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sensibles
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George l(ohlrieser
Négociations
sensibles
Les techniques cle nêgociation
cle prises cl'otages appliquées
au management
l?H/ q-1j16-
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Tracluit de I'anglais (États-Unis) par
Émily Borgeaucl
Village
Nkrnclial
\
B IBLIOTHÈQUE CANTONALE
ET UNIVERSITAIRE
0 tr SEP. 2007
LAUSANNE-RIPONNE
Aaant-þropos 1
Préfaæ t
1. Otages ? 1.3
Contrôler notre cerveau est essentiel L7
Le poison de l'impuissance L9
Le syndrome de Stockholm et la mentalité d'otage 24
L'antidote : la formation de liens 28
Résumé 3T
3. Le cycle du lien 57
Le cycle du lien 60
A.ttachement et formation de liens 6t
Séparation et deuil 69
Les huit stades du deuil 7I
Les sept manifestations du lien brisé 79
Lien et changement 87
Résumé 88
VIII NÉcoctATtoNss¿Nslr¿zs SOMI\IAIRE IX
limites, les freins ou les obstacles. Cela étant, nous passons tous par obstacles et de se comporter en gagnants - et non d'être pris en
des moments cl'enthousiasme formidable et de profond abattement. otage. George nous en livre l'une des clés : les managers peuvent
À -on avis, ce sont ces derniers qui distinguent les grancls leaders aider ceux qui les entourent à adopter le bon état d'esprit et à mettre
des autres. Ceux qui triomphent des temps diffrciles sont ceux qui leur énergie au service de ce qu'ils veulent être.
prennent Ia ÉaIité à bras le corps, refusant d'être des victimes. Les anecdotes qu'il nous narre nous rappellent que nolls ne som-
Cette façon de penser, pourquoi le nier, m'a profondément mes pas victimes des circonstances ; nous avons le pouvoir de réagir.
influencé. Les leaders ont le pollvoir de motiver et d'inspirer ceux qui Nos actions détermineront toujours le résultat. C'est ce qui fait toute
les entourent à accomplir des choses extraordinaires. S'il est une qua- la différence.
lité qui définit le manager d'exception, c'est l'optimisme, la convic- Ce livre constitue une précieuse contribution au développement
tion que ( c'est possible ". Il s'agit à mon sens d'un élément clé pour du leadership et au monde de I'entreprise en général. Je tiens à
s'affranchir de toute mentalité d'otage. Nous avons le pouvoir de ne remercier George de permettre ainsi au plus grand nombre d'accéder
pas être victime, ni prisonnier des événements, des autres ou de à ses expériences. Ses idées et ses méthodes ont réellement quelque
nous-mêmes. chose à apporter aux individus et aux organisations qui souhaitent
La façon dont George envisage la résolution de conflits est un atteindre leur plein potentiel. Ce livre vous donnera envie de voir et
autre domaine de découverte et de surprise pour nos collaborateurs. d'agir encore plus loin.
Les leaders doivent ( mettre le poisson
sur la table >), pour reprendre Avnl 2006
\M FOREHAND,
son expression : reconnaître I'existence d'un problème ou d'une diffr- Joe
culté et ne pas craindre d'engager le dialogue avec honnêteté et res- président d'Accenture
pect mutuel, au lieu cle tergiverser ou de temporiser.
Nombre de managers ont du mal à développer ce comportement,
mais peut-être ne faut-il pas s'en étonner. George les aide en les inci-
tant à envisager le dialogue comme un moyen de parvenir à une plus
grande vérité. Nous sommes tous d'accord pour dire que les leaders
doivent maîtriser I'art de l'écoute et du dialogue. George montre
néanmoins que les managefs peuvent entraver le processus sans
même s'en rendre corqpte ou devenir otages lorsque d'autres refi-rsent
l'échange ou le bloqr-rent. C'est là un point fonclamental, car le dialo-
gue et la résoh¡tion de conflits sont deux des clés de la performance
des équipes et de l'engagement des individus.
Les thèmes développés dans ce livre font écho à I'une de nos convic-
tions chez Accenture : les organisations les plus performantes possè-
dent des leaders exceptionnels clui savent obtenir le meilleur de leurs
équipes. Elles sont également dotées d'une ,, alchimie secrète >, eui
est l'essence de I'entreprise et de ses collaborateurs et qui ne peut pas
être copiée par ses concurrents.
Je pense que George ne réfuterait pas ce point de u.,.. À ses yeux,
le premier cléfi d'une organisation, quelle qu'elle soit, est de parvenir
à insuffler à ses collaborateurs la volonté d'agir, de voir par-delà les
I Préface
organisations que je suis aujourd'hui, qu'elles l'ont été pour les pas et je voulais quitter le séminaire. J'étais devenu otage de mes
activités qui ont jalonné ma carrière : psychologue clinicien, PSY- sentiments conflictuels vis-à-vis de la prêtrise. J'ai alors eu la chance
chologue travaillant pour la police, négociateur de prises d'otages, de rencontrer un homme extraordinaire, le Père EdwardMaziarz,à
psychologue organisationnel et même animateur d'un talk-show qui j'ouvris mon cæLlr. Lors d'une discussion qui allait changer le
radiophonique. Car point n'est besoin d'avoir une arme pointée sur cours de ma vie, il m'a regardé droit dans les yeux et, avec la sagesse
la tempe pour être otage. Impuissance, sentiment d'être pris au que confèrent les ans, il m'a dit : George, tu es libre. Tu as le droit
"
piège : chaque jour, nous sommes confrontés à des situations qui, si de choisir ce que tu veux faire. o Ce fut comme un éclair venu du
nous n'y prenons pas garde, sont susceptibles de faire de nous des ciel, qui changea à jamais ma destinée. Ses mots pénétrèrent au plus
< otages métaphoriques ). profond de mon âme et dans le silence qui suivit, mon esprit
À trarrers ce livre, j'ai souhaité vous faire partager ce que j'ai s'ouvrit à cette vérité fondamentale. Éclatant en sanglots de soula-
appris en négociant avec des preneurs d'otages, afin que vous I'appli- gement, je lui demandai de répéter ces mots merveilleux. Ils ouvri-
quiez à des situations qui menacent de faire de vous un otage ,, méta- rent Ia porte de la prison que j'avais moi-même créée. En cet
phorique > de vorre vie. Chaque fois que vous vous sentez pris au instant, j'ai touché une des vérités essentielles de la vie - ce que
piège, impuissant et désarmé, vous êtes de fait un ( otage ". Si ce \Øarren Bennis nomme le ,, creuset du leadership -, ces instants
',
livre s'adresse plus particulièrement aux managers dans les entrepri- déterminants qui mettent douloureusement à l'épreuve patience et
ses, il ne leur est pas réservé et sera utile à bien d'autres publics. convictions, épreuves qui influencent, forment et changent la vie
Tout au long de ma vie, j'ai croisé de nombreux individus prison- d'un individu pour toujours. J'avais alors vingt-et-un ans. Une
niers des autres, de situations, voire de leurs propres émotions. Ils ne année encore me fut nécessaire pour achever le processus qui me fit
s'en rendaient pas compte, mais ils se comportaient en otages, alors quitter le séminaire.
même qu'ils avaient le pouvoir d'agir pour dénouer la situation. J'ai En repensant à cette époque, je me suis rendu compte que, pri-
également rencontré des personnes qui auraient facilement pu être sonnier de mes sentiments, j'étais resté dans cette situarion bien
( prises en otages > par d'alttres ou par des situations et qui pourtant longtemps après que l'heure de partir avait sonné. Renoncer à ce qui
ne l'étaient pas. Ces expériences m'ont convaincu que la métaphore était devenu mon quotidien, ainsi qu'aux avantages et à la sécurité
de I'otage peut expliquer bien des comportements et que les techni- qui allaient avec, était une souffrance et j'en étais devenu otage.
qlles utilisées par les négociateurs professionnels peuvent s'appliquer J'étais triste aussi de décevoir mes attentes et celles des autres. Je
à nombre de situations de la vie quotidienne. serai éternellement reconnaissant au Père Ed, dont les mots ont
Ce cheminement intellectuel est indissociable de l'histoire de ma déclenché un choc salutaire dans mon cervealr et influencé l'æil de
vie. Je suis né dans une famille de cinq enfants, dans une ferme de mon esprit, me permettant ainsi de voir les choses aurrernent. Le
l'Ohio. Mes parents cultivaient les terres qu'ils possédaient et Père Ed incarne également un autre concept que vous découvrirez
avaient également un élevage de volailles. J'étais le fils aîné et ce fut dans ce livre, celui des bases de sécurité : les points d'ancrage et de
un grand honneur pour moi d'entrer au séminaire à l'âge de treize soutien que nous avons dans la vie, sous la forme d'individus ou de
ans, dans I'objectif de devenir prêtre. Si elle me priva d'une ado- buts, et qr-ri sont des sources primordiales d'énergie et de force. Nous
lescence o normale >, cette expérience m'apporta énormément: y reviendrons,
apprentissage de Ia vie en communauté ; périodes d'études intenses, Tout en terminant mes études de psychologie, je travaillais dans
de formation et de jeux ; formation des valeurs et du caractère ; et un programme parrainé par le gouvernement fédéral, le premier à
découverte de la méditation et de la spiritualité. Mais au bout de mettre des psychologues sur le terrain, dans la rlle, allx côtés des poli-
huit ans, ce qui avait étê une expérience positive se mlla en calvaire, ciers. Son objectif était de réduire le nombre d'homicides dans les
parce que je refusais d'affronter la vérité:cette vie ne me convenait situations de violences conjugales, en âpportant une aide immédiate
8 N É,c;oc t ¡l' toNs s¿Ns1¿L¡.t
Y- tnÉnacr )
aux couples en détresse. Notre rôle érait d'intervenir alr moment je savais déjà tout ce que l'on pouvait accomplir, à condition d'établir
même de la crise et d'orienter les individus les plus violenrs, ainsi qure le bon contact avec I'autre. J'ai alors découvert que la même chose
les victimes les plus vulnérables vers les services d'accompagnement était possible avec des incliviclus affectés de troubles menraux graves.
psychologique du système de santé local. Je dois à un merveilleux Je serai toujours reconnaissant au Dr Carl Rogers, qui m'a personnel-
psychologue, le Dr John Davis, d'y avoir parricipé. Lorsque je lui ai lement aidé à comprendre Ie pouvoir du " regard positif incondition-
demandé pourquoi il avait pensé à moi pour ce projet, il m'a nel o - un élément essentiel pour la formation de liens aurhenriques.
répondu : ,. Tu es une des rares personnes que je connaisse à aimer ce Lui-même était convaincu de l'importance de ce concept pour rour
genre de défrs. Affronter des individus violents er essayer de les aider être humain, indépendamment des circonstances.
ne te fait pas peur. Tu en as les compétences et je sais aussi que, quoi Au fil du temps, mes activités se sont élargies au moncle de
qu'il advienne dans la rue, ru as Ia résilience pour y survivre. J'ai été I'entreprise et à la formation des dirigeants. Le dialogue er Ia résolu-
"
honoré par sa confiance. Je n'ai jamais porré d'arme, bien que I'on tion de conflits, qui étaient au cæur de mon travail dans l'univers
m'ait encouragéà le faire. Je savais que les mors étaient ma meilleure clinique, ont trouvé là un nouveau domaine d'application aussi fer-
arme : parler, écouter, établir le dialogue et négocier. tile qr-re passionnant. Tout manager ne doit-il pas être capable cl'inte-
Pendant la période où j'ai travalllé pour ce proÉÌramme, |ai été ragft efficacement avec autrui ? Face à des individus, des équipes ou
pris quatre fois en otage : une fois dans la salle des urgences d'un des organisations paralysées, manquant d'autonomie ou prisonnières
hôpital et trois fois chez des particuliers, lors de conflits conjugaux. de conflits internes olr externes, la métaphore de l'otage a fait sauter
Ces expériences m'ont convaincu de la puissance de la métaphore de bien des verrous, Ia résolution venant toujours lorsque le por-rvoir
I'otage. Chacun a le pouvoir de ne jamais être un otage métapho- individuel, de l'équipe ou de l'organisation permertait de briser la
rique, ainsi que d'influencer er de persuader les autres de faire des mentalité d'ota¿¡e, afrn d'établir un état d'esprit de choix et de
choix constructifs, même dans des états émotionnels extrêmes. liberté.
En I972,le chef de Ia police m'a demandé de donner des cours à J'ai animé des ateliers, fait des présentations et donné des confé-
I'Académie de police de Dayron, dans le cadre de programmes pour rences à des managers dans de nombreuses organisations, aux qua-
le développement du leadership des policiers, et de participer à la tre coins du monde. Encore et encore, j'ai observé que même les
création de deux équipes de négociateurs de prises d'otages - Lrne managers et les dirigeants < à haut potentiel > peuvenr accomplir
pour la police de la ville de Dayton et I'aurre pour le Bureau du des progrès considérables lorsqu'ils comprennent ce l¡esoin fonda-
sheriff cÌu Comté de Montgomery. Depuis lors, er au cours des mental qu'ont les êtres humains de s'attacher à d'autres, de vivre
trente-cinq dernières années, la négociation appliquée aux prises ces liens et, I'heure venlre, cl'en faire leur der-ril. C'est sur ce besoin
d'otages est alr ctrur de mes activités : négociations sur le terrain, que s'appuient les négociateurs pour amener les preneurs d'otages à
formations et clébriefing d'intervenrions aux quarre coins du monde. Iibérer leurs victimes.
Dans le même temps, j'ai travalllé dans un hôpital psychiatrique, Les anecdotes que j'ai retenues pour illustrer les idées présentées
où j'enseignais à des spécialisres des maladies menrales comment dans ce livre narrent des situations souvent extrêmes, de prises d'ota-
travailler avec des schizophrènes chroniques. Ayant éré témoin des ges notamment. J'ai en effet observé que par leur immédiateté émo-
traitements proprement inhumains infligés aux parienrs, je me suis tionnelle, elles permettent de mieux comprendre les ressorts de
investi dans r-rne initiative de changement, visant à transformer la I'action humaine. Je pense que vous clécouvrirez que vous pouvez
façon dont le personnel des hôpitaux psychiatriques se comportait facilement appliquer ces idées à votre propre travail et à votre propre
avec les patients : renoncer à la coercition et à I'isolement, au profit vie.
du concept de formation de liens avec des individus orages des rrou- Toutes les histoires réunies dans ce livre sont tirées de faits réels.
bles psychiatriques les plus graves. De par mon travail avec la police, Elles sont empruntées à mes propres expériences - en tant que
I 0 Ni,GocttrttlNS.t¿NJtll/-¿,t PtÌi.t,t\cu, I I
négociateur ou auprès cles clirigeants et managers d'entreprises - olr sur la formation de l'æil cle l'esprit, en noLts apprenant en particulier à
ont été vécues par des collègues ou rapportées par les médias. À affronter les aspects pénibles de la vie.
l'exception des événements ayant reçu Llne couvertLrfe médiatique, Ar-r fil cle ces paÉîes, nous explorerons des compétences et des tech-
les noms ont été modifiés, afin de protéger I'identité des personnes niques qui peuvent aider à résoudre les conflits, même si la plupart
impliquées. cles indiviclus craignent naturellement d'avoir à les affronter. Com-
Pouvons-nolls comprendre ce que cela signifie que d'être pris en prendre l'æil de l'esprit et les bases de sécurité, leur rôle et leur fonc-
otage ? Et que ressent-on lorsqu'on est otage alr sens métaphorique tionnement, est Lln préalable indispensable. On oublie trop souvent
- otage dans sa tête ? Si nolrs comprenons comment fonctionne qr,re le dialogue est le premier ìnstrument de la résolution de conflits.
I'esprit, et le pouvoir formidable que nous avons cl'être maîtres du Un dialogue authentique, s'entend, entre individus au crrur et à
sens de notre vie, noLrs pourrons apprendre à nous libérer des entra- l'esprit ouverts. La négociation est une extension du dialogue. Nous
ves et des " chaînes > mentales qui nous empêchent cl'atteindre examinerons le pouvoir de la négociation, fait d'influence et de per-
notre plein potentiel. Ce faisant, nolrs polufons tous devenir de suasion, et sa capacité à changer le cours de processus destrr¡ctenrs.
meilleurs dirigeants, de meilleurs managers, de meilleurs collabo- LeDalaliLama a dit que la guerre était une idée démodée. Et si nor-rs
ratelrrs - et des êtres meilleurs. avions recours au pouvoir de l'échange, du dialogue et de la négocia-
Les chapitres de ce livre vous invitent à un voyage, qui vous tion pour résoudre les différends ?
conduira en un lieu oùr vous pourrez vivre et travailler en tolrte liberté Comprendre le fonctionnement de nos émotions est un aspect
d'esprit. Il convient tout d'abord de préciser ce que j'entencls par essentiel cle la conscience de soi, qui est notre meilleur rempart
(aux environs de 1275),
< otage
". Le mot est dérivé clu vieux français contre toute prise d'otages métaphoriqlre, garante de notre liberté de
où il désigne Llne personne retenlre comme garantie de l'exécution décider et d'agir. De la façon dont nous maîtrisons nos émotions
d'une promesse, d'un traité, etc. Par exemple, un propriétaire rete- clépend l'ampleur de nos souffrances et de nos joies. Beaucor-rp d'indi-
nant Lrn locataire poLlr garantir le paiement d'un loyer ou d'autres vidus vivent des pertes douloureuses et parviennent pourtant à
services. Lutilisation du mot lttrge en relation avec des actions ter- retrollver la joie de vivre. En étant maîtres de nous-mêmes, nous
roristes est quant à elle beaucoup plus récente, puisqu'elle remonte limitons la probabilité d'être un jour otages de nous-mêmes ou des
aux années 1970. Enfin, all sens frguré et métaphorique, nous nous autres. Si nous polrvons connaître et comprendre les valeurs et les
exposons chaque jor-rr à être pris en otage par nolls-mêmes ou les croyances qui façonnent notre pensée, reconnaître et respecter la
aLrtfes. dignité intrinsèque de I'individu, nolrs pourrons noLls comporter en
Pour dépasser cet état d'esprit d'otage métaphorique, il est individr-rs libres... même entre les mains cle r¿rvisseurs.
important de comptendre le concept de " l'æil de l'esprit > et en Lessence des idées réunies dans ce livre renvoie à cette alchirnie
quoi ceh,ri-ci détermine notre façon cle penser, d'orienter nos efforts complexe qui fait un individu à part entière et à ce clue j'en ai appris
et d'obtenir des résultats. Nor-rs clevons également analyser le formi- en tant que mari, père, ami, leader et professeur. Les concepts cen-
dable pouvoir du cycle du lien - nouer des liens d'attachement, les traux décrits ici sont pareils aux pièces d'un puzzle. Qu'une seule
vivre, se séparer, pleurer la perte et se rapprocher à nolrveau - et vienne à manquer et I'indiviclu risque de se cclmporter en otage,
découvrir comment se forme l'æil de l'esprit. Nous devons compren- impuissant et pris au piège, empêché par là même de réaliser son
dre qu'il est fondamental de vivre et cle surmonter le chagrin qui plein potentiel. En revanche, lorsque toLrtes les pièces du puzzle
résulte de la perte de liens et d'attachements. Continuer à vivre exige s'imbriquent, elles créent l'image merveilleuse d'un lieu où l'indi-
de savoir faire notre deuil de ce qui est perdu. vidn é¡rrouve un réel sentiment de liberté et cle satisfaction et peut
Il existe certaines formes de liens et d'attachements différents des apprer-rdre à vivre une vie dont il est le maître. ïrut leacler doit
autres : nos < bases de sécurité Elles ont Lrne influence déterminante s'atteler à cette tâ.che et incarner cette liberté consciente et sereine.
".
12 NÉGocIA noN.ç.ç¿N.ç/rJl.rs
Le 21" siècle s'est ouvert sur des phénomènes aussi inquiétants que
déstabilisants : montée du terrorisme, regain du fanatisme politique
et religieux, multiplication des catastrophes naturelles, vraisembla-
blement provoquées ou renforcées par les changements climatiques,
Cha 4 tre
sans oublier la marche en avant de la mondialisation. Nous ne pour-
rons pas affronter ces phénomènes, et les tensions qu'ils suscitent, si
nous sommes incapables de gérer nos émotions. Car c'est à cette
condition que nous pourrons continuer à croire en la vie. Mon væu, et
aussi ma mission, est qu'un jour, femmes, hommes et enfants de tous OTAGES ?
pays puissent vivre libres de tout joug et apprécier le plus précieux
des cadeaux - la joie d'être vivant. J'espère que la lecture de cet
ouvrage sera bien plus qu'un exercice intellectuel pour vous. En fran-
chissant le seuil d'un dialogue arrec moi et avec vous-même, j'espère
que vous vivrez une expérience émotionnelle qui stimulera votre Une petite fille de neuf ans passait ses vacances chez ses grands-parents,
cæuf, votfe esprit et votre âme pour vous conduire vers de nouveaux dans le Kansas. Le grand-père étant absent, elle dormait avec sa grand-
horizons dans votre vie personnelle et professionnelle. mère. Une nuit, elle se réveilla en sursaut, pour découvrir sa vieille grand-
mère assise dans son lit, un homme penché sur elle, dégoulinant de pluie
Dans un grain de sable aoir an monde, et brandissant une matraque en bois, prêt à frapper. Terrorisée, la petite
fille était sur le point de pousser un hurlement lorsque sa grand-mère lui
Er dans chaqae fl.eur da chamþs le Paradis,
prit la main. L'enfant se calma instantanément. La grand-mère s'adressa
Faire renir I'infini dans lø þaunte de la main,
alors à I'homme en ces termes : r Je suis contente que vous ayez trouvé
Et /'iterniti dans une heure,
notre maison. Vous êtes venu au bon endroit. Soyez le bienvenu chez
Augaries of Innocence, nous. Ce n'est pas une nuit à rester dehors. Vous devez avoir froid et faim.
\Øilliam BLAKE Prenez donc le bout de bois que vous avez là et rallumez les braises de la
cuisinière. Pendant ce temps, je vais m'habiller, puis je vous trouverai des
vêtements secs, je vous préparerai un bon repas chaud et nous vous ins-
tallerons de quoi dormir derrière la cuisinière, au chaud. r Elle se tut et
attendit calmement. Après un long silence, I'homme abaissa sa matraque
et dit :r Je ne vous ferai pas de mal. r La grand-mère le rejoignit ensuite
dans la cuisine et lui prépara à dîner, lui donna des vêtements secs et lui
improvisa une couche derrière la cuisinière. Après quoi, elle retourna se
coucher et elle et sa petite-fille se rendormirent.0uand elles se réveillè-
rent le lendemain matin, l'homme était parti.
Vers 10 heures, la police arriva avec une unité canine quiavait suivi la
trace de I'homme jusqu'à la maison. Les policiers furent abasourdis de
retrouver la grand-mère et sa petite-fille en vie. L'homme, un meurtrier
psychopathe, s'était évadé de prison la nuit précédente et avait sauvage-
ment assassiné leurs voisins les plus proches.
l4 NÉ,cocttrnNs.rüNsrBL¿.t
l- trracrs t L5
Cette incroyable grand-mère a créé de tels liens émotionnels avec parent indigne. Pendant tout le voyage, vous êtes abattu, et
I'intrus qr,r'il n'a pas pu la tuer. Elle l'a traité avec une gentillesse et même déprimé.
un respect qui I'ont désarmé - au propre comme au figuré. Le fait est u Vous croisez un collègue et vous lui dites bonjour, mais il ne vous
que l'être humain ne tlre pas d'autres êtres humains ; il tue des cho- répond pas. Votre ressentiment à son égard dégénère en ressen-
ses oll des objets. timent contre votre travail et l'entreprise. Vous déversez votre
.l Cette histoire est tirée du livre de Joseph Chilton Pearce, Magical ameftume sur votfe entourage. Et bientôt, volrs vous dites : De
"
Childr. Songez-y. Que feriez-vous si on vous prenait en otage ? Vous toute façon, personne n'en a rien à faire des autres, ici. o
voici prisonnier, une arme pointée sur vous. Comment Éagiúez-
Être furieux à cause de quelqu'un, des encombrements, d'une
vous ? Qu'éprouveriez-vous ? Que feriez-vous ? Que diriez-vous à
valise égarée, d'un emploi perdu, dr-r retard d'r-rn avion ou même de la
vos ravisseurs ?
météo, c'est se laisser prendre en otage. Combien d'entre nous alrto-
Fort heureusement, la probabilité d'être victime d'une vraie prise
risent, sans s'en rendre compte, des événements extérieurs à contrôler
d'otages est infime. Mais un autre danger nous guette, celui d'être
leur vie ? Avez-vous déjà été contrarié parce que vos vacances étaient
pris métaphoriquement en otage par des supérieurs, des collègues,
gâchées par le mauvais temps ? Lattitude négative d'un collègue
des clients, des membres de notre famille ou plus largement, ror-rre
vous a-t-elle déjà plongé dans la mauvaise humeur ? Avez-vous déjà
personne ou presque avec laquelle nous interagissons. Nous poLrvons
dit à quelqlr'un : ,, Tu me mets hors de moi ! " ? Si oui, vous vous
également devenir otages d'événements ou de circonstances surve-
êtes laissé prendre en otage.
nant dans notre vie, et même otages de nous-mêmes, de notre état
Nombre de managers avec lesquels je travaille ont une intel-
d'esprit, de nos émotions et de nos habitudes. Même méraphorique,
ligence élevée (QI) et n'ont pourtant qu'un sens limité de l'intelli-
la prise d'otages n'a rien de réjouissant : I'individu se sent menacé,
gence émotionnelle (IE). Ils s'intéressent aux faits, aux chiffres et aux
manipulé et persécuté.
détails au détriment des émotions, des sentiments et des motivations
Voici quelques exemples de siruations quoridiennes, dans lesquelles
de leurs collègues. La façon que l'on a dans les entreprises d'opposer
les individus se laissent prendre en orages.
le concret et ,, le reste > sous-entend d'une certaine manière que les
.: Volrs êtes au volant de votre voiture, en route vers le bureau, et un données sont réelles et solides, alors que les émotions sont moins
autre alrtomobiliste vous coupe la route. Vous voilà instantané- importantes et de peu de pouvoir. J'ai pu observer des leaders trop
ment en colère contre Ie " taré ) qui esr dans l'autre véhicule. Ce autoritaires infliger une souffrance indicible à leurs collaborateurs à
sentiment peut subsister, vous maintenant dans un état d'esprit travers leur besoin de contrôler les individus et les situations. Mais
négatif une bonne parrie de la journée. les salariés aussi peuvent prenclre leurs supérieurs en otage, transfor-
+ Votre supérieur vous crìtique et vous ripostez en vous défendant, mant le travail en calvaire et entravant la réussite.
voire en l'agressant, empirant du même coup Ia situation. Le Lesprit cle compétition qui anime fréquemment les dirigeants et
conflit reste présent dans votre esprit et Ia méfiance s'installe les managers pelrt les conduire à se comporter en concurrents de
entre lui et volrs. ler-rrs propres collaborateurs et des autres équipes, au lieu de colla-
ç. Vous partez en voyage d'affaires et votre départ provoque des tor- borer avec eux. Lorsque c'est Ie cas, les problèmes sont rarement
rents de larmes chez votre enfant. Vous passez la porte de votre abordés et les conflits perdurent, créant une atmosphère de malaise et
maison en courant, rongé par la culpabilicé et en vous traitant de d'hostilité, voire de peur.
Les dirigeants se méprennent souvent sur Ie rôle du pouvoir dans
le leadership. Comme ils sont incapables d'affronter leurs propres
l . Joseph Chilton Pearce, Magical Child : ¡¡¿¡li¡¡¡¡1terìng Natlre's Plan for Oar peurs ou préoccupations, ils recourent au pouvoir, au contrôle et à
C hi ldren, Dutton, I 977.
r 16 NÉco<;t¡T70NJ JrNsl¿i-¡.t
fessionnel afin d'éviter les conversations difficiles. On sait pourranr utiliser son pouvoir à mauvais escient pendant que, de l'autre, la per-
que le dialo¿¡ue, l'échange ouvert et franc, sont indispensables pour sonne placée sous cette autorité en épror-rve Lrne crainte excessive. La
créer un environnement favorable, dans lequel les individus er les question est : pourquoi tant d'individus supporrenr-ils des situarions
équipes peuvent clonner leur plein potentiel et contribuer de manière qui les rendent malheureux 7 Pourquoi laissent-ils perdurer des rela-
positive et durable aux bons résultats de l'entreprise. C'est au leader tions insatisfaisantes, voire néfastes, qLre ce soit avec Lln conjoint, des
qu'il appartient, pour partie, de créer ce climat de confiance, en fédé- collègues, un supérieur ou Lln ami ? Les raisons en sonr complexes
rant plutôt qu'en divisant. Mettre les instincts de compétition indi- mais, pour I'essentiel, certe atirude s'expliqr-re par le fait qu'ils ont
viduels au service de Ia volonté d'atteindre un but commLln peut perdu Ia capacité à contrôler leur cerveau ponr envisager d'autres
faire éclore le meilleur dans toute équipe. options et utiliser leur pouvoir personnel pour agir en conséquence.
Les véritables leaders apprennent à gérer leur esprit de compé-
tition et découvrent que, paradoxalement, en aidant les autres à Contrôler notre cerveau est essentiel
progresser et à se développer, ils réussissent mieux que lorsqu'ils ne
Selon le neurologue Paul Maclean, le cerveau humain se compose de
s'intéressent qu'à eux-mêmes.
trois cerveaux distincts, bien qu'interconnectés2 : le cerveau reptilien,
Le dictionnaire Larousse définit un otage comme < une personne
le système limbique (égalemenr appelé cerveau paléo-mammalien) et
dont on s'empare et qu'on utilise comme moyen de pression contre le néocortex.
quelqu'un, .rn Étut, pour l'amener à céder à ses exigences r. Dans Au niveau le plus élémentaire, le cerveau humain est . câblé ,
I'entreprise, il peut arriver que les managers et/ou le personnel aient pour l'attaque ou la défense. Ce réflexe fuir ou se bamre , esr
le sentiment d'être cles otages, pris sous le feu croisé de leur supé- "
contrôlé par notre cerveau reptilien er non par la parrie rationnelle
rieur, cles clients et de leurs collègues. Un chef d'entreprise qui doit,
du cerveau. Le cerveau reptilien a une unique préoccupation : la sur-
par exemple, licencier vingt-cinq collaborateurs peur devenir otage
vie. Il ne pense pas en termes abstraits et ne ressent pas non plus
de ses propres émotions et de la sor-rffrance qu'il éprouve face à d'émotions complexes. Il est responsable de pulsions élémentaires :
l'action qu'il doit accomplir. Laccessibilité sans limire créée par la la lutte, la fuite, lafaim ou la peur. Il est en outre non verbal, c'est-
technologie peut empiéter sur la vie familiale er personnelle, an à-dire qu'il fonctionne puremenr sur Ia base de réactions à des sti-
point que les individus se sentent otages de leur travatl, infligeant muli viscéraux. Il est rempli de réactions programmées et répètera
une souffrance profonde aux autres et à eux-mêmes. Les dirigeants les mêmes comportements encore et encore, sans jamais apprendre
confrontés à des équipes clémotivées ou à des collègues cyniques peu-
des erreurs passées. Il est roujours actif, y compris durant le som-
vent commencer à douter de la valeur de leur travail. Ils deviennenr meil ; c'est la partie du cerveau qui est en permanence aux aguets.
otages du manquc dc motivation de lcurs équipes et du cynisme de
On l'appelle le cerveau reptilien, parce qlle son anaromie élémentaire
leurs collègues.
se retrouve chez les reptiles.
Si la probabilité de se retroLrver pour de bon avec un revolver bra-
Le système limbique est le cerveall qlre nous parrageons avec les
qué sur la tempe est helrreusement mince, le vrai problème est ailleurs,
autres mammifères ; il rraite les émorions et les sentimenrs. Dans ce
dans ce nombre infini cle situations dans lesquelles nous nous sentons
système, tout esr soit désagréable, soit agréable et la survie dépend
contrôlés, agressés et obligés cle riposter. Elles peuvent en effet dégéné-
de l'évitement de la douleur et de la répétition du plaisir. Le système
rer et se refermer sllr nous comme les mâchoires d'un piège.
Le sentiment d'être pris en orage esr particulièrement manifeste
cìans les relations interpersonnelles lorsque le pouvoir, I'autorité ou la 2. Paul Maclean, TheTriwte Braìn ìn Euollrion,Planum Press, 1990.
r 18 NÉ,GoctAl'roNS.!rNJ'11J1-/j.t
dant si les idées de ce dernier sonr bonnes o' mauvaises. Il s'exprime clans des rages folles aux qlratre coins du monde, le plus solrvent à
exclusivement sous la forme d'émotions. coups de mots et d'émotions, et non de violence physiclue. Lorsque sa
Le néocortex est la partie du cerveau que nous partaéleons avec les conduite est guidée par les réactions primitives clu cerveaLr, l'indi-
singes supérieurs (chimpanzés, gorilles er orangs-ourangs, par exem-
vidu per-rt reproduire les mêmes schémas et connaître les mêmes pro-
ple), bien que le nôtre soit plr-rs sophistiqué. C'est là que nous rrai- blèmes à I'infrni. Toutefois, en Lrtilisant le néocortex, il est possible
tons la pensée abstraite, le langage, les symboles, la logique et le de surmonter les émotions qr.ri nous prennent en otaÉîes et de choisir
temps. Maclean dit de ce cerveau qu'il est ,, la mère de I'invention er d'interpréter différemment Lrne situation, au lieu cle se soumettre à
le père de la pensée abstraite ,1. Tous les animaux possèdent un néo- un schéma défini qui répète une situation négative. Nous pouvons
cortex, mais il est plus perir que le nôtre. Par exemple, un rar privé apprendre à gérer nos émotions et à maîtriser leur libération. Lorsque
de néocortex peut se comporter de manière à pe'près normale, alors vous perdez votre valise à l'aéroport, au lieu d'incendier Ia personne
qu'un être humain serait dans un état végétatif . Le néocortex com- qui se trouve au comptoir des bagages, il est préférable de contrôler
porte deux hémisphères, le droit et le gauche, que I'on appelle cer- votre colère et de travailler avec elle por-rr retrolrver votre valise.
veau droit er cervealr gauche. La moitié gauche du néocortex contrôle
le côté droit du corps et uice uersa.. Le cerveau gauche est davanrage
rationnel et verbal, alors que le droit est spatial et aruistique. Le poison de I'impuissance
Nous pouvons être pris en otage par le mécanisme de survie dans le Épro,-ruer un sentiment d'impuissance est l'un des premiers signes
cerveau reptilien oLr par les émotions dans le système limbique. Nous que l'on est pris en otage. Le poison de l'impuissance conduit l'indi-
succombons alors à ce que Daniel Goleman appelle un .. dérour- vidu à se sentir vr"rlnérable, pris au piège et crée un cycle qui incluit
nement par l'amygdale,,4. (Lamygclale esr Lrne petire scrucrure du une interprétacion négative pefmanente de la réalité.
cerveau qui fair partie du système limbique. Voir également le Cha- Quels mots, quelles phrases emploie I'individu qui se sent otage ?
pitre B.) Confronté à une situation, l'individu réagit de manière dis- n'ai pas le choix.
proportionnée, impulsive et instinctive, produisanr un résultar négatif . " Je "
r " Je suis pris au piège. "
Le néocortex peut l'emporcer sur les émotions des deux autres cer- m'en veux. o
veaux, nous offrant ainsi la possibilité de choisir de <Ievenir oll non " Je
,, J'ai horreur de ça.
otage de réactions émorionnelles auromariques. " "
', ,, Encore une journée pourrie ! "
Il existe en américain une locurion imagée pour dire . piquer une
crise o : going posral Ces phrases s'apparentent à Lrne conversation négative avec sol-
" ". Elle désigne une siruation dans laquelre le
système limbique prend le clessus, avec des conséquences graves. même, émanant de notre univers intérier-rr. Le discor"rrs que nous
Lexpression est enrrée dans Ia langue américaine en référence à un tenons dans notre tête peut soìt nous maintenir dans notre condition
employé des postes qui, après avoir été renvoyé, esr rerourné dans le d'otage, soit nous aider à la contrôler. Lindividu a le sentiment d'être
bureau cle poste oùr il travaillait et a tué plusieurs collègues à coups contraint de faire une chose qr-r'il n'a pas envie de faire, sentiment
qui se mlre en attitLrde négative. Les mots que noLrs employons sont
révélater-rrs du poison qui gangrène notre état d'esprit. La mentalité
3. Maclean, TheTritne Brain in Eaolttion. d'otage se concentre sur le négatif : . Tu n'y arriveras jamais, tu ne
4. Daniel Goleman, Working uith El¿otional Intelligence. Banram, 199tì, peux rien faire, tu n'obtiendras jamais ce que tu vellx >), noLrs
pp.37t-376. ressasse-t-elle obstinément. Il est intéressant de noter que les travaux
20 N Éço<: t trn¡Ns.çËNs1lJ¿¿.t
rtracrs ¿ 2l
du linguiste Robem Schrauf monrrenr que, indépendamment
les compétences pour gétet efÊ,cacement de telles
variables comme la culture ou l,âge, l,être de
.onîaissances ou
humain u beu.r.oup plus techniqr.res de négociation utilisées dans les prises
de mots pour exprimer les émotiàns négarives ]iruurionr, et
-å
les
que positives. Da¡g à leur apprendre'
des études porrant suf tfente-sepr lungr,"s, orugrt ont beatrcoup
les chercheufs ont identi- notts I'avons vu avec James et Mar¡ si quelqu'un provo-
fié sept mots qui servent à exprimer dà émotions Cornrne
ayanr le même sens une r.éaction, alors que nous ne sommes pas en contrôle,
dans ces différenres langues: joie, peur, colère, que en nous
rrisresse, dégoût, aisément devenir des otages métaphoriques. Le lien est
honre et culpabilité. Sur ces sept no.r, poouons
-orr,.r'seul est positif _ la joier.
on l'aura compris, décrire ce que l'on ressenr en rermes positifs inrerrompu et nolrs sommes entraînés dans une réaction émotion-
est
nelle négative,
qui peut nous plonger dans un état de cynisme ou de
moins facile qu'on ne pourrait le penser...
et d,autant plus impor_
tant. Le discours que nous tenons à nous_mêmes détachement. Les états négatifs sont d'autant plus pernicieux qu'ils
et la façon dont
nous gérons nos émotions se combinent pour rnenacent) à terme, le processus même de formation du lien social et
faire de nous des
otages... ou non. Iasanté PhYsique de I'individu.
Il faut donc chercher à rester maître de la situation et de nous-
James et Mary ont eu des mots au cours
d'une réunion. James est re supé- mêmes, en contrôlant notre état d'esprit et les mots que nous
rieur de Mary et ceile-ci s'est sentie gênée employons. Les négociateurs d'otages ne procèdent pas autremenr.
en présence de ses coilègues.
