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n° 98 Sommaire

Jan. 2015 l Page 2 : Parents-école : des relations


ambiguës l Page 8 : Les modalités du
partenariat parents-école l Page 14 : Le
soutien à la parentalité, l’accompagnement
des parents l Page 18 : L’implication de tous
les acteurs l Page 20 : Bibliographie

COÉDUCATION : QUELLE PLACE


POUR LES PARENTS ?
Dossier de veille de l’IFÉ

Cette revue de littérature reprend, en partie, Par Annie Feyfant


en les mettant à jour et en les complétant, plu-
sieurs notes de synthèse réalisées en 2006 Chargée d’étude et de
(« Les parents et l’école »), en 2011 (« Les recherche au service
effets de l’éducation familiale sur la réussite Veille et Analyses de
scolaire») et en 2014 (« Réussite éducative, l’Institut français de
réussite scolaire ? »). l’Éducation (IFÉ)

INTRODUCTION
(d’après Glasman) qui ne recouvrent pas les
Les relations entre les parents et l’école n’ont mêmes réalités du point de vue de la scola-
pas cessé d’être un questionnement pour rité ou de l’éducation et dont l’usage a évolué
tous les acteurs éducatifs. Historiquement, au fil des temps l. « Le lien “école-parent”
l’école et la famille sont deux espaces aux constitue […] un fait social majeur puisqu’il
frontières marquées entre instruction et édu- touche [en France] la vie quotidienne de
cation. Au fil des années, on est passé d’une 17 millions de parents d’élèves, 12 millions
école « sanctuaire du savoir » à une école d’élèves et 800 000 enseignants et person-
« ouverte » sur la société. C’est ainsi que les nels de direction, d’inspection et d’éduca-
familles viennent en aide aux enseignants tion » (Fotinos, 2014b).
de maternelle, coopèrent sur certaines
activités au primaire et s’impliquent dans La littérature de recherche, aussi bien que
des rôles consultatifs au secondaire. Mais les discours et préconisations institutionnels,
l’étroite imbrication de l’école dans la société nationaux ou internationaux, montre l’ambi-
a également modifié les attentes des diffé- guïté des rapports entre l’école et les parents.
rents partenaires face à un objectif commun : Un rapport remis à l’Assemblée nationale en
la réussite du développement de l’enfant et juillet 2014 qualifie d’asymétriques et disten-
de l’élève. L’enfant qui entre à l’école passe l
Séraphin place le passage de la famille aux
« d’une société » (la famille) à une « autre so- parents à l’aube des années 2000 : « La notion
ciété » (l’école) (voir Kherroubi, 2008 ; Baby, de famille semble désormais trop imprécise pour
2010). Cette intégration est d’autant plus dif- pouvoir y adosser une politique » (in Monceau,
2010).
ficile que sont différentes ces deux sociétés.
Ces premières lignes témoignent de la confu- Toutes les références bibliographiques dans ce Dossier
sion des termes « parent(s) » et « famille » sont accessibles sur notre bibliographie collaborative.

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Coéducation : quelle place pour les parents ? 1/24
dues les relations école-parents (Corre, ces informations répondent aux attentes
2014). Le système éducatif français a his- des parents et les parents supposent que
toriquement construit une distance entre ces informations sont les seuls éléments
les parents et l’école, ce que n’ont pas auxquels ils peuvent avoir droit. Forte-
fait d’autres pays, pour lesquels l’inves- ment ancré dans le registre des représen-
tissement des parents dans l’école est tations, ce mode de communication est de
plus aisé même si pas apaisé. Le rapport nature à responsabiliser les parents quant
pointe sept points de friction, que la média- à l’environnement scolaire de l’élève
trice de l’Éducation nationale, M. Sassier, (accompagnement scolaire, hygiène de
a recensé à partir des dossiers traités. Les vie, etc.) et ne leur donne que peu de prise
sujets d’insatisfaction sont les suivants : la sur le travail en classe ou le déroulement
carte scolaire, le handicap, la violence et des enseignements.
le harcèlement, les devoirs à la maison, la
discipline et les procédures disciplinaires, DES REPRÉSENTATIONS
la pédagogie et le mode de gestion des INADÉQUATES ?
parents séparés. Pour l’ensemble de ces
griefs, c’est le manque de dialogue ou sa
mauvaise qualité qui prédominent. Lors des entretiens individuels parents-
enseignants, qui concernent les résul-
Ces différents aspects transparaissent tats scolaires et/ou le comportement
dans les enquêtes menées auprès des de l’enfant à l’école, on constate un
différents acteurs. Au-delà des représen- décalage entre les perceptions des
tations et discours, quelles sont les moda- enseignants et celles des parents. Par
lités d’une relation « qui marche » ? Une exemple, ce qui s’apparente pour les
des solutions proposées à ces relations premiers à une demande de soutien
difficiles, notamment avec les parents de et d’accompagnement à la scolarité de
milieu défavorisé, prend la forme d’un l’enfant est perçu négativement par les
accompagnement plus ou moins marqué seconds, comme un constat d’échec
des parents pour leur faciliter l’entrée irréversible ; ou encore, les parents y
dans l’école, le soutien à la scolarité de soulignent les angoisses de leur enfant
leurs enfants et leur mise en confiance vis-à-vis de l’école que les enseignants
face à une culture scolaire encore trop ne perçoivent pas ou peu.
éloignée d’eux. Quelles en sont les moda-
lités, quels en sont les effets ? Enfin, les Le point de vue des familles
parents n’étant pas les seuls concernés
par cette nécessaire amélioration, quelles On peut observer différents types d’atti-
propositions retenir au-delà du soutien tude parentale vis-à-vis de l’école :
parental ?
− les « indifférents », qui considèrent
que la scolarité de leur enfant relève
PARENTS-ÉCOLE : DES de la seule responsabilité de l’école,
qu’ils ne doivent ou ne peuvent pas s’y
RELATIONS AMBIGUËS impliquer (pas le temps, pas les com-
pétences) ;
Dans ses relations avec l’école, le − les familles de bonne volonté mais im-
parent peut être vu comme la personne puissantes, qui répètent à leur enfant
qui est responsable d’un élève, comme le les conseils des enseignants et pour
membre d’une communauté de familles, qui le monde scolaire reste trop étran-
comme le bénéficiaire d’un service éduca- ger ;
tif dispensé par l’école, ou encore comme − les familles qui ne savent pas comment
le représentant d’un groupe social. faire. Elles vont au-delà de la catégorie
précédente, mais disent manquer de
Bien souvent, les relations entre l’école guides ou étapes pratiques pour tra-
et les parents se bornent à un courant duire dans les faits les conseils des
d’informations circonstanciées allant de enseignants ;
l’école vers les parents. Les enseignants − les parents « familiers de l’éducation »,
et le chef d’établissement supposent que

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souvent de niveau socioculturel élevé, groupes de paroles, pour expliquer le
qui peuvent à la fois ajuster les conseils travail scolaire mais aussi discuter du
en pratiques mais qui font un tri dans style éducatif parental le plus à même
les conseils des enseignants, tri qui de soutenir la scolarité des enfants.
peut s’avérer très critique vis-à-vis des
diagnostics posés par l’enseignant. Plusieurs enquêtes, comme celle menée
par Terrisse et al. en 2005 au Québec
Le manque de compétences ressenti ou Prévôt en France, en 2008, montrent
par les parents a pour conséquence que qu’au-delà des préoccupations quoti-
« la participation parentale ne peut se diennes tenant à la scolarité et à l’édu-
faire que s’il y a invitation à participer de cation des enfants, les parents, souvent
la part des enseignants, puis compré- démunis, rarement démissionnaires,
hension du rôle parental » (Deslandes & souhaitent accéder à des méthodes leur
Bertrand, 2004, cité par Feyfant & Rey, permettant d’aider leur enfant, mais sont
2006). moins demandeurs d’information sur le
projet éducatif par exemple.
Dans la plupart des enquêtes réalisées
l auprès des parents d’élèves l, ceux-ci Le point de vue des personnels de
En France, la PEEP
(l’une des principales expriment des satisfécits pour l’accueil direction
fédérations d’asso- assuré par les enseignants et l’organi-
ciations de parents sation mais des insatisfactions quant
d’élèves) a réalisé Population rarement évoquée dans les re-
une enquête auprès au manque d’informations ou l’organi- cherches sur les relations parents-école,
d’un panel de parents sation du périscolaire, en France l. En puisque ce sont les enseignants qui sont
d’élèves, pour établir accompagnement d’une enquête faite le plus souvent évoqués comme repré-
un baromètre de la auprès d’une quarantaine de jeunes
rentrée 2014. sentants de l’institution scolaire, les direc-
« absentéistes » et de leurs parents, teurs et chefs d’établissement peuvent
l’UNAF (Union nationale des associa- rendre compte des relations avec les
l
Rappelons que la tions familiales) note que les parents représentants de parents ou à l’occasion
réforme des rythmes sont souvent affectés par le comporte- de problèmes liés à la « vie scolaire ». Si
scolaires, initiée par la ment de leurs enfants mais se trouvent la majorité des directeurs d’école consi-
loi de refondation de démunis devant l’influence des autres
l’école, en 2013, a été dèrent comme positive l’implication des
généralisée lors de la élèves ou face à la difficulté de gérer parents, une frange de l’ordre de 5 à 20 %
rentrée 2014. l’adolescence de leurs enfants. D’autre des directeurs interrogés (par Fotinos, en
part, ils signalent le manque de dia- 2013) restent fermés à cette participation :
logue de la part des établissements parce qu’il jugent que la « réussite des
scolaires (défaillance dans le signale- élèves ne passe pas par la participation
ment des absences, manque de relation des parents à la vie de l’école » ; parce
de confiance avec les parents, manque qu’ils ne sont pas d’accord pour faire de la
de dialogue avec les jeunes, non-appli- relation école-parents un axe prioritaire du
cation des sanctions prévues). Mais les projet d’école ; parce qu’ils ne souhaitent
avis restent partagés, « pour certains pas organiser des réunions d’information
parents, l’école se déshumanise », en dehors de problèmes ou encore que
« pour d’autres, elle sait alerter face au ces réunions ne font pas partie des mis-
mal-être d’un adolescent » (Humann & sion des enseignants.
Martin, 2010).
Cependant, 92 % des chefs d’établis-
Pour les associations qui apportent leur sement sont satisfaits de la qualité des
soutien aux parents et aux élèves, en relations avec les délégués de parents
dehors de l’école, les parents ont be- d’élèves et ont le sentiment d’avoir la
soin de comprendre les relations avec confiance des parents, en général. Pour
l’école et le travail scolaire de leur en- les chefs d’établissements secondaires,
fant. Il s’agit de lutter contre les a priori la qualité des relations avec les parents
négatifs que pourraient avoir les parents est du même ordre que pour les directeurs
envers l’école, d’expliquer ce qui se d’écoles (83 % de satisfaction) mais 17 %
passe à l’école, au travers des multiples la juge médiocre. La confiance semble
réformes, d’organiser pour ce faire des

