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Georse Kohlrieser

Psychologue, expert en nêgociotions de priees d'otoges


-

Négociations
sensibles

'',, BCU Lausanne


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George l(ohlrieser

Négociations
sensibles
Les techniques cle nêgociation
cle prises cl'otages appliquées
au management
l?H/ q-1j16-
-_t
Tracluit de I'anglais (États-Unis) par
Émily Borgeaucl

Village
Nkrnclial
\

Lédition originalede cet ouvrage a été publiée aux États-Unis parJossey-Bass,


une marque de \Øiley, sous le titre Hostage at the tøble,

@ 2006 by George Kohlrieser.

À ma fenme, Cinzia, eT à nos quatre enfants

- Dog (décêdá), Paal, Giulia et Andrew -


pour leur ónergie, leur inspiration
ø la forrnidables occasions laþþrendre
qu'ils ril'lnt apþorties annêe aþrès annie

B IBLIOTHÈQUE CANTONALE
ET UNIVERSITAIRE

0 tr SEP. 2007

LAUSANNE-RIPONNE

Mise en pages : FAB Odéans

@ 2007, Pearson Education France, Paris

Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que celles pré-


vues à l'article L. 122-5 2" et 3" a) du code de la propriété intellectuelle ne
peut être faite sans I'autorisation expresse de Pearson Education France ou, le
cas échéant, sans le respect des modalités prévues à l'article L.122-10 dudit
code.

rsBN 97 8-2-7 440 -625 4-4


SOMMAIRE

Aaant-þropos 1

Préfaæ t

1. Otages ? 1.3
Contrôler notre cerveau est essentiel L7
Le poison de l'impuissance L9
Le syndrome de Stockholm et la mentalité d'otage 24
L'antidote : la formation de liens 28
Résumé 3T

2, L'æ,il de l'esprit, ou comment (re)trouver la liberté 35


A,ttention et æil de l'esprit 38
Comprendre l'æil de I'esprit d'autrui 40
État d'esprit et réussite 42
Agir sur nos états d'esprit 44
La prévision autoproductrice et l'æil de l'esprit 46
Voir avec l'æil de I'esprit t0
Résumé 5)

3. Le cycle du lien 57
Le cycle du lien 60
A.ttachement et formation de liens 6t
Séparation et deuil 69
Les huit stades du deuil 7I
Les sept manifestations du lien brisé 79
Lien et changement 87
Résumé 88
VIII NÉcoctATtoNss¿Nslr¿zs SOMI\IAIRE IX

4. Les bases de sécurité 9I 8. Maîtriser nos émotions 2t,


Influence des bases de sécurité sur l'æil de I'esprit rc4 Comprendre les émotions 2t7
Les individus comme bases de sécurité ro6 Les cinq phases de l'émotion 2r9
La figve maternelle comme base de sécurité t07 Cinq émotions 224
La frgure paternelle comme base de sécurité 109 La motivation 23r
Des objectifs comme bases de sécurité lt2 L'intelligence émotionnelle au travail 234
Peur de l'échec et de la réussite rr3 Émotions et humeur 236
Estime de soi et bases de sécurité rt6 Gérer l'émotion 237
Bases de sécurité et résilience I17 Trois outils simples pour calmer les émotions 240
Lorsqu'une base de sécurité vient à manquer rtg Le détournement émotionnel 242
Styles d'attachement et de liens t20 Résumé 244
Résumé t26
9. Vivre libres 247
5. L'art de gérer les conflits r29 Estime de soi positive 250
Nature et racines du conflit r32 Estime de soi négative 252
Violence et perte r36 A.méliorer l'estime de soi 213
* Mettre le poisson sur la table " r39 Humilité 2J5
A.ux seurces des conflits ÁI L'apprentissage tout au long de la vie 258
Dynamique d'une relation saine r43 La liberté par le choix 26r
Conflits d'intérêts ou conflits de besoins ? r46 Vivre en plénitude 264
Résoudre le conflit r48 Résumé 267
A.ppliquer les techniques de résolution de conflits
dans I'entreprise 1t1
Résumé 153
Remerciements 269
lndex )17
6. Le pouvoir du dialogue r15
Rechercher une plus grande vérité à travers le dialogue 1t8
Dialogue avec soi, dialogue avec les autres r62
Obstructions au dialogue r65
Libérer le dialogue t7r
Principes du dialogue r13
L'art de l'écoute t7t
Dialogue et santé t77
Résumé r82

7. Le pouvoir de la négociation 18t


Les dix étapes du processus de négociation 188
Aborder la négociation de manière positive rg2
Influence et persuasion 205
L'ar-rtorité informelle 207
Un mal pour un bien 2to
Résumé 2t2
Avant-propos

Le leadership comme on ne volrs I'a jamais conté... psychologue de


formation, George Kolhrieser travaille depuis plus de trente ans avec
la police américaine comme négociateur de prises d'otages. Il met ici
son expérience au service d'une approche originale qui aidera chacun,
dans sa vie professionnelle ou personnelle, à rester maître de ses déci-
sions et de ses actions, à ne pas céder aux mille et un démons qui
menacent de faire de nous des orages.
Je connais George depuis de longues années. Il a été I'un des
acteurs majeurs du Leadership Development Program d'Accenrure,
qui a formé plus de 3 000 futurs dirigeants de la société.
Grâce à ce programme, j'ai eu le privilège de l'observer en acion
- de mesurer la puissance de la métaphore de I'otage pour appré-
et
hender et lever les innombrables obstacles qui se dressent sur la
route d'un leadership efficace. La résolution de conflirs, la formation
de liens et le dialogue sonr au cæur de l'approche développée par
George, illustrée ici par des anecdotes saisissantes.
Des heures passées en sa compagnie, nos collaborateurs retiennent
toujours deux choses, essentielles. La première esr ce qu'il nomme
" l'æil de I'esprit ,' - que notre état d'esprit peut nous donner des
ailes ou nous clouer au sol ; c'esr un choix qui relève de I'individu er
de lui seul. Comme le souligne George, dans la vie comme dans
notre travail, si nous préparons le terrain dans l'æil de notre esprit
pour le résultat que nous souhaitons atteindre, nous ouvrons la voie à
la réussite.
Mes trente ans de carrière - au cours desquels j'ai travaillé avec
des centaines d'entreprises - m'ont convaincu que ceux qui réus-
sissent (individus ou organisarions) voient les possibles, er non les
-_ av.aNL'-enonos j
2 N úcoc t ¡LroN.t .ç¡-NslBL¡i.ç

limites, les freins ou les obstacles. Cela étant, nous passons tous par obstacles et de se comporter en gagnants - et non d'être pris en
des moments cl'enthousiasme formidable et de profond abattement. otage. George nous en livre l'une des clés : les managers peuvent
À -on avis, ce sont ces derniers qui distinguent les grancls leaders aider ceux qui les entourent à adopter le bon état d'esprit et à mettre
des autres. Ceux qui triomphent des temps diffrciles sont ceux qui leur énergie au service de ce qu'ils veulent être.
prennent Ia ÉaIité à bras le corps, refusant d'être des victimes. Les anecdotes qu'il nous narre nous rappellent que nolls ne som-
Cette façon de penser, pourquoi le nier, m'a profondément mes pas victimes des circonstances ; nous avons le pouvoir de réagir.
influencé. Les leaders ont le pollvoir de motiver et d'inspirer ceux qui Nos actions détermineront toujours le résultat. C'est ce qui fait toute
les entourent à accomplir des choses extraordinaires. S'il est une qua- la différence.
lité qui définit le manager d'exception, c'est l'optimisme, la convic- Ce livre constitue une précieuse contribution au développement
tion que ( c'est possible ". Il s'agit à mon sens d'un élément clé pour du leadership et au monde de I'entreprise en général. Je tiens à

s'affranchir de toute mentalité d'otage. Nous avons le pouvoir de ne remercier George de permettre ainsi au plus grand nombre d'accéder
pas être victime, ni prisonnier des événements, des autres ou de à ses expériences. Ses idées et ses méthodes ont réellement quelque
nous-mêmes. chose à apporter aux individus et aux organisations qui souhaitent
La façon dont George envisage la résolution de conflits est un atteindre leur plein potentiel. Ce livre vous donnera envie de voir et
autre domaine de découverte et de surprise pour nos collaborateurs. d'agir encore plus loin.
Les leaders doivent ( mettre le poisson
sur la table >), pour reprendre Avnl 2006
\M FOREHAND,
son expression : reconnaître I'existence d'un problème ou d'une diffr- Joe
culté et ne pas craindre d'engager le dialogue avec honnêteté et res- président d'Accenture
pect mutuel, au lieu cle tergiverser ou de temporiser.
Nombre de managers ont du mal à développer ce comportement,
mais peut-être ne faut-il pas s'en étonner. George les aide en les inci-
tant à envisager le dialogue comme un moyen de parvenir à une plus
grande vérité. Nous sommes tous d'accord pour dire que les leaders
doivent maîtriser I'art de l'écoute et du dialogue. George montre
néanmoins que les managefs peuvent entraver le processus sans
même s'en rendre corqpte ou devenir otages lorsque d'autres refi-rsent
l'échange ou le bloqr-rent. C'est là un point fonclamental, car le dialo-
gue et la résoh¡tion de conflits sont deux des clés de la performance
des équipes et de l'engagement des individus.
Les thèmes développés dans ce livre font écho à I'une de nos convic-
tions chez Accenture : les organisations les plus performantes possè-
dent des leaders exceptionnels clui savent obtenir le meilleur de leurs
équipes. Elles sont également dotées d'une ,, alchimie secrète >, eui
est l'essence de I'entreprise et de ses collaborateurs et qui ne peut pas
être copiée par ses concurrents.
Je pense que George ne réfuterait pas ce point de u.,.. À ses yeux,
le premier cléfi d'une organisation, quelle qu'elle soit, est de parvenir
à insuffler à ses collaborateurs la volonté d'agir, de voir par-delà les
I Préface

Les graines de ce livre ont éré semées il y a bien longtemps, dans la


salle des urgences d'un hôpital de Dayton, dans l'Ohio. Jeune psy-
chologue, je travaillais à l'époque pour la police de la ville. J'accom-
pagnais ce jour-là les forces de police pour renrer de raisoqner un
t
homme violenr et agité, qui avait été amené à l'hôpiral après avoir
été poignardé par sa perire amie. Alors que je discucais avec
l'homme dans une salle de soins, il s'esr soudain emparé d'une
grande paire de ciseaux et nous a pris, une infirmière et moi, en ora-
ges, déclarant qu'il n'hésiterait pas à nous ruer. Deux heures
durant, j'ai essayé de le raisonner, invoquant les blessures dont il
risquait de mourir et les soins qu'il devait recevoir. Tout a basculé
lorsque je lui ai demandé : .. Vous voulez vivre ou mourir ? o. n Cela
m'est égal >, m'a-t-il répondu. o Et vos enfants, vous avez pensé à
vos enfants qui n'auront plus de père ? rr, ai-je poursuivi. Son état
d'esprit a alors changé du tout au rour. Il s'est mis à parler de ses
enfants, et non plus de sa colère conrre sa petite amie et la police. Il
a frni par accepter de lâcher la paire de ciseaux et de se laisser soigner.
Puis, il s'est approché de moi, les yeux pleins de larmes, m'a serré
dans ses bras et m'a dit : n Merci, George. J'avais oublié combien
j'aime mes enfants. o Ces mots de gratirude sont restés gravés en moi
à jamais, entretenant depuis lors ma foi dans le pouvoir des liens
émotionnels, du dialogue er de la négociation, même face aux indivi-
dus les plus dangereux. Lors de ce jour mémorable , j'ai égalemenr éré
surpris par ma capacité à maîtriser mes propres émotions, à passer
d'une peur panique à une détermination calme.
Les leçons que j'ai tirées de cete nuit de 1968 sont aussi pré-
cieuses pour le professeur de leadership et de comportement des
I
6 NÉcoa¡T 1oN.ç.1/lNs/BL,uJ- pnÉ,r¡<:r. 7

organisations que je suis aujourd'hui, qu'elles l'ont été pour les pas et je voulais quitter le séminaire. J'étais devenu otage de mes
activités qui ont jalonné ma carrière : psychologue clinicien, PSY- sentiments conflictuels vis-à-vis de la prêtrise. J'ai alors eu la chance
chologue travaillant pour la police, négociateur de prises d'otages, de rencontrer un homme extraordinaire, le Père EdwardMaziarz,à
psychologue organisationnel et même animateur d'un talk-show qui j'ouvris mon cæLlr. Lors d'une discussion qui allait changer le
radiophonique. Car point n'est besoin d'avoir une arme pointée sur cours de ma vie, il m'a regardé droit dans les yeux et, avec la sagesse
la tempe pour être otage. Impuissance, sentiment d'être pris au que confèrent les ans, il m'a dit : George, tu es libre. Tu as le droit
"
piège : chaque jour, nous sommes confrontés à des situations qui, si de choisir ce que tu veux faire. o Ce fut comme un éclair venu du
nous n'y prenons pas garde, sont susceptibles de faire de nous des ciel, qui changea à jamais ma destinée. Ses mots pénétrèrent au plus
< otages métaphoriques ). profond de mon âme et dans le silence qui suivit, mon esprit
À trarrers ce livre, j'ai souhaité vous faire partager ce que j'ai s'ouvrit à cette vérité fondamentale. Éclatant en sanglots de soula-
appris en négociant avec des preneurs d'otages, afin que vous I'appli- gement, je lui demandai de répéter ces mots merveilleux. Ils ouvri-
quiez à des situations qui menacent de faire de vous un otage ,, méta- rent Ia porte de la prison que j'avais moi-même créée. En cet
phorique > de vorre vie. Chaque fois que vous vous sentez pris au instant, j'ai touché une des vérités essentielles de la vie - ce que
piège, impuissant et désarmé, vous êtes de fait un ( otage ". Si ce \Øarren Bennis nomme le ,, creuset du leadership -, ces instants
',
livre s'adresse plus particulièrement aux managers dans les entrepri- déterminants qui mettent douloureusement à l'épreuve patience et
ses, il ne leur est pas réservé et sera utile à bien d'autres publics. convictions, épreuves qui influencent, forment et changent la vie
Tout au long de ma vie, j'ai croisé de nombreux individus prison- d'un individu pour toujours. J'avais alors vingt-et-un ans. Une
niers des autres, de situations, voire de leurs propres émotions. Ils ne année encore me fut nécessaire pour achever le processus qui me fit
s'en rendaient pas compte, mais ils se comportaient en otages, alors quitter le séminaire.
même qu'ils avaient le pouvoir d'agir pour dénouer la situation. J'ai En repensant à cette époque, je me suis rendu compte que, pri-
également rencontré des personnes qui auraient facilement pu être sonnier de mes sentiments, j'étais resté dans cette situarion bien
( prises en otages > par d'alttres ou par des situations et qui pourtant longtemps après que l'heure de partir avait sonné. Renoncer à ce qui
ne l'étaient pas. Ces expériences m'ont convaincu que la métaphore était devenu mon quotidien, ainsi qu'aux avantages et à la sécurité
de I'otage peut expliquer bien des comportements et que les techni- qui allaient avec, était une souffrance et j'en étais devenu otage.
qlles utilisées par les négociateurs professionnels peuvent s'appliquer J'étais triste aussi de décevoir mes attentes et celles des autres. Je
à nombre de situations de la vie quotidienne. serai éternellement reconnaissant au Père Ed, dont les mots ont
Ce cheminement intellectuel est indissociable de l'histoire de ma déclenché un choc salutaire dans mon cervealr et influencé l'æil de
vie. Je suis né dans une famille de cinq enfants, dans une ferme de mon esprit, me permettant ainsi de voir les choses aurrernent. Le
l'Ohio. Mes parents cultivaient les terres qu'ils possédaient et Père Ed incarne également un autre concept que vous découvrirez
avaient également un élevage de volailles. J'étais le fils aîné et ce fut dans ce livre, celui des bases de sécurité : les points d'ancrage et de
un grand honneur pour moi d'entrer au séminaire à l'âge de treize soutien que nous avons dans la vie, sous la forme d'individus ou de
ans, dans I'objectif de devenir prêtre. Si elle me priva d'une ado- buts, et qr-ri sont des sources primordiales d'énergie et de force. Nous
lescence o normale >, cette expérience m'apporta énormément: y reviendrons,
apprentissage de Ia vie en communauté ; périodes d'études intenses, Tout en terminant mes études de psychologie, je travaillais dans
de formation et de jeux ; formation des valeurs et du caractère ; et un programme parrainé par le gouvernement fédéral, le premier à
découverte de la méditation et de la spiritualité. Mais au bout de mettre des psychologues sur le terrain, dans la rlle, allx côtés des poli-
huit ans, ce qui avait étê une expérience positive se mlla en calvaire, ciers. Son objectif était de réduire le nombre d'homicides dans les
parce que je refusais d'affronter la vérité:cette vie ne me convenait situations de violences conjugales, en âpportant une aide immédiate
8 N É,c;oc t ¡l' toNs s¿Ns1¿L¡.t
Y- tnÉnacr )

aux couples en détresse. Notre rôle érait d'intervenir alr moment je savais déjà tout ce que l'on pouvait accomplir, à condition d'établir
même de la crise et d'orienter les individus les plus violenrs, ainsi qure le bon contact avec I'autre. J'ai alors découvert que la même chose
les victimes les plus vulnérables vers les services d'accompagnement était possible avec des incliviclus affectés de troubles menraux graves.
psychologique du système de santé local. Je dois à un merveilleux Je serai toujours reconnaissant au Dr Carl Rogers, qui m'a personnel-
psychologue, le Dr John Davis, d'y avoir parricipé. Lorsque je lui ai lement aidé à comprendre Ie pouvoir du " regard positif incondition-
demandé pourquoi il avait pensé à moi pour ce projet, il m'a nel o - un élément essentiel pour la formation de liens aurhenriques.
répondu : ,. Tu es une des rares personnes que je connaisse à aimer ce Lui-même était convaincu de l'importance de ce concept pour rour
genre de défrs. Affronter des individus violents er essayer de les aider être humain, indépendamment des circonstances.
ne te fait pas peur. Tu en as les compétences et je sais aussi que, quoi Au fil du temps, mes activités se sont élargies au moncle de
qu'il advienne dans la rue, ru as Ia résilience pour y survivre. J'ai été I'entreprise et à la formation des dirigeants. Le dialogue er Ia résolu-
"
honoré par sa confiance. Je n'ai jamais porré d'arme, bien que I'on tion de conflits, qui étaient au cæur de mon travail dans l'univers
m'ait encouragéà le faire. Je savais que les mors étaient ma meilleure clinique, ont trouvé là un nouveau domaine d'application aussi fer-
arme : parler, écouter, établir le dialogue et négocier. tile qr-re passionnant. Tout manager ne doit-il pas être capable cl'inte-
Pendant la période où j'ai travalllé pour ce proÉÌramme, |ai été ragft efficacement avec autrui ? Face à des individus, des équipes ou
pris quatre fois en otage : une fois dans la salle des urgences d'un des organisations paralysées, manquant d'autonomie ou prisonnières
hôpital et trois fois chez des particuliers, lors de conflits conjugaux. de conflits internes olr externes, la métaphore de l'otage a fait sauter
Ces expériences m'ont convaincu de la puissance de la métaphore de bien des verrous, Ia résolution venant toujours lorsque le por-rvoir
I'otage. Chacun a le pouvoir de ne jamais être un otage métapho- individuel, de l'équipe ou de l'organisation permertait de briser la
rique, ainsi que d'influencer er de persuader les autres de faire des mentalité d'ota¿¡e, afrn d'établir un état d'esprit de choix et de
choix constructifs, même dans des états émotionnels extrêmes. liberté.
En I972,le chef de Ia police m'a demandé de donner des cours à J'ai animé des ateliers, fait des présentations et donné des confé-
I'Académie de police de Dayron, dans le cadre de programmes pour rences à des managers dans de nombreuses organisations, aux qua-
le développement du leadership des policiers, et de participer à la tre coins du monde. Encore et encore, j'ai observé que même les
création de deux équipes de négociateurs de prises d'otages - Lrne managers et les dirigeants < à haut potentiel > peuvenr accomplir
pour la police de la ville de Dayton et I'aurre pour le Bureau du des progrès considérables lorsqu'ils comprennent ce l¡esoin fonda-
sheriff cÌu Comté de Montgomery. Depuis lors, er au cours des mental qu'ont les êtres humains de s'attacher à d'autres, de vivre
trente-cinq dernières années, la négociation appliquée aux prises ces liens et, I'heure venlre, cl'en faire leur der-ril. C'est sur ce besoin
d'otages est alr ctrur de mes activités : négociations sur le terrain, que s'appuient les négociateurs pour amener les preneurs d'otages à
formations et clébriefing d'intervenrions aux quarre coins du monde. Iibérer leurs victimes.
Dans le même temps, j'ai travalllé dans un hôpital psychiatrique, Les anecdotes que j'ai retenues pour illustrer les idées présentées
où j'enseignais à des spécialisres des maladies menrales comment dans ce livre narrent des situations souvent extrêmes, de prises d'ota-
travailler avec des schizophrènes chroniques. Ayant éré témoin des ges notamment. J'ai en effet observé que par leur immédiateté émo-
traitements proprement inhumains infligés aux parienrs, je me suis tionnelle, elles permettent de mieux comprendre les ressorts de
investi dans r-rne initiative de changement, visant à transformer la I'action humaine. Je pense que vous clécouvrirez que vous pouvez
façon dont le personnel des hôpitaux psychiatriques se comportait facilement appliquer ces idées à votre propre travail et à votre propre
avec les patients : renoncer à la coercition et à I'isolement, au profit vie.
du concept de formation de liens avec des individus orages des rrou- Toutes les histoires réunies dans ce livre sont tirées de faits réels.
bles psychiatriques les plus graves. De par mon travail avec la police, Elles sont empruntées à mes propres expériences - en tant que
I 0 Ni,GocttrttlNS.t¿NJtll/-¿,t PtÌi.t,t\cu, I I

négociateur ou auprès cles clirigeants et managers d'entreprises - olr sur la formation de l'æil cle l'esprit, en noLts apprenant en particulier à
ont été vécues par des collègues ou rapportées par les médias. À affronter les aspects pénibles de la vie.
l'exception des événements ayant reçu Llne couvertLrfe médiatique, Ar-r fil cle ces paÉîes, nous explorerons des compétences et des tech-
les noms ont été modifiés, afin de protéger I'identité des personnes niques qui peuvent aider à résoudre les conflits, même si la plupart
impliquées. cles indiviclus craignent naturellement d'avoir à les affronter. Com-
Pouvons-nolls comprendre ce que cela signifie que d'être pris en prendre l'æil de l'esprit et les bases de sécurité, leur rôle et leur fonc-
otage ? Et que ressent-on lorsqu'on est otage alr sens métaphorique tionnement, est Lln préalable indispensable. On oublie trop souvent
- otage dans sa tête ? Si nolrs comprenons comment fonctionne qr,re le dialogue est le premier ìnstrument de la résolution de conflits.
I'esprit, et le pouvoir formidable que nous avons cl'être maîtres du Un dialogue authentique, s'entend, entre individus au crrur et à
sens de notre vie, noLrs pourrons apprendre à nous libérer des entra- l'esprit ouverts. La négociation est une extension du dialogue. Nous
ves et des " chaînes > mentales qui nous empêchent cl'atteindre examinerons le pouvoir de la négociation, fait d'influence et de per-
notre plein potentiel. Ce faisant, nolrs polufons tous devenir de suasion, et sa capacité à changer le cours de processus destrr¡ctenrs.
meilleurs dirigeants, de meilleurs managers, de meilleurs collabo- LeDalaliLama a dit que la guerre était une idée démodée. Et si nor-rs
ratelrrs - et des êtres meilleurs. avions recours au pouvoir de l'échange, du dialogue et de la négocia-
Les chapitres de ce livre vous invitent à un voyage, qui vous tion pour résoudre les différends ?
conduira en un lieu oùr vous pourrez vivre et travailler en tolrte liberté Comprendre le fonctionnement de nos émotions est un aspect
d'esprit. Il convient tout d'abord de préciser ce que j'entencls par essentiel cle la conscience de soi, qui est notre meilleur rempart
(aux environs de 1275),
< otage
". Le mot est dérivé clu vieux français contre toute prise d'otages métaphoriqlre, garante de notre liberté de
où il désigne Llne personne retenlre comme garantie de l'exécution décider et d'agir. De la façon dont nous maîtrisons nos émotions
d'une promesse, d'un traité, etc. Par exemple, un propriétaire rete- clépend l'ampleur de nos souffrances et de nos joies. Beaucor-rp d'indi-
nant Lrn locataire poLlr garantir le paiement d'un loyer ou d'autres vidus vivent des pertes douloureuses et parviennent pourtant à
services. Lutilisation du mot lttrge en relation avec des actions ter- retrollver la joie de vivre. En étant maîtres de nous-mêmes, nous
roristes est quant à elle beaucoup plus récente, puisqu'elle remonte limitons la probabilité d'être un jour otages de nous-mêmes ou des
aux années 1970. Enfin, all sens frguré et métaphorique, nous nous autres. Si nous polrvons connaître et comprendre les valeurs et les
exposons chaque jor-rr à être pris en otage par nolls-mêmes ou les croyances qui façonnent notre pensée, reconnaître et respecter la
aLrtfes. dignité intrinsèque de I'individu, nolrs pourrons noLls comporter en
Pour dépasser cet état d'esprit d'otage métaphorique, il est individr-rs libres... même entre les mains cle r¿rvisseurs.
important de comptendre le concept de " l'æil de l'esprit > et en Lessence des idées réunies dans ce livre renvoie à cette alchirnie
quoi ceh,ri-ci détermine notre façon cle penser, d'orienter nos efforts complexe qui fait un individu à part entière et à ce clue j'en ai appris
et d'obtenir des résultats. Nor-rs clevons également analyser le formi- en tant que mari, père, ami, leader et professeur. Les concepts cen-
dable pouvoir du cycle du lien - nouer des liens d'attachement, les traux décrits ici sont pareils aux pièces d'un puzzle. Qu'une seule
vivre, se séparer, pleurer la perte et se rapprocher à nolrveau - et vienne à manquer et I'indiviclu risque de se cclmporter en otage,
découvrir comment se forme l'æil de l'esprit. Nous devons compren- impuissant et pris au piège, empêché par là même de réaliser son
dre qu'il est fondamental de vivre et cle surmonter le chagrin qui plein potentiel. En revanche, lorsque toLrtes les pièces du puzzle
résulte de la perte de liens et d'attachements. Continuer à vivre exige s'imbriquent, elles créent l'image merveilleuse d'un lieu où l'indi-
de savoir faire notre deuil de ce qui est perdu. vidn é¡rrouve un réel sentiment de liberté et cle satisfaction et peut
Il existe certaines formes de liens et d'attachements différents des apprer-rdre à vivre une vie dont il est le maître. ïrut leacler doit
autres : nos < bases de sécurité Elles ont Lrne influence déterminante s'atteler à cette tâ.che et incarner cette liberté consciente et sereine.
".
12 NÉGocIA noN.ç.ç¿N.ç/rJl.rs

Le 21" siècle s'est ouvert sur des phénomènes aussi inquiétants que
déstabilisants : montée du terrorisme, regain du fanatisme politique
et religieux, multiplication des catastrophes naturelles, vraisembla-
blement provoquées ou renforcées par les changements climatiques,
Cha 4 tre
sans oublier la marche en avant de la mondialisation. Nous ne pour-
rons pas affronter ces phénomènes, et les tensions qu'ils suscitent, si
nous sommes incapables de gérer nos émotions. Car c'est à cette
condition que nous pourrons continuer à croire en la vie. Mon væu, et
aussi ma mission, est qu'un jour, femmes, hommes et enfants de tous OTAGES ?
pays puissent vivre libres de tout joug et apprécier le plus précieux
des cadeaux - la joie d'être vivant. J'espère que la lecture de cet
ouvrage sera bien plus qu'un exercice intellectuel pour vous. En fran-
chissant le seuil d'un dialogue arrec moi et avec vous-même, j'espère
que vous vivrez une expérience émotionnelle qui stimulera votre Une petite fille de neuf ans passait ses vacances chez ses grands-parents,
cæuf, votfe esprit et votre âme pour vous conduire vers de nouveaux dans le Kansas. Le grand-père étant absent, elle dormait avec sa grand-
horizons dans votre vie personnelle et professionnelle. mère. Une nuit, elle se réveilla en sursaut, pour découvrir sa vieille grand-
mère assise dans son lit, un homme penché sur elle, dégoulinant de pluie

Dans un grain de sable aoir an monde, et brandissant une matraque en bois, prêt à frapper. Terrorisée, la petite
fille était sur le point de pousser un hurlement lorsque sa grand-mère lui
Er dans chaqae fl.eur da chamþs le Paradis,
prit la main. L'enfant se calma instantanément. La grand-mère s'adressa
Faire renir I'infini dans lø þaunte de la main,
alors à I'homme en ces termes : r Je suis contente que vous ayez trouvé
Et /'iterniti dans une heure,
notre maison. Vous êtes venu au bon endroit. Soyez le bienvenu chez
Augaries of Innocence, nous. Ce n'est pas une nuit à rester dehors. Vous devez avoir froid et faim.
\Øilliam BLAKE Prenez donc le bout de bois que vous avez là et rallumez les braises de la
cuisinière. Pendant ce temps, je vais m'habiller, puis je vous trouverai des
vêtements secs, je vous préparerai un bon repas chaud et nous vous ins-
tallerons de quoi dormir derrière la cuisinière, au chaud. r Elle se tut et
attendit calmement. Après un long silence, I'homme abaissa sa matraque
et dit :r Je ne vous ferai pas de mal. r La grand-mère le rejoignit ensuite
dans la cuisine et lui prépara à dîner, lui donna des vêtements secs et lui
improvisa une couche derrière la cuisinière. Après quoi, elle retourna se
coucher et elle et sa petite-fille se rendormirent.0uand elles se réveillè-
rent le lendemain matin, l'homme était parti.
Vers 10 heures, la police arriva avec une unité canine quiavait suivi la
trace de I'homme jusqu'à la maison. Les policiers furent abasourdis de
retrouver la grand-mère et sa petite-fille en vie. L'homme, un meurtrier
psychopathe, s'était évadé de prison la nuit précédente et avait sauvage-
ment assassiné leurs voisins les plus proches.
l4 NÉ,cocttrnNs.rüNsrBL¿.t
l- trracrs t L5

Cette incroyable grand-mère a créé de tels liens émotionnels avec parent indigne. Pendant tout le voyage, vous êtes abattu, et
I'intrus qr,r'il n'a pas pu la tuer. Elle l'a traité avec une gentillesse et même déprimé.
un respect qui I'ont désarmé - au propre comme au figuré. Le fait est u Vous croisez un collègue et vous lui dites bonjour, mais il ne vous
que l'être humain ne tlre pas d'autres êtres humains ; il tue des cho- répond pas. Votre ressentiment à son égard dégénère en ressen-
ses oll des objets. timent contre votre travail et l'entreprise. Vous déversez votre
.l Cette histoire est tirée du livre de Joseph Chilton Pearce, Magical ameftume sur votfe entourage. Et bientôt, volrs vous dites : De
"
Childr. Songez-y. Que feriez-vous si on vous prenait en otage ? Vous toute façon, personne n'en a rien à faire des autres, ici. o
voici prisonnier, une arme pointée sur vous. Comment Éagiúez-
Être furieux à cause de quelqu'un, des encombrements, d'une
vous ? Qu'éprouveriez-vous ? Que feriez-vous ? Que diriez-vous à
valise égarée, d'un emploi perdu, dr-r retard d'r-rn avion ou même de la
vos ravisseurs ?
météo, c'est se laisser prendre en otage. Combien d'entre nous alrto-
Fort heureusement, la probabilité d'être victime d'une vraie prise
risent, sans s'en rendre compte, des événements extérieurs à contrôler
d'otages est infime. Mais un autre danger nous guette, celui d'être
leur vie ? Avez-vous déjà été contrarié parce que vos vacances étaient
pris métaphoriquement en otage par des supérieurs, des collègues,
gâchées par le mauvais temps ? Lattitude négative d'un collègue
des clients, des membres de notre famille ou plus largement, ror-rre
vous a-t-elle déjà plongé dans la mauvaise humeur ? Avez-vous déjà
personne ou presque avec laquelle nous interagissons. Nous poLrvons
dit à quelqlr'un : ,, Tu me mets hors de moi ! " ? Si oui, vous vous
également devenir otages d'événements ou de circonstances surve-
êtes laissé prendre en otage.
nant dans notre vie, et même otages de nous-mêmes, de notre état
Nombre de managers avec lesquels je travaille ont une intel-
d'esprit, de nos émotions et de nos habitudes. Même méraphorique,
ligence élevée (QI) et n'ont pourtant qu'un sens limité de l'intelli-
la prise d'otages n'a rien de réjouissant : I'individu se sent menacé,
gence émotionnelle (IE). Ils s'intéressent aux faits, aux chiffres et aux
manipulé et persécuté.
détails au détriment des émotions, des sentiments et des motivations
Voici quelques exemples de siruations quoridiennes, dans lesquelles
de leurs collègues. La façon que l'on a dans les entreprises d'opposer
les individus se laissent prendre en orages.
le concret et ,, le reste > sous-entend d'une certaine manière que les
.: Volrs êtes au volant de votre voiture, en route vers le bureau, et un données sont réelles et solides, alors que les émotions sont moins
autre alrtomobiliste vous coupe la route. Vous voilà instantané- importantes et de peu de pouvoir. J'ai pu observer des leaders trop
ment en colère contre Ie " taré ) qui esr dans l'autre véhicule. Ce autoritaires infliger une souffrance indicible à leurs collaborateurs à
sentiment peut subsister, vous maintenant dans un état d'esprit travers leur besoin de contrôler les individus et les situations. Mais
négatif une bonne parrie de la journée. les salariés aussi peuvent prenclre leurs supérieurs en otage, transfor-
+ Votre supérieur vous crìtique et vous ripostez en vous défendant, mant le travail en calvaire et entravant la réussite.
voire en l'agressant, empirant du même coup Ia situation. Le Lesprit cle compétition qui anime fréquemment les dirigeants et
conflit reste présent dans votre esprit et Ia méfiance s'installe les managers pelrt les conduire à se comporter en concurrents de
entre lui et volrs. ler-rrs propres collaborateurs et des autres équipes, au lieu de colla-
ç. Vous partez en voyage d'affaires et votre départ provoque des tor- borer avec eux. Lorsque c'est Ie cas, les problèmes sont rarement
rents de larmes chez votre enfant. Vous passez la porte de votre abordés et les conflits perdurent, créant une atmosphère de malaise et
maison en courant, rongé par la culpabilicé et en vous traitant de d'hostilité, voire de peur.
Les dirigeants se méprennent souvent sur Ie rôle du pouvoir dans
le leadership. Comme ils sont incapables d'affronter leurs propres
l . Joseph Chilton Pearce, Magical Child : ¡¡¿¡li¡¡¡¡1terìng Natlre's Plan for Oar peurs ou préoccupations, ils recourent au pouvoir, au contrôle et à
C hi ldren, Dutton, I 977.
r 16 NÉco<;t¡T70NJ JrNsl¿i-¡.t

I'autorité formelle pour gérer leurs équipes. Il est facile de prendre


les autres ou de se prendre soi-même en otage dans un contexte pro-
O't t\GL,S

position hiérarchique sont abusivemenr utilisés on suscitenr Lrne


crainte excessive. D'un côté, la personne détentrice de I'ar,rtorité peut
? 17

fessionnel afin d'éviter les conversations difficiles. On sait pourranr utiliser son pouvoir à mauvais escient pendant que, de l'autre, la per-
que le dialo¿¡ue, l'échange ouvert et franc, sont indispensables pour sonne placée sous cette autorité en épror-rve Lrne crainte excessive. La
créer un environnement favorable, dans lequel les individus er les question est : pourquoi tant d'individus supporrenr-ils des situarions
équipes peuvent clonner leur plein potentiel et contribuer de manière qui les rendent malheureux 7 Pourquoi laissent-ils perdurer des rela-
positive et durable aux bons résultats de l'entreprise. C'est au leader tions insatisfaisantes, voire néfastes, qLre ce soit avec Lln conjoint, des
qu'il appartient, pour partie, de créer ce climat de confiance, en fédé- collègues, un supérieur ou Lln ami ? Les raisons en sonr complexes
rant plutôt qu'en divisant. Mettre les instincts de compétition indi- mais, pour I'essentiel, certe atirude s'expliqr-re par le fait qu'ils ont
viduels au service de Ia volonté d'atteindre un but commLln peut perdu Ia capacité à contrôler leur cerveau ponr envisager d'autres
faire éclore le meilleur dans toute équipe. options et utiliser leur pouvoir personnel pour agir en conséquence.
Les véritables leaders apprennent à gérer leur esprit de compé-
tition et découvrent que, paradoxalement, en aidant les autres à Contrôler notre cerveau est essentiel
progresser et à se développer, ils réussissent mieux que lorsqu'ils ne
Selon le neurologue Paul Maclean, le cerveau humain se compose de
s'intéressent qu'à eux-mêmes.
trois cerveaux distincts, bien qu'interconnectés2 : le cerveau reptilien,
Le dictionnaire Larousse définit un otage comme < une personne
le système limbique (égalemenr appelé cerveau paléo-mammalien) et
dont on s'empare et qu'on utilise comme moyen de pression contre le néocortex.
quelqu'un, .rn Étut, pour l'amener à céder à ses exigences r. Dans Au niveau le plus élémentaire, le cerveau humain est . câblé ,
I'entreprise, il peut arriver que les managers et/ou le personnel aient pour l'attaque ou la défense. Ce réflexe fuir ou se bamre , esr
le sentiment d'être cles otages, pris sous le feu croisé de leur supé- "
contrôlé par notre cerveau reptilien er non par la parrie rationnelle
rieur, cles clients et de leurs collègues. Un chef d'entreprise qui doit,
du cerveau. Le cerveau reptilien a une unique préoccupation : la sur-
par exemple, licencier vingt-cinq collaborateurs peur devenir otage
vie. Il ne pense pas en termes abstraits et ne ressent pas non plus
de ses propres émotions et de la sor-rffrance qu'il éprouve face à d'émotions complexes. Il est responsable de pulsions élémentaires :
l'action qu'il doit accomplir. Laccessibilité sans limire créée par la la lutte, la fuite, lafaim ou la peur. Il est en outre non verbal, c'est-
technologie peut empiéter sur la vie familiale er personnelle, an à-dire qu'il fonctionne puremenr sur Ia base de réactions à des sti-
point que les individus se sentent otages de leur travatl, infligeant muli viscéraux. Il est rempli de réactions programmées et répètera
une souffrance profonde aux autres et à eux-mêmes. Les dirigeants les mêmes comportements encore et encore, sans jamais apprendre
confrontés à des équipes clémotivées ou à des collègues cyniques peu-
des erreurs passées. Il est roujours actif, y compris durant le som-
vent commencer à douter de la valeur de leur travail. Ils deviennenr meil ; c'est la partie du cerveau qui est en permanence aux aguets.
otages du manquc dc motivation de lcurs équipes et du cynisme de
On l'appelle le cerveau reptilien, parce qlle son anaromie élémentaire
leurs collègues.
se retrouve chez les reptiles.
Si la probabilité de se retroLrver pour de bon avec un revolver bra-
Le système limbique est le cerveall qlre nous parrageons avec les
qué sur la tempe est helrreusement mince, le vrai problème est ailleurs,
autres mammifères ; il rraite les émorions et les sentimenrs. Dans ce
dans ce nombre infini cle situations dans lesquelles nous nous sentons
système, tout esr soit désagréable, soit agréable et la survie dépend
contrôlés, agressés et obligés cle riposter. Elles peuvent en effet dégéné-
de l'évitement de la douleur et de la répétition du plaisir. Le système
rer et se refermer sllr nous comme les mâchoires d'un piège.
Le sentiment d'être pris en orage esr particulièrement manifeste
cìans les relations interpersonnelles lorsque le pouvoir, I'autorité ou la 2. Paul Maclean, TheTriwte Braìn ìn Euollrion,Planum Press, 1990.
r 18 NÉ,GoctAl'roNS.!rNJ'11J1-/j.t

limbique esr le premier siège de l'émotion, de l'attention et cles sor-r-


venirs affectifs. Il se comporre en juge vis-à-vis clu néocortex, déci-
t¡'r¡c;l¡,s

de pistolet. On l'utilise aujourd'hr-ri lorsque qltelclu'un entre dans


une violente colère. Chaqr-re jour, des milliers d'inclivich-rs entrent
I 19

dant si les idées de ce dernier sonr bonnes o' mauvaises. Il s'exprime clans des rages folles aux qlratre coins du monde, le plus solrvent à
exclusivement sous la forme d'émotions. coups de mots et d'émotions, et non de violence physiclue. Lorsque sa
Le néocortex est la partie du cerveau que nous partaéleons avec les conduite est guidée par les réactions primitives clu cerveaLr, l'indi-
singes supérieurs (chimpanzés, gorilles er orangs-ourangs, par exem-
vidu per-rt reproduire les mêmes schémas et connaître les mêmes pro-
ple), bien que le nôtre soit plr-rs sophistiqué. C'est là que nous rrai- blèmes à I'infrni. Toutefois, en Lrtilisant le néocortex, il est possible
tons la pensée abstraite, le langage, les symboles, la logique et le de surmonter les émotions qr.ri nous prennent en otaÉîes et de choisir
temps. Maclean dit de ce cerveau qu'il est ,, la mère de I'invention er d'interpréter différemment Lrne situation, au lieu cle se soumettre à
le père de la pensée abstraite ,1. Tous les animaux possèdent un néo- un schéma défini qui répète une situation négative. Nous pouvons
cortex, mais il est plus perir que le nôtre. Par exemple, un rar privé apprendre à gérer nos émotions et à maîtriser leur libération. Lorsque
de néocortex peut se comporter de manière à pe'près normale, alors vous perdez votre valise à l'aéroport, au lieu d'incendier Ia personne
qu'un être humain serait dans un état végétatif . Le néocortex com- qui se trouve au comptoir des bagages, il est préférable de contrôler
porte deux hémisphères, le droit et le gauche, que I'on appelle cer- votre colère et de travailler avec elle por-rr retrolrver votre valise.
veau droit er cervealr gauche. La moitié gauche du néocortex contrôle
le côté droit du corps et uice uersa.. Le cerveau gauche est davanrage
rationnel et verbal, alors que le droit est spatial et aruistique. Le poison de I'impuissance
Nous pouvons être pris en otage par le mécanisme de survie dans le Épro,-ruer un sentiment d'impuissance est l'un des premiers signes
cerveau reptilien oLr par les émotions dans le système limbique. Nous que l'on est pris en otage. Le poison de l'impuissance conduit l'indi-
succombons alors à ce que Daniel Goleman appelle un .. dérour- vidu à se sentir vr"rlnérable, pris au piège et crée un cycle qui incluit
nement par l'amygdale,,4. (Lamygclale esr Lrne petire scrucrure du une interprétacion négative pefmanente de la réalité.
cerveau qui fair partie du système limbique. Voir également le Cha- Quels mots, quelles phrases emploie I'individu qui se sent otage ?

pitre B.) Confronté à une situation, l'individu réagit de manière dis- n'ai pas le choix.
proportionnée, impulsive et instinctive, produisanr un résultar négatif . " Je "
r " Je suis pris au piège. "
Le néocortex peut l'emporcer sur les émotions des deux autres cer- m'en veux. o
veaux, nous offrant ainsi la possibilité de choisir de <Ievenir oll non " Je
,, J'ai horreur de ça.
otage de réactions émorionnelles auromariques. " "
', ,, Encore une journée pourrie ! "
Il existe en américain une locurion imagée pour dire . piquer une
crise o : going posral Ces phrases s'apparentent à Lrne conversation négative avec sol-
" ". Elle désigne une siruation dans laquelre le
système limbique prend le clessus, avec des conséquences graves. même, émanant de notre univers intérier-rr. Le discor"rrs que nous
Lexpression est enrrée dans Ia langue américaine en référence à un tenons dans notre tête peut soìt nous maintenir dans notre condition
employé des postes qui, après avoir été renvoyé, esr rerourné dans le d'otage, soit nous aider à la contrôler. Lindividu a le sentiment d'être
bureau cle poste oùr il travaillait et a tué plusieurs collègues à coups contraint de faire une chose qr-r'il n'a pas envie de faire, sentiment
qui se mlre en attitLrde négative. Les mots que noLrs employons sont
révélater-rrs du poison qui gangrène notre état d'esprit. La mentalité
3. Maclean, TheTritne Brain in Eaolttion. d'otage se concentre sur le négatif : . Tu n'y arriveras jamais, tu ne
4. Daniel Goleman, Working uith El¿otional Intelligence. Banram, 199tì, peux rien faire, tu n'obtiendras jamais ce que tu vellx >), noLrs
pp.37t-376. ressasse-t-elle obstinément. Il est intéressant de noter que les travaux
20 N Éço<: t trn¡Ns.çËNs1lJ¿¿.t
rtracrs ¿ 2l
du linguiste Robem Schrauf monrrenr que, indépendamment
les compétences pour gétet efÊ,cacement de telles
variables comme la culture ou l,âge, l,être de
.onîaissances ou
humain u beu.r.oup plus techniqr.res de négociation utilisées dans les prises
de mots pour exprimer les émotiàns négarives ]iruurionr, et

les
que positives. Da¡g à leur apprendre'
des études porrant suf tfente-sepr lungr,"s, orugrt ont beatrcoup
les chercheufs ont identi- notts I'avons vu avec James et Mar¡ si quelqu'un provo-
fié sept mots qui servent à exprimer dà émotions Cornrne
ayanr le même sens une r.éaction, alors que nous ne sommes pas en contrôle,
dans ces différenres langues: joie, peur, colère, que en nous
rrisresse, dégoût, aisément devenir des otages métaphoriques. Le lien est
honre et culpabilité. Sur ces sept no.r, poouons
-orr,.r'seul est positif _ la joier.
on l'aura compris, décrire ce que l'on ressenr en rermes positifs inrerrompu et nolrs sommes entraînés dans une réaction émotion-
est
nelle négative,
qui peut nous plonger dans un état de cynisme ou de
moins facile qu'on ne pourrait le penser...
et d,autant plus impor_
tant. Le discours que nous tenons à nous_mêmes détachement. Les états négatifs sont d'autant plus pernicieux qu'ils
et la façon dont
nous gérons nos émotions se combinent pour rnenacent) à terme, le processus même de formation du lien social et
faire de nous des
otages... ou non. Iasanté PhYsique de I'individu.
Il faut donc chercher à rester maître de la situation et de nous-
James et Mary ont eu des mots au cours
d'une réunion. James est re supé- mêmes, en contrôlant notre état d'esprit et les mots que nous
rieur de Mary et ceile-ci s'est sentie gênée employons. Les négociateurs d'otages ne procèdent pas autremenr.
en présence de ses coilègues.
Elle va donc trouver James et rui rance : n
Tu as vraiment dépassé res bor- Toute la difficulté consiste à se montrer à la fois authentique er spon-
nes en m'agressant comme
ça. r James lui répond : n Écoute, je n,ai fait tané. Lexemple suivant illustre l'importance de l'état d'esprit de
que te dire la vérité et si cera ne te
convient pas, ribre à toi de quitter I'individu dans la façon dont il gère une situation.
l'équipe.l
Vous marchez dans la rue, lorsqu'un inconnu arrive dans votre dos, braque
La réponse agressive et défensive de une arme sur votre tempe et vous dit : rr Je vais vous tuer r. Vous êtes,
James nous indiq'e qu,il a été
pris en orage. Quel autre comporrement aurait-it physiquement parlant, son otage, c'est incontestable. Pourtant, rien ne
p,, uàopt"r ? poser
une question, par exemple, engager le justifie que vous vous sentiez otage : vous âvez toujours le pouvoir de
dialogue urr". t turi pour clari_
fier les intentions de chacun, faià une concession pense¡ de ressentir, de respirer et de parler. Rien ne vous empêche de
o., -eÅ" présenter
ses excuses à la jeune femme. Il aurait
pu lui dire : ,. Mar¡ aide_moi poser une question à votre agresseur. r Pourriez-vous
baisser votre arme
à comprendre ce que ru n'as pas aimé et me laisser vous aider à obtenir ce que vous voulez 7 rr Si la réponse est
ãun, .. que j,ai dit , 6¡¡ o f¡¡
veux savoir où je voulais en venir ? o, ou r Non, je vais vous tuer n, changez d'objectif et demandez : rr S'il vous
encore oJe m,excuse de
t'avoir dit que ru n'avais qu'à quitter l,équipe plaît, accordez-moi cinq minutes et expliquez-moi ce que vous voulez. Je
si tu n,étais pas
conrente ; je suis allé trop loin. o m'appelle George et j'ai quatre enfants. n Lagresseur dit:tr Non, je vais
Dans ce type de situation, un véritable leader vous tuer. r Posez-lui une nouvelle question:a Ouatre minutes, s'il vous
cherche avanr rour
à préserver la relation et maîrrise toute plaît, accordez-moi quatre minutes. Je veux vraiment vous aider à obtenir
impulsion de riposrer, en se
concenrfanr sur les besoins du colrabofareur,
de r'éqLripe et les
ce que vous voulez. r Uhomme au pistolet dit :r Non, je vais vous tuer ! r
siens' Les leaders les prus performants sonr
capables a'àgi, ainsi de Lorsque je prends cet exemple, je demande à ceux qui m'écor-rtent si
manière instinctive er auromarique. D'aurres
ne possèdent pas les c'est une bonne négociation et la pluparr me répondent qlre non.
Or, c'est une bonne négociation. Vous êtes toujours vivant ! Se
5 Robert $Ø' schrauf et Jr-rria sanchez, . The preponderance contrôler, gérer ses émotions et recourir aux mots - pour poser des
of Negative
Emotion \üØords in the Emorionar Lexicon :
A cross-Generational and questions et chercher une solution - esr I'essence de la négociation
cross-Linguistic Study ,,Jotrnal of Mtrltinringttal & Multicrltara/ Deuelop_ dans les situations <ìe prises d'otages. . Vous m'accorclez trois minu-
tnent,2004.
tes ? r .,Non., . Denxminutes, alors ? o * Ok, mec, tLlas tfente
22 N i.G oc I tvuoNS J'/tNJ,r/tLfJ T- o-tr\Gti,S.' )1

t" seconcles. r Au
colrrs de ces trente seconcles, volrs nollefez le le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur les alltres, les choses et
meiller-rr lien et le dialogue le plus constrlrctif de votre vie ! D'une les événementss.
manière subtile, les ,, non > sont des concessions, qui doivent être Dans le cadre de ses travaux sur les relations entre la peur et
accueillies positivement. Elles font partie dr,r processus fondamental l'apprentissage, Martin Seligman a découvert par hasard r-rn phéno-
de création et cl'entretien du lien (voir le Chapitre 7). Si nor-rs pou- Ítène tout à fait inattendu, au cours cl'expérimentations sur des
vions mesurer la tension et le niveau cl'excitation cle I'homme qui cþiens utilisant les techniques pavloviennes (conditionnement classi-
tient I'arme, nolrs ol¡serverions qu'ils baissent à chaque concession. que). Le psychologue rlrsse Ivan Pavlov a observé que lorsqu'on pré-
Natr-rrellement, si volls avez la possibilité de vous échapper, il ne sente de la nourritr-rre à des chiens, ils salivent. Si la présentation cle
faut pas hésiter à le faire. Dans le cas contraire, Ies mots sont votre nourritlrte est ré¡¡ulièrement accompagnée d'un tintement de cloche,
meilleur espoir. Les négociateurs professionnels utilisent des ques- le chien salive. Enfin, si on fait tinter la cloche sans présenter de
tions pour clécouvrir ce clui motive I'autre et orienter le dialogue. nourriture à I'animal, celui-ci salive tout de même. Le chien a appris
Il y a plus de 2 500 ans, le philosophe chinois Lao Tsu a écrit que à associer la cloche à la nourrituree.
le plus grancl problème clu monde était que les individr-rs se perce- Dans son expérience, Seligman, au lieu d'associer la cloche à la
vaient comme impuissantst'. Lindlvidr-r qui se sent otage - vulné- nourritlrre, a associé la cloche à r-rne décharge électrique sans dan-
rable, isolé, incapable d'influence et de perslrasion - est clans un état ger, et il a gardé le chien prisonnier d'un hamac durant la phase
d'esprit nêgatif. Cette négativité ne demande qu'à se perpétuer, d'apprentissage. Lidée était que, une fois que le chien aurait appris
empoisonnant l'esprit, l'émotion, le corps et l'âme de la personne. l'association, il aurait peur en entendant la cloche et s'enfuirair ou
Pernicieuse, la mentalité d'otage ¡rer-rt conduire l'individu à réagir manifesterait un alrtre comportement d'évitement. Seligman a
par I'amertume et le ressentiment à des événements ¿russi dor-rloureux ensuite mis le chien ainsi conditionné dans une cage séparée en
que le décès d'un proche, un divorce ou la perte d'r-rn emploi, et aussi c'ler-rx compartiments par Lrne barrière de faible hauteur. Le chien

" insignifrants , qu'un changement de bureau, une qlrerelle avec un voyait très bien la l¡arrière et aruair facilement pu la sauter s'il
voisin qui fait trop de bruit ou un désaccord clans un couple à propos l'avait voulu. Lorsque la cloche a retenri, Seligman a consraré à son
des tâches ménagères. grand étonnement que le chien ne faisait rien. Il a donné une nou-
Malheureusement, la vie c1r-roticlienne cle milliers d'individus est velle décharge électrique au chien et, à nolrvealr, rien ne s'est pro-
construite autour d'états négatifs. La négativité s'enracine, croît et cluit. Le chien est resté allongé dans la cage. Ensuire, Seligman a
empoisonne si bien I'esprit que les réactions de l'inclividu tenclent à mis un chien non conclitionné dans la cage et, comme il s'y atten-
être disproportionnées par rapport à l'événement lui-même. dait, l'animal a immédiatement sauré de I'aurre côté. Ce que le
Selon les psychologues Martin Seligman et Steven Sauter, moins chien conditionné avait appris pendant la périocle où il était dans le
Lrne personne a le sentiment de contrôler r-rne situation stressante, hamac, c'était que toute fuite était vaine er par conséquenr, il n'a
plus celle-ci est traumatisanteT. La personne qui se sent otage est sus- pas essayé de s'enfi"rir lorsque les circonstances le lui auraient per-
ceptible de manifester ce que Martin Seligman nomme < Lrne atti- mis. Il avait appris à être vulnérable et passif - en d'aurres rermes,
tude d'impuissance acquise ". Elle caractérise des individus qui ont otage.t"

6. LaoTzt,TheTao of Power, Doubleclay, 1985. U. Christopher Peterson, Steven Maier er Mnrtin Seligman, Learne¿l Helplet-
Þ1.

7. Matrin Seligman, Hclplessness : On Deþression, Deueloþnrcnt and Deatlt,W.H. sness : A 'Íheory


for Oxford Universiry Press, 1993.
the Age of Per.ronal Conîrol,
Freeman ; et S. Sauter, J. Hurrell Jr. et C. Crxt¡'ter,-lolt Control rtncl Vorþer 9. I.I. Pavlov, Conditìonetl Reflexe:, Oxforcl Universiry Press, 192f .
H ea / th, \X/iley, 1 9t19. 10. Seligman, Helples.rnels, p. 18.
24 N iGocrA't tlNs J¡iNs1rr¡-uJ
oracu t 25
ñ" La théorie de l'imp.issance acquise a été par ra suite étenclue
au . l,ami.r Les enquêteurs
pensent que Dial a empêché Bobbi de s'évader
comporrement humain. Elle a norammenr fourni un modèle
explica-
tif de la dépression, érat qui se caracrérise par I'absence cle conrrôre pendant toutes ces années, en la menaçant de faire du mal à sa famille.
de Ni menottée ni séquestrée au sens physique du terme, Bobbi Parker était
l'individu slrr sa vie, I'indifférence er I'absence de sentimenrs. on
ainsi découverr qlre les personnes dépressives avaienr appris à
a libre de ses mouvements. Elle a même pu se déplacer seule en voiture à
être plusieurs reprises. Mais elle était prisonnìère de ses peurs et de son senti-
imp*issantes et qu'elles étaient convaincues que tolrte action
serait ment d'impuissance à protéger sa famille. Ce lien d'attachement otage-
vaine. cete rhéorie a fait progresser consiclérablemenr norre
connais_ ravisseur est souvent le fruit d'un profond choc émotionnel, ainsi que de
sance de la dépression. Les chercheurs ont égalemenr rro.vé
des la peur de perdre sa vie ou celle d'un être cher.
exceptions - des inclividus qui ne sombrenr pas dans la dépression,
même après de nombreuses épreuves. Les rravaux de serigÀan
ont Ces sentiments positifs à l'égard du ravisseur peuvenr se déve-
montré qu'une personne déprimée envisage les événements négatifs lopper spontanément et sans contrôle conscient. Le " sy¡d¡sme de
de manière plus pessimiste que quelqu,un qui n,est pas
déprimé. Stockholm " désigne un état dans lequel les otages considèrent
La négativité appelle le pessimisme et le .résespoir. Élém".rruire, leurs ravissellrs avec bienveillance et commencent à s'idenrifier à
mon cher Pavlov ? Il n'en demeure pas moins que nombre d'entre eux er à les défendre contre les autorités. C'est l'ultime rentative
nous se ferfouvenr pieds er poings liés d' fait de leur passivité, d'un otage Pour survivre.
et
souffrent, à l'image des chiens de Seligman, sans comprendre
qu,ils Le 23 août 1973, deux braqueurs armés de mitraillettes pénètrent dans
ont le pouvoir d'agir, de faire changer la situation, même lorsqu'une
une banque de Stockholm. Acculés, ils prennent quatre personnes en ota-
arme est pointée sur leur tempe. certaines personnes prises
en orages ges,trois femmes et un homme. lls les garderont prisonniers 131 heures
parlent, pensenr et agissent. D'alrtfes, pourtant libres de route
dans I'une des chambres fortes de la banque, ligotés, des bâtons de dyna-
menace physique, passent leur vie avec le sentiment d,être
prison_ mite glissés dans leur liens. Au cours des cinq jours qu'a duré le siège, les
nières de le'r chef, de le'r conjoinr, de reur ami o' de quiconque
autoritês ont observé avec inquiétude I'hostilité croissante des otages vis-
ayant Lrn pouvoir sur elles.
à-vis des forces de I'ordre. Les otages s'étaient en fait progressivement
convaincus que leurs ravisseurs les protégeaient de la police. Cette hosti-
Le syndrome de Stocl<holm et la mentalité cl'otage lité a perduré après leur libération, attitude pour le moins difficilement
Le terme < otage )) est souvent associé à'n acte extrême:un compréhensible quand on sait que leurs ravisseurs avaient purement et
incri-
vidu ou Lrn groLlpe, que l'on qualifie alors de ( terroriste ,r, s,empare simplement menacé de les tuer. Dans les entretiens qu'ils ont accordés
d'un individu o' d'un groupe et res garcle prisonniers conrre leur après leur libération, il est apparu clairement qu'ils avaient pris fait et
volonté, dans le but d'obrenir quelque chose. Il arrive qll'un cause pour leurs ravisseurs et craignaient les autorités qui les avaient
orage
forme un lien émotionnel avec son ou ses ravisseurrs, comme
l'irl.stre secourus. Par la suite, une des femmes a épousé un de ses ravisseurs et
l'histoire suivanre. une autre a créé un fonds de soutien. De toute évidence, les otages
En avril 2005, la police a arrêté re meurtrier Randorf Diar, qui avaient noué un lien affectif avec leurs ravisseursll.
avait kid-
nappé Bobbi Parker pendant son évasion d'une prison d'0krahoma
en Lexemple le plus célèbre du syndrome de Stockholm est sans doure
1994 et avait ensuite vécu avec elle pendant onze ans. Les
deux filles de celui de Patti Hearsr. Fille dr-r magnat de la presse er millionnaire
Bobbi Parker avaient huit et dix ans lorsque reur mère a été prise
en .tage
et son mari était directeur adjoint de la prison. Dial aurait déclaré:sie
l'avais travaillée pendant un an pour la mettre dans res 1 1. Michael J. McMains er SØayman C. Mullins, Crisis Negotiations : Managìng
bonnes disposi-
tions d'esprit. ie l'ai convaincue que I'ami était l'ennemi et I'ennemi, critical lucident.r and. Ilostage sittntions in Law Effircenenr and coryettìons,
2" éclition, Anderson,2001, pp. I6t-183.
r 26 NÉc;t¡ct¡?TI)NJ J¿Ns¡ii/-/t.t

Randolph Hearst, elle fr-rt kidnappée en I974 par I'Armée de lil¡éra-


tion symbionèse. Elle se rallia si l¡ien à la cause de ses ravisseurs
'conrre la ,, mentalité d'otage " : ils
tr,tcrs.'

possèdent une idenrité forte er


choisissent de ne pas abdiquer leur pouvoir personnel au profit du
27

qu'elle participa à des braquages avec eux. Elle fr-rt plr,rs tard libérée
ravisseur, ou ils sont capables de reprendre le pouvoir dès que I'occa-
de prison, les autorités ayant acquis une meilleure connaissance cle ce
sion de le faire sans danger se présente. Le plus importanr dans ce
synclrome.
type de situations est d'avoir un but. Où vor-rlez-vous en venir ? Qr,re
Le syndrome de Stockholm est un des phénomènes d'attachement
voulez-vous ? Et de choisir la ligne d'action qui vous offre le plus de
les plus passionnants. C'est r,rn mécanisme de survie par lequel chances de ¡rarvenir à vos fins. Quand on esr oraéTe, le but esr généra-
l'otage, terrorisé par la peur de mourir, commence à se sentir recon-
lernent de survivre et la meilleure stratégie poLlr y parvenir consiste à
naissant envers son ravisseur d'être toujours en vie. Ce sentiment de
former un lien affectif .
gratitLlde est encore amplifié lorsque le ravisseur nourrit sa vicrime, Dans certaines situations, la résistance à un événement ou à une
I'autorise à aller aux toilettes ou à se déplacer. Toutes * faveurs > ren- situation pellt provoquer Lrn cercle vicieux de réactions, dont
forcent le lien. Celui qui était un ennemi devient un allié. À for.e I'issue est rarement positive. Les événements qui se sonr produits à
d'échanges et de dialogue, I'orage peut même en venir à s'identifier à .ùØaco,au Texas, sont un exemple de réaction extrême conduisant à
la cause de son ravisseur, agissant alors en son nom, comme ce fi_rt le une tragédie.
cas de Patri Hearsr.
En février 1993, plus de soixante-dix agents du Bureau américain des
Le même phénomène peur se produire lorsqu'un individu noue
alcools, tabacs et armes à feu (ATM) ont fait une descente dans le ranch
un lien avec Lrne personne qui recourt régulièrement à la violence
des Davidiens, une secte religieuse dirigée par David Koresh. L'ATM soup-
verbale, à des comporremenrs négarifs or-r à des punitions comme for-
mes de contrôle. Lindividu, qui ne se rend pas compre qu'il a Ie pou- ç0nnait le groupe de posséder un important stock d'armes automatiques
et d'explosifs. Selon les rapports, lorsque l'équipe de I'ATM s'est présentée,
voir de faire changer les choses ou de s'en aller, devienr orage de son
munie cle mandats d'arrêt, à la porte principale du complexe, elle a été
.. bourreau
'. C'est la relation yictime-bourreau classique, fondée sur accue¡ll¡e par des coups de feu. 0uatre agents de I'ATM et six adeptes ont
un lien oùr la peur de s'en aller l'emporte slrr la souffrance vécue''.
été tués. Le FBI a été appelé à la rescousse. Un long siège a alors com-
Il faut toutefois préciser que le syndrome de Stockholm ne se
mencé. Durant plus de cinquante jours, le FBI s'est efforcé de convaincre
développe pas chez tous les otages : ceux-ci, ou les preneurs d'otages,
les Davidiens de se rendre. Le siège a pris fin au matin du 1g avril, avec
refusent le lien. Comme nous I'avons souligné plub haut, nouer un
I'envoi d'un tank et d'autres véhicules blindés du FBl. Pendant plusieurs
lien avec un ravisseur consritue une bonne stratégie cle survie, mais
heures, le FBI a envoyé du gaz lacrymogène dans le bâtiment. Juste après
vient un moment - celui cle la libération - où ce lien doit être
midi, le complexe s'est embrasé. Plus de soixante-dix hommes, femmes et
rompu. Certains otages refusent la rupture et ont énormément de
enfants ont péri à Waco.
mal à retrouver leurs repères et Lrne vie normale.
Il n'en va pas toujours ainsi. Récemmenr, un braqueur de banque cette tragédie a beaucon¡r à nous apprendre sur la condition cl'otage.
qtri avair pris des clients en orage a été tué par Lrn tireur d'élite cìe la Le fait que I'ATM ait perdu quarre cle ses hommes lors de la première
police. Il s'est effondré par rerre er deux orages - des femmes l'ont
- fusillade et le chagrin qr-ri en a résulté onr-ils inflr,rencé la décision
alors relevé et renlr devant la portc pour que le policier puisse lui ultérieure cle d<¡nner I'assaut à la ferme de \Øaco ? Si elles avaient
tirer une nouvelle fois dessus. Certains individus sonr immunisés surmonté leur colère et leur épuisement, et la réaction instinctive
d'attaquer, les équipes de l'ATM et du FBI auraient-elles pu pour-
suivre les négociarions er aboutir à un dénouemenr pacifique ? Les
1 2. S. Karpman, " Fairy Tales ancl Script l)rama Analysis ,,,'fran.raction¿/ An¿- enquêtes du Congrès américain n'onr pas encore permis de faire
lysis Ba lletin, 7 (26), p1t. 39 -43. toute la lrrmière srlr ces qr-restions.
r 28 Nr,ct¡ct t't'tt ¡Ns J'¿NJII¿üJ

Le shérif du comté, Jack Harvell, qui enrrerenair de bonnes rera-


tions avec l)avid Koresh depuis plusieurs années, ar-rrair déclaré :
trfrtCtts

Pendant sa séquestration, raconte-t-elle, elle a bavardé avec Nichols,


t ))

se transformant d'otage en confidente au fil de leur discussion sur Dieu, la


n J'aurais agi différemmenr.
Je pense c1u'il lDavicì Koreshl serait famille, les pancakes et la chasse à l'homme en marche derrière sa porte.
venu me parler si je le h-ri avais demandé. Je lui aurais dit que nous lls ont même regardé ensemble les reportages qui lui étaient consacrés à
avions l¡esoin de retor-rrner au complexe pollr exécuter les mandats. la télévision. Ashley avait le livre de Rick Warren, The Purpose-Diven Life,
Ils considéraienr ce lieu comme le'r pays. ,riJack Harvell a été mis et a commencé à en lire des passages à Nichols, l'aidant ainsi à mieux
sur la touche er exclu du processus de décision du début à la fin. son cerner ce que pourrait être son but dans la vie.
lien avec David Koresh aurait-il pu changer le cours des choses ? Par la suite, elle a expliqué qu'elle avait parlé de sa fille à Nichols et
Le monde cle I'enrreprise a lui aussi des enseignements à tirer de qu'un lien s'était noué avec lui après qu'il lui avait dit qu'il était le père
ce drame. Lorsqu'il existe des querelles de territoire entre services ou d'un petit garçon depuis la veille. Le mari d'Ashley étant décédé quatre
cles différences d'opinion enrre collègues, le dialogue esr bien sou- ans auparavant, elle dit à Nichols que s'il la tuait, sa petite fille serait
vent la meilleure voie pour éviter l'impasse. orphel i ne.
Lorsque Nichols a déclaré à Ashley qu'il était < déjà mort r, elle I'a
L'antidote : la formation de liens pressé de considérer le fait d'être toujours en vie comme n un miracle r.
Ce que m'a enseigné mon expérience de négociateur, c'est que rien ne Les heures passant, la peur a reflué et Nichols a libéré Ashley de ses liens.
justifie que nous, individus, nous sentions impuissants clans notre vie Au matin, Nichols a été bouleversé lorsqu'Ashley lui a préparé des pan-
qr-rotidienne, er que la formation de liens est I'antidote au dilemme cakes au beurre. ll lui a dit que tout ce qu'il souhaitait, c'était < un peu de
de I'otage. normalité dans sa vie r. Le dialogue s'est poursuivi et a créé un lien tel
qu'il a choisi de ne pas faire de mal à la jeune femme. ll I'a même libérée
Aux petites heures du matin du samedi 12 mars 2005, à Atlanta, en Geor-
pour qu'elle aille voir sa fille. Ses derniers mots à Ashley ont été :rr Dites
gie, Ashley Smith a été prise en otage dans sa maison par Brian Nichols.
bonjour à votre fille de ma part ).
veille, celui-ci avait tué quatre personnes dans un tribunal : un juge,
La
Par la suite, la police devait déclarer qu'Ashley s'était comportée avec
un shérif adjoint, une dactylo et, un peu plus tard, un garde forestier.
beaucoup de calme et de pondération, chose qu'ils observent rarement
Ashley a réussi à sortir vivante de l'aventure. Comment y est-elle parve-
dans leur profession. rr Nous nous attendions au pire et avons eu le
nue ? En nouant un lien affectif avec Nichols. Dans un premier temps, ce
meilleur r, a déclaré I'officier de police du Comté de Gwinnett, Darren
dernier l'a ligotée, bâillonnée et lui a dit :r Je ne veux pas te faire de mal.
Moloneyla.
Tu sais, quelqu'un aurait déjà pu t'entendre crier. Si c'est le cas, la police
ne devrait pas tarder à arriver. Je vais devoir te garder en otage. Et je Dans un contexte cle prise cl'otages, le lien renvoie à la capacité à
serais obligé de te tuer et sans doute d.e tuer aussi beaucoup d,autres créer une connexion émotionnelle avec l'alltre, au.ssi dangereux soit-
gens, et de me donner la mort. Je ne veux pas faire ì1, dans le but de résoudre un différend ou un conflit. Lidée est cì'éta-
ça. n Dans son livre
unlikely Angel, Ashley smith révèlera plus tard qu'elle avait donné de la blir relation qui nor-rs permettra de comprendre ce dont l'autre a
r-rne
méthamphétamine à Nichols lorsqu'il lui avait demandé de Ia marijuana. besoin ou ce qu'il veur, er de préserver certe relation même si nos
cela n'enlève rien au fait que la relation qu'elre a réussià étabrir avec son propres émotions intérieures nous poussenr à attaquer or-r à fi_rir.
ravisseur explique en grande partie qu'elle ait réussi à en réchapper.

