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Séquence 3 : Dénoncer les travers de la société

Correction - Séance 5 : Dénoncer par le discours

En février 1848, suite aux mouvements révolutionnaires, le Roi Louis-Philippe abdique.


S’ensuit la mise en place d’un gouvernement provisoire qui proclame la IIème République.
Victor Hugo, élu député, est chargé de réprimer les émeutes ouvrières de juin 1848. Mais il
prend conscience de la souffrance du peuple parisien.
« Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce
monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on
peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis
détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille
matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli.
La misère, messieurs, j'aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu'où elle est, la
misère ? Voulez-vous savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je
ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-
vous des faits ?
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l'émeute soulevait naguère si
aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières,
vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n'ayant pour lits, n'ayant pour
couvertures, j'ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en
fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des
créatures s'enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l'hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d'autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux
homme de lettres, car la misère n'épargne pas plus les professions libérales que les
professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l'on
a constaté, après sa mort, qu'il n'avait pas mangé depuis six jours.
Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la
recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur
nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la
société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté,
pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé,
engagent la conscience de la société tout entière ; que je m'en sens, moi qui parle, complice et
solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l'homme, que ce sont des
crimes envers Dieu !
Vous n'avez rien fait, j'insiste sur ce point, tant que l'ordre matériel raffermi n'a point pour base
l'ordre moral consolidé ! »
Victor Hugo, discours à l’Assemblée Nationale, le 9 juillet 1848
Questions :
1) Que dénonce Victor Hugo dans son discours ? Justifiez votre réponse.
2) Quels procédés utilise-t-il ? Appuyez votre réponse sur les figures de style et les procédés
utilisés.
Séquence 3 : Dénoncer les travers de la société
Correction - Séance 5 : Dénoncer par le discours

Questions :
1) Victor Hugo, en tant que député à l’Assemblée Nationale, dénonce la misère du peuple et
cherche à faire réagir les hommes politiques face aux inégalités et aux injustices sociales.
2) L’auteur utilise le champ lexical de la souffrance/misère : « souffrance » ( l.1-2), « misère »
(l. 3,6, 7 et 8) « malheureux » (l.17, 19), « « douloureux » (l .21) ; le champ lexical de la souillure
et de la mort : « cloaques » (l. 12), « infects » (l. 14), « fermentation », « fange », « fumier » (l.
15), « débris immondes et pestilentiels », « charniers » (l. 23), « mort » x3 (l. 19-20).
Il utilise aussi de nombreuses figures de style :
L’apostrophe « messieurs » (l. 1 et 7) + la répétition du pronom personnel « vous » dans
plusieurs paragraphes. Elle sert à impliquer les auditeurs pour qu’ils se sentent concernés par
le problème évoqué. Le dernier « vous » est destiné à les faire réagir (l. 30).
L’énumération (l. 4 puis 12,13 et 25) qui sert à intensifier les propos de l’auteur. Il essaie de
persuader les hommes politiques en leur montrant l’étendue de la misère et le lourd travail à
effectuer pour la « détruire » (l. 5).
Il utilise des questions rhétoriques pour capter l’attention de son auditoire et les impliquer
davantage (l. 8-10 puis 17et 21).
Il utilise une ponctuation expressive : les points d’exclamation intensifient son propos et
peuvent sensibiliser l’auditoire (l. 23, 26 et 31). Il termine d’ailleurs par un point d’exclamation
pour entraîner et persuader les députés.
Les répétitions sont nombreuses et voulues pour renforcer son propos : « je dis » ou « je ne
dis pas » (l. 4 puis 8-9 et 24 et 26).
Il reproduit les bases d’un discours rhétorique : il pose d’abord le sujet (l’exorde) pour capter
l’attention de son auditoire. Il débute ensuite la narration et la confirmation en proposant des
arguments et des exemples précis pour convaincre les hommes politiques. Il conclut (la
péroraison) enfin de manière à les faire réagir. Il n’y a pas ici de véritable réfutation.
Le registre est pathétique : il pousse son auditoire à avoir pitié. Il est même tragique puisqu’il
évoque la mort. Il est enfin polémique puisqu’il accuse les hommes politiques (en s’incluant) de
ne rien faire.

Bilan : Dans ce discours rhétorique, qui reprend des procédés oratoires pertinents, Victor
Hugo veut pousser les députés à agir contre la misère qui est un crime odieux selon lui.
C’est pourquoi, il propose un discours à la tonalité pathétique et polémique pour mieux
toucher son auditoire et ainsi les faire réagir.

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