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régner avec les délégués de parents aux « norme de comportement éducatif »
réserves suivantes près : les directeurs et indiquant « l’intérêt que les parents
chefs d’établissement considèrent que les accordent à la réussite scolaire » (lire
délégués de parents ne sont pas repré- et signer le cahier de liaison, venir aux
sentatifs de l’ensemble des parents, qu’ils rendez-vous, surveiller les devoirs) ;
ne jouent pas toujours leur rôle de relais et − les parents doivent être en quelque l
Ces propos étant for-
qu’ils se préoccupent surtout de la scola- sorte des auxiliaires, des relais du tra- tement réfutées par les
rité de leurs propres enfants l. vail en classe, « sans les concurren- associations de parents
cer sur leur posture professionnelle », d’élèves.
Les uns et les autres restent néanmoins tout en devant « transmettre une envie
partagés quant à l’éducation familiale en d’apprendre » à leurs enfants ;
matière de respect des valeurs de l’école − les enseignants reprochent souvent
républicaine. Ils doutent de la compétence aux parents de ne pas suffisamment
des parents à accompagner la scolarité de vérifier le travail, de se décharger de
leurs enfants, soit parce qu’ils ne savent cette tâche de supervision sur l’étude,
pas comment faire, soit parce qu’ils ne l’aide aux devoirs ou la fratrie.
sont pas en mesure de le faire (Fotinos,
2014a). Comme dans la plupart des travaux
de recherche sur l’éducation familiale,
Moins évoquée dans les enquêtes Asdih note que là encore ce sont les
françaises, mais représentant l’essen- parents de classe moyenne ou aisée
tiel des (rares) recherches américaines, qui répondent le mieux aux attentes des
l’approche psychologique des relations enseignants, attentes qui « traduisent
avec les parents témoigne des difficultés une méconnaissance ou une prise en
à communiquer et aussi à surmonter les compte incomplète des conditions de
violences subies. D’autre part, les chefs vie [des] familles [plus défavorisées],
d’établissement américains évoquent plus de leurs rapports à l’école, de leurs dif-
facilement des difficultés liées à la race ou ficultés réelles ou des incidences sur la
la langue, à la communauté locale, que ne scolarité ».
le font les chefs d’établissement français
pour les familles de milieu défavorisé ou La parole des enseignants va plus loin
immigrées. que le reproche de l’absentéisme ou du
fatalisme des parents : « le manque de
Le point de vue des enseignants soutien se transforme en attaque contre
l’école » ; « les parents ont une repré-
À partir d’une étude menée dans 11 écoles sentation défaillante de leur rôle » et
primaires du sud de la France, composée préfèrent remettre en cause l’institution
pour 7 d’entre elles d’une population homo- scolaire plutôt que de se remettre en
gène de milieu socio-économique et cultu- cause (déni des difficultés, « absence
rel plutôt défavorisé, Asdih (2012) fait les de feeling lors des contacts »). Cer-
constats suivants : tains enseignants ont le sentiment que
l’école devient garderie gratuite, un
− le concept de coéducation est largement
moyen de toucher les allocations. Pour
intégré et un partenariat semble effectif
bon nombre d’enseignants, les parents
dans certaines écoles. La parole des
« invisibles » sont démissionnaires et
enseignants est la suivante : « Nous
ceux qui s’investissent plus dans la
allons dans le même sens et nous avons
scolarité finissent par devenir envahis-
besoin d’eux » ;
sants : « Des représentations stéréoty-
− les enseignants parlent plus souvent de
pées s’expriment à travers les termes
l’absence des parents ou leur manque
de “démission” scolaire (Thin, 1998 ;
d’investissement (ils ne viennent pas aux
Périer, 2005), de parents “fuyants”
rendez-vous ou aux réunions de bilan),
(Verba, 2006), “inaptes à suivre leurs
mais ce constat est plus rare quand des
enfants” (Lorcerie & Carvalo, 2002) »
projets spécifiques ont pu être montés ;
(Asdih, 2012).
− les enseignants attendent des parents
une attitude correspondant à une

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Un enseignant associe difficultés scolaires raisons –, les enseignants sont conscients
et carences familiales, notamment difficul- des enjeux mais aussi aptes à s’adapter
tés financières (« ils ne peuvent même aux problématiques parentales, plutôt que
pas se payer une règle »). Les probléma- de faire porter, inconsciemment ou pas, la
tiques familiales sont jugées lourdes, les responsabilité de l’incompréhension sur
pratiques éducatives inadaptées, l’impli- les familles.
cation dans la scolarité faible. La réalité
des familles est mise en exergue dans les Pour près de 50 % des chefs d’établis-
déclarations : l’alcoolisme, les divorces sement français, les parents ne lisent
conflictuels, l’absence de limites paren- pas les mots transmis à leur intention, ne
tales, la surprotection des mères, les en- se sentent pas concernés par la vie de
fants « livrés à eux-mêmes ». Certaines l’école et que « si les relations parents/en-
attitudes tendent à infantiliser les parents seignants ne sont plus très bonnes, c’est
des familles populaires ou étrangères la faute des parents » (pour 40 % des per-
(Thin, cité par Asdih, 2012 ; Turney, 2009). sonnels de direction).
Les enseignants ont alors tendance à nor-
maliser leurs relations avec les parents en
délégant la communication aux enfants « Quant au rejet de la “faute” sur
(Maubant & Leclerc, 2008 ; Asdih, 2012). les familles, plusieurs sources
d’informations conduisent à
Les schémas de ces enseignants sont penser que cette appréciation
plus conformes aux modèles éducatifs des est le fruit de la combinatoire de
parents de milieux aisés et stigmatisent deux phénomènes : d’une part
les familles populaires (Feyfant, 2011). le comportement revendicateur
« La recherche de partenariat avec les pa- des parents sur le champ de
rents serait liée, chez les enseignants, à la frontière ténue séparant le
leur niveau d’études, aux représentations pédagogique de l’éducatif qui se
de leurs compétences, des ressources à heurte souvent à une conception
leur disposition et de l’aptitude des élèves normalisée et statique du
à apprendre » (Asdih, 2012). partenariat École/Parents des
enseignants et d’autre part, la
Ces propos négatifs sont néanmoins à succession désormais régulière
mettre en regard avec les démarches de micro-évènements vécus par
engagées par les enseignants pour faire les enseignants, notamment les
face aux difficultés d’apprentissages, au différends et conflits qu’une bonne
climat scolaire, à l’impression de « batail- partie d’entre eux considèrent
ler », à l’expression d’un sentiment d’im- comme des remises en cause de
puissance, de déception, d’épuisement, leur légitimité professionnelle »
finissant par mettre à mal toute relation de (Fotinos, 2014a).
confiance avec les parents.

RELATION DIFFICILE ET
INÉGALITAIRE Il arrive aussi que cette communication
malaisée transforme les relations pa-
Ce qui ressort des observations et entre- rents-école en situation conflictuelle,
tiens avec les différents types de familles, soit parce que les parents ne se satis-
c’est la difficulté, pour les familles « de font pas d’un manque de communica-
bonne volonté mais qui ne savent pas tion, soit parce qu’ils refusent les ana-
comment faire », à comprendre les com- lyses faites par les enseignants sur le
mentaires et consignes des enseignants, comportement ou sur les résultats de
exprimés dans un langage qui ne leur est leur enfant. Les entretiens individuels
pas familier, qui leur paraît peu précis, dif- parents-enseignant ont fait l’objet de
ficilement décomposable dans le cadre plusieurs études (France, Québec,
familial. La question est de savoir si, face Suisse) dans lesquelles il apparaît que
à ces parents démunis – pour diverses les enseignants mal à l’aise pour com-
muniquer de mauvais résultats usent de