14. Sheila Dewan er L¿urie Gooclstein, *Hostaéje's Past May Have Helpecl
\Win Captor's Trusr,, T'h¿ Neu, Yorþ Titnel,16 mars 2005; et CBS
News,
l3. scott Parks, "critics Target Tacrics usccl on civilian suspccrs,,, Tbc D¿/- u Police Praise A.rlanta IJosrage r, Arlanta, i I mars 2(X)5,
ld.r Mornin¡4 Neu,.ç,26 septembre 1999. www.cbsnews.com/stories I 2O0t I 03 I I 3 lnation¿l/main679tì02.shrml.
t' 3O Ntico<; t,t7?oN.r.1üN,r//r/.r.t

Po'r les leaders, les équipes et res organisations, ra formation cre


liens esr particulièrement imporranre. Lintensité cles relations qui
O'l't\GIiS

une formation ? Otage physique, Mandela n'a jamais abdiqué sa liberté


d'esPrit.
? 3I

existent entre les individus c1'un groupe donné, et enrre ces incliviclus Durant son séjour en prison, Mandela a rejeté plusieurs propositions
et les objectifs de I'organisation, esr un p'issanr inclicater-rr de la de remise de peine, en échange de l'acceptation de la politique des home-
santé de ce éÌrollpe et de ses performances. cette intensité peut être
- lands du pays et de la reconnaissance de I'indépendance du Transkei, sa
mesurée par le degré cl'engagemenr et d'implication émotionnelle. il a de nouveau rejeté une propo-
région natale. Dans les années 1980,
Famille' club ou enrreprise : lorsque les membres d'un sition de libération contre la promesse de renoncer à la violence. r Un
érroupe sonr
unis et possèdent des objectiß communs, travailler ensemble est prisonnier ne peut pas passer de contrat. Seul un homme libre peut négo-
source de bien-être, cle dynamisme er de joie. Libres d'exprimer
leurs cier r, dit-il.
idées, ils se sentent en sécurité et sont en mesure de réso.clre les Peu de temps après sa libération, le dimanche 11 février 1990, Man-
conflits, même lorsque cle profonds différencls existent. dela et ses partisans ont accepté de cesser la lutte armée. Des rapports
un individlr victime de la mentalité d'otage a renclance à croire indiquent que certains de ses gardiens ont pleuré lorsqu'il a été libéré. Le
que tolrt ce qu'il peut faire, c'est agir sur la situation extérieure : 10 mai 1994, Mandela prenait ses fonctions de premier président démo-
quitter son emploi, déménager ou démissionner cle l,équipe. Certe cratiquement élu d'Afrique du Sud1s.
tentation de la fuite est direcremenr liée à la façon donr notre cervealr
fonctionne. Dans la mesLrre oùr nous sommes ( programmés o pour
Résumé
survivre, nous sommes en permanence à I'affût clu danger et attentifs
Nous pouvons être pris en otaéÌe par nous-mêmes ou par les autres, à
à ce qui nous fait peur. La formation de liens va bien so'venr à
tout moment et n'importe oùr. Fort heureusement, la ph"rpart d'entre
I'encontre de ce que nous dicte notre intuition : elle exige que nous
nous ne le seront jamais all sens physique du terme, sous la menace
nolls concentrions sur les besoins de l'autre et aussi de savoir ce qlìe
d'une arme par exemple. Tor-rtefois, nolls pouvons devenir otages
nous voulons. De la sorte, les autres peuvent avoir un impact sur
lorsque nolls renonçons à notre pouvoir d'individr-r et que nous
noLrs et' en retolrr, cel¿r nous permet d'obtenir une réaction
de leur cédons au sentiment d'impuissance. Lorsque nolrs nous laissons pren-
paft.
dre en otage, quelle que soit Ia gravité de Ia situation - réflexion
La p'issance de ceme attitude rienr au fait q''elle personnalise la
désagréable d'un collègr-re ou conflit ouvert avec Lrn supérieur -, nolls
relation, évac'ant par là même toute toxicité et poison clu processr,rs.
hypothéquons gravement les chances de résoudre le problème.
Lhistoire de Nelson Mandela illustre aclmirablemenr ce por-rvoir.
La négativité qui découle de l'impuissance esr un poison pour
À quarante-six ans, Nelson Mandela a été condamné à la prison à vie. I'esprit. Les individr-rs peuvent apprendre l'impuissance comme réponse
il
a passé près de vingt-six ans dans une cellule.0n imagine sans peine répétitive aux problèmes. Ils ont appris qlre < ce qu'ils font ne change
combien il lui aurait été facile de sombrer dans I'amertume et la colère. rien o. Donc, ils abandonnent et se sentent otages. Lantidote à
Mais qu'en aurait-il retiré i N'étant pas maître de la situation, tout ce l'impr-rissance est la formation de liens émotionnels. En s'amachant à
qu'il aurait pu faire, c'est être pris en otage. Au lieu de quoi, il est resté des individus ou à des objectifs, nolrs créons des liens qui nous per-
concentré sur le positif, allant même jusqu'à apprendre la langue de
ses
mettent de nous sentir maîtres de nous-mêmes et de notre vie. La
geôliers,I'afrikaans, pour pouvoir communiquer et nouer un dialogue formation de liens est un mécanisme de survie pour chacun d'entre
avec eux. Lorsque Mandela a été emprisonné, il a choisi d'envisager
sa
nous. Elle enrichit notre vie.
détention comme un temps de formation, de préparation, qui I'aiderait à
faire sortir I'Afrique du sud de I'apartheid. combien d'entre nous pour-
raient passer vingt-six ans en prison et envisager I'expérience c0mme 15. Fatima Meer, Hìglter than Hoþe:'I'lte Arthorizul Bio¿1raphy rf Nel.ron Man-
rlela,H.arper & Row, 1988.
32 NÉ,cocurrcNs.çENsIB¿Es oracr,s z jj
Ilest essentiel de nous souvenir que nous avons toujours le choix
de nos pensées, de nos sentiments et de nos actes. selon l'état d'esprit ,i ,r,. j.
dans lequel nous nous rrouvons, le monde nous semblera bien diffé-
rent. Apprendre à ne pas nous laisser prendre en otage par nous_ l.Ètre dans un état d'esprit d'otage, c'est se sentir pris au piège,
mêmes ou par les autres nous permet de gérer notre vie, sans néces- vulnérable, impuissant, déconnecté et incapable d'influencer et de
sairement changer les circonstances extérieures. À ne regarder que convaincre.
vers l'extérieur pour trouver la satisfaction, nous nous exposons à ne 2. Le ceNeau est programmé pour survivre, en se mettant à l'affût du
danger et de la souffrance. Nous pouvons dépasser cet aspect ins-
connaître que des plaisirs éphémères. Pour réellemenr changer norre
tinctuel du cerveau, afin de rechercher le positif et agir en individus
vie, c'est vefs nous-mêmes que nous devons nous tournef. Lorsque
libres'
nous choisissons de coopérer, de collaborer ou même de céder, nous
O. La vulnérabilité acquise et le non-contrôle de notre état d'esprit
ne fenonçons pas à notre pouvoir. Être conscient que, face à une conduisent à l'impuissance. Tout individu en . état d'otage , peut
situation donnée, nous avons touiours le choix, nous permet d'envi- reprendre le pouvoir et choisir comment il réagit aux événements.
sager les circonsrances de manière plus positive. 4. Sachez ce que vous voulez et cultivez un état d'esprit du . tout est
Nous pouvons choisir de vivre et d'apprécier nos relations inter- possible,. Si vous n'obtenez pas ce que vous voulez, recherchez ce
personnelles sans nous sentir otages de quoi que ce soit, ni de qui que cela peut avoir de positif, Dans les deux cas, vous êtes gagnant et
que ce soit. cela signifre-t-il que nous ne connaîrrons ni défis ni frus- jamais vous ne vous sentirez otage.
trations ? En aucun cas. La liberté n'esr pas I'absence de liens : l'indi-
vidu devra toujours faire des concessions à un supérieur, un clienr, un
conjoint ou un ami. Ce qui change, c'est qu'il le fait dans un état
d'esprit positif, er non dans une démarche négative dictée par un
sentiment d'impuissance.
i Avec de l'entraînemenr) nous pouvons apprendre à décoder nos
réactions, et notamment celles, agressives ou défensives, qui nous
I

meftenr en position d'otages - de nous-mêmes ou des autres ou de


-
I

< preneurs d'otages ,. Nous sommes alors en mesure de choisir la


I

façon dont nous réagissons. Nous devons concenrrer notre esprit sur ,

les mots que nous employons et nos échanges avec les autres.
Lorsque nous sommes capables de reconnaître des réactions émo-
tionnelles instinctives qui se répètent, nous pouvons merrre un
terme à la non-gestion de soi. En nous corrtprenant nous-mêmes et
la façon dont notre esprit fonctionne, nous pouvons apprendre à
nous libérer des conrraintes intérieures et à faire de véritables choix.
ces concepts valent pour toute organisation, entreprise et groupe
humain, quel qu'il soit. En encourageant ceux qui nous enrourent à
se libérer eux aussi de leurs chaînes, nous pourrons gérer plus effica-
cement tous les aspects de notre vie.
Cha a tre

L'CEIL DE L'ESPRIT,
ou CoMMENT (RE)TROUVER
LA LIBERTÉ

En 1998, Ben Lecomte, un Français vivant aux Etats-Unis, a traversé


l'océan Atlantique à la nage. Son périple, de plus de 11 000 kilomètres, a
duré quatre-vingt jours. Ouelle était sa motivation ? ll souhaitait honorer
la mémoire de son père, décédé d'un cancer du colon en 1992. ll voulait
également réunir des fonds et sensibiliser I'opinion à la recherche sur le
cancer. Ben a réuni plus de 175 000 dollars.
Laissons-le parler :r mort de mon père avait laissé un vide énorme
La
dans ma vie. ll a été emporté par un cancer à l'âge de quarante-neuf ans.
J'ai décidé d'utiliser ce projet pour apporter une pierre à la lutte contre [e
cancer. J'ai pu mettre mon goût de I'aventure au service d'une mission qui
me tenait à cæur. Ce sont ces deux éléments qui m'ont donné la force de
réaliser mon rêve :traverser I'Atlantique à la nage. r
Lecomte s'est entraîné pendant six ans, ll raconte qu'il se repassait
souvent dans sa tête des images de son père lui apprenant à nager. Durant
sa traversée, il passait six heures par jour dans I'eau à côté d'un bateau
d'assistance, qui diffusait un champ magnétique de 7 mètres pour le pro-
téger des requins. ll devait se nourrir quatre heures chaque jour, afin de
remplacer les quelque 9 000 calories brûlées à nager dans des tempêtes de
force 8, par 60 næuds de vent et des vagues de 6 mètres de haut, ou à se
débattre avec les tortues, les dauphins, les méduses, dans une eau glaciale.
Au moment d'entreprendre son périlleux voyage, il a demandé à sa
petite amie de l'épouser. r Rendez-vous de l'autre côté r, lui a-t-elle
36 NÉcouanoNs.çENsla¿/l.t
L'GlL DT, L'ESPI<IT, OU COMIíENT (}I.EEROUVER TA UNNNTÉ 37

répondu. À mi-chemin de sa traversée, Ben a renouvelé sa demande.


r Rendez-vous de I'autre côté r, lui a-t-eile encore répondu. ce n'est orête I'oreille aux sirènes de la souffrance et de la frustration, et son
qu'au terme de son périple, sur le sol français, que ra jeune femme a¿fr ¿tu¡t Perdu'
rui a à une activité physique exigeante. Jogging, marathon,
Pensez
dit oui1.
rnarche, natation, trekking, ski ou encore tennis ? Que nous arrive-
Cet homme était-il fou de nager pendanr quarre-vingt jours, de par_ t-il si nous nous focalisons sur la douleur ou la souffrance pendant
courir 11 000 kilomètres dans I'eau, harcelé par les éléments hos- que nous nous livrons à cet exercice ? Nous nous arrêtons. À quoi
tiles ? Nullement ! Il avait tout simplement ra motivation la plus devons-nous pensef pour continuer et sufmonter la douleur physi-
puissante de toures, faite d'amour et d'affection : honorer la mémoire que ? J'ai posé la question à des marathoniens et j'ai obtenu diverses
de son père, vivre son rêve et demander sa francée en mariage. réponses : passer la ligne d'arrivée, observer la foule, regarder les
Pourriez-vous rraverser l'océan Atlantique à la nage ? arbres, se concentrer sur les quatre foulées à venir, penser à des sou-
Je ne plai-
sante pas. Le pourriez-vous ? Je ne vous demande pas si vous avez venirs agúables ou même à la douche chaude que I'on prendra en
envie de le faire, mais si vous en seriez capabre ? La réponse est oui I arrivant '
La possibilité est là, présente en chacun de nous, indépendamment Tous ceux qui accomplissent de grandes choses ont un secret : ils
de nos limites physiques. Lecomre n'était pas un athlète profession- utilisent l'æil de leur esprit, afin de se concentrer sur les récompenses
nel ; il travaillait pour une compagnie aérienne. Débrouiller le fil de er non sur la souffrance. Cette focalisation positive détermine leur
ce qui nous motive est la clé pour aller au bout de nous-mêmes état, qui détermine à son tour le résultat auquel ils parviennent. De
et de
nos capacités. connaître nos motivations peut nous immuniser l'æil de l'esprit dépend que nous nous concentrions sur la douleur et
contre le risque de devenir otage ou de permettre aux autres de nous la frustration (le négatif), ou bien sur les bénéfrces (le positifl. Il frltre
prendre en otage. la réahté et façonne notre vision du monde. Læil de l'esprit est à la
Par-delà l'exploit, ce qui compre dans cette histoire, c'esr la façon fois un système d'attention sélective et d'interprétation. Il est aussi
dont, semaine après semaine, jour après jour, il a entretenu sa moti_ l'un des mécanismes les plus puissants cle notre cerveau. Il détermine
vation. si accomplir des choses compte pour vous, vous devez alors Iafaçon dont nous envisageons une situation, ainsi que la façon dont
apprendre à utiliser l'æil de votre esprit, rour comme Ben. précisé- nous agissons ou réagissons. Les grands sportifs, les leaders qui inspi-
ment' qu'a-t-il fait ? Il a dû se concenrrer sur les bénéfices de son défi rent, les grands enseignants, les artistes et les scientifrques savent
et non sur la souffrance ou la frustrarion qu'il affrcntait chaque jour. tous que la réussite exige un état d'énergie positif, et cela commence
S'il s'était éveillé le matin, épuisé d'avoir vomi roure la nuit, et qu,il par l'æil de I'esprit.
s'était dit : Je ne peux pas me lever o, il ne serait pas sorti de son lit. Létat que nous créons, positif ou négatif, détermine le résultat de
"
Qu'a fait Ben ? Que devons-nous tous faire ? Il a dû gérer l'ceil de son tout ce que nous faisons (voir la Figure 2.I).Icril de notre esprit est
esprit en pensant à son père, à sa petite amie,-à son but _ et à tour ce modelé par notre vécu, nos expériences, et les formidables rouages de
qui pouvait lui donner envie de se lever et de plonger dans l'eau gla- notre esprit intérieur déterminent notre façon de voir le rnonde et, en
ciale pour une nouvelle journée de nage en compagnie des requins. si dernier recours, notre réussite ou notre échec. Pour de nombreux
Ben n'était pas resté concenrré sur les bénéfices, il serait derren,, orug. individus, l'avenir est avant tout une mémoire du passé, en ce sens
de sa propre souffrance ou de l'évitement de cete souffrance. qu'ils reproduisent des schémas de comportement qu'ils ont appris
eue Ben dans le passé, pour les projeter sur les événemenrs présenrs ou futurs.
Toutefois, rien ne nous oblige à être otages de nos expériences, aussi
négatives soient-elles.
1' Stephen Breen, . Swimmer's charity Arlantic crossing ,,, Tbe sc,tsnøn, La plupart des individus sont guidés par la peur ou l'évitement de
15 juillet 1998.
la souffrance. Seuls quelques-uns sonr mus par la perspective des
Jð NÊGOCI A'IIONS.'¿NS1ts¿,¿].ç
I,'GIL DE L'LSPIIIT, OU COAINENT (I?E)TROUVEIì. I,¡ UTT,I?TÉ 39

sa arriver, la chose en question a gênéralement lieu. Læil de l'esprit


Érnr nous permet de
réaliser à peu près tout ce que nous voulons - pourvu
RÉsulrRrs
que nous nous concentrions sur le résultat positif. Dans le cas
contruir", nous sommes assurés de nous faire prendre en otages.
EXPÉRIENcES
pRssÉes CEIL DE L'ESPRIT
Si on dit à un enfant ,, Ne renverse pas le lait o, il est probable
AVENIR
qu'il le fera. S'il entend " Ne tombe pas de ta bicyclette o, il en tom-
þera probablement. Pourquoi ? Les recherches ont démontré que le
Conserver votre cerveaû utilise avant tout des images pour amener l'æil de I'esprit à se
focaliser. Quelles images obtient I'enfant dans les exemples ci-dessus ?
FOCALISATION

négative
Il se voit en train de renverser le lait et de tomber de son vélo.
Focal¡sation pos¡tive
(souffrance) (bénéfices) Les accidents de voiture offrent un autre exemple intéressant de ce
phénomène. Si une voiture dérape sur du verglas et que le conduc-
Cycle perdant reur se focalise sur l'arbre devant lui, en espérant l'éviter, il est pro-
Cycle gagnant
bable que Ia voiture percutera I'objet, même si l'individu souhaitait
Figure 2.1 - L'æil de I'esprit détermine les
l'éviter. C'est pourquoi on apprend aux policiers, aux convoyeurs de
résultats fonds et aux coureurs automobiles à concentrer leur attention sur
leur destination - et non sur les objets sur leur chemin. Naturelle-
bénéfices qu'ils retireronr de leurs actions ment, il faut être conscient des obstacles, mais ils ne doivent pas être
ou décisions. Læil de
I'esprit contrôle ce sur quoi nous portons notre le point focal de l'attention.
attention, sachant
que dans la vie, il y a un côté positifer négarifà On peut perdre le contrôle de sa vie et être la proie de sentiments
roure chose. Les évé_
nemenrs positifs, comme gagnü au loto, d'impuissance et de frustration, parce qu'on se focalise sur les mauvais
se marier ou débuter dans
un nouvel emploi, onr un côté négatif porenriel. Les éléments - ce que I'on souhaite éviter ou ce que l'on a perdu. Il est
événemenrs
négatiß, tels que la pe*e d'un emploi, un divorce très facile d'accorder une attention excessive aux problèmes o et aux
ou même le décès "
d'un être cher, peuvenr quanr à eux déboucher obstacles. Lorsque nous agissons ainsi, nous nous prenons nous-
sur querque chose de
positif. mêmes en otages et cela nous conduit tout droit au rósultat que nous
Dans les circonstances res plus terribles, souhaitions éviter. Êtr. otog", c'est bien souvent être à la fois otage
nous pouvons retrouver
notre route vers la beauté de la vie, en affroncant d'autrui et de nous-mêmes, de nos réactions, émotions et pensées.
ce qui se dresse en
travers de notre chemin (perre, chagrin,
colère, trirt"rr", vengeance...).
Nous devenons alors des victimes - état dans lequel on se sent
Ne pas retrouver la joie de vivre après une perte signifie impuissant, négatif , mal aimé et sous contrôle.
que nolrs
avons été pris en orage. La vie esr douce-amère,
pleine de joies et de Joanne estimait que Brian avait a détourné r une réunion qu'elle dirigeait,
souffrances' Le bonheur, tourefois, esr un état à'esprit et un choix en remettant en question sa méthodologie. ll avait fait un commentaire
orienré par l'æil de l'esprit.
désobligeant après son introduction et avait ensuite détourné les autres
membres du comité de I'objet réel de la réunion - ce qu'elle devait pré-
Attention et æil cle I'esprit senter -, au profit de la question secondaire de l'approche qu'elle utilisait.
vous êres-vous déjà dir que vous alriez échouer Les interruptions intempestives de Brian I'avaient énervée et avaient
avanr de faire quelque
chose-, comme une présentation à votre gâché ce qui était pour elle une présentation cruciale pour le projet sur
supérieur, un examen décisif ou
une demande à quelqu'un ? Lorsque norn p".rrons lequel elle travaillait depuis six mois avec son équipe.
que quelque chose
¡ tLU(/LI4I IIII\J JENS,IIJLES
L'arL DE L'ESvRIT, ou coMhrENT (t<E)TItouvER r,l rtnnRl,É, 4I
sans nier le fait que les interruptions,
cre Brian aienr pu perturber
réunion, c,estJoanne q.ri u ra de se donner la mort
p.rÅis qu,elledéraille, en perdant de vue rrrer, puis - à se focaliser sur le sens que pourrait
ce qu'elle souhairait accomplir. sa vje à I'avenir. Elle lui a
dit que ce qu'il faisait n'était pas bien
nit. u rour bonneÀent perdu ^uoß
conrrôle de ra réunion, en le ,< aller en prison et faire partager la parole de Dieu à
Ses émotions onr permis
consi.réranr Brian comme
un problèr¡s. lr qu'il devait
à ce dernier de ra prendre >'
Erre a tous les Pnsonnlers
laissé l'æil de son esprit
se focariser sur re fair
qu,' ".rrrur..
la pefturbair les négociateurs, est-il besoin de le préciser, onr souvenr affaire à
non sur ce qu,elle souhairair er difficiles. Une de leurs techniques consiste à séparer
accomplir avec la;.*;;;;;"n. des individus
ment aurait-elle pu gérer autrem"ntlu com_ problème et à maintenir un certain conrrôle pendanr la
rir.,ution ? eue ferair dans I'individu du
cas un négociateur de prises ce le film Nûgocianear, Kevin Spacey interprète un négocia-
d,otages ? crise. Dans
Tout d'abord' Joanne aurait
pi øi." une concession à Brian, en te' spécialisé dans les prises d'otages, qui traite avec un autre négo-
ciatetr devenu preneur d'otages, interprété par Samuel L. Jackson.
:::""ii:iil'¿3Ï'1"1":ll' ' dans ce q''' 'i;;;' avant de
l:
o" ìrur
À un monrent, le personnage joué par Spacey déclare : ,, Mon objec-
.i ns tan r ou
"'",,'"",'f
ïåä:i:,'ï"":f :,J_îîJ :ij;::' r comm un À tif n'est pas de décider qui est coupable ou innocent, c'est cle faire
Ensuite' elle aurait pu lui
poser des questions pour sortir tous les otages, vous y compris, vivants. " Rien ne peut le
le faire chan-
er sa d" reader' ann aì détourner de ce but. Tout le travail des négociareurs consiste à ame-
ffi::å"'å'l:':å,:::^"ri quirysj'ion 'iu,in", r.,
lui aurait petmis de recentrer ner les ravisseurs à porter un autre rcgard sur ce qu'ils envisagent de
a*ention sur un oäil;,rll son
faire - alors même qu'ils savent qu'ils finiront probablement en pri-
Enfin' e,e aurair pu négocier son. Le taux de réussite des négociateurs de la police est de 9j %2.
avec lui une discussion
la méthodologie. En gérantron ulrérieure sur
étur d,"rl Les dirigeants sont bien loin d'atteindre un tel niveau de réussire,
,ant p M rà même ; ãäï"î';ä:ï: i l*,"iï:ï"ììi*ï:, pour ce qui est de changer l'état d'esprit de leur personnel.
Joanne anrajtfair un grand pas en uruir_. Le négociateur professionnel ne se laisse jamais prendre métapho-
conrrôler norre destinée repose pouvoir de
riquement en otage par l'agressivité, le désespoir, la négativité ou
toujours ;:::i"Jlilr* l'impuissance du preneur d'otages. S'il peut rapidement percevoir ce
Comprenclre l'æil cle I'esprit qui est en jeu, ce qui motive le ravisseur, il a de grandes chances de
cl,autrui résoudre le conflit.
Les négociareufs sonr formés
à décoder rapidemenr Souvenez-vous que votre état d'esprit transparaît dans la façon
des preneurs d'orages. r,æil de .esprit
C,est le ,".r.,
po.,, comprendre ce qui pousse dont vous vous compottez, et qu'il détermine pour une large part la
un individu à adoprer rel manière dont les autres vous perçoivent. Notre façon de parler révèle
ou ,"f .o_porremenr. Si l,on
pas la motivarion de l,aurre, ne comprend
il .rr'iìfn.ile, voire impossible, de ce qu'il y a dans l'æil de notre esprit. D'autres informations sonr
nouef avec rui un rien suffisamment véhiculées par les expressions du visage, la posture et le ton de Ia
fort pour'influ..r.*. Les négo_
ciateurs écoutent attentivement voix. Un bon négociateur utilise tous ses sens pour comprendre ce
res ravisseurs, en vei,ant
leurs quesrions, leur façon à ce que
de p"rl";;; réagirprennenr en compre qui motive le preneur d'otages. Lorsque nous apprenons à compren-
la motivation de I'indiviau dre ce qui motive les autres, notre capacité à interagir avec eux est
qu'its face d,eux. Recentrer l,æil
de l'esprit du preneur d'otug.r, ";;
a" décuplée.
premier objecif. ""g"rf vers le positif, est leur
Lorsqu'Ashrey smirh a éré prise en
le Chapitre 1), elle n,a pas procédé orage par Brian Nichors (voir 2. Michael J. McMains et \ùTayman C. Mullins, Crisis Negotiations : Managing
autremenr. Elle s,esr efforcée
d'amener I'æil de I'esprit d" ,on ,uuirr"u, _ critical lncidents and. Hostage simailon¡ in Laø Enforcenent and conet'tionr,
dominé par l,idée de la
2" édition, Anderson, 2001.
42 NÉGoc r A-t IoNS.ç¿NJ1¡J¿¿J
L'G,IL, D[, I:ESPRU, OU CotvlfilqN'r (]<E)TlloItVEIì. Lt\ LIBEIITÉ 43

Etat d'esprit et réussite


Armstrong porte sur le monde le genre de regard que seule une expé-
Qu'est-ce qu'un o étar d'esprit ,
En 1963,Eric Berne, fondate.r de
? votre vie peut vous donner. ll dit que le cancer est
I'analyse transacrionneile, a défini ce rience qui a bouleversé
qu'il appelle l'érat du moi la meilleure chose qui lui soit
jamais arrivée. Avant sa maladie, il ne se
comme un << ensemble cohérent de sentiments,
porremenrs ,3. por,r ma- paft, j,ai
de pensées et de com- préoccupait ni de stratégie, ni de tactique, et encore moins de travail
élaryi cette idée en envisageanr - mais personne ne devient un grand coureur cycliste sans maî-
l'état comme la façon dont nous ,o-L", d'équipe
à un instant donné. Il triser ces aspects de la discipline. Aujourd'hui, sa motivation n'est plus
recouvre notre physiologie, notre attit.de,
nos émotions, notre seulement de gagner des courses, mais aussi de se battre tous les
jours
humeuf, notre comportement et nos croyances,
re tout se manifestant pour le cadeau de la vie. Désormais, l'æil de son esprit est aussi tourné
à travers une posture. La colère, l'abattement
et sont vers ceux qui souffrent du cancer. Grâce aux ventes de ses bracelets
des états. Savez-vous les reconnaître 'enthousiasme
en vous_même ? De l,état que jaunes Livestrong, plus de 10 millions de dollars ont été versés à la
nous créons dépend notre réussite. Et
le point focal de l,æil de recherche contre le cancero.
l'esprit détermine norre état.
Le coureur cycriste américain Lance Si nous sommes dans le bon état d'esprit, nous obtiendrons le résul-
Armstrong a gagné sept fois re Tour
de France - arors qu'à r'heure actuete, tat souhaité. C'est la formule magique de toute réussite. Malheureu-
ir pourrait
sement, la plupart des individus en sont fort éloignés, ou s'ils y
être mort d,un cancer.
En 1996, on rui a diagnostiqué une forme
avancée de cancer des testi_
cules, qui s'est ensuite étendu à son parviennent, c'est de manière ponctuelle et éphémère. Quiconque a
abdomen, ses p'umons et son cer-
veau' o À un moment, ses chances déjà pratiqué sérieusement un sport possède une connaissance ins-
de vivre encore un an étaient infimes r,
déclarait Craig Nichols, principal oncologue tinctive des o états ". Que se passe-t-il si nous nous focalisons sur la
d^rmstrong à l,époque, dans
un entretien accordé à The New yorker. tt douleur qu'éprouve notre corps 7 Nous renonçons. C'est ce que font
Le taux de guérison est inférieur
à 30 o/0. r Ia majorité des gens : ils pensent à la douleur, à la frustration, à l'obs-
Miracureusement, au bout d'un an d'interventions
racle, et non au bénéfice, au but, au résultat.
chirurgicares et de
chimiothérapie, Armstrong a été décraré guéri. 8n2002, Jack Whittaker a gagné à la loterie américaine le plus gros gain
seron Nichors, ir est r ra
personne la plus obstinée que j'ai jamais
rencontrée. Et une chose est individuel jamais versé: 314,9 millions de dollars. Après impôts, il s'est
sûre : il était déterminé à ne pas mourir retrouvé à la tête d'une fortune de 113 millions de dollars. Deux ans plus
r.
Dans son autobiographie tt n,y o pls que le
vélo dons/o viq Armstrong tard, sa femme Jewel déclarait : r J'aurais préféré que tout cela n'arrive
écrit : r Le cycrisme est un sport terement jamais. Si seulement j'avais déchiré ce maudit billet. r
difficire, ra souffrance est ter-
lement intense que cera nettoie totarement. Depuis qu'il a gagné au loto, Jack a été arrêté deux fois pour conduite
La doureur est si profonde et
si forte qu'un rideau descend sur le
cerveau. r¡ en état d'ivresse et condamné à suivre une cure de désintoxication. ll a

Lorsqu'il a voulu reprendre la compétition également été accusé d'avoir agressé un directeur de bar et a été traduit
en l9gg, la seule équipe à
croire encore en rui était ceile de lus postar en justice deux fois pour troubles à I'ordre public dans une boîte de nuit
service. Toutes res autres re
considéraient comme un t produit avarié r. Ouelle et sur un champ de courses. Sa femme et lui sont séparés. Jack, qui était
a été la réaction
d'Armstrong ? n Cette année a été la plus déjà à la tête d'une certaine fortune, a déclaré qu'il ferait profiter sans
belle de ma vie r, a_t_il déclaré
sans équivoque. réserve sa fille et sa petite-fille de ses gains. En septembre 2003, une

4. Michael Specter, The Long Ride : How Did Lance Armstrong Manage
"
3 Erice Berne, 'fra.nsactional Analyis ìn prycbotherapy, the Greatest Comeback in Sports History ? ,,, Tlte New Yorþer, 15 juillet
Grove press, 1961, 2002 ; et Lance Armstrong avec Sally Jenkins, It's Not Aboat the Bike : My
p.13.
Joarney Bacþ to Life, Penguin Putnam, 2000.
I,'(EII- DE L'ESPIIIT, OU COI./IMENT (RE)TIIOUVEII I.A I.IÌ|ERTÉ, 45
amie de sa petite-f¡re, âgée de
dix-huit ans, a été retrouvée morte
dans
leur maison' En décembre 2004, sa petite-fire À l'âge de quatre ans, mon fils Andrew s'est un jour retrouvé bloqué dans
est à son tour décédée,
vraisemblablement d,une overdoses. un ascenseur avec sa mère. Mon épouse a pressé le bouton d'alarme et il
a fallu cinq minutes environ avant qu'un technicien ne vienne les délivrer
chez les gagnants.dr n'esr pas rare que l,excitation initiare
lo-,o,ir de I'ascenseur plongé dans I'obscurité.
suscitée par le gain cècre rapidemàt la place au malheur er Le lendemain, je sortais avec mon fils et, au moment où nous quittions
ennuis. Des études ont.démontré aux
que la plupan des personnes qui l'appartement, ila dit d'une voix terrifiée :tr Papa, je ne veux pas prendre
gagnenr au roro se déclarenr
en effet, cinq ans après r,événemenr, I'ascenseur. llva encore rester bloqué, r Comment I'ai-je aidé à réorienter
moins heureuses qu'elles ne l'étaienr
urpurouunr. Etes ne parvien- l'æil de son esprit ? Je lui ai tendu la main et je lui ai dit avec douceur:
nent pas à assumer ce bouleversement,
ni à r'intégrer harmonieu- n Andrew, viens, on va prendre cet ascenseur. rr n Non r, a-t-il répondu,
semenr dans reur vie. Largent ( on va rester coincés. r.J'ai continué avec gentillesse :( AndreW ce n'est
les change (reur érat) de tere so*e
qu'elles ne rerirent que diffic.ltés
et marheurs de leur aventure. pas vrai. fascenseur est ton ami, tu peux me faire confiance, il ne va pas
Comment ne pas devenir otages
de nos problèmes I Nous devons se bloquer. r Changeant d'état d'esprit, il a fermement pris ma main et
contrôler l'æil de norre esprit et
préserv.r r'état requis, afin de pafve- nous sommes entrés dans l'ascenseur. Pendant que nous descendions,
nir au résultat souhaité.
Andrew a commencé à parler à I'ascenseur:n Ami, tu as envie d'un bis-
Pour ce qui est de gérer l,æil de
l,esprit, il existe une règle élé_ cuit ? r i'ai alors joué le rôle de I'ascenseur : n Non merci, je suis occupé à
mentaire à respecter dans roure
situution .l; ;r;; ;,",^g"r', .o, te conduire en bas en toute sécurité. n Lorsque nous sommes sortis,
d'agression verbare, ne pas riposrer. "n
Ir faut au conrraire s'efforcer de
Andrew s'est retourné avec un grand sourire et a dit : r Salut, mon pote. n
désarmer la personne en lui
forun. une quesrion. Je conseilre à cha- Aujourd'hui encore, il lui arrive de parler de I'ascenseur comme de son
cun de s'exercer à changer rapidement
d,état d,.rjrit, a" aerr.fopp", ami.
son agilité à passer d'un état à
un aurre. plus nous nous y exerçons,
plus cela devient fac,e. Dans leur Lorsque je raconte cette anecdote dans mes ateliers, je demande aux
livre L,interligence írnotionnelle a,
trauail, Daniel Goleman, Richard participants : " Ai-je menti à mon fils lorsque je lui ai dit que
Boyatzis et Annie McKee souli_
gnenr ainsi : o La conscience de I'ascenseur ne resterait pas coincé ? , Beaucoup répondent pat I'affrr
soi facilite à ra fois t'"-puit i"
gestion de soi qui, associées I'une ., tu mative, mais la majorité estime que non. Le fait esr que je ne consi-
à l,autre. o"t-tttent une gestion
efficace de, r"lot'i,on, ,na"rp.aronneiles.
,rut"'
";.;;;r";.',:*': dère pas avoir menti. Mes mots étaient dictés par cet état de
certitude, de conviction qui doit être celui de tout leader pour créer
Agir sur nos états cl'esprit un sentiment de sécurité. Si j'avais dit à mon fils : n Il y a seulement
Nous ne sommes pas condamnés à une chance sur deux milliards que I'ascenseur resre bloqué r, il se
subir nos états. Nous por-rvons, serait focalisé sur cette unique possibilité. Souvenez-vous, le cervealr
grãce au dialogue intérieur,
agir sur eux. comprendre l,æ'
nous aide à nous influencer nous_mêmes. de'esprit est programmé pour repérer le danger et le négatif dans le but de
Er, en décodant l,æil de survivre. En tant que père d'Andrew, j'étais ce que I'on appelle une
I'esprir d'aurr.i, il nous crevient possibre
de l'influencer lui aussi pour o base de sécurité )>, une personne qui apporte un sentiment de bien-
le bénéfice des deux parties.
être et de soutien à une autre et qui lui permet d'explorer et de pren-
dre des risques. Avec moi à ses côtés, Andrew a pu recâbler son cer-
5 Associared press, * Lottery sØinner's veau suf la conviction que les ascenseurs sont sans danger. Mais, me
Life Far from Idyllic ,, Tbe Birìngt
Gazette, L4 décembrc 2004.
demanderez-vous, qu'aurais-je fait si l'ascenseur érait resté coincé ?
6 Daniel Goleman, Richarcr Boyatzis
et .A.nnie McKee, L,interligence énotion- C'est simple: j'aurais veillé à éviter rour senriment de panique et
al trat,aìl, Vllage Monclial, 2" édjtjon,
nelle
j'aurais expliqué à mon fils que l'obscurité esr son amie.
2OOJ.
46 N ÍG0(: r 1\'t roNS.r¿NJ11J/./iç
L'(F.ll. pr, L'll.SPRI'I , Ott ()0AlAII:N'I' (tlli)'1'ROLtVLll. Ltl '/IISlltl'| ii 47

De la même manière, Ies tribus Senoï de Malaisie ensei¿ìnenr


aux Les sportifs savent c1u'ils ne peLrvent pas laisser leur esprit clériver
enfants à urtiliser l'cril de l'esprir pour transformer cles .o.r.h"-or,
rêves agréables, en changeant les images menaçantes et clangereuses "n vers la négativité durant une compétition. Un jor-rer-rr cle tennis, par
en alliées7. ce type cle stratégie tr égarement été utile penclant les exemple, doit être capable cle conserver un état cl'esprit positif tour
bombardements aériens cle la seconcre glrer-re moncliale ei penclant arr long cle la partie, qr,roi qu'il arrive. S'il manqlre Lrn point à un
la rroment crr-rcial cle la partie, il doit I'assumer, se vider I'esprit et sLu-
¿ruerre des Balka's. Les mères qui conservaient leur calme pouvaient
prenclre leurs enfants clans leurs bras et, ainsi protégés, c", lltonter cette < épreuve , en quelques seconcles, prêt pour la pr<l-
d"rni.r, chaine volée. Si les sportifs laissent des sentiments négatifs s'insìnner
conrin*aient à clormir. I)'aurres parents étaient tellement terrifiés
qu'ils étaient incapables cì'offrir un senriment de protection à ler¡rs dans leur esprit, ils se mettent eux-mêmes dans r-rn cycle perclant qui

enfants, qui ont été traumatisés par les l¡ombes. Les étars cl'esprir s'alrro-entretient. La même chose est vraie clans l'entreprise. Les lea-
er clers cloivent être capables de faire f¿rce à une cléception oll Lln revers
lcs émotions sonr contagienx
- Llne réaIité cront tout manager doit en une fraction cle seconcle et continuer à cìiriger, aûn cle ne p¿ìs
tenir compte.
,, Le leadership tient en un élémenr essenriel : la détruire le moral et la motivation de ceux clui les entoluent.
capaciré clu lea-
cler à gérer sa vie intérieure pour permertre cllre se produisent Quel lien existe-t-il entre autorité et prévision autoprocluctrice ?
bonries réactions en chaîne émotionnelles et comportementares. pour
les Si nous avons Llne perception négative cle l'autorité, cela aura cles
conséqr-rences négatives dans notre vie. Un incliviclur qr-ri n'a pas
nombre d'entre nolrs, c'esr le défi le plus clifficile à relever rs, écri-
confiance en l'autorité tend à manquer de confiance en soi. Nor,rs
vent Goleman, Boyatzis et McKee. De fait, assaiilis comme nous
le avons tolrs été exposés à I'autorité. Les expériences positives cle l'auto-
sommes par les demancles de tolrte sorte, tiraillés entre cliverses
rité contribuent à la constrlrction de la conÊance en soi de l'inclividr-r,
tâches, il n'est pas toujo.rs facire de rester maître cre soi.
un cres d'une attitr"rde positive vis-à-vis de l'échec et c'les épreuves.
secrets de ceux qui accomplissent beaucoup est leur capacité
à igno_ Combien de parents empoisonnent-ils I'es¡rrit cle leurs enfants ?
rer les parasites et à se concentrer suf ce c1u'ils croivent faire pour
Un professeur peut-il empoisonner I'es¡rrit cl'un élève ? Un mana¿¡er
cr-rltiver lrn érar posirif.
per-rt-il empoisclnner celui d'un suborclonné ? Oui, une figure d'auto-
rité, quelle qu'elle soit, peut empoisonner un esprit. Si un méclecin
La prévision autoprocluctrice et l'æil cle I'esprit
annonce, par exemple, à un patient atteint cl'un cancer : Je suìs
on parle de prévision autoprocructrice lorsque cres incrivicìus se "
vraiment clésolé, c'est une tragéc'lie, en général les malacles ne survi-
convainquent eux-mêmes qu'irs vont échouer ou réussir. car c'esr vent pas plus cle cler¡x mois ", il est probable qlre ce clernier mourr¿r à
cl'abord dans notre esprit q.e germent les graines cle la brève échéance. En revanche, s'il lui clit : ,, Écu.,t"r, c'est ¡¡rave mais
réussite ou cle
l'échec. Norre univers intérieur peut être .n ailié o.. un cles gens ont vécu de très longues années avec cette malaclie o, alors
ennemi.
chacun a le pouvoir, à rravers re choix et la focalisation c1u'opère le patient pourrait fort bien vivre encore longtemps. l)ans une étude
l'æil
de l'esprit, cle créer un cycle éÌagnanr ou percrant. uoÀur. d'entre sr"rr la façon clont les malades perçoivent l'annonce cle leur cancer par
lìous' poLutant, ne sont pas conscients de disposer de ce choix un méclecin, les auteurs conch-rent : En maximisant I'espoir lors de
et sont "
donc otages cle leurs émotions ce qui pellt se tracluire paf une
- peur I'annonce ch-r cliagnostic, les cliniciens peuvent contribuer à I'ajr-rste-
cle I'avenir. ment psychologique cltr patient clès le clébut clu traitement. ,"

7 . G.$Ø. Domhoff , senoi Drean Thaory : Mytrs, scianti/ic Metbo¿r


aucl trte Drc¿tr-
e tt, 200 3, www.cl reamresearch.
u.,or k L4 oue n
ner. 9.
¡l' -Aaron N. Sarclcll et StcvenJ. Trierweiler, " I)isclosing the C¿rnccr l)iagno-
Golcman, Boyatzis et McKcc, L'iute//igetnc í,u,tiantuile ¿, tr¿u¿i/.
", Cancer, l))).
sis : Proceclures Th¿t Influence Patient Hopefulness
4A NEGOC I1\'I"I?NS.çËNS1B1_¿,'
L',(EU, DE r,'ESPn¡r, OIt COAlyt[x',t (RE)TII¡UVEIì t,¡ UnrnrÉ, 49

Hippocrate (460-400 av.


J._C.) a écrjt: ,. Cetains patients, bien Je lui ai demandé s'il téléphonait à sa fille pendant qu'il était en
que conscients de la gtavité de leur état, recouvrent
la santé simpre- v0yage.
ment grâce à la satisfaction que leur procure la bienveilrance
médecin. rr"'En d'autres termes, la focalisation
de leur - Non, ça ne sert à rien, tout ce qu'elle fait, c'est pleurer dans le
positive de l,æil de combiné.
I'esprit et la confiance en la figure d'autorité conduisent
sion autoproductrice.
à une prévi- - Et que se passe-t-il lorsque vous rentrez chez vous 7

comment nos expériences avec des figures d'autoriré


- Elle continue à jouer, en fait, elle m'ignore, elle fait comme si je
ont-elles n'étais Pas là.
influencé l'æil de norre esprir er norre vision
de nous-mêmes ? - Et vous, comment vous comportez-vous ?
Comme nous l'avons évoqué plus haut, la façon
dont nous avons vécu - Je ne veux pas l'interrompre, ni m'imposer. Donc je la laisse jouer ou
l'autorité détermine pour parrie le regard que noLrs
portons sur le faire ce qu'elle est en
train de faire. Je ne veux pas être un mauvais père. n
monde et sur l'avenir. En revivant r-rn souvenir,
., répétant nos Scott s'est laissé prendre en otage par sa crainte d'être un mauvais
compoftements et nos actions antérieurs, nous "À
déterminons ce qui père. En tant que père, il était de sa responsabilité de prendre I'initiative
surviendra dans le futur. Si les souvenirs du passé
sont posìtifs, il est et de faire quelque chose pour changer les prévisions autoproductrices
probable que le rés'ltat sera posirif. Mais s'ils
sont négåtifs, le résur- que sa fille et luivivaient.
tat le sera probablement lui aussi.
Je lui ai suggéré de parler avec elle de ce qu'ils feraient à son retour et
À moins que l'individu n'intervienne activement dans ce
proces- de I'impliquer dans ses voyages, en lui laissant des petits mots dans toute
sus, ces expériences passées distillées par le
cerveau se muenr en pré- la maison avec des photos des endroits où il était allé. Je lui ai également
dictions de I'avenir. Il en va ainsi, par exemple,
d,une personne qui conseillé de demander à sa fille de lui donner un petit mot, une photo ou
échoue à un entretien d'embauche et qui se
rend à un aurre en étant un dessin à emporter avec lui. En très peu de temps, il a pu créer une
déjà intimement convaincue qu'ell" n'u,r.u pas
le posre. si elle ne fair focalisation qui a supprimé la souffrance de la séparation pour tous les
rien pour la conrrer, elle sera otage de sa propre
prévision auropro_ deux. -le l'ai aussi incité à téléphoner à sa fille au moins une fois par jour
ductrice négative. La conscience et la maîtrise de
soi sonr essentieiles durant ses absences, et, à son retour, d'aller la chercher à l'école et de
pour ne pas devenir otages.
passer du temps avec elle. ll est possible de cultiver le lien même en cas
scott s'est retrouvé prisonnier de ses propres convictions. {éloignement physique. Scott devait réorienter l'æil de son esprit et aider
voyageant fré-
quemment et passant au moins cinq sa fille à faire de même, en se concentrant sur ce qu'ils feroient ensemble
iours par semaine roin de sa famiile,
scott, à trente-six ans, était promis à un ber avenir quand il rentrerait.
dans son entreprise,
qui le préparait à un futur poste de dirigeant. En quinze jours, une prévision autoproductrice négative a été éliminée
il est venu me voir un jour
à la fin d'un atelier, le moral au plus bas. et le lien entre le père et la fille a été renoué. La mère, qui s'était sentie
r- Je vais devoir démissionner, m,a_t_il dit. impuissante, a également pris une part active dans le processus de réso-
- Pourquoi Z lui ai-je demandé, réellement curieux de savoir ce qui lution du problème.
avait pu provoquer pareille déclaration.
Pourquoi Scott pensait-il être un mauvais père ? Tout a débuté le
-Ma fille de cinq ans vit un véritabre enfer. Lorsque je
m'en vais, eile jour où une réunion l'a empêché d'assister au premier réciral de
pleure pendant des heures et des heures,
eile n'arrête pas de preurer. pour piano de sa fille. Lorsqu'il s'absentait, la détresse de sa fille renforçait
éviter ça, je quitte désormais ra maison tôt re matin, pendant
qu,eiledort son sentiment d'être un père négligent et insensible. IJne fois qu'il a
encore.
réorienté l'æil de son esprit pour rechercher une solution et des
moyens d'être un bon père, il a pr-r s'aider lui-même et sa famille à
10. Hippocartes, rï/orÞs, Harvarcl University press, faire changer les choses.
I9g4.
5O NÉcoctazloNs.llrN.rld¿a.ç
r,'Qiu, DL I.'ESerìn, ou coA4A4D.N't (I?E)'1'ROUVEI? tA rtnrnrÉ 5I
IJn autre élément intéressanr qui permet
de mieux comprendre ls l'imagination est fascinant. Prenons l'exemple
comportement de Scott est que son père
avait également beaucoup Le pouvoir de des
voyagé' scott conservait un souvenir
dluloureux d*" ,o., absence, qu,il ,voloirs sportifs. Bouchée bée devant les athlètes, nous nous deman-
a rransformé en image auroproductrice
de l'avenir. scort était ainsi ;;;, " Mais comment font-ils ? o. Une de leurs techniques esr ce
la visualisation ou l'imagerie mentale. Un athlète
que l'on appelle
la fois otage de son passé et de sa souffrance à
présente. La vérité, c,est
que Scott esr un père merveilleux aura remporté Ia course, le titre or-r la médaille bien des
et qu'il m'a fait confrance pouf uuinqu"u,
I'aider à le comprendre. fois dans
l'æil de son esprit avant de poser le pied sur la piste. tJne
Combien de personnes sont malheureuses, olongeuse aura
grimpé l'échelle qui mène au plongeoir, senti ses
insatisfaites et laissent du bord, vu son corps s'arquer dans un plongeon par-
passer les années sans rien faire
pour changer les choses ? combien orreils décoller
meufenr sans avoir Éa,sé leurs rêves ? fait, senti le l¡out de ses doigts toucher I'eau et tout son corps
A contrario, combien sont prê_ remonter à la surface pour respirer, entendu le
tes à prendre des risques dans leur
vie, déterminées à faire des choses immergé avant de
et à rechercher de nouveaux défis ? Dans oublic scander son nom, pris la coupe dans ses mains et peut-être
les deux cas, ,rr"
auroproductrice est à l'æuvre, négative freuirlon ,êr" i-uginé le coup de téléphone à sa famille - tout cela, dans son
ou positive. Notre objectif,
ici, est de comprendre le po,ruoii que nous esprit, longtemps avant l'événement o réel ".
avons tous de créer le
futur que nous voulons. Méthode pratiquée par des " champions o de tor-rs ordres, la
Eric Berne, le père de visualisation demeure pourtant une ressource largement inexploitée
rransacrionne,e, décrit ra prévi-
sion autoproductrice comme 'anaryse par laplupart d'entre nous. Pour nous y entraîner, nous devons nous
un scénario de vie : pour de multipres
raisons' les individus font des crroix concentrer suf ce que nous souhaitons accomplir et visualiser Ia úa-
tour au tong de leur vie, qui
deviennent une forme de ,, scénario ,. lisation de cet objectif dans ses moindres détails : voir le lieu de
¡y1¿1¡"rrr"rri_..r, fo.,, U"urr_
coup de gens, lorsque l'esprit dérive I'action et ce qu'il se produit, visualiser tous les détails de l'événe-
vers re négatif, re scénarìo ne
produit plus que de l'insatisfacrion ment. Vous rêvez d'une promotion ? Imaginez-vous assis derrière
autoproducrrice négative r r.
- er devient ator, ,rrr" pìévision vorre nouveau bufeau, en train de répondre au téléphone et de dis-
cuter avec vos collaborateufs. Imaginez le confort du siège, la vue
Voir avec l'æil cle I'esprit depuis le bureau, le goût qu'aurait le succès. Planifrez les détails
jusql'à éprouver un sentiment de bien-être, de conflance er de réus-
Læil humain capte une quantité incroyable
d,informarions en une site. Rejouez ce film mental le plus souvent possible. Mettez les
fractionde seconde et les trunsm", u., .årr.uu.
ce dernier res traduir ( vceux , et les .. rêves o au premier plan de votre esprit.
ensuite en une forrr
Positionnez des photos et des objers qui vous rappellent votre
j us re d e di re q ue .'.,i ;:: å1i: ;.'"J"iï ; i:i:i:; jï,H,ï,iTJ rêve tout autour de vous, afin de les avoir constamment soLrs les yeux.
les choses deviennenr vraiment intéressantes,
c'est que le cerveau n,a La visualisation est un processus qui a prouvé son efficacité, Je suis
pas toujours besoin de recevoir
des informations par res yeux pour toujours ému par les histoires d'individus ordinaires qui ont accom-
" voir "' Il peut rappeler des spectacles, des sons et des émotions pli des choses extraordinaires, parce qu'ils ont choisi de créer leur
mémorisés et dérouler toure ra råq.,"r..
comme un firm, à l,intérieur destinée et visualisé leurs réalisarions, avant de se lancer et de
de norre rêre, dans l,æil de l,esprii.
recueillir les fruits de leurs efforts.

Marylin se préparait p0ur une présentation au cours de laquelle, pour la


première fois de sa vie, elle se tiendrait devant une foule de cinquante
1 1. Erice Bene,l(/tat ,o Do after yoa Say Hello ? Tlte psycltology personnes, dont le PDG de I'entreprise. Au début, cette perspective la
of Hanan
Dettiny, Grove press, 1972.
"^o: paniquait un peu. Et si elle oubliait son discours ? Et si I'ordinateur
I 52 NÉGoctATIINS.r¿Ns¡ö¿¿"r

tombait en panne ? Et si le public n'était pas intéressé par ce qu'elle


racontait ? Son cerveau fonctionnait à merveille pour repérer tous les
L'olr, DE r,'ESpt?.tr, ou cqNTMENT (nq)TnouvEn

ß,tre capable de formuler une vision avec constance et passion, de


{açonà convaincre les individus d'y adhérer et d'en devenir d'ardents
tt unr,n.rÉ 53

dangers potentiels. L'histoire, bien entendu, ne s'arrête pas là. Marylin a


partisans, est crucial pour atteindre les sommets de la réussite. Plus
travaillé avec un coach, qui I'a aidée à se préparer grâce aux techniques
f imug" est nette et précise dans l'æil de l'esprit, plr-rs il est facile de
de visualisation. Elle s'est imaginée debout dans la salle, allant même
la comrnuniquer aLrx autres. Cette esquisse mentale de ce que nous
jusqu'à visiter la pièce avant sa présentation, afin que ses images men-
souhaitons bâtir, cette image intérieure de quelque chose qui n'est
tales correspondent à la réalité. Elle a imaginé les vêtements qu'elle
pas encore advenu est ce qui, au final, guidera les stratégies et les
porterait, le public réagissant de manière positive à son intervention,
âcrions qrt.i transformeront nos visions en réalité.
elle-même prenant plaisir à ce qu'elle faisait. Elle a répété l,exercice
La plupart des entreprises ont désormais une vision que leurs col-
plusieurs fois au cours des semaines précédant l'événement. Lorsque
laborateurs peuvent comprendre et à laquelle ils peuvent s'identifier.
I'heure a sonné, Marylin a fait la meilleure présentation de sa vie. Le
f,¡ ce sens, nous pouvons considérer ce processus comme un æil de
PDG est venu la voir et lui a dit qu'il avait beaucoup apprécié. Elle avait
I'esprit collectif, qui réunit chacun et tous pour travailler vers un
appris une technique simple pour recâbler son cerveau et réussir.
résultat commun. Les leaders inspirants créent toujours des visions
Les techniques d'imagerie mentale et de visualisation sont la marque inspirantes.
de ceux qui accomplissent plus que les aurres, qui voient dans leur
esprit une image claire et nette de I'endroit où ils veulent aller. si les Résumé
artistes et les arhlètes s'y livrent régulièremenr, le monde de l'entre-
Læil de l'esprit est un élément important du cerveau. Pour de nom-
prise ne découvre qu'aujourd'hui le pouvoir de l'æil de I'esprit er de
breuses personnes, c'est une surprise de découvrir que le cervealr est
la visualisation. Dans ce conrexre particulier, avoir une vision aide les < progfammé , pour repérer le danger et les menaces. C'est ce qui
dirigeants et les managers à resrer concenrrés sur leurs objectifs. Les nous a permis de survivre en tant qu'espèce depr"ris des milliers
leaders comprennent également qu'il est importanr d'aider les autres
d'années. Celaétant, tout événement qui survienr dans notre vie pos-
à o voir Ia vision , ; ils savent que la route que I'on emprunte seul ne
sède à la fois un aspect positif et négatíf . En utilisant l'æil de I'esprit,
les conduira pas à la destinarion qu'ils ont choisie. no.rì potruons choisir de nous focaliser sur les aspecrs positifs ou
Peter Senge écrit : o S'il est une idée concernanr le leadership qui négatifs de tout événement. En ce sens, être négatif esr un choix, être
inspire les organisations depuis des milliers d'années, c'esr la capacité positifest un choix et être heureux esr un choix.
à avoir une image panagée de l'avenir que nous voulons créer. On Les individus qui réussissent et accomplissent de grandes choses,
aurait bien du mal, en effet, à trouver une communauté d'hommes er que ce soit dans le monde des arrs, du sport ou de l'entreprise, ne
de femmes ayant entrerenu une certaine grandeur en I'absence de permettent pas à leur esprit de broyer du noir. Ils sont capables de
buts, de valeurs et de missions enracinés au sein de l'organisarion, cultiver un état d'esprit positif. Lorsqu'ils subissent des revers, ils
IBM avait Ie ,, service o ; Ford, le transport public du plus grand peuvent sufmonter la déception, la frustration et le chagrin, et net-
nombre et Apple, la puissance de I'infornlatique pour le plus grand toyer rapidement leur esprit, afin de conrinuer à aller de I'avant dans
nombre. Bien que roralemenr clifférenres par ce qu'elles sonr er ce un état positif rerrouvé. Ceux qui aurorisenr des sentiments négatifs
qu'elles font, ces organisations ont réussi à réunir leurs collaborareurs à persister se placent dans un cycle perdant, qui risque de s'auto-
autour d'une identiré et d'une vision de l'avenir paftagêes. ,rt2 entretenir.
Les athlètes et les grands leaders apprennent à maîtriser leurs
états intérieurs. En nous merrant dans un état d'esprit positif, nous
12. Peter Senge, La Cinqùànte Discipline, First Edirions, 1992 avons plus de chances d'obtenir les résultats souhaités. Pour parvenir
54 NÉcoc t¡?-loNs.rnNs¡a¿¿s
L'GIL DE I.'ESPIIIT, OU CO.\IMEN'Í (l?.8)Tt¡'.OUVEt? rA U\EnfÉ j j

I
à cet état, quel que soit le contexte, nous devons être
capables de sur-
monter notre tendance naturelle à nous focaliser sur la douleur, pour
nous concenrrer sur les bénéfices ou le plaisir qui découleront
de nos
actions. 1, f æil de notre esprit détermine nos possibilités et nos limites, et notre
Le leadership esr accessible à tous, à tout niveau, dans toute état détermine les résultats auxquels nous parvenons. La capacité à
orga-
nisation ou dans rour aspect de la vie. Dans son livre profession Leader, se mettre dans le bon état d'esprit est le secret de tout grand leader.
lØarren Bennis écrir que I'essence du leadership est la preine
expres- 2, Comprendre ce qui nous motive et ce qui motive les autres est la clé
sion de soi. La clé de la pleine expression de soi est la connaissance pour donner notre plein potentiel. La plus haute motivation est de
" vendre à nous-mêmes et aux autres les bénéfices de I'inconfort ou
de soi-même et du monde, et la clé de la connaissance est d'appren-
dre - de sa vie et de ses expériences. Le chemin à suivre pour même de la douleur, au service de I'accomplissement d,une chose en
devenir laquelle nous croyons vraiment.
un leader, finalement, n'esr pas très différent de celui qui conduit
3, Une prévision autoproductrice désigne le fait que les individus se
l'être humain à I'harmonie avec soi-même. ,r3
conditionnent eux-mêmes pour la réussite ou l,échec. La réussite dans
cela exige de connaître nos motivations et celles des autres. Et
la vie est déterminée par les croyances, le sens et l,interprétation don-
aussi de connaîrre et de comprendre les racines de ce qui nous
affecre nés dans l'æil de l'esprit aux événements et aux expériences.
- être conscient des expériences passées, positives ou négatives, qui 4. Harmoniser états intérieurs et comportements permet la pleine utilisa-
peuvenr fausser norre perception. utiliser l'æil de l'esprit tion de l'énergie individuelle pour accomplir des résultats exception-
exige que
nous soyons capables de garder notfe cap au colrfs de nos interactions nels. Cette intégration est le fondement de I'authenticité.
avec aurrui, c'est-à-dire géret nos émotions et influencer positive-
menr celles des autres. ce comportemenr protège l'individule roure
( prise d'otages métaphorique, préservanr l'aurorité intérieure
" qui
lui permettra de ,. déplacer des montagnes r. Les plus grands succès
attendenr les managers capables de transmettre des états positifs
à
leurs collaborareurs. Les grands leaders sonr positifs, même iorsqu,ils
formulent une critique ou apporrent un feed-back sans concession.
ce qui esr dans l'æil de I'esprit devient Éalité. Toute interacion
(mots, gestes, postufe, etc.) reflète ce qui est dans l'æil
de l'esprit et
les expériences du cæur, de I'esprit et de l'âme nourrissenr l'æil
de
I'esprit. Faute d'intervenir pour le réorienter en permanence, nous
sommes condamnés à vivre I'avenir comme une répétition
du passé.
Lorsque nous rrouvons un sens et un but grâce à l'æil de ltsprit,
nous savons puiser en nous pour atteindre nos objectifs. céder
à des
pensées négarives, c'est prendre le risque de rérrécir l'æil
de I'esprit,
alors que la joie et la satisfaction I'entretiennent et le nourrissenr.

13. \ùØarren Bennis,


On Becoming a Leadu, perseus Books, 19g9.
I
I
Cha
3 tre

LE CYCLE DU LIEN

Lorsque j'ai fait la connaissance de Frank, il avait quatre-vingt-dix ans.


Dès la première poignée de mains, j'ai su que cette bonne âme était un
être humain à part. son esprit était alerte comme celui d'un jeune homme
et il avait le rire et le sourire de quelqu'un qui est vraiment heureux. ce
qui m'a le plus frappé, c'est son amour de la beauté et de la vie, et son
intérêt et sa curiosité pour tout ce qui l'entourait. De prime abord, Frank
manifestait une telle absence de victimisation et une joie de vivre si pro-
fonde qu'il semblait avoir traversé la vie sans jamais croiser le malheur ou
la souffrance.
Lorsque j'ai mieux connu Frank, j'ai découvert I'immensité de la perte
de la souffrance par lesquelles il était en fait passé. ll avait seulement
-et
dix ans lorsque sa mère est morte, un événement quien faisait un candi-
dat idéal pour de futurs problèmes. Jeune homme, ir avait fait la première
guerre mondiale et, des années plus tard, il pleurait toujours les amis qu'il
avait perdus dans cet horrible conflit.
Trop âgé pour être appelé sous les drapeaux lors de la Seconde guerre
mondiale, il y avait perdu de nombreux amis. puis, après cinquante-quatre
ans de mariage, son épouse adorée, Caroline, était morte;une perte si
douloureuse qu'elle faisait craindre qu'il ne lui survive pas. Et il y eut bien
d'autres pertes moins dramatiques mais éprouvantes, que Frank surmonta
avec grâce et détermination, afin de garder le contact avec la vie et n pro-
fiter de la fête r.
À l'automne 1993, trois mois environ après le décès accidentelde mon
fils de vingt-trois ans, je me trouvais chez une amie commune, Alice.
Lorsque Frank est entré dans la pièce, il s,est dirigé vers moi les yeux
58 N¿c;oct¿rr;lvs.r¿NJllJtllJ
I,E CvCtE DU I,IEN 59
pleins de larmes. t m'a pris dans
ses bras et, après nous être suffisamment
ressaisis pour pouvoir parrer, ir m'a Mais sa
joie de vivre était intacte, comme I'indiquent ses paroles: <Je
regardé dans res yeux. ce quisuit
est à il est merveilleux d'écouter de Ia musique et le chant
jamais gravé dans mon cæur
et dans mon esprit. redécouvre combien
t'
ll a parlé avec douceur' tr George, je comprends des oiseaux'
ce que tu vis. Je ne te
jamais dit mais moi aussi, j,ai
perdu mon fils. r pères tous deux, nous C'est une autre leçon que Frank peut nous enseigner: il n'a jamais
'ai
avons
échangé une longue étreinte pour ra perdu la volonté de se reconnecter au bonheur de vivre, aussi terribles
vie, arors que ra souffrance jaiilissait
de
manière incontrôrabre de nos cæurs. qu'aient été sa souffrance et ses malheurs. ll était déterminé å trouver de
Les mots n'ont pas été nécessaires
pour véhiculer ce que nous savions nouvelles affections et le lien émotionnel qui pousse à chercher sans relâ-
et comprenions l,un de l,autre.
Frank avait eu une vie simple. Né che le bonheur derrière le malheur. Le mot d'ordre de Frank est resté :r La
en 1gg6 en Angleterre dans une
famille d'ouvriers, ir avait fait ses études fête n'est Pas encore finie. r
chez res ouakers après ra mort de
sa mère. Devenu adurte, iravait été La dernière fois que je I'ai vu, je lui ai demandé s'il sentait que sa vie
charpentier, surveiilant et membre des
Royal Engineers avant de créer, à quarante-neuf arrivail à son terme.
ans, sa propre entreprise
de bâtiment. sa détermination et ra fierté r Grands dieux, non, George !r, m'a-t-il répondu. r J'aime tellement
qu'ir éprouvait pour son travair
lui permirent de réussir. rmpriqué dans ra la vie et la vie me rend si heureux que cent quatre ans, j'en ai bien peur,
vie de son viilage, ir participait
au club de théâtre et se présenta å des ce n'est pas assez. J'ai tant de livres audio à écouter, tant d'amis autour
érections rocares, mais ir ne
recueilrit aucune reconnaissance de moi et tant de bons moments à vivre. J'ai la chance d'être en bonne
ni cérébrité particurière avant d,être
centena ire. santé ;je n'ai à me plaindre de rien. r Et avec un rire plein de gaieté, il
ll fut arors récompensé des services rendus a poursuivi : n La fête n'est finie que lorsque l'orchestre s'arrête de jouer
à son pays par un vor sur
Concorde. Frank commença aussi à
re
- et I'orchestre s'en donne toujours à cæur joie ! n
se rapprocher des enfants et des jeunes
en se rendant dans des écoles pour Frank est mort paisiblement dans son lit en 2001, à l'âge de cent
expfiquer aux plus jeunes ce qu,avait
été la vie au début du 20'siècre., participa cinq ans.
égarement à prusieurs émis-
sions de la BBC consacrées aux centenaires,
fit ães discours pour des vété-
rans, lut des prières rors de cérémonies La vie de Frank est emblémarique du pouvoir du cycle du lien et de
de commémoration en Europe.
fut même reçu au 10 Downing street, où ir certe possibilité qui noLls esr offerte à tous : rerrouver la joie après le
rencontra cherie Brair. Frank ' cÞagún. Je raconte soLrvent son histoire dans les ateliers ou les cours
n'a jamais cherché à être cérèbre,
mais rorsque re monde venait à rui, ir
était prêt à partager le récit de sa vie de formation que je donne. Une histoire si pleine de souffrances et de
et son amour de la vie.
Pourtant, ce brefaperçu de la vie de force de vie que beaucoup l'utilisent comme Lrne ancre à laquelle
Frank ne dit rien de ce qui en fait
un être à part, pas plus qu'il n'indique s'agripper lorsqu'ils rraversenr des moments diffrciles.
la substance de ce qui a donné à sa
vie résilience, sens et joie. Lhistoire de Frank recèle plusieurs leçons imporrantes pour nolrs
Frank a donné un sens à sa vie en tous. II nous montre comment on peut refuser d'être une victime en
ayant toujours des objectifs. par
exemple, il était impatient d'atteindre conduisant sa vie avec enthousiasme, énergie et foi dans le l¡onheur.
son 104. anniversaire, car ir aurait
ainsi traversé trois siècres. Marheureusement, Au lier-r de gaspiller notre énergie à regreter le passé, nous devons
en chemin vers cet objectif,
Frank a eu une attaque au cours trouver la volonté et la détermination de créer de nouveaux objectifs
de r'été rggg. t a perdu ra vue. Grâce
au pour demain et de o prolonger la fête >, comme dirait Frank.
soutien de sa famite et de ses nombreux
amis, ir a margré tout réussi à
franchir les portes du 21.siècle. C'est à nous d'honorer nos héritages, et même de pleurer sur ce que
Au cours d'une conversation que nous nous avons perdu, afrn de nous reconnecter avec ce qui compte réelle-
avons eue par ra suite, ir a preuré
en parlant de tout ce qu'ir avait perdu ment. Il ne dépend que de nous de conrinuer à entendre l'orchesrre, de
depuis son attaque : ra vue, sa mai-
s'n' sa capacité à vivre de manière autonome partager ce que nous avons et ce que nous savons, de nous lier aux
et à regarder ra térévision.
alrtres. La fête n'esr pas finie ! ,, telle doit êrre norre devise.
"
I 60 NÉGocr A'noNS.ç¿NJ11J¿IJ

Le cycle du lien
pour s0n orgueil, il prit la direction
I"E CyCtE OU

d'une entreprise beaucoup plus


I,IIiN 6I

Le cycle du lien esr un concepr fondamental


qui expliqne en grande Peti te.
partie la motivation humaine. Toure relation
inr.rpersonnelle repond Cette expérience changea profondément I'identité d'Andreas. ll assuma
au modèle du cycle du lien. Même dans
l'entreprise, nos interactions enfin le fait qu'il n'avait jamais appris à nouer de liens avec autrui et que
avec les alrtfes passent paf ces stades
successifs q.,a ,on, l'attachement, toute sa vie, il avait évité la souffrance - exactement comme son père.
la formarion du lien, la sépararion er le
de'il. une personne dépo'r- C'est d'ailleurs une discussion avec ce dernier qui lui ouvrit définitivement
vue de liens d'atrachemenr esr privée de
quelque chose d,essentiel. les yeux. Pour la première fois, le père parla à son fils de son chagrin d'avoir
ce*e carence sera bien souvent à l'origine a" p.åuta-es
physiques er quitté son pays natalet sa famille, et de la solitude quiavait été la sienne
psychologiques et pourfa également arroir.,n
impact negutif ,.,, lu rri" dans un nouveau pays. Même au bout de trente ans, le père dAndreas se
professionnelle de l'individu.
sentait en exil et avait envie de retourner dans son pays natal. Pour la pre-
Andreas était vice-président d'une société
comptant deux miile coilabo_ mière fois, le père et le fils pleurèrent ensemble. Andreas ne se souvenait
rateurs å travers re monde. un jour, son
supérieur re convoqua et rui tint pas que son père I'ait jamais embrassé ni qu'il lui ait jamais dit rr.Je

en substance re discours suivant : r vos


résurtats sont bons, Andreas, mais t'aime r. C'est pourtant ce qu'il fit après cette discussion.
quelque chose ne va pas dans votre
attitude. vous intimidez res gens et
v0us vous êtes fait trop d,ennemis. n
Aujourd'hui, aussi difficile cette expérience ait-elle été, Andreas
pense que la perte de son travail est la meilleure chose qui lui soit
Andreas répondit : r N,est_ce pas pour
cela que je suis payé ? pour jamais arrivée.Il courait tout droir à la crise cardiaque, au divorce et
obtenir des résultats et pas pour que les gens
m,aiment ? n à la perte de tout contact avec ses trois enfants. Il considère son
son patron rui donna six semaines pour faire évoruer son comporte- licenciement comme une bénédicrion, parce qu'il a découvert un
ment' Marheureusement, Andreas ne réussit pas
à changer d,attitude et autre aspect de la vie : comment créer des liens avec les autres. Il a
six semaines plus tard, il perdit son emploi.
cléveloppé une relation nouvelle er toralement différente avec sa
voilà un homme que tout destinait à figurer
parmi res candidats au femme, ses enfants, son père et ses amis. Il a désormais un travail
poste de PDG de lentreprise, qui rêvait
de réussir et qui n,avait jamais qu'il aime. Qui plus esr, dans sa vie professionnelle comme dans sa
connu l'échec. Andreas s'effondra, ne comprenant
et il sombra dans une grave dépression.
rien à ce qui rui arrivait, vy privée, il interagit avec les aurres de manière positive. Andreas
est devenu un grand leader, créant une organisation réellement per-
Lorsque je lui parrai de nouer des riens avec
res personnes autour de formante grâce aux relations qu'il bâtit avec les alrrres et à un enga-
lui, il tourna I'idée en ridicule. r Je croyais que
les liaisons étaient réser_ gement authentique.
vées aux laboratoires de chimie ? r
Dans son livrc Autbentìc Leadership, Bill George souligne la chose
ll finit néanmoins par comprendre que toute
sa personnarité avait été suivante '. ,, La capacité à tisser des relations durables et à être proche
bâtie autour d'un doubre évitement : évitement
des riens avec autrui et de des autres est une des marques du leader. Malheureusement, nombre
la souffrance. Sa mère était une femme très
angoissée ; son père ne de dirigeants de grandes entreprises considèrent que leur travail se
s'était jamais intéressé qu'à son travair.
Andreas était devenu un être sori_ limite à créer la stratégie, la srrucrure d'organisarion et les processus
taire et indépendant, incapabre de nouer des
rerations avec autrui, et voirà organisationnels. Après quoi, ils se conrentent de délégller, resranr
qu'il se retrouvait sans travail.
coupés de ceux qui accomplissent le travail. ,r
Au cours des dix-huit mois quisuivirent,
il prit peu à peu conscience
de I'importance que ces riens pouvaient
représenter et ir apprit à nouer
des relations positives. La recherche
d'un nouver emproifut quant à erfe
plus douloureuse. Après un an et
demi d'inactivité, profonde bressure
i. Bill George, Aathentic Lutderthip : I?ediscottering the Secrets to Creating Vrlrc,
Jossey-Bass, 2003.
r 62 NÉ.GoctATrcNSs¿N.tIBl.Es

qui créent des liens er comprennent


Les dirigeanrs er les managers
r,E cYct-L ou t,n:N 63

leur importance sont capables d'instaurer la confiance et d'adopter


des comportements hautement productifs. Lorsque nous savons com-
ment former des liens avec autrui, nous sommes mieux armés pour
Attachement
ne pas devenir otages.
Toute relation que nous avons - que ce soit avec un être
humain, un but, un animal domestique ou même un objet - suit
le cycle du lien. Joseph Chilton Pearce, auteur de Magical Child,
envisageait la formation de liens comme une forme psychobiolo-
Deuil Lien
gique de communication, au-delà de la conscience ordinaire, et
essentielle au fonctionnement sain de l'être humain. " Lattache-
ment est une liaison physique vitale, qui coordonne et unifre le
sysrème biologique tour enrier. Il scelle une connaissance élémen-
taire qu'il esr à la base de la pensée rarionnelle. Nous ne sommes
jamais conscients d'être liés ; tout ce dont nous sommes cons- Séparation

cients, c'est du malaise aigu que nous éprouvons lorsque nous


sommes sans attachements ou liés à Ia compulsion et aux choses
matérielles. Lindividu sans lien (et être lié aux objets revient à
être sans lien dans un sens fonctionnel) passera toute sa vie à
Figure 3.1 - Le cycle du lien
rechercher ce que le lien pouvait lui apporter. ,'2
Le cycle du lien se compose de quatre phases : I'attachement, la
formation du lien, la séparation et le deuil (voir la Figure 3.1).
échange d'énergie. Tous les attachements ne donnent pas lieu à la
L'attachement førmation de liens. Les individus qui accomplissent de grandes
Lartachement est un pfocessus qui consiste à créer de la proximité et choses ou plus simplement, qui connaissent la réussite, sont capa-
à établir une connexion. c'est ce que John Bowlb¡ père de la théorie bles de nouer cles attachements, de former des liens et cle renouer
moderne de l'attachement, qualifie de ,, désir de proximité o3' Lors- des liens et, ce faisant, ils sont capables d'inspirer et de motiver les
que la proximité existe, nous polrvons accéder au bien-être. autres. Tout passe, cependant, et le temps de la séparation vient
inévitablement.
La formation du lien
Il s'agit de l'échang e affectif et émotionnel, qui fait suite à la La séparation
proximité et à l'attachemenr. La formation du lien crée une syner- Il s'agit d'une interruption du lien et du processus d'attachement.
gie qui rend possible une interaction des émotions' C'est un Elle peut survenir sous la forme d'un changement, d'une perte, d'une
déception ou d'une frustration. La séparation peut résulter de l'évo-
lution naturelle d'une relation (grandir, vieillir ou franchir un palier)
2. Joseph chilton Pearce, Magical cbìfuL : Re¿liscouering Natrre's
Plan for our
ou être imprévue (mort, accident ou perte brutale). Elle peut susciter
C hildren, Dutton, 1977.
des émotions très fortes et des comportements destructeurs, parce
Jol-rn Bowlby, Attachrnent and Los, vol. I : Aftachenent,
3. Basic Bg6ks et
Hogarth Press, IC)77 , p.72. qu'elle conduit au quatrième stade, le deuil.
r (r4 N i,coc t ¡L" to¡,ts.trNs/1l¿¿-J' r,E :YCLL ou ur,N 65

Le cleuil Attachement et formation de liens


Faire son deuil cl'un être ou d'une chose, c'est accepter de le laisser On considère le comportement d'attachement comme un < système
partir et de lui dire au revoir - er vivre les états émotionnels corres- de motivation " élémentaire, inné, biologiquement adaptatif, qui
pondants. Que la perte soir grande ou perire, le processus de deuil est
conduit un bébé ou un très jeune enfant à créer un nombre limité
essentiel pour que l'êrre humain rebondisse, continue à aller de d'attachements sélectifs dès son tout jeune ãgea. Les recherches
l'avant, guérisse et trouve sa propre force intérieLrre - et retrouve la conduites dans ce domaine indiquent que les liens d'attachement
joie de vivre.
apportent une relation dans laquelle l'enfant recherche la proximité
Lattachement à un animal domestique offre un excellent exemple avec la figure d'attachement ; se sent dans un havre de sécurité - où
du cycle clu lien. On ramène un chiot à la maison et rout le monde sa détresse sera apaisée par la figure d'attachement ; et développe un
s'attache à lui, parce qu'il est adorable. À m"r.rr. que le chior grandit modèle interne actif de base de sécurité, qui lui permettra plus tard
et devient un membre de la maisonnée, le lien affectif se forme. Lors- d'explorer le monde, cl'éprouver un sentiment de bien-être et de pan-
que le chien meurt, vient la séparation. Pour pouvoir nouer des liens ser ses blessures dans les périodes de malheurt.
avec un autre chiot, la famille doit vivre une période de deuil. Les Tous les mammifères ont un besoin élémentaire de proximité - ils
personnes qui n'en sont pas capables disent souvenr qu'elles ne polrr- recherchent la proximité physique d'un autre mammifère. En ce qui
ront plus jamais avoir de chien. Elles sont incapables de surmonter la concerne l'être humain, celle-ci ne se limite pas à d'autres êtres
perte et cle connaître à nouveau la joie d'en avoir un. humains. Elle peut également concerner des buts, des maisons, des
On peut affrrmer que tout individu qui se sent otage - d'un animaux ou des pays par exemple, et conduire à des attachements
point de vue métaphorique - est dans une forme de deuil non qui, dans certains cas, sont plus forts que ceux que I'individu entre-
résolu. Pour certains individus, le chagrin consécutif à la perre et tient avec d'autres êtres humains.
à la séparation est l'épreuve la plus difficile de la vie. Refuser de
Un reportage à la télévision racontait l'histoire d'un jeune garçon qui était
l'affronter a cle profondes conséquences. La tâche d'un négociareur
dans le coma depuis plusieurs mois. Lorsqu'on a amené son golden retriever
lors d'une prise d'otages est de créer un lien avec le ravisseur. À
dans sa chambre d'hôpital, le chien s'est mis à lui lécher le visage et à émet-
travers ce lien, le conflit pourra être résolu de manière pacifique.
tre des sons dans ses oreilles. En peu de temps, le jeune garçon est miracu-
C'est un mythe de croire que nous ne créons de liens qu'avec des -
leusement sorti du coma. Et bientôt, à la grande surprise des médecins et
personnes que nous aimons ou apprécions. Il est même essentiel
des infirmières, il a pu rentrer chez lui. Les médecins n'ont pu que constater
que nous apprenions à tisser et à cultiver des liens de telle sorte
rt I'inexplicable n.
qu'une relation puisse exister, même en présence de divergences
profondes ou de conflit grave. Les négociareurs professionnels sont Le comportement d'attachement active de nombreuses hormones
capables de négocier avec des individus désespérés, parce qu'ils dans I'organisme et nolrs apporte Lrn sentiment de bien-être. Lêtre
peuvent nouer des liens avec eux, indépendamment des actes que hr-rmain est une pharmacie ambulante, qui est activée par la proxi-
ces indiviclus ont commis. Sans lien, il n'y aurait pas de négocia- mité de ses semblables ou de choses importantes à ses yeux. La for-
tion. Tout acte de violence implique une rupture ou Llne perturba- mation de liens dépend de la façon dont nous vivons la proximité et
tion du processus du lien. Un individu qui commer un crime ou
manifeste un comportement agressif est dans une forme de déta-
chement. La formation de liens vient précisément inrerrompre ce 4. J. Cassidy et P.R. Shaver, Handbook of Attachenent : Theory, Rese¿rch ancl Cli-
processus. C'est ce qui en fait la compétence clé de tout négocia- nical Applicatl¿zr, Guilford, 1999.
teur de prises d'otages. 5. Inge Bretl.rerton, The Origìns of ,{ttachment Theory:John Bowlby et
"
Mary Ainsworch ", Deuelctþrunt,r,l Psychology, 1992.
¡r'' cYct,E ou unN 67
66 Núcoct¡z¡oNs.ç¿Nslslts LE

dont nous donnons et recevons l'énergie émotionnelle lorsque nous de facteurs économiques clés directement liés à l'état d'esprit ,7.
sommes en état d'attachement. Le corps, Ies émotions, I'esprit et Une force de travail moins impliquée est synonyme de niveaux de
l'âme sont tous impliqués dans le processus de formation du lien. productivité moindres pour les entreprises. Cette étude en dit long
Lorsque I'attachement conduit à la formation d'un lien, nos émo- sur la rupture du lien dans nos environnements de uavall. La
tions sont toujours impliquées. Les exprimer fait partie du processus Figure i.2 présente les niveaux d'implication recueillis.
de formation du lien. Les personnes qui ne sont pas conscientes de
leurs émotions ou qui les bloquent seront limitées dans leur capacité
à nouer des liens. Cela exige en effet d'être réceptif et tourné vers 35v"

autrui et capable d'exprimer de l'énergie et de la chaleur. Un indi-


vidu froid, détaché, dont le corps est fermé et qui se montre rigide et 30 "/o

inflexible, ou qui ne peut pas regarder ou toucher les autres, aura du


mal à nouer des liens. Ce qui est présent dans notre esprit, ce que 25"k
nous pensons et ce que nous cfoyons influent sur notre capacité à
nouer des liens. Une personne sans lien reste détachée. Lorsque les 20"^
individus sont incapables de nouer des liens ou qu'ils n'ont pas fait
leur deuil de liens brisés, ils sont plus susceptibles d'être pris en ota- 15 "k

ges par les autres.


Comme l'illustre la prévision autoproductrice négative, l'état 10 o/o

d'exclusion, le sentiment d'être isolé ou déconneccé, produit des


individus enclins à se voir et à voir les autres en noir. Par exemple, 5v.

un manager qui ne quitte pas son bureau et qui refuse de s'engager


O o/"
dans la formation de liens sociaux aura une perception négative des
autres. Ses collaborateurs et ses collègues, en retour, le percevront (1tgo" ,"t" -"".t* '.d or."*?.^"'oÑ
n'"tâed
comme un individu négatif.
Lorsque les individus sont dénués d'attachements, ils ne sont
pas impliqués dans ce qu'ils font. Et cette absence d'implication Figure 3.2 - Niveaux d'implication effective dans le travail
peut avoir des conséquences graves pour un leader et une organisa- SoLrrce : Étude Gallup, . Poll Reve¿rls German are Just \Øorking to Live o, 20011. Dispo-
nible strr www.clw-worlcl.cle/clw/article/0,1t 64,I094681,0o.htm1.
tion. Une étude internationale, conduite sur une période de trente
ans par I'institut Gallup sur l'engagement émotionnel au travail
(publiée en 2O04), montre que Ia majorité des individus n'éprou-
-ùØood, Cela signifie que dans le pays qui a obtenu le meilleur scote,70 7o
vent pas de lien affectif pour leur travail6. Selon Gerald des salariés ne ressententþas de lien affectif pour leur travail !Ce n'est
directeur de Gallup en Allemagne, ., le niveau d'attachement affec- pas le travail en tant que tel qui rebute les salariés : l'al¡sence de lien
tif au poste a une corrélation directe avec la productivité, la satis- d'attachement tend à être motivée par les relations avec les collègues et,
faction du client, les jours de travail perdus et le turnover - alrtant en parciculier, le supérieur direct. ,, Nous avons découvert que la tela-
tion avec le supérieur direct est extrêmement importante ", souligne

6. Étude Gallup, o Poll Reveals Germans Are Just \Øorking to Live ",
2I lanvier 2004.
1 . Écr-rde Gallup ,2OO4.
(r8 NÉ,GoctArtzNs s¿N.çIs¿¿.ç LI: CYCLI, OU t,ttN 69
!r"
Gerald \X/ood. ,, C'esr là quese noue ou non le lien affectif., Il ajoure
Nous savons que de nombreux individus ne ressentent pas la peur
que malheureusemenr, selon certaines études, la majorité des person-
" lorsqu'ils ont formé des liens affectiß. De fait, la per-rr peut être une
nes qui ne sont pas heureuses dans leur travail ne font rien pour changer
rnanifestation de la rupture dr-r lien à cet instant.
les choses
". Et lorsqu'un individu se sent impuissant à changer une
situation, quelle qu'elle soir, c'esr qu'il est devenu otage. Lorsque nous
Séparation et deuil
nous sentons prisonniers, nolls sommes plus stressés et moins positiß
Larrachement et la formation de liens mènent toujours à la séparation.
ec, par conséquent, nous avons moins d'énergie polrr ce que nous
Celle-ci est une transition ou un changement dans I'attachement, qui
faisons.
peut avoir un impact négatif grave si elle n'est pas gérée correctement.
La formation de liens a le pouvoir de produire Llne énergie
Mais elle peut aussi être une expérience positive, lorsqu'elle intervient
incroyable. Mère Teresa pouvait regarcler une fleur, y voir la présence
au bon moment et si elle est abordée de la bonne manière. La sépara-
de Dieu et en être émue aux larmes. Lorsqu'elle voyait un enfant
tion ouvre le processus de deuil qui, à son tour, ouvre le cæur à de nou-
mourant dans les rues de Calcutta, elle était envahie par Ia compas-
veaux attachements. D'une certaine manière, la séparation est aussi
sion et emmenait l'enfant dans son orphelinat, tolrt en sachant qu'il
naturelle que I'attachement. Elle peut survenir au bout d'une minute,
mourrait le lendemain. Dans son esprit, auclrn enfant ne devait mou-
d'un an ou même de quatre-vingts ans. La mort elle-même - même si
rir seul. La plupart d'entre nous ne supporteraienr pas cl'être entourés
vous croyez à la renaissance après la mort - conduit à une perturbation
par tant de souffrance. Pourranr, son rravail lui donnait une énergie
physique et psychologique des liens d'attachement. Lorsque nous
hors du commlln. Si elle a pu accomplir et donner alltant, c'est grâce
vivons une séparation, elle nous conduit au processus de deuil. Chez
à sa capacité à nouer et renoLÌer continuellement des liens.
tolrs les mammifères, accomplir ce processus est essentiel pour se
La formation de liens peut se produire instantanément ou au fil défaire du lien antérieur et permettre à son cceur de s'ouvrir à de nou-
du temps. Elle peut reposer sur des mots ou être non verbale.
veaux liens ou de renouveler un lien existant temporairement rompu.
C'est un des exemples de connexion non verbale les plus émouvants que je C'est un cycle ininterrompu.
connaisse. Un homme était à bord d'un avion qui venait de décoller de
En 1981,j'ai organisé un atelier pour des pédiatres, dans un hôpital du
I'aéroport de Denver. Les ailes de I'appareil n'avaient pas été correctement z sud de l'Allemagne. f une des médecins est venue me voir à la fin pour me
dégivrées et I'avion s'est écrasé. Pendant les 45 secondes que dura la chute
demander des conseils sur l'une de ses patientes. La petite Hannah, âgée
de I'appareil, le passager en question ne quitta pas des yeux l'hôtesse qui
de neuf ans, ne pouvait plus s'alimenter à cause d'une grosse boule qui
était assise à I'avant de l'avion et qui le regardait dans les yeux. Après I'acci-
était apparue dans sa gorge. Les médecins ne parvenaient pas à trouver de
dent, la boue, la neige et des pierres s'engouffrèrent dans l'appareil.
raison médicale à son état. Cela faisait plus d'un mois qu'elle n'avait
L'homme avait un poumon perforé, une jambe cassée et une commotion
absorbé aucune nourriture solide.
cérébrale, mais il parvint à porter secours à deux autres passagers avant de
Mon interlocutrice se demandait si le chagrin pouvait être respon-
tomber dans le coma. Deux jours plus tard, lorsqu'il se réveilla à I'hôpital, sa
sable de cet état. Lorsque j'ai discuté du cas avec elle, nous n'avons dans
l
première question fut : rt 0ù est I'hôtesse ? Lorsqu'on lui apprit qu'elle
un premier temps identifié aucune perte dans la vie d'Hannah. Toutefois,
était morte dans I'accident, il se mit à pleurer. ll expliqua que, en dehors de
en nous plongeant dans les dossiers, nous avons trouvé une note concer-
sa mère, il n'avait jamais connu personne qui lui ait autant donné en un
nant son n côchon domestique n. La pédiatre et moi avons élaboré une
laps de temps aussi court. rr Vous comprenez, je n'avais pas peur. J'étais prêt
stratégie. Elle a ensuite parlé de son cochon à la petite fille. Les parents
à mourir. r Pendant de longues années, il apporta des fleurs sur la tombe de
d'Hannah étaient fermiers et son père luiavait donné un porcelet,l'avor-
I'hôtesse, expliquant :n Je ne veux pas qu'on I'oublie, parce qu'elle m'a tant
ton d'une portée. Elle avait nourri I'animal qui avait survécu grâce à ses
donné l'espace de ces quelques instants. r
soins. En un certain sens, c'était son a bébé r.
O N É,GoctAT'nNS J'tNs1s/-D.ç cYCr,E Du r,tLN 7l
[' 7 r,D.

