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Les Cahiers de l’Ecole Pastorale

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CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page2

ÉDITORIAL

I
ÏT
HA
À mon sens, notre “mission dans le monde” n’est pas quelque
chose seulement à l’extérieur de la communauté ! Elle comprend
également la communion fraternelle et la transformation de la

À
vie de chaque croyant par la Parole et par le Saint-Esprit.
N’est-ce pas en tant que peuple de Dieu que nous sommes

ET
porteurs du message destiné jusqu’aux extrémités de la
terre (cf. 1 Pierre 2.9-10) ? Construire l’Église, c’est aussi
développer son témoignage dans le monde. De ce point de vue,
UE
un ministère pastoral ou autre dans l’Église revêt d’une
dimension missionnaire, apostolique. “Pasteur” Timothée fut
chargé de faire l’œuvre d’un évangéliste. Tout responsable
IQ

d’Église peut s’en inspirer pour garder un juste équilibre entre


les tâches “intérieures” et “extérieures”.
FR

C’est dans une telle vision large de l’Église et de ses ministères


que s’inscrit le contenu de ce Cahier. Vous allez voir !
L'A
À

Evert Van de Poll


É
RV
SE

2
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Le pasteur et la grâce

I
ÏT
EVERT VAN DE POLL
Est-il nécessaire d’aborder le

HA
Jonathan Ward dirige un lieu
thème de la grâce de Dieu d’accueil situé à Entrepierres dans
les Alpes de Haute Provence ouvert
auprès de ceux qui servent le à tous les serviteurs de Dieu en
quête de repos et de ressourcement.
Seigneur ? Certainement ! Vivre

À
Pour plus de renseignement :
www.pierresvivantes.org.
la grâce est une expérience qui

ET
se renouvelle sans cesse, y com-
pris pour celui qui sert le
Seigneur. Comprendre le sens
UE
profond de ce que veut dire
“charismatique” est également
IQ

un des enjeux.
FR

Pasteurs et autres responsables d’Église sont en quelque sorte des spécia-


listes en ce qui concerne la grâce. C’est leur message, leur appel, leur
L'A

vie. Pourtant, je me demande si nous qui la prêchons aux autres, l’avons


vraiment bien compris nous-mêmes ? Peut-être que notre compréhension
est théologiquement tout à fait correcte, mais comme la preuve d’un
À

gâteau est dans le goûter, la vérité de la grâce est dans le vécu. Est-ce
que nous la vivons, pleinement ? Dans notre marche avec le Seigneur ?
É

Dans le service qu’il nous a confié ?


RV

Pour ma part, je dois avouer que la grâce continue à me surprendre, et


que j’ai encore beaucoup à apprendre. Elle m’invite à réfléchir, et à me
SE

remettre en cause. Sa simplicité profonde, ses exigences, ses bienfaits, et


ses mystères sont toujours à découvrir à nouveau. Je suis persuadé qu’il

faut la mettre au cœur du ministère, pastoral ou autre. Voici, donc,


quelques réflexions sur le pasteur (ou n’importe quel serviteur dans le
royaume de Dieu) et la grâce.
3
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Quelle grâce pour “pasteur Paul” ?


Pour commencer, je veux m’attarder sur un passage très connu, écrit par
un “pasteur apostolique” dans le passé. Selon lui, la grâce est toujours

I
ÏT
suffisante. Je fais allusion, bien évidemment, à Paul. Dans la deuxième
épître aux Corinthiens, il ouvre une fenêtre sur le côté difficile de son

HA
ministère, sur ses souffrances, sur ses luttes intérieures. Dans ce contexte,
il parle à plusieurs reprises de la grâce, charis, et d’une grâce donnée,
charisma.

À
Selon le chapitre 12, verset 7, le Seigneur lui-même “avait mis une
écharde dans sa chair”, après avoir vécu des expériences spirituelles tout

ET
à fait remarquables.
Mis à mal par cette “écharde”, il supplie le Seigneur de l’enlever, mais
la réponse est tout autre. “Ma grâce te suffira” (v. 9).
UE
Plusieurs questions se posent.
D’abord : qu’est-ce que cette “écharde dans la chair” ?
IQ

Une maladie grave, comme on l’entend souvent dire par des exégètes ?
Une situation difficile que Paul n’arrive pas à maîtriser et qui continue de
FR

mettre en échec son travail pastoral ? Peut-être les problèmes dans l’Église
de Corinthe qu’il n’arrive pas à résoudre ?
L'A

Est-ce que “l’écharde” fait allusion à un ou plusieurs adversaires, peut-


être les personnes à Corinthe qui se disaient apôtre et qui mettaient en
cause le ministère de Paul ? En Nombres 33.55, le même mot est utilisé
À

pour décrire les Cananéens qui vont se dresser contre les Israélites.
Paul ajoute que l’écharde était “un ange de Satan”. S’agissait-il d’une
É

oppression démoniaque ? D’une opposition humaine d’inspiration


RV

diabolique ? Dans la Bible, “Satan” peut aussi désigner un adversaire


humain, tel Pierre, qui contrecarrait le plan de Dieu. Jésus l’a repris
sévèrement, en lui disant : “derrière moi, Satan”.
SE

Quelle que soit la nature de la souffrance que Paul devait subir, il est clair
qu’il y voyait la main de Dieu. Ayant lutté avec la question que chaque
croyant se pose dans des situations pareilles, “pourquoi Seigneur ?”, il a

fini par comprendre la finalité : “Afin que je ne sois pas enflé d’orgueil”.
Un raisonnement dont le langage sort directement des Psaumes

4
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(cf. Ps 86, 145, 146). Je m’imagine qu’il les a médités longuement.


Ce n’est pas tout. Le Seigneur lui a fait comprendre que sa grâce va lui
suffire. Paul s’accroche à cette promesse. Cela nous amène au sujet de

I
notre réflexion. Le pasteur, en l’occurrence pasteur Paul, et la grâce.

ÏT
Question : comment la grâce permet-elle de supporter cette “écharde

HA
dans la chair” ? La réponse dépend de ce que nous entendons par
“grâce” dans ce cas précis.
S’agit-il là de la disposition de cœur de Dieu ? De sa bienveillance

À
envers Paul ?
Une présence intensifiée de son Esprit, peut-être ?

ET
Ou devrions-nous penser à quelque chose que Dieu nous a donnée ?
Une parole inspirée ? Par exemple, la promesse que le Seigneur mettra
UE
un terme à l’épreuve, dans l’avenir proche, ou dans un avenir lointain ?

Au chapitre 1 de la même épître, il témoigne d’une grâce inopinée,


IQ

que lui et son équipe venaient de vivre : “Nous avons été accablés à
l’extrême, au-delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions
FR

même de conserver la vie”. Quand tout semblait être perdu, le Seigneur


leur a fait la grâce de la délivrance. Cette expérience est source de
réconfort : “Oui, nous espérons qu’il nous délivrera encore” (v.8-11).
L'A

Est-ce que Paul compte sur une grâce pareille, au dernier moment ?

Une autre possibilité est qu’il s’agit d’une grâce particulière, un charisme.
À

Si tel est le cas, quel charisme ?


Celui de la faiblesse ?
É

Celui de ne pas douter de la fidélité de Dieu, ni de sa bonté, ni de son


RV

amour, tel Job dans son épreuve ?


Celui de pouvoir louer le Seigneur, malgré les circonstances ?
Celui de comprendre pourquoi Dieu n’a pas exaucé sa prière ?
SE

Celui d’être en paix dans la tourmente, comme le Seigneur dans la


barque pendant la tempête ?
Celui de pouvoir supporter la douleur ?

Celui de pouvoir supporter la contestation, la mise en cause de son


ministère ?

5
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Celui de pouvoir endurer la persécution, dans le pire des cas jusqu’au


martyre ?
Ou bien, le charisme de la faiblesse, qui devient notre force quand nous

I
renonçons à tout usage de force humaine ? Comme Jésus s’est rendu

ÏT
vulnérable, jusqu’à se soumettre à l’opprobre de la croix ?

HA
Un sujet vaste et varié
Que de questions, et que d’options possibles ! Je ne vais pas trancher

À
pour une réponse ou une autre. Chaque option est imaginable. Les unes
n’excluent pas les autres.

ET
Je veux simplement montrer combien le sujet de la grâce est vaste et
varié. Plus on y réfléchit, plus le terrain semble s’élargir. Le thème de la
UE
grâce traverse la Parole de Dieu comme un fil conducteur. Dans ce texte
de Paul, nous en avons un exemple précis.
IQ

La grâce de Dieu est un élément clé de notre foi. Dieu est riche en bien-
veillance (grâce) et lent à la colère. Nous sommes sauvés par sa grâce.
FR

“Que la grâce de Dieu soit sur toi”, chantons-nous à la fin du culte.


La phrase “par la grâce de Dieu”, nous la mettons à toutes les sauces.
Or, quand on y réfléchit davantage, il s’avère que le sujet de la grâce est
L'A

riche, et qu’il dépasse notre entendement naturel. Est-ce que nous la


comprenons vraiment ? Est-ce que nous la vivons pleinement ?
À

Tout au long de l’histoire de l’Église, la grâce de Dieu a fait l’objet


de débats, et même de divisions. Je n’entre pas dans ces débats
É

théologiques, bien que mes propos aient une portée théologique. Je vous
RV

fais part de mes réflexions, sans doute colorées par ce que j’ai vécu
moi-même.
Je le ferai en trois étapes : comprendre la grâce, vivre la grâce, et servir
SE

par grâce.

6
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page7

I. COMPRENDRE LA GRÂCE
Qu’est-ce que la grâce ? Pensons d’abord à ce que cela veut dire par
rapport aux hommes.

I
ÏT
Deux conceptions de la grâce

HA
Dans notre compréhension de la grâce nous devons tenir compte de
l’influence de deux conceptions différentes. Comme le N.T. est écrit en
grec, on est tenté de penser à la conception grecque de la grâce. Le mot

À
employé, charis, désigne quelque chose qui plaît. On pensait à des qua-
lités individuelles. Surtout la beauté naturelle. Les Grecs connaissaient au

ET
moins trois déesses de beauté, appelées les trois grâces : Aglaé, Thalie,
et Euphrosyne. On appréciait la beauté d’un geste noble. Par exemple,
UE
quand un vainqueur d’un combat épargne la vie de son ennemi battu.
Le geste de grâce par excellence était le don gratuit, preuve d’altruisme
et de générosité. Un tel don s’appelait, tout simplement, charis ou
IQ

charisma.
Dans notre culture occidentale, cette conception est encore présente.
FR

La grâce est ce qui plaît dans les attitudes, les manières, les discours.
C’est un agrément, un charme indéfinissable dans les personnes et dans
les choses. Nous parlons d’un air gracieux, des façons gracieuses, et de
L'A

bonne grâce. Un roi est appelé “grâce”, puisqu’il est censé régner “par
la grâce de Dieu”. Cela veut dire qu’il est investi d’une autorité divine sur
ses sujets. Cette autorité est sa qualité individuelle.
À

Mais attention, si le N.T. est écrit en grec, les termes utilisés sont à
É

colorer dans les tons de l’A.T. C’est pourquoi, il convient de penser à la


RV

conception hébraïque de la grâce. Le mot employé, ḥen, désigne aussi


quelque chose d’agréable, mais dans un sens relationnel. Du point de vue
biblique, il faut être au moins deux, pour qu’il puisse y avoir de la grâce.
SE

Dans la Bible, la grâce est d’abord une disposition du cœur envers


quelqu’un. Elle est bienveillance inconditionnelle, sans a priori, et sans

que la personne qui en fait l’objet la mérite. “Elle a trouvé faveur dans
ses yeux”.

7
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La grâce est aussi la manière dont on manifeste sa bienveillance, par un


don ou un geste. Toujours gratuit et inconditionnel, sinon, ce ne serait
pas un don mais une récompense, un salaire, une rente, ou encore une

I
conséquence de ses propres efforts. Le plus beau cadeau que l’on puis-

ÏT
se faire à l’autre est de lui pardonner ses offenses.

HA
Cette conception est encore présente aujourd’hui. Nous connaissons, par
exemple, la grâce présidentielle ou royale accordée à un condamné.
Nous “rendons grâces” pour exprimer la reconnaissance pour le bien

À
que quelqu’un d’autre nous a fait. Pour exprimer merci, les Espagnols
disent gracias.

ET
Grâce et humour
Dans la tradition juive, il y a un lien entre grâce et humour. En yiddish,
UE
on dit gein, pour dire que l’on s’amuse, par exemple de raconter des
blagues. Quand on rigole bien, les muscles se détendent et l’esprit lâche
IQ

prise de ses préoccupations. Une joie nous remplit, comme la lumière du


soleil qui chasse les ténèbres.
FR

L’humour est une grâce, puisqu’on ne la cherche pas, elle se laisse


trouver, gratuitement. Elle fait du bien à tous. C’est l’un des bienfaits que
nous a accordés notre Créateur.
L'A

Je me permets de croire que le diable n’a pas un bon sens de l’humour.


Ce qu’il fait aux hommes, n’est vraiment pas rigolo ! Dans ses récits de
Narnia, C.S. Lewis a eu tout à fait raison de dépeindre le diable comme
À

un personnage glacial, froid, sans beaucoup d’imagination, si ce n’est


que d’imiter le monde de Dieu. Effectivement, l’humour qu’il inspire
É

aux hommes est toujours aux dépens de quelqu’un. Des blagues qui
RV

rabaissent, qui ridiculisent la morale.


En revanche, l’humour sain fait ressortir ce qui a de la valeur, et relativise
ce à quoi nous accordons trop d’importance. On se moque de ses
SE

propres prétentions. Rire, s’amuser, c’est un bon remède (Pr 17.22),


contre le stress et l’orgueil, notamment.

L’humour est une grâce, car elle aide à ne pas succomber aux pires
circonstances. Je pense au film La vie est belle, une comédie qui se joue

8
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dans un camp de concentration et qui met en scène des Juifs qui n’ont
pas perdu leur sens de l’humour. Comment le régisseur a-t-il pu faire un
film sur la Shoah, qui est vraiment drôle ? Est-il permis d’en rire ? Pas

I
mal de gens étaient un peu choqués. Mais on peut aussi considérer que

ÏT
l’humour est une arme contre l’horreur. Si les bourreaux voulaient priver

HA
leurs victimes de leur humanité, et de tout ce qui pouvait les amuser,
les blagues qu’ils se racontaient devenaient une sorte de contre-arme,
une rébellion contre un régime qui faisait régner la peur et la mort.

À
Ainsi préservaient-ils un tant soit peu leur humanité.
Quand on est capable de voir de l’humour dans les choses qui se

ET
passent, on arrive à mieux supporter la situation.
Dans certaines Églises en Orient, il a existé, et peut-être existe-il encore,
une drôle de coutume. Dans la nuit pascale on se retrouve pour se
UE
raconter des blagues. Nous, on ferait un jeûne, un culte, une réunion
de prière. Mais raconter des blagues dans une nuit si solennelle ?
Et pourtant, c’est logique. Durant cette nuit, Dieu s’est moqué du diable
IQ

qui pensait avoir gagné la bataille, mais qui ne se rendait même pas
compte que la mort qu’il avait infligée au Fils de Dieu n’était pas sa
FR

victoire mais sa défaite décisive ! Ce fut la blague du siècle. Que dis-je,


du siècle des siècles.
L'A

Nous avons besoin de la détente dans une bonne ambiance où rien de


spécial est exigé, et où on a la liberté de se moquer un peu de soi-même.
À

La grâce de Dieu
S’agissant de la grâce de Dieu, il est important de retenir la conception
É

hébraïque. Ainsi, nous comprenons que la grâce des hommes n’est


RV

qu’un reflet imparfait de la grâce de Dieu, qui, elle aussi, est relationnelle.
Elle revêt deux facettes :
SE

• D’abord, la disposition de son cœur, sa bienveillance envers les


hommes. Il leur est favorable, sans qu’ils ne méritent sa faveur. Son désir
est d’entrer en relation avec chacun d’entre eux.

La première personne dans la Bible envers qui Dieu se montre favorable,


est Noé. Cela ne veut pas dire que Noé était son favori. La grâce n’a rien

9
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à voir avec du favoritisme. Certes, Paul parle de “l’élection de grâce”, ce


que certains théologiens ont interprété comme une double prédestination
– de certains à la vie éternelle, et d’autres à la condamnation. Or, cette

I
phrase en soi ne veut rien dire d’autre que l’élection n’est pas méritée.

ÏT
Dieu a tout simplement décidé d’être favorable à quelqu’un.

HA
Je n’entre pas dans le débat sur le sujet de l’élection. Je note simplement
que Dieu a un regard favorable envers nous. Il n’est pas contre les
hommes, même si les hommes sont contre lui. Selon la confession de foi

À
d’Israël, “Le Seigneur Dieu est compatissant et il fait grâce, il est lent à
la colère, riche en bienveillance” (Ex 34.6). Cette confession réapparaît

ET
à sept reprises dans l’A.T., entre autres dans la prière de Jonas après la
repentance du peuple de Ninive.
En Jésus-Christ, Dieu a clairement montré que l’humanité entière fait
UE
l’objet de son amour, et que c’est lui qui a pris l’initiative de chercher
ceux qui se perdent. Quelle générosité !
IQ

• Deuxièmement, la grâce est ce que Dieu donne, librement et gratuite-


ment. Il est “le Dieu de toute grâce” (1 P 5.10). Il prend plaisir à donner
FR

généreusement, à combler de bienfaits les hommes et les femmes qui font


l’objet de sa bienveillance. Sans cesse, il prête l’oreille à ceux qui
s’en remettent à sa grâce.
L'A

Rien de plus naturel pour Dieu que de donner – à ceux qui lui deman-
dent quelque chose comme à ceux qui ne lui demandent rien, à ceux qui
l’adorent comme à ceux qui l’ignorent.
À

Quand il donne quelque chose dans sa grâce, il n’accorde pas “pour


cette-fois-ci” à quelqu’un qui a transgressé les règles, “pourvu que
É

cela ne se reproduise plus”. Ce n’est pas une faveur a minima mais


RV

une générosité aussi large que celle des arbres qui donnent toujours un
surplus de fruit. Plus que suffisante, la grâce de Dieu est surabondante.
SE

On n’aura jamais fini de faire l’inventaire de ses dons. Sa grâce est


incommensurable, les dons de grâce trop nombreux pour être énumérés.
Quand on commence à en faire un inventaire ne serait-ce que provisoire,

on s’émerveille. Méditer sa grâce nous remplit de joie et d’espérance.


Ce sont les théologiens de tous les temps, qui se sont mis à cataloguer les

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grâces de Dieu. De toutes les distinctions qu’ils ont proposées, je n’en


retiens que quelques-unes. Tout d’abord la grâce commune que l’on trouve
dans la nature : “Toute grâce excellente et tout don parfait descendent

I
d`en haut, du Père des lumières” (Jc 1.17), qui “n’a jamais cessé de

ÏT
rendre témoignage de ce qu’il est, en faisant du bien, en dispensant du

HA
ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec
abondance et en remplissant les cœurs de tous les peuples de joie”
(Ac 14.17). Parmi ces bienfaits on compte également la notion d’un Dieu

À
Créateur et d’une loi morale universelle, inscrite dans la conscience
de l’homme (Rm 1.18s). Sinon, notre existence serait réduite à celle des

ET
animaux, dirigés par leurs seules impulsions.
Ensuite, la grâce spécifique qui vise le salut des hommes. La grâce de
se révéler aux hommes, par des œuvres de délivrance, par des Paroles
UE
inspirées, et par sa présence dans le for intérieur.
Elle comprend également les charismes donnés au peuple d’Israël
(Rm 11.27). Lesquels ? Sans doute faut-il penser à la liste des privilèges
IQ

en Romains 9.2-5 : les alliances, les promesses des prophètes, le temple,


et la Torah. Oui, la Loi de Moïse relève également de la grâce de Dieu !
FR

Par le biais d’un peuple qui ne l’a pas mérité, ce très beau cadeau a été
transmis aux autres peuples qui ne l’ont pas mérité non plus. Que
L'A

ferions-nous sans cette boussole morale ? En fait, toutes les Écritures


saintes d’Israël sont un bienfait merveilleux fait à l’humanité entière, une
lumière sur nos sentiers.
À

La grâce salutaire comprend également toutes les initiatives prises par


l’Éternel pour attirer des hommes et des femmes vers lui, de chercher
É

ceux qui se perdent. John Wesley parlait de prevenient grace, la grâce qui
RV

nous est montrée lorsque nous sommes encore loin de notre Père céleste.
Par la même grâce, il a donné son Fils (1 Co 8.9). Dans l’incarnation de
la Parole éternelle, Dieu se révèle comme il est vraiment. En lui, nous
SE

avons une source inépuisable de “grâce pour grâce” (Jn 1.14).


En lui, Dieu nous a fait la grâce immense de la justification et de la vie
éternelle, non pas sur la base de nos œuvres toujours entachées

par l’orgueil et la concupiscence, mais sur la base de la mort et de la


résurrection de son Fils unique, Jésus-Christ (Rm 5.17).

11
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Et Dieu continue à déverser ses dons.


La grâce de nous remplir de son Esprit (“Esprit de la grâce”, Hé 10.29).
La grâce de nous sanctifier (2 P 3.18).

I
La grâce d’exaucer nos prières, quand nous nous approchons du trône

ÏT
de la grâce (Hé 4.16).

HA
La grâce de nous impliquer dans son œuvre, dans sa mission (Ép 3.8).
Le privilège de pouvoir vivre la souffrance pour lui comme une grâce
(1 P 2.19).

À
Et finalement, la future grâce de la vision béatifique de Dieu, quand nous le
verrons face à face, dans la gloire éternelle de son Royaume (1 P 1.13).

ET
La grâce que Dieu nous a faite en Jésus-Christ, se multiplie et se diversi-
fie en dons de grâce, appelés dorean ou charisma. Par ces dons, le
UE
Seigneur permet à chacun de ses disciples de le servir d’une manière
spécifique. Cela veut dire, que notre service est en soi une grâce, et que
nous exerçons nos ministères par la grâce. J’y reviens plus loin, dans le
IQ

dernier point.
FR

II. VIVRE LA GRÂCE


Comprendre la grâce est une chose, la vivre en est une autre. On oublie
L'A

souvent que nous n’avons pas seulement besoin de la grâce de Dieu pour
être sauvés, mais aussi pour vivre la vie chrétienne. Non seulement pour
être réconciliés avec lui, mais aussi pour marcher avec lui sur le chemin
À

de la foi.
Les apôtres commencent leurs épîtres par le vœu que la grâce de Dieu
É

ou de Jésus-Christ soit avec les fidèles, et que cette grâce leur soit
RV

multipliée.
L’apôtre Pierre désire que “la paix et la grâce se multiplient” dans la
SE

vie des croyants (1 P 1.2), et il les exhorte à “croître dans la grâce”


(2 P 3.18). Autrement dit, la grâce se travaille et s’apprend. Notre
sanctification est basée sur, et rendue possible par la grâce de Dieu.