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deux types de stratégies, l’une qui Au Québec, la communication bidirec-
consiste à euphémiser ou à dramatiser tionnelle n’empêche pas les mêmes
la difficulté, l’autre qui consiste à utiliser craintes de la part des parents (pas à
des termes issus de la didactique l’aise, ayant peur de ne pas être écoutés,
(Chartier, 2014). voire être ignorés). Néanmoins, des
avancées existent, comme le montrent
Une étude, menée en Angleterre, les travaux, même ponctuels, effectués
montre que pour des parents les moins par des chercheurs de plusieurs univer-
vindicatifs les sujets de conflits portent sités québécoises, dans des commu-
sur la violence faite à leur enfant, les nautés de milieux rural ou urbain, de
traitements jugés humiliants, les de- milieux défavorisés ou non. Pour éviter
mandes financières excessives ou le de n’utiliser que des messages écrits,
manque d’explication lors d’évaluations difficile d’accès pour certaines familles,
négatives (Ranson, Martin & Vincent, les écoles ont privilégié l’usage du télé-
2004). phone (les établissements ont fourni des
téléphones portables aux enseignants
En France, selon les chefs d’établisse- travaillant sur deux établissements), des
ment, les différends rencontrés par les sites Internet et des messages simples
parents, essentiellement avec les en- évitant toute formule superflue, incitant
seignants (dans les écoles) ou les per- les parents à joindre l’école par télé-
sonnels d’éducation (collèges), portent phone. Les enseignants prennent garde
sur les punitions ou sanctions, la sur- de s’accorder pour éviter des messages
veillance ou la maltraitance entre élèves redondants et les écoles cherchent à
(plus au primaire qu’au secondaire), les mettre en avant les points positifs de
résultats ou difficultés scolaires (33 %) l’élève. Certaines écoles privilégient les
ou le déroulement de la scolarité (25 %). messages relatifs à la scolarité de l’en-
fant, alors que d’autres mettent l’accent
L’attitude des enseignants est aussi à sur des activités collaboratives parents-
géométrie variable, avec des réponses école. L’accueil des parents dans l’école
plus promptes s’il s’agit de problèmes a fait l’objet d’un réaménagement de
relatifs au bien-être de l’enfant ou à l’espace mais aussi d’adaptation des
un problème comportemental, tenant temps en organisant des réunions (re-
à la « sphère privée », que s’il s’agit mise des bulletins) en fin de journée,
des normes scolaires ou des pratiques pendant lesquelles un service de garde
pédagogiques, tenant à la « sphère pro- est assuré (Dumoulin et al., 2013).
fessionnelle ». C’est aussi le sentiment
de 23 % des personnels de direction En France, le dispositif « la mallette
qui considèrent que les enseignants ne des parents » visant à un plus grand
remplissent pas leur mission d’informa- dialogue avec les parents, à une meil-
tion sur les programmes et les objectifs leure connaissance du collège et de
pédagogiques mais qui, à près de 35 %, son fonctionnement, a expérimenté,
trouvent que les parents sont beaucoup en 2009-2010, une campagne d’invi-
trop critiques sur les contenus et les tation à des ateliers-débats dans l’éta-
pratiques. blissement. Plusieurs types d’envoi ont
été testés : lettre simple, lettre accom-
Or, « coopérer avec les parents et par- pagnée d’un DVD, SMS de rappel ou
tenaires de l’école » fait partie des dix appel téléphonique et, pour une partie
compétences que doivent maîtriser les des parents, aucune invitation person-
enseignants (MEN, 2013). Pour Périer, nalisée. Les parents invités individuelle-
cette logique d’ouverture issue d’un vo- ment participent plus (gain de l’ordre de
lontarisme politique contraste avec les 12 à 15 %) mais il s’agit surtout de ceux
processus observés, sérieusement en- ayant reçu un rappel par SMS ou par
tachés par les « difficultés persistantes téléphone (30 % des parents rappelés
dans les relations avec les usagers les participent, contre moins de 10 % des
plus éloignés culturellement de l’école » destinataires d’une simple lettre, voir
(Périer, 2008). Gurgand, 2011).

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6/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
Toutes les actions entreprises pour favo- tation et de programmation pour la re-
riser la communication avec les familles fondation de l’école de la République de
montrent, et ce, quel que soit le pays, la 2013, évoquant une redynamisation du
nécessité d’un travail de toute l’équipe dialogue entre école et parents, collec-
éducative et « qu’une formation d’abord tivités territoriales et secteur associatif
axée sur l’approche des enseignants et et affirmant que « la promotion de la co-
des parents serait à prioriser afin que éducation est un des principaux leviers
les uns comme les autres abandonnent de la refondation de l’école ». Déjà, en
leur conception traditionnelle de leur 1989, la loi d’orientation avait évoqué la
implication et que, mutuellement, ils notion de communauté éducative pour
développent une culture commune » ce partenariat « famille-école-associa-
l
« Partage des rôles et (Dumoulin et al., 2013). tions » l.
des responsabilités
entre partenaires visant UN MODÈLE PARTENARIAL Au Québec, on parle plus facilement et
à éduquer, instruire, depuis plus longtemps de communau-
former et préparer INSTITUTIONNEL
ensemble à l’insertion tés éducatives, de collaboration. C’est
sociale et profession- la commission Parent (1963-1966) qui
nelle des élèves dans « La promotion d’un modèle de parte- marque le passage d’une vision de
un cadre réglementaire nariat par l’institution scolaire consiste l’école fermée aux parents à un appel
précis » (Pithon, 2008). à développer un type de rapport avec à la collaboration. Pour autant, la place
les familles qui, en réalité, sollicite des parents dans l’école ne sera effec-
les parents, afin de prévenir, de régu- tive qu’à la fin des années 1990, avec la
ler et réparer si besoin les scolarités » mise en place de conseils d’établisse-
(Périer, 2008). Le rôle institué des pa- ments (équivalents des conseils d’école
rents est celui d’alliés de l’école ; il s’a- français créés en 1980).
git d’un « faire avec », sous le contrôle
des enseignants ou de l’école. Parado- Cette implication plus tardive ne signi-
xalement le partenariat serait plus déve- fie pas qu’elle est moindre, bien au
loppé là où il est jugé moins nécessaire, contraire, l’idée de partenariat étant
sans doute parce que dans ces situa- mieux ancrée dans les mentalités, et
tions moins difficiles, les partenaires concerne non seulement les ensei-
sont aussi plus proches culturellement. gnants et les parents, mais également
On en revient à la notion de partage d’un toute la communauté locale.
langage commun, auquel les familles de
milieu défavorisé n’ont pas accès. « Le Face aux difficultés des élèves, la
partenariat est un concept adapté aux France a mis en place les PPRE (Pro-
classes moyennes, distribuant des rôles grammes personnalisés de réussi-
convenus et assignant aux familles te éducative) et le Québec des plans
ayant un capital scolaire moindre un d’intervention. Dans le premier cas, les
contexte normatif inadapté » (Feyfant & enseignants élaborent le PPRE avant
Rey, 2006). d’en discuter avec les parents de l’élève
concerné ; au Québec, pas de prépa-
En Écosse, en France ou ailleurs, ce ration unilatérale mais une préparation
sont des lois, décrets ou circulaires concertée parents-enseignants. Autre
qui incitent à plus de participation des exemple, celui de la transition primaire-
parents dans les écoles. Dans les faits, secondaire, pour lesquels les difficul-
ici ce sont des conseils d’école, là, tés qui y sont liées sont envisagées de
des forums ou conseils de parents. En manière descendante, par la recherche
Écosse ce sont les collectivités locales et par l’institution, ou les établisse-
qui ont en charge la promotion de ces ments ; au Québec c’est aussi le minis-
structures et l’incitation des parents à tère qui dégage des principes d’action,
s’impliquer ; en France, le rôle des pa- en posant comme principe premier de
rents dans l’école est inscrit dans la loi « reconnaître les parents comme pre-
sur l’éducation de 1989 et les décrets miers responsables de l’éducation de
de 2006. Quelques lignes leur sont leur adolescent » (Meuret, in Fotinos,
consacrés dans le texte de la loi d’orien- 2014a).

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Coéducation : quelle place pour les parents ? 7/24
Les travaux en sociologie donnent
un éclairage particulier de l’évolution
LES MODALITÉS
du discours sur les relations parents- DU PARTENARIAT
école, notamment par leur justification
vis-à-vis de la socialisation des enfants. PARENTS-ÉCOLE
Dans le cadre de l’éducation présco-
laire, « pensée comme une instance
« Nos concitoyens conviennent
chargée de développer le plus préco-
que l’école est un lieu essentiel
cement possible les apprentissages so-
d’éducation des enfants et,
ciaux et culturels propices à la sociali-
surtout, tous les milieux sociaux
sation et l’intégration du jeune enfant et
considèrent que la réussite scolaire
de sa famille » (Giuliani & Payet, 2014),
est un enjeu majeur pour leurs
les relations de proximité avec les fa-
enfants. La question n’est plus de
milles devient un outil d’éducation des
convaincre de la nécessité d’une
familles. Une autre logique de proximité
coordination entre parents et
opère un partage des tâches entre le
enseignants mais d’en construire
dépistage et le traitement des difficultés
les conditions concrètes de mise
scolaires (école) et le dépistage et le
en œuvre sans accroître encore la
traitement des problématiques sociales
pression de la réussite scolaire sur
touchant la famille (éducateurs so-
la vie quotidienne des jeunes et de
ciaux). Une troisième logique consiste
leurs familles » (Durning, 2006).
à externaliser la prise en charge des
élèves décrocheurs et du soutien à la
parentalité, par exemple.

