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Texte complémentaire n°2 : Discours prononcé à la Société fraternelle des minimes, le 25 mars 1792, par

Mademoiselle Théroigne, en présentant un drapeau aux citoyennes du Faubourg Saint-Antoine

Militante active lors de la Révolution, Théroigne de Méricourt a participé


à la prise de la Bastille puis à la marche des femmes à Versailles en
octobre 1789. Assidue aux débats à l’Assemblée, elle réclame en 1792
la création d’une « phalange d’Amazones », sorte de garde nationale
féminine, pour défendre la patrie menacée par les puissances
européennes.

[…] Françaises, je vous le répète encore, élevons-nous à la


hauteur de nos destinées, brisons nos fers. Il est temps enfin que les femmes
sortent de leur honteuse nullité où l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes
les tiennent asservies depuis si longtemps ; replaçons-nous au temps où nos mères, les Gauloises et les
fières Germaines1, délibéraient dans les assemblées publiques, combattaient à côté de leurs époux pour
repousser les ennemis de la liberté. Françaises, le même sang coule toujours dans nos veines ; ce que nous
avons fait à Beauvais, à Versailles, les 5 et 6 octobre, et dans plusieurs autres circonstances importantes et
décisives, prouve que nous ne sommes pas étrangères aux sentiments magnanimes2. Reprenons donc notre
énergie ; car si nous voulons conserver notre liberté, il faut que nous nous préparions à faire les choses les
plus sublimes. Dans le moment actuel, à cause de la corruption des mœurs, elles nous paraitront
extraordinaires, peut-être même impossibles ; mais bientôt par l’effet des progrès de l’esprit public et des
lumières, elles ne seront plus pour nous que simples et faciles.

Citoyennes, pourquoi n’entrerions-nous pas en concurrence avec les hommes ? Prétendent-ils seuls
avoir des droits à la gloire ? Non, non…Et nous aussi nous voulons mériter une couronne civique3,
et briguer4 l’honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chère qu’à eux, puisque les
efforts du despotisme s’appesantissaient encore plus durement sur nos têtes que sur les leurs.

Oui...généreuses citoyennes, vous toutes qui m’entendez, armons-nous, allons nous exercer deux
ou trois fois par semaine aux Champs-Élysées, ou au Champ de la Fédération 5 ; ouvrons une liste
d’Amazones françaises ; et que toutes celles qui aiment véritablement leur patrie, viennent s’y inscrire ;
nous nous réunirons ensuite pour nous concerter sur les moyens d’organiser un bataillon à l’instar de celui
des élèves de la Patrie, des Vieillards ou du bataillon sacré de Thèbes. En finissant, qu’il me soit permis
d’offrir un étendard tricolore aux Citoyennes du Faubourg Saint-Antoine.

Extrait (fin du discours),


orthographe et ponctuation modernisées.

1
Les Francs, issus de tribus germaniques, ont envahi la Gaule au IIIe siècle après JC.
2
Qui manifestent une grandeur et une générosité d’âme.
3
Haute distinction militaire dans l’Antiquité romaine.
4
Rechercher avec ardeur.
5
Deux grandes artères parisiennes, hauts lieux de rassemblements révolutionnaires.
Etude du texte
1. Lecture expressive : 2min18
https://www.lelivrescolaire.fr/page/36633862
2. Explication linéaire :
Introduction :
- Contexte historique : les femmes dans la Révolution : vidéo de 2min48
https://www.youtube.com/watch?v=-m2Fu0QJ0sY&t=160s
- Extraits de Secrets d’Histoire :
https://www.youtube.com/watch?v=WzB3Nz7VIks
https://www.youtube.com/watch?v=1kayZ3xyg4s
- Vie de Théroigne sur Le Livre scolaire : vidéo de 18min49
- https://www.lelivrescolaire.fr/page/34237698?goTo=fdxBmraZcaTWjHMrG55uv

Emission de radio : Au Cœur de l’histoire : https://www.youtube.com/watch?v=2mgxWzRPHRM


Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt (1762-1817)
Théroigne = nom de son père / de Méricourt = nom ajouté par la presse royaliste
Elle perd sa mère jeune, placée chez sa tante, fugues. Vachère à 14 ans. Servante dans une maison
bourgeoise. Surnommée « la belle Liégeoise ». A 17 ans remarquée par Mme Colbert, anglaise du monde,
qui l’éduque et la pousse vers la musique et le chant. Elle est sa dame de compagnie. Comme Anne a une
jolie voix, elle pense à devenir chanteuse. Un jeune lord devient son amant, Mme Colbert essaie de
s’interposer, Anne s’enfuit. Puis elle devient courtisane, vole la fortune d’un marquis et dépense son magot
avec un chanteur italien à Naples où elle apprend la nouvelle de la convocation des états généraux en
France. Elle veut en être, elle admiratrice des Lumières. Elle est à Paris dès le 11 mai 1789. Elle s’installe à
Versailles pour mieux suivre les débats. Elle est aux premières loges pour les journées d’octobre où la foule
parisienne va jusqu’à Versailles pour interpeller l’assemblée nationale puis ramener la famille royale à Paris.
L’étrangeté de sa toilette et son air décidé provoquent l’attrait des foules. Gilbert Rome fonde avec elle le
Club des amis de la loi mais cela ne dure que 2 mois. Tous les révolutionnaires sont singulièrement
machistes, ce sont des bourgeois qui ont une idée très restrictive des droits de la femme.
Elle décide de rentrer chez elle à Liège mais dans la nuit du 15 février 1791, elle est enlevée et envoyée au
Tyrol dans une forteresse, écrouée sous le nom de Mme de Théobalde, elle est interrogée. On l’accuse de
complot contre la principauté de Liège. Elle ne veut apparaître que comme une porte-parole de la condition
des femmes. Les Autrichiens la transfèrent à Vienne après 9 mois de détention. Elle rencontre alors
l’empereur Léopold.
Le 26 janvier 1792 elle entre au Club des jacobins. A l’assemblée le lendemain on lui propose de prendre la
parole à la tribune en tant que martyre de la constitution. Anne est alors très motivée et veut créer une
troupe. Belles paroles qui agacent ses contemporains. Sa réunion sur le faubourg St Antoine est considérée
comme une réunion de prostituées.
Le 10 août 1792 elle est aux premiers rangs des émeutiers et se distingue par son courage.
Le 15 mai 1793, elle se présente à l’entrée de la Convention, elle se trouve face aux tricoteuses qui lui
infligent une fessée en public. Marat intervient pour faire cesser la farce.
Son frère la sauve de la Terreur en disant qu’elle a basculé dans la folie. Elle devient folle et sera internée à
la Salpêtrière, victime des femmes, pendant 17 ans. Elle est nue, obsédée par le sang, elle se nettoie en
permanence à l’eau glacée.
Développement :

1er mouvement : appel à la libération et à l’action des femmes révolutionnaires

Théroigne exhorte ses concitoyennes à réagir et à Françaises, je vous le répète encore, élevons-nous à
prendre une part active aux événements de leur la hauteur de nos destinées, brisons nos fers.
époque
Elle implique ses destinataires, les femmes du faubourg Saint-Antoine par une apostrophe en début de
phrase. Le choix du lieu est important 6 : il s’agit d’un quartier semi-rural, où l’on trouve de nombreux
artisans et une population nombreuse (43 000 habitants) composée de provinciaux pour les 2/3.

Elle utilise deux métaphores pour inciter les femmes à s’émanciper :

- « élevons-nous à la hauteur de nos destinées » : elles doivent croire en leurs capacités pour
s’accomplir totalement car elles valent autant que les hommes.
- « brisons nos fers » : elles doivent sortir de l’esclavage imposé par les hommes, image de ces
« fers », chaînes qui attachent les esclaves déjà présente chez Olympe de Gouges mais dans le
sens où les femmes ont aidé les hommes à s’en libérer

Théroigne insiste et accuse les hommes de Il est temps enfin que les femmes sortent de leur
misogynie honteuse nullité où l’ignorance, l’orgueil et
l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis
si longtemps ;
Pour faire réagir ses concitoyennes, elle ne pèse pas ses mots avec l’hyperbole « honteuse nullité » qui
montre à quel point les hommes rabaissent les femmes qui ont l’impression de n’avoir aucune utilité
dans la société et ressentent alors un sentiment d’infériorité et d’humiliation. Théroigne fait l’objet
d’attaques misogynes incessantes de la part des journalistes royalistes.7

Les causes du rabaissement des femmes sont exprimées par une énumération qui met en avant le rôle
des hommes dans cette société patriarcale : « l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes ». Les
critiques insistent sur le fait que l’anti-féminisme des révolutionnaires n’est pas un choix réfléchi mais le
résultat des mentalités de l’époque, c’est ainsi que la question du droit de vote des femmes ne sera
jamais réellement mise en débat car les femmes n’ont pas à avoir d’opinion politique. Théroigne de
Méricourt est d’autant plus consciente de ces réalités qu’elle a été déçue par les hommes et a été une
demi-mondaine.

