Vous êtes sur la page 1sur 82

REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

Ministère de L’enseignement Supérieure et de la Recherche Scientifique


Université Larbi Ben M’hidi, Oum El Bouaghi

Faculté des Lettres et des Langues


Département de Français

Mémoire élaboré en vue de l'obtention du diplôme de Master


Spécialité : littérature générale et comparée

THÈME

L’autobiographie et l’autofiction dans le roman


de Maïssa bey « Nulle autre voix »

Présenté par : Dirigé par :


 Haskoura malak Me Nabti Amor
 Merdj Chahinez

Membres de Jury :
Président
Rapporteur
Examinateur
Année universitaire : 2019/2020
REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
Ministère de L’enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Université Larbi Ben M’hidi, Oum El Bouaghi

Faculté des Lettres et des Langues


Département de Français

Mémoire élaboré en vue de l'obtention de diplôme de Master


Spécialité : littérature générale et comparée

THÈME

L’autobiographie et l’autofiction dans le roman


de Maïssa bey « Nulle autre voix »

Présenté par : Dirigé par :


 Haskoura malak Me Nabti Amor
 Merdj Chahinez

Membres de Jury :
Président
Rapporteur
Examinateur
Année universitaire : 2019/2020
Remerciements
Le plus grand merci s'adresse au Bon Dieu, qui nous a guidés dans notre

parcours.

Nous remercions chaleureusement notre aimable et respectueux

encadreur Dr Nabti Amor qui a consacré son temps pour nous aider,

nous encourager et nous guider pour la réalisation de ce travail.

Nous tenons également à remercie les membres du jury, d'avoir accepté

avec une amabilité d'évaluer notre travail de fin d'étude.

Nous remercions aussi tous nos collègues et nos amis.

À toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la

réalisation de notre mémoire.


Dédicace
Je dédie ce modeste travail :

Aux personnes qui me sont chers : mes parents.

À mes sœurs Nabila et Salsabil.

À mon frère Akram.

À mes chers amies Rayane, Kenza, Hadjer, Hala et Amel

que je considère comme une deuxième famille.

À la mémoire de mon grand-père El Hadj Elaifa que son

âme repose en paix.

À ma grand-mère Fatima.

À mes oncles Sofiane, Tarek et Hichem.

À ma cousine Marwa.

À tous les gens qui ont contribué à la réalisation de ce

modeste travail et surtout mon enseignant Dr Bahar.


Dédicace
Je dédie ce modeste travail :

Aux personnes qui me sont chers : mes parents.

À mes frères Choukri et Issam.

À mes chères amies Ichref, Imen, Hiba, et Louza.

À la mémoire de mon grand-père El Hadj Lakhdar que son

âme repose en paix.

À mon oncle Kamel.

À tous les gens qui ont contribué à la réalisation de ce

modeste travail et surtout mon enseignant Dr Bahar.


Table des matières

INTRODUCTION :....................................................................................................................... 12

La Première Partie : La Partie Théorique


Chapitre I : L’autobiographie

I. AUTOBIOGRAPHIE : ......................................................................................................... 18

1.LES GENRES VOISINS DE L'AUTOBIOGRAPHIE : ......................................................... 19

2.LE PACTE AUTOBIOGRAPHIQUE :.................................................................................... 21

3.LES CARACTERISTIQUES DU GENRE AUTOBIOGRAPHIQUE :................................ 23

II. L’AUTOBIOGRAPHIE FICTIVE : ..................................................................................... 27

III. LES ENJEUX DE L’AUTOBIOGRAPHIE : ....................................................................... 27

Chapitre II : L’autofiction

I.L’AUTOFICTION: ..................................................................................................................... 29

1.DEFINITION DE L'AUTOFICTION : ................................................................................... 29

1. RENCONTRE ENTRE REALITE ET FICTION: .............................................................. 30

2. LA NAISSANCE DU NEOLOGISME : ............................................................................... 30

I. L’AUTOFICTION SELON VINCENT COLONNA: .......................................................... 33

LES QUATRE TYPES D’AUTOFICTION DE COLONNA: .................................................... 34

1. LA VISION DES CHERCHEURS ET DES AUTEURS : .................................................. 35

Ⅲ. LES CARACTERISTIQUES DE L’AUTOFICTION : ........................................................ 36


Chapitre III : Entre Autobiographie Et Autofiction

I. ENTRE AUTOBIOGRAPHIE ET AUTOFICTION : ....................................................... 39

Chapitre IV : la narratologie

II. L’ORIGINE ET FONCTION :.............................................................................................. 42

III.LE MODE NARRATIF : ......................................................................................................... 42

1.LA DISTANCE : ........................................................................................................................ 43

2.FONCTIONS DU NARRATEUR : .......................................................................................... 43

IV.L’INSTANCE NARRATIVE :................................................................................................. 44

1. LA VOIX NARRATIVE : ..................................................................................................... 44

2.LE TEMPS DE LA NARRATION : ......................................................................................... 44

3.LA PERSPECTIVE NARRATIVE : ........................................................................................ 45

V.LES NIVEAUX : ........................................................................................................................ 45

1.LES RECITS EMBOITES : ...................................................................................................... 45

2.LA METALEPSE :..................................................................................................................... 46

VI.LE TEMPS DU RECIT : ......................................................................................................... 46

1.L’ORDRE : ................................................................................................................................. 47

2.LA VITESSE NARRATIVE : ................................................................................................... 47

3.LA FREQUENCE EVENEMENTIELLE : ............................................................................... 48

La Deuxième Partie : La Partie Pratique

I.ANALYSE DU ROMAN : .......................................................................................................... 52


II. ANALYSE AUTOBIORAPHIE : ……………………………………….………………………………56

II. ANALYSE DE L’AUTOFICTION : ..................................................................................... 60

III. ETUDE NARRATOLOGIQUE : ......................................................................................... 63

1. LE MODE NARRATIF : ...................................................................................................... 63

2. L’INSTANCE NARRATIVE : .............................................................................................. 64

3. LES NIVEAUX : .................................................................................................................... 65

4. .LE TEMPS DU RECIT : ...................................................................................................... 65

CONCLUSION : ............................................................................................................................ 68

BIBLIOGRAPHIE : ...................................................................................................................... 70

RESUME ........................................................................................................................................ 81
Introduction
Générale
Introduction générale

Introduction :
Ecrire c’est se libérer, écrire c’est casser les barrières et prendre la plume pour parler
de soi même ou de l’autre, pour que l’écrivain puisse passer son message, ou déclarer ses
désirs, ses afflictions et même présenter les problèmes et les préoccupations de toute une
société. L’écriture reste le seul moyen capable pour que les écrivains s’expriment,
défendent et convainquent de leurs idées, leurs droits .En utilisant un grand champ
d’écriture dite la littérature.
Depuis des siècles la littérature a permis d’établir des liens d’échange entre les
civilisations, les cultures, et de s'ouvrir sur l’autre même s’ils n’ont pas la même langue : le
cas de la littérature maghrébine d'expression française.
La littérature maghrébine d'expression française s'est toujours intéressée à la femme,
Qu’elle soit mère, sœur, fille, ou épouse.la femme est celle sur qui sont appliquées toutes
les formes de la violence. Soumise à la peur, la violence, l’infériorité de la femme par
rapport à l’homme et l’injustice, alors la femme a décidé de prendre la plume et la
responsabilité de lutter contre les tares de la société et les traditions.
Dans la littérature algérienne d’expression française en particulier, les femmes écrivaines
jouent un rôle principal. Elles ont abordé plusieurs thèmes tel que : le désir de liberté, la
question de la quête identitaire et l’amour mot qui fait sursauter.
«La liberté pour moi, c’est celle de faire des choix. La liberté de pouvoir choisir sa
vie.de pouvoir choisir, le matin, comme l'on va s'habiller de s'asseoir à une terrasse de
café sans attirer tous les regards.la liberté invisible dans la rue. Ce serait le rêve pour
1
moi.»
En effet, l'ascension de la littérature féminine fut progressive depuis la publication en
1958 du premier roman d'Assia Djebar.L’écrivaine algérienne utilise un style d'écriture
qui emprunte un autre cheminement narratif, dans un espace différent que celui 'écrit par
l'homme.
Parmi les écrivains maghrébins d'expression française, notamment, les femmes
écrivaines, on trouve Assia Djebar, Malika Mokeddem et Maïssa Bey à travers son roman
«Nulle autre voix».
De son vrai nom Samia Benameur, Maïssa Bey née en 1950 à Ksar Bokhari, en
Algérie. Son père, combattant du FLN, qui a été tombé au champ d'honneur. Elle a été un

1
https : //information.tv5monde.com/terriennes/maissa-bey-61075

12
Introduction générale

professeur de français dans un lycée à Sidi-Bel-Abbès avant d’être conseillère


pédagogique. Elle est une voix algérienne contemporaine de la littérature algérienne de la
langue française qui a émergé dans les années 90 en Algérie par ses récits. L’écrivaine
prend le pseudonyme de Maïssa Bey pour se protéger car elle a commencé à écrire
pendant une période où il ne fallait pas écrire.
Maïssa Bey est l'une des figures de l'écriture féminine qui a consacré son écriture à
toutes les femmes de son pays, elle fait allusion à une voix personnelle puissante. Son
écriture expose l'évolution de la voix féminine dans une société patriarcale qui impose le
silence. Elle déclare : « Dans notre société, mais pas seulement dans la nôtre, l'acte
d'écriture apparaît essentiellement non pas comme un acte de création mais surtout
comme un acte délibéré de transgression, d'insubordination. Je veux, bien entendu, parler
de l'écriture au féminin. C’est pour cela que je pourrais me présenter comme une faiseuse
d'histoire, dans les deux sens du terme ! Rupture du silence imposé, désir de se défaire du
poids d'une identité elle aussi imposée par toutes sortes de contraintes morales et
religieuses, car cela est étroitement imbriqué chez nous. On pourrait dire qu'il y a double
transgression : oser dire, mais aussi, et cela est encore plus grave dans notre société,
surtout pour une femme, oser se dire, se dévoiler)2
Cette question (la femme) a été déjà traité par plusieurs écrivains tel que : Assia
Djebar. «Une femme qui se met à écrire risque d'abord l'expulsion de sa société(…) aujourd’hui,
on peut dire qu'il y a une dizaine d'algériennes qui écrivent .par la langue française, elles se
libèrent leurs corps, se dévoilent, essaient de se maintenir en tant que femmes travailleuses et
quand elles veulent s'exprimer par l'écriture, c’est comme si elles expérimentaient ce risque
d'expulsion. En fait la société veut le silence.».3
En plus de cette question qui est la femme, Maïssa Bey aborde d'autres sujets. Elle a
reçue beaucoup de prix à cause de son style d'écriture et son désir de briser le silence.
Maïssa Bey a publié son dernier roman «Nulle autre voix» en 2018 qui est écrit à la
première personne du singulier. Dans ce roman poignant de 202 pages, l'auteure raconte
l'histoire d'une femme qui a tué son mari avec lequel elle vivait un enfer quotidien. Elle
écrit sa solitude actuelle rythmée par les interviews régulières de l'écrivaine, sa vie dans
une cellule très petite pour sept à huit femmes condamnées, sa jeuneuse, brimée par sa
mère, battue par son époux, prédateur violent qu’elle a assassiné. Elle sort de la prison

2
Tabti, B.M :2007Maissa bey, l'écriture des silences, Algérie, Edition du Tell.
3
Assia Djebar : Cité le monde 27 mai1987.

13
Introduction générale

après y avoir passé 15ans de sa vie, donc elle va narrer sa vie d'avant et après, surtout ce
jour -là où elle est devenue une criminelle.
L’écriture de ce roman est limpide, incisive, hachée par la rage .contrairement aux autres
précédents romans ou l'auteure prônait une écriture timide basée sur les détours et les non-
dits, elle utilise un lexique cru, poignant, pour dire les choses telles qu'elles sont. Elle met
la lumière sur un genre de femme qui choisit la violence comme une solution pour dire non
à la soumission inoculée. Elle utilise des mots clés comme : femme, meurtre, prison,
violence, qui poussent le lecteur à anticiper les faits par curiosité.
Comme ce roman est écrit à la première personne du singulier « je», nous devons
mettre la lumière sur cette écriture de soi qui se manifeste à travers les mémoires,
biographie, essais, roman autobiographique, autofiction … l'autobiographie est avant tout
une question identitaire, un besoin de revenir sur un parcours qui est le sien dans le but de
se retrouver et se comprendre, c'est le lieu où la première personne se veut pleine et
légitime (Lejeune, 1980,7) .
Le choix du roman répond à un intérêt personnel envers la littérature féminine en
général et la façon d'écriture de Maïssa Bey en particulier.
Dans le roman de Maïssa Bey «Nulle autre voix», on trouve qu'il y a un usage multiple de
pronom personnel «Je».
Après tout cela nous résumons notre interrogation en une seule problématique :
Est-ce que le choix du «Je» par Maïssa Bey dans Nulle autre voix est une illusion ou
réalité ?
À partir de cette question centrale, nous pouvons évoquer d'autres questions :
1. Pourrios–nous considérer que le «je » narratrice correspond au « je » auteure ?
2. Est-ce que le personnage Farida représente l'auteure lui-même ?
Nous posons la première hypothèse que ce roman serait une autobiographie et nous
nous attelrons à confirmer ou infirmer cela en la soumettant aux critères définitionnels de
Philippe Lejeune.
La deuxième hypothèse est que Farida ne serait-elle pas l’auteure lui-même
La lecture du roman nous a permis de mettre au jour une structure combinant
narration romanesque et roman ou sont intercalé des lettres, ce qui a motivé notre choix
pour les théories du roman autofiction et roman épistolaire.
La démarche de notre analyse s'appuie sur deux parties, l'une théorique et d'autre pratique
afin de clarifier les choses.

14
Introduction générale

Notre analyse de «Nulle autre voix» s'organise en quatre chapitres, en premier lieu
une introduction où sera évoqué tout ce qu'on va faire dans ce travail. Le premier chapitre
nommé autobiographie, nous partons de la définition de l’autobiographie, puis nous
abordons les genres voisins de l'autobiographie, finalement nous traitons le pacte
autobiographique selon Philippe Lejeune. Le deuxième chapitre qui s'intitule l’autofiction,
porte sur une deuxième approche, celle de Doubrovsky qui parle de la fiction ; ainsi de la
définition de l'autofiction selon plusieurs auteurs tel que : Philippe Lejeune et Colonna. Le
troisième chapitre nommé entre autobiographie et autofiction, dans lequel nous essayons
d'évoquer la distinction entre l'autobiographie et l’autofiction. Le quatriéme chapitre
nommé la narratologie
Nous terminons notre travail de recherche par une conclusion générale où nous
essayons de répondre à notre problématique.

