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Développement - La décomposition de Frobenius Préparation à l’agrégation - Jérôme Von Buhren - http://vonbuhren.free.

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La décomposition de Frobenius 3) L’application linéaire ϕ : K[u] → Vect(Γ) définie par P 7→ e∗d ◦ P (u) est
surjective. Comme dim(K[u]) = d, on en déduit que dim(Vect(Γ)) 6 d, donc
dim(G) = dim(E) − dim(Vect(Γ)) > dim(E) − d = dim(E) − dim(F ).

1. Le développement On en déduit avec le point précédent que dim(E) = dim(F ) + dim(G), donc
finalement E = F ⊕ G.
On fixe u ∈ L (E) où E est un K-espace vectoriel non nul de dimension finie. 4) On conclut à l’existence par récurrence. L’initialisation est évidente. Avec les
notations précédentes pour l’hérédité, on pose F1 = F et P1 = mu . Si G = 0, la
Théorème : Il existe des sous-espaces vectoriels F1 , . . . , Fr de E non nuls et preuve est fini. Si G 6= {0}, on lui applique l’hypothèse de récurrence. On aura
stables par u telle que bien P2 | P1 car P2 est le polynôme minimal de u|G par construction.
(i) On a E = F1 ⊕ · · · ⊕ Fr , 5) Il reste à montrer l’unicité. Supposons qu’il existe deux décompositions
(ii) Pour tout i ∈ J1, rK, l’endomorphisme u|Fi est un endomorphisme cyclique E = F1 ⊕ · · · ⊕ Fr = G1 ⊕ · · · ⊕ Gs
dont on note le polynôme minimal Pi ,
associées respectivement à deux suites distinctes (P1 , . . . , Pr ) et (Q1 , . . . , Qs )
(iii) On a Pr | Pr−1 | · · · | P2 | P1 . vérifiant les conditions du théorème. Comme on a
La suite de polynômes (P1 , . . . , Pr ) est unique et ne dépend que de u. On l’ap- Xr s
X
pelle suite des invariants de similitude de u. dim(E) = dim(F k ) = dim(Gk ),
i=1 j=1
Démonstration :
il existe un indice minimal k ∈ J1, min(r, s)K tel que Pk 6= Qk . Comme les
1) Par un lemme classique, il existe x ∈ E tel que mx = mu . On en déduit en
sous-espaces Fi et Gj sont stables par u et que Pi | Pk pour i ∈ Jk + 1, rK, on a
notant d = deg(mu ) que
k−1 s
(e1 , . . . , ed ) = (x, u(x), . . . , ud−1 (x))
M M
Pk (u)(E) = Pk (u)(Fi ) = Pk (u)(Gj ). (∗)
i=1 j=1
est une base de F = Ex . On complète cette base en une base (e1 , . . . , en ) de E.
En désignant (e∗1 , . . . , e∗n ) la base duale associée, on note Pour tout i ∈ J1, k−1K, comme les endomorphismes u|Fi et u|Gi sont cycliques de
même polynôme minimal, ils sont représentés par la même matrice compagnon
G = Γ◦ où Γ = {e∗d ◦ uk | k ∈ N}.
dans une base Bi de Fi et Ci de Gi , donc dim(Pk (u)(Fi )) = dim(Pk (u)(Gi )).
Nous allons montrer que G est un supplémentaire de F stable par u. En prenant la dimension dans (∗), on obtient que
2) S’il existe x ∈ F ∩ G non nul, alors il existe p ∈ J1, dK tel que dim(P (u)(G )) = · · · = dim(P (u)(G )) = 0,
k k k s
d−1 ∗
x = λ1 e1 + · · · + λp ep avec (λ1 , . . . , λp ) ∈ K ×K . donc Qk | Pk . Par symétrie, on obtient Pk = Qk , ce qui est absurde par défini-
Comme x ∈ G, on en déduit que tion de l’indice k, d’où le résultat.

0 = e∗d ◦ ud−p (x) = e∗d (λ1 ed+1−p + · · · + λp ed ) = λp ,


Références : • Annexe B, Partie 2, Théorème 1 de [Gou09].
ce qui est absurde, d’où F ∩ G = {0}.