6
https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1979_num_235_1_3314

7
« Santerre dira : « Les hommes de ces faubourgs aiment mieux, en rentrant de leur travail, trouver leur ménage en
ordre que de voir revenir leurs femmes d’une assemblée où elles ne gagnent pas toujours un esprit de douceur, de
sorte qu’ils ont vu d’un mauvais oeil ces assemblées répétées trois fois la semaine. » Le 20 avril 1792, la guerre est
déclarée à l’Autriche. Les partisans de Brissot la voulaient, ceux de Robespierre, non ; Théroigne dit qu’elle retire sa
confiance à Robespierre. François Suleau, journaliste aux Actes des apôtres, journal royaliste, fustige le rôle des
femmes dans la Révolution : « vieilles », « laides », « infirmes », « vieilles douairières, cacochymes et édentées », «
lépreuses », « créatures impotentes couvertes d’ulcères », pleines de « rides » avec « leurs appas surannés » . Suleau
convoque également « la gale, la rogne, les teignes » , ainsi que les « dartres vives, le pian, le farsin des vésicatoires
sur la nuque, des ventouses sur le poitrail, des cautères sur les cuisses, des emplâtres sur toutes les coutures », sans
parler des maux qui font qu’elles « sont périodiquement sujettes à des convulsions épileptiques » » Théroigne de
Méricourt, la liberté par les femmes, PAR MICHEL ONFRAY, Le Point, 6 Aug 2015.
Théroigne fait alors appel à l’Histoire replaçons-nous au temps où nos mères, les
Gauloises et les fières Germaines, délibéraient dans
les assemblées publiques, combattaient à côté de
leurs époux pour repousser les ennemis de la
liberté.
Elle invite ses concitoyennes à un voyage dans le passé par l’impératif, « replaçons-nous… », dans
l’Antiquité pour constater que leurs ancêtres avaient une place en politique dans les prises de décision et
dans la lutte pour des valeurs communes. Elle veut faire reconnaître une égalité politique possible liée à
la fierté des femmes, mais ce sont les adversaires des Romaines qui sont louées, « les Gauloises et les
fières Germaines » pour leur caractère belliqueux.
Théroigne passe par une analogie entre le passé Françaises, le même sang coule toujours dans nos
ancestral et le présent révolutionnaire veines ; ce que nous avons fait à Beauvais, à
Versailles, les 5 et 6 octobre, et dans plusieurs
autres circonstances importantes et décisives,
prouve que nous ne sommes pas étrangères aux
sentiments magnanimes.
Elle considère les femmes comme belliqueuses par nature comme l’exprime la métaphore : « le même
sang coule toujours dans nos veines ».

Elle rappelle les événements du 5 octobre 1789 où environ 6 000 à 7 000 manifestantes marchent sur
Versailles où, arrivées en fin d’après-midi, elles pénètrent dans l’Assemblée nationale et s’asseyent sur
les bancs à côté des députés. Elles leur présentent une pétition demandant du pain pendant que six
représentantes sont envoyées auprès du roi. Il accepte alors les décrets d’août (DDHC) et le lendemain,
escorté par les gardes nationales et les femmes, vient s’installer à Paris, au milieu du peuple. Ceci fera
dire à l’historien Michelet : « Les hommes ont pris la Bastille, les femmes ont pris le roi ».