15
Première partie :
partie théorique
Chapitre I:
l’autobiographie.
Chapitre I: l’autobiographie

I. Autobiographie :
L’autobiographie est un genre littéraire qui a probablement provoqué le plus de
controverses dans le cadre littéraire, et qui pousse les lecteurs à s’interroger.
Le mot autobiographie est composé de trois racines grecques : graphe (écrire), auto (soi-
même) bio (vie). Ce mot est assez récent, il n’est fabriqué qu’au début du 19ème siècle.
Les récits autobiographiques sont la description des évènements réels dans la vie de
l’auteur, dans laquelle il devient un personnage protagoniste et le narrateur à la même fois.
Ils se différencient en cela des textes de fiction.
En effet, l’autobiographie, au sens strict, est un genre moderne, inaugurée par J.J
Rousseau dans ses confessions (rédigées en 1764 et publiées après sa mort en 1782-1789)
dans lesquelles l’auteur a marqué d’ailleurs le caractère innovateur de son projet :
«je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point
d’imitateur .je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ;
et cet homme ce sera moi».
Ainsi, dans l’autobiographie le narrateur s'engage à dire la vérité sur lui-même, il
apporte des évènements et des endroits et aussi des symboles véridiques qui ont déjà existé
dans sa vie personnelle, il fait des retours à ses souvenirs, ses expériences. Ce va- et- vient
permet aux lecteurs de sentir et de revivre les événements. Son objectif principal est la
quête identitaire.
Philipe Lejeune définit L’autobiographie comme : « le récit rétrospectif en prose
qu’une personne réelle fait sa propre existence, lorsqu’ elle met l’accent sur sa vie
individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité ».4
L’autobiographie est considérée comme un cas particulier du roman et non pas
quelque choses d extérieure à lui. L’auteur, le narrateur et le personnage principal
s’exprime le plus souvent à la première personne du singulier (je) .c'est ce que Gérard
Genette appelle la narration «auto diégétique» dans sa classification des voix du récit.il
peut avoir un récit à la première personne du singulier même si le narrateur ne soit pas
la même personne que le personnage principal .c'est ce qu’il appelle la narration
« homodiégétique ». Elle ne peut pas être simplement un agréable récit de souvenirs
contés avec talent : elle doit avant tout essayer de manifester l’unité profonde d’une vie,

4
P. Lejeune, le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975 p.14.

18
Chapitre I: l’autobiographie

elle doit manifester un sens, en obéissant aux exigences souvent contradictoires de la


fidélité et la cohérence.

L’autobiographie est enfin une manière de porter témoignage sur une époque à
travers un regard original, surtout lorsque le narrateur y a joué un rôle officiel.

1. les genres voisins de l'autobiographie :


L’autobiographie est un genre d’écriture qui se tourne vers le passé (écriture
rétrospective), le genre autobiographique n’est pas isolé, plusieurs autres genres
semblables l’entourent et prêtent à confusion à défaut d’attention .Ces genres voisins sont :
o Les mémoires : un récit raconte des évènements auxquels l’auteur a participé, ou
dont il a été témoin. le mémorialiste a joué un rôle très important dans l’histoire, il ne
centre pas son récit sur sa vie intime, mais sur des évènements historiques dont il a été
témoin par exemples les mémoires de guerre.
o Le journal intime : est un type d’écrit autobiographique, qui désigne l’ensemble de
notes datée. Dans le journal intime le diariste raconte d’une manière spontanée les faits au
jour le jour et en secret pendant une période plus ou moins longue. Il exprime ses
sentiments et ses réactions, raconte des évènements personnels ou historiques auxquels il
est affronté.la lecture de ce genre d’écriture est moins aisée que celle des autres récits
personnels.
o La biographie : est un récit qui cherche à mettre en lumière les divers aspects
d’une vie et d’une personnalité (regard extérieur). il narre les grands évènements de la vie
d’une personne connue. Elle peut être écrite par la personne elle-même, donc elle appelé
(autobiographie), ou par une autre personne.
o Autoportrait ou essai : c’est une œuvre dans laquelle l’auteur analyse sa
personnalité, mais sans raconter l’histoire de sa vie .il s’agit d’une pratique qui consiste à
représenter soi-même.il est très répandu en peinture.
o Le roman personnel : est un livre littéraire de pure fiction dans lequel l’auteur
fusionne un récit autobiographique avec des éléments de fiction .il est proche parent du
roman intime. Dans le roman personnel l’écrivain se confond avec son personnage
principal .soit qu’il emprunte aux souvenirs de sa propre existence, soit il imagine une
histoire fictive, c’est-à-dire que l’écrivain est toujours en scène .les autres personnages
n’ont de rôle que par rapport à lui.

19
Chapitre I: l’autobiographie

o Le poème autobiographique : est un genre littéraire lié à l’autobiographie, rédigé en


vers.
Tableau des genres autobiographiques :

Les mémoires Le journal intime La biographie Autoportrait Le roman


(essai) personnel
Définition Récit rétrospectif Compte rendu Récit de la vie Est une Est celui ou
au jour le jour de quelqu’un représentation l’écrivain
de la vie de d’un artiste. se confond avec
l’auteur son personnage
principal.
caractéristiques Recul du au temps, Répétitif, sans Récit est écrit Est caractérisé
objectivité structure, écriture à la par sa diversité.

spontanée. 3ème personne.

Exemples : Les mémoires Stéphanie, journal, Les essais de L’enfant,


de guerre. livre de poche. Montaigne. Jules Vallès.

L’autobiographie se distingue donc de ses voisins par certains éléments qu’intègre sa


définition.
Quant à la différence entre l’autobiographie et le roman autobiographique, Lejeune déclare
qu’il n'y aucune différence sur le plan de l’analyse interne :
« Tous procédés que l’autobiographie emploie pour nous convaincre de
l’authenticité de son récit, le roman peut les imiter, et les a souvent imités».5
La différence, selon lui, se trouve dans le pacte autobiographique , ou l'identité du
personnage principal renvoie à celle de l'auteur/narrateur c’est-à-dire que l’auteur (celui
qui écrit), le narrateur (celui qui raconte l’histoire), et le personnage principal(le
protagoniste) sont une seule et même personne.
Quant au roman autofictionnel, cette identité auteur/narrateur/personnage principal
est absente.

5
P. Lejeune, Op, Cité, p 26

20
Chapitre I: l’autobiographie

2. Le pacte autobiographique :
«Le pacte autobiographique» est l’acte par lequel l’auteur d’une autobiographie
s'adresse au lecteur en s’engageant à ne relater que des faits réels de sa vie, en toute
sincérité. Cette notion du «pacte autobiographique » a été introduite, pour la première fois
par Philippe Lejeune .le mot «pacte » renvoie d’après Philippe Lejeune à un contrat établi
entre l’auteur de l’autobiographie et son lecteur :
Dans l’autobiographie, on suppose qu’il y a identité entre l’auteur d’une part, le
narrateur, et le protagoniste d’autre part. C’est- à- dire que le «je» renvoie à l’auteur.6
Pour Philippe Lejeune, autobiographie est toute œuvre qui a accompli certaines
conditions dans plusieurs catégories :
1. Forme du langage : il se présente dans un récit ou bien en prose : c’est le cas de
notre corpus Nulle autre voix de Maïssa Bey composé de
2. Le sujet traité : il peut être une vie individuelle ou l’histoire d’une personnalité.
3. La situation de l’auteur : l’auteur (dont le nom renvoie à une personne réelle), et du
narrateur. C’est l’identité de l’auteur et du narrateur. Ce que nous voulons prouver
dans notre recherche.
4. La position du narrateur :
 Identité du narrateur et du personnage principal, l’énonciation est en «je».
 Perspective rétrospective.

Donc le texte doit être principalement un récit .ce récit est essentiellement
rétrospectif c’est à dire que le récit d’évènement passé de la vie de l’auteur c’est- à-dire
que l’évènement rapporté qui est «la vie individuelle »a eu lieu et la narration le fait
connaître.
Pour arriver à dire que cette écriture est une écriture autobiographique, il faut qu’il y
ait identité entre l’auteur d’une part, le narrateur et le personnage principal (le
protagoniste) d’autre part. Cette identité doit être identique dans les trois personnes, et qui
se caractérise le plus souvent par l’emploi de la première personne «je». C’est ce que
Gérard Genette appelle le plus largement la narration «auto diégétique» dans sa
classification des voix du récit, il affirme qu’il peut avoir un récit à la première personne
du singulier même si le narrateur ne soit pas la même personne que le personnage

6
Lejeune, 1975 :24

21
Chapitre I: l’autobiographie

principal. C’est ce qu’il appelle la narration «homodiégétique » .il faut donc distinguer
deux critères majeurs :
 La personne grammaticale.
 L’identité des individus auxquels les aspects de la personne grammaticale
renvoient.

En effet, en faisant intervenir le problème de l’auteur, l’autobiographie met en


lumière des phénomènes que la fiction laisse dans l’indécision :en particulier le fait qu’ il
peut très bien y avoir identité du narrateur et du personnage principal dans le cas du récit
«à la troisième personne ».l’identité est établie indirectement ,mais sans aucune ambiguïté
,par la double équation :

 auteur =narrateur

Narrateur = personnage

 auteur =personnage

Ce procédé corresponde, au sens premier du mot autobiographie : c’est une


biographie écrite par l’intéressé. Il a employé pour des raisons très diverses, et il a abouti à
des effets différents.
Il existe des autobiographies dans lesquelles une partie du texte désigne le personnage
principal à la troisième personne «il», alors que dans le reste du texte le narrateur et ce
personnage principal se trouvent confondus dans la première personne «je».
L’identité entre l’auteur, narrateur, protagoniste garantie par le pacte autobiographique doit
être une« identité de nom», elle peut être faite selon deux types :
 implicitement : au niveau de la liaison auteur –narrateur, le pacte autobiographique
peut prendre deux formes :
a) l’emploi de titre ne laissant aucun doute sur le fait que la première personne du
singulier je renvoie au nom de l’auteur (histoire de ma vie, Autobiographie……).
b) la présence dans la section initiale du texte où le narrateur prend des engagements vis-
à-vis du lecteur en se comportant comme s’il était l’auteur, de telle façon que le lecteur
n’a aucun doute sur le fait que le je renvoie au nom de l’auteur.

22
Chapitre I: l’autobiographie

 De manière patente (explicitement) : au niveau du nom que se donne le narrateur –


personnage dans le récit lui-même, et qui est identique au nom de l’auteur sur la
couverture.

Donc pour que le texte soit autobiographique, il est nécessaire que l’identité remplisse
l’un ou les deux critères en même temps.
À défaut d’une identité de l’auteur, narrateur et du personnage, Lejeune propose la
notion de pacte romanesque par opposition à celle de pacte autobiographique par exemple
l’auteur et le personnage ne portent pas le même nom ou en mettant le sous-titre sur la
couverture de son livre (présenté dès la page de couverture).mais, quand le lecteur trouve
que le nom du personnage est celui de l’auteur cela va éliminer complètement la fiction, et
le texte sera automatiquement autobiographique.
3. Les caractéristiques du genre autobiographique :
L’autobiographie est un genre littéraire, qui se caractérise par une alternance de récit et
d’analyse.
a) l’utilisation du pseudonyme :
L’autobiographie se caractérise par l’identité entre l’auteur, narrateur et le
personnage cela suppose que l’auteur, narrateur et le protagoniste aient le même nom.
alors le nom propre de l’écrivain est un élément très important dans l’autobiographie, s’est
à travers le nom propre que l’auteur déclare clairement que c’est une autobiographie, c’est
à dire son autobiographie.il est aussi l’un des moyens les plus efficaces, qui peuvent aider
le lecteur de séparer l’autobiographie de l’autofiction.
Ces dernière années, les écrivains adoptent un pseudonyme (prénom ou nom de
famille imaginaire), ils le trouvent l’ordre social.
Gérard Genette estime que «...le pseudonyme est déjà une activité poétique et quelques
choses comme une œuvre, si vous savez changer de nom vous savez écrire».7 le
pseudonyme est donc un nom de plume pour les écrivains.
Pour Philippe Lejeune :
«Un pseudonyme, c’est un nom différent de celui de l’état civil, dont une personne
réelle se sert pour publier tout ou parties de ses écrits .le pseudonyme est un nom d’auteur.
Ce n’est pas exactement un faux nom, mais nom de plume, un second nom.»8.

7
Gérard Genette, 1987 :52-53.
8
Lejeune, 1975, p : 24.

23
Chapitre I: l’autobiographie

Lejeune affirme aussi que le pseudonyme n’est pas le vrai nom de l’auteur, mais un
nom différent que l’auteur a utilisé pour écrire son existence avec une précision sur les
évènements les plus marquants.
L’emploi du pseudonyme devient une nécessité vitale pour les femmes car la culture
traditionnelle représentait la femme comme éternelle mineure qu’il fallait protéger .il ne
leur permet pas seulement de masquer leur identité mais aussi de sauvegarder leur
existence.
Plusieurs femmes comme Assia Djebar, Maïssa Bey écrivent sous un pseudonyme,
ce choix d’utiliser un pseudonyme se diffère de celui des hommes parce que toute femme
qui prend la plume, elle se dévoile et se prête ainsi aux critiques de la société et de la
famille où elle vit.
b) la prédominance de la première personne du singulier «je» :
L’autobiographie se caractérise par la présence de trois «Je» .celui de l’auteur, du
narrateur, et du personnage principal. Les trois «je» se confonds, tout en étant séparés par
le temps. L’alliance de ces trois« je» fais partie du pacte autobiographique.
L’autobiographie suppose que le narrateur soit à la fois l’auteur et le personnage principal
.c’est pourquoi, il est nécessaire de connaitre la vie de l’auteur pour faire la part des
choses, la distinction entre des faits réels el la fiction, narrée par un «je» qui est bien sûr en
même temps personnage principal derrière lequel se profil l’auteur par certains attributs
qu’il lui donne et qui relève en réalité de son vécu tel que sa ville ,le nom de certains
personnages légèrement changés pour les raisons de la fiction.
«L’œuvre autobiographique s’écrit à la première personne : une existence
singulière tente de se ressaisir en son ensemble pour mieux se connaitre elle-même et se
présente aux autres.»9.L’objet de l’autobiographie est donc de raconter une vie propre et
de se présenter aux autres .la prédominance de la première personne du singulier «je», est
l’un des caractéristiques le plus souvent marqué dans l’autobiographie.
c) L’autobiographie comme genre contractuel :
Le mot «pacte» renvoie à un contrat établi entre l’auteur de l’autobiographie et son
lecteur(le lien qui réunit l’auteur avec son lecteur) .cette notion a été introduit pour la
première fois par Philippe Lejeune :

9
Georges Gusdofr, 1975 :958.

24
Chapitre I: l’autobiographie

«Dans l’autobiographie, on suppose qu’il y a identité entre l’auteur d’une part, et le


narrateur et protagoniste d’autre part, c’est –à-dire que le «je» renvoie à l’auteur .rien dans le
texte ne peut le prouver .l’autobiographie est un genre fondé sur la confiance, un genre
…fiduciaire, si l’on peut dire .d'o d’ailleurs, de la part des autobiographies le souci de bien
établir au début de leur texte une sorte de «pacte autobiographique», avec excuses ,explications
,préalables, déclaration d’intention ,tout rituel destiné à établir une communication directe ».10
La notion «fiduciaire » ici s'applique avant tout à l’auteur lui-même qui doit être le
premier à croire à sa tentative.
L’auteur s’engage à dire la vérité sur lui-même, il convie son lecteur à juger le récit
en fonction de son authenticité .le lecteur, de son côté, devient témoin, juge, confident,
voire complice de l’auteur dont il lit la vie .Le rapport qui relie l’auteur avec son lecteur est
la confiance, il faut que l’auteur raconte des évènements réels pour que le lecteur reste
fidèle à l’auteur :pour qu’ il y ait une autobiographie, il faut que l'auteur passe avec ses
lecteurs un pacte, un contrat, qui lui raconte sa vie en détail, et rien que sa vie. 11 (Le pacte
autobiographique. Nouvelle édition augmentée, Philipe Lejeune, éditions du Seuil, Paris
1975, P14)
Philippe Lejeune déclare :
«par opposition à toutes les formes de fiction , la biographie et l’autobiographie sont des
textes référentiels :exactement comme le discours scientifique ou historique ,ils présentent apporter
une information sue une réalité extérieur au texte et donc se soumettre à une épreuve de
vérification ,leur bit n’est pas la simple vraisemblance ,mais la ressemblance au vrai ,Non l’effet
de réel ,mais l’image réel .Tous les textes référentiels comportent donc ce l appellerai «un pacte
référentiel, implicite ou explicite »12.
Donc tous les textes référentiels comportent ce qui est appelé un pacte référentiel
implicite ou explicite.
En effet, un texte autobiographique peut être légitiment vérifier par une enquête et
engage son auteur sur le plan juridique. Ce dernier peut être poursuivi pour atteinte à sa vie
privée. Philippe a fait distinction entre une autobiographie et² un roman dont l’histoire
présente des ressemblances avec la propre vie de son auteur. Et pour cela, il est important

10
Philippe. L, 1971 :24.
11
Le pacte autobiographique. Nouvelle édition augmentée, Philippe Lejeune, édition du Seuil,
Paris1975, P14.
12
Lejeune. P, 1975 :36.