12
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Demeurer dans la grâce


Paul affirme que nous “demeurons ferme dans la grâce” (Rm 5.2).
Cela n’exclut pas nos efforts. La discipline est indispensable, mais elle ne

I
ÏT
devient jamais un mérite. Dans un de ses livres, Jerry Bridges, aborde
la relation entre notre discipline et la grâce de Dieu. Il remarque la sour-

HA
noise tendance des chrétiens à se faire acceptable devant le Seigneur
par de bonnes œuvres, bien qu’ils confessent être sauvés par la grâce.
Selon lui, il faut annoncer l’Évangile de la grâce, non seulement à ceux

À
qui ne croient pas encore mais aussi aux croyants, y compris à soi-même.
Sinon, ma vie chrétienne va dépendre, non pas de la seule grâce, mais

ET
de la grâce plus nos efforts.
“Quand nous demandons à Dieu une bénédiction quelconque, il ne va
pas d’abord mener une enquête pour savoir si nous avons bien fait notre
UE
travail et si nous méritons alors cette bénédiction. Non, il va voir si nous
mettons notre entière confiance dans le mérite de son Fils, et si nous
IQ

nous rendons compte que la bénédiction dépendra entièrement de ce


mérite-là. Nous sommes sauvés par la seule grâce, et nous devons vivre
FR

chaque jour par la seule grâce”.


“Si tu veux progresser dans la vie chrétienne, tu vas découvrir à quel
point tu es un pécheur déplorable. Si tu n’es pas bien enraciné dans
L'A

l’Évangile et que tu n’as pas appris à l’annoncer à toi-même chaque jour,


tu seras découragé, tôt ou tard, et tu abandonneras le chemin de la
sanctification”(1).
À

Savoir recevoir la grâce


É

La grâce ne se mérite pas, elle se reçoit. Or, recevoir n’est pas si évident
RV

que cela. Déjà dans les relations humaines, tendre la main est recon-
naître sa pauvreté, se rendre dépendant, vulnérable, petit. Bon nombre
SE

d’entre nous considèrent cela comme une humiliation. C’est beaucoup


plus satisfaisant de gagner sa propre vie, et de pouvoir agir en père
Noël en donnant aux autres.

Qu’en est-il de notre réceptivité ? C’est une attitude à développer dans


la prière, par exemple, dans l’accueil de la plénitude de l’Esprit, de ses

1- Jerry Bridges, Discipline and Grace, Colorado Springs : Navpress, 1994, p.19 et 59.
13
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dons et de son fruit. Nous allons nous rendre compte de la direction de


Dieu dans nos circonstances – à condition d’ouvrir les yeux.
Recevoir le pardon que Dieu nous accorde, ce n’est pas simple quand il

I
s’agit de nos péchés habituels. Quand nous continuons à les reproduire,

ÏT
on se lasse et on arrête de demander pardon. Comme si la grâce de Dieu

HA
est limitée. Comme si, à un moment donné, on ne la mérite plus. Or, on
ne l’a jamais méritée auparavant !
Notons, également, la difficulté de se pardonner soi-même. Quand on se

À
culpabilise, on a du mal à accueillir le pardon de Dieu et à se l’appro-
prier. Difficile d’accepter que le passé est vraiment effacé !

ET
Les choses deviennent encore plus pénibles quand il plaît à l’Éternel de
nous montrer sa grâce au travers de notre prochain. Si quelqu’un m’offre
son hospitalité, je me sens obligé de l’accueillir comme un prêté pour un
UE
rendu, au lieu d’une grâce inconditionnelle. Comment est-ce que je
réagis à une critique constructive car bien placée et apportée au bon
moment ? Par une défense justificative ou par un accueil reconnaissant ?
IQ

Plus riche, plus humble


FR

Nous sommes “remplis de la richesse de la grâce” (Ép 1.8). Cela veut


dire, une richesse non méritée. Dans le monde humain, la richesse est le
L'A

résultat de notre travail, ou bien d’un héritage auquel on avait droit.


C’est une richesse de récompense, un trésor accumulé par nos propres
moyens. En revanche, la richesse en Dieu est un trésor gratuit, que l’on
À

trouve sans l’avoir créé par quelque moyen que ce soit.


Plus on s’en rendra compte, plus on sera humble.
É
RV

La reconnaissance
La plus grande pauvreté, disait Shakespeare, est de ne plus avoir de quoi
SE

dire merci. Rien pour rendre grâce. C’est la pauvreté d’un homme ou une
femme totalement renfermé à ce que le bon Dieu met à sa disposition.
La pauvreté du “je n’ai pas besoin de toi”. La pauvreté du “je me

débrouille”. La pauvreté de l’individualisme.


Par contre, dire “merci Seigneur” devient une habitude pour celui qui se

14
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rend compte à quel point il est au bénéfice de la faveur de Dieu, sans


qu’il ne s’habitue jamais à la grâce qu’il continue de recevoir !
Émerveillé par la grâce surabondante de Dieu, Calvin a placé toute la

I
vie chrétienne sous le signe de la reconnaissance.

ÏT
HA
Montrer de la grâce envers les autres
Celui qui sait recevoir la grâce, aura envie de la montrer aux autres.
Il prendra plaisir à donner sans rien demander en retour. Puisque la

À
grâce est relationnelle, elle cherche l’intérêt de l’autre. Progresser dans
la grâce, c’est progresser dans la solidarité et la générosité (Ps 37.21).

ET
La collecte pour les frères et sœurs dans la pauvreté en Judée, était une
grâce, et pour ceux qui l’ont reçue, et pour ceux qui y ont contribué
(1 Co 16.3).
UE
C’est aussi progresser dans la communication : “Qu’il ne sorte de votre
bouche aucune parole mauvaise, mais, s’il y a lieu, quelque bonne
IQ

parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui


l’entendent” (Ép 4.29). Quelle tristesse quand les responsables dans les
FR

Églises ont la parole dure, qui blesse plutôt que de bénir.


Nous sommes appelés à nous faire grâce mutuellement, ce qui veut dire
demander et accorder le pardon. Cela devrait être évident, étant donné
L'A

que nous sommes tous au bénéfice du grand pardon du Seigneur. Mais


on s’aperçoit que le pardon coûte quelque chose. Il y a toujours un prix
à payer, le sacrifice de son orgueil, de sa colère, et de son sentiment de
À

revanche. Nous avons besoin de la grâce du Seigneur pour surmonter


ces obstacles. Tout pardon est une œuvre de grâce (2 Co 2.7-10,
É

Ép 4.32).
RV

Je pense à Jamy Buckingham, un orateur et écrivain américain très


connu dans les années 1970 et 1980. Malheureusement, il a fait un faux
pas qui l’a rendu persona non grata dans les milieux chrétiens. Jamy
SE

avait vraiment fait œuvre de repentance, publiquement, mais il y a des


péchés qui sont impardonnables dans le sens où les gens en tiennent

toujours rigueur à la personne concernée. Est arrivé le moment d’un


séminaire organisé par sa maison d’édition. On lui avait demandé de
faire un petit exposé. L’orateur principal était Billy Graham. Quand ce
15
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dernier est entré dans l’auditoire, il a vu Jamy Buckingham assis au


premier rang. Devant une salle comble, Billy Graham s’est assis à côté
de lui, et a mis son bras autour de son épaule. Signe on ne peut plus

I
clair de pardon et de réconciliation. Comme le public s’est sans doute

ÏT
interrogé, je m’interroge, moi aussi. Serais-je capable, moi, d’un tel

HA
geste de grâce ?

“Tueurs de grâce”

À
Dans un livre qui est devenu un best-seller outre-atlantique, le pasteur
Charles Swindoll pose la question : comment se fait-il que ceux qui

ET
portent haut les couleurs de la grâce dans leur confession de foi et dans
la prédication, aient autant de mal à la vivre au jour le jour ?
Ce que nous accueillons pour être sauvés, nous avons du mal à
UE
l’accueillir pour suivre le Seigneur. Swindoll parle de “tueurs de grâce”
(grace killers). Le mot est bien choisi. Nous sommes capables de contre-
IQ

carrer la grâce de plusieurs manières. D’abord par le légalisme.


La grâce nous donne une grande liberté, dans le champ que nous ouvre
FR

la Parole de Dieu. Aimez Dieu, et faites tout ce que vous voulez, disait
Martin Luther. Quand on a compris ce qu’est la grâce, on n’aura qu’une
envie : glorifier le Seigneur par tout ce que l’on fait. Mais dans nos
L'A

Églises, on semble considérer qu’une telle liberté est trop risquée. De


peur que les gens n’abusent de la grâce de Dieu, on établit des règles
qui sont le plus souvent déterminées par la culture et la tradition. La vie
À

chrétienne est jugée selon des critères stricts, établis par des hommes.
Tant que l’on s’y tient, tout va bien. On n’a plus besoin de la grâce.
É

Je note un autre tueur de grâce : l’idée que la présence du Seigneur dans


RV

le culte dépend de notre louange. Plus on chante, plus l’Esprit va agir.


Comme s’il fallait faire une œuvre de louange avant qu’il ne puisse plaire
au Seigneur de manifester sa présence. Une telle idée entre facilement
SE

dans nos cultes, mais elle relève du ritualisme. C’est par sa grâce que le
Seigneur vient là où deux ou trois se réunissent en son Nom. Il nous

attend, il nous accueille, et notre culte est une réponse reconnaissante à


ce don gratuit de sa présence.

16
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III. SERVIR PAR GRÂCE


La grâce qui se multiplie et se diversifie en charismata – “dons de grâce”

I
ou “expressions de la grâce” – est donnée en vue du service. Ministère

ÏT
et grâce sont inséparables. Paul parle de son ministère apostolique
en termes de charisme (Ép 3.7-8), et il exhorte Timothée à ranimer le

HA
charisme qu’il avait reçu pour exercer son ministère pastoral (2 Tm 1.6).
Et un autre apôtre exhorte chacun à “servir le Seigneur selon le
charisma qui lui a été donné, en bons intendants de la grâce (charis) si

À
diverse de Dieu” (1 P 4.10).
On trouve plusieurs charismes dans le N.T. Ils sont d’une grande diversité.

ET
Notons les charismes du célibat et du mariage, le charisme d’un ministère
apostolique ou autre, le charisme d’un exaucement à la prière, et celui
UE
d’un échange édifiant, le charisme de pouvoir supporter une “écharde
dans la chair”, et celui de vivre la persécution comme une
participation à la souffrance du Christ.
IQ

Le N.T. emploie plusieurs synonymes pour désigner les charismes :


dorean (don gratuit), energéma (œuvre) ou pneumatikos (quelque chose
FR

qui relève de l’Esprit). Le dernier mot est communément traduit par


“don spirituel”. On a coutume de lier les charismes uniquement à l’œuvre
du Saint-Esprit. Par conséquent, on utilise le terme “charismatique”
L'A

pour désigner les manifestations de l’Esprit, et ceux qui en soulignent


l’importance. Un synonyme de “pentecôtisant”. Ensuite, on distingue les
charismatiques des non charismatiques. Au fond, cette distinction ne tient
À

pas la route. Au lieu d’associer ce terme avec un certain courant dans


le monde évangélique, une certaine forme de culte, ou un certain type
É

d’autorité spirituelle, il vaut mieux en rétablir le sens originel : charisma-


RV

tique est tout ce qui concerne les charismes, et les charismes sont des
expressions de la grâce.
SE

Le Christ au centre des charismes


Dans son enseignement sur les dons spirituels (pneumatikoi) en

1 Corinthiens 12.1-6, Paul explique que ce sont à la fois des grâces


(charismata), des services (diakonioi, ministère) et des œuvres

17
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(energémata, l’origine du mot énergie). En plus, il fait comprendre qu’ils


relèvent du même Esprit, du même Seigneur, du même Dieu qui est “tout
en tous”.

I
Cette vision trinitaire des charismes peut nous aider à surmonter les

ÏT
clivages entre ceux qui se disent charismatiques et ceux qui ne se le disent

HA
pas. Utilisons le terme charismatique dans son sens propre : expression
de la grâce de Dieu, dont l’expression suprême est le don de son Fils.
Je plaide pour une approche christocentrique des charismes. Au lieu

À
de “dons spirituels”, on pourrait aussi parler d’“expressions spirituelles”
du ministère du Christ. Regardons comment ils actualisent tel ou tel

ET
aspect du ministère du Christ, quand il était sur la terre. Considérons-les
comme des occasions de suivre son exemple dans un domaine précis.
Chaque charisme est une expression particulière du charisme suprême
UE
qui est le Christ et ce qu’il a fait pour nous. Ainsi, tous les charismes se
complètent et ont besoin les uns des autres.
IQ

Privilège
FR

Je veux souligner que chaque charisme, et chaque ministère, est, comme


l’indique le mot même, une grâce.
Cela permet de voir son service, non pas comme un fardeau, ni comme
L'A

un statut, ni comme une autorité, mais comme un privilège. Un honneur


non mérité. Une preuve de la faveur de Dieu. C’est son plus grand plaisir
de nous confier une tâche dans son Royaume. Que sommes-nous pour
À

être désignés des collaborateurs de Dieu ? Se vanter d’une position, se


prendre pour quelqu’un d’important, c’est oublier que tout ministère est
É

un privilège. Paul le savait très bien, et il s’en est émerveillé : “À moi,


RV

le moindre de tous les saints, cette grâce a été accordée d’annoncer la


bonne nouvelle aux païens” (Ép 3.8).
Nous avons vocation à servir avec une disposition de cœur qui reflète
SE

celle de notre Seigneur. Quel que soit notre ministère, il est essentiel
d’avoir le même regard bienveillant et favorable sur les gens que nous

sommes appelés à servir. Comme le disait un ancien dans une Église


dont j’étais pasteur : “il faut aimer les gens, c’est tout”. En effet, c’est tout.

18
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Don
Nous avons vu que la grâce n’est pas seulement une attitude mais aussi
une expression concrète de la bienveillance envers les autres. Grâce

I
ÏT
égale don. C’est donc un abus d’utiliser un charisme pour servir ses
propres intérêts. Rappelons le caractère relationnel de la grâce de Dieu.

HA
Vu sous cet angle, un charisme n’est pas un don reçu, mais une possibi-
lité de donner quelque chose aux autres. C’est en quelque sorte un
contresens de dire “j’ai tel ou tel don”. Avoir un charisme, dans le sens

À
d’une qualité individuelle, c’est une idée plutôt grecque. Ainsi parle-t-on
de leaders charismatiques. Par contre, un charisme dans le Royaume de

ET
Dieu n’est pas un bien, ni un statut, mais une action, quelque chose que
l’on fait. Un don est ce que je donne aux autres. Ou bien, ce que Dieu
me permet de donner, par sa grâce et par la dynamique de son Esprit.
UE
Mon ministère est un don accordé à l’autre. Un don de soi, dans un
domaine précis. Pensons pour un moment aux pasteurs. L’un des points
IQ

forts du ministère pastoral est sa disponibilité. Dans un monde ou tout est


payant, y compris les séances chez un psy, nous avons le privilège de
FR

donner de notre temps aux autres, gratuitement et sans nous attendre à


une récompense. Un temps d’écoute et de solidarité.
L'A

Générosité
Un don de grâce est par définition gratuit et inconditionnel : “Vous avez
reçu gratuitement, donnez gratuitement” (Mt 10.8). Il découle de la
À

générosité de Dieu.
Par conséquent, on sera généreux dans l’exercice de son ministère. On
É

ne compte pas les heures, bien que l’on n’oublie pas de prendre le temps
RV

de repos qu’il faut. On prépare bien ses prédications, on fait de son


mieux dans le service. On prend au sérieux la formation continue et
SE

appropriée, puisque l’on ne fera pas le ministère au rabais. On cultive


la magnanimité, sans pour autant se faire avoir. La générosité dans
l’humilité, c’est l’art de la grâce.

Sur ce point précis, la question de la rémunération des pasteurs se pose.


Sujet sensible, source de frustrations. Et si nous le voyions sous un angle

19
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nouveau, celui de la grâce ? Dans le légalisme, on devient parcimonieux.


J’ai souvent constaté que là où les gens sont encouragés et bénis,
ils auront envie de contribuer à l’œuvre du Seigneur. Si les dirigeants

I
font preuve de générosité, ils peuvent l’enseigner aux autres, et récolter

ÏT
le fruit d’une rémunération qui fera l’honneur de l’Église et la joie de la

HA
personne qui exerce son ministère.
La générosité se montre également dans les charismes qui ne disent pas
leur nom. Dans le mariage, les conjoints accueillent leur union comme

À
un cadeau du Seigneur, puis ils se donnent l’un à l’autre dans un sens
particulier, et ensemble à la communauté autour d’eux, à la société. C’est

ET
pourquoi la liturgie de la cérémonie nuptiale comporte cette prière :
“Que votre union soit une bénédiction pour ceux qui vont jalonner votre
chemin”.
UE
Dans la même veine, le célibat peut être vécu comme un charisme reçu
et un don de soi aux autres. L’un des célibataires les plus connu outre-
manche est John Stott. J’étais impressionné quand je l’ai entendu expli-
IQ

quer comment il a assumé sa situation comme une grâce du Seigneur :


“Au lieu de me donner à une personne, je peux aimer un plus grand
FR

nombre, et cela me remplit de joie”, a-t-il dit.


L'A

Joie
Être rempli de joie, est la conséquence inévitable de la grâce vécue.
Quand on a perdu la joie (chara) dans le ministère, il est fort à parier
À

que l’on a perdu de vue, quelque part, la grâce (charis).


Je sais très bien que nous traversons parfois des situations douloureuses.
É

Mais elles sont vivables tant que l’on arrive à se réjouir dans le Seigneur.
RV

Sinon, les choses deviennent vraiment graves.


Perdre la joie dans le ministère, cela arrive souvent quand on est le nez
dans le guidon. Quand on est très exigeant envers soi-même, et donc
SE

aussi très exigeant envers les autres. Quand on n’a pas vraiment résolu
un problème grave. Quand on a l’impression que “tout dépend de moi”,

et que l’on commence à se plaindre. Quand il n’y a plus d’humour.


Je pense que cela arrive, entre autres, parce que nous avons tendance

20
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à nous prendre trop au sérieux, nous les serviteurs de Dieu. Voilà une
recette idéale pour développer le stress, avec la déception en perspective.
On met la barre trop haute.

I
Je reviens chez l’apôtre que j’ai mentionné au début de cet exposé, celui

ÏT
qui est souvent montré en exemple pour que nous, les pasteurs, allions

HA
encore plus loin dans la consécration et l’abnégation. Or, il savait
relativiser. Il ne se prenait pas la tête. Traîné devant le tribunal et face à
une éventuelle condamnation, il a affirmé : “Mais je ne fais pour moi-

À
même aucun cas de ma vie, comme si elle m’était précieuse, pourvu que
j’accomplisse ma course avec joie, et le ministère que j’ai reçu du

ET
Seigneur Jésus, d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu”
(Ac 20.24).
UE
QUESTIONS
• Quelle est la différence fondamentale entre les conceptions grecque et
IQ

hébraïque de la grâce ?
• En quoi, cet exposé a-t-il modifié, peut-être corrigé votre conception de
FR

la grâce de Dieu ?
• Quels sont les “tueurs de la grâce” que vous détectez dans votre
L'A

ministère, et dans votre communauté ? Comment réagir ?


• Osez-vous prendre le risque de la grâce dans votre enseignement,
c’est-à-dire le risque que les autres en abusent ? Sinon, pourquoi pas ?
À

• Comment pouvez-vous développer davantage la dimension de la


grâce dans votre ministère ?
É
RV
SE

21
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page22

Pour un ministère qui dure:


avertissements et conseils

I
ÏT
à des disciples en mission

HA
À
CHRISTOPHE PAYA

ET
Pasteur de l’Union des Églises Évan-
On n’a pas l’habitude de mettre géliques Libres (UEEL), Christophe
Paya est affecté à la Faculté Libre
en rapport le discours mission- de Théologie Évangélique à Vaux-
naire de Jésus en Matthieu 10 sur-Seine, où il est professeur en
UE
théologie pratique.
et le ministère pastoral. Mais Cet article est basé sur son exposé
pourquoi pas ? Ceux qui servent lors de la Pastorale Nationale de la
Fédération des Églises Évangéliques
IQ

le Seigneur au sein d’une Église, Baptistes de France (FEEBF) à Lyon,


le 8 novembre 2010 dans le prolon-
sont des envoyés au même titre gement d'une réflexion effectuée
FR

à la demande du Réseau de Soutien


que les évangélistes et mission- Au Ministère (RESAM).

naires dans le monde. Le rap-


L'A

prochement entre ce chapitre et


la “mission pastorale” s’avère
très instructif, parfois surprenant.
À
É

UNE MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE MATTHIEU


RV

En matière de ministère pastoral, il faut reconnaître qu’on se tourne


moins spontanément vers les évangiles que vers les épîtres. Il est vrai que
SE

les épîtres appliquent à la situation concrète des Églises du premier siècle


les principes de l’Évangile, donc que le rapport entre les épîtres et notre

situation présente paraît plus évidente au premier abord. Mais on aurait


tort de penser que les évangiles ne disent rien du ministère chrétien.
L’Évangile de Matthieu, en particulier, à cause de son instance sur

22
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l’enseignement de Jésus et donc sur la formation des croyants/disciples,


à cause de son insistance sur la mission et de son intérêt pour l’Église,
est à prendre en compte, et c’est ce que nous allons faire dans ce qui suit.

I
À première vue, l’Évangile de Matthieu paraît orienter plutôt nos regards

ÏT
vers le ministère missionnaire. Néanmoins, les définitions modernes

HA
ne conviennent pas nécessairement aux écrits du Nouveau Testament, et
l’on peut recevoir de l’Évangile de Matthieu des instructions concernant
la mission de l’Église au sens large, tous ministères compris. Nous nous

À
proposons donc de voir dans les enseignements missionnaires de
Jésus des directives qui concernent non seulement la “mission des

ET
missionnaires” mais aussi la mission de l’Église, et donc l’exercice des
ministères. Il est cependant évident que les missionnaires seront tout
particulièrement attentifs à ces recommandations de Jésus.
UE
On se limite souvent à la finale de Matthieu pour parler de mission
(“allez, faites de toutes les nations…”). Mais la réalité, c’est que le texte qui
parle le plus de mission et de ministère vient bien avant, au chapitre 10.
IQ

Ce chapitre est un discours de Jésus qui est introduit par ces paroles :
FR

“À la vue des foules, il fut ému, car elles étaient lassées et


abattues, comme des brebis qui n’ont pas de berger. Alors il dit
à ses disciples : La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu
L'A

nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des


ouvriers dans sa moisson” (9.36-38).
À

Les instructions qui suivent posent un certain nombre de problèmes


d’interprétation et d’application qui font qu’on en a souvent limité la
É

validité à la situation des premiers apôtres de Jésus, des Douze. Ils sont
RV

bien évidemment en premier lieu concernés, les Douze, mais dans la


stratégie pédagogique de Matthieu, les Douze sont représentatifs de
l’Église qui vient après eux et les lecteurs d’aujourd’hui comme ceux
SE

d’hier sont donc également concernés par les instructions du discours


de Jésus (1).

