmonte avec
-moi, ayant trouvé llll navire prêt à faire voile
pour Bahia , en avait profité.
Le séjour de Villa-dos-Ilheos ne convenait
pas aux Bresiliens que. j'avais . pris pour ni'ac-
compagner dans Ies forêts; ils étaient tous
gr·ands buveurs d'eau-de-vie, et avaient occa-
sionné . plusieurs 'scenes désagréables. Je, me
d'écidai. en conséquence à pressyr, Ies prcipara-
tifs d.e mon voyage ~ et à le commencer aussi-
tôt que je le pourrais. Un mineiro qui se trou-
vait à Villa-dos-Ilheos raccommoda les bâts ou
ca~galhas de n1es mulets, le Iongvoyage par terre
· depliis · ~i?-de.:.Janeiro' jusqu'ici les ayant mis en
tres-:n~~uvais état; u,pe ~épa1:at~çm ~tait d'aut~nt
plus importante, que ces animaux allaient en-
treprendre avec une charge tres-pesante une
eourse-à ~rave'i'!' ,·eles- for~ts., e~tiê!'~mef!.t .inha-
.bitées .; . le~..c~i~ses e.t ,les .paqu.e\S: ;heurt~nt~ fr.é-
quemmen~ COf!.tre les trop,c ~ cl' arbres, .e t .ç_i!aque
fois ·.ce · choc,les compfip1e pu .:r;nê1~e les·écr:a.se
si· le b~t n' est pas ÜlQU e~ ~Í~fl 'P.ouplé; ,OU S,Í la
cJ:Ia~g~· n' e~t pas bien ~:g éqçilibre. .
.· Mais le · gr~nd voyage que j'alla.is .faire da~s
les :forêt~ ~~igeait e.n~ore quelquÇ,s· autres a.áaxt-
gernens. Cmn~;rui_ da-p.s 1!-?é cotme de qua~~te
365
legoas à·travers d~s c~ntons peu .fréquentés je
ne m'att~ndais pas à 'r~ncontrer u~e seul~ " habi­
tatiori ·l~umainé, il fallait e~porter la provision_
de far~nha, ~~ viande salée et ~'ea~-~e-v.ie, né-
cessaire pour ina troupe. un· des _mulets f?-t en
conséguence chargé 'd'un baril de : cette li-
queur indispensable. ~ deux autres portaient les
vivres qúe l'on"avait ruis dans eles sacs de peau.
de breuf durcie ( boroacas ). · Enfin · cha.c un
dê mes Indiens avaii sur lé dos- sa provision de
farinha pour six à húit jours. !On m'avait pré-
venu qu_e dans cette routé embarrassée par .les
buissons et les lianes je ne ·pourrais i as avan-
cei' sans lé 'secours .des h~ches .e't des serpes '; . je
fis en con~equ~U:c'e f~briqlier plu~ietirs ' de ces
outíls d'U:ne bonne trempe ~ . et je les confiai . à
Hila~~o;· à Manoel ~t à Ignacio ' trois homrnes
que j'avais éngagés pour ce voyage: L~ premiei·
était un niamelus' lé second un ' ~ulâtre d'üne
force tres-rem~rquàble, e~durci à la fatigue· et,
accoutumé ~ parcou~ir les forcêts, et le troisi{niie
un Inàien~
I
· Ces:arrarigemens terininés, je fis charget· quel=·
ques grandes pirogues de notre bagage ~ :· e't je
partis de Villa...:cfos:.:. nh~os le 21; clécem.bre. La
rout~ de .Minas-Geraes ~ommence eles le bord
366 VOYAGE
de la .mer, ·suit le cours du .fleuve . en 1 ren!_Ol\~
tant, et.à.une.lieue et demi.d~ la Villa s'e:n,fQ)IGel
qans des forêts conti:nueUes~ Je-déhat;qpai le soir
à ,une ~apc:oda ou mes:.rqulets, ,que j'y a;vais. e:n,-
voyesqqe, 1ques Jaurra
. '1'avance.,. setaumtre;pose$,
,, . ,
~t ·av~i~qt r~pris des, f<?rcçs au.milieu d'excellens'.
J?,.âturages. Je: trouvai dans ce · l~~u un mine~ro 1
nqromé· J o~ Ca~.tano qui. faisait abattr.e du, boi~
\l;ms le.$- (orêts voisines e~ avait avec lui deq:x.
j~unes · sauvag((s de la t:rilm des Ca1p:ac~ns 01!
JY-[1!-ngqyos,- J~ aurai p.ar la suite occasion de p~u:­
len de cet homme,qu(l je. pris.à ma solde p,e n-
qant quefu~ ten?ps. Conune :i:l m'apprit <W'un ·
pont de . cet~e route .était en si ma1,1vais état que.
l~ on ne p,ouvait y passe r.' · je dépêcha,i en, avant.
six de mes. gens avec des haches pour e~arr~i­
ner cet endroit , et en cas de besoi,n établi~ un
p,ont provisoire ou un.plancher pour facilitei' I~
passage. Je chargeai en mên;w ~emps de1,1,x de
mes chass~urs de les a~compagner pom;, leur
procurer dU: gibier; je .demel.lr.ai avec le reste.. ·
de ma tropa à la fazenda d'un certaii].. Sirp.am , l
d'ou :nous fimes des exçursim;1s dans les forêts
VOlSlUeS,

A peu de distance .de la.m11isan .du ma1tre de


1~ fazen~a , un petit ruisseau se préçipitait par-
\
AU I!RÉSIL.

dessus des,rochers ., entre.des buissons· tOuffus


d'hélioonias, decocotiers; et &autresbelles·plan-
tes:, et cpulait vers le fleuve: Qn j.ouissait dans-
cet endroit d"lin-ombr,a·ge délicieux-par· sa :fra1-
cheur. J'y trouvai souven_vun joÍi: petitl oiseau
qui faisait entendr:e à toutes les heures ·du ·joo.r
un chant court mais assez agr-éable. J'avais déjà
trouvé c e: chantre . des forêt:s dans. des ·booa-
ges · solitaires . et . sombres, entre · .dés roehers
le long des .ruisseaux. (1 ). Je · le re,ncon.trai plus·,
fréquemment dans ce lieu, j~y. dêcouv·ris aussi
son nid qui~ était constro&it dans 1:1n troa le"long
du.nivage s.ous- des· buissons de ·jeun~s palmie.rs.
Un ·grand nombre · d'au.tres •Oiseaux animaient le.
voisinage .de·la fazenda, entre autres·les arassal'is: ..
( rampkqstos. ar.aca-f:i, L.) .. Ils étaient en ftmle
sur ungen.ip.ayer voisin· ( g(!nipa·americana, L.),
c,ouve.rt en même, temps de belles fleurs; ~lan.: .