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2. Remarques sur le développement 2.2. Les endomorphismes cycliques


Rappelons que l’endomorphisme u est cyclique s’il existe un vecteur x ∈ E
On fixe u ∈ L (E) où E est un K-espace vectoriel de dimension finie.
tel que (x, u(x), . . . , un−1 (x)) est une base de E où n = dim(E). Rappelons
également que si P = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 , alors on définit la matrice
2.1. Le lemme classique compagnon de P par
 
Si x ∈ E, on note mx ∈ K[X] l’unique polynôme unitaire qui engendre l’idéal · · · 0 −a0
0
 1 . . . ... .. 

. 
Ix = {P ∈ K[X] | P (u)(x) = 0} Comp(P ) =  ∈ Mn (K).
 
.. .. 

 . 0 . 

de K[X] qui est un anneau principal. (0) 1 −an−1

On a les caractérisations suivantes des endomorphismes cycliques.


Lemme : Il existe x ∈ E tel que mx = mu .
Proposition : Les propriétés suivantes sont équivalentes.
Démonstration :
(i) L’endomorphisme u est cyclique,
Il existe des polynômes irréductibles P1 , . . . , Pr ∈ K[X] distincts deux à deux
et (n1 , . . . , nr ) ∈ (N∗ )r tels que mu = P1n1 · · · Prnr . Par le lemme des noyaux, on (ii) Il existe une base B de E tel que MatB (u) est une matrice compagnon,
a la décomposition (iii) On a χu = mu .

E = N1 ⊕ · · · ⊕ Nr avec Ni = Ker(Pini (u)). (∗) Démonstration :


1) Si on suppose (i), la base B = (x, u(x), . . . , un−1 (x)) convient pour (ii).
Pour tout i ∈ J1, rK, on note mi le polynôme minimal de ui = u|Ni ∈ L (Ni ). Réciproquement, si l’on note x le premier vecteur de la n−1 base B, alors on a
Comme Pini (ui ) = 0, on en déduit que mi | Pini . De plus, avec (∗), on obtient par définition de MatB (u) la relation B = (x, u(x), . . . , u (x)), donc u est
cyclique.
mu = ppcm(m1 , . . . , mr ) = m1 · · · mr , 2) Par définition, l’endomorphisme u est cyclique si et seulement si il existe
un vecteur x ∈ E tel que deg(mx ) = n. De plus, on a mx | mu | χu pour
tout vecteur x ∈ E. On en déduit que les points (i) et (iii) sont équivalents en
donc mi = Pini . Par minimalité de mi , il existe xi ∈ Ni tel que mxi = mi .
utilisant le lemme précédent.
Finalement, on pose x = x1 + · · · + xr . De la décomposition (∗), on a

mx = ppcm(mx1 , . . . , mxr ) = mx1 · · · mxr = mu ,


Remarque : Dans le cas où u est cyclique, on peut préciser le point (ii). Il
existe une base B de E tel que MatB (u) = Comp(mu ) = Comp(χu ).
d’où le résultat.

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2.3. L’unicité des Fi 3. Les applications de la décomposition de Frobenius


En général les sous-espaces vectoriels F1 , . . . , Fr ne sont pas unique. Par On fixe u ∈ L (E) où E est un K-espace vectoriel de dimension finie.
exemple, si u est une homothétie de E de rapport λ ∈ K, alors la suite des
invariants de similitude de u est (P1 , . . . , Pn ) avec
3.1. La réduction de Frobenius
P1 = P2 = · · · = Pn = X − λ et n = dim(E). On peut reformuler le résultat du développement matriciellement.

On peut considérer pour F1 , . . . , Fn toute famille de n droites vectorielles telles Théorème (Réduction de Frobenius). Il existe une base B de E telle que
que E = F1 ⊕ · · · ⊕ Fn . On peut formuler la proposition plus précise suivante.
MatB (u) = Diag(Comp(P1 ), . . . , Comp(Pr ))
Proposition : La décomposition de Frobenius est unique si et seulement si u
est un endomorphisme cyclique. où (P1 , . . . , Pr ) est la suite des invariants de similitude de u.