1- Pour un développement de ces réflexions préalables et une exégèse plus approfondie du chapitre, voir
C. Paya, Pour une Église en mouvement. Lecture du discours d’envoi en mission de Matthieu 9.35-11.1,
Charols, Excelsis, 2010.
23
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LES OBSTACLES ET L’OPPOSITION :


VOUS ÊTES PRÉVÉNUS !
La première chose que l’on peut dire, si l’on s’intéresse aux problèmes

I
ÏT
et aux difficultés du ministère, c’est que les difficultés du ministère sont
présentées dans ce texte comme des obstacles et des oppositions que

HA
rencontrent les ministres ou missionnaires de Jésus et de l’Église. Ces
obstacles sont nombreux, ils viennent de tous côtés et ils sont imposants.
Le premier constat qu’on est obligé de faire, en espérant que ce ne sera

À
pas le dernier mot, c’est que le tableau est sombre. L’Évangile de
Matthieu n’épargne aux disciples aucun obstacle. Nous ne pourrons pas

ET
dire que nous n’aurons pas été prévenus. D’ailleurs, le simple fait de
prévenir joue probablement déjà un rôle dans la résolution du problème.
Le disciple chrétien qui a été formé, qui a été façonné par l’Évangile, sait
UE
qu’il va rencontrer des obstacles et des difficultés dans l’accomplissement
de sa mission. Il est averti. Et, à première vue, la réponse la plus évidente
IQ

qui est apportée par le texte à la question posée : Comment durer dans
le ministère ? Comment surmonter les obstacles et les difficultés ? La réponse
FR

la plus évidente, donc, tient en deux parties : vous savez, premièrement,


vous êtes avertis ; et Jésus sait, deuxièmement, il a connaissance des
difficultés présentes et futures. C’est ce que le texte dit de manière la plus
L'A

évidente : vous savez, vous êtes avertis, vous ne pourrez pas dire qu’on
ne vous avait pas prévenus ; le texte le dit par des verbes au futur : “vous
serez menés devant des tribunaux”, “quand on vous livrera”, “quand on
À

vous persécutera”, etc. Et deuxièmement, Jésus sait, puisque c’est de sa


bouche que viennent ces paroles d’avertissements ; rien, donc, ne lui
É

échappe.
RV

L’avertissement initial est probablement indispensable mais il n’est pas


suffisant. Lorsque l’on s’adresse, par exemple, à des personnes qui n’ont
qu’une pratique limitée du ministère chrétien mais qui s’y préparent,
SE

et qu’on leur parle des obstacles qui se présenteront sur le chemin du


ministère, l’efficacité n’est que partielle. Ce qui suggère donc qu’il y a là

des instructions qu’il faut non seulement entendre au départ mais aussi
réentendre par la suite.

24
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LES PÔLES D’OPPOSITION


La deuxième chose que l’on peut relever, dans ces instructions de Jésus,
c’est que les obstacles viennent de plusieurs côtés : de l’extérieur, de

I
ÏT
l’intérieur, et même, apparemment, de Jésus.

HA
De l’extérieur
Mais l’opposition la plus forte vient apparemment de l’extérieur. Elle est
présentée comme inévitable, comme violente (les envoyés de Jésus sont

À
comme des brebis au milieu des loups). Cette résistance extérieure est
présentée comme une lame de fond qui entraîne avec elle des disciples

ET
qui n’ont pas de point fixe visible auquel se rattacher (10.17-18).
Si cette hostilité extérieure est une évidence pour un certain nombre de
UE
pasteurs et de missionnaires, dans le monde d’aujourd’hui, si elle ne
nécessite pas pour eux de grandes explications, pour nous, ou pour la
plupart d’entre nous, elle paraîtra peut-être en revanche plus lointaine.
IQ

Je ne suis pas sûr que nous citerions l’opposition extérieure comme


première de nos préoccupations, même si elle est au premier plan des
FR

avertissements de Jésus. Néanmoins, on aurait tort d’évacuer trop vite


cet aspect des choses. Si l’opposition extérieure est bien visible dans
les instructions de Jésus, c’est peut-être parce que Jésus rend visible des
L'A

choses qui ne sont pas toujours perceptibles par nos yeux. Le rapport
au monde environnant, même en dehors des situations de crise ou des
persécutions les plus flagrantes, pourrait bien demeurer source de
À

certaines tensions dans le ministère chrétien.


É

Ce rapport au monde, dans notre texte, prend en particulier trois formes :


RV

• le rapport aux autorités, de tous niveaux hiérarchiques (il est question


de tribunaux, de synagogues, de gouverneurs et de rois, ou équiva-
lents ; 10.17) ;
SE

• le rapport à l’humanité au sens large : il est question des “hommes”,


des “êtres humains”, les “gens” (10.17a), de ceux que le texte appelle

“on”, “ils” (10.19 : “on vous livrera” ; 10.23 : “on vous persécutera” ;
10.25 : “s’ils ont appelé le maître de maison Béelzéboul”) ;

25
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• le rapport à des situations de proximité qui sont décrites dans un


langage familial (v.21 : “le frère livrera son frère à la mort, et le père
son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront

I
mettre à mort” ).

ÏT
Dans les trois cas, c’est la violence extérieure qui est en cause. Même si les

HA
tensions familiales peuvent également être internes, on y reviendra. Dans
les trois cas, le contraste est fort entre des envoyés qui sont porteurs d’un
message de paix (10.13) et la violence générale et naturelle du monde.

À
La question que posent ces obstacles externes, me semble-t-il, est celle
du positionnement des ministres et de l’utilité de leur mission. Dans le

ET
scénario de Jésus, le contraste est énorme entre la modeste “salutation de
paix” (10.12-13), cette offre de paix qui est le message des disciples,
UE
qui n’ont d’autre argument que l’authenticité de leur démarche et la
transparence ou la vérité de leurs intentions ; et la violence qui leur fait
face. Vous connaissez probablement ces instructions qui ont toujours
IQ

dérangé l’Église et qui la dérangent bien sûr aujourd’hui encore, et


qu’on a donc préféré considérer comme dépassées, alors qu’il n’y a pas
FR

de raison de penser que cet appel à la simplicité ne vaut pas pour nous,
même si ce n’est pas littéralement :
L'A

“Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie de bronze pour l’emporter


à la ceinture, ni sac pour la route, ni deux tuniques, ni sandales,
ni bâton, car l’ouvrier mérite sa nourriture” (10.9-10).
À

Nous y reviendrons mais contentons-nous de mentionner pour l’instant la


disproportion, le décalage énorme, entre les envoyés de Jésus et leur
É

ministère, d’un côté, et l’immense vague de violence qui leur fait face, de
RV

l’autre côté. Il y a très nettement disproportion. L’image des brebis et des


loups communique de manière saisissante le même message : “Moi, je
SE

vous envoie comme des brebis au milieu des loups” (10.16). Les com-
mentateurs y voient une image de danger qui pourrait difficilement être
plus forte : “Les brebis qui rencontrent des loups affamés n’ont aucune

chance ; il faut un miracle pour qu’elles s’en tirent” (2).

2- Respectivement D.A. Hagner, Matthew 1-13, WBC, Dallas, Word, 1993, p.276 ; E.J. Schnabel, Early
Christian Mission, vol.I, Jesus and the Twelve, éd. rév. et augmentée, Downers Grove – Leicester, IVP –

26 Apollos, 2004, p.300.


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Dans ces conditions, comment ne pas avoir l’impression que le ministère


chrétien n’est rien d’autre qu’une goutte d’eau dans un océan d’opposition
et d’indifférence ? Comment ne pas avoir l’impression que le ministère

I
chrétien ne joue pas dans la même division que le monde ? Sans vouloir

ÏT
donner l’impression d’une image du monde la plus sombre qui soit, ou

HA
d’une approche entièrement pessimiste, essayons plutôt de percevoir le
sens que peut avoir la description surprenante de la mission chrétienne
selon Jésus. Il y a là un élément qui peut-être, intéresse notre situation

À
particulière : ce sentiment de décalage que l’on peut ressentir, lorsqu’un
ministère de paix suscite le conflit ou l’indifférence, lorsque l’action

ET
d’un pasteur ou d’un missionnaire, dans un lieu donné, ressemble à une
goutte d’eau dans l’océan, lorsqu’un pas en avant est suivi d’un pas en
arrière, etc.
UE
Remarquons la façon intéressante qu’a Matthieu de manier l’image de
la brebis. Les disciples sont invités à regarder autour d’eux et à voir
des gens qui sont comme des brebis sans berger – c’est ce qui motive,
IQ

souvent, l’entrée dans le ministère :


FR

“À la vue des foules, il [Jésus] fut ému, car elles étaient lassées et
abattues, comme des brebis qui n’ont pas de berger” (9.36).
L'A

Puis Jésus les envoie et leur dit :


“Moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.
Soyez donc avisés comme les serpents et purs comme les
À

colombes” (10.16).
É

Qui sont les brebis et qui sont les loups ? Le missionnaire chrétien porte
RV

sur le monde qui l’entoure le regard de la compassion, parce que c’est


le regard de l’Évangile, parce que c’est le regard de Jésus. Il voit des
brebis qui ont besoin d’être nourries, fortifiées, guéries, rassemblées.
SE

Mais lorsqu’il se met en marche, il constate que les brebis perdues et sans
berger deviennent des loups, et qu’il est lui-même comme une brebis au
milieu des loups. Le monde dans lequel nous travaillons est donc une

matière humaine mouvante, à plusieurs faces, tour à tour loups et brebis,


qui malmène le missionnaire chrétien.

27
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page28

De l’intérieur
L’opposition interne est moins développée dans le discours de Jésus mais
elle est troublante. Du sein du groupe, d’abord, vient cette information

I
ÏT
gravissime : “Judas l’Iscariote, celui qui le livra” (10.4). Matthieu dresse
la liste des Douze que Jésus envoie (10.2-4) : il y a des frères, Simon et

HA
André, d’autres frères, Jacques et Jean, et des frères on passe au traître :
Judas, celui qui livra Jésus. Il y a donc une faille dans le groupe, dès le
début, et elle est béante. Le parcours de ministère que Matthieu dessine

À
sous nos yeux risque de devenir un parcours de trahison. Le désaccord
interne fondamental qui est annoncé ici est troublant.

ET
Mais du point de vue des obstacles internes, il faut aussi dire un mot des
questions familiales. Une autre des difficultés de ce discours missionnaire
UE
de Jésus, c’est son langage familial. Il est extrêmement désagréable
d’entendre parler d’un frère qui livre son frère à la mort, de parents et
d’enfants qui se dressent les uns contre les autres (10.21) ; il est extrême-
IQ

ment déplaisant d’entendre dire :


FR

“Je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre
la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère, et l’homme
aura pour ennemis les gens de sa maison” (10.35-36).
L'A

Et d’entendre Jésus ajouter :


“Celui qui aime père ou mère plus que moi n’est pas digne
À

de moi, et celui qui aime fils ou fille plus que moi n’est pas digne
de moi” (10.37).
É
RV

Il est difficile de savoir si Jésus fait référence aux effets de l’Évangile sur
les familles des gens qui se convertissent ou s’il parle aussi des familles
de ses envoyés. Néanmoins, je pense que s’il emploie ce langage fami-
SE

lial, c’est pour que tout le monde comprenne. Chacun sait ce que sont
les relations familiales. Tout le monde n’a peut-être pas l’expérience d’un
tribunal ou du palais d’un gouverneur ou d’un roi, mais les relations

familiales et les difficultés familiales, oui, on connaît. Les envoyés de


Jésus sont donc mêlés, d’une manière ou d’une autre, à des conflits et

28
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page29

tensions familiaux qui sont douloureux à porter, qu’ils les concernent


directement ou qu’ils ne les concernent pas directement, mais difficiles à
supporter parce qu’ils les renvoient à des choses qu’ils connaissent bien,

I
à leurs propres relations familiales et aux tensions que peut générer le

ÏT
ministère chrétien.

HA
De Jésus
À cette opposition interne au groupe, externe aussi, il faut ajouter une

À
dernière source d’obstacles, plus surprenante encore, Jésus lui-même et
ses exigences ou ses commandements. Il est assez frappant de constater

ET
que lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il commence par leur
interdire certains chemins (“n’allez pas sur le chemin des nations, n’entrez
pas dans une ville de Samaritains”, 10.5-6). Puis il continue en leur
UE
interdisant certains moyens (“ne prenez pas ni or, ni argent, ni pièces de
bronze, ni sac, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton…” ).
IQ

Jésus semble vouloir s’assurer que ses envoyés n’utiliseront pas d’autres
moyens que les siens, que ceux qu’il leur donne, qu’ils n’utiliseront pas
FR

non plus de moyens qui seraient en contradiction avec l’objectif de la


mission, car la fin ne justifie pas les moyens. Mais ce faisant il les met
dans une situation parfois inconfortable, et il le fait consciemment.
L'A

“Moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups”


(10.16).
À

On aurait préféré que Jésus dise : “Moi je vous envoie ; en chemin vous
rencontrerez des loups, donc faites attention”. Mais il dit : “Moi [empha-
É

tique], je vous envoie comme des brebis au milieu des loups”. Quel peut
RV

bien être ce berger qui envoie ses brebis au milieu des loups, c’est-à-dire
qui les envoie au devant du danger au lieu de les en protéger ? Sur ce
point, le risque est celui d’une incompréhension de Jésus. Comment com-
SE

prendre ce Jésus qui ferme des portes, qui ne donne pas les moyens qui
paraîtraient pourtant nécessaires et qui envoie au cœur du danger ?

Qu’est-ce que je suis supposé faire, en tant que brebis au milieu des
loups, sans moyen particulier ?

29
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page30

La question est encore accentuée par l’ampleur de la tâche :


“La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers” (9.37).

I
Le décalage là encore est énorme entre la grandeur et le peu. Face à

ÏT
l’immensité du besoin que l’on peut percevoir – les foules sont lassées et

HA
abattues –, immensité quantitative et qualitative, face aux contraintes
que Jésus lui-même impose, ou semble imposer, le positionnement des
missionnaires est difficile, par rapport à Jésus donc, mais aussi nous

À
l’avons dit par rapport au monde et par rapport à ceux avec qui l’on
travaille.

ET
LES SOLUTIONS UE
L’Évangile de Matthieu ne cache donc pas la réalité des obstacles qui se
présentent sur le chemin du ministère chrétien, si bien qu’il pourrait
paraître extrêmement pessimiste à ce propos. En fait, il n’est pas si
IQ

pessimiste que ça, puisque l’histoire se termine bien. Matthieu n’épargne


pas aux disciples chrétiens la perspective d’aucune difficulté, mais il n’en
FR

fait pas pour autant des victimes Quelles solutions propose-t-il ?


L'A

La simplicité retrouvée
Le premier élément, et le plus frappant, même si l’on n’y prête presque
jamais attention, c’est le dernier mot du discours :
À

“Quiconque donnera à boire ne serait-ce qu’une coupe d’eau


fraîche à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je
É

vous le dis, il ne perdra jamais sa récompense” (10.42).


RV

Il y a dans la simplicité de cette finale quelque chose qui fait du bien. En


fait, l’objectif est simple. Lorsqu’on a passé en revue tous les problèmes
SE

et tous les obstacles, toutes ces choses qui viennent compliquer l’exercice
du ministère chrétien – et on pourrait d’ailleurs se demander si l’on

n’assiste pas à l’époque moderne à une complexification progressive


du ministère – une fois que tout est dit, Jésus conclut par cette parole :

30
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page31

l’objectif est simple comme un verre d’eau fraîche ; et peut-être qu’on


pourrait comprendre aussi l’objectif est bon comme un verre d’eau
fraîche quand il fait chaud.

I
ÏT
La complexification donne à certains pasteurs ou missionnaires l’impres-
sion de perdre la maîtrise des choses. Effectivement, nos disciples sont

HA
baladés d’une instance à l’autre, d’un tribunal à une meute de loup,
d’une ville à une autre, comme s’ils n’avaient plus aucune maîtrise des
événements. Face à cette difficulté, alors qu’on aurait pu s’attendre à

À
ce que Jésus pose sur la table un énorme plan de bataille, comme un
général romain en campagne, il est intéressant qu’il ne pose sur la table

ET
qu’un verre d’eau fraîche et que le dernier mot soit laissé à la simplicité.
Il est bon de garder à l’esprit cette simplicité et cette beauté de l’accueil
UE
de l’Évangile par l’être humain. Cette simplicité, nous la voyons, ici et là,
au fil du temps du ministère, mais il est bon de veiller à ne pas laisser
les complications l’effacer et à chercher à la retrouver lorsque c’est
IQ

nécessaire.
FR

La mise en avant de la Parole


Le deuxième élément de solution est une mise en avant de la parole. La
L'A

crainte est paralysante et conduit au silence. Et pourtant, le ministère


implique une parole : il y a une parole à prononcer. Une parole qui est
évidemment discours et actes, ce n’est pas seulement du baratin, je pense
À

que nous en sommes d’accord. Mais les obstacles et la complexité


des choses suscitent l’inquiétude : comment dire une parole adaptée ?
É

Et pourquoi serait-elle accueillie, cette parole (10.14) ?


RV

La réponse de Jésus est celle de la proximité de la source de la parole.


Deux versets sont très éclairants :
“Ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce
SE

que vous direz ; ce que vous direz vous sera donné à ce moment
même ; car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre

Père qui parlera en vous” (10.19-20).

31
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page32

Dans un moment difficile, la proximité de la source de la parole, à savoir


l’Esprit du Père, une proximité qui pourrait difficilement être plus grande,
puisque c’est de l’intérieur que parle l’Esprit du Père. Et puis :

I
ÏT
“Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour ; ce
qui vous est chuchoté à l’oreille, proclamez-le sur les toits en

HA
terrasse” (10.27-28).

Le ministère implique l’énoncé d’une parole, et celle-ci ne peut naître que

À
de la proximité de la source : la présence intérieure de l’Esprit du Père ;
et peut-être plus inattendu, le chuchotement du Seigneur à l’oreille de son

ET
serviteur. Les difficultés du ministère peuvent rendre difficile l’écoute
de la parole ; mais le recentrage sur la parole fait partie de la réponse
de Jésus : la parole des ministres du Christ ne peut venir que de l’écoute
UE
de ce que Jésus chuchote à leur oreille. L’image suggère une proximité
attentive de l’Écriture, de la parole de Dieu, accompagnée d’une sensi-
bilité à la présence intérieure de l’Esprit. Et j’aimerai ajouter que ce
IQ

n’est de toute évidence pas seulement le culte personnel qui est en cause :
c’est tout l’enracinement du ministère dans la parole du Seigneur.
FR

Le lâcher prise
L'A

L’autre solution que l’on peut percevoir dans le texte, c’est ce qu’on
appelle aujourd’hui le “lâcher prise”. L’Évangile de Matthieu montre bien
que la mission des disciples de Jésus est en réalité la mission de Jésus.
À

C’est la réponse au décalage dont nous avons parlé précédemment.


Jésus est tout à la fois le Seigneur de la moisson et l’ouvrier de la moisson.
É

Jésus parcourt les villes et les villages, il occupe le terrain. Et lorsqu’il a


RV

fini de donner ses instructions, alors qu’on s’attend à lire : Lorsque Jésus
eut achevé de donner ses instructions, ses disciples partirent en mission,
on lit plutôt :
SE

“Lorsque Jésus eut achevé de donner ses instructions à ses douze


disciples, il partit de là pour enseigner et proclamer le message

dans leurs villes” (11.1).

32
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page33

La finale de Matthieu est bien connue : “Je suis avec vous tous les jours”.
Jésus ne quitte jamais le terrain de la mission. Le lâcher prise dont
je parle ici, c’est l’attitude qui consiste à dire : c’est la mission de Jésus.

I
On est d’autant plus malmené par les événements, on a d’autant plus

ÏT
l’impression que la situation nous échappe, que l’on pense que la

HA
mission nous appartient. Ce constat : c’est la mission de Jésus, pourrait
permettre une certaine prise de distance par rapport au ministère.

À
Le regard de Jésus
La quatrième solution est liée au regard de Jésus. Le regard de Jésus est

ET
à l’origine de toute la démarche :
“Voyant les foules, il fut ému, car elles étaient lassées et abattues
UE
comme des brebis qui n’ont pas de berger” (9.36).

Mais si l’on tourne une page ou deux de l’évangile, on comprend mieux


IQ

ce que Jésus voit lorsqu’il regarde les foules. Lorsque nous regardons
les “foules”, quelles qu’elles soient, nous voyons peut-être une masse
FR

de travail, une impossibilité, un océan de besoin ou au contraire


d’indifférence, etc. Lorsque Jésus regarde les foules, il voit un lépreux,
un centurion romain, une femme souffrante, une belle-mère alitée, un
L'A

démoniaque gadarénien, un paralytique, des pécheurs, un chef, deux


aveugles, et bien d’autres. Le regard de Jésus fonctionne comme une
loupe. Lorsque ce regard est porté sur la foule, il perçoit des situations
À

individuelles. Il y a donc deux sortes de regards : le regard global, qui


fait dire que la moisson est grande mais qu’il y a peu d’ouvriers. C’est
É

un regard légitime, bien sûr, puisque c’est une parole de Jésus. Mais il y
RV

a aussi l’autre regard, toujours de Jésus, qui nous invite à chercher au


cœur des foules les lépreux, les centurions romains, les femmes malades,
les belles-mères alitées, les tourmentés, les paralysés, les pécheurs en
SE

tous genres, les aveugles, etc. Si l’on se limite au premier regard, on se


trouve face à une impossibilité. Le second regard ramène le ministère à

l’échelle humaine et à son domaine d’efficacité véritable : la relation


personnelle. Une personne après l’autre, une situation après l’autre.

33
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page34

Le serpent et la colombe
La cinquième solution qu’offre le discours de Jésus est à chercher dans
deux images animales :

I
ÏT
“Soyez donc avisés comme les serpents et innocents comme les
colombes” (10.16).

HA
Les disciples viennent d’être avertis qu’ils seront comme des brebis au
milieu des loups, et ce verset leur indique une façon de faire face.

À
L’image du serpent ne paraît pas à première vue très positive, même si
la prudence du serpent pourrait bien avoir été proverbiale et donc sans

ET
connotation négative trop marquée. Mais même si c’est effectivement
le cas, la juxtaposition du serpent et de la colombe n’est pas sans
surprendre. Et je me demande si cet étonnant parallèle n’illustre pas la
UE
difficulté de l’attitude que vont devoir adopter les disciples, et la tension
qu’elle implique. L’image du serpent “rusé” ou “avisé” suggère une
IQ

habileté de pensée et d’action. On peut faire le rapprochement avec


l’invitation à prendre garde et fuir à temps, donc la vigilance de celui ou
FR

celle qui est sur le qui-vive et qui sait décider à temps. L’adjectif apparaît
chez Matthieu en trois endroits : dans la parabole de l’homme “avisé”
qui construit sa maison sur le rocher (7.24), donc qui sait anticiper la
L'A

tempête qui vient ; dans la parabole du serviteur fidèle et “avisé” (24.45 ;


par. Luc 12.42), dont la vigilance active est toujours sur le qui-vive ;
et surtout dans la parabole des dix vierges (25.2,4,8,9), dont les cinq
À

“avisées” ont su anticiper le passage du temps. Quant à l’image de la


colombe, il s’agit d’une intégrité innocente qui se refuse au compromis
É

avec le mal, y compris pour échapper aux loups. Il faut donc cumuler ces
RV

deux images pour comprendre le message : il s’agit d’un positionnement


délicat, celui d’une vigilance intelligente et sage, qui sait donc anticiper
peut-être les crises, ou les échéances du calendrier, notamment, dans le
SE

texte, par des changements, d’une ville à l’autre ; mais cette vigilance
reste innocente dans le sens où elle n’est pas une habile stratégie de

gestion de carrière ni une succession d’échappatoires.