.
(1) Muscicapa rivdlariS. Longueur, cinq pouces .troisligues; .
envergure des ailes, sept }Jouces trois ligues; front et côtés ·de
.
la tête gris cendré, les:dern_iers .un peu rnêlés de. blauchâtre ~
une ligue b'ianch:e jattriâ-tre au"-dessus des .yeux ;. gorge .jau-
nâtre blan~he; poitriue grise i;1uuâ~re, de. rnêll)e que !e
crouP.ion et les plumes du dessous de la quem~; tout le dessus
d·u corps vert olive ave c une forte nuance· de 'vert ~la ir. Cet
oiseau a b ma-n iere de yivre et lennmurs des fauveues.
368 VOYAGE
ches et de fruits. D'autres grands arbres' étaient
tellement surchargés de · nids de japuis ( cétssi-
. cus ·persiczts) qu' on en voyait · un ··suspendu ~t
chaquebranche.Ces cas~iqués faisaient entendre
sans yelâche leur_voix·rude; ,e t riwntr~ientcomme
nos .et0urneaux un talent singúlier à imiter Ia:
voix de tous les oiseaux qui se trouvaient ôans .
leur voisinage. Leur plumage·noir et jaune bien
tranché est magnifique; sUrtout · quand -I'oiseau
étale, sa,queue:, et grimpe en voletan t à son nicl
en forme .de .boursé. . f • - ;
.Mes gen~ · revinrent apres un jour et demi .
d'írbsence avec la nouvelle que le pont ne pou-
vait se réparer et que par conséquent le pas- ·
sage serait tres:_clifficile. Cependant je partis
le 24 décembre avec tori.te', ma tropa pour es-
sayer, · de le franchir ; · je trouvai la route ,en- .
core plus rnauyaise qu'onne IJ1e l'avait dépeinte.
·P artout les épines déchiraient la peau et les vê-
temens des voyageurs: il fallait constarnment s~
frayer , Uíl chernÍn avec la serpe; SOUVent d(\S'
hallie.rs touffus de banano. d~ mato ( heliconia)
avec lems lOiigues feuilles roides rendaient' à
cause de l'humidité de ·la rosée, la m:arche clans
les for~~s ,extrême~wmt ·pérÍible et désagréable.
La route monte et descend à travers des fof'·êts
AU _BRÉSIL.
i[l}me~ses et sombres, remplies d'arbré s gigan-
tesques qui · sont exGelle.ns P,our Ia' c!1arpente
et pourtoutes sortes de travaux. Des le premier
jour de notre· course dans ces solitudes , nous'
avons fran~hi plusieurs moutag,nes considéra-
bles; je -noterai entre autl:·es le miiiki, ainsi
nommé de la :g rande qumiiite de si'nges (ateles)
qu' on y â ' tróuvés' et ;le jacara:nda, ou la belle
espe~e demi:rhosaqui porte'ce nóm est extt·ême~
~ent ~omín:un ~. ·On á. sur· c~tte d.er'niere fr~'cé
le cheinih ~n-serpe1~ta'nt; riéanmoms' Fa'in9rlté~
rU:t extrê~eri;ent r..;,de i>émr hos -m t;'léts éUa~gés:
les 'p aüvres a~imauX: s'an;ê'taient souve,n t; ~é }e~
posaient, : 'pb.is s{! remet:tai{mt )(;lU . m'l~c'ne'.
I ' I
Les .
.vallées·•:solitair.es' ou' 'les· paln:iier·s" noíi1breux
font· su~ioui l'ornéme;nt 'd és bois touffüs, ·Üous
·présenterem ·d.e bieh plJs gr~hds- obstach!:·~; ·so-u . !.
vent nos ·ártimaux s'enfohçaient profmidé'ment
dans·un·sol m'arécageux ei ilioll· ~atol'rúrt:.!). Des
chasseuçs qui co:ánaissaient la ' rotite ohvraieilt
la ·marche;tils
I
avertissaierida
.
'lrópa
,
de ces. sor~
tes d'empêchemens;: alors on·· -fais-ait 'hahe ( les
1
' -- . .. f
·cayl!-'1-i'er;s des~en·dai'eiitl tl'e'cliêval; · les cHasseurs
posaient; leurs armes sur les ·arbres · voisi~ , on
1

se débar.rassaitde saéha~gb· et ·cliafcu,n meüàit la


main : à I'ouvr:age. @n ahat'taÍ!t · les 'arbrês' ··l'és
li.

I ,
V(lfAGE .
moi1~s gros, on les étendait sur le chemi~, 011
les rc.couvra~t de~ fe~illes de Pa:lmj~r et de brah-
chages, et on se fr~yait pa~ - ce mc:>yen un pa~­
sage -artifiéiel.
.C'"~st ainsi q~e no~s . parvenion~ à avaiJ,çer ~
forc~ de ·travail pa~- la chaleur J iu jom~ ~n~is
souvent nous ne tardions pas ~ re~contrer d~~
arbres gigantesques éte.ndus en. trave_rs d~ .1&
roU~e, large de huit.~ dix pàs; il fall~i~:alois
absolument ouvrir m1 sentier l~téral dans l~
parti~ ~~ ··~lus ~ouffue du h9ÍS~; ét éviter de ,üett.e
maniere 1\)bs,tacle qui se présentait. Ces, djtp..:.;
cultés ,~. qui ar~·êtent ie voyageur ·d.a:QS ces soli-
Judes, im~,ense~ et retaFden~ singu}.j.~re~e:nt ~
marche, ne sont_nullement e:lfrayantes au coín-
mencement d~une t~ntative se~hlahle à la
~:nienne, quand Ja s;;tnt~ rt'en souff:r~ pas, et-.que
.I ' .
l ' q~ Ji~,,
· eprouvcr · pas
. L. • •
~ ma:gq1,1e ~ proVJ.sJ,Qns.

~'hoiillfle· . continuellement · actif, ~u.blie . les


peines auxqu~lles il.est ass~jetti, et.l'a$pe<j:t des
forêts majestueu~es donne d~ l'oceUpation, à son
esprit par (!es ·scei;Je~ touj(i)~fS nouvelles :et va~
riées; l'Euro~en surt9J.It _qQ~: Je&. ·Pªrc.ouit ·pour ·
la premiere fois e~t d~D$ un~ diªl!raction con-
tinuçlle. ·La vie, I~ yég~tation.la ;plus ~b9ndame
sont r~pan., d,ues p~rtout; 9:0 .n/' aperç.oit. . pas 1c
' '
plus petit espace dépourvu de plantes. Lê · l~rng'
de tC.us les ti'oncs d'arbres on voi~ fleurir '
grimper; s'entórtiiler, s'~ttâcher fes grenadilles_;
les caladium, les . dracontium , les poivres , lés'
begonia ,. les variilles, diverses fougere& , des· ,
lichens, des .· mousses d' especes, variées. Les
palmiers·, les melas toma, les h,i gnonia, les
rhexia, les ~osa , les ioga , les fromagers;
les hou~, les lauriers , les :r.nyFtes '- Jes eugenia ,
les ja~aranda, les · jatropha, les vis,rnia, les
quatelés, les figuiers , et mille autres especes
d' arbres, la plupart encor~ inconnu,s, coroposent
le massif de la forêt. La terre est jonchée .de
leurs fÍeurs , et I'on est emharrassé ~e d,ewiJ!e!
.;
de quel arbre elles sont tombées. Quelques1
unes áes · tiges ,gigantesques chárgées de :fleurs
paráisse~t de loin.blanches, jaune ·fori cé , roug~
éclatant, roses, vió~ettes; h leu .de ciel, ·etc.; ·
'd~ns les endroits P'!arécageux, s'él~vent en gro,.;_
pes serrés, · sur de longs pétioles , ·les graÍu~!d~
et belles feuilles elliptiques· des héliconi~, · qúi~
ont soúv:ent huit· à dix pieds de haht, et sont
óriiées'de fl~tirsdefdrmebizarre ..rouge fo~~é ou
coüleut de fe:u:.Sur Ie point dJ · division des lSrari-
ches iles pius -gt'artds arbres; croissent des br~m~­
lia- énormes' a :fleurs·en .épis ou. en pariictlles
VO"VA·GE·
•. I '"':.

ele, ~ópl~ux_ e?,arlate : qu de te~nte&. également


~elle1~ ; il ~n descenq c;l~ , grosses }touffe_ s de ·ra-t
~in ~,s :semblables 'à .d~s;c.ordes qui · pendent jus-
qu,,,a. terre, et _ca_t1sent d e mouveaux. eR'l . b ar·r-as
;;~q. v pyageur. ~ Ces . _tiges .de 1 bmmelia eouvr~nt
tons les-àrbres jusqt~à ce qu~elles meu.r ent apre~ .
bienpe·s années ~d' existence,-et, déracrnées par
le:.ven,t ·: tombent à :terre avec gra:nd··h ruit: -Des
m~lliers de .plantes,griinpantes de toutes les di~
l(lensious, depais t~ :plus mince ·jrisqu1â•la grbs-
'''
seur cl.e Ia·.cüisse 'd'un 1 homme ', et •dontle bois
est dur et COIÍlpact, des bauhiilia , aes ha-
histeria' des-paulliúi.a et d' a~tres s'-edt~e1acent
·aút~ur des arbre~, ;' éleveút jusqu'à Íeurs cimes, ·
ou elles fleurissent · et portent 'ie;)h fruits, s; ns
'q ue:l' i:eii · d~ l'homrne pui.sse · te~ · 'y áp'er~e~oi~.
Qrlelques-un~ de ces vegétaux - ~nt une fOI~llle
' ' ·si' singulierê, par·exe1i1p1e cértaÍns hai1isterias ·,
qu'~n ne r~ut,Pil~ .~~s reg~r~er ~-a ~~ ét~.n~e,ment.
Quelquefo1s le ~~on9, autour duqu~l:c:es pJante~
. · 1( ,.; . ~ · , L! t; '- , t 1 1 I

se, .....sont entortillées m~ U:rtet\ tom4~


~
·en} poussiere;