25
Chapitre I: l’autobiographie

faire appel à l’histoire, qui est censé être une référence fiable à certains évènements
relatées dans le corpus.
d) le rôle du titre :
Les éléments qui entourent le texte ont pour objet de la présenter et l'introduire et au
même temps d'interpeller le lecteur.
Parmi ces éléments, le titre qui introduit le contenu du texte, en donne le ton et
quelques mots-clés tout en captant l'intérêt du lecteur .le titre ne doit jamais induire le
lecteur en erreur.il doit indiquer les éléments principaux .il s'agit d'un mini-résumé qui
permet de connaitre s'il s'agit d'une autobiographie.
En effet, dans plusieurs cas le titre représente un indicateur par excellence d’une
autobiographie, et le pacte apparait dès le début : lorsque le lecteur trouve un titre comme
ma vie, mon enfance, mes désillusions…etc.il va comprendre que l’auteur va raconter
forcément un moment de sa propre vie, donc le titre à lui seul nous dit qu’il va s’agir d’un
récit autobiographie.
Donc c’est le paratexte (le titre, la couverture…etc.) qui indique le plus souvent au
lecteur que l'auteur se soumet à une autobiographie.
e) La fin du roman :

Dans l’autobiographie l’auteur a la latitude de raconter sa propre vie tant qu’il est
vivant, une fois mort, il ne peut plus raconter. «Seule la mort met le point final».13

f) Le thème (le sujet) traité :


Selon le dictionnaire Larousse, le thème est : «un sujet, idée sur lesquels portent une
réflexion, un discours, une œuvre, autour desquels s'organise une action.»
Le sujet traité dans l'autobiographie doit être principalement la vie individuelle, la
genèse de la personnalité c’est-à-dire que le sujet met l'accent sur l'individualité de celui
qui écrit les étapes de son histoire.
Le sujet traité est considéré comme un récit de vie qui est une tentative du sujet pour
tracer une image de lui-même et de ressaisir son identité c’est-à-dire à partir de ce récit le
lecteur va connaitre l'auteur qui n'est autre que le personnage principal du roman.

13
Philippe Lejeune, 1980. P, 161.

26
Chapitre I: l’autobiographie

II. L’autobiographie fictive :


C’est un sous genre de l'autobiographie qui comporte une énonciation sans la
présence de l’identité de l’auteur et du héros- narrateur, d’une manière conventionnelle,
l’autobiographie fictive se distingue par une préface par laquelle l’auteur avertis le lecteur
qu’il est en mesure de reproduire un témoignage qu’on lui avait transmis (un contrat avec
son éditeur).
Ainsi, dans le cas où l’auteur se déguisé pour pouvoir relater librement sa vie, ses
souvenirs et ses confidences en prétendant écrire à la place d’un écrivain fictif nommé
l’hétéronomie.
L’autobiographie fictive est donc un roman ou l’identité de l’auteur se distingue de
celle du narrateur/ héros, mais rien n'empêche le narrateur d’avoir le prénom de l’auteur,
ce cas fut soulevé par Lejeune qui déclare que : « le héros d'un roman déclare tel peut-il
avoir le même nom que l’auteur ? Rien n’empêcherait la chose d’exister (…).14
III. Les enjeux de l’autobiographie :
Les récits autobiographiques abordent généralement les mêmes thèmes : l'enfance, la
famille, les premières amours, les échecs et les réussites…etc.
Beaucoup de personnes qui écrivent leur autobiographie le font dans l'objectif de ne jamais
oublier des évènements importants. En effet, on écrit une autobiographie pour lutter contre
l'écoulement du temps, pour mieux se connaitre en analysants leurs écrits plusieurs années
après.
Il peut aussi à travers ce genre littéraire de se justifier, et de porter un témoignage
personnel sur la vie qu’il a vécue. « Écrire son autobiographie, c’est essayer de saisir sa
personne dans sa totalité, dans un mouvement récapitulative, o d’une manière plus
générale si le récit met l’accent sur la genèse de sa personnalité ».15

14
P. Lejeune ; le pacte autobiographique p, 133.
15
L’autobiographie en France. Cité. P19

27
Chapitre II:
l’autofiction
Chapitre II: l’autofiction

I.L’autofiction:
Depuis quelques années, l'autofiction est considérée comme un terme universel, qui
est utilisé dans des domaines culturels tel que le cinéma, la télévision, l’internet…etc. et
non seulement aux milieux littéraires et universitaires.
1. Définition de l'autofiction :
Le terme d'autofiction est un néologisme inventé par Serge Dobrovsky en 1977, qui a
renouvelé la forme de la littérature autobiographique dans ses textes publiés à la fin des
années 60 comme une autobiographie moderne et honteuse avec un nouveau genre, donc
on peut dire que l'autofiction est un nouveau mode d'expression autobiographique.
Ce néologisme a connu comme un divertissement fictif de l’autobiographie d’une
part par rapport au type de langage employé <<stylistique>> d' autre part par rapport à son
contenu et son rapport avec la réalité <<référentielle>>.
Ce dernier se compose de deux parties : auto et fiction ; auto (soi-même) et fiction à partir
de cela on peut dire que l'autofiction est un moyen de parler sur soi et d’inventer d’autres
que soi, ainsi le fait que l’auteur écrit sur lui-même en utilisant la fiction dans sa narration.
L’autofiction est considérée aussi comme un genre littéraire paradoxal, entre deux
types opposés de narration, il se fonde sur le principe des trois identités : l’auteur, le
narrateur et le personnage principal qui sont les mêmes. C’est comme on parle de
l’autobiographie, mais on fait appel à la fiction dans sa narration au niveau des évènements
et de faits réels. En effet, cette dernière rend le langage libre. On peut dire que l’autofiction
est comme un passage entre la fiction et l’autobiographie.
Les définitions de ce néologisme changent d’un écrivain à l’autre; JACQUES
LECARME, ajoute deux types d’autofiction; l’autofiction au sens strict du terme (des faits
réels racontés d’une manière imaginaire) et l’autofiction au sens général du terme
(combinaison de l’imagination et de souvenirs).16
Selon MARIE DARRIEUSSECQ, «l’autofiction est un récit écrit à la première
personne, se donnant pour fictif mais o l’auteur apparait homodiégétiquement sous son
nom propre et où la vraisemblance est enjeu maintenu par des effets de la vie»17.
Pour GÉRARD GENETTE, il parle de deux types d’autofiction : Fiction et Diction. «Les
vraies autofictions dont le contenu narratif est(…) authentiquement fiction».et «les fausses

16
Lecarme.J, 1992
17
Darrieussecq. M, 1996 :35-36

29
Chapitre II: l’autofiction

autofictions» des œuvres qui «ne sont fiction que par la douane, autrement dit,
autobiographie honteuse…c’est moi et ce n'est pas moi».18
Il veut dire par «c’est moi et ce n’est pas moi» que parfois l'écrivain se manifeste
d’une manière implicite pour se cacher pour plusieurs raisons politiques, de sociétés…donc
il utilise la fiction dans sa narration
2. Rencontre entre réalité et fiction:
L’autofiction est conçu comme une combinaison entre le réel et le fictif, un mélange
entre le factuel et le fictionnel, en d’autres termes un jeu ambigu ; une écriture fictionnel
mais au même temps l'existence de soi-même, d’une manière non linéaire, et même
disloquée.
C’est ce que Maïssa Bey confirme dans son ouvrage «Nulle Autre Voix», où les
évènements de sa propre vie sont racontés, mais dans la lecture on croit que ce sont des
faits factuels, on remarque aussi l’existence de l’autobiographie, car l’une des majeures
différences entre une autobiographie et un roman réside dans la relation entre la vie du
personnage réel (autobiographie) et celle du personnage fictif (roman).
Philippe Lejeune effleure l’autofiction dans «le pacte autobiographique», il met une
frontière entre la réalité et la fiction, dans lequel il raconte sa propre vie avec sincérité à
côté de la fiction.
L’autofiction est considérée comme un besoin des fois pour cacher derrière certaines
réalités personnelles pour que les écrivains protègent leurs vies privées.
On peut donc définir l’autofiction comme une fiction de faits strictement réels.
3. La naissance du néologisme :
L’autofiction existait déjà avant en 1928 est paru Naissance du jour de Colette, il
s’agissait d’une sorte d’autofiction, aussi dans Nadja d' André Breton était le même cas, et
encore D’un château l’autre de Céline et ses livres à la suite. Ainsi Joyce lorsqu’ il a écrit
Portrait de l’artiste en jeune homme. Elle était exercée mais n’était pas considérée comme
un genre.
En 1977, l’auteur français Serge Dobrovsky lui a donné un nom et la conceptualisée,
il a écrit sur le néologisme <autofiction> en quatrième de couverture dans son premier
roman nommé <Fils >qui narre la relation entre un père et son fils ; qui a considéré comme
le livre fondateur de l’autofiction.

18
Gérard. G, 1991 :86-87

30
Chapitre II: l’autofiction

« Fiction, de faits et d'évènements strictement réels. Fragments épars, morceaux


dépareillés, tant qu’on veut : l’autofiction sera l’art d'accommoder les restes, d’avoir confié le
langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman,
traditionnel ou nouveau. Rencontre, fils des mots, allitérations, assonances, dissonance».19
Ce néologisme, était en premier temps une réponse de Serge Dobrovsky à la théorie
portée par Philip Lejeune. Où il découvrait que l'hypothèse d’un pacte romanesque
inacceptable dans un texte soutenu par l’identité onomastique entre l’auteur, narrateur et
personnage.tel qu’il l’avait déclaré:
« Le héros d’un roman déclaré tel, peut- il avoir le même nom que l’auteur? Rien
n'empêcherait la chose d’exister, et c’est peut être une contradiction interne dont on
pourrait tirer des effets intéressants. Mais dans la pratique, aucun n’exemple ne se
présente à l'esprit d'une telle recherche».20
D'après cela Serge Dobrovsky a répondu sur cette critique de Lejeune dans une lettre:
« J’ai voulu très profondément remplir cette case que votre analyse laissait vide et c’est
un véritable désir qui a soudain lié votre texte critique et ce que j’étais en train
d’écrire».21
Après quelques années plus tard, l’autofiction fait sa manifestation dans un autre
ouvrage de Dobrovsky, celui- là faisant un clin d’œil à Proust parce qu’intitulé un amour
de soi :
« Je m'enferme dans mon bureau, tour Eiffel entre les cils, baisse les paupières. J’écris
mon roman. Pas une autobiographie. Vraiment, c'est là une chasse gardée, un club exclusif pour
gens célèbres. Pour y avoir droit, il faut être quelqu'un. Une vedette de théâtre, de cinéma, un
homme politique, Jean-Jacques Rousseau. Moi, je ne suis, dans mes petites deux pièces d'emprunt,
personne. J’existe à peine. Je suis un être fictif. J'écris mon autofiction. Je quitte la tour Eiffel, mon
regard descend vers mon nombril, je m'immobilise à même moi. Là, je tâche de saisir à tâtons ma
quintessence. Depuis que je transforme ma vie en phrases, je me trouve intéressant. À mesure que
je deviens le personnage de mon roman, je me passionne pour moi. Comme Lucien de Rubempré,
Julien Sorel, si j’arrive à me rendre palpitant.ma vie ratée sera une réussite littéraire. Du coup, je
sonde mes profondeurs insoupçonnées, je déboutonne tous mes petits secrets, forcément, à
l’intérieur d’un être humain, ça pue toujours. Deux ou trois heures le matin, tous les matins, mon
fauteuil à accoudoirs en chrome est une lunette de w.-c. ; Je respire mon odeur, je me hume. Je

19
Dobrovsky, Serge, Fils, Paris, Galilée, 1997, quatrième de couverture.
20
Philippe Lejeune l’Autofiction : «un mauvais genre», Autofiction & Cie 1993 ? P. 227
21
Lettre du 17 Octobre 1977 Cite par Ph. Lejeune moi aussi, Paris, Seuil 1986. P 63

31
Chapitre II: l’autofiction

m'exhume, après m’exhausse. Je suis exaucé, j'aurai ma stèle. Mon style me construira un
monument. On adorera ma statue. J’appelle mon chef d'œuvre Le Monstre.au réveil, mon alchimie
baudelairienne, tu m'as donné la boue et j’en fais de l’or, à la machine, je me transmute. Peut- être
ma parole sera d'or, si on m’apprécie à mon prix. Si j’ai un prix. En attendant, silence. Seules,
claquent, crépitent sans répit les touches, ma grenaille éclate. Je me fais la guerre, incessamment
me poursuis, me traque, je m’acharne contre moi. Moindres défauts de l’armure, j’y fourre la
glaise. À force de fouiller mes plaies, vers une heure, je suis cribléde blessures. Toutes mes
cicatrices rouvertes saignent ensemble. Écrire au bistouri me fatigue.»22
Dobrovsky a défendu son écriture et son genre, il affirme écrire à la fois son roman et son
autofiction pourtant qu’ils sont deux genres différents.il préfère employer l’appellation
récits auto fictifs ou œuvres auto fictives à ses romans.il utilise ainsi des autres expressions
qui faisaient des jugements sur le sujet:
« Ce concept d’autofiction pose, me pose des problèmes. Je l’avais défini:« fiction
d’évènements et de faits strictement réels .Il est évident que c’est une contradiction in extremis. Je
laisse les débats théoriques autour de cette notion. Ce qui m’intéresse c’est mon impression à la
relecture, comment ce texte sur lequel j’ai tellement travaillé est devenu tout à fait autre pour
moi»23. « […].Ma vie c’est un livre, un texte, il n’y a rien en dehors de ce texte qui est auto-
suffisant. C’est ce que j’appelle personnellement l’autofiction; on peut l’appeler comme on veut,
ce n’est pas le plus important.»24
Avec Dobrovsky l’autofiction représente l’Âge nucléaire de la littérature. Mais
d’autre coté les détracteurs de l’autofiction, certains trouvent un manque d’arguments, et
pour certains d’autres une déclaration d’échec.
Dobrovsky propose trois critères de l’autofiction :
 L’identité onomastique auteur, narrateur, protagoniste.
 L’emploi de la première personne «je».
 La littérarité.