34
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page35

Le rappel
Dernier élément : le rappel. Le nécessaire rappel, au sens d’un ré-appel.
Les disciples ont été appelés au chapitre 4 : suivez-moi et je ferai de vous

I
ÏT
des pêcheurs d’hommes. Ce qui veut dire qu’en arrivant au chapitre 10,
cinq chapitres se sont déjà écoulés. L’un des disciples, qui n’est pas

HA
nommé, avait déjà dû être rappelé au chapitre 8 ; il voulait s’éloigner de
Jésus pour aller enterrer son père : “Suis-moi, lui dit Jésus, et laisse les
morts ensevelir leurs morts” (8.22). Puisqu’il était déjà disciple, c’est au

À
moins la deuxième fois qu’il entend cet appel à suivre Jésus. Au chapitre
14 (v.29), Pierre va devoir entendre une nouvelle fois l’appel de Jésus :

ET
“Viens !”. Il faut dire qu’il s’agit de descendre du bateau pour marcher
sur l’eau, donc d’un moment délicat et important, d’un pas de foi, d’une
étape. La toute fin de l’Évangile de Jean nous raconte d’ailleurs encore
UE
un appel de Pierre : “toi, suis-moi” (Jn 21.22).

Avec le temps qui passe, l’appel initial, la vocation initiale, devient un


IQ

souvenir, plus ou moins net, que l’on peut perdre de vue. D’où l’idée de
rester attentif à de possibles renouvellements de cet appel. Ces renouvel-
FR

lements, on ne peut évidemment pas les provoquer, mais à certains


moments du ministère, peut-être à des moments-clés, ou à des étapes, ou
L'A

à des périodes d’interrogations, il peut arriver que l’appel du Seigneur


résonne à nouveau, peut-être de manière légèrement différente, mais
en tout cas qu’il vienne prolonger l’appel et l’envoi initial, si l’on y est
À

attentif.
É
RV
SE

35
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page36

La dynamique
de groupe dans

I
ÏT
HA
le contexte de l’Église

À
SUSAN CLIFTON ET
EVERT VAN DE POLL

ET
Où en serions-nous sans les diffé- Formée en psychologie clinique,
psychothérapie et accompagnement
rents petits groupes au sein de la spirituel, Susan Clifton est chargée
UE de cours à l’Institut Biblique de
communauté ? Que ce soit le Nogent. Elle accompagne des per-
sonnes engagées dans le ministère
conseil, les équipes de travail ou ou en formation, et elle intervient
dans plusieurs associations et
IQ

encore les groupes de maison, œuvres.


leur fonctionnement est essentiel Evert Van de Poll dirige le départe-
FR

pour le développement de l’Église. ment de formation de la Fédération


des Églises Évangéliques Baptistes
Mettre en évidence leur dyna- de France (FEEBF) et l’École
Pastorale. Il est aussi professeur en
L'A

mique permet de mieux les com- missiologie à la Faculté de Théologie


Évangélique de Louvain (B.)
prendre et d’éviter pas mal de
problèmes qui peuvent y surgir.
À
É

La dynamique de groupe est un sujet qui s’inscrit dans le vaste domaine


RV

du “relationnel”. Nous passons notre vie dans de multiples groupes.


Dans les sciences sociales, beaucoup d’études et de recherches ont été
SE

menées pour mieux comprendre le comportement “social” des personnes


et les phénomènes collectifs qui se produisent quand les gens agissent
ensemble.

C’est le sociologue américain Kurt Lewin qui a forgé, en 1944, l’expression


“dynamique de groupe”. Influencé par les modèles psychanalytiques,

36
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page37

il a fait des expériences, après la Seconde Guerre Mondiale, visant


à faire évoluer les attitudes des ménagères américaines à l’égard de
certains aliments réputés peu appétissants. Ainsi a-t-il initié la discipline

I
qui porte encore ce nom.

ÏT
On entend par dynamique de groupe l’ensemble des phénomènes,

HA
e
mécanismes et processus psychiques et sociologiques qui émergent et se
développent dans les petits groupes sociaux d’environ 6 à 20 individus
durant leur activité en commun. Elle étudie ces mécanismes et processus,

À
elle propose des pistes d’action pour améliorer le fonctionnement des
groupes, et elle forme des responsables dans le domaine de la gestion

ET
d’un petit groupe.
UE
PERTINENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉGLISE
Les applications de ces recherches sont multiples. Notons, en particulier,
le domaine de l’enseignement scolaire. De très nombreuses études ont
IQ

démontré que pour un élève moyen, l’apprentissage est meilleur lorsqu’il


s’opère en groupe, tant pour ses connaissances que pour ses aptitudes.
FR

Il développe une attitude plus positive envers la matière étudiée et est


capable de réaliser des objectifs plus développés. Bref, on retient mieux
L'A

ce que l’on a étudié ensemble. Ce que l’on a découvert en discutant et


travaillant ensemble a plus d’impact.
La pertinence de la dynamique de groupe pour le développement de
À

l’Église n’est que trop évidente, du fait que l’édification mutuelle et la


collaboration dans l’œuvre du Seigneur en sont des éléments fonda-
É

mentaux.
RV

Au sein d’une Église, il y a plusieurs petits groupes : conseil, comités


ponctuels, équipes de travail, école du dimanche, groupe de jeunes.
Pensons également à des réunions de prière et des études bibliques,
SE

souvent suivies par un nombre restreint de fidèles. Certaines communautés


sont si peu nombreuses, qu’elles fonctionnent, en fait, comme un petit
groupe, avec la dynamique qui lui est propre.

37
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page38

Dans les années 1970 et 1980, on a vu émerger le phénomène de


groupes de maison ou de quartier. C’était le nouveau modèle pour le
développement de l’Église, mis en avant pour favoriser la communion

I
fraternelle, l’enseignement des fidèles ou encore pour la pratique des

ÏT
dons spirituels. D’autres considéraient que des réunions informelles de

HA
maison étaient très appropriées pour attirer des personnes de l’extérieur.
Depuis quelques années, cette approche s’est amplifiée par l’évangéli-
sation en petit groupe du style Parcours Alpha, Passerelles, et autres.

À
Pour bien gérer et animer ces petits groupes, il faut en comprendre la
dynamique. Ceci est d’autant plus important que les conflits dans l’Église

ET
naissent en général au sein de ses sous-groupes. Là où nous sommes
amenés à travailler ensemble, nous sommes confrontés à des difficultés
UE
qui sont propres au fonctionnement d’un groupe. Mal comprises et mal
gérées, ces difficultés deviennent sources de conflits. Mieux comprendre
la dynamique de groupe et le rôle d’un animateur de groupe va
IQ

permettre de “tuer dans l’œuf” pas mal de conflits potentiels.


FR

D’un point de vue humain et sociologique, l’Église est un groupe avec


tout ce que cela implique en termes de dynamique interpersonnelle.
Nous avons donc intérêt à tirer profit de ce que nous enseignent ceux qui
L'A

ont étudié le fonctionnement de petits groupes dans des secteurs de


la société aussi variés que les écoles, les entreprises, les associations, ou
encore les institutions de santé publique.
À

Pourtant, on ne peut réduire le fonctionnement de l’Église aux seuls


É

facteurs sociologiques, car elle est plus qu’une structure purement humaine.
RV

Elle est à la fois le “corps du Christ” dans lequel s’opère la dynamique


du Saint-Esprit : la présence active de Dieu dans nos vies et dans nos
réunions. Si nous pouvons beaucoup apprendre des recherches en
SE

sciences sociales, nous le faisons sans exclure ce facteur “divin”.


38
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page39

Dans cet article, nous allons mettre en exergue quelques aspects du


fonctionnement d’un quelconque groupe de taille réduite (20 membres
maximum).

I
ÏT
LE GROUPE EST UN “SYSTÈME”

HA
Un groupe revêt toujours deux aspects fondamentaux : (1) la tâche, le
but, ou la raison d’être, et (2) la dynamique relationnelle entre les

À
membres.
Un groupe est un organisme dynamique, toujours en mouvement. C’est

ET
le lieu où opèrent, sans cesse, des dynamiques interpersonnelles.
Un regard, quelqu’un qui change de place, un léger malaise chez
quelqu’un… sont des choses presque inaperçues mais qui s’additionnent
UE
et affectent les membres de manière mystérieuse.

Imaginez par exemple un groupe de maison dans lequel un membre


IQ

reste silencieux, ses yeux fixés sur ses chaussures. Lui-même est déjà
un être complexe, qui réfléchit, ressent, répond, mais il va aussi susciter
FR

plusieurs réactions chez les autres. Parfois la personne silencieuse


tiendra plus de pouvoir et d’influence que les autres, car elle suscite des
réactions intenses. Si on est présent dans un groupe, il n’est pas possible
L'A

de “ne pas participer”. Même quand on ne dit rien, on contribue à la


dynamique du groupe, en obligeant les autres à réagir d’une manière ou
d’une autre : va-t-on l’ignorer ? Dire quelque chose à son égard ?
À

Lui poser une question ? Bref, dans un groupe, chaque comportement


individuel à une incidence sur les autres.
É

Au lieu d’“organisme”, on peut aussi parler de “système”. C’est un terme


RV

dynamique. Il signifie une unité qui est plus que la simple somme de
ses parties. Le groupe est un ensemble de personnes interdépendantes,
SE

le produit du contexte des membres et de leurs interactions.


Interaction et interdépendance, forme quelque chose de très complexe.
On distingue des sous-groupes, des dyades (relation entre deux

personnes) et des triades (relation entre trois personnes dans le groupe).

39
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page40

Cela veut dire que dans un groupe de 6 personnes il y a 15 dyades ou


relations entre deux personnes, et 20 triades ou triangles possibles.
La figure suivante montre les premiers à gauche. À droite, on voit 4

I
triangles, mais il faut imaginer les 16 autres possibilités !

ÏT
HA
À
ET
UE
IQ
FR
L'A
À

Quand le nombre de personnes augmente, la complexité de leurs


interactions augmente de façon exponentielle.
É

Un bloc dans le groupe


RV

Si deux personnes se soutiennent mutuellement tandis que les autres ont


des opinions partagées, cela constitue un bloc déterminant qui va peser
SE

sur le développement du groupe. Ainsi, une petite minorité peut-elle


déterminer et même manipuler la vie du groupe entier dans une direction

souhaitée – à condition que les autres ne s’expriment pas et ne s’accor-


dent pas pour l’éviter. On parle alors d’un “bloc”.

40
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page41

Ce phénomène peut être utilisé comme une stratégie par quelqu’un qui
cherche à dominer le groupe. Tout seul, il se sent trop faible ; donc il
cherche un “copain” parmi les membres. Une fois ce copain trouvé, il se

I
sent plus fort. Maintenant, il ose dire des choses, puisqu’il sait que son

ÏT
copain le soutient.

HA
Par exemple : deux conseillers se parlent souvent en dehors de la réunion
du conseil, sur des sujets qui font débat. Ils ne sont pas d’accord avec
la manière dont se déroulent les travaux dans le bâtiment. Ils en parlent

À
aux autres mécontents dans l’Église et ils se disent qu’il faut réduire les
dépenses pour l’évangélisation afin de solliciter une entreprise pour

ET
terminer les travaux dans les meilleurs délais. Pendant la réunion, ils
présentent leur cas. Ils prennent les autres conseillers de court, en disant
UE
que “beaucoup de membres ne sont pas contents et souhaitent que cette
décision soit prise”. Les cinq autres membres ne sont pas contents d’avoir
été exclus, mais comme ils n’ont pas réfléchi à d’autres possibilités la
IQ

décision est prise.


FR

Hiérarchie de systèmes
Quand le groupe est à l’intérieur d’un autre système qui dépend d’un
L'A

autre, les systèmes s’affectent mutuellement. Il y a une hiérarchie qu’il


vaut mieux discerner. Au niveau des Églises, on distingue, en ordre
montant, les petits groupes, le conseil, l’assemblée générale, la dénomi-
À

nation.

Si un représentant du système au-dessus vient visiter un groupe, la


É

dynamique change. Le groupe va réagir à cette nouvelle présence afin


RV

de la gérer d’une manière ou d’une autre : l’accaparer, l’ignorer, essayer


de la gagner, lui plaire pour avoir son approbation, ou devenir agressif
SE

pour montrer la rébellion contre le système. L’issue dépendra de l’image


que le groupe a du pouvoir et de la compétence de ce système
supérieur.

41
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page42

LE GROUPE A UNE VIE (DANS LE TEMPS)


Jean Maisonneuve a bien dit que “les groupes ne sont pas des objets
figés. Ils naissent, se développent, se maintiennent, ou se dispersent ;

I
ÏT
bref, ils ont une histoire”(1).
L’interaction des membres va évoluer dans le temps. Cette évolution

HA
dépend beaucoup de l’environnement du groupe et de la personnalité
du responsable. Cependant, la recherche montre que tout groupe a
un cycle de vie qui passe presque toujours par quatre phases bien

À
reconnaissables.
Quand on parle de ces phases, on fait référence normalement à ce qui

ET
se passe dans la vie d’un groupe qui reste stable pour un laps de temps.
De ce fait, ajouter ou soustraire une personne, change la dynamique car
sa présence demande une nouvelle réorganisation des interactions. Par
UE
conséquent, on peut se retrouver dans une phase antérieure. Mais cela
ne change pas les grandes lignes de l’évolution d’un groupe.
IQ

Phase 1 – exploration
FR

Pendant au moins deux ou trois rencontres, on apprend à se connaître,


on cherche à se sentir en sécurité, à savoir où on va, avec qui et com-
ment. Chacun explore le groupe et ses possibilités. Le partage est limité
L'A

et assez superficiel. On passe par des moments d’anxiété ou de silences


gênants.
Les questions qui habitent les participants : qui sont ces personnes ?
À

Vont-ils m’inclure, m’accepter, ou m’exclure ? M’apprécient-ils ? Est-ce que


je les apprécie ? Vais-je vouloir prendre des risques pour m’exprimer ?
É

Puis-je faire confiance ? Vais-je y trouver ma place ? Lui appartenir tout


RV

en restant moi-même ?

Le responsable doit alors établir une atmosphère de confiance et de


SE

sécurité. Cela passe par :


• clarifier le contenu et les objectifs,

• demander à chacun individuellement sa motivation pour participer,


• montrer son propre engagement envers le groupe et son fonctionnement,

1- Jean Maisonneuve, La dynamique des groupes, Que Sais-je ? 2004, p.6.


42
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page43

• s’intéresser à chacun, affirmer leur participation, reconnaître leurs


besoins,
• traiter leurs questions et inquiétudes d’une manière positive et sensible,

I
• répondre avec calme et acceptation aux émotions négatives qui

ÏT
peuvent s’exprimer.

HA
Phase 2 – “conflit” (transition / trouver sa place)
Des éléments positifs émergent, mais certains membres montrent moins

À
d’enthousiasme, plus d’impatience et d’anxiété, ils sont plus souvent
absents. On voit surgir des luttes pour gagner le contrôle, quelques

ET
conflits et des frustrations. Certains disent que “le groupe n’est pas si
bien que j’espérais”. UE
Or, les changements et les résistances aux changements constituent
un aspect essentiel de la vie des groupes. Sa croissance passe néces-
sairement par là ! Des tensions se développent, tantôt positives, tantôt
IQ

négatives, selon les désirs et les défenses des uns et des autres. Le grou-
pe sera constamment en train d’essayer de résoudre ces tensions et de
FR

rétablir un équilibre plus au moins stable.


Il est plus facile de changer “en groupe” dans un groupe interactif que
L'A

dans un groupe qui assiste à un cours magistral, une étude, ou une


prédication, car il y a là moins de risque de s’écarter des “normes” des
autres. À ce stade, on a déjà commencé à se connaître davantage, donc
À

il y a moins de résistance à changer (2).

Pendant cette phase, les membres se demandent : À quel point vais-je


É

me dévoiler ? Suis-je en sécurité ? Y a-t-il danger d’être rejeté ? Qu’est-


RV

ce que les autres pensent de moi jusqu’ici ?


Pour le responsable, il s’agit d’être ouvert et honnête, certainement pas
SE

sur la défensive. Au lieu d’esquiver une tension, ou de la refouler, mieux


vaut la constater, tout simplement, et libérer la parole : “moi, je discerne
quelques tensions parmi nous, et vous ?”. Il a vocation à donner le ton

aux autres dans la manière dont il gère les difficultés.

2- Jean Maisonneuve, La dynamique des groupes, Que Sais-je ? 2004, p.94.


43
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page44

Phase 3 – “confort” (travail / productivité / croissance)


La phase suivante est celle de : “On est bien ensemble ! On peut accom-
plir quelque chose ensemble”. Le groupe fonctionne comme un avion

I
ÏT
volant à “l’altitude de croisière”. Il y a de la confiance, une bonne
cohésion, de l’intimité, de l’empathie, etc. On a établi les normes, et

HA
chacun a trouvé sa place. Le groupe dépend moins du leader. Les rôles
sont flexibles et fonctionnent bien de sorte que l’on dépense de l’énergie
positive. On va vers le but, ce qui est très motivant !

À
Attention : cette phase peut s’interrompre. Le groupe repasse alors à
nouveau par la phase précédente. Cela peut se produire à plusieurs

ET
reprises : 3 – 2 – 3 – 2, etc.
Attention également au pouvoir du groupe sur les membres individuels !
Au fur et à mesure des rencontres, il y a de plus en plus de convergence
UE
de normes. Les membres sont influencés mutuellement, ils changent vers
le consensus du groupe. C’est merveilleux et à la fois dangereux !
IQ

Dangers à ce stade, le groupe peut :


FR

• devenir “fermé” aux personnes de l’extérieur, comme un clan,


• se sentir tellement à l’aise, on est tellement bien ensemble, que la
croissance individuelle s’arrête,
L'A

• commencer à critiquer l’Église ou ses responsables, il devient un


bastion de mécontentement ou de contestation.
À

Il faut continuer à chercher l’équilibre entre encourager les membres et


relever de nouveaux défis.
É

Comme dans toutes les phases, l’anxiété des personnes joue un rôle. Un
RV

peu d’anxiété, ça aide. Par contre, trop d’anxiété crée des problèmes.

Phase 4 – “stagnation” transformer ou terminer ?


SE

Quand un groupe fonctionne trop longtemps sans changement (2 ans ?),


son développement peut stagner.

Selon les études menées en sciences humaines, tout groupe est amené à
disparaître tôt ou tard. Soit il s’autodétruit par manque d’énergie, ce qui
arrive très fréquemment, soit il se transforme et se diversifie.

44
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page45

Est-ce que cela s’applique aussi à l’Église ? En tant que corps du Christ,
l’Église a une destinée éternelle, elle dispose de l’énergie inépuisable
de l’Esprit, elle connaît une diversité qui ne met pas en danger son

I
existence et elle se développe sans cesse. Mais tout cela n’empêche

ÏT
pas que des communautés locales peuvent entrer dans une phase de

HA
stagnation, parfois au point de disparaître en tant qu’institutions. Ceci est
encore plus vrai pour de petits groupes. Aucun d’entre eux n’est assuré
de longévité ni à l’abri de stagnation. Parfois, il faut décider de mettre

À
fin à un petit groupe. Si tel est le cas :
• Prenez le temps de bien terminer. Plus le groupe a été soudé, plus le

ET
deuil sera difficile.
• Dressez le bilan de ce que vous avez reçu, et appris.
• Discutez de la manière dont on a vu le groupe se développer ou se
UE
transformer.
• Faites état de la croissance que vous avez vue chez l’un ou l’autre
IQ

membre du groupe.
• Reconnaissez ensemble le sentiment de “vide” que la “perte” du grou-
FR

pe pourra engendrer chez les membres. Cela aidera à traverser le


deuil et à s’ouvrir à de nouveaux engagements.
L'A

LE PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION


Une autre facette de la dynamique de groupe est le processus de prise
À

de décision. Chaque groupe a un certain objectif ou une raison d’être.


Les membres s’associent pour vivre quelque chose, pour accomplir
É

quelque chose. Selon le modèle proposé par Bruce Tuckman, le processus


RV

de décision idéal d’un petit groupe se produit en 4 étapes :


• Formation : aller vers les autres, déterminer les objectifs ;
• Lancement : abaisser les barrières de la politesse et tenter d’aller dans
SE

le vif du sujet même si cela engendre quelques altercations ;


• Régularisation : s’habituer à chacun et développer la confiance et la
productivité ;

• Exécution : travailler dans un groupe avec un but commun sur une


base hautement efficace et coopérative.

45
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page46

Ce modèle, appelé “les stades de Tuckman”, se réfère à l’ensemble


du groupe. Bien évidemment, les individus à l’intérieur d’un groupe
fonctionnent de différentes manières. Tout l’enjeu pour le responsable

I
est de les faire travailler ensemble, d’arriver à un consensus. S’il y a trop

ÏT
de méfiance entre les membres, un groupe n’arrivera jamais au stade

HA
de régularisation. Le responsable doit discerner les étapes de prise de
décision. Si le processus stagne, il va falloir proposer de changer la
composition du groupe, peut-être de carrément le dissoudre en tant

À
que tel et de créer un nouveau groupe. Cela peut éviter que les gens
s’enlisent dans des tensions improductives.

ET
COMPOSITION DU GROUPE UE
Quels sont les facteurs qui déterminent la dynamique spécifique de tel ou
tel groupe ? D’abord, sa composition.
IQ

Taille
FR

Le nombre idéal est entre 6/7 et 10. Si le nombre va au-delà de 12,


il n’y aura pas assez de temps pour que chacun puisse s’exprimer. Si le
nombre est de 4 ou 5, la discussion est de moindre qualité.
L'A

Ouvert ou fermé
Certains groupes sont “ouverts”, de nouvelles personnes peuvent s’y
À

joindre et des membres peuvent le quitter quasiment à tout moment. Par


conséquent, la dynamique est caractérisée par moins de profondeur,
É

moins de vulnérabilité et moins d’intensité que dans des groupes


RV

“fermés” qui n’admettent pas de nouveaux membres. Dans ces derniers,


on manifeste plus de confiance et les gens se montrent plus vulnérables.
SE

Il n’y est pas nécessaire de répéter les objectifs ni de passer par les
premières phases.
Le danger d’un groupe ouvert est de rester trop superficiel, tandis qu’un

groupe fermé court le risque de devenir exclusif. Les membres sont trop
proches les uns des autres, les échanges trop intenses. Il y a danger de

46
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page47

nombrilisme. Souvent un groupe ouvert est fermé un certain laps de


temps. Par exemple : cette année scolaire, nous allons travailler ce livre ;
après quoi, on peut accueillir de nouveaux membres.