Démonstration : Démonstration :
1) Si u est cyclique, alors on a nécessairement E = F1 , d’où l’unicité. En reprenant les notations du développement, l’application u|Fi est un endo-
2) Réciproquement, si u n’est pas cyclique, il existe d’après le développement morphisme cyclique de Fi , donc il existe une base Bi de Fi telle que l’on
un entier r > 2 et des vecteurs x1 , . . . , xr ∈ E tels que ait MatBi (ui ) = Comp(Pi ). On en déduit que la base B = (B1 , . . . , Br ) de
l’espace vectoriel E convient.
E = Ex1 ⊕ · · · ⊕ Exr où Ex = {P (u)(x) | x ∈ E}
3.2. Matrices semblables
avec mxr | · · · | mx1 . Comme Ex1 et Ex2 sont stables par u et que mx2 | mx1 , on
obtient mx1 +x2 = mx1 = mu . De plus, on a x1 + x2 ∈ / Ex1 , sinon x2 ∈ Ex1 , ce On définit les facteurs invariants d’une matrice M ∈ Mn (K) comme ceux de
qui contredirait la décomposition ci-dessus. En reprenant la démonstration de l’endomorphisme canonique associé de K n . On déduit le résultat suivant de la
l’existence dans le développement, on peut donc construire une décomposition réduction de Frobenius.
de Frobenius avec F1 = Ex1 +x2 à la place de F1 = Ex1 , d’où le résultat.
Théorème : Deux matrices A, B ∈ Mn (K) sont semblables si et seulement si
elles ont la même suite des invariants de similitude.
Démonstration :
1) Si les matrices A et B sont semblables, alors il existe u ∈ L (K n ) et deux
bases B et C de K n tels que A = MatB (u) et B = MatC (u). Comme les
facteurs invariants ne dépendent que de u d’après le développement, on obtient
le résultat.
2) Réciproquement, si A et B ont les mêmes facteurs invariants, alors la ré-
duction de Frobenius montre qu’elles sont semblables.

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Théorème : Deux matrices de A, B ∈ Mn (K) avec n ∈ J1, 3K sont semblables Finalement, on peut citer le résultat suivant sur la transposée d’une matrice.
si et seulement si mA = mB et χA = χB . Théorème : Pour tout A ∈ Mn (K), les matrices A et AT sont semblables.
Démonstration : Démonstration :
Dans chacun de ces cas, le polynôme minimal et polynôme caractéristique dé- D’après la réduction de Frobenius, il suffit de vérifier le résultat dans le cas
termine de façon unique les invariants de similitude, d’où le résultat. où A = Comp(P ) avec P ∈ Kn [X] unitaire. Un polynôme de K[X] annule A si
et seulement si il annule AT . On en déduit que mAT = mA = χA = χAT , donc
on obtient que AT est la matrice d’un endomorphisme cyclique de polynôme
Attention : Le résultat est faux si n > 4. Par exemple, les matrices minimal mA , donc AT est semblable à Comp(A).
   
0 1 0 0 0 1 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 On peut être plus précis sur le résultat précédent.
 et  Proposition : Pour toute matrice A ∈ Mn (K), il existe une matrice symé-
   
0 0 0 0 0 0 0 1
 

0 0 0 0 0 0 0 0 trique S ∈ GLn (K) tel que A = SAT S −1 .

ont le même polynôme minimal et le même polynôme caractéristique, mais elles Démonstration :
ne sont pas semblables. Leurs invariants de similitude sont respectivement 1) Dans le cas où A est une matrice compagnon, on vérifie par un calcul direct
que l’on peut considérer
(X 2 , X, X) et (X 2 , X 2 ).    
0 · · · 0 −a0 a1 · · · an−1 1
Avec la réduction de Frobenius, on peut généraliser ce résultat à toute extension
 1 . . . ... ..   . . .
 .. .. ..
 
de corps. .  
A= et S = .
   
.. .. 
 
. .

. 0 .

a . 
Théorème : Si A, B ∈ Mn (K) sont semblables dans Mn (L) où L/K est une    n−1 
extension de corps, alors A et B sont semblables dans Mn (K). (0) 1 −an−1 1 (0)

Démonstration : 2) Par la réduction de Frobenius, il existe P ∈ GLn (K) et F ∈ Mn (K) dia-


−1
1) Par unicité des invariants de similitude de la matrice A ∈ Mn (L), on re- gonale par blocs avec des matrices compagnons tels que A = P F P . Par le
T −1
marque que les invariants de similitude de A ∈ Mn (K) et de A ∈ Mn (L) sont premier point, il existe R ∈ GLn (K) symétrique tel que F = RF R . On
T −1 T
en déduit par un calcul direct que A = SA S avec S = P RP qui est une
les mêmes.
2) Comme A et B sont semblables dans M (L), elles ont les mêmes invariants matrice symétrique inversible.
n
de similitude dans Mn (L), donc dans Mn (K) d’après le point précédent. On
en déduit que A et B sont semblables dans Mn (K). Corollaire : Toute matrice de Mn (K) est le produit de deux matrices symé-
triques de Mn (K).