Pour Giuliani et Payet, ces politiques L’engagement des parents


sont des idéaux-types, qui renvoient à
une politique scolaire non homogène, Au risque d’une lapalissade, tous les
témoignant de l’existence de plusieurs travaux de recherche montrent que
modèles de « gouvernementalité ». l’implication des parents est fortement
Lorsque l’action publique prend pour corrélée à la performance scolaire de
cible la petite enfance, l’institution leurs enfants, à quelques variables
vise les styles éducatifs parentaux l ; l
près, et que le style éducatif croisé avec Standardisation des
lorsqu’elle prend pour cible des popu- le milieu socioculturel et avec l’école modes d’éducation
lations plus exposées que d’autres aux familiaux, imposition
fréquentée influence diversement ces
de dispositifs disci-
risques d’échecs scolaire et social, performances (Feyfant, 2011). plinaires et culturels
l’institution responsabilise le parent et auxquels l’individu est
le somme de participer, de prendre « un Il convient ici d’apporter une réserve assujetti (Martucelli,
rôle actif dans la gestion des consé- 2004, cité par Giuliani
quant à l’usage indifférencié du terme
& Payet, 2014).
quences de sa situation sociale » ; d’implication et d’engagement. Pour
dans le cas de familles dites « désaf- certains, l’implication des parents ne
filiées », trop éloignées de l’institution signifie pas forcément engagement, les
scolaire, l’action publique va tenter une parents étant impliqués scolairement
reconstruction du lien, « équiper, acti- (l’école étant obligatoire) sans s’investir
ver, mobiliser les parents pour qu’ils se physiquement dans l’école. « Un parent
constituent en sujets aptes à prendre peut ne jamais se présenter à l’école de
leurs responsabilités éducatives » toute l’année scolaire sans nécessaire-
(Giuliani & Payet, 2014). ment compromettre la réussite scolaire
de son enfant s’il valorise à la maison
l’école et les apprentissages des no-
tions enseignées à l’école » (Larivée,
2012).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


8/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
Les modèles d’implication des parents − le modèle de partenariat (partnership
model) : basé initialement sur les no-
L’implication des parents peut prendre tions d’égalité des chances, de mérite,
diverses formes. La typologie proposée de compétences académiques et qui
par J. Epstein (2010) fait référence, même a dérivé sur des concepts comme
si l’évolution des situations socio-écono- « apprentissage » et « efficacité ». Ce
miques et de l’école en nuancent ou com- modèle s’adapte à une société plus
plètent la structure. Cette implication peut individualiste ;
se faire sous la forme : − le modèle de l’usager participant (user
− d’un suivi à la maison des enfants (im- participation model) : les parents sont
pact sur la stimulation intellectuelle, la des citoyens actifs au sein d’une démo-
prise de confiance en soi) ; cratie participative. La participation aux
− de l’entretien d’un modèle familial d’as- organes consultatifs de l’école, d’abord
pirations à l’éducation et de valeurs au travers d’organisations structurées
citoyennes ; de parents, devient plus « fluide »,
− de rendez-vous avec les enseignants apolitique ou non, et implique un ma-
pour comprendre les règles de l’école nagement différencié des écoles ;
ainsi que les procédures, les pro- − le modèle du choix (choice model) :
grammes, les devoirs et les évalua- résultant de la restructuration des sys-
tions ; tèmes éducatifs dans les années 1980,
− de participations aux manifestations de il est associé au concept de « mobilité
l’école ; sociale ». L’école doit s’insérer dans
− d’aides diverses, régulières ou ponc- un marché quasi concurrentiel dont le
tuelles, à l’école ; consommateur final, le parent, choisit
− de la participation au management et à ce qu’il considère être le mieux pour
la gestion de l’école. son enfant.

Cela peut se traduire par des modes de Des logiques d’implication


partenariat visant à aider les familles dans
leur rôle de soutien et les écoles dans leur Certaines recherches posent le triple
compréhension des familles (parenting) ; constat suivant : l’implication parentale
à informer les familles (communicating) ; croît avec le statut socio-économique des
à aider les familles dans le travail à la parents ; le type d’implication se modifie
maison (learning at home) ; à impliquer dans le temps à mesure que grandit l’en-
les familles dans le soutien aux élèves fant ; l’implication parentale se différencie
(volunteering) ; à inclure les familles dans selon le sexe de l’enfant (Avvisati et al.,
les prises de décision et l’administration 2010).
de l’école (decision making) ; à coordon-
ner les ressources et les services de l’en- Dans le domaine de l’économie, les re-
semble de la communauté (collaborating cherches s’intéressent à la première as-
with community) (voir Epstein, 2004). sertion, décrivant les effets du diplôme,
de la profession du père ou de la mère,
Lars Erikson (2004 ; cité par Feyfant & et montrent que pour certains parents, le
l Rey, 2006) propose quatre modèles rela- soin apporté aux enfants s’apparente à un
En 2000, le temps
passé par semaine à
tionnels, selon le degré d’implication (in- produit de luxe pour lequel tout investis-
l’éducation de l’enfant volvement) des parents dans l’école : sement appelle un retour sur investisse-
(notion de care, en − le modèle de séparation (separation ment, avec, par exemple, une élasticité
anglais) est de 1,8 h model) : basé sur l’évidente différence
pour les pères et 6,8 h de substitution (entre temps pour soi et
pour les mères, en
entre école (enseignants) et maison temps pour l’enfant) moindre pour les pa-
France ; 5,7 h pour les (parents) au niveau des attentes et rents ayant un haut niveau de scolarisa-
pères et 11,7 h pour les des valeurs, impliquant des conflits tion (Guryan et al., 2008) l.
mères en Norvège ; incontournables mais potentiellement
0,6 h pour les pères et
5,9 h pour les mères
productifs. Dans ce modèle, l’enfant Dans le cas de parents plus pauvres, les
en Afrique du Sud). appréhende mieux sa place et son rôle économistes constatent que les sociolo-
d’élève ; gues ont une vision plus riche de l’effet du

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 9/24
statut socio-économique sur la participa- La mesure de l’implication parentale
tion des parents (dans cette loi de l’offre
et de la demande) : si « la théorie de la Par des indicateurs
“culture de la pauvreté” suggère que les
familles d’ouvriers ne donnent pas une va- Une analyse de l’engagement des parents
leur aussi importante que les familles des dans l’école a été réalisée dans le cadre
classes moyenne et supérieure » (trad. de du Projet IPPE (Indicateurs de partici-
Avvisati et al., 2008) à l’école, deux autres pation des parents dans l’enseignement
théories peuvent expliquer la moindre obligatoire) par le consortium européen
implication des parents modestes : le REGE (Réseau européen sur la gouver-
manque de bienveillance de l’école pour nance de l’éducation en Europe). Pour
ces parents (« théorie institutionnelle » et évaluer la participation des parents et
discriminante) ; la connivence autour d’un établir des indicateurs, le consortium s’est
capital culturel partagé entre enseignants basé sur le concept de droits des parents,
et parents privilégiés (et les héritiers bour- droits individuels et droits collectifs.
dieusiens).

Pour Périer, trois logiques expliquent la Pour élaborer les indicateurs,


distance entre école et parents de milieu le Projet IPPE a utilisé divers
défavorisé : l’une repose sur une confiance documents internationaux ou
initiale, que Périer qualifie de « délégation régionaux, tels que le Pacte
éducative », que les parents accordent international des droits civils et
aux enseignants, jugés plus compétents. politiques, la Convention sur la
Cette confiance peut basculer lorsque protection des droits de tous
l’enseignant fait part aux parents des dif- les travailleurs migrants et de
ficultés de l’enfant. Une seconde logique leurs familles, la Convention
est subordonnée à un ensemble de griefs européenne des droits de l’homme
à l’égard des enseignants ou de l’École : et des libertés fondamentales, etc.
élitisme, manque d’autorité, discrimination Les autorités publiques, des
sociale ou ethnique. C’est le doute, voire la associations nationales de parents
défiance, qui président aux relations avec et des représentants du corps
l’école. Une troisième logique est une lo- enseignants ont été interrogés.
gique de défense, les familles cherchant à
se soustraire de tout jugement de l’école
qui les culpabilise. Les parents peuvent,
au mieux, réduire la distance avec l’école
en participant ponctuellement à des acti- Les droits individuels recouvrent :
vités, mais le sentiment d’humiliation, de
− le droit à l’information : quelles infor-
discrimination n’est jamais loin. La volonté
mations sont mises à disposition, les-
d’un partenariat avec les parents implique
quelles le sont obligatoirement, sont-
bien souvent que ceux-ci s’adaptent à des
elles adaptées aux caractéristiques
règles, des normes, des rôles qui leur sont
des parents ?
imposés par l’institution scolaire. Toute
− le droit de recours : existe-t-il des
défaillance des parents pour s’adapter
mécanismes de recours, sont-ils effi-
renforce le sentiment d’injustice et le be-
caces ?
soin de retrait (Périer, 2012).
− le droit de choisir l’école : existe-t-il un
paysage diversifié des projets d’éta-
Si tous les travaux de recherche, tous
blissement, existent-ils des mesures
les documents ministériels affirment l’in-
financières permettant aux parents de
fluence positive pour les élèves de l’impli-
choisir une école ?
cation des parents dans l’école, comment
mesurer de manière univoque cette impli-
cation et ses impacts ? Peut-on entrevoir
une « bonne pratique » transférable ?

