Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Réhabiliter le rôle du peuple dans la Révolution française, relater « cette histoire qu’on ne lui a jamais racontée » :
tel était l’un des premiers objectifs de Pierre Schœller en réalisant Un peuple et son Roi, sa fresque historique sur
les premières années de la Révolution française.
Loin de l’image d’une populace indistincte et vociférante qu’a essayé de fixer la contre-Révolution (et qu’a parfois
repris, sans l’interroger, le cinéma), le film donne du peuple parisien une image diverse et nuancée. Non seule-
ment parce qu’à côté des figures historiques identifiées (Robespierre, Barnave, Marat…), les héros et héroïnes
d’Un peuple et son Roi en sont issus : Margot, L’Oncle, Tonin, Basile… Mais aussi et surtout parce que le film
s’efforce de faire vivre à l’écran les débats parfois passionnés qui l’ont traversé.
Cette fiche d’activité propose donc d’étudier le rôle du peuple comme acteur de la Révolution sous différents
angles et à différents moments de l’Histoire : les journées d’octobre 1789, la fuite à Varennes, l’exécution du Roi…
1. p. 2
Fiche élèves
Point historique : la fuite du Roi et son arrestation à Varennes (20-21 juin 1791)
Dans la soirée du 20 juin 1791, le Roi Louis XVI, la Reine Marie-Antoinette et leur famille fuient Paris en direction du
bastion royaliste de Montmédy (aujourd’hui dans le département de la Meuse) dans le but de rejoindre les puissances
contre-révolutionnaires, ramener une armée destinée à reconquérir le pays, rétablir le pouvoir royal et mettre un terme
à la Révolution. Dans la soirée du 21 juin, ils sont arrêtés à Varennes-en-Argonne, à cinquante kilomètres de Montmédy,
avant d’être ramenés à Paris le lendemain.
Sans-culotte parisienne : « Vive la loi ! » Le Roi (Laurent Lafitte) et son fils (Ruggero Barbera)
11/ En apprenant la fuite du Roi, comment réagit le peuple parisien ? Et le peuple des campagnes ?
1. p. 3
Fiche élèves
Document 3 : La dispute entre Reine Audu et Femme Landelle (extrait d’un dialogue du film)
Devant l’atelier dans la rue : Reine Audu, Femme Landelle, Vieille Gabrielle se tirent les cheveux, se mordent.
Solange finit par les séparer.
1. p. 4
Éléments de correction
1/ La marche sur Versailles eut lieu les 5 et 6 octobre 1789 : on appelle ces journées les « journées d’octobre ».
2/ Le peuple est incarné par les femmes de Paris (très peu d’hommes sont présents), en particulier par Reine
Audu, qui se hisse sur un canon pour haranguer la foule.
3/ Les femmes s’insurgent contre la crise de subsistance : les marcheuses pensent qu’il faut contraindre le Roi
à venir à Paris, de manière à ce qu’il voie le mal de ses propres yeux et agisse en conséquence.
4/ Les femmes entonnent une chanson, l’une des premières de la longue liste de chansons révolutionnaires qui
ponctueront les événements des dix années à venir. Ces chansons sont souvent d’origine populaire, elles créent
de la cohésion tout en faisant circuler les nouvelles.
5/ Les femmes réclament du pain et de la farine et s’expriment contre les accapareurs et les spéculateurs.
Elles exigent également l’application des réformes promises en août 1789, notamment l’abolition des privilèges :
à leurs yeux, l’intercession du Roi est absolument nécessaire.
6/ Malgré les protestations et les sarcasmes d’une partie de la noblesse, les femmes parviennent à convaincre
la majorité des députés d’aller demander son assentiment au Roi. Elles obtiennent gain de cause car elles sont
largement soutenues par les députés présents, du tiers état mais aussi d’une partie de la noblesse et du clergé.
7/ Le film montre un groupe de femmes esseulées et impressionnées au milieu d’une vaste assemblée, déco-
rée majestueusement, dont les bancs sont couverts d’hommes à perruques dont certains vitupèrent contre elles.
Deux nobles en particulier tiennent un discours profondément méprisant envers la délégation présente, ne lui
accordant pas même le droit de parler : « Devons-nous entendre encore longtemps le peuple ? »
8/ Les convives attablés souhaitent que tout citoyen puisse voter, quel que soit son sexe et son statut so-
cio-professionnel. Françoise, en particulier, aimerait que les femmes puissent voter.
9/ Les députés envisagent encore à cette époque de mettre en place un suffrage censitaire, en contradiction
avec les revendications des sections des sans-culottes parisiens. Janis est donc, comme le fait remarquer le vieil
homme, « trop pauvre » pour pouvoir voter, puisqu’il serait incapable de payer le cens. « Trop femme » renvoie
à une autre réalité sociale, celle de la femme, considérée à l’époque comme dépendante de l’autorité masculine
et devant se cantonner avant tout aux tâches du foyer, et non de la société, de « l’extérieur de la maison ». De ce
point de vue, le vote des femmes paraît inutile et même nuisible aux yeux de beaucoup.