I
ÏT
Le responsable

HA
Son rôle est non seulement d’animer les réunions, mais aussi de faciliter
l’intégration de chacun. En plus, il devra gérer les difficultés et parfois
recadrer le groupe si l’on a perdu de vue sa raison d’être ou la tâche à

À
accomplir. C’est lui l’animateur du groupe. Ses qualités relationnelles,
son rôle, son influence, ainsi que les capacités interactives qu’il développe,

ET
sont déterminants pour l’évolution du groupe.

Les membres
UE
Chaque membre a ses besoins et ses attentes. Par exemple :
• Vouloir appartenir.
IQ

• Être accepté, compris, ou reconnu.


• Apprendre quelque chose.
FR

• Pouvoir s’exprimer.
• Se nourrir spirituellement.
L'A

Si de tels désirs sont partagés, ils peuvent renforcer la cohésion, mais si


les besoins et les attentes sont trop divergents, ils peuvent, par contre,
mettre la cohésion en péril, voire la rendre impossible.
À

Les attentes sont souvent irréalistes, ce qui engendre des déceptions. Le


groupe ne peut pas combler tous les besoins relationnels. Dans l’Église
É

comme dans la famille, on peut vivre des relations saines, mais jamais
RV

parfaites. Les membres amènent aussi leurs peurs. La peur d’être connu
tel qu’on est véritablement. La peur d’être trahi, déçu, rejeté. La peur de
SE

changer, d’échouer.
Tout cela – besoins, attentes et peurs – est en rapport avec le “bagage”
personnel et familial de chacun. Ce qu’on a vécu dans sa propre famille

ou dans un autre groupe peut se répéter. On en est plus ou moins


conscient.

47
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page48

Certains membres ont grandi dans des familles dysfonctionnelles où il


leur était interdit par exemple, d’exprimer leurs émotions, d’émettre une
opinion personnelle, ou de tout simplement discuter et négocier. L’impact

I
sur un enfant peut être très fort car il internalise les schémas et les

ÏT
messages véhiculés par la famille. De telles personnes vont rejouer ces

HA
manières de fonctionner dans “la famille du groupe”, et par conséquent,
peuvent par exemple refouler systématiquement certaines émotions,
avoir du mal à faire confiance au responsable, ne pas pouvoir parler de

À
ce qu’elles pensent ou ressentent et ne pas savoir exprimer de l’affection
et de l’amour.

ET
De telles personnes ont le cœur partagé. Désireuses d’être aimées,
valorisées, respectées, elles ont peur d’un échec, du rejet, de l’abandon.
On remarque chez elles des projections, des manipulations, de la
UE
jalousie, des conflits ou une hypersensibilité qui peuvent avoir un impact
difficile à gérer dans le groupe actuel.
Pour le responsable, il s’agit d’observer de tels comportements et de les
IQ

reconnaître. Il va peut-être falloir parler en tête à tête avec la personne


dans le but de l’encourager à trouver une aide plus personnalisée en
FR

dehors du groupe.

Il arrive que des personnes dites “difficiles” soient psychologiquement


L'A

trop fragiles pour bien fonctionner dans le groupe. Elles ont des difficultés
relationnelles mais ne savent pas ce qui est approprié. Par conséquent,
leur présence est un fardeau trop lourd pour le groupe. La solution est de
À

leur trouver un autre contexte plus approprié à leurs besoins, capable de


les entourer. Si on décide de les intégrer, il est important de ne pas être
É

focalisé sur elles et de ne pas prêter trop d’attention à leurs difficultés.


RV

LA COHÉSION DU GROUPE
SE

Retournons aux aspects généraux des petits groupes. Leur bon fonction-
nement dépend, d’abord du niveau de cohésion. Il en va de la solidarité

des membres dans le groupe. Elle se décline en deux éléments, corres-


pondant à deux besoins qui semblent être contradictoires mais qui sont,
en fait complémentaires.

48
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page49

Appartenance
Les gens se regroupent selon leurs similitudes culturelles, leurs affinités...
Ils cherchent une proximité avec les autres et des éléments d’identité

I
ÏT
commune. En général, on veut appartenir à un groupe parce que l’on est
attiré par un but commun, une action collective, la fierté d’appartenir

HA
à ce groupe, la sécurité qu’il offre, ou encore la possibilité d’échapper
à l’anxiété de la solitude. D’autres sont attirés par la perspective de
pouvoir satisfaire certains besoins personnels pour lesquels ils ont besoin

À
de la présence d’autres : domination, dépendance, reconnaissance,
prestige.

ET
Pour le bon fonctionnement du groupe, un certain lien entre les membres
est indispensable. Parfois, ce lien est déjà présent dès le début ; le plus
UE
souvent il se crée par un processus d’identification. Autrement dit, ça se
travaille.
IQ

Différentiation
FR

Il faut respecter les limites entre les personnes, leur existence autonome.
Que chacun reste soi-même tout en étant lié aux autres. Il s’agit donc de
trouver le juste milieu !
L'A

Pour le responsable, il s’agit de veiller à permettre aux membres d’ap-


partenir et de se sentir acceptés, sans pour autant se fondre totalement
dans l’ensemble, car c’est l’échange et la complémentarité qui nous font
À

évoluer.
É

Au niveau de la cohésion, deux types de dysfonctionnements sont


RV

possibles. Soit les membres sont trop proches les uns des autres, soit ils
sont trop désengagés dans un chacun pour soi. Dans le premier cas, le
groupe devient fusionnel, avec trop d’intensité émotionnelle. Ceci peut
SE

amener les gens à faire trop de sacrifices personnels pour le groupe ou


créer un phénomène de fanatisme. Dans le second cas, l’assistance
devient irrégulière. On aura plutôt envie de rester à la maison et de lire

un livre sur le sujet !

49
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page50

L’ENVIRONNEMENT OU LE “CLIMAT”
Le bon fonctionnement d’un groupe dépend, deuxièmement, de ce que
l’on appelle son environnement. On peut aussi dire ambiance, atmo-

I
ÏT
sphère ou “climat”. Dans ce domaine, le dirigeant a une responsabilité
particulière, c’est lui qui doit établir un environnement qui facilite la

HA
croissance, le progrès, le travail ensemble, l’interaction. Mais tous les
membres ont leur part de responsabilité, eux aussi. Notons quelques
règles à respecter dans ce domaine.

À
Cadre physique

ET
Le responsable doit veiller à un environnement qui facilite la croissance
des membres et le progrès du groupe. UE
Accueil
Inutile de souligner la nécessité d’amour et d’acceptation. On ne les
IQ

communique pas seulement par des paroles mais aussi par des gestes
concrets, et par l’écoute accordée à chacun.
FR

Cohérence
L'A

Il va falloir que les gens se sentent en sécurité et qu’ils puissent se faire


confiance mutuellement. Pour cela, il faut de la cohérence. En général,
les gens sont très sensibles à la cohérence entre paroles et actes. Ils sont
À

rassurés dans la mesure où le contexte dans lequel ils se trouvent


est fiable. Cela veut dire, par exemple, que l’on commence à l’heure
É

convenue et qu’on termine à l’heure annoncée.


RV

Pour le responsable, il s’agit de tenir ses engagements, de faire ce qu’il


a dit, d’être aussi disponible pour parler à l’un comme à l’autre.
SE

La confidentialité
Pour établir et maintenir la sécurité et la confiance, la confidentialité est

une condition sine qua non. Ce qui se dit dans le groupe, doit rester dans
le groupe, à moins que l’on demande permission de le dire à des tiers.

50
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page51

De la même manière, ce qui est dit confidentiellement en dehors du


groupe, par exemple, avec un responsable, ne doit pas être divulgué
dans le groupe. Attention aux échanges de “sujets de prière”, qui sont

I
parfois de nature à tourner en bavardages, voire commérages.

ÏT
Une autre règle d’or est d’éviter de parler à la place de l’autre. Parler au

HA
nom de tous est également à éviter. Mieux vaut exprimer ses propres
pensées à la première personne, “je”, et écouter ce que disent les
personnes elles-mêmes.

À
Empathie et réconfort

ET
Une autre règle est de faire œuvre d’empathie et de réconfort. Tout
le monde désire être compris. Ce qui est vrai dans les périodes de
UE
souffrance l’est aussi dans la vie en général : il est réconfortant de ne pas
se sentir seul ou abandonné. Certes, on peut s’appuyer sur la présence
de Dieu, qui est un “Dieu de toute consolation” (2 Co 1.3 et 7.6).
IQ

Cependant, on a également besoin de ce que l’autre nous manifeste ce


réconfort en faisant œuvre d’empathie. Comme le dit l’apôtre Paul :
FR

“réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, et pleurez avec ceux qui


pleurent” (Rm 12.14). Dans ce domaine, tous les membres du groupe
L'A

sont mis à contribution, mais en particulier le responsable.

Espoir et encouragement
À

Chaque groupe vise un certain développement, une croissance. Cela


implique un changement de pensée ou de comportement. Dans un groupe
É

de maison, par exemple, le changement désiré est de croître dans la foi,


RV

de progresser dans la vie spirituelle.

Pour le responsable, il s’agit d’admettre la difficulté de changer mais


SE

aussi d’encourager les gens à progresser en soulignant que le change-


ment est possible. Quand on voit quelqu’un dans le groupe changer, les
autres seront d’autant plus motivés.

51
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page52

Respect mutuel
Chaque membre a la capacité de faire des choix, de s’exprimer, de ne
pas être victime des autres. Il a la possibilité de changer. Il convient de

I
ÏT
respecter ce potentiel, et de laisser à l’autre la liberté d’agir de son
propre gré. Le but du groupe n’est pas de décider à la place des autres,

HA
mais d’équiper chacun pour assumer sa propre responsabilité. Les motiver
à aller de l’avant. Leur donner des outils. Les aider à découvrir pour
eux-mêmes que Dieu “ne leur a pas donné un esprit de timidité mais de

À
force, d’amour, de sagesse” (2 Tm 1.7).
Il y a chez chaque membre du groupe un pouvoir personnel qui est

ET
“sain”, qui permet d’exister, qui n’est pas mauvais. Ce qui est mauvais,
c’est l’abus de ce pouvoir. Certes, chacun peut influer sur l’autre, dans
une certaine mesure. Le groupe peut exercer un contrôle “sain” sur les
UE
membres, un contrôle qui sécurise, qui n’est pas utilisé pour manipuler
d’autres ou se rebeller.
IQ

Ouverture et honnêteté
FR

Si nous voulons grandir dans la foi, il faut reconnaître honnêtement ce


que nous sommes, ce que nous vivons. Le responsable doit veiller à ce
que cela puisse se dire dans le groupe. Quand on se rend vulnérable en
L'A

admettant sa peur, cela va aider les autres à s’ouvrir. Quand on dit la


vérité dans l’amour, en gardant toujours en vue le bien-être de l’autre,
on crée une atmosphère détendue, de non-jugement et de grâce. Alors,
À

l’autre va se sentir invité à se dire également. Mais on gardera le silence


quand quelqu’un a besoin de réfléchir.
É
RV

Honnêteté implique également une liberté d’expression. Est-ce que nous


allons exprimer nos émotions, nos peurs, nos rêves, nos échecs ? Une
ouverture dans ce domaine va nous aider à grandir.
SE

Information et perspective

Les gens doivent savoir où ils en sont quant au programme, aux sujets
d’étude, aux projets, aux décisions à préparer. Et ils veulent savoir où ils

52
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page53

vont avec le groupe. Quelle est la perspective ? Est-ce que l’on va


avancer ? Arriver quelque part ? C’est là une tâche particulière pour
le responsable : bien informer les gens, et anticiper ce qui va suivre,

I
garder le cap sur l’avenir.

ÏT
HA
CE QUI PEUT “TUER” LE GROUPE
Quatre choses peuvent “tuer” le bon fonctionnement d’un groupe.

À
D’abord la confiance trahie. Une personne fait part de quelque chose au
groupe, et quelques jours plus tard, une autre personne qui n’appartient

ET
pas au groupe, vient lui dire : “je prie pour toi” en faisant référence au
sujet dont elle avait parlé dans le groupe.
Ensuite, un manque de sensibilité. Par exemple, dans une étude biblique,
UE
une question posée remue quelque chose chez une personne qui
commence à pleurer. Tous sont mal à l’aise. Le responsable dit : “Bon,
ce passage nous touche, c’est sûr, alors passons au prochain verset”.
IQ

La personne finit par quitter la pièce et partir. Face à des réactions


personnelles, il est possible de laisser la personne s’exprimer sans lui
FR

donner de “conseils”, au lieu d’éviter ou ignorer la difficulté. De cette


façon, le groupe “accueille” ce que dit la personne, ce qu’elle vit, avec
L'A

sensibilité. Quelqu’un peut formuler une prière pour elle. Le responsable


peut lui proposer un suivi personnel après l’étude.

Autre facteur néfaste : l’immaturité. Une personne “dépendante” va


À

attirer toute l’attention du groupe, comme un bébé dans sa famille. Le


groupe l’aide et le conseille souvent. Puis, une nouvelle personne arrive
É

et attire désormais toute l’attention sur elle, devenant le nouveau “bébé”


RV

du groupe. Cela crée de la jalousie. On devine aisément la suite.


En tout cas, le pire recours face aux difficultés dans le groupe est
SE

d’exclure une personne dont on pense qu’elle pose trop de problèmes.


Quand cela arrive, toutes les autres se sentent inconsciemment en
danger de vivre la même chose.

53
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page54

STRUCTURER L’INTERACTION
Si vous pensez à des expériences de groupe qui ont été négatives pour
vous et que vous analysez les raisons, vous allez voir qu’elles ont souvent

I
ÏT
trait à une interaction défaillante. Soit au niveau de la structure des
échanges, soit au niveau de la communication.

HA
Aucun groupe ne peut fonctionner sans structurer l’interaction. Cela
dépend en particulier du responsable, mais rien ne se fera sans concer-
tation avec l’ensemble du groupe. Structurer veut dire deux choses :

À
1. Établir des règles

ET
Certaines règles ou normes sont explicites : des objectifs, des attentes, et
des horaires clairement définis, la règle de confidentialité, etc. D’autres
UE
vont se développer inconsciemment, au fur et à mesure. Elles sont
“implicites”.
Au départ, il faut discuter des règles, et il est nécessaire d’en reparler de
IQ

temps en temps, cela permet à chacun de participer et d’y adhérer. Ainsi,


un sentiment d’appartenance (ownership) va s’installer, de sorte que les
FR

gens disent : c’est “mon groupe”.

2. Clarifier les rôles


L'A

Chaque membre va inévitablement et presque inconsciemment jouer un


certain rôle. Ce rôle peut être flexible ou figé. Par exemple, celui de
À

médiateur, de clown, de protecteur, de sauveteur, d’avocat du diable, de


brouilleur... En cas de difficultés dans ce domaine, il faut réfléchir à quel
É

besoin une personne cherche à répondre en assumant un rôle perturba-


RV

teur. Y a-t-il une autre façon d’y répondre ? A un certain moment, il peut
être nécessaire d’en parler, de définir ou de répartir certains rôles, afin
de sécuriser le groupe. Cela permet à chacun d’y trouver sa place.
SE

Au niveau de la structure, deux dysfonctionnements sont possibles.


Quand elle est trop rigide et figée, les échanges restent en surface, il y a

peu de partage, on s’ennuie. Quand elle est trop floue, elle devient
chaotique. Par exemple, tous ne savent pas dans quel lieu ou à quelle

54
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page55

heure on se retrouve. On commence en retard. On dévie trop souvent du


sujet. On se perd dans de vaines discussions, chacun ne fait que répéter
ses opinions.

I
ÏT
LA COMMUNICATION

HA
La qualité de la communication dépend des facteurs suivants :
• Écoute active.

À
• Clarté. Par exemple, quand les gens donnent des réponses vagues,
on peut demander : Est-ce que tu veux expliquer davantage ? Donner

ET
un exemple ? Quel lien vois-tu avec le sujet de discussion ?
• Vulnérabilité appropriée. Cela veut dire être honnête, vrai, authen-
tique, éviter de se cacher derrière un masque. Adopter une telle
UE
attitude dépend de la mesure dans laquelle je désire et choisis de me
dévoiler.
IQ

• Émotions et empathie. Qu’est-ce que je dévoile ?

Il est intéressant de regarder ce que les chercheurs appellent l’échelle de


FR

l’intimité :
L'A

L’échelle de l’intimité
5. partage des rêves, espoirs, peurs ;
4. partage des émotions, sentiments (ressentir) ;
À

3. partage des idées, opinions (penser) ;


2. partage des faits (faire) ;
É

1. politesse, “pluie et beau temps”.


RV

Plus on monte sur l’échelle, plus les risques augmentent d’être blessé
SE

par les réactions des autres. Quand l’intimité augmente, les échanges
deviennent plus riches, la confiance augmente mais aussi la vulnérabilité.
Le responsable doit veiller à ce que le groupe y aille doucement.

Attention à ne jamais forcer les gens à aller plus loin qu’ils ne sont prêts
à aller dans la relation de confiance.

55
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page56

Cette échelle d’intimité s’applique à l’évolution du groupe dans le temps.


On monte progressivement.
Elle s’applique également à chaque réunion ; on commence au plus bas,

I
puis on monte.

ÏT
Parfois, quand la confiance s’est bien installée, les personnes sont tentées

HA
d’aller trop loin dans de dévoilement. Le responsable doit alors les
protéger d’elles-mêmes parce qu’elles risquent fort de regretter cette
ouverture après coup.

À
Quand les échanges dans un groupe sont souvent au niveau 4, voire 5,
il faut faire attention aux risques possibles. On aura besoin de baisser ce

ET
niveau d’un cran ou deux, ne serait-ce que pour un certain temps. Sinon,
l’interaction devient trop intense. Souvent, il suffit de changer de sujet,
UE
de varier le programme ou d’introduire de nouveaux éléments pour que
les échanges puissent redémarrer à une échelle plus basse.
Si l’interaction reste très intime au fil du temps, le groupe risque de
IQ

devenir fermé et dissocié du reste de la communauté. Dans ce cas-là,


il est sage de ne plus le poursuivre dans sa composition actuelle.
FR

S’agissant d’intimité, il faut bien noter que les petit groupes dans les
Églises, quel que soit leur caractère, se distinguent d’un groupe de
L'A

thérapie. Donc, évitez des questions qui cherchent à analyser les profon-
deurs psychiques de quelqu’un ou qui poussent quelqu’un à dire
des choses de l’ordre de l’intime. Si elles sont inappropriées, cela va le
À

déstabiliser. Ne confrontez pas les personnes à leur façon d’agir, de


parler. Ne creusez pas des sujets personnels.
É

Néanmoins, chaque groupe qui fonctionne bien peut avoir un effet


RV

“thérapeutique” sur les membres, tout comme chaque relation person-


nelle qui est saine !
SE

56
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page57

ÉVALUATION
Ce bref survol de la dynamique du groupe se veut un outil pour évaluer
le fonctionnement du groupe dont on fait partie, qu’on en soit respon-

I
ÏT
sable ou simple membre. Une manière assez simple est la suivante.
Divisez une feuille en trois colonnes :

HA
• points forts (ce que vous faites bien) ;
• points faibles (ce que vous pouvez améliorer) ;
• points problématiques (ce que vous devez changer).

À
Ensuite, vous relisez cet article. Après chaque section vous vous arrêtez

ET
pour noter les points forts, faibles et problématiques de votre groupe.
Dans une Église, il est envisageable que plusieurs responsables fassent
UE
une évaluation, chacun de son groupe, selon la même méthode. Cela
permet de comparer les points forts, faibles et problématiques, et d’en
discuter ensemble afin d’améliorer le fonctionnement des petits groupes,
IQ

dans l’intérêt de toute la communauté.


FR
L'A

Le “Réseau des scientifiques évangéliques”


À

organise à Paris sa
troisième journée de réflexion le 22 janvier 2011
É

sur le thème :
RV

“Perspectives cosmologiques, écologiques et bibliques sur l’avenir”.


Théologiens, astrophysiciens et écologistes débattront ensemble de la façon d'intégrer
SE

les perspectives bibliques et scientifiques pour élaborer une vision chrétienne du futur.
Contact : Rachel Vaughan :

rachel.e.vaughan@gmail.com ; www.scientifiquesevangeliques.org.

57
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page58

Les lignes directrices


d’une éthique sociale

I
ÏT
chrétienne

HA
À
LOUIS SCHWEITZER
Commission d’éthique protestante

ET
évangélique FEEBF, UEELF, UNEPREF

Dans la ligne droite de la


réflexion sur “être sel de la terre”
UE
(voir Cahier précédent), ce texte
aborde le thème de notre res-
IQ

ponsabilité dans la société.


Bien sûr, c’est un “texte de
FR

comité”, donc consensuel.


Cela veut dire que les idées
L'A

individuelles ont été exposées


au jugement des autres, ce qui
correspond d’ailleurs à un prin-
À

cipe biblique. “Ensemble” nous


É

comprendrons mieux la volonté


RV

du Seigneur. Aussi pour ce qui


est de notre mission auprès
de nos contemporains.
SE

58
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page59

Notre souhait est de dégager quelques-uns des principes ainsi que les
lignes essentielles d’une éthique chrétienne dans le domaine social et
politique. Nombreux sont les chrétiens protestants évangéliques qui se
e

I
sont engagés et s’engagent aujourd’hui dans le service des autres et

ÏT
la lutte contre les injustices. Ils l’ont souvent fait comme une simple

HA
conséquence de l’Évangile qu’ils cherchaient à vivre et à annoncer, sans
trop préciser les principes qui les guidaient. Surtout, ils ont pu le faire
dans des perspectives différentes selon leurs arrière-plans théologiques

À
ou historiques. Nous ne cherchons pas ici à plaider pour une de ces
approches, encore moins à en proposer une nouvelle. Nous voudrions

ET
simplement préciser et rappeler des principes essentiels en éthique
sociale, un peu comme une confession de foi rappelle un essentiel que
des théologies différentes pourront ensuite mettre diversement en valeur.
UE
Ce texte, écrit par Louis Schweitzer et travaillé par la Commission
d’éthique protestante évangélique qui le fait sien, reste ouvert, il ne prétend
pas tout dire et dire la norme, mais proposer des lignes qui peuvent être
IQ

prolongées, les questions du jour obligeront certainement à préciser


certains points. Nous voulons ouvrir le débat dans les Églises et stimuler
FR

leur action.
L'A

PRÉAMBULE
“Recherchez la paix de la ville où je vous ai exilés et intercédez pour
À

elle auprès du Seigneur, car votre paix dépendra de la sienne” (1).


Ce commandement est surprenant car il est destiné au peuple juif, alors
É

exilé à Babylone et soumis à la servitude. Or, loin de comploter contre


RV

Babylone, le peuple devait agir en sa faveur ! Il est tout à fait remar-


quable que ce peuple ait eu à cœur de prier pour la paix, c’est-à-dire la
prospérité, d’un peuple qui le maltraitait de la sorte. Dieu voulait que son
SE

peuple soit un instrument de paix plutôt que de haine. Cette injonction


divine trouve écho ailleurs dans l’Ancien Testament, notamment dans ce
passage bien connu du livre du prophète Michée : “On t'a fait connaître,

ô homme, ce qui est bien ; et ce que l'Éternel demande de toi, c'est que

1- Jérémie 29.7.
59
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page60

tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches


humblement avec ton Dieu” (6.8). Dieu appelle à l’amour du prochain
(l’individu qui se trouve en face de nous), et à faire preuve d’équité,

I
ou de justice, dans la société.