"on
,. ' . . l
l' voit alors des tiges colossale:> erttrel_acées
\ . '. ,.. ' .
l~s ~fnes. les -.a~l~r..es en . se. tenan): de~out ;' ,et
1 on devme alse:n1ent la çause d.e ce p;h.enqmene.
n serait bien difficilé de présent~r. fid~~eríl_é nt
AU . BRÉSIL. 3;3
l,e tableau de ces forêts; 'car l'art restera tou- •'
jours, en arriere pour lesdépeindre . .
•Le ,pt:emie.:r jour .j'ar~ivai: dans • la soirée à un:
.en:droit qHe 1 l'on> . ~ nmnmé:; Côra.Z-do-.faca-
raízda j t paTce .que :les , troupea~1x de breufs qni
venaient clu·ser.tam y. avaient jadis passé ]a nuit.
Les .bouviers (• vaqueiros) élevent un pare ou
~,OI:al en: coup,a nt des· perohes , . qu'ils ·attachént ·
horiz,ontalemen:t ·aux troncs des·arbres ass~z,for­
temerit ·pour 'que les· bêtes à ·cornes ou les cbe-
v~~x puissent : pas s' échapper ·pendant ·· la
nuit. Ce Coral-do-Jacaranda était enfm'lcé"dans
tine partie de la forêt .si touffúe et si haute: qu'il
y fit sombre. de . tn~s-bonne - heure. N<ms avons
encore ·trouvé contre l'enceu)t(~ une couple de
vieilles c abanes ( ,ranchos ) constrnites fort .Ié- _
gerement comme celles que naus áVÍo~s· 9,ejà
vues ; elles consistent en une palissadé .de .per-
ches posées obliquement; et qu~ l' 01:1 couvre .de
pi:lttioba ou d'autres feuilles ·· pour se garantir
_de ]a pluie. Celles qui subsistaient encare ·en
cet endroit étaient si vieilles et en si mauvàis:
' J • • • .

état . qu'elles .ne lious procurere.n.t pas lé moiú- .


dre abri ; et pourtant la Il.l.écessité· cl'y 'passer le
temps de l'obscurité UOllS ,te renclait· bien né-
cessaire· ; ·e:n effet, vers le milieu 9-e la. nui.t, it
- ,VOYAGE

-tomha une ondée de ·pluie' qui nous mouilla


tous compléLement. Le· Jendemain matin le ciel
6tait clair et serein ·; toutefois il s'écoilla eu-
core un certain temps avant que nous fussions
as~~z réchaufTés par- le ·café et un bon feu pour
que nous pussions nous remettreen ·roate. No~
bêtes de somme a:vaient passé úne plus rnau-
~'aise nuit que nous, si c'était possib.le , ~ar,
apres leur premiere .j ournée de voyage, -à peine
avaient-elleHrouvé dans la forêt un peu·d'herbe
pour ~paiser .Jeur fàim .. La forêt -.itait re si
· h,u mide, que cê· fut un trav.aiL pénible et extrê-
mement désagréahle de c.ón.timier à parcpurir
cette ro1:tte embarrassée de· branchages toufTus.
, Durant cette· seconde journée de :t:narche à
travers ces bois antiques , noris avons -rencon-
tré plusieurs ru~sseaux qui ·roul~ient' en mur-
murant , leurs eaax fraiches et limpides sur
dés lits de rochers. ·Sm leurs b~rds croissaient
de nouvelles ..éspeces tpe sauge, ·1dcmt les .fleurs
étaient d'un range foncé. Une· plante remar-
(inable ' - que je -n' avais pas encare' réncontl•ée '
e t que je n'ai pas noh plus revue, fixa surtltmt
notre at:tention ; elle a une tige. ligneuse haute
it -peu - pres de . :dcux pieds , et portant des
feuilles pr<'sqne oppasées ' charnues ' avées ,
AU BRES'IL.
-acmmnees ; entré les feuiUés s'éU·vent des pé-
d:oneules allongés, minces. ., presque filifor-
mes ' flexiblcs' qui sant penché's' et ont à peu
, pres huit à dix pouces âe lon'g úeur. lls p(l)rtent
à leur éx-trémité rme·fleur à caliée viólet foncé,
' .
·qninquéfide' dont les qivisions sont étroites '
lancéolées €t'ac.uminées ; la corolle' longue de
d~ux poúces , d'un rouge éelatant , large ·, un
peu rentrée par-devailt pres de son ouverture,
est ; de mêníe que le c~lice et ·le pédoncule ,
pa·rsemée de petits poils blanchât:res-. Les an-
theres sGnt rapprocbées pres de l'ouverture d 0
la eorolle, ·et portêes sur des fi·lamens di~finct S:.
·Cett~ beiJe plante, de la didynamie angiosper-
mie , ne s'est otferte à ines regards que dans -cé
seul endroit, et pflr ma~heur je n'ai pas ·pu ~n
la
rectieillir gr.aine, puisque je n1en ai pas vu
le fruit.
NoliliS n'a,v.on1s -pa'S, pendant cette -j.ourn~ ,
rellcontré beat,icoup <iJ.e: montagnes ; en revan-
che d'autres obstacle~, dont nous-n'avions. pas
pu jusqu'alors -con11altr.e tÓute la force ,. ont
éi.é nomhreax .. S!liva:nt ma coutume je' précé-
dais ma tropa . ~\ ch~val, et j'avais devant ·moi
deux hommes · aP.més de · serpes et de haah'e.S
... - . déba~-rasser la route de buissons :- tout· 3:
ftfllilr

I
)
V0 ·GE

coup j'enteq.di~ mes gens·derriet·e moi·m'appe-


~
Ier, et totJ.s les m~lets com-ir ). ' de ·mon• côté:
'

L'indocilité de ces animaux ne me laissa. d~autre


parti. à prendre que de Ieur.. faire ·place aus~i
. I

promptement que JC . ~ I.e pus,.. póur .n 'Aetre pas


heu~té par les caisses qu'ils port~ient. Tons ~~ ·
mireiít à courir, et la, continu~té· d:e.leurs ruades
violentes me f~t senle deviner la cause de leur
fui te. Ils avai.en t , 'e11 .passant dans la fÓrêt-, ,
touch~ s,ur les feuill~s eles plantes un nid de ,ma-
rimbondos: Des ~ssaims de ces , guêp~s féro'ces, .
' '
·dopt la· pi.qú re cause une doulem' cu.isant.e ,
s'étaierit jetés sur les pauvres mnlets; ~ls ontuf1e
si grande frayeur -de cette pi.qúre, qu'ils pren- .
I
nent aussitôt la fui te etse précipitentépel'dusdans
Ies halliers les plus touffus ~t les plus embar-
ras&es, d' arb.res epmeux.
,- . M
.. .es· gen~ ·n ' etment
·; . pas
non plus exempts d'accidens : l'un avait rúal ~­
la têt~, l'aut~e au visage ;_.enfin·, au bout d'un
temps assez considét:able' la tropa se réunit et
se ,remit en or.dre.
0 :1 cqnnait plusieurs especes de marimbon~
dos : ce sont ;de petites. guêpes allongées; · la
plus méchante et la pl~s, g,rosse est .d\m. no ir
hrunâtre ;. úne ,a,utre espece est jaune brul1é1tre.
Elles atta,ch<(nt .à un. a~bre oul à nnc plante cruel-;-
·.