En 1989 l’autofiction devient l’intime brisure de l’écriture dans Le Livre brisé. Et en


1999, elle devient la notion-phrase monstre du contemporain. Elle représente une catégorie
d’existence et n’est pas une catégorie textuelle car elle brise le livre.

22
Dobrovsky, Serge, un amour se soi, Paris, Galilée, 1982, P 74
23
Dobrovsky, Serge, écriture de soi et lecture de l’autre, Dijon, Edition universitaire de Dijon, 202, P.206.
24
Ibid., P212

32
Chapitre II: l’autofiction

A cause des débats qui s’éclatent sur l’autofiction, plusieurs livres deviennent
impressionnants:
«Prise au sérieux, doté d’une compréhension conséquente et reformulée dans ses principes
et ses moyens, cette mythomanie littéraire devient un instrument de lecture prodigieux. Tour à tour
macroscope et microscope, elle permet de reconsidérer des phénomènes d’écritures apparemment
marginaux de découvrir des plaisirs littéraires inconnus des émotions inédites. Une immense
perspective s’ouvre alors sur la littérature, quantité d’œuvres et d’écrivains, mal distribués entre
l’autobiographie ou le roman, entre la fantaisie et le factuel, apparaissent sous un jour nouveau,
révèlent des beautés propres une logique méconnue.»25
Elle a connu une popularité, que la notion dépasse carrément le sens qu’avait défini
Dobrovsky, puisque plusieurs écrits seront considérés comme des autofictions, mais en
réalité ils n’ont aucune relation avec la vision initiale de Dobrovsky, il est impossible de
considérer tous les romans autobiographiques, les romans traditionnels, et les
autobiographies comme des autofictions:
« Echappant à son inventeur, la formule s’est imposée pour désigner (et parfois à tort)
une certaine forme romanesque d’écriture de soi dont le protocole (de Guilbert à Ernaux et de
Ernaux à Angot) est devenu, au cours des vingt dernières années, l’un des modes dominants de
l’expression littéraire. Sur ce modèle, l’autofiction est généralement perçue comme la
manifestation emblématique de la nouvelle «ego- littérature» elle-même approchée comme un
phénomène spécifique du roman français fin- de- siècle se livrant aux jeux exaspérés d’un certain
exhibitionnisme psychologique.»26
L’autofiction devenue une aventure de l’intelligence, de connaissance, elle s’inscrit
dans les traces de Proust .l’autofiction existe ainsi au fond des écritures du je depuis
quelques décennies. C’est là que se sont conformées les constructions narratives originales.
Maintenant, Philippe Forest déclare qu’il faut laisser le néologisme pour parler du «roman
du je », pour lui, effacer le mauvais nom est la seule manière de « re-légitimer »le genre.
II.L’autofiction selon Vincent Colonna:
Pour Colonna l’autofiction est un phénomène complexe, qui relie un ensemble de
différentes pratiques, il ajoute aussi qu’elle est une transgression: ni un genre ni une forme.
Il présente une théorie qui nourrit les discussions sur le genre. il critique l’étude de
Dobrovsky, estimant qu’il n’a pas bien définir le néologisme.il a divisé l’autofiction en
25
Colonna, Vincent, Autofiction et autres mythomanies littéraires, Auch Cedex, 2ditions Tristram,
2004, P 13.
26
Forest, Philippe. Le roman, le JE, Nantes, éditions Plein Feux, 2001 , P 13.

33
Chapitre II: l’autofiction

quatre groupes mises au point par Dobrovsky: fantastique (Dante, Borges), intrusive
(Diderot, Balzac, Perec), réfléchissante (Rabelais, Sterne) et contemporaine (Dobrovsky
Angot ).
Les quatre types d’autofiction de Colonna:
 L’autofiction fantastique:

Dans ce type, le héros porte le nom propre de l’auteur, il devenu double nominal de
lui-même, plongé dans un autre univers fictif et dans une histoire invraisemblable. Le but
de ce type est de mettre en valeur, le comportement invraisemblable de l’histoire,
invraisemblance pour les lecteurs que les écrivains, une absence totale de relation entre le
récit fictif et la vie de l’auteur. Colonna avait donné comme un premier exemple Lucien
dans «Histoire véritable » Borges dans «L Aleph» où le personnage principal porte son
même nom, met le lecteur en présence d’un étrange objet (un Aleph) contenant le monde
tout entier.
Les procédés du fantastique relèvent parfois du grotesque, comme chez
Gombrowicz, ou du tragique, par exemple dans René de Chateaubriand.
 L’autofiction intrusive:

Dans ce type l’auteur narrateur n’est pas le héros de l’histoire, tout simplement c’est
une narration à la troisième personne, l’auteur ici raconte, regarde ou commente, d’une
intrusion de l’auteur qui interrompt le récit pour se manifester.
 L’autofiction réfléchissante (spéculaire):

Cette forme repose sur «un reflet de l’auteur ou du livre dans le livre»,sans que
l’auteur se trouve au milieu du livre comme dans l’autofiction autobiographique, il
personnifie un personnage secondaire dans son histoire. Dans Huckleberry Finn, par
l’exemple le narrateur- personnage désignait Mark Twain comme l’auteur un peu
affabulateur des Aventures de Tom Sawyer.
 L’autofiction contemporaine (biographique):

Colonna cherche à différencier ses écrits du roman biographique par le principe de


sincérité que par celui de la subjectivité. Cette forme se distingue par le nom propre de
l’écrivain dans l’histoire et la vraisemblance entre l’histoire et la vie réelle de l’écrivain, le
lecteur doit reconnaitre un mentir-vrai, ce modèle un double à son nom, mais avec une
grande liberté. Pour Colonna l'autofiction biographique est comme un masque qui couvre
34
Chapitre II: l’autofiction

la faiblesse des auteurs. Il confirme que ce procédé n’était pas nouveau, il existait déjà
chez Romain Gary, David Rousset, Genet, Céline…et même avant eux, comme chez
Colette, Aragon, Dante, Breton…Pour lui, de nos jours , on surélève ce genre, et il s’insère
dans cette direction lourde de notre époque vers un dévoilement de l’intime.
Le fait que le public était persuadé de lire une histoire réellement arrivée, et la présentation
de l’auteur lui-même comme un héros c’est le but de Colonna dans cette forme.il montre
comment Rousseau joua de cette ambiguïté et ses tactiques pour l’alimenter. Colonna voit
là une première fois, d’autres auteurs qui répètent avec ce même ambigu de sincérité et de
mauvaise foi, Goethe, en 1774, Chateaubriand en 1802, Byron en 1812. Historiquement,
c’est le moment où l’autofiction personnelle moderne se formée, avec plusieurs
appellations: «roman intime», «roman personnel», et «roman autobiographique». Il s’agit
d’une forte tendance de la littérature française : Corinne, Adolphe, Dominique, Le diable
au corps…

1. La vision des chercheurs et des auteurs :


Ses confirmations et ses explications sur l'autofiction sont en relation avec les genres
qui composent son nom. On trouve dans les livres de Serge Dobrovsky, la présence de
l’autofiction même s’il s’agit d’un récit de soi.
Pour les auteurs de l’autofiction, les livrent en marge de l’autobiographie se sont la
règle, tandis que les autres livres vérifiables deviennent des exceptions : « Qui raconte sa
vie la transforme fatalement en roman et ne peut déléguer de lui-même à l’intérieur du récit
le faux-semblant d’un personnage. Il faudrait dire "ma vie" n’existe qu’à condition d’être
déjà du "roman" et "moi-même", je n’y existe qu’à condition d'y figurer toujours d’un
personnage».
Dobrovsky dans son analyse dit :
«Par deux fois, j’ai essayé de commenter mes propres livres et de montrer la distance qu’il
peut y avoir entre l’autofiction et l’écriture plus directe et banale des mêmes épisodes. […]».27« Je
relie ces lettres, mais elles ne me reviennent pas. Je ne vois pas, je les lis comme les lettres d’un
autre. Donc, est ce que l’altération temporelle qui fait que vos propres textes vous échappent ? Que
vos lettres vous sont étrangères ? J’ai l 'impression que si on lit ce qu’on a écrit il y a vingt ou
trente ana, c’est comme un autre qui écrivait»28

27
Doubrovsky, Serge, écriture de soi et lecture de l’autre, op. Cité, p 202.
28
Ibid., p 205 ;

35
Chapitre II: l’autofiction

Il veut dire par cette citation que le "je" réel devient un être de fiction quand un
auteur raconte et analyse sa vie. Ce "je" mythique est à la fois réel et fictif. Roland Barthes
parle de ça dans son ouvrage :
« Mais je n’ai jamais ressemblé à cela. Comment savez-vous ? Qu’est-ce que ce vous
auquel vous ne ressembliez pas ? Où le prendre ? Où est votre corps de vérité ? Vous êtes le seul à
ne pouvoir jamais vos yeux, sinon abêtis par le regard qu’ils posent sur le miroir ou sur l’objectif,
(il m’intéressait seulement de voir mes yeux quand ils te regardent) : même et surtout pour votre
corps, vous êtes condamnés à l’imaginaire. La photographie : on ne lui renvoie que du figé, du
cristallisé, le pétrifié de l’identité. Le journal intime : on ne lui renvoie que du leurre, à moins que
l’essentiel ne vienne se lover dans les blancs, dans ce qui n’est pas dit».29
Les écrivains servent à bien décrire leurs histoires par la décortication de leur faits et
de leurs comportements pour qu’ils comprendre soi-même.
Philippe Gasparini définie l’autofiction comme «un développement projectif dans des
situations imaginaires»30 Gasparini parle de ce néologisme « l’autofiction» dans son essai
«Est-il je ?». Il affirme que le triple identitaire n’est pas une règle nécessaire :
« Pour que le concept d autofiction débouche sur la définition d’une catégorie consistante,
il faut sans doute dépasser le cadre étroit de l’homonymie. Pourquoi ne pas admettre qu’il existe
outre les noms et prénoms, toute une série d’opérateurs d’identification du héros avec l’auteur :
leur âge, leur milieu socio culturel, leur profession, leurs aspirations, etc.»31
Gasparini présente trois ordres d’argumentation :
 La protection que l’alibi fictionnel assure à l’écrivain.
 La supériorité artistique du roman sur l’autobiographie.
 La fonction cognitive de la fiction.

III. Les caractéristiques de l’autofiction :


 L’utilisation de la première personne du singulier par le pronom «je», et parfois
l’utilisation de la troisième personne.
 L’auteur raconte un ou plusieurs évènements de sa vie réelle d’une manière
fictionnelle.
 Les noms des personnages peuvent changés.

29
Barthes, Roland, Barthes, Seuil, 1975 , p «40
30
, est-il je ? Page. 25.
31
Gasparini, Philippe, Est-il je ? Roman autobiographique et autofiction. Ed du Seuil, Paris, 2004, p. 25

36
Chapitre II: l’autofiction

 La concordance entre le narrateur, le personnage principal et l’auteur.


 Dans l’autofiction l’auteur devient le miroir de sa vie dans son récit.
 Le personnage, qui est l’auteur lui-même apparait comme un être fictif.
 L’emploi d’un «je mythique»
 L’écrivain base sur sa vie ou sur un fait particulier de sa vie.
 Dans l’autofiction, on ne peut pas séparer le vrai du faux.
 Les personnages secondaires peuvent être des personnes réelles.
 la présence des éléments factuels, contrairement à l’autobiographie, ils ne
composent pas le cœur de l’histoire et ne suscitent pas d’abord et avant tout l’intérêt du
lecteur.
 Les actions rapportées dans l’autofiction ont été réellement vécus par l’auteur.
«l’autofiction n’a pas de valeur qu’à la condition de se constituer en une hétérographie, par
le désir et le deuil, écriture de l’autre, du réel et de l’impossible».
 L’emploi de la narration autodiégétique ; focalisation interne, et parfois la
focalisation externe, le cas de la troisième personne.
 L’autofiction peut être écrite au passé, au présent ou les deux au même temps.
 L’auteur se plait à jouer avec le passer et le présent par le biais de l’analyse.
«l’autofiction, c’est la fiction que j’ai décidé en tant qu’écrivain de me donner de moi-
même, y incorporant, au sens plein de terme, l’expérience de l’analyse, non point
seulement dans la thématique, mais dans la production du texte». L’histoire racontée
compris des réflexions ressemblant à des analyses et des critiques de l’auteur envers lui-
même ou envers la société.
 L’échange entre le passé et le présent, les pauses et l’analyse créent une
discontinuité dans l’histoire.
 On trouve dans l’autofiction une combinaison d’amertume et d’humour.
 L’existence des autres genres littéraires dans le récit autofictionnel appart
l’autobiographie et la fiction, tel que : le journal intime, la poésie…etc. puisque l’auteur
replonge dans des souvenirs tangibles

37
Chapitre III : Entre
autobiographie et
autofiction
Chapitre III : Entre autobiographie et autofiction

I. Entre autobiographie et autofiction :


Il est important de faire la distinction entre l'autobiographie et l’autofiction, Pour
comprendre si notre corpus agit d'une autobiographie où d'une autofiction.
La distinction entre les deux termes :
Le terme autofiction est composé de deux parties : d’un préfixe grec auto «soi-
même» et de fiction .À partir de ça, on peut dire que l'autofiction est le fait d'écrire sur
soi-même en utilisant la fiction .Ce néologisme créé pour la première fois par l'auteur
français Serge Dobrovsky dans son roman Fils, en 1977 :
« l'autofiction , c’est la fiction que j'ai décidé , en tant qu'écrivain , de me donner à moi-
même et par moi-même , en y incorporant , au sens plein du terme , l'expérience de
l'analyse , non point seulement dans la thématique , mais dans la production du texte. »32
L’autofiction peut considérer comme un genre littéraire contradictoire car, il réunit t
entre deux types de narration opposées : c’est un récit basé d’une part, comme
l'autobiographie sur le principe de trois identités. Elle rend le langage plus libre par l'usage
de la fiction au niveau des faits réels .alors ce genre peut considérer comme un mode de
passage entre la fiction et l'autobiographie. Elle est en quelque sorte fonctionnalisation de
l'expérience vécue, l'élément imaginaire joue dans ce cas un rôle très important .l'écrivain
utilise l'autofiction pour cacher certaines réalités de sa vie personnelle, pour protéger une
partie de son identité.
Philippe Lejeune définit l'autofiction comme un fil qui relie la fiction à
l’autobiographie c’est-à-dire que l'autofiction est un mélange entre le réel et fictif,
l'expérience et l'écriture, là le narrateur est présent comme personnage dans l'histoire qu'il
raconte.
Dans le roman autobiographique, le personnage est censé être le narrateur. Ce dernier
est l’auteur, mais ce critère n'indique pas que le texte est autobiographique.
En effet, le sujet de l'autobiographie doit être avant tout la vie intime, le processus
de la personnalité individuelle, qui est un point de départ de l’autofiction, où l'auteur
empreinte de l'imagination et il ajoute une retouches personnelle propre à son personnage
c’est-à-dire que l'auteur raconte sa propre vie, mais sous une forme plus romancée, avec
des noms modifiés et l’emploie par fois de la troisième personne

32
Serge Doubrovsky, Fils, Paris, Galilée, 1977

39
Chapitre III : Entre autobiographie et autofiction

p. Lejeune confirme qu’à côté de l'identité onomastique (auteur, narrateur, protagoniste), le


lecteur va jouer un rôle très important dans la détermination de l’autofiction : « pour que le
lecteur envisage une narration apparemment autobiographique comme une fiction, comme une
autofiction, il faut qu'il perçoive l'histoire comme impossible ou incompatible avec une information
33
qu'il possède déjà »
Par contre à l’autobiographie, le narrateur n'est pas obligé de rester fidèle à
l’authenticité, ni à l'égalité entre le nom protagoniste, du narrateur et celui de l’auteur, en
faisant de lui un personnage imaginaire c’est à dire qu’il va choisir une partie de sa vie où
il va la développer.
Laurent Jenny avec «l’autofiction référentielle » déclare que :
«L’autofiction serait un récit d’apparence autobiographique mais ou le pacte
autobiographique (qui rappelons le affirme l’identité de la triade (auteur –narrateur-
personnage) est faussé par des inexactitudes référentielles.»34
Tout Cela mène à un schéma, dont «biographie »qui est la première matière
d’inspiration, occupe toujours le centre, et représente le noyau de tout travail
autobiographique, puis autofictionnel, et point de départ.
L’autobiographie et la fiction :
L’autobiographie est une fiction qui s'ignore une fiction naïve ou hypocrite, qui
n'a pas conscience ou n'accepte pas d’être fiction .elle s’inscrit dans le champ de la
connaissance historique et dans le champ de l’action autant que dans le champ de la
création athéistique. Elle est un acte qui a des conséquences réelles. Alors on peut
dire que l’autobiographie n’est qu’une fiction produite dans des conditions
particulières. Elle pose fatalement des problèmes éthiques ; et dans la mesure où elle
est littéraire, elle prétend viser à la fois le beau et le vrai.
Une fiction exprime toujours mieux que ne le ferait une autobiographie, la vérité
individuelle profonde de son auteur.