Remarque : Si K est infini, on peut prouver directement le résultat précédent Démonstration :


en généralisant la démonstration classique du cas où K = R et L = C. Avec les notations de la proposition précédente, on a A = SR où R = AT R−1 .
On vérifie avec les propriétés de la transposée que R est symétrique.

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3.3. Le commutant et le bicommutant d’un endomorphisme On en déduit de nouvelles caractérisations des endomorphismes cycliques.
Rappelons que le commutant de u est le sous-espace vectoriel de L (E) défini Proposition : Les propriétés suivantes sont équivalentes.
par
(i) L’endomorphisme u est cyclique,
Com(u) = {v ∈ L (E) | u ◦ v = v ◦ u}.
(ii) On a K[u] = Com(u),
On a l’inclusion K[u] ⊂ Com(u). On peut préciser la dimension du commutant.
(iii) On a dim K[u] = dim(E),
Proposition : On a dim(Com(u)) > dim(E). (iv) On a dim(Com(u)) = dim(E).

Démonstration : Démonstration :
En utilisant la réduction de Frobenius, on se ramène à étudier le commutant 1) Si l’endomorphisme u est cyclique, il existe x ∈ E tel que B =
de la matrice M = Diag(M1 , . . . , Mr ) où Mi ∈ Mni (K) est une matrice com- (x, . . . , un−1 (x)) soit une base de E. Si v ∈ Com(u), il existe P ∈ K[X] tel
pagnon pour tout i ∈ J1, rK. On remarque que C ⊂ Com(u) où que v(x) = P (u)(x). Pour tout k ∈ N, on en déduit que

C = {Diag(N1 , . . . , Nr ) ∈ Mn (K) | ∀i ∈ J1, rK, Ni ∈ K[Mi ]}. v(uk (x)) = uk (v(x)) = uk (P (u)(x)) = P (u)(uk (x)).

Comme Mi est une matrice compagnon, on en déduit que Comme B est une base de E, on conclut que v = P (u), donc Com(u) = K[u].
r r
2) Si K[u] = Com(u), on déduit de la proposition précédente que
X X
dim(Com(M )) > dim(C ) = dim(K[Mi ]) = ni = n. dim(E) 6 dim(Com(u)) = dim(K[u]) = deg(mu ) 6 dim(E),
i=1 i=1
donc dim(K[u]) = dim(Com(u)) = dim(E).
3) Si dim(K[u]) = dim(E), alors deg(mu ) = deg(χu ). Comme mu | χu , on en
déduit que donc mu = χu , donc u est cyclique.
Remarque : Si (P1 , . . . , Pr ) est la suite des invariants de similitude de u si on 4) Supposons que u n’est pas cyclique. D’après le développement, il existe un
considère E comme un K[X]-module via P · x = P (u)(x), on obtient l’isomor- entier r > 2 et des vecteurs x1 , . . . , xr ∈ E tels que
phisme E ' K[X]/(P1 ) ⊕ · · · ⊕ K[X]/(Pr ) de K[X]-module. On en déduit E = E ⊕ ··· ⊕ E où E = {P (u)(x) | x ∈ E}
x1 xr x
r M
r
avec mxr | · · · | mx1 . On définit un endomorphisme v ∈ L (E) par
M
Com(u) = EndK[X] (E) ' HomK[X] (K[X]/(Pi ), K[X]/(Pj )) .
i=1 j=1
∀(P1 , . . . , Pr ) ∈ K[X]r ,

v P1 (u)(x1 ) + · · · + Pr (u)(xr ) = P1 (u)(xr ).
En utilisant de l’algèbre commutative, on peut montrer que l’espace dans la
Comme mxr | mx1 , cette application est bien définie et elle commute avec u. En
somme directe est isomorphe à K[X]/(pgcd(Pi , Pj )). On conclut que
reprenant la démonstration de la proposition précédente où l’on se ramène au
r Xr r
X X cas matricielle, on a construit une matrice N ∈ Com(M ) \ C car u(Ex1 ) = Exr .
dim(Com(u)) = min(deg(Pi ), deg(Pj )) = (2r − 2i + 1) deg(Pi ).
On conclut donc que dim(Com(u)) > dim(E).
i=1 j=1 i=1

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Pour terminer cette partie, rappelons que le bicommutant de u est le sous-espace 3.4. La réduction de Jordan
vectoriel de L (E) défini par
Pour tout m ∈ N∗ et λ ∈ K, on note
Bicom(u) = {v ∈ L (E) | ∀w ∈ Com(u), u ◦ w = w ◦ u}.  
Il est clair que K[u] ⊂ Bicom(u). On a le résultat remarquable suivant. λ 1 (0)
 . .. .. 
 . 
Théorème : On a Bicom(u) = K[u]. Jm (λ) =   ∈ Mm (K).
 