Un beau jour, en rentrant de l'école, elle découvrit que son cochon, iarnais. Il
exisre ainsi deux pôles: les personnes qui ont peur de
i,urru.h", parce qu'elles ne veulent pas éprouver de chagrin et celles
r Grognon r, avait été abattu. Ce fut un choc énorme pour elle. Oui plus
quri souffrent et qui ont peur de nouer de
est, en allant à l'école, elle devait passer tous lesjours devant la carcasse nouveaux liens.
pendue à l'entrée de la grange. Cinq jours plus tard, son père essaya de

Les huit stades du deuil


I'obliger à manger la viande de Grognon, pendant que ses frères plus âgés
riaient et que sa mère restait assise sans rien dire. Hannah fut hospita-
Laperte et le deuil ont fait l'objet d'excellents travaux de
recherche.
lisée le lendemain.
On citera notamment ceux d'Elisabeth Kübler-Ross et de Stephen
Ce traumatisme mis à jour, il s'agissait désormais d'aider Hannah
Levines. on distingue généralement huit phases dans le processus
à de
faire son deuilde Grognon. La première fois orll la pédiatre aborda le sujet,
deuil : le déni, la protestation et la colère, la tristesse, la peur ou la
Hannah lui tourna le dos et refusa de parler. Avec affection et une douce
reffeur, l'acceptation mentale et affective , la création de nouveaux
insistance, la pédiatre continua à parler à Hannah, quise mit en colère, lui
liens d'attachement ou le renouveau, le pardon et enfin, la gratitude,
martelant la poitrine de ses poings. La pédiatre maintint le lien et au bout
la découverte d'un sens à la Perte.
de quarante-cinq secondes, la fillette se jeta dans ses bras et sanglota
pendant près d'une demi-heure. Après cette catharsis, elle réussit à absor- 1. Déni
ber un peu de nourriture solide pour la première fois depuis un mois. La
Lorsque les individus sont en phase de déni, ils éprouvent du chagrin
grosseur diminua immédiatement et disparut totalement au bout de deux
et cherchent en fait à se protéger. Dans certains ças, le déni est salu-
taire, mais il devient un problème s'il subsiste trop longtemps' Les
jours. Ses sanglots représentaient un progrès considérable et pour la pre-
mière fois depuis sa séparation d'avec son cochon, elle entama le proces- rfavalrx conduits slrf des enfa¡rts ayant été envoyés très jegnes dans
sus de deuil - le premier pas vers la guérison, Le soutien apporté par la des pensionnats indiquent qu'un grand nombre d'entre eux sont
pédiatre à Hannah dans le processus de deuil aida la fillette bien davan- incapables d'exprimer la profonde souffrance que suscite cette sépa-
tage que les médicaments. ration, parce qu'ils ne veulent pas que leurs parents se sentent coupa-
Lorsque les individus ne peuvent faire face à Ia séparation et au der-ril, bles. Ils refoulent clonc leurs émotions et i( nient o leurs sentiments.
Ce faisant, ils entrent dans une pl-rase de douleur subconsciente, qui
ils sont incapables de former de nouveaux attachements et de nou-
lgs rend incapables de s'attacher ou de nouer de nouveaux liens.
veaux liens. La victimisation et le sentiment d'être otage rrouvent
leur origine dans cette séparation et cette perte non surmontées.
2. Protestation et colère
Parfois, la culpabilité joue elle aussi. þnt que les individus se sen-
Après le déni, viennent la protestation et la colère. Certains indivi-
tent coupables, ils entretiennent le lien d'une manière destructive,
dus extériorisent cette doulelu et passent à l'acte, à travers des
bloquant du même coup le processus de formation de nouveaux
comportements de violence ret d'agression. Si la ph-rpart ne Fran-
liens. Le désespoir est un autre résultac possible : c'est le détache-
chissent jamais Ie pas, ils ont néanmoins besoin cl'exprimer leur
menc ultime. Le clésespoir s'installe lorsque les individus ne peuvent
colère, et cette réaction est narurelle. Ils ne veulent pas renoncer à
être consolés que par ce qu'ils ont perdu : la femme qui a perdu un
ce qui leur fait du bien et les réconforte, à des points d'ancrage bio-
enfant, I'homme qui a perdu son travail, quelqu'un dont la maison a
logiques ou psychologiques. La perte d'un attachement, cluel qu'il
été détruite par un incendie. Si ces individus ne peuvent être conso-
lés que par ce qu'ils ont perdu, ils sont condamnés au désespoir. C'est
la raison pour laquelle ne peux vivre ni avec toi ni sans toi , est
" Je 8. Elisabeth Kübler-Ross, On Death a.nd Dying, Tavistock, 1970 ; et Stephen
une affrrmation profondément destructrice. Pour éviter le chagrin,
Levine, Hulin¿; ìnto Life ¿nd Dc¿tlt : A Gr¿dtt¿l Araakenìng, l)oubleclay,
certains individus vont dans l'autre extrême : ils ne s'attachent 1L)89.
Í 7 2 NÉ,GlctAT'rcNS.r¡Ns1d¡-¿.t ut cYCLr, DU r-tEN 73
I

soit (personne, animal, promorion, objectif ou maison), est vécue


boule dans la gorge et une pression derrière les yeux. Lacte de pleu-
comme un déchirement.
rer est essentiel pour mener ce processlrs à son terme. Une des raisons
J'ai connu une vieille dame qui a perdu sa maison dans un incendie. Elle oor,rr lesquelles les hommes meurent entre sept et douze ans avant les
regardait sa maison dévorée par les flammes, le visage couvert de larmes. ?..-", por.rrrait être que nombre d'entre ellx sont incapables de
Elle a supplié les pompiers d'arrêter l'incendie. Elle criait :n Ce n'est pas la pleurer et d'exprimer leur chagrin pour faire leur deuil. En consé-
maison, je peux en construire une autre. Mais les photos, les photos. n Elle quence cle quoi, ils se détachent et clemeurent dans ltn état chroni<.¡tre
parlait des photos de son fils de trois ans, décédé plus de quarante ans de solitude, incapables de nor-rer de nouveaux liens.
auparavant. Regarder sa maison brûler et affronter la perte des photos a
réactivé tout le processus de deuil :c'était comme si elle perdait son fils 4. Peur ou terreur
une deuxième fois. La sensation de peur est une forme de contraction. Les inclividus se
retirent en eux-mêmes ; ils prennent en fait conscience c1u'ils sont
Quel que soit l'objet de l'attachemenr, c'est ce qu'il représenre aux o distincts )) - all sens où chacun est un être en tant que tel - et en
yeux de I'individu qui compre. Ce qui nous procure du réconfort : danget. Lattachement, hâtons-nous de le préciser, n'est pas Lrn moyen
ces individus oll ces choses deviennent nos points d'ancrage, nos d'échapper, à notre condition d'individu. Nous sommes seuls clans
bases cle sécuriré. Tour le monde peut tomber malade, perclre *n ami, norre voyage à travers la vie, c'est vrai, mais rien ne nous.oblige à nous
un emploi ou le sentiment d'être en sécurité quand sa maison est sentir abandonnés. Certaines personnes sont otages de la solitude,
cambriolée. Si nous perdons trop de liens d'artachement trop vire, parce qr-r'elles ont peur de souffrir et cle nouer de nouveaux liens. Le
nous risquons de ne plus être capables d'en nouer de nouveaux. processlrs de deuil rappelle à notre attention qlre nous sommes << url >>.

Ken travaillait en étroite collaboration avec un collègue. celui-ci mourut Dans ces moments-là, nous noLrs voyons tels que nolrs sommes réel-
dans un accident de voiture. Le choc fut si profond que Ken se mit à accu- lement. La capactté à gérer les crises, à affronter une séparation est
muler les mauvais résultats, au point que son emploiétait menacé. llavait consul¡stantielle à notre identité, parce que la crise nous ramène à
non seulement perdu un ami proche, qui était une base de sécurité, mais nous-mêmes, à I'essence de notre être. La formation de liens en tant
il développa en outre une angoisse de l'avenir liée au fait qu'il pouvait que telle ne constrlrit pas notre identité. Bien au contraire, si nous
mourir subitement et laisser ses enfants sans père, comme son ami. C'est ngtrs reposons trop sur elle pour nous réaliser, elle devient une forme
cle co-dépendance. Certains individus réagissent à une perte par une
un phénomène quitouche parfois les pompiers et les policiers : ils vivent
per-rr profonde, qui per-rt être soignée de noml¡reuses manières. Lorsclue
les morts auxquelles ils sont confrontés dans I'exercice de leurs fonctions
nous sommes capables de nous tourner vers les autres, de prendre la
c0mme une perte et passent par des réactions de souffrance.
main de quelqu'un, de parler de ce que nous éprouvons, nous pouvons
La protestation est une façon saine et naturelle d'exprimer son cha- utiliser le processus de formation du lien pour soulager notre chagrìn.
grin. Un individu peur réagir à nne perte par la violence, qr_ri déclen- Nous savons que le deuil ne peut être vécu seul. Le processus cloit avoir
che le chagrin. Il est imporrant d'être capable d'exprimer sa colère de lier¡ avec une aLrtre personne, au sein d'une famille, d'un groupe ou
manière saine pour l'évacuer. d'r"rne tril¡u. Un exemple poignant nous en est offert par les vétérans
qui rentrent du champ cle bataille, traumatisés par ce,qu'ils ont vécu.
3. Tristesse, mdnque ou nostalgie Ils doivent passer par des processlrs de deuil spécifiques pour être capa-
Lorsque les individus sont réellemenr en proie au chagrin, la tristesse bles d'ouvrir à nouveau leur ccrur. De nombreux vétérans conservent
vient du plus profond de l'être. Ils ont envie de pleurer, d'exprimer de profoncles cicatrices affectives, parce qu'ils n'ont jamais affronté et
le'rs sentiments par cles larmes. cela débute dans le ventre pour sttrmonté leur souffrance. On considère désormais que la souffrance
remonter, pareil à r-rne douleur clans la poitrine, avant cle devenir une non dite peut récluire l'espérance cle vie.
r 7 4 N ÉGocrA'r'r,oNS.r¿NJluL¿.r
r,L cYCt,E DU r,tEN 75

5. Acceptation mentale et affective


Au cours de cette nouvelle séparation. Dans tout nouveaLt lien d'attachement, il est
phase, l'individu devient capable c|accepter ra
pefte' mentalement et affectivement. c'est importanr, parce que imporønt de renoncer au chagrin et d'accepter la nouvelle personne
cela pour ce qu'elle est, et nôn comme un substitr-rt à la perte.
signifie que, au fond de nous, nous arrons accepté la perte et que nous
pensons pouvoir continr-rer notre rolrre ou même continuer Une des histoires les plus poignantes dont j'ai été témoin est celle d'un
à exister.
Dire que l'on ne peur pas vivre sans quelqu'un ou quelque chose couple qui était marié depuis plus de cinquante ans. Bien qu'ils aient fêté
est
une affirmarion malsaine er désespérée, une forme à. ,ui.id". leurs noces d'or, leur mariage se brisa brutalement. Elle tomba malade et
No.r,
clevons être prêts à nous détacher de tout ils commencèrent à se quereller. Après cinquante-trois ans de mariage, ils
- même de nos enfants o*
des choses qlre nous considérons comme profondément importantes voulaient divorcer. lls se séparèrent effectivement, pour vivre chacun de
pouf nous. Non pas que nous souhaitions perdre des êtres ou des cho- leur côté. Leur fille les traîna dans mon bureau en disant : t Aidez-nous, je
ses qui nolrs sont chers, mais rorsque cela arrive, si nous vous en prie. Cela n'a aucun sens de divorcer quand on est marié depuis
pouvons
franchir Ie cap, accomplir le processus de deuil pour ensuite créer aussi longtemps. r Voilà I'histoire. Le couple n'avait jamais affronté pour
de
nouveaux liens, nous aurons pl's de chances de vivre une vie de bon l'idée qu'un jour ou l'autre, leur mariage prendrait fin. lls pen-
épa-
nouie et enrichissante, er même de vivre plus longtemps. Il saient réellement qu'ils vivraient heureux pour toujours. lls passèrent le
a en effet
été étabh que les hormones impliquées dans le p.o..rr,r, cle longé_ cap du 25'anniversaire de mariage, puis du 40'. Mais leurs noces d'or leur

vité sont également connecrées au lien social. George Burns, le cérè- firent prendre conscience de tout le temps qu'ils avaient passé ensemble.
bre comédien qui mourut à cenr ans et qui avait ,o.,¡o.r^ eu lls commencèrent à se dire que le temps leur était peut-être compté et
une vie
sociale riche, a éré profondément affecté par le décès de sa entamèrent une discussion sur qui allait mourir en premier. lls se querel-
femme,
Gracie' Il se rendair solrvenr sur sa rombe et lui parlait tous les jours. lèrent tant et si bien à ce sujet qu'ils firent plusieurs pactes de suicide et
Mais il n'esr pas resté co'pé des autres, enfermé dans le désespoir il s'en fallut d'un rien qu'ils ne parviennent à leurs fins. La première fois,
ou
la dépression. Il a été capable de maintenir son lien au"c Groci" ils essayèrent le monoxyde de carbone, la deuxième, un revolver et la
ro,rt
en accomplissanr le processus de deuil. Il a su lui dire au troisième,'des médicaments. Lidée de devoir se dire au revoir leur était
revoir, rrou-
ver de nouveaux liens d'attachement et retrouver la joie cle vivre. i nsu pportab I e.
L'épouse en souffrit tellement qu'il fallut l'hospitaliser. lls n'avaient
6. Formation de nouveaux liens parlé à personne de l'épreuve qu'ils traversaient, la portant comme un
Tisser de nouveaux liens nous apporte réconfort et sécurité, fardeau secret, jusqu'à ce qu'ils finissent par s'en ouvrir à moi. lls entamè-
tout en
contribuant à notre bien-être physiologique et psychologiqr_re. rent le processus de deuil et je demandaià l'épouse :tr Combien d'années
Nom_
bre d'individus resrenr prisonniers de la phase de cle.if clu cvcle croyez-voùs qu'il vous faudra pour dire au revoir à votre mari ? r En lar-
clu
lien et ne peLrvenr nouer de nouveaux liens après lu p.rt. d,r,n mes, elle me répondit :r Au moins encore cinquante-trois ans. rr Ce à quoi

emploi' un divorce oll un déménagement. Ils veulent a.,ro,-,rr", ." je lui répondis :rt Alors, il est grand temps de vous y mettre. r

c1r-r'ils ont perdu. Nous savons que le taux cle divorce lls purent alors se faire à I'idée qu'un jour, ils seraient séparés et qu'ils
des cleuxièmes
mariages esr plus élevé que cerui des premiers. Il semblerait n'étaient pas immortels. Le couplê avait été enfermé dans un chagrin par
que res
individus qui se remarienr après un échec senrimental n'épo'r"n, anticipation. Si nous ne pouvons accepter la séparation qui finira par sur-
pu,
réellement leur nouveau conjoint. Ils épousent un remplaçanr venir, chaque instant devient une perte anticipée. Ce couple a pu changer
er,
lorsqu'un conflit surgit, tout le chagrin passé est réveillé., l. pro."r- l'æil de son esprit et tout son cadre de référence, lorsque les époux ont pu
sns de deuil est activé. Les personnes qui attenclent.rn faire leur deuil. Chaque minute supplémentaire de leur mariage est alors
an a,nunt d. s.
remarier ont beaucoup pl's de chances de ne pas divorcer. Les devenue un cadeau et non une perte. Et ils ont pu connaître la joie de
sta-
tistiques indiquenr que seulement 35 7o d'entre elles vivent vivre à nouveau leur attachement.
une
¡' 7 6 Núcoc:t¡zrcN.r.ç¿NsIIJ¿¿,t r,E cYCr.D, DU r,tEN 77

Les personnes qui ont peur de mor-rrir, d'échouer ou de connaître une


renoncer, obéissant à des tendances suicidaires ou se murant dans
perte ne peuvenr pas réellemenr vivre. C'est à I'instant où nous
un sentiment de solitude et d'al¡andon, avec de élraves conséquen-
acceptons le fait que nous molrrrons que nous polrvons réellemenr et psychologiques. La gratitude naît du senti-
ces physiologiques
vivre. Lorsque nous acceprons cette réalité, nous gagnons notfe auto- connectivité que nous retirons de nos liens d'attachement.
ment de
nomie er nous pouvons alors nouer de réels liens cl'attachemenr,
Sans attachement, il n'y a pas de lien possible, ce qui signifie que
parce que l'attachement devient un choix authentique et que nous
nous ne pouvons connaître l'échange d'énergies qui en est l'essence
savollfons chaque instant de I'existence. Le même pfocessLrs valrt
rnêrne. Le bonheur n'est pas un but insaisissable que l'on poursui-
pour nos enfants. Dès l'instant de leur naissance, norre sort est de
vrait en dehors des choses. Il est dans ce qui survient, ici et main-
les regarcler grandir er nous quirter. chaque stade de développe-
rcflant. Nous ne sommes pas le centre de I'univers. Il y a quelque
ment s'accompagne d'une réaction de chagrin, de deuil que cerrains
chose au-delà de nous, qui inspire la gratitude. Nous lìe sommes
pafents ne peuvent géter. lenfant n'est pas autorisé à devenir un
pas la cause. Les victimes, elles, se prennent en otages parce
individ'à part entière. En conséquence de quoi, les enfants quirtent qu'elles bloquent le processus de gratitude. Les victimes s'apitoient
le foyer famrljal, incapables de gérer la séparation et le chagrin et,
sur elles-mêmes ; elles sont passives et se sentent ,, impuissantes o
sollvent, les conflits et les affrontements se multiplient, parce qll'un
à agir pour obtenir ce qu'elles veulent.
parent ou les deLrx ne peuvent pas dire au revoir pour de bon à ce Confrontés à la perte de leur emploi, un certain nombre de
stade de la vie. Dès lors, I'enfant doit se battre o' avoir recours à
citoyens (< normaux > sont retournés sur leur lieu de travail et ont
l'agression ou à la colère pour gagner son srar'r d'individu. une fois
assassiné des collègues qui ne leur avaient rien fait. Prisonniers de Ia
que nous sommes capables de dire au revoir, de nouer de nouveaux
séparation ou du deuil, ils sont incapables de continuer à aller de
liens, de renaître et de trolrver Lrne nouvelle source de réconfort, I'avant. À.r." moinclre échelle - colère contre un voisin qr-ri a coupé
alors, nous .sommes prêts pour la phase suivante : le pardon. un arl¡re que l'on aimait, pertes de certains privilèges, etc.,-, la perte
et le deuil peuvent plonger certains individus clans le ressentiment et
7. Pardon
les amener à adopter des comportements qui leur nuisent.
cette phase du der"ril esr celle de Ia guérison, de I'apaisement. par-
donner, c'est alr sens littéral être capable de donner à nouveau, de Après avoir travaillé plusieurs années dans la même entreprise, Mary
,, donner pour > les autres. Prisonnières de ler-rr malheur ou de leurs espérait obtenir une promotion. La direction, toutefois, préféra recruter
souffrances, les personnes qr-ri ne savent pas pardonner sont bien sou- un nouveau collaboratçur doté de solides compétences de management
vent otages d'elles-mêmes ou pfennent les autres en otages. Dans un général, mais sans expertise particulière dans son domaine. La jeune
cas comme dans l'autre, elles se ferment les portes de la joie, de femme fut rétrogradée. Mary avait le choix:accepter la situation mais

I'amour et de la gratitude authentiques. être amère à cause de qui était arrivé, ou tirer un trait, passer à autre
chose et trouver un autre emploi. C'est ce que la jeune femme choisit de
8. Cratitucle faire, décrochant un poste fabuleux avec davantage de responsabilités et
La dernière phase du cle'il est la gratitude, signe que nous avons gagnant du mêrqe coup le respect de ses anciens collègues.
réellement accompli le cycle ch-r lien et que nolls sommes parvenus
Ce sont la peur et la douleur de la perte qui empêchent les indivi-
à son terme. La gratituc'le désigne ce qlìe nous vivons et éprouvons
dus d'agir de manière saine et rationnelle. Les études montrent que
lorsque nolrs sommes dans la plénitude du lien, avec d'aurres êtres
la plr-rpart des individus cherchent à éviter la souffrance, la peur et
hr-rmains, des animaux domestiques, des lieux, des objectifs, des
Ia perte. Mais ce faisant, on s'interdit de pouvoir accomplir le pro-
objets, la vie elle-même. sous le poids des épreuves qu'ils onr rra-
cessus de deuil et donc de rebondir vers autre chose. Cela peut
versées, certains individus pcuvcnt rompre le lien irvec la vie er
même se produire dans des situations positives, comme lorsque des
r 7 8 NÉG oc t A't'roNS.ç¡N.r1rJl.rs LL, cYcr.E DU r.tLN 79

individus ressenrenr un senrimenr de perre à la fin d'un projer. Il les plus heureux, sont ceux qui ont connu de dures épreuves. L<lrsque
est important d'admettre que le projet esr parvenu à son terme, de nous formons un lien, nous fusionnons d'une certaine manière notre
le fêter et d'en dresser le bilan, afin d'aider les collaborarelrrs à pas- identité avec la personne ou la chose à laquelle nous sommes liés. La
ser à aucre chose. séparation nous permet de ressentir à nouveau plus fortement notre
0uatre collègues avaient travaillé ensemble pendant six mois sur un pro- identité.
jet stratégique pour l'entreprise. Chacun avait sa propre personnalité,
mais ils étaient unis autour d'un même but: créer un,nouveau slogan Les sept manifestations du lien brisê
pour leur société. parce que les liens sont souvent brisés, de nombreux individus
Au cours du projet, ils eurent leurs désaccords et leur lot de moments deviennent otages des autres ou d'eux-mêmes. Ils évitent ou refu-
difficiles. Toutefois, parce qu'ils partageaient réellement le même but, sent le lien, ou restent enferrés clans la séparation, ou bloqr"rés dans
ils formaient une équipe soudée et unie. Une fois le projet mené à bien, le processus de der-ril. Toute ruptlrre dans le cycle du lien peut être
l'équipe fut dissoute et chacun retourna à ses occupations habituelles. la source de problèmes. Les sept manifestations du lien brisé sont la
lls connurent pourtant pendant plusieurs semaines une période de maladie psychosomatique, la violence et l'agression, la dépendance,
n deuil r, en ce sens qu'ils n'avaient plus besoin de se voir, ni de discuter la dépression, l'épuisement, la réaction de stress et le conflit orga-
régulièrement ensemble. lls restèrent en contact par courriel et chaque nisationnel.
fois qu'ils se rencontraient, le sentiment de connexion était immédiat.
Si les contacts diminuèrent progressivement au fil du temps, le lien 1, Troubles psychosomatiques
demeura. Cette expérience fut particulièrement riche, tant pour l'entre- Les scientifiques viennent cle découvrir que la rupture du lien peut
prise (qui obtint le meilleur d'une équipe à haute performance) que p0ur rédnire la clurée de vie. En 1917, James Lynch publiait un ouvrage
les individus (qui y gagnèrent de nouvelles compétences et des liens précurseur, intitulé Tlte Broþen Heart : The Medical Consequences of Lone-
d u ra bl es). lìness, dans lequel il décrivait cette relatione. Depr,ris lors, des milliers
d'articles de recherche ont été publiés qui démontrent I'influence cles
Comme nous l'avons déjà souligné, le chagrin est inévitable lorsqu'un relations intêrpersonnelles sur la santé.
lien d'attachemenr parvient à soñ terme. Et .le chagrin, malher_rreuse- Cela expliqlre par exemple pourquoi Lrn pourcentage élevé d'indi-
ment, peut susciter des réactions extrêmement violentes chez l'être vidus ne survivent que quelques mois - voire quelqr"res heures ou
humain, lorsqu'il n'accepre pas la perte qui découle d'une sépararion quelques jours -- au décès du partenaire avec qui ils ont vécu plu-
forcée. Il a alors recours à la violence o. à I'agression pour faire faceàla sier-rrs dizaines d'années. Même si leur clécès peut être attribué à une
situation et la surmonter. Les exemples sonr innombralrles d'individus crise cardiaque ou tolrte autre cause, il s'agit en fait cl'une réaction de
devenus violents après avoir appris, par exemple, que leur conjoint chagrin au lien l¡risé. Selon r¡ne étude menée auprès de personnes
voulait divorcer ou qr,r'ils avaient perdr-r leur ernploi vivant seules et rentrant chez elles après une crise cardiaque, B0 Vo
Le cleuil est indispensable au bon développement de la personne. d'entre elles meurent dans les six mois, contre 25 û/o chez les indivi-
La perte et la souffrance que nolrs traversons et surmontons devien- dus qui ne vivent pas seulst". Les études montrent également que les
nent alors parties intégrantes de notre identité et c'est en ce sens
qu'être capable d'affronter les sépararions de la vie est vital pour le
développement de chacun. Au cours du processus de deuil se crée 9. James Lynch , The Broþen Heclt : tl:e Medicøl Consetlnences of Loneliness,Basic
une forme de blessure - o les moments sombres de l'âme ,. Bien Books, 1977.
souvent, les individus qui nouent les attachements les plus forts à 10. James Lynch, A Cry LlnhearcÌ: New lrtsigbtt intu tlte Me¿lical Causeqneaces of
d'autres individus ou à des buts, qui rénssissenr le mieux ou qui sont Loncli uess, Bancroft Press, 2000.
8O NÉcoc tttrloNJ.rliNslur-¡J t.utN 8l
l" r,L cyct.t t>Lt

individus mariés vivenr plus longtemps. si Lrne personne subit une


sst eo eLrX, ler-rr permettant d'échapper temporairement à leur senti-
intervention chir.rgicale à cæur ouvert et qu'elle possède un animal
ment de victimisation et d'impuissance. Mais la violence n'est pas
domestique' ses chances de survie augmenrent de 75 7o. rnnom-
une solution. Le processr-rs de der,ril est un processLrs social, qui inter-
brables sont les ét'des qui mettenr en lumière I'importance du lien
vient ar,r sein d'un groupe, au cours duqr-rel d'ar-rtres individus protec-
affectif pour norre sanré.
reurs et fiables aiclent celui qr-ri a subi la perte' quelle qu'elle soit, à
on observe ainsi q.e les hommes sont plus exposés que les fem-
renouer pleinement avec la vie. La cultr-rre occidentale, il far-rt le
mes' Ils vivent en moyenne sept à douze ans de moins que ces der-
noter, présente Lrne forme d'aversion au cler-ril - après une perte' nous
nières et la seule variable pertinente mise à jour par les études est le
pensons qLIe nolrs devons sans tarder passer à ar,rtre chose. Mais, répé-
réseau social. En effet, les hommes ne nouent pas de liens affecrifs
rons-le, le deuil fait partie du cycle du lien. Pour briser les chaînes de
aussi forts que les femmes ; ils ont aussi plus de mal à faire leur
la violence, les individus cloivent apprenclre à condr-rire ce processus
deuil. Les érr-rdes monrrenr également que les individus qui ont des
et à vivre le cycle du lien et, partant, à connaître I'empathie et la
filles vivent plus longtemps, de même que ceux qui ont un ou une
comPassion.
amie d'enfance. une étude des taux de monalité sur dix ans a mis
en lumière qu'il existait un lien entre la santé clu réseau social d,un J. Dépendance
indivrdr-r er sa santé physiqr-re. Les relations inrerpersonnelles sont Arieti définit la dépendance comme .
un attachement pathologiqr,re à
l'un des l¡oucliers les ph-rs puissants contre le srress er ses effets une drogue, une personne olr une expérience qui moclifle I'humeur ,rl.
négatifs. Un inclividu incapable de nor-rer des liens se tournera vers l'alcool, la
nourriture, la drogue, le jeu, la sexualité, Ie travail ou la consomma-
2. Violence et agression
tion, afin de trouver le réconfort qu'apportent normalement les inter-
La violence que connaissenr nos sociérés occiclentales tient a' moins
actions avec autrui. À la racine de la dépendance, on trouve le fait que
pour partie au nombre d'individus qui, chaque jo'r, vivenr cles per- les alrtfes sont perçus comme une soLrrce de souffrance et de frus-
tes, voient leurs liens d'attachement brisés ou se murent clans leur
tration. Le désir d'éviter la souffrance présent dans l'æil de I'esprit
solitude. pousse l'individu à chercher du réconfort dans autre chose. En dernier
Prenons, par exemple, I'augmentation de ra violence parmi les recours, les comportements de dépendance conduisent à un détache-
gangs d'adolescents. Elle peut être attrib*ée à des enfanrs qui, ment des autres, qui peut inhiber la formation de liens dans les rela-
ayant grandi dans la solitude et l'exclusion, rrollvenr clans le gang tions interpersonnelles.
le sentiment cl'appartenance er le lien social dont ils étaienr privés. Dans une étude, il était demandé à cle jeunes adultes : ,. Lorsque
Ils sont prêts à rour, y compris à comme*re des acres de violence, vous êtes stressé ou que vous voulez changer d'humeur, que faites-
pour en restef membres. cette attitude est motivée par le besoin vous ? , ,, Éco.,ter de la musiqlle > a été la réponse la plus citée.
" Voir d'autres personnes , ne figurait qu'en l-luitième position.
d'attachement.
La violence esr Lrne forme de processus de deuil qui a échoué ou Lincapacité à se tourner vers les autres pour trouver du réconfort
d'évitement de la souffrance. Elle peut résulter de pertes présentes ou est révélatrice de problèmes d'attachement et peut se traduire par
passées vécues par l'individn, voire par des générations antérieures des problèmes de dépendance. Labsence de liens est un problème
et
véhiculées dans le présent par des senrimenrs de ressentimenr olr croissant dans la culture actuelle. Il fut un temps .où les familles
d'injustice, ou l'absence de pardon. Les inclividus enclins à la vio-
lence vivent sur le fil de la solirude chronique ou de la clépression,
incapables d'obtenir ce qu'ils ver-rlenr d'une manière normale. La vio-
1 1. Silvano Arieti et Jùles Bemporad, Seaere and Mild Depression : 'f he Prycbothe'
lence devienr Lrn acre de pouvoir pour gérer le volcan émotionnel qui raþeutic Approach, Basic Books, 1978.
f
82 N É,Glc t Ar tlN s srN.ç11J¿¿.r r,L cYCr,[, t>u t-tt:N 83

prenaient leurs repas ensemble, bavardaient au coin du feu et par- une réaction chez tous les mammifères. Pour alltant, traiter les
tageaient d'autres activités propices aux liens. Aujourd'hui, c'est symptômes ne résout pas nécessairement la cause clu mal-être. Les
bien souvent à la télévision ou à l'ordinateLu que s'attachent les anticlépresselrrs pelrvent empêcher I'indiviclu de se sentir déprimé,
enfants... lorsqu'il n'y a pas absence pure et simple de liens d'atta- ce n'est pas pouf autant que celui-ci ne sor-rffrira ¡rlus de la solitude.
clrement. * Les autres sont une souffrance > est une phrase caracté- lénpe suivante consiste à I'aider à retrouver la joie cle vivre. Nous
ristique de la personnalité dépendante, qui recherche dès lors un devons nous soltvenir qtte la clépression est parfois I'incìice d'une
substitut ar-r lien humain. Si I'association des Alcooliques Anony- pertr-rrbation du processus cl'attachement. La rupture du lien peut
mes demeure I'un des systèmes les plus efficaces pour traiter les facilement prendre les individus en otage sous la forme de la
dépendances de toute sorte, c'est parce qu'elle travaille sur le deuil dépression'
et la re-formation de liens. La fin d'un comportement de dépen-
dance s'accompagne toujours d'un changement majeur chez I'indi- 5. Épuisement
vidu : il commence à se tourner vers les autres pour trouver du ,{près la nourriture, I'oxygène et I'eau, le lien est notre plus
réconfort. La dépendance est incontestablement une forme de grande source d'énergie. Si I'incapacité à former des liens pe rsiste,
situation d'otage. Résoudre cette dépendance, c'est parvenir à trou- I'individu risque de s'écrouler. L'épuisement peut être défini
ver notre propre por.rvoir. comme une forme d'intense fatigue, qr-ri conduit au cynisme et all
détachement affectif. Lorsque le sommeil ne remplit plus sa fonc-
4. Dépression tion réparatrice, l'épuisement menace. Lindividu porte un regard
La dépression est un mécanisme biologique et psychologique com- négatif sLrr tout ce qui I'entoure, attitude qr-ri, en retour, I'empê-
mun à tous les mammifères, qui résulte solrvent d'une perturbation che de nolrer des liens. Émotionnellement détaché, il empoisonne
des systèmes d'attachement, passés, présents ou anticipés. Elle pos- I'atmosphère autour de lui, réduisant à néant toLrtes les énergies.
sède des composants physiologiques, métaboliques et génétiques qui Tout ce qu'il fait lui semble vain ou inutile et il perçoit tous les
ne doivent pas être ignorés. Quant aux composants sociaux et psy- individtrs autour de lui de manière négative. Il a également une
chologiques, ils renvoient à la perte, au deuil non surmonté et à image négative de lui-même, ce qui se traduit par I'incapacité à
I'insuffisance de liens positifs retirés du système d'attachement pré- éprouver des émotions positives.
sent. Le fait que la clépression soit assortie de nombreux change- Les individus en état d'épuisement prennent les autres en otage à
ments métaboliques tient à ce que toute rupture du lien social, ou travers leur négativité. Par exemple, un médecin ou une infirmière
exclusion volontaire de celui-ci, suscite des réactions physiologiques qui n'éprouve plus d'empathie pour un patient frnira par tous les
violentes. détester. La même chose est vraie pour un enseignant qui se met à
Dans sa forme la plus extrême, la dépression devient désespoir. croire que tous les étudiants essayent de I'exploiter, un policier qui
Rien ne peut me réconforter, sinon ce qlre j'ai perdu. Ce qui est voit un voleur en tout indivich-r ou une employée de garderie qui
"
perdu l'est pour toujours et je suis condamné à ne plus jamais devient agressive vis-à-vis des enfancs dont elle s'occupe. Quiconque
être totalement réconforté. " La perce de quelque chose d'impor- est en relation avec d'aLrtres individus dans un environnement de
tant - maison, travail, enfant, animal domestique, argent - peut conflit peut souffrir d'épuisement.
ainsi susciter chez I'individu un état de profond désespoir : Je
" 6. Réaction cfe sfress
ne nouerai plus jamais de lien d'attachement, je ne serai plus
jamais réconforté o. Cette réaction est un autre exemple de la Quatre facteurs de stress sont étroitement connectés à I'interruption
façon dont I'æil de l'esprit recherche le négatif. La séparation olr du processus de formation du lien. Le premier est la. þerte. Parfois,
les pertes sont évidentes
I'interruption.du cycle du lien - passé, présent ou futur - créent - décès d'une personne, perte d'une chose
I 84 NÉ,cocnq,z1oN,r.çuN.çt¡t/.it,ç L[, CYCT,E Ou t-n:N 85

précieuse ou divorce. Alors que la séparation fait peser sur nous une
7. Conflit orgdnisationnel
tension physique er émotionnelle, le lien nous protège er nous
La propension d'une organisation à connaître des conflits dépend du
immunise conrre les impacts négatifs du srress. ce dernier est lié
nivear-r de lien qui prévaut entre ses membr:es. Un niveau de conflit
aux demandes exercées sur nous par des sources internes ou externes.
raisonnable favorise IacÉativitê ar-rssi longtemps qlle les liens demeu-
Le facteur clé n'est pas le srress, mais la réaction de l'individu à
rent solides ou facilement renouvelés. Vor.rs est-il arrivé de faire partìe
celui-ci. (Jne personne peur vivre une perte extrêmement doulou-
d'une équipe très performante ou de travailler avec un grand leader ?
reuse et ne présenter qlr'une réaction de stress limitée. ljne autre
Avez-vous éprouvé un fort sentiment de lien ? Les grandes organisa-
connaîtra une perte minime et présentefa une importanre réaction
tions et les grandes équipes ont en commun des leaders qui savent
de stress. La façon dont l'æil de I'esprit réagit à une perte dérermine
créer des liens émotionnels forts. Lexistence de ce type de liens est un
la quantité de stress ressenrie par I'individu et le fait qu,il en facteur de Performances.
clevienne otage ou non.
un autre facteur de stress important réside dans /e confl.it et les rela-
tions négatiues. En présence de personnes avec lesqr-relles nous sommes Les clés du lien organisationnel
en conflir, le volume de stress, en particulier négatif, est élevé, parce + des membres animés d'une volonté d'appartenance ;
que nolrs sommes otages de ces pefsonnes et que nolrs festons dans 'r un engagement émotionnel dans les objectiß ;
des dispositions négatives. Grâce à un lien positif, nos relations avec ,r le dialogue dans le respect mutuel ;
ceux qui nous entourent peuvent s'améliorer
- conjoints, membres ; un leadership créatif;
de la famille, amis, collègues - et réduire par là même le srress que ')' une autorégulation maximale.
nous faisons peser slrr nous-mêmes.
un troisième grand facteur de srress est la þerte d'orienturìon et de
La rupture du lien perturbe I'effrcacité de l'organisation de crnq
bur clans la uie.Iindividu qui n'a pas de but pour clonner un sens à sa
manières :
vie doute de sa propre valeur er se sent impuissant. cet étar d'esprit
ouvre la porte à la menralité d'otage. Labsence de direction er de l¡ut 1. Une équipe performante dispose de rnembres noTìutîs et inpliquds
conduit, en dernier recours, à la rupture du lien. (appartenance), et solidement unis. S'il y a de la peur, de la menace
Enfrn, le quatrième facteur de stress est la solir*d.e. selon le psy- ou de la négativité dans l'équipe, ses membres redoubleront d'efforts
chologue James Lynch, celle-ci esr aujourd'hui I'un des premiers dans leur quête cJu lien, générant ainsi des conflits ou provoquant
facteurs explicatifs des maladies graves liées au stresstt. En prenant l'évitement des conflits.
conscience que nous souffrons d'un lien brisé et de norre tncapacité 2. Une équipe performante est ímotionnellernent imþliquie dans ses oltjec-
à entretenir ou renouveler des liens, nous pouvons reconquérir le tifs et chacun de ses membres est dévoué aux autres. Si chaque
pouvoir slu nos réactions de stress. Vivre un changement, y com- membre n'est pas pleinement Iié aux objectifs définis, l'équipe
pris positif, peut faire peser de lourdes demandes sur notre orga- n'atteindra pas de résultats exceptionnels. Limpossibilité d'adhé-
nisme et susciter un besoin de reconnexion, qui active le processus rer aux objectifs pelrt slrrvenir lorsque ceux-ci ne sont pas clairs
de deuil. ou qlre Ia personne n'y est pas dévouée.
3. Les membres d'une équipe performante ont recours av dialogae
gaidá par le resþæt mutuel.Il s'agit de l'aptitude à avoir des conversa-
tions difficiles avec tact et considération. Lorsque les individus
peuvent exprimer sans crainte ce qu'ils pensent, tout en conservant
12. Lynch, A Cry Unlruacl. \ le lien, alors ils sont aptes à gérer la " douleur , cl'un message
r
86 NÉct¡ctttr1oN.t.t¡NJ1rr¿.t Llt CYCLU oU ln¡'t 87

désagréable grâce au respect. Le lien reste intact ou est rapidemenr


une solution. ,
La femme l'aurait alors serré dans ses bras et aurait été.
renouvelé s'il est l¡risé. à la compagnie aérienne jusqu'à la frn de ses jours.
fidèle
4. Une équipe performante bénéficie d'un leadership néatif. Lorsque Les individus qui présentent un niveau équilibré d'attachement
les leaders ont une vision réductrice de leur mission, qu'ils se aux personnes (capacité à nouer un lien) et aux objectifs (volonté de
mêlent de détails ou se contentenr de contrôler les processus, rétrssir)ont une estime de soi plus élevée et, partant, seront cle
leurs collal¡oratelrrs ne seront pas rnspirés et l'équipe ne donnera rneilleurs contributeurs à la réussite d'une équipe, d'un groupe,
pas son meilleur. Déployer un leaclership créatif , c'est réunir les d'une famille ou d'une organisation. C'est la combinaison de l'atta-
individus pour créer Ia synergie, Ie clésir de donner le meilleur chement aux inclividus (relationnel) et aux objectifs (orienté tâche et
d'eux-mêmes et d'atteindre les objectifs de l'équipe. résultats) qui fait un manager équilibré. De nombreux dirigeants et
5. Les membres d'une équipe performante sont libres d'exercer ltne managers sont très attachés aux objectifs, mais pas assez aux indivi-
autorégulation maxiruøle. Les individus ont besoin de ressentir leur clus. Les personnes empathiques et dotées d'une estime de soi élevée
propre pouvoir et avoir Ie sentiment que leur contribution a un sont également mieux armées pour gérer et affronter le changement.
sens et de la valeur. Ils ont besoin cl'avoir le choix dans ce qu'ils Lhistoire d'Andreas, présentée au début de ce chapitre, I'illustre par-
font et de savoir que leurs actions comptent. Les priver de choix, faitement.
c'est ouvrir la porte à la possibilité qu'ils se sentent otages.

La rupture du lien est source de conflits organisationnels et d'inef- Lien et changement


frcacité. Pourqr-roi cela a-t-il un tel impact ? Parce que, en dernier Dans Ie monde de changement qui est le nôtre, il n'est guère surpre-
recours, la formation de liens est le meillelrr vecteur de la satisfaction nant qlre les individus soient de plus en plus stressés et plongés dans
du client et de la réussite. des conflits. Chez la plupart d'entre nous, la réaction au changement
est la peur. Le changement apporte incertitude et doute, et d'innom-
Une femme se précipite au comptoir de l'aéroport et explique à l'employé de
brables questions : que va-t-il m'arriver ? Que va-t-il advenir de mes
I'enregistrement qu'elle doit absolument prendre le prochain avion pour ren-
amis ou de mes collègues ? Quand serai-je certain cles conséquences
trer chez elle, parce que son fils a été hospitalisé et qu'il est entre la vie et la
du changement ?
mort. [employé regarde son billet et lui explique que c'est impossible, car il
\X/illiam Briggs a cÉé un moclèle de la prise de nouvelles fonc-
n'est pas échangeable. Elle insiste, lui dit qu'il faut qu'elle prenne cet avion et
tions, qui identifie trois phases au changement : Ia fin de quelque
I'employé lui répète ce qu'ilvient de lui dire et lui demande sans ménage-
chose, qui implique un sentiment de perte et de deuil, un au revoir ;
ment de s'écarter, afin qu'il puisse servir les autres passagers. La femme
ensnite, les individus ont I'impression de se trouver dans une sorte de
s'empare alors d'un parapluie et lui en donne un grand coup sur la tête.
zone neLrtre ou de désert ; et enfin, ils sont impatients de vivre le
Comment cette situation aurait-elle pu être évitée ? Si I'employé nouveau commencement ou Ia nouvelle possibilité'3.
insensible s'était senti membre d'une équipe dont la mission est de ser- Ce modèle confrrme le pouvoir du cycle du lien : les individus
vir au mieux ses clients, il aurait répondu à la femme en créant un lien doivent apprendre à accepter la séparation et le deuil, avant de pou-
avec elle. Pour commencer, il aurait pLr tolrt simplement lui manifester voir s'en¿¡ager dans de nouveaux liens. Une chose est certaine : de
de la sympathie. Maclame, je suis vraiment désolé d'apprendre que même que le changement est permanent, nous passons par difÍéren-
"
votre fils est à l'hôpital, j'espère que tout va bien se passer. Normale- tes phases du cycle à différents niveaux avec des relations différentes.
ment, votre billet n'est pas échangeable, mais je vais appeler mon
superviseur pour qu'il voie avec volrs ce qu'on peut faire, pendant que
j'enregistre les autres passagers. Je suis certain que nousallons trouver
tion, De Capo Press.
r
88 NÉ,GoctA'noNS.rrN.r1r1-d.t LLcYCLLou urN g)

Je travaille avec de nombreuses organisations qui entreprennenr Lattachement et les liens sont des composants émotionnels fon-
des projets de changement et j'ai pu observer que les managers qui damentaux d'une vie personnelle et professionnelle, her-rreuse et
conduisent le processus de changement ont une caractéristique com- productive. Tisser des liens émotionnels avec autrui est essentiel au
mllne : ils se sentent généralement coupables et inqlriets de ce qui bien-être physique et psychologique. En outre, le leadership per-
est en train de se produire et des incidences que cela aura sur leurs formant repose sur la capacité du leader à créer des liens à travers
collègues. D'où I'effet ,, autruche bien connu : le changement est I'organisation. Nous devons aussi accepter I'idée que tous les liens
"
annoncé, pr"ris le management << met la tête dans le sable en espé- onr une fin et qu'il est fondamental de prendre en compre les réac-
"
rant que tout se passera bien. Les managers ne prennent pas ou peu Ia tions de chagrin que cela suscite, en nous-mêmes comme chez les
peine de communiquer avec les employés : à chacun cle se débrouiller aurres. Accepter et slrrmonter la souffrance cle la perte participe de
comme il le peut. Cette approche crée cle I'amertume et de Ia négati- la construction de notre identité et rend possible notre dévelop-
vité au sein du personnel, qui a le sentiment que le management ( se pement. Ne pas réussir à faire son deuil peut conduire au détache-
soucie comme d'une guigne o de ses employés. ment, dont nous observons les conséquences dans les symptômes
Lorsque les managers comprennent Ie processus cle changement et psychosomatiques, la violence et l'épuisement, ainsi que I'absence
prennent Ie temps de réfléchir à son impact, ils sont plus à même de d'engagement affectif. Pour que les leaders favorisent I'excellence
s'identifler à leurs équipes, de comprendre leurs préoccupations et les au niveau des individus, des éqr-ripes et de I'organisation rour
conséquences du changement pour elles. S'aider soi-même et aider enrière, il est nécessaire d'utiliser les compétences émotionnelles
ses employés à comprendre le cycle du lien est précieux, tant pour les dans le cycle du lien. Les organisations peuvent utiliser Ie cycle du
individus qui quittent l'organisation que pour ceux qui y restent. lien pour naviguer avec succès à travers des iniriatives de change-
Lors de fusions et d'acquisitions, j'entends souvent les collaborateLrrs ment, grandes ou petites.
se plaindre de ne pas avoir été prévenus. En règle générale,l'individu La formation de liens nous permet d'être en contact avec les autres
peut gérer les nouvelles négatives ; ce qu'il ne peut gérer, en revan- et le monde qui nous entoure. C'est aussi un puissant outil au service
che, c'est une longue période d'incertitude. Si les personnes ne savent de la résolution des conflits ou des différends.
pas ce que le changement va impliquer pour elles, il leur est impos- Posez-vous les questions suivantes :
sible de progresser à travers les différentes phases du cycle du lien, de
faire leur deuil et de chercher de nouveaux attachements.
: Est-ce que je noue facilement les liens qu'il faur avec la personne
et la situation ?
': Comment est-ce que je gère la séparation, la déception, le rejet et
Résumé
l'échec ?
Le cycle du lien est un puissant outil de compréhension de la moti- o Sr-ris-je conscient du chagrin ? Puis-je I'exprimer ? Sr-ris-je capable
vation humaine. Il nous aide à expliquer pourquoi nous faisons telle
d'accomplir le processus de deuil ?
ou telle chose, lorsque nolrs nous trouvons dans les différentes phases r M'est-il facile de nouer de nouveaux liens après Llne perre ?
du cycle. Lorsque nous sommes bloqués clans une phase, nous pou-
vons facilement être pris en otaéle, ce qui peut enÉÌendrer des com-
portements destructeurs. En étant conscients du cycle du lien, et des
conséquences pour I'individu d'un blocage dans l'une des phases,
nous pouvons éviter d'être pris en otage. Savoir que ce cycle existe
peut aider les membres d'une équipe à avancer et à mener des vies
plus saines, plus heureuses et plus productives.
r
90 Ni.GoctA'troNS.çuN.ç1¿r¿llJ

1. La formation de liens est un besoin élémentaire, au même titre que


Cha &, re
I'air, la nourriture et I'eau. C'est le fondement d'une réussite durable
pour les individus et les organisations. Le cycle du lien (attachement,
lien, séparation, deuil) est une composante naturelle de la vie, récur-
rente dans notre existence.
2. Lorsque les individus ne sont pas capables de dépasser la séparation
et le chagrin, ils peuvent devenir otages d'eux-mêmes et des autres. ll LES BASES DE SÉCURITÉ
faut savoir dire adieu pour créer de nouveaux liens et redécouvrir la joie
de vivre.
3. ll est crucial que nous apprenions à nouer, cultiver et renouveler des
liens, même dans des contextes de divergences profondes ou de
conflits graves. Lorsque c'est nécessaire, nous devons être capables En janvier 1999, une violente tempête obligea les alpinistes Jamie Andrew
de briser un lien existant et d'en trouver un nouveau. et Jamie Fisher à se réfugier sur une corniche au sommet du massif des
4. Les leaders doivent s'aider et aider les autres à accomplir le cycle du
Droites, quiculmine à plus de 3 000 mètres d'altitude dans lesAlpes, près
lien pour inspirer et motiver.
de Chamonix. Ce n'est qu'au bout de la cinquième nuit que les deux hom-
mes purent être secourus. Pour Jamie Fisher, il était trop tard. Ouant à

Jamie Andrew, il fut conduit à I'hôpital en état d'hypothermie et avec de


graves engelures. Dans la semaine qui suivit, Jamie fut amputé des deux
mains et des deux pieds. Comme si la perte de son meilleur ami ne suffi-
sait pas, il laissait une partie de son corps dans l'aventure.
Après le désespoir des premiers jours, terrassé par le chagrin et la

culpabilité, ainsi qu'un certain apitoiement sur lui-même, Jamie réussit à

réorienter l'æil de son esprit et à engager le processus de guérison. ll put


quitter I'hôpital après avoir réappris les gestes indispensables au quoti-
dien : se laver, s'habiller et se nourrir.
ll raconte comment il se concentra sur d'infimes progrès pour réap-
prendre des tâches élémentaires. Une personne très importante pour
Jamie durant sa rééducation fut Helen Scott, sa kinésithérapeute. Elle
luidemanda ce qui était le plus important pour lui. r Arriver à me nour-
rir r, lui dit-il. Helen lui répondit :n Parfait, allons-y r et elle conçut un
système lui permettant de tenir des couverts à l'aide d'une petite sangle
en nylon attachée par du Velcro. Jamie utilise toujours ce système
a ujou rd'h u i.

Au bout de trois mois et demi, le temps qu'il fallut à Jamie pour


apprendre à marcher avec ses prothèses, il reprit un travail. En juin 2000,
il épousa sa fiancée, Anna. Le même mois, il fit I'ascension du Ben Nevis,
r 92 N ÉG oc r AT'roNS.ulNsldL/i.t

la prus haute montagne de Grande-Bretagne,


1-t.r a,AJ'¿s or. sÉc:ururi, )j
corectant prus de 15 000
p.ur une æuvre caritative. rr retourna à chamonix
f plus nos bases de sécuriré sonr forres, plus norre capacité à affronter
en 2001 et gravit
I'Arête des cosmiques, sur rAiguiile du Midi,
en compagnie d'un de ses les vicissitudes de la vie et à rebonclir est grande. Nos points
médecins et d'un de ses sauveteurs, qui avaient
tous deux été aussi pour
d'ancrage nous aident également à orienter l'æil de notre espr.it
lui des bases de sécurité. afrn de donner du sens aux événements. Ils nous donnenr confiance
En avrir 2002, Jamie courut re marathon er nolls servent de modèles dans I'adversité. En ce sens, les bases de
de Londres et corecta
22000 f pour une æuvre de charité. cette même
année, ir retourna dans
sécurité sont essenrielles pour rransformer des expériences néga-
les Alpes, où ir fit prusieurs ascensions. En janvier 2004, tives en expériences positives et, partant, nous gardent d'être pris
il réarisa |ascen_
sion du Kirimandjaro, ra prus haute montagne en oage par le côté douloureux de la vie. Dans le cas deJamie, ses
dAfrique, avec trois autres
alpinistes handicapés, réunissant prus de 5 000 bases de sécurité ont été sa fiancée (qui deviendra sa femme), ses
pour [ une réproserie de
Tanzanie. médecins, sa kinésithérapeure, sa mère et même son ami Jamie
r Si j'ai apprisune chose au cours des dernières années r, Fisher, mort dans I'accident.
déclare
Jamie, n c'est de ne pas ressasser ce quiaurait Les bases de sécurité peuvenr prendre diverses formes. ce sont
pu être. Je me réjouis de ra
chance que j'ai eue et de toutes res bonnes avant tout des êtres humains : parents, grancls-parents, professeurs,
choses qui me sont arr¡vées
dans la vie. ce dont je suis par dessus tout reconnaissant entraîneurs, patrons, amis, collègues... Mais pays, animaux domesti_
à la vie, ma
deuxième vie, c'est de m'avoir permis d'épouser ques, objectiß, croyances, religions pelrvenr également en tenir lieu.
ra personne qui compte re
plus pour moi sur cette terre. r si rout individu dispose généralement de plusie.rs bases de sécurité,
Lorsque j'ai
fait ra connaissance de Jamie en 200s, ir certaines comptent plus que d'autres. Comme leur nom I'indique,
était'heureux
papa d'une petite fiile. Anna a été et continue elles apportent à I'indiviclu un senrimenr de sécurité. sans bases sûres
d'être un soutien très
important pour rui. L'autre personne qui a joué ou dans l'incapacité à faire son deuil de l'une d'entre elles, r'individu
un rôre de soutien centrar
dans sa vie a été sa mère, qui l,a guidé et est davantage sujet à I'angoisse, voire à la violence et à l'agressiviré.
encouragé lorsqu,il a exprimé le
désir de suivre ses rêves d,alpinismer. Bob avait cinquante ans et vivait seul avec son chien, Buster - son seul

combien d'entre nous resteraient aussi positifs ami et sa seule base de sécurité. un jour, le chien s'échappa et courut
que Jamie |a éré dans
des circonstances anarogues ? dans la rue. une voiture le percuta et le tua. Les yeux fixés sur la scène,
Jamie aurait-ir p.r'r" J"ntir o,ug" i Bob était anéanti. ll s'en voulait de ne pas avoir réussi à maîtriser son
Que pouvons-nous apprendre de cette histoire por* no.rr'uider
à chien et il était fou de rage contre le conducteur qui ne s'était pas arrêté.
affronrer les difficultés de la vie ?
eui sont les p.rroi,n", o.,i no.,, on, Au moment où il s'approchait du cadavre du chien, trois adolescents
soutenus et comment nous ont_elles influencés
?
l'entourèrent et se moquèrent de son chagrin. Avec mépris, les trois gar-
Les o bases de sécurité ) sonr les individus,
les objectifs ou les
choses avec lesguels nous nouons des liens çons essayèrent de s'emparer du corps de l'animal. C'est alors que, hors de
particuliers. si nous lui, Bob sortit un revolver et prit les trois jeunes en otages dans sa maison,
créons de nombreux liens au collrs cre notre
vie, les bases cre sécu- fermant la porte à clé et tirant les rideaux.
rité sont particulières en ce sens qu'e'es nous
appofrenr prorecrion, La police et l'équipe de négociateurs, dont je faisais partie, furent
réconfo* et énergie. Elles sont auranr a" poìÅr,
a,unirug" aun, appelées sur les lieux. En arrivant, nous nous sommes rendus compte
norre vie, pareilles à la terre autour des racines
d,.rn orbre"lui lui qu'il s'agissait d'une situation de prise d'otages particulièrement grave,
appo.e l'assise et la force qui le protègeront les jor-rrs
de teÅpête. parce que Bob n'avait plus rien à perdre que sa vie. pour les négociateurs
de la police, ce cas de figure est le plus dangereux et le plus difficile.
Jamie Andrew, Lìfe ancr Linb : A Trae story of rragecly and snruiuar,portair, Tout au long des dix-huit heures que dura le siège, Bob menaça de tuer
2003. les garçons.
I
94 NEGocT ATToNS J¿N.s1IJL¿.ç /-¿s nÁsrs ot¡. sÉlururÉ 95

Une fois le périmètre sécurisé, quelle était la première chose que


la base de sécurité consiste avant toLrt à être disponible pour l'indi-
devaient faire les négociateurs ? ll fallait coûte que coûte que nous éta-
vidu, prêt à l'encourager, voire à l'aider quand il la sollicite et à
blissions le contact avec Bob, alors même qu'il refusait toute discussion. ll
n'intervenir que lorsque cela est nécessaire. ,2
avait détruit cinq téléphones que l'équipe avait posés sur le seuil de sa C'est généralement parmi ses semblables que l'être humain
maison, en les jetant dans la rue. Sachant que Bob était fou de chagrin à
rrouve ses bases de sécurité : dans la sphère privée des parents,
cause de la mort de Buster, son unique base de sécurité, nous essayâmes
grands-parents, frères et sæurs, famille, conjoints et amis, ou dans
sans relâche de nouer le dialogue.
la sphère professionnelle - coach, mentor, leader, superviseur,
Nous réussîmes finalement à lancer par une fenêtre entrouverte une
supérieur, leader local, médecin, prêtre, thérapeute, etc. Un lien
pierre à laquelle était fixé un mot : r Discutons, je vous en prie r. Au pas-
imaginaire avec des personnes célèbres que nous n'avons jamais
sage,la pierre cassa un carreau, ce quifitviolemment réagir Bob.llse mit
rencontrées, comme les stars de cinéma, peut également tenir lieu
à injurier le négociateur, qui prit rapidement conscience que cette réac- de base de sécurité. Ce que I'individu doit trouver dans celle-ci, en
tion était une occasion de nouer un lien, la fenêtre devenant un sujet de effet, n'est pas nécessairement de l'ordre de I'action, mais davan-
discussion propre à engager le dialogue avec Bob. Le négociateur expliqua
tage une orientation, une façon de donner un sens à ses pensées,
que le carreau avait été cassé par accident. Bob réclama de I'argent pour
sentiments et exPériences.
le faire réparer. La discussion se poursuivit, tournant autour du carreau Ce rôle s'apparente à " celui de I'officier qui commande une base
cassé, etfinit par mettre en lumière que la principale préoccupation de militaire, à partir de laqr-relle une force expéditionnaire se met en
Bob était de pouvoir offrir un enterrement à son chien. Le négociateur route et vers laquelle elle peut se replier, en cas de revers... C'est seu-
promit de trouver l'argent pour enterrer Buster. Deux heures plus tard, lement lorsque I'officier qui commande la force expéditionnaire est
Bob rendait ses armes et sortait de lui-même de sa maison. Les trois gar- assuré que sa base est sûre qu'il osera aller de I'avant et prendre des
çons furent libérés sains et saufs. risques. ul
La peur et I'angoisse affectent notre fonctionnement physique et
Buster eut-il droit à un enrerremenr ? Léquipe de négociation col-
lecta suffisamment d'argent pour offrir Lrn enterrement au chien et mental, et entravent nos capacités, nous empêchant d'atteindre notre
Bob voua une reconnaissance éternelle à la police. comme I'illustre plein potentiel. La vocation d'une base de sécurité est de créer un
cette histoire, la perte et le chagrin pelrvent être sources de violence sentiment de sécurité et de protection, de façon à ce que l'æil de
l'esprit puisse être orienté sur les possibles, l'exploration, la créati-
et de désespoir. Quels enseignemenrs pouvons-nous tirer de cette
vité et des choses qui apportent plaisir ou satisfaction. Sans bases de
négociation qui puissent s'appliquer à notre vie ?
sécurité, nous devenons plus vulnéral¡les à l'anxiété ou à la peur,
Une base de sécurité apporre protecrion ou réconfort et elle est
entravant par là même notre potentiel et notre réussite, avec le risque
une source d'énergie. En cas de danger, nous nous tolrrnons vers nos
d'être pris en otage. Notre cerveau est câblé pour repérer le danger.
bases de sécurité. Les adultes, à la difÍérence cles enfants, garclent des
Les bases cle sécurité qui peuplent notre vie nous permettent d'étein-
souvenirs (internalisés) des bases de sécuriré qui ont été les leurs par
dre ce radar et de nor¡s mettre en quête d'opportunités, au lieu de
le passé. Le lien avec elles, issu clu présent ou du passé, devient une
nous concentrer sur d'éventuelles menaces. En cas de danger réel, le
source de sécurité. Lexpression l¡ase ¿le sticurití, empruntée au langage
savoir acquis par le biais d'expériences antérieures avec nos bases de
militaire, a été inrroduite par John Bowlby, fondateur de la théorie
moderne de I'attachemenr. La base de sécurité esr une pierre angu-
laire de sa théorie. Grâce à elle, l'individu peut ( s'avenrluer dans le
moncìe extérieur et revenir vers elle, assuré d'y trouver soins, affec-
2. John Bowlb¡ A Seuue Base: Clinìcal Applicatiom of Attachnrent Theraþy,
Tavistock/Routledge, 1 988.
tion et réconfort dans le malheur, et apaisement s'il a peur. Le rôle cle
3. Bowlb¡ A Sec¡ne Bcue, p. Il .
r 96 N Écr¡a tir¡oN.r.1¿NJ11t¿1i.1
¿¿.r r¿s¿sDÈ sÉcururÉ, 97

sécurité nous dicte commenr réagir. Lorsque ces


bases ne remplissent volonté de rendre hommage à Ben, par,une réussite plus éclatante encore.
pas leur rôle, l'individu en esr réduit au réflexe
primaire de . fuir ou C'est exactement ce que ce dernier aurait souhaité lui aussi. Alexandra ne
se battre o. En ce sens, de nos points d'ancrage
dépend pour une pouvait continuer son chemin sans vivre à sa façon les différentes phases
large part que nous soyons otages de nous-mêmes
et des événements. du deuil. Parfois, la perte est facilement et rapidement surmontée. Toute-
À mrs.rrr que nolrs avançons en ãge,et que nous nous
aventurons fois, ne pas faire son deuil peut interrompre tout le cycle du lien (voir le
plus loin de nos l¡ases de sécuriré, il est facile,
assurés que nous som- Chapitre 3).
mes de le'r fiabilité, de les considérer comme
acquises et donc de
sous-estimer leur imporrance. Les bases de sécurité sont importantes toLrt au long de norre vie, et
Pourrant, la perte d'une base de sécurité peut pas seulement dans nos jeunes années. John Bowlby écrit à ce
boureverser norre
équilibre affectif . c'esr alors, dans la confusion qui sujet : " Un fonctionnement sain de la personnalité à tous les âges
s'ensuir, qu,éclate
toute son importance reflète, premièrement, la capacité de l'individu à reconnaîrre des
Alexandra, qui occupait à r'époque un poste de figures désireuses et capables de lui offrir une l¡ase de sécurité et,
direction dans une société
internationale de technorogie, a participé à mon programme deuxièmement, sa capacité à collaborer avec ces figures dans une
de déverop-
pement du leadership à r'rMD, ra prestigieuse relation mutuellement enrichissante. A conlrario, une personnalité
écore de commerce suisse.
Pendant vingt ans, Ben avait été une base de pertlrrbée est bien souvent symptomatique de la moindre capacité
sécurité pour eile. prus âgé
qu'elle, il avait été son mentor et lavait de l'individu à identifier les figures propices au lien et/ou de ses
aidée tout au rong de sa carrière.
ll était le père qu'eile diffrcultés à entretenir des relations enrichissanres avec ces figures
n'avait jamais eu. Leur reration était positive
et lorsqu'elles existent. r4
constructive.
Les adultes aussi ont besoin d'un réseau de bases de sécuriré, qui
Lorsque Ben mourut brutarement, ra motivation
dArexandra, son enthou-
consistent essentiellement en partenaires, amis, pairs, collègues et
siasme et sa voronté de prendre des risques s'émoussèrent, affectant
manière significative son readership et ses résurtats
de alrtres égaux, ainsi qu'en coaches, mentors et supérieurs. De nom-
professionners. pendant
les quatre années qui suivirent re décès
breuses études ont montré que les individus qui réussissent ont des
de Ben, son efficacité continua de se
dégrader, au point que son emploi était en péril.
points d'ancrage, des incliviclus vers qr-ri ils pelrvenr se tourner. Les
Alexandra n'était pas consciente de |impact
solitaires indépendants, qui pensenr pouvoir tout faire rour seul,
considérabre que ra perte
de son mentor avait eu sur eile. Eile ne se rendait
commettent souvent des erreurs fatales. Dans leur livrc Vy'lty Smarl
pas compte que Ben rui
Peoþle Do Dumb Things, M. Feinberg et J. Tarranr nous décrivent par
manquait, qu'elle vourait qu'ir revienne. Eile se
disait simprement :r La vie le menu les plus grands fiascos du monde de I'entreprise, et comment
continue et je dois continuer seule. r
ils auraient pu être évités. Le message central esr que les clirigeants
Elle avait besoin d'une figure d'autorité positive
comme Ben pour ayant commis des erreurs ne disposaient pas de relation de confiance
I'aider à atteindre son prein potentier. Toutefois,
tant qu'eile n,aurait pas sur laqr"relle s'appuyer ; ils ont choisi de ne pas écourer les personnes
fait son deuil et dit au revoir à Ben, ir était peu probabre
qu,eileen trouve qui les conseillaient ou avaient de * mauvais points cì'ancrage, qui
une. Elle décida de faire son deuir et de trouver
un n0uveau mentor, après "
les ont orientés vers un comportement destructeurt,
avoir compris qu'eile ne pourrait réussir sans base
de sécurité. Eile expri-
que : . Je suis allée sur ra tombe de Ben pour
rui dire au revoir et rà, j,ai
décidé de trouver un autre mentor, une femme. r
En six mois, elle trouva une nouvelle mentor,
Margaret, et ses résul_ 4. John Bowlb¡ Tbe Making and Breaking of Affectionat Boncls, Tavrst<tck
tats s'envolèrent, prus impressionnants encore qu'avant Publications, 1 979.
re décès de Ben.
Elle réorienta l'æir de son esprit : au sentiment
de
perte succéda ra
5. Mortimer Feinberg er John 'larrant, tï/hy Snø.rt People Do Damb'I'hìngs,
Simon & Schuster, 1995.
r- 98 N Í,Goct A'r I¡.lNS.trNJ'11J¿¿.r r.ns BASrts Dr, sr3cunrrÉ, ))

En qr-roi la destinée d'entreprises comme Enron er Tyco o.r* Étots- d'être vécue s'il ne pouvait plus skier ou voulait-il guérir et profiter de la
unis, Ahold aux Pays-Bas er Parmalat en Italie aurait-elle été clifré- vie ? Face à ce choix direct, il prit soudain conscience que, sans l'ombre
rente si leurs dirigeanrs avaienr eu recollrs à des bases de sécurité d'une hésitation, il voulait vivre. En un éclair, il réorienta l'æil de son
pour les aider à rester dans le droit chemin ? Les deux bases cle sécu- esprit.
rité les plus importantes polrr la construction cle l'esrime de soi sor-lt Derek avait besoin de faire le deuil de son adolescence et d'accepter
les attachements aux individus er alrx objectifs. cerre combinaison son identité d'homme mûr, de père, de mari et d'homme d'affaires. llavait
est le fondement d'une approche équilibrée de la vie. si les inclividus perdu son père alors qu'il n'avait que sept ans et il avait grandi sans figure
n'ont des liens d'attachement qu'avec d'autres individus, ils se senti- paternelle pour le guider et I'aider à comprendre les émotions et la vie. ll
ront sans cloute en sécurité, mais auront aussi le sentiment de rre pas était le type même du solitaire ultra-indépendant, quiavait passé sa vie à
avoir totalement réussi. S'ils ne sonr atrachés qr,r'à des objectifs, ils essayer d'être le meilleur et à ne s'attacher qu'à des objectifs. Après la

donneront l'apparence de la réussite, rollr en souffrant horriblement mort de son père, il avait cessé de nouer tout lien avec les autres. Dès lors,
de la solitude, comme cela se produit souvent avec les ,, drogués du s'il avait brillamment réussi d'un point de vue financier et professionnel,
travail Un individu se bat toute sa vie pour réussir, se donne corps ses relations personnelles en avaient énormément souffert.
".
et âme à son travail, pour découvrir avec l'âge qu'il est seul sur son Voyant clair en lui-même, Derek s'excusa auprès de son fils et lui
Olympe, qu'il n'a jamais réellement appris la richesse et la beauté demanda de lui pardonner. ll alla ensuite voir sa fille et s'excusa de ne
des liens avec alrtrui. Mais il n'est jamais trop rard pour apprendre à pas avoir été là pour elle et de ne lui avoir jamais dit qu'il l'aimait. Elle le
rebrancher son cerveau et découvrir le processus du lien. gifla avec colère et lui répondit:rr Comment oses-tu, après toutes ces
années !r Deux mois leur furent nécessaires pour se retrouver et la fille
Par un froidet beau jour de mars, dans une station de sports d'hivel
put enfin pardonner à son père.
Derek Smith, dirigeant de cinquante-six ans au parcours professionnel
Lorsqu'il regarde en arrière, Derek déclare qu'il aurait aimé savoir à
flamboyant, faisait la course avec son fils de dìx-sept ans sur une piste
quel point la mort de son père avait influé sur sa destinée. llvivait en fait
rouge. Cette journée était exceptionnelle, car Derek r ne vivait que pour
avec ce qu'Eric Berne appelle un r scénario r, un plan de vie fondé sur la
son travail D, comme l'auraient dit ses amis, et ne passait guère de temps
décision de ne jamais prendre le risque de s'attacher, parce que les êtres
avec sa famille. Son fils, avide de lui montrer ce qu'il était capable de
chers pouvaient disparaître comme son père. ll prenait désormais cons-
faire, voulait gagner -
à I'instar de son père, animé depuis toujours par un
cience qu'il aurait pu choisir un autre plan de vie quiaurait été synonyme
fort esprit de compétition.
de moins de souffrance pour ses enfants, son épouse, ses employés et lui-
Refusant de laisser gagner son fils, Derek descendit trop vite, perdit le
même. Pour y parvenir, il aurait eu besoin d'un attachement à une base de
contrôle et percuta un arbre. Lorsqu'il reprit connaissance, il était à
sécu rité.
l'hôpital, le dos brisé. Lorsque les médecins lui apprirent qu'il se remet-
Lorsqu'il reprit son travail, il n'était plus le même homme, ni le même
trait, mais qu'il ne pourrait plus jamais skieç Derek sombra dans une pro-
leader. Ses employés furent agréablement surpris de découvrir à quel
fonde dépression. a Si je ne peux plus skier, la vie ne vaut pas d'être
point son style de leadership avait changé : n Toute ma vie, j'ai été otage
vécue. r ll se laissa envahir par le désespoir.
de la réussite et de mon désir d'atteindre des objectifs au détriment de
Effondré, son fils se sentait responsable de l'accident. Selon lui, il
mes relations interpersonnelles. Aujourd'hui, je vois des choix et je les
savait depuis tout petit qu'il fallait toujours que s0n père gagne. Empli de
affronte. r ll réussit à recâbler son cerveau, prouvant qu'il n'est jamais
culpabilité et de remords, il était convaincu que s'il avait laissé son père le
trop tard pour changer de comportement et choisir une autre façon de
devancer, rien de tout cela ne serait arrivé.
vivre. ll est peu probable que Derek serait parvenu seul à ce changement,
Lors de ma discussion avec Derek, je lui posai la question suivante:
car il avait besoin d'une crise et d'une base de sécurité, moi en I'occur-
voulait-il être otage de sa conviction que la vie ne valait pas la peine
rence, pour I'aider à apprendre une nouvelle façon de se comporter.
r IOO NúcocurloNs srNsla¿¿s
¿¿-.ç Bri.ç¿J' ot¡, si,c:uRrrÉ 101

cette histoire noLls monrre combien il est important d'équilibrer les 4' constrlrisent notre esrime de soi et notre considérarion posirive
attachements aux individus er aux objectifs. Les personnes dotées de pour les autres ;
bases de sécurité peuvenr explorer la vie et l'aborder avec gaieté.
? noLls aident à comprendre les racines de notre identité ;
c'est le fondement de I'estime de soi et de la réussite authentique ;. noLls permettent d'être positifs, optimistes er consrructifs dans
(voir la Figure 4.1).
nos interactions avec autrui ;
À trurrers nos attachements à cles êtres humains comme bases de r, flouS montrent comment ne pas être otages de nous-mêmes, des
sécurité, nous apprenons à aimer et à être aimés. Nous prenons cons- autres ou de la vie elle-même.
cience que nous ne sommes pas là pour rien et que nous comprons.
En nous atachant à des objectifs, nous développons une compétence Comme nous I'avons vu plus haut, les l¡ases les plus sûres pour
qui nous permer de réussir dans quelque chose et qui renforce norre des adultes sont d'autres adultes, qui sont leurs pairs. Il existe roure-
capacité à agir. c'est la combinaison des individus et des objectifs fois nne catégorie particulière de bases de sécuriré, à laquelle appar-
comme bases de sécurité er d'expériences d'apparrenance er de réus- tiennent les mentors, les coaches et les supérieurs. Ce sont les figures
site qui bâtissent I'estime de soi d'un individu. d'autorité, et notre capacité à consrruire des liens positifs avec elles
Les bases de sécurité nous aidenr à réussir parce qu'elles : esr déterminante pour notre réussite. Les frgures d'autorité positives
que nous écoutons, suivons et dont nous nous inspirons nous aident
nous apprennent que nous pouvons faire confiance aux liens
à prendre confiance en nolrs.
d'attachement avec autrui ;
Au fil du temps, ce que l'individu a intégré de ses bases de sécu-
è nous donnent Ie sentiment de sécurité et de liberté nécessaire
rité lui permet de jouer à son rour ce rôle vis-à-vis de lul-même.
pour explorer le moncle ;
Nous avons tous des << caftes mentales , : de notre vision du monde,
{' nous apportent encouragements et protection pour identifier sans
de la place que nous y occupons, du fonctionnement harmonieux de
relâche de nouveaux objecrifs afin de progresser ; nos relations interpersonnelles. Dans son llre Attacheilnnt el þerte,
John Bowlby parle de " systèmes de représenrarion inrernes ot'. Lors-
Attachement qlre, pour une raison ou une alltre, les comportements d'attachement
+ et de lien sont désamorcés, le comporremenr exploraroire est freiné et
Lien
ne reprendra que lorsque les comportements d'attachement et de lien

Personnes Base de sécurité


seront réactivés. De nombreux chercheurs ont mis en lumière ce
Objectifs
mécanisme fondamental : Ainsworth (chez les très jeunes enfants),
Harlow (chez les singes) olr encore la psychanalyste Margaret Malher
Aimer Confiance
(qui a observé des enfancs au clébut de leur deuxième année rerourner
Etre aimé Compétence
constamment vers leur mère ou leur père pour chercher réconfort et
+
+
Appartenir
Exploration
I
Réussite
énergie après cles explorations)7.
+
+ Créativité
Compter +
Mériter de vivre
+ - Agir
Etre capable d'agir
6. John Bowlb¡ Attachenunt antl Loss, Vol. 2 : Seþaratiott : Anxìety and Anger,
Gaieté Basic Books, 1973.

+
1. M. Ainsworth, M.C. Blel.rar, E. SØarers et S. \ùØall, P¿teyns of Attachnent :
de soi A Psycholo¿¡iat/ Sttdy of tlte Strange Sitration, Erlbaum, L978 ; Hatry F. Har-
low, " Tl.re Narure of Love , , T'he Auarican Psychologist ; et M. Malher, The
Figure 4.1 - Bases de sécurité et estime de soi
Psyclsologìcal Birth of the lrfant, Basic Books, 1975.
r IU 2 NLGOCI A'T'IONS.'¿N.11I]¿¿.ç
/.Ë.ç ¿rÁ.r¡.ç or sÉcururÉ, 103

Le comportemenr exploratoire conduit l'individu loin de sa base relations coopératives s'avère particulièrement important. Lorsque
de sécurité. Cependanr, pour être efficace, il doit reposer sur
un I'enfant est assez âgé pour comprenclre les sentiments ou les motiva-
sentimenr de sécurité ec la conviction que le point d'ancrage sera
tions de ses parents, il noue une relation beauconp plus complexe avec
disponible en cas de besoin. on ne peur pas explorer réellement
re eux - un ,, partenariat ,ll dans lequel chacun exefce une influence sur
monde si on ne parr pas d'une base de sécuriré. Robert rüØeiss
a les buts et les plans de I'autre. Lenfant et les parents négocient et
idenrifié trois critères pour définir le comporrement d'amachement
coopèrent dans l'élaboration de plans basés sur leurs besoins respec-
dans I'enfances:
rifs. Les individus qui sont facilement pris en otages ont un modèle
1' La recherche de proximité: l'enfant essaye de rester dans le péri- mental immature du fonctionnement des relations complexes. Le plus
mètre protégé de la figure d'attachement. favorable est celui qui inclut la complexité de l'échange donner-
2' Labase de sécurité : en présence d'une figure d'atachemenr, aussi recevoir, le compromis et la nature subtile de la réciprocité.
longtemps qu'il n'y a pas de menace, r'enfant manifestera qr-r'il Certaines l¡ases de sécurité pelrvent être négarives er é.garcr
est
bien et en sécurité. l'esprit de I'individu qui leur est attaché. Parents, professeurs ou
3. Protestation conrre la sépararion : s'ir a le sentiment qLle quelque supérieurs hiérarchiques peuvent empoisonner I'esprit d'autrui. Les
chose l'empêche durablemenr d'accéder à la figure d'attachement frlms, les émissions de télévision ou les jeux électroniques peuvent
ou qu'il va en être sé.paré, il réagit en protesranr er en essayanr également avoir une influence néfaste si des bases de sécurité ne
d'empêcher cerre perre. sont pas disponibles pour aider I'individu à ler-rr donner sens et
limites.
on observe également ces trois critères chez I'adulree. Les rera- Les attentats de Londres <le juillet 2005 ont été peryétrés par des
tions d'attachement sont dans ce cas davantage tournées vers les
individus élevés en Grande-Bretagne, qui ont choisi de mourir en se
pairs, la grande majorité allant à des égaux ou à des partenaires,
er faisant exploser avec leurs bombes. On leur a ,, enseigné - et ils le
un nombre limité à des figr-rres prorecrrices. Les implications en "
croyaient - que donner sa vie en tuant d'innocents civils était une
sont considérables pour les leaders dans les organisations, qui sonr
expérience mystique et un chemin direct vers le paradis. Quel esprit
confrontés à des changemenrs d'attachemenr er des séparatiån, p"r-
était derrière le leur ? Il est intéressant de noter que trois des poseurs
manentes. Les leaders et les managers doivent non seulement
être de bombes étaient des immigrants de deuxième génération, décon-
des bases de sécurité, mais également créer une culrure et un
système nectés des valeurs traditionnelles de leur pays d'origine. On est en
social de bases de sécurité, afin de favoriser un climat de confiance
droit de s'interroger sur la vulnérabilité cles jeunes immigrés de
dans lequel chacun pourra s'épanouir er donner le meilrer-rr de lui-
deuxième et troisième générations, qui n'ont pas développé de liens
même.
d'attachement avec la société dans laquelle ils ont grandi et qui ne
selon John Bowlb¡ les bases de sécurité doivent apporrer < encolr- voient pas dans leur nouveau pays une base de sécurité positive. Les
ragements, soutien et coopération
". Lenfant se sentira alors suffi_
samment en sécurité pour explorer son environnement et développer
manifestations et les incendies de voitures qui ont eu lieu en France
en 2005 nous offrent Lrn autre excmple d'une jeunesse révoltée, qui
urn sentiment de compérencet". Le modèle que se forge l'individu
de se sent coupée de Ia société.