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10/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
Les droits collectifs relèvent du droit de volontaires de 100 classes tirées au sort
participation des parents : sur 200 (pour une expérimentation en 6e)
peuvent participer aux ateliers-débats :
− existe-t-il des organes de participation,
20 % des parents de ces classes se sont
quel est le mode de représentation
portés volontaires ; 50 % de ceux-ci ont
prévu pour les parents ?
participé à au moins un des débats ; 17 %
− l’État recueille-t-il régulièrement l’opi-
au trois débats. Et 30 % de ces parents
nion des parents ?
ont plus rencontrés les enseignants que
− existe-t-il un dispositif de formation des
ceux qui n’y avaient pas participé (24 %) ;
parents ?
85 % des volontaires (contre 76 %) disent
être mieux informés ; 80 % n’ont jamais
L’ambition du projet est d’élaborer des
été convoqués par l’administration (contre
« indicateurs citoyens » permettant à la
72 %), ce qui les rapproche de la situation
fois de mesurer, d’expliquer et de « moni-
des familles de milieux plus favorisés.
torer » les politiques publiques quant à la
participation des parents.
La mesure de l’impact sur les apprentis-
Chacune des questions ci-dessus permet sages ?
de pondérer la valeur globale des quatre
indicateurs (sur 100). Par exemple, pour La multiplicité des modes d’implication
l’indicateur « droit d’information », l’exis- sous-tendue par le contexte familial,
tence d’une information sur l’organisation local, etc. rend des plus complexes les
de l’école peut prendre les valeurs sui- tentatives de mesure de l’impact de cet
vantes : 0/5/15. Une information adaptée engagement parental, qui se voudrait pro-
aux parents sera évaluée de 0 à 25. À bantes. Bien souvent les recherches sont
l partir des quelques pays ou régions ayant d’ordre qualitatif et interrogent l’implication
Belgique, Espagne, des adultes (parents, enseignants) dans
Italie, Portugal, participé l, on peut noter, par exemple,
Roumanie, Royaume- que le droit d’information est surtout péna- cette relation à l’école, aux apprentissages
Uni (dont Angleterre, lisé par le manque d’évaluation (Suisse, mais sans que l’impact sur les apprentis-
Pays de Galles), Suisse Belgique), qu’il existe peu de mesures sages soit vérifié et surtout généralisable.
(dont 5 cantons). Plus problématique, les conclusions des
financières pour faciliter le choix de l’école
(indicateur très favorable au Royaume- recherches basées sur des entretiens
Uni, bien évidemment). Le droit de recours avec les parents (pour l’implication) et les
est respecté partout, mais dans la plupart enseignants (pour l’attitude des élèves)
des pays, les modalités de représentation ne s’accordent pas quant à l’impact sur
sont peu favorables aux parents, quel que les apprentissages scolaires. Certaines
soit le niveau (établissement, local, natio- rendent essentiellement compte d’amé-
nal). lioration d’ordre social (comportement,
confiance en soi) et restent peu affirma-
De la relativité des mesures tives ou peu étayées sur les résultats
« académiques ».
On verra plus loin un descriptif des pro-
grammes susceptibles d’accompagner COÉDUCATION,
l’implication des parents et notamment, COLLABORATION OU
pour la France, la boîte à outils constituée COOPÉRATION ?
par la « mallette des parents ». Ce dis-
positif, expérimenté en 2008-2009, a fait « Les parents sont passés d’une position
l’objet d’une évaluation par l’École d’éco- d’“assujettis” à l’égard de l’école, puis de
nomie de Paris en 2011. Le nom de mal- partenaires, d’usagers, voire de consom-
lette a été donné parce qu’il s’agit d’une mateurs, avant de devenir des “coéduca-
part de proposer trois ateliers-débats, au teurs” » (Fotinos, 2014b).
sein de l’école, en soirée, et d’autre part
d’outiller les enseignants et les animateurs Les typologies d’implication des pa-
de ces réunions, par des fiches, des DVD, rents ne manquent pas : selon les styles
des dessins et affiches. Le protocole du (Epstein, voir plus haut) ou selon les
programme prévoit que seuls les parents formes d’implication, information et

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 11/24
consultation ; coordination et concer- partagée de la réussite scolaire, visant
tation ; coopération et partenariat ; co- une meilleure insertion sociale, le déve-
gestion et fusion (Larivée, 2011). loppement personnel, et qui, pour Meuret
(in Fotinos, 2014a), est moins sujet aux
La coéducation contradictions françaises qui visent la
réussite mais privilégient un apprentissage
La coéducation est le plus souvent envi- déconnecté de l’action (économique). En
sagée dans un contexte difficile, social Italie, certaines communes renforcent les
ou scolaire. Cette relation parents-profes- liens entre crèches, écoles maternelles,
sionnels, souvent associée à la notion de lieux d’accueil enfants-parents autour
soutien à la parentalité et analysée d’un d’une culture de la petite enfance. Au
point de vue clinique, interroge « l’éduquer Danemark, les parents participent à la
ensemble, avec, ou côte à côte », dans construction de projets préscolaires (voir
le cadre de la petite enfance. Il n’en reste Rayna, Rubio & Scheu, 2010).
pas moins que cette notion mérite d’être
interrogée pour mieux en comprendre, La coopération
non pas forcément le sens, mais le mode
d’emploi (Rayna, Rubio & Scheu, 2010). Si la coéducation est plutôt mise en avant
Qu’entend-on actuellement par coéduca- pour l’éducation pré-primaire (crèche,
tion ? Il s’agit d’une « relation entre éduca- école maternelle), la coopération est un
teurs dits “premiers”, que sont les parents, moyen de pallier les difficultés rencon-
et éducateurs professionnels qui œuvrent trées par l’enfant, les parents ou les ensei-
en parallèle […] ou/et successivement gnants. On l’évoque pour les problèmes
lorsque l’enfant grandit […] en tout cas comportementaux, de violence, la gestion
en alternance avec les parents » (Rayna de l’absentéisme (Angleterre), mais aussi
& Rubio, 2010). Cette relation s’entend pour créer du lien social (Suisse). Le pro-
plus facilement pour la petite enfance, en cessus coopératif semble être, dans la plu-
termes de socialisation, de développe- part des cas, à l’initiative des enseignants,
ment, de premiers apprentissages, avec et est fortement dépendant du capital sco-
un partage des responsabilités aisé ou laire des parents, à même de répondre ou
malaisé, selon les cultures, les histoires non à des situations de rupture et d’être,
nationales, etc. L’ouverture des institu- plus globalement, en adéquation avec les
tions aux parents ne signifie pas pour exigences scolaires (Millet & Thin, 2005 ;
autant ouverture du dialogue et volonté Verba, 2006).
d’un dispositif avec les parents, « rele-
vant davantage […] d’une recherche de En France, la loi d’orientation de 2013 pré-
rencontre entre coéducateurs, impliquant cise que la coopération « doit se concré-
réciprocité et ouverture à l’altérité » mais tiser par une participation accrue des
plutôt pour les parents (transmettre des parents à l’action éducative dans l’intérêt
bonnes pratiques, former à la parentalité). de la réussite de tous les enfants ».
« Certaines écoles se réfèrent [au] cadre
réglementaire comme à des obligations « Partager l’éducation consiste à envisager
minimales tandis que d’autres élaborent les complémentarités, favoriser la porosité
des projets spécifiques et présentent des entre tous les espaces et temps éducatifs
démarches originales dans cette perspec- en mobilisant l’ensemble des acteurs du
tive » (Asdih, 2012). système » (Gaussel, 2013). Au Danemark
ou en Italie, cette complémentarité se tra-
Les modalités de coéducation sont mul- duit par une mutualité des apports, par
tiformes, selon les structures, les pays : une co-construction des projets éducatifs
l
alternance-simultanéité, continuité- préscolaires ou pré-primaires (Broström, Rayna et al. (2010)
discontinuité, division-partage des inter- 2000 ; Picchio & Musatti, 2000 ; cités par citent des expériences
en Allemagne, en
ventions et responsabilités. Le Québec, Rayna et al., 2010) pouvant aller jusqu’à Nouvelle-Zélande, en
où l’institution promeut la collaboration et une collaboration dans la construction des Italie (Reggio Emilia)
les partenariats, propose un modèle édu- curricula (toujours pour le préscolaire) l. ou aux États-Unis (en
catif sans doute plus proche de la notion direction des enfants
migrants).
de coéducation, basé sur une conception

