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Cours sur oeuvre : une féministe avant la lettre, Théroigne de Méricourt

[+ Matières pour la LL9]

[Discussion autour de Théroigne de Méricourt pouvant vous aider dans l’élaboration de la LL9
ou pour mieux comprendre la littérature d’idées au XVIIIe siècle : (1) C’est une initiation
extraordinaire à la politique quand elle arrive à Versailles, initiation que d’autres Français du
XVIIIe siècle ont connu à l’époque même si celle de Méricourt a plus d’éclat, de panache (2) Elle
écrit dans une atmosphère de joie au début de la Révolution, cette atmosphère où tout est
possible, où l’on peut tout faire : elle fait partie de ces gens qui ont fait don d’eux-mêmes pour
porter cet espoir (3) L’importance de son vêtement d’amazone, pour contribuer à forger et
affirmer son identité de citoyenne : un habit ordinairement porté pour monter à cheval, c’est une
jupe avec une veste un peu plus serrée qui peut rappeler les vêtements plus masculins → façon
de montrer qu’elle est libre, qu’elle ne rentre pas dans tous les canons, la norme dans laquelle on
assigne les femmes → l’écrivain
Louis-Sébastien Mercier au XVIIIe siècle a
écrit que l’habit doit avoir un sexe, que
les femmes ne doivent prendre aucun
élément de l’habit masculin → certaines
femmes au XVIIIe siècle se faisaient couper
les cheveux et on leur reprochera leur
coupe “à la Jacobine” → Théroigne de
Méricourt va plus loin en s’habillant en
amazone : c’est une forme d’audace (4) Une
conscience féministe nettement établie :
elle écrit dans ses confessions qu’elle a
toujours été “humiliée” par l’inégalité entre
les hommes et les femmes. Les idées
révolutionnaires pour l’égalité pour tous
vont peut-être lui permettent de formaliser
et de radicaliser son propos, de les mettre
en forme : c’est une proto-féministe. Elle
défend l’idée que les femmes doivent porter les armes mais cela s’intègre dans une recherche
d’égalité pour tous. L’idée de citoyenneté au XVIIIe siècle ne se limitait pas au droit de vote mais
aussi dans l’idée du droit pour tous de porter les armes (5) Une femme vouée aux gémonies
diabolisantes par les Royalistes, lesquels en font un personnage, dans la presse et dans les
caricatures, obscène, lubrique, sanguinaire. Dans un texte il est écrit qu’elle est “offerte à tous les
membres de l’Assemblée” → attaques d’une grossièreté et d’une violence inouïes (6) Elle
raconte la difficulté pour une femme de se faire une place, d’être traité à égalité alors que la
Révolution a ouvert la porte à des espoirs qui, évidemment, ne sont pas toujours pensés en des
termes d’égalité H/F, mais tout de même portent en eux cette idée d’égalité (7) Le symbole noir
et populaire de la Révolution française au XIXe siècle : même Lamartine continue à forger ce
mythe de Théroigne de Méricourt comme mauvaise femme, elle symbolise auprès de ces élites,
la violence populaire, mais aussi, la violence, la folie qui guetteraient toute femme qui
sortirait des bornes que le XIXe siècle dresse de façon plus importante encore qu’au
XVIIIe siècle aux femmes → les frères Goncourt ont écrit qu’elle était la “première qui a voulu
faire sortir son sexe du ménage et appeler à l’émancipation”]
Biographie analytique d’Anne-Josèphe Terwagne, plus connue sous le pseudonyme de
Théroigne de Méricourt

- A 27 ans, elle a déjà un long passé d’aventure, quitte l’Italie où elle vit alors, pour Versailles, et
s’engage avec ferveur dans la Révolution française :

● D’abord, en tant qu’auditrice fidèle et assidue de l’Assemblée nationale


● Puis, en prenant à son tour la parole pour réclamer l’égalité
● Elle dit :
“Brisons nos fers, il est temps enfin que les femmes sortent de leur honteuse
nullité où l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes les tiennent asservies
depuis si longtemps”

- Comme l’écrasante majorité des femmes qui ont l’audace de faire entendre leur voix, elle
sera frappée d’anathème → et ce dans le contexte particulier de la folie révolutionnaire → elle
sera moquée, humiliée, violentée, internée, calomniée → “J’étais femme, dit-elle, voilà le
grand inconvénient aux yeux de l’autre sexe”

- Aujourd’hui, c’est une figure somme toute peu connue. Mais au XIXe siècle, elle représentait la
femme révolutionnaire par excellence, la femme qui s’engage en politique, celle qui demande
l’égalité → a inspiré de nombreux artistes, notamment Charles Baudelaire qui, dans son poème
“Sisina” parle de “l’amante du carnage”

“Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,


Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,
La joue et l'oeil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?”

