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botanique appliquée et
d'agriculture tropicale
Brasseur G. Le problème de l'Eau au Sénégal. Les éléments de sa solution — Les conséquences à en attendre. In: Revue
internationale de botanique appliquée et d'agriculture tropicale, 30ᵉ année, bulletin n°333-334, Juillet-août 1950. pp. 403-418;
doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1950.6724
https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-5412_1950_num_30_333_6724
;
suivant les années pour un lieu considéré. A Saint-Louis — où la
moyenne sur vingt ans est 380 mm — la moyenne des 10 années
où il a le moins plu est de 265 mm, les autres faisant 485 mm, soit
une variabilité de 30 \% ; et l'année la plus sèche (1942) donna
173 mm, la plus humide (1927) 651 mm. Ces gros écarts
s'estompent assez régulièrement à mesure qu'on diminue en latitude.
Les chiffres absolus n'ont d'ailleurs qu'une signification
restreinte. Ce qui importe autant, c'est la répartition des pluies dans
le courant d'une même année, en dehors du retour périodique
d'une saison des pluies après la sécheresse quasi absolue de
décembre à mai inclus. Il n'y a pas plus de régularité dans les dates
d'apparition et de disparition de cette saison que dans la fréquence
des pluies. On sait seulement que la durée de la saison pluvieuse est
cependant d'autant plus longue qu'on va vers le S*, de 3 à 5 mois, et
que le mois d'août est généralement le mieux arrosé. Conséquence
immédiate : le travail de la terre est sous la dépendance étroite de
la date d'arrivée des pluies et de leur plus ou moins bonne
répartition sur la durée du cycle végétatif. Les pluies sont, de plus,
courtes et abondantes et la conséquence s'en retrouve dans la façon
dont l'eau est gardée par le sol.
La massivité de la pluie empêche en effet l'eau de profiter au
maximum des possibilités d'infiltration que lui offre un sol le plus
souvent sableux en surface, donc très perméable. Elle cherche des
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.
Il est difficile d'attribuer une part respective à ces deux actions.
On peut sans doute évaluer globalement à deux mètres la hauteur
d'eau qui serait évaporée pendant un an dans un bassin exposé à
l'air libre, mais on ne peut savoir au juste ce qui se passe pour une
mare de profondeur inégale, diversement abritée, avec des
conditions climatiques mal définies. On constate seulement que la
plupart sont asséchés dès le mois de février. L'évaporation se fait aussi
en profondeur à l'égard des sols imprégnés d'eau, celle-ci remontant
progressivement par capillarité pour être absorbée par l'atmosphère
dans la mesure où un certain couvert végétal ne vient pas
s'interposer. Ainsi, faute de connaître exactement l'importance de l'éva-
poration, il devient hasardeux d'évaluer la quantité d'eau infiltrée.
Pour la région de Dakar, les techniciens estiment que, sur 500 mm
de pluie, 200 seulement sont infiltrés. A défaut de ruissellement
presqu'inexistant au Sénégal, que devient cette eau souterraine?
Une partie de l'eau reste dans la couche des terrains superficiels,
sables quaternaires, qui ont généralement une grande capacité de
rétention (40 %). Ainsi, en creusant à quelques mètres, l'eau
apparaît, susceptible de maintenir en permanence un certain débit, et
qu'on pourra exploiter sommairement. Cette eau s'égoutte
régulièrement et de plus en plus profondément au travers des couches mio-
pliocènes — là où elles existent — qui comprennent sables, grès,
argiles. Elle forme des nappes — ainsi dans le Ferlo et' le Cercle
de Tambacounda — à la rencontre des roches imperméables où il
est possible de l'atteindre en creusant des puits. Les nappes se
succèdent en profondeur au gré de la disposition des couches
imperméables.
Sous le miopliocène se trouve le lutétien. Sa partie supérieure,
formée de calcaires, de lumachelles, d'argiles, comprend différents
niveaux plus ou moins en rapport avec les ondulations décrites par
les couches (Jacquet). Quant au lutétien inférieur il est formé de
sables tous aquifères. Ensuite vient un niveau de marnes
imperméables et les couches de l'éocène inférieur suffisamment riches
elles aussi en eau.
Ces données restent cependant bien imprécises et des aberrations
sont toujours possibles. Ainsi le forage de Kelle (1939) a traversé de
94 à 459 mètres des argiles sans eau et a dû être abandonné.