ÏT
Certains auteurs du Nouveau Testament ont repris ces principes à leur

HA
compte. Par exemple, Pierre adresse sa première épître “à ceux qui
vivent en étranger dans la dispersion” (1.1). Cette description des desti-
nataires est très certainement plus théologique qu’elle n’est sociologique.

À
Pierre s’adresse ici au peuple de Dieu qui est en terre étrangère car pas
encore arrivé à la destination finale qui lui est réservée dans les cieux.

ET
Mais au sein de sa situation intermédiaire, ce peuple est exhorté à s’im-
pliquer dans la ville, à bénir plutôt qu’à rendre le mal pour le mal (3.9),
UE
à faire le bien et à rechercher la paix autour de lui (3.11). De même,
Jacques explique dans son épître que “La religion pure et sans souillure
devant celui qui est Dieu et Père consiste à prendre soin des orphelins
IQ

et des veuves dans leur détresse, et à se garder de toute tache du


monde” (1.27).
FR

Ces appels sont toujours d’actualité. Les chrétiens sont plus que jamais
appelés à “faire le bien” autour d’eux, à devenir des citoyens engagés
L'A

dans la cité. Pourtant, au cours des siècles, la tentation du retrait


“quiétiste”, opposé à l’action dite profane, demeura. Certains chrétiens
croient que l’existence chrétienne implique de se détourner des préoccu-
À

pations du monde présent, le considérant comme dangereux pour la foi.


Pour eux, la préoccupation première et exclusive du chrétien doit être sa
É

piété personnelle. Le retrait hors du monde est donc motivé par le désir
RV

de ne pas être corrompu par lui et d’une relation toujours plus intime
avec Dieu. Mais ce désir authentique manque sa cible quand il se con-
centre sur soi. Si Dieu désire effectivement que les chrétiens se gardent
SE

de toute tache du monde, pour reprendre l’expression de Jacques 1.27,


c’est bien aussi parce qu’il leur demande de vivre et de s’impliquer dans

ce monde ! De même, une relation personnelle avec Dieu ne peut se vivre


à l’écart du monde. Les exemples pourraient être nombreux. Que l’on

60
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page61

pense simplement à William Booth, le créateur de l’Armée du Salut, à


Martin Luther King, au pasteur Marc Boegner ou aux nombreux
anonymes du Chambon-sur-Lignon qui, au nom de leur foi, sont venus

I
en aide aux juifs lors de la deuxième guerre mondiale. C’est aussi en

ÏT
côtoyant le pauvre, l’orphelin, l’étranger, le prisonnier ou l’opprimé

HA
que nous rencontrons Christ : “Dans la mesure où vous avez fait cela à
l’un de ces plus petits, l’un de mes frères, c’est à moi que vous l’avez
fait (2)”.

À
L’Église et la cité

ET
Quel est le lieu de l’éthique sociale chrétienne ? Le chrétien est en effet
appelé au Royaume de Dieu et ce Royaume est déjà présent, là où est le
UE
Christ, là où est l’Esprit. Mais en même temps, il n’est pas encore pleine-
ment réalisé. L’Église, la communauté nouvelle formée par les disciples
de Jésus-Christ en est déjà un avant-goût ; elle devrait en être comme un
IQ

poteau indicateur. Elle est en tout cas appelée à vivre le plus pleinement
possible les relations nouvelles que l’Évangile annonce. En ce sens,
FR

comme le dit Stanley Hauerwas, “l’Église est une éthique sociale (3)”.
Mais, en même temps, le chrétien est encore dans la cité et il est appelé
à lui vouloir du bien. Témoin imparfait du Royaume, le chrétien cherche
L'A

à en vivre les prémisses dans l’Église. Et ce sont les mêmes principes,


adaptés à une autre situation, limités par les possibilités historiques
concrètes, qui vont diriger son engagement dans la société. Il y a donc
À

comme un double témoignage chrétien : celui de l’Église comme commu-


nauté alternative et celui des chrétiens qui sont aussi membres de la cité
É

des hommes. Mais, pour ce double témoignage, l’inspiration profonde


RV

est la même ; seules diffèrent les possibilités d’action.


SE

2- Matthieu 25.40.
3- Stanley Hauerwas, Le Royaume de paix, Une initiation à l’éthique chrétienne, Paris, Bayard, 2006, p.181.
61
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page62

1. DU BON SAMARITAIN AUX EXIGENCES


STRUCTURELLES DE JUSTICE

I
La parabole du Bon Samaritain

ÏT
La parabole du bon samaritain est certainement une des plus célèbres

HA
de tout l’Évangile. Tout part de la question posée par un spécialiste de la
Loi : “Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?” La question
n’était pas parfaitement sincère puisqu’il est précisé qu’elle était posée

À
“pour mettre Jésus à l’épreuve”. Et Jésus renvoie celui qui l’interroge à la
Loi : “Qu’est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ?” (Quelle interprétation

ET
donnes-tu toi-même de cette loi que tu reçois comme ton autorité ?). Et le
spécialiste de la Loi répond en citant des paroles de celle-ci : “Tu aimeras
le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force
UE
et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même” (Dt 6.5 ;
Lv 19.18). Jésus accepte pleinement cette réponse et en félicite même cet
IQ

homme : “Tu as bien répondu ; fais cela et tu vivras”.


Mais le but étant de mettre Jésus en difficulté, l’homme pose une autre
FR

question : “Et qui est mon prochain ?” Excellente question que nous nous
posons souvent. On pourrait la formuler autrement : jusqu’où doivent
aller mon amour et ma solidarité avec les autres ? À partir de quand,
L'A

puis-je, en toute légitimité, cesser d’aimer ? Quelles sont les limites de


ce commandement d’amour : ma famille, mes proches, mon peuple,
certains peuples alliés ?... Et c’est cette question qui va ouvrir la porte à
À

la parabole elle-même.
É

Elle est célèbre. Un homme passe sur la route qui va de Jérusalem à


RV

Jéricho et se fait agresser. Les bandits lui prennent tout, le rouent de


coups et le laissent à moitié mort. Plusieurs personnes vont passer sur la
route et ne rien faire : un prêtre et un lévite, des gens très respectables
SE

dans ce contexte. Vient un samaritain qui s’arrête, prend soin de lui,


l’amène jusqu’à l’hôtellerie la plus proche et va jusqu’à payer pour qu’on
s’occupe de lui en affirmant même que si cela ne devait pas suffire, il est

prêt à prendre en charge la suite.

62
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page63

Peut-être sommes-nous trop habitués à entendre et à lire cette parabole


pour pouvoir la recevoir comme les auditeurs de Jésus l’ont reçue. Tout
le monde, bien sûr, dans le récit, est juif : Jésus et ceux qui l’écoutent. Or,

I
les deux personnes qui donnent le “mauvais exemple” sont tous deux des

ÏT
religieux juifs. Quant au Samaritain, il est, pour ceux qui entourent Jésus,

HA
à la fois un hérétique – pire qu’un païen, puisqu’il a une certaine
connaissance de la révélation – et une sorte de personne impure. Vous
vous rappelez que les juifs faisaient parfois de longs détours pour éviter

À
de se souiller en passant par la Samarie.

Jésus fait éclater la question de la limite. Il n’y a pas de limite. Il ne

ET
s’agit plus de savoir qui est mon prochain et qui ne l’est pas, mais
comment je peux être le prochain de celui – quel qu’il soit – qui est dans
UE
le besoin. Donc, inséparable de l’amour de Dieu, nous trouvons un
amour du prochain qui est concret, courageux et qui ne connaît pas de
limites.
IQ

En continuant la parabole…
FR

Nous sommes déjà dans le thème de l’éthique sociale. Notre fidélité à


Dieu implique un amour dévoué à celui ou à celle qui est dans le besoin,
que cette personne nous soit proche ou, comme dans la parabole, qu’elle
L'A

nous soit à tous égards étrangère.


Maintenant, nous pourrions continuer la parabole. Nous ne sommes
plus, il est vrai, sur le terrain direct de ce que la Bible dit elle-même, mais
À

sur celui de son interprétation. Imaginons que l’histoire continue.


Le lendemain, un autre voyageur se fait agresser et n’a pas la chance de
É

trouver ce bon samaritain qui, lui, a continué son voyage. Quelques


RV

jours plus tard, la même chose se produit. Que faire ? Si l’on veut suivre
l’enseignement de Jésus et exercer cet amour concret, pratique et
courageux, ne faudra-t-il pas essayer de résoudre la question de
SE

manière plus large ? Nous entrerons alors dans une autre dimension.
Nous passerons de l’acte d’amour individuel à l’action sociale, voire

politique. La motivation profonde sera exactement la même, mais


cherchera à prévenir le problème plutôt qu’à soigner les plaies des

63
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page64

voyageurs agressés. Ce passage de l’action individuelle et ponctuelle à


une action plus large, collective et générale, nous pose peut-être
quelques problèmes. Nous ne sommes pas les seuls. Dom Helder

I
Camara qui fut archevêque au Brésil disait : “Quand je soulage la faim

ÏT
des pauvres, on dit que je suis un saint. Quand je demande pourquoi

HA
ils ont faim, on m’accuse d’être communiste !(4)” C’est que l’action peut
parfois nous paraître suspecte et surtout aujourd’hui, où le politique a si
mauvaise presse et où nous sommes devenus si sceptiques devant toute

À
action collective.
L’action des chrétiens ne peut donc se limiter à la charité quand ce sont

ET
des changements sociaux structurels qui sont nécessaires pour assurer
la dignité des personnes. Il est alors légitime de passer à un niveau
politique.
UE
L’exigence de justice
IQ

Il nous faudrait pourtant relire notre Bible. Dans le livre du prophète


Jérémie, il est conseillé aux déportés de rechercher la paix de la ville où
FR

ils ont été exilés (29.7). Cette recherche implique la prière mais elle
va bien au-delà. Et rappelez-vous le nombre de passages de la Loi ou
des prophètes qui nous invitent ou qui invitent les rois ou les puissants à
L'A

la justice. Le prophète Amos n’y allait pas par quatre chemins pour
dénoncer les riches qui oppressent les pauvres et détournent la justice. Et
c’est à la lumière de ces critiques que nous devons entendre l’exhortation
À

déjà citée du prophète Michée : “On t'a fait connaître, ô homme, ce


qui est bien ; et ce que l'Éternel demande de toi, c'est que tu pratiques la
É

justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec


RV

ton Dieu” (6.8). Jésus reprendra cette exigence à sa manière : “Quel


malheur pour vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Vous payez la dîme
SE

de la menthe, de l’aneth et du cumin et vous laissez de côté ce qui est le


plus important dans la loi : la justice, la compassion et la foi ; c’est cela
qu’il fallait pratiquer sans laisser de côté le reste” (Mt 23.23).

La justice n’est pas fondamentalement différente de l’amour. Elle est la


forme qu’il prend dès qu’il s’agit de plusieurs personnes. Lorsqu’une

64 4- Jean Toulat, Dom Helder Camara, Paris, Centurion, 1989, p.116.


CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page65

seule personne est en face de nous, il nous est demandé de l’aimer. Mais
lorsque nous sommes en présence de plusieurs et que les uns exploitent
les autres ou les trompent, ce qui est attendu de nous, c’est la justice,

I
l’équité. Il est clair que, dans l’ancienne comme dans la nouvelle alliance

ÏT
(il suffit de relire le chapitre 5 de l’épître de Jacques pour en être

HA
convaincu), cette justice est au cœur du comportement chrétien dans la
société.

À
2. L’ÉTHIQUE ET LA TECHNIQUE

ET
On peut se demander s’il existe une politique chrétienne, si la Bible est
aussi un traité de philosophie ou de pratique politique. La réponse doit
être oui et non. C’est que le politique – prenons le terme au sens le plus
UE
large de gestion de la cité et aujourd’hui celle-ci peut être à la dimension
du monde – semble composé de deux parties. Pour faire vite, nous
distinguerons dans le politique “l’éthique” et la “technique”. Nous
IQ

appellerons éthique les principes qui doivent guider notre action, les
valeurs qui en sont à l’origine, les conceptions de l’être humain et des
FR

relations entre les hommes qui s’imposent à nous et à partir desquelles


nous allons faire des choix. Dans ce domaine, oui, la Bible nous parle de
L'A

politique et il existe, dans la révélation, de quoi fonder une politique


chrétienne.

Mais la réalité politique ne se limite pas à cela. Ces principes, ces


À

valeurs, vont devoir s’incarner dans des formes particulières qui varient
selon les époques et les lieux, les civilisations et les histoires, et c’est cela
É

que nous appellerons l’aspect technique du politique. Par exemple, la


RV

finalité de la justice sociale et du bien commun – c'est-à-dire du bien de


tous et non d’une minorité – semble s’imposer. Mais certains vont juger
SE

que le régime de “service public” de certains services qui relèvent de


l’utilité générale s’impose (dans les transports, ou le téléphone ou la
poste, l’énergie, etc.), alors que d’autres penseront que ces mêmes buts

seront plus facilement atteints en privatisant ces services. Service public


ou privatisations relèvent ainsi de ce que l’on peut appeler des

65
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page66

aspects “techniques” du politique. Et, sur ces questions, il semble que


la révélation nous laisse une immense marge de manœuvre. Dans des
circonstances différentes, il existe par exemple un monde entre le

I
maintien de la propriété régulièrement redistribuée que nous présente la

ÏT
loi de l’Ancien Testament et qui empêche toute concentration des terres

HA
et des moyens de production entre les mains de quelques-uns (Lv 25),
et la nationalisation de tout au nom du pharaon que Joseph réalise pour
sauver l’Égypte de la famine (Gn 41 et 47).

À
Cela ne signifie pas du tout que ces aspects techniques sont sans intérêt
ou même simplement secondaires. Au contraire, le bon choix des

ET
techniques est souvent le passage obligé pour que l’aspect éthique se
manifeste, tant ils sont, dans la pratique, intimement liés. Mais cela veut
simplement dire qu’ils sont justement discutables et que l’on peut être
UE
chrétien, avoir la même perspective d’ensemble du bien à poursuivre et
avoir des désaccords sur ces questions. Ajoutons qu’il n’y a pas, dans ce
dernier domaine, de vérité absolue, et que ce qui est bon à une époque
IQ

et dans un contexte ne l’est peut-être plus dans d’autres.


Nous allons maintenant essayer de dégager quelques lignes de force de
FR

cette éthique chrétienne dont nous parlons.


L'A

3. QUELQUES PRINCIPES DIRECTEURS


En plus de l’amour et de la justice, nous devrons commencer par
À

prendre en compte deux principes qui sont au cœur de l’anthropologie


biblique : l’être humain créé à l’image de Dieu et le péché qui est une
É

part de la réalité actuelle de toute société. Les principes que nous


RV

aborderons ensuite en découlent.

La valeur absolue de la personne humaine


SE

Chaque être humain est créé à l’image de Dieu et c’est ce qui lui donne,
dès la première alliance, sa dignité absolue (Gn 9.6, cf. Jc 3.9). Mais la

nouvelle alliance nous révèle plus encore l’amour de Dieu pour chaque
être humain. Il ne s’agit pas d’abord de peuples, de nations, de classes

66
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page67

ou de races, mais de la personne humaine et de toute personne humaine.


C’est elle qui doit être la fin véritable de toute politique. Trop souvent, les
lois de l’histoire ou de l’économie ont primé et continuent de le faire.

I
L’intérêt suprême du peuple rêvé a pris le pas sur celui des hommes et

ÏT
des femmes réels qui ont été sacrifiés. Ou encore le bien de la personne

HA
humaine d’après-demain a justifié l’oppression de celle d’aujourd’hui.
À cause de la valeur absolue que nous reconnaissons à la personne
humaine, nous plaçons le bien des personnes au-dessus de la nation, des

À
lois de l’économie, etc. De même que l’on ne peut servir Dieu et
Mammon, mettre l’argent au centre de nos préoccupations et de nos

ET
valeurs, c’est entrer dans une forme d’idolâtrie.

Le réalisme et l’imperfection
UE
Ce point est important. Ce que le chrétien est appelé à rechercher dans
le domaine politique, c’est le bien d’une communauté humaine concrète,
IQ

pas le Royaume. Une communauté d’hommes et de femmes, aimés de


Dieu et pécheurs, imparfaits et infiniment respectables. Se faire des
FR

illusions et ne pas tenir compte de la réalité conduit au mieux à des


échecs, au pire à des drames. Il est toujours étonnant de voir avec quel
réalisme les personnages les plus importants de la Bible nous sont
L'A

présentés. Il n’y a aucune idéalisation même des plus grands hommes ou


des plus grandes femmes de Dieu ; leurs faiblesses et leurs fautes sont
aussi clairement présentées que ce qu’ils peuvent avoir de meilleur. Il est
À

capital que ce réalisme demeure lorsque nous cherchons des solutions


aux problèmes de nos sociétés.
É

Cela veut dire aussi qu’aucun principe, qu’aucun système politique n’est
RV

sans défaut. Le meilleur système, la meilleure des politiques seront


toujours susceptibles de basculer dans des conséquences imprévues et
SE

nocives puisqu’ils concerneront des êtres humains pécheurs et qu’ils


seront mis en œuvre par d’autres pécheurs. Toutes les espérances de
société idéale et parfaite sont, nous devons le savoir, toujours illusoires.

Nous restons toujours, étant donné la condition humaine, dans le


domaine de l’imperfection et du moindre mal. Cela aurait dû mettre en

67
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page68

garde les chrétiens contre les grandes illusions qui ont été causes de tant
de morts et de souffrances à travers l’histoire et tout particulièrement au
20ème siècle. Mais la relativisation de notre espérance dans ce domaine

I
ne doit pas émousser en nous l’exigence de justice et de compassion que

ÏT
porte la Parole de Dieu.

HA
L’exigence de la justice
Encore une fois, la justice est le minimum de l’amour et son application

À
concrète en ce qui concerne une société. Toute la révélation ne cesse de
proclamer son importance. Cette exigence repose directement sur ce que

ET
nous venons de dire. La justice se mesure avant tout au traitement réservé
à ceux qui sont pauvres et sans défense. Nous avons tous un sens inné
UE
de la justice lorsqu’il nous semble que nous sommes victimes d’une
injustice. Mais nous sommes sujets à une étrange paralysie de ce même
sens de la justice lorsqu’il va à l’encontre de nos intérêts immédiats ou
IQ

simplement de notre confort.


C’est le droit et l’équité qui sont ici en cause. Mais la justice est au-dessus
FR

du droit, comme le principe est au-dessus de son application. On peut


très bien imaginer une société injuste qui respecte scrupuleusement le
droit, lui-même fondé sur cette injustice. Si le droit est fait pour défendre
L'A

la cause du puissant contre celle du faible, ou celle des membres d’une


ethnie contre les autres, c’est le droit qui est lui-même injuste. Une autre
manière de parler de la justice sera de mettre en valeur le Bien commun,
À

c'est-à-dire non pas les intérêts particuliers de quelques-uns, mais le bien


de la société dans son ensemble, c'est-à-dire de toutes les personnes qui
É

la composent.
RV

La véhémence des prophètes ou de Jésus lui-même à cet égard nous


gardera de penser qu’il s’agit là d’un élément facultatif ou secondaire.
SE

L’attention particulière aux petits et aux pauvres


Cette priorité que l’on retrouve si souvent dans toute l’Écriture n’a pas
pour fondement une vision romantique du pauvre qui serait supposé

68
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page69

meilleur que le riche. Mais le pauvre est justement la personne humaine


dont la dignité ne s’impose pas. S’il faut prêter une attention particulière
à la veuve et à l’orphelin, c’est parce qu’ils sont sans défense. Ils ont

I
besoin de plus d’attention, car il est tentant et facile de les laisser de côté.

ÏT
Il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup d’imagination pour appliquer

HA
ce principe à nos sociétés actuelles, aux pauvres de notre pays qui ne
sont parfois défendus par personne ou à ceux des pays du tiers-monde
qui sont eux-mêmes, en tant que nations, dans cette situation d’extrême

À
vulnérabilité.

ET
La solidarité humaine
Tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu, d’où leur égale
UE
dignité. Ce qui veut dire que toute distinction de race, de classe,
de langue ou de nation est seconde. Les communautés humaines
particulières, légitimes et nécessaires, ne doivent jamais avoir le dernier
IQ

mot. Nous sommes naturellement d’accord avec ce principe, mais avec


quelle étonnante facilité pouvons-nous le contourner et revenir à un
FR

sentiment frileux d’appartenance. Avez-vous remarqué la liberté qui est


celle de Jésus par rapport aux liens familiaux qui sont pourtant souvent
considérés comme les plus sacrés ? Il est important que les chrétiens et
L'A

les Églises se souviennent que la fidélité qu’ils ont à manifester à l’égard


de leur nation ne doit jamais prendre le pas sur la solidarité humaine
qui est fondamentale.
À
É

La recherche de la paix
RV

Nous savons bien l’importance de la paix, cette Shalom qui englobe


plus que notre mot paix qui ne signifie souvent que la simple absence de
guerre. Justice, bien-être, prospérité en font partie. Mais tout ceci ne
SE

peut exister que si la paix au sens le plus simple du mot est une réalité.
“Recherchez la paix de la ville où je vous ai exilés” (Jr 29.4-7), et la

prière pour les autorités qui nous est demandée en 1 Timothée 2 vise
aussi la paix : “afin que nous menions une vie paisible et tranquille en

69
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page70

toute piété et dignité”. Voici un autre principe important. Il n’est sans


doute pas absolu car le conflit ne dépend pas toujours de nous. Mais il
oriente néanmoins toute une attitude qui peut s’appliquer aussi bien aux

I
relations internationales qu’à la politique des banlieues.

ÏT
HA
Le respect de la création
Le mandat premier confié par Dieu à l’être humain est d’être responsable
de la création, d’en prendre soin comme un bon gérant. Pendant

À
longtemps, cela ne posait guère de problèmes car les capacités de
l’homme ne lui permettaient guère de nuire gravement à la création.

ET
Depuis le vingtième siècle, les choses ont changé et il est devenu clair que
nous sommes capables de détruire la planète ou, en tout cas, de la laisser
UE
à nos descendants dans un état tel qu’ils ne pourront plus que supporter
notre comportement irresponsable. L’écologie, le souci de la conservation
et de l’entretien de la création, est devenu une priorité. D’une part, elle
IQ

concerne notre amour du prochain en la personne de ceux qui viendront


après nous, mais d’autre part, nous sommes et serons responsables
FR

devant le créateur de ce que nous aurons fait à ce monde qui est notre
maison commune.
L'A

Voilà quelques principes bibliques qui nous semblent devoir baliser notre
comportement dans ce monde. Il est clair qu’ils ne répondent pas à tous
les problèmes et à toutes les questions que nous pourrons avoir, mais ils
À

sont le socle sur lequel nous pourrons ensuite essayer de construire. Il n’y
a là, au fond, rien de plus que le développement pratique de l’amour du
É

prochain ou au moins une forme de ce développement. L’annonce


RV

explicite de l’Évangile en est une autre, de même que l’édification de


communautés qui sont autant de lumières dans le monde. Mais précisé-
ment, nos communautés ne sont et ne seront des lumières dans ce monde
SE

que si elles essaient de manifester toutes les dimensions de la Bonne


Nouvelle de l’amour de Dieu dont elles vivent.