Charles Baudelaire, “Sisina”

A. Une jeunesse d’aventure après l’enfance triste

- Son vrai nom est Anne-Josèphe Terwagne. Elle prend pour pseudonyme Théroigne de
Méricourt : Méricourt pour Marcourt, village où elle naît, dans l'ancienne principauté de Liège
en Belgique
- Fille de paysans assez aisés mais paysans tout de même. Sa mère meurt quand elle a cinq ans
→ élevée par des tantes, une belle-mère → enfance malheureuse
- Quitte la maison familiale à 15 ans → s’engage dans une ferme où elle garde des vaches → puis
comme servante → puis entre au service d’une femme aisée qui va s’attacher à elle, parfaire
son éducation et l’emmener avec elle quand elle part en Angleterre

- Elle a vécu avec des hommes très riches, quasiment maritalement : a été la compagne d’un
très riche anglais avec qui elle a eu une fille (laquelle meurt jeune), et qui lui offre une rente
après leur séparation. Il y a aussi un marquis français qui était énamouré d’elle et qui lui donnait
de l’argent si bien qu’elle a une vingtaine d’années et vit dans l’aisance et voyage beaucoup

- Elle a à cette époque des velléités artistiques, elle veut devenir cantatrice. Or, le lieu de la
musique au XVIIIe siècle est l’Italie → elle parcours ce pays
B. L’arrivée à Versailles et l’affirmation de soi comme Amazone de la Révolution

- En mai 1789, elle quitte Gêne pour Versailles, pour s’engager dans la Révolution française,
signe de l’onde de choc que l’événement suscite en Europe → elle veut vivre cette espérance au
milieu des Parisiens, de revendiquer la liberté à leur côté
- A peine arrivée, elle est frappée par l’effervescence qui règne dans la capitale, elle lit les
brochures politiques, fréquente les Jardins du Palais Royal, devenus un haut lieu du débat public,
le coeur battant de la Révolution française

- En août 1789, elle s’installe à Versailles. Chaque jour, elle se rend dans l’Hôtel des
Menus-Plaisirs où siègent les états généraux devenus Assemblée nationale → écoute les
orateurs, se passionne pour les débats, discute avec des députés et se forge des convictions
démocratiques

- Au sein de cette faune virile, elle ne passe pas inaperçue. Elle


porte toujours une originale tenue de cavalière : un costume
d’Amazone, rouge, noir ou blanc selon les jours. Par contraste
avec son ample jupe, sa veste - presque masculine - paraît la
rapprocher des hommes de la Révolution. Avec sa cravate et ses
cheveux courts, cette amazone lui donne effectivement, selon les
critères de l’époque, une allure “masculine”
- Au fil des semaines, elle se lie d’ailleurs d’amitié avec Jérôme
Pétion de Villeneuve, l’un des principaux orateurs démocrates
- Non seulement, son costume d’Amazone lui permet de se faire
remarquer… mais sans doute, lui permet-il aussi, et surtout, de
se présenter devant l’autre, comme citoyenne (et non juste
comme femme) → c’est comme si le costume lui conférait un peu de cette égalité que les
lois lui refusaient alors → on le sait : hier comme aujourd’hui, le vêtement contribue à forger
et affirmer une identité
- Le 6 octobre 1789, des Parisiennes forcent les portes du Château de Versailles, malmènent les
gardes et menacent la Reine. Pour calmer la foule, la royauté est contrainte de s’installer à Paris.
L’assemblée s’y établit à son tour, tout comme Théroigne. Au fil des jours, elle attire l’attention
des journalistes, raillée par la presse aristocrate, célébrée par les plumes patriotes, qui la
transforment en icône révolutionnaire → elle devient un véritable personnage politique
→ elle symbolise pour les uns l’ardeur patriotique, l’universalisme des droits de l’Homme
et pour d’autres, le ridicule et l’hérésie d’une femme qui prétend parler de politique. Les
journaux contre-révolutionnaires l’abreuvent de moqueries (elle est surnommée “Madame
Loyal” entre autres) et même de calomnies. On la dépeint à souhait en femme libertine, sans foi
ni loi, ni moeurs
- En 1790, avec Gilbert Romme, elle anime la société des amis de la loi, d’une vingtaine de
membres à peine. Elle propose vite d’ouvrir une souscription pour la construction d’une
majestueuse assemblée nationale à l’emplacement de la Bastille détruite
- Début 1791, elle quitte la France mais pourtant la pression sur elle ne se relâche pas. A Paris,
paraît sous son nom, un Catéchisme libertin, un ouvrage anonyme faussement attribué à
Théroigne de Méricourt. Ouvrage à l’usage “des filles de joie et des jeunes demoiselles qui se
décident à embrasser cette profession”