33
Lejeune. Ph. moi aussi, Paris, Ed, du seuil, coll. « Poétique » 1986. p 65 ? Cité par Gasparini, p 25 ;
34
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/méthodes/autofiction/afintegr.htm. Consulté le
23 /08 /2020 à 17 : 48

40
Chapitre IV :
La Narratologie
Chapitre IV: La Narratologie

I. Narratologie :
La distinction entre ces trois concepts fondamentales : l’histoire, le récit et la
narration est le premier point de départ pour acculer l’apport de la narratologie .l’histoire
qui représente un ensemble des évènements et des faits passés racontés par un narrateur,
pour obtenir dans la représentation finale un récit. De fait, la narratologie est une science
de la narration et une discipline qui étudie le narrateur et toutes formes de récit, lui-même
composé d’une histoire narrée.
Pour étudier le discours du récit, il faut dégager les principaux composants du texte.
Aussi, distinguer les relations entre le récit, histoire et la narration. Ces dernières résident
dans les quatre catégories analytiques : le mode, l’instance narrative, le niveau et le temps.

II. L’origine et fonction :


Gérard Genette base dans ses travaux sur les recherches allemandes et anglo-
saxonnes, ses travaux représentent un renouvellement de critiques narratologiques. On
trouve dans toute analyse sémiotique deux caractéristiques : la première, s’intéresse aux
récits entant qu’objets linguistiques indépendants ; la deuxième, sert a afficher une
structure de base, identifiable dans certains récits.
Selon Genette, tout texte laisse des traces de la narration, dont l’examen permettra
d’établir précisément l’organisation du récit. La narratologie considère comme une base
solide complémentaire des autres recherches en sciences humaines, comme la sociologie,
l’histoire littéraire, l’ethnologie et la psychanalyse.

III. Le mode narratif :


Pour bien écrire un texte, on utilise des techniques de présentation de l’histoire qu’on
va raconter pour la rendre réelle et vivante.
Pour Genette : « le récit ne représente pas une histoire (réelle ou fictive), il la
raconte, c’est- à- dire qu’il la signifie par le moyen du langage […]. Il n’y a pas de place
pour l’imitation dans le récit […]. »35
Voici ces techniques et ses composantes :

35
Genette, 1983:29

42
Chapitre IV: La Narratologie
1. La distance :
Elle présente le statut du narrateur, c’est à dire la distance entre le narrateur et
l’histoire, d’autre terme le degré d’implication et de la précision du récit et l’exactitude des
informations véhiculées. Il existe quatre types de discours qui révèlent la distance entre le
narrateur et le texte :
a. Le discours narrativisé : le narrateur traite toutes les actions et les
évènements comme un simple évènement, en trouve généralement ce discours dans les
sujets de la mort, de chagrin…le narrateur donc est (++distant).
b. Le discours transposé, style indirect : les paroles du personnage et le
passage transformés par le style propre du narrateur, il utilise une conjonction de
subordination, généralement «que» le narrateur est donc (+distant).
c. Le discours transposé, style indirect libre : les paroles et les actions du
personnage sont transformées sans l’utilisation de la conjonction tel «que», il utilise les
deux points, le narrateur est donc (-distant).
d. Le discours rapporté : les paroles du personnage sont citées complètement
par le narrateur, il est donc (--distant).

2. Fonctions du narrateur :
Gérard Genette découvre cinq types de fonctions du narrateur qui donnent le degré
d’intervention du narrateur au cœur de son récit :
A. La fonction narrative : cette fonction existe dans tous les récits, soit le narrateur
présent ou non dans l’histoire, on appelant ça l’impersonnalité.
B. La fonction de régie : le narrateur implique cette fonction lorsqu’ il interprète
l’organisation et l’articulation de son récit en intervenant au sein de l’histoire (implication).
C. La fonction de communication : dans cette fonction, le narrateur s'adresse
directement au lecteur afin d’établir le contact avec lui (implication).
D. La fonction testimoniale : le narrateur atteste la vérité de son histoire, son
affirmation dans les évènements, ses sources d’informations…cette fonction exerce lorsque
le narrateur exprime ses sentiments par rapport à l’histoire, la relation narrateur/histoire
(implication).
E. La fonction idéologique : le narrateur finit son histoire pour apporter un savoir
général qui concerne son récit (implication).

43
Chapitre IV: La Narratologie
On peut dire donc que l’expression du mode narratif liée à différents degrés, selon la
présence ou l’absence du narrateur dans son récit. Ces effets de distance entre l’histoire et
la narration permettent aux lecteurs d’évaluer l’information narrative.

IV. L’instance narrative :


On parle ici sur :
 La voix narrative (qui parle?),
 Le temps de la narration (quand raconte- t- on, par rapport à l’histoire?),
 La perspective narrative (par qui perçoit-on?).

L’instance narrative joue le même rôle du mode narratif, elle permet au lecteur de
bien comprendre les relations entre le narrateur et l’histoire à l’intérieur du récit.

1. La voix narrative :
On pose la question : «est ce que le narrateur est présent dans l’histoire ou non?»
On distingue deux types de récits :
 Homodiégétique : le narrateur est présent dans l’histoire comme personnage, on
trouve les pronoms (je, me nous, notre….).
 Hétérodiégitique : le narrateur est absent de l’histoire qu’il raconte.

Lorsque le narrateur raconte sa propre histoire, ici il devient le héros de l’histoire, en


appelant ce type auto diégétique.

2. Le temps de la narration :
On pose la question : «quand raconte- il l’histoire ?»
Genette présente quatre types de narration :
a. La narration ultérieure : le narrateur raconte une histoire qui passe, c’est à dire ce
qui arrivé dans un passé plus ou moins éloigné.
b. La narration antérieure : le narrateur prévoit ce qui sera arrivé dans un futur plus ou
moins éloigné. Ces narrations prennent la forme des rêves ou de prophéties.
c. La narration simultanée : le narrateur raconte l’histoire au même temps où elle
produit.
d. La narration intercalée : cette narration est complexe, entre les deux narrations
ultérieure et simultanée.
44
Chapitre IV: La Narratologie
3. La perspective narrative :
Gérard Genette appelle cette dernière la focalisation. « Par focalisation, j’entends
donc bien une restriction de "champ", c’est- à- dire en fait une sélection de l’information
narrative par rapport à ce que la tradition nommait l’omniscience […].» (1983 : 49) c’est
une distinction entre la voix et la perspective narrative, d’autre terme une question de
perception : la personne qui perçoit n’est pas nécessairement la personne qui raconte et
l’inverse.
Il y a trois types de focalisations :
a) La focalisation zéro : le narrateur en sait tous, les pensées, les sentiments, les
actions… des personnages. C’est «un narrateur Dieu» ou omniscient.
b) La focalisation interne : le narrateur en sait autant que le personnage focalisateur, il
parle seulement du personnage et pas de ses sentiments, il filtre les informations qui sont
fournies au lecteur.
c) La focalisation externe : le narrateur en sait moins que les personnages. Il décrit
seulement ce qu’il voit (une description des faits ou des gestes) c’est comme une caméra.

Les caractéristiques de la perceptive narrative sont comme celles de l’instance


narrative, permettent de clarifier les mécanismes de l’acte narratif et de choisir les
méthodologies par l’auteur pour rendre compte de son récit.

V. Les niveaux :
Ou les emboîtements, le narrateur peut insérer dans son histoire principale, d’autres
petits récits enchâssés racontés par d’autres narrateurs, avec d’autres perceptives
narratives.

1. Les récits emboîtés :


On distingue deux niveaux :
 Niveau extra diégétique : le narrateur est à l’extérieur de l’histoire qu’il raconte
à la première fois, la narration du récit principal se situe à ce niveau.
 Niveau intra diégétique : le narrateur est un personnage présent dans son
histoire et il prend la parole pour la racontée.

Voici un tableau qui résume les niveaux narratifs dans un récit :

45
Chapitre IV: La Narratologie

Les niveaux narratifs dans un récit

Objets Niveaux

Intrigue principale Extra diégétique

Histoire Intra diégétique


événementielle

Acte de narration Intra diégétique


secondaire

Récit emboîté Méta diégétique

2. La métalepse :
C’est le changement dans les niveaux, en d’autre terme la transgression de la
frontière entre les deux niveaux (extra diégétique et intra diégétique), pour brouiller
délibérément entre réalité et fiction. C'est le cas où un narrateur situé dans un niveau, puis
il se trouve dans un autre niveau. «Tous ces jeux manifestent par l’intensité de leurs effets
l’importance de la limite qu’ils [les auteurs] s’ingénient à franchir au mépris de la vraisemblance,
et qui est précisément la narration elle-même ; frontière mouvante mais sacrée entre deux
36
mondes : celui o l’on raconte, celui que l’on raconte.»

VI. Le temps du récit :


On pose la question :
Quelle est la position temporelle du narrateur par rapport aux faits racontés?
Le temps du récit se trouve entre la narration et l’histoire.
Pour étudier le temps du récit, il faut employer des techniques pour que les
narrataires peuvent identifier les éléments narratifs jugés prioritaires par les auteurs, et
d’observer l’organisation et la forme du texte. Ces techniques sont :

36
Genette : Narratologie /Signo-Théories sémiotiques appliquées, 1972. 245

46
Chapitre IV: La Narratologie
1) L’ordre du récit,
2) La vitesse narrative,
3) La fréquence événementielle

1. L’ordre :
L’ordre est la chronologie des actions et des événements dans l’histoire principale et
leur disposition dans le récit. Le narrateur peut raconter les faits dans leur chronologie
réelle, comme il peut les raconter dans le désordre.
Genette nomme ce désordre chronologique l’anachronie. On distingue deux types
d'anachronie :
 L’analepse : le narrateur raconte un événement qui se passe avant le moment
présent de l'histoire principale.
 La prolepse : le narrateur prévoit ce qui va se passer après la fin de l'histoire
principale.

On peut observer les prolepses et les analepses selon deux types : la portée et
l'amplitude. «Une anachnonie peut se porter, dans le passé ou dans l'avenir, plus ou moins loin du
moment "présent", c'est-à-dire du moment où le récit s'est interrompu pour lui faire place : nous
appellerons portée de l'anachronie cette distance temporelle. Elle peut aussi couvrir elle-même une
durée d'histoire plus ou moins longue : c'est ce que nous appellerons son amplitude.»37

2. La vitesse narrative :
Nous entendons par là, la durée de présenter des faits historiques soi au théâtre ou
dans les écrits littéraires, le narrateur peut accélérer ou ralentir lorsqu’ il raconte les
événements de l'histoire. Il peut décrire toute une vie d'un homme dans une seule phrase,
comme il peut raconter des faits survenus en vingt-quatre heures en centaine pages.
On distingue quatre mouvements narratifs (1972 : 129). (TR : pour dire temps du
récit, TH : pour dire temps de l'histoire) :
a) La pause : TR=n, TH=0 : suspendu l’histoire événementielle pour laisser la place
au seul discours narratorial, exemple : les descriptions statiques.
b) La scène : TR=TH : le temps du récit correspond au temps de l’histoire (au même
temps), exemple : le dialogue.

37
Ibid. P89

47
Chapitre IV: La Narratologie
c) Le sommaire : TR<TH : un passage de l’événement historique est résumé dans le
récit (une accélération).
d) L'ellipse : TR=0 ; TH=n : un passage de l’histoire est tout sauvegardé dans le récit.

Ces quatre types de vitesse narrative peuvent se combiner entre eux : une scène
pourrait elle-même contenir un sommaire.

3. La fréquence événementielle :
Ou la fréquence narrative, c’est la dernière notion pour l’analyse du temps du récit.
Elle présente la relation entre le nombre des événements dans l’histoire et le nombre des
fois qu’ils se répètent dans le récit. « Entre ces capacités de "répétition" des événements
narrés (de l’histoire) et des énoncés narratifs (du récit) s'établit un système de relations que
l’on peut a priori ramener à quatre types virtuels, par simple produit des deux possibilités
offertes de part et d’autre : événement répété ou non, énoncé répété ou non.» (1972 : 146)
Ces quatre possibilités ont quatre types de relations de fréquence, qui se résument en
trois modes :
a) Le mode singulatif : 1R/1H : On raconte une fois ce qui s’est passé une fois.

10R/10H : On raconte dix fois ce qui s’est passé dix fois.


nR/nH : On raconte n fois ce qui s’est passé n fois.
b) Le mode répétitif : nR/1H : On raconte plusieurs fois ce qui s’est passé une fois.
c) Le mode itératif : 1R/nH : On raconte une fois ce qui s’est passé plusieurs fois.