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


12/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
En France, l’enquête (2012-2013) auprès UNE QUESTION DE
des directeurs d’école (maternelle et élé- TERRITOIRE
mentaire), déjà citée, montre que si une
majorité d’écoles (86 %) a réalisé au
moins un projet éducatif avec les parents, Le concept de coéducation pose ques-
la moitié seulement l’a co-construit avec tion, en termes de territoire. D’une part,
les parents (Fotinos, 2014a). de manière triviale, si l’on considère que
parents et enseignants se positionnent
avant tout par rapport à un territoire qui
La collaboration
leur est propre, « la famille » pour les uns,
« l’école » pour les autres, en affirmant
La notion de collaboration est associée des prérogatives qu’ils ne souhaitent pas
à celle de réussite éducative : collabo- partager. D’autre part, sur le plan des
rer dans un but commun. Glasman, en politiques publiques, pour lesquelles le
1997, se demande si le rapprochement territoire est passé d’une dimension natio-
des parents suffit à garantir une meilleure nale « qui doit favoriser l’émergence d’un
réussite, Chauveau (2000, cité par Asdih, sentiment d’appartenance à une com-
2012) considère qu’elle vient enrichir des munauté régie par le politique incarnant
moyens pédagogiques et didactiques effi- l’État-nation » à une logique plus locale,
caces, sans oublier toutes les contribu- décentralisée (Maubant & Leclerc, 2008).
tions à l’apprentissage du métier d’élève Ainsi, « la notion de politiques éducatives
(valeurs, compétences, socialisation, etc.) territoriales […] sanctionne le passage du
et tout ce qui participe au bon fonctionne- modèle de la contribution des collectivités
ment d’un établissement (conditions de locales à l’effort éducatif […] à celui de
scolarisation, sécurité, climat scolaire, l’adhésion à un projet éducatif co-construit
processus de régulation). entre plusieurs acteurs au niveau territo-
rial » (Rey, 2013).
On trouve ici ou là des pratiques collabo-
ratives, souvent faites d’échanges pas- Décentraliser les responsabilités, mieux
sant par l’écrit. Le « cahier des réussites » partager les stratégies visant à la réussite
est utilisé en maternelle et au primaire. de tous les élèves, c’est aussi prendre le
C’est un document qui décrit les savoir- risque d’une « dérive individualiste sym-
faire de l’enfant à l’école, sous forme de bolisée à l’école par le consumérisme
schémas et de phrases courtes. Les pa- scolaire » (Maubant & Leclerc, 2008) ou
rents y apportent leur contribution en indi- encore le dessaisissement au profit de
quant si les savoir-faire réalisés à l’école spécificités locales d’une éducation natio-
le sont aussi à la maison, et ce, trois ou nale, jusqu’alors garante de démocratie et
quatre fois sur l’année. « La collaboration d’une possible équité de services. C’est
avec les parents se construit autour des également prendre le risque de provo-
compétences de l’enfant, avec une forme quer, de la part des enseignants, un repli
d’éducation “externalisée” de l’école » sur l’établissement ou la classe, face à
(Asdih, 2012). On peut également citer les une injonction de travailler en partenariat,
clubs « Coup de pouce », axés sur l’ap- sur le territoire local, dont les contours
prentissage de la lecture-écriture en cours restent flous et pour lequel les relations à
préparatoire, pour des élèves à risque de construire semblent trop complexes. L’in-
décrochage. Le principe étant de don- sertion des parents dans le territoire édu-
ner aux plus démunis le soutien qu’ils catif ajoute une pression supplémentaire
l
« C’est un véritable ne trouvent pas le soir et aux parents les pour les enseignants, face au défi de la
contrat, signé solen- aides et informations pour assurer le suivi réussite scolaire, alors même qu’ils fonc-
nellement en mairie, de leur enfant : « Pleinement associés à tionnent toujours sur l’idée d’une mise à
entre l’enfant, l’ensei- l’action, les parents contractent un certain
gnant, les parents, les distance des parents, non pas dans l’idée
animateurs et le maire nombre d’engagements concernant leur d’une sanctuarisation de l’école, mais
ou son représentant » participation à la vie du club et l’accom- dans « l’idée que famille et école sont des
(APFÉÉ). pagnement quotidien de leur enfant à la espace-temps séparés et clos sur eux-
maison » l. mêmes » (Maubant & Leclerc, 2008).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 13/24
Les parents, de leur côté, peuvent en- communes : ces programmes doivent l
tendre dans les discours sur les territoires s’adresser en priorité aux parents l ; les Le soutien scolaire
n’entre pas dans ce
éducatifs comme une prise en compte de actions de soutien à la parentalité visent
cadre alors que le sou-
leurs spécificités, tout en souhaitant un à améliorer le bien-être de l’enfant ou des tien des parents dans
traitement individuel des problématiques parents (comme par exemple la médiation l’accompagnement
éducatives. Paradoxalement, ils ne sou- familiale) ; ces programmes cherchent à éducatif de leur enfant
en fait partie.
haitent pas remettre en cause un modèle agir sur les compétences parentales.
universel, garantissant la non-discrimina-
tion de leurs enfants. Pour Maubant et La notion de parentalité prend sa forme
Leclerc, la question est de construire de actuelle dans les années 1990, s’éloignant
nouveaux territoires éducatifs dans les- de la psychologie clinique, et devient poli-
quels les éducateurs pourraient se ren- tique, avec la mise en place des réseaux
contrer. et dispositifs d’aide. Cette approche
marque un basculement d’une attention l
La Convention inter-
portée sur l’enfant l (en réduisant les
LE SOUTIEN À LA interactions avec les parents) à une cen-
nationale des droits
de l’enfant (CIDE) est
PARENTALITÉ, tration sur les parents, pour leur redonner signée en 1989.
une place dans le processus éducatif et/
L’ACCOMPAGNEMENT ou accompagner les parents défaillants.
DES PARENTS « La tendance serait à la dépolitisation par
le renvoi de chacun à sa problématique
Comme le précise un rapport du Centre personnelle » (Monceau, 2010).
d’analyse stratégique (Hamel et al., 2012),
on assiste au développement de services LE SOUTIEN À LA
de soutien à la parentalité dans l’ensemble PARENTALITÉ EN FRANCE
des pays de l’OCDE, pour répondre à une
demande croissante des parents et une Cette attention portée aux parents et à
volonté marquée des pouvoirs publics. leurs pratiques éducatives se concré-
Cette tendance tiendrait à l’adoption par les tisent, par exemple, par un programme
parents d’un modèle d’éducation visant à de recherche lancé par la Fondation de
l’épanouissement de l’enfant (évolution du France et mené par M. Kherroubi (2008),
statut de l’enfant dans la société). Quant aux et par un rapport de l’Inspection générale
politiques publiques, elles sont à la fois gui- de l’Éducation nationale (Warzée, 2006).
dées par la volonté de lutter contre l’impact On retrouve dans ce dernier rapport un
des carences éducatives sur les trajectoires inventaire des dispositifs de soutien à la
des futurs citoyens (égalité des chances, parentalité.
lutte contre la pauvreté) mais aussi sur les
risques sociaux (comportements déviants) Actuellement, six dispositifs concourent l
se traduisant, dans les pays anglo-saxons, au soutien à la parentalité : les REAAP l, Les REAAP (Réseaux
par l’émergence de la notion de responsabi- les CLAS (Contrats locaux d’accompa- d’écoute, d’appui et
lisation des parents (« les carences éduca- d’accompagnement
gnement à la scolarité, déjà cités), les des parents) ont voca-
tives des parents expliquant la montée des lieux d’accueil enfants-parents (LAEP), tion à coordonner les
incivilités des mineurs »). Pour se démar- les points info famille (PIF), la médiation services qui s’adressent
quer de toutes formes de stigmatisation, familiale, les espaces de rencontre. Le à l’ensemble des
les discours institutionnels (OCDE, ONU, parents, sur la base du
coût de ces dispositifs était de 150 mil- volontariat afin que
Commission européenne, etc.) instituent la lions d’euros en 2012 pour 1 million de les parents puissent
parentalité positive comme nouvelle norme bénéficiaires, essentiellement assuré par « renforcer, par le
à partir de laquelle toute autre posture pa- la Caisse nationale des allocations fami- dialogue et l’échange,
rentale serait non conforme et ce, quel que leur capacité à exercer
liales (CNAF, voir Jacquey-Vazquez et al., pleinement leur res-
soit le milieu social, les valeurs et conditions 2013). ponsabilité parentale »
d’existence des parents. (Hamel, 2012).
La Cour des comptes, dans son rapport
Bien que les principes des politiques de annuel de 2009, a formulé quelques cri-
soutien ne soient pas homogènes ou clai- tiques relatives à « l’empilement de dis-
rement explicités d’un pays à l’autre, on positifs dispersés géographiquement et
peut décliner quelques caractéristiques

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


14/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
mal articulés entre eux ; [au] défaut de
réflexion relatif à l’accès des parents à l’in- Les REAAP et les CLAS sont-ils
formation ; [au] manque d’évaluation des efficients ?
dispositifs ; [à] la question du pilotage ; L’IGAS a calculé le coût unitaire
l et [au] caractère épars de financements
Depuis la création de des REAAP en comparaison de
l’accompagnement par ailleurs mal connus et souvent incer- l’action éducative en milieu ouvert
éducatif, le nombre tains ». En 2013, l’Inspection générale des (AEMO) l ou le placement en
d’actions CLAS a chuté
affaires sociales (IGAS) produit un rapport maison d’enfants à caractère social
de 20 %.
d’évaluation dans lequel elle évoque des (MECS) : « les groupes de parole
dispositifs en cercles concentriques, dont peuvent être considérés comme
les objectifs doivent être distingués de un “investissement rentable” si
ceux de la prévention de la délinquance. une fois sur 228, la participation
Le croisement de l’une et l’autre des poli- d’un parent en grande difficulté
tiques (la suppression des allocations éducative à un groupe de parole
l familiales en cas d’absentéisme en étant génère une restauration de ses
AEMO : Mesure qui
« intervient dès lors une des manifestations) a entrainé « un compétences parentales suffisante
que les conditions de brouillage du référentiel initial qu’illustre pour permettre d’éviter une AEMO
vie de l’enfant sont le glissement terminologique de respon- qui aurait sinon été ordonnée »
susceptibles de le sabilités parentales à responsabilisation
mettre en danger ou et si une fois sur 9 000 cette
quand ses parents ren- des parents ». participation évite un placement.
contrent des difficultés Comparativement au coût d’un
particulières dans leurs Le dispositif français de soutien à la paren- redoublement, le dispositif CLAS
responsabilités éduca- talité, qui se rapproche le plus de l’école,
tives » (CNAEMO). est efficient dès lors que 4 élèves
est celui des CLAS, mais la Cour des sur 100 inscrits en parcours
comptes, tout comme le CNAF ou l’IGAS, CLAS en tirent suffisamment de
regrette la non-articulation de ce dispositif profit pour passer dans la classe
avec les mesures prises par le ministère supérieure.
de l’Éducation nationale l, l’émiettement
de l’action publique et le manque de visi-
bilité pour les parents (Cour des comptes,
2009). Le rapport de l’IGAS souligne
également ce manque de visibilité (pas de La mission de l’IGAS relève, parmi
« portail Internet grand public »). quelques bonnes pratiques, le bénéfice
d’une articulation entre les deux disposi-
En 2011, 189 000 enfants ont bénéficié tifs (REAAP et CLAS) ; l’implication dans
des CLAS, essentiellement centrés sur les bilans d’actions CLAS de l’Éducation
l’aide aux devoirs (demande des parents) nationale, depuis l’inspection académique
mais dont certains visent l’encourage- jusqu’aux enseignants ; l’essaimage de
ment à la lecture (fréquentation des mé- projets lors de temps d’échanges de pra-
diathèques). L’implication des parents est tiques.
incitée par une contractualisation écrite
ou orale (élaboration d’outils de liaison, Dans ce rapport évaluatif sur le soutien
organisation de rencontre avec les ensei- à la parentalité, l’IGAS souligne la place
gnants). Ce dispositif est principalement singulière et les atouts des CLAS, mais
financé par la CNAF, les collectivités recommande d’engager une réflexion de
locales, l’Agence nationale pour la fond, afin d’intégrer les modifications ap-
cohésion sociale et l’égalité des changes portées par la réforme des rythmes sco-
(ACSé). Les communes et les conseils laires et de revoir le mode de financement
généraux participent pour 38 % au CLAS, pour « sécuriser le financement de la
qui est le « dispositif qui bénéficie du cofi- formation de bénévoles », pour travailler
nancement le plus élevé des collectivités par projet et faire des CLAS « des actions
locales » (Jacquey-Vazquez et al., 2013). parentalité-scolarité » (en les regroupant
En 2009-2010, l’inspection académique avec les REAAP).
a participé au pilotage local des CLAS, à
hauteur de 7 %.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 15/24
L’accompagnement des parents vers sont orientés par les publics auxquels ils
l’école suppose, par exemple, une prise s’adressent, selon des critères socio-éco-
en charge des parents primo-arrivants l, nomiques, bien sûr, mais aussi selon les l
La littérature anglo-
une plus grande représentativité des pa- problèmes d’ordre comportemental des saxonne donne de
rents, une ouverture sociale et culturelle enfants (absentéisme, violence). D’autres nombreux exemples
de la multiplicité des
diversifiée. prennent en compte l’origine des parents
facteurs prédictifs d’un
(pour s’adapter à leur culture d’origine) ou manque d’investis-
LES PROGRAMMES DE aux problèmes spécifiques que peuvent sement des parents