8. Roberr S. $Øeiss, . Atrachment ìn Aclult Life ", in C.M. parker et


J. Stevenson-Hinde, Tlte place of Attachnnnt in Han¿an Belsauior, Basic
Books, 1982.
9. \)Øeiss,
" Attachment in Adulr Life ". 11. John Bowlb¡ Attachnæut ancl Loss, Vo/. 1: Attachment, Basic Books and
10. Bowlb¡ A Seclre Base.
Hogarth Press, 1969.
lO4 Núc;octtr?oN.r.ç¿NJllt¿¿.ç
r,ES UASES DE sÉcunrrÉ, 105

Influence des bases cre sécurité sur r'æir


cre |esprit rideaux et r exposait r I'orage aux enfants, leur montrant du doigt les
.A.ucours d'une prise d'orages, le négociateur
devient une base de sécu_ éclairs et les formes qu'ils dessinaient dans le ciel, leur faisant deviner oil
rité pour le ravisseur: il établit avec rui une
relation de confiance en surgirait le prochain éclair et quand résonnerait le coup de tonnerre sui-
nouant un rien' Si les bases de sécurité
sont aussi importantes, c,est vant. Aujourd'hui encore, Pamela a peur des tempêtes mais ses enfants,
pafce que nous en avons besoin pouf
éteindre le ruJur de r,æil de désormais adultes, en ont une image positive. lls aiment regarder I'orage
l'esprit q.i, afin d'assurer notre survie, guerte
en permanence les dan- et encouragent leurs propres enfants à jouir du spectacle des éléments
gers porenriels. Les bases de sécurité
permeftenr à l,æil de l,esprit de déchaînés.
lire le monde autrement qu'en mode o
-"nu." ,. Détendus, nous nous
sentons en confiance et nous nous consacrons Pamela aurait pu imprimer sa peur des tempêres sur l'æil cle l'esprit
allx opportunités et à
I'exploration. c'est un processus identique de ses enfants. Mais n'étant pas elle-même orage de sa peur, elle a pu
qui intervient lors d,une
négociation efficace dans un conrexre apprendre à ses enfants et à ses petits-enfants à avoir Lrne autre vision
de prise d'otages. Le négociateur
devient une base de sécuriré, bârissant l" des orages dans l'æil de leur esprit. Elle a refusé de devenir otaéÌe de
ti"n er la confiance. Il utilise
le.dialogue pour engager la négociation la peur que sa mère lui avait transmise sans le vouloir. Tout le monde
de la libérarion des otages. ce
faisant' la peur, le cynisme, la négativité peut apprendre à faire ce que Pamela a faft.
et le désespoir du preneur
d'otages cèdent la place dans l'æil de Dans son livre Magical Child, Joseph Chilron Pearce parle d'un
son esprir à la confian.", l,opti_
misme et I'espoir. Bien que le négociate.r, enfant de huit ans qui s'est coupé et saigne abondammentl2. Son père
ioi,n" éu"l*, i; ;inr",
pefmanence, il ne faut pas qu'il se raisse h"ri clit : o Il va falloir arrêter ce saignemenr ,, voulant signifier par là
prendre en orage par la pe'r "n et
les risques inhérents à la situation.
Êtr" un négociat".,Ãignifi" devenir " Il faut aller à I'hôpital ". Cependanr, dans son esprit, du fait cle son
une base de sécurité et posséder les bons
schéÀas _"rrru.rí, qui lui per_
lien profond avec son père, sa base de sécurité, l'enfant a pris cela
merrronr de conserver le bon état d'esprit comme une demande littérale et le saignement a cessé. De nombreu-
pour être efficace.
comment l'æil de ses anecdotes de la vie de tous les jours illustrent de façon éclatante le
est-il modelé par les bases cre sécuriré ?
D'une certaine manière,'esprir
nos expériences passées ont été enfermées pouvoir de protection des bases de sécurité conrre l'impact négatif
dans notre cerveau et ces souvenirs influencent d'un traumatisme.
le regard que nous
portons sur ce qui nous entoure. Les Lorsque je travaille avec de jeunes managers, j'observe que la majo-
expériences les p1.,, p.rirrunr.,
sont celles q'i proviennent de no, lrurã, rité d'entre eux ont été formés à n'accorder que pell de crédit au pou-
de sécurirá, q.ril s,agisse
d'expériences négatives ou positives.
un individu soumis à un événe- voir de l'esprit sur le corps, Leur apprendre à être réceptiß à ce genre
ment tfaumatisant peut voir sa vie bouleversée cle choses, tout en conservant un certain scepticisme, n'est pas une
par le ,. recâbrage o
qui se produir alors dans son cerveau. Toutefois, mince affaire, vous pouvez me croire I Beaucoup d'individus pensenr,
le même événemenr
interprété à rravers l'æil de l'esprit de en effet, que si quelque chose ne cadre pas avec leur conception du
la base de sécuriré pourra êrre
conservé de manière roralemenr crifÍérente possible, alors, c'est impossible. Pourranr, le seul moyen cl'apprendre
ou explicite, dans l'esprit conscienr ou
crans la mémoir" i-pti.ir" est de sortir des limites cle notre esprit. Comme l'a dit Einstein : ,, Les
inconscienr.
problèmes vraiment importants ne peuvent être résolus au même
La mère de Pamera était terrifiée par re tonnerre et res écrairs.
Au premier niveau cle pensée que celui avec lequel nous les créons. or:l
signe annonciateur de mauvais temps,
eile tirait res rideaux et débran-
chait tous les appareirs érectriques. conséquence
de cette phobie, pamera
développa elle aussi une peur des tempêtes 12. Joseph Chilton Peaice, Magical Child: Rediscouering Natare's Plan for Our
et des orages. Lorsqu,ere
devint mère à son tour, toutefois, ere refusa C hilclren, Dutton, 1 977.
que ses enfants soient
c0mme elfe. chaque fois que le temps 13. Diverses versions cle ce. dicton so¡rt attribuées à Einstein, mais les ter-
se déchaînait, elle ouvrait les "
mes exa(ts ct la source sont inconnus.
IO6 NÉcoct¡ruoNs srNJzr¡-r.r
¿È.1 ßÁ.ç¿.r ot: sicururi I07

Les individus comme bases cle sécurité


Lhypothèse de J. Bowlby esr qlre la relarion entre I'enfant et la
La plus grande félicité que puisse connaîrre un individu esr d'être
personne qui veille sur lui dans les premières années de sa vie :

profondément lié à Lln autre, dans une reration de confiance absolue.


Les individlls sans atrachements, qui n'ont jamais vécu cette expé- , façonne les relations futures ;

rience ou qui ont cessé de créer des liens, sont généralement otages ,:. détermine les caractéristiques de I'aptitude de l'individu à se foca-
d'eux-mêmes. liser, à être conscient de ce qu'il éprouve et à s'apaiser ;
Les bases de sécurité nous donnent la force de maîtriser l'æil de r détermine l'aptitude à surmonter le malheur et les échecslt.
notre esprit et de poursuivre les bllts qlle nous voulons réellement
atteindre dans la vie. Du l¡erceau à la tombe, comme l'a si bien clécrit La figure maternelle comme base de sécurité
John Bowlby, nous connaissons un scénario changeant de l¡ases de Dans son autobiographie Ma uie de þatron, I'ancien PDG Jack Welch
sécurité, qui nous donne le sentiment d'aimer et d'êrre aimé, un sen- consacre un chapitre à son enfance. Il y décrit affecrueusemenr sa
timent d'appartenance, mais aussi de compétence et de réussite. Sans mère comme la ,, personne qui a eu le plus d'influence dans ma
yig
bases de sécuriré, nous finissons marqués, blessés. Nous devenons ". Elle I'a poussé à se dépasser et I'a aidé à prendre confrance en
otages. lui. Selon une anecdote désormais célèbre, elle aurait expliqué que si
Les compétences inrerpersonnelles et d'estime de soi se déve- son fils bégayait, c'est parce que sa langue n'arrivait pas à être aussi
loppent à partir des l¡ases de sécuriré que nous formons initia- rapide qlre son esprit !tóÀ quarante-cinq ans, candidat improbable
lement avec nos * donneurs de soins o. C'est à ce moment-là que au titre de plus jeune dirigeant de I'hisroire de General Electric,
sont jetées les l¡ases de notre personnalité. Notre ( parron cl'atta- Jack \)Øelch quitta I'estrade après sa première réunion des action-
chement , est basé sur les interactions que nous avons avec des naires et dit à un ami : ,, J'aurais tellemenr aimé que ma mère soit
bases de sécurité duranr la perite enfance (avec la mère, le père, les là. , Sa mère était morre depuis plusieurs années.
grands-parenrs, les frères et sæurs, la famille...). Au bout d'un cer- J. Welch explique que c'est à sa mère, Grace, qu'il doit d'avoir pu
tain temps, ce patron est intégré, inscrit dans notre cerveau, déter- suivre sa propre voie. o Ma mère était une amie, vous savez )>2 dit-il.
minant alors notre style d'attachemenr. Ainsi o Nous avions une relation merveilleuse. C'était une expérience puis-
John Bowlby écrit-
il : " Du type d'expériences que vit un individu, en parriculier sante, unique, formidable, qui me donnait confiance en moi. ,
durant I'enfance, dépend pour une large part qu'il espère plus tard Avez-vons elr une mère, une grand-mère, une lrelle-mère, une
trouver une base de sécurité ou non, et aussi son degré de compé- mère adoptive ou toute autre figure Íéminine qui était là, présente,
tence pour inirier et cultiver une relation mutuellement enrichis- comme base de sécurité ? Pouviez-vous courir dans ses bras en
sante lorsque I'occasion s'en présente... Du fait de ces interacrions, sachant que voLrs y seriez toujours accueilli avec amour ? Si oui, elle
le premier parron établi tencl à persisrer. cela explique en grande a contribué à établir une première image mentale posirive, vorre
partie I'importance déterminanre dll parron de relations familiales " moclèle mental ,, des femmes et cle I'autorité féminine. C'est ainsi
vécu par l'individu dans son enfance pour le développement de sa que l'individu apprend I'échange affectif avec les femmes. La mère
personnalité. o l''

15. " How Attachment Discoveries Help in Marriage and Otl-rer Love Rela-
tionships
", www.helpguide.org.
16. Mukul Pandya, Robbie Shell, Susan \(/arner, Sandeep Junnarkar et Jeffrey
Btown, Nightþ Basines Report Presenß Lastìn¡4 Lødership: lVhat Yol Can
Learnfront, theTop ZS Btxine.ç.ç Peoþle of otrTinte.ç,\Xlharton School Pr-rblishing,
l1i. B<rwlb¡ The MaÞìn¡4 ancl Breaking oJ AfJexional Bontls, p. lO4.
2005.
lO8 NÉcoctÁTrcNs'.r¿N.r¡ts¿uJ LL,s ntsts or sÉr:unrrÉ, 109

est généralement la première et la plus fondamentale cles bases de Lrnefigure cl'autorité féminine. Il va sans dire que, dans l'entreprise
sécurité, la première à veiller sur l'enfant er à s'occuper de lui, et comme ailleurs, les hommes, d'autant plus s'ils sont dirigeants ou
dans bien des cas, elle est le premier point d'ancrage. Une belle- managers, doivent être capables d'interagir efficacement avec les
mère, une mère adoptive, une tanre ou toute alrrre figure féminine femmes - collègues, supérieures ou modèles. Ce qui ne sera généra-
peut jouer ce rôle si la mère n'esr pas présente. À ce stade, vous vous lement pas le cas s'ils ont une image mentale négative des femmes.
demandez peut-être : ,. Mais qu'est-ce que tout cela a à voir avec ma Lamour d'un père ou d'une fi¿;ure paternelle ne remplacera ou ne
vie, mon travail, mes activités de dirigeant ou d'enseignant ? Que compensera jamais totalement Ie lien avec la mère ou la frgure
"
vous ayez eu des bases positives ou négatives, ce qui compte, au final, d'autorité féminine.
c'est de comprendre que la façon dont vous volls comportez avec les
femmes aujourd'hui, que volrs soyez un homme ou une femme, Relation mère-frlle
trouve en partie sa source dans la nature de la relation que vous avez
Pour toute jeune fille, la figure maternelle est un exemple et un
eue avec des figures d'autorité féminines dans vorre enfance. Com-
modèle - la personne qu'elle respecte et dont elle dit : .. Je veux être
prendre vos racines vous aide à éviter de devenir otage dans le pré-
comme elle quand je serai grande. " Malheureusement, les choses ne
sent sur la base d'expériences passées.
se passent pas toujours aussi simplement. Différents éléments,
comme la jalousie, la concurrence, I'incapacité de la mère à encoura-
Relation mère-frls
ger sa fille à voler de ses propres ailes, viennent parfois compliquer
Les recherches ont montré qu'il existe un lien particulier entre mère
la relation. Mais en tout état de cause, il est extrêmement important
et fils. Selon Manfred Kers de Vries, beaucoup de grands dirigeants
pour la frlle de comprendre comment sa mère envisage la féminité.
ont eu des mères fortes, encourageanres, et des pères plutôt absents.
Le rejet de la mère ou l'incapacité à nouer Lrn lien avec elle peut
Comme nous I'avons évoqué plus haut, Jack \)Øelch a été profon-
conduire à l'aliénation, voire à la haine de soi. Faire la paix avec sa
dément influencé et motivé par sa relation avec sa mèrel7. Nelson
mère et avoir une figure féminine comme base de sécurité sont
Mandela a lui aussi éré profondément marqué par sa mère. Celle de
inclispensables pour pleinement s'accepter soi-même. Lamour d'un
Richard Branson disait à tour le monde qlre son fils serait premier
père ou d'une figure d'autoricé masculine ne remplacera ou ne com-
ministre de Grande-Bretagne et elle I'a convaincu qu'il pouvait pensera jamais totalement le lien avec la mère ou une figure d'auto-
accomplir ce qu'il voulait dans la vier8.
rité féminine.
C'est à travers les yeux de la mère, er non du père, que le fils se
La frlle doit apprendre à avoir une représentation mentale positive
perçoit comme figr-rre masculine. Labsence de lien d'attachement de la féminité. Quoi qu'il ait pu survenir dans le passé, il est possible
avec une figure maternelle dans l'enfance se tradui ra, chez le garçon
d'acqr-rérir cette image positive en trouvant une figure d'autorité
devenu adulte, par la difficulté à nouer des liens avec aurrui, que ce
féminine comme base de sécurité ou comme mentor.
soit des hommes ou des femmes. On observe chez beaucoup d'hom-
mes en état de détachement une absence de liens avec la mère ou une
figure féminine tout au long de leur vie. Mais ces blessures pelrvenr La figure paternelle comme base de sécurité
être guéries à tout moment, grâce à une relation non sexuelle avec Après Ia mère, le père est généralement I'autre grancle base de sécu-
rité dans la vie d'un enfant. Un père, un grand-père, un beau-père
ou tolrte autre figure paternelle était-elle là pour volls, comme base
17. Diane L. Coutu, Putting Leaders on the Couch: ,{ Conversation with
" de sécurité ? Pouviez-vous courir dans ses bras en sachant que vous
Manfred F. R. Kets de Vries ,, Haruarcl Btuiness Reuiew.
1É1. Richard Branson, Loszng My Vìrgìnity. How l'ue Slraiued, Hacl Fun ancl ALacle
y seriez toujours accueilli avec amour ? C'est ainsi que I'individu
a Fartane Doiug Business fuIy \X/ay, Vi¡gin, 1998.
apprend l'échange affectif avec les hommes.
r
I LO NÉcoctlzi(rN.r J'¿NJI¡JL¿.ç
r.Ës 8,4.r¿.1 or, sÉcunrrÉ 111

Relation père-frls
était froid, distant ou critique, alors'elle risque d'avoir des difficultés
Les pères doivent apprendre à leurs fils, rorsqu'ils sont
enfants et à apprenclre à nouer des liens positifs avec les hommes. Les études ont
adolescents, à gérer les émorions, er en particulier la colère
et ra montré que le lien particulier entre père et fille est utile pour appren-
souffrance. La socialisation des hommes doit être faite par
d,aurres dre aux filles à gérer leurs émotions.
hommes. La mère, en effet, ne peut y avoir qu,une contribution
Ces interactions avec des figures d'autorité dans I'enfance jouent
limitée, parce que le fils a l¡esoin de s'icìenrifi". u., ,"*" de son père.
un rôle important dans la façon dont nous choisissons nos partenaires
De nombreuses érudes ont montré que les bases de sécurité parer-
er autres relations avec des pairs. Il peut advenir que les relations
nelles - un attachement à un père ou à un frère aimant,
qui accom_ interpersonnelles d'r"rn individu soient, sa vie durant, ( otages ) cle
pagne I'enfant rour alr long de son adolescence et du dél¡ur
de sa vie I'image mentale qu'il s'est foryée du père ou de la mère. Cela étant,
d'ad'lte - jouent un rôle important dans la prévention des compor-
rien ne nous conclamne à être otages de ce qu'il s'est produit ou non
tements criminels et violents chez les jeunes garçons à risquàsre.
avec nos parents. Certaines des plus belles histoires que Ia vie nous
Tout jeune homme doit disposer dans son enrourage d'une figure
offre ne sont-elles pas celles d'individus qui ont surmonté les expé-
paternelle positive, qu'il puisse identifier comme base de
sécurité et riences les plus noires avec leurs parents ?
modèle de lien émotionnel empathique. Le père est à la fois
un Indépendamment des circonstances passées ou présentes (famille
exemple et un modèle de la façon dont les hommes se comporrenr
er monoparentale par exemple), nolrs pouvons trouver des bases de
gèrent leurs émotions avec les femmes, mais aussi avec
d'autres sécurité à tout moment de nos cycles de développement, depuis la
hommes, le travail er toutes les circonstances de la vie
en génénr. naissance jusqu'à la mort. Généralement, les adultes se tournent vers
Aussi puissant soit-il, le lien mère-fils ne remplace ra jamaisl,u-o.,,
des pairs et des égaux comme bases de sécurité. La bonne nouvelle,
d'un père ou d'une figure paternelle.
c'est que le cerveau peut à tout moment de la vie se recâbler pour
Relation père-frlle corriger cles expériences d'échec du lien.
Les attachements qui durent le plus longtemps sont solrvent ceux
cette relation est vitale pour que la fille développe une image positive
que l'on nolle avec ses frères et sceurs, conjoints et partenaires, et
et saine des hommes, de la virilité et des relations urr". À r'in.- amis d'enfance. Lorsque je demande aux managers qui suivent mes
",rr.
tant où le père rient sa fille dans ses bras pour ra première fois, au cours quelle est leur principale base de sécurité, la pltipart répondenr
moment de la naissance, se noue un lien particulier qui les façonnera
que c'est leur conjoint. Les liens d'attachement les plus courants
et les modèlera tous deux. premier homme importonr dur, ,u
vie, le concernent les conjoints, amis, collègues et supérieurs. Il est éga-
père a une influence aussi unique que p'issanre sur la formarion
de lement vrai que les ruprures avec des bases de sécurité - divorce,
I'image de soi de sa fille. La perceprion que celle-ci aura d'elle
prus incompréhension avec les parents ou conflits avec des amis - sont les
tard, en tant que femme, amie, amante, épouse et collègue, est
étroi_ situations d'échec citées en priorité par les managers.
temenr liée au père. ce qu'elle a vu d'elle dans les yeux
de son père Nombreux sont les individus qui considèrent leurs enfants
s'inscrir dans son cerveau. si le père esr une base de sécurité
et lui comme des bases de sécurité. Cette attitude n'est pas sans risques. En
donne le sentimenr d'êrre aimée, intelligente et séduisante,
elle gran- effet, en utilisant leurs enfants comme points d'ancrage, les parents
dira avec une plus grande confiance en elle. Si le père, en revanche,
interrompent le cycle de développement de I'enfant vers l'émancipa-
tion et la liberté. Ceux qui se servent de leurs enfants comme bases
19. James SØ. Prescom, . Affectional Bonding for the prevenrion
of Violent de sécurité font peser sur eux une responsabilité trop lourde. Le cas
Behaviors : Neurobiologicar, psychorogical and Religious/spiricual
Deter- de I'enfant adulte qui devient une base de sécurité polrr un parent
minanrs
", in L. J. Hertzberg et al.,Violert Beltrtuior, Vol. I iA¡se¡snænt and âgé plus tard dans la vie relève d'une toute autre logique. Bill
Inreraenti¡n, PMA Publish ing, l))O.
George, ancien PDG de Medtronic, est ainsi devenu une base de
r 11.2 NÉGoc t 1\TroNS.r¿N.rlslr.ç
/.1jJ'tjrtsltJ Dt: si,r:Unn'É I13

sécurité polrr son père, après le décès de sa mère : * Lorsque je suis Comment se comporterait un père-base de sécr-rrité por-rr aider sa fille
arrivé à la maison en fin d'après-midi ce jour-là, mon père m,a à apprendre à avoir des objectiß ? Il lui apporterait prorection, éner-
accueilli à la porre. Je n'oublierai jamais ce qu'il s'esr passé entre gie, réconfort et sontien en disant à Mary cluand elle tombe : < Et,
mais c'est très l¡ien parti ,.Il lui suggèrerait : . Tiens, pose ron pied
nor-rs. En le regardant dans les yeux, j'ai rout de suite compris qu'il
fallait clue je devienne le père de mon père. cette inversion des rôles sr-rr la pédale. Je vais tenir le vélo penclanr que rlr pédales. Et je te
a continué penclant les vingt-cinq dernières années de sa vie. préviendrai quand je le lâcherai. " Si Mary rerombait, il la rassure-
J'ai
vraiment perdu deux parents le même jour. À vingt-q*atre ans, je rait: ,, Ce n'est rien. Moi aussi, je suis bear-rcoup tombé quand j'ai
suis devenu l'aîné. "Le fils devient le père de l'homme." ,20 appris à faire du vélo. Je suis sûr que tu pellx y arriver. '
Que Mary tombe cinq fois ou dix fois, son père n'en continuerait
Des objectifs comme bases de sécurité pas moins à l'encourager : ( TLI y es presque ! Je sais qLre ru vas y
une des façons fondamentales de se créer une base de sécurité et de arriver ! " À la quinzième tenrative, elle tombera peur-être encore
réussir consiste à se dévouer corps et âme à un objectif.
eu,il soit mais elle ne renoncera pas, parce qlre son père h,ri aura dit : ., Ce n'est
personnel ou professionnel, ce dernier peur s'inscrire dans n'importe pas gÍave, je sais que tu peux y arriver. ,'
quelle sphère de la vie, relever de n'importe quel domaine. Lessentiel Il I'entoure d'une présence posirive. Finalement, Mary réussit à
est qu'il ait un sens pour I'indiviclu. Lorsque noLls avons un objectif, faire du vélo et son père applaudit et s'écrie avec un grand sonrire :
nous développons la compétence en vue d'arteindre le niveau d'excel- o Bravo, Mary !Je savais que tu y arriverais.
"
lence requis. En chemin, nolÌs connaîrrons généralement l'échec et la Comment se sent-elle ? Fantastiqr-re ! Qu'on me donne un vélo
"
frustration. La réussire est en fait l¡âtie sur la capacité à surmonter de course ! Je suis prête à passer au niveau supérieur
", se dit-elle.
l'échec. Apprendre à surmonrer des ol¡stacles crée dans le cervea* le Elle apprend qu'avec I'aide d'une base de sécuriré, l'échec fait partre
câblage pour agir, qui nous préserve de devenir orages de l'échec o. du chemin qui conduit à son objectif. Avec suffisamment d'expérien-
de la peur d'échouer. Les objectifs ambitie'x comporrenr roujours Lrn ces de ce genre dans sa vie, Mary apprendra à ne jamais être otage de
risque d'échec. Mais en apporranr prorecrion, réconfort et énergie, les la peur de l'échec et elle recherchera même des objectifs si élevés
bases de sécurité font du cheminemenr vers I'objectif une expérience qu'elle croisera probablemenr l'échec sur sa roure. Léchec esr ensei-
d'apprentissage permanent. Rester concenrré sur I'objectif donne une gnement et, lorsqu'on l'utilise de ceme façon, il ouvre la voie à une
signification positive aux résultats décevanrs er, au final, enseigne la réussite plus grande. Et ceme dernière renforce norre confiance en
résilience. notre capacité à agir et à ne pas devenir orages.
La petite Mary a cinq ans. Elle veut apprendre à faire du vélo. Son père
accepte de I'aider et lui ordonne :< Mary, monte sur ton vélo, pédale et ne Peur de l'échec et de la réussite
tombe pas. r
Elle obéit et, naturellement, tombe. Le père, qui n,agit pas Les personnes qui ont peur d'échouer sonr solrvenr incapables d'explo-
comme une base de sécurité, déclare : n Je ne peux pas t,apprendre quoi rer et de prendre les risques qui pourraient les conduire au succès,
que ce soìt r et tourne les talons. Mary est désespérée. Elle est pleine de parce qu'elles manquent d'assurance. La roure des individus qui
honte et son estime de soi est réduite à néant. réussissenc est bien souvenr jalonnée de revers et d'échecs. Certains
d'entre nous ont pourtant peur d'échouer et restent prisonniers de
cette peur.
D'autres sont pris en otages par leur peur de réussir. Comment
20. Bill George, Attthentìc Leadenbip : lledi.çcot,ering tbe secreî¡ to
cela fonctionne-t-il ? La peur de la rér-rssite survienr lorsque l'indi-
creatìng vtltn,
Jossey-Bass,200J. vidu est tellement attaché au but ou aux personnes qu'il évite coute
r L 14 ¡¡Éco<:ttt7'10Ns J¿NJlll/.¿.ç

nouvelle réussite, pour ne pas avoir à tirer un


trait sur celle qu,il est il était au plus bas, anéanti par le chagrin. Au cours de notre discussion, je
en train de vivre. Toute réussite sonne la fin
de quelque chose er, par-
tanr' esr source de chagrin ou de deuil. Atteindre lui demandai : n Ouel est votre rêve ? Oue voulez-vous faire du reste de
.,n b.., revient for_ votre vie 7, Spontan'ment, il me répondit : rt J'adorerais naviguer sur
cément à faire son deuil de quelque chose :
dire au revoir à une l'océan Atlantique. r Comme il suivait une chimiothérapie, la tâche ne
entreprise, à des amis quand on quitte l'université,
à des collègues s'annonçait pas des plus simples. Je lui conseillai néanmoins de voir avec
lors d'une promorion, à son pays natal si on paft
vivre à l,étranger, ou son médecin si c'était envisageable. Le médecin donna son accord et
à sa famille quand on qui*e son foyer à
; toutes ces choses er à rous Henry décida de vivre son rêve. ll réunit une petite équipe et partit s'ins-
ces êrres qui nous ont apporté sécuriré à
un moment de notre vie. taller aux Açores. ll se plongea avec enthousiasme dans la préparation de
Certains individus ne quittent jamais leur
maison, fuient les promo_ son aventure.
tions et ne s'installent jamais à l'étranger, parce
qu'ils onr pe'r du Lorsque je revis Henry quelques mois plus tard, au retour de sa traver-
chagrin que provoquera le chongem.nt.
sée de l'Atlantique, il débordait d'énergie et de vie. ll me dit : < Vous
John avait été promu mais, bien roin de s'en n'allez pas croire ce qui m'est arrivé. Mon taux de PSA a tellement baissé
réjouir, ir s,inquiétait. il
aimait son ancien poste et ses corègues. il ailait qu'il est digne d'un adolescent. Les médecins n'arrivent pas à I'expliquer. r
devenir reur supérieur et
leurs rapports ne seraient prus res mêmes., Je lui demandai comment il expliquait cette rémission et il me répondit:
ne vourait pas qu,iis re trai-
tent différemment. l C'est parce que j'ai vécu mon rêve. J'ai fait ce que j'avais toujours rêvé
Malheureusement, John fut incapabre de dire de faire. r
au revoir à son ancien
poste' ll commença à accumurer res mauvais Durant les quatre années qui suivirent, Henry resta en pleine santé,
résurtats dans re nouveau¡
accusant ra terre entière de ses maux. il était partageant sa vie entre les Pays-Bas et les États-Unis. puis, il décida de
devenu otage de son cha-
grin. 0uel était re probrème ? Au prus profond vendre son bateau, ce qui impliquait de le ramener aux pays-Bas. ll
de rui, ir souhaitait retrou-
ver son ancien poste et son ancienne identité. m'expliqua que le voyage de retour en Ëurope, à la différence de son
Dès qu'il assuma ra prise de ses nouveiles fonctions ll mit son bateau en vente, pensant qu,il
voyage initial, avait été sinistre.
et se ribéra de son
ancien poste, tout changea pour rui. ceux qui lui faudrait un an ou deux avant de le vendre. Mais en moins de deux
|avaient s.utenu |encoura-
gèrent dans son nouveau poste de semaines, il trouva un acquéreur. Deux mois après la vente de son bateau,
responsabre. .uant à ceux qui ne
l'avaient pas soutenus, ir accepta tout simprement il rechuta. ll me dit alors : rr Je sais pourquoi. Je suis en deuil. J'ai perdu
qu,ir en fût ainsi.
Résultat ? ll n'était prus otage. ses résurtats mon rêve. Mon bateau était ma base de sécurité. Je suis Hollandais, navi-
s'envorèrent et ir finit par
réussir à tirer un trait sur son poste précédent. guer est une base de sécurité pour moi, et à présent, je sais que je ne le
La prupart des personnes
qui travaillaient avec rui réussirent égarement ferai plus jamais. Je n'ai pas d'autre rêve. Je n'ai pas d'autre but pour
à se débarrasser de
l'ancienne perception qu'elles avaient de lui
et à le considérer comme leur continuer à avancer. l
chef.
Henry avait de noml¡reuses bases de sécurité aurour de lui : sa
Si nous ne parvenons pas à affronter er à surmonter femme, ses amis ec d'autres. Son travail ne l'avait jamais vraiment
la perte d'un but
et à en trouver Lln nouveall, nous risquons d,être passionné. De douloureux sollvenirs de la seconde guerre mondiale
pri, otages, nous
interdisant par là même de réaliser notre plein "n I'avaient tourmenté foute sa vie, entravant son bonheur. La croisière
fotenrier. Ãrtein.rre
un objectif, dès lors, implique de renoncer au ,, sur l'Atlantique avait indubitablement été I'un des grands mornenrs
rêve o er de passer aLr
suivant. de sa vie.

À soixante ans, Henry apprit qu'ir étaii atteint Cette histoire illustre le pouvoir des rêves, le danger de ne plus en
d'un cancer de ra prostate
avoir et le défi de toujours en poursuivre de nouveaux. Henry essaye
- un choc considérabre pour rui et pour sa femme. Lors de notre renc.ntre,
clésormais de trouver un nouveau rêve.
I 16 NÉcoctATToN.r .çENJ1ß¿¿.ç Lr.r tsAs¿.ç on sÉcuturÉ I17

Estime de soi et bases de sécurité ð se montrer proche des autres ;


Le fondement de l'estime de soi repose sur le sentiment d'être aimé e manifester que les autres sont importants ;
et de compter. Nos premières expériences avec des bases de sécurité ø faire preuve d'ouverture vers la vie et les autres.
nous font penser que ,. je compte, j'ai une place, on peut m,aimer,
Naturellement, même les personnes dotées d'une estime de soi
sans réserve r. Lattachemenr aux objectifs fonctionne en parallèle,
élevée connaissent des revers et des déceptions, mais elles ont ten-
lorsque la personne, motivée et déterminée, ctée une réponse émo-
dance à rebondir rapidement et à faire preuve d'une résilience remar-
tionnelle positive à I'objectif.
quable face aux défis, combats et dilemmes de la vie. C'est comme si
La joie de vivre est alimentée par une forme de dynamique :
l'estime de soi apportait un n revêtement en Téflon à l'âme.
I'individu a conscience de ses désirs et de ses aspirations ; il agit dans "
ce sens, obtient une réaction de l'environnemenr er trouve satisfac-
tion et gratifrcation dans le résultat de son action. eue vous vouliez Bases de sécurité et rêsilience
être un excellent joueur de foot ou un très bon manager, vous devez Les bases de sécurité et la résilience sont étroitement liées. Gilligan
vous entraîner, remeffre cent fois I'ouvrage sur le métier, pour pro- définit la résilience comme << un ensemble de qualités qui aident un
gfessef, encofe et encofe. c'est en o faisant ) et en fecevant du feed- individu à résister aux effets négatiß de l'adversité,,22. La résilience
back sur ce que vous faites que vous pourrez atteindre votre compé- est Ie processus qui consiste à surmonter l'adversité et à apprendre
tence maximale. Tel est le chemin vers la réussite, qui s'appuie sur des expériences difficiles. Lespèce humaine fait preuve d'une rési-
l'attachemenr aux objectiß er la capacité à créer un lien émotionnel lience remarquable. Le lendemain d'une arraque terrorisre ou d'une
avec ces objectifs. catastrophe naturelle, les gens reprennent leur vie et continuent.
ce processus intervient chaque fois que nous sommes profondé- Lorsque noLrs sommes résilients, nous traversons les difficultés et
ment attachés et dévoués à un but. Notre esrime de soi nous permet nous surmontons Ie stress, La résilience suppose que l'individu soit
d'agir, en sachant que nous sommes compétents pour le faire, même capable de neutraliser, dans l'æil de son esprit, la focalisation sur la
dans la fruscration et l'échec, er que nous pouvons réussir. Les bases perte, afin de continuer à avancer vers le but qu'il s'est choisi23.
de sécurité avec les individus et les objectiß conrribuenr à construire Fils d'un métayer du Kentucky, Carl Brashear refusa que quoi que ce soit
l'estime de soi2r. vienne se mettre en travers de ses rêves. Lorsqu'il quitta la maison fami-
Voici les manifestations d'une bonne estime de soi : liale, son père luidit :r Ne renonce jamais - sois le meilleur. r Carl prit ces

o être joyeux et montrer que I'on est heureux de vivre paroles à cæur. ll s'engagea dans I'US Navy et devint le premier maître
;
plongeur noir de la marine des États-Unis... n0n sans avoir surmonté pré-
r donner er recevoir de l'énergie de manière équilibrée ;
jugés raciaux et autres obstacles.
e rechercher de nouvelles opportunités er de nouveaux défis
;
Plus tard, à la suite d'un accident dans l'exercice de ses fonctions, il
c être capable de faire er de recevoir des compliments ;
devint le seul maître plongeur amputé de l'US Navy. Carl est l'un des sept
¡ faire preuve de spontanéité er de souplesse ;
soldats dont I'US Naval lnstitute raconte I'histoire. Son parcours hors du
c faire preuve d'espièglerie ;
+ avoir des réactions créatives face aux problèmes ;
r retirer de la satisfacrion des expériences ;
22. R. Gilligan, " Adversit¡ Resilience ancl Yor.rng People :' The Protective
Value of Positive School and Spare Time Experieoces )): Chìldren ancÌ Society,
21. Pour en savoìr plus sur l'estime de soi, l'excellent ouvrage cle Nathaniel 2000.
Branden, self-Esteen at ulorþ : How confdent peoþre Make powerfitl comþanies, 23. American Psychological Associatìon, The Road to Resilience : 10 \7ays
"
Jossey-Bass, I!p8. tcr Build Resilience 2004, www.apahelpcenter.org.
",
11 8 NÉc;ocr A1'toNS J'¿NJ1lJi_11.t
¿r.r ß1tJ-¿.r or, sÉc;uWuj ll9
commun a également donné naissance à un film à succès, L'honneur
tout prix.
o
g. Gardez clu recul. Pensez au contexte plus large et conservez Llne
tr Parfois r, raconte-t-ir, r quand je revenais perspective à long terme.
de courir, ir y avait une
petite flaque de sang sur ma jambe artificieile, à cause
de mon moiqnon.
9. Cukivez I'optimisme. Concentrez-vous sur ce qLre volrs voulez,
Je n'allais pas à l'infirmerie. cette année-là, sij,étais allé plutôt que slrr ce qlre vous ne voulez pas et ne laissez pas la peur
à I'infirmerje, ils
auraient fait un rapport sur moi. Je n'y suis pas alré. J'allais s'emparer de votre esprir.
me cacher
pour tremper mon moignon dans un seau d'eau chaude !).Prenez soin de vous. Soyez attentif à vos besoins et à vos senti-
salée - un ancien
ments. Faites des choses qlre vous aimez et que volrs trollvez
remède. Le lendemain, je me levais et je partais courir. r2a
relaxantes.
chacun d'enrre nolrs peur apprendre et cultiver Ia résirience.
L'A.merican Psychological ,A.ssociation (ApA) donne les dix ces attributs sonr plus facilement appris si on dispose de bases de
conseils
suivants2t : sécurité qui nous ont apporté les modèles menraux favorables à la
résilience. La mentaliré d'otage est à l'opposé de la résilience. Elle
1. Nouez des liens. Les bonnes reracions sonr imporranres. diminuera tolliours votre estime de soi.
2. N'envisagez pas les crises comme des problèmes insurmontables.
vo's ne pouvez pas changer le fait que des événements stressanrs Lorsqu'une base de sécurité vient à manquer
snrviennent, mais vous pollvez agir sr_rr la façon dont vous
les un grand nombre de personnes ont été privées de liens de sécurité
interprétez et dont vous y réagissez,
dans les premières années de leur exisrence. certaines sont capables
3' Acceptez I'idée que le changemenr fait partie de la vie. Accepter de résoudre ce problème lorsqu'elles cleviennent aclulres er réus-
ce qui ne peLlr pas être changé vous aide à vous focaliser
sur ce q.i sissent à nouer des relations interpersonnelles heureuses, enrichissan-
peut l'êrre. tes, clans leur vie personnelle et professionnelle. Beaucoup d'autres,
4. Avancez vers vos buts. Fixez-volls un nombre limité d'objectifs cependant, n'y parviennent pas et ne savent nolrer que des relarions
réalistes et dites-vous : ,, euelle est la chose que je peux négatives, lorsqu'elles ne sonr pas purement et simplemenr coupées
accom-
plir a*jourd'hui qui m'aidera à avancer dans ra direction oir j,ai de tout lien. Elles pelrvent connaître des attachements, mais sans
envie d'aller ? aucune création de liens authenriques. cette cafence se manifeste,
"
5' Agissez. Réagissez aux situations crifficiles auranr que vous le par exemple, dans le fair qu'elles sont incapables de gérer le conflit,
pouvez, aussi vite que vous le pouvez. la frustrarion, la jalousie ou la déception, ou qr-r'elles sonr consram-
6. Recherchez cles opporrunités de découverre sur vous-même. Les ment dépendantes ou qu'elles s'accrochenr aux alrrres. Les individus
individr-rs apprennenr quelque chose sur eux_mêmes et en conflit permanent rendenr à avoir une faible esrime de soi.
décor_r_
vrent qu'ils onr progressé sur rel ou tel point grâce aux difficultés Lorsque les bases de sécurité des individus n'onr pas pleinement
qu'ils ont surmontées. jo'é leur rôle, cela peut plusieurs conséquences. Ils risquent
7' cultivez une image positive de vous-même. Développer la confiance ^voir
d'avoir peur de l'artachement et d'éviter roure forme de lien avec
en vorre capacité à résoudre les problèmes et faire confiance autrui. Ils peuvent aussi craindre la séparation et, partant, s'accrocher
à vorre
intuition contribuent à bâtir la résilience. exagérément aux autres. Certains développent un comportement
d'imitation ou, à l'inverse, de haine du père o'de la mère, ce qui les
24. carl Brashear, entretien avec l'u.s. Naval Insritute, concluit
le r7 n,vem- conduit à fuir leur virilité ou leur féminiré.
bre L989 à I'US Naval Starion, Norfolk, www.chasìngthefrog.com. On observe également que les individus ayanr manqué de bases
25. Amertcan Psychological Association, . The Roacl to Resiliencc: de sécurité évirent d'explorer ou de se rourner vers l'extérieur pour
l0 Ways
to Build Resilience faire des choses, parce q''ils n'ont pas réellement confiance en eux.
".
I2O NúGoc tA'noNs.ç¡Nr1¿l¿ll.t
r.ES ryASES DE sÉl:ururÉ. I2I

Ils ont tendance à douter d'eux-mêmes, à ne pas être autonomes nos bases de sécurité. Le style d'attachemenr et de liens désigne la
;
anticipant en permanence la pefre, ils sont rongés par I'inquiétude. façon dont nous choisissons, renonçons et re-sélectionnons nos bases
cela peut aller jusqu'à cles sentiments de panique, qui les rendent de sécurité. Tout individu a sa façon à lui de créer, d'entrerenir, de
incapables de nouer des liens de sécurité. rompre et de renouveler des attachements. Ces styles sont basés sur
Les superviseurs et les managers qui ne sont pas des bases de sécu- les modèles mentaux qui se sont rransmis dr-r passé jusqu'au présent
rité pour leurs groupes ou les membres de leurs équipes génèreront et qui sont le fruit d'adaptations successives à ce que nous avons
vraisemblablement des conflits, tout comme ceux qui s'attachent vécu. Modelés par les réponses que nous avons reçues - ou non - de
exclusivemenr aux objectifs. Nombre cl'individus sont dans I'incapa- nos bases de sécurité, les styles d'attachemenr peuvent être modifiés
cité de réussir, parce qu'ils onr peur de l'échec ou de la réussite. La par les expériences que nolrs vivons avec de nouvelles bases de sécu-
raison tient au fait qu'ils n'ont pas pu ou su apprendre le mécanisme rité.La typologie ci-dessous me semble la plus utile aux managers.
du lien affectif auprès de bases de sécurité.
citons quelques-uns des symptômes que présenrent les individus Le style confrant
manquant de bases de sécurité : C'est le style idéal. Lindividu noue facilement des liens avec les
ç faible estime de soi ; autres, accepte de dépendre d'eux et que les aurres puissenr dépendre
e incapacité à affronter le stress et l'adversité ; de lui. Sa confiance intérieure lui permer d'affronter les êtres et les
o incapacité à développer er à enrrerenir des liens afièciß avec autrui situations avec sérénité et maîtrise de soi. Les individus au sryle
o attitudes et comportements antisociaux ;
;
confiant ont conscience d'eux-mêmes, de la façon dont les autres leur
* difficulté à faire confrance ; répondent et de leur impact muruel. Ils tendent à se focaliser sur le
r attitude négative er cynique ; moment présent et ne craignent pas d'être rejetés, mal aimés ou
abandonnés. À l'uir" avec la proximité, ils ne s'inquiètent pas de
ù manque d'empathie ;
o bavardage incessant ; l'avenir de la relation. Labsence de roure forme d'anxiéré est la mar-
que fondamentale des individus au style conûant. En cas de peur ou
o problèmes comportementaux et scolaires ;
d'anxiété, ils s'autorégulent et il est facile aux autres de les approcher
e estime de soi instable er doute de soi-même ;
et de profiter de la relarion. Les leaders dotés de ce style sont beau-
* sentiment de ne pas être appréciés par les autres dans le travail ;
coup plus effrcaces, parce qu'ils créent un sentiment de confiance et
e désir d'hypothétiques réussires, mais incapacité à soutenir un
de sécurité en étant une base de sécurité.
effort;
o tendance à être aisément distraits par des saures d'humeur (même
Le style inquiet
positives) ;
Les individus inquiets sont emplis de doutes et de méûance, obnu-
.' sensibilité er émotivité importantes lorsque soumis au srress ;
bilés par le besoin d'être aimés et appréciés par autrui. Leur insécu-
{ pelrr d'essuyer des refus ou des rejets dans la vie de rous les j'urs
; rité leur donne le senriment que les autres sont réticents à êrre aussi
.+ tendance à se livrer à tout le monde ; proches d'eux qu'ils le souhaiteraient. À cause de I'aura d'angoisse,
+ obsessions en matière alimentaire.
voire de négativité qui les enrolrre er qLli freine rout dialogue
authentique, entrer en contact avec de tels individus est souvent
Styles d'attachement et de liens difficile. Plus ils s'accrochent aux au.rres, plus ces derniers essayenr
Létude des comporremenrs d'attachement a d'abord porté sur les de les éviter, ce qui crée un cercle vicieux. Les managers dotés de ce
animaux, puis sur les jeunes enfants, avant de s'intéresser aux adul- style transmettent leur peur et leur anxíété à leur entourage et ont
tes. Tout au long de notre vie, se dessine une histoire mouvante de du mal à être une base de sécurité ou même un équipier positif. Face
a I22 N ÉGoc r AT rcNS.ç¡-NJllt/_1iç
L¿.ç 1J.4.ç¿.ç or sÍ,cunrrÉ I23
à ce type d'individus, il importe d'être clair dans ce qLr'on
dit, de ne
pas laisser planer d'ambiguiré et de veiiler
à ne pas favoriser de sen_ J'en connais qui, au terme d'une di.fficile lutte avec eux-mêmes, ont
timent de peur. La meilleure artirude consisre frni par laisser leur épouse devenir leur première base de sécurité et
à pos., cres questions,
afin de guider l'æ' de ler-rr professeur às attachement. Au final, le solitaire indépendant doit
de la personne vers un aurre point,
plutôt que d'essayer de'esprit
ra rassurer. propor., de lui soumerrre apprendre que si toute relation esr source de souffrance, de déceprion
un et de frustration, les bénéfices l'emporteront toujours sur la souf-
nouveall point de vue est une autre technique
effrcace. La seure issue
pour les individus angoissés est de parvenir france. Les plus grancles joies de la vie ne nous sont-elles pas données
à recâbrer leur cerveau
pour se focaliser sur res bénéfices et les par nos relations avec autrui ?
points positifs, et apprendre
à faire confiance aux alrrres. Cela n'est
possible q.r" ,;il, o,rtorir"nt Le style protecteur compulsif
base de sécurité forte et positive à
'ne être incorporée à leurs modè-
les mentaux' cependanr, nous ne Les protectelrrs sont des inclividus qui créent des liens en prenanr
devons pas laisser ce type d,inclivi-
dus nous prendre en ocages avec leurs inquiérudes soin des autres. Les aider est leur première motivation, même au
et leur insécurité. point de se détruire eux-mêmes ou cle leur nuire. Dans les cas les
Les grands leaders savenr tracer .ne
frontière enrre la saine dépen-
dance et la dépendance excessive. plus extrêmes, ce style prend la forme d'un besoin compr-rlsif de sau-
ver quelqu'un qui pourrait et devrait être responsable de lui-même.
Le style solitalre inclépenclant Comme le fait de venir en aide à autrui esr au cæur de leur idenrité,
Les solitaires indépendants évitent de nouer ils sont soLrvent indifférents à leurs propres besoins. Le déséquilibre
des liens affectifs er
fuienr rour ce qui ressemble de près ou de la relation - ils donnenr plus qu'ils ne reçoivenr - les menace
de loin à de la dépenJunce o,,
cle l'al¡dication. Ils ne rissenr pus d'épuisement. Les protecreurs compr-rlsifs peuvent aussi sombrer
de liens avec aurrui parce qu,ils
n'ont jamais appris à le faire, o.r ir, on, peur dans I'amertume et le ressentiment, lorsqu'ils ont le sentiment de ne
de ,'uttu.h", parce q',ils
anticipenr la souffrance ou la perre. Les pas être suffisamment ( appréciés par les personnes dont ils se sont
acrultes de ce siyle ont du "
mal à se rapprocher des aurres et à leur fairc occupés. Il leur suffrt de peu de choses pour se sentir otages. Usant de
confrance. Leur vie esr
souvenr marquée paf une profonde soritude, la dépendance comme un insrrument de manipulation, ils peuvent
cachée par des activirés
qui évitent des relations interpersonnelres pr.,, aussi prendre les autres en otages à coups de après tour ce que j'ai
profondes. Irs pré- "
fèrenr agir seuls que demand"r d. l,aide, fait pour toi o. Dans les organisarions, les prorecreurs compulsifs ris-
afin d,éviter rolrte dépen_
dance ou renoncer à une parcete de quent d'entraver le flux des idées et le développemenr des individus.
contrôle. Lorsque les managers se
focalisenr rrop sur les objectiß, les faits Face à ce style, la franchise bien pesée sera I'attitude la plus efficace.
ou res .hor"r, ils emfêchent
la formation du lien indispensable au grand
leadership. Face à ce Le style clépendant hostÍle
type d'individus, il esr impo.anr d'éviier
les compo*å-..r* urro_ Il se manifeste chez l'individu qui, tour jusre après avoir noué un lien
ciés au rejet. vous devez nouer des liens
dans le respe* de l,individu, avec autrui, souhaite s'en écarter, en créant généralement un conflit.
en urilisant des objectifs communs pour
construire ra relation. Il De tels individus ne savent pas commenr enrrerenir des relations
convienr également de rrouver le juste
degré de proximité et d,intro- d'attachement positives et se protègent donc en ayant recours à I'hos-
duire discrèremenr des émotions dans la discussion.
vous devez rui tilité pour s'éloigner de l'aurre. Ils créent régulièrement des diffé-
tendre la main plus que d,ordinaire et
acceprer cela comme une rends et certains vont jusqu'à goûter le conflit. À peine onr-ils noué
donnée' Parvenu à un certain stade, vous
serez peut-être prêt à avoir un lien qu'ils veulent le rompre ou se batrre. Cela étant, lorsque
un dialogue à cæur ouvert. ce schéma
esc pr.s couranr chez les hom_
mes' Pour eux, le meilleur antidote à ce*e
I'autre personne recule, ils font un geste vers elle et tentent de
solirude du cow-boy esr renouer le lien. Ils ont à la fois peur d'être proches et de se rerrouver
une amitié profonde avec un autfe homme
comme base de sécurité. sans lien. Ils deviennenr otages de leur propre colère er de leur peur
124 N Écoc t4'1?0Ns.çrNJ1ll.¿s
L[,s tiASES ot: sÉcunrrÉ 125

de la proximité. Ils rrouvenr toujours une raison d'être en colère et de


Le râleur
rompre le lien.
Dans les enrreprises, les managers qui utilisenr ce style créent la Le râleur se sent persécuté et victime. Il se montre souvent cynique
confusion en jouant les ,, DrJekyll et Mr Hyde,. La personne esr et critique, ne voyant qì.re ce quì ne va pas. Il crée une énergie néga-
amicale et, I'insrant d'après, coercirive et difficile. Ils utilisent le tive. Il est convaincu que lui seul peut faire les choses correctement
rejet et les menaces pour manipuler les aurres. Dans I'idéal, face à ce er qlre les autres se moquent qu'elles le soient ou pas.
Face à ce type de personnes, la règle numéro 1 consiste à ne pas se
style, nous devons connaître nos propres limites et avoir des objec-
laisser entraîner dans la négativité. Restez optimiste. Il est également
tifs clairs. Définir des limites cle manière positive est important, Ne
soyez pas otage de leur compoftement. Au contraire, montfez-vous
important de ne pas proposer de solutions trop tôt. Leur jeu est de
vous ameneràfaire des propositions, afin de pouvoir les refuser. Donc,
ferme et résolu, et laissez les conséquences récompenser ou punir.
veillez à ne pas toml¡er dans le piège et à ne pas enrrer dans o la prenez-les à contre-pied en leur demandant ce qu'ils feraient. Une
grande valse de I'attachement > et son cycle d'émotions contra- bonne stratégie consiste à les lancer sur le scénario du pire. Si vous avez
ce genre de personnes dans votre équipe, soyez prêt à faire le travail
dictoires.
Par-delà les sryles d'artachemenr que nous venons de décrire, qua-
tout seul. Parfois, lorsqu'elles savent que vous allez vous passer d'elles,
elles changent d'avis et s'impliquent. Définir et marquer des frontières
tre aurres types d'individus peuvenr se manifester dans le contexre
est très important pour volrs protéger et protéger les autres.
organisationnel.

Le béni-oui-oui L'arrogant
Le béni*oui-oui est d'accord avec tolrr le monde er connaîrre sa posi-
Larrogant a tolrtes les réponses. Posez-lui la question et voLrs veffez
tion sur un sujet donné n'esr pas chose facile. Il dit oui à tout. une qu'il sait parfaitement comment les choses devraient être faites. Sou-
partie du problème tient à ce que, pour eux, dire * non ) esr syno_ vent négatif, il a du mal à nouer des liens, à cause de ses airs supé-
rieurs. Il est généralement englué dans I'attachement au pouvoir et la
nyme d'abandon et de rejet. Ils évitent donc soignelrsemenr rour
quête d'une identité personnelle non résolue. En effet, I'arrogance est
désaccord. De fair, ils s'engagent solrvenr de manière inconsidérée
par crainte de répondre par la négative. bien souvent le signe d'une faible estime de soi.
Par conséquent, volls ne pouvez rien laisser au hasard. Face à ce type
Face à ce rype d'individus, il faur veiller à ce que la franchise
er d'individus, veillez toujours à connaître les faits, parce qu'ils les mani-
I'honnêteté ne soient pas perçues comme menaçantes. Dans vos inter-
actions avec eux' insistez sr-rr le fait que volrs voulez la véúté, parce
puleront. Cependant, si vous êtes sufflsamment sûr de vous, il n'est pas
impossible qu'ils fassent marche arrière. En règle généra\e, ce n'est pas
que vous aimeriez savoir ce qu'ils fessentent ou ce qu'ils veulent,
en les affrontant que vous I'emporterez, sauf si vous êtes prêt à risquer
même si cela doit vous déranger. Afin de briser la malhonnêteté à
l'escalade. Il est préférable de recourir à des questions. Vous gagnerez
laquelle s'apparenre leur docilité excessive, vous devez être direcr et
plus à vous montrer amical qu'à vous opposer à eux ou à vous poser en
chaleureux. N'acceptez pas d'engagemenrs inconsidérés de leur parr.
( contfe-expert ). Jouez les nalß, c'est votre meilleure carte.
sachez également qlre c'esr à vous qu'il appartiendra de dire << non ), Les leaders arrogants ne sont pas une base de sécurité. De ce fait,
parce qlr'elrx ne le feront pas.
Le problème avec les équipes dotées de ce genre d'individus est
ils ne pourront pas créer la confiance.
qu'elles n'expriment pas de différences d'opinion. Ils doivent appren-
L'indécis
dre que des points de vue divergents ouvrenr la voie à cle meiireures
Il ne peuttout simplement pas prendre de décision. Lindécis cherche
solutions. Si tout le monde se contente de dire r, oui rr, on ne trouve
à éviter le conflit, remettant à plus tard tout ce qui peut s'avérer stres-
pas la meilleure solution.
sant pour lui ou pour les autres. Il temporise donc en permanence...
126 NÉcoct,1z10N.r J¿.NJlutrs
t.tjs tiAsr¡,s DE stict¡ntrÍ 127

laissanr à autrui le soin de prendre les clécisions.


Face à ce rype d,indi- nos interactions avec nos bases de sécurité que nous forgeons nos sry-
vidus' n'essayez pas de rrolrver une solution
à sa place quand ir pour- les cl'attachement et de liens. Si nous n'avez pas eu de bases de sécu-
rait le faire lui-même. Les indécis ne se ren.en,
pu, .u-p,e que leur riré dans Ie passé, sachez qu'il n'est jamais trop tard pour en rrouver
irrésolution est solrrce cre stress pour les a'tres
et vous devez rer-rr en une -une pefsonne, un ami ou Ltne frgure d'autorité.
faire prendre conscience. Il est importanr
de les encolrrager à résou- Posez-vous les questions suivanres er prenez le temps de réfléchir
dre le problème, en les aiclant lorsque c'esr
nécessaire. s,ils rergiver- à vos réponses :
senr pafce que leur stratégie numéro 1
est de laisser venir, montrez-
vousdirect:nNou Quelles personnes et quelles choses ont éré mes bases de sécurité ?
eu'arons-nousrairei,li:i":':iåt""ïrJ,i:ïïî:1"J,:::": Quelles sont mes bases de sécurité acruelles ?
tâches. Tout ce qlre vous y gagneriez. , Quelles sont les choses les plus importantes que j'ai apprises grâce
c,esr qu,ils temporisent plus
encofe' Si vor'rs les senrez en difficulté, à mes bases de sécurité ?
apportez-reur r-rn cadre pour
les aider à résoudre le problème. par exemple,
proposez_leur plu_
. Quelles l¡ases de sécurité ai-je perdu au cours cle ma vie ?
sieurs solutions et demandez-re'r d'en
choisir une. Gardez à l,esprit Comment leur perte m'a-r-elle affecté ?
qu'il est important de les encourager et cle les
soutenir avant, pen_
: Qui ont été les bases de sécurité dans ma carrière ?
dant et après la décision. Quand ai-je été une base de sécurité pour autrui, dans ma vie per-
sonnelle ou professionnelle ?
Résumé
Les bases de sécuriré appomenr protection,
réconfort et énergie. Il en
existe diverses formes : êtres humains,
objectifs, pays, oni_u.rî domes-
tiques' objets' croyances, religions. Linreraction
des bases de sécurité L Connaître et utiliser vos bases de sécurité peut vous aider à gérer l'æil
,, êtres humains , et .. objectifs ,
contril¡ue à former l,estime de soi de de votre esprit, en vue de réussir. Les managers doivent être des
l'individu - et la réussite. bases de sécurité pour bâtir la confiance dans une équipe ou une
Bien que I'ceil de l'esprir soit câblé pour organisation,
repérer le danger, les bases
de sécurité nolrs permettent cl,éteindre
c. ndar, afrn que nous puis_ 2. ldentifiez vos bases de sécurité passées, ainsi que les iorces et barriè-
sions voir I'aspect positif des choses. Dans res qu'elles ont contribué à créer en vous,
l'æil d" notr" nou,
avons une ,, mémoire ,, de ces bases. "rpri,,
Ces souvenirs influencent 3. La perte d'une base de sécurité peut être l'une des douleurs les plus
la façon
dont nous donnons du sens à ce que nous vivons. terribles qu'il nous soit donné de vivre. ll est nécessaire de surmonter
on res appelle cres
ce chagrin, afin de retrorrver la joie de vivre ou de nouvelles bases de
modèles menraux ou des carres menrares. Les bases de ,é..,riå!.ri
p",r- sécurité.
plênt notre vie contribuent à façonner nos
vareurs et nolrs aident à sur-
monter les expériences douloureuses, en 4. Les bases de sécurité nous apporlent un sentiment de sécurité et de
leur donnant du sens. protection, de sorle que l'æil de I'esprit peut se focaliser sur I'explora-
savoir ce que sonr' et ce qlr'onr éré nos
bases de sécurité nous aide tion, la créativité et faire des choses dont nous retirons satisfaction et
à mieux comprenclre notre identité ra
aux autfes' dont nous nous attachons à
- façon dont nous nous rions plaisir.
des objectifs et dont nous
interagissons avec le monde qui nous
entoure.
La connaissance des r¡ases de sécurité
qui ont jaronné norre vie er
norammenr nos jeunes années nous pefmet -
-
menraux qui déterminenr nos rerarions à
de décoder les modères
autrui. c,est en effet dans
Cha 6, re

L'ART DE GÉRER
LES CONFLITS

Hossam, dirigeant dans une société de télécommunications, a participé à


un programme de développement du leadership à I'IMD. En conflit grave
avec son supérieur, il ne retirait plus de satisfaction de son travail et
s'apprêtait à démissionner.
n Nous n'arrivions à rien, avec mon supérieur n, m'a-t-il expliqué. n ll
nous était tellement difficile de communiquer qu'il était incapable de
comprendre ce que je voulais dire'et que de mon côté, j'interprétais tout
ce qu'il disait ou écrivait de manière préconçue. Je prenais tout comme un
reproche. r
Du'fait de son milieu et de sa culture, Hossam fuyait les conflits.
Cependant, à I'issue du programme, il décida d'exposer ses préoccupa-
tions à son supérieur, bien qu'il fût toujours convaincu de n'avoir d'autre
alternative que de démissionner. Cette situation était d'autant plus diffi-
cile à vivre qu'il venait d'arriver de son pays natal avec sa femme et leurs
deux enfants. ll était persuadé que son chef le considérait comme une
quantité négligeable et son évaluation était la plus mauvaise de l'équipe.
ll pensait que son supérieur ne l'aimait pas et ne voulait pas de lui dans
l'équipe.
ll demanda un rendez-vous d'une heure à son supérieur, afin de lui
dire ce qu'il avait sur le cæur. À son grand étonnement, cet entretien se
transforma en un dialogue à cæur ouvert qui dura quatre heures. ll
m'expliqua plus tard que c'était la première fois de sa vie qu'il avait
trouvé le courage de dire le fond de sa pensée à quelqu'un et d'entendre à
son tour la vérité.
l3O Ntjcocm TToN.!.r¿NJlu/_11.ç
r,'|\rì't Dt çÉ,ntn t,t:s coNrrtrs I3l
r ce fut douloureux, très douroureux r, reconnaît-ir, a mais
d'une cer- Ensuite, il a eu besoin d'une base de sécurité, en l'occurrence ses amis
taine manière, cette souffrance a déclenché un dialogue entre nous.
er moi, pour I'accompagner dans le changement. Puis, il lui a fallu se
Notre relation en a été totalement bouleversée. l
focaliser sur les avantages du changement : << Je vais trolrver une
ll découvrit qu'il s'était fait une idée fausse de son supérieur et que
ce solution et, quoi qu'il advienne, j'aurai repris le contrôle sur moi-
derniers'était luiaussitrompé à son sujet. Au terme d'une longue
discus_ même, je ne serai pas otage. " Après quoi, il a défini une ligne de
sion, ils tirèrent leurs probrèmes au crair, nouant un nouveau
rien. Au conduite : préserver le lien avec son supérieur, faire preuve d'une
cours des douze mois qui suivirent, les résultats d,Hossam
s,envolèrent, honnêteté sans faille et identifrer des objectifs commlrns. Il a appris à
tant et si bien qu'il devint bientôt le meilleur élément de l'équipe
et que transformer un ennemi en allié. II y est parvenu grâce à la prarique
son supérieur défendit ses couleurs dans I'entreprise.
réitérée de jeux de rôle, assortie d'r-rn feed-back immédiat. Enfin, il
Hossam avait toujours évité les conflits, mais il découvrit
qu,il était lui a fallu comprendre les avantages du changement et fêter sa réus-
tout à fait possible d'aborder des probrèmes sans pour autant agresser
sire. Hossam est passé par toutes ces étapes. Il a initié le processus en
l'autre ou entrer en guerre contre rui. Faisant preuve de francÀise
et recâblant son cerveau, avec les conséquences que I'on sait au niveau
d'honnêteté, il renoua re rien avec son supérieur et décida
de ne pas quit- de ses relations avec son supérieur, son travail, sa femme er ses
ter I'entreprise.
enfants. En répétant ce nouveau comportement, il neutralisera le
Hossam considère que cette expérience a fait de rui
un autre homme. schéma conditionné qui le gardait otage de sa peur du conflit.
À quarante-cinq ans, ir a appris à affronter res confrits et à
res gérer de
manière positive.
Qu'évoque le conflit pour vous ? Disputes, agression, haine, h-rt-
tes, combats ? Pouvez-vous I'envisager de manière positive, comme
Les relations au sein du cercre famiriar se sont, eiles
aussi, amériorées. r-rn défi, une opportunité, synonyme d'énergie, de passion, de créati-
Pendant de longues années, son épouse avait été frustrée,
parce qu,ir évi- vité, d'engagement ? Managers, enseignants, parents, entraîneurs...
tait les conflits dans sa vie personneile.
Hossam exprique: r cette expé-
quiconque est amené à être fréquemment en contact avec d'autres
rience a eu d'innombrabres conséquences sur ma vie personneile,
pas individus doit apprendre à résoudre des conflits. Cette idée est pour
seulement avec ma femme et mes enfants, mais aussi avec
ma mère, mon de nombreux individus proprement... renversanre !
frère et mes sceurs. t
Dans La Cinquiènrc Discipline, Peter Senge écrit : Contrairement
"
Le refus du conflit transforme les incrividus en orages. paradoxale- à ce que I'on croit, les grandes équipes ne se caractérisent pas par
ment' si vous cherchez à éviter un conflit, c'est que votre cerveau I'absence de conflits en leur sein. Au contraire, mon expérience m'a
fonctionne correctement, qu'il fait bien son travail. comme appris qu'un des indicateurs les plus fiables qlr'Lrne équipe progresse
nous
l'avons vu (voir chapitre 1), au niveau reptilien primaire, et grandit est que des idées s'y affrontent. Dans les grandes équipes,
le cerveau
est câblé pour éviter le conflir. Læil de l,esprit nous clir . le conflit devient productif. ,r
: Le conflir
peut être dangereux. Il faut donc intervenir pour lui apprendre Le conflit est un phénomène naturel, qui fait partie de roure rela-
" à
tion humaine. Il nous motive à essayer de trouver un terrain d'entente.
voir les choses aurrement. Le conflit cloit être consicléré .å--.
,r.
défi, r-rn problème à résoudre, une oppo*uniré et donc comme
quel-
II nous aide à apprenclre et à progresser, Le conflit est également un
que chose de positif' chacun de nous pelrr er doit apprendre formidable aiguillon pour la curiosiré et la créativité. Envisagé de cette
à abor-
der le conflit de ma'ière constructive, et à ne plus l'envisager façon, il peut nous apporter énormément. C'est Lrn processlrs qu'il
comme
une menace. comment Hossam a-t-il procédé ? Tout d'abãrd, convient de gérer pour que son potentiel destructeur soit converti en
il a dû
prendre conscience du problème, êrre suffisamment ébranlé résultat positiF.
pour
ouvrir les yeux : Je fuis les conflits au bureau er dans ma vie
" privée,
et cela va me coûter mon emploi et peut_être même
-un _urìog.. , 1. Peter Senge, La Cinc¡niènte Discipline, First Editions, 1992.
I32 NÉGo(:rArr0NSJtiNJl/J¿¿J
L'AIì.T DE cÉ.nr,n rns coNrLrrs 133

Le conflit est l'expression d'une énergie er une source


potentielle connaissent pas le conflit. Certains couples, par exemple, qui n'ont
d'engagemenr envers r-rne équipe er Lrne organisation.
Les équipes pas les mêmes croyances religieuses, convictions politiques ou cultu-
démultiplienr le'rs performances, parce qu'eiles sont capabres
cre relles vivent des mariages heureux, grâce au lien émotionnel fort qui
débats passionnés er parce que leurs m"mbrà, préservent
le ìien émo- les unit.
tionnel q'i les unit, fait de respect et d'engagement, tout
en concen-
tranr leurs efforts s'r des objecrifs communs et le résultat James Carville, démocrate convaincu, et Mary Matalin, républicaine
positif.
Adopter une menralité o gagnanr-gagnant > er respecrer convaincue, ont des convictions politiques opposées. Lorsqu'ils sont t0m-
la crignité
des individus esr essentier po'r créer un environnemenr bés amoureux et qu'ils se sont mariés, beaucoup ne donnaient pas cher de
de coopéra-
tion, propre à favoriser une résolution positive des conflits. leur relation. Et aujourd'hui encore, leur couple étonne.
Il s,agit Mary souligne que < le problème, c'est que les gens nous considèrent
en effet de trouver les meilleures solutions à un problème,
tour en comme l'opposé I'un de I'autre. Ce n'est pas le cas. En fait, nous nous res-
mainrenanr la relation à rravers le lien émotionnel.
correcrement gérées, les divergences qui surgissent entre semblons beaucoup. Nous sommes tous deux engagés, passionnés. Nous
indivi- aimons tous les deux les confrontations honnêtes. Mon opposé est un
dus conduiront à une résolution créarive du problème
er au renforce-
ment des liens. Lorsque nous prenons un conflit à bras individu qui n'a pas de conviction, pas de philosophie de la vie, quelqu'un
le corps et qui ne s'enflamme pour rien. n
engageons des actions po,r le résoudre, il a un
effet positif; le résultat
est meilleur' tour comme la reration à long rerme. De son côté, James déclare :n Bien sûr, nous n'envisageons pas la poli-
La gestion efficace
des conflits srimule la créativité et favorise le tique de la même façon. Mais les juifs et les catholiques qui se marient
dévelopfemenr person-
nel et professionnel. Apprendre à parler à cæur n'ont sans doute pas non plus la même conception de Dieu. Ce n'est pas un
ouverr, à exprimer nos
différences au grand jour et à nouer un diarogue fondé motif de rupture pour autant. Si tout le reste est compatíble, v0us avez au
sur le respecr
m,tuel er la dignité ouvre la voie à la résolurion du conflit. ceile-ci contraire les ingrédients d'une sacrée relation I 12

repose en effet sur la capacité à négocief avec


autrui, en vue d'attein- Certaines personnes transforment de petirs désaccords en conflits
dre des objecrifs commlrns et des bénéfices muruels.
permanents, qui dégénèrent parfois en acres de violence. J'en ai été le
Refuser d'affronter le conflit n'apporre rien de bon
: rérention témoin à maintes reprises dans le caclre de ma collaboration avec la
d'informations, résultats médiocres, stress, perte de l'estime police.
de soi et
relations destrucrrices, polu ne citer que quelques Pour résoudre le conflit, il faut parvenir à créer, puis à enrrerenir
conséquences
négatives parmi bien d'aurres. Lorsqu'ils sonr mal gérés, r-rn lien avec l'autre, par-delà ce qui nous sépare et au mépris de ce
res conflits
peuvent coûter très cher à nos entreprises, nos écoles
et nos foyers. La que nous éprouvons pour I'autre. Nous n'avons pas à apprécier un
violence, la maladie, la dépression er la dépencrance
en sonr i. pri*, individu polrr nouer un lien avec lui. Tout ce dont nous avons besoin,
comme autant de menaces sur la santé des individus c'est d'un objectif commun. Et comment douter que, êtres humains
er notfe société
tout entière. tolrs alrtant qlte nolts sommes, des ponts pnissent exister entre
nous ?r Les négociateurs de prises d'otages apprennenr à neutraliser,
Nature et racines clu conflit dans l'æil de leur esprit, tout senrimenr narr-rrel d'antiparhie, polrr se
on peut définir le conflit comme une crivergence enrre indivicrus polariser sur I'individu en tant qu'être humain afin de créer un lien.
ou
groupes, chargée de tension, d,émotivité et cl,opposicion
lorsque le
lien est brisé ou absenr. Il y a conflit lorsqu,il y o ,,rpr.,r" 2. Salon, . Crazy Love: James Carville ancl Mary Matalin, America's Oddesr
du lien et
incapacité à surmonrer cerre perre. ce.ains individus Couple, Offer Their Reflections on Valentine Day ", www.salon.com.
séparés par de
profonds désaccords sont capables de préserver 3. Brother David Steindl-Rast, Gra.tefrrhrcss, Tba Heart of Prayer : An Approacls
le lien pur,un,, n, of Lìfe in Ftrlne.r.r, Paulist Press, 1984.
"r,
134 NÉcr¡ct 770Ns.rrNJlsr¿.ç
r,'AR'Í DE ci,nr,n t,us coNFrrcs I35
Ils apprennent à faire absrraction de ce qr-r'ils pensenr d,un
indivicru, avoir sur celui de l'autre pour progresser vers un terrain d'entente. Les
leur premier objectif étanr de récupérer l.s oiuge,
vivanrs. ce n,est individus qui ont confiance en ellx, qui ne deviennent pas otages y
pas toujours chose facile, surtout lorsque vous
êtes face à un criminel parviennent, parce qu'ils sont capables de changer d'état d'esprir en
qui a commis les pires atrocirés. si vous pensez qlre
c'esr impossible, claquant des doigts oLr presqlre, à I'image d'acteurs pénérrant leurs
c'esr que vous n'avez pas encofe compris la cipacité
qu'a l,æil de personnages. Le secret est cle le faire avec authenticité.
votre esprir à se focaliser sur Lln objectif. si le l¡ut
du néiociareur esr Outre le lien rompu, on rrouve toujours une perte à la source d'un
de lil¡érer les orages, jl fen ce qu'il faur pour créer
un lien qui per_ conflit. Dès lors, si vous parvenez à savoir commenr I'inclividu gère
mette de construire un dialogue vers un objectif commun.
Souvenez- cette perte, vous serez en mesllfe de comprendre pourquoi et com-
vous que cela fonctionne dans 95 % des prises
d,otages. ment le conflit empire ou, alr conrraire, est résolu.
Ronald Reagan et MikhaTr Gorbatchev, un temps ennemis, ont fini par Bien souvent, les renrarives de résolution de conflits se focalisent
devenir amis. rnterrogé par un journariste sur cet sr-rr la négociation, négligeant de se pencher au préalable sur les per-
incroyabre revirement,
d'autant plus incroyabre quand on sait que Reagan avait tes que dissimule le conflit. S'il importe effectivemenr de compren-
traité Gorbat-
chev de n chef d'un empire du mal r, Gorbatchev
répondit que la raison en dre le ou les désaccords qui sont à l'origine du conflit, il est rout
était toute simple :n Nous avons cessé de nous diaboliser aussi essentiel de comprendre les émotions qui entourent les perres
l,un l,autre. r
ll raconte ainsi une réunion particurièrement tendue sous-jacentes à ce dernier. Cete connaissance des réactions les plus
avec re président
des États-unis qui fut toute proche de se sorder par intimes de l'être humain nous permet de mieux appréhende r Ia façon
un échec, res discus-
sions tournant en rond. Après un échange particurièrement dont les individus se comportent avant, pendant et après une tenta-
vif, Ronard
Reagan se leva avec corère pour quitter ra pièce. tive de résolution de conflits.
À querques mètres de ra
porte, il s'immobirisa, se retourna et, en
un écraiç changea d,état d,esprit,
passant de la colère à l,engagement. Tableau 5.1 : Les types de pertes et leur origine
ll dit alors très carmement à son interrocuteur : n cera ne nous mènera
Type de pertes Origine
à rien' Puis-je vous apperer MikhaTr, et vous m'appeilerez Ron ? Je vou-
drais que nous parlions d'homme à homme, de dirigeant Perte d'attachement Besoin d'appartenance et de se sentir connecté, lié
à dirigeant, et
que n0us essayions d'accomplir quelque chose (À qui suis-je connecté ?) et en sécurité
de valable. r
En guise de réponse, Gorbatchev tendit ra main
à Reagan et rui dit: Perte de territoire Besoin d'appartenir à un lieu, à un n chez soi r
r Salut, Ron. r (0ù suis-je chez moi ?)