70
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page71

4. NIVEAUX ET MODES D’ENGAGEMENT


Une fois posée notre responsabilité à l’égard de la société, reste, bien
sûr, la question de l’engagement des chrétiens. Peuvent-ils, doivent-ils

I
ÏT
s’engager en “politique” ? Et, si oui, jusqu’où ? Un élément important
de la réflexion chrétienne dans ce domaine, et sans doute un des

HA
plus controversés sera celui des “niveaux d’engagement”. Ils sont, nous
semble-t-il, au nombre de trois :
1. l’Église comme institution, qu’elle soit locale, nationale ou même

À
internationale. Exemple : une Église locale, une union d’Églises
particulière, le Conseil d’Églises Chrétiennes en France, la Fédération

ET
Protestante de France, le Conseil National des Évangéliques de
France, le Conseil Oecuménique des Églises ou une alliance confes-
UE
sionnelle mondiale ou l’Alliance Évangélique Universelle.
2. Un groupe de chrétiens qui se revendiquent comme tels.
IQ

3. Le chrétien comme personne (électeur, militant, élu...).


FR

L’Église (en tant qu’institution)


Elle représente officiellement l’ensemble des chrétiens. À ce titre, il est
L'A

juste qu’elle rassemble des personnes ayant des convictions différentes,


autour d’une foi commune. La distinction que nous avons faite entre
éthique et technique joue ici pleinement.
À

Il est juste que l’Église exprime les convictions éthiques qu’elle reçoit de
la révélation. Elles font partie du message qu’elle est appelée à transmettre.
É

Ces convictions doivent faire partie de l’enseignement pour former les


RV

chrétiens et les éclairer dans leur responsabilité, ne serait-ce que


d’électeurs, mais également d’élus, si ce devait être le cas. Il n’y a aucune
raison pour limiter l’enseignement éthique donné dans l’Église aux
SE

questions privées et personnelles. Mais plus encore, c’est le rôle de


l’Église de proclamer publiquement ses convictions lorsqu’on les lui
demande et aussi (et peut-être surtout) lorsqu’on ne les lui demande pas.

Il n’y a aucune raison pour qu’elle ne dise pas ce qu’elle pense dans une
société où la parole est libre.

71
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page72

Il n’est pas inutile de réfléchir à la manière dont ces convictions doivent


être exprimées. La référence à la Bible doit rester seconde. Bien sûr, c’est
parce qu’elle les trouve dans la révélation que l’Église va défendre telle

I
ou telle position. Mais l’argument d’autorité n’a de valeur que pour elle.

ÏT
Que la Bible dise telle ou telle chose n’a pas de caractère convainquant

HA
pour une personne qui ne croit pas. Mentionner la source ne sera jamais
inutile, mais reste insuffisant. Il est plus utile de souligner le caractère
juste et correspondant à la réalité humaine des positions défendues.

À
Qui doit parler ? Cela dépend des sujets. Devant une question locale,
une communauté peut prendre position si elle juge que la question est

ET
d’importance (attitude raciste, problème écologique grave ou décision
franchement injuste de la municipalité par exemple). Les prises de posi-
tions seront le plus souvent la responsabilité du niveau national car c’est
UE
là que se jouent la plupart des questions politiques. Une union d’Églises
peut faire une déclaration si sa position diffère de celle des autres ou si
les autres Églises refusent de s’exprimer. Mais généralement, le poids
IQ

d’une parole sera plus grand si ce sont les Églises (chrétiennes ou protes-
tantes ou évangéliques) qui s’expriment. Il est également possible que
FR

l’institution favorise et suscite la réflexion des chrétiens en leur proposant


des documents, en éclairant leur propre responsabilité, mais en évitant
L'A

de prendre une position qui pourrait apparaître comme la parole de


l’Église sur ce sujet.
À

Le groupe de chrétiens
On peut trouver plusieurs exemples qui ont pris des formes différentes.
É

Un courant rassemblé autour d’une revue (Emmanuel Mounier et la revue


RV

Esprit), un mouvement chrétien qui fait des choix politiques (le groupe
Sully, protestant royaliste dans l’entre-deux guerres, des groupes ou
des clubs socialistes chrétiens...), une association qui s’engage sur des
SE

questions de société (le comité protestant pour la dignité humaine


(CPDH), ou la CIMADE pour la défense des étrangers et des réfugiés,

l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), etc.


Ces mouvements revendiquent à juste titre leur identité chrétienne.

72
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page73

C’est au nom de leur foi qu’ils agissent. En même temps, ils doivent
reconnaître qu’ils ne sont pas l’Église et que d’autres, qui restent des
frères ou des sœurs en Christ, peuvent avoir d’autres convictions. Ils

I
restent, avec les autres, membres de l’Église et participent avec eux au

ÏT
repas du Seigneur.

HA
Ils peuvent défendre bien des positions à condition qu’ils soient d’accord
sur le plan éthique avec les principes fondamentaux. On peut ainsi
envisager des chrétiens socialistes ou libéraux, progressistes ou conser-

À
vateurs, de droite et de gauche. Il serait sans doute plus discutable
d’envisager de faire partie d’une association des protestants d’extrême

ET
droite ou d’éventuels trotskistes évangéliques... De tels groupes doivent
effectivement avoir un enracinement chrétien véritable et ne pas être en
contradiction avec les principes fondamentaux. Le risque serait qu’ils ne
UE
soient qu’un instrument efficace pour ratisser plus large dans l’électorat
chrétien. Le parti politique chrétien – sur lequel nous reviendrons – peut
être un aspect de cette question.
IQ
FR

Le chrétien en tant que personne


Chaque chrétien est appelé à voter en tant que citoyen. On est en droit
d’attendre de lui qu’il cherche autant qu’il est possible à rester con-
L'A

séquent avec sa foi. Pour lui aussi, toutes les options sont acceptables
dans la mesure où elles restent en accord avec les principes éthiques
chrétiens.
À

La question est de savoir dans quelle mesure, il pourra militer dans un


parti (non spécifiquement chrétien), voire s’engager plus loin et devenir
É

un élu, peut-être un dirigeant. Dans le même ordre d’idée, on peut


RV

penser à des mouvements politiques ou des syndicats.


Y a-t-il des conditions qui permettent ou rendent plus problématique un
SE

engagement dans ce genre d’associations ?


Ce qui semble essentiel, c’est que le chrétien puisse garder une entière
liberté de conscience. Un chrétien ne peut jamais s’en remettre aux

décisions d’une autre personne pour se décharger de ses propres


responsabilités. C’est vrai de sa relation aux autorités au sens biblique,

73
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page74

c’est tout aussi vrai des autorités plus restreintes d’un parti. La plupart
des partis démocratiques laissent aujourd’hui une marge de manœuvre
et d’expression des convictions assez large. Rien n’empêche donc

I
un chrétien d’y adhérer, au risque parfois, sur certains sujets, d’aller à

ÏT
contre-courant. On n’aurait pas pu dire cela du parti national-socialiste

HA
allemand ou des divers partis communistes d’autrefois. Y adhérer revenait
à adhérer à une religion autoritaire et à s’en remettre de manière
disciplinée au Führer ou au Comité Central. De tels partis (ou syndicats)

À
peuvent encore exister aux marges de l’éventail politique.
Il est rare qu’un chrétien puisse être en accord avec toutes les positions

ET
d’un parti sur tous les sujets. Il aura à décider de l’importance du
désaccord éventuel et de la liberté qu’il aura de dire son opinion. Il faut,
sur cette question, garder à l’esprit le principe du moindre mal. La
UE
politique est toujours une question de compromis entre divers possibles.
Il y a, à cause de la nature humaine soumise au péché, impossibilité de
trouver de manière durable un accord sur toutes les questions. On peut
IQ

comprendre que cela empêche certains de s’engager, mais d’autres


peuvent accepter les limites de cet engagement. Jacques Ellul disait que
FR

le chrétien sera toujours un empêcheur de tourner en rond. D’accord


avec certains dans un combat, il devra souvent se retourner contre eux,
L'A

une fois la bataille gagnée, pour défendre l’autre côté des excès des
vainqueurs.

Un chrétien peut-il prendre des responsabilités et devenir un élu ? Sur


À

cette même base, pourquoi pas ? Être maire ou conseiller municipal de


petites villes est un véritable service qui demande courage et abnégation.
É

Si les députés votent les lois, ne serait-il pas heureux que plus de
RV

chrétiens s’engagent et participent aux débats ? Il existe d’ailleurs,


au parlement européen, une association de députés évangéliques
SE

(en relation avec l’alliance évangélique européenne) qui regroupe des


élus de divers partis. On ne peut pas regretter que bien des politiques ne
soient pas dignes de leurs mandats et refuser en même temps aux chré-

tiens de s’engager eux aussi.

74
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page75

Quant à savoir si un chrétien peut accéder à de hautes responsabilités,


il nous semble que rien ne s’y oppose en principe. À lui de rester ensuite
fidèle à ses convictions et à une éthique chrétienne personnelle. Cela

I
n’empêchera pas nécessairement qu’il progresse dans la carrière poli-

ÏT
tique, mais il est probable que cela ne lui rendra pas non plus la tâche

HA
plus facile...
Une remarque enfin sur la situation des pasteurs et de ceux qui exercent
une responsabilité visible dans l’Église. Étant un signe de l’Église et son

À
représentant, leur prise de position engage l’Église, qu’ils le souhaitent
ou non. Il serait donc sage qu’ils limitent leur engagement public aux

ET
questions sur lesquelles l’Église elle-même est appelée à s’exprimer (5).

La question du parti politique chrétien


UE
La question du parti chrétien revient dès que des chrétiens songent à
s’engager en politique. Nous allons essayer de cerner les principales
IQ

réponses qui lui ont été données. On peut discerner grossièrement deux
sortes de partis “chrétiens” : les partis traditionnellement démocrates-
FR

chrétiens (ou chrétiens-sociaux) et de nouveaux partis plus évangéliques.


L'A

Partis démocrates chrétiens


Les premiers sont nés globalement dans l’entre-deux guerres. Ils se
situaient dans une période où la vie politique était tiraillée entre des
À

partis conservateurs et des partis de gauche largement marqués par le


marxisme et, pour les communistes, par leur rapport direct avec l’URSS.
É

Majoritairement catholiques, ils étaient fondés sur la doctrine sociale de


RV

l’Église et ont aussi permis l’acclimatation progressive du monde


catholique à la démocratie, à la suite du Sillon de Marc Sangnier par
exemple. Certains partis protestants existaient de manière semblable
SE

dans plusieurs pays dont les Pays-Bas.


Ces partis ont toujours été ouverts à tous et ne se sont pas toujours voulus

confessionnels. Ils prenaient simplement les valeurs évangéliques comme


fondement de leur philosophie politique.

5- Un engagement comme celui du pasteur Martin Luther King relève précisément d’une exigence éthique qui
s’imposait à l’Église elle-même.
75
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page76

En fait, la plupart se sont laïcisés (c’est le cas en France où le Mouvement


Républicain Populaire, explicitement démocrate chrétien, est devenu
Centre Démocrate, puis Centre des démocrates sociaux avant de se

I
mêler à d’autres courants centristes dans l’UDF et ses descendants

ÏT
d’aujourd’hui), même si certains gardent dans leur titre la référence

HA
chrétienne (CDU allemand). Ils sont peu à peu devenus de grands partis
de pouvoir en bien des pays d’Europe (mais pas en France) au point de
n’être plus, dans certains cas, que des partis de gestion et de clientèle

À
(ce fut le cas de la DC italienne). La plupart sont aujourd’hui des partis
simplement conservateurs au point que le PPE (Parti Populaire Européen

ET
qui rassemblait les partis européens démocrates chrétiens) s’est ouvert à
tous les partis conservateurs.
On peut dire que leur caractère chrétien est la plupart du temps symbo-
UE
lique, même si leur doctrine politique reste assez proche d’une doctrine
sociale chrétienne. Leurs positions ne sont guère différentes de celles que
l’on trouve dans la social-démocratie ou les partis libéraux. Peut-être
IQ

peut-on ajouter que, si leur doctrine était, à l’époque de leur gloire en


tout cas, très solidement fondée en théologie (thomiste avec Jacques
FR

Maritain ou calviniste aux Pays-Bas), leur pratique a très rapidement


été la défense des classes moyennes qui représentaient leur électorat
L'A

naturel…

Les partis confessants


À

Dans de nombreux pays, sont nés de petits partis plus confessants, voire
professants qui se revendiquent de la foi chrétienne, la plupart du temps
É

évangélique.
RV

Ils reposent sur l’idée que les chrétiens auraient un certain nombre de
valeurs à défendre dans la société. Ils sont souvent le fruit d’une
SE

démarche minoritaire et réactionnaire (au sens premier du terme : ils


réagissent à quelque chose). La question est de savoir quelles sont les
valeurs chrétiennes engagées. Il s’agit souvent de la défense d’un certain

nombre de positions sur des questions d’éthique personnelle : sexualité,


avortement, etc. Les questions plus vastes d’économie ou de politique

76
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page77

mondiale semblent moins les intéresser. Mais si cela est vrai de certains
de ces mouvements, il ne s’agit pas là d’une question de principe.
Demeurent cependant deux problèmes.

I
D’une part, le caractère de ghetto qui semble assez nécessairement lié à

ÏT
ces partis. Ils veulent rassembler des chrétiens et, à ce titre, ne peuvent

HA
que renvoyer les autres partis dans une sorte de non christianisme.
Cet usage de l’étiquette chrétienne risque assez facilement d’être abusif.
On peut être chrétien et avoir diverses positions. Mais d’autre part, la

À
question qui demeure est celle de la pérennité possible de ce genre de
parti. En effet, soit il est ouvert à tous ceux qui pensent de cette manière,

ET
même s’ils ne sont pas chrétiens. Mais alors si le parti est démocratique
et qu’il connaisse un certain succès, il deviendra rapidement un parti
chrétien de nom comme les partis démocrates chrétiens traditionnels.
UE
Si, au contraire et pour pallier à ce danger, il devient une sorte de parti
de professants, il n’est plus vraiment un parti politique et n’est que
l’expression d’une petite minorité. Il se rapproche alors d’un club de
IQ

réflexion.
Notre crainte est que la perspective d’un parti spécifiquement chrétien ou
FR

évangélique limite l’influence des chrétiens et risque de fausser leur


témoignage en les “parquant” dans un mouvement marginal. On peut
L'A

cependant sans doute imaginer certains cas où ce mouvement pourrait


permettre l’expression d’une pensée chrétienne.
Il est également possible qu’il existe des situations où la création d’un
À

nouveau parti soit la seule solution pour tirer un pays du marasme.


La référence chrétienne, le lien même avec les Églises, peut être alors une
É

sorte de solution pour sortir d’une crise.


RV

Mais, en dehors de ces situations limites et dans le cas d’une démocratie


qui fonctionne relativement bien, il nous semble que l’engagement de
chrétiens dans des partis ouverts à tous, en fonction de leurs convictions,
SE

est somme toute préférable. C’est ainsi qu’ils pourraient le mieux être,
dans ce domaine, “sel de la terre et lumière du monde”.

77
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page78

POUR CONCLURE : AGIR À TEMPS


Bien souvent, les chrétiens ne se sont souciés des problèmes de la société
que lorsqu’il était trop tard. Ce fut le cas, de manière tragique, lors de la

I
ÏT
montée des dictatures au vingtième siècle, mais il est fréquent que leurs
prises de position, leurs engagements ne fassent que suivre ceux de

HA
beaucoup d’autres. C’est à temps qu’il leur faut agir s’ils veulent que
leurs paroles ou leurs actes aient un sens. Comme le disait Jacques Ellul,
le chrétien devrait être devant, “c’est la mission prophétique du chrétien

À
d’essayer de penser avant que l’événement ne soit devenu fatalité. Il y a
des moments où l’histoire est souple. C’est alors qu’il faut s’insérer à

ET
l’intérieur pour faire jouer les rouages. Mais quand la bombe atomique
est déclenchée, ce n’est plus le moment de lui chercher un parachute (6)”.
Il est souvent trop tard parce que les chrétiens se sentent obligés de
UE
parler et d’agir lorsque la situation est devenue insupportable.
Ils réagissent alors contre ce qui est déjà fait et qui n’a guère de chances
IQ

d’être défait. C’est plus tôt qu’il aurait fallu s’engager, et de manière
positive. Plutôt que de protester – même si c’est parfois indispensable –
FR

quand il n’est plus temps pour changer les choses, les chrétiens devraient
s’engager de manière positive à soigner les maux de la société. “Il est
temps que les chrétiens comprennent que chaque “non” comporte un
L'A

“oui” infiniment plus exigeant” disait déjà Emmanuel Mounier en


1949 (7).
À
É
RV
SE

6- Jacques Ellul, À temps et à contretemps, Entretiens avec Madeleine Garrigou-Lagrange, Paris,


Le centurion, 1981, p.97.

78 7- Jean-Marie Domenach, Emmanuel Mounier, Paris, Le seuil, 1972, p.135.


CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page79

I
ÏT
HA
À
ET
UE
IQ
FR
L'A
À
É
RV
SE

79
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page80

TEXTE DE PRÉDICATION

I
Purifiez les lèpreux

ÏT
HA
PIERRE GEISER
Pierre Geiser est pasteur retraité de

À
l’Église Évangélique Méthodiste et
actuellement secrétaire général de la
Dans toutes les cultures, la lèpre Mission Évangélique contre la Lèpre.

ET
Il a exercé son ministère d’abord
est considérée comme un signe dans les Cévennes, puis à Nîmes, et
ensuite en région parisienne. Ses
de la malédiction des dieux. À engagements parallèles au ministère
pastoral ont été ou sont encore dans
UE
cause de cela, des millions le domaine social, la Mission et dans
diverses associations de regroupe-
d’hommes et de femmes, dans ment d’Églises ou d’œuvres chré-
tiennes.
le monde entier sont rejetés hors
IQ

de la société. Ils sont privés de


FR

la chaleur de leur foyer, et privés


de la possibilité de subvenir à
leurs propres besoins et à ceux
L'A

de leur famille. En 2011, la


journée mondiale contre la
lèpre aura lieu le dimanche 30
À

janvier. Une bonne occasion


É

pour exposer ce que la Bible dit Matthieu 10.8 :


RV

à son sujet. “Guérissez les


malades, ressuscitez
les morts, purifiez les
SE

lépreux, chassez les


démons. Vous avez

reçu gratuitement,
donnez gratuitement”.

80
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page81

INTRODUCTION
Dans nos pays, la lèpre a disparu depuis environ un siècle. À la
Valbonne, près de Pont-Saint-Esprit, dans le Gard, la léproserie fondée

I
ÏT
par Philadelphe Delord en 1929 après un séjour missionnaire en
Mélanésie a accueilli des malades de la lèpre pendant près de 50 ans,

HA
et le dernier y est décédé en 2003.
Ce que l’Ancien Testament désigne par la “Lèpre” dans le Lévitique,
concerne manifestement un éventail plus étendu – incluant aussi des

À
tâches sur des tissus, des vêtements de peaux et même sur les murs des
maisons. L’ensemble des manifestations appelées “lèpre” dans ce contexte

ET
touche des maux pour lesquels il n’y a pas de remède. La solution, c’est
l’exclusion des personnes ou la destruction des objets qui portent la
marque de la malédiction.
UE
Dans nos Bibles, le terme de “lépreux” est employé très couramment. De
nos jours nous évitons généralement de l’utiliser, tout comme on évite de
IQ

parler d’un “tuberculeux” ou d’un “cancéreux”. La personne affectée par


une maladie ne doit pas se résumer à son mal. Nous croyons fermement
FR

qu’aux yeux de Dieu, l’être humain, quel que soit son état, reste d’abord
un être créé à l’image de Dieu et a droit à tout notre respect. Si, dans la
suite de cette prédication le terme “lépreux” est employé, ce ne sera que
L'A

pour citer les textes bibliques en restant au plus près des expressions
employées. Nous croyons que dans ce contexte il n’y a pas lieu de
donner un sens péjoratif à cette désignation.
À

Puisque dans nos pays la lèpre a disparu, pourquoi encore en parler ?


Je vois au moins deux bonnes raisons de le faire :
É

1. À cause de la place à part que revêt ce mal. Faut-il parler de


RV

maladie ? Pas si sûr si nous nous en tenons à l’ordre de Jésus


dans Matthieu 10. Relisons le verset 8 : “Guérissez les malades,
SE

ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons…”


2. À cause de l’ordre missionnaire de Jésus d’aller vers toutes les
Nations pour en faire des disciples, nous sommes aujourd’hui

encore confrontés à la lèpre et aux terribles conséquences qu’elle

81
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page82

entraîne. Jésus, en venant sur la terre, s’est dépouillé de sa


divinité et s’est abaissé pour s’approcher des plus petits et des plus
malheureux (Ph 2.1-11). Nous sommes invités à l’imiter. Il est donc

I
tout à fait normal que nous nous préoccupions du devenir de ceux

ÏT
qui par “excellence” symbolisent le péché. Jésus, en venant sur

HA
terre a mis un terme à la malédiction.

Mais avant d’en venir aux bonnes nouvelles de la Nouvelle Alliance, il


vaut la peine de s’arrêter d’abord à ce que l’Ancien testament nous

À
apprend. Deux chapitres entiers sont nécessaires pour donner aux
Sacrificateurs des instructions au sujet de la lèpre (Lévitique 13 & 14).

ET
I. LA LÈPRE SOUS L’ANCIENNE ALLIANCE.
UE
Si Dieu donne la lèpre en signe de réprobation, cette malédiction
n’est pas irréversible. Le lévitique donne aussi tout un ensemble de
IQ

prescriptions pour la purification des “lépreux” lorsque l’impureté a


disparu. Myriam, sœur d’Aaron et de Moïse, est exclue pendant une
FR

semaine hors du camp et après cela sa lèpre disparaît. Le cas le


plus spectaculaire est celui de Naaman, chef de l’armée syrienne (2 R 5).
La jeune esclave ramenée d’Israël lors d’une des razzias que les Syriens
L'A

menaient périodiquement et qui était au service de la femme de Naaman


sait que dans son pays les lépreux peuvent être purifiés. Elle surmonte
sa peine d’être coupée de sa famille et manifeste de la compassion pour
À

son maître qui est atteint de lèpre. Bientôt, il va perdre sa place et être
chassé comme un pestiféré. Mais la jeune fille suggère que s’il était en
É

Israël, il pourrait être débarrassé de sa lèpre. Après bien des péripéties,


RV

Naaman accepte d’aller se plonger dans le Jourdain. Ce représentant


d’un peuple particulièrement honni en Israël devient un adorateur du
SE

Dieu vivant.
Quelque temps après (2 chapitres plus loin dans le second livre des Rois)
les Syriens sont une nouvelle fois devant Samarie et assiègent la ville.