10 / Cette discussion a lieu lors d’une phase intermédiaire de la Révolution : la République n’est pas encore
instaurée et l’idée de monarchie constitutionnelle triomphe pour le moment, en se fondant notamment sur le suf-
frage censitaire et la préservation de la fonction royale. Le vieil homme estime donc que si des changements se
sont d’ores et déjà produits, ils ne sont pas suffisants : le peuple n’est encore qu’un « pas-grand-chose », toujours
mieux que « rien » mais loin de l’idée de souveraineté du peuple.
11 / Les sans-culottes parisiens viennent afficher leur soutien par un serment à l’Assemblée constituante. Le
peuple des campagnes suit le cortège du Roi en état d’arrestation jusqu’à Paris. Lors des haltes, les paysans lui
lancent des injures. L’attitude du peuple est déterminée et coléreuse face à ce qui est vécu comme une véritable
trahison du Roi. On avait jusqu’à présent confiance dans sa bonne volonté, dans son souci de protéger, d’éman-
ciper son bon peuple – à présent la confiance est rompue et c’est le début de la fin pour Louis XVI – l’idée de
l’exécution du Roi n’est plus une chimère mais revêt désormais beaucoup de sens. De la même manière qu’il exis-
tait un crime de lèse majesté concernant le Roi dans l’Ancien Régime, c’est ce motif qui est retenu contre lui par
le peuple.
12 / Le Roi accompagne son fils (déguisé en petite fille) pour uriner entre deux gardes, le dos tourné à la foule,
tandis que les femmes de son entourage soulagent leurs besoins naturels sous les yeux des paysans qui suivent le
cortège et lancent des insultes. Cette irrévérence envers la figure royale était inconcevable sous l’Ancien Régime,
et pouvait exposer à de graves châtiments.
13 / Lorsque le Roi remonte dans le carrosse après avoir accompagné son fils faire ses besoins, Basile se met
à genoux devant lui et s’incline, tête baissée, en signe de respect. Le Roi lui touche alors la tête en signe de pro-
tection et de bénédiction.
Éléments de correction
14 / Le Roi est en principe aimé, vénéré presque, comme un protecteur quasi-divin mais aussi le père d’une
gigantesque famille... En 1789, une grande partie du peuple a encore cette vision de lui. Cependant, les valeurs
revendiquées par les révolutionnaires sont inconciliables avec l’organisation monarchique dont le Roi est le re-
présentant sinon l’incarnation. Dans un premier temps donc, on pensa que Louis XVI s’était laissé gagner par
les idées nouvelles – ceci en raison sans doute de l’attachement affectif que le peuple avait pour lui ; mais un
soupçon demeurait et, avec Varennes, la vérité éclata : l’attitude du Roi, somme toute logique étant donnée sa
formation et sa conception du pouvoir, apparaît aux yeux d’un peuple d’autant plus en colère qu’il se sent trahi
par quelqu’un qui se revendiquait et qu’il voyait comme son protecteur.
15 /Le vote en faveur de la mort de Louis XVI l’emporte par 379 voix pour la mort contre 310 voix pour le banis-
sement.
16 / Le film choisit d’interpréter la mort de Louis XVI comme l’étape décisive de la mise en place du régime ré-
publicain, selon l’idée que la monarchie ne permet pas l’élaboration d’un régime dédié au bien commun. Notons
cependant qu’il faudra encore un siècle et plusieurs révolutions pour que la république s’installe durablement en
France.
17 /Landelle critique ce qu’elle considère comme de l’orgueil social, pire un sacrilège devant Dieu, dont le pou-
voir royal est en principe issu. Elle prédit que ce n’est pas une nouvelle société mais le chaos qui succédera à
cette mesure, que le peuple sera puni, qu’il s’en repentira encore dans mille ans... Si elle apparaît isolée face au
groupe de femmes, elle représente en réalité une partie conséquente du peuple français qui s’insurgea pour dé-
fendre le Roi, notamment dans l’Ouest de la France (Chouannerie et guerres de Vendée).
18 / En montrant, parallèlement au vote favorable à la mort du Roi, qualifié de « tyran » par ses ennemis, la réa-
lisation de la première sphère de verre parfaite par Basile (et cette phrase de L’Oncle pour le complimenter : « On
a réussi ! »), le film semble montrer la mort du Roi comme un accomplissement. Le peuple a réussi à s’émanciper
du régime monarchique et entre dans une ère nouvelle, commence à construire un monde nouveau. Cette sphère
de verre, qui forme comme une planète vierge et transparente, peut être interprétée comme une métaphore de
ce monde nouveau qui paraît.
BIARD Michel (dir.), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, CNRS, 2014.
Crédits : © Zérodeconduite, 2018 / Auteur : Jean-Baptiste Veber / Directrice de collection : Anaïs Clerc-Bedouet
Crédits photos et affiche : Jérôme Prébois © Archipel 35 - Studiocanal - Création Couramiaud / Photogrammes du film : © Archipel 35 - Studiocanal