\
AU BRESIL.
conque, ~ une petite ,élévation au-dessus de
,terre, leur niq, construit à Ia maniére de, celui ·
,eles guêpes. d'Europe : il consis~e de mê:m,e en
,une masse d'un gr~s blanc., semblable au pa-
pier , et a généralement une forme elliptique
p9~ntue aux deux ext!'émités : il est attaché par
sa partie supérieure ; à l'inférieure .il a une_
petite entrée ronde , quelquefois il est arl~oncl,i.
Ces habitations dangereuses sont souv(int fixées
_à la surface inférieure,d'tme .des grandes feuil-
les de l'héliconia; lorsqu'il arrive -~ un voyageur
de les toucher par hasard, même légerement,
les guêpes irritées en sortent à ·>l'instant en
foule pour se vengel'. Les -Brésiliens évitent
:fespectueusement ces nids quand ils ne peuvent
pas les déti;uire pro~ptement.
' A midi j'arrivai à Ull endroit de la forêt
ou le Ribeirão_:'dos-Quiricos, torrent profo.n dé-
ment encaissé.,- coulait -jadis sons un pont : il
n'y en avait plus; il était par vétusté tombé
daiJs feau. Cet aspect désagréable ll,OUS faisait
pr~s~entir le retard dont r{ous étions menacés;
en conséquence je me décidai à passer la nuit
dans ce! endroit, pou~ donner à mes gens le
tcmps d~ faire passer .la tropa. Pres du pont
nous avops trouvé· upe viei]le cabane d'Indiens.;
VOYAGE
le t:oit de feuilles de cocotier ·était en partie
pourri, cependant il nous procura eilcOI'é un
ab;i passable contre· l'humidité de la nuit. On
renc.ontr~ aussi pres dU: rancho quelques grils
'de sauvages faits de bâtoils courts ' ce qui faci-
lita -aux_ehasseurs dé l'avant-garde les moyens
de pourvoír à notre repas. Ils nous menerent à ·
leur cmnp ;· noU:s y vimes un' pécari, ttois sínges
1n~ri1Üs et uri. jacuting; étendus · 'su'r les grils ,
conp d' reil tres-satisfaitant pour des voyageurs,
affamês : nous nori:s assimes-tons autour -du feu,
ct l'on se .raconta :mutueHem(mt les a.yentures.
de la journée. Hilário, nn des chasseurs, àpres· ·
avoir tué le pécari ' ' l'avait laisse sur la place et
couvert de branchages pour venir le chercher ~
Je lendemain matin; mais lorsqu'il revint, un
gro~ ja~a1" avait dévoFé la meilleu\·e partie -de
l'animal. Le voyageur qui parcourt ces forêts.
itnmenses doit s'estimer heureux-de trouver de·
ep10i se sustenter ; aussi fumes-nous tres~atis­
.laits de ce que le jaguar nous avait laiss'é q~el-
_que chose. ·
A pres qu'on eut repris des · for(~es , il fut
question de transporter ]e bagage de I'autre côté
du ·torrent, opération dans laquelle les lndiens.
montrerent be~ucoup d'habiieté e't d'adresse~
...

AU BRÊSIL.
Ayant po~é une poutre en travers , ils marche-
re~t dessus en portant une ea-isse pesante sur
~eurs épatil~s, et passerent ainsi tout le hagage
sans le plns petit accideni à la·· rive opposée.
Les mulets nous causerent ·plus 'de .difficult_é .
. Les. hords du torrent étaient hauts , escarpés ,
glissans , a:u.-dessous le terrain était bas ·et ma-
f
.récageux ; les , pauvres : animaux .eurent heau-
coup de peine ~i gravir la rive opposée, il.s en-
fonçaient dans le lit du torrent ; on fut obligé
d'y poser les débris du viêu.~ pont; grâc,e·s à ce
sea~urs on les amena tÚus de l'autre côté.
Cette .o'pération était à peine têrminée que
]a nuit nous surprit. C'était la saison des pluies :
d'épais nu ages. couvraient l'atmosphere ·, ce qhi
produisait dans la forêt tme obscurité incroya-
ble '; elle semblait ancore plus ·proí~nde à la
darté de notre feu . .Une· quantité innombrable
de grenouille~ faisa~eHt 'retentir - le~rs ·voix dü
milieu des touffus de bromelia ·qui eouvraient
]es cimes des . arbres; c'étai~nt· .autant de ééis
ditfé·r ens, les un~ étaient rauques et_ brefs,
d'autres ressemblaient à un instrument' qú'oll.
frappe; ce~x:-ci ~ un siffiement bref -et clair,
c.el!x-111 à nn c1aquement : des insectes luisans,
semhlable&à des étincclles, voltigeaicnt de tou.s
j.

'
3so VOYAGE '

1es côtés, notamment le taupin- lumine~lX (ela-


ter noctilucus ) , avec ses deux taches ardentes ~
d'oi.t jaillit une lumiere verd<1tre : aucun de
ces insectes lumi~eux ne r est à un. plus haut
deéé que le ver luisant d'Europe .( lampyris
noctílzt,ca ). Nous n'avons jamais ape~çu le
moindre vestige de la •lueur éc1atante du fui-
gore porte -lanterne ·( fulgora .la.ternaria);
quoique notrs ayo:ns souvent pris cet insecte sur .
les arbres, principalement . I
sur le cacheté, et les
habitans du pays n'ont pas confirmé ce que I'on
rapporte de la darté qu'il répand, ce qui me
1àit supposet' que l'on a débité des fables ~~ ce su-
jet. M. ·de. Humboldt dit que dans son voyage
sur l'Orénoqutf;, il a entendu penci'ant la nuit
la voix des sínges, du pares.seux et des oiseaux
de jollr ( 1). Quant à moi, je n'ai rien ou·i de
sernblable dans les forêts du Brésil -oriental ;
les jaguars, les chouettes, les engoulevens, ·le
juo ( tinamzts noctiPagus), les grenouilles·, les
'crapauds et . q!J.elques , lézards , . sont les .seu]s
animaux dont les cris y frappent l'oreille du
voyageur.

_( 1) JTáyage au:r: régions éq uatoriales du nou vcáu conti~umt,'


tom. rr' p. 221 (4°). ..
AU BRÉSIL. 38I
· Le. ti"'if?ieme jour de mon voyage· dans les
forêts je ·rencontrai un pica de ou · sentier' qui
a été fréquenté .par les habitans de San -Pedro-
d' A!Cantara ; il facilita beaucoup ma marche à
travers les bois; cependant il· se terminait vis~
à-vis U:n endroit de la riviere 'que l'em appelle
Banco.- do- Cachorro (bane ou rocher des
éhiens ). ~Les habitans ont coutume, depuis.__ce.
point, de· 'su~y.re un autre sentier le long de la
ríviere , mais comme ,il est impraticable pour
les .animaux chargés je· fus ·obligé de _suivre le.
chemin : triste nécessité, il devint encóre plus
mauv. ais qda'upat;avant,· quoiqu1on lui àit dcinné
un peu plus ·de largeur qu'à"celui du Mucuri ;
Jes troncs renversés et feildbs ,1 les épines ; iles
buisson.s , les )eunes arÍ res mouillés par-I'abon-
dance .des pluies·, ·arrêtaient · s~ns cesse no ire
marche. Nous · avons trouvé ; dans un recoi~
solitaire entouré de broussailles 'toiiffu~s, un re-
iJaire ciu'un
. gros jaguar s'était fãi'l e~. écartant
.
,à sa mimiere les herbes et les ·branchages ' : et
qu'il avait abandonné . depuis 'peu:
· De helles plante; fÍeu;'issaieiit a'l'o~bre de
ces bois· touffus; les arbre:S· niajestaeux y éta-
lai~nt leurs· ci;ues gigantesques; en queJqt;{cs
endroits le sol était comme parsemé de grandes
382 : '
fleurs cram@isies d'une grenadille; 1a , tig~ -de
cette plante sarmenteuse grimpe le -long des'
arbres, et s' e:ntortill~nt dans le's branches du-
Ütlle les réunit ' en une pelotte mcinstrueuse. De
superbes bignonia -ornaient ,c}laqtie Côté de
notrt; rol}-te , et le'!lrs- fleu:rs rm;es , blaRches , ·
lila.· ,. violettes., de toutes·les.nuances, paraient
la .terre au-dessous des plantes· .qn;i les _ayaierit
vu na~re. Le pao d'~rco,- dont, ainsi que je l'ai_·
d~jà dit, les sauva:ges qu~i demeurent plus ·au
norq . font leurs ares , &e distinguait à s-a belle
, çouleur' jaune foncé. C'est vrai5eihhlablemen:t
cet arbre_ si_utile par son hoi.s dar et -élàsti~e
.que Marcgraf a décrit ,et figur~ sous le nom de
guirapariba '· 0u urupariba ç ·1 ). Ceux qH~
hous vl:{nes n,av.aient pas encore développé leurs
fellilles; leurs branches étaient surchargées d~
tleurs. Les tro~cs étaient couyerts de drac(Jn-
tiam pertusum à fleurs blanches , · et de· plt,1-:
sieurs especes de caladium, :qui ne contribll<}.ient
pas médiocremeut à embellir la masse de,s vé-
,
getaux dont notlS' ctwns
,. ,
entoures, pen·dan.t
qu'un léger mouvemeilt de l'ai r appor.tait à .notre
o9:orat l'odeur suave des vanilles. Cette plante