Certains résultats demeurent énigmatiques. Le forage de Kao-
lack (II) à 234 mètres donne une eau jaillissant à 1 m 50 du sol et
en beaucoup d'autres endroits le niveau statique n'est pas très
éloigné. Les couches semblent inclinées régulièrement d'E en W, si bien
qu'on se demande si la nappe du lutétien inférieur qu'on trouve
Brasseur G. : Carte hydraulique du Sénégal. Pl. XVII.
l
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300 O
• Forages
Lignes
Limite
Ligne
et d'agriculture.
d'isohyète
deapproximative
profonds
cheminet dont
de
quantité
existants.
fer.de
la réalisation
laannuelle
zone traditionnelle
de.est
pluie
imminente.
en millimètres.
d'élevage
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urgents sont souvent les plus pauvres. Faute de fonds, il leur est
impossible de recruter un personnel qualifié et de plus les
disponibilités étant très faibles sont mal réparties. La politique, les intérêts
particuliers entrent en jeu pour que certains villages bénéficient
de la répartition, alors que les besoins d'autres moins bien
défendus, mais plus impérieux, sont sacrifiés. Le contrôle du
gouvernement de Saint-Louis est difficilement réalisable, faute d'un
nombre suffisant d'ingénieurs et l'on ne peut même pas suivre, si
ce n'est de façon très vague, le' travail qui a été accompli.
Les indigènes de leur côté en s'inspirant de la technique Friry
ont construit des puits pour leur propre compte. L'un des plus
célèbres celui de Darou Mousti, a été poussé par eux jusqu'à 80 m,
mais comme il n'y avait pas de résultats, le Génie prit la suite et
poussa jusqu'à 124 m pour obtenir un débit insignifiant, 2 m* à
l'heure, à un niveau statique de moins de 77 m par rapport au sol.
Ainsi l'eau est-elle souvent trouvée à de trop grandes
profondeurs, quand elle n'est pas par surcroit saumâtre, et la remontée
devient un problème très ardu. 80 ou 100 m dans la régions des
Terres Neuves à l'E de Kaolack sont courants, et l'on peut voir à
Gniby par exemple 100 à 200 personnes, serrées autour du puits,
aussi bien de nuit que de jour, attendant leur tour pendant qu'à
l'aide d'une douzaine de poulies, d'autres s'affairent à remonter
Je précieux breuvage. On le transporte jusqu'à 10 km, et si on veut
l'acheter, il faut le payer 100 fr les deux cents litres sur place.
Parfois même la nappe donne des signes de défaillance.
Devant cette situation on a décidé de s'orienter dans une autre
direction;- celle des forages profonds. Cette technique date déjà, de
plus de cinquante ans, mais on ne commença vraiment à
l'appliquer au Sénégal qu'en 1925. Les grandes villes, dont l'alimentation
en eau est un souci constant pour les autorités en raison de leur
expansion accélérée, furent les premières à en faire les essais ;
ensuite ce fut le chemin de fer pour les châteaux d'eau de ses stations,
les nouvelles sur la ligne de Louga à Linguère, comme les
anciennes, Gossas ou Guiguineo. Enfin les campagnes, à la suite d'un
projet de 1932, lorsque les expériences précédentes eurent prouvé
l'efficacité de la méthode.
En effet les premiers résultats n'ont pas toujours été concluants.
Des forages n'on rien donné, on l'a vu, ou trop peu donné, ou
donné seulement de l'eau salée. Ensuite certains ont vu leur débit
baisser progressivement. On a vite compris combien était
important le choix de l'emplacement en fonction des données
géologiques et puis un travail convenablement mené selon les méthodes
éprouvées. Car d'autres forages sont capables de maintenir un débit
constant au cours des années.
Les avantages du forage profond ne se comptent plus aujourd'hui
II ne demande en général pas plus de temps à exécuter qu'un puits
de 60 ou 80 m. La quantité d'eau débitée est beaucoup plus forte,
et d'une eau à l'abri de toute pollution. Le niveau statique étant
généralement assez élevé, le pompage ne présente pas plus de
difficultés techniques que pour un puits et, comme il s'agit de
grosses quantités d'eau (en moyenne un m3 par minute), l'emploi
d'un moteur surveillé par un mécanicien-gardien se trouve pleine-
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