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Type d’activité :
Questionnaire de visionnage, analyse de documents Durée : 2h
Le titre de la fresque historique de Pierre Schœller, Un peuple et son Roi, montre que la relation entre le souverain
(interprété de manière saisissante par le comédien Laurent Lafitte) et ses sujets est un des fils rouges du film :
comment le peuple français a tranché avec des siècles de monarchie pour se donner une république ? Comment
la relation quasi charnelle qui unissait le souverain et ses sujets a-t-elle pu finir dans le sang du 21 janvier 1793 ?
La question du Roi dans la Révolution peut donc être étudiée tout au long du film, dans ses différentes dimen-
sions : à la fois le statut institutionnel du Roi (avec les constitutions successives), sa place symbolique et sa per-
ception par la population (qui évolue très vite au gré des événements).
Document 1 : Extraits d’un ouvrage sur l’histoire de la Révolution française : biographie de Louis XVI
Petit-fils de Louis XV, Louis XVI accède au trône en 1774, à vingt-quatre ans, pour occuper une fonction repo-
sant largement sur la personnalité de son titulaire. Or son éducation […] a été en bien des points bâclée. […]
Loin d’être aguerri aux idées du siècle, il a reçu en matière religieuse les leçons de son père, Louis-Ferdinand,
chef du parti dévot […]. Parce que son brillant frère aîné, mort à son tour et dont on lui rabâche le modèle,
était destiné à régner, sa formation politique a été oubliée […]. Ce handicap ajouté à son introversion, à un
physique pataud, à des apparences négligées [rend Louis XVI] vulnérable au milieu des quatre mille nobles
de la Cour. […] Louis XVI en politique se caractérise surtout par son impuissance à choisir un parti et à s’y
tenir […]. [Il est pourtant] intelligent, voulant rompre avec les turpitudes de la fin du règne précédent […].
Source : Michel BIARD, Philippe BOURDIN et Silvia MARZAGALLI, 1789-1815. Révolution, Consulat, Empire, 2009, p. 673.
Document 2 : Extraits d’une biographie de Louis XVI par l’historien Jean-Christian Petitfils
Les pouvoirs forts, dictatoriaux, s’effondrent rarement d’eux-mêmes. Leur mise en cause naît généralement
au moment où leur nature autoritaire tend à s’atténuer par une pratique plus conciliante, par une censure
moins sourcilleuse. [..] Le règne de Louis XVI était mûr à cet égard. […] À ce dernier on peut reprocher à bon
droit sa faiblesse entêtée, son caractère dépressif surtout après 1787, sa tétanie devant l’événement, son ab-
sence de charisme, son incapacité à se comporter en chef militaire, son angélisme confondant morale privée
et politique, son rejet de la violence d’Etat […]. Il se voulait en étroite communion avec les humbles et les
déshérités. Il espérait toujours gagner l’amour de ses sujets […] Il eût été volontiers démagogue s’il avait su
communiquer ; il ne le savait pas. […] Là sans doute réside la suprême ambiguïté de cet homme, si complexe,
si introverti, si impénétrable, qui, sous des dehors simples, modestes, débonnaires, faciles à caricaturer, vou-
lut rester pour tous une énigme non déchiffrée.
Source : Jean-Christian PETITFILS, Louis XVI, 2005, p. 981-983.
1. p. 2
Fiche élèves
2/ Comparez la chanson des lavandières en 1789 (document 3) et les réactions du peuple après l’arrestation du
Roi à Varennes (1791). Comment l’image de Louis XVI a-t-elle évolué auprès de ses sujets ?
3/ Comparez ces deux plans (document 4) et expliquez l’évolution factuelle et symbolique de la place du Roi
auprès de son peuple.
1 2
Scène d’ouverture Scène finale
4/ Dans un entretien, Pierre Schœller donne son propre point de vue concernant le Roi (document 5).
a) En quoi ce point de vue diffère-t-il de celui des historiens biographes de Louis XVI (documents 1 et 2) ?
b) Ce point de vue vous semble-t-il correspondre avec celui concrètement mis en images dans le film ?
Justifiez votre réponse.
5/ Synthèse
À la lumière de vos réponses aux questions précédentes, décrivez l’image du Roi transmise par Un peuple et son Roi.