Elle va donc trouver James et rui rance : n
Tu as vraiment dépassé res bor- Toute la difficulté consiste à se montrer à la fois authentique er spon-
nes en m'agressant comme
ça. r James lui répond : n Écoute, je n,ai fait tané. Lexemple suivant illustre l'importance de l'état d'esprit de
que te dire la vérité et si cera ne te
convient pas, ribre à toi de quitter I'individu dans la façon dont il gère une situation.
l'équipe.l
Vous marchez dans la rue, lorsqu'un inconnu arrive dans votre dos, braque
La réponse agressive et défensive de une arme sur votre tempe et vous dit : rr Je vais vous tuer r. Vous êtes,
James nous indiq'e qu,il a été
pris en orage. Quel autre comporrement aurait-it physiquement parlant, son otage, c'est incontestable. Pourtant, rien ne
p,, uàopt"r ? poser
une question, par exemple, engager le justifie que vous vous sentiez otage : vous âvez toujours le pouvoir de
dialogue urr". t turi pour clari_
fier les intentions de chacun, faià une concession pense¡ de ressentir, de respirer et de parler. Rien ne vous empêche de
o., -eÅ" présenter
ses excuses à la jeune femme. Il aurait
pu lui dire : ,. Mar¡ aide_moi poser une question à votre agresseur. r Pourriez-vous
baisser votre arme
à comprendre ce que ru n'as pas aimé et me laisser vous aider à obtenir ce que vous voulez 7 rr Si la réponse est
ãun, .. que j,ai dit , 6¡¡ o f¡¡
veux savoir où je voulais en venir ? o, ou r Non, je vais vous tuer n, changez d'objectif et demandez : rr S'il vous
encore oJe m,excuse de
t'avoir dit que ru n'avais qu'à quitter l,équipe plaît, accordez-moi cinq minutes et expliquez-moi ce que vous voulez. Je
si tu n,étais pas
conrente ; je suis allé trop loin. o m'appelle George et j'ai quatre enfants. n Lagresseur dit:tr Non, je vais
Dans ce type de situation, un véritable leader vous tuer. r Posez-lui une nouvelle question:a Ouatre minutes, s'il vous
cherche avanr rour
à préserver la relation et maîrrise toute plaît, accordez-moi quatre minutes. Je veux vraiment vous aider à obtenir
impulsion de riposrer, en se
concenrfanr sur les besoins du colrabofareur,
de r'éqLripe et les
ce que vous voulez. r Uhomme au pistolet dit :r Non, je vais vous tuer ! r
siens' Les leaders les prus performants sonr
capables a'àgi, ainsi de Lorsque je prends cet exemple, je demande à ceux qui m'écor-rtent si
manière instinctive er auromarique. D'aurres
ne possèdent pas les c'est une bonne négociation et la pluparr me répondent qlre non.
Or, c'est une bonne négociation. Vous êtes toujours vivant ! Se
5 Robert $Ø' schrauf et Jr-rria sanchez, . The preponderance contrôler, gérer ses émotions et recourir aux mots - pour poser des
of Negative
Emotion \üØords in the Emorionar Lexicon :
A cross-Generational and questions et chercher une solution - esr I'essence de la négociation
cross-Linguistic Study ,,Jotrnal of Mtrltinringttal & Multicrltara/ Deuelop_ dans les situations <ìe prises d'otages. . Vous m'accorclez trois minu-
tnent,2004.
tes ? r .,Non., . Denxminutes, alors ? o * Ok, mec, tLlas tfente
22 N i.G oc I tvuoNS J'/tNJ,r/tLfJ T- o-tr\Gti,S.' )1
t" seconcles. r Au
colrrs de ces trente seconcles, volrs nollefez le le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur les alltres, les choses et
meiller-rr lien et le dialogue le plus constrlrctif de votre vie ! D'une les événementss.
manière subtile, les ,, non > sont des concessions, qui doivent être Dans le cadre de ses travaux sur les relations entre la peur et
accueillies positivement. Elles font partie dr,r processus fondamental l'apprentissage, Martin Seligman a découvert par hasard r-rn phéno-
de création et cl'entretien du lien (voir le Chapitre 7). Si nor-rs pou- Ítène tout à fait inattendu, au cours cl'expérimentations sur des
vions mesurer la tension et le niveau cl'excitation cle I'homme qui cþiens utilisant les techniques pavloviennes (conditionnement classi-
tient I'arme, nolrs ol¡serverions qu'ils baissent à chaque concession. que). Le psychologue rlrsse Ivan Pavlov a observé que lorsqu'on pré-
Natr-rrellement, si volls avez la possibilité de vous échapper, il ne sente de la nourritr-rre à des chiens, ils salivent. Si la présentation cle
faut pas hésiter à le faire. Dans le cas contraire, Ies mots sont votre nourritlrte est ré¡¡ulièrement accompagnée d'un tintement de cloche,
meilleur espoir. Les négociateurs professionnels utilisent des ques- le chien salive. Enfin, si on fait tinter la cloche sans présenter de
tions pour clécouvrir ce clui motive I'autre et orienter le dialogue. nourriture à I'animal, celui-ci salive tout de même. Le chien a appris
Il y a plus de 2 500 ans, le philosophe chinois Lao Tsu a écrit que à associer la cloche à la nourrituree.
le plus grancl problème clu monde était que les individr-rs se perce- Dans son expérience, Seligman, au lieu d'associer la cloche à la
vaient comme impuissantst'. Lindlvidr-r qui se sent otage - vulné- nourritlrre, a associé la cloche à r-rne décharge électrique sans dan-
rable, isolé, incapable d'influence et de perslrasion - est clans un état ger, et il a gardé le chien prisonnier d'un hamac durant la phase
d'esprit nêgatif. Cette négativité ne demande qu'à se perpétuer, d'apprentissage. Lidée était que, une fois que le chien aurait appris
empoisonnant l'esprit, l'émotion, le corps et l'âme de la personne. l'association, il aurait peur en entendant la cloche et s'enfuirair ou
Pernicieuse, la mentalité d'otage ¡rer-rt conduire l'individu à réagir manifesterait un alrtre comportement d'évitement. Seligman a
par I'amertume et le ressentiment à des événements ¿russi dor-rloureux ensuite mis le chien ainsi conditionné dans une cage séparée en
que le décès d'un proche, un divorce ou la perte d'r-rn emploi, et aussi c'ler-rx compartiments par Lrne barrière de faible hauteur. Le chien
" insignifrants , qu'un changement de bureau, une qlrerelle avec un voyait très bien la l¡arrière et aruair facilement pu la sauter s'il
voisin qui fait trop de bruit ou un désaccord clans un couple à propos l'avait voulu. Lorsque la cloche a retenri, Seligman a consraré à son
des tâches ménagères. grand étonnement que le chien ne faisait rien. Il a donné une nou-
Malheureusement, la vie c1r-roticlienne cle milliers d'individus est velle décharge électrique au chien et, à nolrvealr, rien ne s'est pro-
construite autour d'états négatifs. La négativité s'enracine, croît et cluit. Le chien est resté allongé dans la cage. Ensuire, Seligman a
empoisonne si bien I'esprit que les réactions de l'inclividu tenclent à mis un chien non conclitionné dans la cage et, comme il s'y atten-
être disproportionnées par rapport à l'événement lui-même. dait, l'animal a immédiatement sauré de I'aurre côté. Ce que le
Selon les psychologues Martin Seligman et Steven Sauter, moins chien conditionné avait appris pendant la périocle où il était dans le
Lrne personne a le sentiment de contrôler r-rne situation stressante, hamac, c'était que toute fuite était vaine er par conséquenr, il n'a
plus celle-ci est traumatisanteT. La personne qui se sent otage est sus- pas essayé de s'enfi"rir lorsque les circonstances le lui auraient per-
ceptible de manifester ce que Martin Seligman nomme < Lrne atti- mis. Il avait appris à être vulnérable et passif - en d'aurres rermes,
tude d'impuissance acquise ". Elle caractérise des individus qui ont otage.t"
6. LaoTzt,TheTao of Power, Doubleclay, 1985. U. Christopher Peterson, Steven Maier er Mnrtin Seligman, Learne¿l Helplet-
Þ1.
qu'elle participa à des braquages avec eux. Elle fr-rt plr,rs tard libérée
ravisseur, ou ils sont capables de reprendre le pouvoir dès que I'occa-
de prison, les autorités ayant acquis une meilleure connaissance cle ce
sion de le faire sans danger se présente. Le plus importanr dans ce
synclrome.
type de situations est d'avoir un but. Où vor-rlez-vous en venir ? Qr,re
Le syndrome de Stockholm est un des phénomènes d'attachement
voulez-vous ? Et de choisir la ligne d'action qui vous offre le plus de
les plus passionnants. C'est r,rn mécanisme de survie par lequel chances de ¡rarvenir à vos fins. Quand on esr oraéTe, le but esr généra-
l'otage, terrorisé par la peur de mourir, commence à se sentir recon-
lernent de survivre et la meilleure stratégie poLlr y parvenir consiste à
naissant envers son ravisseur d'être toujours en vie. Ce sentiment de
former un lien affectif .
gratitLlde est encore amplifié lorsque le ravisseur nourrit sa vicrime, Dans certaines situations, la résistance à un événement ou à une
I'autorise à aller aux toilettes ou à se déplacer. Toutes * faveurs > ren- situation pellt provoquer Lrn cercle vicieux de réactions, dont
forcent le lien. Celui qui était un ennemi devient un allié. À for.e I'issue est rarement positive. Les événements qui se sonr produits à
d'échanges et de dialogue, I'orage peut même en venir à s'identifier à .ùØaco,au Texas, sont un exemple de réaction extrême conduisant à
la cause de son ravisseur, agissant alors en son nom, comme ce fi_rt le une tragédie.
cas de Patri Hearsr.
En février 1993, plus de soixante-dix agents du Bureau américain des
Le même phénomène peur se produire lorsqu'un individu noue
alcools, tabacs et armes à feu (ATM) ont fait une descente dans le ranch
un lien avec Lrne personne qui recourt régulièrement à la violence
des Davidiens, une secte religieuse dirigée par David Koresh. L'ATM soup-
verbale, à des comporremenrs négarifs or-r à des punitions comme for-
mes de contrôle. Lindividu, qui ne se rend pas compre qu'il a Ie pou- ç0nnait le groupe de posséder un important stock d'armes automatiques
et d'explosifs. Selon les rapports, lorsque l'équipe de I'ATM s'est présentée,
voir de faire changer les choses ou de s'en aller, devienr orage de son
munie cle mandats d'arrêt, à la porte principale du complexe, elle a été
.. bourreau
'. C'est la relation yictime-bourreau classique, fondée sur accue¡ll¡e par des coups de feu. 0uatre agents de I'ATM et six adeptes ont
un lien oùr la peur de s'en aller l'emporte slrr la souffrance vécue''.
été tués. Le FBI a été appelé à la rescousse. Un long siège a alors com-
Il faut toutefois préciser que le syndrome de Stockholm ne se
mencé. Durant plus de cinquante jours, le FBI s'est efforcé de convaincre
développe pas chez tous les otages : ceux-ci, ou les preneurs d'otages,
les Davidiens de se rendre. Le siège a pris fin au matin du 1g avril, avec
refusent le lien. Comme nous I'avons souligné plub haut, nouer un
I'envoi d'un tank et d'autres véhicules blindés du FBl. Pendant plusieurs
lien avec un ravisseur consritue une bonne stratégie cle survie, mais
heures, le FBI a envoyé du gaz lacrymogène dans le bâtiment. Juste après
vient un moment - celui cle la libération - où ce lien doit être
midi, le complexe s'est embrasé. Plus de soixante-dix hommes, femmes et
rompu. Certains otages refusent la rupture et ont énormément de
enfants ont péri à Waco.
mal à retrouver leurs repères et Lrne vie normale.
Il n'en va pas toujours ainsi. Récemmenr, un braqueur de banque cette tragédie a beaucon¡r à nous apprendre sur la condition cl'otage.
qtri avair pris des clients en orage a été tué par Lrn tireur d'élite cìe la Le fait que I'ATM ait perdu quarre cle ses hommes lors de la première
police. Il s'est effondré par rerre er deux orages - des femmes l'ont
- fusillade et le chagrin qr-ri en a résulté onr-ils inflr,rencé la décision
alors relevé et renlr devant la portc pour que le policier puisse lui ultérieure cle d<¡nner I'assaut à la ferme de \Øaco ? Si elles avaient
tirer une nouvelle fois dessus. Certains individus sonr immunisés surmonté leur colère et leur épuisement, et la réaction instinctive
d'attaquer, les équipes de l'ATM et du FBI auraient-elles pu pour-
suivre les négociarions er aboutir à un dénouemenr pacifique ? Les
1 2. S. Karpman, " Fairy Tales ancl Script l)rama Analysis ,,,'fran.raction¿/ An¿- enquêtes du Congrès américain n'onr pas encore permis de faire
lysis Ba lletin, 7 (26), p1t. 39 -43. toute la lrrmière srlr ces qr-restions.
r 28 Nr,ct¡ct t't'tt ¡Ns J'¿NJII¿üJ
14. Sheila Dewan er L¿urie Gooclstein, *Hostaéje's Past May Have Helpecl
\Win Captor's Trusr,, T'h¿ Neu, Yorþ Titnel,16 mars 2005; et CBS
News,
l3. scott Parks, "critics Target Tacrics usccl on civilian suspccrs,,, Tbc D¿/- u Police Praise A.rlanta IJosrage r, Arlanta, i I mars 2(X)5,
ld.r Mornin¡4 Neu,.ç,26 septembre 1999. www.cbsnews.com/stories I 2O0t I 03 I I 3 lnation¿l/main679tì02.shrml.
t' 3O Ntico<; t,t7?oN.r.1üN,r//r/.r.t
existent entre les individus c1'un groupe donné, et enrre ces incliviclus Durant son séjour en prison, Mandela a rejeté plusieurs propositions
et les objectifs de I'organisation, esr un p'issanr inclicater-rr de la de remise de peine, en échange de l'acceptation de la politique des home-
santé de ce éÌrollpe et de ses performances. cette intensité peut être
- lands du pays et de la reconnaissance de I'indépendance du Transkei, sa
mesurée par le degré cl'engagemenr et d'implication émotionnelle. il a de nouveau rejeté une propo-
région natale. Dans les années 1980,
Famille' club ou enrreprise : lorsque les membres d'un sition de libération contre la promesse de renoncer à la violence. r Un
érroupe sonr
unis et possèdent des objectiß communs, travailler ensemble est prisonnier ne peut pas passer de contrat. Seul un homme libre peut négo-
source de bien-être, cle dynamisme er de joie. Libres d'exprimer
leurs cier r, dit-il.
idées, ils se sentent en sécurité et sont en mesure de réso.clre les Peu de temps après sa libération, le dimanche 11 février 1990, Man-
conflits, même lorsque cle profonds différencls existent. dela et ses partisans ont accepté de cesser la lutte armée. Des rapports
un individlr victime de la mentalité d'otage a renclance à croire indiquent que certains de ses gardiens ont pleuré lorsqu'il a été libéré. Le
que tolrt ce qu'il peut faire, c'est agir sur la situation extérieure : 10 mai 1994, Mandela prenait ses fonctions de premier président démo-
quitter son emploi, déménager ou démissionner cle l,équipe. Certe cratiquement élu d'Afrique du Sud1s.
tentation de la fuite est direcremenr liée à la façon donr notre cervealr
fonctionne. Dans la mesLrre oùr nous sommes ( programmés o pour
Résumé
survivre, nous sommes en permanence à I'affût clu danger et attentifs
Nous pouvons être pris en otaéÌe par nous-mêmes ou par les autres, à
à ce qui nous fait peur. La formation de liens va bien so'venr à
tout moment et n'importe oùr. Fort heureusement, la ph"rpart d'entre
I'encontre de ce que nous dicte notre intuition : elle exige que nous
nous ne le seront jamais all sens physique du terme, sous la menace
nolls concentrions sur les besoins de l'autre et aussi de savoir ce qlìe
d'une arme par exemple. Tor-rtefois, nolls pouvons devenir otages
nous voulons. De la sorte, les autres peuvent avoir un impact sur
lorsque nolls renonçons à notre pouvoir d'individr-r et que nous
noLrs et' en retolrr, cel¿r nous permet d'obtenir une réaction
de leur cédons au sentiment d'impuissance. Lorsque nolrs nous laissons pren-
paft.
dre en otage, quelle que soit Ia gravité de Ia situation - réflexion
La p'issance de ceme attitude rienr au fait q''elle personnalise la
désagréable d'un collègr-re ou conflit ouvert avec Lrn supérieur -, nolls
relation, évac'ant par là même toute toxicité et poison clu processr,rs.
hypothéquons gravement les chances de résoudre le problème.
Lhistoire de Nelson Mandela illustre aclmirablemenr ce por-rvoir.
La négativité qui découle de l'impuissance esr un poison pour
À quarante-six ans, Nelson Mandela a été condamné à la prison à vie. I'esprit. Les individr-rs peuvent apprendre l'impuissance comme réponse
il
a passé près de vingt-six ans dans une cellule.0n imagine sans peine répétitive aux problèmes. Ils ont appris qlre < ce qu'ils font ne change
combien il lui aurait été facile de sombrer dans I'amertume et la colère. rien o. Donc, ils abandonnent et se sentent otages. Lantidote à
Mais qu'en aurait-il retiré i N'étant pas maître de la situation, tout ce l'impr-rissance est la formation de liens émotionnels. En s'amachant à
qu'il aurait pu faire, c'est être pris en otage. Au lieu de quoi, il est resté des individus ou à des objectifs, nolrs créons des liens qui nous per-
concentré sur le positif, allant même jusqu'à apprendre la langue de
ses
mettent de nous sentir maîtres de nous-mêmes et de notre vie. La
geôliers,I'afrikaans, pour pouvoir communiquer et nouer un dialogue formation de liens est un mécanisme de survie pour chacun d'entre
avec eux. Lorsque Mandela a été emprisonné, il a choisi d'envisager
sa
nous. Elle enrichit notre vie.
détention comme un temps de formation, de préparation, qui I'aiderait à
faire sortir I'Afrique du sud de I'apartheid. combien d'entre nous pour-
raient passer vingt-six ans en prison et envisager I'expérience c0mme 15. Fatima Meer, Hìglter than Hoþe:'I'lte Arthorizul Bio¿1raphy rf Nel.ron Man-
rlela,H.arper & Row, 1988.
32 NÉ,cocurrcNs.çENsIB¿Es oracr,s z jj
Ilest essentiel de nous souvenir que nous avons toujours le choix
de nos pensées, de nos sentiments et de nos actes. selon l'état d'esprit ,i ,r,. j.
dans lequel nous nous rrouvons, le monde nous semblera bien diffé-
rent. Apprendre à ne pas nous laisser prendre en otage par nous_ l.Ètre dans un état d'esprit d'otage, c'est se sentir pris au piège,
mêmes ou par les autres nous permet de gérer notre vie, sans néces- vulnérable, impuissant, déconnecté et incapable d'influencer et de
sairement changer les circonstances extérieures. À ne regarder que convaincre.
vers l'extérieur pour trouver la satisfaction, nous nous exposons à ne 2. Le ceNeau est programmé pour survivre, en se mettant à l'affût du
danger et de la souffrance. Nous pouvons dépasser cet aspect ins-
connaître que des plaisirs éphémères. Pour réellemenr changer norre
tinctuel du cerveau, afin de rechercher le positif et agir en individus
vie, c'est vefs nous-mêmes que nous devons nous tournef. Lorsque
libres'
nous choisissons de coopérer, de collaborer ou même de céder, nous
O. La vulnérabilité acquise et le non-contrôle de notre état d'esprit
ne fenonçons pas à notre pouvoir. Être conscient que, face à une conduisent à l'impuissance. Tout individu en . état d'otage , peut
situation donnée, nous avons touiours le choix, nous permet d'envi- reprendre le pouvoir et choisir comment il réagit aux événements.
sager les circonsrances de manière plus positive. 4. Sachez ce que vous voulez et cultivez un état d'esprit du . tout est
Nous pouvons choisir de vivre et d'apprécier nos relations inter- possible,. Si vous n'obtenez pas ce que vous voulez, recherchez ce
personnelles sans nous sentir otages de quoi que ce soit, ni de qui que cela peut avoir de positif, Dans les deux cas, vous êtes gagnant et
que ce soit. cela signifre-t-il que nous ne connaîrrons ni défis ni frus- jamais vous ne vous sentirez otage.
trations ? En aucun cas. La liberté n'esr pas I'absence de liens : l'indi-
vidu devra toujours faire des concessions à un supérieur, un clienr, un
conjoint ou un ami. Ce qui change, c'est qu'il le fait dans un état
d'esprit positif, er non dans une démarche négative dictée par un
sentiment d'impuissance.
i Avec de l'entraînemenr) nous pouvons apprendre à décoder nos
réactions, et notamment celles, agressives ou défensives, qui nous
I
façon dont nous réagissons. Nous devons concenrrer notre esprit sur ,
les mots que nous employons et nos échanges avec les autres.
Lorsque nous sommes capables de reconnaître des réactions émo-
tionnelles instinctives qui se répètent, nous pouvons merrre un
terme à la non-gestion de soi. En nous corrtprenant nous-mêmes et
la façon dont notre esprit fonctionne, nous pouvons apprendre à
nous libérer des conrraintes intérieures et à faire de véritables choix.
ces concepts valent pour toute organisation, entreprise et groupe
humain, quel qu'il soit. En encourageant ceux qui nous enrourent à
se libérer eux aussi de leurs chaînes, nous pourrons gérer plus effica-
cement tous les aspects de notre vie.
Cha a tre
L'CEIL DE L'ESPRIT,
ou CoMMENT (RE)TROUVER
LA LIBERTÉ
négative
Il se voit en train de renverser le lait et de tomber de son vélo.
Focal¡sation pos¡tive
(souffrance) (bénéfices) Les accidents de voiture offrent un autre exemple intéressant de ce
phénomène. Si une voiture dérape sur du verglas et que le conduc-
Cycle perdant reur se focalise sur l'arbre devant lui, en espérant l'éviter, il est pro-
Cycle gagnant
bable que Ia voiture percutera I'objet, même si l'individu souhaitait
Figure 2.1 - L'æil de I'esprit détermine les
l'éviter. C'est pourquoi on apprend aux policiers, aux convoyeurs de
résultats fonds et aux coureurs automobiles à concentrer leur attention sur
leur destination - et non sur les objets sur leur chemin. Naturelle-
bénéfices qu'ils retireronr de leurs actions ment, il faut être conscient des obstacles, mais ils ne doivent pas être
ou décisions. Læil de
I'esprit contrôle ce sur quoi nous portons notre le point focal de l'attention.
attention, sachant
que dans la vie, il y a un côté positifer négarifà On peut perdre le contrôle de sa vie et être la proie de sentiments
roure chose. Les évé_
nemenrs positifs, comme gagnü au loto, d'impuissance et de frustration, parce qu'on se focalise sur les mauvais
se marier ou débuter dans
un nouvel emploi, onr un côté négatif porenriel. Les éléments - ce que I'on souhaite éviter ou ce que l'on a perdu. Il est
événemenrs
négatiß, tels que la pe*e d'un emploi, un divorce très facile d'accorder une attention excessive aux problèmes o et aux
ou même le décès "
d'un être cher, peuvenr quanr à eux déboucher obstacles. Lorsque nous agissons ainsi, nous nous prenons nous-
sur querque chose de
positif. mêmes en otages et cela nous conduit tout droit au rósultat que nous
Dans les circonstances res plus terribles, souhaitions éviter. Êtr. otog", c'est bien souvent être à la fois otage
nous pouvons retrouver
notre route vers la beauté de la vie, en affroncant d'autrui et de nous-mêmes, de nos réactions, émotions et pensées.
ce qui se dresse en
travers de notre chemin (perre, chagrin,
colère, trirt"rr", vengeance...).
Nous devenons alors des victimes - état dans lequel on se sent
Ne pas retrouver la joie de vivre après une perte signifie impuissant, négatif , mal aimé et sous contrôle.
que nolrs
avons été pris en orage. La vie esr douce-amère,
pleine de joies et de Joanne estimait que Brian avait a détourné r une réunion qu'elle dirigeait,
souffrances' Le bonheur, tourefois, esr un état à'esprit et un choix en remettant en question sa méthodologie. ll avait fait un commentaire
orienré par l'æil de l'esprit.
désobligeant après son introduction et avait ensuite détourné les autres
membres du comité de I'objet réel de la réunion - ce qu'elle devait pré-
Attention et æil cle I'esprit senter -, au profit de la question secondaire de l'approche qu'elle utilisait.
vous êres-vous déjà dir que vous alriez échouer Les interruptions intempestives de Brian I'avaient énervée et avaient
avanr de faire quelque
chose-, comme une présentation à votre gâché ce qui était pour elle une présentation cruciale pour le projet sur
supérieur, un examen décisif ou
une demande à quelqu'un ? Lorsque norn p".rrons lequel elle travaillait depuis six mois avec son équipe.
que quelque chose
¡ tLU(/LI4I IIII\J JENS,IIJLES
L'arL DE L'ESvRIT, ou coMhrENT (t<E)TItouvER r,l rtnnRl,É, 4I
sans nier le fait que les interruptions,
cre Brian aienr pu perturber
réunion, c,estJoanne q.ri u ra de se donner la mort
p.rÅis qu,elledéraille, en perdant de vue rrrer, puis - à se focaliser sur le sens que pourrait
ce qu'elle souhairait accomplir. sa vje à I'avenir. Elle lui a
dit que ce qu'il faisait n'était pas bien
nit. u rour bonneÀent perdu ^uoß
conrrôle de ra réunion, en le ,< aller en prison et faire partager la parole de Dieu à
Ses émotions onr permis
consi.réranr Brian comme
un problèr¡s. lr qu'il devait
à ce dernier de ra prendre >'
Erre a tous les Pnsonnlers
laissé l'æil de son esprit
se focariser sur re fair
qu,' ".rrrur..
la pefturbair les négociateurs, est-il besoin de le préciser, onr souvenr affaire à
non sur ce qu,elle souhairair er difficiles. Une de leurs techniques consiste à séparer
accomplir avec la;.*;;;;;"n. des individus
ment aurait-elle pu gérer autrem"ntlu com_ problème et à maintenir un certain conrrôle pendanr la
rir.,ution ? eue ferair dans I'individu du
cas un négociateur de prises ce le film Nûgocianear, Kevin Spacey interprète un négocia-
d,otages ? crise. Dans
Tout d'abord' Joanne aurait
pi øi." une concession à Brian, en te' spécialisé dans les prises d'otages, qui traite avec un autre négo-
ciatetr devenu preneur d'otages, interprété par Samuel L. Jackson.
:::""ii:iil'¿3Ï'1"1":ll' ' dans ce q''' 'i;;;' avant de
l:
o" ìrur
À un monrent, le personnage joué par Spacey déclare : ,, Mon objec-
.i ns tan r ou
"'",,'"",'f
ïåä:i:,'ï"":f :,J_îîJ :ij;::' r comm un À tif n'est pas de décider qui est coupable ou innocent, c'est cle faire
Ensuite' elle aurait pu lui
poser des questions pour sortir tous les otages, vous y compris, vivants. " Rien ne peut le
le faire chan-
er sa d" reader' ann aì détourner de ce but. Tout le travail des négociareurs consiste à ame-
ffi::å"'å'l:':å,:::^"ri quirysj'ion 'iu,in", r.,
lui aurait petmis de recentrer ner les ravisseurs à porter un autre rcgard sur ce qu'ils envisagent de
a*ention sur un oäil;,rll son
faire - alors même qu'ils savent qu'ils finiront probablement en pri-
Enfin' e,e aurair pu négocier son. Le taux de réussite des négociateurs de la police est de 9j %2.
avec lui une discussion
la méthodologie. En gérantron ulrérieure sur
étur d,"rl Les dirigeants sont bien loin d'atteindre un tel niveau de réussire,
,ant p M rà même ; ãäï"î';ä:ï: i l*,"iï:ï"ììi*ï:, pour ce qui est de changer l'état d'esprit de leur personnel.
Joanne anrajtfair un grand pas en uruir_. Le négociateur professionnel ne se laisse jamais prendre métapho-
conrrôler norre destinée repose pouvoir de
riquement en otage par l'agressivité, le désespoir, la négativité ou
toujours ;:::i"Jlilr* l'impuissance du preneur d'otages. S'il peut rapidement percevoir ce
Comprenclre l'æil cle I'esprit qui est en jeu, ce qui motive le ravisseur, il a de grandes chances de
cl,autrui résoudre le conflit.
Les négociareufs sonr formés
à décoder rapidemenr Souvenez-vous que votre état d'esprit transparaît dans la façon
des preneurs d'orages. r,æil de .esprit
C,est le ,".r.,
po.,, comprendre ce qui pousse dont vous vous compottez, et qu'il détermine pour une large part la
un individu à adoprer rel manière dont les autres vous perçoivent. Notre façon de parler révèle
ou ,"f .o_porremenr. Si l,on
pas la motivarion de l,aurre, ne comprend
il .rr'iìfn.ile, voire impossible, de ce qu'il y a dans l'æil de notre esprit. D'autres informations sonr
nouef avec rui un rien suffisamment véhiculées par les expressions du visage, la posture et le ton de Ia
fort pour'influ..r.*. Les négo_
ciateurs écoutent attentivement voix. Un bon négociateur utilise tous ses sens pour comprendre ce
res ravisseurs, en vei,ant
leurs quesrions, leur façon à ce que
de p"rl";;; réagirprennenr en compre qui motive le preneur d'otages. Lorsque nous apprenons à compren-
la motivation de I'indiviau dre ce qui motive les autres, notre capacité à interagir avec eux est
qu'its face d,eux. Recentrer l,æil
de l'esprit du preneur d'otug.r, ";;
a" décuplée.
premier objecif. ""g"rf vers le positif, est leur
Lorsqu'Ashrey smirh a éré prise en
le Chapitre 1), elle n,a pas procédé orage par Brian Nichors (voir 2. Michael J. McMains et \ùTayman C. Mullins, Crisis Negotiations : Managing
autremenr. Elle s,esr efforcée
d'amener I'æil de I'esprit d" ,on ,uuirr"u, _ critical lncidents and. Hostage simailon¡ in Laø Enforcenent and conet'tionr,
dominé par l,idée de la
2" édition, Anderson, 2001.
42 NÉGoc r A-t IoNS.ç¿NJ1¡J¿¿J
L'G,IL, D[, I:ESPRU, OU CotvlfilqN'r (]<E)TlloItVEIì. Lt\ LIBEIITÉ 43
Lorsqu'il a voulu reprendre la compétition également été accusé d'avoir agressé un directeur de bar et a été traduit
en l9gg, la seule équipe à
croire encore en rui était ceile de lus postar en justice deux fois pour troubles à I'ordre public dans une boîte de nuit
service. Toutes res autres re
considéraient comme un t produit avarié r. Ouelle et sur un champ de courses. Sa femme et lui sont séparés. Jack, qui était
a été la réaction
d'Armstrong ? n Cette année a été la plus déjà à la tête d'une certaine fortune, a déclaré qu'il ferait profiter sans
belle de ma vie r, a_t_il déclaré
sans équivoque. réserve sa fille et sa petite-fille de ses gains. En septembre 2003, une
4. Michael Specter, The Long Ride : How Did Lance Armstrong Manage
"
3 Erice Berne, 'fra.nsactional Analyis ìn prycbotherapy, the Greatest Comeback in Sports History ? ,,, Tlte New Yorþer, 15 juillet
Grove press, 1961, 2002 ; et Lance Armstrong avec Sally Jenkins, It's Not Aboat the Bike : My
p.13.
Joarney Bacþ to Life, Penguin Putnam, 2000.
I,'(EII- DE L'ESPIIIT, OU COI./IMENT (RE)TIIOUVEII I.A I.IÌ|ERTÉ, 45
amie de sa petite-f¡re, âgée de
dix-huit ans, a été retrouvée morte
dans
leur maison' En décembre 2004, sa petite-fire À l'âge de quatre ans, mon fils Andrew s'est un jour retrouvé bloqué dans
est à son tour décédée,
vraisemblablement d,une overdoses. un ascenseur avec sa mère. Mon épouse a pressé le bouton d'alarme et il
a fallu cinq minutes environ avant qu'un technicien ne vienne les délivrer
chez les gagnants.dr n'esr pas rare que l,excitation initiare
lo-,o,ir de I'ascenseur plongé dans I'obscurité.
suscitée par le gain cècre rapidemàt la place au malheur er Le lendemain, je sortais avec mon fils et, au moment où nous quittions
ennuis. Des études ont.démontré aux
que la plupan des personnes qui l'appartement, ila dit d'une voix terrifiée :tr Papa, je ne veux pas prendre
gagnenr au roro se déclarenr
en effet, cinq ans après r,événemenr, I'ascenseur. llva encore rester bloqué, r Comment I'ai-je aidé à réorienter
moins heureuses qu'elles ne l'étaienr
urpurouunr. Etes ne parvien- l'æil de son esprit ? Je lui ai tendu la main et je lui ai dit avec douceur:
nent pas à assumer ce bouleversement,
ni à r'intégrer harmonieu- n Andrew, viens, on va prendre cet ascenseur. rr n Non r, a-t-il répondu,
semenr dans reur vie. Largent ( on va rester coincés. r.J'ai continué avec gentillesse :( AndreW ce n'est
les change (reur érat) de tere so*e
qu'elles ne rerirent que diffic.ltés
et marheurs de leur aventure. pas vrai. fascenseur est ton ami, tu peux me faire confiance, il ne va pas
Comment ne pas devenir otages
de nos problèmes I Nous devons se bloquer. r Changeant d'état d'esprit, il a fermement pris ma main et
contrôler l'æil de norre esprit et
préserv.r r'état requis, afin de pafve- nous sommes entrés dans l'ascenseur. Pendant que nous descendions,
nir au résultat souhaité.
Andrew a commencé à parler à I'ascenseur:n Ami, tu as envie d'un bis-
Pour ce qui est de gérer l,æil de
l,esprit, il existe une règle élé_ cuit ? r i'ai alors joué le rôle de I'ascenseur : n Non merci, je suis occupé à
mentaire à respecter dans roure
situution .l; ;r;; ;,",^g"r', .o, te conduire en bas en toute sécurité. n Lorsque nous sommes sortis,
d'agression verbare, ne pas riposrer. "n
Ir faut au conrraire s'efforcer de
Andrew s'est retourné avec un grand sourire et a dit : r Salut, mon pote. n
désarmer la personne en lui
forun. une quesrion. Je conseilre à cha- Aujourd'hui encore, il lui arrive de parler de I'ascenseur comme de son
cun de s'exercer à changer rapidement
d,état d,.rjrit, a" aerr.fopp", ami.
son agilité à passer d'un état à
un aurre. plus nous nous y exerçons,
plus cela devient fac,e. Dans leur Lorsque je raconte cette anecdote dans mes ateliers, je demande aux
livre L,interligence írnotionnelle a,
trauail, Daniel Goleman, Richard participants : " Ai-je menti à mon fils lorsque je lui ai dit que
Boyatzis et Annie McKee souli_
gnenr ainsi : o La conscience de I'ascenseur ne resterait pas coincé ? , Beaucoup répondent pat I'affrr
soi facilite à ra fois t'"-puit i"
gestion de soi qui, associées I'une ., tu mative, mais la majorité estime que non. Le fait esr que je ne consi-
à l,autre. o"t-tttent une gestion
efficace de, r"lot'i,on, ,na"rp.aronneiles.
,rut"'
";.;;;r";.',:*': dère pas avoir menti. Mes mots étaient dictés par cet état de
certitude, de conviction qui doit être celui de tout leader pour créer
Agir sur nos états cl'esprit un sentiment de sécurité. Si j'avais dit à mon fils : n Il y a seulement
Nous ne sommes pas condamnés à une chance sur deux milliards que I'ascenseur resre bloqué r, il se
subir nos états. Nous por-rvons, serait focalisé sur cette unique possibilité. Souvenez-vous, le cervealr
grãce au dialogue intérieur,
agir sur eux. comprendre l,æ'
nous aide à nous influencer nous_mêmes. de'esprit est programmé pour repérer le danger et le négatif dans le but de
Er, en décodant l,æil de survivre. En tant que père d'Andrew, j'étais ce que I'on appelle une
I'esprir d'aurr.i, il nous crevient possibre
de l'influencer lui aussi pour o base de sécurité )>, une personne qui apporte un sentiment de bien-
le bénéfice des deux parties.
être et de soutien à une autre et qui lui permet d'explorer et de pren-
dre des risques. Avec moi à ses côtés, Andrew a pu recâbler son cer-
5 Associared press, * Lottery sØinner's veau suf la conviction que les ascenseurs sont sans danger. Mais, me
Life Far from Idyllic ,, Tbe Birìngt
Gazette, L4 décembrc 2004.
demanderez-vous, qu'aurais-je fait si l'ascenseur érait resté coincé ?
6 Daniel Goleman, Richarcr Boyatzis
et .A.nnie McKee, L,interligence énotion- C'est simple: j'aurais veillé à éviter rour senriment de panique et
al trat,aìl, Vllage Monclial, 2" édjtjon,
nelle
j'aurais expliqué à mon fils que l'obscurité esr son amie.
2OOJ.
46 N ÍG0(: r 1\'t roNS.r¿NJ11J/./iç
L'(F.ll. pr, L'll.SPRI'I , Ott ()0AlAII:N'I' (tlli)'1'ROLtVLll. Ltl '/IISlltl'| ii 47
enfants, qui ont été traumatisés par les l¡ombes. Les étars cl'esprir s'alrro-entretient. La même chose est vraie clans l'entreprise. Les lea-
er clers cloivent être capables de faire f¿rce à une cléception oll Lln revers
lcs émotions sonr contagienx
- Llne réaIité cront tout manager doit en une fraction cle seconcle et continuer à cìiriger, aûn cle ne p¿ìs
tenir compte.
