Deside « Les vraies ambitions de Deng Xiaoping »

Hayden
T°3 Par Xiaohong Xiao-Planes

1-Après avoir mené une courte recherche, présentez l’auteur en insistant sur son parcours et ses
travaux.

Xiaohong XIAO-PLANES a dispensé des cours sur la langue et la civilisation chinoises à l'Université
Paris Nanterre avant de se consacrer à l’enseignement d’histoire contemporaine de la Chine à
l'Institut national des langues et civilisations orientales. Elle est rattachée au centre de recherche
INALCO-ASIEs et collabore en tant que membre associé avec le centre de recherche sur la Chine
moderne et contemporaine de l'EHESS. En mars 2024 elle publie « Histoire de la République
Populaire de Chine – 2e édition », relatant la montée en puissance de la Chine de 1949 à aujourd’hui.

2-En 1975, quel est le projet annoncé par Zhou Enlai ? Pourquoi est-il nécessaire ? Que prévoit Deng
lorsqu’il relance le projet en 1977 ?

En 1975, Zhou Enlai, Premier ministre de la RPC présente le projet des Quatres Modernisations dont
le but est de développer l’agriculture, l’industrie, la défense nationale et les sciences et technologies
chinoises. L’objectif est aussi de s’allier avec le monde occidental et former un front antisoviétique
commun. Quand Deng se rend en France et constate les avancées occidentales il remarque le retard
accumulé par la Chine et affirmera plus tard qu’ils ont perdu 20 ans entre 1958 et 1978, il était
nécessaire pour la Chine de rattraper leur retard et de bâtir des relations solides avec les pays
occidentaux pour élever leur rang mondial. Lorsque Deng reprend le projet en 1977 il prévoit une
multiplication par deux du PNB en dix ans et par quatre en vingt ans afin de se rapprocher du rang
des pays développés

3- Comment Deng procède-t-il pour bâtir la paix ?

Afin d’accomplir correctement les Quatres Modernisations, Deng sait pertinemment que la Chine a
besoin d’un environnement de paix, alors il s’emploie à en construire un. Dans la continuité de la
politique extérieure initiée par Mao Zedong et Zhou Enlai, la Chine établit des liens officiels avec les
États-Unis en 1979 et renforce ses relations avec plusieurs nations occidentales. De plus, un traité de
paix et d'amitié est signé avec le Japon, mettant fin aux tensions des années 1930-1940. Deng
Xiaoping, à la tête du pays, s'éloigne progressivement de la vision maoïste de révolution mondiale,
cesse son soutien aux mouvements communistes en Asie du Sud-Est, et abandonne l'idée que la
Chine doive diriger les nations non-alignées et en développement. Il privilégie une approche
diplomatique basée sur l'égalité et l'autonomie entre les nations. Entre janvier 1978 et février 1979,
sur une période de quatorze mois, il réalise cinq voyages internationaux, se rendant tour à tour en
Birmanie, au Népal, en Corée du Nord, au Japon, en Thaïlande, en Malaisie, à Singapour et aux États-
Unis. Ces déplacements visent à rassurer les pays voisins, à améliorer les relations avec des voisins
méfiants, à gagner le soutien du Japon et des États-Unis pour la modernisation de la Chine, et à
limiter l'influence de l'Union soviétique. Par ailleurs à l'exception d'une visite secrète en Corée du
Nord en avril 1982, il limite ensuite ses voyages internationaux. Par la suite il s’assurera de limiter les
stratégies soviétiques avec l’attaque éclair contre le Vietnam (17 février-16 mars) et en leur faisant
retirer leurs troupes du Cambodge tout en s’alliant avec les Etats-Unis contre l’URSS par une
coopération scientifique, technique et militaire. Ensuite avec l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev les
relations avec l’URSS se pacifieront (réconciliation en mai 1989 à Pékin). Finalement la Chine renforce
ses liens avec les pays membres de l'Association des nations du Sud-Est asiatique et renouvelle ses
relations avec le Vietnam.

