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INTRODUCTION
(d’après Glasman) qui ne recouvrent pas les
Les relations entre les parents et l’école n’ont mêmes réalités du point de vue de la scola-
pas cessé d’être un questionnement pour rité ou de l’éducation et dont l’usage a évolué
tous les acteurs éducatifs. Historiquement, au fil des temps l. « Le lien “école-parent”
l’école et la famille sont deux espaces aux constitue […] un fait social majeur puisqu’il
frontières marquées entre instruction et édu- touche [en France] la vie quotidienne de
cation. Au fil des années, on est passé d’une 17 millions de parents d’élèves, 12 millions
école « sanctuaire du savoir » à une école d’élèves et 800 000 enseignants et person-
« ouverte » sur la société. C’est ainsi que les nels de direction, d’inspection et d’éduca-
familles viennent en aide aux enseignants tion » (Fotinos, 2014b).
de maternelle, coopèrent sur certaines
activités au primaire et s’impliquent dans La littérature de recherche, aussi bien que
des rôles consultatifs au secondaire. Mais les discours et préconisations institutionnels,
l’étroite imbrication de l’école dans la société nationaux ou internationaux, montre l’ambi-
a également modifié les attentes des diffé- guïté des rapports entre l’école et les parents.
rents partenaires face à un objectif commun : Un rapport remis à l’Assemblée nationale en
la réussite du développement de l’enfant et juillet 2014 qualifie d’asymétriques et disten-
de l’élève. L’enfant qui entre à l’école passe l
Séraphin place le passage de la famille aux
« d’une société » (la famille) à une « autre so- parents à l’aube des années 2000 : « La notion
ciété » (l’école) (voir Kherroubi, 2008 ; Baby, de famille semble désormais trop imprécise pour
2010). Cette intégration est d’autant plus dif- pouvoir y adosser une politique » (in Monceau,
2010).
ficile que sont différentes ces deux sociétés.
Ces premières lignes témoignent de la confu- Toutes les références bibliographiques dans ce Dossier
sion des termes « parent(s) » et « famille » sont accessibles sur notre bibliographie collaborative.
RELATION DIFFICILE ET
INÉGALITAIRE Il arrive aussi que cette communication
malaisée transforme les relations pa-
Ce qui ressort des observations et entre- rents-école en situation conflictuelle,
tiens avec les différents types de familles, soit parce que les parents ne se satis-
c’est la difficulté, pour les familles « de font pas d’un manque de communica-
bonne volonté mais qui ne savent pas tion, soit parce qu’ils refusent les ana-
comment faire », à comprendre les com- lyses faites par les enseignants sur le
mentaires et consignes des enseignants, comportement ou sur les résultats de
exprimés dans un langage qui ne leur est leur enfant. Les entretiens individuels
pas familier, qui leur paraît peu précis, dif- parents-enseignant ont fait l’objet de
ficilement décomposable dans le cadre plusieurs études (France, Québec,
familial. La question est de savoir si, face Suisse) dans lesquelles il apparaît que
à ces parents démunis – pour diverses les enseignants mal à l’aise pour com-
muniquer de mauvais résultats usent de
SOUTIEN À LA PARENTALITÉ rencontrer les parents d’adolescents, les immigrants (Turney &
Kao, 2009).
pères, les familles monoparentales. La
diversité des objectifs et des dispositifs
Typologie de quelques programmes de s’accompagnent d’une diversité des inter-
soutien ou accompagnement venants, tant au niveau de la qualification
que de la manière de fonctionner ou tra-
Aux États-Unis, la Harvard graduate vailler : missions interinstitutionnelles ou
school of education a monté en 1983 un équipes pluridisciplinaires, entraide entre
projet au long cours pour accompagner parents. Cette diversité entraîne un effet
tous les partenaires de l’école à élaborer souvent dénoncé en France mais qui
des stratégies facilitant le bien-être de existe ailleurs, l’effet millefeuilles. l
tous (familles, enfants, jeunes, commu- Dans le cadre de ce
nautés) l. C’est la même approche (ges- Au Royaume-Uni ou dans les pays projet a été créé le
réseau FINE (Family
tion des comportements) que l’on retrouve scandinaves, par exemple, la mise en Involvement Network
dans le Positive Parenting Program (PPP) place d’un service « universel », parce of Educators) pour
australien, mis en place il y a trente ans qu’ouvert à tous, et intégrant des compé- partager des infor-
et qui a essaimé dans 25 pays, fournis- tences spécialisées (personnels de santé, mations et renforcer
les liens entre les
sant aux parents des « stratégies simples éducateurs, travailleurs sociaux, conseils différents partenaires
et pratiques pour les aider à gérer en toute et aides financiers, cours d’alphabétisa- éducatifs.
confiance le comportement de leurs en- tion, etc.) évite cet empilement et répond
fants, de prévenir les problèmes de déve- plus largement aux besoins des familles
loppement et de construire des relations les plus fragiles l. Aux Pays-Bas, les
saines et solides » (Triple P), s’appuyant centres de la jeunesse et de la famille
sur des pratiques et dispositifs dont l’effi- coordonnent les différents services à des- l
cacité est basée sur la preuve. tination des familles. La ville de Toronto Selon le rapport du
centre d’analyse stra-
a mis en place des centres (Toronto first tégique (Hamel &
Mais, comme le souligne le Centre duty) qui associent services de garde, Lemoine, 2012) l’éva-
d’analyse stratégique (CAS) français, prééducation (kindergarten) et soutien luation des dispositifs
à l’hétérogénéité des besoins et des à la parentalité, par le biais des écoles montre que certains
programmes de ce
attentes doit répondre une diversité des primaires, véritables « lieux de vie » type laissent de côté
services et des modalités d’interventions. (Hamel, 2012). les familles très défa-
L’objectif de réussite scolaire ne justifierait vorisées.
pas de n’étudier que l’impact de disposi- Les dispositifs liés aux compétences
tifs purement « scolaires » (dans l’école, parentales sur la scolarité
proches de l’école ou ne portant que sur
l’accompagnement scolaire). La difficulté Dire aux parents que la réussite sco-
scolaire se conjugue en effet bien souvent laire de leurs enfants est favorablement
avec des difficultés d’ordre économique impactée par leur implication dans
ou tenant au comportement des enfants, l’école ne suffit pas à vaincre leur senti-
aux relations familiales, à des problèmes ment d’incompréhension voire d’incom-
de santé, exacerbés par la précarité. C’est pétence. La compétence parentale, qui
sans doute pourquoi, en Europe comme peut être définie comme une combi-
aux États-Unis, les programmes de sou- naison de savoir, de savoir-faire et de
tien à la parentalité ont l’objectif d’agir sur le savoir-être, adaptée aux situations ren-
comportement, le bien-être et les connais- contrées par les parents (Miron, 2004),
sances, soit des enfants, soit des parents doit donc être alimentée par des infor-
ou encore d’améliorer la communication mations, de la part des enseignants,
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