Voici un tableau résume la synthèse de la typologie narratologique de Gérard


Genette :

48
Chapitre IV: La Narratologie
I. Synthèse de la typologie narratologique de Genette

Catories Éléments Composantes


Analytiques D’analyse

Discours Discours
Discours
rapporté transposé, style Discours
La distance transposé, style
indirect narrativisé
indirect libre
Le mode
narratif

Les fonctions du Fonction Fonction Fonction de Fonction Fonction


narrateur narrative de régie communication testimoniale idéologique

La voix narrative Narrateur Narrateur


Narrateur autodiégétique
homodiégétique hétérodiégétique
Narratin
Le temps de la Narratin Narratin Narration
antérieue
narration ultérieue simultanée intercalée

L’instance
La
narrative La perspective La focalisation
focalisation La focalisation
narrative interne
zéro externe

Les récits emboîtés


Intra-
Méta- Méta-Méta-
Extra-diégétique diégétique
diégétique diégétique
Les
niveaux
narratifs
La métalepse

Transgression des niveaux narratifs

49
Chapitre IV: La Narratologie
L’ordre L’analepse
La
La portée L’amplitude
prolepse

La vitesse Le
La pause La scène L' ellipse
Le temps narrative sommaire
du récit

La fréquence Mode
Mode
événementielle singulatif Mode itératif
répétitif

50
Partie pratique

51
I. Analyse du roman :
Maïssa Bey raconte la vie d'une femme algérienne qui a connu les pires affres de la
vie depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte. En effet, enfant, elle a dû souffrir d'une
maltraitance qui ne dit pas son nom de la part de mère. Ensuite, écolière, elle a fait face à
des remarques désobligeantes sur son faciès car elle n'était pas belle.
Ainsi, toute la société a commencé par sa mère, ses camarades de classe et plus tard
son mari, lui-tend un miroir lui renvoyant son image peu flatteuse, peu reluisante. Tout
cela prépare l'acte ignoble qu'elle commettra sur la personne de son mari.
« J’ai tué un homme.
J’ai tué un homme qui.
Mais peu importe qu’il était. Ou ce qu’il a fait.
C’était un homme…je n’ai rien à dire de plus pour l’instant.
J’aurais voulu ne plus avoir à en parler .je croyais en avoir fini avec ça.
J’ai purgé ma peine.
Pour moi, dans ce mot «peine» il n’y a ni douleur ni chagrin. Pas non plus de
regret .rien d’autre qu’un sentiment de paix, une plénitude qui m’envahit chaque matin
quand j’ouvre les yeux». Page17.38

l'auteure a ainsi assemblée tous les ingrédients menant à l'acte fatal à savoir
l'assassinat de son mari, pour lequel , elle ira 15 ans derrière les barreaux ou un autre
monde n'est révélé un monde de femmes et y ayant échouer pour différentes raisons, entre
autre : crime, drogue…cette panoplie de femme est l'occasion pour l'écrivaine de montrer
la femme sous toute ses couleurs. Sans oublier qu'à cette gamme s'ajoute l'écrivaine
personnage . Ainsi le lecteur est convié, à un éventail de comportements et d'attitudes
rendant possible de répondre à la question qu'est-ce que la femme ? bien s re dans un
milieu algérien, il y a différentes catégories : la femme soumise, la femme résignée, la
femme émancipée, ouverte et la femme anonyme.
Pour servir la cause de ce roman, c’est-à-dire l'analyse de la femme sous tous ses
aspects, elle a choisi trois personnages femmes à savoir la narratrice que nous désignorant
dorénavant par la criminelle, ensuite, l'écrivaine «Farida». Chacune d'elles incarnant un

38
« Nulle autre voix » p 17
statut de la femme, une psychologie pour tout dire une identité. Les mains font parties de
l'identité de la femme : main qui caressent (l'écrivaine), mains qui travaillent (sa mère).
Quant à la mère, elle est l'image de cette femme algérienne infatigable, courageuse,
travailleuse sans rechigner s'occupe du mieux qu'elle peut de ses enfants même si elle lui
arrive de témoigner une certaine colère car il lui arrive de s'emporter à cause des travaux
ménagers qui ne finissent pas. Pour faire l'économie des cris et de la parole, elle a dressé
ses enfants à ne comprendre parfois rien qu’à regard.
Parfois, son intonation suffit à passer le message qu'elle veut, par exemple
l'intonation douce avec les femmes clientes aisées, son timbre change quand l'appartenance
social change, elle est plus dure avec les femmes de bas condition et aussi lus sévère avec
sa fille. « Ma mère n criait pas. Elle n'avait pas besoin de crier. Tout était dans
l'intonation, dans le regard aussi. Quand la colère montait, elle décochait des mots qui
atteignaient leur cible et se fichaient dans le vif de la mémoire». P2339
La narratrice c'est celle-là qui nous guide dans sa quête de cette femme
algérienne, en étant elle-même un spécimen féminin qui a fait une transition en trois
moments : avant le crime, pendant le crime et après le crime.
Avant le crime, elle n'a rien à envier à sa mère, elle était aussi plongé dans le
silence, à obéir au doigt et l'œil fille résignée comme un peu les filles de sa génération
sauf que l'école l'a un peu corrompue, l’a préparant au refus de la docilité de courber
l'échine et de ce qui arriver une fois devenue adulte, en effet, si elle a accepté sans
discuter le mari qu'on lui choisit et s'était l'unique personne à se présenter car elle était
laide.
Cependant, dans son silence il y a un orage qui se prépare. Ce calme apparent cache
une âme qui bout et qui attend le moment opportun pour retrouver sa liberté, mais cela ne
peut se faire qu'en transgressant l'ordre établi à savoir que toute femme doit obéissance à
son mari. En effet, et en choisit le chemin de la liberté, elle a accepté le prix à payer car
elle n'ignore pas que tuer aboutit inévitablement à la prison et à être honnie de tous,
maudite, non seulement elle a accepté à relever le défi, mais elle était impatiente de réaliser
son dessein, elle est alliée jusqu'à tuer son mari de sang-froid. Son acte était préméditée,
elle a pesé le pour et le contre, elle a bien analysé la situation et s'est rendu compte que son
mari adoptait comme de coutume une position qui peut tenter un assassin potentiel y
comprit. Elle qui a trouvé la chose facile car lui donnant de dos, il se fragilise et se fait la

39
Ibid., p 23
victime toute désignée. Il lui était plus facile de tuer que les préparations qu'elle aurait pu
méditer. En effet, trois coups ont suffi pour que le mari s’écroule (trois coups rappellent les
trois coups célèbres du théâtre annonçant la levée ou le baisser du rideau, mais le cas de
son mari c'est plutôt le baisser du rideau qui ne se relèvera plus car il est allé de l'autre
côté du regard. Elle s'est allégée du fardeau d'un mari encombrant même dans les situations
les plus séduisantes. En effet, s'était un mari qui ne lui a jamais donné la jouissance seule
raison après celle d'avoir des enfants, de se marier.
La narratrice semble incarner l'espoir d'une femme affranchie de cette morale
séculaire l'a rendant prisonnière de sa condition de femme, après la prison où elle a fait un
autre apprentissage sur la femme à travers toutes les autres prisonnières dont chacune a un
mobile d'être là, elles font étal de la femme tel qu'elle sans subterfuge, sans artificialité, la
prison est un lieu où la femme se met à nu. Elle brise tous les tabous et les interdits. Sa
langue se délie, il n y a plus de mots à bannir tous les mots sont les bienvenus même les
triviaux. Dans ce lieu, elle découvre pur une fois des femmes, ne serait-ce une, les femmes
franches, nobles (mot apprendre avec les pincettes), digne de respect et même d'amour à
l'image de Nassima qui est devenue sa copine. «Elle c'était Nassima.» P7940
« Son magnétisme naturel, ses reparties, son sens de l’humour et son insolence l’ont
imposée à la tête de tous les clans. Elle n’avait peur de rien ni de personne. » 41

Elle nous fait découvrir une autre femme Yasmine dont le nom évoque une fleur très
odoriférante d'un parfum esquisse, malheureusement elle a échoué en prison.
Nassima représente la femme possessive, agissant comme la femelle d'une bête
quand une autre femme rode autour de son mari.
Une représente des droits des femmes était venu la voir pour l'interroger sur les
raisons de son crime pour pouvoir dresser un plaidoyer en sa faveur auprès de sa fondation
afin de l'appuie si possible auprès du tribunal. Cette représentante fut un personnage
fugitif.
À son retour de prison, tous les voisins la regardaient à la dérobée, elles rivalisent de
férocité pour tisser des commérages à son endroit, seul la femme de ménage « Fatiha»,
acceptait de lui parler avec le respect dû à une personne mais, le mobile réel de ce

40
Ibid., p 79
41
Ibid., p 80
rapprochement et de témoignage de compréhension réside dans le fait de partager le même
malheur (avoir un mari violent) mais avec de manière différente de le régler.
Si la narratrice a choisi la manière ultime c’est- à- dire donner la mort de son mari, la
femme de ménage a choisi la manière légale c’est-à-dire abandonner de son mari.
(L’ennemie de mon ennemie est mon ami).
La narratrice a eu la chance d'être lettrée ce qui a fait que les prisonnières ont besoin
d'elle pour leurs correspondances et même pour apprendre un peu le français. Ainsi, elle a
dû son salut à son savoir pour dire que l'émancipation de la femme passe par le savoir et
c'est là justement le rôle attribué à l'invité de dernière heure c’est-à-dire l'écrivaine, image
par excellence de la femme épanouie en raison de sa culture. En effet, l'écrivaine est la
dernière arrivée des personnages du roman. Elle est venue usant du pour lequel sont
réputés les personnes d'un niveau intellectuel important. Sans savoir lui a permet de trouver
la brèche dans son dispositif qui a tenu jusqu'au la devant les plus rudes épreuves. En effet
ce qu'elle tenait secret devant les autres, elle a fini par l'avouer non seulement cela, elle a
fini par tisser des relations sentimentales mais, ne s'expriment pas encore quelque chose
empêchait cela d'abord, le respect qu'elle a pour les personnes maîtres d'elle-même et de
leurs langages surtout.
« Les couleurs de ses vestes ou de son manteau. Souvent dans le gris ou l
écru. Relevées par des écharpes fluides et colorées.»42 P 39
«Elle gare sa voiture toujours à la même place, juste en face de l’immeuble. Comme la
rue n’est pas très fréquentée, elle n’a aucun mal à la retrouver. Et, pour elle, cela doit
faire aussi partie des rituels.»43 P 39
Ensuite, ce n'est pas encore le moment de se dévoiler. Autant, elle lui fournit les
informations avec parcimonie, autant elle s'épanche de sentiments d'une manière modérée.
Au fil des jours, il s'est créé une amitié entre elle et l'écrivaine, amitié autorisant
l'écrivaine à l'inviter à faire ce qu'elle n'a pas fait depuis sa sortie de prison et son retour à
la maison c’est-à-dire s'offrir une promenade dans la nature où elle a senti à la première
fois la brise de la mer .«J’ai fait quelque pas sur le bas-côté puis j'ai escaladée sentier un
peu abrupt pour me retrouver face à la mer»44.P’44
«Nulle autre voix» est émaillée de style épistolaire. En effet, il compte quatorze lettres
adressées par la narratrice à l’écrivaine. Ce choix est motivé par la liberté que permet la
42
Ibid, p 39
43
Ibidem
44
Ibid , p 44
relation médiatisée, c'est-à-dire, n'étant plus sous le regard gênant dus vis-à-vis la langue se
délit et on fait des confidences garsées jusque-là jalousement.
La criminelle consacre la première lettre pour exprimer ses sentiments et tout ce qu’elle a
vécu dès son retour à son appartement après quinze ans de prison :
«Je devais chercher les mots pour dire l’horreur de l’acte que j’ai commis. Combien de
fois avez-vous dû prendre sur vous pour dissimuler votre dégoût, votre pitié, mais aussi votre
peur ? Comment peut-on ne pas avoir peur d’une femme aussi dangereuse que moi ? Folle,
monstre d’insensibilité, bourreau, choisissez le terme qui convient. Vous êtes le mieux à même de le
faire.»45 p 37
Dans la deuxième lettre, elle parle de l’absence de l’écrivaine pendant une semaine,
absence par ailleurs prévue ce qui met en relief l'attitude irréprochable de l'écrivaine ce qui
n'est vraiment pas le cas de la narratrice. Elle a été très affectée par cette absence.
« Voilà plus d'une semaine que vous n'êtes pas venue. On va faire une pause, m'avez-
vous annoncé»46 P42.
Elle fait savoir à l'écrivaine qu'elle connait bien le village natal où vivait la grand-
mère de celle-ci. Ce village était le même où elle a séjourné quelques jours avant d'être
enfermée. « Je connais ce village pour y avoir séjourné quelques jours seulement avant …
avant d'être enfermée»47 P43.
Dans la troisième lettre, la détenue parle de son enfance en particulier sa mauvaise
relation avec sa mère qui était une mère très sévère, stricte et autoritaire qui cesse de
rappeler qu'elle était moche si bien que personne n'en d’elle, même remarque que lui font
ses camarades de classe et plus tard son mari, premier et unique prétendant à cause
justement de sa mocheté. Pour sa mère c'était une aubaine à ne pas rater.
Dans la quatrième lettre, la détenue raconte sa vie avec son époux toujours sur son
ergot ne la privant pas de gifles à tout bout de champ. Il était très violent et n'a jamais
exprimer ses sentiments à son épouse.
Dans la cinquième lettre, la criminelle va parler de sa copine de prison Nassima qui
est condamnée à huit ans. «Elle, c'était Nassima.», une bouffée d'oxygène comme son nom
l'indique dans ce monde impitoyable pour notre héroïne.
«C’est la femme dont j'ai été la plus proche pendant mes années de détention»48.P79.

45
Ibid., p 37
46
Ibid, p 42
47
Ibid, p 43
48
Ibid., p 79
Dans la sixième lettre, la criminelle parle de ses jours lorsqu' elle était en prison.
Dans les autres lettres restantes, elle va parler de son passé, puis elle va raconter et
décrire dans son journal intime le jour de son crime en évoquant tout ce qui arrive après.
II. Analyse autobiographie :

Dans cette partie nous montrons si nous pouvons classer le roman «Nulle autre voix»
dans la colonne des autobiographies.
Le roman «Nulle autre voix » est écrit à la première personne du singulier « je»
exemple :
« Je referme la porte du salon sans éteindre la lumière. Je repars vers la cuisine. Je me
lave les mains. Plusieurs fois.je tire une chaise.je m'assois. Droite. Les mains sur les
genoux et les yeux grands ouverts.je n'ai rien d'autre à faire qu’attendre. Le lever du
jour»49.P13
La prédominance du pronom «je», est l'une des caractéristiques de l'autobiographie.
Mais pour arriver à dire que cette écriture est une écriture autobiographique, il faut qu'il y
ait identité du nom entre (auteur, narrateur, le personnage principal).
Selon Philippe Lejeune :
«L’autobiographie est un récit en prose qu'une personne réelle fait de sa
propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur
l'histoire de sa personnalité».50
À partir de cette définition, nous pouvons dégager trois points essentiels :
 L’autobiographie est en prose.
 l'auteur correspond au narrateur.
 Le sujet traité est la vie intime.