Adoptant une posture discrète tant en Asie qu'à l'échelle mondiale, elle vise à garantir un
environnement stable et pacifique pour faciliter sa transition interne et son intégration au sein de la
communauté internationale.

4-Présentez le parcours de Deng avant son arrivée au pouvoir ?

Né en 1904 à Sichuan, Deng Xiaoping débute sa carrière politique en France dans les années 1920 en
tant qu'ouvrier au Creusot puis à Montargis, où il rejoint la section européenne du Parti communiste
chinois (PCC). De retour en Chine en 1927, il s'engage dans le Jiangxi aux côtés de Mao Zedong et
participe à des événements majeurs comme la Longue Marche en 1934 et la guerre sino-japonaise de
1937-1945. Après la victoire communiste en 1949, il intègre le Comité central du PCC et connaît une
ascension rapide. Cependant, ses divergences avec Mao, qu'il estime trop idéaliste, le poussent à
l'écart lors de la Révolution culturelle de 1966. Rappelé en 1973 comme vice-Premier ministre et chef
de l'état-major, il supervise la diplomatie, redresse l'économie et restructure l'armée. Bien qu'évincé
à nouveau en 1975 par Mao, il est réhabilité en 1977 après la mort de ce dernier et l'arrestation de la
"bande des quatre". À 73 ans, bien qu'il ne soit ni président ni secrétaire général du Parti, il devient
l'homme fort de la Chine en tant que chef de l'état-major et membre permanent du Bureau politique.

5-Comment Deng réforme-t-il le pays pour mettre fin aux disettes ?

Deng Xiaoping partageait l'ambition de Mao de transformer la Chine d'un pays pauvre et sous-
développé en une nation riche et puissante. Cependant il critiquait Mao pour ses idées utopiques, sa
vision de diriger une révolution mondiale et ses méthodes basées sur la lutte des classes et
l'idéologisation des masses. Cette divergence l'a conduit à contester la plupart des orientations de
Mao. Deng a œuvré pour réconcilier le Parti communiste chinois (PCC) avec les intellectuels, les
scientifiques et les élites sociales, des groupes méprisés sous l'ère de Mao. Il a également réhabilité
les millions de victimes de la Révolution culturelle de 1966. En décembre 1978, lors du 3e plénum du
PCC, une décision importante a été prise pour mettre fin à la lutte des classes et prioriser le
développement économique du pays. Face aux défis idéologiques, bureaucratiques et corporatistes,
Deng a adopté une stratégie de réforme progressive, en commençant par le secteur agricole, qui
représentait 80% de la population chinoise à l'époque. Entre 1978 et 1983, son équipe a mis en place
un processus de décollectivisation rurale. Bien que la terre soit restée une propriété collective, les
paysans ont été autorisés à vendre leurs produits au-delà d'un quota fixé par contrat avec l'État.
Le gouvernement a augmenté les prix agricoles et a garanti l'autonomie d'entreprise des paysans,
respectant leurs contrats et droits de propriété. Grâce à ces réformes, de nombreux agriculteurs se
sont diversifiés dans des productions plus rentables, comme l'élevage, la pisciculture et la culture de
fruits et légumes. En moins d'une décennie, la Chine a surmonté la famine, et le niveau de vie des
zones rurales s'est considérablement amélioré, se rapprochant de celui des zones urbaines.

6-Qu’est-ce qu’une ZES ?

En 1979, quatre "zones économiques spéciales" ont été établies sur la côte chinoise : Shenzhen,
Zhuhai, Shantou et Xiamen. Ces zones ont été créées dans le contexte de la politique d'ouverture
économique lancée par Deng Xiaoping en 1978. L'objectif était d'attirer les investissements étrangers
et de stimuler les échanges commerciaux internationaux en offrant des avantages douaniers et
fiscaux. Ces ZES, régies par l'économie de marché, représentent une exception dans le modèle
économique de la République populaire de Chine. Depuis leur création, de nouvelles zones franches
ont été ouvertes, et certaines sont encore en cours de construction.