Et Reagan de répondre : n Salut, MikhaTl. r


Perte de structure Besoin de se sentir important, impliqué et
ce fut là re début d'une amitié qui dura jusqu'à ra mort (Ouel est mon rôle pprécié
de Ronard ?) a
Reagan. Mikha''l Gorbatchev devait dire plus
tard: r ll a été tellement
persuasif que je n'ai pas pu refuser. na
Perte d'identité Besoin de savoir qui je suis comme individu,
(0ui suis-je ?) quelles sont mes valeurs, ce qui compte pour moi

cette anecdote démontre le pouvoir d'un changement d,attitude Perte de futur Besoin d'avoir une direction, un espoir et des
mentale : I'inredocureur n'esr plus diabolisé, mais envisagé (0ù vais-je
comme .n ?) attentes positives
allié' Elle illustre également l'influence que l'état d'esprit
de l,un peut Perte de sens Besoin de trouver un sens et un dessein à toutes
(Pourquoi ?) les situations

Perte de contrôle Besoin de sentir que je contrôle la situation ou ma


4. Bob Bapes,
" Coaching rhe Terrorist on your Team ,, (Je me sens dépassé) desti née
www.presentation-pointers. com
| 36 N Écoc t ttzroNJ.r¿NJ'161-r.t
L'AR'Í D[, cÉntt? rr,s c0NFL17s I37

Le Tâbleau 5.1 récapitule les différenrs rypes de perres suscep-


Lorsque Steinhauser commença son massacre dans l'école, Heise
tibles de déclencher un conflit et de créer des émotions violenres.
s'enferma à clé dans une salle. Entendant un bruit dans le couloir et crai-
cette connaissance est extrêmement précieuse pour la résolution de
gnant qu'il s'agisse d'un élève, il ouvrit la porte et se retrouva nez à nez
conflits. Les managers négligenr souvenr cette réaliré, que la souÊ
avec le meurtrier masqué, qui pointait son arme sur lui.
france et la perte sont omniprésentes dans les organisations à travers
Lorsque ce dernier ôta son masque, le professeur reconnut son ancien
ces grands er petits événemencs de la vie quotidienne : la perte
d,une toi qui tirais ? r, lui demanda
élève. tr Robert, que se passe-t-il ? C'est
promorion, d'un espace de rravail, d'un privilège de parking or,r
Heise. Puis, il regarda le jeune homme de dix-neuf ans et lui dit calme-
même la fin d'un projet couronné de succès et le démantèlement
de ment : n Si tu dois me tuer, regarde-moi en face. l
l'équipe.
Steinhauser regarda le professeur, lâcha son arme et répondit poli-
ment :tr Non, M. Heise, ça suffit pour aujourd'hui. rr

Violence et perte Heise fit ensuite entrer Steinhauser dans la classe pour discuter avec
Je n'ai jamais observé de siruation de prise d'otages, ni d'acte de vio- lui de ce qu'il avait fait mais, lorsque la police pénétra dans l'école, le
lence quel qu'il soit qui n'ait été précédé par une pe*e : être jeune homme se tira une balle dans la tête.
cher,
territoire, animal domestique, argent, objet, image de soi, objectif, Plus tard, la police déclara que sans le courage du professeur, beau-
liberté... Et j'ai maintes fois observé que l'existence d'une base de coup d'autres élèves auraient sans doute péri. r Un courageux professeur
sécuriré - grands-parents, professeur, ami, thérapeute, policier _ a réussi à dialoguer avec l'assaillant, empêchant ainsi un massacre bien
est
I'un des meilleurs antidores à la violence, lorrque ..ar" tur" réussit à pire encore r, déclara le porte-parole de la police Manfred Etzel5.
faire surmonter la douleur de la perte à l'individu enclin à la vio-
lence. Tous les négociareurs savenr qu'il fa.t comprendre la perte Il faut savoir que le détachement, qui nous semble évident chez un
vécue par I'aurre pour pouvoir nouer un lien avec lui c'est une melrrtrier, est également présent chez les policiers ou les militaires.
; idée
essentielle. si les managers, les responsables locaux et les parents Afin de pouvoir tuer dans I'exercice de leurs fonctions, ce que les cir-
rai-
sonnaienr eux aussi de cette façon lorsqu'ils abordent des conflits, constances exigent parfois, ils doivent en effet apprendre à atteindre
ne
doutons pas qu'ils agi',ient aurremenr pour essayer de les résouclre. Ie détachement nécessaire pour considérer I'autre comme un objet.
Les êtres humains ne tuent pas d'autres êtres humains ils Mais ce geste n'est jamais anodin et celui qui tue, aussi bien formé
ne I'ont jamats fait et ne le feront jamais. Les individ's qui ruent
- soit-il, en portera longtemps la cicatrice dans son coeur, son âme et
perçoivenr les aurres comme des objets ; ils tuent duns ,rn état de son esprit.
détachement ou de lien brisé. eue cet objet devienne un être humain Les agressions, verbales ou autres, chargées de détachement et de

- une pefsonne qui provoque de l'empathie chez le meurtrief - er dépersonnalisation, peuvent dégénérer en violence. Linclividu enclin
I'acte de violence est arrêté net. Mais cetains sont tellement blessés à la violence présente généralement une incapacité à nouer des atta-
dans leur capacité d'attachement qu'il leur esr impossible d'éprouver chements et tend à voir les autres comme des objets à manipuler. Il
de I'empathie, de nouer des liens avec d'autres personnes or-r de les se sent dans le même temps facilement humilié et rejetéí. Ce cocktail
préserver lorsqu'ils sont soumis à une forte tension émotionnelle. devient particulièrement explosif lorsque deux personnes de ce type
se rencontrent et réagissent rapidement pour préserver leur intégrité,
En avril 2002, Robert steinhauser, un jeune Allemand qui avait
été ren-
voyé de son école, retourna dans son lycée, à Erfurt, en Allemagne,
et tua
treize professeurs, deux élèves et un policier avant de se donner la mort. t. Dana Muriel, . Brave Teacher Stoppecl Gun Rampags ", C\N.com/Worlcl,
sa folie meurtrière cessa lorsque Rainer Heise, professeur d'histoire et 27 avril2002.
d'art âgé de soixante ans, lui tint tête. 6. Hans Toch, Violent Man: An Inqùr1,into tbe Psycltology of Vìolence, Aldine,
1969.
1 38 NÉG0crA.trlNS.r1lNJ11J¿¿"ç
r,'t\R't DE CÉ,nr,R t,r.s cnNrurs 139
en attaqlrant l'aLrtfe et en le traitant
comme un objet ou Llne chose.
Ta violence peut être clésamorcée qu'accroître la frustration et le ressentiment, renforçant chez h_ri le
lorsque l''n des cleux refuse cl,être
dépersonnalisé, comme M. Heise. sentiment d'être otage. C'est ici que les techniques de gestion des
causes premières cle conflits utilisées sur le terrain par les négociateurs se révèlenr parti-
la violence, nous l,avons dit, sont
I'absence de lien social sain et culièrement précier,rses pour sortir de I'impasse. Cela exigera tou-
à gérer la perte. I)ès lors,
la violence est Lrne forme de cleuil
'incapaciré tefois de prendre le vrai problème à bras le corps et d'affronter les
o.,, .lun, certaines situations, d,évi-
tement de la souffrance. La perre peut indiviclus concernés.
intervenir clans le présent, être
anticipée ou avoir été vécue dons l.
passé. Dans certain, .or, ir peut
même s'agir de perres vécues por d., générarions
anrérieures, qui onr < Mettre le poisson sur la table o
été véhiculées dans le présent par le
èrr.rrri_"nt, la haine, un senti_
ment d'injr-rsrice, des préjugés ou l,absence Je me trouvais en Sicile, où j'animais une formation sur la gestion des
de parclon. N,ui*, pas le
pouvoir d'obtenir ce qu'ils veurent conflits. Je profitais de mes rares moments de liberté pour aller visiter des
de manière posirive gráce u,-, lien
et alrx interactions sociales, les individus marchés aux poissons sur la côte méditerranéenne. Les pêcheurs forment
enclins à la violence vivenr
s.r le fil de la solitude chronique ou de la crépression. une communauté très soudée, attachée à son travail et à la mer. Après
Ils sont orages avoir ramené leurs prises, les hommes préparent une partie de leur pêche
d'eux-mêmes er des événemenrs qui
déclenchenr la violence. celle-ci
clevient, en dernier pour la vendre au marché. lls posent le poisson sur la table, qui ne tarde
cent de gérer re,"1;il:i ;ffi: i::::::::ffi,i::îi i:n*i;
d'être otages' Si elre appo.e un souragemenr
pas à disparaître sous le sang et les viscères.
Un matin que je les observais au marché de Catane, les pêcheurs me
remporaire alr sen-
timent de victimisation et d,impuissance, proposèrent de me joindre à eux et je me retrouvai en tablier, un couteau
la violen." n,"r, pas une
solution et ne cond'it finalement qu'à à la main, à les aider à nettoyer les poissons. Soudain, je me rendis
renforcer l'emprisonnement.
Le deuil esr Lrn processLrs social qui compte que la résolution de conflits n'était pas autre chose:r mettre le
se déroule dans une tribu, un
clan
oll un groupe' a. sein desquels des individus poisson sur la table n et accomplir la tâche peu reluisante de le préparer
prorecrelrrs et dignes de
confiance aident celuì q'i a vécu ra pour le délicieux dîner du soir.
perte, **ra" ã" pill* i.".,o.r.,
pleinement avec la vie.
Chaque fois que nolrs nous régalons d'un délicar mers de poisson, il
Face à Lrne menace de conflit imminent,
l'individu peur conrin'er a fallu que quelqu'un le nettoie et le prépare. Si vous laissez un pois-
à trouver des raisons d'éviter de
l'aborder ouve*emenr. Ir craint, par son sous la table, il commence à pourrir et à sentir mauvais. Beau-
exemple, qu'affronter un supérieur,
un collèglle, Lln .onjo;nt oll un cor"rp de personnes, hélas, laissent quantité de poissons
enfant n'aboutisse à des rensions plus - conflits et
grandes encore. Il se refuse à
faire face au confrir, parce qu'il.roi.
problèmes - solrs la table. Elles n'affronrenr pas le désaccord, espé-
q.ã ra relarion ne survivra pas à rant qu'il va s'évanonir. Sauf que laisser le poisson sous la table non
I'affrontement' La peur du rejet, cres
åprésailles o' bien d,êrre gêné, seulement ne supprime pas le conflit mais, pire, ne fait que rendre
humilié' voire isolé peuvenr également
le conduire à fi-rir le conflit. I'odeur de plus en plus nauséabonde.
cirons enfin la crainte cl'être p.aç., comme
fauteur de troubres, C'est aussi simple que cela : chacun d'enrre nous doit metre la
comme quelqu'un de déloyal ou d,égoi.ste, 'n
ou d,êrre mis en cause. main sous la table, attraper le poisson, le poser sur la table et accom-
Les individus pelrvenr êt-re pris
o,og", par leur désir de préser- plir Ia sale besogne de le nerroyer (le conflit) pour faire un bon dîner
ver I'harmonie à tout prix. Lorsqu""À
l" ,"rrti_1nt d,impr-risrunå l" (la solution). Je vous I'accorde : en passanr la main sous la table, nous
ressentiment perdurent et que rien
n'est fait po'r résou.lre l. "t
pro- risquons de tomber sllr Lln requin olr une baleine ; il faut donc que
blème, le risque est grand que I'indìvidu
se compote en otage. Les nous soyons au fait de la taille clu conflit pour le gérer correcremenr.
tentatives infructueuses répétées
de résouclre un conflit ne font alors Mettre le poisson sur la table ne signifie pas adopter une attitude
lF-
I 4O NÉcrx;t;t'r¡rlNJ'.1ltN.r11ll_¿J-
L'AR'r'Dr, c;Énr.n u:s utNrt,ts I4I

agressive et hostile, mais au contraire, êrre capable


de susciter ra d'un moyen d'initier un dialogue productif avec Martin. Elle alla le voir et
discussion, le débat honnête olr, pour reprencìre l'expression
de luidit :r Martin, j'ai un poisson qu'il faut que je mette sur la table. r
collins, l'aureur de Grod to Great,,, cl'affronter la våriré nue r, Jim Martin sut instantanément qu'un problème délicat allait être évoqué
afin
qr-rela résolution soit possibleT.
et adapta son état d'esprit en conséquence. De la sorte, il fut en mesure
Nous devons al¡order la gestion des conflits avec la conviction
clue d'aborder la conversation de manière rationnelle, au lieu de se mettre sur
l'autre a envie de mettre le poisson s'r la tarrle. cela étant,
il est la défensive ou d'agresser son interlocutrice. Jane put lui communiquer
indispensable de choisir re bon momenr pour amener ce poisson
au ses préoccupations, ainsi que celles exprimées par d'autres, et lui deman-
grand jour ! si votre supérieur esr en train de passer lo port"
en rerarcr der ce que lui inspirait ces remarques.
polu sa ré'nion' patientez encofe un peu. Le choix d, moment,
cre la En posant une question simple, Jane ouvrait la porte au dialogue et
manière et du lier-r : tout cela est ractique, naturellement.
Mais si traitait Martin avec respect, et non comme un enfant qu'on réprimande.
nous sommes mentalement prêts à mettre le poisson sur
la table et à Ce dernier finit par mettre lui aussi son poisson sur la table et révéla
faire ce qu'il faut pour le nerroyer, res mains dans le sang
er les arêres, qu'il était très malheureux dans son travail à cause d'un problème
alors la relation et l'environnemenr pourronr repartir du
bon piecl. personnel. À I'issue d'une discussion à cæur ouvert, tous deux trouvè-
La métaphore du ,, poisson sur la rable , fonctionne polrr
à.,, 1", rent des options qui allaient permettre à Martin de se réengager dans
types de conflits - personnels, professionnels ou alrtres. Lorsqu,un
l'éq u ipe.
problème n'esr pas aborclé, il s'envenime et risque cl'empirer.
Il est Martin n'était pas un mauvais élément. ll était devenu otage de sa
essentiel, bien entendu, de donner envie aux personnes
concernées cle situation personnelle - des problèmes de garde d'enfant - et avait laissé
participer alr < nerroyage du poisson r. Le processus qui
concluit à la ces problèmes affecter ses résultats professionnels.
., solution-délicieux dîner , réunissant les parties
cloit être assorti de
réels bénéfices er d'une récompense. certe métaphore
que j'ai ,. inven- Faites-vous une règle d'apprendre à ,, memre le poisson sur la table o.
tée o est désormais dans de nomr¡renses organisations er par Vous déciderez peut-être de ne pas le faire à tour bout de champ, mais
de nombreux incLvidus, 'tilisée il est essentiel que volrs soyez clìsposéà le faire. Mettre ou non le poisson
pour les aicrer à comprendre le processus de
gestion du conflit. Ils ont recours à I'expression ( mertre sur la table relève d'un choix tactique et, dès lors, ne consrirue en rien
le poisson
s.r la table " en préh-rde à une cliscussion crifficile, afin cr'évirer que un comportement d'évitement du conflit, puisque c'esr une clécision
I'une ou l'autre partie ne se mette sur la défensive. mûrement réfléchie. Voici r-rne mise en garde à I'usage des individus
enclins à un certain antagonisme : . mettre le poisson sur Ia table ,
Jane était préoccupée par re manque d'imprication de Martin,
son subor- n'est pas un blanc-seing pour flanqurer cle grands coups de poisson sur
donné direct. ll était difficile à joindre au téléphone, mettait
du temps à la tête de votre interlocuteur ! Mais plutôt d'être franc, olrverr au dia-
répondre aux e-mails et raissait les clients sans réponse. Dans
I'entreprise, logue et respectueux de I'autre, tout au long du processLls de réso-
certains commençaient à critiquer ses < absences r et Jane
ne voyait pas lution. Traitez le conflit comme un problème commun et rravaillez
comment faire autrement que d'en parler à Martin. Elle redoutait
cette ensemble à trouver des solutions, au lieu d'être otage du désaccord en
conversation, sachant que ce ne serait pas une partie de plaisir,
ni pour question. Comme nous l'ont prouvé Hossam, Jane et tant d'autfes,
l'un ni pour I'autre.
cette méthode est extrêmement efficace.
Le temps passa, jusqu'au jour où r'organisation introduisit
re concept
de u ¡q1¡¡q le poisson sur la table r. Jane se dit qu'eile
disposait désormais Aux sources des conflits
Quels désaccords ou divergences pelrvent déclencher un conflit
7 Jim Collins, Goo¿l to Graat : tVhy Sonu Cotttlxnies MaÞe the Leaþ ,tnl Othtr.r
* sachant que tolrt conflit trolrve sa soLrrce dans la rupture du lien et
Don't, Ranclom Hor-rse, 200 1. I'incapacité à assumer la perte, que celle-ci soir réelle ou anticipée ?
I42 NÉ.GoctATroNS.r¿NJIa¿¿s
t,'Atì't DE cÉnr,n rrs coNFr,r'rs 143

certains individus séparés par de profonds désaccords


n'enrrent .r Manque (ou absence) de communication : par exemple, ne pas
poufranr pas en conflit, pafce que le désir
de préserver la reration
I'emporte sur rour objectif personnel. Et d'autres donner aux alltres les informations nécessaires, les exclure en gar-
n'ayant que cres
désaccords mineurs finissent par céder à la dant des données ou des informations.
violenc", pur.. q.,it, plu_
cent leurs objectifs personnels avant re maintien
de la relation. po.r Il fut un temps où, pour résoudre un conflit, deux parties en
la plupart des individus, le confrir ne concluit
pas à la violence. Il désaccord se battaient à coups de poings, en duel ou se faisaient la
n'en demeure pas moins que des désaccords
er obscacles larvés peu- guerre - et c'était le vainqueur qui avait raison ". Nous n'en som-
venr être sollrces de bien des désagrémenrs "
et introcruire de la néga- mes plus tout à fait là, heureusement, et cl'autres modes de résolu-
tivité dans norre vie. Il importe donc de maîrriser
les causes possibres rion s'offrent à nous. Toutefois, " la raison du plus fort est toujours la
d'une rupture du lien :
meilleure , n'a rien perdu de ses attraits et beaucoup trop de managers
. Divergences d'objectifs : par exemple, avoir
envie <J,acceprer une
affectionnent toujours la force et la coercition. Cela dit, mondialisation
promorion à l'étranger, arors que vorre conjoint et interdépendance aidant, Ies concepts de " gagnant-gagnant ,, de
souhaite conser-
ver son emploi actuel. coopération et de collaboration sont aujor-rrd'hui beaucoup plus répan-
.i Divergences d'intérêrs : par exemple, dus chez les leaders. Mais les faits sont là : prisonniers du conflit, nom-
privilégier le temps passé
avec sa famille ou les heures supplémentaires. bre d'individus ne parviennent toujours pas à résoudre les différends
-,' Différences de valeurs
: par exemple, comptabilir é << créative ,> auxquels ils sont confrontés.
conrre comprabilité rcfl.éant la réahté des En règle générale, ce n'est pas le contenu même dr-r conflit qui
chiffres.
<' Perception différente des problèmes pose problème. Il s'agit plutôt de la divergence, du lien rompu ou
: par exemple, ,. C,esr un
problème de contrôle qualiré > conrre n absent et de la perte qui, à travers les émotions qr-r'ils suscitent, sont
c'est uì problème de
producrion responsables de I'escalade du conflit ou de la paralysie du processus
* Différences ".des sryles de communication : par exemple, de résolution. Tous les conflits peuvent trouver une issue. Mais de
esprir
analytique et rarionnel conrre esprit intuitifet nombreux individus ne sont tout bonnement pas prêts à payer le prix
créatif.
o Différences de pouvoir, de starut ou exisrence pour les résoudre. Ne voyant pas I'intérêt de préserver la relation or-r
d,une rivalité : par
exemple, un collègue jaloux, q'i mer des d'y mettre un terme de manière positive, ils préfèrent l'impasse ou la
bâcons dans les roues à
un aurre collègue et l,empêche de réussir. crise.
e Insécurité : par exemple, une personne
qui se sent incompérente,
un leader irrésolu qui ne prend pas de décision, Dynamique d'une relation saine
urr". .1", consé_
quences négarives pour l,équipe. Gérer les conflits implique que l'on soit également attentif à la rela-
o Résistance au char tion, et pas seulement aux objectifs. Les négociateurs de la police y
rentchange,.",Jt:i;i'":ï:rïi:ï;rruïtl;',:;;,:* sont formés et chacun d'entre nous peut apprendre cette compétence.
e Confusion des rôles:par exemple,écatt Que faire, donc, pour préserver la relation ?
entre ce que vous et moi
pensons que nous devrions faire, soit <
c'est votre boulot ) conrre
< C'est mon boulor o. Équilibrer raison et émotions
+ Quête d'identiré : par exemple, les leaders Une relation n'est pas seulement placée sous le signe de Ia ntiona-
qui manipulent les
aurres pour bârir leur identité et dorer leur Iité. Lorsque nous poursuivons un dessein, nos actes sont davantage
blason.
o Besoins d'ordre personnel : par exemple, guidés par les émotions que par la logique. La peur, la colère, la frus-
un enfant maladerqui
prend du temps et de l'énergie sur les résr,rtats tration ou même l'amour peuvent venir perturber des actions par
professionnels.
ailleurs sensées ou réfléchies. Les émotions sont normales, nécessaires
I44 NÉcoc t1,tzrcN.ç.çrNJ1ß¿ü.ç
L'AR't DE GtîtìrR t,t:.s cllNt,rns I45

et souvenr essenrielles à la résolution de problèmes. Elles


peuvenr en nos divergences et nos points d'accord, meilleures serofìt nos chances
effet véhiculer des informations importantes, nous aider
à rassembler d'atteindre un accord mut'ellement'acceptable. Notre façon de nous
nos ressources er nous pousser à agir. La sagesse reste
hors de portée exprimer, les mots que nolÌs utilisons, créenr la confiance dans l'ceil
lorsque le cæur n'esr pas de la partie. Deux individus gèreront
bien de l'esprit. No*s avons le pouvoir de modifier l'état cl'esprit de notre
leurs divergences ou leurs désaccords s'ils parvienn.nt
à équilibrer interlocuter-rr à travers nos interactions avec h-ri. Et il suffit l¡ien sou-
raison et émotions, à jouer de ces deux dimensions complémentaires
vent d'un mot ou d'une phrase pour chan¿¡er dr-r tout alr toltt l'issue
et à les utiliser comme une force constructive.
d'un conflit. Mier-rx nolrs commnnicllrons, meilleures sont nos rela-
Lorsque les émotions l'emportenr slrr la raison, il
devient extrê- tions. Et la meilleure communication est celle qr-ri onvre la porte alr
mement difficile, voire impossibre, de bien travailler
avec les aurres. dialogr-re à cæur olrverr.
on ne prend pas de saines décisions sous l'emprise de la corère. La
seule logique, rolrrefois, ne suffir pas à résoudre Confrance et honnêteté
le conflir et à l¡âtir
une relation. ce donr nous avons besoin, c'est de
la raison écrarÉe par Nos échanges sont de peu de poids si nous n'accordons pas foi à la
l'émotion et de l'émotion guidée et tempérée par la raison. parole de l'autre. Mieux vaut ne pas prendre d'engagements qr-re de le
cet équi-
libre est un chemin concrer vers ra liLerté, une des clés pour faireà la légère ou de ne pas tenir sa promesse. La confiance aveugle
ne
jamais devenir otage. À mon sens,
c'esr auprès de nos bases ãe sécu- ne nous aide pas à travailler avec les autres ; elle peut être beaucoup
rité que nous pouvons I'apprendre. ces dernières nous aident plus préjudiciable à une relation qlr'un sain scepticisme. La confiance
à déve-
lopper les modèles internes auxquels nous pourrons raisonnée, fondée slu une conduite honnête et fiable au cours du
nous téférer et
que nous pourrons utiliser pour équilibrer raison temps, peut renforcer norre capacité à affronter le conflir. plus nous
et émotions.
faisons preuve d'honnêteté les uns envers les autres, plus nous nous
Se comprenclre
faisons confrance, meilleures sont nos chances de parvenir à une issue
si no.s voulons parvenir à une issue qui laisse aux deux parties satisfaisante. Rappelez-vous : nous devons être honnêtes er dignes de
le
sentiment d'avoir été rraitées équitablement, nous clevons
compren- confiance pour jouer pleinement le rôle de bases cle sécurité.
dre nos intérêts respectifs, ra façon dont chacun perçoit
les choses et
ce qu'il considère comme o juste r. Si je n'ui La persuasion plus que la coercition
pur.rn" idée précise de
ce que vous considérez êt¡e le problème, de
ce que vous uoJ.r, porrr_ Dans une interaction donnée, il arrive que nous soyorls plus intéres-
quoi vous le voulez et de ce que vous considérez sés par le résultat immédiat que par la relation à long rerme. Chacun
comme équitable,
comment trouver une issue qui réponde à vos préoccupations s'efforce alors d'influer sur les décisions de I'autre. Lafaçon dont nous
aLrtant
qu'aux miennes ? De votre côté, vous serez très choisissons de le faire aura un profond impact sur la qualité de notre
handicapé si vous ne
me comprenez pas et que vous ne savez pas ce que je relation. Par exemple, une personne cherchera à susciter la coopéra-
pense. eue nous
soyons d'accord ou pas, mieux nous nous comprendronr, tion volontaire de son interlocuteur en lui exposanr des informations,
pl,r, noa,,
aurons de chances de rrouver une solution au en déployant une argumentation logique ou encore par la persuasion
différend.
morale. ljne autre aufa recours à la coercition, brandissant scénarios
Bien communiquer
catastrophes, menaces, mises en ¡¡arde ou usant même de la force.
La résolurion de conflits exige une communication
de qualiré. celle-ci Plus l'influence esr coercirive, moins 1l y a de chances que I'issue
est indispensable à plus d'un tirre. Le lien, en
effer, ne åoit jamais êrre reflète les arrenres des deux parries, et qu'elle soir légitime pour au
mis en péril. Il s'agit non seulemenr de se connaîrre
l'un l'aurre, mais moins l'une des deux. .,{ contrørio, plus l'influence esr coopérative,
aussi et surrolrr d'être capables de discuter ensembre
clu ,, poisson , mieux nous pourrons travailler ensemble. La coercition est Lrn rac-
q'i est sous ou sur la tal¡le. plus nous communiquons efficacement courci qui conduit à une perturbation du lien. Prendre le temps
a
I46 N Éct¡c t aL'rtN s srNslll¿Ë.t L'Au't DE r,i.N:n t-ts <ltNt,t.rß I47

d'engager Lrn processus de persuasion engendre bénéfices mutuels


et la poursuire de leurs objectifs ,"'. Cette définition dessine plusieurs
bienveillance. c'est sur ces bases que se sonr progressivement déve- pistes clés pour la résolr-rtion des conflits.
loppées les techniques cle négociation pour résoudre les situarions Si la plupart des auteurs qui s'expriment sur le sujet confondent
de
prises d'otages. Lorsque la force était utilisée, des gens mouraienr.
La les concepts d'intérêts et de besoins, les psychologues, à commen-
persuasion et la négociation permeftent rous les jours de sauver
des cer par Freud et Maslow, soulignent une distinction importante. Ils
vies et de rrouver une issue positive dans 95 ,Vo des cas.
considèrent les intérêts comme passagers et superficiels, et les
besoins comme primaires et durables. Les premiers sont des choses
Reconnaître I'autre
tangibles qui per-rvent faire I'objet d'échanges et de compromis :
Assumer positivement nos désaccords, c'est reconnaître que l'inter-
terfe, argent ou emplois, par exemple. Les seconds, en revanche,
action avec I'autre a de la valeur. se senrir accepté, apprécié, avoir
sont cles choses intangibles qui ne sont pas négociables : identité,
le sentiment de compter esr un besoin psychologique primaire. Les
sécurité, respect olr encore reconnaissance. Les pertes qui engen-
liens les plus profonds et les plus durables reposen, ,r, .. q.r"
drent le plus de conflits sont liées aux besoins et ces derniers peu-
l'éminent psychologue carl Rogers a apperé le ., regard positif
vent eux-mêmes renvoyer à des blessures plus profondes que
inconditionnel o8. Par exemple, si je n'écoute pu,
'no*" point de I'individu porte dans son âme et dans son cæur.
vue, si je ne vous reconnais pas le droit de penser différemment de
Dans la mesure oùr ils sont, pour l'essentiel, intangibles, les
moi et si je ne prends pas en compre vos inrérêts, il est plus que
besoins sont souvent dissimulés sous des conflits plus apparents, qui
probable que vous ne voudrez pas interagir avec moi. Ei si nous
portent sur les intérêts. Mais lorsque les besoins humains sont aussi
n'enrfons pas en conracr, il nous sera parfaitemenr impossible de
en conflit, résoudre un désaccord d'intérêts ne suffrra pas à supprimer
trouver une issue à nos désaccords. La capacité de dire << non > sans
le conflit. Dans certains cas, essayer de résoudre un différend d'inté-
nuire au lien, en faisant comprendre à l'autre qu'on le respecte, est
rêts ne fera qu'empirer les choses, ainsi lorsque l'idée de devoir
le secret pour ne jamais être pris en otage. Et c,est, cela va sans
accepter un compromis, ce qui est fréquemment le cas dans les
dire, une compérence qui peut être apprise.
conflits d'intérêts, plonge l'individu dans la colère. Les conflits por-
La reconnaissance de I'autre est affaire de degré. plus nous respec-
tant sur des intérêts deviennent soLrvent émotionnels, ce qui n'est pas
tons l'autre, plus nous aurons de chances de surmonter nos désac-
surprenant. Car ce qui est en jeu sous l'apparence des choses, c'est la
cords afin de rrouver une issue positivee.
question de la confiance. Des sentiments préexistants de colère, de
ressentiment, d'injustice perçue et des ruptures de communication
Conflits cl'intérêts ou conflits cle besoins ? peuvent être aggravés par le manque de confrance ou de lien.
Donohue et Kolt défrnissent le conflit comme < une siruarion dans De nombreux conflits sont perçus comme relevant de la sphère
laquelle des individus inrerdépendants expriment des divergences des intérêts, alors qu'ils portent en fait sur des besoins fondamen-
(manifestes ou latentes) pour ce qui est de satisfaire leurs taux. En règle générale, il sera extrêmement difficile, voire impos-
besoins et
intérêrs personnels er se heurrent à des interférences de I'autre dans sible, de gérer correctement un conflit si les besoins demeurent
latents parce qu'ils sont réprimés par l'individu. Souvent, on peut
trouver des moyens de les satisfaire, sans avoir à transiger.

8. carl Rogers, " The Necessary and sufficient conditions of rherapeucic


Change
",Journal of Consnlting and Clìnical prycbology, I)57.
9. Roger Fisher et Scott Brown, Getting Together : Buirding Relationships at tve
N egocìate, Penguin, I 988. 10 Donohue et lW. Kolt, Managìng lnterpersonal Conflict, Sage, 1992
)V
{ I48 N Í,G ( )c r A'nlNS.çrNJI1J1.¿J.
r,'Ar?.'f DL, cÉ,ntlt¿. rns coNrrrrs 149

Résoudre le conflit
Ce n'est jamais I'inclividu quiesf /e problème
IJn aurre secrer de la résolurion de conflirs est l'aptitude
à enrrerenir
le lien en permanence er à le renouer lorsqu'il est Séparez I'individu du problème er concentrez-vous sur les désaccords
brisé rrop rapicre-
menr. on ne pe'r aborder le conflit cre manière positive à régIer, pas sLu la personne. C'est un principe élémentaire pour évi-
sì on ne ter I'escalade du conflit au collrs du processus de résolution. Cette
comprend pas que le lien est fondamental pour
,ro.,rr., une issue au
différend. Faire preuve de curiosité er cle créativité, artitude est d'autant moins facile à adopter qu'elle va à l'encontre de
rechercher le
compromis et la coopérarion ont le'rs mérires. Le la tenclance de nos cultures à " diaboliser , I'autfe, qlre ce soit dans
seul moyen de ne
pas être orage esr de prendre le conflir à bras_le_corpr. les domaines religieux et politiques, dans la littérature enfantine ou
LoÅq.re, pâr
passivité ou incapaci té à faite un choix, nous les films d'Hollywood. Si nous n'avons pas appris d'aurres modèles
n,agisror* po, po.,.
essayef d'apporter une solution à un problème, auprès de l¡ases de sécurité fortes, nous cédons naturellement à la
noir, ro.,, .o-por-
tons en otages. Nous sommes convaincus dans r'æil tentation de personnaliser le conflir. On se dit qu'il suffirait qu'on se
de notre esprit
que le problème ne peur pas être résol' et cronc, débarrasse d'un tel ou d'une telle pour que rour aille bien. Refuser
nous nous ingénions
à trouver des moyens de ne pas le réso'dre. cette idée préconçue nous évitera d'être pris en orages par les émo-
or, l'attit'de inverse est
possible : apprendre à aimer résoudre des conflits tions d'un conflit.
est à la portée cre
chacun d'entre nous. Il est facile de considérer la différence de l'autre - apparence,
Si les manifesrations du conflit sont multiples, langue, culture, attitude ou démarche - comme une menace poten-
les principes po'r
lui trouver'ne issue sont simples. comme j'ai pu l'observer tielle. Inutile de préciser que ce n'esr pas le meilleur moyen de
chez les jeter les bases du dialogue et qu'il n'y a rien de l¡on à attendre de ce
grands médiateurs, conciliateurs et négociar".,rr,
il esr indispensable genre d'attitude, qui conduit le plus souvent à une impasse émo-
de comprendre la complexiré du confllt, mais aussi
,u ,i_pli.ité. S.
borner à n'envisager qu'un aspect ar-r détriment tionnelle. À I'he.rr. où nos entreprises sont de plus en plus inrerna-
de |autre p".rt ,,uué-
rer dangereux' Toure siruation de conflit exige de tionales et orì nos lieux de travail er nos villes sont de plus en plus
gér.r." paracroxe. multiculturels, la différence esr partour - er avec elle, le risque
Pour pouvoir le résoudre, il convient donc de
respecter res quacre
principes fondamentaux su ivanrs. cl'incompréhension. Tout doit clonc êrre fait pour séparer la per-
sonne du problème.
Ne jamais créer cl'ennemi
chaque fois qu'il y a un ennemi, transformez-le Entretenir Ie clésir sincère d'aider l'autre
en allié et pa.enaire.
Il s'agit d'un principe fondamental de l'analyse rransacrionnelle, à obtenir ce qu'ilveut ou ce dont il a besoin
comme I'exprime Erice Berne : o Il est extrêmement facile de devenir otage de soi-même en ne bran-
Je suis OK, ru es OK. or r C,est à la
fois une vérité fondamentale et un ouril essenriel dissant que ce que nous voulons, sans avoir au préalable commu-
pour manifester à
l'autre qlr'on le respecre, qlr'on porre un regard positif niqué un désir sincère er aurhentique d'aider I'ar-rrre. Nous devons
sur lui et
qu'on esr ouvert à la coopération, Toute interaction maintenir le lien avec autrui dans toute interaction, verbale ou non
doir véhiculer ce
message, même lorsqu'on fixe des limites précises verbale, en manifestanr aussi notre intérêr poLlr ce qr-r'il veut. Dire
à la relation.
<< non > olr mettre le poisson sur la cable peuvent exprimer notre

intérêt pour les désirs ou les besoins de l'autre. Parfois, le véritable


enjer-r du conflit est d'amener le manager clétaché à manifester un
intérêt authentique pour le bien-être des membres de son équipe. Les
solitaires indépendants doivent apprenclre à nouer des llens et à
11 Eric Berne, \l/bat Do you Say After yoa Say Hello
i) , Grove, 197 2 s'inqéresser alrx autres s'ils veulent clevenir de grands leaders.
a
I 5 O NÉcoc t4z(rN.ç .r¿^rJ1a¿¿.ç
L'Anr DE cÉptn rns coNFr-r'rs 15I

Ne jamais cécler aux agressions et aux émotions infenses


à la perre de territoire, de vies humaines, de sécurité et d'identiré
Ne répondez jamais à une agression. Gardez les idées claires er pour de nombreuses générations.
ne
perdez jamais de vue l'objectif. si I'envie vous vienr de capituler La Grande-Bretagne nous offre un aurre exemple de leadership
ou
d'atraquer quelq''un, annulez rapidement cette pensée dans r'æil politique æuvrant pour renouer un lien brisé.
de
vorre esprit er remplacez-la pat le désir d'aider ou de coopérer.
vous
est-il déjà arrivé de dire quelque chose qlre vous avez par la suite En 1997, lorsque le premier ministre britannique Tony Blair échangea, en

regretré ? Vous avez rour simplement été pris en orage. lrlande du Nord, une poignée de mains avec Gerry Adams, le leader du
Trente ans de pratique de la négociation crans des conrexres sinn Fein, certains Protestants loyalistes se déchaînèrent, traitant Tony
de
prises d'otages er des situations de violence ont fait Blair de traître et lui demandant comment il avait pu serrer la main d'un
de moi un parti-
san convaincu de la gestion des conflits, jusque pour raisonner terroriste. Blair déclara : n Je me suis comporté avec Gerry Adams comme
les je me comporte avec tout être humain. Avant de
individus les ph,rs violents grâce au diarogue. La cré est l,aptitude discuter, j'échange une
à
nolrer er à renouer obstinément le lien et à faire preuve poignée de mains. ce qui est important à propos de la situation en lrlande
d,aurhenticité
to*t alr long du processus, même s,il faut y consacrer des heures ou du Nord, c'est précisément que chacun traite I'autre comme un être
des jor-rrs ; à rravailler patiemment, inrensémenr er humain. r
en preine cons-
cience du por-rvoir de chaque phrase, chaque mot, chaque Tony Blair avait compris la nécessité d'engager le dialogue. 0ui plus
pause et
chaque interaction. Les exemples suivanrs illustrent purfuir"À"n, est, il reconnaissait que tout bon dialogue débute par une poignée de
.., mains pour sceller le respect et la bienveillance'r.
principes.
En 1993, Yitzhak Rabin et yasser Arafat scellaient les
accords de paix
Tony Blair a été capable de séparer l'individu du problème et de se
d'Oslo d'une poignée de mains qui r ébranra re monde r. pour
ceux qui
concentrer sur le but, la paix. Il a égalemenr reconnu que déshuma-
vécurent cet événement de |intérieur, ce fut sans conteste niser un individu n'esr pas une façon de résouclre un conflit.
I'un des
moments les plus difficiles de la vie d'yitzhak Rabin. Le premier
ministre
d'lsraë1, ancien chef d'état-major, faisait la paix avec
I'ennemi. Avant Appliquer les techniques de résolution de conflits
son assassinat,il ne cessa de répéter qu'Arafat était l,allié d,lsraël dans dans I'entreprise
la paix et qu'ils avaient un objectif commun: échanger des terres
En comprenant les racines et la nature du conflit, et en créant un
contre la paix.
climat dans lequel les individus se senrent libres d'exprimer leurs
Au fil du temps, Rabin et Arafat avaient noué un rien, comme
re refrè- préoccupations et leurs peurs, rout le monde peut appliquer avec
tent leur comportement et reur rangage. ce rien fut renforcé par
|accueir succès les techniques de résolution des conflits. Ainsi, I'harmonie et
amical que réserva Mme Rabin sous son toit à Arafat, après
lassassinat la pérennité de la relation, qu'elle soit professionnelle ou personnelle,
de son mari par I'un de ses compatriotes, pour avoir
vouru échanger ( flq5 pourront être préservées.
terres contre la paix r.
Les dirigeants er managers doivent favoriser un climat de
Yitzhak Rabin incarne re guerrier devenu pacificateur, qui
a utirisé confiance et de franchise, dans lequel les collaborateurs savenr qu'ils
l'æil de son esprit pour regarder vers I'avenir, en toute connaissance
du peuvent évoquer des problèmes ou exprimer leurs préoccupations en
passé, et entrevoir une autre possibirité. Nombreux
sont ceux qui en toute sécurité. si un tel climat n'existe pas, les problèmes deviennent
lsraë1,en Palestine et dans le monde se demandent comment aurait
évo-
lué la situation au Moyen-0rient s'ir n'avait pas été assassiné.

Les liens brisés et I'absence de liens ont éré au cæur du


conflit au 12. D' BaIz, ,,
Moyen-Orient, de même que le chagrin, immense et violent, " Blair Meers sinn Fein at Belfast in Historic Talks u(/asbìngton
associé Po¡t, 14 octobre 1997.
a
152 NÉ,Goct¡'noNs.ç¿N.ç1BL¿.ç L'AR'Í DE cÉ,Rr,n t.t:s coNpurs 153

des poissons sous la table ) et engendrent des tensions et d'autres Le style de leadership de James a changé du tout au tour : il a renoncé
"
comportements perturbateurs. à la coercition polrr devenir un leader inspirant, en apprenant à créer

Nommé PDG d'une grande société internationale, James était impatient


des liens et à gérer le conflit. Il
sait désormais gérer les désaccords de
de prendre les rênes et de lancer l'entreprise dans une nouvelle direction
manière constructive, et qu'en cultivant les liens grâce à une excuse,
stratégique. ll élabora donc avec son équipe un nouveau plan stratégique
un mot d'encouragement ou de félicitation, un moment de reconnais-
sance, il n'existe pas de conflit destructeur.
et réunit ensuite une cinquantaine de managers internationaux pour leur
révéler ce plan et discuter avec eux des défis de sa mise en æuvre. Le
message de son courriel était sans ambiguìTé: r Nous nous réunissons Résumé
pour discuter de la stratégie, pas pour la changer ; pour préciser l'appro- Le conflit est partout autour de nous: dans notre vie personnelle,
che, pas pour la remettre en cause. ) professionnelle et dans Ie monde au sens large. C'est une réalité. La
La réunion commença très bien, avec enthousiasme et motivation, bonne nouvelle, c'est que nous pouvons apprendre à le gérer, et donc
jusqu'à ce que Dorene, une jeune manager å haut potentiel passionnée par I'envisager de manière positive. Tous les conflits peuvent être résolus
son travail, déclare qu'elle trouvait qu'une partie de la stratégie prêtait à avec ce qu'il faut de liens, de coopération, d'engagement et de
confusion car elle semblait tirer I'entreprise dans des directions opposées. volonté de renoncer à quelque chose pour un bénéfrce plus grand. Le
Se sentant attaqué personnellement, James réagit immédiatement en inter- cerveau est programmé pour éviter le conflit, parce que celui-ci per-rt
rompant la réunion et en accusant Dorene de ne pas I'avoir écouté, de ne être dangereux. Nous pouvons cependant recâbler notre cerveau afrn
pas suivre ses orientations et de ne pas soutenir les objectifs de l'entreprise. d'apprendre à aimer résoudre des différends. Certains individus pos-
Ébranlé,le groupe se réfugia dans la passivité et ne se remit jamais de sèdent une aptitude naturelle pour gérer les conflits, du fait des bases
cette harangue. De fait, .James mit un terme à la réunion un jour et demi de sécurité qu'ils ont eues dans leur vie. D'autres s'y enferrent, parce
plus tôt que prévu à cause de cette ambiance négative. qu'ils cherchent à l'éviter ou parce qu'ils sont ( conraminés et pris
"
Après avoir travaillé avec un coach extérieur, James comprit ce qui en otages par des sentiments négatifs, et incapables de transformer
était allé de travers:en rompant le lien et en perdant de vue I'objectif des désaccords en accords, reproduisant encore et encore les mêmes
commun, il s'était laissé prendre en otage. Six mois plus tard, il convoqua efreufs.
à nouveau le même groupe et géra la réunion différemment. La compétence de gestion des conflits débute avec le lien et la
Tirant les leçons de I'expérience, il comprit vite qu'il devait faire ce que fait construction de passerelles vers les autres, lorsque l'individu agit avec
tout bon négociateur : préserver le lien, répondre à une attaque par une ques- authenticité. Pendant un conflit, nous devons conserver notre engage-
tion et rester concentré sur l'objectif commun. ll s'était déjà excusé auprès de ment, comprendre les intérêts, les souhaits et les besoins de l'autre, et
Dorene et lui renouvela ses excuses devant le groupe, auprès duquel il prêter I'oreille à la souffrance. Apprendre à gérer les conflits rendra
s'excusa aussi, déclarant qu'il avait commis une erreur et qu'il voulait une dis- nos vie plus riches : nous pourrons vivre en individus libres, sans
cussion ouverte et franche sur les défis auxquels était confrontée l'entreprise. craindre les désaccords et en transformant les querelles avec les mem-
Cette fois, la réunion dura trois jours et les vrais enjeux furent abordés. bres de notre famille, nos amis et nos collègues en autant d'expérien-
James fut tellement satisfait
des résultats qu'il continua à réunir les ces qui renforcent le lien.
managers de l'entreprise pour discuter librement des décisions sur la Lorsque nous comprenons et reconnaissons comme tel le côté
stratégie de I'entreprise.llavait recâblé son cerveau pour ne plus jamais positif du conflit, il nous devient possible d'identifier les problèmes,
être pris en otage, quoi qu'on puisse lui dire, et p0ur c0mprendre qu'une de nous engager dans le dialogue et de chercher des moyens de résou-
interaction peut suffire à changer la destinée d'un processus tout entier, dre les désaccords, promptement et proprement. Nous cherchons des
pour le meilleur ou pour le pire. objectifs communs et partagés. Nous ne sommes otages de personne,

a
154 Nr:G()LtA rroNS JrN,ç/8/./i.ç

et slrrtolrt pas de nous-mêmes. Nous accueillons le conflit avec plai-


sir, parce qlre nolrs savons faite face aux désaccords et les gérer. Nous
i;'
ne laisserons jamais le conflit ou la peur du conflit nons prenclre en Cha ip i:,t re
' ,::. ...
otages.

LE POUVOIR DU DIALOGUE
1. Faites-vous une règle de . mettre le poisson sur la table " pour révéler
les tensions, les conflits et les problèmes, résoudre les différends et
exploiter l'énergie positive du conflit.
2. Apprenez à vous entendre avec tout le monde, en cherchant des amis
et non des ennemis. Certes, cela n'est pas toujours possible, mais si J'aieu I'occasion de diriger une formation sur les interventions de crise et
nous abordons la relation en nous disant que nous n'allons pas nous la gestion de la violence p0ur les collaborateurs d'un hôpital suisse.
entendre avec la personne, nous aurons vite fait de la classer dans la Monica, une des infirmières qui avait suivi la formation, m'a par la suite
catégorie des gens que nous n'aimons pas. expliqué comment elle avait appliqué les techniques apprises à une situa-
3. Les racines du conflit et de la violence sont le lien brisé et I'incapacité tion réelle.
à surmonter la perte. Lorsque nous sommes confrontés à des conflits, La police suisse avait arrêté un homme à moto. Hell's Angels sans-
nous devons ôtre attentifs aux pertes et au prix à payer, ainsi qu'aux abri, Jacques voyageait seul. ll refusa de présenter ses papiers aux poli-
bénéfices, tant individuels que collectifs. ciers quivoulurent alors l'arrêter. En essayant de le maîtriser, ils luicassè-
4. Leaders et managers doivent comprendre que le conflit peut être
rent un bras et lui confisquèrent sa moto.
source de créativité et d'innovation. Les équipes deviennent plus
La police le conduisit aux urgences. Monica était en train de soigner
performantes, parce qu'elles sont capables d'avoir des querelles
" " son bras cassé lorsque Jacques brandit soudain un couteau et cria : < Je
constructives dans un environnement de coopération et de confiance,
me barre ! Si tu essayes de m'arrêter, je te tue I rr
où la gestion du conflit a pour but de développer une attitude gagnant-
gagnant. Monica m'a expliqué qu'elle s'était arors souvenue du r rien r et avait
immédiatement levé les mains en disant : tr Jacques, je ne pense pas que
ce soit une bonne idée. Les policiers sont là et ils vont encore vous arrêter.
Je sais que vous êtes en colère à cause de votre moto. r
se remémorant ce qu'elle avait appris sur la perte, elle prit conscience
de la signification symbolique de la moto:c'était la base de sécurité de
Jacques. Donc, elle lui dit : n Écoutez, je suis là pour soigner votre bras. Si
vous coopérez et que vous me laissez faire mon travail, j'essaierai
de vous
aider à récupérer votre moto. r
r Non, tu mens ! r lui répondit Jacques.
lnterprétant ces mots comme une petite concession à un événement
positif malgré leur connotation négative, Monica continua,
comme I'aurait
fait tout bon négociateur, réaffirmant son désir de I'aider. Au bout de
tt
156 NÉcoctÁTIoNs J¿NJlu¿rJ
r-F. PouvotR DU DtAroGUE 157

dix minutes, re diarogue était noué etJacques


par lâcher son couteau.
accepta de coopérer. , finit Lécrivain \Øilliam Isaacs définir le dialogue comme ,, une expé-
Monica a réussi à créer ce qu,elle a appelé rience vivante de questionnement au sein de et entre individus r. Il
un ( f,i¿lsg¡g authen_
tique,, qui a empêché que ra situation ne précise : o Les individus en viennent au dialogue pour de multiples
dégénère. par ra suite, eile a
aidé Jacques å régrer re probrème avec porice raisons. Certains veulent résoudre un conflit. D'autres souhaitent
ra et à récupérer sa moto.
Six mois plus tard, un jour qu,il traversait s'entendre mieux avec relle ou telle personne, un partenaire profes-
la ville, Jacques s,est arrêté
à l'hôpitar pour dire bonjour aux infirmières sionnel, un supérieur, un parent ou un enfant. D'autres encore veu-
et à r,équipe des urgences.
Grâce à r'attitude et à r'approche de lent résoudre des problèmes plus efficacemenr. Le dialogue permer
Monica, une situation potentiere-
ment dangereuse s'est transformée en aux individus de mettre des désaccords, des divergences au grand
situation positive :iacques a réer_
lement pu créer dans son esprit une image
jour et d'essayer de les comprendre. ,r
favorabre des hôpitaux, des
médecins et des infirmières. En mars 2003, John Mackey, PDG de Whole Foods Market, essaya en vain
de faire taire I'activiste de la protection des droits des animaux qui pertur-
Fort heureusement' ra plupart d'entre
nolrs ne connaîtront jamais ce bait la réunion des actionnaires. Lauren Ornelas, directrice de Viva !USA,
type de situation. Le pouvoir du dialogue
illustré par ce*e án..dot", une association æuvrant pour l'amélioration des conditions de vie des ani-
¡outefois, esr quelque chose
que .huã.rn peLrr apprendre à utiliser maux de ferme, faisait un discours sur la vie des canards qui finissaient
dans sa vie quoridienne' Ir n'.rì pu,
de mei'eur outil que les compé- dans les rayons des magasins de Mackey. La jeune femme sermonnait un
tences de dialogue pour aider un individu
à ne pas å"'n"ni, orage. homme qui avait déjà fait beaucoup pour améliorer la qualité et la pureté
Mais' me demanderez-vous' quelle est la
différ"n." un dialogue des viandes d'élevage. Whole Foods Market, dont Mackey avait été I'un des
et une conversation ? pourquoi mettre autant "nr..
l,accent sur le dialo_ créateurs, est le leader américain de la distribution au détail de produits
gue ? Ne s'agit-il pas simplement de
se parler ? comme nous allons bio et naturels. Dans un premiertemps, c'est par le mépris qu'il répondit à
le voir, le dialogue va bien au-delà
er implique -grecvorre être rour entier. Lauren, nJe lui ai dit:"Nous avons les meilleures normes du pays - allez
L'étymologie du mot dialogue ,rient
ã., dia,q.,; ,igrrin" . a faire la leçon à quelqu'un d'autre" r, se souvient-il. Après la réunion, il
travers >, et de logos, qui signifie <(
mot > ou << forme r. pour les tomba sur Lauren dans la foule des participants et échangea quelques
Grecs, le /ogos érair un artril¡ut de l,âme
humaine qui o donne mots polis avec elle. ll donna à la jeune femme son adresse e-mail et, au
folme à ce qui serait autrement sans forme
r. Les mots sont des cours des semaines qui suivirent, ils échangèrent des courriels dans les-
,. formules rr, des récipients,
des emballages pour ,runrpìr,", quels chacun défendait ses positions. Mais Mackey finit par en avoir assez
véhiculer le sens à r'intérieur de l'être ",
humain. Le dialogue désigne et écrivit à Lauren qu'ils ne tomberaient jamais d'accord et qu'il valait
donc deux individus échangeant des
mors, des formules ou des mieux cesser cette correspondance inutile. Toutefois, il ne s'arrêta pas là.
récipients de sens et l'énergie qu'ils contiennenr.
Ir renvoie à un Au lieu de rayer Lauren de sa mémoire, il essaya de comprendre les convic-
questìonnement partagé, une façon
de penser er de réfléchir en tions de la jeune femme. En un mois, il lut des dizaines de livres sur les
commun. Ce n'est pas quelque chose que
l,on fajt à l,autre, mais conditions d'élevage des animaux. Et, raconte-t-il :r Plus je lisais, plus le
auec I'autte' Il exige d'envisager
u.rrr"r,'".r, ra relation avec autrui, sujet m'intéressait. Je me suis dit : "Mais bon sang, ce qu'ils racontent est
comme un acte er'une volonté de compréhension
mutuelle. Le dia- vrai. C'est effroyable." l
logue est un échange à rravers t"q.,eì
les individus réfléchissenr Le PDG fit alors deux choses. ll changea de régime alimentaire:de
ensemble et découvrenr quelque chose
de nolrveau. Ir est la quêre végétarien, il devint végétalien. Et il envoya à Lauren Ornelas un courriel
d'une vérité plus aurhentique, plus grande.
Ir conduit les individus
à un niveau différent, à trurrers lequel
ils parviennenr à une com_
préhension muruelle plus profonde. L ìØilliam lsaacs, Dialogae and the Art of ThinÞìng Together, Cttrrency, 1c))),
p. 10.
I58 NÉGoctA'nlNS,sltN.r/¡L¡.t r,L Plltvortì Du DrAr,lGuL I59

dans lequel il lui disait qu'elle avait raison - pas seulement à propos des Lénergie du corps, des émotions, de I'intellect et de l'esprit
canards, mais aussi des poulets, des cochons et des vaches. ll déclara que s'incarne dans les mots (voir la Figure 6.t¡. Ces derniers véhicr-rlent de
Whole Foods Market allait immédiatement essayer d'user de son influence l'énergie et ont un impact. Comment communiqr.rer, mettre en mots
et de sa puissance d'achat pour exiger que la viande vendue dans ses ce qui est en nous cle façon à ce que l'autre puisse facilement compren-
magasins provienne d'animaux ayant été traités avec dignité avant d'être dre le sens ainsi véhiculé ? Certains inclividus ont plus de mal que
abattus. Et il proposa à Lauren d'aider I'entreprise dans cette tâche2. d'autres à traduire en mots ce qui esr en eux, parce qu'ils ignorent ce
qu'ils ressentent ou bloqr-rent leur vérité intérieure. Les personnes qui
Rechercher une plus grande véritê à travers le clialogue n'arrivent pas à verbaliser leur souffrance et leur tristesse sont plus sus-
Avoir un dialogue authentique exige un état d'esprit de décor-rverte. ceptibles de tomber malades, d'être agressives, dépendanres, dépri-
Certains individus, en particulier dans Lln contexte professionnel, mées, épuisées, d'avoir des réacrions de stress ou encore de créer des
recourent plus facilement à la discussion ou à la querelle. Ils recher'- conflits organisationnels. Si nous communiquons uniquement par
chent alors soit la l¡onne réponse, soit à prouver la justesse d'un point notre intellect, nolts serons trop rationnels et manquerons d'empathie.
de vue. Dans le clialogue, en revanche, nous souhaitons conserver Lrne Si nous le faisons uniquement à travers nos émotions, nous serons trop
connexion avec la personne à qui nous parlons. Le véritable dialogue irrationnels. C'est lorsque nous communiquons avec tout notre être
implique, en outre, de s'interroger et de laisser transparaître le clor,rte. qlre nous polrvons entrer dans un dialogue authentique avec I'autre,
Lorsque nor-rs débattons, noLls ne cessons jamais de consiclérer l'enjeu afin de partager du sens et d'apprendre ensemble.
Ie plus important pour nolrs, ce clui conduit facilement au désaccord. Selon le psychologue James Lynch : ,, Le dialogue esr Lrne com-
À l'h.r.rr" oùr les échanges sont de plus en plus noml¡reux et complexes munication réciproque entre deux ou plusieurs créatures vivantes. Il
et oùr nous ne polrvonsplus agir en individus autosuffisants, nous implique le partage des pensées, cles sensations physiques, cles idées,
devons prendre en compte notre interdépenclance accrue. C'est préci- des icléaux, des espoirs et des émotions. En somme, le dialogue n'est
sément ce à quoi peut nous aider le clialogue : à créer une culture de la rien d'autre que Ie parøge de routes les expériences de lavie. ,3
collaboration. Le dialogue créatif peut également être utilisé pour
trolrver de nouvelles idées, favorisant en cela l'innovation dans quel-
que domaine que ce soit. Une autre de ses fonctions est de résoudre Autrui

des différends. À travers le dialogr,re, qui vise à parvenir à une com-


préhension commllne du problème, les indiviclus per-rvent trolrver Lrn
point d'accord.
Le dialogue coml¡ine écoute et prise de parole. Dans de nombreu-
ses cultures, il est le premier moyen de se rasseml¡ler afrn de résoudre
Parole - D¡alogue - Négoc¡ation
les conflits clui sutgissent inévitablement entre êtres hr-rmains. Il cst
C Corps
rendu possible par un attachement et un lien entre deux indiviclus E Emot¡ons
(ou plus). Il n'y a dialogue que s'il y a influence mutuelle au cours du I lntellect
S Esprit
processlrs. Si je ne vous autorise pas à me toucher, à m'influencer et à
Figure 6.1 - Des interactions authentiques
me changer, alors, je ne suis pas dans le dialogue. Et réciproquement.

2. Clr¿rles Fislrman, * Thc Anarchist's Cook Book,, Fdú Cottt¡tdry,2001t, 3' Jamcs Lynch, Tltc Latryntga al t.hu Hetrrt : 'f lse LInt¿a Bocly in Dialogav,Basic
pp. 70-7tì. Books, I pfì5, p. 10.
16O N Écoc ttrloN.ç J¡NJ1ri/-ii.ç LE Pluvorr< DU DtAr,oGUE 16I

Si un individu pense qu'il sait tout, il n'y a pas de bénéfice à dia- comme base de sécurité. À ce stade,.le négociateur, pour sa part, tra-
loguer. En Éalité, personne ne détient ,, la ,, vétité. Il exisre toujours vaille à deux niveaux : au niveau du contenu, discutant cle ce que sou-
une perceprion, une interprétarion, une part subjective. Et il fa't haite le preneur d'otages, et au niveau du processus non verbal, en vue
toujours laisser un espace au dialogue . rI y a un remps pour le dialo- cle construire le lien relationnel. Beaucoup d'individus ne savenr pas
gue' un remps pour la décision er un remps pour I'action. Les leaders comment s'exprimer dans un dialogue. Une personne incapable de
doivent savoir faire les trois. Il esr rour aussi juste de dire qu'il faut nouer un lien positif utilisera soLrvent des mots qui véhiculent la peur,
savoir poser des limires au dialogue. Les managers doivenr prendre Ia colère ou la tristesse. Elle s'exprimera avec agressivité, anxiété, vio-
des décisions. La question esr: rous les poinrs de vue onf-il, lence, détachement et sans énergie. Elle polémiquera, interrompra
éré
entendus, en particulier les opinions opposées ou minoritaires ? son interlocuteur sans écouter, se défendra et anticipera) tant et si bien
Le pouvoir du dialogue est de suscirer un échange authenrique, que le dialogue sera bloqué. Les mots que les gens utilisent ne corres-
même lorsque les parties sonr en profond désaccord. Il résout pondent pas toujours à leurs actions. Les négociateurs sont experts
de
nombreux différends er conflits à travers ce simple processus d'écoute dans I'utilisation des mots, des interactions et du dialogue pour aider
et d'échanges. Les exemples sont innombrables d'individus qui ont les autres à dépasser leurs défenses naturelles et à entrer dans un lien
pris la peine de s'asseoir aurour d'une table pour dialoguer et qui authentique.
ont découverr que les différends qui les opposaient disparaissaient Chez de nombreux individus, parler n'est rien d'autre qu'une
lorsqu'ils faisaient l'effort de se comprendre et d'avoir ,rÀ échunge habitude, un rituel, et non un échange personnel. C'est un peu
à
< cæuf ouvert >.
comme conduire une voiture. Ils montent dans le véhicule et condui-
une grande multinationale mit en place un pr0gramme de diversité. sent, c'est tout. Ils rencontrent quelqu'un, ouvrent la bouche et par-
Dans
un premier temps, de nombreux membres de la majorité masculine lent, sans réfléchir à I'impact de leurs paroles sur eux-mêmes ou sur
blan-
che ne cachèrent pas leur mépris et leur scepticisme, faisant des com- autfui.
mentaires du type :rr Ah, irva falroir que je change de sexe pour avoir Lorsque nous sommes conscients de ce que notls faisons et qlle
une
promotion. rcependant, lorsque I'entreprise organisa des réunions de nous réfléchissons lorsque nous nous exprimons, il se produit autre
sensibilisation à la diversité et expliqua que l'objectif du programme chose que le simple rappel d'un souvenir ou la répétition de sou-
était
de créer un environnement où chaque employé aurait le sentiment venirs pour combler le silence. Réfléchir permet de voir quelque
d'avoir
sa place et où les attributions de postes seraient fondées sur chose de nouveau, le potentiel, les possibles, ou quelque chose cle dif-
les compé-
tences réelles et non sur la taille du carnet d'adresses, nombre des férent. Penser exige également une forme cle conscience de soi. Dans
scepti-
ques de la première heure adoucirent leurs positions quel état émotionnel suis-je lorsque je réfléchis ? Quand I'individr,r
et apportèrent même
leur soutien au pr0gramme. À travers un diarogue sur un sujet potentier- cesse de penser, il risque d'être pris en otage, parce qu'il obéit à sa
lement explosif et créateur de divisions, les collaborateurs purent mémoire et non à un engagement personnel avec I'autre. Si une per-
com-
prendre les motivations de l'entreprise. sonne se laisse exclusivement guider par ce qu'elle a appris, ce qui est
inscrit dans sa mémoire, l'échange risque de dériver vers le négatif .

La négociation est une exrension du dialogue, auquel vient s'ajouter C'est très précisément ce à quoi répondent les ragots et les racontars.
un processus de marchandage en vue de facilirer la résolution du dif- Ils portent rarement sur des choses positives ou valorisantes. Parfois,
férend. Les négociareurs de la police n'engagenr pas rour de suite la les individus se contentent de se mettre en mode play-back " :
négociation. Ils commencenr par poser des questions, par écouter "
l'esprit n'est pas conscient et ne pense pas. La pensée authentique est
l'autre. À tru''"r, ces questions, ils invitent le ravisseur à entrer dans le moins automatique et progresse plus lentement - elle a de la fraî-
dialog'e. ce dernier cherche un moyen de créer une associarion posi- "
cheur " et coule comme une rivière d'eau tranquille à travers I'esprit.
tive qui consriruera la base de la confiance et établira le négociateur Le corps, les émotions, l'intellect et I'esprit se mêlent en Lrn flot de
I62 NÉ,coc t¡T toNs.r¿NJ¡s¡_u.ç r,E POUVorn DIJ DrAr,oGuL, 163

conscience qui coule de soi vers I'autre pour être absorbé, puis En 1984, un avion de ligne koweitien a étédétourné. Du pointdevuedu
ren-
voyé comme une exrension du flot. Nous polrvons choisir preneur d'otages, pour être un bon otage, vous devez être convaincu que
de bloquer
le flot du courant qui sorr ou entre, er l'autre personne peut faire vous allez mourir. Si vous n'âvez pas peur, vous ne faites pas un bon
de
même. otage. C'est la raison pour laquelle les terroristes intimident et torturent
leurs otages et en tuent souvent un en exemple.
Dialogue avec soi, dialogue avec les autres Dans le cas qui n0us occupe, les terroristes choisirent douze hommes
En examinant la Figure 6.I , on voit qu'un dialogue interne et, avec tout le décorum voulu, les conduisirent à l'avant de I'appareil et
se pro_
duit en nolls - dans le corps, res émotions, l'inteilect et l'esprit. Si les firent asseoir, leur annonçant que leur dernière heure était venue.
nolrs sommes déconnectés ou détachés d'une partie de nous-mêmes L'un de ces hommes était un Koweitien. Plein de chagrin, il s'assit cal-
- les psychologues parlent de o d¡sseçiarion > _, nous aurons du mement, le visage baigné de larmes. Lun des terroristes, qui portait un
mal à créer un dialogue authentique. masque - pas seulement pour protéger son identité, mais aussi pour
Le dialogue intérieur et le dialogue avec autrui se rejoignent
lors- empêchertout lien - se dirigea vers I'homme, appuya son arme contre sa
que nous meftons avec précision et authenticité des mots tempe et lui ordonna :n Tu es un arabe. Meurs en homme. Meurs digne-
sur ce qui
esr en nous. La première étape pour créer un lien est de ment. Ne meurs pas comme un lâche. r
se gérer soi-
même, même si nous sommes en proie à la colère ou à la peur. Acceptant sa mort imminente, le Koweitien regarda le terroriste dans
Face à
une réaction ou à un événement soudain ou imprévu, ir arrive les yeux et lui dit :n Monsieur, si vous aviez autant de personnes que moi
que le
négociareur ressenre de la peur. c'est normal, mais il ne
croit pas qui attendent votre retour, vous pleureriez aussi. r
pour autanr devenir otage de certe peur. Dans le cadre de mon fort l'arme contre sa tête et commença
travail Le terroriste appuya plus à
de psychologue attaché aux services de porice, j'ai participé il hésita. Après un bref silence au cours duquel le
à plus de presser la détente. Puis
trois cenrs évaluations d'aptitucle à la tâche. chaque fois qu'un contact visuel fut maintenu, le terroriste baissa son arme et retourna
poli- à
cier a été impliqué dans une fusillade ou roure aurre siruarion I'arrière de I'appareil. Deux heures plus tard, le Koweitien était libéré.
ayanr
mis ses jours en danger, on le soumer à une évaluation afin Plus tard, lorsque les enquêteurs demandèrent à I'otage pourquoi il
de décider
si on l'autorise à continuer à porter une arme et à retourner avait été libéré, il expliqua : Je pense que le terroriste a eu de la peine
dans la a
rue en service actif. Les plus difficiles à évaluer sont les policiers
qui pour moi. Je l'ai vu dans ses yeux. D

déclarent ne pas avoir e' peur, à cause cre l'aliénation de la partie Bien que menacé de mort, I'otage put rester suffisamment calme pour
d'eux-mêmes qui analyse le monde à la recherche de dangers. regarder le terroriste avec tout le chagrin et la tristesse qu'il éprouvait
Les
officiers qui n'ont pas été autorisés à rerourner dans la rue pour les personnes qui I'attendaient. C'est ce regard, ainsi que les mots
sonr ceux
qui étaient totalemenr déconnectés de leur propre peur er clont l,atti- qu'il employa qui créèrent une forme de connexion, incitant le ravisseur à
tude dénotait, bien souvent, une agressivité excessive. La peur, le laisser partir. Le pouvoir de ses mots et le lien qu'il avait créé au cours
comme j'ai pu l'observer, est l'émotion dont les policiers ont de ce bref échange I'ont sauvé. 0n ne saurait imaginer plus bel exemple
le plus
de mal à être conscienrs er à parler. du pouvoir du dialoguea.
si vous parvenez à verbaliser vos sentiments et vos pensées auprès
d'autrui, vous êtes capable d'avoir dialogue : vous porr,r", mettre Ieffrcacité d'un dialogue ne se mesure pas au temps passé à discuter
des mots sur ce qui est en vous 'n et écouter ceux qui émanent de ensemble. Ce sont la qualité et l'authenticité de l'échange qui déter-
quelqu'un d'autre. un véritable dialogue renvoie à un sentiment minent si le lien s'établit et si une influence mutuelle s'exerce. Dans
de
communion, d'unité parce que vous parlez et que vous êtes compris,
et parce que vous écoutez et que vous compren.z. À chaqr_re inter_
4. John Kifner, " Ex-Hostages on Kuwait Jet Tell of 6 Days of Sheer Hell ",
action, il y a influence mutuelle. Netu Yorþ Tìnrcs,11 décembre 1984.
LtJ+ N I:GOCLAZIONS J¿NJlll¿¿.ç
r,D, Pouvom DU DtAr,oGuE 165
ceftalns cas' comme l'exemple précédent,
cela survient très rapide-
menr' Les individus qui onr du mal
à nouef des liens sonr soLrvenr
Obstructions au dialogue
incapables de communiquer efficacemenr Souvent, nous n'avons pas conscience des obstacles qui se mettent en
ou de prêter une oreire
attentive aux aurfes. La résorurion travers du dialogue. Ils arrêrent le dialogue et interrompenr le pro-
de conflits ou de difÍérends n,en
est que plus difficile. Une personne cessus du lien. Nous connaissons tous des gens qui, quand on leur
qui ne sait pas ,,"*p.i_", o,
écourer ne fait pas Lrn bon ntgociateur. demande l'heure, nous expliquent comment fabriquer une montre
Qu'entend-on par négociøiion dans le conrexre ou, quand on leur demande de nous répondre franchement, nous
négociation signifie que je continue
du diarogu e ? La
à m'affirmer, à me f*r. ."rp".,.., offrent des platirudes creuses. on aborde un problème et ils l'écar-
même si on me dit o non >, tout tent d'un revers de la main comme s'il était sans importance. Dans
en maintenant et en renforçant
lien' ce processus se le
jusqu'à ce que nous trouvions rous ces exemples, il y a obstruction au dialogue.
.poursuit un Que ce soit par une
accord' Bien souvent, les individ.,, oyunt des difficultés à nouer affirmation ou Lrne question, la personne qui répond doit se rattacher
liens mertenr rrop raccent sur des
reurs propr", souhaits ou capiturent directemenc à ce qui vient d'être dir. De cette façon, il est possible de
trop vite, par peur. Une personne suivre (ou de remonter) phrase par phrase jusqu'au point de blocage.
qui ne sait pas s,affirmer ne négo_
ciera pas efficacement er risque Lorsque les gens ne répondenr pas directement à une question, je
de devenir orage. Les conflits
se développenr, parce que les
humains
leur dis gentiment : ,, C'est une réponse passionnante, mais à une
individus
..'r.r, d" ,;".'gug", dun, l" diulog.,e J
tr;ä:.ti :if.f.t":.i
ti: autre question. ,, La plupart du temps, I'interlocuteuf ne se souvient
négociation esr un outil essentiel même pas de la quesrion. Mes recherches montrenr que dans les
famille,
lour interagir avec norre enrourage,
amis ou el encreprises, 7o % des communications échangées comportenr des
apprendreà,eurs.äÎi:i:i'å:ff :f il:ï:j;:::åï:J::,r:Jäl* obstacles au dialogue. cela reflète un problème de communicarion
fessenrenr' à le dialogue et à négocier. Dans l,idéal, gÍave, qui permet de comprendre pourquoi tant de réunions durent
d'abord dans 'tiliser
le cercre familiãl que ces compétences c,est
aussi longtemps sans rien apporter.
doivent êrre Quand on esr dans le dialogue, le
acquises' Il est merveilleux po.rr.
d", enfants de considérer leurs lien est fort. Lorsqu'il est obstrué, le lien est limité ou brisé.
pafenrs et leur familre comme Les négociateurs de prises d'orages doivent être maîtres dans I'art
une base de sécurité, auprès de
l'æil de l'esprir ob.s¡rve, pour laquere
un modèle performant de
du dialogue et éviter toute ol¡strucrion ou re cas échéant, y avoir
résolurion des conflits : parler, ',inrégrer, recours de manière délibérée er avec un but précis. Le modèle, qui est
dialoluer et négocier. Nous revien_
drons en détail sur la négociation aussi un outil, le plus puissant que je connaisse pour comprendre les
o,-, ðhupirre 7.
Lauthenticité est l'art de clire la vériré interacrions qui interviennent au cours du dialogue vient cle l'analyse
dans re dialogue : rrouver ce
qui est enfo'i en nous et l,exprimer. transactionnelle, développée par Eric Berne et enrichie par d'autrest.
En ce sens, chac'n est unique :
nous avons tous nos expériences Il s'agit d'analyser chaque phrase et chaque réponse, afin de détermi-
et nos sentiments, et c,est la raison
pour laquelle le dialogue esr aussi ner le niveau de dialogue ou d'absence de dialogue. À partir de ce
enrichissant. Lauthenricité signifie
que nous sommes fidères à notre que dir un individu, il est possible de comprendre son état intérieur
vraie nature. selon les travaux
de
James Lynch, l'être humain peur percevoir si et donc de savoir où il veut en venir ec même de prédire un résultat
un individu est fidèle à sa
nature intérieure olr pas' Lorsqu'ils futur. Lanalyse des interactions est un outil extrêmemenr précieux,
se comportent avec authenticité,
les individus sont bien dans l.u, car elle nous donne la possibiliré d'interrompre er de modifier le pro-
p.u,,r. Ils interagissenr avec ,.
teté er ils sont capables de laisser honnê_
", l'énergie de la vie courer à rravers cessus et donc son issue. chaque interaction nous pefmet de com-
eux' dans le'rs mors er dans le prendre où nous allons, ainsi que d'interrompre et de changer cete
diarogue. Lã diolog.r" aurhenrique
une bonne estime de soi p"r-"rã exige
un lien fom de se nouer. Le bon
dialogue fait du bien ! Er ",
le gran.l dialogr-re encore plus !
t. Eric Berne, Tran¡actional Analysis in p.rychotheraþy, Grove press, 1961
166 NÉcrrc tÁz10Ns.çrÀTlsr-1is
r.L t,()uv()tR DIt DIALoGLJE 167

o'entation. Par exemple, si le preneur d'otages exige une voiture


o sur-le-champ ,r,
qui a été dit auparavant. Dans les entreprises, les managers, tour
le négociateur ne lui répondra pas < non ,r, mais
comme les membres des équipes, pelrvent émailrer les conversarions
lui demandera qui il veut emmener avec lui dans le véhicule et qui
cle dénigrements, bloquanr rolrre chance de bon dialogue.
prendra le volant. Le négociateur doit aussi être conscienr
des ol¡s_
tructions qui émanenr de I'aurre, en renir compre er les gérer La reclêfrnition
effrca-
cemenr. Toutes les formations que j'organise pour les négãciateurs
cle Il s'agit ici de changer le cenrre de l'interaction en ayanr recours à la
la police, ainsi que pour les dirigeants er les managers, intègrent
manipulation, afin d'éviter quelque chose de gênant ou cl'émotionnel.
cetre appfoche que chacun peur maîtrisef avec de la pratique.
vous Il peut s'agir d'une forme d'attitude défensive visant à protéger une
êtes-vous déjà retrouvé o coincé, dans une conversation,
à tourner idée ou une opinion établie sur soi-même, les aurres ou le monde.
en rond ou à vous ennuyer ferme ? Si oui, c'est que vous
étiez orage Jacqui Schiff, Ken Mellor er d'aurres parlent o d'imposer son cadre de
de I'autre et peut-être aussi de vous-même.
référence à l'autre ,6. Le srimuh-rs et la réponse renvoienr à des enjeux
Les quatre obstacles principaux au dialogue sont la passivité,
le différenrs ; ils ne sonr pas sur le même plan, Si on laisse un rel phéno-
dénigrement, la redéflnition et l,avalanche de dérails.
mène s'installer, le dialogue dévie vers un sujet aurre q*e celui de
départ. Les participanrs < parlent I'un à côté de I'aurre r, au lieu de
La passivité
( parler ensemble ; ils se contentent de toluner en rond. Il arrive
on parle de passiviré lorsqu'un individu manifeste et utilise le lan- "
même que le point de départ de la discussion soit o.blié. par exem-
gage du rerrait ou un comporrement d'indifférence. Il
cherche à ple, Mike dit à collègue : - Esr-ce que ru as laissé le rapport
s'inhiber' plutôr qr-r'à s'engager dans un comportemenr de résolution 'ne
confidentiel à la phorocopieuse ? o parricia répond : o À quelle her-rre
du problème. Par exemple, Mary dir à Tom : o
Je suis en colère que l'y a-t-on laissé ? " Ou Mary demande : ,, Tu es en colère conrre
tu sois en retard pour norre réunion. , Tom, r'air effrayé et clétaché,
moi ? " Et Géraldine répond : o eue veux-ru dire par en colère ? , ce
ne répond pas. De plus en plus mal à l,aise, Mary continue
,, Qu'est-ce qlre ru faisais ? o er Tom, toujours
en disant : q'i fait défaut à ces échanges, c'esr le lien entre les pensées. on
passif, répond : o pas l'observe rrès fréquemment dans les négociations avec à., pr.n..r*
grand-chose' Le silence en tant que ter n'esr pas nécessairement
" de d'otages. Quand on lui demande s'ir a faim et s'il veut munjer quel-
la passivité lorsqu'on I'utilise de manière consrrucrive pour
réfléchir que chose, le ravisseur répond qu'il ne mangera pas de ,, nourriture
oll appuyer ses propos. En revanche, l,absence de réaction de Tom
vis-à-vis de Mary est de la passivité.
empoisonnée
". Il insère son cadre cle référence ,. risque d'empoison-
nement ) sans lien. La réponse directe aurait été: u oui, j'ai faim et
Le clénigrement non, je ne ve.x rien parce que vous risquez d'empoisonner la nourri-
ture. > Le psychiatre anglais R.D. Laing souligne que ce type d'inter_
Lorsqu'un individu dit querque chose pour climinuer, dévaloriser
de actions pellr rendre les gens o dingues >, parce qu'il n'y a pas de
manière excessive, vexer ou rabaisser un autre individu ou lui-même,
terrain commlrn à partir cluquel avancer, .
il prarique le dénigremenr. par exemple, le mari propose à sa femme
d'emmener les enfants à l'école er ce*e dernière lui répond o
; Non, L' avalanche de clétails
tu sais à peine où se rrouve ra rête, alors l'école... ,, rJn enfant cle six
Pour dire les choses simplemenr, le locureur cronne rrop cle détails.
a's a e.vie de s'occuper des plantes dans la maison et les parents
Le dialogue ne progresse pas, parce que la personne se montre rrop
répondent : < Non, tu ne pelrx pas les arroser, parce que
tu es rrop prolixe, inondanr les autres d'r,rne telle quantité d'informations que
jeune. Le dénigremenr peur aussi prendre
" la forme d'agressions, du
type : ( Tu es vraimenr idiot. Tu n,as donc pas de cerveau ,
? Les
6. Jacqui Schiff et al., A Cathexis Reader, Harper & Row, 1975
mots << Oui, mais..., introduisent souvent un clénigremenc de ce
7. Ronald Laiog, The Self crnd Other¡ Thvistock, 1961.
168 NÉGoctA'trlNS.ç¿NJIIJ¿¿S LE POUVOIR DU DIALOGT]E T69

le point important est perdu ou noyé. Bien souvenr, l'interlocuteur


genre d'excès avec la passion ou la juste expression des émotions d'un
(ou I'auditeur) perd pied et n'écoure prus le discours qui
semble ne individu impliqué dans ce qu'il fait.
devoir jamais finir. on demande à quelqu'un où ,e trá.rrre l'hôpitar
le plus proche et, en guise de réponse, on nous raconte par Généraliser
le menu
I'histoire de la ville. ce genre de pratiques esr courant dans on parle de généralisation lorsqu'un individu prend une parcelle de
les
vériré et I'amplifie à I'extrême ou iusqu'à l'absurdité. on évite de
entreprises : combien de managers font des présentations incermi-
nables, accumulant les diapositives les unes derrière les
aurres er parler d'un sujet en utilisant des affirmations ,. générales
r, au lieu
noyant leurs interlocuteurs sous une avalanche d'informations ãe I'aborder de manière précise. Les affrrmations qui ne veulent rien
impossibles à assimiler ? Lorsqu'on leur demande pourquoi dire, sans rapport avec le problème en cause, en sont les expressions
ils pro-
cèdent de manière aussi compliquée, irs répondeÀ, q,r'it, ne les plus courantes. on y retrouve solrvent les mots toujoars ou
jantais.
font
que rendre compre de la réalité des choses. Il incombe ranr
au locu_ n TLl es toujours en retard aux réunions r, ,, TU m'interromps tou-
teur qu'à l'audireur d'aider I'autre à cerner les points importants jours quancl je parle ,,, ., Personne ne fait jamais ce que je demancle '
de
l'interaction. relèvent de la généralisation'
Il existe en ourre six obstructions secondaires au diarogue ; elles
peuvent survenir seules ou avec I'un des quatfe obstacles Abstraction
ci-dessus.
ll y a abstraction lorsque la conversation s'éloigne tfop du sujet,
Être trop rationnel
brouillant Ie point focal et le frl des pensées, ou lorsque les idées et les
La conversation est conduite de manière trop analytique,
sans chareur concepts énoncés sont sans rappoft avec le problème, déconnectés de la
personnelle, ni émotion ou lien. on ne tient pas compre des senti- réalitéou rfop philosophiques. La connexion est renclue impossible par
ments associés au sujer abordé. par exempre, lors de ra fermerure une distanciation excessive des idées ou du raisonnement. une per-
sonne demande I'her_rre à son collègue, qui lui répond : ,, Dans notre
d'un site, le leader ne comprend pas la ,o.rff un." de ceux qui y tra_
vaillaient et dit à un employé : ,, Tu sais, ru pourras toujours univers, le temps est un concept vagtle et abstrait inventé par les hom-
trolrver
un autre boulot. Tu ne pouvais pas r'attendre à travailler ici toute
ta mes pouf appofter srfltctufe et sens. , certaines professions sont pafti-
vie' En ne percevant pas les deux aspects de l'événement, le leader culièrement enclines à enseigner à leurs membres un jargon abstrait
"
est passé à côté des émotions de son équipe et de la nécessité qui ne fonctionne qu'entfe les quatre murs de leur spécialité : avocats,
de lui
appofrer son sourien dans un momenr difficile. ce type d'obstruction économistes et ingénier-rrs, polrr n'en citer que quelques-Lrnes'
se manifeste également à travers une artitude simpliste
à l'égard des
dilemmes émotionnels complexes, auxquels sont cànfronrés Circonvolutions
les colla-
borateurs dans les entreprises. Éviter un problème ou une question sensible, ou tournef autour du
sujet, relève de la circonvolution. Elle se distingue de la tenclance à
Ê,tre trop émotionnel clonner trop de clétails en ce sens que les phrases sont claires et préci-
Une émorion - colère, rrisresse ou peur par exemple _ prend ses, mais évitent le sujet. Au lieu de dire ,, Tu veux bien me déposer
le pou_
voir dans le dialogue et la personne ne peur plus réfléchìr clairement. à la gare ? o, vous demandez à la personne comment elle est venlle au
Les émorions amènenr I'individu à dire et à faire des choses bureau, à quelle heure elle quitte l'entreprise, comment elle va ren-
qu,ir
fegfettefa plus tard. Par exemple, un manager suggère d'apporter trer chez elle... tout ce qui peut se rapporter au sujet, mais sans
cer-
taines modifications à un rapport et le collègue se lève,
d¿lnire le rap- jamais lui demander franchement < Tu veux bien me déposer à la
port et le jette à la corl¡eille en criant : o De toure façon, vous gare'? o Lindividu a un souhait précis, mais refuse de I'exprimer
n,êres
jamais satisfait de ce que je fais. , Il convient
cle ne pas confondre ce parce qu'il craint un refus ou une réaction négative'
17 O Núc;octA'I'toNS.t¿^rs1rl¿.t LE PoItVotR DU DIl\t,oGuL 17 |

Manque cl'honnêteté c'est un exercice auquel j'aime me livrer au collrs de soirées or_r cle
Lorsqu'une des parties ou les denx ne sont pas disposées à faire dîners, m'imposant le défi cle nouer r-in dialogue plus profond et ph-rs
prelrve d'honnêteté vis-à-vis de l'autre, tout clialogue franc clevienr riche avec un invité. J'ai également utilisé cet exercice dans le caclre
impossible. Reftrs de se dévoiler, distorsion des sentiments réels ou cle formations destinées aux négociareurs de prises d'otages.
manque d'authenticité, par exemple, se traduisent par Lrn mensonge,
anodin ou non. Un collègue vous demande : Qu'as-tu pensé de ma
" Libérer le dialogue
présentation ? , Vor.rs lui réponclez: ,. Rien à dire ", alors qu'en fait, Comment libérer le dialogue ? Voici qlrarre outils simples et lr,rdi-
elle ne volls a pas plu olr, au contraire, vous l'avez trouvée très l¡ien. qlles polrr vous y aider.
Les obstructions au dialogue ont Lrne influence à deux niveaux.
D'une part, elles interrompent le flurx du contenu et d'autre part, Le jeu du carton rouge
elles brisent le lien émotionnel fondamental nécessaire au clialogue. Je conseille souvenr aux entreprises ou aux familles de recourir au
Pourquoi fait-on obstruction au dialogue ? En général, pour empê- carton fouge < obstruction au dialoglle >>, une idée empruntée aux
cher le lien, en gardant ses distances ou en gardant les autres à dis- rerrains de football. Au cours d'une réunion ou d'une discussion, si
tance. Les individus qui entravent le dialogue ont souvent du mal à un des participants enrrave le dialogue, les autres lui donnent un car-
nouer des attachements, à maintenir leur engagemenr et le lien dans ton rouge. Cette technique aide les individus à prendre conscience
la relation. Bloquer le dialogue est généralement une habitude, une des mots qu'ils utilisenr er à s'engager pleinement dans le dialogue,
chose apprise dans la famille. Néanmoins, il est toujours possible de à condition bien sûr qu'ils aient envie que les autres puissent leur
recâbler le cerveau et d'apprendre à communiquer avec franchise, prêter r-lne oreille plr-rs attentive.
sans obstructions.
Quand on analyse un dialogue, il n'est pas rare de découvrir qr-re Bannir les n Oui, mais... ))

plusieurs obstructions agissent simultanément. Limportant est d'être Une des expressions que I'on entend le plus souvenr dans les conver-
capable cle repérer les moments oìr elles s'exercent. À lo difÍér"nce des sations est ,, Oui, mais... ,. Un collègue expose son opinion sllr Lul
négociateurs de prises d'otages, qui ont appris à maîtriser l'art du sujet et un alrtre I'interrompt en disant : . Oui, mais... o Faites
clialogue, les entreprises sont la scène de ,, monologues à plusienrs cìonc I'expérience : comprez combien cle fois vous entendez cette
"
et autres formes de communication inefficaces, comme l'illustrent les expression alr coLrrs d'une journée au bureau. Il s'agit en fait cl'un cas
réunions trop longues et ennuyeuses, clui épuisent et frustrent ceLrx classique de dénigrement - Ltne des quatre ol¡structions élémenraires
qui y participent. au dialogue. Lexpression est toltt sauf un ,, oLri o ! C'est au contraire
Savoir repérer les manæuvres d'obstrr-rction permettra alrx leaders une façon de marquer son désaccord avec ce qui vient d'être clit et de
de récl-rire considérablement Ia durée des réunions et, plus important s'en écarter pour exprimer un point de vue différent. Une façon polie
encore, de redonner à chacun le plaisir d'y participer. Combien de de dire << non > et le ph-rs sûr moyen d'enfermer chacun dans le
réunions auxquelles vous assistez sont émaillées d'obstructions au monologue, sans qlre le dialogue puisse jamais être engagé. Il est
dialogue ? À quoi ressembleraient-elles si un dialogue ar-rthentique beaucoup plus efficace de dire ,, Oui, et... > olr tour simplement
s'instaurait ? . Et o. Cette réponse, en effet, exige que la personne qui s'exprime
Tolérer des entraves au dialogue, c'est prendre le risque de devenir s'appuie sur ce qui vienr d'être dit, au lieu de le clétruire. Bannir les
otage. Cepenclant, il est toujours possible d'intervenir et de ( mettre n Oui, mais... , dans votre entreprise ou votre famille est un outil

le poisson sur la table,, afin de concluire le dialogue vers ce qu'il simple et efficace. Parfois, il convient d'être très explicite : ,,
Je suis
doit être. Trouvez le temps d'exercer vos c<lmpétences. Pour ma part' d'accord avec tels et tels points et je ne suis pas d'accord avec tels et
tels autres. ,
L / ¿ NEGOCIATIONS.ç¿NS1I]¿¡.ç
LE PouvorR Du DrAr,oGuE 17 3

Le recours au . Oui, mais... > esr symptomatique d,un individu


dont l'æil de l'esprit cherche Ie négatif,un ,, destru.a"tr, ,. échanges interpersonnels clairs er percutants. J'ai observé des résul-
À l,opposé, tats extraordinaires avec cerre règle
o oui, et... > indique que l'æil de |esprit - des équipes réduisant la
esr urilisé pour une focali-
sation positive et que la personne est une ,. bâtisseuse ,. durée de leurs réunions de 70 %.