( 1) P.ag. u8.
AU BRÉSIL.
charmante est .tres-.comnmne ; ceperidani on
la rechetche peu et.orr en tire rarement parti i
plusi~urs a:nim~ux , entre autres les rats et · 1~s ·
souris, dévoren.t avec une avidité singuliere ses
gousses encor_e vertes.
Les .nombreuses especes ·de fougeres cà-
cbaicnt le ~ol, .notammeilt sur l' ancien erupla-
ce.ment de la route ., et coÍnme elles avaient
souvent huit ~ dix pieds de hauteur; il fall-ait
se. frayer avec . beaucoup_ de peioo une issue .à
trawers leurs pan.âches -touffus~ Plusieurs espe-
ces sont pet:ites -et cherchent l'ombre·, . d'a~tte~
au ·c 0ntraire sont si fort-=:s q_u' elles peuv_é nt órn""'
brager. un homme à cheval. Je dois remar'quer
à ce sujet que l'on a déjà trouvé dtm~ ces
cantons ~eux genres d:e celite fàmille· qúi sont
épineux, et que l'on peui ranger parmi les fou~
geres arborescentes. .Egratigné . et décbiré par
les épines, trávei sé ·par la: plu.ie, épuisé. par la
transp\ration co'àtinuelle que ·cause la· chaleu:r,
le voyageur &e . sent néani.m;)ins ·transporté d'ad.._
mi,ration à la vq.e de cette magnifique végétation.
La pluie qui tombait pa·t· .tor:rens ·aUgfiltHltliit
pour nous les désagr.fmens de. la <rOute, tnái$
n' cmpêchait pas les habitans des for~ts de se -
faire entendre. Nous fU.J?,es tout à coup surpr~s

VOYAGE
par le ..cri singulier d'un oiseau de pjoie-· c{u~
nous n'avions pas encore .yu. Sa yoix, éta~t ex-:
" . .. . • ' f • •
trwnement perçante et retent1ssante .: c etalt un
cri pl~intif, fort, diminuant peu à peli; et pré-
eédé de quelques sons br-efs et di~tincis ; on
aurai~ dit du chant d'uúe poule qui pond. Cet õi-
seau; appelé par.les .habitansgaviào do sertàm,
est décrit par Butfon sous le nom de petit.aigle
d'.4mériqu.e ( falco nudicotlis. Daudin. ) ; iL
était pt;!rché sur les .cim(is des· arbres :1es plus
hauts. Je fis faire haltc ·à la tropa ;·:, deúx cbà~­
seurs s'approclH~rent tout' doucenien~ ; • peine·
inutile ; la phlie avait .telJement mouillé leurs
arm~s qu'ils ne purerít pas s'en servir. Au-reste
les Óiseaux avaient fini par s'envoler ~pres que
'les armes eut·ent fait phisieurs fois long feu.
Nou~ , n'étions pas. éloignés' de San-Pedrp-
d'Alcantara , dernier , établissenrent que l~on
.rencontre en remontant le Rit>-dos-Ilheó.s , ca•'
l'apres-midi ·, en sortant de l'épaisseur des· fo-
rêts , l nous . entrãmés dan·s. les champs ~,.cu}tivés
· par les habitans·; ils,y avaient planté les.boÚtm:es

de ,m;rd~oc 'entre:les troliés ar~i·es bi·ulés ( 1) :
bientôt
"' .
'
nous arrivâmes à lem;s·
.... .maisons.

(~) Weigl, missionnaire qui a ~arcouru la' pro'viuce de

~ -.---------·--
AU· BRÉSIL. 3.85
Quel misérable village! On y compte mi.e
dixaine de ché.tives maisons bâties en terre, et
'mie église qui n'est ·de même qu'úne espece·de
hangar. en··argile; cependant on a'"donné à ce
lieu le nom·de J7illa de San-Pedro •d~Alcan:..
tara'; quelquefois on !'indique sÍilipÍeme~tpar
· celuid'As Ferradas, parce qu'à peu de·distance
'le fleuve est travers1 par · un lit de rochers que
Ton appelle Ban_ca elas ·Ferradas. Ce villáge
fut fondé il y a deux ans lorsqu'on' eut ·aêhevé
la route de. Minas. '- On y rasse~bla ctes ·honi-.
mes ,de toutes sortes, quelques Espagnols, piu...: '-
sieurs familles ip.dien.nes , et des. gens de cDu-
leur ( pardos . ) ; enfin l'on tira âes . forêts
voisines- une trodpe · d'lndiens Camacans , qui
sont une -tribu. des 'Mongoyos. Ces lndiens :r:te
s;~tendent au sud qtie juscpi'au Rio-Pardo; et
au ·nord on. les ~rencontre jusqu'au-delà du
Rio-das-Corrias, mais ils y ont ehtierérrient re-
noncé à la vie sauváge. Ce n~est qu'ici ,~ dans· le
' . . . ~ ....

Ma'iuas et .l.es. rives du fleuv.e de~ Amazoues, donne du


détails surla manif{e ·dout les lndiens abat~ent et bríllent
.les ,forêts pour étabílr leurs _pla;n tat~ons . .Vo;:ez'Ie reciteil,de
1
Murr,.intit!lléReisereiniger.Mi.ssionaer:e., D. G. J. Nürnberg,
- . ' . .
1785,1V0} . 8°,p . l4~. ' '
.II.

.'
386 VQY~GE

s,~rtltm de. la capitaiEer~e ·de ;Bahia,; qu'on peut


~ncore les. oitS,erv,.~ r dans le~r ~t!lt p~i~~tif, c;ar
plusieurs ,n'ont j~m<!ÍS vu <;l'Europ~éns. Ce-
l;~ndant ~~s .~ont ~déjà plus,' ~~vili~és ·que .leurs
V:OII)ms 1~ l?atacJ.ws ~t les l~otocoufly? ,; , il( ne
v~vent plus ,u niquement de Ja çhass!'!, fils. c;ul-
tivent déjà d~s végétaux, pour f<)urnir à I e~ r sub-
,s,i~tan,ce ; -~t -q~ ~ette ~~nier:e ~' l].tta.<?hent pl,us
qu ~.oi?s à ~~em~I:~it qu:ils .o~i défric~f, qtJpique
·Ce ne~ SOÍt pas poprtoujOl.ll'S., rauraip}us. ta_~d
fQccà~ion- c;le décrire plus e'Q détai~ les 1p ret~r-s
de ce J>euple. J'ai déjà çlit, ~n parlant de. Bel-;-
mop.te- ~ . qu~. j'y avais tro~vé UJ?. reste cJ.e ces
lndien~ : çori~pÍéte~n~~t dégé~~rés"'
' - vin~~de-Al~~da :. situ~e sur le Ta:i pe' e.t
.dõnt j'aj fait.me-I)tÍQ~ . plus,·qaqt " a fourni aus~i
q~~lqu~s; }:l:qbit~IJ.~ ~ ..Sll;n-:-Peclr9-d'4-I.caJ}tara,
:~J:lX:~0I».Jllé rtas··;,~ ~tg_ein~ çl'Ó_,Jl_io-li;a:Ca~hqei.'ra
{s,u,·l~s ..Qprds du' RiQ-de;--Ca~hoe~ra ). Lorsque
,l~égli&e. fut fi~ie-, J'q~y~qo,r d~ c~ol'l}anc'a y -i_ns-:-
·-- - •. j • " . . l ' . i • .