..

. 1

Démonstration :

(0) λ
1) Si u est un endomorphisme cyclique, alors on a Com(u) = K[u]. Comme les
endomorphismes qui commutent avec K[u] sont ceux qui commutent avec u, On déduit la réduction de Jordan de la réduction de Frobenius.
on en déduit le résultat dans ce cas.
2) Supposons que u n’est pas cyclique. Pour la clarté de la démonstration, on Théorème (Réduction de Jordan). Si le polynôme χu est scindé, alors il
suppose que u admet deux invariants de similitude (P1 , P2 ) (mais la démonstra- existe des entiers n1 , . . . , nr ∈ N∗ , des éléments λ1 , . . . , λr ∈ K et une base
tion se généralise facilement). En notant C1 = Comp(P1 ) et C2 = Comp(P2 ), B de E telle que
on se ramène avec la réduction de Frobenius à montrer Bicom(M ) = K[M ] où
! MatB (u) = Diag(Jn1 (λ1 ), . . . , Jnr (λr )).
C1 On1 ,n2
M= où (n1 , n2 ) = (deg(P1 ), deg(P2 )).
On2 ,n1 C2 De plus, on a unicité de la forme ci-dessus à permutation des blocs près.
Soit N ∈ Bicom(M ). En écrivant N par blocs et en remarquant qu’elle commute Démonstration :
avec Diag(In1 , On2 ) ∈ Com(M ) et Diag(On1 , In2 ) ∈ Com(M ), on a En utilisant le lemme des noyaux et les espaces caractéristiques, on se ramène
au cas où χu = (X − λ)n . Dans ce cas, l’endomorphisme v = u − λIdE est
!
N1 On1 ,n2
N= où (N1 , N2 ) ∈ Mn1 (K) × Mn2 (K). nilpotent. Par la réduction de Frobenius, il existe des entiers n1 , . . . , nr ∈ N∗ et
On2 ,n1 N2
une base B de E tels que
Comme N commute avec M ∈ Com(M ), on a qu’il existe (Q1 , Q2 ) ∈ K[X]2 tel
que N1 = Q1 (C1 ) et N2 = Q2 (C2 ) avec les propriétés des matrices compagnons MatB (v) = Diag(Comp(X n1 ), . . . , Comp(X nr )).
Finalement, en utilisant l’endomorphisme v construit dans la preuve précédente,
on obtient l’existence d’une matrice A ∈ Com(M ) de la forme On remarque que si MatC (w) = Comp(X n ) où C = (e1 , . . . , en ) et w ∈ L (E),
! alors on a MatC 0 (w) = Jn (0) où C 0 = (en , . . . , e1 ). On en déduit qu’il existe
A=
On1 On1 ,n2
avec B ∈ Mn2 ,n1 (K) et rang(B) = n2 . une base B 0 de E telle que MatB0 (v) = Diag(Jn1 (0), . . . , Jnr (0)). On conclut
B On2 en remarquant que u = v + λIdE .
Avec les relations AN = N A et AM = M A, on en déduit
Q2 (C2 )B = BQ1 (C1 ) = Q1 (C2 )B
Remarque : La démonstration ci-dessus ne montre pas comment construire la
Comme rang(B) = n2 , on a Q2 (C2 ) = Q1 (C2 ), donc N = Q1 (M ) ∈ K[M ]. base B. On peut démontrer le théorème ci-dessus directement en construisant
la base B (Voir [Gou09, Chapitre 4, Partie 4, Théorème 4]).