Lejeu du n Oui, mais... Ð Principes du dialogue


Dans mes cours, j'utilise souvenr le jeu du < Oui, mais... > pour On doit à Paul Grice, philosophe du dialogue, un certain nombre de
démontrer les effets négatifs de ces mors. vous pouvez y jouer principes sur la conduite d'un dialogue. Selon lui, tout énoncé doit
chez
vous ou avec vos collègues. Le jeu comporte deux phases. être évalué au regard de sa contribution au dialogue au moment où il
Dans un
premier temps' vous choisissez trois personnes et volrs est exprimé. En m'appuyant sur ses travaux, ainsi que sur les contri-
leur dites
qu'elles disposent d'un million d'e'ros pour organiser
une fête. Leur l¡utions de Lynch er d'Isaacs, j'ai retenu pour ma part les cinq prin-
tâche consiste à décider comment eiles vont dépenser cipes suivantss.
cer argenr.
Elles onr 90 secondes pour le faire er se me*re d'accord
sur une
option. La seule obligation du jeu esr que chaque personne La règle cle Ia quantité
com_
mence ses phrases par,, Oui, mais..., Faites en sorte que votre contribution au dialogue contienne autant
eu,obseru"_,_on ? Les idées
foisonnenr, mais les trois organisateurs cre ra fête ne d'informations que les individus, le conrexre et la situation I'exigent.
parviennenr pas
à s'accorder, parce qu'ils dénigrenr en permanence Nous connaissons tous des gens qui parlent trop ! Laissez donc aux
les propositions
faites, pour en avancer une alrtre. autres un peu d'espace pour s'exprimer er poser des quesrions. Obser-
Dans un deuxième temps, demandez à ces mêmes personnes vez leurs réactions. Déterminer la juste quantité d'informations à
de
répéter l'exercice, mais cetre fois en débutant leurs donner est un processus délicat, qui requiert toute votre attention.
phrasls par < oui,
et. . . >) À l'i*.," de la discussion, non seulemenr
res participants abou-
tissent à un résultat mais en ourre, l'énergie et le lien La règle de la qualité
1., indivi-
dus sonr considérablemenr renforcés. ce jeu démontre "rrrr" veillez à ce que vorre conrribution soit claire, intéressante, facile à
commenr norre
langage peut bloquer norre créativité er nos liens, écouter, concrète, informative et authentique. Pas d'exagération, ni
ou au conrraire, res
renforcer. de digression !

La règle des quatre phrases La règle de Ia pertinence


En matière de dialogr-re, ,, moins )> esr souvent synonyme Faites en sorte que vos conrributions apportent quelque chose au dia-
de
< mieux Il est essentier que les autres p*issent écouter et logue, à ce qu'elles soient adaptées, pertinentes, correctes, en rapporr
". com-
avec le sujet et qu'elles puissent faire progresser la discussion. En
prendre aisément ce que vous êres en rrain de leur
dire. Je vous
suggère donc d'introduire la < règle des quatre phrases , d'autres termes, ., patlez avec à-propos o.
Jun, ',ro,
discussions, vos réunions d'éq'ipe, etc. Lapersorìne
qui s,exprime
ne peur pas utiliser plus de quarre phrases (sauf, naturellement,
lorsqu'elle fait une présentation). Limiter ainsi leur cliscours
incite
les individus à réfléchir précisément à ce qu'ils veulent
dire avant
de prendre la parole, améliorant la compréhension
er le diarogue. Ir 8. H. Paul Grice, .
Logic and Conversation >, tn Syntax and. Senantics, Vol, 3,
ne s'agit pas de vous exprimef en quatfe phrases en Sþeech Acß, sous la direcrion de Peter Cole et Jerry L. Morgan, Academic
toutes'occa-
sions, mais de développer vorre capacité à vous Press, 1975, pp. 41-58 ; Lynch, The Language of the Heart, et rùØilliam Issacs,
engager clans des
Dialogae and the Art of ThinkìngTo¡¡ether.
17 4 Nicoct,+z¡oNs s¡N.r1s¿¿J
r,E PouvorR DU DrAroGUE 17 5

La règle de Ia présence personnelle économie, littérature, actualités, quesrions sociales


Évitez les expressions obscures er I'ambiguité. soyez concis et
- mais chac*n
devait exprimer une position et la défendre. oe
méthodique ; souriez, utilisez vos yeux, votre corps, vorre personna-
lité, votre style et votre attitude. En d'autres termes, utilisez votre L'art de l'écoute
corps' vos émotions, votre intellecr et vorre esprit pour communi-
Dans notre monde où tout va toujours plus vite, l'écoute est un art
quer. soyez authentique, spontané et naturel. plus vous êtes à l'aise,
en péril. Il est d'autanr plus important de le redécouvrir que chacun
plus vorre présence pénètre le dialogr-re. si cerrains indiviclus sont
peut vivre mieux en amélioranr sa capaciré d'écoute. On apprend
connus pour leur < présence ) positive, d'autres, malheureusemenr,
davantage en observanr er en écoutant qu'en parlant. Lidéogramme
le sont pour les ondes négatives qu'ils dégagent.
chinois qui signifie ., écouter > se compose des idéogrammes du
cæur, de l'æil et de l'oreille - trois organes que nous devons utiliser
La règle cle la brièvetê
pour vraiment écouter. Lécoute est le premier pas vers un dialogue
ce principe renvoie à la srflrcrure de vos réponses et de vos questions.
pleinement efficace.
Le dialogue exige une atention totale. Lorsqu'ils participent à un
C'est la raison pour laquelle les négociareurs de prises d'otages
dialogue, la plupart des individus découvrenr qu'ils écoutenr davan-
posent énormément de questions. Ils savenr qu'ils auronr ainsi un
tage qu'ils ne parlent. Lorsque vous vous exprimez, soyez clair et
pouvoir d'influence plus grand sur leur inrerlocuteur que s'ils se
concis. souvenez-vous de la règle des quatre phrases. si vous pouvez
contentenr de lui parler ,. Ils contrôlent rigoureusement la façon
transmettfe vorfe message en trois phrases, c'est bien. En deux, c'est "
dont ils écoutent et se présent"nt. É.o.rter l'autre et lui répondre
encore mieux... et en une, c'est formidable !
sont les premiers fondements du dialogue. Poser des questions esr
Les hommes ont de rous temps organisé des dialogues, des débats
également le moyen le plus rapide d'entrer dans l'æil de I'esprit du
et des conversarions pour se distraire et se divertir. Les Indiens
preneur d'otages, de comprendre ses motivations et d'évaluer le dan-
d'Amérique du Nord tenaient régulièrement des < pow-wows ), au
ger et les risques pour les orages. Si vous pouvez découvrir ce qui est
cours desquels ils s'asseyaienr en cercle er discutaient. À l'époq,t"
en jeu, ce qui motive l'autre, vous êtes en bonne voie pour utiliser Ie
victorienne, après le dîner, les gens conversaient et, jusqu,à une épo_
dialogue à de nombreuses fins, y compris la résolution de conflits.
que récente, les repas familiaux étaient des occasions de dialoguer.
Afin de pouvoir engager un dialogue authentique, il est nécessaire
Le rythme rrépident de la vie moderne, combiné à la prolifération
de posséder quarre compétences d'écoute élémenraires :
de la télévision, des ordinateurs et des jeux vidéo, fait que beaucoup
de nos concitoyens ne prennent plus le temps de ,, se parler vrai- 1. Perception: c'esr l'écoure à son niveau le plus élémentaire. Les
ment ))' et encore moins d'être dans une relation de dialogue. Les oreilles perçoivent la voix du locuteur et absorbent le message. La
discussions au sein du cercle familial se réduisent de plus en plus personne écoute avec tout son corps, et écoute le langage du corps
souvent à de simples échanges d'informations ou de questions sur des et les mots de l'autre.
sujets prosaiQues: ., Tes chaussures sont dans le placard r, ..Je serai 2. Interprétation : le message est décodé en idées et un sens est artri-
là à six heures o, n Tu as tes livres de cours ? , Je ne saurais trop bué aux mots et aux phrases reçus, en utilisant, répétons-le, le
encourager chacun à redécouvrir les joies du dialogue véritable et le corps, les émotions, l'intellect et l'esprir.
renforcement des liens qui en résulte.
Comme Anne Mulcahy, PDG de Xerox, l'a dic un jour: n C'est
alrtour de la table familiale que j'ai reçu mes plus grandes leçons de
leadership, lorsque mon père présidait à des débars, rous les soirs, avec 9. Nandula \(/anasekara, " Exam-Oriented Education System Sho'lcl Be
ma mère' mes quatre frères er moi. Les sujets variaient politique,
- Changecì
", Daily News,2O novembre 2002.
17 6 NÉcoctlï1oN.r suNslar-/l,s
L[, PO(JVOIll DU DIt\l,OC;UE 177

3. Évaluarion : une fois que le message est compris, il est éval'é sur
Les personnes qui savent écouter répètent le message avec leurs
la base des faits décodés. cette évaluation débouche dans I'esprit
propres mots, afin de vérifier qu'elles ont bien compris. En donnant
de I'auditeur slrr Lln accord ou un désaccord avec le locuteur.
du feed-back, et en comprenant grâce à l'écor-rte, nous polrvons réflé-
4. Réponse : les comportements verbaux et non verbaux du destina-
chir, interpréter et réponclre en tollte authenticité et clémontrer norre
taire indiqr,renr au locureur que son message a été absorbé et que,
engagement dans le processr-rs. Les gens savent qne leurs compé-
après réflexion, le destinataire estprêt à répondre. tences d'écoute sont essentielles pour influencer et préserver le lien
Les bons orateurs ne savent pas toujours écouter et les bons audi- nécessaire à la prévention et à la résolution des conflits.
teufs ne sont pas toujours de grands ofatelrrs. Lécoute active exige
d'aller a'-delà du simple fait d'entendre les mors : d'avoir pour Dialogue et santé
objectif de comprendre aussi le sens er l'énergie que les mots véhicu-
En 1785, le DrJohn Hunter, âgé de soixante-cinq ans, c0mmença à souf-
lent et de ne pas penser à ce que nous dirons ensuite. Vous devez
frir de douleurs de poitrine. Observateur perspicace de son propre état
écouter avec attention, au lieu de penser à ce que vous allez dire.
médical et des facteurs contribuant à ses crises d'angine de poitrine, il
Lécoute active exige de la concenrration et un langage du corps
qui déclara publiquement: tr Ma vie est entre les mains du premier gredin
indique que lrous êtes attentif.
venu, qui décide de m'agacer ou de me taquiner. r
Il faur distinguer l'écoute passive et r'écoure active. La première
Le 1 6 octobre 1 793, après avoir été taquiné par un collègue lors d'une
signifie laisser votre esprit vagabonder et être distrait, lulsser .,ros
réunion entre médecins, Hunter eut une altercation avec les membres du
émotions vous conduire à I'ennui. posez-vous la question : à combien
de réunions assistez-vous en volls contentant d'être un aucliteur pas-
conseil de l'Hôpital Saint-George. Furieux, il quitta la pièce et s'écroula,
mortro.
sif, en pensanr à autre chose, sans implication émotionnelle dans ce
qui se passe autour de vous ? À l'inverse, r'écoute active recherche Cette histoire illustre I'impact que les mots pelrvent avoir slu notre
I'engagement, la focalisation er la concentration de l'être tour enrier. santé. Elle montre aussi que l'on court d'énormes risques à se laisser
Pensez-vous être capable d'écouter .. de tout votre être , ? Les prendre en otage par les autres.
négo-
ciateurs, eLlx, en sont convaincus. Parler et écouter sont des actes bien plus intimement liés à notre
savoir écouter suppose aussi de le faire pour la bonne raison. Même physiologie et à notre biologie qu'on ne le croit. Les recherches mon-
si vous pensez que quelqu'un est dans I'erreut, rly aquelque chose trent que lorsque nous parlons, notre rythme cardiaque et notre
à
retirer de la question ,, Pourquoi pensez-vous cela ? o souvenez-volls tension augmentent. Lorsque nous écoutons, en revanche, ils dimi-
que, à ce stade, le but est de continuer à créer un lien et de compren- nlrent. Lécoute est relaxante et abaisse Ie niveau d'excitation de
dre ce que I'autre a en tête. cela vous permettra de rebondir sur ce l'organisme . La réaction de notre cæur, de nos vaisseanx sanguins et
que votre interlocuteur a dit, au lie' de bloquer le dialogue ou de nos muscles lorsque nolrs communiquons avec notre conjoint, nos
de
réduire ses propos à néant. enfants, nos amis et nos collègues influe autant sur notre santé
Le meilleur remède pour les managers qui, malgré les innom- cardiovasculaire que des facteurs tels que I'exercice physique ou
brables formarions à l'écoute qu'ils ont pr-r suivre, ne manifestent notre régime alimentaire. Les interactions humaines, et en particu-
toujours pas de bonnes compétences d'éco're, est de les obliger, lier les conversations qui nous bouleversent, peuvent affecter la santé
avec leur accord naturellement, à poser systématiq.ement une de nos artères ou conduire à un décès prématuré11.
question d'éclaircissement avant de parler. En paraphrasanr, par
exemple, ce qui vient d'être dit : ,, Donc, si j,ai bien compris, vous
pensez que... ? , 10. James Lynch, The Langaage of the Heart, p.77
11. James Lynch, The Lan¡¡uage of the Heart.
17 E NúGoCIA.iloNSJ[N.Î1I]¿rJ
r-E PouvlrR DU DtAr-oGuE 179

De bonnes compétences d,écoure activent ce


que l,on appelle la conduites all cours desquelles des personnes entraient dans la pièce
" réaction d'orienration cardiaque r, qui permer à.n individu (re sous diverses conditions, Gant étudiânt les réactions physiologiques
locureur) d'abaisser son état d'excitation physiologique.
La réaction des chiens avant, pendanr et après - er en particulier les aboiements.
d'orientarion cardiaque doit son nom au physiologisre
Y.E. Sokolov''. Les érudes qu'il a conduites,.o.rfirl¿",
russe Il observa ainsi que lorsque les chiens aboyaient, ler-rr rythme cardia-
vaux ultérieufs, montfent que concentfef son iu, d", t.u_ que et leur tension étaienr stimulés, ce qu'il appela étar cle réacti-
"
attention sur le vité ". Ce qu'il clécouvrit ensuite fut d'une importance capitale pour
monde extérieur d'une manière non créfensive
provoque un ralen- la biologie. Lorsque les chiens arrêtaient d'aboyer et se mertaienr
tissemenr du ryrhme cardiaque er a une action
positive sur la circu- dans une position d'écoute, leur rythme cardiaque et leur tension
lation sanguine. D'où l'importance de se tourner
vers l,exrérieur, cre revenaient à leur niveau de départ, voire inférieur. Après la réactivité
( regarder au dehors o et d,écouter les
autres13. É.otrt", est bon et I'excitation, l'écoute et l'abaissement de l'excitation sont connus
poLrr notre santé. James Lynch, dont les
rravaux révolutionnaires sous le nom de ., réaction d'orientation cardiaque ,.
onr mafqué la discipline, décrit les effets de
l'écoute dans son rivre
Tbe Lønguage of the Heart : Tlte Ineøct James Lynch, un des élèves du Dr Ganrr, posa par la suite la ques-
of Hurnan Diøtogui.
Ce co.rant de recherche, donr pa,niov fut tion suivante : o Le chien aboie, l'homme parle. Et s'il se passait la
le piorrÃi"r, a mis en même chose ? o Cette quesrion extraordinaire permit d'accomplir un
lumière la relation entre res inreractions sociales
et la physiorogie pas décisif dans notre compréhension de la nature sociale de la réac-
humaine' Pavlov est connu pouf son travair
avec res chiens er son tivité cardiovasculaire chez l'êrre humain. Dans une série d'études,
désormais célèbre o réflexe condirionné,, (voir
le chapirre 1),0. Au Lynch découvrit ainsi que la tension et le rythme cardiaque aLrgmen-
cours de ses expériences'-il avair remarqué
que lorsq'e ä", p.rronr., tent lorsque nous parlons et diminuent lorsque nous écoutons. Ce
enrfaienr ou sorraienr de ra pièce, la physiorogie
des crriens érait phénomène est beaucoup plus présent dans les conversations l¡anales
modifiée. cette découverte interférait avec
le r¡ut de ses rravaux, qui de la vie quotidienne que lors d'une activité physique intense. Un
étair de mesurer les paramètres physiologiques
des chiens. pour les grand nornbre d'individus, cependant, ne savenr pas écouter. Lynch
besoins de son expérience, rt a¿ciia donc
d'isoler les animaux, les mit au point un programme extrêmement efficace pour traiter
privant de tout concact avec des êtres humains
ou d,autres chiens, l'hypertension, en aidanr le sujet à changer sa façon de parler et
afin de garantir la validité de ses mesures.
Il avait observé et parfai- d'écouterrt.
temenr compris ce que I'on appellera plus
rard .l,effet_personne )>, La manière dont nous nous exprimons a elle aussi un impact
mais il choisir de I'ignorer, passanr ainsi
à côré d'un p.rirrånt ouril de
compréhension de la narure sociale de la physiologie. direct slrr notre tension artérielle. Lorsque nous parlons vite, la ten-
Après un séjour d'érudes de neuf u., .n sion augmente davantage que lorsque nous le faisons lentement.
Russie, James Ganm, Lynch découvrit que les personnalités de rype A sont plus vulné-
élève de Pavlov, rerolrrna aux États_Unis.
Il étair cotvaincu qu,il rables aux maladies du cæur à cause de leur façon cle s'exprimert6.
était essentiel d'étudier prus en profondeur ,,
l'effet-personne > pour Une personnalité de type A se caracérise par I'esprit de compérition
réellemenr comprendre la physiorogie des
chiens. Il pressentait q'e poussé à I'extrême, l'agressivité, I'impatience er l'incapacité à se
la biologie er la physiologie de l'être humain
recélaienr un compo- détendre. Dès lors, les individus de ce rype sonr souvenr incapables
sant social fo*. sous la direcrion de Gantt,
des expériences furenr d'écouter. La réaction d'orientation carcliaque, acrivée par l'écoute

:? yU Sokolov, perception and tlse Cond.itionerJ


Reflexe,MacMillan, 1963.
13'James Lynch, A cry^unrtearcl:New Insìgbt into tlte Medical
coruqoroo, o¡
Lonelinest, Bancroft press, 2000.
14. LL Pavlov, Conditionerl l?fexcs, OxfordUniversity press, 15. James Lynch, A Cry Unbeard, pp. 198-205
l!27. 16. James Lynch, The Langrøge of the Heart.
I8O NÉcocuzoNs.çüNJI¿l¿lrJ
I-E Pouvom DU DrALqGUE l g 1

dans le dialogue, ne peur avoir lieu et l'excitarion


cardiovasculaire elle diminue aussi automatiquemenr. Le dialogue sain, riche de
n'esr pas régulée. lien, a
Parler à toure allure, sans reprendre son une influence incroyablement positive sur norre bien-être (voir la
souffle, conduit génén_
-lorrq,r'on Figure 6.2).
lemenr à des niveaux de tension a.érielle
plus éleíés q.r.
parle à un ryrhme régulier, équitibré. Lynch
mit en pluå d", séances
d'" expression tranquille , pour le, puri.nt, ,o,rffrunì d,hypertension
Po¡nt d'écoute
et enregistra des résultats femafquables, en
appfenant à des patients
hypertendus à parler diffrremmenr". Auran, Discussion
i,¿l¿_"nr, l,ri ,o,rti_
gnent I'impo*ance d'insriller de la sincérité Excitat¡on et réact¡vité
dans le dialågue ; en par la prise de parole
Récupération
d'autres termes, de parler < avec , l,autre rédu¡te
au lieu de parler ,. à , l,u,-rtr".
Autres preuves de n l,effer_personne ,, Rythme cardiaque
des étrrã., indiquenr que Tension artérielle
lorsqu'un médecin prend la tension d'un
patient, les résultacs sont
2^0 % plus élevés que lorsque le
patienr la frend lui-même,lh", l,ri. Ligne zéro
On appelle cela le phénomène blouse blun.h"
"
une infirmière qui la prend, les résultats "'r. i;;;q;e c,esr Figure 6.2 - Psychophysiologie de la discussion
sont supérieurs de I0 % à
ceux que le patient auraft obtenu s,il
l,avait prise lui_même, à son
domicile. Dans la lignée des rravaux de Lynch,
J. pennebaker a étudié res
cet état d'excitation se rraduit notammenr par incidences de la confession sur la santé. En demandant à des indivi-
un rétrécissement
de la vision, de .audition et des autfes dus de parler d'événements rraumarisants de leur vie, il a montré
sens. Donc, lorsqu,un négo- que
c-iateur pose une question exigeant les personnes qui se confient facilement voient leurs hormones de
une écoure de lu purtio pr"n".r,
d'otages, si celui-ci lui prête une oreille stress diminuer après avoft révéIé un événement douloureux. Toute-
arrenrive, sa tension er son
rythme cardiaque commencenr à diminuer. fois, il faut noter que I'effet-personne exige que re récepteur soit une
s'il bloque le diarogue,
soit sa tension augmente' soit son rythme base de sécurité positive. Lynch a découven que les individus
hyper-
cardiaque et sa tension se
maintiennent à des niveaux élevés. c'est tendus considèrent le dévoilement des émotions comme une menace,
loin d'êrre anodin car,
comme le sair le négociateur, la violence et donc un danger porentiel pour eux.
survienr lorsque l,individu
est en état d'hypertension. Le négociateur < Au toral, lorsque (et si) la personne se laisse vraiment aller et
a donc ,".o,rr, à des ques_
tions pour orienrer l'æil de l'esprir du ravisseur révèle ses pensées et
sentiments les plus profonds, un certain nom-
ses
et faire baisser re
niveau d'excitation en agissant sur l'écoute. bre de changements physiques immédiars et à rong rerme se produi-
Celle-ci esr un excellent
outil de diagnostic pour orédire ra violence. sent' La conductance de la peau, qui esr un indicateur d'inhibition,
Répondre à une question
est une forme d'écoute. À l,irru.rs", lorsqu,.,ne chute durant la confession. La tension et le rythme cardiaque, noram-
personne ne répond
pas à une question, c'esr généralement ment, augmentent. Après la confession, cependant, la tension de la
qu'elle n,.r, pu, dans une atti_
tude d'écoute. personne qui s'est livrée tombe à des niveaux inférieurs à
ce qu'ils
Selon I'effer-personne,
chaque fois que nous pa'ons avec quelqu,un, étaient avant le début de l'étude. ,re
notre tension augmente automatiquement. Lynch explore les liens entre la solitude et la mort prémarurée, et
Et lorsque nous écourons,
décrit le pouvoir biologique du dialogue humain _ q;i, dit_il, peut

17. James Lynch, The Language of tlte Heart,


pp. I40_I4) 19. James \Ø. Pennebaker, Opening Uþ
18. James Lynch, A Cry unlteard, p.
2I7. : Tbe Healing power of Exþrering Eno,
tion¡, Guilford Press, 1997.
Lo¿ N TTGULIATIONS.ilIN.ç1Btr.ç
LE PouvorR Du DrAroGUE 183

être plus intime qu'une relation sexuelle,


parce que le diarogue Je débute toujours mes conférences et mes séminaires par un
implique le cæur er pas seulement le corps.
Lynch avance que la pro- joyeux Bonjour ! ,, parce que je veux qlle les participanrs se sen-
hibicion de l'expression des émotions, basée
sur ,r. -unq.r. de cons_
"
cience de soi, conduit au détacrremenr
tent bienvenus et appréciés. Je veille à appeler les étudiants par leur
émotionnel dansr,.nfun." .t nom, à les regarder en face lorsqu'ils parlenr. Et quand nous ne som-
I'adolescence2". Le déni esr une forme
cre dissimulation cre soi qui,
uia mes pas d'accord, il m'arrive solrvent de leur serrer la main pour leur
le détachemenr, empêche l'indiviclu
de nouer des liens avec aurrui. Il signifrer qr-re le désaccord est posirif et qu'il n'affecte en rien le lien
en résulte un sentiment d'isolement et d,abandon, ,, une solitude
solide et durable qui nous unit.
paralysante >, polrr reprendre l,expression
.le ;. Bowlbyr'. Nombre de mes érudiants > sont des dirigeants qui ont de lour-
La manifestation extrême de cer étar est
l,alexithfmie, que l,on
"
des responsabilités, des individus dont on pense a prìorì qu'ils n'ont
observe principalement chez les hommes.
Lindividu n'o pu, .onr- pas besoin d'encouragements pour aller leur chemin. Erreur ! Ils en
cience de ce qu'il ressenr ou éprouve
et est incapable de créer des ont besoin comme n'importe lequel d'enrre nous. Voilà pourquoi il
ce dysfonctionnemenr émorionnel se manifeste
liens22'
principaler est aussi important de se souvenir que la posture et le maintien sont
ment chez les solitaires indépendanrs, qui
ont du mar à savoir ce un véritable langage, qui peur aussi bien inspirer que décourag"r. À
qu'ils ressenrenr er à communiquer verbalement
reurs émotions. travers notre façon de parler et d'écouter, nous ouvrons ou fermons la
Grâce aux travaux de Gantt, Lynch et
d,autres, de nombreux porte au dialogue. Les leaders peuvent l'entraver sans s'en rendre
hôpirar'rx er maisons de retraite disposent
désormais de programmes compte, bloquant l'échange émotionnel sans lequel ne saurair prendre
" Chouchourez un animal de compagnie >, mis plu." pJu, l,,tt", place de lien authentique. En apprenanr à reconnaître et à supprimer
conrre la solitude. Les patienrs et les "r,
résidents ,.çoiu.nt'des o visi_ les obstructions au dialogue, nous pouvons transformer nos conversa-
tes de chiens ou de_chats' ainsi que
' d'êtres hr,-ui.r, qui viennent tions en dialogues productifs, efficaces et respectueux, ouvrant ainsi la
bavarder avec eux et les écouter'r. iprès
les artentats terroristes d' voie à la résolurion de problèmes.
11 septembre, des chiens onr été .rriiisés
pour réconforter res survi- Le dialogue est un des échanges enrre individus les plus exi-
vanrs er leur famille.
geants, mais aussi un des plus grarifiants. Il va bien au-clelà de la
simple conversation. Il est la quête d'une plus grande vérité. Dans le
Résumé
dialogue, nous nous senrons liés à l'autre ; la compréhension et le
Avez-vo*s déjà remarqué combien des
mots amicaux, exprimés avec sens coulent par-delà les mots. Un sens panagé est ce qui garde unis
sincériré, peuvenr vous faire clu bien,
même rorsq''ils å-un.nt d. les individus et les organisations. Un bon dialogue ne tient pas seu-
personnes qlle vous ne connaissez pas
ou pelr ? Le voisin qui vous lement aux mots que nous utilisons ; il nécessite également que nous
sourit et vous dit bonjour quancl uorr, ,oa,",
de chez uo.rr, l. serveur parlions avec notre corps, nos émotions, notre intellect et notre
d'café qui vous dit que vous avez l'air en pleine esprit. Le langage du corps peur en dire bien plus long sur ce que
forme, ra'réceprion-
niste qui al'air vraiment contente de vous voir... nous pensons et fessentons que nos mots.
Sans écoute, il n'y a pas de dialogue producrif. Il existe une
grande différence entre l'écoute passive et l'écoute acrive, en fonction
de notre engagement plus ou moins grand à essayer de comprendre
20. James Lynch, The Langruge of the Heart. l'autre. Il est important d'indiquer à notre interlocureur que nous
2I. John Bowlb¡ Attachnent antl Loss, Vo/. 3 : Lo¡s: avons entendu ce qu'il nous a dit, en lui renvoyant son message avec
Saclnes¡ and Deþressìon,
Hogarth Press, 19g0.
nos propres mots ou en lui posant des questions pour clarifier les
22. James Lynch, Tbe Languge of the Heart, pp. 23O_24O.
23. James Lynch, choses. La réaction d'orientation cardiaque nous apprend si nous
The Langnage of the Heart:, p-.
94. écoutons réellement.
1. Lorsque nous parlons, notre
fihme cardiaque et notre tension aug_
mentent, et notre organisme se met en état d'excitation.
Lorsque nous
Cha ff,,.
écoutons, notre fihme cardiaque et notre tension
diminuent, et nous
nous détendons. Écouter nous fait du bien.
2. Le dialogue est un moyen de trouver le sens véhiculé
par les mots.
Ces derniers sont des conteneurs qui transportent
de l,énergie, des
idées et des émotions depuis Iintérieur de ra personne.
son propre rot d'expériences et de perceptions qui peuvent
Tout individu a LE POUVOIR
rendre re
dialogue riche et gratifiant.
3. Prenez le temps d,engager un véritable dialogue
DE LA NÉCOCIATION
avec ceux qui vous
entourent. Réservez du temps pour échanger réeilement
avec res autres
et parvenir ainsi à une meiileure compréhension et
apprendre querque
chose de nouveau.
4' Le dialogue est un érément important d'une négociation performante. Le 14juin 1985, peu de temps après le décollage du vol TWA 847 au
ll nous permet de savoir exactement quels départ d'Athènes, deux Libanais qui avaient introduit clandestinement des
sont les besoins et les inté_
rêts de nos partenaires de négociation. armes et des grenades dans la cabine détournèrent I'appareil et le dérou-
tèrent sur Beyrouth. un des pirates de l'air frappa I'hôtesse uli Derickson,
d'abord dans la poitrine et une nouvelle fois alors qu'elle était sur le sol.
L'autre pirate défonça la porte de la cabine de pilotage et son comparse
obligea la jeune femme à les regarder frapper le pilote et le copilote à
coups de pistolet sur le visage.
Les deux Libanais ne parlaient pas anglais, mais Uli put communiquer
avec I'un d'eux en allemand. Elle essaya de le calme¡ et à sa demande,lui
chanta même une chanson allemande. pendant les cinquante-cinq heures
qui suivirent, elle se retrouva au cæur du drame, traduisant les échanges
tendus entre l'équipage de I'appareil et les pirates de l,air.
Selon les passagers interviewés par la suite par le lVew yorkTimes,
lorsque les ravisseurs se mettaient à frapper les passagers, uli interve-
nait : r Ne le frappez pas n, disait-elle, ou n pourquoi frapper ces gens ? n,
demandait-elle.
Au cours de I'escale de I'appareil à Beyrouth pour refaire le plein de
carburant avant de continuer vers Alger, uli supplia les ravisseurs de libé-
rer les passagers. lls acceptèrent finalement de laisser partir dix-sept
vieilles dames et deux enfants. Lorsque l'équipe au sol exigea d'être payée
pour faire le plein de l'appareil, les ravisseurs menacèrent de tuer un
otage. uli intervint une nouvelle fois, donnant sa carte de crédit pour
payer les quelque trente mille litres de carburant.
r
186 NÉcoct4zrcNs s¿Nsrr¿rs LE pouvotq. L>E t,,t NÉ,Go<;ttt'nt¡N 187

Les ravisseurs demandèrent à Uli de chercher dans les passeports des marchandent poLrr obtenir un avantage personnel ou collectif et
passagers des noms à consonance juive. Bien que des rapports initiaux s'efforcent de concevoir une solution qui satisfait leurs inrérêrs
aient prétendu qu'elle leur avait obéi, Uli avait en fait caché lesdits passe- mutuels.
ports. Arrivés à Alger, les ravisseurs libérèrent vingt passagers supplémen- La nêgociation est la capacíté à s'engager dans un dialogue qui
taires, avant de s'envoler à nouveau vers Beyrouth. peut conduire à résoudre le réel enjeu du conflit. En d'autres termes,
Les pirates de I'air avaient découvert la présence de trois militaires la négociation est I'art de dire " rÌon >, tout en maintenant le lien
américains à bord de I'appareil :deux plongeurs de la marine et un offi- jusqu'à ce qu'Lrn accord soit trouvé. Un bon négociateur est capable
cier de l'armée de terre. Les trois hommes furent ligotés et battus. En de dire ., Non, continuons à discuter o. Au cours de la négociation,
atterrissant à Beyrouth, les ravisseurs tuèrent le plongeur Dean Stetham le dialogue crée une atmosphère dans laquelle les besoins de chacun
d'une balle dans la tête et jetèrent son corps sur le tarmac. Après quoi, ils sont reconnus, les intérêts communs compris et les solutions aux
setournèrent vers Clinton Suggs, l'autre plongeuç et se mirent à le frap- conflits mises à jour. Les deux parties travaillent ensemble à obtenir
per. Selon ce dernier, Uli s'interposa entre les ravisseurs et lui et cria: ce qu'elles veulent. Pour résoudre ou régler un différend par la négo-
r Assez ! Assez !r lls le laissèrent tranquille. Douze miliciens islamistes ciation, les parties impliquées doivent exprimer ce dont elles ont
montèrent à bord de l'appareil, qui repartit vers Alger. besoin, ce qu'elles veulent, ressentent et pensent, et écouter ce dont
Au bout de trente-six heures, les terroristes libérèrent soixante-cinq les autres ont besoin, ce qu'ils veulent, ressentent et pensent. Négo-
otages, parmi lesquels Uli Derickson, et retournèrent à Beyrouth avec les cier ne signifie en aucun cas que nous abdiquons notre pouvoir per-
trente-neuf otages restants. Finalement, les otages furent remis à un lea- sonnel. Nous pouvons négocier tout en le conservant.
der shiite modéré qui les libéra le 30 juin 1985, en échange de la libéra-
Le ravisseur appuyait un couteau contre la gorge de la femme et hurlait :
tion de trente et un prisonniers libanais détenus par lsraë1.
rJe vais la tuer, c'est tout ce qu'elle mérite. Elle a détruit ma vie. r Le
Uli Derickson fut décorée de la Silver CrossforVolorpar The Legion of
négociateurdemanda à Peter, un ancien employé que la femme avait ren-
Valor, une association d'anciens combattants'.
voyé, de poser son couteau.
D'instinct, ou parce qu'elle l'avait apprise, UIi connaissair I'une des - Non, je vais la tuer !

règles d'or à suivre lorsqu'on se rerrouve en situation d'otage. Les Le négociateur répondit calmement :

otages doivent en partie leur vie à leur capacité à créer un lien avec - Petel tu veux bien me parler pour que je puisse t'aider ?

leur ravisseur, à conserver leur pouvoir personnel pour influencer, - Vous ne pouvez pas m'aider ! Ma vie est foutue. Je vais lui trancher
persuader et négocier. Ils ne doivenr pas céder à I'impuissance. Ayant la gorge. Elle mérite de mourir p0ur ce qu'elle m'a fait.
été frappée au dél¡ut du drame, Uli aurair pu se replier sur elle- - Parlons. Je suis sûr que je peux t'aider.
même par peur et adopter une attitude passive ou soumise, ou encore - ll est trop tard, personne ne peut m'aider.
céder à I'agressivité et à la violence. lieu de quoi, elle resta maî- - Peter, je sais que tu as une famille.Ouels souvenirs veux-tu qu'ils
'tu
tresse d'elle-même et de ses capacités, et les utilisa pour influencer, gardent de toi ?
persuader et négocier un changemenr d'érar d'esprit chez les pirares S'effondrant et éclatant en sanglots lorsque la police pénétra dans la

de I'air. pièce, Peter déclara :r J'aime mes enfants. Je ne peux pas leur faire ça. n

La négociation est un processus par lequel les parties concernées


Cet échange d'interactions rapides est-il une bonne négociation
résolvent des différends, se merrent d'accord sur une ligne d'action,
débouchant sur un résr.rltat ? La réponse est oui. Pourquoi ? Parce
que la femme est toujours en vie, et elle le doit au talent de négo-
1. Susan l)ominius, " The Pacemaker of Flight 84J The
", Neu, Yorþ Tin¡e.r, ciation... du négociateur. Qu'a-t-il fait ? Il a posé des questions, en
25 décembre 2005. changeant régulièrement d'objectif : clu colltealr anx enfants de
188 Nlcoc¡AfloNJ'süNs11J¿¿.t r,E pouvouì ot: t.t NÉ,coct¡TtoN 189

Peter, en passanr par la durée de la discussion. À chaque concession des individus, de manière à maintenir la relation pendanr les
de Peter, les chances de réussite augmentaient. Et, comme nous le moments difficiles. Lincapacité à nìruer un lien esr souvenr la pre-
savons désormais, sa tension retombait chaque fois qu'il écoutait et mière cause d'échec d'une négociation. Un lien va au-delà de la
répondait à une question. ces techniques, vous pouvez vous aussi les communication verbale ; il peut être mesuré par le degré d'engage-
apprendre. ment des individus.
Ensuite, vous devez distìnguer la personne du problèru ou de ses exi-
Les dix étapes clu processus de négociation gences. N'oubliez pas que ce n'esr jamais l'individu qui constitue le
La négociation esr un processus à la fois simple et comprexe. Les négo- problème. Ce sont les défis auxquels vous êtes soumis qui doivent
ciateurs doivent être conscients cle cette réalité voir à la fois les arbres être résolus. Dans le cas d'une prise d'otages par exemple, les ravis-
-
et la forêt -, afr,n de ne pas se laisser submerger par les complexités, les seurs demanderont de la nourriture, une voiture, se montreront
émotions ou les dilemmes qui surgissenr au cours de la négociation. agressiß ou encore feront peser des menaces sur la vie des otages. La
La parole et le dialogue peuvenr résoudre de nombreux différends, meilleure approche consiste à ne pas se focaliser sur la personne, mais
mais ils ne sont pas toujours sufflsants. c'esr alors que le processus de plutôt sur la hiérarchie des problèmes à trairer. En règle générale, on
négociation enrre en jeu. À la suite des remarquables travaux de débute par le plus facile, afin d'amorcer la création d'un lien. Admet-
Fisher, ury et du Harvard Negotiation project, une abondante litté- tons que vous commenciez par la nourriture. Que veulent-ils man-
rature a été produire sur le sujer2. Le processus de négociation peut ger ? Si vous vous dites que votre interlocuteur est < fou > ou <( idiot ,r,
ainsi être défini en dix étapes : vous le dépersonnalisez instantanément dans l'æil de votre esprit.
Tout le défi consiste à rrouver un moyen de préserver le lien, de
1. créer un lien ; conserver une attitude positive vis-à-vis de l'individu rout en résol-
2. disringuer la personne du problème ; vant les problèmes. Il est important de faire comprendre à I'aurre que
3. identifier vos besoins, souhaits et intérêts ; vous vous concentrez sur les problèmes et que vous ne le jugez pas.
4. identifier les besoins, souhairs et intérêrs de l'aurre ;
En troisième lieu, vous devez idcø{ter uos besoins, soul¡aits et inr6rêß.
5. utiliser un dialogue ciblé ;
Réfléchissez soigneusement à ce que vous artendez de la négociarion, ce
6. créer un objectif et rrouver un objectif commun ;
que vous espérez en retirer. La conscience de soi, laclané d'esprit et la
7 . trouver des options , générer des propositions et faire des conces-
gestion des émotions sont importantes pour conserver la bonne orienta-
sions ;
tion. Il est également utile de connaître vos limites et de savoir ce que
B. marchander pour un bénéfice mutuel ; vous ne voulez pas. Ce n'est qu'une fois que vous aurez précisémenr
9. parvenir à un accord ; défini vos souhaits et intérêts que vous serez prêt à poursuivre. La négo-
10. mettre frn à la relation ou Ia poursuivre sur une nore positive.
ciation est un moyen d'atteindre ce que vous er l'autre partie considérez
Il s'agit tout d'abord de *éer un lien auec I'autre þartie. ce lien va comme un dessein, une mission ou un objectif important. Un passage
au-delà de la simple discussion. Il est de l'ordre de la synergie émo- d'Alice au. Pøys da Meraeìlles, de Lewis Carroll, illustre très bien ce
tionnelle, qui rend possible le jeu des influences. souvenez-vous qlre point. Alice arrive à un croisemenr er aperçoit le chat du Cheshire dans
vous n'avez pas besoin d'aimer Lrne pefsonne polrf nouef un lien avec un arbre. Quel chemin dois-je prendre ? lui demande-t-elle. Où
" ", "
elle' Le lien est un échange d'énergie qui entretienr I'engagement voulez-vous aller? >, lui répond le chat. ne sais pas dit Alice.
"Je ",
o Dans ce cas >, rétorque le chat, ,, celan'apas d'importance. ))
Si vous ne savez pas où vous voulez aller, vous risquez fort de vous
2. Roger Fisher et \Tilliam rJry, Getting to Ye¡ : Negotiating Agreenent tï/itboat égarer. Vos attentes, préalablement définies, guideronr vos acrions au
G ìuing In, P engvin, lL)83. cours de la négociation.
I9O Nticoctzt'rloN.r.snNSlrrr.l LE PouvorR ot ra Ni,cctcta'noN I9I

On me demande parfois pourquoi il convienr d'envisager ses Il


est important de ne pas confondre position et objectif. On
propres intérêts avant ceux de l'autre. La raison est qu'il est impor- parle de position lorsque l'individu s'accroche et lutte pour conserver
tant que le négociateur, face à des ravisseurs, puisse agir comme un territoire, symbolique ou réel, au lieu de se battre pour des objec-
base de sécurité. Être .rn. base de sécurité exige d'avoir l'esprit tifs fondés sur des intérêts communs. À -"t.rt. que les besoins,
suffisamment clair et concenrré sur norre objectif pour ne pas être désirs et intérêts se précisent, nourris des complexités de toutes les
déstal¡ilisé ou détourné de cet objectif par ce qu'il se passe alrrour. parties, I'objectif commun devient le point focal.
Si la confusion règne dans l'æil de notre esprir, elle perturbera La septième étape consiste à trouuer des oþtions, a'aa.ncer du proþosi-
notre interlocuteur. l'esprit clair contribuera aussi à clarifier tìons et faire des concessions. Quelles options s'offrent aux parties pour
'A.voir
ses idées à lui. résoudre leur différend et satisfaire leurs intérêts communs ? Ces pis-
En quatrième lieu, grâce à l'écoure et à la compréhension, vous tes peuvent et doivent changer au frl de votre conversation avec vos
identifiez les lsesoins, les soultaìts et les intírêts de l'aatre. Vous renforcez le rentatives d'identification de solutions - ce qui vous conduit directe-
lien que vous êtes en train de construirc grãce à l'emparhie. Vous ment à l'étape suivante.
devez manifester Lrn intérêt sincère er aLlthenrique pour ce que I'autre Au cours de la huitième étape, uous marchandez en uue d'obtenir un
souhaite. Si vous ne savez pas ce que recherche l'autre personne, quels tténéfæ rnutuel. Dans une négociation réussie, chacune des parties
sont ses intérêts, vous n'êres pas prêt à négocier. En manifestant de gagne et renonce à quelque chose. C'est un défi, parce que cela signi-
I'empathie, vous renforcez continuellement le lien. Lorsque vous fre que vous devez être dans un état d'esprit de coopération et penser
cherchez activement à comprendre les besoins de l'autre, vous démon- à ce que les deux parties peuvent gagner. On parle alors souvent de
trez que vous êtes concentré sur le problème, hors de tout jugement solution < gagnant-gagnant ), par opposition à une solution .. per-
de valeur sur la personne. Vous lui montrez également que vous êtes d,ant-gagnattt o. Êtt. capable de dire à une personne avec qui vous
prêt à l'aider à obtenir ce qu'elle souhaire. négociez r, Je veux vous aider à obtenir ce que vous voulez ) est un
An cours de la cinquième étape, vous entrez dans un dialogue cìblé. puissant moyen de la convaincre.
Les quatre premières étapes sont clarifiées grâce à un dialogue La neuvième étape est celle où I'on parvient à tn accord , un contrat
continu. Ce dernier contribue à préciser vos propres besoins, souhaits olr une reconnaissance mutuelle de ce qui a été négocié. Laccord peut
et intérêts, tolrt en aidant l'autre à comprendre les siens (voir le Cha- être informel et verbal, ou offrciel et écrit. Cela étant, une poignée de
pitre 6). Votre interlocuteur souhaite peur-êrre des choses à l'opposé mains et la parole donnée sont les liens les plus forts qu'un être
de ce que vous voulez, ou peut-être que vous ne savez pas ni I'un ni humain puisse nouer et le fondement des meilleurs accords.
I'autre ce qÌre vous recherchez. Le dialogue contribue à mieux vous Enfin, le processus de négociation doit permettre aux deux par-
connaître I'un l'autre, ce qui vous permettra de passer au marchan- ties de îerminer sur une nlte plsiriae. Il permet à deux individus qui
dage en vue d'obtenir un bénéfice mutuel. Les cinq étapes suivanres ne se sont jamais rencontrés de négocier et de se séparer en bons
dépendent de la qualité du dialogue enrre les deux parries jusqu'à ce termes. Dans tous les cas, une première négociation réussie facilite
stade. généralement d'éventuelles négociations futures. Lorsqu'une issue
Sixièmement, vous capitalisez sur les étapes précédentes pour cr,íer au différend est trouvée, une relation peut se poursuivre dans les
un oltjectif et comprendre vos objectifs communs. Cet objectif devient termes amicaux qui préexistaient à la négociation, voire en ressor-
Ie point focal du processus. Dans I'anecdote précédente, où Perer tir renforcée.
tenait Lrn couteau contre la gorge de son ancienne patronne, le pre-
mier objectif du négociateur érait de l'amener à lâcher son coureau.
Ensuite, il s'est orienté sur le temps er la durée de la discussion, puis
sur les consé<luences du geste de Peter pour sa famille. 3. Roger Fishet et \Tilliam Ury, Getting to Yes
Ly ¿ NßGOC|AZ10NS.r¿Ns/ß¿lLç r,D, pouvotrì or. ra NÉ,coctartoN 193

Il
n'est pas nécessaire que la négociation dure longremps. Elle Ne pas respecter son interlocuteur, et adopter Lrn comportement à
peut êrre précise er rapide. Lorsqu'un lien s'est noué avec I'aurre par_ I'avenant, ne produit généralement rien de bon : ressentiment, hosti-
tie et que vous savez ce que vous voulez, vous pouvez exprimer votre lité et vengeance en sont les fruits amers. La focalisation sur le sujet,
objectif de manière succincre. Si l'autre partie sait aussi ce q',elle le problème ou I'enjeu <ìisparaît au profit de la défense de soi ou de
veut et qu'elle est capable de l'exprimer en quelques mors, vous l'attaque de l'autre... le plus sûr chemin vers le conflit destrr-rcteur.
accomplirez beaucoup en peu de cemps. Il y a plusieurs années, alors que je formais des policiers, l'équipe
Selon Jean-Baptiste Lamarck, un des pionniers de la biologie, avec laquelle je patrouillais en voiture a dû arrêter un agresseur vio-
l'évolution et le progrès reposenr sur quarre éléments : êrre centré lent. Au cours d'un affrontement physique, les émotions grimpent
sur un but, êrre adaprable, faire des changemenrs majeurs lorsque de plusieurs crans. Au moment où il passait à côté de moi alors
c'est nécessaire et avoir des souvenirs du passéa. La négociation qu'un policier le conduisait vers la voiture, l'homme m'a envoyé un
effi-
cace répond aux mêmes principes. énorme crachat au visage. J'étais fou de rage et n'avais qu'une envie,
me venger. Fruit de ma propre intégrité ou du désir de montrer le
Aborder la négociation de manière positive bon comportement, j'ai réussi à ne pas céder à mon impulsion et à
Pour être fructueuse, une négociation exige une stratégie tournée conserver une attitude respectueuse, en prenant énormément sur
vers des objectifs. lélaboration de cette strarégie nécessite d,avoir moi. C'était ce que je m'efforçais cl'apprendre tous les jours aux poli-
des bonnes bases et la bonne atritude positive, à savoir :
- ciers. Lhomme a continué à cracher, même dans la voiture, jusqu'à ce
qu'un policier le bâillonne avec un mouchoir. Grâce à cette expé-
s montfer à l'autre partie qu'on la respecte ; rience, j'ai appris ce que cela exige de conserver l'attitucle d'un pro-
o avoir une menralité gagnant-gagnant;
fessionnel du maintien de I'ordre. Mon respect pour les policiers
o être patient et progresse t par étape ;
capables de cette maîtrise, et pour moi-même, n'en a été que plus
o éviter de se battre avec son adversaire.
grand.
Montrer â l'autre partie qu'on la respecte Le manque de respect prend diverses formes : préjugés, attaques
personnelles, emportements, humiliation, dépersonnalisation ou encore
Le mot ( respect > est emprunté au latin re (en arrière) et specere
(regarder). La perception esr tour. La façon dont l'individu ressentiment. La violation de rôles, de territoires, de frontières et de
voit, règles en est une autre expression plus subtile. Utiliser un langage
regarde et perçoit donne vie à tout ce qui suit. En fait, on obtient
blessant, agressif ou méprisant est encore une autre façon de manquer
exactement ce que I'on cherche. si vous cherchez un ennemi, vous
de respect.
êtes assuré d'en rrouver un ; si c'est un allié, un allié surgira.
Les Le respect est une valeur fondamentale qui doit être au cæur de
guerres naissent dans I'esprit.
toute interaction, afin de garantit qlr'aucune des parties ne devienne
Faire montre de respect, c'est voir et accepter l,autre comme un
otage.
être humain distinct er unique, qui a le droit d'avoir des pensées
et
des sentiments différents des nôtres. cela ne signifie pas être d,accord
Avoir une mentalité gagnant-gagnant
avec rour ce que l'autre pfopose. Toutefois, il faut que l'on
soit suffi- Pour avoir une attitude gagnant-gagnant, il convient de chercher à
samment assuré et confiant pour accepter sa version de la réalité
et répondre aux besoius des denx parties, au Iier-r de se focaliser sur le
séparer compo.emenr er individu, de façon à ce que les différends
problème ou d'imposer une solution à quelqu'un. Considérons par
soient abordés sans agression ni dénigrement.
exemple un couple qui prépare un voyage. Le mari a envie d'échap-
per au téléphone et de passer quinze jours sac au dos en Alaska,
4. Jean-Baptiste Lamarck, Zoologìcal phito.rophy, Hafner, 1963 loin de toute civilisation. L'épouse, elle, aime nager, se baigner, se
Iy+ N EGOCIATIONS.ç¿NS1ß¿ã.ç
r,E Pouvorn on r¡ NÉcoa¡rrcN I9|.

détendre et lire et elle n'a allcune envie de se nourrir


d,aliments LesJaponais refusent néanmoins gentiment mais fermement de voter
lyophilisés er encore moins de jouer res routardes.
Eile a envie et entament une discussion qui repousse le départ du groupe d'une jour-
d'être confortablement installée er de paresser, vraisemblablemenc née. Finalement, ils trouvent un lac dans les montagnes, ce qui ravit les
dans un hôrel de luxe. Américains car ils peuvent se baigner, faire du canoë et du ski nautique.
Le couple pourrair se querelrer indéfiniment
sur la question. Trois Lorsqu'on a demandé aux Japonais pourquoi irs avaient refusé re
cas de figure sont possibres : l'un cède à l'autre
et deux p.rronn., r.è, vote, puisque leur majorité leur aurait permis d'emporter la décision, ils
mécontentes partent sac au dos en ,{raska ou vont ont expliqué que le vote leur aurait certes permis de partir un jour plus
paresser au bord
d'une piscine. une solution qui ne satisfait p"rronn"
: celui qui a tôt pour la montagne, mais aurait également mis en péril leurs vacances
cédé en veut à l'autre er ne manquefa pas de
faire la cête et de rrans- avec leurs amis américains. lls pensaient que ces derniers n'auraient pas
former le séjour en véritable cuuchemuì. été satisfaits, ce qui aurait affecté le moral de tout le groupe. De plus,
Autre possìbilité : las de se quereller, le couple renonce ils pensaient que si les deux groupes devaient repartir en vacances
à partir en
voyage ou choisit une destination qui ne les
tente ni l'.rn ni l,autre. ensemble l'année suivante, leurs amis américains auraient eu plus de
Dans ce dernier cas, tous deux auront sauvé la face pouvoir pour choisir la destination, leurs souhaits n'ayant pas été rete-
en ne cédant pas.
Ils se seront néanmoins privés des vacances donc ils avaient nus cette année-là.
envie...
un gaspillage de temps et d'argent. Enfin, le mari
et la femme déci_
dent de partir en vacances chacun de son côté, renonçant Lorsqu'on vote, il y a génénlement des gagnants et des perdants. Les
du même
coup aux bons moments qu'ils auraient pu passer perdanrs mécontents risquent alors de se désintéresser de la tâche
ensemble.
En quoi une stratégie gagnant- gagnaft pourrait-elle pour laquelle la décision a été prise, ralentissanr la mise en æuvre par
changer ce
triste tableau ? Pour commencer, r'un et l'autre doivent leur manque d'enthousiasme ou, dans le pire des cas, par un sabotage
concentrer leur
attenrion sur ce qu'ils attendent réellement de leurs actif. De plus, la scission qui en résulte devient un ,, poisson sous la
vacances _ soli_
tude, détente, natation, bonne chère, etc. et
- ne pas limiter leur dis-
table
" et affectera les décisions furures du groupe. Bien que les
cussion à un lieu spécifique. une fois leurs souhairs décisions obtenues par consensus exigent davantage de temps et la
identifiés, ils
pouffont commencef à envisager ensemble des volonté de chacun de renoncer à ses positions, lorsqu'elles sont adop-
destinations, pour en
trouver une qui réponde à leurs besoins collectiß. tées, elles appartiennent à tous les membres du groupe. chacun se
cette approche foncrionne, parce que le coupre doit d'abord sent concerné et responsable, ce qui motive tout le monde à s'en tenir
se
mettre d'accord sur I'objectif des vacances ils pourront à la décision. Lorsque, faute de remps, le consensus n'esr pas envisa-
; ensuire
geable, écourer les opinions minoriraires er demander des conces-
avancef ensemble dans la même direction. Le
résultat esr une soru-
tion gagnanr-gagnant : une destinarion susceptible sions est une voie alternative à explorer. euand l'engagement des
d,offrir à chacun
les vacances dont il a envie. participants esr forr, une des règles pour bien travailler ensemble est
que les personnes qui ne parragenr pas le point de vue du plus grand
Des Japonais et des Américains travaiilent pour ra même entreprise
et nombre puissenr néanmoins acceprer de s'y rallier du fait de la
projettent de partir en vacances ensembre. La première
décision impor- confiance qui prévaut au sein du groupe.
tante qu'ils doivent prendre est de choisir leur destination.
Dans une négociation, beaucoup d'options ne vous permettront
Les Japonais, plus nombreux,ont envie d,air pur et de grandes mar_ peut-être pas d'obtenir tout ce que vous vouliez, mais répondronr cle
ches dans la nature ; irs proposent un voyage à
ra montagne. Afin d'éviter manière satisfaisante à vos besoins er à ceux de l,autre partie.
tout conflit et préserver reur amitié avec res Japonais,
res Américains, qui
ont envie d'aller au bord de ra mer, proposent de mettre À l'école, deux enfants se disputent une orange. llinstituteur entre dans la
ra destination au
vote. Une façon pour eux, moins nombreux, d'accepter classe, coupe I'orange en deux et en donne une moitié à chacun. ll se
la défaite.
révèle toutefois qu'un des enfants voulait les quartiers pour faire du jus et
r-E porJvont on ra NÉcoct,t'noN I97
l'autre la peau pour faire de ra marmerade. si
res deux enfants avaient pu
parler de ce qu'irs vouraient faire avec Ron était dans une phase de négociation particulièrement difficile avec
|orange, irs auraient pu satisfaire
leurs besoins à I'un comme à l,autres. un client. Lorsqu'il entra dans la salle de réunion, il choisit de s'asseoir
loin de ses collègues, à I'autre bout de la table, plus près du client. ll se
Ilesr essentiel d'envisager la négociation
sous l'angle de ce que vous tourna vers le PDG de l'entreprise cliente et écouta attentivement ce qui
avez à y gagnet, er non de ce que vous se disait. À mesure que la discussion avançait, le client commença à se
avez à y perãre.
tourner vers Ron et à le regarder lui aussi dans les yeux. Lorsque le client
Patience ef sens cle l,à-propos
eut terminé, Ron posa des questions pour se faire préciser certains points,
Parience er sens de l'à-propos vont de pair. pour
faire les choses au puis proposa une solution avantageuse, luisemblait-il, pour les deux par-
l¡on moment, vous devez êrre sensible À*
r.,un..s de ra négociarion ties. Ron se souvient s'être dit qu'une issue positive serait trouvée lorsqu'il
et comprendre les personnes avec qui vous
discutez. Avoir i" ,"n, d" avait remarqué que le langage du corps du PDG devenait semblable au
l'à-propos, c'est êrre capable d'identifier le
meilleur momenr pour sien.
avancef un point clé, s'ggérer une solution
ou mentionner une dif-
ficulté, afin de faire progresser le processus Ne pas se battre avec son adversaire
de négociation. Le bon
momenr pour re faire est celui où votre interlocureuf Au cours d'une négociation, ignotez les attaques subtiles et gardez
est re plus
réceptif à ce que vous dites et le plus s'sceptible vos commentaires et votre attention concentrés sur les enjeux ; sans
d'y répondre favo-
rablement. quoi, vous risqueriez de devenir otage de I'autre partie. Læil de votre
Si vous n'avez pas la patience nécessaire pour esprit doit rester concentré sur l'objectif. Cette tactique désrabilise
artendre le bon
moment' il vous sera difficile d'utiliser re temps l'adversaire agressifet érode sa crédibiliré. Si cette approche échoue,
à votre avanrage (en
d'aurres tefmes, pas de précipirarion). vous pouvez toujours gérer les choses de manière toute prosa'rque, en
Apprendre à gérer le temps vous aidera à être renvoyant l'autfe partie à son compoftement. Par exemple : Il me
un bon négociateur,
pafce que : "
semble que je me concentre sur (l'enjeu), mais que vos priorités et
ê vous communiquerez mieux et plus efficacement intérêts sont ailleurs. Pourriez-vous me dire ce qui vous dérange, afrn
;
o vous raccourcirez le processus de négociation que nous réglions cette question er poursuivions la négociation ? o
;
+ I'autre parrie sera plus suscepribre d" .ompr..rdre Ou, si I'attaque a été flagtante : J'ai le sentiment que vous vous
votre position ; "
ì' vous parviendrez à une solution gagnañ-gasnanr concentrez sur des aspects personnels er non sur (l'enjeu). Je suis tour
plus rapide- à fait prêt à discuter du problème, afr,n que nous rrouvions une solu-
ment.
tion satisfaisante polrr nous deux. Si vous n'êtes pas disposé à procéder
Êter-rrous capable d,identifier précisément de la sorte aujourd'hui, il vaut peut-être mieux que nous reporrions
le meilleru momenr
pouf avancef une nouvelle idée ou une solurion
? s'il n'existe pas de cette réunion. Si d'autres choses sans rapporr avec ce qui nous occupe
fecerte miracle, sachez que plus votre expérience
de la négociation vous dérangent, autant en parler tout de suite. ,
augmentera, plus vorre sens de l,à_propos
s,aiguisera. Souvenez-vous que la clé est de réorienrer la focalisarion sur les
Comme au golf, au rennis ou en dunse, il enjeux fondamentaux - ceux qui peuvent être exprimés en termes
faut de la pratique. Dans
tous les cas, observez avec attention vos interloc,rr",r* objectifs, et non uia Ies défauts ou les actions de I'autre partie. En
po.r, ,uuoi,
s'ils sonr réceptifs à vos idées. faisant pfeuve d'objectivité, vous pourrez éviter de ,, monter sur le
ring " et cl'avoir à vous battre contre vos adversaires selon leurs
règles du jeu.
5 Roger Fisher et \üØilliam IJry, Getting to yes
Il est également important d'orienrer la conversarion sur I'avenir.
Lautre partie a peut-être rendance à se focaliser sur des injustices ou
198 NÉcr¡cttìrloNs.οNJ1lJ¿r.ç
pouvorR D[, LA NÉGoctATnN
r,E I99
des problèmes passés. Gardez vos commentaires
orientés sur les Entrant avec succès dans I'univers du paranoTaque, il demanda ensuite
enjeux essentiels et la résolution furure. si vous
ne répondez pas à ses à voix basse :n Vous avez du papier alirminium ? r
agressions' votre adversaire risque d'être
fr'stré. Il est impo'rtunt d" L'homme lui en donna prusieurs feuiiles. Après quoi, re poricier
ne pas céder à l'imparience. se
mit à quatre pattes et fit le tour de la pièce, recouvrant chaque prise de
une des expériences res prus fascinantes qu'ir courant d'une feuille de papier aluminium, avant de retourner la télévi-
m'ait été donné de vivre au
tout début de ma coraboration avec ra porice sion face au mur. r Méfiance, du courant risque de sortir par r'écran. r,
remonte à 196g. À r,époque,
la police ne disposait pas enc're d'équipes de négociateurs. J,accom- dit-it.
pagnais un détective, que je respectais, et nous sommes arrivés Puis il demanda à I'homme : r serait-il possible d'avoir une tasse
sur res de
lieux : un homme paranoTaque s'était enfermé café ? ll va falloir attendre pour savoir si nous avons réussi à bloquer
dans sa maison et tirait des les
coups de feu par la fenêtre. ondes. r
Les voisins avaient apperé ra porice, quis'apprêtait fhomme nous apporta du café et nous restâmes tous les trois assis en
à rancer des grena-
des lacrymogènes dans ra maison. La situation silence quelques minutes. puis, le policier et I'homme tombèrent d'accord
était devenue très tendue.
Fort heureusement, le détective intervint pour dire que les bruits ne pénétraient plus dans la maison. n
et marcha, avec moi, jusqu,à la 0ui, je pense
porte de la maison. il frappa et demanda que vous les avez arrêtés. Je n'ai jamais eu l'idée d'utiliser du papier
à r'homme s,ir pouvait entrer.
- Non. Des gens m'espionnent et mon esprit est en train d,être infiltré aluminium. r
et contrôlé par les circuits électriques utilisés par La discussion se poursuivit et nous finîmes par comprendre que
la ville.
- vraiment z Et pourquoi feraient-irs une chose pareite z demanda I'homme vivait seul, qu'il n'avait personne pour s'occuper de lui et que
re
détective. son seul ami était mort peu de temps auparavant. llsuivait un traitement
- lls veulent me tuer. pour sa maladie, mais avait arrêté de prendre ses médicaments.
Le détective lui dit alors gentiment : Nous avons continué re diarogue, d'accord pour dire que lobjectif
- Écoutez ma voix. Est-ce qu,elle vous donne
l,impression que je veux était de donner à l'homme un endroit où vivre en paix. Désormais base de
vous tuer ? sécurité, le policier proposa que nous I'accompagnions chez un médecin
- Non, vous avez I'air plutôt inquiet. qui lui donnerait un traitement efficace.
- Écoutez, laissez-moi vous aider. Enrevez
res verrous. Laissez-moi une heure plus tard, l'homme sortait tranquillement de la maison avec
entrer avec mon ami, afin que nous puissions nous. Nous le conduisîmes aux urgences d'un hôpital où je lui présentai
repérer res arrivées de cou-
rant dans la maison. ll faut trouver une solution un médecin qui me connaissait très bien et put le prendre en charge.
à ce problème.
L'homme ôta querques verrous et demanda
au détective ce qu,ir ferait
quand il aurait trouvé d'où venaient res ce qui m'a le plus impressionné chez ce policier expérimenté, c'est la
interférences. ce dernier rui dit
qu'ilvoulait simplement arrêter res ondes pourqu'irr façon dont il a réussi à se faire acceprer comme base de sécurité, puis
puisse vivre en paix
dans sa maison. Tout le monde a le droit à convaincre I'homme de consenrir à un accord. Il n'a pas essayé
de vivre en paix chez lui r.
L'homme ouvrit la porte et nous laissa d'évacuer la question des ,, ondes r. Il est entré dans I'univers para-
entrer. Le détective me pré_
senta simplement comme un ami. noiãque de cet homme pour créer un lien et le faire sortir de la mai-
ce dont j'ai arors été témoin ailait à r'encontre son afin de le conduire à l'hôpital.
de tout ce que j,avais
appris ou de toutes res idées que je pouvais comment noue-r-on des liens dans une situation de négociation ?
avoir sur ra façon de se com-
porter avec un individu paranoTaque. Pour commencer, évitez une erreur courante : n'attendez pãs le début
Le poricier mit un doigt sur ses rèvres
en disant :n ll faut faire attention à ce que de la négociation pour initier le lien. Le processus de consrruction
nous disons, irs sont sûrement
en train de nous écouter. r d'une relation doit s'engager avanr même de commencer à parler
du
problème. Plus vous consacrez de temps à bâtir la relation * u-on,,
20O NÉcoct¡'r10N.r.ç¿NJIBLËs LE PouvotR on tt NÉ,coctanoN 201

plus la négociation sera performante. De ph-rs, vous limiterez la ten- votre réponse. Ne répondez pas auromatiquement : la plupart des
sion et l'hostilité qui pourraient aurremenr êrre présentes. réponses automatiques sont négatives et ne font qu'envenimer la
À -estrr" que vous deviendrez expert en négociation, vous com- situation.
prendrez mieux la motivacion qui se cache derrière ce que I'allrre 2. Contournez les obstacles : ayez Íecoûrs à l'écoute active pour désa-
recherche, Vous écoutez, puis vous parlez, pour créer un objectifspé- morcer les sentiments négatifs et exprimez vos senriments en disanr
cifique - en sachant ce que vous voulez. n j. r. Tombez d'accord avec l'aurre pamie chaque fois que c'est
Lanecdote suivanre illustre avec quelle rapidité on peur appren- possible, mais restez fidèle à vos principes,
dre à négocier, même face à de violents criminels. 3. Demandez à vos interlocuteurs : ,, Pourquoi ? ,, " Pourquoi pas ? ,
ou .. Est-ce équitable ? Essayez de détourner les pamies impli-
Eric Singer, ancien animateur radio, s'est retrouvé dans la peau d'un négocia- ".
quées dans le conflit du marchandage de position, pour les amener à
teur de prises d'otages lorsque des détenus en cavale ont demandé à expri-
une négociation dictée par des principes.
mer leurs revendications au cours de son émission. Sept prisonniers s'étaient
échappés d'une prison du Texas.Ouatre d'entre eux furent arrêtés avec l'aide
4. Factlitez l'accord de vos adversaires : faites une offre aussi séclui-
sante qlre possible.
des téléspectateurs du programme Americos'MostWonted, de la chaîne de
5. o Ramenez-les à la raison, ne les mettez pas à genoux o: le res-
télévision Fox. un cinquième se suicida. Les deux derniers toujours en cavare,
pect donnera de bien meilleurs résultats que l'humiliarion.
Murphy et Newbury furent repérés dans un motel du Colorado après avoir
tué un policier d'lrving. lls demandèrent de pouvoir s'exprimer sur les ondes Dans la ,, chaleur du moment o, lorsque vous êtes en pleine négo-
avant de se rendre. Singer fut choisi pour les interviewer. ciation, ces conseils de bon sens se révèleront souvenr plus difficiles à
Avant de recevoir les criminels, il passa deux heures avec des policiers appliquer qu'ils n'en ont l'air. Toutefois, en respectant ces principes,
qui lui indiquèrent comment s'y prendre. lls lui expliquèrent qu'il devait et en vous entraînant à les mettre en æuvre, vous pourrez acquérir un
éviter certains mots r explosifs lrr comme reddition, et au contraire, en meilleur contrôle sur vous-même et sur la situation - et ne jamais
utiliser d'autres comme honneur et engogemenl pour poser aux prison- être pris en otage alr cours d'une négociation.
niers certaines questions d'une certaine manière et qu'il devait leur accor-
der quelques minutes pour dire ce qu'ils avaient sur le cæur en échange Mettre en prat¡que la règle de Ia réciprocité
de la fin du massacre. ef c/es concessions
r Je n'avais pas droit à l'erreur n, se souvient Singer. n Lorsque j'y
Un ami de ma famille, un ltalien prénommé Alfredo, est dompteur et tra-
repense, je me dis : "Bon sang, que ce serait-il passé si j'avais prononcé le
vaille avec des animaux sauvages dans les cirques. Le regarder avec ses
mot qu'il ne fallait pas ? 0u dit les choses de la mauvaise manière ?" r
tigres et ses lions est aussi fascinant qu'instructif. Avec gentillesse et res-
À la fin, Singer dit aux hommes qu'ils devaient se rendre en n l'hon-
pect, il observe et écoute attentivement, captant le moindre mouvement
neur de leur engagement r. Murphy et Newbury se rendirent.
de chaque animal.
Ury propose les cinq principes suivanrs pour favoriser le dénouement ll connaît la personnalité de chaque fauve avec qui il travaille. ll les
positif d'une négociation6: appelle par leur nom ; il plaisante avec eux c0mme s'ils pouvaient lui répon-
dre. Dans un sens, naturellement, ils le font. Alfredo et ses animaux sont
1. Ne répondez pas aux provocations: sorrez prendre I'air, isolez-
engagés dans un dialogue au-delà des mots, au cceur duquel on trouve un
vous quelques minutes, calmez-vous et préparez soigneusement
subtil jeu de concessions par lequel dompteur et animaux avancent et recu-
lent dans une sorte de danse de coopération, de lien et de compréhension.
6. \xzilliam IJry, Getîing Past No : Negotiating Yolr lvay fron confront¿¿tion to C'est Alfredo qui commande, pas de doute, mais il n'est jamais autori-
C ooþeration, Bantam, 1993. taire. Lorsqu'il veut obtenir quelque chose de ses fauves, il ne leur donne
2O2 NÉ,coc t a'r rcNs.ç¿NsIB¿¿s
r-E Pouvont or u. NÉ,coctanoN 203

pas d'ordres, que ce soit avec violence ou détachement. ll reconnaît leur


marginale - elle est importante parce qu'elle marque le désir d,enga-
pouvoir et leur autorité et les traite avec respect.
ger un processus de lien.
Lorsqu'il fait un pas en avant et fait claquer son fouet pour obtenir
I'attention de l'animal, celui-ci recule et s'immobilise. Alors, Alfredo recule - Vous allez accéder à ma requête ? demande un salarié à son
supérieur.
à son tour, faisant une concession. fanimal avance, puis Alfredo fait à
nouveau un pas en arrière. Les tigres font une concession ; Alfredo en fait - Non, mais je vais y réfléchir.
Bien que ce ne soit pas la réponse que le salarié souhaitait enten-
une. Gentiment, mais avec insistance, il encourage ses fauves à se déplacer
dre, le manager a fait une concession qui doit être récompensée.
dans la cage dans cette dynamique permanente de n donner-recevoir r.
une concession manquée - Alfredo ne recule pas pour marquer le pouvoir - Merci, répond le salarié. Si vous avez besoin d'autres infor-
mations pour vous aider dans votre décision, n'hésitez pas à me
et la force de ces créatures et leur accorder du respect - et il pourrait être
demander.
attaq ué.
Dans les situations de conflit, on peur obtenir beaucoup en faisant
sa philosophie est simple : connaître la personnalité de chaque animal
le premier pas - la première concession, forme de reconnaissance des
et sa motivation, toujours leur montrer du respect et gagner leur respect,
sentiments et du point de vue de I'autre.
créer la coopération à travers une r danse r d'influence mutuelle et ne
jamais violer l'intégrité des frontières de l'animal, Arfredo n'oublie jamais
Une réunion tourne à l'orage lorsqu'un collègue exprime son total
de remercier ses fauves. désaccord avec un autre. Une situation d'impasse menace de s'installer,
dans laquelle aucune des parties ne veut céder de terrain à I'autre. Les
Le travail d'Alfredo repose, pour I'essenriel, sur la loi de la récipro-
cité et des concessions. Parfois, il donne; parfois, il reçoit. Fonde- attitudes sont de plus en plus défensives, et I'agressivité monte d'un
cran.
ment de la coopération et de la collaborarion, cette loi est naturelle à
de nombreuses espèces. Les singes qui se toiletent l'un l'autre, les
En étant le premier à faire la concession, vous pouvez favoriser le
suricates qui se relayent pour gueter les prédareurs pendant que
retour de la conversation à un niveau strictement professionnel.
leurs camarades mangent : la nature nous en offre de nombreux
,, Vous réagissez très vivement. Pourriez-vous m'aider à compren-
exemples. Le modèle de la réciprocité est également profondément
dre ce qui vous inquiète ? Ce faisant, vous n'adhérez pas aux opi-
ancré chez l'êrre humain ; il est l'un des fondemenrs essenriels du "
nions de I'autre, mais vous reconnaissez qu'il a un point de vue
lien.
différent du vôtre. Immédiatemenr, I'aurre partie a le sentiment
Le mécanisme des concessions s'inscrit lui aussi dans le processus
d'avoir été entendue et trairée avec respect et il est probable qu'elle
de création du lien. comme nous I'avons déjà dit, et aussi étrange
adoptera alors une attitude moins hostile. Vous avez fair une
que cela puisse sembler à certains, vous n'avez pas besoin d'apprécier
concession et I'autre devrait en faire une à son tour. Vous voilà
un individu pour tisser un lien avec lui. c'esr un fait. s'il en allait
vraiment dans le dialogue - ce ne sont plus deux monologues qui
autremenr, les négociateurs de prises d'otages seraient incapables cle
s'affrontenr.
faire leur travail. Ils sont payés pour parler avec des individus qu'ils
Souvenez-vous de concéder quelque chose et de remercier vos par-
ne connaissent ni d'Ève ni d'Adam, afin de les empêcher de faire du
tenaires de négociarion d'avoir fait un pas, aussi petit soit-il, pour
mal à d'autres. La seule façon de mener à bien leur mission est de
comprendre votre point de vue. Ne dérogez jamais au respecr et à la
créer un lien avec le ravisseur, afin de progresser vers un but com-
courtoisie ; tnitez les autres comme vous voudriez que I'on vous
mun, quoi qu'ait fait ou menace de faire le ravisseur. une de leurs
traite. Lorsque nous nous sentons respectés, nous avons une vision
techniqr,res consiste à prendre acte de roure concession octroyée par le
plus juste des choses et agissons ph-rs rationnellemenr. Lart de la
ravisseur et de l'en récompenser. Peu importe que la concession soit
concession est au cæur de toute résolution de conflits.
¡ ILUr/U¡II¡ IUIìJ JEl\JIDLI:J