La nourriture vient à manquer, et le prophète Élisée annonce que le


lendemain, il y aura de la fleur de farine et de l’orge en abondance.

82
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page83

Personne ne le croit. Bien que le prophète ait à plusieurs reprises averti


des plans de Ben Hadad, roi de Syrie, le roi d’Israël ne croit pas à
l’annonce du prophète. L’écuyer du roi se moque également en affirmant

I
que même si Dieu ouvrait des fenêtres dans le ciel une pareille chose

ÏT
serait impossible. Le prophète lui annonce qu’il le verra de ses yeux mais

HA
qu’il n’en profitera pas. En effet, il fut piétiné par la foule qui se pressait
à la porte dont il organisait la garde.
Pendant ce temps, 4 lépreux qui se trouvent hors des murs n’ont plus rien

À
à se mettre sous la dent depuis longtemps. Ils comprennent que ce n’est
pas de Samarie que pourra leur venir le secours. Ils se dirent donc : Nous

ET
n’avons rien à perdre, allons voir du côté du camp des Syriens. À leur
arrivée, ils ont trouvé le camp abandonné. À mesure qu’ils avancent,
ils vont de surprise en surprise. La panique avait saisi cette armée
UE
redoutable et ils ont tout laissé sur place. Une fois repus, nos 4 lépreux
se regardent et disent : ce que nous faisons n’est pas bien ! Allons
annoncer à Samarie que les Syriens ont tout laissé sur place. C’est ainsi
IQ

que se réalise l’annonce de la délivrance d’Élisée. Les lépreux sont des


morts-vivants, mais ils ne sont pas sans compassion !
FR

a) Un signe de réprobation. La lèpre est manifestement un signe


de réprobation que Dieu “envoie” :
L'A

• Quand Il apparaît à Moïse dans le désert pour l’envoyer en


Égypte et que celui-ci demande des preuves, il lui donne pour
À

signes le serpent et la lèpre (Ex 4) ;


• Myriam est frappée de lèpre quand elle et son frère Aaron
É

parlent contre Moïse (Nb 12).


RV

b) Une punition. C’est aussi une punition qui frappe dans des
situations bien particulières :
SE

• Quand Guéhazi, serviteur du prophète Élisée va trouver


Naaman pour prendre de lui une partie des cadeaux que son

maître avait refusés, il est couvert de la lèpre. Lui et sa descen-


dance en sont frappés ;

83
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:50 Page84

• Lorsque le roi Ozias (2 Ch 26) prétend prendre la place des


sacrificateurs, il est frappé de lèpre par Dieu et il doit quitter le
temple précipitamment.

I
ÏT
c) Un retour possible vers le monde des vivants. La grande
différence entre ce qui est prévu dans les lois et les ordonnances

HA
de l’ancienne alliance et ce qui se passe dans la plupart des autres
cultures, concerne le sort des personnes dont la lèpre a disparu.
Jusqu’à aujourd’hui, de manière générale, une personne ayant eu

À
la lèpre, reste une personne pestiférée. Il lui est presque impossible
de revenir à une vie normale, de retrouver l’affection des siens et

ET
une place dans la société. C’est une des pires formes d’exclusion
qui soit. UE
Les règles données au peuple d’Israël dans le Lévitique (chap. 13-14)
ne concernent pas seulement des méthodes très précises pour
vérifier si la personne suspecte est effectivement affectée par la
IQ

lèpre, mais aussi tout un ensemble de prescriptions pour la purifi-


cation des “lépreux” lorsque la lèpre a disparu. A part les cas déjà
FR

mentionnés de Moïse, de Myriam et de Naaman, l’Ancien


Testament ne mentionne pas de cas de guérison. Mais il semble
assez évident qu’il devait y en avoir d’autres. Comment la petite
L'A

jeune fille, captive dans la maison de Naaman aurait-elle si


naturellement pensé à la différence du sort que son maître pour-
rait connaître s’il vivait en Israël ?
À
É

II. LA LÈPRE SOUS LA NOUVELLE ALLIANCE


RV

a) Avec la venue de Jésus, tout change. Tout au long de son


ministère, Jésus n’a cessé de manifester une attention particulière
SE

envers les “lépreux”. Parmi les tout premiers miracles, Matthieu le


situe juste après l’épisode du sermon sur la montagne, il y a la
purification d’un lépreux (Mt 8.1-4). Ensuite, son ministère

est jalonné de rencontre avec des lépreux. Dans l’épisode des


dix lépreux guéris à distance (Lc 17.11-19), Jésus leur ordonne

84
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page85

d’aller se montrer aux sacrificateurs comme l’ordonne la loi. Alors


qu’ils commencent à marcher leur purification intervient. En prenant
conscience de ce changement, neuf d’entre eux continuent leur

I
chemin, un seul fait demi-tour en rendant gloire à Dieu à haute

ÏT
voix et vient se prosterner devant Jésus. Il nous est dit que c’était

HA
un Samaritain. Jésus s’étonne qu’il soit le seul à revenir pour
exprimer sa reconnaissance. Il l’invite à se lever pour rentrer chez
lui. Ta foi t’a sauvé !

À
L’attention particulière de Jésus au problème de la lèpre vient
donner un message très fort : désormais, la malédiction que

ET
symbolise la lèpre est levée. En ciblant tout particulièrement ceux
sur lesquels la lèpre faisait peser un si lourd opprobre, Jésus se
révèle pleinement comme l’Agneau de Dieu qui a porté nos
UE
souffrances (És 53).

b) Purifier les lépreux fait partie du premier ordre de mission à


IQ

ses disciples. Lors du premier envoi en mission de ses disciples,


peu de temps après les avoir choisis il les envoie deux à deux
FR

dans les villes et les villages d’Israël. Il leur recommande expres-


sément de purifier les lépreux (Mt 10.8). Plus que d’une maladie,
il est ici, comme dans le lévitique, question d’impureté. Comme
L'A

je l’ai déjà indiqué, dans toutes les cultures, et donc aussi dans
celle du peuple de Dieu, la lèpre est signe de malédiction.
Elle symbolise le péché, avec lequel il existe de très nombreux
À

parallèles. Ce que la Bible nous enseigne au sujet de la lèpre peut


donc nous aider à mieux comprendre cet autre mal encore plus
É

terrible dont nous sommes tous victimes : le péché qui nous exclut
RV

de la présence de Dieu.
Nous savons cependant aujourd’hui qu’il s’agit d’une pathologie
SE

due à un bacille, assez proche de celui qui est responsable de la


tuberculose, mais ceci n’enlève rien au symbolisme que représente
la lèpre. Là où elle sévit aujourd’hui encore, l’Évangile est peu ou

pas encore parvenu.

85
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page86

c) La réintroduction (réinsertion) est un élément essentiel. C’est


déjà vrai sous l’ancienne alliance, même si nous n’avons que très
peu de récits de guérison. C’est aussi pour cela que Jésus demande

I
à ceux qu’il purifie, d’aller se présenter devant les sacrificateurs.

ÏT
Il s’agit de rendre témoignage de la réalité nouvelle en s’appuyant

HA
sur les ordonnances du Lévitique.
Avant de terminer son ministère, la semaine de sa mort sur la
croix, Jésus prend l’un de ses derniers repas dans la maison d’un

À
lépreux manifestement guéri et réinséré dans la société : Simon le
lépreux (Mt 26.6ss), le village de Béthanie, où Jésus aimait à se

ET
retrouver réunit encore une fois des personnes représentatives de
l’œuvre de notre Seigneur pendant son ministère. Elles sont aussi
un écho à l’ordre missionnaire donné à ses disciples dans
UE
Matthieu 10. Lazare a été ressuscité des morts ; Marie et Marthe
dont les vies ont été transformées, et Simon le lépreux. Ils sont des
témoins vivants dont les vies ont été changées. Ils ont retrouvé leur
IQ

place non seulement dans la présence de Dieu, mais aussi dans


la société.
FR

III. QUELS ENSEIGNEMENTS PRATIQUES POUR NOUS


L'A

AUJOURD’HUI ?
a) Un évènement particulier s’est produit dans la maison de
Simon le lépreux. Pendant que Jésus et ses amis sont installés pour
À

le repas, une femme s’approche de Jésus. Elle porte un vase d’albâtre


contenant un parfum précieux qu’elle répand sur la tête de Jésus.
É

L’Évangile de Jean (12.1ss) nous dit que c’est Marie, sœur de


RV

Marthe et de Lazare, et selon ce récit le parfum est répandu sur les


pieds de Jésus. Voyant cela, les disciples s’indignent de ce
SE

gaspillage. Ils suggèrent que ce parfum aurait pu être vendu pour


aider les pauvres. Ils ont bien compris que les pauvres ont besoin
d’être aidés. Ils ont eu l’occasion d’entendre leur Maître à plusieurs

reprises, inviter les riches à vendre tout ce qu’ils possèdent pour en


distribuer le produit aux pauvres (voyez par exemple le récit du

86
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page87

“jeune homme riche” qui désirait savoir comment hériter de la vie


éternelle (Mc 10.17ss) ou encore ce chef dans Luc 18.18ss.
Jésus reprend ses disciples en donnant raison à cette femme. Elle

I
a fait cela en vue de ma sépulture. Pourquoi lui faites-vous de la

ÏT
peine ? Il continue en leur disant qu’ils auraient toujours des

HA
pauvres à aider. Jésus met simplement les choses à leur place. Il
faut venir en aide aux pauvres. Mais ceci n’est pas au détriment
de l’honneur rendu à notre Sauveur. Les deux ne font qu’un. La

À
lèpre, telle que nous la connaissons aujourd’hui est une maladie
qui frappe dans les pays où sévit la grande pauvreté. Le manque

ET
d’hygiène et d’une alimentation équilibrée sont parmi les causes
principales qui la favorisent. Jésus ne nous demande pas de choisir
entre l’offrande et l’aide aux pauvres. Tant qu’il y aura des
UE
pauvres, Jésus laisse entendre qu’il y en aura toujours, tant que
nous serons sur terre, notre devoir de chrétien est aussi de leur
venir en aide. La plupart du temps, comme le suggère l’apôtre
IQ

Paul en écrivant aux Corinthiens à propos de la collecte organisée


en faveur des pauvres de la Judée, notre abondance pourvoira
FR

à leur indigence (2 Co 8.14). Il y a tant d’abondance que cela


permettrait largement de pourvoir aux besoins des plus pauvres.
L'A

b) Être (ré)-introduit dans le Royaume de Dieu. L’enseignement


biblique et les nombreuses expériences faites par ceux qui
travaillent dans le cadre de la lutte contre la lèpre aujourd’hui met-
À

tent en évidence l’importance de l’acte de purification de la lèpre.


Sous l’ancienne alliance, c’est un acte rituel du même ordre que ce
É

qui se pratiquait pour passer du profane au sacré. Par cet acte


RV

public, celui ou celle qui était auparavant condamné(e) à la


double peine d’un mal destructeur et du rejet hors du camp, exclu
SE

de la vie affective et sociale, était symboliquement lavé de


son impureté et publiquement rétabli dans la plénitude de sa
citoyenneté. Il pouvait revenir parmi les siens sans crainte.

Pendant des siècles, il n’existait aucun remède permettant vraiment


de guérir la lèpre. Je me souviens encore comme si c’était hier, de

87
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page88

ce que nous disait à la fin des années 60, le Pasteur Pierre Charles
Toureille, alors secrétaire de la Mission Évangélique contre la
Lèpre pour l’Europe. Nous l’avions reçu à Valleraugue dans le

I
Gard pour présenter la Mission à l’Église Méthodiste où nous

ÏT
étions comme jeune couple pastoral. C’est à ce moment-là que

HA
j’ai été invité à représenter nos Églises dans le Comité de la
Mission qui projetait de constituer une Association en France pour
représenter officiellement la Mission. “On ne peut pas guérir

À
la lèpre ; tout au plus peut-on dire d’un ancien malade qu’il est
blanchi” nous disait-il. À tout moment, la maladie pouvait refaire

ET
surface. Quelques années plus tard, en 1982, grâce à l’utilisation
combinée de plusieurs molécules, il est devenu possible de venir
à bout du bacille de la lèpre. Désormais, la guérison devenait
UE
possible. C’était une véritable révolution. La médecine avait fait
des progrès considérables, en grande partie grâce à la patience
et à la persévérance de médecins et de chercheurs, dont un bon
IQ

nombre faisaient partie de la Mission Évangélique contre la Lèpre.


Dieu leur a donné l’intelligence qui a permis cette avancée. Depuis
FR

ce moment-là, des millions d’hommes et de femmes, d’enfants et


de vieillards ont trouvé le chemin de la guérison.
L'A

Il en est de même pour le pécheur repentant qui vient à la croix et


obtient la grâce et le pardon. Depuis longtemps déjà, dans bien
des cas, l’œuvre du Saint-Esprit qui convainc de péché, de justice
À

et de jugement (Jn 18.8), et quelquefois apparemment de manière


très subite, la personne jusque-là séparée de Dieu trouve le chemin
É

vers la libération. Purifiée par le sang de Christ, elle est libre. Libre
RV

par rapport à l’esclavage du péché, libre dans sa conscience, cet


homme, cette femme, peut maintenant repartir avec la certitude
que la page de sa vie passée est définitivement tournée. Le Psaume
SE

103 exprime bien cette vérité, particulièrement le verset 12 :


“Autant l’orient est éloigné de l’occident, Autant il éloigne de nous
nos offenses”.

88
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page89

c) Les conséquences de la lèpre ne peuvent pas toujours être


éliminées. Si la lèpre peut aujourd’hui être guérie, grâce à ces
médicament qu’une grande firme pharmaceutique met gratui-

I
tement à la disposition des équipes médicales dans le monde

ÏT
entier, et grâce à la générosité de nombreux chrétiens qui soutiennent

HA
ce travail par leurs dons généreux et leurs prières, il reste hélas
souvent des conséquences graves qui handicapent les anciens
malades. Les conséquences ne sont pas la lèpre, mais elles empoi-

À
sonnent encore des centaines de milliers d’hommes et de femmes.
Souvent elles encouragent la société à maintenir ces personnes

ET
dans l’exclusion. Là aussi, de remarquables chirurgiens, comme
le Dr Paul Brand, des ergothérapeutes et d’autres spécialistes
ont permis de faire des progrès spectaculaires pour réduire ou
UE
surmonter ces conséquences.
Ce sont des illustrations remarquables de la réalité spirituelle.
Quand une personne se tourne vers le Christ dans son jeune âge,
IQ

les conséquences du péché sont souvent peu importantes. Mais


si la rencontre avec le Christ intervient plus tard dans la vie, il
FR

arrive que les ravages du péché soient importants aussi bien sur le
plan physique que sur le plan moral. Un ancien malade de la
L'A

lèpre qui est resté pendant des années sans soin devra peut-être
être amputé d’une jambe ou d’un bras à cause de la gangrène qui
s’y est installée. Même guéri, le membre amputé ne reviendra
À

pas ! Le pire des malfaiteurs peut compter sur le pardon total et


irréversible qui découle de la mort de Jésus sur la croix. Mais
É

s’il a commis des meurtres, ceux auxquels il a enlevé la vie ne


RV

ressusciteront probablement pas suite à sa repentance. Mais la


réalité du pardon et l’œuvre du Saint-Esprit, s’appuyant peut-être
aussi sur le ministère de frères et de sœurs que Dieu mettra
SE

sur son chemin, permettront au pécheur repenti de surmonter en


lui-même ces conséquences et de trouver la paix qui surpasse toute
intelligence. Malgré ses handicaps, il pourra trouver sa vraie place

dans le royaume de Dieu.

89
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page90

CONCLUSION
Nous le voyons, la lèpre est loin d’être un sujet marginal ou qui ne nous
concernerait plus, nous chrétiens du 21ème siècle, vivant dans le monde

I
ÏT
occidental.

HA
1. Il nous concerne parce qu’il fait partie de ces choses que Dieu
a données pour notre instruction, comme la Loi dont Paul nous
dit qu’elle est un pédagogue qui conduit à Christ (Ga 3.24).

À
Nous aurions bien tort de négliger l’enseignement contenu dans ce
symbole.

ET
2. Au travers de son action, de son enseignement et par sa
mort sur la croix, Jésus est venu mettre un terme définitif à la
malédiction que symbolise si bien la lèpre, pour tous ceux qui
UE
croient en Lui.
3. Tout comme le médicament, offert généreusement permet
IQ

aujourd’hui la guérison de la lèpre en tant que maladie, le sang


de Jésus nous purifie de tout péché et nous rend libre.
FR

4. Que les conséquences de nos péchés soient terribles ou peut-


être peu importantes, nous avons besoin de l’œuvre libératrice du
L'A

Saint-Esprit. Par son action, la sanctification devient une réalité.


Nous sommes réhabilités dans notre position d’hommes et de
femmes créés à l’image de Dieu. Nous pouvons être au bénéfice
À

de la paix de Dieu dans nos cœurs. Nous ne sommes plus


des exclus. Le Saint-Esprit rend témoignage à notre esprit,
É

que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8.16) et nous le sommes


RV

(1 Jean 3.1).

Amen.
SE

90
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page91

QUELQUES ANALOGIES ENTRE LA LÈPRE ET LE PÉCHÉ

La lèpre Le péché

I
ÏT
Un mal sournois Le péché est tapi à ta porte (Gn 4.7) Caïn

HA
Impitoyable Nous en sommes tous atteints (Rm 3)

Lèpre = malédiction Péché = mort spirituelle

Isole Nous sépare de Dieu d’abord & des hommes

À
Rend insensible car elle affecte les nerfs Nous sommes privés du lien vital au Créateur

ET
L’absence de souffrance est catastrophique, Nous connaissons le bien et le mal mais
elle ouvre la porte à tous les dangers sommes incapables de rejeter le mal

La douleur avertit d’une menace Notre conscience cesse de nous avertir


UE
Une petite blessure dégénère vite en ulcère Qui vole un œuf, vole un bœuf !

La lèpre n’est pas mortelle Physiquement le péché n’est pas mortel


IQ

Ce sont les conséquences qui le sont Bien que vivants nous sommes
spirituellement morts
FR

Mais aujourd’hui le remède existe En Christ aussi nous avons le remède

Il est gratuit pour le malade Le don de Dieu c’est le pardon et la vie


L'A

Encore faut-il que le mal soit identifié La prise de conscience de l’état de péché
est indispensable

Divers moyens peuvent amener Dieu parle à tous les hommes tantôt d’une
À

à l’identification et aux soins manière tantôt d’une autre (Elihou à Job)

Les équipes sont sur le terrain Les disciples de Jésus ont été envoyés vers
É

les extrémités de la terre


RV

Elles ont besoin du soutien par la prière Il en est de même pour les disciples

Elles ont besoin de formation Jésus a consacré 3 ans pour les former
SE

Elles ont besoin de moyens Les missionnaires aussi

Des hommes et des femmes qui étaient Vous étiez morts et maintenant vous êtes

à terre se relèvent et prennent leur place vivants


dans la société

91
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page92

PRÉSENTATION DU LIVRE

Management et

I
ÏT
accompagnement

HA
spirituel

À
ET
Anselm Grün,
Friedrich Assländer
Desclée de Brouwer,
UE
Paris 2008,
270 p., 19 €.
IQ

Traduit de l’allemand
par Charles Chauvin
FR

et Yves-Noël Lelouvier
L'A

La société Orange-France Télécom doit une large part de sa célébrité,


À

non à la qualité du service qu’elle propose, mais à son management dit


“par la souffrance” visant probablement à pousser quelques milliers de
É

salariés à la démission, avec comme conséquence plus d’une vingtaine


RV

de suicides. L’accompagnement pastoral de salariés et de cadres ne


laisse place à aucun doute sur la violence et les puissances qui souvent
SE

régissent le monde de l’entreprise, mais un autre management est


possible.

Ce livre a été écrit à deux plumes, celle de Friedrich Assländer, conseiller


d’entreprise, et celle d’Anselm Grün, auteur fécond et moine bénédictin

92
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page93

(d’où une constante mais intéressante relation à la règle monastique).


Leur projet est d’accompagner des managers (chrétiens ?) à penser
chrétiennement l’esprit, et sa mise en œuvre, de leur responsabilité

I
managériale. Cet ouvrage est un manuel pratique, composé de courts

ÏT
chapitres sur des thèmes précis, accompagnés d’exercices d’appro-

HA
priation personnelle, exercices auxquels il vaut de se prêter, puis d’un
texte dit d’approfondissement.

À
Le premier chapitre “Diriger et être dirigé” pose les bases. Diriger n’est
pas la mise en œuvre mécanique de relations hiérarchiques unilatérales,

ET
mais d’abord l’influence que le dirigeant doit avoir par la sécurité et l’au-
dace qu’il représente pour ses collaborateurs. “Diriger implique aussi
änder
toujours le souci de susciter la vie chez les subordonnées et d’être à leur
ouwer,
UE
service comme nous y invite Jésus”, page 21. Un point clé de la
. démarche des auteurs est que pour diriger, il faut être soi-même dirigé :
“La tâche centrale et décisive du dirigeant est l’obligation permanente de
IQ

lemand
Chauvin s’améliorer lui-même”, page 23. C’est à la fois “se conduire soi-même”,
autrement dit, la discipline que l’on se donne à soi, et “être dirigé” en
FR

elouvier
commençant par identifier ce qui aujourd’hui nous dirige : “Par qui et
par quoi suis-je influencé et dirigé ?”. Ce sont là les conditions d’une
L'A

relation authentique dont le chapitre sur la communication va établir


les difficultés et les promesses. Une caractéristique de l’approche du
management par ces deux auteurs est l’exigence de travail sur soi, de
À

connaissance de soi auquel le dirigeant ne doit pas se soustraire. Nous


avons été particulièrement sensible au chapitre 4 traitant du rôle des
É

valeurs dans l’exercice de l’autorité, avec ses sous-chapitres “Diriger


RV

en fonctions de vertus cardinales” : “justice, courage, juste mesure,


prudence et sagesse” et “Diriger en fonction des vertus chrétiennes :
la foi, l’espérance et l’amour”, ainsi qu’au chapitre 8 “La direction
SE

comme tâche spirituelle” dont le paragraphe “la direction vue dans


l’enseignement de Jésus de Nazareth”.

Ce manuel sera utile bien sûr dans l’accompagnement spirituel


des cadres, des managers, de tous ceux qui ont une position de

93
CAHIER N°78 interieur:CAHIER N°78 interieur 12/12/10 22:51 Page94

responsabilité impliquant une autorité sur d’autres. C’est son premier


objectif. Il se révèle également utile au pasteur voulant lui-même penser
et vivre son rôle d’autorité de façon plus profondément chrétienne. Enfin

I
signalons que cet ouvrage s’est montré très riche lors d’une journée

ÏT
de retraite d’un conseil d’Église où quelques pages furent librement

HA
commentées au fil de leur lecture et permirent des échanges très riches et
féconds. Ami lecteur ne te laisse pas rebuter par quelques évocations
marginales du zen. Le fond et l’enracinement de cet ouvrage sont

À
résolument chrétiens.

ET
UE RICHARD GELIN
IQ
FR

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