,, Le leadership tient en un élémenr essenriel : la détruire le moral et la motivation de ceux clui les entoluent.
capaciré clu lea-
cler à gérer sa vie intérieure pour permertre cllre se produisent Quel lien existe-t-il entre autorité et prévision autoprocluctrice ?
bonries réactions en chaîne émotionnelles et comportementares. pour
les Si nous avons Llne perception négative cle l'autorité, cela aura cles
conséqr-rences négatives dans notre vie. Un incliviclur qr-ri n'a pas
nombre d'entre nolrs, c'esr le défi le plus clifficile à relever rs, écri-
confiance en l'autorité tend à manquer de confiance en soi. Nor,rs
vent Goleman, Boyatzis et McKee. De fait, assaiilis comme nous
le avons tolrs été exposés à I'autorité. Les expériences positives cle l'auto-
sommes par les demancles de tolrte sorte, tiraillés entre cliverses
rité contribuent à la constrlrction de la conÊance en soi de l'inclividr-r,
tâches, il n'est pas toujo.rs facire de rester maître cre soi.
un cres d'une attitr"rde positive vis-à-vis de l'échec et c'les épreuves.
secrets de ceux qui accomplissent beaucoup est leur capacité
à igno_ Combien de parents empoisonnent-ils I'es¡rrit cle leurs enfants ?
rer les parasites et à se concentrer suf ce c1u'ils croivent faire pour
Un professeur peut-il empoisonner I'es¡rrit cl'un élève ? Un mana¿¡er
cr-rltiver lrn érar posirif.
per-rt-il empoisclnner celui d'un suborclonné ? Oui, une figure d'auto-
rité, quelle qu'elle soit, peut empoisonner un esprit. Si un méclecin
La prévision autoprocluctrice et l'æil cle I'esprit
annonce, par exemple, à un patient atteint cl'un cancer : Je suìs
on parle de prévision autoprocructrice lorsque cres incrivicìus se "
vraiment clésolé, c'est une tragéc'lie, en général les malacles ne survi-
convainquent eux-mêmes qu'irs vont échouer ou réussir. car c'esr vent pas plus cle cler¡x mois ", il est probable qlre ce clernier mourr¿r à
cl'abord dans notre esprit q.e germent les graines cle la brève échéance. En revanche, s'il lui clit : ,, Écu.,t"r, c'est ¡¡rave mais
réussite ou cle
l'échec. Norre univers intérieur peut être .n ailié o.. un cles gens ont vécu de très longues années avec cette malaclie o, alors
ennemi.
chacun a le pouvoir, à rravers re choix et la focalisation c1u'opère le patient pourrait fort bien vivre encore longtemps. l)ans une étude
l'æil
de l'esprit, cle créer un cycle éÌagnanr ou percrant. uoÀur. d'entre sr"rr la façon clont les malades perçoivent l'annonce cle leur cancer par
lìous' poLutant, ne sont pas conscients de disposer de ce choix un méclecin, les auteurs conch-rent : En maximisant I'espoir lors de
et sont "
donc otages cle leurs émotions ce qui pellt se tracluire paf une
- peur I'annonce ch-r cliagnostic, les cliniciens peuvent contribuer à I'ajr-rste-
cle I'avenir. ment psychologique cltr patient clès le clébut clu traitement. ,"
I
à cet état, quel que soit le contexte, nous devons être
capables de sur-
monter notre tendance naturelle à nous focaliser sur la douleur, pour
nous concenrrer sur les bénéfices ou le plaisir qui découleront
de nos
actions. 1, f æil de notre esprit détermine nos possibilités et nos limites, et notre
Le leadership esr accessible à tous, à tout niveau, dans toute état détermine les résultats auxquels nous parvenons. La capacité à
orga-
nisation ou dans rour aspect de la vie. Dans son livre profession Leader, se mettre dans le bon état d'esprit est le secret de tout grand leader.
lØarren Bennis écrir que I'essence du leadership est la preine
expres- 2, Comprendre ce qui nous motive et ce qui motive les autres est la clé
sion de soi. La clé de la pleine expression de soi est la connaissance pour donner notre plein potentiel. La plus haute motivation est de
" vendre à nous-mêmes et aux autres les bénéfices de I'inconfort ou
de soi-même et du monde, et la clé de la connaissance est d'appren-
dre - de sa vie et de ses expériences. Le chemin à suivre pour même de la douleur, au service de I'accomplissement d,une chose en
devenir laquelle nous croyons vraiment.
un leader, finalement, n'esr pas très différent de celui qui conduit
3, Une prévision autoproductrice désigne le fait que les individus se
l'être humain à I'harmonie avec soi-même. ,r3
conditionnent eux-mêmes pour la réussite ou l,échec. La réussite dans
cela exige de connaître nos motivations et celles des autres. Et
la vie est déterminée par les croyances, le sens et l,interprétation don-
aussi de connaîrre et de comprendre les racines de ce qui nous
affecre nés dans l'æil de l'esprit aux événements et aux expériences.
- être conscient des expériences passées, positives ou négatives, qui 4. Harmoniser états intérieurs et comportements permet la pleine utilisa-
peuvenr fausser norre perception. utiliser l'æil de l'esprit tion de l'énergie individuelle pour accomplir des résultats exception-
exige que
nous soyons capables de garder notfe cap au colrfs de nos interactions nels. Cette intégration est le fondement de I'authenticité.
avec aurrui, c'est-à-dire géret nos émotions et influencer positive-
menr celles des autres. ce comportemenr protège l'individule roure
( prise d'otages métaphorique, préservanr l'aurorité intérieure
" qui
lui permettra de ,. déplacer des montagnes r. Les plus grands succès
attendenr les managers capables de transmettre des états positifs
à
leurs collaborareurs. Les grands leaders sonr positifs, même iorsqu,ils
formulent une critique ou apporrent un feed-back sans concession.
ce qui esr dans l'æil de I'esprit devient Éalité. Toute interacion
(mots, gestes, postufe, etc.) reflète ce qui est dans l'æil
de l'esprit et
les expériences du cæur, de I'esprit et de l'âme nourrissenr l'æil
de
I'esprit. Faute d'intervenir pour le réorienter en permanence, nous
sommes condamnés à vivre I'avenir comme une répétition
du passé.
Lorsque nous rrouvons un sens et un but grâce à l'æil de ltsprit,
nous savons puiser en nous pour atteindre nos objectifs. céder
à des
pensées négarives, c'est prendre le risque de rérrécir l'æil
de I'esprit,
alors que la joie et la satisfaction I'entretiennent et le nourrissenr.
LE CYCLE DU LIEN
Le cycle du lien
pour s0n orgueil, il prit la direction
I"E CyCtE OU
dont nous donnons et recevons l'énergie émotionnelle lorsque nous de facteurs économiques clés directement liés à l'état d'esprit ,7.
sommes en état d'attachement. Le corps, Ies émotions, I'esprit et Une force de travail moins impliquée est synonyme de niveaux de
l'âme sont tous impliqués dans le processus de formation du lien. productivité moindres pour les entreprises. Cette étude en dit long
Lorsque I'attachement conduit à la formation d'un lien, nos émo- sur la rupture du lien dans nos environnements de uavall. La
tions sont toujours impliquées. Les exprimer fait partie du processus Figure i.2 présente les niveaux d'implication recueillis.
de formation du lien. Les personnes qui ne sont pas conscientes de
leurs émotions ou qui les bloquent seront limitées dans leur capacité
à nouer des liens. Cela exige en effet d'être réceptif et tourné vers 35v"
6. Étude Gallup, o Poll Reveals Germans Are Just \Øorking to Live ",
2I lanvier 2004.
1 . Écr-rde Gallup ,2OO4.
(r8 NÉ,GoctArtzNs s¿N.çIs¿¿.ç LI: CYCLI, OU t,ttN 69
!r"
Gerald \X/ood. ,, C'esr là quese noue ou non le lien affectif., Il ajoure
Nous savons que de nombreux individus ne ressentent pas la peur
que malheureusemenr, selon certaines études, la majorité des person-
" lorsqu'ils ont formé des liens affectiß. De fait, la per-rr peut être une
nes qui ne sont pas heureuses dans leur travail ne font rien pour changer
rnanifestation de la rupture dr-r lien à cet instant.
les choses
". Et lorsqu'un individu se sent impuissant à changer une
situation, quelle qu'elle soir, c'esr qu'il est devenu otage. Lorsque nous
Séparation et deuil
nous sentons prisonniers, nolls sommes plus stressés et moins positiß
Larrachement et la formation de liens mènent toujours à la séparation.
ec, par conséquent, nous avons moins d'énergie polrr ce que nous
Celle-ci est une transition ou un changement dans I'attachement, qui
faisons.
peut avoir un impact négatif grave si elle n'est pas gérée correctement.
La formation de liens a le pouvoir de produire Llne énergie
Mais elle peut aussi être une expérience positive, lorsqu'elle intervient
incroyable. Mère Teresa pouvait regarcler une fleur, y voir la présence
au bon moment et si elle est abordée de la bonne manière. La sépara-
de Dieu et en être émue aux larmes. Lorsqu'elle voyait un enfant
tion ouvre le processus de deuil qui, à son tour, ouvre le cæur à de nou-
mourant dans les rues de Calcutta, elle était envahie par Ia compas-
veaux attachements. D'une certaine manière, la séparation est aussi
sion et emmenait l'enfant dans son orphelinat, tolrt en sachant qu'il
naturelle que I'attachement. Elle peut survenir au bout d'une minute,
mourrait le lendemain. Dans son esprit, auclrn enfant ne devait mou-
d'un an ou même de quatre-vingts ans. La mort elle-même - même si
rir seul. La plupart d'entre nous ne supporteraienr pas cl'être entourés
vous croyez à la renaissance après la mort - conduit à une perturbation
par tant de souffrance. Pourranr, son rravail lui donnait une énergie
physique et psychologique des liens d'attachement. Lorsque nous
hors du commlln. Si elle a pu accomplir et donner alltant, c'est grâce
vivons une séparation, elle nous conduit au processus de deuil. Chez
à sa capacité à nouer et renoLÌer continuellement des liens.
tolrs les mammifères, accomplir ce processus est essentiel pour se
La formation de liens peut se produire instantanément ou au fil défaire du lien antérieur et permettre à son cceur de s'ouvrir à de nou-
du temps. Elle peut reposer sur des mots ou être non verbale.
veaux liens ou de renouveler un lien existant temporairement rompu.
C'est un des exemples de connexion non verbale les plus émouvants que je C'est un cycle ininterrompu.
connaisse. Un homme était à bord d'un avion qui venait de décoller de
En 1981,j'ai organisé un atelier pour des pédiatres, dans un hôpital du
I'aéroport de Denver. Les ailes de I'appareil n'avaient pas été correctement z sud de l'Allemagne. f une des médecins est venue me voir à la fin pour me
dégivrées et I'avion s'est écrasé. Pendant les 45 secondes que dura la chute
demander des conseils sur l'une de ses patientes. La petite Hannah, âgée
de I'appareil, le passager en question ne quitta pas des yeux l'hôtesse qui
de neuf ans, ne pouvait plus s'alimenter à cause d'une grosse boule qui
était assise à I'avant de l'avion et qui le regardait dans les yeux. Après I'acci-
était apparue dans sa gorge. Les médecins ne parvenaient pas à trouver de
dent, la boue, la neige et des pierres s'engouffrèrent dans l'appareil.
raison médicale à son état. Cela faisait plus d'un mois qu'elle n'avait
L'homme avait un poumon perforé, une jambe cassée et une commotion
absorbé aucune nourriture solide.
cérébrale, mais il parvint à porter secours à deux autres passagers avant de
Mon interlocutrice se demandait si le chagrin pouvait être respon-
tomber dans le coma. Deux jours plus tard, lorsqu'il se réveilla à I'hôpital, sa
sable de cet état. Lorsque j'ai discuté du cas avec elle, nous n'avons dans
l
première question fut : rt 0ù est I'hôtesse ? Lorsqu'on lui apprit qu'elle
un premier temps identifié aucune perte dans la vie d'Hannah. Toutefois,
était morte dans I'accident, il se mit à pleurer. ll expliqua que, en dehors de
en nous plongeant dans les dossiers, nous avons trouvé une note concer-
sa mère, il n'avait jamais connu personne qui lui ait autant donné en un
nant son n côchon domestique n. La pédiatre et moi avons élaboré une
laps de temps aussi court. rr Vous comprenez, je n'avais pas peur. J'étais prêt
stratégie. Elle a ensuite parlé de son cochon à la petite fille. Les parents
à mourir. r Pendant de longues années, il apporta des fleurs sur la tombe de
d'Hannah étaient fermiers et son père luiavait donné un porcelet,l'avor-
I'hôtesse, expliquant :n Je ne veux pas qu'on I'oublie, parce qu'elle m'a tant
ton d'une portée. Elle avait nourri I'animal qui avait survécu grâce à ses
donné l'espace de ces quelques instants. r
soins. En un certain sens, c'était son a bébé r.
O N É,GoctAT'nNS J'tNs1s/-D.ç cYCr,E Du r,tLN 7l
[' 7 r,D.
Un beau jour, en rentrant de l'école, elle découvrit que son cochon, iarnais. Il
exisre ainsi deux pôles: les personnes qui ont peur de
i,urru.h", parce qu'elles ne veulent pas éprouver de chagrin et celles
r Grognon r, avait été abattu. Ce fut un choc énorme pour elle. Oui plus
quri souffrent et qui ont peur de nouer de
est, en allant à l'école, elle devait passer tous lesjours devant la carcasse nouveaux liens.
pendue à l'entrée de la grange. Cinq jours plus tard, son père essaya de
Ken travaillait en étroite collaboration avec un collègue. celui-ci mourut Dans ces moments-là, nous noLrs voyons tels que nolrs sommes réel-
dans un accident de voiture. Le choc fut si profond que Ken se mit à accu- lement. La capactté à gérer les crises, à affronter une séparation est
muler les mauvais résultats, au point que son emploiétait menacé. llavait consul¡stantielle à notre identité, parce que la crise nous ramène à
non seulement perdu un ami proche, qui était une base de sécurité, mais nous-mêmes, à I'essence de notre être. La formation de liens en tant
il développa en outre une angoisse de l'avenir liée au fait qu'il pouvait que telle ne constrlrit pas notre identité. Bien au contraire, si nous
mourir subitement et laisser ses enfants sans père, comme son ami. C'est ngtrs reposons trop sur elle pour nous réaliser, elle devient une forme
cle co-dépendance. Certains individus réagissent à une perte par une
un phénomène quitouche parfois les pompiers et les policiers : ils vivent
per-rr profonde, qui per-rt être soignée de noml¡reuses manières. Lorsclue
les morts auxquelles ils sont confrontés dans I'exercice de leurs fonctions
nous sommes capables de nous tourner vers les autres, de prendre la
c0mme une perte et passent par des réactions de souffrance.
main de quelqu'un, de parler de ce que nous éprouvons, nous pouvons
La protestation est une façon saine et naturelle d'exprimer son cha- utiliser le processus de formation du lien pour soulager notre chagrìn.
grin. Un individu peur réagir à nne perte par la violence, qr_ri déclen- Nous savons que le deuil ne peut être vécu seul. Le processus cloit avoir
che le chagrin. Il est imporrant d'être capable d'exprimer sa colère de lier¡ avec une aLrtre personne, au sein d'une famille, d'un groupe ou
manière saine pour l'évacuer. d'r"rne tril¡u. Un exemple poignant nous en est offert par les vétérans
qui rentrent du champ cle bataille, traumatisés par ce,qu'ils ont vécu.
3. Tristesse, mdnque ou nostalgie Ils doivent passer par des processlrs de deuil spécifiques pour être capa-
Lorsque les individus sont réellemenr en proie au chagrin, la tristesse bles d'ouvrir à nouveau leur ccrur. De nombreux vétérans conservent
vient du plus profond de l'être. Ils ont envie de pleurer, d'exprimer de profoncles cicatrices affectives, parce qu'ils n'ont jamais affronté et
le'rs sentiments par cles larmes. cela débute dans le ventre pour sttrmonté leur souffrance. On considère désormais que la souffrance
remonter, pareil à r-rne douleur clans la poitrine, avant cle devenir une non dite peut récluire l'espérance cle vie.
r 7 4 N ÉGocrA'r'r,oNS.r¿NJluL¿.r
r,L cYCt,E DU r,tEN 75
vité sont également connecrées au lien social. George Burns, le cérè- firent prendre conscience de tout le temps qu'ils avaient passé ensemble.
bre comédien qui mourut à cenr ans et qui avait ,o.,¡o.r^ eu lls commencèrent à se dire que le temps leur était peut-être compté et
une vie
sociale riche, a éré profondément affecté par le décès de sa entamèrent une discussion sur qui allait mourir en premier. lls se querel-
femme,
Gracie' Il se rendair solrvenr sur sa rombe et lui parlait tous les jours. lèrent tant et si bien à ce sujet qu'ils firent plusieurs pactes de suicide et
Mais il n'esr pas resté co'pé des autres, enfermé dans le désespoir il s'en fallut d'un rien qu'ils ne parviennent à leurs fins. La première fois,
ou
la dépression. Il a été capable de maintenir son lien au"c Groci" ils essayèrent le monoxyde de carbone, la deuxième, un revolver et la
ro,rt
en accomplissanr le processus de deuil. Il a su lui dire au troisième,'des médicaments. Lidée de devoir se dire au revoir leur était
revoir, rrou-
ver de nouveaux liens d'attachement et retrouver la joie cle vivre. i nsu pportab I e.
L'épouse en souffrit tellement qu'il fallut l'hospitaliser. lls n'avaient
6. Formation de nouveaux liens parlé à personne de l'épreuve qu'ils traversaient, la portant comme un
Tisser de nouveaux liens nous apporte réconfort et sécurité, fardeau secret, jusqu'à ce qu'ils finissent par s'en ouvrir à moi. lls entamè-
tout en
contribuant à notre bien-être physiologique et psychologiqr_re. rent le processus de deuil et je demandaià l'épouse :tr Combien d'années
Nom_
bre d'individus resrenr prisonniers de la phase de cle.if clu cvcle croyez-voùs qu'il vous faudra pour dire au revoir à votre mari ? r En lar-
clu
lien et ne peLrvenr nouer de nouveaux liens après lu p.rt. d,r,n mes, elle me répondit :r Au moins encore cinquante-trois ans. rr Ce à quoi
emploi' un divorce oll un déménagement. Ils veulent a.,ro,-,rr", ." je lui répondis :rt Alors, il est grand temps de vous y mettre. r
c1r-r'ils ont perdu. Nous savons que le taux cle divorce lls purent alors se faire à I'idée qu'un jour, ils seraient séparés et qu'ils
des cleuxièmes
mariages esr plus élevé que cerui des premiers. Il semblerait n'étaient pas immortels. Le couplê avait été enfermé dans un chagrin par
que res
individus qui se remarienr après un échec senrimental n'épo'r"n, anticipation. Si nous ne pouvons accepter la séparation qui finira par sur-
pu,
réellement leur nouveau conjoint. Ils épousent un remplaçanr venir, chaque instant devient une perte anticipée. Ce couple a pu changer
er,
lorsqu'un conflit surgit, tout le chagrin passé est réveillé., l. pro."r- l'æil de son esprit et tout son cadre de référence, lorsque les époux ont pu
sns de deuil est activé. Les personnes qui attenclent.rn faire leur deuil. Chaque minute supplémentaire de leur mariage est alors
an a,nunt d. s.
remarier ont beaucoup pl's de chances de ne pas divorcer. Les devenue un cadeau et non une perte. Et ils ont pu connaître la joie de
sta-
tistiques indiquenr que seulement 35 7o d'entre elles vivent vivre à nouveau leur attachement.
une
¡' 7 6 Núcoc:t¡zrcN.r.ç¿NsIIJ¿¿,t r,E cYCr.D, DU r,tEN 77
I'amour et de la gratitude authentiques. être amère à cause de qui était arrivé, ou tirer un trait, passer à autre
chose et trouver un autre emploi. C'est ce que la jeune femme choisit de
8. Cratitucle faire, décrochant un poste fabuleux avec davantage de responsabilités et
La dernière phase du cle'il est la gratitude, signe que nous avons gagnant du mêrqe coup le respect de ses anciens collègues.
réellement accompli le cycle ch-r lien et que nolls sommes parvenus
Ce sont la peur et la douleur de la perte qui empêchent les indivi-
à son terme. La gratituc'le désigne ce qlìe nous vivons et éprouvons
dus d'agir de manière saine et rationnelle. Les études montrent que
lorsque nolrs sommes dans la plénitude du lien, avec d'aurres êtres
la plr-rpart des individus cherchent à éviter la souffrance, la peur et
hr-rmains, des animaux domestiques, des lieux, des objectifs, des
Ia perte. Mais ce faisant, on s'interdit de pouvoir accomplir le pro-
objets, la vie elle-même. sous le poids des épreuves qu'ils onr rra-
cessus de deuil et donc de rebondir vers autre chose. Cela peut
versées, certains individus pcuvcnt rompre le lien irvec la vie er
même se produire dans des situations positives, comme lorsque des
r 7 8 NÉG oc t A't'roNS.ç¡N.r1rJl.rs LL, cYcr.E DU r.tLN 79
individus ressenrenr un senrimenr de perre à la fin d'un projer. Il les plus heureux, sont ceux qui ont connu de dures épreuves. L<lrsque
est important d'admettre que le projet esr parvenu à son terme, de nous formons un lien, nous fusionnons d'une certaine manière notre
le fêter et d'en dresser le bilan, afin d'aider les collaborarelrrs à pas- identité avec la personne ou la chose à laquelle nous sommes liés. La
ser à aucre chose. séparation nous permet de ressentir à nouveau plus fortement notre
0uatre collègues avaient travaillé ensemble pendant six mois sur un pro- identité.
jet stratégique pour l'entreprise. Chacun avait sa propre personnalité,
mais ils étaient unis autour d'un même but: créer un,nouveau slogan Les sept manifestations du lien brisê
pour leur société. parce que les liens sont souvent brisés, de nombreux individus
Au cours du projet, ils eurent leurs désaccords et leur lot de moments deviennent otages des autres ou d'eux-mêmes. Ils évitent ou refu-
difficiles. Toutefois, parce qu'ils partageaient réellement le même but, sent le lien, ou restent enferrés clans la séparation, ou bloqr"rés dans
ils formaient une équipe soudée et unie. Une fois le projet mené à bien, le processus de der-ril. Toute ruptlrre dans le cycle du lien peut être
l'équipe fut dissoute et chacun retourna à ses occupations habituelles. la source de problèmes. Les sept manifestations du lien brisé sont la
lls connurent pourtant pendant plusieurs semaines une période de maladie psychosomatique, la violence et l'agression, la dépendance,
n deuil r, en ce sens qu'ils n'avaient plus besoin de se voir, ni de discuter la dépression, l'épuisement, la réaction de stress et le conflit orga-
régulièrement ensemble. lls restèrent en contact par courriel et chaque nisationnel.
fois qu'ils se rencontraient, le sentiment de connexion était immédiat.
Si les contacts diminuèrent progressivement au fil du temps, le lien 1, Troubles psychosomatiques
demeura. Cette expérience fut particulièrement riche, tant pour l'entre- Les scientifiques viennent cle découvrir que la rupture du lien peut
prise (qui obtint le meilleur d'une équipe à haute performance) que p0ur rédnire la clurée de vie. En 1917, James Lynch publiait un ouvrage
les individus (qui y gagnèrent de nouvelles compétences et des liens précurseur, intitulé Tlte Broþen Heart : The Medical Consequences of Lone-
d u ra bl es). lìness, dans lequel il décrivait cette relatione. Depr,ris lors, des milliers
d'articles de recherche ont été publiés qui démontrent I'influence cles
Comme nous l'avons déjà souligné, le chagrin est inévitable lorsqu'un relations intêrpersonnelles sur la santé.
lien d'attachemenr parvient à soñ terme. Et .le chagrin, malher_rreuse- Cela expliqlre par exemple pourquoi Lrn pourcentage élevé d'indi-
ment, peut susciter des réactions extrêmement violentes chez l'être vidus ne survivent que quelques mois - voire quelqr"res heures ou
humain, lorsqu'il n'accepre pas la perte qui découle d'une sépararion quelques jours -- au décès du partenaire avec qui ils ont vécu plu-
forcée. Il a alors recours à la violence o. à I'agression pour faire faceàla sier-rrs dizaines d'années. Même si leur clécès peut être attribué à une
situation et la surmonter. Les exemples sonr innombralrles d'individus crise cardiaque ou tolrte autre cause, il s'agit en fait cl'une réaction de
devenus violents après avoir appris, par exemple, que leur conjoint chagrin au lien l¡risé. Selon r¡ne étude menée auprès de personnes
voulait divorcer ou qr,r'ils avaient perdr-r leur ernploi vivant seules et rentrant chez elles après une crise cardiaque, B0 Vo
Le cleuil est indispensable au bon développement de la personne. d'entre elles meurent dans les six mois, contre 25 û/o chez les indivi-
La perte et la souffrance que nolrs traversons et surmontons devien- dus qui ne vivent pas seulst". Les études montrent également que les
nent alors parties intégrantes de notre identité et c'est en ce sens
qu'être capable d'affronter les sépararions de la vie est vital pour le
développement de chacun. Au cours du processus de deuil se crée 9. James Lynch , The Broþen Heclt : tl:e Medicøl Consetlnences of Loneliness,Basic
une forme de blessure - o les moments sombres de l'âme ,. Bien Books, 1977.
souvent, les individus qui nouent les attachements les plus forts à 10. James Lynch, A Cry LlnhearcÌ: New lrtsigbtt intu tlte Me¿lical Causeqneaces of
d'autres individus ou à des buts, qui rénssissenr le mieux ou qui sont Loncli uess, Bancroft Press, 2000.
8O NÉcoc tttrloNJ.rliNslur-¡J t.utN 8l
l" r,L cyct.t t>Lt
prenaient leurs repas ensemble, bavardaient au coin du feu et par- une réaction chez tous les mammifères. Pour alltant, traiter les
tageaient d'autres activités propices aux liens. Aujourd'hui, c'est symptômes ne résout pas nécessairement la cause clu mal-être. Les
bien souvent à la télévision ou à l'ordinateLu que s'attachent les anticlépresselrrs pelrvent empêcher I'indiviclu de se sentir déprimé,
enfants... lorsqu'il n'y a pas absence pure et simple de liens d'atta- ce n'est pas pouf autant que celui-ci ne sor-rffrira ¡rlus de la solitude.
clrement. * Les autres sont une souffrance > est une phrase caracté- lénpe suivante consiste à I'aider à retrouver la joie cle vivre. Nous
ristique de la personnalité dépendante, qui recherche dès lors un devons nous soltvenir qtte la clépression est parfois I'incìice d'une
substitut ar-r lien humain. Si I'association des Alcooliques Anony- pertr-rrbation du processus cl'attachement. La rupture du lien peut
mes demeure I'un des systèmes les plus efficaces pour traiter les facilement prendre les individus en otage sous la forme de la
dépendances de toute sorte, c'est parce qu'elle travaille sur le deuil dépression'
et la re-formation de liens. La fin d'un comportement de dépen-
dance s'accompagne toujours d'un changement majeur chez I'indi- 5. Épuisement
vidu : il commence à se tourner vers les autres pour trouver du ,{près la nourriture, I'oxygène et I'eau, le lien est notre plus
réconfort. La dépendance est incontestablement une forme de grande source d'énergie. Si I'incapacité à former des liens pe rsiste,
situation d'otage. Résoudre cette dépendance, c'est parvenir à trou- I'individu risque de s'écrouler. L'épuisement peut être défini
ver notre propre por.rvoir. comme une forme d'intense fatigue, qr-ri conduit au cynisme et all
détachement affectif. Lorsque le sommeil ne remplit plus sa fonc-
4. Dépression tion réparatrice, l'épuisement menace. Lindividu porte un regard
La dépression est un mécanisme biologique et psychologique com- négatif sLrr tout ce qui I'entoure, attitude qr-ri, en retour, I'empê-
mun à tous les mammifères, qui résulte solrvent d'une perturbation che de nolrer des liens. Émotionnellement détaché, il empoisonne
des systèmes d'attachement, passés, présents ou anticipés. Elle pos- I'atmosphère autour de lui, réduisant à néant toLrtes les énergies.
sède des composants physiologiques, métaboliques et génétiques qui Tout ce qu'il fait lui semble vain ou inutile et il perçoit tous les
ne doivent pas être ignorés. Quant aux composants sociaux et psy- individtrs autour de lui de manière négative. Il a également une
chologiques, ils renvoient à la perte, au deuil non surmonté et à image négative de lui-même, ce qui se traduit par I'incapacité à
I'insuffisance de liens positifs retirés du système d'attachement pré- éprouver des émotions positives.
sent. Le fait que la clépression soit assortie de nombreux change- Les individus en état d'épuisement prennent les autres en otage à
ments métaboliques tient à ce que toute rupture du lien social, ou travers leur négativité. Par exemple, un médecin ou une infirmière
exclusion volontaire de celui-ci, suscite des réactions physiologiques qui n'éprouve plus d'empathie pour un patient frnira par tous les
violentes. détester. La même chose est vraie pour un enseignant qui se met à
Dans sa forme la plus extrême, la dépression devient désespoir. croire que tous les étudiants essayent de I'exploiter, un policier qui
Rien ne peut me réconforter, sinon ce qlre j'ai perdu. Ce qui est voit un voleur en tout indivich-r ou une employée de garderie qui
"
perdu l'est pour toujours et je suis condamné à ne plus jamais devient agressive vis-à-vis des enfancs dont elle s'occupe. Quiconque
être totalement réconforté. " La perce de quelque chose d'impor- est en relation avec d'aLrtres individus dans un environnement de
tant - maison, travail, enfant, animal domestique, argent - peut conflit peut souffrir d'épuisement.
ainsi susciter chez I'individu un état de profond désespoir : Je
" 6. Réaction cfe sfress
ne nouerai plus jamais de lien d'attachement, je ne serai plus
jamais réconforté o. Cette réaction est un autre exemple de la Quatre facteurs de stress sont étroitement connectés à I'interruption
façon dont I'æil de l'esprit recherche le négatif. La séparation olr du processus de formation du lien. Le premier est la. þerte. Parfois,
les pertes sont évidentes
I'interruption.du cycle du lien - passé, présent ou futur - créent - décès d'une personne, perte d'une chose
I 84 NÉ,cocnq,z1oN,r.çuN.çt¡t/.it,ç L[, CYCT,E Ou t-n:N 85
précieuse ou divorce. Alors que la séparation fait peser sur nous une
7. Conflit orgdnisationnel
tension physique er émotionnelle, le lien nous protège er nous
La propension d'une organisation à connaître des conflits dépend du
immunise conrre les impacts négatifs du srress. ce dernier est lié
nivear-r de lien qui prévaut entre ses membr:es. Un niveau de conflit
aux demandes exercées sur nous par des sources internes ou externes.
raisonnable favorise IacÉativitê ar-rssi longtemps qlle les liens demeu-
Le facteur clé n'est pas le srress, mais la réaction de l'individu à
rent solides ou facilement renouvelés. Vor.rs est-il arrivé de faire partìe
celui-ci. (Jne personne peur vivre une perte extrêmement doulou-
d'une équipe très performante ou de travailler avec un grand leader ?
reuse et ne présenter qlr'une réaction de stress limitée. ljne autre
Avez-vous éprouvé un fort sentiment de lien ? Les grandes organisa-
connaîtra une perte minime et présentefa une importanre réaction
tions et les grandes équipes ont en commun des leaders qui savent
de stress. La façon dont l'æil de I'esprit réagit à une perte dérermine
créer des liens émotionnels forts. Lexistence de ce type de liens est un
la quantité de stress ressenrie par I'individu et le fait qu,il en facteur de Performances.
clevienne otage ou non.
un autre facteur de stress important réside dans /e confl.it et les rela-
tions négatiues. En présence de personnes avec lesqr-relles nous sommes Les clés du lien organisationnel
en conflir, le volume de stress, en particulier négatif, est élevé, parce + des membres animés d'une volonté d'appartenance ;
que nolrs sommes otages de ces pefsonnes et que nolrs festons dans 'r un engagement émotionnel dans les objectiß ;
des dispositions négatives. Grâce à un lien positif, nos relations avec ,r le dialogue dans le respect mutuel ;
ceux qui nous entourent peuvent s'améliorer
- conjoints, membres ; un leadership créatif;
de la famille, amis, collègues - et réduire par là même le srress que ')' une autorégulation maximale.
nous faisons peser slrr nous-mêmes.
un troisième grand facteur de srress est la þerte d'orienturìon et de
La rupture du lien perturbe I'effrcacité de l'organisation de crnq
bur clans la uie.Iindividu qui n'a pas de but pour clonner un sens à sa
manières :
vie doute de sa propre valeur er se sent impuissant. cet étar d'esprit
ouvre la porte à la menralité d'otage. Labsence de direction er de l¡ut 1. Une équipe performante dispose de rnembres noTìutîs et inpliquds
conduit, en dernier recours, à la rupture du lien. (appartenance), et solidement unis. S'il y a de la peur, de la menace
Enfrn, le quatrième facteur de stress est la solir*d.e. selon le psy- ou de la négativité dans l'équipe, ses membres redoubleront d'efforts
chologue James Lynch, celle-ci esr aujourd'hui I'un des premiers dans leur quête cJu lien, générant ainsi des conflits ou provoquant
facteurs explicatifs des maladies graves liées au stresstt. En prenant l'évitement des conflits.
conscience que nous souffrons d'un lien brisé et de norre tncapacité 2. Une équipe performante est ímotionnellernent imþliquie dans ses oltjec-
à entretenir ou renouveler des liens, nous pouvons reconquérir le tifs et chacun de ses membres est dévoué aux autres. Si chaque
pouvoir slu nos réactions de stress. Vivre un changement, y com- membre n'est pas pleinement Iié aux objectifs définis, l'équipe
pris positif, peut faire peser de lourdes demandes sur notre orga- n'atteindra pas de résultats exceptionnels. Limpossibilité d'adhé-
nisme et susciter un besoin de reconnexion, qui active le processus rer aux objectifs pelrt slrrvenir lorsque ceux-ci ne sont pas clairs
de deuil. ou qlre Ia personne n'y est pas dévouée.
3. Les membres d'une équipe performante ont recours av dialogae
gaidá par le resþæt mutuel.Il s'agit de l'aptitude à avoir des conversa-
tions difficiles avec tact et considération. Lorsque les individus
peuvent exprimer sans crainte ce qu'ils pensent, tout en conservant
12. Lynch, A Cry Unlruacl. \ le lien, alors ils sont aptes à gérer la " douleur , cl'un message
r
86 NÉct¡ctttr1oN.t.t¡NJ1rr¿.t Llt CYCLU oU ln¡'t 87
Je travaille avec de nombreuses organisations qui entreprennenr Lattachement et les liens sont des composants émotionnels fon-
des projets de changement et j'ai pu observer que les managers qui damentaux d'une vie personnelle et professionnelle, her-rreuse et
conduisent le processus de changement ont une caractéristique com- productive. Tisser des liens émotionnels avec autrui est essentiel au
mllne : ils se sentent généralement coupables et inqlriets de ce qui bien-être physique et psychologique. En outre, le leadership per-
est en train de se produire et des incidences que cela aura sur leurs formant repose sur la capacité du leader à créer des liens à travers
collègues. D'où I'effet ,, autruche bien connu : le changement est I'organisation. Nous devons aussi accepter I'idée que tous les liens
"
annoncé, pr"ris le management << met la tête dans le sable en espé- onr une fin et qu'il est fondamental de prendre en compre les réac-
"
rant que tout se passera bien. Les managers ne prennent pas ou peu Ia tions de chagrin que cela suscite, en nous-mêmes comme chez les
peine de communiquer avec les employés : à chacun cle se débrouiller aurres. Accepter et slrrmonter la souffrance cle la perte participe de
comme il le peut. Cette approche crée cle I'amertume et de Ia négati- la construction de notre identité et rend possible notre dévelop-
vité au sein du personnel, qui a le sentiment que le management ( se pement. Ne pas réussir à faire son deuil peut conduire au détache-
soucie comme d'une guigne o de ses employés. ment, dont nous observons les conséquences dans les symptômes
Lorsque les managers comprennent Ie processus cle changement et psychosomatiques, la violence et l'épuisement, ainsi que I'absence
prennent Ie temps de réfléchir à son impact, ils sont plus à même de d'engagement affectif. Pour que les leaders favorisent I'excellence
s'identifler à leurs équipes, de comprendre leurs préoccupations et les au niveau des individus, des éqr-ripes et de I'organisation rour
conséquences du changement pour elles. S'aider soi-même et aider enrière, il est nécessaire d'utiliser les compétences émotionnelles
ses employés à comprendre le cycle du lien est précieux, tant pour les dans le cycle du lien. Les organisations peuvent utiliser Ie cycle du
individus qui quittent l'organisation que pour ceux qui y restent. lien pour naviguer avec succès à travers des iniriatives de change-
Lors de fusions et d'acquisitions, j'entends souvent les collaborateLrrs ment, grandes ou petites.
se plaindre de ne pas avoir été prévenus. En règle générale,l'individu La formation de liens nous permet d'être en contact avec les autres
peut gérer les nouvelles négatives ; ce qu'il ne peut gérer, en revan- et le monde qui nous entoure. C'est aussi un puissant outil au service
che, c'est une longue période d'incertitude. Si les personnes ne savent de la résolution des conflits ou des différends.
pas ce que le changement va impliquer pour elles, il leur est impos- Posez-vous les questions suivantes :
sible de progresser à travers les différentes phases du cycle du lien, de
faire leur deuil et de chercher de nouveaux attachements.
: Est-ce que je noue facilement les liens qu'il faur avec la personne
et la situation ?
': Comment est-ce que je gère la séparation, la déception, le rejet et
Résumé
l'échec ?
Le cycle du lien est un puissant outil de compréhension de la moti- o Sr-ris-je conscient du chagrin ? Puis-je I'exprimer ? Sr-ris-je capable
vation humaine. Il nous aide à expliquer pourquoi nous faisons telle
d'accomplir le processus de deuil ?
ou telle chose, lorsque nolrs nous trouvons dans les différentes phases r M'est-il facile de nouer de nouveaux liens après Llne perre ?
du cycle. Lorsque nous sommes bloqués clans une phase, nous pou-
vons facilement être pris en otaéle, ce qui peut enÉÌendrer des com-
portements destructeurs. En étant conscients du cycle du lien, et des
conséquences pour I'individu d'un blocage dans l'une des phases,
nous pouvons éviter d'être pris en otage. Savoir que ce cycle existe
peut aider les membres d'une équipe à avancer et à mener des vies
plus saines, plus heureuses et plus productives.
r
90 Ni.GoctA'troNS.çuN.ç1¿r¿llJ
combien d'entre nous resteraient aussi positifs ami et sa seule base de sécurité. un jour, le chien s'échappa et courut
que Jamie |a éré dans
des circonstances anarogues ? dans la rue. une voiture le percuta et le tua. Les yeux fixés sur la scène,
Jamie aurait-ir p.r'r" J"ntir o,ug" i Bob était anéanti. ll s'en voulait de ne pas avoir réussi à maîtriser son
Que pouvons-nous apprendre de cette histoire por* no.rr'uider
à chien et il était fou de rage contre le conducteur qui ne s'était pas arrêté.
affronrer les difficultés de la vie ?
eui sont les p.rroi,n", o.,i no.,, on, Au moment où il s'approchait du cadavre du chien, trois adolescents
soutenus et comment nous ont_elles influencés
?
l'entourèrent et se moquèrent de son chagrin. Avec mépris, les trois gar-
Les o bases de sécurité ) sonr les individus,
les objectifs ou les
choses avec lesguels nous nouons des liens çons essayèrent de s'emparer du corps de l'animal. C'est alors que, hors de
particuliers. si nous lui, Bob sortit un revolver et prit les trois jeunes en otages dans sa maison,
créons de nombreux liens au collrs cre notre
vie, les bases cre sécu- fermant la porte à clé et tirant les rideaux.
rité sont particulières en ce sens qu'e'es nous
appofrenr prorecrion, La police et l'équipe de négociateurs, dont je faisais partie, furent
réconfo* et énergie. Elles sont auranr a" poìÅr,
a,unirug" aun, appelées sur les lieux. En arrivant, nous nous sommes rendus compte
norre vie, pareilles à la terre autour des racines
d,.rn orbre"lui lui qu'il s'agissait d'une situation de prise d'otages particulièrement grave,
appo.e l'assise et la force qui le protègeront les jor-rrs
de teÅpête. parce que Bob n'avait plus rien à perdre que sa vie. pour les négociateurs
de la police, ce cas de figure est le plus dangereux et le plus difficile.
Jamie Andrew, Lìfe ancr Linb : A Trae story of rragecly and snruiuar,portair, Tout au long des dix-huit heures que dura le siège, Bob menaça de tuer
2003. les garçons.