'talla le 'curé: A quelques journées de route


plüs loin , on · bâtit une autre pê~Íte,. église à
'l'ertdroit oP:-la n0.u vdle ·r-ou te :al'rive ·d>.m~ le ser-
'tà~n su; les rives du }lio-Salgtido ; óh y éélé~
1 'Dr~ la méss'e ~ 'e t on y établit ·des ·plantatibns

'póur Ies voyageurs 5 niai~ c·é .p etit éta~liss,emerit


Al:t BRÉSfL.

est tombé .en ruines ' l'emplacement est .re-


devenu un désert-', et ne sert à rten. ' 'l'e'tls cés
travaux; toutes ces dépenses étaient 'mutiles,
puisque l'on: n'a pas fait usage de la r.ó ute, e,t
que da~s peu de temps on né 'pourra plüs la
reconna~tre.- Les mineiros préferent à· c~ ché· r
min péni>le à tr~vers les forêts· celui qui trà-
verse les campos ou les plaines nues du sertam
intér~eur de la capiiainerie de Bahia , parce
qu'ils Ile trouvent a v:illa-{foo-.. Ilheq~ 'lri. la <:le-
faite de lflurs niarchandi,~es , . :t;J-i navires prêts
à partÍr pour Bahia. La ~écadence de Villa-
de-San-Pedro suivit la marcb.e de celle de-la
nouvelle route : dont' pendant notr-e v:oyage ;
des ex·périences fréquerites nous avaieht pronv:é
le mauvàis état. · Les ho:punes rassemblés par
' foree daiJ.s la Villa ne trouvant pas les· secouvs
qui leur. étaient nécessaires: dééamper.ent en
.partie ~ beauéotip d'lridiens- .Camacàns. fur.ent
C!mpo:rtés par une maladi:e contagieuse, et cela
qui rEj.staient ' regagnereilt à I~ hâteJeurs forêtsi
Villa-de:.San-Pedro ·n'est habitée en ce moment
que par ún cb.r-é: et ·une· demi-de>.uzaine de. f~~
milles.; qui dé~irent ardemment que le_- goutVer;
nement 1ette sur ·t~lles uri- regard· de:bienveil~
lançe. On dis.ait- que· l'~n allait- de .nouve.aljl
388 -V0YAGE
dégager la route; ei envoyer .un· renfort d'ha,-
hitans ..
Ce village · est -dans un canton 'entierement
sauvage , entouré de tout~s parts de forêts qui
sont remplies de bêtes farouches, et parcou-:-
r.ueí). ~par ·.des partis .de · Patachos. Ces lndiens
-:ri'ont enéore causé aucun doinmage ux habi-
tans , mais comnie on n'a P?S pu les amener à
coriclure ·u n traité , op. s'en .défie et on se garde
d'autant plus d'a~oir le moindre point de con-
tact ave c' eux' que s'i]s venaient attaquer . ]es
colons' 'ceux-ci sont eri si petit nombr~ qu'i]s
ne · pou'rra~ent pas se défendre. Les maisons des
ha~itans sont entourées de plantatións ; un
petit sentier inégal qui le~ traverse mime à iá
grande_route : nos mulets ne purent y pass~r
avec leur charge ·que lollsqu'on leur eut Ouyert
la voie ayec là .hache.
-Nous étions arrivés à San-Pedro un jour de
·grande fête, ·ce qui était biert contraire à ines
intentions, car au Brésil on n'a pas ]a cou- ·
tume de voyager ces jours-là. Notre séjour inat-
tendu au . pont dêtruit av.ait; seul 'été cause de
ce retard. Un de me,s gemi qui habirait San-
Pedro essuya à ce sujet de vifs reprÜches de la
part qe sa femme; la dispvte faillit à se termi-

.....-~-
. . 38g

iicr par eles· v~ies de fait. ~e len~etnain c~ét-ait


encoré fête; ·le curé eut la cóníplaisance de !ais-
ser ·à riotre chóix la fixation de l'heure _du ser-
tic~ ·divin. Ce .respectable ecclésiastique était
bien· c'Ontent de voir eles gens àv~c lesqu~ls il
p'óuvait faire la conversatipn. Ses attentións
pour moi ne cessaient pas. Ayant trOl)l.Vé neces-
saire de ·retourt;er à Villa-dos-Ilheos ..ou j'avais
queÍq~e~ . nouvelles dispositions à preridre., ~~
me prêta une graíide,pirogue. ·Je .cherchais un
neg~e· à qúi je pusse me fier et qui con.nút bi:en.
·ces fórêts' a'fin dele prendre avec moi; j'avais
aussi b<;~soiil de plusieurs ohjets, dont je m'étáis
vainement flatte de pülivoir-faire l'acquisition
à San...:.Pedro. ·
. Le Rio-dos-Ilh~os , ou plutôt le bras de ce
flei.we nommé Rio-da-Cachoeira , passe . pres
de F~rradas, ainsi que je ·l'a.i·dit plus haut; !a
route de Minas se dirige para11element à sort
éours depuis le borcl de la mer jusqu'à Sa11·Pe-
dro et sou:Ven:t clême en est bien peu éloignée;
c'est pourqúvi 011 fait fréquemment le voyage
. ele ce village ·à llheos par.·eau; on y -emr.,loie un
jour: Pour rem~mteJ: le fleuve, il e11 faut cleux.
Nous étio11s clans la·saison seche,le fleuve était
~i ·h as ·qn' €11 . plusieurs endroits ·011 avait beau-.
çgup ~<;le pe~ne à fá ire. , ~van~er .Ia, pirQgu~ , c ar
· son lii est .queiquefois presqJÍe entierell}e~t 'rem-, ·
pli -de quartiers de ,rocher& e~ _de, :_pier,r.es. Çesl
. débris rocailleu; 1(} font :11n ,pe~ resse_rn~ler .à 1~­
J>artie supérieure du . Rio-d~-B~h_non~~, . avec.
)
cette di~érence ,poprt;mt, .q uç rllheo~ ·par.a\t
teujom~ p.etit en cqmparaison ,du ~.elmonte qn~.
~s.t bien pl~s · cçmsidérable·. It y ,a pes chutes
p,ss~z forte's, qui r~ndent .Ja :nl!vigation çlifficil~ ;1
si les 'caiioe'iro_s ;ne.. ~ont pas expérime;ntés ,.
· ces peti}es cascades peuv:ent . quelquefois ~tre
tres-daBgereuses; celle que l'o~ no~m~ Ca-
choqir(J, do ·Jl anca do:Cachorro est la premiere
qu~p.d op., yi~nt dê San-Pédró, et une des
plu~ fortes. Le fleuv:e dans' son état ordinaive est .
iiSs~z fouguctu
'. . ~
dans. <;et.endroit et'i:ombe
] . . .
d'une
h~llteur de cinq pieds. In.dépe:ndalf-ln;te:pt de .
~ette çht~.te d'eau, :il, .Y e.p. a encore \l?-elques.
. ~Utf~S• .Quoiqu'élles ne fássent . pas CQlil,rÍ,J;" de
grands r~sques aux pirogue~, so~\Vent elles. les.
re~1plissen.t d' e~m, e~ n~o1,1illen~ les voya~eurs
ainsi ·que,le1.1rs.bagages• Lo.rs même· quele fleuve
«;:st
.
te pl~s has, l'e&u est ~qujows._·profonde
. . . l
entre.
certain~ rochers; les. poissop,sse rassemhlent o.r-
. \ .
diiijlÍrement. en g•·an,d ~tombré dims ces en,d roits
,Parçe qu~ k cot~ranÍ y est ·~moins rapid~.',
AU BRÉ.SIL.
Nous ·~~.dn~ <Vil sur' des ~óchérs dé giánds .ja-
carés donflá couleur griseTorltée lndiqí.1aii l'âgé:
avancé. Otdinaitemértt ils plôngeáientdansl'eau
des qüe .·nop!> noti~ appróchions, ,et ~Ql;s - leur:
iirions in.utilem«incnüs fusils à deux c~ups} Cés
jacarés ne·dévietiriént jaiVàis . aú~si gró~ que ]é~:
autres ·cro~odilês qui h:ili1teni plus pres d~ T é-·
quateur, puisque M. ~e .. Hun~polqt en.a · e>hs~rvtf,
dans l'Apon~~' d~i1~ l'Qr~~~~u~ · ~t q~qs <fa~-,:
.. ,__.,
.. ' '
. . . ,, .
. .. . I
"
t.res r1~1~r.e~ ~ qp1 av~wnt p.1sg~.l a '?-~gt Jl1ewe .
vingt~quatre pieds 'de long: L~ . voyag~ur ._n-:
peut s'y baign~r, sans dll..n ger et il :;\ ;de plri~ r: ·
r~douter le~ ~~~aq.ues des c~ribo.s 01p ~l!:rib~t?~& ~
poisso:ns a~térés ..de sang\ ) . ,
. Les ,bor_d~ de rp,h~os étaiep.t. en g.é néral COl,l':"
verts de.s plus bei!U~ .l;lüis, Le.s ar~resc gig:;t]ltes.,..
ql.les, le~ arb~i~s~aux, .le~ ~oindres pla~tes, tollt
était en fleurs. Plusi~urs especes de mini.osa
. semblaient êTre couvertes de neige ; elles exhã~
Jaient .l'odetW lá pltis·s'úáve. _Ces: forêi.s som-
bres retentissai~ní fréqliemme~i .de la vóix:'
sinq~li~~e,d\~ ~ébastiam (m~sç_i~apÇt voÇifer~ris); ~
.:;'ét~it unson hilu,tet fl~lté ,r.épét~ à la fois par J+ll.
gr.~d I;lorphre· de c;:es oi~e.au;q nous_entendien.s
auss1 fr.éq11:em11!ent la voi-t .efuuCle et. agréabh~·
VOYAGE
d;une espece. -nouvelle de pigeon (1); on le
nomme pomóa margosa da:ris lé seriam _d e
Bahia, parce que sa chai11. est amere. On croi-
rait qu'il pronmice tout pas quelques mots; les
Pórtugajs prétendent qu'il dit « .h um. sofico )) ,
sa voix est effectivement compqsée de quatre
tons, qui, modulés tres-doucement et distinç-
tement, frapp.ent agréablement I'oreille dans -
l'épai_sseur des Jorêts et peuvent s'ipterprétet·
de cétte maniere. Le plumage de c~t. oise_au
tres-pe farouche est d'un gris cendré à pe1;1
'pre~ unifor:D?-e: _
. Mes •.Canoe'iros firent passe r · la p~rogue par~
d!;!ssusles rochers qui I'endomagerent beaucoup,
. '
le fond était_ comme tailladé. Le voyage ep.-
remontant de cette ma:niere doit être encore
phis _préjúdiGiable pour les emba,r'cations, car
on en voit des éclats - suspen?us à toutes ]es
r