1. p. 3
Éléments de correction
1/ a) Le Document 1 insiste sur le manque de formation politique de Louis XVI, combiné à un caractère introverti. Le Do-
cument 2, beaucoup plus critique, lui reproche essentiellement d’avoir été un roi « faible » : indécision, angélisme, caractère
dépressif, manque de charisme…
b) Le Roi était la clef de voûte des « institutions » de l’Ancien Régime. Or, comme le dit le Document 1, « la fonction repos[ait]
largement sur la personnalité de son titulaire. » Le caractère de Louis XVI a donc vraisemblablement joué un rôle important
dans le déroulement de la Révolution.
c) Réponses selon l’intuition des élèves
2 / Chanson en 1789 : image familière du Roi ; métaphore animalière, usuelle sous l’Ancien Régime, soulignant la
faiblesse de caractère de Louis XVI (« mouton »). Seule la cour est critiquée (« canaille »). Acceptation de la suc-
cession dynastique légitimée par l’Eglise, ici présentée de façon triviale (« Un enfant d’chœur dans l’bénitier »).
Plus tard, lors de la scène à Varennes, des paysans parlent de « gros peccata » (âne, sot), « gros Louis sans cervelle », « gros
cochon fugitif ». Pour Françoise, Louis XVI est un lâche. Une vieille paysanne doute encore : la fuite est impensable pour
quelqu’un qui a toujours vécu sous l’Ancien Régime.
À l’Assemblée, Marat parle de « brigand couronné, parjure, traître ». Le vocabulaire montre bien une rupture : l’image du
cochon est transgressive car cet animal est considéré dans les mentalités populaires comme impur, dégoûtant, et fait écho
au physique enveloppé de Louis XVI, Roi gourmand. C’est la fin de la confiance populaire. La trahison du serment constitu-
tionnel fait perdre sa sacralité au roi, ce qui explique que l’on puisse l’injurier, même au sein de l’Assemblée.
Lors de la réunion de section de l’été 1792 : le sectionnaire parle du « colosse effrayant du despotisme » qu’il faut renverser,
réclame que l’on dise que « Louis XVI n’est plus Roi des Français », Solange le qualifie de « traître » mais envisage d’avoir un
autre roi ; un sans-culotte modéré parle de « roi gâté [plutôt] qu’un nouveau tyran ». L’image de Louis XVI est définitivement
abîmée, les discussions portant maintenant sur la nature du régime politique à venir. Dorénavant, le film ne contient plus
aucune référence populaire à la personne de Louis XVI. Seule la question politique demeure. Le sacrilège est désormais
possible.
3 / Sur l’image n°1, le Roi embrasse le pied d’un enfant pauvre lors de la cérémonie du lavement de pieds en avril 1789 lors
du Jeudi saint. Il s’agit là d’une caractéristique du pouvoir royal issue de l’Ancien Régime : la légitimité du Roi est issue de sa
relation directe avec Dieu.
Sur l’image n°2, une enfant des quartiers populaires éponge un peu du sang du Roi après son exécution afin de porter bon-
heur à la République.
Un peuple et son Roi montre le processus de transfert de croyance au sein du peuple : du Roi sacré, on passe à la République
sacrée, aboutissement de la sacralisation de la Révolution.
4 / a) Le point de vue de Pierre Schœller diffère de celui des historiens biographes de Louis XVI car il souhaite montrer le
décalage entre sa grande culture, son ouverture d’esprit vis-à-vis de la nouvelle Constitution et ses actions successives, no-
tamment sa fuite et son arrestation à Varennes, qui lui font perdre la confiance de celui qu’il considère comme « son » peuple.
b) Il se peut que les élèves n’aient pas perçu le personnage du Roi dans le film de Pierre Schœller tel que le réalisateur le
présente a posteriori lors d’un entretien. Au cœur de la théorie de la réception figure la question de savoir si le film appartient
à son auteur (le réalisateur) ou s’il n’appartiendrait pas davantage à ses spectateurs (le réalisateur en serait alors dépossédé).
Les élèves sont donc invités à discuter librement les propos de Pierre Schœller.
5 / Dans le film, Louis XVI est assez réfléchi, calme, sensible aux événements – mais hésitant. Cf. journées d’octobre (où il
cède à l’Assemblée, puis une larme coule), retour de Varennes (regard absent dans le carrosse), prise des Tuileries (moment
d’attente et d’indécision face aux événements). Ajoutés à un « physique pataud », cela peut être pris pour de la paresse et un
manque de dignité (cf. ses ancêtres lors du rêve). Impression que Louis XVI n’est pas fait pour être Roi, qu’il souhaite le bien
de son peuple (cérémonie de lavement de pieds, scène avec Basile après l’arrestation à Varennes) sans y parvenir. Il n’inspire
pas confiance. Pourtant, il fait montre d’une grande dignité face à la mort (car grande piété ?).
BIARD Michel, BOURDIN Philippe et MARZAGALLI, Silvia, 1789-1815. Révolution, Consulat, Empire, 2009.
Crédits : © Zérodeconduite, 2018 / Auteur : Hélène Chauvineau / Directrice de collection : Anaïs Clerc-Bedouet
Crédits photos et affiche du film : Jérôme Prébois © Archipel 35 - Studiocanal - Création Couramiaud