I
94 NEGocT ATToNS J¿N.s1IJL¿.ç /-¿s nÁsrs ot¡. sÉlururÉ 95
En qr-roi la destinée d'entreprises comme Enron er Tyco o.r* Étots- d'être vécue s'il ne pouvait plus skier ou voulait-il guérir et profiter de la
unis, Ahold aux Pays-Bas er Parmalat en Italie aurait-elle été clifré- vie ? Face à ce choix direct, il prit soudain conscience que, sans l'ombre
rente si leurs dirigeanrs avaienr eu recollrs à des bases de sécurité d'une hésitation, il voulait vivre. En un éclair, il réorienta l'æil de son
pour les aider à rester dans le droit chemin ? Les deux bases cle sécu- esprit.
rité les plus importantes polrr la construction cle l'esrime de soi sor-lt Derek avait besoin de faire le deuil de son adolescence et d'accepter
les attachements aux individus er alrx objectifs. cerre combinaison son identité d'homme mûr, de père, de mari et d'homme d'affaires. llavait
est le fondement d'une approche équilibrée de la vie. si les inclividus perdu son père alors qu'il n'avait que sept ans et il avait grandi sans figure
n'ont des liens d'attachement qu'avec d'autres individus, ils se senti- paternelle pour le guider et I'aider à comprendre les émotions et la vie. ll
ront sans cloute en sécurité, mais auront aussi le sentiment de rre pas était le type même du solitaire ultra-indépendant, quiavait passé sa vie à
avoir totalement réussi. S'ils ne sonr atrachés qr,r'à des objectifs, ils essayer d'être le meilleur et à ne s'attacher qu'à des objectifs. Après la
donneront l'apparence de la réussite, rollr en souffrant horriblement mort de son père, il avait cessé de nouer tout lien avec les autres. Dès lors,
de la solitude, comme cela se produit souvent avec les ,, drogués du s'il avait brillamment réussi d'un point de vue financier et professionnel,
travail Un individu se bat toute sa vie pour réussir, se donne corps ses relations personnelles en avaient énormément souffert.
".
et âme à son travail, pour découvrir avec l'âge qu'il est seul sur son Voyant clair en lui-même, Derek s'excusa auprès de son fils et lui
Olympe, qu'il n'a jamais réellement appris la richesse et la beauté demanda de lui pardonner. ll alla ensuite voir sa fille et s'excusa de ne
des liens avec alrtrui. Mais il n'est jamais trop rard pour apprendre à pas avoir été là pour elle et de ne lui avoir jamais dit qu'il l'aimait. Elle le
rebrancher son cerveau et découvrir le processus du lien. gifla avec colère et lui répondit:rr Comment oses-tu, après toutes ces
années !r Deux mois leur furent nécessaires pour se retrouver et la fille
Par un froidet beau jour de mars, dans une station de sports d'hivel
put enfin pardonner à son père.
Derek Smith, dirigeant de cinquante-six ans au parcours professionnel
Lorsqu'il regarde en arrière, Derek déclare qu'il aurait aimé savoir à
flamboyant, faisait la course avec son fils de dìx-sept ans sur une piste
quel point la mort de son père avait influé sur sa destinée. llvivait en fait
rouge. Cette journée était exceptionnelle, car Derek r ne vivait que pour
avec ce qu'Eric Berne appelle un r scénario r, un plan de vie fondé sur la
son travail D, comme l'auraient dit ses amis, et ne passait guère de temps
décision de ne jamais prendre le risque de s'attacher, parce que les êtres
avec sa famille. Son fils, avide de lui montrer ce qu'il était capable de
chers pouvaient disparaître comme son père. ll prenait désormais cons-
faire, voulait gagner -
à I'instar de son père, animé depuis toujours par un
cience qu'il aurait pu choisir un autre plan de vie quiaurait été synonyme
fort esprit de compétition.
de moins de souffrance pour ses enfants, son épouse, ses employés et lui-
Refusant de laisser gagner son fils, Derek descendit trop vite, perdit le
même. Pour y parvenir, il aurait eu besoin d'un attachement à une base de
contrôle et percuta un arbre. Lorsqu'il reprit connaissance, il était à
sécu rité.
l'hôpital, le dos brisé. Lorsque les médecins lui apprirent qu'il se remet-
Lorsqu'il reprit son travail, il n'était plus le même homme, ni le même
trait, mais qu'il ne pourrait plus jamais skieç Derek sombra dans une pro-
leader. Ses employés furent agréablement surpris de découvrir à quel
fonde dépression. a Si je ne peux plus skier, la vie ne vaut pas d'être
point son style de leadership avait changé : n Toute ma vie, j'ai été otage
vécue. r ll se laissa envahir par le désespoir.
de la réussite et de mon désir d'atteindre des objectifs au détriment de
Effondré, son fils se sentait responsable de l'accident. Selon lui, il
mes relations interpersonnelles. Aujourd'hui, je vois des choix et je les
savait depuis tout petit qu'il fallait toujours que s0n père gagne. Empli de
affronte. r ll réussit à recâbler son cerveau, prouvant qu'il n'est jamais
culpabilité et de remords, il était convaincu que s'il avait laissé son père le
trop tard pour changer de comportement et choisir une autre façon de
devancer, rien de tout cela ne serait arrivé.
vivre. ll est peu probable que Derek serait parvenu seul à ce changement,
Lors de ma discussion avec Derek, je lui posai la question suivante:
car il avait besoin d'une crise et d'une base de sécurité, moi en I'occur-
voulait-il être otage de sa conviction que la vie ne valait pas la peine
rence, pour I'aider à apprendre une nouvelle façon de se comporter.
r IOO NúcocurloNs srNsla¿¿s
¿¿-.ç Bri.ç¿J' ot¡, si,c:uRrrÉ 101
cette histoire noLls monrre combien il est important d'équilibrer les 4' constrlrisent notre esrime de soi et notre considérarion posirive
attachements aux individus er aux objectifs. Les personnes dotées de pour les autres ;
bases de sécurité peuvenr explorer la vie et l'aborder avec gaieté.
? noLls aident à comprendre les racines de notre identité ;
c'est le fondement de I'estime de soi et de la réussite authentique ;. noLls permettent d'être positifs, optimistes er consrructifs dans
(voir la Figure 4.1).
nos interactions avec autrui ;
À trurrers nos attachements à cles êtres humains comme bases de r, flouS montrent comment ne pas être otages de nous-mêmes, des
sécurité, nous apprenons à aimer et à être aimés. Nous prenons cons- autres ou de la vie elle-même.
cience que nous ne sommes pas là pour rien et que nous comprons.
En nous atachant à des objectifs, nous développons une compétence Comme nous I'avons vu plus haut, les l¡ases les plus sûres pour
qui nous permer de réussir dans quelque chose et qui renforce norre des adultes sont d'autres adultes, qui sont leurs pairs. Il existe roure-
capacité à agir. c'est la combinaison des individus et des objectifs fois nne catégorie particulière de bases de sécuriré, à laquelle appar-
comme bases de sécurité er d'expériences d'apparrenance er de réus- tiennent les mentors, les coaches et les supérieurs. Ce sont les figures
site qui bâtissent I'estime de soi d'un individu. d'autorité, et notre capacité à consrruire des liens positifs avec elles
Les bases de sécurité nous aidenr à réussir parce qu'elles : esr déterminante pour notre réussite. Les frgures d'autorité positives
que nous écoutons, suivons et dont nous nous inspirons nous aident
nous apprennent que nous pouvons faire confiance aux liens
à prendre confiance en nolrs.
d'attachement avec autrui ;
Au fil du temps, ce que l'individu a intégré de ses bases de sécu-
è nous donnent Ie sentiment de sécurité et de liberté nécessaire
rité lui permet de jouer à son rour ce rôle vis-à-vis de lul-même.
pour explorer le moncle ;
Nous avons tous des << caftes mentales , : de notre vision du monde,
{' nous apportent encouragements et protection pour identifier sans
de la place que nous y occupons, du fonctionnement harmonieux de
relâche de nouveaux objecrifs afin de progresser ; nos relations interpersonnelles. Dans son llre Attacheilnnt el þerte,
John Bowlby parle de " systèmes de représenrarion inrernes ot'. Lors-
Attachement qlre, pour une raison ou une alltre, les comportements d'attachement
+ et de lien sont désamorcés, le comporremenr exploraroire est freiné et
Lien
ne reprendra que lorsque les comportements d'attachement et de lien
+
1. M. Ainsworth, M.C. Blel.rar, E. SØarers et S. \ùØall, P¿teyns of Attachnent :
de soi A Psycholo¿¡iat/ Sttdy of tlte Strange Sitration, Erlbaum, L978 ; Hatry F. Har-
low, " Tl.re Narure of Love , , T'he Auarican Psychologist ; et M. Malher, The
Figure 4.1 - Bases de sécurité et estime de soi
Psyclsologìcal Birth of the lrfant, Basic Books, 1975.
r IU 2 NLGOCI A'T'IONS.'¿N.11I]¿¿.ç
/.Ë.ç ¿rÁ.r¡.ç or sÉcururÉ, 103
Le comportemenr exploratoire conduit l'individu loin de sa base relations coopératives s'avère particulièrement important. Lorsque
de sécurité. Cependanr, pour être efficace, il doit reposer sur
un I'enfant est assez âgé pour comprenclre les sentiments ou les motiva-
sentimenr de sécurité ec la conviction que le point d'ancrage sera
tions de ses parents, il noue une relation beauconp plus complexe avec
disponible en cas de besoin. on ne peur pas explorer réellement
re eux - un ,, partenariat ,ll dans lequel chacun exefce une influence sur
monde si on ne parr pas d'une base de sécuriré. Robert rüØeiss
a les buts et les plans de I'autre. Lenfant et les parents négocient et
idenrifié trois critères pour définir le comporrement d'amachement
coopèrent dans l'élaboration de plans basés sur leurs besoins respec-
dans I'enfances:
rifs. Les individus qui sont facilement pris en otages ont un modèle
1' La recherche de proximité: l'enfant essaye de rester dans le péri- mental immature du fonctionnement des relations complexes. Le plus
mètre protégé de la figure d'attachement. favorable est celui qui inclut la complexité de l'échange donner-
2' Labase de sécurité : en présence d'une figure d'atachemenr, aussi recevoir, le compromis et la nature subtile de la réciprocité.
longtemps qu'il n'y a pas de menace, r'enfant manifestera qr-r'il Certaines l¡ases de sécurité pelrvent être négarives er é.garcr
est
bien et en sécurité. l'esprit de I'individu qui leur est attaché. Parents, professeurs ou
3. Protestation conrre la sépararion : s'ir a le sentiment qLle quelque supérieurs hiérarchiques peuvent empoisonner I'esprit d'autrui. Les
chose l'empêche durablemenr d'accéder à la figure d'attachement frlms, les émissions de télévision ou les jeux électroniques peuvent
ou qu'il va en être sé.paré, il réagit en protesranr er en essayanr également avoir une influence néfaste si des bases de sécurité ne
d'empêcher cerre perre. sont pas disponibles pour aider I'individu à ler-rr donner sens et
limites.
on observe également ces trois critères chez I'adulree. Les rera- Les attentats de Londres <le juillet 2005 ont été peryétrés par des
tions d'attachement sont dans ce cas davantage tournées vers les
individus élevés en Grande-Bretagne, qui ont choisi de mourir en se
pairs, la grande majorité allant à des égaux ou à des partenaires,
er faisant exploser avec leurs bombes. On leur a ,, enseigné - et ils le
un nombre limité à des figr-rres prorecrrices. Les implications en "
croyaient - que donner sa vie en tuant d'innocents civils était une
sont considérables pour les leaders dans les organisations, qui sonr
expérience mystique et un chemin direct vers le paradis. Quel esprit
confrontés à des changemenrs d'attachemenr er des séparatiån, p"r-
était derrière le leur ? Il est intéressant de noter que trois des poseurs
manentes. Les leaders et les managers doivent non seulement
être de bombes étaient des immigrants de deuxième génération, décon-
des bases de sécurité, mais également créer une culrure et un
système nectés des valeurs traditionnelles de leur pays d'origine. On est en
social de bases de sécurité, afin de favoriser un climat de confiance
droit de s'interroger sur la vulnérabilité cles jeunes immigrés de
dans lequel chacun pourra s'épanouir er donner le meilrer-rr de lui-
deuxième et troisième générations, qui n'ont pas développé de liens
même.
d'attachement avec la société dans laquelle ils ont grandi et qui ne
selon John Bowlb¡ les bases de sécurité doivent apporrer < encolr- voient pas dans leur nouveau pays une base de sécurité positive. Les
ragements, soutien et coopération
". Lenfant se sentira alors suffi_
samment en sécurité pour explorer son environnement et développer
manifestations et les incendies de voitures qui ont eu lieu en France
en 2005 nous offrent Lrn autre excmple d'une jeunesse révoltée, qui
urn sentiment de compérencet". Le modèle que se forge l'individu
de se sent coupée de Ia société.
rience ou qui ont cessé de créer des liens, sont généralement otages ,:. détermine les caractéristiques de I'aptitude de l'individu à se foca-
d'eux-mêmes. liser, à être conscient de ce qu'il éprouve et à s'apaiser ;
Les bases de sécurité nous donnent la force de maîtriser l'æil de r détermine l'aptitude à surmonter le malheur et les échecslt.
notre esprit et de poursuivre les bllts qlle nous voulons réellement
atteindre dans la vie. Du l¡erceau à la tombe, comme l'a si bien clécrit La figure maternelle comme base de sécurité
John Bowlby, nous connaissons un scénario changeant de l¡ases de Dans son autobiographie Ma uie de þatron, I'ancien PDG Jack Welch
sécurité, qui nous donne le sentiment d'aimer et d'êrre aimé, un sen- consacre un chapitre à son enfance. Il y décrit affecrueusemenr sa
timent d'appartenance, mais aussi de compétence et de réussite. Sans mère comme la ,, personne qui a eu le plus d'influence dans ma
yig
bases de sécuriré, nous finissons marqués, blessés. Nous devenons ". Elle I'a poussé à se dépasser et I'a aidé à prendre confrance en
otages. lui. Selon une anecdote désormais célèbre, elle aurait expliqué que si
Les compétences inrerpersonnelles et d'estime de soi se déve- son fils bégayait, c'est parce que sa langue n'arrivait pas à être aussi
loppent à partir des l¡ases de sécuriré que nous formons initia- rapide qlre son esprit !tóÀ quarante-cinq ans, candidat improbable
lement avec nos * donneurs de soins o. C'est à ce moment-là que au titre de plus jeune dirigeant de I'hisroire de General Electric,
sont jetées les l¡ases de notre personnalité. Notre ( parron cl'atta- Jack \)Øelch quitta I'estrade après sa première réunion des action-
chement , est basé sur les interactions que nous avons avec des naires et dit à un ami : ,, J'aurais tellemenr aimé que ma mère soit
bases de sécurité duranr la perite enfance (avec la mère, le père, les là. , Sa mère était morre depuis plusieurs années.
grands-parenrs, les frères et sæurs, la famille...). Au bout d'un cer- J. Welch explique que c'est à sa mère, Grace, qu'il doit d'avoir pu
tain temps, ce patron est intégré, inscrit dans notre cerveau, déter- suivre sa propre voie. o Ma mère était une amie, vous savez )>2 dit-il.
minant alors notre style d'attachemenr. Ainsi o Nous avions une relation merveilleuse. C'était une expérience puis-
John Bowlby écrit-
il : " Du type d'expériences que vit un individu, en parriculier sante, unique, formidable, qui me donnait confiance en moi. ,
durant I'enfance, dépend pour une large part qu'il espère plus tard Avez-vons elr une mère, une grand-mère, une lrelle-mère, une
trouver une base de sécurité ou non, et aussi son degré de compé- mère adoptive ou toute autre figure Íéminine qui était là, présente,
tence pour inirier et cultiver une relation mutuellement enrichis- comme base de sécurité ? Pouviez-vous courir dans ses bras en
sante lorsque I'occasion s'en présente... Du fait de ces interacrions, sachant que voLrs y seriez toujours accueilli avec amour ? Si oui, elle
le premier parron établi tencl à persisrer. cela explique en grande a contribué à établir une première image mentale posirive, vorre
partie I'importance déterminanre dll parron de relations familiales " moclèle mental ,, des femmes et cle I'autorité féminine. C'est ainsi
vécu par l'individu dans son enfance pour le développement de sa que l'individu apprend I'échange affectif avec les femmes. La mère
personnalité. o l''
15. " How Attachment Discoveries Help in Marriage and Otl-rer Love Rela-
tionships
", www.helpguide.org.
16. Mukul Pandya, Robbie Shell, Susan \(/arner, Sandeep Junnarkar et Jeffrey
Btown, Nightþ Basines Report Presenß Lastìn¡4 Lødership: lVhat Yol Can
Learnfront, theTop ZS Btxine.ç.ç Peoþle of otrTinte.ç,\Xlharton School Pr-rblishing,
l1i. B<rwlb¡ The MaÞìn¡4 ancl Breaking oJ AfJexional Bontls, p. lO4.
2005.
lO8 NÉcoctÁTrcNs'.r¿N.r¡ts¿uJ LL,s ntsts or sÉr:unrrÉ, 109
est généralement la première et la plus fondamentale cles bases de Lrnefigure cl'autorité féminine. Il va sans dire que, dans l'entreprise
sécurité, la première à veiller sur l'enfant er à s'occuper de lui, et comme ailleurs, les hommes, d'autant plus s'ils sont dirigeants ou
dans bien des cas, elle est le premier point d'ancrage. Une belle- managers, doivent être capables d'interagir efficacement avec les
mère, une mère adoptive, une tanre ou toute alrrre figure féminine femmes - collègues, supérieures ou modèles. Ce qui ne sera généra-
peut jouer ce rôle si la mère n'esr pas présente. À ce stade, vous vous lement pas le cas s'ils ont une image mentale négative des femmes.
demandez peut-être : ,. Mais qu'est-ce que tout cela a à voir avec ma Lamour d'un père ou d'une fi¿;ure paternelle ne remplacera ou ne
vie, mon travail, mes activités de dirigeant ou d'enseignant ? Que compensera jamais totalement Ie lien avec la mère ou la frgure
"
vous ayez eu des bases positives ou négatives, ce qui compte, au final, d'autorité féminine.
c'est de comprendre que la façon dont vous volls comportez avec les
femmes aujourd'hui, que volrs soyez un homme ou une femme, Relation mère-frlle
trouve en partie sa source dans la nature de la relation que vous avez
Pour toute jeune fille, la figure maternelle est un exemple et un
eue avec des figures d'autorité féminines dans vorre enfance. Com-
modèle - la personne qu'elle respecte et dont elle dit : .. Je veux être
prendre vos racines vous aide à éviter de devenir otage dans le pré-
comme elle quand je serai grande. " Malheureusement, les choses ne
sent sur la base d'expériences passées.
se passent pas toujours aussi simplement. Différents éléments,
comme la jalousie, la concurrence, I'incapacité de la mère à encoura-
Relation mère-frls
ger sa fille à voler de ses propres ailes, viennent parfois compliquer
Les recherches ont montré qu'il existe un lien particulier entre mère
la relation. Mais en tout état de cause, il est extrêmement important
et fils. Selon Manfred Kers de Vries, beaucoup de grands dirigeants
pour la frlle de comprendre comment sa mère envisage la féminité.
ont eu des mères fortes, encourageanres, et des pères plutôt absents.
Le rejet de la mère ou l'incapacité à nouer Lrn lien avec elle peut
Comme nous I'avons évoqué plus haut, Jack \)Øelch a été profon-
conduire à l'aliénation, voire à la haine de soi. Faire la paix avec sa
dément influencé et motivé par sa relation avec sa mèrel7. Nelson
mère et avoir une figure féminine comme base de sécurité sont
Mandela a lui aussi éré profondément marqué par sa mère. Celle de
inclispensables pour pleinement s'accepter soi-même. Lamour d'un
Richard Branson disait à tour le monde qlre son fils serait premier
père ou d'une figure d'autoricé masculine ne remplacera ou ne com-
ministre de Grande-Bretagne et elle I'a convaincu qu'il pouvait pensera jamais totalement le lien avec la mère ou une figure d'auto-
accomplir ce qu'il voulait dans la vier8.
rité féminine.
C'est à travers les yeux de la mère, er non du père, que le fils se
La frlle doit apprendre à avoir une représentation mentale positive
perçoit comme figr-rre masculine. Labsence de lien d'attachement de la féminité. Quoi qu'il ait pu survenir dans le passé, il est possible
avec une figure maternelle dans l'enfance se tradui ra, chez le garçon
d'acqr-rérir cette image positive en trouvant une figure d'autorité
devenu adulte, par la difficulté à nouer des liens avec aurrui, que ce
féminine comme base de sécurité ou comme mentor.
soit des hommes ou des femmes. On observe chez beaucoup d'hom-
mes en état de détachement une absence de liens avec la mère ou une
figure féminine tout au long de leur vie. Mais ces blessures pelrvenr La figure paternelle comme base de sécurité
être guéries à tout moment, grâce à une relation non sexuelle avec Après Ia mère, le père est généralement I'autre grancle base de sécu-
rité dans la vie d'un enfant. Un père, un grand-père, un beau-père
ou tolrte autre figure paternelle était-elle là pour volls, comme base
17. Diane L. Coutu, Putting Leaders on the Couch: ,{ Conversation with
" de sécurité ? Pouviez-vous courir dans ses bras en sachant que vous
Manfred F. R. Kets de Vries ,, Haruarcl Btuiness Reuiew.
1É1. Richard Branson, Loszng My Vìrgìnity. How l'ue Slraiued, Hacl Fun ancl ALacle
y seriez toujours accueilli avec amour ? C'est ainsi que I'individu
a Fartane Doiug Business fuIy \X/ay, Vi¡gin, 1998.
apprend l'échange affectif avec les hommes.
r
I LO NÉcoctlzi(rN.r J'¿NJI¡JL¿.ç
r.Ës 8,4.r¿.1 or, sÉcunrrÉ 111
Relation père-frls
était froid, distant ou critique, alors'elle risque d'avoir des difficultés
Les pères doivent apprendre à leurs fils, rorsqu'ils sont
enfants et à apprenclre à nouer des liens positifs avec les hommes. Les études ont
adolescents, à gérer les émorions, er en particulier la colère
et ra montré que le lien particulier entre père et fille est utile pour appren-
souffrance. La socialisation des hommes doit être faite par
d,aurres dre aux filles à gérer leurs émotions.
hommes. La mère, en effet, ne peut y avoir qu,une contribution
Ces interactions avec des figures d'autorité dans I'enfance jouent
limitée, parce que le fils a l¡esoin de s'icìenrifi". u., ,"*" de son père.
un rôle important dans la façon dont nous choisissons nos partenaires
De nombreuses érudes ont montré que les bases de sécurité parer-
er autres relations avec des pairs. Il peut advenir que les relations
nelles - un attachement à un père ou à un frère aimant,
qui accom_ interpersonnelles d'r"rn individu soient, sa vie durant, ( otages ) cle
pagne I'enfant rour alr long de son adolescence et du dél¡ur
de sa vie I'image mentale qu'il s'est foryée du père ou de la mère. Cela étant,
d'ad'lte - jouent un rôle important dans la prévention des compor-
rien ne nous conclamne à être otages de ce qu'il s'est produit ou non
tements criminels et violents chez les jeunes garçons à risquàsre.
avec nos parents. Certaines des plus belles histoires que Ia vie nous
Tout jeune homme doit disposer dans son enrourage d'une figure
offre ne sont-elles pas celles d'individus qui ont surmonté les expé-
paternelle positive, qu'il puisse identifier comme base de
sécurité et riences les plus noires avec leurs parents ?
modèle de lien émotionnel empathique. Le père est à la fois
un Indépendamment des circonstances passées ou présentes (famille
exemple et un modèle de la façon dont les hommes se comporrenr
er monoparentale par exemple), nolrs pouvons trouver des bases de
gèrent leurs émotions avec les femmes, mais aussi avec
d'autres sécurité à tout moment de nos cycles de développement, depuis la
hommes, le travail er toutes les circonstances de la vie
en génénr. naissance jusqu'à la mort. Généralement, les adultes se tournent vers
Aussi puissant soit-il, le lien mère-fils ne remplace ra jamaisl,u-o.,,
des pairs et des égaux comme bases de sécurité. La bonne nouvelle,
d'un père ou d'une figure paternelle.
c'est que le cerveau peut à tout moment de la vie se recâbler pour
Relation père-frlle corriger cles expériences d'échec du lien.
Les attachements qui durent le plus longtemps sont solrvent ceux
cette relation est vitale pour que la fille développe une image positive
que l'on nolle avec ses frères et sceurs, conjoints et partenaires, et
et saine des hommes, de la virilité et des relations urr". À r'in.- amis d'enfance. Lorsque je demande aux managers qui suivent mes
",rr.
tant où le père rient sa fille dans ses bras pour ra première fois, au cours quelle est leur principale base de sécurité, la pltipart répondenr
moment de la naissance, se noue un lien particulier qui les façonnera
que c'est leur conjoint. Les liens d'attachement les plus courants
et les modèlera tous deux. premier homme importonr dur, ,u
vie, le concernent les conjoints, amis, collègues et supérieurs. Il est éga-
père a une influence aussi unique que p'issanre sur la formarion
de lement vrai que les ruprures avec des bases de sécurité - divorce,
I'image de soi de sa fille. La perceprion que celle-ci aura d'elle
prus incompréhension avec les parents ou conflits avec des amis - sont les
tard, en tant que femme, amie, amante, épouse et collègue, est
étroi_ situations d'échec citées en priorité par les managers.
temenr liée au père. ce qu'elle a vu d'elle dans les yeux
de son père Nombreux sont les individus qui considèrent leurs enfants
s'inscrir dans son cerveau. si le père esr une base de sécurité
et lui comme des bases de sécurité. Cette attitude n'est pas sans risques. En
donne le sentimenr d'êrre aimée, intelligente et séduisante,
elle gran- effet, en utilisant leurs enfants comme points d'ancrage, les parents
dira avec une plus grande confiance en elle. Si le père, en revanche,
interrompent le cycle de développement de I'enfant vers l'émancipa-
tion et la liberté. Ceux qui se servent de leurs enfants comme bases
19. James SØ. Prescom, . Affectional Bonding for the prevenrion
of Violent de sécurité font peser sur eux une responsabilité trop lourde. Le cas
Behaviors : Neurobiologicar, psychorogical and Religious/spiricual
Deter- de I'enfant adulte qui devient une base de sécurité polrr un parent
minanrs
", in L. J. Hertzberg et al.,Violert Beltrtuior, Vol. I iA¡se¡snænt and âgé plus tard dans la vie relève d'une toute autre logique. Bill
Inreraenti¡n, PMA Publish ing, l))O.
George, ancien PDG de Medtronic, est ainsi devenu une base de
r 11.2 NÉGoc t 1\TroNS.r¿N.rlslr.ç
/.1jJ'tjrtsltJ Dt: si,r:Unn'É I13
sécurité polrr son père, après le décès de sa mère : * Lorsque je suis Comment se comporterait un père-base de sécr-rrité por-rr aider sa fille
arrivé à la maison en fin d'après-midi ce jour-là, mon père m,a à apprendre à avoir des objectiß ? Il lui apporterait prorection, éner-
accueilli à la porre. Je n'oublierai jamais ce qu'il s'esr passé entre gie, réconfort et sontien en disant à Mary cluand elle tombe : < Et,
mais c'est très l¡ien parti ,.Il lui suggèrerait : . Tiens, pose ron pied
nor-rs. En le regardant dans les yeux, j'ai rout de suite compris qu'il
fallait clue je devienne le père de mon père. cette inversion des rôles sr-rr la pédale. Je vais tenir le vélo penclanr que rlr pédales. Et je te
a continué penclant les vingt-cinq dernières années de sa vie. préviendrai quand je le lâcherai. " Si Mary rerombait, il la rassure-
J'ai
vraiment perdu deux parents le même jour. À vingt-q*atre ans, je rait: ,, Ce n'est rien. Moi aussi, je suis bear-rcoup tombé quand j'ai
suis devenu l'aîné. "Le fils devient le père de l'homme." ,20 appris à faire du vélo. Je suis sûr que tu pellx y arriver. '
Que Mary tombe cinq fois ou dix fois, son père n'en continuerait
Des objectifs comme bases de sécurité pas moins à l'encourager : ( TLI y es presque ! Je sais qLre ru vas y
une des façons fondamentales de se créer une base de sécurité et de arriver ! " À la quinzième tenrative, elle tombera peur-être encore
réussir consiste à se dévouer corps et âme à un objectif.
eu,il soit mais elle ne renoncera pas, parce qlre son père h,ri aura dit : ., Ce n'est
personnel ou professionnel, ce dernier peur s'inscrire dans n'importe pas gÍave, je sais que tu peux y arriver. ,'
quelle sphère de la vie, relever de n'importe quel domaine. Lessentiel Il I'entoure d'une présence posirive. Finalement, Mary réussit à
est qu'il ait un sens pour I'indiviclu. Lorsque noLls avons un objectif, faire du vélo et son père applaudit et s'écrie avec un grand sonrire :
nous développons la compétence en vue d'arteindre le niveau d'excel- o Bravo, Mary !Je savais que tu y arriverais.
"
lence requis. En chemin, nolÌs connaîrrons généralement l'échec et la Comment se sent-elle ? Fantastiqr-re ! Qu'on me donne un vélo
"
frustration. La réussire est en fait l¡âtie sur la capacité à surmonter de course ! Je suis prête à passer au niveau supérieur
", se dit-elle.
l'échec. Apprendre à surmonrer des ol¡stacles crée dans le cervea* le Elle apprend qu'avec I'aide d'une base de sécuriré, l'échec fait partre
câblage pour agir, qui nous préserve de devenir orages de l'échec o. du chemin qui conduit à son objectif. Avec suffisamment d'expérien-
de la peur d'échouer. Les objectifs ambitie'x comporrenr roujours Lrn ces de ce genre dans sa vie, Mary apprendra à ne jamais être otage de
risque d'échec. Mais en apporranr prorecrion, réconfort et énergie, les la peur de l'échec et elle recherchera même des objectifs si élevés
bases de sécurité font du cheminemenr vers I'objectif une expérience qu'elle croisera probablemenr l'échec sur sa roure. Léchec esr ensei-
d'apprentissage permanent. Rester concenrré sur I'objectif donne une gnement et, lorsqu'on l'utilise de ceme façon, il ouvre la voie à une
signification positive aux résultats décevanrs er, au final, enseigne la réussite plus grande. Et ceme dernière renforce norre confiance en
résilience. notre capacité à agir et à ne pas devenir orages.
La petite Mary a cinq ans. Elle veut apprendre à faire du vélo. Son père
accepte de I'aider et lui ordonne :< Mary, monte sur ton vélo, pédale et ne Peur de l'échec et de la réussite
tombe pas. r
Elle obéit et, naturellement, tombe. Le père, qui n,agit pas Les personnes qui ont peur d'échouer sonr solrvenr incapables d'explo-
comme une base de sécurité, déclare : n Je ne peux pas t,apprendre quoi rer et de prendre les risques qui pourraient les conduire au succès,
que ce soìt r et tourne les talons. Mary est désespérée. Elle est pleine de parce qu'elles manquent d'assurance. La roure des individus qui
honte et son estime de soi est réduite à néant. réussissenc est bien souvenr jalonnée de revers et d'échecs. Certains
d'entre nous ont pourtant peur d'échouer et restent prisonniers de
cette peur.
D'autres sont pris en otages par leur peur de réussir. Comment
20. Bill George, Attthentìc Leadenbip : lledi.çcot,ering tbe secreî¡ to
cela fonctionne-t-il ? La peur de la rér-rssite survienr lorsque l'indi-
creatìng vtltn,
Jossey-Bass,200J. vidu est tellement attaché au but ou aux personnes qu'il évite coute
r L 14 ¡¡Éco<:ttt7'10Ns J¿NJlll/.¿.ç
À soixante ans, Henry apprit qu'ir étaii atteint Cette histoire illustre le pouvoir des rêves, le danger de ne plus en
d'un cancer de ra prostate
avoir et le défi de toujours en poursuivre de nouveaux. Henry essaye
- un choc considérabre pour rui et pour sa femme. Lors de notre renc.ntre,
clésormais de trouver un nouveau rêve.
I 16 NÉcoctATToN.r .çENJ1ß¿¿.ç Lr.r tsAs¿.ç on sÉcuturÉ I17
o être joyeux et montrer que I'on est heureux de vivre paroles à cæur. ll s'engagea dans I'US Navy et devint le premier maître
;
plongeur noir de la marine des États-Unis... n0n sans avoir surmonté pré-
r donner er recevoir de l'énergie de manière équilibrée ;
jugés raciaux et autres obstacles.
e rechercher de nouvelles opportunités er de nouveaux défis
;
Plus tard, à la suite d'un accident dans l'exercice de ses fonctions, il
c être capable de faire er de recevoir des compliments ;
devint le seul maître plongeur amputé de l'US Navy. Carl est l'un des sept
¡ faire preuve de spontanéité er de souplesse ;
soldats dont I'US Naval lnstitute raconte I'histoire. Son parcours hors du
c faire preuve d'espièglerie ;
+ avoir des réactions créatives face aux problèmes ;
r retirer de la satisfacrion des expériences ;
22. R. Gilligan, " Adversit¡ Resilience ancl Yor.rng People :' The Protective
Value of Positive School and Spare Time Experieoces )): Chìldren ancÌ Society,
21. Pour en savoìr plus sur l'estime de soi, l'excellent ouvrage cle Nathaniel 2000.
Branden, self-Esteen at ulorþ : How confdent peoþre Make powerfitl comþanies, 23. American Psychological Associatìon, The Road to Resilience : 10 \7ays
"
Jossey-Bass, I!p8. tcr Build Resilience 2004, www.apahelpcenter.org.
",
11 8 NÉc;ocr A1'toNS J'¿NJ1lJi_11.t
¿r.r ß1tJ-¿.r or, sÉc;uWuj ll9
commun a également donné naissance à un film à succès, L'honneur
tout prix.
o
g. Gardez clu recul. Pensez au contexte plus large et conservez Llne
tr Parfois r, raconte-t-ir, r quand je revenais perspective à long terme.
de courir, ir y avait une
petite flaque de sang sur ma jambe artificieile, à cause
de mon moiqnon.
9. Cukivez I'optimisme. Concentrez-vous sur ce qLre volrs voulez,
Je n'allais pas à l'infirmerie. cette année-là, sij,étais allé plutôt que slrr ce qlre vous ne voulez pas et ne laissez pas la peur
à I'infirmerje, ils
auraient fait un rapport sur moi. Je n'y suis pas alré. J'allais s'emparer de votre esprir.
me cacher
pour tremper mon moignon dans un seau d'eau chaude !).Prenez soin de vous. Soyez attentif à vos besoins et à vos senti-
salée - un ancien
ments. Faites des choses qlre vous aimez et que volrs trollvez
remède. Le lendemain, je me levais et je partais courir. r2a
relaxantes.
chacun d'enrre nolrs peur apprendre et cultiver Ia résirience.
L'A.merican Psychological ,A.ssociation (ApA) donne les dix ces attributs sonr plus facilement appris si on dispose de bases de
conseils
suivants2t : sécurité qui nous ont apporté les modèles menraux favorables à la
résilience. La mentaliré d'otage est à l'opposé de la résilience. Elle
1. Nouez des liens. Les bonnes reracions sonr imporranres. diminuera tolliours votre estime de soi.
2. N'envisagez pas les crises comme des problèmes insurmontables.
vo's ne pouvez pas changer le fait que des événements stressanrs Lorsqu'une base de sécurité vient à manquer
snrviennent, mais vous pollvez agir sr_rr la façon dont vous
les un grand nombre de personnes ont été privées de liens de sécurité
interprétez et dont vous y réagissez,
dans les premières années de leur exisrence. certaines sont capables
3' Acceptez I'idée que le changemenr fait partie de la vie. Accepter de résoudre ce problème lorsqu'elles cleviennent aclulres er réus-
ce qui ne peLlr pas être changé vous aide à vous focaliser
sur ce q.i sissent à nouer des relations interpersonnelles heureuses, enrichissan-
peut l'êrre. tes, clans leur vie personnelle et professionnelle. Beaucoup d'autres,
4. Avancez vers vos buts. Fixez-volls un nombre limité d'objectifs cependant, n'y parviennent pas et ne savent nolrer que des relarions
réalistes et dites-vous : ,, euelle est la chose que je peux négatives, lorsqu'elles ne sonr pas purement et simplemenr coupées
accom-
plir a*jourd'hui qui m'aidera à avancer dans ra direction oir j,ai de tout lien. Elles pelrvent connaître des attachements, mais sans
envie d'aller ? aucune création de liens authenriques. cette cafence se manifeste,
"
5' Agissez. Réagissez aux situations crifficiles auranr que vous le par exemple, dans le fair qu'elles sont incapables de gérer le conflit,
pouvez, aussi vite que vous le pouvez. la frustrarion, la jalousie ou la déception, ou qr-r'elles sonr consram-
6. Recherchez cles opporrunités de découverre sur vous-même. Les ment dépendantes ou qu'elles s'accrochenr aux alrrres. Les individus
individr-rs apprennenr quelque chose sur eux_mêmes et en conflit permanent rendenr à avoir une faible esrime de soi.
décor_r_
vrent qu'ils onr progressé sur rel ou tel point grâce aux difficultés Lorsque les bases de sécurité des individus n'onr pas pleinement
qu'ils ont surmontées. jo'é leur rôle, cela peut plusieurs conséquences. Ils risquent
7' cultivez une image positive de vous-même. Développer la confiance ^voir
d'avoir peur de l'artachement et d'éviter roure forme de lien avec
en vorre capacité à résoudre les problèmes et faire confiance autrui. Ils peuvent aussi craindre la séparation et, partant, s'accrocher
à vorre
intuition contribuent à bâtir la résilience. exagérément aux autres. Certains développent un comportement
d'imitation ou, à l'inverse, de haine du père o'de la mère, ce qui les
24. carl Brashear, entretien avec l'u.s. Naval Insritute, concluit
le r7 n,vem- conduit à fuir leur virilité ou leur féminiré.
bre L989 à I'US Naval Starion, Norfolk, www.chasìngthefrog.com. On observe également que les individus ayanr manqué de bases
25. Amertcan Psychological Association, . The Roacl to Resiliencc: de sécurité évirent d'explorer ou de se rourner vers l'extérieur pour
l0 Ways
to Build Resilience faire des choses, parce q''ils n'ont pas réellement confiance en eux.
".