Elle fait mention d’autres événements auxquels les femmes ont participé sans entrer dans les détails
comme le soulignent les adjectifs indéfinis « plusieurs autres ». On peut penser aux « 56 clubs de
femmes qui apparaissent en province et à Paris entre 1789 et 1793. En parallèle, les sociétés populaires
sont investies par les femmes qui n’hésitent pas à prendre la parole et à participer aux débats. Leur prise
de parole est difficile car les femmes sont souvent accusées d’hystérie et de « troubler le bon ordre des
séances ». Il n’en demeure pas moins que leur parole se politise et trouve dans ces clubs et sociétés un
moyen de se faire entendre. »8 « Parmi les plus réputés à Paris on peut citer la Société Patriotique et de
Bienfaisance des Amis de la Vérité (1791-1792). Fondé par Etta Palm d'Aedlers, ce club de femmes plaide
pour l'éducation des petites filles pauvres puis réclame le divorce et les droits politiques. »9
Théroigne ne veut pas que les femmes se Reprenons donc notre énergie ; car si nous voulons
reposent sur leurs lauriers conserver notre liberté, il faut que nous nous
préparions à faire les choses les plus sublimes.
Elle poursuit sa harangue avec un nouvel impératif : « reprenons donc notre énergie ». Bien que la prise
de la Bastille date de 1789, le combat des révolutionnaires n’est pas fini.

Elle considère que les femmes ont autant d’intérêt que les hommes dans la lutte pour la liberté et
qu’elles sont capables d’héroïsme : hyperbole « les choses les plus sublimes » dans le sens d’admirables.

Elle a conscience de la fragilité des acquis des femmes puisqu’elle utilise une proposition subordonnée
circonstancielle de condition à valeur d’éventuel : « si nous voulons conserver notre liberté… ». En effet,
même si la Révolution fait avancer la cause des femmes, on pense par exemple à la loi autorisant le
divorce promulguée en septembre 1792 10, d’un point de vue civil, il reste de la marge avant qu’elles
soient reconnues comme les égales des hommes.

« la Révolution a reconnu aux femmes une personnalité civile qui leur était jusqu'à là refusée. Elles ont
acquis une stature citoyenne : elles sont devenues des êtres humains à part entière, capables de jouir de
leurs droits. Avec la Déclaration de 1789, les femmes sont libres de leurs opinions, de leurs choix et
bénéficient de l'abolition de l'ordre, de la hiérarchie, de l'esclavage. La Constituante favorise

8
https://www.lhistoire.fr/mondes-sociaux/les-femmes-pendant-la-r%C3%A9volution-fran%C3%A7aise
9
http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/femmes/femmes2.htm
10
http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/femmes/femmes3.htm
l'émancipation civile des femmes en décrétant l'égalité des droits aux successions et en abolissant le
privilège de masculinité. La Constitution de 1791 définit de façon identique pour les hommes et les
femmes l'accession à la majorité civile.
Parallèlement, la Révolution délivre les jeunes filles de la tutelle paternelle : celles ci sont désormais
libres de se marier ou non, et d'épouser qui elles veulent. Les grandes lois de septembre 1792 sur l'état
civil et le divorce traitent à égalité les deux époux. La femme mariée est délivrée de la tutelle maritale. La
loi dispose par ailleurs que le mariage se dissout par le divorce, soit par simple incompatibilité d'humeur,
soit par consentement mutuel. »
Théroigne croit en une évolution des mentalités Dans le moment actuel, à cause de la corruption
qui va permettre aux femmes ces actes héroïques des mœurs, elles nous paraitront extraordinaires,
peut-être même impossibles ; mais bientôt par
l’effet des progrès de l’esprit public et des lumières,
elles ne seront plus pour nous que simples et
faciles.
Elle identifie la cause de leurs difficultés : « la corruption des mœurs ». Il faut savoir qu’une femme qui
prend la parole en public à l’époque est considérée comme immorale. « " Je savais quel rôle convenait à
mon sexe et je ne le quittais jamais. Les conférences se tenaient en ma présence sans que j'y prise
aucune part ; placée hors du cercle et près d'une table, je travaillais des mains, ou faisait des lettres,
tandis qu'on délibérait" (Mémoires). Mme Roland justifie cette attitude par le risque encouru par la
femme qui mène une vie publique d'être associée à la corruption selon "l'idée qu'il pouvait en être sous
l'ancien régime". Il s'agit d'éviter le piège d'une rhétorique anti-féministe qui assimile la femme publique
et la mauvaise mère. » (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00494461/document )

Elle sait qu’elle peut compter sur 2 soutiens (rythme binaire des CdN du nom « effet » au singulier) :
« les progrès de l’esprit public » et « les lumières »

Le discours de Théroigne exprime un souhait d’alliance entre le progrès des idées, la défense des idéaux
révolutionnaires et l’émancipation féminine, montrant que celle-ci, finalement, est une conséquence
directe de l’exercice de la raison.