SOUTIEN À LA PARENTALITÉ rencontrer les parents d’adolescents, les immigrants (Turney &
Kao, 2009).
pères, les familles monoparentales. La
diversité des objectifs et des dispositifs
Typologie de quelques programmes de s’accompagnent d’une diversité des inter-
soutien ou accompagnement venants, tant au niveau de la qualification
que de la manière de fonctionner ou tra-
Aux États-Unis, la Harvard graduate vailler : missions interinstitutionnelles ou
school of education a monté en 1983 un équipes pluridisciplinaires, entraide entre
projet au long cours pour accompagner parents. Cette diversité entraîne un effet
tous les partenaires de l’école à élaborer souvent dénoncé en France mais qui
des stratégies facilitant le bien-être de existe ailleurs, l’effet millefeuilles. l
tous (familles, enfants, jeunes, commu- Dans le cadre de ce
nautés) l. C’est la même approche (ges- Au Royaume-Uni ou dans les pays projet a été créé le
réseau FINE (Family
tion des comportements) que l’on retrouve scandinaves, par exemple, la mise en Involvement Network
dans le Positive Parenting Program (PPP) place d’un service « universel », parce of Educators) pour
australien, mis en place il y a trente ans qu’ouvert à tous, et intégrant des compé- partager des infor-
et qui a essaimé dans 25 pays, fournis- tences spécialisées (personnels de santé, mations et renforcer
les liens entre les
sant aux parents des « stratégies simples éducateurs, travailleurs sociaux, conseils différents partenaires
et pratiques pour les aider à gérer en toute et aides financiers, cours d’alphabétisa- éducatifs.
confiance le comportement de leurs en- tion, etc.) évite cet empilement et répond
fants, de prévenir les problèmes de déve- plus largement aux besoins des familles
loppement et de construire des relations les plus fragiles l. Aux Pays-Bas, les
saines et solides » (Triple P), s’appuyant centres de la jeunesse et de la famille
sur des pratiques et dispositifs dont l’effi- coordonnent les différents services à des- l
cacité est basée sur la preuve. tination des familles. La ville de Toronto Selon le rapport du
centre d’analyse stra-
a mis en place des centres (Toronto first tégique (Hamel &
Mais, comme le souligne le Centre duty) qui associent services de garde, Lemoine, 2012) l’éva-
d’analyse stratégique (CAS) français, prééducation (kindergarten) et soutien luation des dispositifs
à l’hétérogénéité des besoins et des à la parentalité, par le biais des écoles montre que certains
programmes de ce
attentes doit répondre une diversité des primaires, véritables « lieux de vie » type laissent de côté
services et des modalités d’interventions. (Hamel, 2012). les familles très défa-
L’objectif de réussite scolaire ne justifierait vorisées.
pas de n’étudier que l’impact de disposi- Les dispositifs liés aux compétences
tifs purement « scolaires » (dans l’école, parentales sur la scolarité
proches de l’école ou ne portant que sur
l’accompagnement scolaire). La difficulté Dire aux parents que la réussite sco-
scolaire se conjugue en effet bien souvent laire de leurs enfants est favorablement
avec des difficultés d’ordre économique impactée par leur implication dans
ou tenant au comportement des enfants, l’école ne suffit pas à vaincre leur senti-
aux relations familiales, à des problèmes ment d’incompréhension voire d’incom-
de santé, exacerbés par la précarité. C’est pétence. La compétence parentale, qui
sans doute pourquoi, en Europe comme peut être définie comme une combi-
aux États-Unis, les programmes de sou- naison de savoir, de savoir-faire et de
tien à la parentalité ont l’objectif d’agir sur le savoir-être, adaptée aux situations ren-
comportement, le bien-être et les connais- contrées par les parents (Miron, 2004),
sances, soit des enfants, soit des parents doit donc être alimentée par des infor-
ou encore d’améliorer la communication mations, de la part des enseignants,
entre parents et enfants. Des programmes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


16/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
mais aussi au travers d’activités, positive parenting et plus générale-
groupes de parole, réunions, qui per- ment d’empowerment ou pouvoir d’agir,
mettent aux parents d’échanger avec approche que l’on retrouve, dans un esprit
les enseignants, avec d’autres parents, différent, dans les idées transmises par
avec les personnels non enseignants de l’éducation populaire et les universités
l’établissement. populaires de parents (UPP) en France.
L’association des collectifs enfants-
Aux États-Unis, les Parent Academy parents-professionnels (ACEPP), créée
Programs proposent, au sein des éta- en 1981, a été à l’initiative de la création
blissements scolaires, « des cours sur d’universités populaires en 2005. Les
le fonctionnement du système scolaire, parents y « travaillent, avec le soutien
sur la façon d’aider les enfants à faire d’universitaires, sur des recherches liées
leurs devoirs, etc. » (Hamel & Lemoine, à la parentalité : décrochage scolaire,
2012). transmission des valeurs aux enfants,
cohérence éducative… ». Ces UPP
Des dispositifs en boîte à outils « permettent tout à la fois de construire
des savoirs, de rapprocher l’université
l
En France, la mallette des parents des parents – en particulier ceux des
Première année de porte sur trois moments clés de la sco- quartiers, de générer des dynamiques
l’enseignement obli-
larité : cours préparatoire (CP) l, 6e locales permettant une meilleure com-
gatoire.
et 3e. En CP, par exemple, il s’agit de préhension entre parents, profession-
comprendre le système scolaire et le nels et élus » (UPP-ACEPP).
déroulement attendu des apprentis-
sages (avec séquence de « classe ou- Il existe d’autres réseaux d’universi-
verte en activité »). Le dispositif prévoit tés populaires. Les universités popu-
l’organisation de trois ateliers-débats au laires de l’association ATD Quart Monde
cours du premier trimestre portant, au existent depuis 1972. Pour les respon-
collège, sur « le fonctionnement du col- sables d’ATD Quart Monde leur spéci-
lège, l’accompagnement à la scolarité, ficité est de rassembler des personnes
le temps des devoirs, les résultats sco- en grande pauvreté et d’autres acteurs
laires, l’accompagnement éducatif dans à leurs côtés, de produire des savoirs là
le collège, mais aussi des questions où d’autres ne font que les transmettre.
plus générales sur la parentalité, l’auto-
rité au moment de la préadolescence, Ces savoirs produits sont des savoir-
les conséquences du développement faire (communiquer entre milieux sociaux
de l’autonomie, etc. » (circulaire 2010). différents) et des savoirs croisés (croi-
Ce dispositif peut avantageusement sement des expériences et réflexions).
s’appuyer sur les partenaires habituels La réflexion collective « est soumise
de l’école : collectivités, associations, à l’épreuve du réel » (à savoir la pau-
centres sociaux, réseaux d’accompa- vreté). « Lorsque ces savoirs amènent
gnement (REAAP) et doivent permettre à des prises de conscience fortes, les
l
Le financement du de faciliter les échanges avec les personnes se transforment » (Defraigne
dispositif se fait sous parents (même si les mallettes ne leurs Tardieu, 2012).
forme de dotations à sont pas destinées l.
chaque établissement
participant. Dans le cadre d’« ateliers pour l’école »,
En Ontario, le Parent tool kit en est à des professionnels (enseignants des pre-
sa dixième édition. Il s’agit plus d’un en- mier et second degrés, directeur, etc.), des
semble de conseils et recommandations parents (militants d’ATD Quart Monde ou
sur les bonnes pratiques pour accompa- solidaires) et des chercheurs croisent leurs
gner la scolarité de son enfant. savoirs et leurs représentations sur la réus-
site à l’école : existe-t-il des « essentiels »
Le « pouvoir d’agir » des parents communs ? Pourquoi cela ne fonctionne-t-il
pas malgré des consensus ? Quels sont les
Les démarches de soutien à la pa- obstacles ? Quels changements propo-
rentalité s’inscrivent dans les pays ser ?
anglo-saxons dans les programmes de