I2O NúGoc tA'noNs.ç¡Nr1¿l¿ll.t
r.ES ryASES DE sÉl:ururÉ. I2I
Ils ont tendance à douter d'eux-mêmes, à ne pas être autonomes nos bases de sécurité. Le style d'attachemenr et de liens désigne la
;
anticipant en permanence la pefre, ils sont rongés par I'inquiétude. façon dont nous choisissons, renonçons et re-sélectionnons nos bases
cela peut aller jusqu'à cles sentiments de panique, qui les rendent de sécurité. Tout individu a sa façon à lui de créer, d'entrerenir, de
incapables de nouer des liens de sécurité. rompre et de renouveler des attachements. Ces styles sont basés sur
Les superviseurs et les managers qui ne sont pas des bases de sécu- les modèles mentaux qui se sont rransmis dr-r passé jusqu'au présent
rité pour leurs groupes ou les membres de leurs équipes génèreront et qui sont le fruit d'adaptations successives à ce que nous avons
vraisemblablement des conflits, tout comme ceux qui s'attachent vécu. Modelés par les réponses que nous avons reçues - ou non - de
exclusivemenr aux objectifs. Nombre cl'individus sont dans I'incapa- nos bases de sécurité, les styles d'attachemenr peuvent être modifiés
cité de réussir, parce qu'ils onr peur de l'échec ou de la réussite. La par les expériences que nolrs vivons avec de nouvelles bases de sécu-
raison tient au fait qu'ils n'ont pas pu ou su apprendre le mécanisme rité.La typologie ci-dessous me semble la plus utile aux managers.
du lien affectif auprès de bases de sécurité.
citons quelques-uns des symptômes que présenrent les individus Le style confrant
manquant de bases de sécurité : C'est le style idéal. Lindividu noue facilement des liens avec les
ç faible estime de soi ; autres, accepte de dépendre d'eux et que les aurres puissenr dépendre
e incapacité à affronter le stress et l'adversité ; de lui. Sa confiance intérieure lui permer d'affronter les êtres et les
o incapacité à développer er à enrrerenir des liens afièciß avec autrui situations avec sérénité et maîtrise de soi. Les individus au sryle
o attitudes et comportements antisociaux ;
;
confiant ont conscience d'eux-mêmes, de la façon dont les autres leur
* difficulté à faire confrance ; répondent et de leur impact muruel. Ils tendent à se focaliser sur le
r attitude négative er cynique ; moment présent et ne craignent pas d'être rejetés, mal aimés ou
abandonnés. À l'uir" avec la proximité, ils ne s'inquiètent pas de
ù manque d'empathie ;
o bavardage incessant ; l'avenir de la relation. Labsence de roure forme d'anxiéré est la mar-
que fondamentale des individus au style conûant. En cas de peur ou
o problèmes comportementaux et scolaires ;
d'anxiété, ils s'autorégulent et il est facile aux autres de les approcher
e estime de soi instable er doute de soi-même ;
et de profiter de la relarion. Les leaders dotés de ce style sont beau-
* sentiment de ne pas être appréciés par les autres dans le travail ;
coup plus effrcaces, parce qu'ils créent un sentiment de confiance et
e désir d'hypothétiques réussires, mais incapacité à soutenir un
de sécurité en étant une base de sécurité.
effort;
o tendance à être aisément distraits par des saures d'humeur (même
Le style inquiet
positives) ;
Les individus inquiets sont emplis de doutes et de méûance, obnu-
.' sensibilité er émotivité importantes lorsque soumis au srress ;
bilés par le besoin d'être aimés et appréciés par autrui. Leur insécu-
{ pelrr d'essuyer des refus ou des rejets dans la vie de rous les j'urs
; rité leur donne le senriment que les autres sont réticents à êrre aussi
.+ tendance à se livrer à tout le monde ; proches d'eux qu'ils le souhaiteraient. À cause de I'aura d'angoisse,
+ obsessions en matière alimentaire.
voire de négativité qui les enrolrre er qLli freine rout dialogue
authentique, entrer en contact avec de tels individus est souvent
Styles d'attachement et de liens difficile. Plus ils s'accrochent aux au.rres, plus ces derniers essayenr
Létude des comporremenrs d'attachement a d'abord porté sur les de les éviter, ce qui crée un cercle vicieux. Les managers dotés de ce
animaux, puis sur les jeunes enfants, avant de s'intéresser aux adul- style transmettent leur peur et leur anxíété à leur entourage et ont
tes. Tout au long de notre vie, se dessine une histoire mouvante de du mal à être une base de sécurité ou même un équipier positif. Face
a I22 N ÉGoc r AT rcNS.ç¡-NJllt/_1iç
L¿.ç 1J.4.ç¿.ç or sÍ,cunrrÉ I23
à ce type d'individus, il importe d'être clair dans ce qLr'on
dit, de ne
pas laisser planer d'ambiguiré et de veiiler
à ne pas favoriser de sen_ J'en connais qui, au terme d'une di.fficile lutte avec eux-mêmes, ont
timent de peur. La meilleure artirude consisre frni par laisser leur épouse devenir leur première base de sécurité et
à pos., cres questions,
afin de guider l'æ' de ler-rr professeur às attachement. Au final, le solitaire indépendant doit
de la personne vers un aurre point,
plutôt que d'essayer de'esprit
ra rassurer. propor., de lui soumerrre apprendre que si toute relation esr source de souffrance, de déceprion
un et de frustration, les bénéfices l'emporteront toujours sur la souf-
nouveall point de vue est une autre technique
effrcace. La seure issue
pour les individus angoissés est de parvenir france. Les plus grancles joies de la vie ne nous sont-elles pas données
à recâbrer leur cerveau
pour se focaliser sur res bénéfices et les par nos relations avec autrui ?
points positifs, et apprendre
à faire confiance aux alrrres. Cela n'est
possible q.r" ,;il, o,rtorir"nt Le style protecteur compulsif
base de sécurité forte et positive à
'ne être incorporée à leurs modè-
les mentaux' cependanr, nous ne Les protectelrrs sont des inclividus qui créent des liens en prenanr
devons pas laisser ce type d,inclivi-
dus nous prendre en ocages avec leurs inquiérudes soin des autres. Les aider est leur première motivation, même au
et leur insécurité. point de se détruire eux-mêmes ou cle leur nuire. Dans les cas les
Les grands leaders savenr tracer .ne
frontière enrre la saine dépen-
dance et la dépendance excessive. plus extrêmes, ce style prend la forme d'un besoin compr-rlsif de sau-
ver quelqu'un qui pourrait et devrait être responsable de lui-même.
Le style solitalre inclépenclant Comme le fait de venir en aide à autrui esr au cæur de leur idenrité,
Les solitaires indépendants évitent de nouer ils sont soLrvent indifférents à leurs propres besoins. Le déséquilibre
des liens affectifs er
fuienr rour ce qui ressemble de près ou de la relation - ils donnenr plus qu'ils ne reçoivenr - les menace
de loin à de la dépenJunce o,,
cle l'al¡dication. Ils ne rissenr pus d'épuisement. Les protecreurs compr-rlsifs peuvent aussi sombrer
de liens avec aurrui parce qu,ils
n'ont jamais appris à le faire, o.r ir, on, peur dans I'amertume et le ressentiment, lorsqu'ils ont le sentiment de ne
de ,'uttu.h", parce q',ils
anticipenr la souffrance ou la perre. Les pas être suffisamment ( appréciés par les personnes dont ils se sont
acrultes de ce siyle ont du "
mal à se rapprocher des aurres et à leur fairc occupés. Il leur suffrt de peu de choses pour se sentir otages. Usant de
confrance. Leur vie esr
souvenr marquée paf une profonde soritude, la dépendance comme un insrrument de manipulation, ils peuvent
cachée par des activirés
qui évitent des relations interpersonnelres pr.,, aussi prendre les autres en otages à coups de après tour ce que j'ai
profondes. Irs pré- "
fèrenr agir seuls que demand"r d. l,aide, fait pour toi o. Dans les organisarions, les prorecreurs compulsifs ris-
afin d,éviter rolrte dépen_
dance ou renoncer à une parcete de quent d'entraver le flux des idées et le développemenr des individus.
contrôle. Lorsque les managers se
focalisenr rrop sur les objectiß, les faits Face à ce style, la franchise bien pesée sera I'attitude la plus efficace.
ou res .hor"r, ils emfêchent
la formation du lien indispensable au grand
leadership. Face à ce Le style clépendant hostÍle
type d'individus, il esr impo.anr d'éviier
les compo*å-..r* urro_ Il se manifeste chez l'individu qui, tour jusre après avoir noué un lien
ciés au rejet. vous devez nouer des liens
dans le respe* de l,individu, avec autrui, souhaite s'en écarter, en créant généralement un conflit.
en urilisant des objectifs communs pour
construire ra relation. Il De tels individus ne savent pas commenr enrrerenir des relations
convienr également de rrouver le juste
degré de proximité et d,intro- d'attachement positives et se protègent donc en ayant recours à I'hos-
duire discrèremenr des émotions dans la discussion.
vous devez rui tilité pour s'éloigner de l'aurre. Ils créent régulièrement des diffé-
tendre la main plus que d,ordinaire et
acceprer cela comme une rends et certains vont jusqu'à goûter le conflit. À peine onr-ils noué
donnée' Parvenu à un certain stade, vous
serez peut-être prêt à avoir un lien qu'ils veulent le rompre ou se batrre. Cela étant, lorsque
un dialogue à cæur ouvert. ce schéma
esc pr.s couranr chez les hom_
mes' Pour eux, le meilleur antidote à ce*e
I'autre personne recule, ils font un geste vers elle et tentent de
solirude du cow-boy esr renouer le lien. Ils ont à la fois peur d'être proches et de se rerrouver
une amitié profonde avec un autfe homme
comme base de sécurité. sans lien. Ils deviennenr otages de leur propre colère er de leur peur
124 N Écoc t4'1?0Ns.çrNJ1ll.¿s
L[,s tiASES ot: sÉcunrrÉ 125
Le béni-oui-oui L'arrogant
Le béni*oui-oui est d'accord avec tolrr le monde er connaîrre sa posi-
Larrogant a tolrtes les réponses. Posez-lui la question et voLrs veffez
tion sur un sujet donné n'esr pas chose facile. Il dit oui à tout. une qu'il sait parfaitement comment les choses devraient être faites. Sou-
partie du problème tient à ce que, pour eux, dire * non ) esr syno_ vent négatif, il a du mal à nouer des liens, à cause de ses airs supé-
rieurs. Il est généralement englué dans I'attachement au pouvoir et la
nyme d'abandon et de rejet. Ils évitent donc soignelrsemenr rour
quête d'une identité personnelle non résolue. En effet, I'arrogance est
désaccord. De fair, ils s'engagent solrvenr de manière inconsidérée
par crainte de répondre par la négative. bien souvent le signe d'une faible estime de soi.
Par conséquent, volls ne pouvez rien laisser au hasard. Face à ce type
Face à ce rype d'individus, il faur veiller à ce que la franchise
er d'individus, veillez toujours à connaître les faits, parce qu'ils les mani-
I'honnêteté ne soient pas perçues comme menaçantes. Dans vos inter-
actions avec eux' insistez sr-rr le fait que volrs voulez la véúté, parce
puleront. Cependant, si vous êtes sufflsamment sûr de vous, il n'est pas
impossible qu'ils fassent marche arrière. En règle généra\e, ce n'est pas
que vous aimeriez savoir ce qu'ils fessentent ou ce qu'ils veulent,
en les affrontant que vous I'emporterez, sauf si vous êtes prêt à risquer
même si cela doit vous déranger. Afin de briser la malhonnêteté à
l'escalade. Il est préférable de recourir à des questions. Vous gagnerez
laquelle s'apparenre leur docilité excessive, vous devez être direcr et
plus à vous montrer amical qu'à vous opposer à eux ou à vous poser en
chaleureux. N'acceptez pas d'engagemenrs inconsidérés de leur parr.
( contfe-expert ). Jouez les nalß, c'est votre meilleure carte.
sachez également qlre c'esr à vous qu'il appartiendra de dire << non ), Les leaders arrogants ne sont pas une base de sécurité. De ce fait,
parce qlr'elrx ne le feront pas.
Le problème avec les équipes dotées de ce genre d'individus est
ils ne pourront pas créer la confiance.
qu'elles n'expriment pas de différences d'opinion. Ils doivent appren-
L'indécis
dre que des points de vue divergents ouvrenr la voie à cle meiireures
Il ne peuttout simplement pas prendre de décision. Lindécis cherche
solutions. Si tout le monde se contente de dire r, oui rr, on ne trouve
à éviter le conflit, remettant à plus tard tout ce qui peut s'avérer stres-
pas la meilleure solution.
sant pour lui ou pour les autres. Il temporise donc en permanence...
126 NÉcoct,1z10N.r J¿.NJlutrs
t.tjs tiAsr¡,s DE stict¡ntrÍ 127
L'ART DE GÉRER
LES CONFLITS
cette anecdote démontre le pouvoir d'un changement d,attitude Perte de futur Besoin d'avoir une direction, un espoir et des
mentale : I'inredocureur n'esr plus diabolisé, mais envisagé (0ù vais-je
comme .n ?) attentes positives
allié' Elle illustre également l'influence que l'état d'esprit
de l,un peut Perte de sens Besoin de trouver un sens et un dessein à toutes
(Pourquoi ?) les situations
Violence et perte Heise fit ensuite entrer Steinhauser dans la classe pour discuter avec
Je n'ai jamais observé de siruation de prise d'otages, ni d'acte de vio- lui de ce qu'il avait fait mais, lorsque la police pénétra dans l'école, le
lence quel qu'il soit qui n'ait été précédé par une pe*e : être jeune homme se tira une balle dans la tête.
cher,
territoire, animal domestique, argent, objet, image de soi, objectif, Plus tard, la police déclara que sans le courage du professeur, beau-
liberté... Et j'ai maintes fois observé que l'existence d'une base de coup d'autres élèves auraient sans doute péri. r Un courageux professeur
sécuriré - grands-parents, professeur, ami, thérapeute, policier _ a réussi à dialoguer avec l'assaillant, empêchant ainsi un massacre bien
est
I'un des meilleurs antidores à la violence, lorrque ..ar" tur" réussit à pire encore r, déclara le porte-parole de la police Manfred Etzel5.
faire surmonter la douleur de la perte à l'individu enclin à la vio-
lence. Tous les négociareurs savenr qu'il fa.t comprendre la perte Il faut savoir que le détachement, qui nous semble évident chez un
vécue par I'aurre pour pouvoir nouer un lien avec lui c'est une melrrtrier, est également présent chez les policiers ou les militaires.
; idée
essentielle. si les managers, les responsables locaux et les parents Afin de pouvoir tuer dans I'exercice de leurs fonctions, ce que les cir-
rai-
sonnaienr eux aussi de cette façon lorsqu'ils abordent des conflits, constances exigent parfois, ils doivent en effet apprendre à atteindre
ne
doutons pas qu'ils agi',ient aurremenr pour essayer de les résouclre. Ie détachement nécessaire pour considérer I'autre comme un objet.
Les êtres humains ne tuent pas d'autres êtres humains ils Mais ce geste n'est jamais anodin et celui qui tue, aussi bien formé
ne I'ont jamats fait et ne le feront jamais. Les individ's qui ruent
- soit-il, en portera longtemps la cicatrice dans son coeur, son âme et
perçoivenr les aurres comme des objets ; ils tuent duns ,rn état de son esprit.
détachement ou de lien brisé. eue cet objet devienne un être humain Les agressions, verbales ou autres, chargées de détachement et de
- une pefsonne qui provoque de l'empathie chez le meurtrief - er dépersonnalisation, peuvent dégénérer en violence. Linclividu enclin
I'acte de violence est arrêté net. Mais cetains sont tellement blessés à la violence présente généralement une incapacité à nouer des atta-
dans leur capacité d'attachement qu'il leur esr impossible d'éprouver chements et tend à voir les autres comme des objets à manipuler. Il
de I'empathie, de nouer des liens avec d'autres personnes or-r de les se sent dans le même temps facilement humilié et rejetéí. Ce cocktail
préserver lorsqu'ils sont soumis à une forte tension émotionnelle. devient particulièrement explosif lorsque deux personnes de ce type
se rencontrent et réagissent rapidement pour préserver leur intégrité,
En avril 2002, Robert steinhauser, un jeune Allemand qui avait
été ren-
voyé de son école, retourna dans son lycée, à Erfurt, en Allemagne,
et tua
treize professeurs, deux élèves et un policier avant de se donner la mort. t. Dana Muriel, . Brave Teacher Stoppecl Gun Rampags ", C\N.com/Worlcl,
sa folie meurtrière cessa lorsque Rainer Heise, professeur d'histoire et 27 avril2002.
d'art âgé de soixante ans, lui tint tête. 6. Hans Toch, Violent Man: An Inqùr1,into tbe Psycltology of Vìolence, Aldine,
1969.
1 38 NÉG0crA.trlNS.r1lNJ11J¿¿"ç
r,'t\R't DE CÉ,nr,R t,r.s cnNrurs 139
en attaqlrant l'aLrtfe et en le traitant
comme un objet ou Llne chose.
Ta violence peut être clésamorcée qu'accroître la frustration et le ressentiment, renforçant chez h_ri le
lorsque l''n des cleux refuse cl,être
dépersonnalisé, comme M. Heise. sentiment d'être otage. C'est ici que les techniques de gestion des
causes premières cle conflits utilisées sur le terrain par les négociateurs se révèlenr parti-
la violence, nous l,avons dit, sont
I'absence de lien social sain et culièrement précier,rses pour sortir de I'impasse. Cela exigera tou-
à gérer la perte. I)ès lors,
la violence est Lrne forme de cleuil
'incapaciré tefois de prendre le vrai problème à bras le corps et d'affronter les
o.,, .lun, certaines situations, d,évi-
tement de la souffrance. La perre peut indiviclus concernés.
intervenir clans le présent, être
anticipée ou avoir été vécue dons l.
passé. Dans certain, .or, ir peut
même s'agir de perres vécues por d., générarions
anrérieures, qui onr < Mettre le poisson sur la table o
été véhiculées dans le présent par le
èrr.rrri_"nt, la haine, un senti_
ment d'injr-rsrice, des préjugés ou l,absence Je me trouvais en Sicile, où j'animais une formation sur la gestion des
de parclon. N,ui*, pas le
pouvoir d'obtenir ce qu'ils veurent conflits. Je profitais de mes rares moments de liberté pour aller visiter des
de manière posirive gráce u,-, lien
et alrx interactions sociales, les individus marchés aux poissons sur la côte méditerranéenne. Les pêcheurs forment
enclins à la violence vivenr
s.r le fil de la solitude chronique ou de la crépression. une communauté très soudée, attachée à son travail et à la mer. Après
Ils sont orages avoir ramené leurs prises, les hommes préparent une partie de leur pêche
d'eux-mêmes er des événemenrs qui
déclenchenr la violence. celle-ci
clevient, en dernier pour la vendre au marché. lls posent le poisson sur la table, qui ne tarde
cent de gérer re,"1;il:i ;ffi: i::::::::ffi,i::îi i:n*i;
d'être otages' Si elre appo.e un souragemenr
pas à disparaître sous le sang et les viscères.
Un matin que je les observais au marché de Catane, les pêcheurs me
remporaire alr sen-
timent de victimisation et d,impuissance, proposèrent de me joindre à eux et je me retrouvai en tablier, un couteau
la violen." n,"r, pas une
solution et ne cond'it finalement qu'à à la main, à les aider à nettoyer les poissons. Soudain, je me rendis
renforcer l'emprisonnement.
Le deuil esr Lrn processLrs social qui compte que la résolution de conflits n'était pas autre chose:r mettre le
se déroule dans une tribu, un
clan
oll un groupe' a. sein desquels des individus poisson sur la table n et accomplir la tâche peu reluisante de le préparer
prorecrelrrs et dignes de
confiance aident celuì q'i a vécu ra pour le délicieux dîner du soir.
perte, **ra" ã" pill* i.".,o.r.,
pleinement avec la vie.
Chaque fois que nolrs nous régalons d'un délicar mers de poisson, il
Face à Lrne menace de conflit imminent,
l'individu peur conrin'er a fallu que quelqu'un le nettoie et le prépare. Si vous laissez un pois-
à trouver des raisons d'éviter de
l'aborder ouve*emenr. Ir craint, par son sous la table, il commence à pourrir et à sentir mauvais. Beau-
exemple, qu'affronter un supérieur,
un collèglle, Lln .onjo;nt oll un cor"rp de personnes, hélas, laissent quantité de poissons
enfant n'aboutisse à des rensions plus - conflits et
grandes encore. Il se refuse à
faire face au confrir, parce qu'il.roi.
problèmes - solrs la table. Elles n'affronrenr pas le désaccord, espé-
q.ã ra relarion ne survivra pas à rant qu'il va s'évanonir. Sauf que laisser le poisson sous la table non
I'affrontement' La peur du rejet, cres
åprésailles o' bien d,êrre gêné, seulement ne supprime pas le conflit mais, pire, ne fait que rendre
humilié' voire isolé peuvenr également
le conduire à fi-rir le conflit. I'odeur de plus en plus nauséabonde.
cirons enfin la crainte cl'être p.aç., comme
fauteur de troubres, C'est aussi simple que cela : chacun d'enrre nous doit metre la
comme quelqu'un de déloyal ou d,égoi.ste, 'n
ou d,êrre mis en cause. main sous la table, attraper le poisson, le poser sur la table et accom-
Les individus pelrvenr êt-re pris
o,og", par leur désir de préser- plir Ia sale besogne de le nerroyer (le conflit) pour faire un bon dîner
ver I'harmonie à tout prix. Lorsqu""À
l" ,"rrti_1nt d,impr-risrunå l" (la solution). Je vous I'accorde : en passanr la main sous la table, nous
ressentiment perdurent et que rien
n'est fait po'r résou.lre l. "t
pro- risquons de tomber sllr Lln requin olr une baleine ; il faut donc que
blème, le risque est grand que I'indìvidu
se compote en otage. Les nous soyons au fait de la taille clu conflit pour le gérer correcremenr.
tentatives infructueuses répétées
de résouclre un conflit ne font alors Mettre le poisson sur la table ne signifie pas adopter une attitude
lF-
I 4O NÉcrx;t;t'r¡rlNJ'.1ltN.r11ll_¿J-
L'AR'r'Dr, c;Énr.n u:s utNrt,ts I4I
Résoudre le conflit
Ce n'est jamais I'inclividu quiesf /e problème
IJn aurre secrer de la résolurion de conflirs est l'aptitude
à enrrerenir
le lien en permanence er à le renouer lorsqu'il est Séparez I'individu du problème er concentrez-vous sur les désaccords
brisé rrop rapicre-
menr. on ne pe'r aborder le conflit cre manière positive à régIer, pas sLu la personne. C'est un principe élémentaire pour évi-
sì on ne ter I'escalade du conflit au collrs du processus de résolution. Cette
comprend pas que le lien est fondamental pour
,ro.,rr., une issue au
différend. Faire preuve de curiosité er cle créativité, artitude est d'autant moins facile à adopter qu'elle va à l'encontre de
rechercher le
compromis et la coopérarion ont le'rs mérires. Le la tenclance de nos cultures à " diaboliser , I'autfe, qlre ce soit dans
seul moyen de ne
pas être orage esr de prendre le conflir à bras_le_corpr. les domaines religieux et politiques, dans la littérature enfantine ou
LoÅq.re, pâr
passivité ou incapaci té à faite un choix, nous les films d'Hollywood. Si nous n'avons pas appris d'aurres modèles
n,agisror* po, po.,.
essayef d'apporter une solution à un problème, auprès de l¡ases de sécurité fortes, nous cédons naturellement à la
noir, ro.,, .o-por-
tons en otages. Nous sommes convaincus dans r'æil tentation de personnaliser le conflir. On se dit qu'il suffirait qu'on se
de notre esprit
que le problème ne peur pas être résol' et cronc, débarrasse d'un tel ou d'une telle pour que rour aille bien. Refuser
nous nous ingénions
à trouver des moyens de ne pas le réso'dre. cette idée préconçue nous évitera d'être pris en orages par les émo-
or, l'attit'de inverse est
possible : apprendre à aimer résoudre des conflits tions d'un conflit.
est à la portée cre
chacun d'entre nous. Il est facile de considérer la différence de l'autre - apparence,
Si les manifesrations du conflit sont multiples, langue, culture, attitude ou démarche - comme une menace poten-
les principes po'r
lui trouver'ne issue sont simples. comme j'ai pu l'observer tielle. Inutile de préciser que ce n'esr pas le meilleur moyen de
chez les jeter les bases du dialogue et qu'il n'y a rien de l¡on à attendre de ce
grands médiateurs, conciliateurs et négociar".,rr,
il esr indispensable genre d'attitude, qui conduit le plus souvent à une impasse émo-
de comprendre la complexiré du confllt, mais aussi
,u ,i_pli.ité. S.
borner à n'envisager qu'un aspect ar-r détriment tionnelle. À I'he.rr. où nos entreprises sont de plus en plus inrerna-
de |autre p".rt ,,uué-
rer dangereux' Toure siruation de conflit exige de tionales et orì nos lieux de travail er nos villes sont de plus en plus
gér.r." paracroxe. multiculturels, la différence esr partour - er avec elle, le risque
Pour pouvoir le résoudre, il convient donc de
respecter res quacre
principes fondamentaux su ivanrs. cl'incompréhension. Tout doit clonc êrre fait pour séparer la per-
sonne du problème.
Ne jamais créer cl'ennemi
chaque fois qu'il y a un ennemi, transformez-le Entretenir Ie clésir sincère d'aider l'autre
en allié et pa.enaire.
Il s'agit d'un principe fondamental de l'analyse rransacrionnelle, à obtenir ce qu'ilveut ou ce dont il a besoin
comme I'exprime Erice Berne : o Il est extrêmement facile de devenir otage de soi-même en ne bran-
Je suis OK, ru es OK. or r C,est à la
fois une vérité fondamentale et un ouril essenriel dissant que ce que nous voulons, sans avoir au préalable commu-
pour manifester à
l'autre qlr'on le respecre, qlr'on porre un regard positif niqué un désir sincère er aurhentique d'aider I'ar-rrre. Nous devons
sur lui et
qu'on esr ouvert à la coopération, Toute interaction maintenir le lien avec autrui dans toute interaction, verbale ou non
doir véhiculer ce
message, même lorsqu'on fixe des limites précises verbale, en manifestanr aussi notre intérêr poLlr ce qr-r'il veut. Dire
à la relation.
<< non > olr mettre le poisson sur la cable peuvent exprimer notre
regretré ? Vous avez rour simplement été pris en orage. lrlande du Nord, une poignée de mains avec Gerry Adams, le leader du
Trente ans de pratique de la négociation crans des conrexres sinn Fein, certains Protestants loyalistes se déchaînèrent, traitant Tony
de
prises d'otages er des situations de violence ont fait Blair de traître et lui demandant comment il avait pu serrer la main d'un
de moi un parti-
san convaincu de la gestion des conflits, jusque pour raisonner terroriste. Blair déclara : n Je me suis comporté avec Gerry Adams comme
les je me comporte avec tout être humain. Avant de
individus les ph,rs violents grâce au diarogue. La cré est l,aptitude discuter, j'échange une
à
nolrer er à renouer obstinément le lien et à faire preuve poignée de mains. ce qui est important à propos de la situation en lrlande
d,aurhenticité
to*t alr long du processus, même s,il faut y consacrer des heures ou du Nord, c'est précisément que chacun traite I'autre comme un être
des jor-rrs ; à rravailler patiemment, inrensémenr er humain. r
en preine cons-
cience du por-rvoir de chaque phrase, chaque mot, chaque Tony Blair avait compris la nécessité d'engager le dialogue. 0ui plus
pause et
chaque interaction. Les exemples suivanrs illustrent purfuir"À"n, est, il reconnaissait que tout bon dialogue débute par une poignée de
.., mains pour sceller le respect et la bienveillance'r.
principes.
En 1993, Yitzhak Rabin et yasser Arafat scellaient les
accords de paix
Tony Blair a été capable de séparer l'individu du problème et de se
d'Oslo d'une poignée de mains qui r ébranra re monde r. pour
ceux qui
concentrer sur le but, la paix. Il a égalemenr reconnu que déshuma-
vécurent cet événement de |intérieur, ce fut sans conteste niser un individu n'esr pas une façon de résouclre un conflit.
I'un des
moments les plus difficiles de la vie d'yitzhak Rabin. Le premier
ministre
d'lsraë1, ancien chef d'état-major, faisait la paix avec
I'ennemi. Avant Appliquer les techniques de résolution de conflits
son assassinat,il ne cessa de répéter qu'Arafat était l,allié d,lsraël dans dans I'entreprise
la paix et qu'ils avaient un objectif commun: échanger des terres
En comprenant les racines et la nature du conflit, et en créant un
contre la paix.
climat dans lequel les individus se senrent libres d'exprimer leurs
Au fil du temps, Rabin et Arafat avaient noué un rien, comme
re refrè- préoccupations et leurs peurs, rout le monde peut appliquer avec
tent leur comportement et reur rangage. ce rien fut renforcé par
|accueir succès les techniques de résolution des conflits. Ainsi, I'harmonie et
amical que réserva Mme Rabin sous son toit à Arafat, après
lassassinat la pérennité de la relation, qu'elle soit professionnelle ou personnelle,
de son mari par I'un de ses compatriotes, pour avoir
vouru échanger ( flq5 pourront être préservées.
terres contre la paix r.
Les dirigeants er managers doivent favoriser un climat de
Yitzhak Rabin incarne re guerrier devenu pacificateur, qui
a utirisé confiance et de franchise, dans lequel les collaborateurs savenr qu'ils
l'æil de son esprit pour regarder vers I'avenir, en toute connaissance
du peuvent évoquer des problèmes ou exprimer leurs préoccupations en
passé, et entrevoir une autre possibirité. Nombreux
sont ceux qui en toute sécurité. si un tel climat n'existe pas, les problèmes deviennent
lsraë1,en Palestine et dans le monde se demandent comment aurait
évo-
lué la situation au Moyen-0rient s'ir n'avait pas été assassiné.
des poissons sous la table ) et engendrent des tensions et d'autres Le style de leadership de James a changé du tout au tour : il a renoncé
"
comportements perturbateurs. à la coercition polrr devenir un leader inspirant, en apprenant à créer
a
154 Nr:G()LtA rroNS JrN,ç/8/./i.ç
LE POUVOIR DU DIALOGUE
1. Faites-vous une règle de . mettre le poisson sur la table " pour révéler
les tensions, les conflits et les problèmes, résoudre les différends et
exploiter l'énergie positive du conflit.
2. Apprenez à vous entendre avec tout le monde, en cherchant des amis
et non des ennemis. Certes, cela n'est pas toujours possible, mais si J'aieu I'occasion de diriger une formation sur les interventions de crise et
nous abordons la relation en nous disant que nous n'allons pas nous la gestion de la violence p0ur les collaborateurs d'un hôpital suisse.
entendre avec la personne, nous aurons vite fait de la classer dans la Monica, une des infirmières qui avait suivi la formation, m'a par la suite
catégorie des gens que nous n'aimons pas. expliqué comment elle avait appliqué les techniques apprises à une situa-
3. Les racines du conflit et de la violence sont le lien brisé et I'incapacité tion réelle.
à surmonter la perte. Lorsque nous sommes confrontés à des conflits, La police suisse avait arrêté un homme à moto. Hell's Angels sans-
nous devons ôtre attentifs aux pertes et au prix à payer, ainsi qu'aux abri, Jacques voyageait seul. ll refusa de présenter ses papiers aux poli-
bénéfices, tant individuels que collectifs. ciers quivoulurent alors l'arrêter. En essayant de le maîtriser, ils luicassè-
4. Leaders et managers doivent comprendre que le conflit peut être
rent un bras et lui confisquèrent sa moto.
source de créativité et d'innovation. Les équipes deviennent plus
La police le conduisit aux urgences. Monica était en train de soigner
performantes, parce qu'elles sont capables d'avoir des querelles
" " son bras cassé lorsque Jacques brandit soudain un couteau et cria : < Je
constructives dans un environnement de coopération et de confiance,
me barre ! Si tu essayes de m'arrêter, je te tue I rr
où la gestion du conflit a pour but de développer une attitude gagnant-
gagnant. Monica m'a expliqué qu'elle s'était arors souvenue du r rien r et avait
immédiatement levé les mains en disant : tr Jacques, je ne pense pas que
ce soit une bonne idée. Les policiers sont là et ils vont encore vous arrêter.
Je sais que vous êtes en colère à cause de votre moto. r
se remémorant ce qu'elle avait appris sur la perte, elle prit conscience
de la signification symbolique de la moto:c'était la base de sécurité de
Jacques. Donc, elle lui dit : n Écoutez, je suis là pour soigner votre bras. Si
vous coopérez et que vous me laissez faire mon travail, j'essaierai
de vous
aider à récupérer votre moto. r
r Non, tu mens ! r lui répondit Jacques.
lnterprétant ces mots comme une petite concession à un événement
positif malgré leur connotation négative, Monica continua,
comme I'aurait
fait tout bon négociateur, réaffirmant son désir de I'aider. Au bout de
tt
156 NÉcoctÁTIoNs J¿NJlu¿rJ
r-F. PouvotR DU DtAroGUE 157
dans lequel il lui disait qu'elle avait raison - pas seulement à propos des Lénergie du corps, des émotions, de I'intellect et de l'esprit
canards, mais aussi des poulets, des cochons et des vaches. ll déclara que s'incarne dans les mots (voir la Figure 6.t¡. Ces derniers véhicr-rlent de
Whole Foods Market allait immédiatement essayer d'user de son influence l'énergie et ont un impact. Comment communiqr.rer, mettre en mots
et de sa puissance d'achat pour exiger que la viande vendue dans ses ce qui est en nous cle façon à ce que l'autre puisse facilement compren-
magasins provienne d'animaux ayant été traités avec dignité avant d'être dre le sens ainsi véhiculé ? Certains inclividus ont plus de mal que
abattus. Et il proposa à Lauren d'aider I'entreprise dans cette tâche2. d'autres à traduire en mots ce qui esr en eux, parce qu'ils ignorent ce
qu'ils ressentent ou bloqr-rent leur vérité intérieure. Les personnes qui
Rechercher une plus grande véritê à travers le clialogue n'arrivent pas à verbaliser leur souffrance et leur tristesse sont plus sus-
Avoir un dialogue authentique exige un état d'esprit de décor-rverte. ceptibles de tomber malades, d'être agressives, dépendanres, dépri-
Certains individus, en particulier dans Lln contexte professionnel, mées, épuisées, d'avoir des réacrions de stress ou encore de créer des
recourent plus facilement à la discussion ou à la querelle. Ils recher'- conflits organisationnels. Si nous communiquons uniquement par
chent alors soit la l¡onne réponse, soit à prouver la justesse d'un point notre intellect, nolts serons trop rationnels et manquerons d'empathie.
de vue. Dans le clialogue, en revanche, nous souhaitons conserver Lrne Si nous le faisons uniquement à travers nos émotions, nous serons trop
connexion avec la personne à qui nous parlons. Le véritable dialogue irrationnels. C'est lorsque nous communiquons avec tout notre être
implique, en outre, de s'interroger et de laisser transparaître le clor,rte. qlre nous polrvons entrer dans un dialogue authentique avec I'autre,
Lorsque nor-rs débattons, noLls ne cessons jamais de consiclérer l'enjeu afin de partager du sens et d'apprendre ensemble.
Ie plus important pour nolrs, ce clui conduit facilement au désaccord. Selon le psychologue James Lynch : ,, Le dialogue esr Lrne com-
À l'h.r.rr" oùr les échanges sont de plus en plus noml¡reux et complexes munication réciproque entre deux ou plusieurs créatures vivantes. Il
et oùr nous ne polrvonsplus agir en individus autosuffisants, nous implique le partage des pensées, cles sensations physiques, cles idées,
devons prendre en compte notre interdépenclance accrue. C'est préci- des icléaux, des espoirs et des émotions. En somme, le dialogue n'est
sément ce à quoi peut nous aider le clialogue : à créer une culture de la rien d'autre que Ie parøge de routes les expériences de lavie. ,3
collaboration. Le dialogue créatif peut également être utilisé pour
trolrver de nouvelles idées, favorisant en cela l'innovation dans quel-
que domaine que ce soit. Une autre de ses fonctions est de résoudre Autrui
2. Clr¿rles Fislrman, * Thc Anarchist's Cook Book,, Fdú Cottt¡tdry,2001t, 3' Jamcs Lynch, Tltc Latryntga al t.hu Hetrrt : 'f lse LInt¿a Bocly in Dialogav,Basic
pp. 70-7tì. Books, I pfì5, p. 10.
16O N Écoc ttrloN.ç J¡NJ1ri/-ii.ç LE Pluvorr< DU DtAr,oGUE 16I
Si un individu pense qu'il sait tout, il n'y a pas de bénéfice à dia- comme base de sécurité. À ce stade,.le négociateur, pour sa part, tra-
loguer. En Éalité, personne ne détient ,, la ,, vétité. Il exisre toujours vaille à deux niveaux : au niveau du contenu, discutant cle ce que sou-
une perceprion, une interprétarion, une part subjective. Et il fa't haite le preneur d'otages, et au niveau du processus non verbal, en vue
toujours laisser un espace au dialogue . rI y a un remps pour le dialo- cle construire le lien relationnel. Beaucoup d'individus ne savenr pas
gue' un remps pour la décision er un remps pour I'action. Les leaders comment s'exprimer dans un dialogue. Une personne incapable de
doivent savoir faire les trois. Il esr rour aussi juste de dire qu'il faut nouer un lien positif utilisera soLrvent des mots qui véhiculent la peur,
savoir poser des limires au dialogue. Les managers doivenr prendre Ia colère ou la tristesse. Elle s'exprimera avec agressivité, anxiété, vio-
des décisions. La question esr: rous les poinrs de vue onf-il, lence, détachement et sans énergie. Elle polémiquera, interrompra
éré
entendus, en particulier les opinions opposées ou minoritaires ? son interlocuteur sans écouter, se défendra et anticipera) tant et si bien
Le pouvoir du dialogue est de suscirer un échange authenrique, que le dialogue sera bloqué. Les mots que les gens utilisent ne corres-
même lorsque les parties sonr en profond désaccord. Il résout pondent pas toujours à leurs actions. Les négociateurs sont experts
de
nombreux différends er conflits à travers ce simple processus d'écoute dans I'utilisation des mots, des interactions et du dialogue pour aider
et d'échanges. Les exemples sont innombrables d'individus qui ont les autres à dépasser leurs défenses naturelles et à entrer dans un lien
pris la peine de s'asseoir aurour d'une table pour dialoguer et qui authentique.
ont découverr que les différends qui les opposaient disparaissaient Chez de nombreux individus, parler n'est rien d'autre qu'une
lorsqu'ils faisaient l'effort de se comprendre et d'avoir ,rÀ échunge habitude, un rituel, et non un échange personnel. C'est un peu
à
< cæuf ouvert >.
comme conduire une voiture. Ils montent dans le véhicule et condui-
une grande multinationale mit en place un pr0gramme de diversité. sent, c'est tout. Ils rencontrent quelqu'un, ouvrent la bouche et par-
Dans
un premier temps, de nombreux membres de la majorité masculine lent, sans réfléchir à I'impact de leurs paroles sur eux-mêmes ou sur
blan-
che ne cachèrent pas leur mépris et leur scepticisme, faisant des com- autfui.
mentaires du type :rr Ah, irva falroir que je change de sexe pour avoir Lorsque nous sommes conscients de ce que notls faisons et qlle
une
promotion. rcependant, lorsque I'entreprise organisa des réunions de nous réfléchissons lorsque nous nous exprimons, il se produit autre
sensibilisation à la diversité et expliqua que l'objectif du programme chose que le simple rappel d'un souvenir ou la répétition de sou-
était
de créer un environnement où chaque employé aurait le sentiment venirs pour combler le silence. Réfléchir permet de voir quelque
d'avoir
sa place et où les attributions de postes seraient fondées sur chose de nouveau, le potentiel, les possibles, ou quelque chose cle dif-
les compé-
tences réelles et non sur la taille du carnet d'adresses, nombre des férent. Penser exige également une forme cle conscience de soi. Dans
scepti-
ques de la première heure adoucirent leurs positions quel état émotionnel suis-je lorsque je réfléchis ? Quand I'individr,r
et apportèrent même
leur soutien au pr0gramme. À travers un diarogue sur un sujet potentier- cesse de penser, il risque d'être pris en otage, parce qu'il obéit à sa
lement explosif et créateur de divisions, les collaborateurs purent mémoire et non à un engagement personnel avec I'autre. Si une per-
com-
prendre les motivations de l'entreprise. sonne se laisse exclusivement guider par ce qu'elle a appris, ce qui est
inscrit dans sa mémoire, l'échange risque de dériver vers le négatif .