L’antithèse entre « extraordinaires » voire « impossibles » et « simples et faciles » souligne l’optimisme


de Théroigne qui est persuadée que l’évolution de la condition féminine sera rapide.

2ème mouvement : combat pour l’égalité des sexes

Théroigne ne craint pas d’évoquer une rivalité Citoyennes, pourquoi n’entrerions-nous pas en
entre les hommes et les femmes. Cette meneuse concurrence avec les hommes ? Prétendent-ils seuls
lance même un défi à ses auditrices ! avoir des droits à la gloire ? Non, non…
L’apostrophe « Citoyennes » met en avant l’intégration des femmes dans la nation et la lutte
révolutionnaire.

2 questions rhétoriques

« Cette rivalité porte sur la gloire et les émotions qui vont avec, aussi bien pour ceux et celles qui en
bénéficient que pour ceux et celles qui en sont les spectateurs et les spectatrices. Pour Théroigne, les
femmes doivent briguer la gloire publique et non la modestie de l’espace privé. « Nous ne sommes pas
étrangères aux sentiments magnanimes », dit-elle. Et à ce titre il s’agit de considérer non seulement une
égalisation des positions et des rôles sociaux, mais aussi une reconnaissance de la proximité, de
l’analogie des sentiments des femmes et des hommes. »
La Révolution sera donc l’occasion de mettre les Et nous aussi nous voulons mériter une couronne
femmes en valeur mais surtout de faire évoluer la civique, et briguer l’honneur de mourir pour une
condition féminine liberté qui nous est peut-être plus chère qu’à eux,
puisque les efforts du despotisme
s’appesantissaient encore plus durement sur nos
têtes que sur les leurs.
A nouveau il est fait mention de l’Antiquité avec la métaphore de la « couronne civique », cette
couronne de feuilles de chêne était offerte aux soldats qui avaient sauvé l’un de leur compagnon.
Théroigne présente ainsi les femmes comme des combattantes au même titre que les hommes.

NB : Ces références à l’Antiquité se retrouvent également dans le choix du bonnet phrygien : coiffe
portée par les esclaves affranchis (cf. Sans-Culottes).

Suit une comparaison (« plus chère qu’à eux ») avec les hommes pour insister sur la valeur de la liberté
aux yeux des femmes qui sont victimes de despotes non seulement dans la société avec le régime de la
monarchie absolue mais aussi au sein de la famille avec le « despotisme familial » et le « despotisme
conjugal »11 dans leurs pétitions car les femmes reprennent le vocabulaire révolutionnaire afin de faire
évoluer leur vie personnelle : « En somme même si les hommes comme les femmes revendiquent le
divorce comme une forme de liberté, ce sont plutôt les femmes qui associent leurs demandes, et
devant les tribunaux et dans les pétitions à la Convention, à la « critique du despotisme conjugal ».
Comme le dit Catherine Bagot, « c’est surtout pour le sexe qu’on est convenu d’appeler le plus faible et
qui cependant s’est montré le plus ardent pour la Révolution, c’est pour ce sexe jusqu’ici soumis aux
volontés arbitraires de l’autre que le divorce est le plus nécessaire » . »

3ème mouvement : appel aux armes

Théroigne affirme enfin son choix d’un féminisme Oui...généreuses citoyennes, vous toutes qui
belliqueux m’entendez, armons-nous, allons nous exercer
deux ou trois fois par semaine aux Champs-Élysées,
ou au Champ de la Fédération ; ouvrons une liste
d’Amazones françaises ; et que toutes celles qui
aiment véritablement leur patrie, viennent s’y
inscrire ; nous nous réunirons ensuite pour nous
concerter sur les moyens d’organiser un bataillon à
l’instar de celui des élèves de la Patrie, des
Vieillards ou du bataillon sacré de Thèbes.
Elle continue à exhorter son public avec des apostrophes laudatives : « généreuses citoyennes »

Les impératifs « armons-nous », « allons » et « ouvrons » ainsi que le subjonctif à valeur d’ordre ou de
souhait poussent les femmes à l’action car Théroigne est une femme d’action comme le prouvent ses
surnoms « l’Amazone rouge » et « la furie de la Gironde ». pistolets et sabre à la ceinture.