Si nous appliquons cette structure de Philipe Lejeune à notre corpus Nulle autre voix,
nous trouverons qu’il n y a pas lieu de pacte autobiographique parce qu'il n'y pas d'identité
entre l’auteur, narrateur, et le personnage principal (protagoniste) :( bien qu'il y ait sur le
plan onomastique un rapport anagrammatique entre le pseudonyme -qui par ailleurs
n'altère en rien le statut autobiographique du roman- Maïssa, Yasmina et Nassima, il n'en
demeure pas moins que l'histoire et fictive ,il n'est dit nulle part que l'auteure a fait de la
prison.
Nous savons que le sujet de l’écriture autobiographique doit être principalement la
vie individuelle, la genèse de la personnalité. Cela veut dire que le sujet met surtout
l'accent sur l'individualité de celui qui raconte sa propre histoire. Dans« nulle autre voix»,

49
Ibid., p 13
50
Le pacte autobiographique, Philippe Lejeune
ce critère (identité) est totalement absent car la narratrice est elle-même le personnage
principal, mais l'auteure Maïssa Bey ne raconte pas sa propre vie dans ce roman,
automatiquement nous ne pouvons pas classer le roman « Nulle autre voix» de Maïssa Bey
dans la colonne des autobiographies.
Bref, la tentative de soumettre ce roman à une approche autobiographique s’avère
infructueuse tant ce roman porte l’empreinte d’une manipulation du personnage et des
circonstances ; en effet, l’écrivaine a des allures de pantin tant elle est réglée dans ses
attitudes et jusqu’ aux mouvements du corps, elle arrive à la même heure, faisant les
mêmes gestes :
« Elle arrive toujours à la même heure, en début d’après-midi. Elle a quelques fois à la main
une petite boite de pâtisserie blanche entourée d’un ruban rose. Elle connait mes gouts
maintenant : mille-feuilles ou éclair au chocolat. Elle sonne. Puis, debout sur le pas de la porte,
elle hésite toujours un bref instant avant de m’embrasser, je ne sais pas trop pourquoi. Elle attend
que je l’invite à entrer.»51 P 49
Cela nous impose à prendre une autre orientation, celle de l’autofiction.

51
Ibid., p49
III. Analyse de l’autofiction :
Nous avons montré brièvement que « Nulle autre voix »n’est pas une autobiographie
mais plutôt une autofiction.
Nous allons maintenant soumettre notre corpus au critère définitionnel de
l’autofiction tel qu’annonce dans la partie théorique. Il est aisé de relever l’utilisation du
« je » qui jalonne tout le roman depuis la première phrase « je dis »52P 11. Donc il satisfait
à la première caractéristique exigée.
Par ailleurs l’auteur raconte des moments de sa vie en nous brouillant certaines pistes
qui s’apparentent aussi de la fiction.
Si avoir été enfant, avoir eu une mère, un père, un frère et avoir été à l’école peuvent
être perçus par le lecteur comme étant des faits réels, avoir tué son mari être criminelle est
difficile acceptable pour un auteur, ainsi on ne peut le mettre que sur le compte de la
fiction. Ainsi l’auteur semble expérimenter un soi possible. Elle semble même élargir la
chose à plusieurs soi possible en choisissant plusieurs personnages féminins. Certes,
parlant des conditions de vie faites aux femmes ce choix s’impose, mais elle est femme
donc elle aurait pu être toutes celles dont elle parle. Et, expérimentant les différents soi,
elle ne peut que passer par la psychanalyse puisqu’il s’agit de cerner l’identité de ces
femmes devenu types ou cas comme elle le dit pour elle d’abord. Elle a d’ailleurs même
fait référence à Freud.
Ces femmes sont identifiables grâce d’abord à leurs noms qui semble en
contradiction avec leur état de rébus de la société : qui s’appelle Nassima c’est une brise,
veut léger et doux, qui s’appelle Yasmina, fleur odoriférante.
Cependant, elles sont toutes incarcérées pour différentes raisons justiciable : bagarres,
drogue, prostitution.
L’auteur part dans la peau de son héroïne à qui elle a fait faire un crime pour justifier
sur emprisonnement pour une longue durée et avoir un temps suffisant pour bien les
connaitre.
On sent qu’elle est sortie avec la conclusion qu’elles sont toutes victimes de
l’éclatement des cadres qui autrefois protégeant l’individu.
L’auteur nous floue sur la concordance entre elle, son narrateur (narratrice) et son
personnage. On a même pensé qu’elle a intervertit les rôles. Elle a donné sa véritable
fonction dans sa vie à un autre personnage, l’écrivaine et elle a endossé le rôle de la

52
Ibid., p 11
coupable du meurtre par souci peut être de déontologie ou de vérité de ses propos aux
yeux de son lecteur. En effet ce qu’elle dit est vrai puisqu’elle a eu une expérience
personnelle et pendant une très longue durée. Ce souci de vérité qui recoupe avec
l’autobiographie est tout de suite démenti par ce qui est généralement admis à savoir
qu’une écrivaine n’est pas une personne qui fait de la prison. Ça aurait été possible si elle a
gardé par devers soi le rôle d’écrivaine, mais elle s’est muée en employée de bureau,
simple agent susceptible de fauter. Ce rôle qu’elle s’est donné, s’il ôte le caractère de
vérité, augmente le capital de fiction.
Notons aussi que contrairement à l’autobiographie qui raconte les faits suivants une
chronologie rigoureuse depuis l’enfance jusqu’au moment de l’écriture, ce roman
autofictionnel opère des choix dans les éléments qu’il raconte sans se soucier de la
chronologie, les va et vient du passé au présent et du présent au passé sont fréquents,
rendant l’histoire racontée un puzzle à réordonner par le lecteur qui se voit obligé de
s’arrêter par moment pour revenir un peu en arrière pour retrouver son chemin, s’assurer
qu’il s’agit du même personnage ou d’un autre, notons au passage que les personnages
secondaires de l’autofiction peuvent avoir vraiment existé.
D’ailleurs certain lecteurs se sont reconnus dans certains romans et sont même allés
déposer plainte contre l’auteur si bien qu’on a d sortir une loi protégeant les auteurs des
romans d’autofiction.
L’autofiction est appréciée par le lecteur pour ce côté fictif, ainsi les éléments
factuels ne l’intéressent pas vraiment. Tout est dans le génie d’imaginer des faits dignes
d’intérêt.
Le lecteur ne s’arrête pas au personnage de la concierge, de la mère, des voisins,
mais suit avec intérêt la prisonnière qui s’impose d’abord par son statut de personnage
principal mais aussi par ce qu’elle a enduré avec sa famille, son mari et en prison. Sa
souffrance lui confère une importance particulière surtout que ça a des allures de vrai qui
peut déceler le faux, s’il y eu a personne sauf l’auteur. Le vrai et le faux se côtoient dans
l’autofiction.
Avec cette impossibilité de les distinguer, les séparer car le mensonge a quelque
chose de vrai ne serait-ce que sur le plan de sur acceptable : l’auteure n’a pas fait de prison.
Cependant c’est du domaine de possible, il n y a aucun mystère à cela, par ailleurs, elle a
peut être vraiment été allé voir une détenue élargie pour que celle-ci lui parle de la vie les
barreaux pour ensuite écrire son roman avec cette teneur de la vraie condition siné qua non
de l'autofiction.
Dans sa technique de narration Maïssa Bey a utilisé la focalisation interne dans
l'ensemble du roman« je ne sais pas ce que vient faire ma mère dans cette histoire. Dans mon
histoire. Mais elle est là. Partout. Partout. »53p 23 et externe dans un petit passage quand elle dit«
dans un salon, deux femmes devisent autour d'une tasse de café(ou de thé). Elles n'ont ni le même
âge, ni la même apparence.»54 P 21 Car peut être il s’agit de femme et le« je » est le partage
des hommes et de femmes, alors que le «elle» est la propriété incontestable des femmes.
Ecrire l’autofiction c’est partir à sa propre découverte donc il s’agira d’essayer de
comprendre les raisons de tel ou tel fait vécu, ainsi elle devient une occasion d’analyser de
sa propre vie et de celle de son entourage famille, ainsi société.
L’auteur peut infléchir les évènements pour aboutir à d’autres conséquences en
passant du désir au deuil et vice versa. En effet, l’héroïne de «Nulle autre voix» désire être
comme l’écrivaine belle, élégante, imbue de sa personne avec des gestes mesures et
éprouve le désarroi en se sachant un peu avancée dans l’âge, l’aide.
Le lecteur du roman nous amène à remarquer qu’il y a des digressions, des retours en
arrières, des redites créant une discontinuité dans l’histoire qui s’apparente au procédé du
nouveau roman.
«C’est ce qu’a déclaré aux enquêteurs l’assassin présumé de président Boudiaf
durant son interrogatoire, en 1992. Du moins, c’est ce qu’ont rapporté les journaux. Nous
n’avons jamais pu en savoir plus»55 p 20
Parfois mène l’auteur s’autorise des réflexions : « images et pensées du matin»56 P
157 ; du métalangage : « c’est par cette formule presque rituelle que certaines détenues
commençaient les lettres qu’elles écrivaient à leurs proches. Elles me demandaient souvent
de les relire pour les corriger, parfois de les réécrire. Je supprimais alors cette formule
d’introduction.»57 p 36
Cette discontinuité est accentuée par les lettres intercalées dans le flux du récit, le
ralentissant et peuvent même affecter la qualité de la lecture, en effet, le lecteur s’égare
pouvant même oublier le cours de l’histoire. On est mène parfois secoué parce qu’il n y a
pas, parfois, de liens logiques entre un passage entre les souvenirs, les faits réels et les
lettres, l’histoire nous fuit jusqu’ à nous tordre l’esprit.

53
Ibid, p 23
54
Ibid, p 21
55
Ibid., p 20
56
Ibid, p 157
57
Ibid, p 36
VII. Etude narratologique :
Dans cette étude, nous avons mis l’accent surtout sur le narratrice et toutes les formes
qui composent le récit ; pour faire cela, il a fallu dégager les éléments qui composent le
récit, et ainsi chercher la relation entre la narration/le récit/l’histoire. Ces dernières résident
dans les quatre types suivants : le mode narratif, l’instance narrative, le niveau et le temps.

1. Le mode narratif :
Dans cette partie, nous essayons de trouver la relation de la narratrice et l’histoire
racontée et sa place dans son récit, donc nous allons appliquer la théorie de Genette qui se
base sur certaines études :
En premier lieu, nous allons étudier la distance entre le narrateur et l'histoire. La
distance nous permet de dégager le degré d'implication du narrateur dans le récit et au sein
de l'histoire, et comme nous avons déjà cité en amont les quatre discours qui nous
permettent de connaitre la relation entre narrateur/ histoire qui sont : le discours narrativisé,
le discours transposé style indirect, le discours transposé style indirect libre, et le discours
rapporté.
Dans notre corpus «Nulle autre voix» : le discours appliqué est le discours
transposé, style indirect car les personnages et les passages dans le récit sont transformés
par le propre style de la narratrice, donc cette dernière est distant.
« Je n’y allais pas en vacances. Cette échappée n’a pu se faire que grâce à un concours de
circonstances familiales. Je vous en épargne les détails. Je me demande encore aujourd’hui
comment cela a été possible. Munie d’une autorisation exceptionnelle de la haute autorité qui
disposait de ma vie, j’y suis allée avec mon frère, son épouse et leurs deux enfants.» 58 p 43

Après, nous allons dégager les fonctions du narrateur, son rôle, et le degré de son
intervention au sein de l’histoire. Genette propose cinq types de fonctions sont : la fonction
narrative, la fonction de régie, la fonction de communication, la fonction testimoniale et la
fonction idéologique.
Dans notre roman «Nulle autre voix» nous avons distingué trois fonctions
lesquelles :

58
Ibid., p 43
 La fonction narrative : ce type de fonction existe dans tous les récits, soit le
narrateur présent dans le texte ou même s’il était absent, donc nous pouvons classer
notre roman dans cette fonction.
 La fonction de communication : nous remarquons que la narratrice dans certains
passages développe une sorte d’un contact où elle parle et s'adresse directement aux
lecteurs. Exemple :
« Je vous écrit ces quelques lignes pour vous faire savoir de mes nouvelles»59.P36
 La fonction testimoniale : d'après nos lectures, nous avons remarqué que la
narratrice partage ses sentiments et ses émotions avec l'écrivaine Farida, où nous
trouvons comment elle sert à donner la confiance à cette femme criminelle et la
défendre, et à la fin, elle fait une relation d’amitié très forte avec elle. Exemple :
« J’ai aussitôt ressenti un plaisir extrême, si nouveau, si forte que des larmes me
sont brusquement montées aux yeux.»60 P 129
«Qu’est ce qui me rattachait encore à la vie ? Qu’est ce qui me faisait encore
hésiter ?»61 P 46

2. L’instance narrative :
Dans cette catégorie analytique, nous allons étudier trois autres types dans le récit :
 La voix narrative : la narratrice «la criminelle » est un personnage dans l’histoire,
elle a des traces de présence dans le récit, donc nous considérons la narratrice de ce
récit « Nulle autre voix» comme un personnage intradiégétique et homodiégétique.
« Le plus souvent, absorbée par ma propre vie, je suis enfermée dans une bulle
de silence.»62P 22

 le temps de la narration : nous classons notre récit dans la colonne de la narration


intercalée, car la narratrice raconte à ce moment une histoire mais qui est déjà
passé.
« Voilà près d’un an que j’ai retrouvé mon appartement. Le jour de ma libération,
mon frère est venu me chercher. »63 p 24

59
Ibid, p 36
60
Ibid, p 129
61
Ibid, p 46
62
Ibid, p 22
 La perspective narrative : en d’autres termes c’est la focalisation, la narratrice sais
seulement sa vie, donc c’est une focalisation interne.
« j’ai mal à exprimer ce que je ressens. Sa présence me dérange mais ells m est
devenue presque indispensable. »64 p 56

3. Les niveaux :
La narratrice est impliquée dans l’histoire, donc elle est intra diégétique.
« Une main m a saisie brutalement par le bras. Mon frère m’a tirée en arrière.»65 p 45
4. Le temps du récit :
Ici, nous avons étudié les trois dimensions suivantes : l’ordre, la vitesse narrative, et
la fréquence événementielle.
Nous remarquons l’existence d’une discontinuité dans la narration de l’histoire. Le
récit raconté au présent de narration (est, sommes…) ; le passé composé (a gravi, j’ai
eu…) ; l’imparfait (avait, étais, accompagnait…).
Nous trouvons des indices qui nous facilitent de connaitre le statut et la construction
du récit :
 Indice du temps : deux semaines après p 18, le jour de ma libération P 24, à partir
du 27 mai 2001, je n’ai vécu que dans l’attente du jour suivant p 85, …
 Indices de lieu : la plage, l’Algérie, le village, la prison, l’appartement.
 Les personnages : la criminelle, la mère le père, les frères, le mari, l’écrivaine
Farida, Yasmine, Nassima, Fatiha, …

63
Ibid, p 24
64
Ibid., p 56
65
Ibid., p 20
L’ordre :
L’analepse : la narratrice raconte son histoire qui est déjà passée.
«C’est ce que j’aurais pu répondre quelques années plus tard aux policiers qui
m’interrogeaient. Je l’ai tué. Normal ! »66.p 20
La vitesse narrative :
Le sommaire : un passage de l’évènement historique est résumé dans le récit :
« Le jour de ma libération, mon frère est venu me chercher. Pendant le trajet, il m’a
annoncé qu’il n’y avait pas d’autre solution : je devais rentrer chez moi. Dans la famille,
personne n’était disposé à m’accueillir. Il avait tout réglé, tout préparé. »p 24
La fréquence événementielle :
Mode singulatif : l’histoire s’est passée une fois et racontée une seule fois. Cette
narratrice a tué son mari une seule fois.