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 17/24
L’IMPLICATION DE des objectifs des partenariats à installer
est d’aider toutes les initiatives qui mettent
TOUS LES ACTEURS sur pied des programmes de persévérance
scolaire (familles, communautés, collectivi-
ADOPTER UNE APPROCHE tés, entreprises, écoles, etc.).
HOLISTIQUE
Dans cette logique, Baby évoque deux
approches possibles pour réduire les
Ce qu’il faut sans doute retenir des travaux écarts : « modifier l’école » ou « modifier la
de recherche sur la coéducation, si difficile famille », ceci n’excluant pas une approche
à réaliser, c’est la nécessité d’une approche intermédiaire visant à modifier ces deux
éco-systémique, pour une collaboration « sociétés ». La modification de l’école vise-
éducative plus étroite. Il s’agit d’étudier les ra à proposer que « l’univers de référence
phénomènes sociaux et les individus dans auquel l’école aura recours […] ne soit
leur globalité (Bronfenbrenner, 1979). C’est pas toujours celui de la classe moyenne »
l’idée de la whole child education, aux (matériel pédagogique, manière d’appren-
États-Unis, à savoir « une vision globale de dre, voir Baby, 2010).
l’enfant en matière d’apprentissage, d’en-
seignement et d’engagement de toute une Accompagner les parents signifie-t-il
communauté » (Slade & Griffith, 2013). éduquer les parents ? Dans une approche
Cette approche holistique de l’éducation a écosystémique, la finalité « éducation
été intégrée dans d’autres politiques édu- parentale » n’est pas d’apprendre aux
catives, notamment en Asie (Singapour), parents comment élever leur enfant (selon
en Finlande (selon le principe « teach less, des normes préétablies) mais vise leur
learn more ») ou à Hong-Kong. Dans cette appropriation de connaissances et com-
approche « whole-system », en Angleterre, pétences (empowerment) pour prendre
Ainscow et al. préconisent une collabora- les décisions les plus favorables à leur
tion entre écoles, une mutualisation par enfant (Terrisse et al., 2008). Il convient
territoire (au lieu d’une concurrence induite donc de soutenir toute initiative de formation
par l’accountability) ; un leadership fort, en des adultes (littératie, parentalité, comme
quête d’équité, de la part des chefs d’éta- au Québec ou en Finlande) ou encore de
blissement ; le développement de partena- mettre l’accent sur la valeur de l’éducation
riats au-delà de l’école, pour lutter contre permanente et l’éducation des parents.
les inégalités subies par les enfants ; une
politique nationale favorisant les actions Les rapporteurs d’un des groupes de tra-
locales en faveur de l’équité (Ainscow vail préparatoire à la conférence natio-
et al., 2012). nale contre la pauvreté et pour l’inclusion
sociale de 2012 proposent trois orienta-
En 1997, le contrat de réussite français tions qui leur semblent essentielles en
vise à ouvrir l’école sur le quartier pour matière d’alliance entre professionnels,
créer les conditions d’un partenariat effi- parents et élèves : « coopération et non
cace et faire des campagnes de valorisa- compétition », « respect de l’égale dignité l
tion de l’éducation et de l’école incitant les « C’est une forme
de tous » et « une école où la pédago- nouvelle de travail
familles et les communautés à s’impliquer gie repose sur la conviction que tous les collégial qui repose
dans la scolarisation des enfants et des enfants sont capables d’apprendre » sur le croisement des
jeunes. Pour Glasman (2010) de nom- (Versini et al., 2012). Cela suppose :
logiques institution-
breux partenaires de l’école récriminent nelles et profession-
nelles. Elle s’appuie sur
contre une vision « scolarocentrée » de − de construire une école accueillante ;
les compétences des
la vie des enfants ou de la réussite, tels − de mettre en place une pédagogie différents partenaires
ces parents qui sollicitent uniquement les de la coopération (apprentissages et de l’action éducative :
enseignants sur la base des résultats sco- devoirs intégrés au temps scolaire, for- parents, enseignants,
mais aussi associations
laires de leur enfant, et ce, malgré la dé- mation des enseignants adaptés aux
et élus en les mettant
marche de veille éducative l, la mise en réalités sociales, à une meilleure com- en réseau, sans confu-
place des contrats éducatifs locaux et des munication avec les parents) ; sion des responsabi-
PRE reconnaissant le rôle des communes − de permettre à chaque élève de lités et des rôles de
chacun » (MEN, 2002).
dans la réussite éducative. Au Québec, un construire un projet d’orientation (par

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


18/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
exemple, par l’engagement marqué tion pertinente sur le développement et les
des parents, des enseignants et des apprentissages des enfants.
élèves pour la réussite de ces der-
niers). Outre une similitude de termes dans les
référentiels de compétences, les politiques
Pour réduire l’écart entre familles dému- de formation des enseignants en France et
nies et école, on peut envisager des inter- au Québec sont marquées par une faible
ventions visant les ressources matérielles place donnée, dans le corpus de forma-
dont peut disposer l’enfant, à la maison, et tion, à la collaboration école-famille, même
qui favorisent son éveil avant l’école et sou- pour les enseignants de primaire. De plus,
tiennent sa scolarité. L’ouverture de l’école cette formation à la collaboration prend la
aux familles, selon un mode bienveillant, forme de cours « donnant lieu pour l’essen-
se traduit au quotidien par des lieux pas- tiel à une transmission de connaissances
serelles qui permettent d’accueillir les sur son cadre institutionnel, ses enjeux,
parents selon des horaires moins contrai- les “bonnes pratiques” et les attitudes qu’il
gnants pour eux et pour les enseignants, importe de mettre en valeur » (Larrivée &
à différents moments de l’année, dans des Garnier, 2014), sans lien avec les stages
cadres moins contraints, autour d’activités en situation, seules opportunité de se frot-
périscolaires, sollicitant les compétences ter, trop aléatoirement, à la réalité de ses
parentales, destinés à « construire un relations. On observe des divergences
corpus commun de valeurs éducatives à dans les discours, tenant sans doute à
l’école et aux familles » (Fotinos, 2014b). des traditions éducatives différentes, qui
rendent les futurs enseignants québécois
LA FORMATION DES plus ouverts aux activités de bénévolat
avec les parents, alors que les futurs ensei-
PERSONNELS gnants français sont plus intéressés par les
liens avec la communauté locale.
En France et au Québec, les référentiels
de compétences à acquérir pour exercer À la suite de ses recherches sur l’éducation
le métier d’enseignant font référence à la familiale et l’impact de celle-ci sur la réus-
coopération avec les parents (et les par- site scolaire des élèves, J. Epstein a décliné
tenaires de l’école en général). Aux États- quelques incontournables quant à la né-
Unis, les textes officiels utilisent plutôt le cessité de préparer les futurs enseignants,
terme de partnering (dans le registre de cadres et conseillers, au développement de
l’association) mais aussi de collaboration. relations efficaces avec les parents et les
En communauté française de Belgique, il communautés. Elle préconise, par exemple,
s’agit d’« entretenir des relations de par- un partenariat par objectifs (compétences
tenariat efficace avec l’institution, les col- en lecture, comportements, etc.). Faire
lègues et les parents d’élèves » (AGERS, cause commune sur la pratique de la lec-
2001), et en Flandres d’être des parte- ture, en classe et à la maison, induit une
naires de l’école. En Irlande, l’enseignant amélioration des compétences (et du goût
doit montrer qu’il maitrise des stratégies pour la lecture) et, par voie de conséquence,
pour développer des relations positives des résultats scolaires, d’où la nécessité de
et pour communiquer efficacement avec prévoir une formation « pour faire connaître
les élèves, les parents, les collègues, les les parents » (et leur diversité) accompa-
cadres et la communauté (Caena, 2013). gnée de prises de contact avec ces mêmes
parents, de présentations de situations
D’un pays à l’autre, l’institution souhaite « qui fonctionnent » et d’une formation
que les enseignants puissent comprendre continue « pour personnaliser [les] pra-
l (ou apprendre) la diversité des publics de tiques d’implication avec les familles et
J. Epstein est directrice
du National Network
parents, l’importance et le respect de leur les communautés » (Epstein, 2013) l,
of Partnership Schools rôle dans l’éducation de leurs enfants, la tout en gardant à l’esprit que la collabora-
(NNPS), qui affiche nécessite de lever toute barrière à la pro- tion école-famille n’est pas seulement un
sur son site de nom- motion de l’équité (exemple : utiliser un moyen d’améliorer les résultats scolaires
breuses « success
stories ».
langage qui soit compréhensible par tous, mais une fin en soi, d’un point de vue
Rhode Island), de partager toute informa- démocratique.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


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Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


22/24 Coéducation : quelle place pour les parents ?
Notes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 98 • Janvier 2015


Coéducation : quelle place pour les parents ? 23/24
n° 98
Jan. 2015

Pour citer ce dossier :


Feyfant Annie (2015). Coéducation : quelle place pour les parents ?
Dossier de veille de l’IFÉ, n° 98, janvier. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=98&lang=fr

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ressources pour enseigner. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 96, novembre.
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