_· (1) J e l',ai n.mt~~e Columba loc(Ltrix á cause de ~a voi:ic;


longu,eur ,_un pied huit ligues; ·enve;.gure des; ailes, un ~ied
si:x; pouc_es qix ligues; pieds ·rouges; paupieres rou~e viqlet
foncé; pluruage gris cendré foncé; gorge :un peu jaune rou-
geâtrei tête, cou et poitrine gris pourpré; ventre nu péu plus
pâle·; cqtés du l!aut du cou •iolet un peu plus vif; dessus ·d u
corps
. gris ver9âtre .cuivré.; ou olive pàler.c hatoyant
- •.
pointes de rocher.s. Une pirogue_ rte dure pas
long=temps ~ur ce fleuv~.
A peu pres à une legoa de la côte maritime ,
l'llheos pré~ente un tout autre aspect; on n'y
voit p1us de . rocher~ ; 1es fazendas alternent
~ur ses ·..bords avec . les forêts,
-
cfes collines ver-
doyantes, tapissées.de pâtúrages op. de p1anta-
tions de ,cannes à su_cre égaient les maisons qui
sont ombragées par des cocotiers; pres de que]~
ques-u~es_.·de ces h!;ibi~atiqns , "j'ai trouvé . de
petits bassins e11tourés de palissades, dans les-
quels on nourrissait po~r les manger ~ I'occa-
sion des qhdttités d~ jabutis (testudo tabula ta),
espeee de tortue qui v~t da~1s les fox;êts ..
J'arrivai à ,llheos à la fin de la ·semaine de
Noel ; b~avco~p
. .
de monde' s'y· étai~ rassemblé
á l'ocqasion de cette fête. ,Çn se préparait dejà
;ppur céléb~~r ce}le de Saint-Sébastien. Onavait
planté un mai orné de prap~aux. Le jour ~e la
fête des hommes déguis.és p~r.coururent la ville
au son du tambour et en faisànt toutes sortes
• •• \ ' ~ • j ~

<Je pl~is;mteri~~~ qn. tire m~1ne pendant le j~ur


1
.· beaucoup d~ ._c o;ups d'e. fus~l dan,s l~s rues; pêt;t-
dani la_nuit le sçn~~de la guitare et le claque-
ment _des mªms _q m ac<?ompag.ne I~ baduca
3gí 'VOYA:GE '
reterltissent partóut. L.es plus riehes habitans
font les frais de cette fête ; on a ·c outume de
représenter la vie tlu saint -par d~s travestis-
&eniens, des scenes thêâtrales, des combats. et
. autres spectacl~s dé ee · gem:e. Lés pers.mínes
qui jouent dans ces · niomeríes absurdes sont
choisies qt:ü~l<pies jems ~· I'avance; . puis revêJ
tues du costume convenáble. Le jour ·de Saint-'
Sébastieli · il ·y avait ·deux partis 'qui se fai~
saient la guerre"; des Portugais et des Maures;
chacun aváit ses capitainé'S, ·ses lieutenans, ses
e:flseignes, ses sergens, etc. On. avait ~fe~é pràs
de l'église un fort en bran~hages. Le~ ·Maures
· prennent l'1mage du Sai:ht et i'emportent dans
let1r fort ; d'ans la derniete ~soirée le parti .op-.
posé l.e reprend et le rep·orte dans · i'églisé avl'c;
de gràndes d.éínonstr~tiohs cl~ respe~t. Cette
représentation duri1 'pfusieúd · jdúts· ~é 1iTànt
l'esque~s le ' péuple ébÜ.· dans· J.~·· ill~tiv~n:Ú!~t
con.tinúel et tr~qúemrherit à l'eglise; e1i mêÍne

tem ps Ile' ~' ócctipa ~ que dé s·es ·pJ'~{sirs ':~:n se'
Íivrant á I'bisiv~t€ et à toutes sm:-tes d'e désm'-
dtes; Les lndiens ,.Jqui-rr~ montrent aucune dis~
position pom les dogmes et les ' préc~pteti de la .
religion ; prennent queJquefois une part tPeS-
AU ' :8RÉSlt. 3g5
Vive à ces momerie:s' et aui· cé'téinónil:Ís ~xté..:
' )

rieurcs. : Eü conséqnence on voit les · .rnissión...::


·natres profiter 'd~· b~aU:cóilp d\ísages des sau-
vages pou.r pràcurer à leó.r doctrine un · ~cce~ . /

