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[Remarques et pistes de réflexion suite à la discussion en classe autour de l’incipit de King Kong

Théorie de Virginie Despentes (2006) : lesquelles peuvent vous aider à formuler une ouverture
sur un texte de littérature d’idées]

KKT : court texte (145 pages), grand effet → un catalyseur, un embrayeur d’engagement
politique pour la nouvelle génération de féministes (cf. la philosophe Marion Garcia, Victoire
Tuaillon). L’époque, le mouvement Metoo en particulier, l’a, en quelque sorte rattrapée :
lorsqu’elle publie en 2006 son essai, King Kong Théorie, ces idées-là sont neuves → puis elles se
sont disséminées dans la société → aujourd’hui, les questions de genre, les questions sur les
féminités et les masculinités, hautement discutées actuellement, semblent toutes avoir pour
origine les premiers questionnements de Virginie Despentes → elle a participé à faire connaître
avec King Kong Théorie, de nombreuses figures intellectuelles en France, comme l’américaine
Camille Paglia → elle a fait venir des idées qui étaient présentes chez des chercheuses
anglo-saxonnes → elle été la première passeuse des études de genre ⇒ l’intéressant, c’est
qu’avant même son essai, elle passait ces idées-là dans ses romans ⇒ une romancière à idées
très construite ⇒ et King Kong Théorie en est la preuve magistrale. Elle dit : “Écrire, me paraît
être un acte politique, c’est une télépathie, c’est essayer de faire voir les choses telles
qu’on les voit, et si on les voit avec une grille de lecture politique, c’est essayer de faire
partager ça”

● Une écriture tonique, violente, tonitruante, à l’os → ce que suggère l’énumération


sous forme de gradation ascendante de la phrase liminaire
● Un style direct, rapide, violent → mais assez complexe et assez travaillé, libéré du
souci de la belle phrase, de l’élégance stylistique
⇒ On est loin du phrasé ampoulé, plein de boucle et d’emphase d’une Olympe de
Gouges, phrasé si caractéristique de la langue du XVIIIe siècle) → chez l’une comme chez
l’autre, on est face à une langue d’époque (il y a une recherche de style qui
correspond à celui de leur temps)
● Une “littérature au hachoir, au dégueuloir, à faire gerber l'académie comme
l'avant-garde” sous la plume du journaliste (Prix Albert Londres) Luc Le Vaillant (Dans
un “portrait de der”, “Biaise-moi”, dans le journal Libération)

// Similitudes Gouges/Despentes :
● Ovnis littéraires qui sont longtemps restées étrangères à un certain milieu, celui
de l’édition : Gouges a bataillé pour être publiée en dépit de la réputation
“d’écrivassière” qu’elle traînait, elle a placardé des affiches pour être lue. Despentes est
entrée en littérature avec Baise moi en 1994, texte publié chez Florent Massot après le
refus de 9 éditeurs : elles sont nées en région, à Nancy pour Despentes (pseudonyme du
nom d’un quartier à Lyon où elle a vécu), elles sont étrangères à la faune littéraire
parisienne, elles apparaissent comme des figures féminines violentes qui prennent la
parole, ce qui provoque dans un cas comme dans l’autre, un choc, accompagné d’un
mouvement de rejet (Pour VD, il y a à ses débuts une presse qui l’a beaucoup portée,
mais aussi toute une partie de la critique littéraire, qui a cherché à la réassigner à sa
place de femme qui n’aurait pas le droit d’aborder des sujets comme le viol, le sexe, ce
qui relève de l’intime… Il faut également se souvenir de l’anecdote de Virginie Despentes
lors de son arrivée la première fois chez Grasset, maison d’édition située rue des
Saints-Pères. Elle dit “J’avais peur qu’on me demande de faire le ménage”...) (1)
● Refus des conventions (2)
● Une volonté de donner à voir une autre image des femmes : avec Despentes, c’est les
“moches (...) les exclues du grand marché à la bonne meuf”, qui jusqu’alors, n’avaient pas
droit au chapitre… qui font leur entrée (avec elle) en littérature (3)

Différences Gouges/Despentes :
● Conformément au contexte respectif de leur époque, Gouges et Despentes ne se situent
pas sur le même terrain. Gouges se situe sur le terrain politique, alors que Despentes est
du côté de l’intime : VD est en ceci parfaitement en phase avec le féminisme de la
troisième vague, elle part de son vécu pour disséquer les différentes formes de
contrôle social auxquelles les femmes sont encore soumises → elle critique celui
des années 1970 → critique aussi en creux les effets pervers de la libération sexuelle qui
a suivi Mai 1968 → c’est une enfant de la révolution sexuelle des années 1970 qui
critique la femme comme objet de désir (1)
● A noter : à ma connaissance, Despentes n’a jamais cité Gouges dans son panthéon
littéraire ni même artistique : il y a Colette mais surtout des références issues de la
contre-culture, de la science fiction, des romans policiers et surtout, du punk →
cela s’entend jusque dans son phrasé, cette attention accordée à la sonorité, aux mots
comme crachés (2)

● Un personnage controversé qu’il ne faut pas citer en toute naïveté : cf. son parcours
éminemment polémique (internée à 15 ans en HP, elle ouvre son premier roman Baise
moi, sur une scène de viol, scène qu’elle a vécu à 19 ans lorsqu’elle rentrait en stop d’un
concert. Ce livre est publié en 1994, par Florent Massot, il avait été refusé par toutes les
maisons d’édition. Non seulement, ce sujet tabou a droit de cité en littérature avec elle
mais elle en fait un traitement particulier : elle a longtemps refusé de sacrifier à une
logique victimaire, arguant souvent que ce ne fut pas un événement à haut potentiel
traumatique)
● Idem pour la prostitution, qu’elle a exercé un temps : elle est du côté du libre-arbitre,
croit au caractère volontaire des participantes au sein d’une société du travail et dans le
contexte du capitalisme
● C’est une ancienne alcoolique qui a arrêté avec son ancien compagnon, le critique rock
Philippe Manoeuvre, à 30 ans
● Elle a réalisé l’adaptation de Baise moi au cinéma, film aux scènes de sexe non simulées,
film qui a fait l’objet d’une demande d’interdiction par l’association Promouvoir
● Elle a fait son coming-out lesbien sur le tard et appelle les femmes à devenir lesbiennes
pour se protéger d’un patriarcat supposé
● Surtout, elle a donné une interview hautement controversée aux Inrocks, suite à
l’attentat contre Charlie Hebdo…
● Un personnage en marge mais installé dans le paysage intellectuel français : Prix
Renaudot en 2010 pour Apocalypse Bébé, membre du jury du Prix Goncourt jusqu’en
2020 (C’est notamment grâce à elle que Nicolas Mathieu a reçu le Goncourt pour Leurs
enfants après eux)

Oeuvres majeures adaptées au cinéma : Vernon Subutex, Bye Bye Blondie, Baise-moi
Son dernier roman : Cher connard

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