La négociation est une exrension du dialogue, auquel vient s'ajouter C'est très précisément ce à quoi répondent les ragots et les racontars.
un processus de marchandage en vue de facilirer la résolution du dif- Ils portent rarement sur des choses positives ou valorisantes. Parfois,
férend. Les négociareurs de la police n'engagenr pas rour de suite la les individus se contentent de se mettre en mode play-back " :
négociation. Ils commencenr par poser des questions, par écouter "
l'esprit n'est pas conscient et ne pense pas. La pensée authentique est
l'autre. À tru''"r, ces questions, ils invitent le ravisseur à entrer dans le moins automatique et progresse plus lentement - elle a de la fraî-
dialog'e. ce dernier cherche un moyen de créer une associarion posi- "
cheur " et coule comme une rivière d'eau tranquille à travers I'esprit.
tive qui consriruera la base de la confiance et établira le négociateur Le corps, les émotions, l'intellect et I'esprit se mêlent en Lrn flot de
I62 NÉ,coc t¡T toNs.r¿NJ¡s¡_u.ç r,E POUVorn DIJ DrAr,oGuL, 163
conscience qui coule de soi vers I'autre pour être absorbé, puis En 1984, un avion de ligne koweitien a étédétourné. Du pointdevuedu
ren-
voyé comme une exrension du flot. Nous polrvons choisir preneur d'otages, pour être un bon otage, vous devez être convaincu que
de bloquer
le flot du courant qui sorr ou entre, er l'autre personne peut faire vous allez mourir. Si vous n'âvez pas peur, vous ne faites pas un bon
de
même. otage. C'est la raison pour laquelle les terroristes intimident et torturent
leurs otages et en tuent souvent un en exemple.
Dialogue avec soi, dialogue avec les autres Dans le cas qui n0us occupe, les terroristes choisirent douze hommes
En examinant la Figure 6.I , on voit qu'un dialogue interne et, avec tout le décorum voulu, les conduisirent à l'avant de I'appareil et
se pro_
duit en nolls - dans le corps, res émotions, l'inteilect et l'esprit. Si les firent asseoir, leur annonçant que leur dernière heure était venue.
nolrs sommes déconnectés ou détachés d'une partie de nous-mêmes L'un de ces hommes était un Koweitien. Plein de chagrin, il s'assit cal-
- les psychologues parlent de o d¡sseçiarion > _, nous aurons du mement, le visage baigné de larmes. Lun des terroristes, qui portait un
mal à créer un dialogue authentique. masque - pas seulement pour protéger son identité, mais aussi pour
Le dialogue intérieur et le dialogue avec autrui se rejoignent
lors- empêchertout lien - se dirigea vers I'homme, appuya son arme contre sa
que nous meftons avec précision et authenticité des mots tempe et lui ordonna :n Tu es un arabe. Meurs en homme. Meurs digne-
sur ce qui
esr en nous. La première étape pour créer un lien est de ment. Ne meurs pas comme un lâche. r
se gérer soi-
même, même si nous sommes en proie à la colère ou à la peur. Acceptant sa mort imminente, le Koweitien regarda le terroriste dans
Face à
une réaction ou à un événement soudain ou imprévu, ir arrive les yeux et lui dit :n Monsieur, si vous aviez autant de personnes que moi
que le
négociareur ressenre de la peur. c'est normal, mais il ne
croit pas qui attendent votre retour, vous pleureriez aussi. r
pour autanr devenir otage de certe peur. Dans le cadre de mon fort l'arme contre sa tête et commença
travail Le terroriste appuya plus à
de psychologue attaché aux services de porice, j'ai participé il hésita. Après un bref silence au cours duquel le
à plus de presser la détente. Puis
trois cenrs évaluations d'aptitucle à la tâche. chaque fois qu'un contact visuel fut maintenu, le terroriste baissa son arme et retourna
poli- à
cier a été impliqué dans une fusillade ou roure aurre siruarion I'arrière de I'appareil. Deux heures plus tard, le Koweitien était libéré.
ayanr
mis ses jours en danger, on le soumer à une évaluation afin Plus tard, lorsque les enquêteurs demandèrent à I'otage pourquoi il
de décider
si on l'autorise à continuer à porter une arme et à retourner avait été libéré, il expliqua : Je pense que le terroriste a eu de la peine
dans la a
rue en service actif. Les plus difficiles à évaluer sont les policiers
qui pour moi. Je l'ai vu dans ses yeux. D
déclarent ne pas avoir e' peur, à cause cre l'aliénation de la partie Bien que menacé de mort, I'otage put rester suffisamment calme pour
d'eux-mêmes qui analyse le monde à la recherche de dangers. regarder le terroriste avec tout le chagrin et la tristesse qu'il éprouvait
Les
officiers qui n'ont pas été autorisés à rerourner dans la rue pour les personnes qui I'attendaient. C'est ce regard, ainsi que les mots
sonr ceux
qui étaient totalemenr déconnectés de leur propre peur er clont l,atti- qu'il employa qui créèrent une forme de connexion, incitant le ravisseur à
tude dénotait, bien souvent, une agressivité excessive. La peur, le laisser partir. Le pouvoir de ses mots et le lien qu'il avait créé au cours
comme j'ai pu l'observer, est l'émotion dont les policiers ont de ce bref échange I'ont sauvé. 0n ne saurait imaginer plus bel exemple
le plus
de mal à être conscienrs er à parler. du pouvoir du dialoguea.
si vous parvenez à verbaliser vos sentiments et vos pensées auprès
d'autrui, vous êtes capable d'avoir dialogue : vous porr,r", mettre Ieffrcacité d'un dialogue ne se mesure pas au temps passé à discuter
des mots sur ce qui est en vous 'n et écouter ceux qui émanent de ensemble. Ce sont la qualité et l'authenticité de l'échange qui déter-
quelqu'un d'autre. un véritable dialogue renvoie à un sentiment minent si le lien s'établit et si une influence mutuelle s'exerce. Dans
de
communion, d'unité parce que vous parlez et que vous êtes compris,
et parce que vous écoutez et que vous compren.z. À chaqr_re inter_
4. John Kifner, " Ex-Hostages on Kuwait Jet Tell of 6 Days of Sheer Hell ",
action, il y a influence mutuelle. Netu Yorþ Tìnrcs,11 décembre 1984.
LtJ+ N I:GOCLAZIONS J¿NJlll¿¿.ç
r,D, Pouvom DU DtAr,oGuE 165
ceftalns cas' comme l'exemple précédent,
cela survient très rapide-
menr' Les individus qui onr du mal
à nouef des liens sonr soLrvenr
Obstructions au dialogue
incapables de communiquer efficacemenr Souvent, nous n'avons pas conscience des obstacles qui se mettent en
ou de prêter une oreire
attentive aux aurfes. La résorurion travers du dialogue. Ils arrêrent le dialogue et interrompenr le pro-
de conflits ou de difÍérends n,en
est que plus difficile. Une personne cessus du lien. Nous connaissons tous des gens qui, quand on leur
qui ne sait pas ,,"*p.i_", o,
écourer ne fait pas Lrn bon ntgociateur. demande l'heure, nous expliquent comment fabriquer une montre
Qu'entend-on par négociøiion dans le conrexre ou, quand on leur demande de nous répondre franchement, nous
négociation signifie que je continue
du diarogu e ? La
à m'affirmer, à me f*r. ."rp".,.., offrent des platirudes creuses. on aborde un problème et ils l'écar-
même si on me dit o non >, tout tent d'un revers de la main comme s'il était sans importance. Dans
en maintenant et en renforçant
lien' ce processus se le
jusqu'à ce que nous trouvions rous ces exemples, il y a obstruction au dialogue.
.poursuit un Que ce soit par une
accord' Bien souvent, les individ.,, oyunt des difficultés à nouer affirmation ou Lrne question, la personne qui répond doit se rattacher
liens mertenr rrop raccent sur des
reurs propr", souhaits ou capiturent directemenc à ce qui vient d'être dir. De cette façon, il est possible de
trop vite, par peur. Une personne suivre (ou de remonter) phrase par phrase jusqu'au point de blocage.
qui ne sait pas s,affirmer ne négo_
ciera pas efficacement er risque Lorsque les gens ne répondenr pas directement à une question, je
de devenir orage. Les conflits
se développenr, parce que les
humains
leur dis gentiment : ,, C'est une réponse passionnante, mais à une
individus
..'r.r, d" ,;".'gug", dun, l" diulog.,e J
tr;ä:.ti :if.f.t":.i
ti: autre question. ,, La plupart du temps, I'interlocuteuf ne se souvient
négociation esr un outil essentiel même pas de la quesrion. Mes recherches montrenr que dans les
famille,
lour interagir avec norre enrourage,
amis ou el encreprises, 7o % des communications échangées comportenr des
apprendreà,eurs.äÎi:i:i'å:ff :f il:ï:j;:::åï:J::,r:Jäl* obstacles au dialogue. cela reflète un problème de communicarion
fessenrenr' à le dialogue et à négocier. Dans l,idéal, gÍave, qui permet de comprendre pourquoi tant de réunions durent
d'abord dans 'tiliser
le cercre familiãl que ces compétences c,est
aussi longtemps sans rien apporter.
doivent êrre Quand on esr dans le dialogue, le
acquises' Il est merveilleux po.rr.
d", enfants de considérer leurs lien est fort. Lorsqu'il est obstrué, le lien est limité ou brisé.
pafenrs et leur familre comme Les négociateurs de prises d'orages doivent être maîtres dans I'art
une base de sécurité, auprès de
l'æil de l'esprir ob.s¡rve, pour laquere
un modèle performant de
du dialogue et éviter toute ol¡strucrion ou re cas échéant, y avoir
résolurion des conflits : parler, ',inrégrer, recours de manière délibérée er avec un but précis. Le modèle, qui est
dialoluer et négocier. Nous revien_
drons en détail sur la négociation aussi un outil, le plus puissant que je connaisse pour comprendre les
o,-, ðhupirre 7.
Lauthenticité est l'art de clire la vériré interacrions qui interviennent au cours du dialogue vient cle l'analyse
dans re dialogue : rrouver ce
qui est enfo'i en nous et l,exprimer. transactionnelle, développée par Eric Berne et enrichie par d'autrest.
En ce sens, chac'n est unique :
nous avons tous nos expériences Il s'agit d'analyser chaque phrase et chaque réponse, afin de détermi-
et nos sentiments, et c,est la raison
pour laquelle le dialogue esr aussi ner le niveau de dialogue ou d'absence de dialogue. À partir de ce
enrichissant. Lauthenricité signifie
que nous sommes fidères à notre que dir un individu, il est possible de comprendre son état intérieur
vraie nature. selon les travaux
de
James Lynch, l'être humain peur percevoir si et donc de savoir où il veut en venir ec même de prédire un résultat
un individu est fidèle à sa
nature intérieure olr pas' Lorsqu'ils futur. Lanalyse des interactions est un outil extrêmemenr précieux,
se comportent avec authenticité,
les individus sont bien dans l.u, car elle nous donne la possibiliré d'interrompre er de modifier le pro-
p.u,,r. Ils interagissenr avec ,.
teté er ils sont capables de laisser honnê_
", l'énergie de la vie courer à rravers cessus et donc son issue. chaque interaction nous pefmet de com-
eux' dans le'rs mors er dans le prendre où nous allons, ainsi que d'interrompre et de changer cete
diarogue. Lã diolog.r" aurhenrique
une bonne estime de soi p"r-"rã exige
un lien fom de se nouer. Le bon
dialogue fait du bien ! Er ",
le gran.l dialogr-re encore plus !
t. Eric Berne, Tran¡actional Analysis in p.rychotheraþy, Grove press, 1961
166 NÉcrrc tÁz10Ns.çrÀTlsr-1is
r.L t,()uv()tR DIt DIALoGLJE 167
Manque cl'honnêteté c'est un exercice auquel j'aime me livrer au collrs de soirées or_r cle
Lorsqu'une des parties ou les denx ne sont pas disposées à faire dîners, m'imposant le défi cle nouer r-in dialogue plus profond et ph-rs
prelrve d'honnêteté vis-à-vis de l'autre, tout clialogue franc clevienr riche avec un invité. J'ai également utilisé cet exercice dans le caclre
impossible. Reftrs de se dévoiler, distorsion des sentiments réels ou cle formations destinées aux négociareurs de prises d'otages.
manque d'authenticité, par exemple, se traduisent par Lrn mensonge,
anodin ou non. Un collègue vous demande : Qu'as-tu pensé de ma
" Libérer le dialogue
présentation ? , Vor.rs lui réponclez: ,. Rien à dire ", alors qu'en fait, Comment libérer le dialogue ? Voici qlrarre outils simples et lr,rdi-
elle ne volls a pas plu olr, au contraire, vous l'avez trouvée très l¡ien. qlles polrr vous y aider.
Les obstructions au dialogue ont Lrne influence à deux niveaux.
D'une part, elles interrompent le flurx du contenu et d'autre part, Le jeu du carton rouge
elles brisent le lien émotionnel fondamental nécessaire au clialogue. Je conseille souvenr aux entreprises ou aux familles de recourir au
Pourquoi fait-on obstruction au dialogue ? En général, pour empê- carton fouge < obstruction au dialoglle >>, une idée empruntée aux
cher le lien, en gardant ses distances ou en gardant les autres à dis- rerrains de football. Au cours d'une réunion ou d'une discussion, si
tance. Les individus qui entravent le dialogue ont souvent du mal à un des participants enrrave le dialogue, les autres lui donnent un car-
nouer des attachements, à maintenir leur engagemenr et le lien dans ton rouge. Cette technique aide les individus à prendre conscience
la relation. Bloquer le dialogue est généralement une habitude, une des mots qu'ils utilisenr er à s'engager pleinement dans le dialogue,
chose apprise dans la famille. Néanmoins, il est toujours possible de à condition bien sûr qu'ils aient envie que les autres puissent leur
recâbler le cerveau et d'apprendre à communiquer avec franchise, prêter r-lne oreille plr-rs attentive.
sans obstructions.
Quand on analyse un dialogue, il n'est pas rare de découvrir qr-re Bannir les n Oui, mais... ))
plusieurs obstructions agissent simultanément. Limportant est d'être Une des expressions que I'on entend le plus souvenr dans les conver-
capable cle repérer les moments oìr elles s'exercent. À lo difÍér"nce des sations est ,, Oui, mais... ,. Un collègue expose son opinion sllr Lul
négociateurs de prises d'otages, qui ont appris à maîtriser l'art du sujet et un alrtre I'interrompt en disant : . Oui, mais... o Faites
clialogue, les entreprises sont la scène de ,, monologues à plusienrs cìonc I'expérience : comprez combien cle fois vous entendez cette
"
et autres formes de communication inefficaces, comme l'illustrent les expression alr coLrrs d'une journée au bureau. Il s'agit en fait cl'un cas
réunions trop longues et ennuyeuses, clui épuisent et frustrent ceLrx classique de dénigrement - Ltne des quatre ol¡structions élémenraires
qui y participent. au dialogue. Lexpression est toltt sauf un ,, oLri o ! C'est au contraire
Savoir repérer les manæuvres d'obstrr-rction permettra alrx leaders une façon de marquer son désaccord avec ce qui vient d'être clit et de
de récl-rire considérablement Ia durée des réunions et, plus important s'en écarter pour exprimer un point de vue différent. Une façon polie
encore, de redonner à chacun le plaisir d'y participer. Combien de de dire << non > et le ph-rs sûr moyen d'enfermer chacun dans le
réunions auxquelles vous assistez sont émaillées d'obstructions au monologue, sans qlre le dialogue puisse jamais être engagé. Il est
dialogue ? À quoi ressembleraient-elles si un dialogue ar-rthentique beaucoup plus efficace de dire ,, Oui, et... > olr tour simplement
s'instaurait ? . Et o. Cette réponse, en effet, exige que la personne qui s'exprime
Tolérer des entraves au dialogue, c'est prendre le risque de devenir s'appuie sur ce qui vienr d'être dit, au lieu de le clétruire. Bannir les
otage. Cepenclant, il est toujours possible d'intervenir et de ( mettre n Oui, mais... , dans votre entreprise ou votre famille est un outil
le poisson sur la table,, afin de concluire le dialogue vers ce qu'il simple et efficace. Parfois, il convient d'être très explicite : ,,
Je suis
doit être. Trouvez le temps d'exercer vos c<lmpétences. Pour ma part' d'accord avec tels et tels points et je ne suis pas d'accord avec tels et
tels autres. ,
L / ¿ NEGOCIATIONS.ç¿NS1I]¿¡.ç
LE PouvorR Du DrAr,oGuE 17 3
3. Évaluarion : une fois que le message est compris, il est éval'é sur
Les personnes qui savent écouter répètent le message avec leurs
la base des faits décodés. cette évaluation débouche dans I'esprit
propres mots, afin de vérifier qu'elles ont bien compris. En donnant
de I'auditeur slrr Lln accord ou un désaccord avec le locuteur.
du feed-back, et en comprenant grâce à l'écor-rte, nous polrvons réflé-
4. Réponse : les comportements verbaux et non verbaux du destina-
chir, interpréter et réponclre en tollte authenticité et clémontrer norre
taire indiqr,renr au locureur que son message a été absorbé et que,
engagement dans le processr-rs. Les gens savent qne leurs compé-
après réflexion, le destinataire estprêt à répondre. tences d'écoute sont essentielles pour influencer et préserver le lien
Les bons orateurs ne savent pas toujours écouter et les bons audi- nécessaire à la prévention et à la résolution des conflits.
teufs ne sont pas toujours de grands ofatelrrs. Lécoute active exige
d'aller a'-delà du simple fait d'entendre les mors : d'avoir pour Dialogue et santé
objectif de comprendre aussi le sens er l'énergie que les mots véhicu-
En 1785, le DrJohn Hunter, âgé de soixante-cinq ans, c0mmença à souf-
lent et de ne pas penser à ce que nous dirons ensuite. Vous devez
frir de douleurs de poitrine. Observateur perspicace de son propre état
écouter avec attention, au lieu de penser à ce que vous allez dire.
médical et des facteurs contribuant à ses crises d'angine de poitrine, il
Lécoute active exige de la concenrration et un langage du corps
qui déclara publiquement: tr Ma vie est entre les mains du premier gredin
indique que lrous êtes attentif.
venu, qui décide de m'agacer ou de me taquiner. r
Il faur distinguer l'écoute passive et r'écoure active. La première
Le 1 6 octobre 1 793, après avoir été taquiné par un collègue lors d'une
signifie laisser votre esprit vagabonder et être distrait, lulsser .,ros
réunion entre médecins, Hunter eut une altercation avec les membres du
émotions vous conduire à I'ennui. posez-vous la question : à combien
de réunions assistez-vous en volls contentant d'être un aucliteur pas-
conseil de l'Hôpital Saint-George. Furieux, il quitta la pièce et s'écroula,
mortro.
sif, en pensanr à autre chose, sans implication émotionnelle dans ce
qui se passe autour de vous ? À l'inverse, r'écoute active recherche Cette histoire illustre I'impact que les mots pelrvent avoir slu notre
I'engagement, la focalisation er la concentration de l'être tour enrier. santé. Elle montre aussi que l'on court d'énormes risques à se laisser
Pensez-vous être capable d'écouter .. de tout votre être , ? Les prendre en otage par les autres.
négo-
ciateurs, eLlx, en sont convaincus. Parler et écouter sont des actes bien plus intimement liés à notre
savoir écouter suppose aussi de le faire pour la bonne raison. Même physiologie et à notre biologie qu'on ne le croit. Les recherches mon-
si vous pensez que quelqu'un est dans I'erreut, rly aquelque chose trent que lorsque nous parlons, notre rythme cardiaque et notre
à
retirer de la question ,, Pourquoi pensez-vous cela ? o souvenez-volls tension augmentent. Lorsque nous écoutons, en revanche, ils dimi-
que, à ce stade, le but est de continuer à créer un lien et de compren- nlrent. Lécoute est relaxante et abaisse Ie niveau d'excitation de
dre ce que I'autre a en tête. cela vous permettra de rebondir sur ce l'organisme . La réaction de notre cæur, de nos vaisseanx sanguins et
que votre interlocuteur a dit, au lie' de bloquer le dialogue ou de nos muscles lorsque nolrs communiquons avec notre conjoint, nos
de
réduire ses propos à néant. enfants, nos amis et nos collègues influe autant sur notre santé
Le meilleur remède pour les managers qui, malgré les innom- cardiovasculaire que des facteurs tels que I'exercice physique ou
brables formarions à l'écoute qu'ils ont pr-r suivre, ne manifestent notre régime alimentaire. Les interactions humaines, et en particu-
toujours pas de bonnes compétences d'éco're, est de les obliger, lier les conversations qui nous bouleversent, peuvent affecter la santé
avec leur accord naturellement, à poser systématiq.ement une de nos artères ou conduire à un décès prématuré11.
question d'éclaircissement avant de parler. En paraphrasanr, par
exemple, ce qui vient d'être dit : ,, Donc, si j,ai bien compris, vous
pensez que... ? , 10. James Lynch, The Langaage of the Heart, p.77
11. James Lynch, The Lan¡¡uage of the Heart.
17 E NúGoCIA.iloNSJ[N.Î1I]¿rJ
r-E PouvlrR DU DtAr-oGuE 179
Les ravisseurs demandèrent à Uli de chercher dans les passeports des marchandent poLrr obtenir un avantage personnel ou collectif et
passagers des noms à consonance juive. Bien que des rapports initiaux s'efforcent de concevoir une solution qui satisfait leurs inrérêrs
aient prétendu qu'elle leur avait obéi, Uli avait en fait caché lesdits passe- mutuels.
ports. Arrivés à Alger, les ravisseurs libérèrent vingt passagers supplémen- La nêgociation est la capacíté à s'engager dans un dialogue qui
taires, avant de s'envoler à nouveau vers Beyrouth. peut conduire à résoudre le réel enjeu du conflit. En d'autres termes,
Les pirates de I'air avaient découvert la présence de trois militaires la négociation est I'art de dire " rÌon >, tout en maintenant le lien
américains à bord de I'appareil :deux plongeurs de la marine et un offi- jusqu'à ce qu'Lrn accord soit trouvé. Un bon négociateur est capable
cier de l'armée de terre. Les trois hommes furent ligotés et battus. En de dire ., Non, continuons à discuter o. Au cours de la négociation,
atterrissant à Beyrouth, les ravisseurs tuèrent le plongeur Dean Stetham le dialogue crée une atmosphère dans laquelle les besoins de chacun
d'une balle dans la tête et jetèrent son corps sur le tarmac. Après quoi, ils sont reconnus, les intérêts communs compris et les solutions aux
setournèrent vers Clinton Suggs, l'autre plongeuç et se mirent à le frap- conflits mises à jour. Les deux parties travaillent ensemble à obtenir
per. Selon ce dernier, Uli s'interposa entre les ravisseurs et lui et cria: ce qu'elles veulent. Pour résoudre ou régler un différend par la négo-
r Assez ! Assez !r lls le laissèrent tranquille. Douze miliciens islamistes ciation, les parties impliquées doivent exprimer ce dont elles ont
montèrent à bord de l'appareil, qui repartit vers Alger. besoin, ce qu'elles veulent, ressentent et pensent, et écouter ce dont
Au bout de trente-six heures, les terroristes libérèrent soixante-cinq les autres ont besoin, ce qu'ils veulent, ressentent et pensent. Négo-
otages, parmi lesquels Uli Derickson, et retournèrent à Beyrouth avec les cier ne signifie en aucun cas que nous abdiquons notre pouvoir per-
trente-neuf otages restants. Finalement, les otages furent remis à un lea- sonnel. Nous pouvons négocier tout en le conservant.
der shiite modéré qui les libéra le 30 juin 1985, en échange de la libéra-
Le ravisseur appuyait un couteau contre la gorge de la femme et hurlait :
tion de trente et un prisonniers libanais détenus par lsraë1.
rJe vais la tuer, c'est tout ce qu'elle mérite. Elle a détruit ma vie. r Le
Uli Derickson fut décorée de la Silver CrossforVolorpar The Legion of
négociateurdemanda à Peter, un ancien employé que la femme avait ren-
Valor, une association d'anciens combattants'.
voyé, de poser son couteau.
D'instinct, ou parce qu'elle l'avait apprise, UIi connaissair I'une des - Non, je vais la tuer !
règles d'or à suivre lorsqu'on se rerrouve en situation d'otage. Les Le négociateur répondit calmement :
otages doivent en partie leur vie à leur capacité à créer un lien avec - Petel tu veux bien me parler pour que je puisse t'aider ?
leur ravisseur, à conserver leur pouvoir personnel pour influencer, - Vous ne pouvez pas m'aider ! Ma vie est foutue. Je vais lui trancher
persuader et négocier. Ils ne doivenr pas céder à I'impuissance. Ayant la gorge. Elle mérite de mourir p0ur ce qu'elle m'a fait.
été frappée au dél¡ut du drame, Uli aurair pu se replier sur elle- - Parlons. Je suis sûr que je peux t'aider.
même par peur et adopter une attitude passive ou soumise, ou encore - ll est trop tard, personne ne peut m'aider.
céder à I'agressivité et à la violence. lieu de quoi, elle resta maî- - Peter, je sais que tu as une famille.Ouels souvenirs veux-tu qu'ils
'tu
tresse d'elle-même et de ses capacités, et les utilisa pour influencer, gardent de toi ?
persuader et négocier un changemenr d'érar d'esprit chez les pirares S'effondrant et éclatant en sanglots lorsque la police pénétra dans la
de I'air. pièce, Peter déclara :r J'aime mes enfants. Je ne peux pas leur faire ça. n
Peter, en passanr par la durée de la discussion. À chaque concession des individus, de manière à maintenir la relation pendanr les
de Peter, les chances de réussite augmentaient. Et, comme nous le moments difficiles. Lincapacité à nìruer un lien esr souvenr la pre-
savons désormais, sa tension retombait chaque fois qu'il écoutait et mière cause d'échec d'une négociation. Un lien va au-delà de la
répondait à une question. ces techniques, vous pouvez vous aussi les communication verbale ; il peut être mesuré par le degré d'engage-
apprendre. ment des individus.
Ensuite, vous devez distìnguer la personne du problèru ou de ses exi-
Les dix étapes clu processus de négociation gences. N'oubliez pas que ce n'esr jamais l'individu qui constitue le
La négociation esr un processus à la fois simple et comprexe. Les négo- problème. Ce sont les défis auxquels vous êtes soumis qui doivent
ciateurs doivent être conscients cle cette réalité voir à la fois les arbres être résolus. Dans le cas d'une prise d'otages par exemple, les ravis-
-
et la forêt -, afr,n de ne pas se laisser submerger par les complexités, les seurs demanderont de la nourriture, une voiture, se montreront
émotions ou les dilemmes qui surgissenr au cours de la négociation. agressiß ou encore feront peser des menaces sur la vie des otages. La
La parole et le dialogue peuvenr résoudre de nombreux différends, meilleure approche consiste à ne pas se focaliser sur la personne, mais
mais ils ne sont pas toujours sufflsants. c'esr alors que le processus de plutôt sur la hiérarchie des problèmes à trairer. En règle générale, on
négociation enrre en jeu. À la suite des remarquables travaux de débute par le plus facile, afin d'amorcer la création d'un lien. Admet-
Fisher, ury et du Harvard Negotiation project, une abondante litté- tons que vous commenciez par la nourriture. Que veulent-ils man-
rature a été produire sur le sujer2. Le processus de négociation peut ger ? Si vous vous dites que votre interlocuteur est < fou > ou <( idiot ,r,
ainsi être défini en dix étapes : vous le dépersonnalisez instantanément dans l'æil de votre esprit.
Tout le défi consiste à rrouver un moyen de préserver le lien, de
1. créer un lien ; conserver une attitude positive vis-à-vis de l'individu rout en résol-
2. disringuer la personne du problème ; vant les problèmes. Il est important de faire comprendre à I'aurre que
3. identifier vos besoins, souhaits et intérêts ; vous vous concentrez sur les problèmes et que vous ne le jugez pas.
4. identifier les besoins, souhairs et intérêrs de l'aurre ;
En troisième lieu, vous devez idcø{ter uos besoins, soul¡aits et inr6rêß.
5. utiliser un dialogue ciblé ;
Réfléchissez soigneusement à ce que vous artendez de la négociarion, ce
6. créer un objectif et rrouver un objectif commun ;
que vous espérez en retirer. La conscience de soi, laclané d'esprit et la
7 . trouver des options , générer des propositions et faire des conces-
gestion des émotions sont importantes pour conserver la bonne orienta-
sions ;
tion. Il est également utile de connaître vos limites et de savoir ce que
B. marchander pour un bénéfice mutuel ; vous ne voulez pas. Ce n'est qu'une fois que vous aurez précisémenr
9. parvenir à un accord ; défini vos souhaits et intérêts que vous serez prêt à poursuivre. La négo-
10. mettre frn à la relation ou Ia poursuivre sur une nore positive.
ciation est un moyen d'atteindre ce que vous er l'autre partie considérez
Il s'agit tout d'abord de *éer un lien auec I'autre þartie. ce lien va comme un dessein, une mission ou un objectif important. Un passage
au-delà de la simple discussion. Il est de l'ordre de la synergie émo- d'Alice au. Pøys da Meraeìlles, de Lewis Carroll, illustre très bien ce
tionnelle, qui rend possible le jeu des influences. souvenez-vous qlre point. Alice arrive à un croisemenr er aperçoit le chat du Cheshire dans
vous n'avez pas besoin d'aimer Lrne pefsonne polrf nouef un lien avec un arbre. Quel chemin dois-je prendre ? lui demande-t-elle. Où
" ", "
elle' Le lien est un échange d'énergie qui entretienr I'engagement voulez-vous aller? >, lui répond le chat. ne sais pas dit Alice.
"Je ",
o Dans ce cas >, rétorque le chat, ,, celan'apas d'importance. ))
Si vous ne savez pas où vous voulez aller, vous risquez fort de vous
2. Roger Fisher et \Tilliam rJry, Getting to Ye¡ : Negotiating Agreenent tï/itboat égarer. Vos attentes, préalablement définies, guideronr vos acrions au
G ìuing In, P engvin, lL)83. cours de la négociation.
I9O Nticoctzt'rloN.r.snNSlrrr.l LE PouvorR ot ra Ni,cctcta'noN I9I
Il
n'est pas nécessaire que la négociation dure longremps. Elle Ne pas respecter son interlocuteur, et adopter Lrn comportement à
peut êrre précise er rapide. Lorsqu'un lien s'est noué avec I'aurre par_ I'avenant, ne produit généralement rien de bon : ressentiment, hosti-
tie et que vous savez ce que vous voulez, vous pouvez exprimer votre lité et vengeance en sont les fruits amers. La focalisation sur le sujet,
objectif de manière succincre. Si l'autre partie sait aussi ce q',elle le problème ou I'enjeu <ìisparaît au profit de la défense de soi ou de
veut et qu'elle est capable de l'exprimer en quelques mors, vous l'attaque de l'autre... le plus sûr chemin vers le conflit destrr-rcteur.
accomplirez beaucoup en peu de cemps. Il y a plusieurs années, alors que je formais des policiers, l'équipe
Selon Jean-Baptiste Lamarck, un des pionniers de la biologie, avec laquelle je patrouillais en voiture a dû arrêter un agresseur vio-
l'évolution et le progrès reposenr sur quarre éléments : êrre centré lent. Au cours d'un affrontement physique, les émotions grimpent
sur un but, êrre adaprable, faire des changemenrs majeurs lorsque de plusieurs crans. Au moment où il passait à côté de moi alors
c'est nécessaire et avoir des souvenirs du passéa. La négociation qu'un policier le conduisait vers la voiture, l'homme m'a envoyé un
effi-
cace répond aux mêmes principes. énorme crachat au visage. J'étais fou de rage et n'avais qu'une envie,
me venger. Fruit de ma propre intégrité ou du désir de montrer le
Aborder la négociation de manière positive bon comportement, j'ai réussi à ne pas céder à mon impulsion et à
Pour être fructueuse, une négociation exige une stratégie tournée conserver une attitude respectueuse, en prenant énormément sur
vers des objectifs. lélaboration de cette strarégie nécessite d,avoir moi. C'était ce que je m'efforçais cl'apprendre tous les jours aux poli-
des bonnes bases et la bonne atritude positive, à savoir :
- ciers. Lhomme a continué à cracher, même dans la voiture, jusqu'à ce
qu'un policier le bâillonne avec un mouchoir. Grâce à cette expé-
s montfer à l'autre partie qu'on la respecte ; rience, j'ai appris ce que cela exige de conserver l'attitucle d'un pro-
o avoir une menralité gagnant-gagnant;
fessionnel du maintien de I'ordre. Mon respect pour les policiers
o être patient et progresse t par étape ;
capables de cette maîtrise, et pour moi-même, n'en a été que plus
o éviter de se battre avec son adversaire.
grand.
Montrer â l'autre partie qu'on la respecte Le manque de respect prend diverses formes : préjugés, attaques
personnelles, emportements, humiliation, dépersonnalisation ou encore
Le mot ( respect > est emprunté au latin re (en arrière) et specere
(regarder). La perception esr tour. La façon dont l'individu ressentiment. La violation de rôles, de territoires, de frontières et de
voit, règles en est une autre expression plus subtile. Utiliser un langage
regarde et perçoit donne vie à tout ce qui suit. En fait, on obtient
blessant, agressif ou méprisant est encore une autre façon de manquer
exactement ce que I'on cherche. si vous cherchez un ennemi, vous
de respect.
êtes assuré d'en rrouver un ; si c'est un allié, un allié surgira.
Les Le respect est une valeur fondamentale qui doit être au cæur de
guerres naissent dans I'esprit.
toute interaction, afin de garantit qlr'aucune des parties ne devienne
Faire montre de respect, c'est voir et accepter l,autre comme un
otage.
être humain distinct er unique, qui a le droit d'avoir des pensées
et
des sentiments différents des nôtres. cela ne signifie pas être d,accord
Avoir une mentalité gagnant-gagnant
avec rour ce que l'autre pfopose. Toutefois, il faut que l'on
soit suffi- Pour avoir une attitude gagnant-gagnant, il convient de chercher à
samment assuré et confiant pour accepter sa version de la réalité
et répondre aux besoius des denx parties, au Iier-r de se focaliser sur le
séparer compo.emenr er individu, de façon à ce que les différends
problème ou d'imposer une solution à quelqu'un. Considérons par
soient abordés sans agression ni dénigrement.
exemple un couple qui prépare un voyage. Le mari a envie d'échap-
per au téléphone et de passer quinze jours sac au dos en Alaska,
4. Jean-Baptiste Lamarck, Zoologìcal phito.rophy, Hafner, 1963 loin de toute civilisation. L'épouse, elle, aime nager, se baigner, se
Iy+ N EGOCIATIONS.ç¿NS1ß¿ã.ç
r,E Pouvorn on r¡ NÉcoa¡rrcN I9|.
plus la négociation sera performante. De ph-rs, vous limiterez la ten- votre réponse. Ne répondez pas auromatiquement : la plupart des
sion et l'hostilité qui pourraient aurremenr êrre présentes. réponses automatiques sont négatives et ne font qu'envenimer la
À -estrr" que vous deviendrez expert en négociation, vous com- situation.
prendrez mieux la motivacion qui se cache derrière ce que I'allrre 2. Contournez les obstacles : ayez Íecoûrs à l'écoute active pour désa-
recherche, Vous écoutez, puis vous parlez, pour créer un objectifspé- morcer les sentiments négatifs et exprimez vos senriments en disanr
cifique - en sachant ce que vous voulez. n j. r. Tombez d'accord avec l'aurre pamie chaque fois que c'est
Lanecdote suivanre illustre avec quelle rapidité on peur appren- possible, mais restez fidèle à vos principes,
dre à négocier, même face à de violents criminels. 3. Demandez à vos interlocuteurs : ,, Pourquoi ? ,, " Pourquoi pas ? ,
ou .. Est-ce équitable ? Essayez de détourner les pamies impli-
Eric Singer, ancien animateur radio, s'est retrouvé dans la peau d'un négocia- ".
quées dans le conflit du marchandage de position, pour les amener à
teur de prises d'otages lorsque des détenus en cavale ont demandé à expri-
une négociation dictée par des principes.
mer leurs revendications au cours de son émission. Sept prisonniers s'étaient
échappés d'une prison du Texas.Ouatre d'entre eux furent arrêtés avec l'aide
4. Factlitez l'accord de vos adversaires : faites une offre aussi séclui-
sante qlre possible.
des téléspectateurs du programme Americos'MostWonted, de la chaîne de
5. o Ramenez-les à la raison, ne les mettez pas à genoux o: le res-
télévision Fox. un cinquième se suicida. Les deux derniers toujours en cavare,
pect donnera de bien meilleurs résultats que l'humiliarion.
Murphy et Newbury furent repérés dans un motel du Colorado après avoir
tué un policier d'lrving. lls demandèrent de pouvoir s'exprimer sur les ondes Dans la ,, chaleur du moment o, lorsque vous êtes en pleine négo-
avant de se rendre. Singer fut choisi pour les interviewer. ciation, ces conseils de bon sens se révèleront souvenr plus difficiles à
Avant de recevoir les criminels, il passa deux heures avec des policiers appliquer qu'ils n'en ont l'air. Toutefois, en respectant ces principes,
qui lui indiquèrent comment s'y prendre. lls lui expliquèrent qu'il devait et en vous entraînant à les mettre en æuvre, vous pourrez acquérir un
éviter certains mots r explosifs lrr comme reddition, et au contraire, en meilleur contrôle sur vous-même et sur la situation - et ne jamais
utiliser d'autres comme honneur et engogemenl pour poser aux prison- être pris en otage alr cours d'une négociation.
niers certaines questions d'une certaine manière et qu'il devait leur accor-
der quelques minutes pour dire ce qu'ils avaient sur le cæur en échange Mettre en prat¡que la règle de Ia réciprocité
de la fin du massacre. ef c/es concessions
r Je n'avais pas droit à l'erreur n, se souvient Singer. n Lorsque j'y
Un ami de ma famille, un ltalien prénommé Alfredo, est dompteur et tra-
repense, je me dis : "Bon sang, que ce serait-il passé si j'avais prononcé le
vaille avec des animaux sauvages dans les cirques. Le regarder avec ses
mot qu'il ne fallait pas ? 0u dit les choses de la mauvaise manière ?" r
tigres et ses lions est aussi fascinant qu'instructif. Avec gentillesse et res-
À la fin, Singer dit aux hommes qu'ils devaient se rendre en n l'hon-
pect, il observe et écoute attentivement, captant le moindre mouvement
neur de leur engagement r. Murphy et Newbury se rendirent.
de chaque animal.