Pronom personnel « nous » = unité

Côté pragmatique : temps / lieu / nom du bataillon

Symbolique des Amazones : « Soucieuse de "fuir l'humiliation d'être femme", elle s'habille en amazone,
symbole de la féminité guerrière ». Cf. surnom.

« Ainsi, le droit aux armes symbolisant l'appartenance au souverain, certaines femmes avaient voulu
composer des bataillons de gardes nationales armées ce qui leur avait été finalement refusé. Néanmoins,
la volonté d'un engagement armé pour la Révolution continue de se manifester: le 31 juillet 1792 des
femmes de la section de l'Hôtel de ville demandaient que les "vraies citoyennes" soient armées pour la
défense de la capitale. (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00494461/document ) »

Elle prend modèle sur 3 groupes armés masculins :

- Les « élèves de la Patrie »


- Les « Vieillards »
- Le « bataillon sacré de Thèbes » : groupe d’élite de l’armée de Thèbes formé de 300 hommes,
150 couples.

« Dès le lendemain de la prise de la Bastille, le 15 juillet 1789, la garde nationale,


à l’établissement de laquelle Louis XVI avait été jusqu’alors énergiquement
opposé, s’était spontanément orga¬ nisée, et bientôt plus de six millions

11
https://journals.openedition.org/ahrf/5883#bodyftn14
d’hommes avaient été armés pour la défense de leurs droits. Le zèle le plus
patriotique avait présidé dans la France entière à la formation de cette
puissance. Les vieillards et les enfants y avaient pris place. Chaque bataillon
avait une compagnie de vétérans et une compagnie d'élèves. Et Paris, qui, dans
la première organisation, comptait soixante bataillons, avait ainsi soixante
compagnies d’enfants. Ceux-ci assistaient à tous les exercices, à toutes les
manœuvres, et c’est là que, de onze à dix-huit ans, se faisait l’éducation militaire
des jeunes citoyens. »12
La fin de son discours est marquée par un cadeau En finissant, qu’il me soit permis d’offrir un
symbolique à ses concitoyennes étendard tricolore aux Citoyennes du Faubourg
Saint-Antoine.
Ce cadeau du drapeau est un hommage aux patriotisme de ces femmes.

Subjonctif de souhait = solennité du moment

Symbolique du drapeau tricolore :

« Avant d'être drapeau, le tricolore fut cocarde. On raconte que c’est La Fayette qui donna à Louis XVI,
reçu à l'Hôtel de Ville trois jours après la prise de la Bastille, une cocarde tricolore, en déclarant : « Je
vous apporte une cocarde qui fera le tour du monde ». Le blanc représentait la monarchie, tandis que le
bleu et le rouge reprenaient les couleurs de la ville de Paris, signe, selon le maire de la ville, de « l'alliance
auguste et éternelle entre le monarque et le peuple ». La cocarde tricolore devint alors un symbole de
patriotisme et commence à fleurir aux boutonnières. »13

Conclusion :

Bilan …

Ouverture sur la postérité de Théroigne :

Poème de Baudelaire :

SISINA

"Imaginez Diane en galant équipage,


Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !

Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,


Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,
La joue et l'oeil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

Telle la Sisina ! Mais la douce guerrière


A l'âme charitable autant que meurtrière;
Son courage, affolé de poudre et de tambours,

Devant les suppliants sait mettre bas les armes,


Et son coeur, ravagé par la flamme, a toujours,
Pour qui s'en montre digne, un réservoir de larmes."

Cf. Lamartine, livre XVI de ses Œuvres

Cf. Tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple

12
https://education.persee.fr/doc/revpe_2021-4111_1882_num_1_2_1459
13
https://www.elysee.fr/la-presidence/le-drapeau-francais
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/7664/
Laplanche_Laurie_2008_memoire.pdf?sequence=1&isAllowed=y

https://archive.org/stream/lesoriginesdufem00laco/lesoriginesdufem00laco_djvu.txt

https://unsansculotte.files.wordpress.com/2016/01/barbara-bonte-femmes-recc81vo-ds-la-
littecc81rature.pdf

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