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4. Comment calculer les invariants de similitude ? 2) Pour conclure, il suffit de montrer pour tout P ∈ K[X] unitaire que le
seul facteur invariant non inversible de la matrice Comp(P ) est P ∈ K[X]. En
On commence par quelques rappels sur les facteurs invariants d’une matrice. effectuant les opérations Li ← Li + XLi+1 pour i ∈ J1, n − 1K en partant de la
On fixe un anneau euclidien A et un couple (m, n) ∈ N∗ × N∗ . dernière ligne et en notant P = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 , on obtient
Théorème : Si M ∈ Mm,n (A), il existe un entier r ∈ J0, min(m, n)K, des
 
···
0 0 P
éléments d1 , . . . , dr ∈ A et (P, Q) ∈ SLm (A) × SLn (A) tels que −1 . . .
 .. ..
. .
Comp(P ) ∼  .
!  
Diag(dr , . . . , d1 ) Or,n−r .. 2
PMQ = et dr | dr−1 | · · · | d2 | d1 .

. 0 X + an−1 X + an−2 

Om−r,r Om−r,n−r

(0) −1 X + an−1
De plus, l’entier r est unique et les éléments dr , . . . , d1 sont déterminés de façon
unique aux inversibles de A près. En effectuant des opérations de la forme Cn ← Cn + Qi Ci avec Qi ∈ K[X]
pour i ∈ J1, n − 1K, puis en permutant les lignes, on conclut que Com(P ) est
Démonstration : équivalente à Diag(−1, . . . , −1, P ), d’où le résultat.
Voir [BMP05, Théorème 6.76].

Exemple : On souhaite déterminer les invariants de similitude de M ∈ M3 (R)


Remarques : défini par M = (1)16i,j63 . On utilise l’algorithme des facteurs invariants.
a) La suite (d1 , . . . , dr ) est appelé la famille des facteurs invariants de M .
   
b) On dispose d’un algorithme pour calculer les matrices P et Q ainsi que les −1 X −1 −1 −1 X −1 −1
XI3 − M ∼ X − 1

−1 2
−1  ∼  0 X − 2X −X 
  
facteurs invariants de M . Voir [BMP05, Algorithme 6.77].
−1 −1 X −1 0 −X X
c) Le théorème reste valable si l’anneau A est seulement principal, mais l’algo-    
rithme n’est que valable dans le cas euclidien. −1 0 0 −1 0 0
∼  0 X 2 − 2X −X  ∼  0 X −X 
   
On peut établir le lien entre les invariants de similitude et les facteurs invariants.
Soit K un corps. 0 −X X 0 −X X 2 − X
   
−1 0 0 −1 0 0
Théorème : Soit M ∈ Mn (K). Les invariants de similitude de M sont les ∼ 0 X

−X  ∼  0 X
 
0

facteurs invariants non constants de XIn − M ∈ Mn (K[X]).

0 0 X 2 − 2X 0 0 X 2 − 3X
Démonstration :
2
1) La réduction de Frobenius montre que M est semblable à une matrice de la On en déduit que les invariants de similitude de la matrice M sont (X −3X, X).
2
forme Diag(Comp(P1 ), . . . , Comp(Pr )) où (P1 , . . . , Pr ) est la suite des invariants En particulier, son polynôme minimal est mM = X − 3X et son polynôme
3 2
caractéristique est X − 3X .
de similitude de M . On en déduit que XIn − M est équivalente à
Diag(XIdeg(P1 ) − Comp(P1 ), . . . , XIdeg(Pr ) − Comp(Pr )).

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Remarques :
a) Si (A, B) ∈ Mn (K)2 , les résultats précédents permettent de déterminer si
les matrices A et B sont semblables (à condition que l’on puisse « calculer »
avec leurs coefficients).
b) De plus, la méthode précédente permet de déterminer le polynôme minimal
d’une matrice : c’est l’invariant de similitude de plus grand degré.
c) La réduction de Jordan est plus difficile à appliquer en général pour dé-
terminer si deux matrices sont semblables, car il faut réussir à calculer les
racines du polynôme caractéristique d’une matrice, ce qui n’est pas toujours
possible de façon explicite.

Corollaire : Soit (M, N ) ∈ Mn (K)2 . Les matrices M et N sont semblables si


et seulement si XIn − M et XIn − N sont équivalentes dans Mn (K[X]).
Démonstration :
C’est immédiat d’après le théorème précédent.

Bibliographie
[BMP05] V. Beck, J. Malick et G. Peyré – Objectif agrégation, 2e édition,
H&K, 2005.
[Gou09] X. Gourdon – Algèbre, 2e édition, Ellipses, 2009.

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