66
Ibid., p 24
Conclusion générale
Conclusion générale

Conclusion :
La littérature maghrébine d’expression française s’est toujours
intéressé à la femme, vu qu’ 'elle a été la première victime de sa société.
Qu elle soit mère, sœur, fille ou épouse, la femme est celle sur qui sont
appliquées toutes les formes de la violence.
Dans son ouvrage «NULLE AUTRE VOIX», Maissa Bey cherche de
répondre à une question) : Qu ' est ce qu'être la femme ?. Maissa se fait la
porte-parole de toutes ces femmes algérienne qui se subissent
quotidiennement, les violences ordinaires d’une société ne pardonnant rien
aux femmes.
Arrivé au terme de ce modeste travail, nous nous proposons d’y jeter un
regard récapitulatif pour confirmer notre hypothèse, à savoir que «NULLE
AUTRE VOIX » présente une autofiction et pas une autobiographie.
Avant toutes références dans notre analyse à Maissa Bey et à son roman,
nous avons choisis de démontrer d’abord dans la première partie une étude
théorique sur l’autobiographie et l’autofiction, et une distinction entre les
deux pour montre facilement à quel genre appartient ce roman à partir des
critères définitionnels de Philippe Lejeune.

68
Bibliographie
Bibliographie

Bibliographie :
Œuvre de corpus :
Maïssa Bey, Nulle autre voix, Éd barzakh, 2018.
Les ouvrages théoriques :
 Lejeune, Philippe, le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975.
 Genette, Gérard .Fiction et diction, Paris, Seuil, coll., « poétique».1991.
 Gasparini, Philippe. Est-il je ? Roman autobiographique et autofiction, Paris, Seuil,
2004.
 Colonna, Vincent, autofiction et autres mythomanies littéraire, Auch cedex, édition
Tristram, 2004
 Doubrouvsky, Serge, écriture de soi et lecture de l'autre, Dijon, Édition
universitaire de digon
 Doubrouvsky, Serge, un amour de soi, Paris, Galilée, 198é
 Forest, Philippe. Le roman, le je vante. Edition Plein Feux, 2001
Sitographie :
 http://www.unige.ch/lettres/framon/enseignements/méthodes/autofiction/afintegr.ht
m.
 http://www.signomemio.com/Genette/narratologie.asp.GererdGenette :Narratologie
/Signo-théories sémiotiques appliquées.
Mémoires et thèses :
 Guernine Akila, inutile : Du« je » autobiographique à l'autofiction dans le roman
«Sauvage» de Nina Bouraui. Université 8Mai45 Guelma.
 Moulay Meliani Bouchra, « Le Quai aux fleurs ne répond plus» de Malek Haddad :
Roman autobiographique ou autofiction ?, centre universitaire Belhadj Bouchaib-
Ain T’émouchent.
 Benotmane-Saiha .L'expression de la douleur dans« nulle autre voix» de Maïssa
Bey. Université Aboubakr Belkaid- Tlemcen.
 Boukeroui Amel, Garçon manqué de Nina Bouraui, une autofiction ? Université
Abderrahmane Mira Bejaia.
 Hazouz Imen, « avant les hommes» de Nina Bouraoui, entre autofiction et
autobiographie. Université Larbi Ben Mhidi. OEB

70
Bibliographie

 Jessica Jutras, « Soigne Ta chute »de Flora Bolzano, une œuvre autofictive.
Université Québec.

Articles :
 L’autofiction : un nouveau mode d'expression autobiographique. Awatif
Beggas. Université Moulay Ismail(Meknès).
Les dictionnaires :
 Dictionnaire encyclopédique Le petit Larousse Illustré, Larousse, 1994.

71
Annexes
Maïssa Bey était présente au 23e Salon international du livre d’Alger. Elle y a
dédicacé son nouveau roman, «Nulle autre voix», paru il y a deux mois aux Editions
Barzakh. Dans cet entretien, elle dépeint l’histoire d’une femme hors du commun. Une
criminelle.
Maïssa Bey revient avec un autre roman sur une criminelle…
Il s’agit de l’histoire d’une femme qui a tué son mari. Elle a purgé sa peine, 15 ans de
prison ferme. Cette criminelle rentre chez elle. A sa surprise, elle se retrouve face à une
romancière qui force sa porte et sa vie, et lui demande d’écrire son histoire. Sauf que dans
l’affaire, ce n’est pas l’écrivaine qui écrit, mais la criminelle.
Qui vous a inspiré pour écrire ce roman?
Les criminels en plus au féminin ne courent pas les rues. Je n’ai pas connu
réellement ce genre de personne. Ce n’est pas de l’inspiration. Il est question dans ce récit
de mettre en scène une femme confrontée au quotidien à la violence verbale, morale et
physique. Et la source de cette violence est son mari, qui la pousse dans ses derniers
retranchements. Celle-ci riposte en l’assassinant. Il faut savoir que la violence engendre la
violence. Cette femme va donc au bout de la violence, le pire crime qui puisse exister,
l’assassinat.
Pourquoi votre choix se porte sur des profils sombres, de plus est au féminin?
Au gré des pages, vous trouverez que le texte est plein d’éclats. Il ouvre le débat et
écarte les barreaux sur les violences subies par les hommes et les femmes surtout.
Il existe des femmes réelles qui vivent dans la situation de mon personnage. Ce roman va à
contre-silence, les contre-silences de ces femmes, que les conditions sociales et familiales
poussent à commettre l’irréparable. C’est pour cela que je me sens dans l’obligation de
débattre de cette violence qui n’est, hélas, pas une fiction.
Vos livres sont jonchés de personnages féminins… Peut-on vous considérer comme
porte-voix des femmes?
Effectivement. Dans la plupart des cas je puise dans la vraie vie. Ce sont des femmes
qui font face à des situations difficiles. Des femmes qui basculent dans le tragique et qui
ont recours à une violence inouïe. C’est-à-dire commettre l’irréversible. Nous observons au
quotidien la violence, nous la subissons. Elle est partout. Et dans mes romans notamment
le dernier, je m’interroge sur le pourquoi de la chose. Les violences faites aux femmes
m’interpellent particulièrement en tant que femme et auteure. Je vis en Algérie. Je connais
la société. Je suis confrontée à ces agressions qui vous glacent le sang, vous mettent dans
des situations inconfortables. Le regard des hommes, les agressions verbales dans l’espace
public, dans les milieux de travail, pour ne pas dire partout, portent atteinte à notre dignité,
notre intégrité. Vous voulez transmettre un message à travers vos récits... Oui. Celui de
considérer la femme comme un être humain à part entière. J’essaie d’atteindre le maximum
de personnes et les sensibiliser à cette question qui reste toujours d’actualité. Certains
tentent de ravir l’espace public aux femmes, de les marginaliser, de les stigmatiser, en
omettant qu’elles sont la moitié de la société. C’est inadmissible! Tout est fait pour
maintenir les femmes dans un statut d’infériorité. A travers mes romans, j’invite à
l’interrogation, à la réflexion. Je considère que si je contribue à la prise de conscience sur
la question de la violence faite aux femmes à deux, trois lecteurs, c’est déjà un pas, une
avancée. Avez-vous un projet en maturation? Oui. L’idée est là, elle prend forme. Le
temps pour moi n’est pas important. Je peux écrire sur une idée et achever mon roman en
quelques mois. Mais des fois, cela me prend du temps. C’est selon mon inspiration, mes
dispositions67.
Entretien réalisé par Karima Dehiles

67
http:/www.ouargla-aps.dz/index
« NULLE AUTRE VOIX » de Maïssa Bey (Coédition Barzakh, Alger, et éditions de
l’Aube, 2018)
Attention, un livre peut en cacher un autre : c’est ce qu’on a envie de dire après avoir
lu le dernier roman de Maïssa Bey, « dernier » parce que c’est une manière de rappeler que
nombre d’autres l’ont précédé, en sorte que nous avons maintenant à faire à une écrivaine
dont on ne va pas dire qu’elle est retorse parce qu’il a trop de connotations péjoratives dans
ce mot, mais plutôt et pour garder un ton dédramatisé, qu’elle a plus d’un tour dans son sac
! Cette mise en garde est d’autant plus nécessaire que ce livre passionnant et
remarquablement écrit se lit d’une seule traite comme s’il rapportait en direct le
témoignage d’une femme, à peine élaboré, sur la tragédie qu’elle a vécue et dont elle
commence à peine à pouvoir parler. Or oui, rien n’est faux de ce qu’on peut dire sur ce
premier niveau du livre, mais après cela il faut y regarder de plus près. Oui, il y a bien au
départ l’horrible situation des femmes battues, fait qu’on ne saurait malheureusement dire
rare, et la réaction dite criminelle de certaines d’entre elles, qui en arrivent à tuer leur mari.
A quoi il faut ajouter les années de prison qui en découlent pour la coupable (mais ô
combien victime, un mot toujours au féminin comme le remarque Maïssa Bey, qui dans le
même ordre de faits souligne que le mot « criminelle » commence par un grand cri
Détenue pendant 15 ans la criminelle de Nulle autre voix commence à parler un an après sa
libération. A parler et à écrire, ou à parler parce qu’elle écrit. Et c’est là le deuxième
thème, ou plutôt même le deuxième livre qui apparaît aux côtés du premier, tout aussi
énigmatique car sous les apparences d’évidence (et l’admirable clarté de l’expression), rien
n’est simple dans ce récit par lettres, rien ne va de soi alors même que l’auteure ne cherche
pas l’énigme pour l’énigme. La criminelle ne dit pas tout à la romancière qui l’interroge,
mais par ailleurs elle parle et écrit aussi pour elle-même, cherchant sa vérité et refusant de
se laisser enfermer dans une case, ce que d’aucunes appellent son « cas » on voit bien le
rapport entre les deux mots» !
Ce deuxième niveau du livre : se sentir obligée de parler soi-même puisque rien de ce que
disent les autres n’est peu ou prou satisfaisant débouche sur ce qui est en fait une autre
histoire et un autre roman, celui de la confrontation entre deux femmes, la criminelle et la
romancière. La seconde demande instamment à la première de lui parler pour enrichir la
matière du livre qu’elle est en train d’écrire, et pour nourrir son personnage principal de la
substance humaine que l’ex-criminelle ex-détenue ne peut manquer de lui apporter. Cette
confrontation prend la forme de rencontres quasi quotidiennes, mais dans la manière dont
elles sont vécues il se produit un retournement à la fois progressif et brutal ; c’est-à-dire
apparemment brutal mais amené au terme d’une progression dramatique qui soutient
l’intérêt du livre de Maïssa Bey, décidément multiforme et mêlant le prévisible à
l’imprévu. Pour le dire vite, pendant tout le début de cette histoire qui commence donc par
la rencontre entre les deux femmes, qu’une génération ou presque sépare ainsi que leur
niveau social c’est la romancière qui est en demande, avec insistance, au point d’accepter
les rebuffades et les atermoiements. Puis commence un mouvement inverse, où la situation
évolue beaucoup plus vite, et comme dans l’urgence : la romancière se retire, tout porte à
croire qu’elle a disparu et ne reviendra pas ; en revanche la criminelle n’arrive plus à se
passer d’elle et cherche à tout prix à la ramener : le roman s’achève sur le vide qu’elle
ressent de cette disparition un vide peut-être nécessaire et fécond, c’est une question qui se
pose pour le lecteur qui de toute façon en a plusieurs à résoudre, car il ne peut manquer de
se demander quel est le sens, pour chacune des deux personnages, de leur mutation.
D’autant que celle-ci est précédée par un moment où au contraire on semble s’orienter vers
une véritable ( ?) amitié entre les deux femmes. Identification provisoire ? Les hypothèses
concernant la romancière et ses motivations ne sont pas sans intérêt mais c’est un aspect du
livre qui reste relativement secondaire par rapport au principal, à savoir ce qu’il en est pour
la criminelle en passe de devenir écrivain. Maïssa Bey ne cache nullement à ses lecteurs
que là pourrait bien être l’essentiel de son livre et l’on comprend pour quoi a elle a besoin
d’y insister. La question des femmes battues, et du mode de vie des femmes en prison, est
au coeur des préoccupations actuelles, c’est évidemment ce qu’on appelle un sujet de
société, qu’il est absolument urgent de traiter et les féministes ne seront pas seules à le dire.
Plus largement, Maïssa Bey se montre sensible une fois de plus, car c’est un de ses thèmes
favoris, à l’état de passivité et d’inertie dans lequel la plupart des femmes passent leur vie,
enfermées dans la «56 Forteresse vide » dont parle Bruno Bettelheim à propos de l’autisme
infantile.
Cet état de fait ne relève pas directement de la littérature et des questions qu’elle
pose, même si l’aide qu’elle peut apporter en la matière est évidemment très bien venue.
En revanche, la mutation intime qui se produit chez l’héroïne à mesure qu’elle découvre la
possibilité et le désir voire l’urgence d’écrire elle-même son histoire, telle est la matière
originale et vraiment littéraire qui anime le récit de Maïssa Bey. Il y a une sorte d’humour
dans la manière dont celle-ci présente la découverte de son héroïne, qui dit d’abord, à
propos du livre de la romancière, qu’après tout, elle pourrait presque l’écrire elle-même ; et
qui plus tard, lorsque cette aventure est déjà bien avancée, constate que c’est à peu près
chose faite : « Je l’aurais presque écrit pour vous, ce roman ! »Il se pourrait bien que la
romancière, elle aussi, ait à peu près compris cela, raison pour laquelle elle choisit de
prendre ses jambes à son coup, si l’on ose dire familièrement. Pendant ce temps, une autre
romancière est née (on a envie de dire : une vraie), c’est à cela que nous assistons. Sans
qu’il soit besoin pour elle d’aller chercher ailleurs de quoi enrichir son oeuvre, qui est
précisément celle que nous lisons. Belle astuce de l’auteure que cette manière de boucler la
boucle, après nous avoir fait croire qu’il y aurait d’abord un, puis deux autres livres que
celui-là. Sur un sujet aussi dramatique, décidément oui, littérature il y.a Denise Brahimi 68.
(article repris du N° 25 (octobre 2018) de la lettre mensuelle de la section Auvergne-
Rhône- Alpes de Coup de Soleil)

68
www.editions delaube.fr
Résumé
Résumé
Ce mémoire de master se propose d'étudier un roman de Maïssa Bey, Nulle autre
voix dans une dimension à la fois autobiographique et autofictionnelle.
Cependant, notre souci s'est fixé sur le thème de la présence de l'auteure dans son
ouvrage que nous avons déjà analysé, en appliquant les théories de certains spécialistes de
l'autofiction tels que : Serge Dobrouvosky, Vincent Colonna et Philippe Gasparini.
Enfin, Nulle autre voix n'est pas un simple roman autobiographique, mais un
roman autofictionnel ou certains détails de l'auteure sont présentés, en faisant appel à
son imagination.
Les mots clés : Maïssa Bey, l'autobiographie, l'autofiction.
Summary:
In this master thesis, that studies a novel of Maïssa Bey « Nulle autre voix», took an
autobiographic and autofiction dimension.
However, our vision is fixated on the theme of the presence of the author in her novel
that we have analyzed before with the help of other critic’s theories such as Serge
Doubrouvsky, Vincent Colonna and Philippe Gasparini.
As conclusion, this novel, look at the first impression as a simple autobiographic, but
in reality an autofictional with many details of the life of the author, that come also from
her imagination.
Key words: Maïssa Bey, autobiographic, autofiction.
̎ ̎

Vous aimerez peut-être aussi