'chez ~es pet~~les~ On 'trÓuve ·dans les relat~ons


des voyag€mj·s pl~·sieurs _exe~plés de cette.c·ou-
·tume. M. de ÚuniboÜit, étari,t; dans les Andes,
a· vii les'lndi~ns d~ la· p:rcivinc~: de Pasto, ma~­
qués ét ~mé~dc grel<?ts,. ~;écuter de~ dansessau-
vages autour ' de .l'áutel' tàndis qu'un moine-de
Saint-Franço~s élevaitl'hostie. Les expressiémsde
cet illustre vqpgeur, qua11d il ~~plique com-
men_t I~ relig{on JI.J,exicain«:; s' ~st n~êlée . a.vec la
r.eligion chrét.ienn~ ,. péuvent s'appliquer .par"""
.faitement a~u. indigene~ de_lacôte orientalc· dü
Bré-sil. Ce n'est pa~ un. dogm~ :' P,it-il·, qu'
a céàé· au dog~e · , ce .".n ' e.st tp~ un. · c.~ré.ffiop.ial
.q ui ·a fait place à l' aútre. Le;· '1.\la.tQrels~ :ue, cnri~
naissent de ::la r.el~gion que , les ·fl!lrmes. e~térien­
·res du<cultÇ. :A áiatéi!I>FS de tout ce' q.ui tient à un ·o1=·
dre de cérémonies·,prescrites ;i]s..tirouvent:dans le
·c uhe chrétien d(!s iouis~anc~s paFticuli(>res. Les
fêtes de I'église, les feux d'artifice qui les accom-
pagnent , ~es . pt:Qce ss~on~ IJ(-ê.lGeS (~e daq.ses.et <,!e
travestisserilens. bardcp~es: son:t. p~mr le bas·geu-
VOY~GE .

ple . indien une source féconde d~ divertisse-


meús (1).
On observe ici une différence , c'est que
beaucoup d'indigenes de la côte orientale dn
n:
Brésil observem pas même lés cérém~mies ex-
térieures de la r~ligion catholique; la raison en
est extrêmeruent simple; les Mexicains, avant
~a: conquête de 'Ieur pays par. les Européens ,
avaient une religioiJ. réglée, tandis que l~s Bré-
siliens . étaient aú degré. le plus bas de la civi_:
lisation. ·
Mes affaires ·termi~ées à la Villa , je me re~n­
barquai pour remonter le fleuve. 11 fallut ti~a­
vailler · péniblement , par un 'jour tres~chaúd ,
pour hisser, quelquef~is á trois et qnatre p'ieds
de haQteur, les Iourdes pirogues par-de:ssus les
quartiers .d e roéhers et les saut~. Notre navigi-
iion fu1i três.:...ag-réable à la fraicheur du ·soir,
l'air étàit embaumé par · l'es émanaii_ons suaves
des fleurs d~s arbres du r.iv~gé., beaucoup ·plus
fortes en ce moment. Je mis · deux jours. à: re-
tour.ner à Villa-de-Sa·n -Pedro.
D.uraiit món absençe, mes gens a'vaiei:It ras::-

( 1) Essa i politique sur le royaume de la - Nou~Jelle­


Espagne, tom. I, p: 4og ;· édition in-8•.
.A.U BRÉSIL. 3~,
1
semblé beaucoup de curiosités d histoire natu-
relle ; entre autres un beau serpent qui n'a ·pas
encore été décrit. Je l'avais fréquemment trouvé
plus au sud sur le Para1ba et l'Espirito-~anto ;
mais il para1t que pl11s au nord on ne le rencontrc;
ph.1s. Il se distingue par des taches rondes ·ver-
. dâtres, et disposées réguliere~ent sur .tout so~
corps (1).
Il devenait n~cessaire de
hâter mes prépa-
ratifs pour le voyage ~dans le sertam, afin de
pro fi ter de la sa.ison ~e~he qui tftait la plns favo-
rable à nies recherches. L e mine'i ro José Caetano,
dont j'ai déjà parlé, se troÚvant en ce moment
à San-Pedro-d'AI cantara ~ . m' offrit d' entrer à
Í·pop service pour guider la tropa à traver~ 1e.sJ
for~ts. ll s' ente.r1daii ~ gouverner Jes ~mimaúx ·:i<, .

(t) J'ai n'ommé ce ~erpent Col~ther Merremii, en hom-'


mage de mes sentimens de recomiaissance pous les services
que l\1. !\i errem a rendus à' l'h is'toire na~urelle qes amp~'ibies.
Cene' couleuvre a rq8 plaques abdominales :et 57 paires
de plaqües caudales; corps épais, arrondi, couvert d.'écaill(ls
lisses et noirâtres ;. to.utes celles de la .p-;_rtie supérieure sont
li1arquécs d'une tache ronde verd jaune ou gris; sur les cêtés
les taches ; ónt j~~nes , le ventre est partou.t jaune dair,
avec . quelques taches noirâti:es sur les. bords. Les plaques
canda\es S<lnl,bordées .d!l iaune ·et de _no ir;
VOYAGE
à 1es chargei', à les soigner ; enfin il conriais-
sait cetté _ route ' l'ayant parcourue une-. fois
avec des troupearix de hreu:f:s qui ··vehaient du
sertam. U n ·jeune lndien Camacan l'accompa-
gnait ·constamment; il naus fut utile pour la
chasse; ordinairement on le faisait partir .le :ma-
tin en avan.t avec un de . ses camara'des , polir
chasser en nous attendant.

NoncE sur le· quinquina duBresil, dopt il est


· fait mention à la page·21 de ce vollfme.

· CETTE écorce de quinquina consiste en morceaux·


longs de · quatre à six pciuces, larges d'un . pouce ct
demi à deu~ pou.ces , épais d'un demi-pouce , plus ou
moins. La plupa~t sont fortement arqués dan~ le sens
de leur longue~r, de sorte que le côté intérieur est
•·elevé et forme une rigole large d'un · demi-pouce
à un pouce ' et d'uri sixieme à un quart de pouce de
profondeur. La collleur du côte ·ex.térieur est -rouge
hrun fone é mêlé de tàches rougeâtres claires; !e côté'
intérieur est beaucoúp moins fone~ ,_-~I a un aspect li-
gneux. L'ex.térieur est ridé, veiné et sillonné dans. sa
longueur, et offre, à peu pres comme !'angustura, des
fentes transversales. L'on observe· aussi sur le côté des

11
AU BRÉSIL.
élévations .de couleur grise et t;ouge clait·e '· qui parais-
seut être !es restes d'un épide1·me enlevé; c:est . pr~ba­
·blcmen,t cel1:1i d'uu lichen , La cassure.de ce .quiuquina
. est inéga!e , un. peq brillante , e.t ne moutre presque
1
' • ' I I

1 ~ucune trace d!;! bois n.i de fibres. ~:~corcc cntiere .seu~-


hJe, dans ·la çassure ? ne consish~r qu'en une substance
uniquc qui extérieuremenl. est d'uu rouge foncé br~l-
• • ( ' ' ( ' ' j ' • ' J ~ • • •
lant, et tres résineuse, intérieuremen,t rouge pâle, plus
mate et moius résineuse .. Elle est plus lourde que
l'eau; I e goftL en est d'uneamertume désagréable, plu~.
astringent que celui du quinquina rouge . Pulvérisée,
elle ressemb.le à la poudre de ·garance, mais celle-ci
présente un reHet I>nm,,et cell.e du qt~iqq.ui~a un reflet
violet; ce reflet·ne peut se comparer à celui du quin-
quina rotige~ La dé.coclion de ce quiuquina est rouge
hr.un foncé; mêlée avec une iufusion de noix de galle,
:il en résulte un précipité gris rouge brunâlre et aussi
fort que celui des autres especes de qniuquina; l'~cide
muriatiquc a rendu Je précipité le plus fort et !e plui
trouble , hrun violet rougeâtre ; avec' une décoc-
. tion de tan, ' il n'a donné aucun précipité ; tou~
deux se sont amalgamés · ·avec "l'acétale de ploDilb,
le préCipité est devenu brun clair sale, tirant sur le
rougeàtre; la crême de tartre a donné une couleur de
foie faible , et te sulfa te de fer, ~ué couleur bleue no ir/e
grisâtre. .
L'on ile peut encore _?ffrir aucun résullát satisfaisant
4oo VOYAGE rÁU BRÉSIL.
~ur l'usage intÚieur.de ce quinqu~na, n'en ay~nt pas
· apporté unequantité suffisante àM.le docteur Bernstein
1ui s'est chargé de l'analyse qui précede. s'on e~plol '
paratt }Jromettre plus d'efficacité dans Ie~ faib1esses
·d'esto~ac que les~ autres écorces de quinquina. 11
n'est pas efficace contre les fievres d'acces. Voyez aussi
Journal von Brasilien, cahier 4, pag. 36.

FIN DU TOME .SECOND.

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