LE PouvotR or, u NÉ,cocta'rrcN 2O5

Malheureusemenr' beaucoup d'individus considèrent


que faire requête qu'on lui soumet est pour lui l'opportunité d'exiger à son
une concession est un signe de faiblesse. c'est
une effeuf. En appli-
quanr la règle de la réciprocité, on se donne au tour quelque chose.
contraire les moyens
de mieux contrôler la conversation. Cet échange vaut pour toutes les négociations, professionnelles et
autfes.
sean venait de prendre ses fonctions de vice-président
en charge du mar-
keting' ll c'nvoqua son équipe pour une réunion Un collègue vous demande : n Tu veux bien assister à ma présentation et
de rancement, qui devait
être suivie d'un aterier de travair, au cours duquer me dire ce que tu en penses ? r Vous répondez : n D'accord, avec plaisir. En
ir prévoyait de faire
valider son approche. ll avait I'impression d,agir échange, est-ce que tu pourrais aller à ma place à un dîner d'affaires pour
en vrai leader.
Toutefois, au cours de [aterier, r'un des participants que je puisse être avec ma fille le jour de son anniversaire ? r r 0ui, bien
critiqua certaines
de ses suggestions concernant re rôre du marketing sûrr. Cette négociation est un simple échange dont chaque partie sort
dans |entreprise. Au
lieu de remercier ses coilaborateurs pour reur travair gagnante grâce au jeu des concessions.
et d'intégrer reurs
idées au débat, Sean se sentit attaqué et
répondit ru.. rgr.rriuité,.n La règle de la réciprocité est universelle. Les concessions sont le fon-
disant à l'équipe de changer d'attitude et de
travailler avec le reste du dement de la coopération et de la collaboration, le type même de
groupe, ou de s'en aller,
relations qu'Alfredo maîtrise chaque jour lorsqu'il travaille avec ses
sean était teilement en corère que son approche
ait été remise en fauves.
question, tellement outré qu'un défaut
dans son raisonnement ait pu
être pointé du doigt en pubric qu'ir se raissa prendre
au piège de ses Influence et persuasion
émotions. Manquant enc.re d'assurance dans
son nouveau poste et Savez-vous influencer et convaincre les autres ? Face à quelqu'un
craignant que ses coilaborateurs ne voient en rui
un reader faibre, ir qui veut vous prendre en otage, vos armes les plus effrcaces seront
décida de ne prus autoriser aucune question
- même res prus inoffen- souvent I'influence et la persuasion. Pour avoir prise sur ce qui
sives.
nous entoure, il est essentiel d'en maîtriser les arcanes et en parti-
cette façon de faire, cera va sans dire, provoqua immédiatement
des culier de comprendre le jeu subtil de la récompense et de la puni-
tensions et le sentiment désagréabre que querque
chose n'ailait pas ou tion et le lien entre souffrance et plaisir. Vous dites par exemple à
n'avait pas été dit. otage de ses émotions, sean
avait perdu de vue son votre fils : " Si tu vas te coucher maintenant, je te lirai une his-
véritable objectif et son attitude suscita inquiétude
et ressentiment chez toire o ou " Si tu ne manges pas tes légumes, tu ne regarderas pas
les membres de son équipe, ce qui empira
encore la situation. En proie à la télévision.
la peur, ses coilaborateurs devinrent à reur
tour victimes de ra corère de
"
leur supérieur ; toute confiance s'évanouit. féquipe
Un bon négociateur sait user simultanément du pouvoir de la
se divisa et re but ori- récompense et de la douleur. Le preneur d'otages doit comprendre
ginel de la réunion - fédérer r'équipe autour
de ra stratégie à conduire - que le négociateur peut l'aider, mais aussi lui faire du mal. Être à la
fut oublié' une simpre concession à ses coilègues aurait
suffi à prévenir fois une source de soutien (une base de sécurité) et une menace
cette situation et aurait aidé sean à entrer dans
un diarogue pour trouver potentielle pour le ravisseur permet au négociateur de maximiser
r une vérité plus grande r.
sa valeur dans un contexte de prise d'otages. Face à la police, le
comme nous I'avons déjà dit, dans les négociations négociateur peut être considéré par le ravisseur comme un allié ,
avec des preneurs "
d'otages, les forces de I'ordre accèdent généralemenr
aux demandes
qui I'aidera ou le soutiendraT. Toutefois, la récompense peut être
de nourriture er aurres exigences élémeÀtaires,
afin d'étabrir un lien
et d'amorcer le processus de la réciprocité. Toutefois,
au momenr
opportun, le négociareur demande quelque chose 7. Robert Cialdìni, Infl.uence : The New Psycltology of Modern Persuasion, QuilI,
en échange. Toute ¡c¡84.
2O6 Núcoct¡iloNJ.ç¿NJIß¿Es
LL Pquvon? on t¡ NÉ,cocmrtoN 2O7

une arme à double tranchant : eile peut devenir très coûteuse


si sa L'autorité informelle
valeur diminue er que vous devez I'augmenrer pour parvenir
au Piloter une équipe, une division ou une entreprise exige de réfléchrr
même effer.
et d'interagir avec d'autres et parfois, d'exercer son pouvoir et son
La relarion d'affaires ou professionnelre porte généralemenr en
influence au sein du ¡¡roupe. Meilleure esr la conscience de soi du
elle-même ses propres récompenses. si vous, manager ou dirigeant,
manager, meilleure sera sa capacité à nouer des liens avec des collè-
vous dites que vous récompensez vos paftenaires, vous tombez
dans gues, des subordonnés et des superviseurs. Le leader sera capable
I'arrogance et vous ptéparez à être otage : < si vous ne traitez
pas d'exercer ce que j'appelle une < autorité informelle
d'affaires avec moi, c'est vous qui serez perdant. o " - piloter de
l'intérieur, et non dicter des ordres. Le leadership n'est pas affaire cle
Il n'y a pas d'influence er de persuasion efficaces sans crédibilité.
position hiérarchique ou d'ancienneté. Il se mesure à l'impact qu'onr
Il est importanr de dire la vérfté, même lorsque celle-ci est difficile à
les managers sur ceux qui les entourent, à ce qu'ils leur apportent,
entendre. Reste que si votre interlocuteur ne vous croit pas,
vous bien davantage qr-r'à l'expérience, le savoir ou les compétences qu'ils
prêcherez dans le désert.
affichent.
Les psychologues ont étudié r'effrcacité de la peur comme
outil de Si les entreprises se doivent d'évaluer leurs managers sur la base
persuasion. Ils ont observé que les menaces légères sonr aussi
efficaces de résultats, les grands leaders savent que c'est au niveau de la ges-
que les menaces extrêmes. La peur reste un outil de persuasion
aussi tion des relations que s'effectue leur véritable travail. À nor compé-
longtemps que les individus se senrenr réellement menacés.
s,ils tences et notre savoir-faire traditionnels, s'ajoute donc la capacité à
commencent à douter que la menace soir aussi terrible qu'elle
en a comprendre le besoin de lien et à motiver les salariés à donner le
I'air, son pouvoir diminue. Tous les parents le savenr !
meilleur d'eux-mêmes. Un leader se doit de créer un environnemenr
Lorsque des individus essayenr d'en influencer d'autres, ils
bran- qui donne envie aux individus d'appartenir à l'organisarion, où ils
dissent souvenr la punition ou ra perre pour susciter la peur.
cette sentent qu'ils travaillent en direction d'un objectif partagé, où le dia-
technique a pour effet de prendre |autre personne en orage.
celle-ci, logue est conduit dans le respect de chacun, où le leadership créatif
en effet, anticipe la perte, ce qui ne fau_ qu'accroître son stress.
Læil existe et où les membres des équipes sont autonomes.
de son esprit place alors I'individu dans une disposition négative,
Les individus qui équilibrent attachemenr aux personnes (capa-
suscitant en lui la peur de perdre la face, d'êrre rejeté, rourné en
ridi- cité à se lier) et aux objectiß (volonté de réussir) ont une meilleure
cule, embarrassé, isolé ou abandonné.
estime de soi. C'est cette combinaison de compétences < dures > et
Il convient donc d'y recourir avec parcimonie. préférez-lui tou- ,, molles , qui transforme un manager compétent en grand leader.
jours l'enthousiasme, moteur irremplaçable pour
entrerenir la moti- Chaque fois que nous sommes en mesure d'influencer ou de persua-
vation, la fidélité et les performances de vos équipes.
der quelqu'Lrn sans recourir alr < pouvoir direct ou au commande-
Lhonnêteté esr au cæur du lien, de l'infruence et de ra persuasion. "
ment officiel, nous usons de ce que j'appelle I'autorité informelle.
Lorsque nous connaissons I'intention réelle de l,autre, no,-r, urror*
l" Le pouvoir d'influencer et de persr,rader est vital dans notre vie
pouvoir de contrôler la sit*ation ou du moins, de ne pas la laisser
personnelle et professionnelle.
avoir le dessus sur nous. Les négociateurs sonr formés á décoder
les
messages derrière les mots. Pour influencer et persuader, Lis Pringle, une amie et collègue, m'a raconté cette anecdote, dont elle a
nous devons
être capables de protéger l'æil de notre esprit pour ne pas être été, comme on va le voir, I'hérol'ne bien malgré elle. n ll y avait peu de
nous-
mêmes trop influencés et pris en orages. temps que j'avais quitté notre petite ville de Leesburg en Floride, pour
Linfluence est le pouvoir d'agir sur autrui, un objet ou le cours m'installer à Dayton, dans l'0hio. Un jour que je faisais des courses au
des événemenrs sans effort direct ou apparenr la capacité Dorothy Lane Market, un homme m'a proposé de m'aider à réparer ma
un résultat voulu.
- à produire
voiture qui, disait-il, "crachait des flammes par le pot d'échappement".
208 NÉcocl.AZ10Ns.r¿Ns1ll¿¿.t
I.E POUVOIR DI] 1,1\ NÉ,GOCI1\'I'ION 2O9

Pendant qu'il était à genoux à l'avant, en train de tripoter des,'câbles


importe ici de faire la difitrence entre autorité et arrogance : avoir
électriques sous le tableau de bord", je lui ai dit combien j'avais été sur-
de I'autorité implique aussi de I'humilité.
prise par la gentillesse et l'accueil chaleureux des habitants de Dayton. ll
2. La cohérence : la plupart des individLls se comportent et agissent
a fini par se releve¡ m'a dit que tout était réparé et a refusé que je lui
avec constance. Nous aimons faire preuve cle cohérence et noLls
donne de l'argent. Je lui ai dit à nouveau combien j'étais touchée par sa
conformer à ce que nous disons. En cas de doute our d'incertitucle,
gentillesse et je luiaifait un signe de la main en le regardant s'éloigner.
le principe de cohérence nous dicte quoi faire, afin de ne pas
Lorsque je suis rentrée à la maison et que j,ai raconté à mon mari ce
paraître faible ou indécis. Lorsque les individr-rs expriment un
qui s'était passé, il s'est moqué de ma naiVeté : "ll n'y a pas de fils électri-
engagement en public ou signent un docr-tment, ils sont plus
ques sous le tableau de bord, le feu ne jaillit pas des pots d'échappement
enclins à tenir leur parole. On observe, par exemple, que les indi-
et ce que tu racontes n'a aucun sens." Le lendemain matin, le visage de
vidus feront plus facilement un don à une ceuvre caritative s'ils
l'homme s'étalait en première page du Doyton Doity. lindividu en ques-
ont auparavant signé r"rne pétition en faveur de la cause en ques-
tion avait enlevé une femme au Dorothy Lane Market, I'avait emmenée tion. Ils se sentent obligés de tenir leur engagement public de
dans la forêt et violée. J'ai toujours dit:"une sorte de rien a dû s'établir
soutien.
entre nous et il n'a pas eu le courage de me prendre en otage." n
l. La sympathie: ,, Tr-r es gentil avec moi, alors je vais être gentil
La persuasion esr la capacité à amener quelqu'un à faire quelque avec toi. o On aime qui nous aime. Et on achète plus facilement
choseo* à adopter un point de vue en recourant à l'argumentation, la un produit à un ami qu'à un étranger. Trouver des intérêts com-
raison ou la prière. muns et prodiguer des louanges sont deux moyens de favoriser la
Persuader ne signifie pas s'imposer ou manipuler. Les individus sympathie. Ainsi, les négociateurs passent du temps à essayer de
aufont envie de faire ce que vous leur demandez et en sefont conrenrs. troLrver des connexions ou des parallèles, afin de renforcer un
Comme le dit Napoleon Hill : .. La persuasion esr l'ingrédient magi- effet-personne pos itif.
que qui vous aidera à aller de I'avant dans votre carrière ou vos affaires 4. La réciprocité : les gens vous payent en retour. À I'ittttut
et à nouer des relations interpersonnelles heureuses et durables. o8 d'Alfredo avec ses tigres et ses lions, lorsque vous donnez, Ies
Être persuadé, c'est être ébranlé par les argumenrs ou les raisons invo- autres se sentent obligés de vous donner en retour. Par exemple,
lorsque I'association Disabled American Veterans a commencé à
qués -
tour ce qr-ri fait vibrer l'esprit ou les émotions.
Robert Cialdini, experr de l'influence et cle la persuasion, parle joindre des étiquettes à ses mailings, le taux de réponse a pra-
pour sa part de ,, science de I'influence > er identifie six principes de tiquement doublé, passant de 1B à 35 %. Les individus se sen-
persuasion qui vous permetrront de négocier plus efficacemente : tent obligés de rendre la pareille quand ils reçoivent un cadeau
ou qu'on leur fait une faveur, même lorsqu'ils n'ont rien
1. Lautorité: les individus s'en remettent aux experts. Ils sont plus
demandé.
facilement influencés par ceux et celles qu'ils perçoivent comme des 5. La nreté : les choseset les opportunités sont d'autant plus dési-
autorités légitimes, possédant des connaissances spécialisées.
euelle rables qu'elles sont rares. Les individus veulent des choses qui ne
autorité se dégage de vous ? vous exprimez-vous avec autorité ? Il courent pas les rues. Les publicités qui affichent < pour une durée
limitée seulement >) ou (< il n'y en aura pas pour tout le monde ,
exploitent ce principe. Tout comme les vendeurs qui prétendent
détenir des informations exclusives. En négociation, le temps est
8. Napoleon }Ìtrl, Thinþ and Grow Rich Tltroagh persuasion, New American toujours du côté du négociateur. Il n'en demeure pas moins que
Library, l))2.
convaincre un preneuf d'otages qu'( un instant o offfe o une
9. Robert Cìaldini, Influence : Science ancl Practìce,,{llyn & Bacon, 2000.
opportunité exceptionnelle " est essentiel.
LL pOItVOtR Dri r,/\ NtjGOcrA.rroN 2Il
6' La preuve par la masse : les individus
suivenr l'exemple de leurs
pairs' Nous or¡servons souvent les autres Et donc, le jour J, un groupe arriva au bureau affublé de cravates
pour savoir ce qu,il faut Mickey. comme il fallait s'y attendre, une note circula dès le lendemain,
faire et reproduisons ensuite ce cor
interdisant le port desdites cravates.
r.*r.,
dans des .Jn
molltons
d' i ncerti
""
tud" oi::i:"#lä;rii"tå #iiå Fleurirent ensuite les cravates à motifs de femmes nues, qui eurent tôt
". Si d'autres le font, alors, cela doit être bien. par
<<

exemple, une campagne de porte_à_porte fait d'exaspérer les collaboratrices de I'entreprise. Ni une ni deux, elles
pour une æuvre cari_ arborèrent des cravates décorées d'hommes nus.
tarive a recueilli de meilleurs résurtats
lorsqu'on montfair aux La révolution grondait... tout ça, à cause d'une histoire de cravates I
donareurs porentiers une lisre de voisins
ayant déjàfair un don.
La paix finit par revenir dans l'entreprise, lorsque les collaborateurs
Rol¡ert cialdini déclare q.e ces six principes apprirent que la direction était en fait préoccupée par la tenue vestimen-
sont appricables par-
tolrt et à toutl,' Si nous les mettons en pratique, taire plus professionnelle de leurs concurrents. La tr directive cravate
nous aurons de r ne
grandes chances de réussir cìans signifiait nullement que d'autres avantages - les boissons gratuites et la
nos entreprises de persuasion, sous
réserve, rourefois, de le faire avec cafeteria - allaient être supprimés, ni que l'entreprise avait perdu des
authenricité. Lauthenticité est
I'arme secrète de l'ìnfluence, de la persuasion clients. La direction était seulement préoccupée par l'évolution du marché.
et de la négociarion
couronnées de succès' connaîrre ces
principes vous évitera d;être pris Lorsque les collaborateurs comprirent pourquoi ils devaient soigner un
en otage' Qui n'a pas un- jour cédé peu plus leur tenue, ils acceptèrent le nouveau code vestimentaire. lls
aux afguments d'un vendeur per-
suasifqui savair en user ? avaient simplement besoin d'en comprendre les bénéfices pour eux-
mêmes et pour I'entreprise.
Un mal pour un'bien
Lorsque nous demandons à des amis, des membres de notre famille
Dans les années r990, une grande ou cles collègues de passer par des changements, nous suscitons rare-
société internationare avait choisi
de
refuser res codes vestimentaires traditionners. ment leur enthousiasme. La capacíté d'influencer et de persuader per-
Jean, baskets et a casuar
wear r étaient de mise dans l,entreprise. Mais
les années passant, met d'évirer des conflits inutiles. Les individus onr besoin d'être
la
c.ncurrence s'intensifia dans re secteur, encouragés et de comprendre pourquoi ils font telle ou telle chose.
un jour, res dirigeants estimèrent
que l'heure était venue de rentrer Plus nous en expliquons les raisons, plus les individus adhèreront à
dans re rang et de s,arigner sur res nor-
mes de classicisme vestimentaire nos besoins et se les approprieront. on suit d'autant mieux un leader
des autres iociétés. une note fut
donc
diffusée à I'ensembre des cotaborateurs, si cel'i-ci nous comm*nique une image précise du but à atteindre.
ordonnant aux hommes de por-
ter une cravate au bureau. A priori, rien En d'autres termes, nous devons o dessiner l'image d'un avenir
de bien compliqué. Et pourtant...
Personne ne prit ra peine d'expriquer
ce revirement aux coraborateurs, enthousiasmanr rtt. Dans le milieu sportif, chacun sait perrinem-
d'autant plus perprexes que rien dans reur ment ce que signifie I'expression ., on n'a rien sans rien o. Individus
activité ne sembrait re justifier.
Certains avaient jeté leurs cravates et équipes onr un objectif en tête (le trophée, la médaille d,or ou le
; d,autres n,étaient pas d,accord
avec la nouveile poritique, parce qu'irs record) et sonr alors capables de s'imposer des semaines, des mois et
ne rencontraient pas res crients et
travaillaient essentierement par téréphone. même des années de souffrance polrr ateindre le résultat souhaité.
Le prus grand nombre consi-
dérait tout bonnement la mesure comme Dans les entreprises, dirigeants et managers doivent eux aussi
ridicule.
apprendre à penser en rermes cle bénéfices, afin cìe garder leurs colla-
borateurs motivés et dévoués à un objectif final précis.

10. Roberr Cìaldini, Inflrcnce. 11. Rosabeth Moss Kanter, change Marrerr: Innoa¿ttion and Entreþreneurship in
tbe Atterican Corþoration, Simon & Schr-rster, 1985.
212 NÉcocu.noNs.çENJ1s¿¿s I-E pouvont oe ta NÉ,coctarrcN 2I3

Résumé
La négociation est une rechnique extrêmement efficace p.ur résoudre
des différends' conclure des accords et signer des contrats.
Eile peut 1. Toutes les négociations efficaces débutent par la création d'un lien
également être appliquée aux circonsrances de la vie quoridienne,
entre les individus. À travers le lien, il est possible de gérer tout conflit
afin de nous aider à accomplir ce que nous voulons. Toui parent
sait qui interfère avec le processus de négociation.
que I'une des façons les plus efficaces d'inreragir avec un errfant
est de 2. Les managers qui utilisent leur autorité informelle obtiennent davan-
négocier avec lui - ce qui signifie qu'il apprend lui aussi à négocier.
tage par la négociation.
Les enfants sonr souvenr de bien meilleurs négociareurs que 3. Négocier, c'est rechercher un résultat qui apporte des bénéfices aux
leurs
parenrs, car ils savenr parfaicement ce qu'ils veulent I deux parties en faisant I'effort de comprendre nos souhaits, besoins et
Les négociateurs commencent par créer une reration, un intérêts, ainsi que ceux de l'autre partie.
lien grâce
auquel les parties en présence peuvenr travaiiler ensemble. une 4. Reconnaissez la valeur des concessions. Vous donnez, vous recevez.
com-
préhension sans ambiguité des a*enres de chacun doit êrre La loi de la réciprocité est universelle. En règle générale, récompensez
a*einre,
avanr que le marchandage en ranr que tel ne débute. toutes les concessions, d'une manière ou d'une autre.
Nous devons
savoir ce que nous voulons, mais aussi ce que l'autre veut.
Face à des
preneufs d'otages, les négociateurs orienrent leurs quesrions
afin de
connaître avec précision leurs désirs et leurs besoins. Nous devons
être capables de nous mertre à la place de l,aurre.
Il est imporranc de se souvenir de la règle de la réciprocité :
quelqu'un nous donne quelque chose et nous lui donnons q.r.lq.r"
chose en ferour. ce jeu de concessions permet au dialogue à" p.o-
gresser dans le respecr mutuel.
En général, toure négociation implique une concession ou une
perte. Toute solution gagnaffi-gagnant repose sur des concessions.
Il
est donc important de o vendre ,, les bénéfices de ces concessions
pour aider les individus à comprendre en quoi le changemenc,
même
s'il peut d'abord sembler douloureux, sera meillerrr à iong rerme.
Linfluence et la persuasion onr également leur rôle à jãuer dans
la
négociation. Sous réserve d'en user avec aurhenricité, elles confère-
ront au manager une < aurorité informelle qui I'aidera à recueillir
",
I'adhésion de ses collaborareurs par la méthode douce.
Indispensables aux négociareurs de la porice, les compétences
de
négociation, d'influence et de persuasion le sonr rour autant
pour les
dirigeants et les managers. En les pratiquanr régulière-.nr,
no,r,
serons mieux armés pour affronter les tensions et res
conflits omni-
présents dans notre vie quotidienne, er ne pas être pris
en otages par
eux.
r

Cha B re

MAÎTRISER NoS ÉnnoTIoNS

Un soir à New York, Joyce, une jeune femme de trente-six ans qui suivait
une formation de psychologue, rentrait chez elle à pied. Une voiture
s'arrêta brutalement à sa hauteur, deux jeunes hommes en sortirent,
l'attrapèrent, la jetèrent entre eux sur le siège avant et lui mirent un cou-
teau sur la gorge. Agressifs et excités, ils lui expliquèrent qu'ils l'emme-
naient dans le New Jersey pour la violer et la tuer. n Alors, qu'est-ce que
ça vous fait de savoir que v0us allez mourir ? r, lui demandèrent-ils,
Joyce perçut leur extrême agitation et comprit qu'ils ne plaisantaient
pas. lls étaient à la fois apeurés et en colère, et les mains qui tenaient le
couteau contre sa gorge étaient tremblantes.
Après un temps de panique, Joyce regarda la situation en face et
accepta I'idée qu'elle allait mourir. Elle répondait à leurs questions avec
calme et sérénité, et ne pouvait s'empêcher d'être intriguée par leur com-
portement, mélange de peur et d'absence de contrôle physique. Un senti-
ment étrange d'inquiétude maternelle s'empara d'elle.
Elle commença à interroger ses agresseurs, essayant d'en apprendre
davantage sur eux. Dans un premier temps, ils I'ignorèrent. Tout ce qui les
intéressait était de savoir ce que I'on ressentait quand on savait qu'on
allait mourir. Elle leur dit qu'elle était triste, parce qu'elle était jeune, mais
elle connaissait la sévérité des lois en matière de viols et d'enlèvements et
savait qu'ils ne pourraient faire autrement que de la tuer.
Comme ils roulaient vers un lieu isolé de la côte du New Jersey, les
deux hommes se montraient de plus en plus exaspérés, confus et belli-
queux, la suppliant de leur parler de ce que l'on ressentait à l'approche de
la mort. Joyce, cependant, continua à leur poser des questions, tout en
¿ L6 NEGOCL\TIONJ.ç'N.'18¿¿S
u¿.îTnrcnn Nr.rs É¿,ror¡oNs 217

confirmant qu'elle savait qu'ils allaient la violer et la tuer. Leur deman-


dant pourquoi ils étaient aussi tourmentés, elle leur dit qu'ils ne devaient de son engagement ni cle son atrachement, elle a fait tout ce qui étair
pas s'inquiéter pour elle :elle avait accepté son sort. en son pouvoir pour se rapprocher dê son objectif: resrer en vie.
Lorsque la voiture s'arrêta, les hommes sortirent Joyce et lui montrè-
rmaginez que vous vous retrouviez dans une situation similaire et
rent des monticules de terre, en lui disant qu'ils y avaient déjà enterré des
que vous soyez capable d'exercer votre esprit et vos compétences
victimes. pour gérer vos émotions. Que feriez-vous ? J'ai bien conscience que
Lui demandant une fois de plus de leur expliquer ce que l'on ressentait
d'autres élémenrs ont été à I'ceuvre dans la mésavenrure de
Joyce,
à l'approche de la mort, ils la déshabillèrent et la jetèrent sur le sol. comme plus intangibles, une forme d'alchimie noramment. Il n'en demeure
I'un d'eux s'allongeait sur elle, elle lui caressa le visage en disant :r Tout va
pas moins que nous pouvons apprendre les compétences qu'elle a uti-

bien. Tu n'as pas à avoir peur. r


lisées et les appliquer aux siruations dans lesquelles nous sommes en

À peine avait-elle prononcé ces mots que l,homme s,effondra, sanglo-


situation d'orages méraphoriques.
tant sans pouvoir s'arrêter. L'autre homme s'assit, frappant le sol de ses comprendre et gérer nos émotions, ainsi que celles des autres esr
poings en criant : t Ouoi ? Ou'est-ce qui a mal tourné ? r Et lui aussi se une des choses les plus importantes que nous puissions faire pour
mit à pleurer. éviter d'être pris en orages.
Au bout d'un moment, Joyce s'assit et dit :r Les garçons, je crois que
nous ferions mieux de rentrer. l Comprendre les êmotions
Elle se rhabilla et les deux hommes ra ramenèrent en silence en ville.
Lémotion peut être définie comme un état mental er physiologique
À la première station de métro, elle leur demanda de la laisser descendre.
qui survient spontanément, et non par un effort conscient, et qui
Elle avait trois cents dollars dans son porte-monnaie, mais ils ne le
s'accompagne souvenr de changemenrs physiologiques.
savaient pas, n'ayant pas manifesté le moindre intérêt pour son argent.
Lémotion est le royaume où la psychologie et la physiologie sont
Obéissant à une impulsion, elle leur demanda de lui avancer le prix du
inextrical-¡lement mêlées et où le ,, moi o est inséparable de notre
ticket de métro. Ce qu'ils firent.
perception et de notre évaluation subjective des aurres. Lémotion est
En se dirigeant vers I'entrée du métro, eile entendit s'éroignerr.
res le résultat ultime de la connexion esprit-corps.
Ayant calmemenr accepté dans l'æil de son esprit le so,t qui l'atten- On oppose parfois l'émorion à la raison - un individu esr soit émo-
dait, Joyce a pu utiliser le pouvoir du lien et des mots pour engager tionnel, soit rationnel. Les phrases comme n Ne te laisse pas emporrer
par tes émotions suggèrent que nos émotions neutralisent les pro-
ses ravisseurs dans un dialogue qui lui a permis d'avoir la vie sauve. "
En discutant avec eux sur un mode auquel ils ne s'attendaient pas, et cessus de réflexion.

en refusant de se laisser gagner par leur étar d'esprit, elle u p' les Les réactions émotionnelles peuvent créer des états intérieurs et
influencer et les convaincre de la laisser partir. En d'autres termes, des couranrs cognitiß qui échappenr à norre contrôle. Le psyché
otage physique, Joyce n'a jamais été un orage psychologique. Elle a humain, soulignons-le, esr capable de passer par rour un évenrail
eu recours à ce que l'on peut appeler ,, l'intention paradoxale ,, : faire d'émotions, de la logique pure à l'émotion pLrre, er nous pouvons
une chose et en même temps, en faire une autre. En acceptant son devenir otages en rour point du specrre. Lémocion est solidement
sort, Joyce a envoyé aux hommes un message non verbal qui disait enracinée dans le comportement conditionné, ces associations ins-
< vous avez gagné crites dans norre cerveau sur la base de nos expériences passées. Læil
". Mais dans le même temps, sans rien abdiquer de I'esprit est capable de retenir ces <( solrvenirs émotionnels o er est
fortement influencé par eux.
1. Joseph Chilton Pearce, Magicat Cbild Rediscouerìng Naître's Plan for Our selon le neurologue Antonio Damasio, les mécanismes neurolo-
Cbildren, l)r-rrton, 1 977.
giques de l'émotion er du sentiment se sonr développés chez les êtres
¿ Ló NECOCIATIONS.ç¡NSIBL¿.' NO.t ¿^4O'r/ON.ç ¿ Lr)
^4AITRTSEt?

humains parce qu'ils ont créé des formes de raccourcis adaptés aux Lorsque les enquêteurs analysèrent ce qu'il s'était produit, ils compri-
situations qui ne requièrent pas de pensée conscienre2. Il soutient rent qu'Andy avait sauvé ses hommes d'un des phénomènes les plus dan-
que le processus de la pensée rationnelle, qui demande du cemps, gereux de la lutte contre les incendies - le backdraft. Celui-ci survient
diminue souvent les chances de survie de I'individu dans des situa- dans des incendies qui se développent dans des lieux clos, lorsque tout
tions qui exigent des décisions immédiates. La mémoire rant expli- I'oxygène a été brûlé et que le feu devient explosivement imprévisible. Les
cite (consciente) qu'implicite (non consciente) fait gagnü du remps backdrafts étant extrêmement rares, comment Andy a-t-il pu deviner ce
au cerveau. Le raisonnement, en effet, a ses inconvénients : il exige qui allait arriver ? Son esprit, en fait, était conscient des signes de danger,
du temps, les informations dont on dispose ne sonr pas roujoLrrs suf- même si lui ne les percevait pas consciemment.
fisantes pour parvenir à une conclusion, et le cerveau n'est pas tou- Une partie de notre cerveau analyse en permanence notre environne-
jours suffrsamment développé pour permertre le raisonnemenr. ment en quête de danger. Le cerveau d'Andy a ainsi comparé cet incendie
Les émotions, dès lors, apportenr à I'individu un moyen de conrour- à tous ceux qu'il avait connus et remarqué trois différences importantes.
ner les limites du raisonnement. Nombreux sont ceux qui, au mépris Tout d'abord, la fumée était orange, à la différence de celle de la plupart
de tout savoir ou des faits observables, onr écouté la voix de leur inrui- des incendies. Ensuite, l'air s'engouffrait dans le bâtiment par les portes
tion, qui leur a sauvé la vie. ouvertes, alors que normalement il sort. Enfin, alors qu'un feu crépite
lorsqu'il brûle de I'oxygène, on n'entendait rien de cet ordre.
Andy Kirk était pompier à Leicester, au Royaume-Uni, depuis vingt ans.
lnconsciemment, l'esprit d'Andy a perçu les différences de cet incen-
Le 5 octobre 2001, ¡l a été appelé avec son équipe pour un incendie qui
die et lui a envoyé un signal d'alarme. Comme il l'a exprimé lui-même:
venait de se déclarer dans une salle de bingo inoccupée. Iincendie était
,r J'étais mal à l'aise, j'avais I'intuition que quelque chose n'allait pas. n3
important, mais Andy estima qu'il n'y avait pas de danger à envoyer ses
hommes dans le bâtiment. ll y avait de la fumée partout mais, au bout de Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas expliquer un senciment
cinq minutes, les pompiers pensaient avoir commencé à maîtriser le ou une sensation que nous devons l'ignorer. Nos émotions peuvent
si n istre. nous donner des informations précieuses sur ce qui esc en train de se
C'est alors que, sans aucune raison apparente, Andy eut un sentiment produire.
étrange. n Je n'aurais pas pu dire ce que c'était, mais j'ai su qu'il allait se
passer quelque chose et qu'il était temps de faire sortir mes hommes. r En Les cinq phases cle l'émotion
dépit des protestations de son équipe, il leur ordonna de quitter les lieux Comprendre comment les émotions circulent à travers le corps et
sur-le-champ. Soudain, il y eut un grondement terrible et une énorme I'esprit est essentiel pour la conscience de soi et celle des autres. Les
boule de feu commença à avancer derrière eux, alors qu'ils se précipi- travaux de \üTilhem Reich, tels que décrits par l)avid Boadella,
taient à I'extérieur. indiquent que le flux des émotions comporte cinq phases, de leur
Sans aucun signe avant-coureur, une énorme explosion avait ébranlé
création à leur dissipationa: charge, tension, décharge, relaxation
le bâtiment, provoquant I'effondrement des murs et du toit. La zone et flexibilité (voir la Figure 8.1).
dévastée avait la taille d'un terrain de football et les flammes s'élevaient
à plusieurs dizaines de mètres dans les airs.
r Si Andy ne nous avait pas fait sortir de ce bâtiment, nous aurions
tous été tués r, déclara un de ses collègues.

1. BBC Series, Tbe Hanmn Mind, présenté par Robert \Øinston, 2004.
2. Antonio Damasio, The Fælittg of Vbat Haþþens : Body, Extotion and the Making 4. David Boadella, Vilhen Reich : Tlte Eaolution of His lYork, Vision Press,
of Consciourness, Londres, 1999. 1.97 3.
220 NÉcoclrr"¡roNs.rENslß¿ËJ u¡lrtusnnNosÉ¿lor¡oNs 221

Reich, elle-même médecin réputé, a pu parler de surchargí et de sous-


cltargá pour décrire commenr les émôrions commencent leur voyage à
Flexibilité
travers un individut. Les négociareurs d'otages doivent évaluer le
Charge
niveau et le style de charge en eux-mêmes et chez les ravisseurs. De
fait,le soliraire tranquille, qui manifesre peu d'agitation, est parfois
beaucoup plus dangereux que I'individu hystérique.

Relaxat¡on TensÌon
Après le processus de charge, les émotions évoluent vers un point de
Tension
tension. Tout organe physique, système musculaire ou chimique
peut retenir la tension d'une émotion active. Dans le cas de la colère
par exemple, l'individu serre les mâchoires, raidit les muscles de son
Décharge
cou, crée des douleurs de poitrine depuis les poumons ou le cæur, er
suractive le système d'adrénaline. Le fait de retenir la tension n'est
Figure 8.1 - Les cinq stades de l'émotion pas un problème en soi. Il y a problème lorsque la libération n'esr pas
possible et que la rétention devient chronique ou habituelle et donc,
un élément de notre caractère6.
Charge Lorsque nous retenons la tension d'une manière malsaine, des
Les émotions doivent passer par un processus de charge. Lorsqu'elles problèmes psychosomatiques peuvent apparaître. La biologie, la chi-
sont chargées dans le corps, rout le réseau de l'être esprit, corps er mie physiologique, les émotions et l'esprit sonr étroitement liés.
-
âme - est impliqué, ce qui provoque un état d'excitation physiolo- Lorsqu'un individu dir qu'il esr rendu, agité, malà I'aise ou nerveux,
gique. Le processus d'exciration crée de l'énergie dans l'érat dans ces mots décrivent une émotion chargée qui est rerenue sous forme
lequel nous nous trouvons. La question est : comment chargeons- de tension. Les négociateurs doivent gérer ce niveau de tension de
nous nos émotions ? Tout le monde a des émotions. cetains indivi- façon à ne pas être surchargés ou sous-chargés dans la relation de lien
dus les chargent rapidement er sonr facilement envahis pat la colère, avec le preneur d'otages. Les mots sont utilisés en permanence pour
la joie, etc. D'autres sont plus lencs. D'autres encore ne chargenr pas réguler le niveau de charge et de tension. Un autre exemple est la
du tout : ils ne connaissent pas d'émotions et sont souvent amorphes crise de colère. chez les individus qui réagissent rapidemenr parce
ou très détachés. Ils peuvent aussi sembler décontractés, distants et qu'ils retiennent déjà de la colère, de la peur ou de la tristesse dans
indifférents, parce que leurs émotions sommeillent au plus profond leur corps, le nouveau stimulus ne fait qu'ouvrir les vannes à une
d'eux-mêmes. énergie émotionnelle antérieure. Ce dont il faut se souvenir, c'esr que
À l'inu.rr., certaines personnes surchargent et sont facilement et les émotions sonr une énergie. une fois que celle-ci est créée, il faut
rapidement submergées par les émotions. En soi, ce n'esr pas un pro- qu'elle aille quelque parr. Lune des idées reçues les plus fausses qui
blème. ce qui peuc l'être, c'esr ce qu'elles fonr de la charge. Les émo- circulent sur les émotions est qu'elles finiront par disparaître
tions sont toujours présentes dans notre être, sous une forme oll sous d'elles-mêmes. Elles ne le peuvenr pas ; elles sont transformées,
une autre. Il est essentiel d'en évaluer le niveau chaque fois que nous
sommes confrontés à une menace, afrn de pouvoir adapter notre
réponse. Réfléchir, en soi, n'est pas suffisanr lorsque la charge com- t. Conversation de I'auteur avec Eva Reich.
mence à o vivre sa propre vie o. Eva Reich, la frlle du Dr wilhem 6. Stephen M. Johnson, Chrtracter Styles,W.W. Norton, 1994
222 NÉ,GocIATIoNSs¿Ns1ßL¿J
u¡i'rntsr,RNosl¿ror¡o¡¡s 223

d'une manière ou d'une autre, et resteront dans notre corps aussi


longtemps qLre nous ne les libèrerons pas. Relaxation
Le meilleur résultat d'une libération efficace est la relaxation. Lors-
Décharge que le système corps-esprit peut se détendre, il crée un niveau d,exci-
Au cours de la décharge émotionnelle, la personne libère l'émotion et tation plus serein et moins élevé qui est nécessaire à la santé de
l'énergie de celle-ci. Lénergie émotionnelle sort du corps à rravers l'individu. c'est ce à quoi Gantt er Lynch fonr référence lorsqu,ils
des mots ou des actes. Par exemple, une pression dans la poitrine parlent de la réaction d'orientation cardiaque. Le corps rerourne à un
peut être libérée en criant olr en pleurant, ou transférée inrérieure- état de calme. La relaxation fait du bien à l'esprit et alr corps. De très
ment d'un système à un autre, par exemple lorsque la peur se trans- nombreuses érudes en onr démontré les bénéfices. Alors que les hor-
forme en crampes d'estomac ou en mal au dos. La décharge est mones de stress affaiblissent le système immunitaire, la relaxation
extrêmement importante. Elle peut être intense ou non dans son permer à ce dernier de récupérer et de fonctionner plus efficacemenr.
expulsion. La question est : s'agit-il d'une libération totale ou par- Elle fait baisser la tension et réduit ainsi le risque de crises cardia-
tielle ? Si la décharge d'une émorion esr inadaprée, il est probable ques. La relaxation apporre également aux individus une respiration
que l'individu restera dans un état de rension, bloquant ainsi la dans le rythme trépidenr du quotidien et réduir I'activité dans le
charge d'une autre émotion. \X/ilhem Reich a également proposé les centre émotionnel du cerveau (le système limbique).
concepts d'expansion et de conrracrion physiologiquest. Le corps
grandit sous la charge d'une émotion et se conrracte lorsque celle-ci Flexibilité
est libérée et déchargée - un peu comme un ballon qu'on gonfle, puis Le dernier srade boucle le cycle, permemanr à l'individu d'agir et de
qui se dégonfle lorsqu'on laisse s'échapper l'air. Linspiration est se déplacer avec aisance et souplesse. on l'observe à la façon dont il

expansion, l'expiration est contraction. Nous devons être sûrs de parle, marche et se tient. si nous sommes totalement détendus,.il
libérer efficacement nos émotions, faure de quoi c'esr tour leur flux nous est impossible d'agir. La flexibilité est une some d'état de
qui risque d'être bloqué. La rivière est une autre métaphore qui per- relaxation régulé, dans lequel nous sommes prêts à agh. Dans les
met de comprendre la notion d'énergie émotionnelle - Ie courant ou situations où les individus sonr soumis à une pression de résultats,
la vague qui se contracte, puis se déroule et continue pourtant à cou- pression posirive, ils ont besoin d'être dans un état de ,. plénitude ,,
ler. S'il y a un barrage sur la rivière, me demanderez-vous, qu'est-ce qui renforce la probabilité de réussite. Les athlètes et les artistes dési-
qui est retenu ? Que se passe-t-il si la pression devient tellement gnent cet état par les expressions o être au top > ou < être sur un
forte que le barrage cède ? Ou que se passe-r-il en aval si une quan- nuage o. un individu qui demeure rotalement flexible sous la pres-
tité trop importante d'eau est retenue ? Les négociateurs sont passés sion ressenr une vibration, un flux qui esr agréable et satisfaisant
maîtres dans l'art de gérer la décharge des émotions en eux-mêmes er
(voir le Chapicre !).
chez les ravisseurs. Une négociation pour obtenir la libération d'un Il est quasiment impossible à un individu de dissimuler rotale-
otage est un des drames les plus intenses au niveau émotionnel. ment ce qu'il ressent. Les émotions filtrent du corps, même lorsqu'on
Pouftant, comme nous I'avons déjà souligné, les négociateurs par- essaye de les bloqr-rer. Nous pouvons être pris en orages par nos pro_

viennent à une résolution positive dans 95 % des cas, parce qu'ils pres émotions. Il est importanr de comprendre qu'une émotion peut
sont capables de gérer les stades de l'émotion en eux-mêmes et chez en bloquer Lrne alrrre. si nous sommes incapables d'éprouver de
les autres. I'amour, c'est peut-êrre parce qLre nous sommes bloqLrés par lacolère
ou la peur. Lorsqu'une émotion est bloquée, toutes les autres en sont
affectées. c'esr un fait que l'on néglige rrop souvenr. Nous ne pou-
. l)avid Boadella, vons ignorer une facette de nos émotions et espérer q'e les autres ne
7 \,{/ìlhen Reich
seront pas touchées.
224 NÉcoclrrzroNs.rEN.rldL¡,ç u¡lrtusnn Nos É,uonoNs 22j

Pour éviter d'être pris en orages par nos émorions, la première aussi bien que psychologiques. Dans une perspective de gestion des
étape est d'avoir conscience de ce que nous éprouvons. Autrement, il conflits, celles qui me semblent les,plus utiles sont la peur, la tris-
est peu probable que nous parviendrons à les réguler. En second lieu, tesse, la colère, la joie (y compris I'amour) et les sentiments sexlrels.
nous devons être capables de percevoir et de répondre de manière Chacune d'elles se manifeste physiquement.
pertinente aux stades émotionnels d'une autre personne. pleurer,
crier, rire : nous savons tous que cela peut nous faire du bien. Expri- La peur
mer nos émotions est important. Il faut également souligner que la Ilnous arrive à tous d'avoir peur. C'esr ainsi que la narure nous pro-
façon dont certains individus expriment leur colère ou toute aurre tège et nous empêche d'êrre blessés par les aurres ou de nous faire du
émotion ne les soulage pas, mais ne fait aucontraire qu'augmenter la mal à nous-mêmes. C'est une émotion qui nous alerre immédiate-
charge. c'est la raison pour laquelle il convient de faire preuve d'une ment de la présence d'un danger lorsque, par exemple, nous sommes
grande vigilance avec les individus à risques. Il ne peut y avoir agres- sur le point de tomber d'une falaise, de rraverser devant une voirure
sion ou violence sans charge émotionnelle. chez ceruains individus, ou lorsque nous entendons un bruit inconnu et inattendu dans une
c'esc une charge intérieure et on peut en remarquer I'escalade à une pièce sombre. Léventail de la peur esr large, de l'appréhension légère
contraction du visage, un frottement des doigts ou toute autre mani- à la terreur paralysante. Quand nous ressentons de la peur, le sang
festation d'agirarion. celle-ci esr un indice exrrêmement précieux, afflue dans les grands muscles, pour nous permettre de courir plus
car elle indique ce qui se passe à l'intérieur et ce qui esr peut-être sur facilement si nous avions à le faire. Le cæur esr davanrage sollicité,
le point d'exploser. Les individus les plus dangereux sonr ceux qui nous respirons plus rapidement afrn de faire enrrer davantage
dissimulent une charge intérieure, sans rien laisser paraître du volcan d'oxygène dans notre corps er une grancle quantité d'adrénaline est
qui bout en eux. comme nous le confirment tristement de nombreux envoyée dans nos systèmes pour nous mettre dans un état d'alerte
faits divers, ce sont souvent les solitaires tranquilles qui n pèrent les accrLr. Dans le même temps, le corps s'immobilise, ne serait-ce
plombs >, semant la mort derrière eux. qu'une fraction de seconde, afin de permerrre à l'æil de I'esprit d'éva-
Au cours d'une négociation avec des preneurs d'otages, les négo- luer le danger de manière non rarionnelle. Un individu surpris par
ciateurs passent par les différents srades de l'émotion pour êrre en un agresseur hésitera quelques secondes avant de se mettre à courir.
phase avec leurs interlocureurs. Il esc important qu'ils ne soient ni Son estomac se contracte, ses extrémités se refroidissent et le sang
distants ni détachés, parce qu'il serait alors impossible de nolrer un afflue dans les parties cenrrales du corps. Le mécanisme ,, fuir ou se
lien. Et il est tout aussi important qu'ils gèrenr leurs émotions polrr battre > entre en action. À I'irt,t. de l'événement, il est fréquenr que
ne pas être pris en orages par elles. les individus disent : C'était plus fort que moi. , Les négociateurs
"
savent que quelqu'un qui a peur d'eux est beaucoup plus dangerer-rx
que quelqu'un qui esr en colère contre eux. J'ai eu l'occasion d'obser-
Cinq émotions
ver de mes yeux une femme sous l'emprise d'une peur effroyable. Elle
Les émotions jouent un rôle très impotant dans I'apprentissage. ne mesurait qlr'Lrn mètre cinquante et pesait environ soixante kilos.
Elles ont du pouvoir er du sens. Que se passe-t-il en nous lorsque Convaincue qu'elle allait êrre tuée, le mécanisme fuir ou se bamre o
nous << sautons de joie > ou que nous avons le n cæur brisé , ? Si les "
avait été stimulé et elle a tordu un cadre de lit en métal. Il a fallu six
chercheurs sont d'accord pour reconnaître aux émotions un rôle pri- policiers pour la maîtriser. Elle pensait qu'ils étaienr venus pour les
mordial, toute rentative de classification se révèle plus ou moins tuer, elle et son bébé.
arbitraire. Lidée d'un noyau d'émotions o cenrrales ,, ou élémen- Et voici un autre exemple : une femme sortait de son garage en
taires ne fait roujours pas l'unanimité. Ce que l'on sait, en revanche, marche arrière quand elle a heurré son petit garçon de dix-huit mois.
c'est que les émorions fonctionnenr à plusieurs niveaux, physiques Elle a réussi à soulever I'arrière de la voiture pour dégager I'enfant,
226 NÉcocurzoNss¿NJra¿r.t u¡lrt¿.tstln n¡os l¡tozloNs 227

I'a conduit à I'hôpital er s'esr ens*ire effondrée, une fois qr,r'il nous donne envie de donner des coups de pied, de lancer nos bras en
était en
sécurité avec les médecins. La peur active res émotions les plus l'air, de crier et d'hurler. Nos yeux lancent des éclairs. Il n'est pas rare
puis-
sanres' Elle peut amenef quelqu'un à tuer ou à agir avec cle déverser sa colère ailleurs que sur ce qui I'a provoquée. On parle
le plus
grancl des courages. alors de diplacenent. Lorsque nous sommes en colère, il est important
de l'exprimer de manière constructive, afin de libérer la tension mus-
La tristesse
culaire, biologique et chimique, et de retrolrver un état de relaxation.
La perre éveille norre rrisresse. Lorsque nous perdons quelqu,un
ou Un proverbe chinois dit avec sagesse : " Maîtrisez r¡n instant de
quelque chose, la tristesse esr cete phase du deuil au io.,r,
.r" colère et vous vous épargnerez des centaines de jours de chagrin.
laquelle nous pleurons et implorons qLr'on nous rende ce qui "
nous a Ni trop, ni trop peu : tel doit être votre mot d'ordre pour bien gérer
été enlevé. Elle peur également survenir rorsque no.r, pr..rons
cons- votre colère.
cience que nous ne pouvons avoir ou réaliser quelque
.Àor. qr" ,o.,,
espérions, en particulier lorsque nous y avions investi beaucoup La joie et I'amour
de
temps er d'énergie. Perdre quelque chose de précieux, comme La joie nous procure Lrne sensation de délice, de légèreré >, un
une "
base de sécurité' un être cher ou un bijou, peut nous
tristesse. on ressent alors une pression sur |estom*,
plonger dans la o frisson
" qui irradie vers I'extérieur. Tout le corps est impliqué.
.,À" douleur Nous avons envie de ,, chanter et danser de joie ". Lénergie nous
intérieure qui monte dans la poitrine, puis nous serre la donne des ailes. La poitrine s'ouvre, les yeux brillenr, on rienr la tête
gorge
jusqu'à ce qlre' enfin' les larmes, et parfois les
sangrots, jaillissent. haute et la tension est déchargée à travers un sourire, un rire, un bai-
Selon le docte'r \üfilliam H. Frey, aureur de cryìn[ : The ser ou un cri. Lorsque nous regardons des individus qui éprouvent de
Mystery of
Tea.rs, r, l'une des raisons pour lesquelles on se
sent mieux après avoir la joie, ils semblent rayonnef. La joie nous donne un sentimenr
pleuré est peut-être que les larmes évacuenr res élément,
.hi-iq.r., d'expansion et de possibilité. Eva Reich disait que I'amour esr une
qui s'accumulent pendant les épisodes de stress ,n. Si l,individu émotion dirigée vers un être, un animal ou une chose"'. La joie est
essaye de réprimer sa rrisresse, n'aurorisant pas la plus générale et universelle. La joie et l'amour sont les plus puissan-
libération de la
tension, il est probable que les symptômes physiques, d,oppression tes de toutes les émotions et doivent être la source de l'essentiel de
notamment, persisteront. souvenez-vous de l'histoire d,Hannah notre énergie.
et
de son cochon' Pour Elisaberh Ktir¡rer-Ross, la grancre spécialiste
cru
deuil, pleurer esr Lrn besoin important de l'être humaine. Les émotions sexuel/es
Les émotions sexuelles passent par les mêmes stades que les alttres
La colère émotions - charge (excitation), tension (tenir), clécharge (orgasme),
La colère stimule une réaction émotionnelle intense. c'est une relaxation et flexibilité'r. Un problème pelrt survenir à n'imporre
réponse à la frustration et un élément du réflexe ,, fuir ou se bactre ,. lequel de ces stades, si la personne n'est pas capable de charger ou de
Il s'agit d'une émotion positive, parce qu'eile incite la personne
à décharger l'émotion d'une manière qui lui apporte satisfaction à elle
agir. Les individus incapables de ressentir leur colère u.rront et à son partenaire. Si ces émotions sont aussi importantes pour les
d",
difficultés à établir des limites. Toutefois, une personn e ayanttrop négociateurs d'otages, c'est que la violence et les menaces de violence
de
colère en elle se créera en permanence des problèrrr"r. Lorrq.r" sont souvent liées à des émotions sexuelles frustrées : jalousie, rage,
.ro,r,
sommes en colère, une sensation de tension envahit no,
-.Àbr., ., perte de virilité en sont quelques-unes des manifestations. On observe

8. SØilliam H. Frey, Cryìng: Tbe Mystery of Teart,\(/inston press,


lggj 10. Conversation cle l'auteur avec Eva Reich.
9. Elisabeth Kübler-Ross, On Death ancl Dyìng,Tavistock, 1970. 11. Davicl Boadella, \X/ilhen lLeich.
¿¿ó NEGOCIATIONS.çI]NS1ð¿'J
u¿.lrntsnn Nos É,uornNs 229

que les parents qui malrraitent leurs enfants sonr solrvent


des indivi_
dus sexuellement insatisfaits. Les émotions réactives sont à la base de relations interpersonnelles
Toutes les émotions que nous venons de décrire _ peur, positives. Notons que lorsqu'une pèrsonne répond de manière inadé-
colère, quate à un stimulus, on parle alors d'émotion non réactive.
tristesse, joie et amour, er émotions sexuelles pellvent
-
chées au processus du lien. Lorsque re corps, l'intelligence,
être ratta-
les émo- L'émotion élastique
tions et I'esprit s'expriment pleinement , rr y a.rn é.Àung"
d'énergie Cette façon de vivre les émotions peur être problématique. Elle
en nous-mêmes et avec d'autres individus, des animaux, se
des maisons, produit lorsqu'un stimulus présent rappelle à l'individu quelque
des buts ou toute autre forme d,attachemenr.
chose clu passér3. Les êtres humains peuvent puiser dans leur banque
Nous ouvrir aux possibilités de la vie nous permet d'accepter
ce de souvenirs et en retirer des expériences associées à tel ou
qui vient à nous dans la plénitude de l'émotion. prétendre vivre tel type de
sans situation ou de stimulus. Ils sont alors pris en otages par les expé-
connaître et exprimer le plein registre des émorions est
illusoire et riences passées, qu'ils projertenr sur le présent. Cerre arrirude esr
dangereux, comme le savent les négociateurs et les leaders
émotion_ lourde de conséquences. Une discussion ou une négociation peut
nellement intelligents.
soudain être obscurcie par une lumière négarive à cause d'un simple
Malheureusemenr, nombre d'individus sonr incapables de
s,ouvrir mot, d'une simple phrase ou d'un stimulus inconnu du négociateur.
à ce que la vie peut leur offrir. selon Daniel Goleman,
ceux qui refu- Par exemple, si un individu a été maltraité dans son enfance par un
sent d'éprouver des émotions resreront enfermés dans un
état de père qui criait et le frappait, alors, exposé au stimulus d'une voix
détachement''. Po.,r eux plus que pour les autres, le risque
est grand forte ou d'une voix masculine impérieuse, I'individu rappellera peut-
d'être pris en orages par les événemenrs de la vie, quels qu'ils
soient. être l'émotion des coups du passé, I'associera à la situation présente
Intéressons-no.s à présent aux différentes façons de vivre
r-rne et chargera, puis déchargeta une émotion du passé sur la personne
émotion.
qu'il a en face de lui ou la situarion qu'il esr en train de vivre. Lémo-
L'émotion réactive tion s'exprime de manière excessive et inadéquate par rapporr au
c'est l'idéal. Lindividu appo*e contexte.
une réponse émotionnelle pertinente
à une situation donnée. Le degré et le type d'émotion Une femme était à la caisse d'un supermarché, en train de payer du pain
soni en cohé-
rence. et du lait. Le montant de ses achats n'était pas élevé - 2,95 $. Elle donna
2,70 $ à la caissière. Celle-ci lui fit remarquer qu'il manquait 25 cents. La
Cheryl demande à Jean, son assistante, de ranger son bureau parce
qu,il
femme entra instantanément dans une rage folle, hurlant que la caissière
est vraiment trop en désordre. Jean réagit avec colère :
sa chef se mêle de
la traitait de voleuse et jetant ses courses par terre.
ce qui ne la regarde pas. son n bureau en désordre r ne
dérange personne,
ni les autres collaborateurs, ni les clients et encore moins ses résultats. Lorsque j'arrivai avec la police et commençai à discuter avec la
À
femme, j'appris sa triste histoire. Veuve depuis quatre ans, elle était sur le
ces mots, cheryl a d'abord une réaction de colère immédiate, puis
elle
prend conscience qu'elle se montre perfectionniste
point de perdre sa maison, sa dernière base de sécurité. Enfant, elle avait
et, à I'issue d'une nou-
velle discussion, les deux jeunes femmes parviennent à un été maltraitée par s0n père, qui l'accusait souvent de voler des biscuits, de
compromis
quant à l'état du bureau de Jean. La corère de cheryr I'argent ou des fruits, et la battait. Profondément marquée par cette
a rapidement été
expérience, elle ressentait souvent le besoin de se défendre. Avec la perte
ramenée à un niveau adéquat.
de sa dernière base de sécurité, l'amygdale de la femme mit les bouchées

13. D. Kupfer et M. Haimowitz,


12. Conversation de I'aureur avec l)aniel Goleman " Therapeutic Interventions, Part 1 : Ruber-
bands Now >>, Transttctional Analysis Joarnal, 197 l.
23O NÉcoc1Áa10Ns.ç¡N.rls¿¿s
A,t 1\i[ Rts Et?. ¡vr.¡s l¿lor¡o,r¡s 23 I

doubles. Aussi, bien que ra caissière rui ait posé ra question


poriment, Lors de son évaluation annuelle, Shelley trouva que son supérieur la trai-
I'esprit inconscient de ra femme se remémora instantanément
des événe_ tait de manière injuste en lui donnant une note basse et en critiquant la
ments douloureux et eile déchargea sur eile tout le chagrin
non résolu qualité de son travail. Elle se laissa gagner par la colère et se mit à pleurer.
causé par les viorences de son père, ra mort de son mari
et ra perte antici- Son supérieur, un homme, donc, fort embarrassé et ne sachant pas
pée de sa maison.
très bien ce qu'il convenait de faire avec ( une femme en pleurs r lui dit
Les émotions élastiques négarives échappent presque qu'elle était trop émotive et lui suggéra de retourner dans son bureau
toujours à la
conscience de l'individu. Le phénomène de r'élastique u u.rrri un côté pour se calmer. Triste, Shelley se sentait otage, démotivée et victime.
positif. un stimulus peur activer un souvenir positif. vous
marchez Shelley aurait pu rester dans le bureau de son sr-rpérieur et lui expli-
dans la rue et soudain, vous sentez une odeur cre pain
chaud. vous quer que la façon dont il I'avait traitée l'avait mise en colère. Lr.ri,
vous solrvenez instantanément de votre grand-mère qui
faisait du naturellement, bloquait tout dialogLre en restant distant et détaché,
pain lorsque vous étiez enfant Vous pouvez même inuoquer
le souve- ce qui est une façon cle refuser d'exprimer cle la compassion. Shelley
nir précis de sa c'isine, re gesre de sa main quand elle ta.inait
le pain aurait pu rester impliquée et essayer de faire changer son supérieur
de beurre et de confiture. vous ressentez toutes les émotions
positives d'état d'esprit. Elle n'aurait alors plr"rs éré otage ni de lui ni d'elle-
que vous procuraient alors ces instants, sauf naturellement
si vous même.
n'êtes toujours pas g'éri de la mort de votre grand-mère.
Dans ce cas,
cette bouffée de souvenirs vous donnera envie de pleurer
ou vous ren- La motivation
dra triste' on parle d'émotions élastiques, parce qu'eiles
nolrs propul- La motivation est le moteur de toute action humaine. C'est un état
sent dans notre passé. Lorsqu'elles sont négatives, on parle
de ,. poinrs intérieur qui stimule et guide un comportement orienté vers un but.
sensibles qui déstabilisent I'individ.. po'r ne pas
" en devenir orages, Il repose sur des émotions et en particulier, l'évitement des expérien-
nous devons apprendre à les identifier er à les maîrriser.
ces émotionnelles négatives et la recherche d'expériences émotion-
L' émotion cle substitution nelles positives. En l'occurrence, les notions de positif et de négatif
Lindividu sul¡sritue une émotion à .ne aurre. par exemple, la per- seront très variables selon les individus et fortement influencées par
sonne est en colère et se met à pleurer, les normes sociales. La motivation est importante, parce qu'elle est
oll au lieu d'être terrorisée,
éclate de rire. On apprend à de nombrelrx garçons à impliquée dans toute performance.
ne pas pleurer
À un niveau plus simple, toute action engagée par l'être humain
lu j".,. n.,
lorsqu'ils grandissent et il n'est pas rare qu'ils remplu."*
les larmes par de la colère. A contrario, on enseigne est fondamentalement liée au désir d'éviter la souffrance, d'obtenir
solrvent aux filles
à ne pas se mettre en colère et elles ont donc plutôr du plaisir, ou à une combinaison des deux. Une façon de se motiver
recours a.x lar-
mes. Les normes familiales, culturelles et sociales consiste à lier la souffrance à ce qr,re notrs ne voulons pas faire et le
pelrvent avoir une
influence s'r la narure des émotions que les individus plaisir à ce que nous voulons faire. C'est naturellement plus facile à
s,aurorisenr à
connaître et à exprimer. souvenez-vous q.e les émotions dire qu'à faire. Jusqu'où Ia souffrance doit-elle aller pour que nous
sont une choisissions de renoncer à notre objectifinitial et de faire autre chose,
énergie er que la simple s.bstitution ne saurait remplacer
une libéra-
tion efficace. Il nous est impossible de nous libérer réellemenr et que se passe-t-il si nous apprenons dans notre cerveall à aimer la
d,une souffrance ? Vous pouvez également jouer de ce phénomène pour
émotion si elle en remplace une aurre plus profondera.
influencer alrtrui.
Je me souviens de I'histoire d'un homme qui voulait arrêter de fumer. ll
14. Fantta English, o The Substiturion Factor Rackets ancl Real Feelings ,, essaya à plusieurs reprises, en vain. ll n'arrivait pas à se souvenir de la
Tr¿t tt¡rtct ì ona I Ana ly t ì.r ottrna.l, |97 2.
J
souffrance associée au tabagisme. Et puis un jour, sa fille de dix ans vint le
NIAI I l<l5l:1< 1\LrJ ¿rt(/-¿ l(rlvJ ¿ tt

voir en preurant. Eile s'assit sur ses genoux


et eile rui raconta qu,on reur Water Mischel, psychologue et chercheur à I'université de Stanford, a
avait appris à r'écore res ravages du tabac
sur ra santé. Eile avait peur que montré combien l'autodiscipline (la capacité à retarder une gratification
son père meure et qu'ir ne ra voie pas
dans sa robe de mariée. cette pensée immédiate en contrepartie de I'atteinte d'un objectif à long te rme) influe
fut pour lui insupportabre. il éteignit immédiatement
sa cigarette, serra sa sur nos destinées. Dans une étude longitudinale débutée dans les années
fille dans ses bras et rui dit ne pas s'inquiéter,
qu'ir ailait arrêter de fumer 1960, ila donné un marshmallow à des enfants de quatre ans quiavaient
et qu'il serait rà re jour de son mariage. par
ra suite, chaque fois qu,ir avait faim, en leur disant que s'ils pouvaient attendre le retour de I'expérimen-
envie d'une cigarette, ir se rapperait res
rarmes de sa fiile. 0uinze ans prus tateur qui devait sortir faire une course, ils en auraient deux.
tard, non seurement ir assistait à son mariage,
mais ir n'avait prus jamais Lexpérience avait pour objectif de démontrer que ceux qui pouvaient
touché à une cigarette.
attendre vingt minutes le retour de l'expérimentateur avaient la capacité
La morivation, les émotions et le désir de retarder une gratification et de contrôler leurs impulsions.
sont étroitement liés. pour
être motivé, I'individu doit être capable Deux tiers des enfants ne purent résister à la tentation. Un tiers envi-
d'activer des émorions posi-
tives fortes en faveur d'un bénéfice o,. d'.rn ron mangea tout de suite le marshmallow, un deuxième résista un peu
but ayant du sens. Daniel
Goleman définit l'autodiscipline comme ,. plus longtemps mais mangea Ie bonbon avant le retour de l'expérimenta-
la base du caractère ) ec
ajoute : fJne autre clé de voûte du caracrère teur. Un tiers seulement endura la frustration de I'attente, usant de divers
" est cl,être capable de se
motiver et de se prendre par Ia main, qu,il stratagèmes :se mettre la main sur les yeux, poser la tête sur leurs bras,
s,agisr. d" fuir. ,.,
devoirs, de terminer un travail ou de parle¡ chanter, jouer avec leurs mains ou leurs pieds, ou essayer de
se lever le ,iutin. Er, comme
nous l'avons vu, la capacité à retarder s'endormir.
une gratification et à conrrôrer
et canaliser nos impr-rrsions à agir esr une Des années plus tard, lorsque les enfants devenus adolescents ache-
compétence émotionnelle
élémentaire; autrefois, on uppeluit celalavolonré. vèrent leurs études secondaires, les différences entre les deux groupes
or)
Pour obrenir des. résultars ou accomplir étaient saisissantes: ceux qui avaient résisté étaient plus positifs, plus
de grandes choses, ir nous
fa'dra conserver le bénéfice dans l,æil ã" ,rorr. motivés, plus tenaces face aux difficultés, et capables de repousser une
esprir, jusque durant
cles momenrs de souffrance er cre satisfaction immédiate pour atteindre leurs objectifs. lls avaient les
frustration. chez ce*ains ìncrividus,
cette habirude est anctée dans le cerveau habitudes des individus qui réussissent, qui ont des mariages plus heu-
et semble naturelle. chez
d'autres, c'est un combat de tous les instants. reux, des revenus plus élevés, de plus grandes satisfactions dans leur vie
Touce la quesrion pour
eux esr d'examiner leur vie er d'identifier professionnelle, une meilleure santé et des vies plus enrichissantes que la
leurs bases de sécurité et ce
qu'ils ont pu apprendre d'elles. Le monde moyenne des individus.
du sport nous offre un
exemple classique de cette mentarité, oùr 0uant à ceux qui avaient mangé le marshmallow, ils étaient plus pertur-
les athlètes supportent souf-
ftance et frusrration pendant des jours, bés, plus têtus, plus indécis et plus méfiants ; ils avaient moins confiance en
cles semaines, des mois, voire
des années, en se focalisanr sllr le bénéfice eux et étaient toujours incapables de remettre à plus tard une gratification.
ou le but qui est au bout
de la souffrance' Ils ont toujours des modèles lls avaient du mal à maîtriser leurs impulsions immédiates pour atteindre
en tête et des entraî-
neurs pour les aider. des objectifs à plus long terme. Lorsque vint le moment d'étudier pour le

La capacité à se contrôler pour ne pas céder grand examen, ils se laissèrent souvent distraire de leur tâche pour céder à
à une gratification
immédiate joue un rôle extrêmemenr ilportont, des activités qui leur apportaient une gratification immédiate. Cette impul-
er souvenr ignoré,
dans nos trajectoires de vie. sion les accompagna tout au long de leur viel6.

16. Yuichi Shoda, \Walter Mischel et Philip K. Peake, " Pre<,licting Adoles-
15' Daniel Goleman, En¡otionar Intelligence:
vhy It can Maîter More than Ie, cent Cognitive and Self-Regulatory Competencies from Preschool l)elay
Bantam, 199), p. 32g.
of Gratifrcati on " , Deueloþntental Psychology, I99O,
234 NÉcocr.4'.1'1oNJ' s¿N.l1ulliJ ALl\itRtsr,R ¡¡os l¡lo'flo¡vs 235

Le psychiarre Scott Peck écrit :. Repousser Lrne gratificarion est Lrn qui obtiennent les meiller,rrs résultats sont clirectement liées à l'intel-
processus de planification de la souffrance er du plaisir, visant à ren-
ligence émotionnellete.
forcer le plaisir en affronrant la souffrance en premier pour en être Depuis les rravaux de E.L. Thorndike sur I'intelligence sociale
débarrassé. C'est la seule bonne façon de vivre. ,¡7
clans les années 1920 jusqu'aux rravaltx précurseurs de Daniel
Les individus peuvenr être motivés par la peur, comme la peur cle
Goleman sur l'intelligence émotionnelle, le monde de I'entreprise a
l'échec. Lorsqu'on dir par exemple à une personne que si elle ne
eu maintes occasions d'apprendre que les émotions sont le moteur
s'améliore pas, elle risque de perdre son rravail, cerre mise en garde cle la motivation, elle-même moteuf de I'engagement des collabo-
peut l'inciter à davantage cl'action. Elle est amenée à modifier son rateurs20. Au frnal, sans émotions positives a' sein d'une organisa-
comportement afin d'éviter la souffrance. À I'inu"rse, cles individus tion, celle-ci ne saurait prétendre à de hautes performances et à une
ayant peur de la réussire peLrvenr se démotiver en anricipant le cha-
réussite durable.
5¡rin qu'ils connaîrronr lorsqu'ils atteindronr leur objectif. Daniel Goleman défrnit l'intelligence émotionnelle comme " la
capacité de reconnaîtfe nos émotions et celles des autres, de nous
L'intelligence émotionnelle au travail motivet, de gérer les émotions en nous-mêmes, ainsi que clans nos
Comprendre l'importance de la gestion de nos émotions dans norre relations interpersonnelles o2l.
vie personnelle est une chose. Qu'en esr-il de I'intelligence émotion- Quatre compétences sonr vitales pour I'intelligence émotion-
nelle dans un conrexte professionnel ? Lentreprise n'est-elle pas le nelle :
lieu de la rationalité et des faits ? Erreur ! De nombreuses études
montrent que les entreprises qui lui accordent la place qu'elle mérite 1. conscience de soi: il s'agit de lire nos émotions et d'avoif cons-
cience de leur impact suf nous et sLtf les autres, mais aussi de
sont plus performantes que celles qui dénigrent les o compérences
connaître nos forces et nos faiblesses et d'avoir confiance en nos
molles ), pour ne s'intéresser qlt'aux chiffres et aux faits ., purs et
aptitudes. La conscience de soi suppose en pafticlllier de savoir
durs ,.
comment nous chargeons et déchargeons les émotions et comment
un recr-reil d'études publié sous le titre Tlte Bu'iness case for Erno-
nous nous compoftons lorsque nous sommes soumis à dll stress et à
tional Intellìgence paf cary cherniss, chercheuse attachée à l'université
des situations de conflit.
Rutgers, met en lumière, à travers de nombreux travaux, que possé-
2. Gestion de soi : c'esr I'aptitude à gérer nos émotions, reconnaître
der des compétences émotionnelles telles que la coopération, la juste
nos ,, points sensibles > er appfendre à contrôler des impulsions
évaluation de soi, l'optimisme et la capacité à gérer le srress se rra-
perturbatrices, ainsi qu'à agir pour gérer notre stfess et affronter
duit par une meilleure procluctiviré, une plus grande sarisfaction
des conflits.
dans le travail olr encore une frdélité accrue des collaborareurs't.
I. compétences sociales: cela désigne notfe aptitucle à écouter,
Une étude porrant sur deux mille superviseurs er managers indi-
influencer et persuader, à enrrer dans le dialogue, à collaborer et à
que que qlratorze des seize aptitr-rdes qr-ri distinglrent les managers
nourfir nos relarions interpersonnelles, ainsi qu'à utiliser nos pfo-
pres états pour influencer les émotions des autres'

17. M. Scott Peck, Tbe Road A New psychology of


Less Traueled : Loue,'rradition¿l 1g. R. Boyat zis, The c,il4)eteilt Manager : A fuIodel for Effectiue Perfornance, John
Valaet and Spiritlal Growth, Simon & Schuster, L978, p. 19. Viley. 1982.
18. cary cherniss, The Brciness case for Emotional lntelligence, The consorti'm
20. Eclwarcl L. Thorndike, .Intelligence ancl Its Uses ", Hatper's Magazitte'
for Research on Emorional Intelligence in Organizarions,2O04,
1920.
www.eiconsorti um.org.
21. Daniel Goleman, VorÞing wi¡h Enotion,tl Intellìgance, Bantam, 1998'
nt?rtustn Nos l¡roz¡oNs 237

4' Emparhie : c'esr l'aptitucre à être sensible ar-rx


r¡esoins, désirs et
intérêts d'autrui et à sentir ou lire les sentiments Nous pouvons également influencer les émotions d'autrui à tra-
et les émotions
des autres' L'empathie désigne également le vers notre discours. Si on dit à une,personne qu'elle al'air vraiment
fait d'être capable
d'exprimer de la compassion. fatiguée, cela peut changer son état et la renclre réellement plus fati-
guée. De la même manière, si on lui dit qu'elle est radieuse, cela
Émotions et humeur peut la mettre dans un état plus positif. Le secret pour avoir ce type
Les états émotionnels et physiques sonr étroitement
d'impact est l'authenticité. Les mots et les échanges verbaux peuvent
liés. Une façon influencer notre santé et celle des autres, pour le meilleur or-r pour le
de changer nos émotions esr de modifier nos
états physiorogiques, en pire (voir le Chapitre 6).
adoptant une attitude o d'ouvertufe allx alrtres
et au moncre >, pour
reprendre I'expression de
James Lynch22.Inspirez profondément. Si
vous êtes prisonnier c|un érat de créni o., de Gérer l'émotion
àéta.r-,.-"n,, r-rne rech_
nique simple consiste à bouger. Lorsqu,un indiviclu Un soir vers 20 heures, comme j'arrivais devant mon hôtel à Londres, je
se rrouve dans
une position psychologique qu'il risq'e cre vis I'homme dans le taxi devant moi sortir en hâte de la voiture, payer
ne pas êrre capable de
modifier - un < verrou de l,esprit ,, _, le corps manifeste précipitamment le chauffeur et s'engouffrer dans l'hôtel. Je remarquai
souvent lui
aussi une cerraine rigidité. Il est important qu'il était extrêmement agité, vraisemblablement en surcharge émotion-
de se lever et de faire
quelques pas polrr que l'énergie continue à nelle, prêt à engager une querelle.
circuler.
une étude récente conduite par Brian Meier, de l'r-rniversité .Je payai mon taxi et entraidans l'hôtelà la suite de l'homme. En arri-
du
Dakota du Nord, monrfe qr-re les personnes déprimées vant à la réception, je ne pus faire autrement que d'être témoin de sa
onr rendance
à regarcler par rerre' alors que res individus plus conversation avec la réceptionniste. Lhomme jeta sa carte de crédit sur le
optimistes rega'
dent en I'air. Il esr possible que la posrLue accenrue comptoir et ordonna à la jeune femme: tr Donnez moi ma chambre lr.
l'h¡-rmeur er ,, ir
est possible de soulager la dépression chez Apeurée, elle lui demanda poliment son nom.
certains inclividus en les
persuadant de rompre avec leurs habirudes r ll est écrit sur la carte ! r
et de porter leur regard
vers le haur selon phillip Hodson, membre de ra Brirish
'. Associa- Détaché et sans lien, I'homme intimida encore davantage la jeune
tion for Counseling and psychotherapy : . Si vous femme par son attitude et son obstruction évidente à tout dialogue. Elle
êres abartu, vous
regardez par rerre. C'est lrne fonction psychologique consulta son écran d'ordinateur et lui dit: < Monsieur, je n'ai aucune
auranr qlre
physiologique. Les joueurs cre football baissent
lu'têt. lorsq',irs chambre réservée à votre nom. Pouvez-vous me dire qui I'a effectuée et
fatent un penalty, leurs muscles se relâchent, leLrr quand ?
énergie les arran- n

donne, cerrains tombenr même par terre. Cette réponse ne fit qu'amplifier la colère de I'homme qui hurla:
er-rand ils Larquent le
b't, en revanche, ils ont une dJcharge d'aclrénaline, ils ,årpir.nt n Mais qu'est-ce que c'est que cet hôtel ? Ou'est-ce que ça peut bien
plus profondémenr et se tiennent pl.,s clroits. ,
Deux ..._pi;;';; faire, quia effectué la réservation 7 Une chambre a été réservée pour moi,
charge er de décharge des émotions23. un point c'est tout. r llvenait à nouveau de bloquer le dialogue et d'enve-
nimer les choses.
Bientôt, I'adjoint du directeur nous rejoignit, pour aider la réception-
niste à retrouver la réservation. Puis, ce fut au tour du directeur, alerté par
22. James Lynch, A cry rJnltaar¿l : New Insi¡¡ltt.r into tr¡e les éclats de voix.
Malìail conseqrtences o/-
Lone/inest, Bancroft press, 2000.
r continuait à crier et devenait de plus en plus agité face
Le tr client
23. Roger Dobson et Jo_natl.ron Carr_Brown, .
Just Look Up ro Find Happi_ aux trois employés qui essayaient de défendre l'hôtel, disant qu'ils fai-
ness >, Tlte Sunday Tines _ Brìtain, 24 jltillei
2OO5.
saient de leur mieux pour retrouver la réservation.
238 N Éco<: t ¡rr¡N s,.r¿Nsla¿¿.ç u¡î'rntstln ¡vos l¡.ror¡oNs 239

c'est arors que, décidant de mettre en pratique


mes compétences de porte à une éventuelle agression verbale - ,, Et, soyez gentil, mon
négociation, je tapai gentiment sur
l,épaule de l,homme, fit un pas de vieux, mêlez-vous de ce qui vous regarde >> -, voire physique. Inter-
côté, reculai un peu, le regardai dans
les yeux et dis calmement:< Excu_ venir dans un conflit en endossant le rôle de base de sécurité et gar-
sez-moi, Monsieur. Mais reur avez-vous
demandé s'irs avaient une cham_ der le lien avec Ia personne est donc un processus délicat. Dans cet
bre libre 7 r
exemple, l'ob¡ectif était de recenrrer la discussion sur le véritable
n 0h. 0h. 0h ,, proféra-t-ir,
sa corère diminuant régèrement. Les
trois enjeu : la disponibilité d'une chambre.
employés ne pipèrent mot et re dévisagèrent,
attendiant t'attafue sui_ Bien que cela soit parfois clifficile, il est important d'être objectif.
vante' Au rieu de quoi, ir se détourna
immédiatement et demanda à ra Lorsque nous réagissons rrop vivemenr à un problème olr un conflir,
jeune femme : a Vous avez
une chambre ? r nous avons tenclance à adopter le rôle de la victime > : noLls ten-
La réceptionniste rui répondit que
oui. Ladjoint du directeur prop'sa
"
dons alors à définir le problème comme une injustice qui nous esr
de lui donner une chambre et re directeu
r ajouta: n Donnez à Monsieur faite et la solution en termes de ce que nolrs polrvons faire sr-rbir à
une suite junior r.
I'autre, solution qui implique alors que l'autre soir hurmilié ou perde
La cré de sa chambre dans sa
main, r'homme se retourna vers moi la face.
avec
un sourire et dit gaiement :n Et bien,
merci lr Les échanges pilotés par les émotions se traduisent par la formu-
L'important dans cette anecdote, c'est lation de demandes exrrêmes, qui éloignenr les individus. Une fois
que les deux parties auraient
pn gérer la siruarion tour à fait crifféremmenr. que des demandes extrêmes ont été formulées, l'une ou I'aurre des
Le client aurait pu
un lien plus_ efficace dès le crépart, pouf parties, voire les cìeux, se sentenr obligées de les défendre. Plus on
10ïef fecoLuir ensuire a.
dialogue et à la négociarion. De leur consacre de temps et d'énergie à justifier ces posirions exrrêmes,
côté, les employés i. t,t o."t
a'raient pu aborder les choses aLrtrement plus il devient diffrcile à l'une er I'autre partie de mettre leur egcr
en se concentfant sur re
vérirable enjeu au rieu de chercher de côté et d'adopter une approche gagnant-gagnant, de résolu-
- à savoir s'il y avair eLl Lrn pro- "
blème de réservation, ils auraienr pu tion dr-r conflit. Chacune campe sur ses positions et ses exigences,
vérifier s,ils avaienr Llne alrrre
chambre à l'i proposer. Dans le cos s'interdisant toute recherche de compromis, au motif de ne pas
.ontraire, comme toute l¡onne
société de services q.i se respecre, vouloir passer poLrr un faible. Bien sor¡vent, les exigences sont
irs auraienr fait re nécessaire pour
tfouvef une chambre dans un autfe poussées encore plus loin er le fossé enrre les parties ne fait qlre se
établissement, préservant uinri r"
lien avec le client. De plus en plus en cfeusef.
colère, l,homme, pour sa pam,
aurait peut-être fini par prenclre sa Lorsque volrs sentez qLre vous risquez d'avoir une réaction émo-
varise et quitter l'hôrel, fo' de
rage : le mécanisme o fuir ou se tionnelle excessive, adoptez la ligne de condu.ite suivanre :
battre , en pleine action. pourquoi
ai-je tapé sur l'épaule en veillant, dans
le même remps, à me met- Reconnaissez votre implication émotionnelle. Cherchez à com-
'-ri slrr le côté, à reculer,
tre à le regarder dans 1", y..rr,'ouun, prendre la cause de votre réaction.
poser calmemenr une quesrion ? parce
a. l.,i
q'e je souhaitaìs l'i
laisser le . Reformulez la situation de la manière la plus neurre possible.
pouvoir de demander une chambre,
pren.lre en compte ,on .rpu." Prenez en compce les faits les plus importants, pas ce que vous
personnel' I'encourager à voir en
moi un atié et non un ennemi et, à ressentez.
tfavefs la formation d'un lien avec
lui, l'inviter à .,uer un lien avec , Concentrez-volrs sur I'objectif et une issr"re posirive.
moi. Par concre, si j,étais resté derrière l.i
er que j,avais dit: .:, Identifiez ce dont vous et I'autre partie avez besoin pour parvenir
o Demandez-leur s'ils ont une
chambre > ou si j'étais inrervenu à une solution gagnant-gagnant.
directemenr après du personnel de'hôtel ': Exprimez vos sentiments de manière factuelle, sans accuser ni
en reur demandanr : < Esr-
ce que vous avez une chambre pour
ce monsieur ? o, j,aurais ouvert agresser l'autre.
la
¡¡,lnÎrntsnn ¡vos l¡rr)llo¡,¡s 24I