7-Quelle est l’utilité de la diaspora chinoise ?

Vers l’an 2000, environ 30 millions de personnes chinoise, sont dispersées dans le monde, les
diasporas. Plus 30 millions d'individus de Hong Kong, Macao et Taïwan, désignés par les Chinois
comme « compatriotes ». Suite aux réformes de Deng Xiaoping, ces communautés ont gagné en
importance dans leurs pays d'accueil et ont renforcé les relations sino-étrangères. En s'impliquant
dans les zones économiques spéciales (ZES) des régions côtières durant les années 1980, ces
expatriés ont représenté 90 % des visiteurs étrangers et ont contribué à 80 % des investissements
étrangers, soulignant leur rôle majeur dans l'ouverture économique de la Chine. Historiquement, les
migrations chinoises vers l'Asie du Sud-Est ont commencé sous la dynastie des Song, mais une
importante vague d'émigration s'est produite au XIXe siècle vers les Amériques, l'Afrique du Sud, les
Caraïbes et l'océan Indien. Ces départs ont été interrompus lors de l'invasion japonaise de 1937 et
ont repris seulement en 1980. Malgré le traitement négatif pendant la Révolution culturelle, ces
émigrés ont été considérés comme des patriotes après 1980 et ont été vivement encouragés par
Pékin. Outre leur rôle économique, les diasporas chinoises jouent également un rôle culturel en
introduisant de nouvelles productions et en relayant le patrimoine chinois à l'étranger.

8-Comment Deng défend-il la cohésion nationale à tout prix ?

La réforme agricole, l'émergence d'entreprises dans les zones rurales et la création des Zones
Économiques Spéciales (ZES) changent le système économique planifié en Chine. En 1988, Deng
Xiaoping persuade les dirigeants du Parti de libérer les prix et les salaires. Cependant, il sous-estime
les problèmes liés à l'inflation. Cette tentative échoue et Deng doit attendre trois ans pour relancer la
réforme. En 1991-1992, Deng voyage dans le sud de la Chine. Il introduit le concept d’ « économie
socialiste de marché » pour l'avenir. Jiang Zemin et Zhu Rongji, les nouveaux leaders, appliquent cette
politique, permettant à la Chine de rejoindre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001.
Ainsi, Deng réussit à intégrer la Chine dans l'économie mondiale. Le Parti communiste chinois (PCC),
affaibli par la Révolution culturelle, est crucial pour la cohésion de la Chine. Deng souhaite renforcer
le rôle du PCC dans la modernisation du pays. En 1979, il réitère les « quatre principes fondamentaux
» du Parti, y compris le maintien du socialisme et la référence à Mao Zedong.
Deng cherche également à revitaliser le Parti en introduisant des réformes. Il met fin à l'inamovibilité
des hauts responsables du Parti, instaure des limites d'âge et crée un système de retraite attractif.
Sous la direction de Hu Yaobang, des jeunes cadres talentueux sont promus. Ces réformes préparent
le terrain pour les futurs dirigeants, y compris l'actuel président Xi Jinping. De plus Deng applique une
réforme politique contraire aux démocraties occidentales qui séparent les pouvoirs (ce qui remet en
cause la notion de cohésion sociale). En 1987, malgré les oppositions au sein du gouvernement il
propose son programme. Il vise à séparer clairement les rôles du Parti et de l'État. Il souhaite donner
plus d'indépendance aux syndicats, mais il restreint certaines libertés publiques comme la liberté de
presse, d'association et de rassemblement. Ce programme est soutenu par les réformateurs et les
intellectuels qui espèrent voir une évolution vers une démocratisation du régime, à la manière des
réformes de Gorbatchev en URSS. Cependant, ces espoirs sont rapidement balayés par les
événements de 1988-1989.