Ury propose les cinq principes suivanrs pour favoriser le dénouement ll connaît la personnalité de chaque fauve avec qui il travaille. ll les
positif d'une négociation6: appelle par leur nom ; il plaisante avec eux c0mme s'ils pouvaient lui répon-
dre. Dans un sens, naturellement, ils le font. Alfredo et ses animaux sont
1. Ne répondez pas aux provocations: sorrez prendre I'air, isolez-
engagés dans un dialogue au-delà des mots, au cceur duquel on trouve un
vous quelques minutes, calmez-vous et préparez soigneusement
subtil jeu de concessions par lequel dompteur et animaux avancent et recu-
lent dans une sorte de danse de coopération, de lien et de compréhension.
6. \xzilliam IJry, Getîing Past No : Negotiating Yolr lvay fron confront¿¿tion to C'est Alfredo qui commande, pas de doute, mais il n'est jamais autori-
C ooþeration, Bantam, 1993. taire. Lorsqu'il veut obtenir quelque chose de ses fauves, il ne leur donne
2O2 NÉ,coc t a'r rcNs.ç¿NsIB¿¿s
r-E Pouvont or u. NÉ,coctanoN 203
exemple, une campagne de porte_à_porte fait d'exaspérer les collaboratrices de I'entreprise. Ni une ni deux, elles
pour une æuvre cari_ arborèrent des cravates décorées d'hommes nus.
tarive a recueilli de meilleurs résurtats
lorsqu'on montfair aux La révolution grondait... tout ça, à cause d'une histoire de cravates I
donareurs porentiers une lisre de voisins
ayant déjàfair un don.
La paix finit par revenir dans l'entreprise, lorsque les collaborateurs
Rol¡ert cialdini déclare q.e ces six principes apprirent que la direction était en fait préoccupée par la tenue vestimen-
sont appricables par-
tolrt et à toutl,' Si nous les mettons en pratique, taire plus professionnelle de leurs concurrents. La tr directive cravate
nous aurons de r ne
grandes chances de réussir cìans signifiait nullement que d'autres avantages - les boissons gratuites et la
nos entreprises de persuasion, sous
réserve, rourefois, de le faire avec cafeteria - allaient être supprimés, ni que l'entreprise avait perdu des
authenricité. Lauthenticité est
I'arme secrète de l'ìnfluence, de la persuasion clients. La direction était seulement préoccupée par l'évolution du marché.
et de la négociarion
couronnées de succès' connaîrre ces
principes vous évitera d;être pris Lorsque les collaborateurs comprirent pourquoi ils devaient soigner un
en otage' Qui n'a pas un- jour cédé peu plus leur tenue, ils acceptèrent le nouveau code vestimentaire. lls
aux afguments d'un vendeur per-
suasifqui savair en user ? avaient simplement besoin d'en comprendre les bénéfices pour eux-
mêmes et pour I'entreprise.
Un mal pour un'bien
Lorsque nous demandons à des amis, des membres de notre famille
Dans les années r990, une grande ou cles collègues de passer par des changements, nous suscitons rare-
société internationare avait choisi
de
refuser res codes vestimentaires traditionners. ment leur enthousiasme. La capacíté d'influencer et de persuader per-
Jean, baskets et a casuar
wear r étaient de mise dans l,entreprise. Mais
les années passant, met d'évirer des conflits inutiles. Les individus onr besoin d'être
la
c.ncurrence s'intensifia dans re secteur, encouragés et de comprendre pourquoi ils font telle ou telle chose.
un jour, res dirigeants estimèrent
que l'heure était venue de rentrer Plus nous en expliquons les raisons, plus les individus adhèreront à
dans re rang et de s,arigner sur res nor-
mes de classicisme vestimentaire nos besoins et se les approprieront. on suit d'autant mieux un leader
des autres iociétés. une note fut
donc
diffusée à I'ensembre des cotaborateurs, si cel'i-ci nous comm*nique une image précise du but à atteindre.
ordonnant aux hommes de por-
ter une cravate au bureau. A priori, rien En d'autres termes, nous devons o dessiner l'image d'un avenir
de bien compliqué. Et pourtant...
Personne ne prit ra peine d'expriquer
ce revirement aux coraborateurs, enthousiasmanr rtt. Dans le milieu sportif, chacun sait perrinem-
d'autant plus perprexes que rien dans reur ment ce que signifie I'expression ., on n'a rien sans rien o. Individus
activité ne sembrait re justifier.
Certains avaient jeté leurs cravates et équipes onr un objectif en tête (le trophée, la médaille d,or ou le
; d,autres n,étaient pas d,accord
avec la nouveile poritique, parce qu'irs record) et sonr alors capables de s'imposer des semaines, des mois et
ne rencontraient pas res crients et
travaillaient essentierement par téréphone. même des années de souffrance polrr ateindre le résultat souhaité.
Le prus grand nombre consi-
dérait tout bonnement la mesure comme Dans les entreprises, dirigeants et managers doivent eux aussi
ridicule.
apprendre à penser en rermes cle bénéfices, afin cìe garder leurs colla-
borateurs motivés et dévoués à un objectif final précis.
10. Roberr Cìaldini, Inflrcnce. 11. Rosabeth Moss Kanter, change Marrerr: Innoa¿ttion and Entreþreneurship in
tbe Atterican Corþoration, Simon & Schr-rster, 1985.
212 NÉcocu.noNs.çENJ1s¿¿s I-E pouvont oe ta NÉ,coctarrcN 2I3
Résumé
La négociation est une rechnique extrêmement efficace p.ur résoudre
des différends' conclure des accords et signer des contrats.
Eile peut 1. Toutes les négociations efficaces débutent par la création d'un lien
également être appliquée aux circonsrances de la vie quoridienne,
entre les individus. À travers le lien, il est possible de gérer tout conflit
afin de nous aider à accomplir ce que nous voulons. Toui parent
sait qui interfère avec le processus de négociation.
que I'une des façons les plus efficaces d'inreragir avec un errfant
est de 2. Les managers qui utilisent leur autorité informelle obtiennent davan-
négocier avec lui - ce qui signifie qu'il apprend lui aussi à négocier.
tage par la négociation.
Les enfants sonr souvenr de bien meilleurs négociareurs que 3. Négocier, c'est rechercher un résultat qui apporte des bénéfices aux
leurs
parenrs, car ils savenr parfaicement ce qu'ils veulent I deux parties en faisant I'effort de comprendre nos souhaits, besoins et
Les négociateurs commencent par créer une reration, un intérêts, ainsi que ceux de l'autre partie.
lien grâce
auquel les parties en présence peuvenr travaiiler ensemble. une 4. Reconnaissez la valeur des concessions. Vous donnez, vous recevez.
com-
préhension sans ambiguité des a*enres de chacun doit êrre La loi de la réciprocité est universelle. En règle générale, récompensez
a*einre,
avanr que le marchandage en ranr que tel ne débute. toutes les concessions, d'une manière ou d'une autre.
Nous devons
savoir ce que nous voulons, mais aussi ce que l'autre veut.
Face à des
preneufs d'otages, les négociateurs orienrent leurs quesrions
afin de
connaître avec précision leurs désirs et leurs besoins. Nous devons
être capables de nous mertre à la place de l,aurre.
Il est imporranc de se souvenir de la règle de la réciprocité :
quelqu'un nous donne quelque chose et nous lui donnons q.r.lq.r"
chose en ferour. ce jeu de concessions permet au dialogue à" p.o-
gresser dans le respecr mutuel.
En général, toure négociation implique une concession ou une
perte. Toute solution gagnaffi-gagnant repose sur des concessions.
Il
est donc important de o vendre ,, les bénéfices de ces concessions
pour aider les individus à comprendre en quoi le changemenc,
même
s'il peut d'abord sembler douloureux, sera meillerrr à iong rerme.
Linfluence et la persuasion onr également leur rôle à jãuer dans
la
négociation. Sous réserve d'en user avec aurhenricité, elles confère-
ront au manager une < aurorité informelle qui I'aidera à recueillir
",
I'adhésion de ses collaborareurs par la méthode douce.
Indispensables aux négociareurs de la porice, les compétences
de
négociation, d'influence et de persuasion le sonr rour autant
pour les
dirigeants et les managers. En les pratiquanr régulière-.nr,
no,r,
serons mieux armés pour affronter les tensions et res
conflits omni-
présents dans notre vie quotidienne, er ne pas être pris
en otages par
eux.
r
Cha B re
Un soir à New York, Joyce, une jeune femme de trente-six ans qui suivait
une formation de psychologue, rentrait chez elle à pied. Une voiture
s'arrêta brutalement à sa hauteur, deux jeunes hommes en sortirent,
l'attrapèrent, la jetèrent entre eux sur le siège avant et lui mirent un cou-
teau sur la gorge. Agressifs et excités, ils lui expliquèrent qu'ils l'emme-
naient dans le New Jersey pour la violer et la tuer. n Alors, qu'est-ce que
ça vous fait de savoir que v0us allez mourir ? r, lui demandèrent-ils,
Joyce perçut leur extrême agitation et comprit qu'ils ne plaisantaient
pas. lls étaient à la fois apeurés et en colère, et les mains qui tenaient le
couteau contre sa gorge étaient tremblantes.
Après un temps de panique, Joyce regarda la situation en face et
accepta I'idée qu'elle allait mourir. Elle répondait à leurs questions avec
calme et sérénité, et ne pouvait s'empêcher d'être intriguée par leur com-
portement, mélange de peur et d'absence de contrôle physique. Un senti-
ment étrange d'inquiétude maternelle s'empara d'elle.
Elle commença à interroger ses agresseurs, essayant d'en apprendre
davantage sur eux. Dans un premier temps, ils I'ignorèrent. Tout ce qui les
intéressait était de savoir ce que I'on ressentait quand on savait qu'on
allait mourir. Elle leur dit qu'elle était triste, parce qu'elle était jeune, mais
elle connaissait la sévérité des lois en matière de viols et d'enlèvements et
savait qu'ils ne pourraient faire autrement que de la tuer.
Comme ils roulaient vers un lieu isolé de la côte du New Jersey, les
deux hommes se montraient de plus en plus exaspérés, confus et belli-
queux, la suppliant de leur parler de ce que l'on ressentait à l'approche de
la mort. Joyce, cependant, continua à leur poser des questions, tout en
¿ L6 NEGOCL\TIONJ.ç'N.'18¿¿S
u¿.îTnrcnn Nr.rs É¿,ror¡oNs 217
en refusant de se laisser gagner par leur étar d'esprit, elle u p' les Les réactions émotionnelles peuvent créer des états intérieurs et
influencer et les convaincre de la laisser partir. En d'autres termes, des couranrs cognitiß qui échappenr à norre contrôle. Le psyché
otage physique, Joyce n'a jamais été un orage psychologique. Elle a humain, soulignons-le, esr capable de passer par rour un évenrail
eu recours à ce que l'on peut appeler ,, l'intention paradoxale ,, : faire d'émotions, de la logique pure à l'émotion pLrre, er nous pouvons
une chose et en même temps, en faire une autre. En acceptant son devenir otages en rour point du specrre. Lémocion est solidement
sort, Joyce a envoyé aux hommes un message non verbal qui disait enracinée dans le comportement conditionné, ces associations ins-
< vous avez gagné crites dans norre cerveau sur la base de nos expériences passées. Læil
". Mais dans le même temps, sans rien abdiquer de I'esprit est capable de retenir ces <( solrvenirs émotionnels o er est
fortement influencé par eux.
1. Joseph Chilton Pearce, Magicat Cbild Rediscouerìng Naître's Plan for Our selon le neurologue Antonio Damasio, les mécanismes neurolo-
Cbildren, l)r-rrton, 1 977.
giques de l'émotion er du sentiment se sonr développés chez les êtres
¿ Ló NECOCIATIONS.ç¡NSIBL¿.' NO.t ¿^4O'r/ON.ç ¿ Lr)
^4AITRTSEt?
humains parce qu'ils ont créé des formes de raccourcis adaptés aux Lorsque les enquêteurs analysèrent ce qu'il s'était produit, ils compri-
situations qui ne requièrent pas de pensée conscienre2. Il soutient rent qu'Andy avait sauvé ses hommes d'un des phénomènes les plus dan-
que le processus de la pensée rationnelle, qui demande du cemps, gereux de la lutte contre les incendies - le backdraft. Celui-ci survient
diminue souvent les chances de survie de I'individu dans des situa- dans des incendies qui se développent dans des lieux clos, lorsque tout
tions qui exigent des décisions immédiates. La mémoire rant expli- I'oxygène a été brûlé et que le feu devient explosivement imprévisible. Les
cite (consciente) qu'implicite (non consciente) fait gagnü du remps backdrafts étant extrêmement rares, comment Andy a-t-il pu deviner ce
au cerveau. Le raisonnement, en effet, a ses inconvénients : il exige qui allait arriver ? Son esprit, en fait, était conscient des signes de danger,
du temps, les informations dont on dispose ne sonr pas roujoLrrs suf- même si lui ne les percevait pas consciemment.
fisantes pour parvenir à une conclusion, et le cerveau n'est pas tou- Une partie de notre cerveau analyse en permanence notre environne-
jours suffrsamment développé pour permertre le raisonnemenr. ment en quête de danger. Le cerveau d'Andy a ainsi comparé cet incendie
Les émotions, dès lors, apportenr à I'individu un moyen de conrour- à tous ceux qu'il avait connus et remarqué trois différences importantes.
ner les limites du raisonnement. Nombreux sont ceux qui, au mépris Tout d'abord, la fumée était orange, à la différence de celle de la plupart
de tout savoir ou des faits observables, onr écouté la voix de leur inrui- des incendies. Ensuite, l'air s'engouffrait dans le bâtiment par les portes
tion, qui leur a sauvé la vie. ouvertes, alors que normalement il sort. Enfin, alors qu'un feu crépite
lorsqu'il brûle de I'oxygène, on n'entendait rien de cet ordre.
Andy Kirk était pompier à Leicester, au Royaume-Uni, depuis vingt ans.
lnconsciemment, l'esprit d'Andy a perçu les différences de cet incen-
Le 5 octobre 2001, ¡l a été appelé avec son équipe pour un incendie qui
die et lui a envoyé un signal d'alarme. Comme il l'a exprimé lui-même:
venait de se déclarer dans une salle de bingo inoccupée. Iincendie était
,r J'étais mal à l'aise, j'avais I'intuition que quelque chose n'allait pas. n3
important, mais Andy estima qu'il n'y avait pas de danger à envoyer ses
hommes dans le bâtiment. ll y avait de la fumée partout mais, au bout de Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas expliquer un senciment
cinq minutes, les pompiers pensaient avoir commencé à maîtriser le ou une sensation que nous devons l'ignorer. Nos émotions peuvent
si n istre. nous donner des informations précieuses sur ce qui esc en train de se
C'est alors que, sans aucune raison apparente, Andy eut un sentiment produire.
étrange. n Je n'aurais pas pu dire ce que c'était, mais j'ai su qu'il allait se
passer quelque chose et qu'il était temps de faire sortir mes hommes. r En Les cinq phases cle l'émotion
dépit des protestations de son équipe, il leur ordonna de quitter les lieux Comprendre comment les émotions circulent à travers le corps et
sur-le-champ. Soudain, il y eut un grondement terrible et une énorme I'esprit est essentiel pour la conscience de soi et celle des autres. Les
boule de feu commença à avancer derrière eux, alors qu'ils se précipi- travaux de \üTilhem Reich, tels que décrits par l)avid Boadella,
taient à I'extérieur. indiquent que le flux des émotions comporte cinq phases, de leur
Sans aucun signe avant-coureur, une énorme explosion avait ébranlé
création à leur dissipationa: charge, tension, décharge, relaxation
le bâtiment, provoquant I'effondrement des murs et du toit. La zone et flexibilité (voir la Figure 8.1).
dévastée avait la taille d'un terrain de football et les flammes s'élevaient
à plusieurs dizaines de mètres dans les airs.
r Si Andy ne nous avait pas fait sortir de ce bâtiment, nous aurions
tous été tués r, déclara un de ses collègues.
1. BBC Series, Tbe Hanmn Mind, présenté par Robert \Øinston, 2004.
2. Antonio Damasio, The Fælittg of Vbat Haþþens : Body, Extotion and the Making 4. David Boadella, Vilhen Reich : Tlte Eaolution of His lYork, Vision Press,
of Consciourness, Londres, 1999. 1.97 3.
220 NÉcoclrr"¡roNs.rENslß¿ËJ u¡lrtusnnNosÉ¿lor¡oNs 221
Relaxat¡on TensÌon
Après le processus de charge, les émotions évoluent vers un point de
Tension
tension. Tout organe physique, système musculaire ou chimique
peut retenir la tension d'une émotion active. Dans le cas de la colère
par exemple, l'individu serre les mâchoires, raidit les muscles de son
Décharge
cou, crée des douleurs de poitrine depuis les poumons ou le cæur, er
suractive le système d'adrénaline. Le fait de retenir la tension n'est
Figure 8.1 - Les cinq stades de l'émotion pas un problème en soi. Il y a problème lorsque la libération n'esr pas
possible et que la rétention devient chronique ou habituelle et donc,
un élément de notre caractère6.
Charge Lorsque nous retenons la tension d'une manière malsaine, des
Les émotions doivent passer par un processus de charge. Lorsqu'elles problèmes psychosomatiques peuvent apparaître. La biologie, la chi-
sont chargées dans le corps, rout le réseau de l'être esprit, corps er mie physiologique, les émotions et l'esprit sonr étroitement liés.
-
âme - est impliqué, ce qui provoque un état d'excitation physiolo- Lorsqu'un individu dir qu'il esr rendu, agité, malà I'aise ou nerveux,
gique. Le processus d'exciration crée de l'énergie dans l'érat dans ces mots décrivent une émotion chargée qui est rerenue sous forme
lequel nous nous trouvons. La question est : comment chargeons- de tension. Les négociateurs doivent gérer ce niveau de tension de
nous nos émotions ? Tout le monde a des émotions. cetains indivi- façon à ne pas être surchargés ou sous-chargés dans la relation de lien
dus les chargent rapidement er sonr facilement envahis pat la colère, avec le preneur d'otages. Les mots sont utilisés en permanence pour
la joie, etc. D'autres sont plus lencs. D'autres encore ne chargenr pas réguler le niveau de charge et de tension. Un autre exemple est la
du tout : ils ne connaissent pas d'émotions et sont souvent amorphes crise de colère. chez les individus qui réagissent rapidemenr parce
ou très détachés. Ils peuvent aussi sembler décontractés, distants et qu'ils retiennent déjà de la colère, de la peur ou de la tristesse dans
indifférents, parce que leurs émotions sommeillent au plus profond leur corps, le nouveau stimulus ne fait qu'ouvrir les vannes à une
d'eux-mêmes. énergie émotionnelle antérieure. Ce dont il faut se souvenir, c'esr que
À l'inu.rr., certaines personnes surchargent et sont facilement et les émotions sonr une énergie. une fois que celle-ci est créée, il faut
rapidement submergées par les émotions. En soi, ce n'esr pas un pro- qu'elle aille quelque parr. Lune des idées reçues les plus fausses qui
blème. ce qui peuc l'être, c'esr ce qu'elles fonr de la charge. Les émo- circulent sur les émotions est qu'elles finiront par disparaître
tions sont toujours présentes dans notre être, sous une forme oll sous d'elles-mêmes. Elles ne le peuvenr pas ; elles sont transformées,
une autre. Il est essentiel d'en évaluer le niveau chaque fois que nous
sommes confrontés à une menace, afrn de pouvoir adapter notre
réponse. Réfléchir, en soi, n'est pas suffisanr lorsque la charge com- t. Conversation de I'auteur avec Eva Reich.
mence à o vivre sa propre vie o. Eva Reich, la frlle du Dr wilhem 6. Stephen M. Johnson, Chrtracter Styles,W.W. Norton, 1994
222 NÉ,GocIATIoNSs¿Ns1ßL¿J
u¡i'rntsr,RNosl¿ror¡o¡¡s 223
expansion, l'expiration est contraction. Nous devons être sûrs de parle, marche et se tient. si nous sommes totalement détendus,.il
libérer efficacement nos émotions, faure de quoi c'esr tour leur flux nous est impossible d'agir. La flexibilité est une some d'état de
qui risque d'être bloqué. La rivière est une autre métaphore qui per- relaxation régulé, dans lequel nous sommes prêts à agh. Dans les
met de comprendre la notion d'énergie émotionnelle - Ie courant ou situations où les individus sonr soumis à une pression de résultats,
la vague qui se contracte, puis se déroule et continue pourtant à cou- pression posirive, ils ont besoin d'être dans un état de ,. plénitude ,,
ler. S'il y a un barrage sur la rivière, me demanderez-vous, qu'est-ce qui renforce la probabilité de réussite. Les athlètes et les artistes dési-
qui est retenu ? Que se passe-t-il si la pression devient tellement gnent cet état par les expressions o être au top > ou < être sur un
forte que le barrage cède ? Ou que se passe-r-il en aval si une quan- nuage o. un individu qui demeure rotalement flexible sous la pres-
tité trop importante d'eau est retenue ? Les négociateurs sont passés sion ressenr une vibration, un flux qui esr agréable et satisfaisant
maîtres dans l'art de gérer la décharge des émotions en eux-mêmes er
(voir le Chapicre !).
chez les ravisseurs. Une négociation pour obtenir la libération d'un Il est quasiment impossible à un individu de dissimuler rotale-
otage est un des drames les plus intenses au niveau émotionnel. ment ce qu'il ressent. Les émotions filtrent du corps, même lorsqu'on
Pouftant, comme nous I'avons déjà souligné, les négociateurs par- essaye de les bloqr-rer. Nous pouvons être pris en orages par nos pro_
viennent à une résolution positive dans 95 % des cas, parce qu'ils pres émotions. Il est importanr de comprendre qu'une émotion peut
sont capables de gérer les stades de l'émotion en eux-mêmes et chez en bloquer Lrne alrrre. si nous sommes incapables d'éprouver de
les autres. I'amour, c'est peut-êrre parce qLre nous sommes bloqLrés par lacolère
ou la peur. Lorsqu'une émotion est bloquée, toutes les autres en sont
affectées. c'esr un fait que l'on néglige rrop souvenr. Nous ne pou-
. l)avid Boadella, vons ignorer une facette de nos émotions et espérer q'e les autres ne
7 \,{/ìlhen Reich
seront pas touchées.
224 NÉcoclrrzroNs.rEN.rldL¡,ç u¡lrtusnn Nos É,uonoNs 22j
Pour éviter d'être pris en orages par nos émorions, la première aussi bien que psychologiques. Dans une perspective de gestion des
étape est d'avoir conscience de ce que nous éprouvons. Autrement, il conflits, celles qui me semblent les,plus utiles sont la peur, la tris-
est peu probable que nous parviendrons à les réguler. En second lieu, tesse, la colère, la joie (y compris I'amour) et les sentiments sexlrels.
nous devons être capables de percevoir et de répondre de manière Chacune d'elles se manifeste physiquement.
pertinente aux stades émotionnels d'une autre personne. pleurer,
crier, rire : nous savons tous que cela peut nous faire du bien. Expri- La peur
mer nos émotions est important. Il faut également souligner que la Ilnous arrive à tous d'avoir peur. C'esr ainsi que la narure nous pro-
façon dont certains individus expriment leur colère ou toute aurre tège et nous empêche d'êrre blessés par les aurres ou de nous faire du
émotion ne les soulage pas, mais ne fait aucontraire qu'augmenter la mal à nous-mêmes. C'est une émotion qui nous alerre immédiate-
charge. c'est la raison pour laquelle il convient de faire preuve d'une ment de la présence d'un danger lorsque, par exemple, nous sommes
grande vigilance avec les individus à risques. Il ne peut y avoir agres- sur le point de tomber d'une falaise, de rraverser devant une voirure
sion ou violence sans charge émotionnelle. chez ceruains individus, ou lorsque nous entendons un bruit inconnu et inattendu dans une
c'esc une charge intérieure et on peut en remarquer I'escalade à une pièce sombre. Léventail de la peur esr large, de l'appréhension légère
contraction du visage, un frottement des doigts ou toute autre mani- à la terreur paralysante. Quand nous ressentons de la peur, le sang
festation d'agirarion. celle-ci esr un indice exrrêmement précieux, afflue dans les grands muscles, pour nous permettre de courir plus
car elle indique ce qui se passe à l'intérieur et ce qui esr peut-être sur facilement si nous avions à le faire. Le cæur esr davanrage sollicité,
le point d'exploser. Les individus les plus dangereux sonr ceux qui nous respirons plus rapidement afrn de faire enrrer davantage
dissimulent une charge intérieure, sans rien laisser paraître du volcan d'oxygène dans notre corps er une grancle quantité d'adrénaline est
qui bout en eux. comme nous le confirment tristement de nombreux envoyée dans nos systèmes pour nous mettre dans un état d'alerte
faits divers, ce sont souvent les solitaires tranquilles qui n pèrent les accrLr. Dans le même temps, le corps s'immobilise, ne serait-ce
plombs >, semant la mort derrière eux. qu'une fraction de seconde, afin de permerrre à l'æil de I'esprit d'éva-
Au cours d'une négociation avec des preneurs d'otages, les négo- luer le danger de manière non rarionnelle. Un individu surpris par
ciateurs passent par les différents srades de l'émotion pour êrre en un agresseur hésitera quelques secondes avant de se mettre à courir.
phase avec leurs interlocureurs. Il esc important qu'ils ne soient ni Son estomac se contracte, ses extrémités se refroidissent et le sang
distants ni détachés, parce qu'il serait alors impossible de nolrer un afflue dans les parties cenrrales du corps. Le mécanisme ,, fuir ou se
lien. Et il est tout aussi important qu'ils gèrenr leurs émotions polrr battre > entre en action. À I'irt,t. de l'événement, il est fréquenr que
ne pas être pris en orages par elles. les individus disent : C'était plus fort que moi. , Les négociateurs
"
savent que quelqu'un qui a peur d'eux est beaucoup plus dangerer-rx
que quelqu'un qui esr en colère contre eux. J'ai eu l'occasion d'obser-
Cinq émotions
ver de mes yeux une femme sous l'emprise d'une peur effroyable. Elle
Les émotions jouent un rôle très impotant dans I'apprentissage. ne mesurait qlr'Lrn mètre cinquante et pesait environ soixante kilos.
Elles ont du pouvoir er du sens. Que se passe-t-il en nous lorsque Convaincue qu'elle allait êrre tuée, le mécanisme fuir ou se bamre o
nous << sautons de joie > ou que nous avons le n cæur brisé , ? Si les "
avait été stimulé et elle a tordu un cadre de lit en métal. Il a fallu six
chercheurs sont d'accord pour reconnaître aux émotions un rôle pri- policiers pour la maîtriser. Elle pensait qu'ils étaienr venus pour les
mordial, toute rentative de classification se révèle plus ou moins tuer, elle et son bébé.
arbitraire. Lidée d'un noyau d'émotions o cenrrales ,, ou élémen- Et voici un autre exemple : une femme sortait de son garage en
taires ne fait roujours pas l'unanimité. Ce que l'on sait, en revanche, marche arrière quand elle a heurré son petit garçon de dix-huit mois.
c'est que les émorions fonctionnenr à plusieurs niveaux, physiques Elle a réussi à soulever I'arrière de la voiture pour dégager I'enfant,
226 NÉcocurzoNss¿NJra¿r.t u¡lrt¿.tstln n¡os l¡tozloNs 227
I'a conduit à I'hôpital er s'esr ens*ire effondrée, une fois qr,r'il nous donne envie de donner des coups de pied, de lancer nos bras en
était en
sécurité avec les médecins. La peur active res émotions les plus l'air, de crier et d'hurler. Nos yeux lancent des éclairs. Il n'est pas rare
puis-
sanres' Elle peut amenef quelqu'un à tuer ou à agir avec cle déverser sa colère ailleurs que sur ce qui I'a provoquée. On parle
le plus
grancl des courages. alors de diplacenent. Lorsque nous sommes en colère, il est important
de l'exprimer de manière constructive, afin de libérer la tension mus-
La tristesse
culaire, biologique et chimique, et de retrolrver un état de relaxation.
La perre éveille norre rrisresse. Lorsque nous perdons quelqu,un
ou Un proverbe chinois dit avec sagesse : " Maîtrisez r¡n instant de
quelque chose, la tristesse esr cete phase du deuil au io.,r,
.r" colère et vous vous épargnerez des centaines de jours de chagrin.
laquelle nous pleurons et implorons qLr'on nous rende ce qui "
nous a Ni trop, ni trop peu : tel doit être votre mot d'ordre pour bien gérer
été enlevé. Elle peur également survenir rorsque no.r, pr..rons
cons- votre colère.
cience que nous ne pouvons avoir ou réaliser quelque
.Àor. qr" ,o.,,
espérions, en particulier lorsque nous y avions investi beaucoup La joie et I'amour
de
temps er d'énergie. Perdre quelque chose de précieux, comme La joie nous procure Lrne sensation de délice, de légèreré >, un
une "
base de sécurité' un être cher ou un bijou, peut nous
tristesse. on ressent alors une pression sur |estom*,
plonger dans la o frisson
" qui irradie vers I'extérieur. Tout le corps est impliqué.
.,À" douleur Nous avons envie de ,, chanter et danser de joie ". Lénergie nous
intérieure qui monte dans la poitrine, puis nous serre la donne des ailes. La poitrine s'ouvre, les yeux brillenr, on rienr la tête
gorge
jusqu'à ce qlre' enfin' les larmes, et parfois les
sangrots, jaillissent. haute et la tension est déchargée à travers un sourire, un rire, un bai-
Selon le docte'r \üfilliam H. Frey, aureur de cryìn[ : The ser ou un cri. Lorsque nous regardons des individus qui éprouvent de
Mystery of
Tea.rs, r, l'une des raisons pour lesquelles on se
sent mieux après avoir la joie, ils semblent rayonnef. La joie nous donne un sentimenr
pleuré est peut-être que les larmes évacuenr res élément,
.hi-iq.r., d'expansion et de possibilité. Eva Reich disait que I'amour esr une
qui s'accumulent pendant les épisodes de stress ,n. Si l,individu émotion dirigée vers un être, un animal ou une chose"'. La joie est
essaye de réprimer sa rrisresse, n'aurorisant pas la plus générale et universelle. La joie et l'amour sont les plus puissan-
libération de la
tension, il est probable que les symptômes physiques, d,oppression tes de toutes les émotions et doivent être la source de l'essentiel de
notamment, persisteront. souvenez-vous de l'histoire d,Hannah notre énergie.
et
de son cochon' Pour Elisaberh Ktir¡rer-Ross, la grancre spécialiste
cru
deuil, pleurer esr Lrn besoin important de l'être humaine. Les émotions sexuel/es
Les émotions sexuelles passent par les mêmes stades que les alttres
La colère émotions - charge (excitation), tension (tenir), clécharge (orgasme),
La colère stimule une réaction émotionnelle intense. c'est une relaxation et flexibilité'r. Un problème pelrt survenir à n'imporre
réponse à la frustration et un élément du réflexe ,, fuir ou se bactre ,. lequel de ces stades, si la personne n'est pas capable de charger ou de
Il s'agit d'une émotion positive, parce qu'eile incite la personne
à décharger l'émotion d'une manière qui lui apporte satisfaction à elle
agir. Les individus incapables de ressentir leur colère u.rront et à son partenaire. Si ces émotions sont aussi importantes pour les
d",
difficultés à établir des limites. Toutefois, une personn e ayanttrop négociateurs d'otages, c'est que la violence et les menaces de violence
de
colère en elle se créera en permanence des problèrrr"r. Lorrq.r" sont souvent liées à des émotions sexuelles frustrées : jalousie, rage,
.ro,r,
sommes en colère, une sensation de tension envahit no,
-.Àbr., ., perte de virilité en sont quelques-unes des manifestations. On observe
La capacité à se contrôler pour ne pas céder grand examen, ils se laissèrent souvent distraire de leur tâche pour céder à
à une gratification
immédiate joue un rôle extrêmemenr ilportont, des activités qui leur apportaient une gratification immédiate. Cette impul-
er souvenr ignoré,
dans nos trajectoires de vie. sion les accompagna tout au long de leur viel6.
16. Yuichi Shoda, \Walter Mischel et Philip K. Peake, " Pre<,licting Adoles-
15' Daniel Goleman, En¡otionar Intelligence:
vhy It can Maîter More than Ie, cent Cognitive and Self-Regulatory Competencies from Preschool l)elay
Bantam, 199), p. 32g.
of Gratifrcati on " , Deueloþntental Psychology, I99O,
234 NÉcocr.4'.1'1oNJ' s¿N.l1ulliJ ALl\itRtsr,R ¡¡os l¡lo'flo¡vs 235
Le psychiarre Scott Peck écrit :. Repousser Lrne gratificarion est Lrn qui obtiennent les meiller,rrs résultats sont clirectement liées à l'intel-
processus de planification de la souffrance er du plaisir, visant à ren-
ligence émotionnellete.
forcer le plaisir en affronrant la souffrance en premier pour en être Depuis les rravaux de E.L. Thorndike sur I'intelligence sociale
débarrassé. C'est la seule bonne façon de vivre. ,¡7
clans les années 1920 jusqu'aux rravaltx précurseurs de Daniel
Les individus peuvenr être motivés par la peur, comme la peur cle
Goleman sur l'intelligence émotionnelle, le monde de I'entreprise a
l'échec. Lorsqu'on dir par exemple à une personne que si elle ne
eu maintes occasions d'apprendre que les émotions sont le moteur
s'améliore pas, elle risque de perdre son rravail, cerre mise en garde cle la motivation, elle-même moteuf de I'engagement des collabo-
peut l'inciter à davantage cl'action. Elle est amenée à modifier son rateurs20. Au frnal, sans émotions positives a' sein d'une organisa-
comportement afin d'éviter la souffrance. À I'inu"rse, cles individus tion, celle-ci ne saurait prétendre à de hautes performances et à une
ayant peur de la réussire peLrvenr se démotiver en anricipant le cha-
réussite durable.
5¡rin qu'ils connaîrronr lorsqu'ils atteindronr leur objectif. Daniel Goleman défrnit l'intelligence émotionnelle comme " la
capacité de reconnaîtfe nos émotions et celles des autres, de nous
L'intelligence émotionnelle au travail motivet, de gérer les émotions en nous-mêmes, ainsi que clans nos
Comprendre l'importance de la gestion de nos émotions dans norre relations interpersonnelles o2l.
vie personnelle est une chose. Qu'en esr-il de I'intelligence émotion- Quatre compétences sonr vitales pour I'intelligence émotion-
nelle dans un conrexte professionnel ? Lentreprise n'est-elle pas le nelle :
lieu de la rationalité et des faits ? Erreur ! De nombreuses études
montrent que les entreprises qui lui accordent la place qu'elle mérite 1. conscience de soi: il s'agit de lire nos émotions et d'avoif cons-
cience de leur impact suf nous et sLtf les autres, mais aussi de
sont plus performantes que celles qui dénigrent les o compérences
connaître nos forces et nos faiblesses et d'avoir confiance en nos
molles ), pour ne s'intéresser qlt'aux chiffres et aux faits ., purs et
aptitudes. La conscience de soi suppose en pafticlllier de savoir
durs ,.
comment nous chargeons et déchargeons les émotions et comment
un recr-reil d'études publié sous le titre Tlte Bu'iness case for Erno-
nous nous compoftons lorsque nous sommes soumis à dll stress et à
tional Intellìgence paf cary cherniss, chercheuse attachée à l'université
des situations de conflit.
Rutgers, met en lumière, à travers de nombreux travaux, que possé-
2. Gestion de soi : c'esr I'aptitude à gérer nos émotions, reconnaître
der des compétences émotionnelles telles que la coopération, la juste
nos ,, points sensibles > er appfendre à contrôler des impulsions
évaluation de soi, l'optimisme et la capacité à gérer le srress se rra-
perturbatrices, ainsi qu'à agir pour gérer notre stfess et affronter
duit par une meilleure procluctiviré, une plus grande sarisfaction
des conflits.
dans le travail olr encore une frdélité accrue des collaborareurs't.
I. compétences sociales: cela désigne notfe aptitucle à écouter,
Une étude porrant sur deux mille superviseurs er managers indi-
influencer et persuader, à enrrer dans le dialogue, à collaborer et à
que que qlratorze des seize aptitr-rdes qr-ri distinglrent les managers
nourfir nos relarions interpersonnelles, ainsi qu'à utiliser nos pfo-
pres états pour influencer les émotions des autres'
donne, cerrains tombenr même par terre. Cette réponse ne fit qu'amplifier la colère de I'homme qui hurla:
er-rand ils Larquent le
b't, en revanche, ils ont une dJcharge d'aclrénaline, ils ,årpir.nt n Mais qu'est-ce que c'est que cet hôtel ? Ou'est-ce que ça peut bien
plus profondémenr et se tiennent pl.,s clroits. ,
Deux ..._pi;;';; faire, quia effectué la réservation 7 Une chambre a été réservée pour moi,
charge er de décharge des émotions23. un point c'est tout. r llvenait à nouveau de bloquer le dialogue et d'enve-
nimer les choses.
Bientôt, I'adjoint du directeur nous rejoignit, pour aider la réception-
niste à retrouver la réservation. Puis, ce fut au tour du directeur, alerté par
22. James Lynch, A cry rJnltaar¿l : New Insi¡¡ltt.r into tr¡e les éclats de voix.
Malìail conseqrtences o/-
Lone/inest, Bancroft press, 2000.
r continuait à crier et devenait de plus en plus agité face
Le tr client
23. Roger Dobson et Jo_natl.ron Carr_Brown, .
Just Look Up ro Find Happi_ aux trois employés qui essayaient de défendre l'hôtel, disant qu'ils fai-
ness >, Tlte Sunday Tines _ Brìtain, 24 jltillei
2OO5.
saient de leur mieux pour retrouver la réservation.
238 N Éco<: t ¡rr¡N s,.r¿Nsla¿¿.ç u¡î'rntstln ¡vos l¡.ror¡oNs 239
VIVRE LIBRES
de travail, et de longues négociations et discussions, pas toujours un individu qui possède une bonne estime de soi. Chez ceux qui en
faciles, avec le client. cependant, une fois le conrrat signé er la réus- manquent, ces fluctuations pourront être excessives et les prendre en
site célébrée, personne ne regrerre ces efforts. De même, la participa- otages. Un indice d'estime de soi est la capacité à affronter les défis les
tion d'une enrreprise à un grand salon professionnel implique un plus durs, tout en restant frdèle à soi-même.
travatl considérable en coulisse er des mois de préparation pourranr, Les bases de sécurité - individus et objectifs - passées ou présen-
lorsque le salon ouvre ses portes et que l'entreprise voit ses efforts tes sont essentielles pour développer norre estime de soi (voir le
couronnés de succès, personne ne regrette les efforts accomplis. De Chapitre 4). Celle-ci se consrruir rout au long de norre vie et se nour-
nombreux managers décidenr de suivre des formations de haut rit de nos expériences. Expériences dans l'enfance, relarions avec la
niveau tout en menant leur activité professionnelle de front, aug- famille, les professeurs, les pairs, les entraîneurs et autres figures
mentant ainsi la pression qui pèse sur leurs épaules et sacrifiant pour d'autorité, et expériences en matière de perforrnances dérerminent la
un temps leur vie de famille. Pourtanr, la formation achevée ou leur façon dont nous envisageons les aurres, les objectiß et la réussite. Ce
diplôme en poche, ils sonr pleins d'une énergie nouvelle. Ils ont fair dont il faut se souvenir, c'est que l'estime de soi se construit en per-
progressef leurs connaissances, leurs compétences et leur confiance en manence. Elle peut êcre positive (élevée) ou négative (faible), se tra-
eux, et la formation leur ouvre de nouvelles perspectives de carrière. duisant par une prévision autoréalisatrice de réussite ou d'échec.