- Une nuit de 1791, alors que Théroigne séjourne dans une auberge près de Liège, trois hommes
dont le Maynard de La Valette, se présentent, réveillent l’hôtelier et se font conduire à la
chambre de cette dernière → ils l’enlèvent pour la livrer aux Autrichiens→détenue au Château
de Kufstein → longuement interrogée sur sa participation aux journées d’octobre (où on l’accuse
d’avoir tenté d’assassiner la Reine) mais aussi sur les convictions des députés, sur les rapports
de force à l’Assemblée ou dans le club des Jacobins →placée à l’isolement, elle occupe son temps
pendant neuf mois, à écrire ses confessions mais souffre de solitude et d’angoisse, s’affaiblit,
tombe malade et pense perdre la raison
- Mais au fil des mois, les accusations tombent les unes après les autres. Emmenée à Vienne où
elle est de nouveau interrogée, elle est finalement libérée fin 1791
- Retourne à Paris et est accueillie en héroïne. On lui offre la tribune et en mars 1792, tandis que
l’idée d’une offensive contre l’Autriche progresse au club des Jacobins comme à l’Assemblée
législative, Théroigne se convainc de plus en plus que les femmes aussi ont un rôle actif à jouer
dans cette guerre → elle écrit son fameux texte “Citoyennes, armons-nous!”, Discours aux
Minimes (LL9)
● L’appel à former des “bataillons de citoyennes”, aussi lancées par les militantes Claire
Lacombe et Pauline Léon, ne peut convaincre
● Une fois la guerre déclarée à l’Autriche en 1792, quelques femmes pourtant, portent
l’uniforme et dans la nuit du 9 août, participent avec Théroigne à la prise des Tuileries, et
au renversement de la monarchie, les armes à la main. Elle reçoit une couronne civique
pour son courage
- Lorsqu’en 1793, Jacobins et Girondins s’affrontent, Théroigne propose aux 48 districts
parisiens de créer chacun une magistrature de six citoyennes modératrices

C. Une fin tragique dans le contexte historique de la Terreur

- En 1794, elle observe, désabusée, l’exclusion des Girondins de la Convention, et la fuite de


Jérôme Pétion de Villeneuve, son grand ami, elle assiste à l’établissement du gouvernement
révolutionnaire, à la lutte à mort contre les ennemis intérieurs de la République : c’est dans ce
contexte historique de la Terreur, qu’elle sombre dans la paranoïa → entend des voix → celles
guillotinées d’Olympe de Gouges notamment → elle s’enfonce dans la folie → ses amis Danton et
Desmoulins sont guillotinés → Jérôme Pétion de Villeneuve se suicide → ils sont nombreux
- Reconnue “folle”, elle est enfermée dans différentes maisons parisiennes, notamment rue de
Sèvres → elle paraît continuer à vivre comme si le temps s’était arrêté au temps de la Révolution
→ continue de parler de Jérôme Pétion de Villeneuve ou Robespierre dans ses délires, comme
s’ils vivaient encore →elle + à l'hôpital de la Salpêtrière, le 8 juin 1817, quatre après avoir passé
les 23 dernières années de sa vie à l'asile

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