': Ecolrtez avec obiecrivité. Mettez-voLrs à la place


de l'autre partie ,, Beth, tu vellx mettre ta robe rose oll ta robe bleue ? Tu préfères
polu comprendre comment elle perçoit la situation et quels
sont t'habiller avant le petit-déjeuner ou, après ? Tu veux que je t'aide à
ses besoins réels (pas seulemenr les besoins qu,elle
expriÀe). t'habiller, ce matin, ou tu préÊres le faire toute seule ? ,
Face à des individus qui sur-réagissent émotionnellement ; Donnez le choix, sous une forme olr solls Llne autre . Il y a toujours
Communicluez-leur que volrs comprenez leurs émotions. moyen de proposer un choix. Lorsque I'individu cìispose d'un éven-
tail d'options suffrsamment large, il pense qu'il va conduire Lrn pro-
' Evitez de les amener à rationaliser ou à jusrifier reurs
demandes.
cessus analytique rationnel, alors qr-r'en réalité, quand on change
" Enco'ragez-les à exprimer leurs sentiments et des solutions aux
problèmes en leur posant des questions. d'idée, c'est généralement pour des raisons émotionnelles.
,. Manifestez une réelle empathie.
Apporter de Ia perspective
La façon dont nous gérons les émotions excessives dépend de la foca-
Trois outils simples pour calmer les émotions
lisation de l'æil de notre esprit. Lorsque les individus sont submer-
Proposer un choix, mettre les choses en perspective
et faire une pause gés, il se passe généralement l'une des trois choses suivantes :
sont rrois outils simples pour apaiser des situations où
res émotions
menacent cle prendre le dessus. ,.'Ils ont I'impression que la situation est permanente (elle durera
indéfiniment). Votre réponse polrrra alors être une question du
Donner Ie choix type : Quelle importance cela aura-t-il dans cinquante ans ?
un excellenr moyen de faire évoluer l'état d'esprir de votre interlocu- ,' Ils pensent que Ia situation est désespérée (ils perdent de vue son
teur esr de lui proposer Lrn choix. on se dit parfois sens). Demandez-leur : Qr,relle est réellement la pire chose à laquelle
que changer d'idée
sous la pression d'autrui esr Lrn signe de faiblesse. cela puisse aboutir ?
on a renoncé,
l'autre a gagné. To'tefois, en offrant une alternarive à
votre interlocu-
,¡ Ils ont le sentiment que la situation est omniprésente (ils ne
teuf' vous metrez la balle dans son camp : il va po'voir voient et ne pensent qu'à ça). Demandez-leur : Quelle est réelle-
prendre une
décision, basée sur des informations uJdiriorr.ril"r, ment la chose la plus importante dans ta vie ?
q,ri tui semble
rationnelle bien qu'elle soit en fait émotionnelle.
Lobjectif est d'aider les individus à réorienter leur attention et à
sarah avait un probrème avec Beth, sa fiile de cinq voir Ia situation à partir d'une autre perspective en vue d'apaiser
ans. Tous res matins,
celle-ci refusait de s'habiiler. prise par re temps et stressée, leurs émotions.
sarah rui
criait : r Maintenant, ça suffit, habille-toi I I
Beth refusait. Faire une pause
sarah criait prusfort:rr Beth, fais-moi re praisir d'arrêter de jouer res
Lorsque vous êtes dans un état d'émotion extrême, faites une pause.
enfants gâtés et de t'habiller. Tu vas tous nous mettre
en retard I r En vous extrayant du débat, vous reprendrez le pouvoir sur vous-
Beth refusait. même et verrez les choses avec davantage d'objectivité. N'hésitez
sarah attrapait ra petite fiile et essayait de |habiiler,
rui enfirant de pas, cela va sans clire, à suggérer à votre interlocuteur de faire cle
force ses vêtements. Beth était à présent en rarmes
et hurrait. sarah était même si vous sentez qu'il en a besoin.
frustrée et furieuse contre elle. Gérer les émotious, les nôtres et celles des autres, n'est l)as tou-
jours facile. Comme nous I'avons vu, les émotions sont une réaction
commenr sarah aurait-elre pu gérer ra situarion ? En
offrant un choix naturelle ayant pour fonction de nous protéger. En reconnaissant ce
à sa fille. En d'autres rermes, en lui monrrant qu,il exisre
d,autres qu'il se passe en nolls et aLrtour de nous, nous serons beaucoup plus en
options que celle à laquelle elle s,accroche.
mesure de gérer les émotions d'une manière constructive et positive.
ArAî'tRrsER Nt¡s i,nrrrtNs 243
Le détournement émotionnel
Le professeur Niger Nicholson, le signal est directement condr-rit à l'amygcrale.
aureur de Executiae Instincr,exprique ce qui rend ra chose
que c'esr d'abord au crible des particr'rlièrement inréressanre, c'esr que l'amygdale
émorions, er non de la raison, que nå p".r, réagir que
nous passons les informations sur la base de schémas stockés antérieurement. Dans
que nous rec"rronsr4. talor^ Jrriron, certains cas, ce
situations périlleuses lorsque t", type de réactions peut nous sauver la vie, Dans
Åou, no.,, senrons en sécuriré, d,autres, les plus fré_
n'hésitons pas à nous.buttre frénériquement mais quents, elles nous conduisent à dire des choses
lorsque nous nous sen_ négatives ou à empirer
la situation
rons menacés2t. C,esr ici que
I,amygåale enrre en action. - voire à la violence. Il est donc imporà.,t de pratiquer des
Lamygdale esr un élémenr d., compofrements qui conduisent à un apaisemenr
.ärr"o., humain. c,est un noyau de la sicr_ration, afin cle
forme d'amande composé de en contenir les dégârs d'un détournemenr émorionnel.
structurer
Cela étant, même lorsque l,amygdale a pris le
dessus de ta base d, ."ru.u,,, a pro*i-ité
Lamvgdale est Lrne spécialiste
#ïöïiir"r"å.,ffiiïî:. cerveau est inondé d'élémenrs électrochimiqnes,
pouvoir er que norre
de l'émotion. Á f,l^nî-ä; no.,, uuo* d.,
c'est une terroriste, capable égards, options. Rien ne nous oblige à rester prisonniers
de ,. d6¡s¡¡ner , le cervealr et de l'amygdale
: nous
dre en otage, r'amenant à inonder de le pren_ pouvons toujours choisir d'agir. N'oublions
le corps d,hormones de srress et pas que les éléments érec_
activant le mécanisme ,, fuir trochimiqr-res finissent par se dissiper, généralement
ou se battre o dans notre cerveau en rrois à six
lien' Le processus de dérourne-"n, repti_ secondes'8.
¿-o,ionner par ,amygdare a été
merveilleusemenr décrit pas Le quotidien nous offre de nombreux exemples
Joshua Freedman2(,. de détournement
Normalement, une impråssion _ émotionnel. ljn automobiliste perd le contrôle
un indice visuel, par exemple _ de sa voirure, qui fonce
esr acheminée vers le rhalamus. suf une foule. certaines personnes réagissent immédiatement
Celui_ci agit comme un (< contrô_
jettent sur le côté. D'aurres sont littéraÈmenr
et se
leur aérien > pour.garder res signaux < paralysées , à la vue
en mouvement. Dans une
situarion couranre, il orienre t,imi.rtsion du véhicule qui leur arrive dessus. En fait, il est
vers le correx _ dans ce cas, possible que ce soit
le co*ex visuer pour truit.ment. une décharge brutale d'adrénaline qui les cloue
- Le cortex o réfléchir , à l,impul- sur place.
sion et l'interprète. ,, Aha,r,
dit_il, ( c,esr un point d,exclamation Paul avait passé toute ra semaine en voyage
Il me dir que je dois éprouver ¿" f,.n,frouri^m". ! d'affaires et était impatient
de rentrer chez rui. Lorsqu'ir arriva à r'aéroport pour
ð" ,lg."l
un flot J. p"pria., er "d,hormones "r,
alorsenvové à I'amygduie, où prendre son vor du
vendredi soir, on rui dit qu'ir avait été annuré.
esr rncapabre de détourner r,æir
libéré pour donner naissance
a l,¿motion et à l,acrion. de son esprit de son désir de rentrer chez rui, paur
se mit en corère contre
Dans ce que Daniel_Ggleman
a appelé o le détournemenr émo_ I'employé de l'enregistrement et exigea de voir
son supérieur. rncapabre
tionnel le thalamus réagit
', diff"r"-åinr". comm"ì"ï,r."îLur"r, de contenir sa frustration et sa corère, ir céda
instantanément à ra fureur.
aérien expérimenré' ir peut
réagir rupidement à une
tielle' Dans ce cas' ir court-circuite menace poten- Paul aurait pu feconnaître et surinonter son
le^cortex - re cervealr pensant _ chagrin, puis envisager
et d'autres options pour rentret chez lui ou occuper
sa soirée. Sa fureur
ne l'a pas aidé à résoudre le problème, Il a'raic
24' Nigel Nicholson, Exec,tiue mieux fait de nouer
In.çtìnct : Managing tbe Hatuan Arìn¡al
in un lien avec l'agent d'enregistremenr et d'engager
I_nfonnat;on Age, Crown_Business, the son aide pour
^_ 2000. résoudre le problème.
25. Nigel Nicholson, . FIow Harclwirecl Is Human Behavior
nessReyiew, I99g.
? ,, Hat"uard Bu¡i_
26. Source : Joshua Freedman,
Hi.iacking of rhe ,{mygdala : This is whar
happens in your brain when "yo,
g., ..irf _ra _ or really anytltìng,,
Today. Disponible sur www.eqtoday.com/archive/hi Ee 28. Daniel Goleman, Enotional Innlligence; etJoshr-ra
27. Daniel Goleman, Enxttìonal Inilligeo:o,
jack.html. Freeclman, . Hijacking of
pp. t5,_32. the Amygdala : This is wrrac happens in your
r¡rain when you ger realry macr
- or really anything t ,,, Ee Toclay, www.eqtoday.com.
244 NÍ.co<ldr10Ns.r¿Nslu¿¿J
¡l¡irntsrn. No.r t¡40?loN.ç 245

Apprendre à savoir quand norre amygc'rale esr


srimulée nous évi- confronrés à nos émotions, nous pouvons reco.rir à trois outils
tera de devenir otages de nous_mêmes
ou des autres. simples pour mie.x les maîtriser :
þroposer un choix, apporrer Lrne
Résumé mise en perspective et faire une palrse. Nos émotìons sonr so'venr
une réaction naturelle basée sur I'instinct de survie, et nous clevons
Les recherches montrent que les décisions
sont fortement influencées apprendre à écolrrer et à faire confiance à notre intuition.
par les émotions. Il est donc essentier
pour norre vie personnelle et Lamygdale est une partie du cerveau qui peut nous prendre en
professionnelle de comprendre l'impact
de nos émotions sur nos otage' nous amenant à adopter des comportements extrêmes dans des
mocles de décisions.
situations à risq'es. court-circuitant re cerveau pensant, le thalamus
Les individus qui réussissent sont capables de réguler leurs
émo- envoie directement un signal à I'amygdale, qui inoncle instantané-
tions et de les efficacement. Au cours c.une de nos conver_ ment notfe corps d'éléments chimiques et noLrs met en mode .. fuir
sations, Daniel 'tiliser
Goleman m'a dit : ,. Les compétences personnelles
ou se battre ,.
renvoienr à la maîtrise de nos propres émotioÅs
1., å-pérences En comprenant nos émotions, comment et pourquoi elles fonc_
sociales consistent à apprendre à maîtriser "t
et à influencer les émo- tionnent ainsi, nor-rs poLrrrons consefver notfe pouvoir sur nous-
tions des alltres. >
mêmes. En outre' lorsque nous connaissons nos points sensibles, q'i
Les émorions passent par cinq stades
_ : charge, rension, décharge, trouvent souvent leurs tacines dans des expériences passées, nous
relaxation et flexibilité. Bien q.,r'il n'existe
pas à ce jo.r de véritable sommes mieux à même de gérer nos émotions afin d'éviter de cleve-
typologie des émotions, on distingue un
certain nombre d,émotions nir otages et cle prendre les alrtres en otages.
élémentaires : peur, rrisresse, colère, joie
et émotions sexuelles. Toute
émotion que nous ressenrons doit accomplir
son .y.1" .o,opl"r. Lors-
que I'une d'elle est broquée, elle se manifeste
sous di,o.rs.s formes,
telles q'e la maladie, la colère ou la frusrration.
De la façon dont
nous gérons nos émorions dépend norfe
capacité plus o., moins
grande à nouer des liens.
La motivation esr un moteur clé cle la réussite,
en ce sens qu,elle l. Les émotions sont une énergie et lorsque de l'énergie est créée, elle
nous apporre l'énergie, l'émotion er la concentrarion doit aller quelque par1. Utilisez les émotions pour créer l,inspiration en
pour atceindre
un bur olr un résultat donné. Elle est incrissociable vous et chez les autres. Vous pouvez changer vos émotions en modi-
d' crésir cr,éviter
la peur ou de chercher le plaisir, ou d'une fiant votre état et vous pouvez changer d'état en bougeant votre corps
comr¡inaison des deux.
L'expression o On n'a. rien sans rien , exprime ou en orientant différemment l,æil de votre esprit.
certe réalité : on peut
motiver un individu à accepter ra souffrance 2. Pour maîtriser nos émotions et éviter d'être pris en otages par eiles,
qui re conduira à ra joie nous devons comprendre ce que nous éprouvons, afin de pouvoir
d'atteindre son objecif.
nous autoréguler.
Les chercheurs sonr de ph_rs en plus
nombreux à considérer que 3. Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas expliquer une sensation
I'intelligence émotionnelle est .-,rr. ti"n
meilleure meslrre de la pro- gue nous devons l'ignorer. Nos intuitions peuvent nous donner des
babilité de la réussite que le
eI. Les entreprises qui valorisent l,intel_ informations précieuses et même nous sauver la vie.
ligence émorionnelle enregisrrent égalemenr
Lrn engagement prus 4. Pour vous motiver vers un objeclif, efforcez-vous d'associer la souf-
grand de ler-rrs collaborareurs, qui se rraduit "productivité
pu, .,ri" france à ce que vous ne vourez pas et re praisir à r'objectif que vous
accflre er une meilreure satisfaction poursuivez.
des clients. Les recherches mon_
trent égalemenr que norre sanré mentale et physiq,e
est affectée par
nos émotions.
Cha
9, re

VIVRE LIBRES

La championne olympique wilma Rudolph était la vingtième d'une famille


de vingt-deux enfants. ses parents, Ed et Blanche Rudolph, étaient très
pauvres. Ed travaillait comme porteur et homme à tout faire dans les
chemins de fer et Blanche faisait la cuisine, le ménage et la lessive pour
de riches familles blanches.
Prématurée, Wilma pesait Z,S t¡los à la naissance. Elle connut une
enfance marquée par la maladie : rougeole, oreillons, scarlatine, varicelle
et pneumonie, rien ne lui fut épargné, À l'âge de quatre ans, ses parents la
conduisirent chez le médecin, après avoir découvert que sa jambe et son
pied gauches s'atrophiaient et se déformaient. Elle avait eu la polio, mala-
die invalidante incurable.
Le médecin expliqua à Mme Rudolph que Wilma ne marcherait
jamais. Mais Blanche refusa de baisser les bras. Elle apprit que sa fille
pouvait être soignée au Meharry Hospitalde Nashville, réservé aux gens
de couleur.
lJhôpital se trouvait à soixante kilomètres de chez elle, mais Blanche y
conduisit Wilma deux fois par semaine pendant deux ans, jusqu'à ce
qu'elle puisse marcher à l'aide d'un appareil orthopédique, Les médecins
montrèrent alors à Mme Rudolph comment pratiquer les exercices de
rééducation chez elle.
Tous ses frères et sceurs aidèrent Wilma, massant ses jambes quatre
fois par jour. À huit ans, elle pouvait marcher avec une prothèse. Après
quoi, elle utilisa une chaussure montante pour soutenir son pied et jouait
au basket avec ses frères et sæurs tous les jours.
wvnr, ¡,tnnrs 249

Trois ans prus tard, sa mère rentra à ra maison


et découvrit wirma qui
jouait au basket pieds nus. À douze ans,
eile marchait normarement - sans
la détermination et la focalisation dans l'æil de I'esprit de sa mère.
béquille, ni attelle, ni chaussures correctives. Lorsqu'on lui a dit que sa fille ne marcherair jamais, Blanche a fait tout
Au lycée, wirma devint une star du basket et conduisit ce qui érait en son pouvoir pour que \üØilma marche. La base de sécu-
son équipe à
un championnat d'état. un entraîneur d'athrétisme rité de la mère, I'expérience du lien avec ses frères et sæurs, qui se sont
|encouragea arors à se
réorienter vers la course à pied. relayés pour masser sa jambe pendant des mois et des mois, tous ces
Elle courait teilement bien que pendant sa dernière élémenrs onr aidé la filleme à triompher de son handicap. Il y a ensuire
année de rycée,
elle se.qualifia pour res Jeux orympiques de 1g56, la détermination,la volonté er la foi de \wilma, dont l'æil de l'esprir
à Merbourne, en Aus-
tralie. À seize ans, wirma remporta sa première ne voit qu'une seule chose : ce que la vie peut lui offrir. Elle a refusé
médaiile de bronze, avec
le relais 4 x 100 mètres femmes. d'être otage de son handicap ou d'être limitée par lui. Même avec une
En 1959, elle se qualifia pour lesJeux olympiques attelle, elle écait dehors à jouer au basker avec ses frères, tous les jours.
de 1960, à Rome, en
établissant le nouveau record du monde du 200 chacun d'entre eux, à commencer par \ùØilma, était prêr à faire ce qu'il
mètres. Dominant res
épreuves de sprint, eile remporta deux médaiiles fallait, quoi qu'il leur en coûre, pour réussir.
d'or aux Jeux orym-
piques, celle du 100 mètres et celle du
200 mètres.
Grâce aux encouragements d'un entraîneur sportif, une aurre base
Elle se foula la cheville mais, ignorant la douleur, participa de sécurité, elle s'est lancée dans le sprinr et a battu record sur
au relais
4x100, que son équipe remporta. Avec cette victoire,
wilma devint la
record. En passe de devenir la première femme à remporter trois
première Américaine triple médaillée d,or médailles d'or à la course aux Jeux olympiques, elle a réussi à sur-
aux Jeux olympiques.
ce parcours ébrouissant fit d'eile Iune des athrètes monter la douleur d'une cheville foulée er, son objectif solidemenr
féminines res prus
célèbres de tous res temps. sans compter que ancré dans l'æil de son esprir, elle a remporté le relais.
sa cérébrité fit tomber res
barrières entre sexes, res manifestations sportives La vie de \Øilma nous monrre qu'elle était attachée à des êtres
étant jusque-rå domi-
nées par les hommes. humains et à des objectifs. cela lui a permis d'avoir une esrime de soi
Elle abandonna ra compétition à r'âge de vingt-deux élevée er de croire en elle er en ce qu'elle pouvait accomplir. sa mère
ans pour se
consacrer à l'entraînement et à I'enfance défavorisée. aurait pu êrre prise en orage par le médecin qui lui a dit que sa fille
wilma pensait que Dieu avait pour ete un dessein ne marcherait jamais, mais elle n'a pas écouté certe figure d'autorité,
prus grand que trois
médailles d'or. Eile fut entraîneur, consurtante et directrice adjointe ni cédé. \ü/ilma, quanr à elle, aurait pu être prise en par le fair
charge de l'athrétisme de ra Mayor youth Foundation
en
qu'elle ne pouvait pas marcher normalement, mais elre '*ge
non plus n'a
de chicago. Eile
créa également ra Fondation wirma Rudorph pour pas renoncé. La mère, la famille et \wilma onr tous choisi une aurre
aider res eniants à
apprendre la disciprine et re travair. cérèbre ambassadrice option : I'option du possible. Il ne fait aucun doute que \wilma et sa
de bonne
volonté, elle anima également une émission de mère ont dû consentir de grands sacrifrces er connaîrre la souffrance,
télévision et donna des
la frustration et la gêne. cependanr, le bénéfice ûnal le plaisir
conférences.
-
d'être capable de marcher et de courir l'emportait sur les années de
Elle mourut tragiquement d'un cancer du cerveau
en 1g94, mais son -
influence reste bien vivante auprès des innombrabres jeunes t ravail et d'engagemenr nécessaires.
qui ra
vénèrent1. Dirigeants er managers ont énormément à apprendre de I'histoire
de sØilma. Tout d'abord, voient-ils les possibilirés er non les limi-
Lhisroire exceptionnelle de witma Rudolph nous tes ? Ensuite, sonr-ils capables de faire des sacrifices et de souffrir
offre de nombreux
exemples concrers des concepts décrits dans ce
livre. Ir y a tout d,abord pour le bénéfice frnal ? Enfin, onc-ils des bases de sécurité pour les
soutenir et les aider à atteindre leurs objectifs ?
lVilma Rudolph Travailler pour conclure un contrat important avec un clienr peut
" (1 940 - I9g 4),, www.historychannel.com
exiger de longues heures, des week-ends passés au bureau, des dîners
25O NÍcoc1Á'l"10Ns s¿N.rral-¿s
vtvt?.r LTBIES 251

de travail, et de longues négociations et discussions, pas toujours un individu qui possède une bonne estime de soi. Chez ceux qui en
faciles, avec le client. cependant, une fois le conrrat signé er la réus- manquent, ces fluctuations pourront être excessives et les prendre en
site célébrée, personne ne regrerre ces efforts. De même, la participa- otages. Un indice d'estime de soi est la capacité à affronter les défis les
tion d'une enrreprise à un grand salon professionnel implique un plus durs, tout en restant frdèle à soi-même.
travatl considérable en coulisse er des mois de préparation pourranr, Les bases de sécurité - individus et objectifs - passées ou présen-
lorsque le salon ouvre ses portes et que l'entreprise voit ses efforts tes sont essentielles pour développer norre estime de soi (voir le
couronnés de succès, personne ne regrette les efforts accomplis. De Chapitre 4). Celle-ci se consrruir rout au long de norre vie et se nour-
nombreux managers décidenr de suivre des formations de haut rit de nos expériences. Expériences dans l'enfance, relarions avec la
niveau tout en menant leur activité professionnelle de front, aug- famille, les professeurs, les pairs, les entraîneurs et autres figures
mentant ainsi la pression qui pèse sur leurs épaules et sacrifiant pour d'autorité, et expériences en matière de perforrnances dérerminent la
un temps leur vie de famille. Pourtanr, la formation achevée ou leur façon dont nous envisageons les aurres, les objectiß et la réussite. Ce
diplôme en poche, ils sonr pleins d'une énergie nouvelle. Ils ont fair dont il faut se souvenir, c'est que l'estime de soi se construit en per-
progressef leurs connaissances, leurs compétences et leur confiance en manence. Elle peut êcre positive (élevée) ou négative (faible), se tra-
eux, et la formation leur ouvre de nouvelles perspectives de carrière. duisant par une prévision autoréalisatrice de réussite ou d'échec.
Le sacrifice consenri pour mener à bien la formation esr perçu comme Lestime de soi est connecrée à rous les aspects de la vie, y compris le
nécessaire pour accéder au bénéfice ûnal. tnvail, notre façon de penser, la manière dont nous pensons que les
Nous devons nous souvenir que, dans la sphère personnelle et autres nous perçoivent, nos buts dans la vie, notre capacité à agir et à
professionnelle, les actions déterminent le résulrat. Limpuissance er être indépendant, ce que nous accomplissons et, de manière fonda-
la passivité vonr main dans la main. Si nous n'agissons pas, alors mentale, quelle ,. valeur ) nous nous accordons.
nous sommes .. prisonniers , et donc otages. Comme moi, vous avez Lestime de soi positive est basée sur la capacité à bien nous
sans doute remarqué que les éléphants dans les cirques sont toujours connaîtfe, tout en nous accepcant nous-mêmes et en nolls n aimant o.
enchaînés par un pied à un pieu. celaétant, cout éléphant adulte est Les individus ayant une bonne estime de soi savenr reconnaître leurs
suffrsamment fort pour arracher le pieu er s'en aller où il veut. Mais points forts et leurs limites, tout en se respectant eux-mêmes et en
il ne le fait pas. Éléphunteau, il a appris qu'essayer de s'échapper ne ayant le sentiment qu'ils valent quelque chose. IIs ne se laissent pas
sert à rien et il conserve à l'âge adulte cette mémoire d'impuissance démonter par l'échec, un feed-back négatif ou une critique er, si c'esr
acquise. le cas, ils rebondissent rrès rapidement. Si un individu a connu dans
Enfin, nous devons être prêts à assumer la responsabilité de nos son enfance des relations saines à des bases de sécurité et intégré des
attitudes et des résultats que nous obtenons. se laisser prendre en modèles mentaux sur la façon de gérer l'échec et Ia frustration, il aura
otage par soi-même ou par autrui, c'est, en dernière analyse, faire un plus de chances d'avoir une bonne estime de soi. Lorsque c'esr le cas,
choix, celui d'abdiquer notre pouvoir. C'est un des dilemmes de la il nous est possible d'être une base de sécurité pour nous-mêmes en
vie : que pouvons-nous contrôler, qu'est-ce qui échappe à notre connaissant nos états émotionnels er en conduisant un dialogue inté-
contrôle et quelle sera norre attitude ? rieur constructif. Il faur toutefois souligner que, quoi qu'il arrive, le
besoin de bases de sécurité exrérieures demeure2.
Estime de soi positive
Lestime de soi est l'opinion que nous avons de nous-mêmes. Il est nor-
mal que notre humeur change au gré de ce que nous vivons. Cepen-
dant, ces fluctuations seront moins fréquentes et plus temporaires chez
2. John Bowlb¡ The Makìng and Breakittg af Affeaìonal Bonds, Tavistock, 1979,
pp. 103-1 18.
25 2 NÉ,G oc r ATroNS.ç¿N.çrß¿¿.ç
vrvnq LTBIES 253

Les individus dotés d'une estime de soi positive afficheront une examen ou obtenir une promotion. Ces individus peuvent donner
attitude joyeuse et un bonhev général de vivre. Ils sont capables de I'impression d'être heureux, mais au fond d'eux-mêmes, ils rrem-
donner et de recevoir, ainsi que de donner et de recevoir des compli- blent d'échouer et vivenr avec la peur permanente d'être ,. démas-
ments. Ils recherchenr les opportunirés er font preuve de sponta-
néité, de souplesse et d'enjouement. IIs onr des réponses créatives
qués
". Il peut arriver qu'ils vivent avec une colère constante, qui
bloque le flux de leurs émorions. En conséquence de quoi, on observe
aux problèmes er retirent de la sarisfaction de ce qu'ils vivenr. Ils qu'ils se rebellent ou au conrraire se soumetent à des figures d'auto-
peuvent être proches d'aurres êtres humains. Ils considèrent que les rité, accusent les autres de leurs malheurs, ou se montrent même
autres sont importants et ils sont ouverts à la vie et au monde. Ils arrogants et distants. Il se peut aussi qu'ils se senrent incapables
sont à I'aise avec eux-mêmes et leur place dans l'univers, et ils remer- d'affronter le monde et arborent un air malheureux - la pauvre vic-
cient la vie. time qui attend que quelqu'un vienne à son secours. Le manque
d'estime de soi contribue sans aucun doute à la mentalité d'otage.
Estime de soi nêgative Mais fort heureusement, il est toujours possible de recâbler le cer-
C'est être à I'opposé de tout ce que nous venons de décrire. Lindividu veau et de construire son estime de soi.
qui manque d'estime de soi a souvenr le sentiment de flotter sans ancre
ni base de sécurité,pareil à un bateau dérivant sur I'océan, à la merci Amêliorer I'estime cle soi
du vent et du couranr. Il se monrre critique envers lui-même jusqu'au Lancienne première dame des États-Unis, Eleanor Roosevelt, a dit un
perfectionnisme. Souvent, tL a besoin d'être rassuré et d'approbation jour: o Personne ne peut vous faire vous sentir inférieur sans votre
extérieure pour contrebalancer les dialogues intérieurs négatiß et criti- consentement. ,a Voici cinq érapes simples pour vous aider à réveiller
ques qu'il entretient avec lui-même. Toutefois, on ne le rassure jamais votre estime de soi.
assez, car en fait, il n'est pas une base de sécurité pour lui-même.
Michael Hebron fait ainsi remarquer que ., I'espèce humaine est la Cultivez votre conscience de soi
seule sur terre à avoir la capacité d'interférer avec ses propres perfor- Comment se porte votre estime de soi ? Soyez honnête avec vous-
(
mances
". Il souligne que l'interférence avec soi-même est une com- même. Comment répondez-vous aux défis qui surgissent dans votre
pétence acquise ; nous ne naissons pas avec o3. vie ? Comment vous comportez-vous avec les autres ? Replongez-
Les individus manquant d'estime de soi souffrent généralement vous dans votre enfance. Quelles étaient vos bases de sécurité ? Les
d'une mauvaise image de soi. Ils répugnenr à prendre des risques et figures d'autorité, positives et négatives ? Quelles réussites et quels
sont souvent guidés par la peur du rejet. Fondamentalemenr, ils pen- échecs vous viennent à l'esprit ? Qui se souciait que vous réussissiez ?
sent qu'ils ne sont pas bons à grand-chose er ne valent pas grand- Qui fêtait vos succès avec vous ? Avez-vous grandi dans un environne-
chose. Leur petite voix inrérieure ne cesse de leur dire qu'ils ne sonr ment constructif, qui vous encouf ageait, ou dans un environnement
pas à la hauteur, critiquant ce qu'ils font et leurs résultats. Ils n'onr destructeur ? En quoi cela vous a-t-il influencé ? Qu'avez-vous appris
pas réussi à intégrer de modèle opérarionnel positif depuis un réseau de vos bases de sécurité ? Toutes ces informations vous aideront à
de bases de sécurité. mieux comprendre les fondements de vorre estime de soi. Par exem-
Pour I'essentiel, leurs sentiments positifs, lorsqu'ils en onr, sonr ple, est-ce que vous travaillez mieux lorsque vous êtes sous pression
relatifs à des événemenrs extérieurs ec ponctuels, comme réussir un ou quand vous avez du temps ? Plus vous pourrez en apprendre sur
vous-même, plus vous pourrez construire votre estime de soi.

3. Michael Hebron, Golf Swing Secreß and Lie¡: Six Tineless Lessons, Learning
Golf , 199 3, www.l¡uilclfreedom.com. 4. Eleanor Roosevelt, This ls My Story,Harper t Bros., 1937
25 4 NÉ,coc t ¡rnNs.ç¿NJla¿rs
-T vrvnE r,tBnES 255

Acceptez ce que vous ne pouvez pas changer tentent. Laissez un message sur votfe répondeur vous souhaitant
Il est certaines choses dans la vie que nous ne pouvons pas changer, une bonne journée.
ou du moins qu'il esr rrès difficile de changer, er nous devons appren-
dre à nous accepter tels que nous sommes. Nous ne pouvons pas Demandez de I'aide aux autres
changer de parents, ni le pays dans lequel nous sommes nés, notre Lêtre humain est un animal social et toutes les recherches monrrent
taille, la couleur de notre peau, la forme de notre corps, etc. En que noLrs nous sentons généralement plus positifs lorsque nous avons
outfe, si nous avons vécu des pertes, nous devons les accepter et les un réseau social fort. Si vous êtes plutôt introverti, il est important
sufmonter pouf pouvoir continuer à avancer. Y a-r-il dans votre vie de nouer les liens dont vous avez besoin pour recharger vos batteries.
certains deuils que volrs n'ayez pas faits ? Comme nous l'avons vu, Avoir le courage de demander à ceux qui vous entourenr de vous
apprendre à dire adieu est essentiel pour retrouver la joie en vous, aider est un moyen clé de faire progresser vorfe estime de soi.
chez les autres et dans la vie. S'accepter soi-même est vital pour la Demandez à I'r-rne de vos bases de sécurité ce qu'elle ferait à votre
construction de I'estime de soi. place. Notez les choses positives que les autres ont dites de vous et
affichez-les sur votre frigidaire ou vorre bureau. Trouvez des amis
Soyez ami avec votre voix intérieure pour vous écouter et confiez-leur vos joies et vos peines. Demandez
Apprenez à écouter ce que vous dit votre voix intérieure. ,A.nalysez ce un baiser, une poignée de mains, un contacr physique. Inscrivez-vous
que vous vous dites. Est-ce positif, construcrif utile, ou négatif, des_ à un séminaire sur l'estime de soi ou documenrez-vous sur le sujet,
trucfeur et stérile ?
'{près une présentation, vous focalisez-vous sur le clans des livres ou sur Inrerner. Le cas échéant, faites-vous aider par
fait que les aurres vous onr félicité ou sur ce que vous avez oublié cle un professionnel.
dire ou l'incident avec les diapositives ? Lorsqu'on vous fait un com- Les managers me posent souvent la question suivante : Ne faut-
pliment, vous clites-vous que votre interlocuteur a raison ou doutez- "
il pas être arÍogant pour réussir et l'arrogance n'est-elle pas un signe
vous de sa parole et pensez-vous qu'il ne le fait que pour o êrre d'estime de soi ? La réponse, vous I'avez sans doute deviné, est un
gentil ? Lâ,chez un peu de lest, que diable ! Personne n'est parfait.
"
" ( non > sans appel ! C'esr I'humiliré, tolrt au contraire, qui est pres-
N'attendez la perfection ni de vous, ni des autres ou vous vous que toujours un signe d'estime de soi.
condamnez à être déçu. Empruntez aux bases de sécurité de vorre vie
qui sont des exemples d'estime de soi et fiez-vous à elles. Humilité
Offrez-vous des fleurs
Humilité rime avec modestie, douceur et simplicité. C'est une
absence de vanité, de prétencion et de suffrsance. Il est si facile de
si vous achetiez une voiture très chère, vous ne manqueriez pas de
devenir otage de son orgueil ou de son ego. Il exisre une différence
vous en occupef. Mettfe le bon carburant dans le réservoir, la gar-
très importante entre l'hr-rmilité et I'arrogance. On parle d'arrogance
der pimpante, I'emmener régulièremenr au garage... Traitez-vous
lorsqu'un individu est plein de morgue, de suffisance et de froideur
de la même manière ! Une voiture dure, disons, dix ans ? Votre
et cherche à rabaisser les aurres. Chacun d'entre nous aspire à être
corps et votre esprit, elrx, doivent durer toute votre vie. Dormez
quelqu'un. Lindividu humble a le sentiment d'être quelqu'un à tra-
suffisamment, faites régulièrement de l'exercice, ayez vne bonne
vers un dessein, le sens qu'il donne à sa vie. Du plus profond de nos
hygiène et nourrissez-vous convenablement. Faites des choses que
âmes, s'élève en permanence cete quête de senst. Elle se manifeste
vous aimez faire, aussi minimes ou insignifianres soient-elles.
sous diverses formes, de la quête de soi àl'abnégatíon. Nous faisons
Récompensez-vous, complimentez-vous lorsque vous obtenez de
bons résultats ou que vous réussissez quelque chose. Régalez-vous
de ce long bain moussant, de ce verre de vin ou de ce livre qui vous 5. Vikto Franki, Man's Search for Meaning, Hodder & Stoughron, l9)9
256 NÉcoctÁr¡oNs.çËNJ1a¿¿.t
-T vtvRr Ltt3r?ES 257

beaucoup de choses pour prouver que notre vie compte, a de la valeur personne humble est plus susceptible d'être heureuse et satisfaite
et un sens. Lorsqu'un individu doure de sa valeur, ou qu,il éprouve qu'une personne arrogante. Une approche fondée sur l'humilité
un fort senriment d'inÍériorité, il se réfugie parfois dans I'arrogance. contribue à de meilleures relations interpersonnelles, parce qu'elle
Il est alors otage de I'apparenre arrogance qu'il donne à voir au facilite la création et l'entretien de liens. Pour résumer, I'humilité
monde et qui dissimule en fait un senriment d'inÍériorité et de man- apporte une multitude de bénéfices allx individr"rs, aux familles, aux
que d'estime de soi. ce type d'individus resre souvent détaché et organisations et à la société dans son ensemble.
isolé émotionnellement. La quêre de sens ne saurair être confondue
En mai 2000, le joueur de football américain Paul Tillman refusa un
avec les ambitions personnelles de réussite.
c0ntrat de trois ans de 3,6 millions de dollars avec son équipe des Arizona
Lhumilité esr une qualité importante pour le leadership. Dans le
Cardinals pour s'engager dans l'armée.
cadre d'une étude visant à identifier ce qui distingue les grandes
r Mon arrière-grand-père était à Pearl Harbour, et beaucoup d'hom-
entreprises des aurres, Jim collins a ainsi découvert que tous les
mes de ma famille se sont battus pour notre pays et moi, je n'aijamais
PDG de ces sociétés qui réussissenr mieux que les autres avaient en
rien fait qu'attendre un ballon sur un terrain de foot n, expliqua-t-il dans
commun une attitude d'humilité. Dans son livre Good to Great, il
une interview sur NBC News au lendemain des attentats du 11 septembre.
définit ce qu'il nomme le ,, leadership de niveau 5 ,,. on y rerrouve
Envoyé en Afghanistan avec les forces spéciales, Paul Tillman devait trou-
un certain nombre de caractéristiques révélatrices de I'humilité de
ver la mort dans une fusillade avec les milices anticoalition (victime, mal-
l'individu : ces dirigeanrs font preuve d'une grande modesrie, fuient
heureusement, d'un tir des Américains). ll avait vingt-sept ans.
l'adulation publique er ne sonr jamais vanrards. Ils agissent avec une
L'ancien entraîneur des Cardinals, David McGinnis, dit que si la mort
détermination calme et tranqr-rille, s'appuyant davantage sur des nor-
du jeune homme le peinait profondément, il était aussi très fier de ce
mes inspiranres que sur du charisme pour motiver. Irs ont de I'ambi-
qu'avait fait Tillman, r qui incarnait le meilleur du sport r. rr Pat savait où
tion pour l'entreprise, pas pour eux-mêmes ; ils mertent en place des
successeurs qui assureront une réussite plus grande encofe de l,entre-
était son destin r, estime-t-il. r ll a fièrement renoncé à une carrière de

prise à l'avenir. Ils n'ont pas peur de se regarder dans une glace et footballeur pour répondre à une vocation supérieure. r
n Dans le sport, nous avons tendance à abuser de termes comme cou-
assument leurs responsabilités et leurs erreurs. Chez les leaders de
niveau 5, cete humiliré va de pair avec une détermination profes- rage, bravoure et héros rr, déclara pour sa part le vice-président des Cardi-

sionnelle forte. Lorsqu'on leur demande de parler d'eux-mêmes, ils nals, Michael Bidwell. tr Et puis arrive quelqu'un comme Pat Tillman qui
nous rappelle ce que ces mots veulent réellement dire. r
disent souvenr : J'espère que je ne pontifie pas > ou o Franche-
" Pat Tillman aurait pu choisir le chemin de la gloire et de la richesse. ll
ment' je ne pense pas y être pour grand-chose. Nous avons la chance
d'avoir une équipe formidable. , selon Jim collins : < Les leaders de a préféré une voie ou sa contribution à la société l'emportait sur sa

niveau 5 incarnent une forme de dualité : ils sont rour à la fois contribution à lui-même8.

modestes er volontaires, timides et réméraires. ,6 Faire preuve d'humilité, ce n'est pas se rabaisser ou ne pas s'appré-
Le Dr Paul \Wong explique que I'humilité peut engendrer de cier. C'est savoir qui vous êtes, ce que vous faites et pourquoi vous le
nombreux bénéfices7. Elle est positive pour la sanré menrale, les rela- faites, tout en reconnaissant aux autres le droit de faire de même. Les
tions sociales, le leaclership et le progrès humain. par exemple, une individus possédant une bonne estime de soi sont humbles et modes-
tes. La véritable humilité est un concept riche, aux multiples facet-
6. Jimcollins,GoodtoGreat:v/:ysorttecontþariesMaþeTheLeaþ...anrJTthers tes, qui se caractérise par un juste sens de ses capacités, cle ses limites
Don'î, Random Flouse, 2001 , p. 22.
7. Paul T.P. \üØong, I'm Glad That I'm Nobody : A positive psychology of
"
Hnmility >, International Netttorþ on per.ronal Meaning, wrvw.menaning.ca. 8. " Lx-NFL Sta¡ Tillman Makes "Ultimate Sacrifice" ,, www.msnbc.com
258 NÉGoctATrzNS.r¿NJr6¿r.t

et l'oubli de l'ego. Il est extrêmemenr rare qu'Lrn individu humble


-T vrunr, unnns

allié et la peur en courage (voir le Chapitre 2). Si vous n'avez pas de


)J)

se
sente otage ou se comporte comme tel. base de sécurité, trouvez-en une dans votre réseau de relations ou,
pourquoi pas, dans un livre ou dans un frlm. Utilisez les techniques
L'apprentissage tout au long de la vie de visualisation pour vous imaginer en chevalier sans peur et sans
reproche. Puis, agissez, agissez, agissez.
Dans la nature, si une chose ne se cléveloppe pas, elle s,atrophie. En
Tout soldat ou policier vous dira qu'il n'y a qu'un pas de la peur
d'autres rermes, soit nous nous développons, soit nous cléclinons. Il
au courage. Ce pas, on le franchit par I'action. Les individus les plus
n'y a pas de srade intermédiaire. c'est également vrai pour norre
craintifs peuvent devenir les plus courageux. Lobjectif n'est pas de
esprit. Lorsque nous apprenons, nous développons et noLrs créons,
supprimer la peur, car celle-ci peut dans certaines situations être fon-
littéralemenr, Lrne quantité considérable de nouvelles cellules céré-
dée sur une réalité objective. Le but est d'entraîner I'æil de votre
brales. si nous sragnons, nous rlrons une quantité considérable de
esprit à se focaliser sur un objectif positif avec le soutien des meilleu-
cellules. Dès lors, en cherchanr en permanence à apprendre, à nous
res bases de sécurité que vous troLlverez, puis d'agir courageusement.
développer et à développer les autres, nous rendons norre vie plus
Surmonter votre peur, c'est apprendre et développer votre coLrrage.
palpitante. Les individus qui s'attachent à aider et à faire progresser
En affrontant vos peurs et en apprenant à agrr, vous vous donnez le
les autres découvrent souvenr qu'ils se développent aussi eux-mêmes.
pouvoir de vivre sans être otage et, partant, de trouver la liberté.
voici trois domaines sur lesquels volrs pouvez vous concentrer
pour mieux apprendre rour au long de votre vie. Apprenez à faire cles choses nouvelles
Prendre des risques, c'est apprendre à nous ouvrir au changement, à
Surmontez vos peurs
ce qui est possible et même à ce qui est inconfortable. Ne pas avoir
Les peurs qui reposent sur des croyances irrationnelles concernant un peur de s'exposer, de n tendre la tête par Ia fenêtre rr, cela suppose
objet, un événement, une personne oLr un sentiment ne peuvent avoir
d'accepter la nécessité de changer, puis de faire ce qu'il faut pour que
que des conséquences négatives pour vous. La peur est Lrne terroriste
le changement intervienne. La prise de risque exige de peser le pour
redoutable. Elle nous empêche de vivre le lien par r'état négatif
et le contre, les aspects positifs et négatifs de la situation, puis de
qu'elle crée en nous. comment, en effet, être positif lorsque nous
faire un choix pour engager une action requise. Nous sommes alors
sommes tout entiers concentrés suf nos peurs ? Sachant qlre notfe
en mesure d'agir, pleinement conscients des risques potentiels, sans
cefveall est progfammé pour rechercher le danger et la souffrance à
être pris en otages. Une des difficr.rltés de la démarche consiste àfaire
travers la peur, nous devons lui apprendre à regarder ailler-rrs, à
notre choix en tolrte indépendance, à savoir ce qui est réellement
rechercher le bénéfice. Que faire, clonc, lorsque la peur menace de
important pour nous. Les bases de sécurité sont là pour nous soutenir
nous prendre en orages ? La première étape est de définir cetre pelrr.
et nolrs encourager, pas pour décider à notre place, ni être toujours
Peur de quoi ? Norez-le, réfléchissez-y er o metrez le poisson sur la
d'accord avec nous.
table " avec volls-même. Regardez dans l'æil de votre esprit et ana-
Leur rôle est extrêmement important, parce qu'elles nous appor-
lysez les éléments cle votre passé qui pourraienr favoriser cete peur.
tent Lrn environnement clans lequel nous nous sentons capables de
Pour nous libérer de nos peurs, il faut commencer par les compren-
prendre des risques. Elles nous apportent Ia sécurité qui nous permet
dre. Ensuite, recherchez dans vorre esprir les bases de sécurité de
d'explorer de nouvelles idées et possibilités, tout en sachant que,
votre vie qui vous poseraient la main sur l'épaule er, avec de bons quoi qu'il arrive, rien ne viendra jamais entamer la relation.
conseils, vous aideraient à surmonter votre peur. une technique très
Si vous êtes confronté à un problème ou à un cléfi, demandez-vous
ancienne des Indiens senoï consiste à apprendre aux enfants et aux
ce qui vous empêche cle le résoudre. Pourquoi ne faites-vous pas ce
adultes à utiliser une base de sécurité pour transformer Lln ennemi en
qu'il faut ? Qu'est-ce qui vous retient ? Vous découvrirez peut-être
-T
zov NLG0ctÁ-L¿oNs sENslA¿¿J
vtvrìE r,rtst?ES 26I
que c'est la peur, de l'échec, du rejet ou de l'humiliation paf exem-
ple. À ce stade, vous devez entraîner votre cerveau à associer au résul-
Il y a beaucoup de choses auxquelles nous devons dire adieu:
culpabilité, chagrin, dépendance, p€ur, colère et, enfin, être capable
tat un plaisir et un l¡énéfice qui I'emportent sur la souffrance ou la
de renoncer à tout dans la morr. Pourquoi nous est-il si diffrcile de
perte potentielles. Ne vous demandez pas seulement ce qui se passera
renoncer, de tourner Ia page ? Le plus souvent, il faut rechercher la
si vous prenez le risque, mais aussi ce qui se passerait si ',ro,rs ne le
réponse à cette question dans les expériences passées qui ont façonné
preniez pas. Imaginez-volls en train d'oser et de réussir. une des
l'æil de notre esprit ec norre façon d'appréhender certaines perres.
meilleures techniques pour apprivoiser vorre peur du risque consiste
On peut par exemple refuser de rourner la page, parce que l'expé-
à pratiquer la nouveauré, à faire chaque jour quelque chãse
de nou- rience nous semble trop terrifiante, douloureuse ou dangereuse.
veau. Le nombre de nos neufones augmente lorsque nous appfenons
et le meilleur apprentissage pour notre esprir survient en J.hors .re Que faire pour tourner la page er conrinuer à avancer ? Tout
d'abord, il convient d'identifier ce à quoi vous devez dire adieu. Est-
nos zones de confort.
ce lié à une perte, la peur, la colère, ia tristesse, le déni, une respon-
La prise de risque esr une aurre opportunité de vivre sans êrre
sabilité ou une dépendance excessives ? Ensuite, vous devez agir
otage.
pour surmonter la séparation. À quelle personne, quel lieu ou quel
Apprenez à clire aclieu événement de votre passé ou de votre présent devez-vous dire
Le cycle du lien esr Lrn processlrs fondamental que tous les êtres adieu ? Pourquoi n'avez-vous pas été capable de le faire ? Sachez
humains doivent accomplir, plusieurs fois dans leur vie (voir re précisément à quoi vous devez renoncer. Associez un bénéfice à cet
cha- objectif final, en vous demandant ce que sera le bonjour qui viendra
pitre 3). Nombre d'individus sont incapables de nouer des a*ache-
ments et des liens, parce qu'ils n'ont pas su accepter le stade de la après, pour vous aider à surmonrer la souffrance associée à ce deuil.
séparation et du deuil. Pour vivre libres, er poursuivre notre route, Acceptez vos sentimenrs et autorisez-vous à les vivre jusqu'au bout.
il Puis, autorisez-vous à retrouver la joie de vivre. Vous pourrez alors
est vital d'apprenclre à dire adieu. cela exigera parfois de prendre
une
décision qui bouleversera norre vie. Faire son deuil p.,.,,, Ào.,, libérer, aller de I'avant, nouer de nouveaux attachements et de nouveaux
et libérer les autres, d'un sentimenr perçu ou réel de culpabilité ou liens, et apprécier pleinement la vie. C'est à cete condition que
de tristesse. Nous sommes alors libres de nouer de nouveaux attache- vous pourrez vivre sans être oage. Aujourd'hui, plusieurs années
ments et de nouveaux liens, ou d'en renouer d'une autre manière. après les artenrats rerrorisres du 11 seprembre, les histoires ne man-
J'ai quent pas d'individus qui onr vécu certe tragédie er réussi à rerrou-
eu la chance de travailler pendant plusieurs années avec Elisabeth
Kübler-Ross, pionnière des recherches sur le deuil. Trois de ses mes- ver le goût de vivre.
sages m'onr particulièrement marqué :
La liberté par le choix
1. vous devez dire adieu avant de pouvoir dire bonjo'r. vous ne
pouvez pas dire bonjour ranr que vous n'avez pas dit adieu. Dans son livre Ihe Porodoxof Choice, Barry Schwartz nous raconte le
2. Le de'il esr une expérience sociale. Nous ne pouvons pas faire moment mémorable qu'il a vécu le jour où il a franchi les portes d'un
notre deuil seuls. Il faut l'accomplir avec des êrres cherr, fumille, magasin Gap pour acheter un jean. r Je voudrais un jean, taille 32-28 r,
clan ou tribu. dit-il au vendeur. r Coupe droite, large, baggy, charpentier, décontractée,

3. vous ne polrvez pas vivre si vous n'êres pas prêt à mourir. La peur serrée ? Brut, délavé, vieilli ? Avec braguette zippée ou boutons ? n Barry

de la mort empêche de vivre pleinemenre. réussit à balbutier quelque chose du genre : n Je voudrais juste un jean
normal. Vous savez, comme quand il n'y en avait qu'une sorte. D
ll écrit que le problème, avec toutes les options qu'on lui proposait,
9. Elisaberh Kübler-Ross, On Death and Dying, Thvistock, 1970
était qu'ìl n'était plus si sûr que ce qu'il voulait, c'était bien un jean
LW' IICU(/LIA I IU,I\J J¿IVJ/öL¿J
-T vrvnt r-tBnES 263

( normal r. ll décida donc d'essayer tous les modèles, convaincu qu'une


Les individus qui font des choix en vue d'obtenir r-rne gratification
des options devait être la bonne. ll était déterminé à la trouver, mais ce
immédiate deviennent otages et seront toujours limités dans leur
fut impossible. En fin de compte, il opta pour la coupe décontractée,
réussite. Nous réalisons davantage lorsque nous faisons des choix en
parce que la coupe large risquait d'impliquer qu'il ( 5s ramollissait r
et nous fondant sur des objectifs à long terme. C'est pourquoi nous
qu'il avait besoin de cacher sa bedaine I ll fut très content du jean qu,il
devons mettre notre corps au diapason de notre esprit. Læil de notre
avait choisi, mais il se dit aussi qu'il n'est sans doute pas indispensable
esprit doit voir plus loin que le désordre, la frustration et la souf-
qu'acheter un pantalon vous prenne la journée'0.
france pour comprendre les bénéfices, sachant que le prix à payer
" "
Parfois, le choix est tel que nous sommes paralysés ou, en d'autres est un choix permanent. En ce sens, le dicton o On n'a rien sans
termes' que nolrs en devenons otages. combien de fois vous êtes-vous rien dit vrai. Les individus qui réussissent olr réalisent de grandes
"
assis devant vorre télévision, zappant d'une chaîne à l'aurre, pour choses considèrent la souffrance comme un chemin nécessaire vers le
finir par vous dire : Il n'y a rien o ? Allez donc faire un rour au bénéfice. Les musiciens qui font des gammes tous les jours appren-
" nent à y prendre du plaisir. La motivation finit par être inscrite dans
tayon céÉales ou yaourts de votre supermarché et essayez de compter
le nombre de choix qui s'offrenr à vous pour vorre petit-déjeuner. leur cerveau, et lorsqu'ils se lèvent le matin, travailler leur instru-
Que se passe-t-il lorsque nous avons trop de choix ? pour faire face, ment est une hal¡itude. N'oublions pas que derrière toute habitude
certains individus s'en riennent à ce qu'ils connaissenr. D'autres pas- se cache un choix.
sent un temps infini à essayer de décider, alors que d'autres encore Lorsque les individus oublient qu'ils ont toujours la possibilité de
renoncenr à rout choix en laissant à quelqu'un d'autre le soin de déci- choisir, ils peuvent devenir otages de leur propre passivité. Pour
der por-rr eux. Même lorsque nous savons ce qlre nous voulons, l'éven- vivre libres, nous clevons noLls souvenir d'agir sur la base cle notre
tail des options ou les circonstances fluctuantes peuvent semer le volonté en étant conscient de nos choix. Derrière tout comporte-
doute dans notre esprit. D'une certaine manière, la vie semble plus ment, il y a un choix ou un choix potentiel. En frn de compte, tout se
simple lorsq'e nous n'avons pas le choix et donc, certains individus ramène à ce que nous choisissons de faire. Même si ce choix est de
confient la responsabilité de leur vie à quelqu'un d'aurre. Ils n'ont dire à une base de sécurité : " J'ai besoin d'aide. "
certes plus à choisir, mais ils sonr devenus orages. Le philosophe Isaiah Berlin établit une distinction entre Ia
Lorsque nous savons précisément ce que nous voulons, il est pl's liberté négative (échapper aux contraintes ou à ce que l'on nous dit
facile de faire un choix, parce que nous savons aussi ce que nolrs ne de faire) et la liberté positive (liberté de faire des choses, d'être
voulons pas. Il y a dilemme lorsque nous devenons rrop rigides ou l'auteur de notre vie et de lui donner du sens)r'. Si un individu cher-
inflexibles et refusons ce qui ne cadre pas avec notre vision des cho- che à échapper à une contrainte ou à une obligation pertinente
ses. savoir ce que l'on veut, cout en restant ouvert à de nouvelles pos- (s'arrêter lorsque le feu est rouge par exemple), il est otage de sa
sibilités est un déÊ. propre rébellion. Certaines personnes, mues par ler"rr l¡esoin de
choisir consisre à évaluer les mérites de prusieurs oprions et à liberté, font des choix destrlrcteLlrs. Si nous n'avons pas fait la paix
sélectionner une acrion. Lorsque nous avons la possibiliré de choisir, avec nos figr-rres d'autorité pendant notre jeunesse, nolrs risquons de
nous sommes moins susceptibles d'être pris en otages, parce que conserver une attitude rebelle vis-à-vis de toute forme d'autorité.
nous exefçons un certain contrôle suf notfe destinée et avons la capa- Une saine rébellion ne saurait se concevoir sans la quête d'objectifs
cité de décider quoi faire. constructifs et valables. La rébellion négative n'est qu'une opposition

10. Barry Schwartz, The Paradox of Choice : How the Culture of Altunclance lLobs us of 11. Isai¿h Berlin, " Two Concepts of Liberty ,,, in llour Essays on Lilrcrty, Oxlord
S at i:þct ion, HarperCollin s, 2O04.
University Press, 1 969.
systémarique à l'autoriré' En fin de
compte, ra peur de s,atracher et
-T vrvKt: Ltrit<tJ zo)

de nouer des liens de sécurité n'esr pas optimales, ils s'oubliaient, oubliaienr le remps er leurs problèmes.
la riberté ; r,individu devient Il attire cependant I'attention sur le fait que certains interprètent à
tout au contraire orage de la solitude.
c'est à tfavefs l,attachement et tort cette plénirude comme une ( parenthèse > et la recherchent
le lien à des individus er à des objectiß
que nous pouvons rrouver ra dans des loisirs passifs. La plupart des gens n'arrenclenr qll'une
lil¡erté. "
Les travaux de schwartz sur re choix
chose: rentrer chez eux, se détendre. Et lorsqu'ils rentrent chez
sont riches d'enseignements : eux, ils ne savent pas quoi faire. Rien ne les oblige à rien et ils
1' Nous serions plus heureux si nous acceptions s'asseyent devant la télévision, déprimés.
certaines contraintes "
volontaires sur norre liberté de choix, Le légendaire joueur de football brésilien Pelé a raconré cerraines
au lieu de nous rer¡eller
contre elles. journées particulières qu'il a vécues, où tout se passair bien : ,.
Je res-
2' Nous serions plus heureux si nous recherchions sentais un calme étrange que je n'avais jamais connlr au colrrs
ce qui est ( accep-
table
',, au lieu de rechercher le meilleur. d'autres matches. C'était une sorre d'euphorie. J'avais l'impression
3' Nous serions plus heureux si nous avions des a*enres que j'aurais pu courir toute la journée sans ressenrir la moinclre fati-
plus modes-
tes vis-à-vis des résultars de nos gue, dribbler n'imporre quelle éqr-ripe, passer à travers leur corps.
décisions.
4' Nous serions prus heureux si nos décisions éraient C'était comme si rien de mal ne pouvait m'arriver. >>t4
irréversibres.
5' Nous serions plus heureux si nous accordions Ce flot, cette plénitude surviennent lorsque notre corps, notre
moins d,artentìon à
ce que font les autrest2. intellect, nos émotions et notre esprit fonctionnent naturellement
ensemble et nous maintiennent au maximum de nos capacités, << sur
Vivre en plénitucle un nuage o. Lorsque nous travaillons o au top >, nous sommes dans
Le psychologue Mihaly Csikszentm ihalyi un état méditatif er avons davanrage d'énergie, de concenrration er
a écrit : o Lorsque nous
nous asseyons au bord d,une rivière de pouvoir que lorsque nous travaillons normalement sur quelque
et regardons l,eau, no.rr'ro__",
saisis par la beauté du flot. Leau chose. Le flot nous aide à rrouver du plaisir dans les activités les plus
coure et se .réplace narurellemenr,
sûre de sa direction. Son énergie, sa routinières, comme perfectionner certaines compétences ou nolrs
puissance er sa certitude déga_
genr un sentiment de calme et d'unité entraîner régulièrement à quelque chose.
avec le monde. Les meilreurs
momenrs surviennent généralement Voici huit conseils qui vous aideront à rrouver cette plénitude - et
lorsque le corps ou l,esprit d,un
individu esr tendu jusqu'à ses limires à savoir la reconnaître lorsqu'elle est là :r5
duÅ, .rn effo* volonråir. po.r.
et d,imporranr. ,,r j
accomplir quelque chose de difficile
1. Avoir des objectifs précis: sachez ce que vous voulez er devez
Beaucoup d'individus perdent leur
liberté et deviennenr orages, faire. La fusion de l'action et de la conscience devient ensuire
parce qu'ils ne pfennent pas plaisir
à ce qu'ils doivent faire. spor- alltomatique, décontractant I'esprit conscient.
tifs, musiciens, grands leaders : tous doivent
faire des choses qu,ils 2. Recevoir un feed-back immédiat : sachez à tout momenr où vous
n'aiment pas nécessairement, mais irs s'entraînent
¿ ui-.r-ruir. .. en êtes et si vous voLls rapprochez de votre objectif. Fiez-vous à
nécessaire pour atteinclre l,objectif
:Ti ^":: qu,ils se sont fixé. votre intuition er utilisez le savoir des bases de sécuriré inté-
M' csikszentmiharyi a étudié plusieurs professions et découverr rieures et extérieures pour vous guider.
que lorsque les individus éraient engagés
dans des p"rfor-un..,

12. Barry Schwanz, Tl¡e para¿lox of Cboice.


13' Milraly csikszentmiha\yi, Frou : The psychologlt 14. Pele, avec Robert L. Fish, Pele : My l.ife and Beautifirl Gane, Doubleday,
of optiaar Ex¡terience,Harper &. tL)]1
Row, 1990. .

1 5. Mihaly Csikszentmihalryi, F lotu.


3. Fixer des défis à la hauteur des compérences de l'individu : re défi
-T wvRL. LrBtìES 267

ne doit être ni trop modeste, ni trop ambitieux Résumé


et apporrer un
sentimenr d'apprentissage permanenr. Lactivité
doit ãrr"rpon_
Il n'est jamais trop tard pour chois,ir de vivre libre. Nous pouvons
dre à votre niveau de compétences ou être légèrement êtres pris physiquement en otage, mais nous pouvons faire en sorte
au_dessus.
Par la suite, montez régulièrement la barre à mesnre de conserver, psychologiquement, notre polrvoir. De même, lorsque
qlre vos
résultars s'amél iorent. nous sommes confrontés à une difficulté ou à un problème, nous
4. Développer la focalisation er la polrvons conserver ce pouvoir et entraîner l'ceil de notre esprit à se
concenrration : concenrrez_vous
suf ce que volrs faites, sans dispersef votfe attention concentrer sur l'objectif que nous souhaitons atteindre. Rien, jamais,
ou vous rais-
ser disrraire par un désordre mentar intérieur ou ne nous oblige à nous sentir otages.
des activités
extérieures. Lestime de soi est importante pour se gérer soi-même et progres-
5. Agir dans l'insrant, r'esprit clair : supprimez les frustrations er res ser ainsi vers nos objectifs. Utiliser l'æil de notre esprit pour nous
intrusions clu quotidien. Apprene z à avoit recours focaliser slrr ce qui compte vraiment nous aidera alors à faire les bons
à la n vision
tunnel > pouf neutraliser les facteurs extérieurs que choix.
volrs ne pou-
vez contrôler. Lhumilité raisonnée est souvent Ie signe cl'une estime de soi posi-
6' Avoir un sentiment de conrrõre: ayezle sentiment que vous êtes tive et d'une bonne conscience de soi. Les individus huml¡les portent
responsable de vous-même, de vos actions et un regard sain sur leur vie et la place qu'ils occupent dans I'univers,
que vous maîtrisez
l'environnement. En d'aurres rermes, ne cédei pas Lorsque nous aidons les autfes, nous nous aidons aussi nous-mêmes.
à la peur de
l'échec. En surmontant nos peLus, en apprenant à prendre des risques et à dire
7' oublier la conscience de soi : adieu aux pertes du passé, nous pouvons noLrs libérer de ce qui risque
concenrrez-vous sur l'activité en
transcendant I'ego, en le mertant de côré et en faisant de nous retenir prisonniers. Accepter la responsabilité de notre vie, de
taire les cri_
tiques intérieures. Ne faites plus qu''n avec |acrivité. nos pensées et de nos sentiments est fondamental pour vivre libre.
Le doute
disparaît, y compris les inquiétudes physiques er Vivre dans le présent, dans I'instant, apprécier et remercier la vie
émotionneiles.
B. Prendre conscience de la transformarion àu cadr. nous aidera à être clans la plénitucle et I'harmonie - ces instants où
temporer : le
temps s'adapte à votre expérience en étant dans tout s'imbrique, où toutes les pièces se mettent en place. Nous obéis-
le .yìh-.d"
I'acrivité er non dans le remps extérieur de la journée. sons alors à une forme de sérénité. Une force, une sagesse se dégage
Le remps
peut ralenti r, accélérer ou resrer immobile. de notre corps, de notre intellect, de nos émotions et de notre âme.
Lorsque nous sommes en plénitude, nous sommes comblés et ne fai-
Le senriment cle plénitude, ou de flot, esr un
signe cle liberté, un sons qu'un avec nous-mêmes.
antidote à la mentalité d'orage. Nous ne l" .o-r.rundons
générale- Être heureux est un choix. Le bonheur est Lrn état d'esprit, r-rn
ment pas : nous nolrs mettons en état de le recevoir, cre
le laisser sur- niveau de conscience et un degré d'acceptation. Læil de notre esprit
venir' et notre état d'esprit conscienr peut d'ailleurs y
faire obsracle. peut choisir de se souvenir ou de projeter des événements cl'une
Mais on pelrt en reconnaître les signes annonciateurs
lorsq''ils se manière positive ou négative. Notre cerveau est programmé pour
manifestent et lu.i ouvrir alors ra porte. si nous vivons
dans ìe passé repérer le danger, afin d'assurer notre survie. Toutefois, nous pouvons
ou l'avenir, nous ne connaîtrons pas le plaisir de l,instant,
de ce que court-circuiter ce penchant natlrrel au négatif et choisir d'être posi-
nous sommes en train de faire ici et mainrenanr.
Apprenez à aimer le tifs. Nous devons apprendre que le bonheur ne dépend pas de fac-
présenr, dires oui à ce qu'il est et goûte z ra
beauté àe la vie parrour teLlrs extérieurs, de choses qui échappent à notre contrôle. C'est un
oùr vous êtes.
choix que nous polrvons faire aujourd'hui, quelles que soient les cir-
constances ou la situation.
-vQ r\Leuçt^t lul\J J¿,4\JIIJL¿J.
I -!

Savoir remercier la vie pour ce qu'eile nous donne


est une façon de
rester humble et heureux. Le simple fait cre vivre
peut nous rendre
heureux. En dernière analyse, le bonheur esr un choix,
et il est bon Rem erciements
pour nous. Nos relations interpersonnelles ont une influence
sur
notre santé et notfe bonheur. Les personnes mariées
vivent plus rong-
temps' Les personnes qui ont des animaux domesriques
sont prus
heureuses et tendent à vivre plus longtemps. Le
,rr.., les maradies
cardiaques sont liés. Les personnes qui onr une vision ",
optimiste de ra
vie vivent plus longtemps. Les personnes en bonne
for_" physique
sonr mieux armées face au srress. une vie personnelle
pleinå et enri-
chissanre nourrit le corps, l'esprit, les émotions
et l,âme. Ce livre n'aurait pas vu le jour sans la contribution de nombreux col-
Prenez le temps de vous reconquérir et de devenir
celle ou cerui lègues et amis, Je tiens à exprimer ma gratitude à Peter Lorange,
que vous voulez être. Vivez la vie comme une
aventure, un voyage et président de I'IMD, qui m'a apporté soutien et encouragements et
envisagez-la comme une oppo*unité d,apprendre,
d,upporr"r uotr. dont les livres ont touiours été une source d'inspiration. Je dois éga-
pierre, de vous développer, chaque minute, chaque
heure, chaque lement beaucoup à mes collègues de I'IMD qui ont bien voulu me
jour' Acceptez le pouvoir formidable que
vous avez en vous et, avec donner leur avis à l'occasion de notre collaboration aux programmes
humilité, faites les choix que vous vo.rrez pour qlle votre
vie soit de développement du leadership : Preston Bottger, Bala Chakravar-
enrichissanre er libre.
th¡ Jim Ellert, Kamran Kashani, Peter Killing, Jean-Fnnçois Man-
zoni, Ulrich Steger, John \X/alsh, John \Ward et Jack \üØood. Merci à
Andy Boynton, aujourd'hui doyen de Carroll School of Management
au Boston College, et Jim Dowd, professeur au département de for-
1' L'estime de soi se construit tout au rong de mation des dirigeants de la Harvard Business School, pour leur ami-
ra vie, il y a des moyens
d'améliorer son estime de soi à tous res stades de ra tié et leurs conseils. Je remercie également Petri Lehtivaara, Beverly
vie. utirisez r,æir
de votre esprit pour surmonter ra souffrance au nom Lennox, Lindsay McTeague et Inna Francis, de l'équipe de recherche
du bénéfice asso-
cié à I'objectif. et développement de I'IMD, pour leurs précieuses contributions.
2. L'apprentissage tout au long de la vie est un moyen Gordon Adler, directeur des relations publiques et de la communi-
de donner de
l'envergure à notre esprit et à notre vie. Recherchez
toujours re défi, cation de I'IMD, a toujollrs été présent, pour m'encourager et me
faites quelque chose qui vous sort de votre zone conseiller. Lucie Jannin, mon assistante à I'IMD, m'a apporté sans
de confort et appre_
nez quelque chose de nouveau pour progresser
et vous développer en relâche son aide compétente et éclairée sur de nombreuses questions
permanence.
pratiques. Je vous remercie tous du fond du cæur.
3. La meilleure façon d'atteindre des buts ambitieux est
défi à la hauteur de vos compétences. cera nous permet
de rechercher un Je suis profondément reconnaissant aux deux membres de mon
d'atteindre équipe de recherche et de rédaction, qui m'ont aidé à rassembler les
un état de plénitude dans requer, grâce à de |entraînement
et de ra idées présentées dans ce livre et à leur donner forme. Susan Goldswor-
discipline, l'inconfortable devient l,agréable.
4. Nous pouvons nous aider nous-mêmes et aider res thy a bien voulu mettre son expérience de dirigeante au service de ce
autres en utirisant
notre pouvoir personner, en faisant des choix et en livre et de sa rédaction. Frederic \X/ieder concluit depuis plusieurs
sachant rester
humbles. années un remarquable travail de recherche sur les sujets abordés dans
ce livre et a été d'une aide inestimable pour organiser travaux de recher-
che et idées, avec une patience et une attention aux détails que j'admire.
27 O NÉcoc tÁ'¡roNs JTNJIBLE,T Y t<EMEttCIEtvtENTS 27 I

Il me faur également cirer les apporrs, innombrables, des organisa- Allen, ainsi que Fanita English, Mary Goulding, Muriel James, Fritz
teurs er participants de tous les areliers et programmes de formation Mautsch, Gianpiero Petriglieri, Dènton Roberts, Claude Steiner,
auxquels j'ai pu collaborer. LIMD High performance Leadership pro-
Alice Stevenson, Francisco Szekely et Marijke NØusten.
gram, programme de développement pour dirigeants, a été une source
De mes longues années de psychologue attaché aux services de la
d'idées, d'exemples et d'anecdores parriculièremenr précieux pour police, je souhaite remercier l'ancien préfet de police de Dayton,
écrire ce livre. Je tiens à remercier les coaches, qui travaillent main
James Newy, le sheriff Gary Haines (décédé) du Bureau du sheriff du
dans la main avec moi pour administrer ce programme de niveau Comté de Montgomery et I'ancien préfet de police de Huber Hights
international, pour leurs apports er leurs suggesrions : olle Bovin, (Ohio), Mike d'Amico. Je souhaite également rendre un hommage
sharon Busse, Duncan coombe, Joyce crouch, susan Goldsworthy, tout particulier à cet ami de longue date, collègue et négociateur de
Jean-Pierre Heiniger, Perer Meyers et Andreas Neumann. prises d'otages hors pair que fut Dave Michael, aujourd'hui disparu,
Il y a aussi tous les PDG et les dirigeants exceptionnels des du département de Police de Dayton ; leader d'exception, il incarne
entreprises avec lesquelles j'ai travaillé; lors de mes séminaires le meilleur de la profession. J'ai plus appris de ces hommes excep-
avec eux' je ne savais jamais très bien qui apprenait le plus, eux ou
tionnels qu'ils ne le sauront jamais.
moi. Je tiens à citer ici Joe Forehand, ancien pDG et acruel prési- Lis Pringle, amie et collègue qui travaille à mes côtés depuis
dent d'Accenrure, ainsi que Gill Rider, en charge du leadership à près de trente ans et anime ateliers et programmes de formation,
Accenture, pour m'avoir associé à cette aventure aussi formidable n'a cessé de nourrir mes recherches et mes idées. C'est une psycho-
qu'exigeante qu'est I'Accenture Leadership Development program logue de grand talent et notre collaboration a été riche d'occasions
pour tous leurs parrenaires. Nick schreiber, ancien cEo de Terra d'explorer comment aider des individus malmenés par la vie à
Pack, qui a passé d'innombrables heures avec moi à pirorer les pro- retrouver la liberté et le goût de vivre. Tim Post, mon ami de tou-
grammes à destination des dirigeanrs internationaux du groupe, a jours, m'a aidé de son soutien et de ses encouragements. Lhomme
toujours eu d'excellenres suggesrions d'applications au monde de qui en sait plus que tout autre sur la gratitude, Frère David
I'entreprise. Tous onr été de fervenrs partisans des idées dévelop- Steindl-Rast, mérite un hommage tout particulier ; le connaître et
pées dans ce livre.
avoir bénéficié de son savoir et de ses encouragements est une
ce livre n'exisrerait pas sans la sagesse et l'intelligence de ìØarren chance et un honneur. Sans le soutien de mon frère, Fred Kohlrie-
Bennis, dont le dévouement personnel à ce projet a toujours été une
ser, et de ma belle-sæur Jane Kohlrieser, il me serait tout bonne-
source d'inspiration pour moi. sa connaissance des dirigeants et du
ment impossible de parcourir le monde comme je le fais ; leur
leadership semble sans limite, et je lui suis profondément reconnais-
générosité est infrnie. Merci à Claude Gaw, ma secrétaire à Dayton,
sant pour son soutien et ses suggestions et pour tout ce que j,ai
et à nos amis Antonella Bruschi, Patty Kelmar et Karolina Breiten-
appris de lui à travers ses livres et les dialogues passionnanrs que moser pour leur fidélité et leur présence.
nous avons eus. Participer à la collection qu'il a créée est un honneur
Je souhaite remercier mon éditeur chezJossey-Bass, Neal Maillet,
pour moi. Je remercie également Daniel Goleman, \Øilliam Ur¡ pour son soutien de tous les instants, sa disponibilité et sa patience,
Peter senge et Bill George pour leurs encouragements, la générosité
ainsi que l'équipe de Jeff \üØyneken. Je tiens aussi à exprimer une
avec laquelle ils m'onr fait partager leurs idées et leur fine connais-
reconnaissance toute particulière à Robin Fryer, qui a été mon édi-
sance de certe avenrure coute particulière qu'est la transmission de
trice lorsque j'étais président de I'International Transactional Ana-
son savoir à travers un livre.
lysis Association ; elle m'a généreusement prodigué ses conseils
Je tiens également à remercier rous mes amis et collègues de la éclairés à différents stades de la rédaction de ce livre. Elle fait un tra-
communauté mondiale de I'analyse rransacrionnelle, en particulier le
vail extraordinaire et m'a aldé à comprendre le pouvoir de l'écriture
présidenr de I'International'rransacrional Analysis Association,
Jim et le savoir-faire qu'il y faut.
Z/Z ]\LUULIAI IUNJ JÍ1VJ7¿JLAJ

J'exprime également ma gratitude à tous les négociateurs d'ota-


ges, les pacificateurs er les leaders qui ont participé aux programmes
que j'ai dirigés ; merci à eux rous pour la franchise de leur feed-back Inclêx
qui nous a permis d'apprendre et de progresser ensemble.
Merci, enfin, à mon épouse , Cinzia, pour son amour et sa patience
et pour avoir enduré les longues heures consacrées à la rédaction de
ce livre. Elle est le vent qui gonfle mes ailes.
A Beni oui oui,124
Adams, G., 151 Bennis, V,/.,54
George KOHTRIESER Ahold,98 Berlin, I.,263
Ainsworth, M., 101 Berne, F,., 42, t0, 148, 16,
Alexithymie, 182 Blair, C., 151
American Psychological Boadella, D.,2I9
Association, 1 18 Bolwby, J., 62, 94, 97, I0l, I02,
Analyse transactionn ellre, 42 to6, t82
Andrew, J., T82 Bonheur et choix, 38
Apple, 50 Boyatzis, R.,44,46
Apprentissage permanent, 2t8-26I Brashear, C., 117-118
Arafat, Y., 1t0 Branson, R., 108
A.rieti, S., 81
Armstrong, L.,42-43
c
Arrogance, 125, 2r5 Carroll, L., I89
Attachement, 62,65-69,87 , I02, Carton rouge (jeu.du), 171
t20-r26,207 Carville, J., I33
Authenticité, 164, 206, 2I0, 237 Cerveau reptilien, 17
Autorité Changement , 2t9-260
Et bases de sécurité,47-48 Cherniss, C.,234
Informelle, 207 -210 Choix et liberté, 26L-264
Cialdini, R., 208, 210
Coercition, I45-146
B Co\ère,226
Bases de sécurité, Collins, J., I4O, 216
Défrnition,92-93 Communication et gestion des
Estime de soi et, 98, 100, 106, conflits, I44-I45
TT6-I17 Compétences sociales, 235
Et figures d'autorité, 101 Concessions, I9I, 20I -205
Et négociation, 104 Conñance, I45
Formes de,93,95 En soi, 47
Individus, 98,106-112 Conflit,
Leaders comme, I02, I2I Affronter, I32, I39-I4I
Manque de,Il9-I20 Et bases de sécurité, 131
Négatives, 103 Et efñcacité organisationnelle,
Objectifs, 98,I12-l13 r32
Résilience et,lI7-119 Et lien búsé,132,138
r

Néqoc¡qf¡ons
serì3¡bles
les techniques de négociqtions de prises d'otoges
oppliquées qu mqnqgement

Les négociotions ovec les preneurs d'otoges sont sons


I
oucun doute les plus hosordeuses, celles qui présentent
les enieux les plus lourds. Pourlont elles se résolvent ò
9O% por une issue sotisfoisonte. Voilò pourquoi il est
intéressont d'oller y voir de plus près et de comprendre
i
l'enseignement que les monogers peuvent en tirer.
C'est tout le propos de George Kohlrieser, psychologue,
)

expert en négociotions ovec des preneurs d'otoges et George Kohlrieser est psychologue
de formolion et o trovoillé
I
lui-même pris eir otoge plusieurs fois. Appliquont oux né- comme expert en négociolions
gociotions sensibles des techniques cent fois éprouvées, de prises d'otoges pour lo
il montre ò quelles conditions on peut résoudre un conflit, police oméricoine. ll enseigne le
exercer son influence et, plus lorgement, développer son monogement ò l'lMD de Lousonne
et exerce une octivité de consultont
leodership. en orgonisotion.
Anolysont les ospects fondomentoux d'une relotion posi-
tive, il insiste sur lo copocité ò créer un lien émotionnel
ovec son interlocuteur et ò < mettre le poisson u sur lo
toble : outrement dit, ò occepter et ò intégrer le conflit
dons lo discussion. L'onolyse des pertes et des bénéfices
futurs dessine olors lo perspective d'un compromis.
Touiours cloir et occessible, George Kohlrieser nourrit
son propos d'onecdotes tirées de son expérience pro-
fessionnelle. Et nous livre so conviction : guelle que soit
lo situotion, on peut touiours lo modifier et reprendre lo
moin. Monogement

V
\¡ill¿ge
ISBN : 978-2-7 440-6254-4
6254 0207 29€
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