Le sacrifice consenri pour mener à bien la formation esr perçu comme Lestime de soi est connecrée à rous les aspects de la vie, y compris le
nécessaire pour accéder au bénéfice ûnal. tnvail, notre façon de penser, la manière dont nous pensons que les
Nous devons nous souvenir que, dans la sphère personnelle et autres nous perçoivent, nos buts dans la vie, notre capacité à agir et à
professionnelle, les actions déterminent le résulrat. Limpuissance er être indépendant, ce que nous accomplissons et, de manière fonda-
la passivité vonr main dans la main. Si nous n'agissons pas, alors mentale, quelle ,. valeur ) nous nous accordons.
nous sommes .. prisonniers , et donc otages. Comme moi, vous avez Lestime de soi positive est basée sur la capacité à bien nous
sans doute remarqué que les éléphants dans les cirques sont toujours connaîtfe, tout en nous accepcant nous-mêmes et en nolls n aimant o.
enchaînés par un pied à un pieu. celaétant, cout éléphant adulte est Les individus ayant une bonne estime de soi savenr reconnaître leurs
suffrsamment fort pour arracher le pieu er s'en aller où il veut. Mais points forts et leurs limites, tout en se respectant eux-mêmes et en
il ne le fait pas. Éléphunteau, il a appris qu'essayer de s'échapper ne ayant le sentiment qu'ils valent quelque chose. IIs ne se laissent pas
sert à rien et il conserve à l'âge adulte cette mémoire d'impuissance démonter par l'échec, un feed-back négatif ou une critique er, si c'esr
acquise. le cas, ils rebondissent rrès rapidement. Si un individu a connu dans
Enfin, nous devons être prêts à assumer la responsabilité de nos son enfance des relations saines à des bases de sécurité et intégré des
attitudes et des résultats que nous obtenons. se laisser prendre en modèles mentaux sur la façon de gérer l'échec et Ia frustration, il aura
otage par soi-même ou par autrui, c'est, en dernière analyse, faire un plus de chances d'avoir une bonne estime de soi. Lorsque c'esr le cas,
choix, celui d'abdiquer notre pouvoir. C'est un des dilemmes de la il nous est possible d'être une base de sécurité pour nous-mêmes en
vie : que pouvons-nous contrôler, qu'est-ce qui échappe à notre connaissant nos états émotionnels er en conduisant un dialogue inté-
contrôle et quelle sera norre attitude ? rieur constructif. Il faur toutefois souligner que, quoi qu'il arrive, le
besoin de bases de sécurité exrérieures demeure2.
Estime de soi positive
Lestime de soi est l'opinion que nous avons de nous-mêmes. Il est nor-
mal que notre humeur change au gré de ce que nous vivons. Cepen-
dant, ces fluctuations seront moins fréquentes et plus temporaires chez
2. John Bowlb¡ The Makìng and Breakittg af Affeaìonal Bonds, Tavistock, 1979,
pp. 103-1 18.
25 2 NÉ,G oc r ATroNS.ç¿N.çrß¿¿.ç
vrvnq LTBIES 253
Les individus dotés d'une estime de soi positive afficheront une examen ou obtenir une promotion. Ces individus peuvent donner
attitude joyeuse et un bonhev général de vivre. Ils sont capables de I'impression d'être heureux, mais au fond d'eux-mêmes, ils rrem-
donner et de recevoir, ainsi que de donner et de recevoir des compli- blent d'échouer et vivenr avec la peur permanente d'être ,. démas-
ments. Ils recherchenr les opportunirés er font preuve de sponta-
néité, de souplesse et d'enjouement. IIs onr des réponses créatives
qués
". Il peut arriver qu'ils vivent avec une colère constante, qui
bloque le flux de leurs émorions. En conséquence de quoi, on observe
aux problèmes er retirent de la sarisfaction de ce qu'ils vivenr. Ils qu'ils se rebellent ou au conrraire se soumetent à des figures d'auto-
peuvent être proches d'aurres êtres humains. Ils considèrent que les rité, accusent les autres de leurs malheurs, ou se montrent même
autres sont importants et ils sont ouverts à la vie et au monde. Ils arrogants et distants. Il se peut aussi qu'ils se senrent incapables
sont à I'aise avec eux-mêmes et leur place dans l'univers, et ils remer- d'affronter le monde et arborent un air malheureux - la pauvre vic-
cient la vie. time qui attend que quelqu'un vienne à son secours. Le manque
d'estime de soi contribue sans aucun doute à la mentalité d'otage.
Estime de soi nêgative Mais fort heureusement, il est toujours possible de recâbler le cer-
C'est être à I'opposé de tout ce que nous venons de décrire. Lindividu veau et de construire son estime de soi.
qui manque d'estime de soi a souvenr le sentiment de flotter sans ancre
ni base de sécurité,pareil à un bateau dérivant sur I'océan, à la merci Amêliorer I'estime cle soi
du vent et du couranr. Il se monrre critique envers lui-même jusqu'au Lancienne première dame des États-Unis, Eleanor Roosevelt, a dit un
perfectionnisme. Souvent, tL a besoin d'être rassuré et d'approbation jour: o Personne ne peut vous faire vous sentir inférieur sans votre
extérieure pour contrebalancer les dialogues intérieurs négatiß et criti- consentement. ,a Voici cinq érapes simples pour vous aider à réveiller
ques qu'il entretient avec lui-même. Toutefois, on ne le rassure jamais votre estime de soi.
assez, car en fait, il n'est pas une base de sécurité pour lui-même.
Michael Hebron fait ainsi remarquer que ., I'espèce humaine est la Cultivez votre conscience de soi
seule sur terre à avoir la capacité d'interférer avec ses propres perfor- Comment se porte votre estime de soi ? Soyez honnête avec vous-
(
mances
". Il souligne que l'interférence avec soi-même est une com- même. Comment répondez-vous aux défis qui surgissent dans votre
pétence acquise ; nous ne naissons pas avec o3. vie ? Comment vous comportez-vous avec les autres ? Replongez-
Les individus manquant d'estime de soi souffrent généralement vous dans votre enfance. Quelles étaient vos bases de sécurité ? Les
d'une mauvaise image de soi. Ils répugnenr à prendre des risques et figures d'autorité, positives et négatives ? Quelles réussites et quels
sont souvent guidés par la peur du rejet. Fondamentalemenr, ils pen- échecs vous viennent à l'esprit ? Qui se souciait que vous réussissiez ?
sent qu'ils ne sont pas bons à grand-chose er ne valent pas grand- Qui fêtait vos succès avec vous ? Avez-vous grandi dans un environne-
chose. Leur petite voix inrérieure ne cesse de leur dire qu'ils ne sonr ment constructif, qui vous encouf ageait, ou dans un environnement
pas à la hauteur, critiquant ce qu'ils font et leurs résultats. Ils n'onr destructeur ? En quoi cela vous a-t-il influencé ? Qu'avez-vous appris
pas réussi à intégrer de modèle opérarionnel positif depuis un réseau de vos bases de sécurité ? Toutes ces informations vous aideront à
de bases de sécurité. mieux comprendre les fondements de vorre estime de soi. Par exem-
Pour I'essentiel, leurs sentiments positifs, lorsqu'ils en onr, sonr ple, est-ce que vous travaillez mieux lorsque vous êtes sous pression
relatifs à des événemenrs extérieurs ec ponctuels, comme réussir un ou quand vous avez du temps ? Plus vous pourrez en apprendre sur
vous-même, plus vous pourrez construire votre estime de soi.
3. Michael Hebron, Golf Swing Secreß and Lie¡: Six Tineless Lessons, Learning
Golf , 199 3, www.l¡uilclfreedom.com. 4. Eleanor Roosevelt, This ls My Story,Harper t Bros., 1937
25 4 NÉ,coc t ¡rnNs.ç¿NJla¿rs
-T vrvnE r,tBnES 255
Acceptez ce que vous ne pouvez pas changer tentent. Laissez un message sur votfe répondeur vous souhaitant
Il est certaines choses dans la vie que nous ne pouvons pas changer, une bonne journée.
ou du moins qu'il esr rrès difficile de changer, er nous devons appren-
dre à nous accepter tels que nous sommes. Nous ne pouvons pas Demandez de I'aide aux autres
changer de parents, ni le pays dans lequel nous sommes nés, notre Lêtre humain est un animal social et toutes les recherches monrrent
taille, la couleur de notre peau, la forme de notre corps, etc. En que noLrs nous sentons généralement plus positifs lorsque nous avons
outfe, si nous avons vécu des pertes, nous devons les accepter et les un réseau social fort. Si vous êtes plutôt introverti, il est important
sufmonter pouf pouvoir continuer à avancer. Y a-r-il dans votre vie de nouer les liens dont vous avez besoin pour recharger vos batteries.
certains deuils que volrs n'ayez pas faits ? Comme nous l'avons vu, Avoir le courage de demander à ceux qui vous entourenr de vous
apprendre à dire adieu est essentiel pour retrouver la joie en vous, aider est un moyen clé de faire progresser vorfe estime de soi.
chez les autres et dans la vie. S'accepter soi-même est vital pour la Demandez à I'r-rne de vos bases de sécurité ce qu'elle ferait à votre
construction de I'estime de soi. place. Notez les choses positives que les autres ont dites de vous et
affichez-les sur votre frigidaire ou vorre bureau. Trouvez des amis
Soyez ami avec votre voix intérieure pour vous écouter et confiez-leur vos joies et vos peines. Demandez
Apprenez à écouter ce que vous dit votre voix intérieure. ,A.nalysez ce un baiser, une poignée de mains, un contacr physique. Inscrivez-vous
que vous vous dites. Est-ce positif, construcrif utile, ou négatif, des_ à un séminaire sur l'estime de soi ou documenrez-vous sur le sujet,
trucfeur et stérile ?
'{près une présentation, vous focalisez-vous sur le clans des livres ou sur Inrerner. Le cas échéant, faites-vous aider par
fait que les aurres vous onr félicité ou sur ce que vous avez oublié cle un professionnel.
dire ou l'incident avec les diapositives ? Lorsqu'on vous fait un com- Les managers me posent souvent la question suivante : Ne faut-
pliment, vous clites-vous que votre interlocuteur a raison ou doutez- "
il pas être arÍogant pour réussir et l'arrogance n'est-elle pas un signe
vous de sa parole et pensez-vous qu'il ne le fait que pour o êrre d'estime de soi ? La réponse, vous I'avez sans doute deviné, est un
gentil ? Lâ,chez un peu de lest, que diable ! Personne n'est parfait.
"
" ( non > sans appel ! C'esr I'humiliré, tolrt au contraire, qui est pres-
N'attendez la perfection ni de vous, ni des autres ou vous vous que toujours un signe d'estime de soi.
condamnez à être déçu. Empruntez aux bases de sécurité de vorre vie
qui sont des exemples d'estime de soi et fiez-vous à elles. Humilité
Offrez-vous des fleurs
Humilité rime avec modestie, douceur et simplicité. C'est une
absence de vanité, de prétencion et de suffrsance. Il est si facile de
si vous achetiez une voiture très chère, vous ne manqueriez pas de
devenir otage de son orgueil ou de son ego. Il exisre une différence
vous en occupef. Mettfe le bon carburant dans le réservoir, la gar-
très importante entre l'hr-rmilité et I'arrogance. On parle d'arrogance
der pimpante, I'emmener régulièremenr au garage... Traitez-vous
lorsqu'un individu est plein de morgue, de suffisance et de froideur
de la même manière ! Une voiture dure, disons, dix ans ? Votre
et cherche à rabaisser les aurres. Chacun d'entre nous aspire à être
corps et votre esprit, elrx, doivent durer toute votre vie. Dormez
quelqu'un. Lindividu humble a le sentiment d'être quelqu'un à tra-
suffisamment, faites régulièrement de l'exercice, ayez vne bonne
vers un dessein, le sens qu'il donne à sa vie. Du plus profond de nos
hygiène et nourrissez-vous convenablement. Faites des choses que
âmes, s'élève en permanence cete quête de senst. Elle se manifeste
vous aimez faire, aussi minimes ou insignifianres soient-elles.
sous diverses formes, de la quête de soi àl'abnégatíon. Nous faisons
Récompensez-vous, complimentez-vous lorsque vous obtenez de
bons résultats ou que vous réussissez quelque chose. Régalez-vous
de ce long bain moussant, de ce verre de vin ou de ce livre qui vous 5. Vikto Franki, Man's Search for Meaning, Hodder & Stoughron, l9)9
256 NÉcoctÁr¡oNs.çËNJ1a¿¿.t
-T vtvRr Ltt3r?ES 257
beaucoup de choses pour prouver que notre vie compte, a de la valeur personne humble est plus susceptible d'être heureuse et satisfaite
et un sens. Lorsqu'un individu doure de sa valeur, ou qu,il éprouve qu'une personne arrogante. Une approche fondée sur l'humilité
un fort senriment d'inÍériorité, il se réfugie parfois dans I'arrogance. contribue à de meilleures relations interpersonnelles, parce qu'elle
Il est alors otage de I'apparenre arrogance qu'il donne à voir au facilite la création et l'entretien de liens. Pour résumer, I'humilité
monde et qui dissimule en fait un senriment d'inÍériorité et de man- apporte une multitude de bénéfices allx individr"rs, aux familles, aux
que d'estime de soi. ce type d'individus resre souvent détaché et organisations et à la société dans son ensemble.
isolé émotionnellement. La quêre de sens ne saurair être confondue
En mai 2000, le joueur de football américain Paul Tillman refusa un
avec les ambitions personnelles de réussite.
c0ntrat de trois ans de 3,6 millions de dollars avec son équipe des Arizona
Lhumilité esr une qualité importante pour le leadership. Dans le
Cardinals pour s'engager dans l'armée.
cadre d'une étude visant à identifier ce qui distingue les grandes
r Mon arrière-grand-père était à Pearl Harbour, et beaucoup d'hom-
entreprises des aurres, Jim collins a ainsi découvert que tous les
mes de ma famille se sont battus pour notre pays et moi, je n'aijamais
PDG de ces sociétés qui réussissenr mieux que les autres avaient en
rien fait qu'attendre un ballon sur un terrain de foot n, expliqua-t-il dans
commun une attitude d'humilité. Dans son livre Good to Great, il
une interview sur NBC News au lendemain des attentats du 11 septembre.
définit ce qu'il nomme le ,, leadership de niveau 5 ,,. on y rerrouve
Envoyé en Afghanistan avec les forces spéciales, Paul Tillman devait trou-
un certain nombre de caractéristiques révélatrices de I'humilité de
ver la mort dans une fusillade avec les milices anticoalition (victime, mal-
l'individu : ces dirigeanrs font preuve d'une grande modesrie, fuient
heureusement, d'un tir des Américains). ll avait vingt-sept ans.
l'adulation publique er ne sonr jamais vanrards. Ils agissent avec une
L'ancien entraîneur des Cardinals, David McGinnis, dit que si la mort
détermination calme et tranqr-rille, s'appuyant davantage sur des nor-
du jeune homme le peinait profondément, il était aussi très fier de ce
mes inspiranres que sur du charisme pour motiver. Irs ont de I'ambi-
qu'avait fait Tillman, r qui incarnait le meilleur du sport r. rr Pat savait où
tion pour l'entreprise, pas pour eux-mêmes ; ils mertent en place des
successeurs qui assureront une réussite plus grande encofe de l,entre-
était son destin r, estime-t-il. r ll a fièrement renoncé à une carrière de
prise à l'avenir. Ils n'ont pas peur de se regarder dans une glace et footballeur pour répondre à une vocation supérieure. r
n Dans le sport, nous avons tendance à abuser de termes comme cou-
assument leurs responsabilités et leurs erreurs. Chez les leaders de
niveau 5, cete humiliré va de pair avec une détermination profes- rage, bravoure et héros rr, déclara pour sa part le vice-président des Cardi-
sionnelle forte. Lorsqu'on leur demande de parler d'eux-mêmes, ils nals, Michael Bidwell. tr Et puis arrive quelqu'un comme Pat Tillman qui
nous rappelle ce que ces mots veulent réellement dire. r
disent souvenr : J'espère que je ne pontifie pas > ou o Franche-
" Pat Tillman aurait pu choisir le chemin de la gloire et de la richesse. ll
ment' je ne pense pas y être pour grand-chose. Nous avons la chance
d'avoir une équipe formidable. , selon Jim collins : < Les leaders de a préféré une voie ou sa contribution à la société l'emportait sur sa
niveau 5 incarnent une forme de dualité : ils sont rour à la fois contribution à lui-même8.
modestes er volontaires, timides et réméraires. ,6 Faire preuve d'humilité, ce n'est pas se rabaisser ou ne pas s'appré-
Le Dr Paul \Wong explique que I'humilité peut engendrer de cier. C'est savoir qui vous êtes, ce que vous faites et pourquoi vous le
nombreux bénéfices7. Elle est positive pour la sanré menrale, les rela- faites, tout en reconnaissant aux autres le droit de faire de même. Les
tions sociales, le leaclership et le progrès humain. par exemple, une individus possédant une bonne estime de soi sont humbles et modes-
tes. La véritable humilité est un concept riche, aux multiples facet-
6. Jimcollins,GoodtoGreat:v/:ysorttecontþariesMaþeTheLeaþ...anrJTthers tes, qui se caractérise par un juste sens de ses capacités, cle ses limites
Don'î, Random Flouse, 2001 , p. 22.
7. Paul T.P. \üØong, I'm Glad That I'm Nobody : A positive psychology of
"
Hnmility >, International Netttorþ on per.ronal Meaning, wrvw.menaning.ca. 8. " Lx-NFL Sta¡ Tillman Makes "Ultimate Sacrifice" ,, www.msnbc.com
258 NÉGoctATrzNS.r¿NJr6¿r.t
se
sente otage ou se comporte comme tel. base de sécurité, trouvez-en une dans votre réseau de relations ou,
pourquoi pas, dans un livre ou dans un frlm. Utilisez les techniques
L'apprentissage tout au long de la vie de visualisation pour vous imaginer en chevalier sans peur et sans
reproche. Puis, agissez, agissez, agissez.
Dans la nature, si une chose ne se cléveloppe pas, elle s,atrophie. En
Tout soldat ou policier vous dira qu'il n'y a qu'un pas de la peur
d'autres rermes, soit nous nous développons, soit nous cléclinons. Il
au courage. Ce pas, on le franchit par I'action. Les individus les plus
n'y a pas de srade intermédiaire. c'est également vrai pour norre
craintifs peuvent devenir les plus courageux. Lobjectif n'est pas de
esprit. Lorsque nous apprenons, nous développons et noLrs créons,
supprimer la peur, car celle-ci peut dans certaines situations être fon-
littéralemenr, Lrne quantité considérable de nouvelles cellules céré-
dée sur une réalité objective. Le but est d'entraîner I'æil de votre
brales. si nous sragnons, nous rlrons une quantité considérable de
esprit à se focaliser sur un objectif positif avec le soutien des meilleu-
cellules. Dès lors, en cherchanr en permanence à apprendre, à nous
res bases de sécurité que vous troLlverez, puis d'agir courageusement.
développer et à développer les autres, nous rendons norre vie plus
Surmonter votre peur, c'est apprendre et développer votre coLrrage.
palpitante. Les individus qui s'attachent à aider et à faire progresser
En affrontant vos peurs et en apprenant à agrr, vous vous donnez le
les autres découvrent souvenr qu'ils se développent aussi eux-mêmes.
pouvoir de vivre sans être otage et, partant, de trouver la liberté.
voici trois domaines sur lesquels volrs pouvez vous concentrer
pour mieux apprendre rour au long de votre vie. Apprenez à faire cles choses nouvelles
Prendre des risques, c'est apprendre à nous ouvrir au changement, à
Surmontez vos peurs
ce qui est possible et même à ce qui est inconfortable. Ne pas avoir
Les peurs qui reposent sur des croyances irrationnelles concernant un peur de s'exposer, de n tendre la tête par Ia fenêtre rr, cela suppose
objet, un événement, une personne oLr un sentiment ne peuvent avoir
d'accepter la nécessité de changer, puis de faire ce qu'il faut pour que
que des conséquences négatives pour vous. La peur est Lrne terroriste
le changement intervienne. La prise de risque exige de peser le pour
redoutable. Elle nous empêche de vivre le lien par r'état négatif
et le contre, les aspects positifs et négatifs de la situation, puis de
qu'elle crée en nous. comment, en effet, être positif lorsque nous
faire un choix pour engager une action requise. Nous sommes alors
sommes tout entiers concentrés suf nos peurs ? Sachant qlre notfe
en mesure d'agir, pleinement conscients des risques potentiels, sans
cefveall est progfammé pour rechercher le danger et la souffrance à
être pris en otages. Une des difficr.rltés de la démarche consiste àfaire
travers la peur, nous devons lui apprendre à regarder ailler-rrs, à
notre choix en tolrte indépendance, à savoir ce qui est réellement
rechercher le bénéfice. Que faire, clonc, lorsque la peur menace de
important pour nous. Les bases de sécurité sont là pour nous soutenir
nous prendre en orages ? La première étape est de définir cetre pelrr.
et nolrs encourager, pas pour décider à notre place, ni être toujours
Peur de quoi ? Norez-le, réfléchissez-y er o metrez le poisson sur la
d'accord avec nous.
table " avec volls-même. Regardez dans l'æil de votre esprit et ana-
Leur rôle est extrêmement important, parce qu'elles nous appor-
lysez les éléments cle votre passé qui pourraienr favoriser cete peur.
tent Lrn environnement clans lequel nous nous sentons capables de
Pour nous libérer de nos peurs, il faut commencer par les compren-
prendre des risques. Elles nous apportent Ia sécurité qui nous permet
dre. Ensuite, recherchez dans vorre esprir les bases de sécurité de
d'explorer de nouvelles idées et possibilités, tout en sachant que,
votre vie qui vous poseraient la main sur l'épaule er, avec de bons quoi qu'il arrive, rien ne viendra jamais entamer la relation.
conseils, vous aideraient à surmonter votre peur. une technique très
Si vous êtes confronté à un problème ou à un cléfi, demandez-vous
ancienne des Indiens senoï consiste à apprendre aux enfants et aux
ce qui vous empêche cle le résoudre. Pourquoi ne faites-vous pas ce
adultes à utiliser une base de sécurité pour transformer Lln ennemi en
qu'il faut ? Qu'est-ce qui vous retient ? Vous découvrirez peut-être
-T
zov NLG0ctÁ-L¿oNs sENslA¿¿J
vtvrìE r,rtst?ES 26I
que c'est la peur, de l'échec, du rejet ou de l'humiliation paf exem-
ple. À ce stade, vous devez entraîner votre cerveau à associer au résul-
Il y a beaucoup de choses auxquelles nous devons dire adieu:
culpabilité, chagrin, dépendance, p€ur, colère et, enfin, être capable
tat un plaisir et un l¡énéfice qui I'emportent sur la souffrance ou la
de renoncer à tout dans la morr. Pourquoi nous est-il si diffrcile de
perte potentielles. Ne vous demandez pas seulement ce qui se passera
renoncer, de tourner Ia page ? Le plus souvent, il faut rechercher la
si vous prenez le risque, mais aussi ce qui se passerait si ',ro,rs ne le
réponse à cette question dans les expériences passées qui ont façonné
preniez pas. Imaginez-volls en train d'oser et de réussir. une des
l'æil de notre esprit ec norre façon d'appréhender certaines perres.
meilleures techniques pour apprivoiser vorre peur du risque consiste
On peut par exemple refuser de rourner la page, parce que l'expé-
à pratiquer la nouveauré, à faire chaque jour quelque chãse
de nou- rience nous semble trop terrifiante, douloureuse ou dangereuse.
veau. Le nombre de nos neufones augmente lorsque nous appfenons
et le meilleur apprentissage pour notre esprir survient en J.hors .re Que faire pour tourner la page er conrinuer à avancer ? Tout
d'abord, il convient d'identifier ce à quoi vous devez dire adieu. Est-
nos zones de confort.
ce lié à une perte, la peur, la colère, ia tristesse, le déni, une respon-
La prise de risque esr une aurre opportunité de vivre sans êrre
sabilité ou une dépendance excessives ? Ensuite, vous devez agir
otage.
pour surmonter la séparation. À quelle personne, quel lieu ou quel
Apprenez à clire aclieu événement de votre passé ou de votre présent devez-vous dire
Le cycle du lien esr Lrn processlrs fondamental que tous les êtres adieu ? Pourquoi n'avez-vous pas été capable de le faire ? Sachez
humains doivent accomplir, plusieurs fois dans leur vie (voir re précisément à quoi vous devez renoncer. Associez un bénéfice à cet
cha- objectif final, en vous demandant ce que sera le bonjour qui viendra
pitre 3). Nombre d'individus sont incapables de nouer des a*ache-
ments et des liens, parce qu'ils n'ont pas su accepter le stade de la après, pour vous aider à surmonrer la souffrance associée à ce deuil.
séparation et du deuil. Pour vivre libres, er poursuivre notre route, Acceptez vos sentimenrs et autorisez-vous à les vivre jusqu'au bout.
il Puis, autorisez-vous à retrouver la joie de vivre. Vous pourrez alors
est vital d'apprenclre à dire adieu. cela exigera parfois de prendre
une
décision qui bouleversera norre vie. Faire son deuil p.,.,,, Ào.,, libérer, aller de I'avant, nouer de nouveaux attachements et de nouveaux
et libérer les autres, d'un sentimenr perçu ou réel de culpabilité ou liens, et apprécier pleinement la vie. C'est à cete condition que
de tristesse. Nous sommes alors libres de nouer de nouveaux attache- vous pourrez vivre sans être oage. Aujourd'hui, plusieurs années
ments et de nouveaux liens, ou d'en renouer d'une autre manière. après les artenrats rerrorisres du 11 seprembre, les histoires ne man-
J'ai quent pas d'individus qui onr vécu certe tragédie er réussi à rerrou-
eu la chance de travailler pendant plusieurs années avec Elisabeth
Kübler-Ross, pionnière des recherches sur le deuil. Trois de ses mes- ver le goût de vivre.
sages m'onr particulièrement marqué :
La liberté par le choix
1. vous devez dire adieu avant de pouvoir dire bonjo'r. vous ne
pouvez pas dire bonjour ranr que vous n'avez pas dit adieu. Dans son livre Ihe Porodoxof Choice, Barry Schwartz nous raconte le
2. Le de'il esr une expérience sociale. Nous ne pouvons pas faire moment mémorable qu'il a vécu le jour où il a franchi les portes d'un
notre deuil seuls. Il faut l'accomplir avec des êrres cherr, fumille, magasin Gap pour acheter un jean. r Je voudrais un jean, taille 32-28 r,
clan ou tribu. dit-il au vendeur. r Coupe droite, large, baggy, charpentier, décontractée,
3. vous ne polrvez pas vivre si vous n'êres pas prêt à mourir. La peur serrée ? Brut, délavé, vieilli ? Avec braguette zippée ou boutons ? n Barry
de la mort empêche de vivre pleinemenre. réussit à balbutier quelque chose du genre : n Je voudrais juste un jean
normal. Vous savez, comme quand il n'y en avait qu'une sorte. D
ll écrit que le problème, avec toutes les options qu'on lui proposait,
9. Elisaberh Kübler-Ross, On Death and Dying, Thvistock, 1970
était qu'ìl n'était plus si sûr que ce qu'il voulait, c'était bien un jean
LW' IICU(/LIA I IU,I\J J¿IVJ/öL¿J
-T vrvnt r-tBnES 263
10. Barry Schwartz, The Paradox of Choice : How the Culture of Altunclance lLobs us of 11. Isai¿h Berlin, " Two Concepts of Liberty ,,, in llour Essays on Lilrcrty, Oxlord
S at i:þct ion, HarperCollin s, 2O04.
University Press, 1 969.
systémarique à l'autoriré' En fin de
compte, ra peur de s,atracher et
-T vrvKt: Ltrit<tJ zo)
de nouer des liens de sécurité n'esr pas optimales, ils s'oubliaient, oubliaienr le remps er leurs problèmes.
la riberté ; r,individu devient Il attire cependant I'attention sur le fait que certains interprètent à
tout au contraire orage de la solitude.
c'est à tfavefs l,attachement et tort cette plénirude comme une ( parenthèse > et la recherchent
le lien à des individus er à des objectiß
que nous pouvons rrouver ra dans des loisirs passifs. La plupart des gens n'arrenclenr qll'une
lil¡erté. "
Les travaux de schwartz sur re choix
chose: rentrer chez eux, se détendre. Et lorsqu'ils rentrent chez
sont riches d'enseignements : eux, ils ne savent pas quoi faire. Rien ne les oblige à rien et ils
1' Nous serions plus heureux si nous acceptions s'asseyent devant la télévision, déprimés.
certaines contraintes "
volontaires sur norre liberté de choix, Le légendaire joueur de football brésilien Pelé a raconré cerraines
au lieu de nous rer¡eller
contre elles. journées particulières qu'il a vécues, où tout se passair bien : ,.
Je res-
2' Nous serions plus heureux si nous recherchions sentais un calme étrange que je n'avais jamais connlr au colrrs
ce qui est ( accep-
table
',, au lieu de rechercher le meilleur. d'autres matches. C'était une sorre d'euphorie. J'avais l'impression
3' Nous serions plus heureux si nous avions des a*enres que j'aurais pu courir toute la journée sans ressenrir la moinclre fati-
plus modes-
tes vis-à-vis des résultars de nos gue, dribbler n'imporre quelle éqr-ripe, passer à travers leur corps.
décisions.
4' Nous serions prus heureux si nos décisions éraient C'était comme si rien de mal ne pouvait m'arriver. >>t4
irréversibres.
5' Nous serions plus heureux si nous accordions Ce flot, cette plénitude surviennent lorsque notre corps, notre
moins d,artentìon à
ce que font les autrest2. intellect, nos émotions et notre esprit fonctionnent naturellement
ensemble et nous maintiennent au maximum de nos capacités, << sur
Vivre en plénitucle un nuage o. Lorsque nous travaillons o au top >, nous sommes dans
Le psychologue Mihaly Csikszentm ihalyi un état méditatif er avons davanrage d'énergie, de concenrration er
a écrit : o Lorsque nous
nous asseyons au bord d,une rivière de pouvoir que lorsque nous travaillons normalement sur quelque
et regardons l,eau, no.rr'ro__",
saisis par la beauté du flot. Leau chose. Le flot nous aide à rrouver du plaisir dans les activités les plus
coure et se .réplace narurellemenr,
sûre de sa direction. Son énergie, sa routinières, comme perfectionner certaines compétences ou nolrs
puissance er sa certitude déga_
genr un sentiment de calme et d'unité entraîner régulièrement à quelque chose.
avec le monde. Les meilreurs
momenrs surviennent généralement Voici huit conseils qui vous aideront à rrouver cette plénitude - et
lorsque le corps ou l,esprit d,un
individu esr tendu jusqu'à ses limires à savoir la reconnaître lorsqu'elle est là :r5
duÅ, .rn effo* volonråir. po.r.
et d,imporranr. ,,r j
accomplir quelque chose de difficile
1. Avoir des objectifs précis: sachez ce que vous voulez er devez
Beaucoup d'individus perdent leur
liberté et deviennenr orages, faire. La fusion de l'action et de la conscience devient ensuire
parce qu'ils ne pfennent pas plaisir
à ce qu'ils doivent faire. spor- alltomatique, décontractant I'esprit conscient.
tifs, musiciens, grands leaders : tous doivent
faire des choses qu,ils 2. Recevoir un feed-back immédiat : sachez à tout momenr où vous
n'aiment pas nécessairement, mais irs s'entraînent
¿ ui-.r-ruir. .. en êtes et si vous voLls rapprochez de votre objectif. Fiez-vous à
nécessaire pour atteinclre l,objectif
:Ti ^":: qu,ils se sont fixé. votre intuition er utilisez le savoir des bases de sécuriré inté-
M' csikszentmiharyi a étudié plusieurs professions et découverr rieures et extérieures pour vous guider.
que lorsque les individus éraient engagés
dans des p"rfor-un..,
Il me faur également cirer les apporrs, innombrables, des organisa- Allen, ainsi que Fanita English, Mary Goulding, Muriel James, Fritz
teurs er participants de tous les areliers et programmes de formation Mautsch, Gianpiero Petriglieri, Dènton Roberts, Claude Steiner,
auxquels j'ai pu collaborer. LIMD High performance Leadership pro-
Alice Stevenson, Francisco Szekely et Marijke NØusten.
gram, programme de développement pour dirigeants, a été une source
De mes longues années de psychologue attaché aux services de la
d'idées, d'exemples et d'anecdores parriculièremenr précieux pour police, je souhaite remercier l'ancien préfet de police de Dayton,
écrire ce livre. Je tiens à remercier les coaches, qui travaillent main
James Newy, le sheriff Gary Haines (décédé) du Bureau du sheriff du
dans la main avec moi pour administrer ce programme de niveau Comté de Montgomery et I'ancien préfet de police de Huber Hights
international, pour leurs apports er leurs suggesrions : olle Bovin, (Ohio), Mike d'Amico. Je souhaite également rendre un hommage
sharon Busse, Duncan coombe, Joyce crouch, susan Goldsworthy, tout particulier à cet ami de longue date, collègue et négociateur de
Jean-Pierre Heiniger, Perer Meyers et Andreas Neumann. prises d'otages hors pair que fut Dave Michael, aujourd'hui disparu,
Il y a aussi tous les PDG et les dirigeants exceptionnels des du département de Police de Dayton ; leader d'exception, il incarne
entreprises avec lesquelles j'ai travaillé; lors de mes séminaires le meilleur de la profession. J'ai plus appris de ces hommes excep-
avec eux' je ne savais jamais très bien qui apprenait le plus, eux ou
tionnels qu'ils ne le sauront jamais.
moi. Je tiens à citer ici Joe Forehand, ancien pDG et acruel prési- Lis Pringle, amie et collègue qui travaille à mes côtés depuis
dent d'Accenrure, ainsi que Gill Rider, en charge du leadership à près de trente ans et anime ateliers et programmes de formation,
Accenture, pour m'avoir associé à cette aventure aussi formidable n'a cessé de nourrir mes recherches et mes idées. C'est une psycho-
qu'exigeante qu'est I'Accenture Leadership Development program logue de grand talent et notre collaboration a été riche d'occasions
pour tous leurs parrenaires. Nick schreiber, ancien cEo de Terra d'explorer comment aider des individus malmenés par la vie à
Pack, qui a passé d'innombrables heures avec moi à pirorer les pro- retrouver la liberté et le goût de vivre. Tim Post, mon ami de tou-
grammes à destination des dirigeanrs internationaux du groupe, a jours, m'a aidé de son soutien et de ses encouragements. Lhomme
toujours eu d'excellenres suggesrions d'applications au monde de qui en sait plus que tout autre sur la gratitude, Frère David
I'entreprise. Tous onr été de fervenrs partisans des idées dévelop- Steindl-Rast, mérite un hommage tout particulier ; le connaître et
pées dans ce livre.
avoir bénéficié de son savoir et de ses encouragements est une
ce livre n'exisrerait pas sans la sagesse et l'intelligence de ìØarren chance et un honneur. Sans le soutien de mon frère, Fred Kohlrie-
Bennis, dont le dévouement personnel à ce projet a toujours été une
ser, et de ma belle-sæur Jane Kohlrieser, il me serait tout bonne-
source d'inspiration pour moi. sa connaissance des dirigeants et du
ment impossible de parcourir le monde comme je le fais ; leur
leadership semble sans limite, et je lui suis profondément reconnais-
générosité est infrnie. Merci à Claude Gaw, ma secrétaire à Dayton,
sant pour son soutien et ses suggestions et pour tout ce que j,ai
et à nos amis Antonella Bruschi, Patty Kelmar et Karolina Breiten-
appris de lui à travers ses livres et les dialogues passionnanrs que moser pour leur fidélité et leur présence.
nous avons eus. Participer à la collection qu'il a créée est un honneur
Je souhaite remercier mon éditeur chezJossey-Bass, Neal Maillet,
pour moi. Je remercie également Daniel Goleman, \Øilliam Ur¡ pour son soutien de tous les instants, sa disponibilité et sa patience,
Peter senge et Bill George pour leurs encouragements, la générosité
ainsi que l'équipe de Jeff \üØyneken. Je tiens aussi à exprimer une
avec laquelle ils m'onr fait partager leurs idées et leur fine connais-
reconnaissance toute particulière à Robin Fryer, qui a été mon édi-
sance de certe avenrure coute particulière qu'est la transmission de
trice lorsque j'étais président de I'International Transactional Ana-
son savoir à travers un livre.
lysis Association ; elle m'a généreusement prodigué ses conseils
Je tiens également à remercier rous mes amis et collègues de la éclairés à différents stades de la rédaction de ce livre. Elle fait un tra-
communauté mondiale de I'analyse rransacrionnelle, en particulier le
vail extraordinaire et m'a aldé à comprendre le pouvoir de l'écriture
présidenr de I'International'rransacrional Analysis Association,
Jim et le savoir-faire qu'il y faut.
Z/Z ]\LUULIAI IUNJ JÍ1VJ7¿JLAJ
Néqoc¡qf¡ons
serì3¡bles
les techniques de négociqtions de prises d'otoges
oppliquées qu mqnqgement
expert en négociotions ovec des preneurs d'otoges et George Kohlrieser est psychologue
de formolion et o trovoillé
I
lui-même pris eir otoge plusieurs fois. Appliquont oux né- comme expert en négociolions
gociotions sensibles des techniques cent fois éprouvées, de prises d'otoges pour lo
il montre ò quelles conditions on peut résoudre un conflit, police oméricoine. ll enseigne le
exercer son influence et, plus lorgement, développer son monogement ò l'lMD de Lousonne
et exerce une octivité de consultont
leodership. en orgonisotion.
Anolysont les ospects fondomentoux d'une relotion posi-
tive, il insiste sur lo copocité ò créer un lien émotionnel
ovec son interlocuteur et ò < mettre le poisson u sur lo
toble : outrement dit, ò occepter et ò intégrer le conflit
dons lo discussion. L'onolyse des pertes et des bénéfices
futurs dessine olors lo perspective d'un compromis.
Touiours cloir et occessible, George Kohlrieser nourrit
son propos d'onecdotes tirées de son expérience pro-
fessionnelle. Et nous livre so conviction : guelle que soit
lo situotion, on peut touiours lo modifier et reprendre lo
moin. Monogement
V
\¡ill¿ge
ISBN : 978-2-7 440-6254-4
6254 0207 29€
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